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NO 2698

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 avril 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

Sur le rapport quinquennal de l’Agence européenne pour l’environnement relatif à l’état et aux perspectives de l’environnement en Europe,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Arnaud LEROY

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Nicolas SANSU, Gilles SAVARY

SOMMAIRE

___

Pages

A. LE RAPPORT QUINQUENNAL DE L’AGENCE EUROPÉENNE POUR L’ENVIRONNEMENT, UN VADE MECUM POUR LES DÉCIDEURS POLITIQUES EUROPÉENS AFIN D’APPROFONDIR LES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES ET DE DÉGAGER DES MOYENS EN FAVEUR DU RENFORCEMENT DES CONNAISSANCES 5

1. Le rapport quinquennal, au cœur des missions de l’Agence européenne pour l’environnement 5

a. La mission de l’Agence européenne pour l’environnement 5

b. La structure du rapport quinquennal 6

2. Une réflexion inscrite dans le temps long mais qui confère des obligations immédiates 7

a. La perspective de 2050, horizon long du 7e programme d’action pour l’environnement 7

b. Le nécessaire recalibrage rapide des connaissances et des politiques environnementales 8

B. UN RAPPORT QUI MESURE L’AMPLEUR DU CHEMIN HEUREUSEMENT PARCOURU EN MATIÈRE DE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE EUROPÉENNE MAIS QUI DÉPLORE DE NOMBREUSES LACUNES ET S’INQUIÈTE DE LEURS CONSÉQUENCES ÉCOLOGIQUES ET SANITAIRES GRAVES 11

1. Méthodologie 11

a. En phase avec le 7e programme d’action pour l’environnement 11

b. Tendances et perspectives 12

2. Un bilan en demi-teinte 12

a. Un capital naturel en péril 12

b. Des résultats à confirmer en matière d’utilisation efficace des ressources et de société faiblement carbonée 13

c. Des indicateurs de santé environnementale préoccupants 13

3. Les questions environnementales, soumises à des logiques systémiques 14

a. Les tendances de long terme 14

b. Les résistances des systèmes socio-économiques aux politiques environnementales 15

c. Des défis planétaires 15

C. UN RAPPORT QUI LANCE UN APPEL EN FAVEUR DE LA MUTATION FONDAMENTALE DES SYSTÈMES DE PRODUCTION ET DE CONSOMMATION, AFIN DE GARANTIR LA DURABILITÉ À LONG TERME DE L’EUROPE ET D’AMORCER LA TRANSITION VERS UNE ÉCONOMIE VERTE 17

1. Imaginer un paquet politique autour de quatre nouvelles approches 17

2. Construire un cadre législatif optimal 18

a. Mise en œuvre des politiques 18

b. Investissements pour l’avenir 18

c. Intensification des innovations de niche 18

d. Élévation des connaissances 19

3. Profiter du contexte institutionnel pour passer rapidement aux actes 19

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

A. LE RAPPORT QUINQUENNAL DE L’AGENCE EUROPÉENNE POUR L’ENVIRONNEMENT, UN VADE MECUM POUR LES DÉCIDEURS POLITIQUES EUROPÉENS AFIN D’APPROFONDIR LES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES ET DE DÉGAGER DES MOYENS EN FAVEUR DU RENFORCEMENT DES CONNAISSANCES

1. Le rapport quinquennal, au cœur des missions de l’Agence européenne pour l’environnement

a. La mission de l’Agence européenne pour l’environnement

L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a été constituée en 1994. En qualité d’agence décentralisée de l’Union européenne, elle est indépendante des institutions communautaires, particulièrement de la Commission européenne. Elle a pour mission de fournir des informations fiables et objectives à propos de la situation de l’environnement et de la portée des politiques menées en la matière, afin que les services de la direction générale Environnement, chargés de la conception et de l’exécution des législations, ne soient plus juge et partie. Elle se situe par conséquent à l’interface entre la sphère scientifique et la sphère politique.

