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N° 3101

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 octobre 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur l’Union européenne et la lutte contre l’optimisation fiscale,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Isabelle BRUNEAU ET M. Marc LAFFINEUR,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

___

Pages

SYNTHÈSE DU RAPPORT 7

INTRODUCTION 9

I. LA DÉFENSE DES ÉTATS QUI INVOQUENT LA NÉCESSITÉ DE CONSERVER UN AVANTAGE COMPARATIF N’EST PAS RECEVABLE 13

A. LA NOTION D’AVANTAGE COMPARATIF APPLIQUÉE AU DROIT FISCAL 13

B. LE DANGER D’ÉTENDRE LA NOTION D’AVANTAGES COMPARATIFS AU DROIT FISCAL 14

II. UN CONTEXTE INTERNATIONAL FAVORABLE À LA LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE 17

A. L’ACTION DÉTERMINANTE DES ÉTATS-UNIS SUR L’ÉCHANGE AUTOMATIQUE D’INFORMATIONS 18

B. LA PROMOTION PAR L’OCDE DE L’ALIGNEMENT DES DROITS D’IMPOSITION SUR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE 19

1. Une remise en cause des montages d’optimisation liés aux prix de transfert 21

2. L’amélioration des instruments juridiques pour lutter contre les pratiques abusives et la concurrence fiscale dommageable 23

3. Une réponse insuffisante aux défis fiscaux liés au développement de l’économie numérique 25

III. DES DYSFONCTIONNEMENTS DE PLUS EN PLUS VISIBLES AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE 27

A. LE LUXEMBOURG, LE RETOUR AUX NORMES INTERNATIONALES ? 28

B. L’IRLANDE : UNE INDULGENCE EXCESSIVE POUR SES MÉCANISMES DITS COMPENSATOIRES 29

1. Une fiscalité des personnes physiques assez classique mais avantageuse pour les dirigeants et salariés à haut potentiel 29

2. Une fiscalité des entreprises avantageuse 33

C. LA BELGIQUE : UNE FISCALITÉ QUI PRIVILÉGIE UNE MOINDRE TAXATION DU PATRIMOINE ET DES SOCIÉTÉS 39

1. Une imposition des revenus du travail sensiblement plus lourde qu’en France 40

2. Le système des intérêts notionnels, moyen d’abaisser le taux effectif moyen d’imposition des sociétés se finançant par fonds propres 40

3. La pratique belge des rescrits fiscaux 41

D. LES PAYS BAS : LE COMBO INDIGESTE DU « RÉGIME MÈRE-FILLE » ET DU « SANDWICH HOLLANDAIS » 43

E. LE ROYAUME UNI, L’EXEMPLE DU DIFFÉRENTIEL DE NIVEAU DANS L’ATTRACTIVITÉ FISCALE 45

1. Fiscalité des entreprises : l’importance du différentiel de niveau 45

2. L’imposition des personnes physiques, le rôle déterminant du coin fiscal 49

3. Un effet mesurable à travers la relocalisation de sièges sociaux 51

IV. UNE PRIORITÉ TARDIVE MAIS RÉELLE POUR L’UNION EUROPÉENNE 53

A. L’INSTAURATION D’UN ÉCHANGE AUTOMATIQUE ET OBLIGATOIRE D’INFORMATIONS SUR LES RESCRITS FISCAUX 55

1. Le champ d’application 56

2. Le rôle de la Commission européenne 57

3. Le caractère rétroactif 58

B. LA RELANCE DU PROJET D’ASSIETTE COMMUNE CONSOLIDÉE POUR L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (ACCIS) 59

C. L’AMÉLIORATION DE LA COORDINATION FISCALE ENTRE LES ÉTATS MEMBRES DE L’UNION 60

1. La plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal 60

2. Le code de conduite en matière de fiscalité des entreprises 61

3. Une liste européenne des États et territoires non coopératifs 61

D. LA MISE EN PLACE DE MESURES GARANTISSANT UNE IMPOSITION EFFECTIVE DES ENTREPRISES 62

1. L’extension du reporting pays par pays 62

2. L’amélioration des méthodes de détermination des prix de transfert 64

V. LES PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS 65

A. LA REMISE EN ORDRE INTÉRIEURE À L’UNION EUROPÉENNE 65

B. UN EXEMPLE RÉUSSI D’ADAPTATION EUROPÉENNE AU COMMERCE EN LIGNE : LA TVA 67

C. ÉCONOMIE NUMÉRIQUE ET IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS 68

CONCLUSION 73

TRAVAUX DE LA COMMISSION 75

PROPOSITION DE CONCLUSIONS 77

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 79

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Contrairement à la fraude fiscale, qui est illégale, l’optimisation agressive et l’évasion fiscales s’inscrivent dans les limites fixées par la loi, mais pas dans l’esprit de cette dernière car elles s’appuient sur une interprétation très extensive de ce qui est légal pour réduire au minimum la contribution fiscale d’une entreprise, faussant ainsi le lien entre taxation et lieu de la création de valeur économique.