Elle travaille au profit :

– des institutions européennes ;

– des trente-neuf États qu’elle fédère :

• les trente-trois pays adhérents, à savoir les vingt-huit États membres de l’Union européenne plus l’Islande, le Lichtenstein, la Norvège, la Suisse et la Turquie ;

• les six pays coopérants, à savoir les pays des Balkans occidentaux candidats à l’adhésion à l’Union européenne que sont l’Albanie, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro et la Serbie ;

– des organisations non gouvernementales (ONG), des groupes de pression, des médias, des entreprises, des scientifiques et des experts ;

– des opinions publiques.

Basée à Copenhague, elle a plus précisément pour mandat d’aider ses pays membres et l’Union européenne à prendre des décisions en connaissance de cause en vue d’améliorer l’environnement, d’intégrer des considérations environnementales dans les politiques économiques et de s’orienter vers la durabilité, à partir des données collectées et analysées par le réseau européen d’information et d’observation pour l’environnement (EIONET2), qui implique quelque 350 organismes et 1 000 experts.

À cet effet, elle produit un rapport quinquennal, intitulé État et perspective de l’environnement européen (SOER3), dont la dernière livraison vient d’être publiée, le 3 mars 20154.

b. La structure du rapport quinquennal

Cette somme est constituée de 87 fiches, rédigées uniquement en anglais, ce que l’on peut déplorer :

– 25 fiches thématiques ;

– 9 fiches de benchmarking international ;

– 39 fiches nationales pour chacun de ses États membres ou coopérants ;

– 3 fiches macro-régionales concernant :

• l’Arctique ;

• la mer Noire ;

• la Méditerranée ;

– 11 fiches sur les « mégatendances » environnementales mondiales, intitulées :

• des évolutions démographiques divergentes ;

• vers un monde plus urbanisé ;

• le fardeau des maladies et le risque pandémique en transformation ;

• l’accélération du changement technologique ;

• une croissance économique continue ? ;

• un monde de plus en plus multipolaire ;

• l’intensification de la compétition mondiale pour les ressources ;

• des pressions grandissantes sur les écosystèmes ;

• un changement climatique aux conséquences de plus en plus sévères ;

• une pollution environnementale croissante ;

• des approches de gouvernance diversifiées.

Un document de synthèse, d’ores et déjà disponible en anglais et en français, sera publié dans toutes les langues officielles de l’Union européenne. Votre rapporteur propose de vous en présenter les grandes lignes.

2. Une réflexion inscrite dans le temps long mais qui confère des obligations immédiates

L’exercice auquel se livre l’AEE est délicat : conformément à son mandat, elle doit pointer, sans concession, les limites voire les erreurs des politiques environnementales et climatiques européennes, mais sans pour autant se montrer trop négative, ce qui verserait de l’eau au moulin des lobbies détracteurs de ces politiques, toujours prompts à prétendre qu’elles coûtent cher au regard de leurs résultats. En préalable à son analyse, votre rapporteur tient à souligner qu’une politique publique affichant des demi-succès est à mettre à l’actif de l’Union européenne, surtout quand les objectifs assignés sont ambitieux.

a. La perspective de 2050, horizon long du 7e programme d’action pour l’environnement

Au cours des quarante dernières années, l’Europe a mis en œuvre des politiques environnementales et climatiques qui ont impacté positivement le fonctionnement des écosystèmes, mais aussi le cadre de vie des citoyens et la santé publique. Dans de nombreuses régions européennes, l’environnement local est en aussi bon état aujourd’hui qu’il l’était au début de l’industrialisation, grâce aux actions concrètes menées en matière de réduction de la pollution, de protection de la nature ou encore de gestion des déchets.

Les politiques environnementales créent également des potentialités économiques et contribuent ainsi à la stratégie Europe 2020

5, qui vise à faire de l’Union européenne une économie intelligente, durable et inclusive d’ici à 2020. Par exemple, le marché de l’industrie environnementale, qui produit des biens et services économes en ressources naturelles et donc à faible impact sur l’environnement, a connu une extension de plus de 50 % entre 2000 et 2011 ; depuis la crise financière de 2008, c’est l’un des rares secteurs économiques à avoir prospéré en termes d’emplois, de revenus et de volumes commerciaux.

Malgré ces améliorations environnementales, les défis auxquels l’Europe est confrontée sont considérables.