De telles pratiques constituent un obstacle au partage équitable de la charge entre les contribuables, à l’exercice d’une concurrence loyale entre les entreprises et à l’instauration de conditions égales pour tous les États membres en matière de collecte de l’impôt sur les bénéfices. Elles ont pour corollaire le développement de frustration dans nos populations, et par conséquent la montée des populismes.

Les exigences de la solidarité européenne rendent donc irrecevable l’argument de l’avantage comparatif développé par des États comme l’Irlande ou le Luxembourg (une fiscalité avantageuse étant vue comme le seul moyen de compenser leur handicap relatif).

Vos Rapporteurs se sont rendus en Irlande, au Luxembourg, en Belgique et aux Pays-Bas, pays dont la fiscalité appliquée aux entreprises est le plus souvent citée parmi les dysfonctionnements qui affectent l’Union : moindre taxation des entreprises privilégiée, aux dépens des ménages ; accords fiscaux avec des États tiers qui permettent une « évaporation » de la base taxable, etc.

Or le contexte international est aujourd’hui favorable à une évolution, à défaut d’une révolution.

L’action des États-Unis, avec le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) adopté en 2010, a été déterminante pour lancer le mouvement en matière d’échange automatique des informations.

Après deux ans de travaux, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié le 5 octobre son plan de lutte contre l’érosion des bases taxables et le transfert de bénéfices, soit de nouvelles normes mondiales en matière de prix de transfert, de régimes fiscaux privilégiés offerts aux sociétés exploitant des brevets, d’échanges automatiques d’information sur les rescrits fiscaux ou encore de déclaration pays par pays. Si d’autres mesures (renforcement des règles CFC ou bien encore obligation de déclaration des montages fiscaux par exemple) restent aujourd’hui optionnelles, leur inclusion dans ce plan donne toute légitimité aux États pour les mettre en œuvre même s’il ne s’agit aujourd’hui que d’une « approche commune » et non pas de standards minimums. Ce plan n’apporte toutefois qu’une réponse insuffisante aux défis fiscaux liés au développement de l’économie numérique.

Quant à l’Union européenne, elle agit de deux manières.

D’une part, en utilisant le droit de la concurrence pour contrer certains schémas d’optimisation fiscale à l’échelle mondiale, qui nuisent aux relations commerciales, car ils faussent la concurrence entre les entreprises. Outil utile, le contrôle des aides d’État par la Commission européenne est toutefois un outil à la portée limitée : les montants reversés dans le cas d’une aide d’État jugée illégale le sont à l’État qui a accordé cette aide, et non pas à ceux qui ont souffert d’une érosion de leur base fiscale.

D’autre part, la Commission européenne présidée par M. Jean-Paul Juncker a pris conscience de l’impact délétère de cette question fiscale sur le projet européen et s’efforce de garantir le caractère effectif et transparent de l’imposition des entreprises, ce qui est parfois malaisé dans un domaine, la fiscalité, qui requiert l’unanimité des États membres. La Commission a ainsi proposé en mars dernier un « paquet de transparence fiscale », dont l’élément clé est sans nul doute la proposition de directive visant à introduire l’échange automatique et régulier, entre les administrations fiscales des États membres, de leurs rescrits fiscaux, et sur laquelle les ministres des finances ont trouvé un accord politique, le 6 octobre, sur une version moins ambitieuse que la proposition initiale : la rétroactivité sera limitée aux rescrits passés depuis moins de cinq ans (pour ceux passés avant le 1er janvier 2014 : uniquement s’ils sont encore en vigueur à la date de l’échange), avec une clause d’exemption jusqu’au 1er avril 2016 pour les rescrits passés, amendés ou renouvelés avec des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 40 millions d’euros.