Le capital naturel européen a été dégradé par les activités socio-économiques comme l’agriculture, la pêche, les transports, l’industrie, le tourisme et l’étalement urbain. En outre, depuis les années 1990, les pressions mondiales sur l’environnement ont augmenté à un rythme sans précédent, tirées par la croissance économique et démographique, ainsi que par l’évolution des modes de consommation.

D’un autre côté, grâce à la compréhension croissante des défis environnementaux de l’Europe et de leur interdépendance avec les systèmes économiques et sociaux, il est maintenant reconnu que le capital de connaissances à disposition et les améliorations de gouvernance ne suffisent pas pour répondre aux enjeux.

Fondé sur des données et des informations provenant de nombreuses sources publiées, le SOER 2015 évalue l’état, les tendances et les perspectives de l’environnement européen dans le contexte mondial à l’horizon long de 2050, dans l’esprit du 7e programme d’action pour l’environnement6 (PAE).

b. Le nécessaire recalibrage rapide des connaissances et des politiques environnementales

En outre, il analyse les possibilités de recalibrage des connaissances et des politiques, en vue d’améliorer les performances environnementales de l’Union européenne. Car cette analyse doit être avant tout considérée comme un outil à la disposition des décideurs européens. Sa publication intervient au début du mandat d’une Commission européenne qui a fixé comme priorité l’objectif de « mieux légiférer » ; cela doit être perçu comme une opportunité à saisir.

M. Karmenu Vella, commissaire européen chargé de l’environnement, des affaires maritimes et de la pêche, a ainsi déclaré :

« Je considère le rapport 2015 sur l’état de l’environnement comme la “ligne de départ” de mon mandat. Le rapport indique clairement que les politiques environnementales de l’UE portent leurs fruits. Elles créent également des emplois. La croissance spectaculaire de l’économie verte, même pendant les pires années de la récession, est de bon augure pour la compétitivité de l’Europe.

Nous devons toujours rester vigilants, pour faire en sorte qu’une bonne politique, correctement mise en œuvre, soit synonyme d’excellents résultats dans le domaine de l’environnement, que ce soit sur terre ou en mer. Les investissements innovants destinés à sauvegarder la prospérité et la qualité de vie constituent une priorité. Les investissements à long terme que nous réalisons aujourd’hui peuvent nous garantir qu’en 2050 nous vivrons bien et dans les limites de notre planète. »

Si l’Agence européenne a publié son rapport de façon un peu précipitée, en début d’année – alors que le précédent était sorti en novembre 2010 –, c’est justement pour qu’il puisse être porté au dossier du commissaire Vella très peu de temps après son entrée en fonctions et que le nouveau collège de la Commission européenne puisse en tenir compte dans ses réflexions initiales.

Le SOER s’intercale entre deux exercices de même nature, les questions environnementales devant évidemment être traitées de front à tous les échelons territoriaux :

– au niveau national, le Commissariat général au développement durable a publié, en octobre 2014, son rapport quadriennal7 ;

– au niveau mondial, l’Organisation des Nations unies (ONU) s’apprête à publier son « Rapport mondial sur le développement durable » (GSDR8), exercice quadriennal qui a été institué à la suite de la Conférence international sur le développement durable de 2012 Rio+20.

B. UN RAPPORT QUI MESURE L’AMPLEUR DU CHEMIN HEUREUSEMENT PARCOURU EN MATIÈRE DE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE EUROPÉENNE MAIS QUI DÉPLORE DE NOMBREUSES LACUNES ET S’INQUIÈTE DE LEURS CONSÉQUENCES ÉCOLOGIQUES ET SANITAIRES GRAVES

1. Méthodologie

a. En phase avec le 7e programme d’action pour l’environnement

Le rapport se cale sur les trois objectifs clés identifiés dans le 7e PAE :

– protéger, conserver et améliorer le capital naturel de l’Union européenne, fondement de la prospérité économique et du bien-être humain :

• biodiversité dans les milieux terrestres et d’eau douce ;

• utilisation des terres et fonctions des sols ;

• état écologique des nappes phréatiques ;

• qualité de l’eau et charge en nutriments ;

• pollution de l’air et impacts sur les écosystèmes ;

• biodiversité marine et côtière ;

• impact du changement climatique sur les écosystèmes ;

– stimuler un développement économique et social de l’Union européenne efficace dans l’utilisation des ressources, vert, compétitif et faiblement émetteur de carbone :

• efficacité des ressources en matériaux ;

• gestion des déchets ;

• émissions de gaz à effet de serre et atténuation du changement climatique ;

• consommation d’énergie et utilisation de combustibles fossiles ;

• demande en moyens de transport et impacts environnementaux liés ;

• pollution industrielle de l’air, du sol et de l’eau ;

• utilisation de l’eau et pression sur la ressource en eau ;

– sauvegarder les citoyens de l’Union européenne contre les pressions et les risques pour la santé et le bien-être liés à l’environnement :

• pollution de l’eau et risques induits pour la santé ;

• pollution de l’air et risques induits pour la santé ;

• pollution sonore, spécialement en milieu urbain ;

• systèmes urbains et infrastructures vertes ;

• changement climatique et risques induits pour la santé ;

• produits chimiques et risques induits pour la santé.

b. Tendances et perspectives

Sur chacun de cette vingtaine de sous-objectifs, l’AEE s’est efforcée :

– de mettre en évidence les tendances :

• constatées au cours des cinq à dix dernières années ;

• prévisibles à long terme, à un horizon de dix ans.

– de tracer des perspectives réalistes de transformation, en fonction des besoins humains et écologiques.

2. Un bilan en demi-teinte

Malgré les nombreuses améliorations enregistrées dans chacun de ces domaines, des défis importants demeurent.

a. Un capital naturel en péril

Le capital naturel de l’Europe n’est pas encore protégé, conservé et amélioré à la mesure des ambitions fixées dans le 7PAE9. La réduction de la pollution a certes considérablement amélioré la qualité de l’air et de l’eau en Europe mais les pertes de fonctions des sols, les dégradations des terres et les changements climatiques demeurent des préoccupations majeures, menaçant les flux de biens et services environnementaux.

En dépit de l’extension du réseau Natura 2000 – qui couvre aujourd’hui 18,4 % du territoire communautaire – quelque 60 % des espèces protégées et 77 % des types d’habitats sont dans un état défavorable de conservation. L’agriculture reste une source de pollution massive, par ruissellement des engrais dans les eaux de surface comme dans les nappes phréatiques. Au total, même si certains de ses objectifs particuliers sont respectés, l’Europe n’est pas en voie d’atteindre son objectif global d’enrayer la perte de biodiversité d’ici à 202010. La question est d’autant plus grave que, dans le futur, les impacts du changement climatique devraient s’intensifier et les facteurs à l’origine de la perte de biodiversité devraient persister.

b. Des résultats à confirmer en matière d’utilisation efficace des ressources et de société faiblement carbonée

En ce qui concerne l’efficacité de l’utilisation des ressources et la société faiblement carbonée, les tendances à court terme sont plus encourageantes11. En dépit d’une croissance de 45 % de la production économique, les émissions de gaz à effet de serre en Europe ont diminué de 19 % depuis 1990. D’autres pressions environnementales sont dorénavant décorrélées de la croissance économique. L’utilisation de combustibles fossiles a diminué, tout comme les émissions de certains polluants provenant des transports et de l’industrie. Le total des ressources utilisées dans l’Union européenne a diminué de 19 % depuis 2007. Presque tous les États membres génèrent moins de déchets et font valoir de meilleurs taux de recyclage : entre 2004 et 2012, la production de déchets par Européen a baissé de 7 % - il s’établit maintenant à 1 817 kilogrammes par an – et le taux de recyclage est passé de 28 à 36 %. En plus des effets des politiques menées, la récession économique consécutive à la crise financière de 2008 a également contribué à réduire certaines pressions.

Toutefois, dès lors que le niveau d’ambition de la politique environnementale en vigueur n’est pas forcément à la hauteur pour atteindre les objectifs fixés à long terme par l’Europe, il n’est pas certain que ce phénomène soit durable. Par exemple, les réductions d’émissions de gaz à effet de serre programmées seraient insuffisantes pour mettre l’Union européenne sur la voie de son objectif à l’horizon 2050, à savoir une chute de ces émissions de 80 à 95 %.

c. Des indicateurs de santé environnementale préoccupants

S’agissant des risques en matière de santé environnementale, des progrès remarquables ont été enregistrés, au cours des dernières décennies, dans la qualité de l’eau potable et des eaux de baignade, ainsi que dans la limitation de l’usage de certains polluants toxiques.