Pour satisfaisantes que soient ces propositions, elles sont insuffisantes sans l’aboutissement du projet d’assiette commune harmonisée de l’impôt sur les sociétés et sans politique d’harmonisation fiscale sur la base de coopérations renforcées, afin de contourner l’obstacle de l’exigence de l’unanimité.

Vos Rapporteurs appellent donc à un accord franco-allemand ouvrant la voie à la mise en place de coopérations renforcées, conjugué à la mise en œuvre de textes pénalisant les entreprises qui ne se plieraient pas aux nouvelles règles, par exemple en matière d’accès aux marchés publics.

Enfin, le basculement déjà engagé vers une économie de plus en plus numérique impose de repenser notre conception de la territorialité de l’impôt, et de transférer l’imposition des entreprises du lieu du siège social vers le lieu où est effectuée l’opération économique qui fonde la transaction, à l’image de ce qui existe en matière de TVA depuis le 1er janvier 2015.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

« Nous avons besoin de plus d’Europe, de plus d’Union et de plus d’équité dans notre politique fiscale. » (2)

Comment ne pas partager cette appréciation portée par le Président de la Commission européenne ? La lutte contre l’évasion fiscale « agressive », c’est à dire l’utilisation abusive de mécanismes légaux afin d’échapper à l’impôt, est aujourd’hui une nécessité mondiale, partagée par les grands États et les principales organisations internationales (3). .Son efficacité implique toutefois une coordination internationale étroite car elle va également à l’encontre des intérêts de certains États.

Si les chiffres sur l’ampleur du phénomène doivent être pris avec circonspection, il n’est pas déraisonnable d’estimer que ce phénomène représente environ 2 à 3 % des PIB nationaux (4), soit pour la France entre 60 et 40 milliards d’euros.

Pour l’Union européenne cette question révèle un malaise. L’ampleur prise par ce phénomène sape en effet certains des fondements de sa construction, telle la liberté de circulation des capitaux, mais profite à certains de ses États, dont elle explique une part importante de la prospérité. Or, dans le domaine de la fiscalité, les décisions relèvent de l’unanimité, ce qui conduit à un blocage des institutions européennes. Cela contraint donc les États à emprunter la voie de la coopération renforcée dès lors qu’ils souhaitent s’engager dans la voie de l’harmonisation fiscale (5).

Depuis quelques années, l’Union européenne essaye de mieux coordonner les fiscalités nationales, mais des projets essentiels tels que l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés sont bloqués du fait de cette règle de l’unanimité, très difficile à obtenir dans ces matières. Vos Rapporteurs ont acquis, au cours de leurs déplacements, la certitude de la persistance de ce blocage.

Contrairement à la fraude fiscale, qui est illégale, l’évasion fiscale s’inscrit dans les limites fixées par la loi, mais pas dans l’esprit de cette dernière. Elle s’appuie en effet sur une interprétation très extensive de ce qui est légal pour réduire au minimum la contribution fiscale d’une entreprise. En déplaçant artificiellement leurs bénéfices vers des juridictions à faible imposition fiscale, certaines entreprises empêchent de prélever l’impôt là où elles exercent leurs activités économiques. Comme le souligne la Commission européenne, de telles pratiques « constituent un obstacle au partage équitable de la charge entre les contribuables, à l’exercice d’une concurrence loyale entre les entreprises et à l’instauration de conditions égales pour tous les États membres en matière de collecte de l’impôt sur les bénéfices » (6).

Les exigences de la solidarité européenne supposent que les États européens se comportent de manière exemplaire en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale dont sont victimes leurs partenaires. Nous devons donc nous féliciter de la démarche engagée par la Commission européenne en ce sens. Elle contribue, par son action, à consolider la construction européenne, dans le respect de la lettre et de l’esprit des traités. Nous pouvons cependant regretter, que l’Union Européenne ait attendu pour agir que les États-Unis prennent des mesures énergiques, vis-à-vis de pays comme la Suisse notamment. Elle avait les moyens de les précéder.

À défaut d’actions sur la source de l’évasion fiscale, faute de pouvoir réunir l’unanimité des États sur des réformes fiscales, l’Union européenne a choisi une autre voie : l’utilisation du droit de la concurrence pour contrer certains schémas d’optimisation fiscale. Ceux-ci nuisent en effet aux relations commerciales mondiales, dès lors qu’ils faussent la concurrence entre les entreprises. Cela justifie l’intervention de l’Union européenne qui dispose de pouvoirs propres en matière de concurrence et de contrôle des aides d’États.