Cependant, les pollutions atmosphérique et sonore continuent d’avoir des effets graves sur la santé, en particulier dans les zones urbaines. En 2011, dans l’Union européenne, environ 430 000 décès prématurés ont été attribués aux particules fines (PM2,5). L’exposition au bruit ambiant contribue à 10 000 décès prématurés au moins, à cause des maladies coronariennes et des accidents vasculaires cérébraux qu’elle entraîne. Quant à l’utilisation croissante de produits chimiques, en particulier dans les produits de consommation courante, elle provoque des maladies et des troubles endocriniens chez les humains12.

En matière de santé environnementale, les perspectives sont incertaines voire inquiétantes à certains égards. L’amélioration de la qualité de l’air prévue, par exemple, devrait être insuffisante pour prévenir les dommages sur la santé environnementale, et les impacts sur la santé résultant du changement climatique devraient aggraver.

3. Les questions environnementales, soumises à des logiques systémiques

Si l’Europe a réussi à réduire certaines pressions environnementales, ces améliorations ne se traduisent encore ni par une meilleure résilience des écosystèmes, ni par une baisse des risques pour la santé et le bien-être. En outre, les perspectives à long terme sont souvent moins positives que les tendances récentes ne pourraient le suggérer. Des facteurs systémiques multiples contribuent à ces disparités.

a. Les tendances de long terme

Du fait des dynamiques propres aux systèmes environnementaux, il peut exister un décalage important avant qu’une diminution des pressions ne se traduise par une amélioration de l’état de l’environnement. De plus, mêmes amoindries, de nombreuses pressions restent considérables en niveau absolu : ainsi, les combustibles fossiles représentent encore les trois-quarts de l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne, ce qui fait peser un lourd fardeau sur les écosystèmes, à travers le changement climatique, l’acidification et l’eutrophisation.

b. Les résistances des systèmes socio-économiques aux politiques environnementales

Des phénomènes de multi-causalité, d’interdépendances et de blocages dans les systèmes environnementaux et socio-économiques sapent également les efforts d’atténuation des pressions sur l’environnement et de leurs impacts. Par exemple, l’amélioration de l’efficacité des processus de production tend à réduire les coûts des biens et services, et par conséquent à doper la consommation, par un effet dit « de rebond ». Les modifications de comportement humain, notamment liées à l’urbanisation, peuvent aussi compenser des réductions de pressions. Enfin, les systèmes non durables de production et de consommation, responsables de nombreuses pressions environnementales, fournissent par ailleurs des avantages, à commencer par des emplois et des revenus, ce qui incite les secteurs économiques et les communautés humaines à résister au changement.

c. Des défis planétaires

Les défis les plus sérieux pour la gouvernance environnementale européenne proviennent du fait que les facteurs, les tendances et les impacts environnementaux sont de plus en plus mondialisés. De multiples tendances planétaires de long terme affectent l’environnement, les modes de consommation et les standards de vie européens. Bref, l’Europe est liée au reste du monde à travers une matrice complexe de systèmes.

Par exemple, l’escalade dans l’utilisation des ressources et les émissions de gaz à effet de serre qui a accompagné la croissance économique mondiale au cours des dernières décennies a compensé les progrès accomplis par l’Europe contre la pollution et a même généré de nouveaux risques.

De même, l’Europe laisse une empreinte écologique dans le reste du monde : avec la globalisation des chaînes d’approvisionnement, notre production et notre consommation ont des impacts ailleurs sur la planète. Or les entreprises, les consommateurs et les décideurs européens en ont une connaissance relativement limitée et disposent de peu de leviers incitatifs et décisionnels pour les modifier.

C. UN RAPPORT QUI LANCE UN APPEL EN FAVEUR DE LA MUTATION FONDAMENTALE DES SYSTÈMES DE PRODUCTION ET DE CONSOMMATION, AFIN DE GARANTIR LA DURABILITÉ À LONG TERME DE L’EUROPE ET D’AMORCER LA TRANSITION VERS UNE ÉCONOMIE VERTE

Le rapport SOER précédent, publié en novembre 201013, appelait déjà l’attention sur la nécessité urgente pour l’Europe de s’orienter vers une approche beaucoup plus intégrée pour répondre aux défis environnementaux systémiques persistants. Il identifiait la transition vers une économie verte comme l’un des changements nécessaires pour garantir la durabilité à long terme de l’Europe et de son voisinage.

De fait, pris indépendamment les uns des autres, ni les gains écologiques consécutifs aux politiques environnementales ni les gains de productivité consécutifs aux progrès technologiques ne seront suffisants pour atteindre les ambitions de la stratégie Europe 2020 et, au-delà, les objectifs à très long terme contenus dans le 7e PAE. Pour ce faire, une mutation fondamentale des systèmes de production et de consommation, à l’origine des pressions actuelles sur l’environnement et le climat, est indispensable. Mais cela implique de profonds changements dans la pensée, les technologies, les politiques, les pratiques et les comportements.

1. Imaginer un paquet politique autour de quatre nouvelles approches

À cet effet, il convient, pour commencer, de revoir les approches politiques. Dans les domaines des politiques environnementales et climatiques, quatre approches complémentaires seraient susceptibles d’accélérer la transition vers l’économie verte, à condition d’être adoptées concomitamment et d’être mises en œuvre de manière cohérente :

– atténuer les impacts connus sur les écosystèmes et la santé humaine, et créer des opportunités socio-économiques grâce à des innovations technologiques économes en ressources ;

– s’adapter aux changements climatiques et environnementaux prévus en améliorant la capacité de résilience, en particulier dans les ville ;

– éviter les dommages à l’environnement potentiellement graves pour la santé et le bien-être humains ou pour les écosystèmes à travers des actions prudentielles et préventives, fondées sur des alertes scientifiques précoces ;

– restaurer la résilience des écosystèmes et de la société en optimisant les ressources naturelles, afin de contribuer au développement économique et de lutter contre les inégalités sociales.

Le succès de l’Europe sur la voie vers une économie verte dépendra du juste équilibre entre ces quatre approches. Un paquet politique, construit autour d’objectifs et de cibles reconnaissant explicitement les relations entre l’efficacité des ressources, la résilience des écosystèmes et le bien-être humain, serait de nature à accélérer la reconfiguration des systèmes européens de production et de consommation. De nouvelles approches de gouvernance, impliquant les citoyens, les organisations non gouvernementales, les entreprises et les villes, offriraient des leviers complémentaires.

2. Construire un cadre législatif optimal

Une variété d’autres possibilités sont disponibles pour orienter les transitions nécessaires dans les systèmes non durables de la production et de la consommation.

a. Mise en œuvre des politiques

Premièrement, il importe de mettre en œuvre, d’intégrer et de faire entrer en cohérence les politiques environnementales et climatiques. Les améliorations à court et à long terme de l’environnement européen, de la santé humaine et de la prospérité économique reposent sur la mise en œuvre intégrale des législations adoptées et sur une meilleure intégration des enjeux environnementaux dans les politiques sectorielles impactant l’environnement ou les pressions qui s’exercent sur lui, à savoir l’énergie, l’agriculture, les transports, l’industrie, le tourisme, la pêche et le développement régional.

b. Investissements pour l’avenir

Deuxièmement, il convient d’investir pour l’avenir. Les systèmes de production et de consommation répondant aux besoins sociaux de base, comme l’alimentation, l’énergie, le logement ou la mobilité, s’appuient sur une infrastructure coûteuse et de longue durée ; les choix d’investissement peuvent donc avoir des conséquences à long terme. Dans ces conditions, il est essentiel d’éviter les investissements qui verrouillent la société, empêchent de sortir des technologies existantes, bloquent les options d’innovation, en entravant les investissements dans les alternatives.

c. Intensification des innovations de niche

Troisièmement, il faut soutenir et intensifier les innovations de niche. Le rythme d’innovation et de diffusion des idées joue un rôle central dans la conduite des transitions systémiques. Hormis les nouvelles technologies, l’innovation peut prendre des formes diverses :

– des outils financiers comme les obligations vertes ou la facturation des services écosystémiques ;

– des modes intégrés de gestion des ressources ;