La Commission européenne a agi de deux manières :

• Dans le cadre de ses pouvoirs propres de contrôle des aides d’État, elle a engagé, depuis juin 2014, des enquêtes à l’encontre de sociétés pour vérifier que ces dernières ne jouissent pas d’un régime fiscal destiné à favoriser leur implantation, plus favorable que les entreprises nationales. Cette démarche est prometteuse car les États pourraient récupérer ainsi plusieurs milliards d’euros ;

• Le 18 mars dernier (7), elle a fait des propositions pour mieux lutter contre la concurrence fiscale nuisible, l’érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices, en proposant effectivement des mesures allant dans le sens d’une plus grande transparence. Lors du Conseil EcoFIn du 6 octobre, les ministres des finances ont trouvé un accord sur la proposition visant à rendre automatique l’échange d’information sur les rescrits fiscaux, notablement influencée par le plan d’action de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rendu public le 5 octobre.

Cette action vient en effet compléter un certain nombre de chantiers conduits tant par l’OCDE que par le G 20 pour apporter des solutions aux pratiques d’optimisation fiscale des entreprises multinationales.

L’amélioration de la transparence, les rénovations des règles de répartition des bénéfices, la neutralisation des situations abusives et des effets dommageables de régimes fiscaux préférentiels en sont les grands axes.

Vos Rapporteurs, qui se sont rendus dans plusieurs États membres de l’Union européenne, n’ont pas souvent été reçus par leurs collègues parlementaires. Certains semblent mal à l’aise et vont parfois jusqu’à considérer, seule défense possible, que l’existence d’une fiscalité privilégiée est un moyen de compenser les désavantages géographiques dont souffrent leurs pays, légitimant ainsi un comportement à nos yeux inacceptable, contraire à la solidarité européenne et au principe de concurrence non faussée.

I. LA DÉFENSE DES ÉTATS QUI INVOQUENT LA NÉCESSITÉ DE CONSERVER UN AVANTAGE COMPARATIF N’EST PAS RECEVABLE

« Le désir que tout homme a de maintenir son rang dans le monde, et de conserver intacte sa fortune, fait que la plupart des impôts sont payés par le revenu, qu’ils se trouvent, d’ailleurs, assis sur les capitaux ou sur les revenus. Par conséquent, à mesure que les impôts augmentent, ainsi que les dépenses du gouvernement, la dépense annuelle de la nation doit diminuer, à moins que le peuple ne puisse augmenter son capital et son revenu dans les mêmes proportions. Il est de l’intérêt de tout gouvernement d’encourager cette disposition dans le peuple, et de ne jamais lever des impôts qui atteignent inévitablement les capitaux ; car on attaque ainsi le fonds destiné à l’entretien de l’industrie, et on diminue par conséquent la production future du pays » (8).

A. LA NOTION D’AVANTAGE COMPARATIF APPLIQUÉE AU DROIT FISCAL

La vision de l’économie exposée au début du XIXème siècle par David Ricardo conduisait ce dernier à soutenir que chaque nation a intérêt à se spécialiser dans la production où elle possède l’avantage comparatif le plus élevé ou le désavantage le moins prononcé. Il ne contredit pas la théorie des avantages absolus d’Adam Smith car il envisage que les facteurs de production puissent s’orienter uniquement vers les pays possédant un avantage absolu. Toutefois il remarque que la recherche de la sécurité, l’amour de son pays, les gouvernements… bref que des sentiments humains, qu’il encourage, rendent cette théorie impraticable, d’où celle des avantages comparatifs, que nous pouvons définir sommairement comme la recherche de la meilleure spécialisation économique pour un pays.

Le principe de l’avantage comparatif peut être défini ainsi : à la condition nécessaire et suffisante qu’il existe une différence entre les coûts comparés constatés en autarcie dans plusieurs pays, chacun d’eux trouvera avantage à se spécialiser et à exporter les biens pour lesquels il dispose du plus fort avantage comparé ou du moindre désavantage comparé, en important en échange les autres biens de ses partenaires. 

L’avantage comparatif est l’argument économique le plus puissant invoqué pour démontrer l’intérêt de l’échange international et de la spécialisation. Néanmoins il peut apparaître contre-intuitif, et de ce fait difficile à comprendre et à faire admettre. Car, dans les relations entre nations de puissance économique et technologique inégale, le bon sens conduit à penser qu’il n’y a guère d’échanges mutuellement profitables mais que l’échange se traduit par un jeu à somme nulle composé de gains et de pertes, les plus puissants étant les gagnants et les faibles les perdants, ce qui conduit à l’idée de guerre économique et au protectionnisme, justifié par la défense de la production nationale et de l’emploi des plus faibles. En démontrant que la spécialisation internationale n’était pas un jeu à sommes nulles mais que l’ensemble des acteurs en profitaient, le raisonnement établi par Robert Torrens et David Ricardo, au début du XIXème siècle, constitue une innovation majeure, permettant de légitimer la lutte contre le protectionnisme.

« Comme on l’a dit, le gain d’échange est constitué par une économie de facteur de production dans les deux pays, ce qui, dans l’hypothèse du plein-emploi des facteurs, se traduira par une production supplémentaire de biens et services chez les deux partenaires. Cependant, le gain à l’échange analysé par la théorie n’est pas un gain net. La spécialisation, mode opératoire du passage de l’autarcie au libre-échange, se traduit par des processus coûteux et qui peuvent être socialement pénibles : réallocation de facteurs, obsolescence de capitaux non amortis, abandon de terres inutilisées, perte de compétence de la main-d’œuvre, migrations sectorielles et géographiques, coûts des emprunts de capitaux nouveaux, etc. On peut considérer que ces coûts sont des investissements nécessaires pour accéder à une situation de bien-être collectif supérieur. L’ouverture aux échanges se traduit donc par des processus de destruction créatrice et de transformations structurelles qui suscitent inévitablement des résistances, justifiées par des considérations sociales ou politiques et par l’apparition de nouvelles inégalités. Le libéralisme extérieur peut alors renforcer des politiques interventionnistes et à l’intérieur des pays. Ceci a été dénommé le « paradoxe du libre-échange » : le libéralisme externe conduit à des mesures internes de compensation des préjudices subis et de redistribution des revenus. » (9)

B. LE DANGER D’ÉTENDRE LA NOTION D’AVANTAGES COMPARATIFS AU DROIT FISCAL

Vos Rapporteurs ont été frappés d’entendre les autorités luxembourgeoises comme irlandaises évoquer cette référence dans une vision modernisée qui en simplifiant serait la suivante : l’isolement géographique et l’absence d’atouts particuliers expliquent qu’aucune industrie ne s’installera dans notre pays si nous ne leur offrons pas un atout, et le seul à notre disposition est l’outil fiscal. 

Dans le même ordre d’idée, les pays nouvellement entrés dans l’Union européenne évoquent la nécessité de bénéficier d’un coût moindre de leur main d’œuvre pour garder leur compétitivité, ce qui génère chez leurs partenaires les dysfonctionnements liés à la mise en œuvre de la directive détachement.

Pour vos Rapporteurs, la concurrence fiscale et sociale non encadrée peut tuer l’idée européenne car nous ne sommes pas en présence d’une concurrence « libre et non faussée » telle que l’exige les traités mais d’une concurrence faussée par des facteurs externes liés à l’intervention des États ou à la situation de pays connaissant un fort taux de chômage et dont la population doit accepter des salaires inférieurs aux standards occidentaux.

Dans cette perspective, l’idée de concurrence fiscale entre les États de l’Union européenne nous apparaît dommageable. Elle implique en effet que, faute d’une imposition stable du capital, les États reportent sur les ménages une partie du poids de la fiscalité. Ces mécanismes concurrentiels d’optimisation sont en effet des facteurs d’instabilité pour l’équilibre budgétaire des États et leurs capacités d’actions. Ce report grève le pouvoir d’achat des ménages causant ainsi frustration, défiance vis-à-vis de l’impôt et des institutions voire réaction populiste.

C’est pourquoi il apparaît nécessaire d’encadrer aujourd’hui la concurrence fiscale entre les États par les deux outils à la disposition de l’Union européenne : le droit de la concurrence et des réformes législatives permettant de contourner l’exigence d’unanimité, dans un contexte international favorable.