– des formes d’organisations sociales comme le « prosumérisme », dans lequel se confondent les rôles de consommateur et de producteur de services, d’énergie, d’alimentation ou de mobilité.

d. Élévation des connaissances

Quatrièmement, il est nécessaire d’améliorer la base de connaissances. Les évaluations, données et indicateurs reconnus et employés sont en effet en décalage avec les connaissances requises pour soutenir les transitions. Combler cette lacune nécessite d’investir dans :

– le développement des sciences systémiques ;

– la compréhension du changement environnemental complexe ;

– l’analyse des mégatendances mondiales ;

– l’information prospective ;

– l’identification des transformations possibles des systèmes de production et de consommation ;

– la conciliation entre développement économique et résilience des écosystèmes ;

– les relations entre les changements environnementaux et bien-être humain.

– l’exploration des questions émergentes et prospectives.

3. Profiter du contexte institutionnel pour passer rapidement aux actes

Le fait que la stratégie Europe 2020, le 7e PAE, le cadre financier pluriannuel et le programme-cadre pour la recherche et l’innovation (PCRI) Horizon 202014 aient été conçus sur un tempo politique commun – la période 2014-2020 – offre une occasion unique de tirer parti des synergies entre politiques sectorielles, options d’investissement et conduite des activités de recherche, en appui de la transition vers une économie verte.

La crise financière n’a pas réduit l’intérêt des citoyens européens pour les questions environnementales. Ils restent convaincus que davantage doit être accompli, à tous les niveaux, pour protéger l’environnement, et que le progrès devrait être mesuré selon des critères non seulement économiques mais aussi sociaux et environnementaux.

Dans son 7e PAE, l’Union européenne ambitionne de faire en sorte que les jeunes enfants d’aujourd’hui vivent près de la moitié de leur vie dans une société faiblement carbonée, fondée sur l’économie circulaire et la résilience des écosystèmes. La réalisation de cet engagement appelle à agir en urgence et plus courageusement.

Les ONG environnementales ont d’ailleurs réagi au SOER en appelant la Commission Juncker à « opérer un virage à 180 degrés de sa politique environnementale » et à mettre pleinement en œuvre le 7e PAE, notamment en en faisant une priorité dans le cadre de la révision de la stratégie Europe 2020. À l’occasion de la publication du rapport, elles ont une nouvelle fois manifesté leur crainte que l’approche du « mieux légiférer », appliquée aux questions environnementales, ne soit en fait « une croisade idéologique pour déréglementer », qui pourrait coûter très cher à l’Europe. En effet, si la Commission européenne semble avoir renoncé à retirer son paquet « Air pur en Europe »15 – à propos de laquelle votre rapporteur avait présenté, il y a quelques mois, une communication devant la Commission des affaires européennes –, notamment sa proposition de directive relative aux plafonds d’émission nationaux (NEC16), elle se dit toujours résolue à abandonner son paquet « Énergie circulaire », qu’elle remplacerait par un texte unique, dont le contenu, à ce stade, reste incertain.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 1er avril, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

La Présidente Danielle Auroi. Pour que cet état des lieux soit porté à la connaissance de tous nos collègues, je vous propose de transformer la communication de notre collègue Arnaud Leroy en rapport d’information.

Alors que les sols continuent de s’appauvrir et que la qualité de l’eau est problématique, il me semble vraiment aberrant de supprimer les quotas laitiers et de consacrer l’agriculture productiviste. La France devrait se montrer plus exemplaire, dans ces domaines comme dans celui de la qualité de l’air.

Mme Estelle Grelier. Nombre d’agences européennes travaillent dans leur coin et interagissent finalement très peu avec les institutions européennes. L’AEE est-elle écoutée par la Commission européenne ? Participe-t-elle à la préparation de la COP 21 ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Dans la famille des agences, l’AEE appartient à la première génération, celle des années quatre-vingt-dix. La direction générale Environnement s’appuie souvent derrière les études de l’AEE, mais ce n’est pas forcément elle qui gagne les arbitrages collégiaux de la Commission européenne.

Ce rapport est objectif : il ne donne pas de conclusions alarmistes mais dresse un état des lieux, qu’il revient à la sphère politique de prendre en compte, comme ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), mais à l’échelle européenne et sur une plus grande variété de thématiques.