II. UN CONTEXTE INTERNATIONAL FAVORABLE À LA LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE

Aujourd’hui, l’économie n’a plus de frontières. Aucun investisseur ne raisonne en termes de pays mais en termes de marchés régionaux, a minima, ou de marchés mondiaux pour les plus grands groupes. Or les systèmes fiscaux nationaux reposent sur une logique de territorialité qui est remise en cause par le développement d’une économie mondialisée. Cela crée une tension forte entre les acteurs économiques et les États. Ces derniers sont condamnés à se partager une base fiscale devenue principalement mondiale dans la mesure où la base fiscale domestique, qui repose sur l’activité artisanale, est de plus en plus faible.

Des règles fiscales internationales existent depuis le début du XXème siècle. Celles-ci essayent d’organiser la répartition de la base fiscale mondiale entre les États. Aujourd’hui, elles ne fonctionnent plus et ne jouent plus en la faveur de l’Europe. Elles ne permettent pas d’appréhender les revenus des GAFA (10), notamment, et d’autres grands groupes internationaux.

La concurrence fiscale qui existe entre les États peut prendre deux formes :

i. Une concurrence « attractive », pour attirer des investissements dans un pays. Cela passe par des avantages fiscaux, mais pas uniquement, puisque cela englobe aussi des aspects juridiques, politiques et sociaux.

ii. Une concurrence « répressive », par la taxation. Le dépôt de bilan de Chrysler (avant le rachat par Fiat) est une bonne illustration de ce phénomène : l’entreprise faisait en effet l’objet d’une double imposition des États-Unis et du Canada à hauteur de 1 milliard de dollars, sorte de « guerre fiscale » entre les deux pays pour récupérer le plus de recettes sur les bénéfices de cette entreprise. Aujourd’hui, les pays émergents (Chine, Inde, Brésil) utilisent la concurrence répressive pour attirer à eux la propriété intellectuelle des pays développés. Il s’agit là d’un vrai danger (11).

À l’ordre du jour des discussions du G20 (12) et de l’OCDE depuis des années, la lutte contre l’évasion fiscale a été relancée par l’action unilatérale des États-Unis. Le « Foreign Account Tax Compliance Act », adopté en mars 2010, engage en effet un véritable mouvement international. Relayé en Europe par la France et l’Allemagne, il a permis progressivement de « convaincre » certains pays (Royaume-Uni, Autriche, Pays-Bas, Luxembourg, etc.) frileux à l’idée de remettre en cause leur attractivité fiscale, de la nécessité d’une action commune dans la lutte contre l’évasion fiscale.

A. L’ACTION DÉTERMINANTE DES ÉTATS-UNIS SUR L’ÉCHANGE AUTOMATIQUE D’INFORMATIONS

Adopté en 2010 par le Congrès des États-Unis et entré en vigueur le 1er juillet 2014, le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) impose aux institutions financières internationales de transmettre aux autorités américaines des informations sur les comptes bancaires détenus par les contribuables américains, notion qui couvre, particularité du système fiscal américain, outre les résidents aux États-Unis, les citoyens de cet État résidents à l’étranger, les titulaires d’une carte de résident permanent aux États-Unis, leurs conjoints et enfants, ainsi que toutes personnes, indépendamment de leur résidence ou nationalité, qui ont des biens substantiels aux États-Unis.

Cette réglementation fiscale, dont l’objectif est de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, a pour conséquence le développement de l’échange automatique d’informations. Elle prévoit d’ailleurs des pénalités pour les institutions financières ou les individus qui ne s’y conformeraient pas.

Cette règlementation consacre ainsi l’extraterritorialité du droit fiscal américain, c’est-à-dire sa primauté de facto, au risque donc de conflit entre droit national et droit américain.

Certains pays ont toutefois souhaité que les institutions financières puissent bénéficier partiellement ou totalement du droit de leur propre pays dans ce domaine. Des accords intergouvernementaux (IGAs) permettent de résoudre ces conflits entre le droit national et le droit américain. En contrepartie, les États signataires doivent mettre leur législation en conformité avec le FATCA.

La France a signé le 14 novembre 2013 un accord fixant le cadre pour la mise en œuvre de l’échange automatique entre la France et les États-Unis. Il précise à cette fin l’ensemble des définitions et procédures en vue de mettre en œuvre le dispositif de manière homogène. Il décrit les informations qui doivent être obtenues et échangées d’une part par la France, d’autre part par les États-Unis, ainsi que le calendrier et les modalités pratiques.

Or le FACTA a eu pour effet induit de « doper » la coopération fiscale en Union européenne : après avoir construit un modèle d’accord bilatéral pour mettre en œuvre la législation américaine, l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie, ont souhaité donner à celui-ci une dimension multilatérale, en s’engageant à échanger entre eux les mêmes informations que celles qu’ils transmettront aux autorités fiscales américaines.