Il n’en demeure pas moins que le pilotage de la trentaine d’agences européennes par la Commission européenne s’avère compliqué. L’AEE se nourrit des informations fournies par les points focaux nationaux. Je pense qu’il faudrait, à terme, qu’elle intervienne pour contrôler la mise en œuvre des directives environnementales, par le biais de pools d’inspecteurs.

La Présidente Danielle Auroi. L’AEE est une agence scientifique indépendante, dont les recommandations n’aboutissent pas automatiquement à de bons arbitrages politiques. Or je n’ai pas l’impression que le commissaire Miguel Arias Cañete soit très attentif à ce type de propositions. C’est donc peut-être aux États membres de se montrer vigilants. Raison de plus pour que cette communication soit publiée sous forme de rapport d’information.

Mme Estelle Grelier. L’intérêt de ce type des rapports, c’est en effet que les institutions politiques s’en saisissent. Mais les agences ne créent pas toujours un climat de discussion favorable, notamment en manquant de rigueur budgétaire. Est-ce le cas aussi pour ce qui concerne l’AEE ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. La Commission européenne devrait se pencher sur ces agences techniques indépendantes, parce que ses pouvoirs s’en trouvent dilués. Mais leurs mandats sont définis par la Commission européenne et validés par les États membres. Le problème est là : on crée des organismes sans outils de gouvernance et de contrôle adaptés. La grande crainte de la Commission européenne, c’est que, suite à un scandale, elle devienne responsable devant le Parlement européen. Mais l’AEE fait partie des agences ayant plutôt bonne réputation.

La Présidente Danielle Auroi. J’ajoute que le commissaire Karmenu Vella a pris des positions fortes sur les paquets économie circulaire et qualité de l’air, ce qui traduit un début de volonté politique, quoique encore découpée en secteurs. En France, l’édiction de critères de référence et le vote en première lecture de la loi relative à la biodiversité vont également dans le bon sens.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2  Pour European Environment Information and Observation Network.

3  Pour State and Outlook Environment Report.

4  “The European Environment State and Outlook 2015”, Office des publications de l’Union européenne.

5  Communication de la Commission du 3 mars 2010 « Europe 2020 – Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive » [COM (2010) 2020].

6  Décision no 1386/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 « Bien vivre, dans les limites de notre planète ».

7  « L’environnement en France, édition 2014 ».

8  Pour Global Sustainable Development Report.

9  Voir le rapport d’information no 1010 de M. Arnaud Leroy « 7e PAE : bien vivre, dans les limites de notre planète », déposé par la Commission des affaires européennes le 24 avril 2013.

10  Voir le rapport d’information n° 1973 de Mme Danielle Auroi « Projet de loi biodiversité : une nouvelle étape vers la solidarité écologique », déposé par la Commission des affaires européennes le 27 mai 2014, et le rapport d’information n° 2258 de Mme Danielle Auroi « Aucune perte nette de biodiversité : un objectif difficile à atteindre mais impératif », déposé par la Commission des affaires européennes le 8 octobre 2014.

11  Voir la communication de M. Arnaud Leroy devant la Commission des affaires européennes sur le paquet énergie-climat, le 14 octobre 2014.

12  Voir le rapport d’information no 1828 de M. Jean-Louis Roumégas « Perturbateurs endocriniens : l’urgence d’agir », déposé par la Commission des affaires européennes le 25 février 2014, et le rapport d’information no 1867 de M. Jean-Louis Roumégas « Mieux préserver les jeunes enfants des expositions aux perturbateurs endocriniens », déposé par la Commission des affaires européennes le 9 avril 2014.

13  “The European Environment State and Outlook 2010”, Office des publications de l’Union européenne.

14  Règlement (UE) n° 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et abrogeant la décision n° 1982/2006/CE. – Voir, à ce sujet, le rapport d’information n° 1009 de Mme Audrey Linkenheld et M. Jacques Myard « Horizon 2020 : l’Europe pour la recherche, l’Europe par la recherche ? », déposé par la Commission des affaires européennes le 24 avril 2013.

15  Voir la communication de M. Arnaud Leroy devant la Commission des affaires européennes sur la lutte contre la pollution atmosphérique, le 8 juillet 2014.

16  Pour National Emission Ceilings.