Le Ministre français de l’économie, Pierre Moscovici, et ses homologues britannique, allemand, espagnol et italien, ont ainsi adressé, le 9 avril 2013, un courrier au Commissaire européen en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta, lui faisant part de leur demande commune d’instaurer un projet multilatéral d’échange de renseignements inspiré de la législation américaine FATCA, et de voir ce type d’échange s’étendre aux autres États membres.

La modification par les États-Unis de leur règlementation fiscale aura ainsi eu pour conséquence le développement de l’échange automatique d’informations comme nouveau standard international pour lutter contre la fraude fiscale.

B. LA PROMOTION PAR L’OCDE DE L’ALIGNEMENT DES DROITS D’IMPOSITION SUR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

L’intégration des économies et des marchés nationaux a connu une accélération marquée ces dernières années, mettant à l’épreuve le cadre fiscal international, conçu voilà plus d’un siècle. Les règles en place ont laissé apparaître des fragilités qui sont autant d’opportunités pour des pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS). L’évasion fiscale se développe à partir des dispositions, destinées à éviter les doubles impositions (13), qui, aujourd’hui permettent aux entreprises de déclarer leurs profits imposables dans des États à faible fiscalité. Ce transfert de bénéfices a érodé les bases fiscales souveraines et affaibli les autorités publiques, déjà en difficulté.

Lors du sommet de Los Cabos (Mexique), les 18 et 19 juin 2012, les dirigeants du G 20, sous l’impulsion de la France notamment, ont décidé d’engager des travaux pour lutter contre l’optimisation fiscale des groupes multinationaux.

Lors de leur réunion de Saint-Pétersbourg, en septembre 2013, les dirigeants du G 20 ont approuvé un plan complet reposant sur 15 actions spécifiques à engager afin de doter les pouvoirs publics d’instruments nationaux et internationaux permettant de s’adapter aux évolutions liées à la mondialisation et aux changements technologiques.

Phasage et contenu du plan d’action concernant le BEPS

Septembre 2014

Rapport détaillé recensant les problèmes fiscaux posés par l’économie numérique et les mesures permettant de les résoudre (Action 1) ;

Recommandations concernant la conception de règles nationales et de dispositions conventionnelles visant à neutraliser les effets des montages hybrides, tant du point de vue national que sous l’angle des conventions fiscales (Action 2) ;

Finalisation de l’examen des régimes en vigueur dans les pays membres en vue de lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables (Action 5) ;

Recommandations concernant la conception de règles nationales et de dispositions conventionnelles visant à empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales (Action 6) ;

Modification des règles de calcul des prix de transfert applicables aux biens incorporels (Action 8) ;

Modification des règles de calcul des prix de transfert applicables aux exigences de documentation (Action 13) ;

Rapport visant à élaborer un instrument multilatéral permettant de mettre en œuvre les mesures arrêtées lors des travaux relatifs à l’érosion de la base d’imposition et au transfert de bénéfices (Action 15).

Octobre 2015

Recommandations concernant la conception de règles nationales visant à renforcer les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (SEC) (Action 3) ;

Recommandations concernant la conception de règles nationales visant à limiter l’érosion de la base d’imposition via les déductions d’intérêts et autres frais financiers (Action 4) ;

Stratégie visant à accroître la participation des économies non membres de l’OCDE en vue de lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables (Action 5) ;

Dispositions conventionnelles destinées à empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable (Action 7) ;

Modifications des règles de calcul des prix de transfert concernant les risques et le capital, ainsi que les autres transactions à haut risque (Actions 9 et 10) ;

Recommandations concernant les données à collecter sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices et les méthodes d’analyse (Action 11) ;

Recommandations concernant la conception de règles nationales visant à obliger les contribuables à faire connaître leurs dispositifs de planification fiscale agressive (Action 12) ;

Dispositions conventionnelles permettant d’accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends (Action 14)

Décembre 2015

Modification des règles de calcul des prix de transfert visant à limiter l’érosion de la base d’imposition via les déductions d’intérêts et autres frais financiers (Action 4) ;

Révision des critères existants visant à lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables (Action 5) ;

Mise au point d’un instrument multilatéral (Action 15).

Source : http ://www.oecd.org/fr/fiscalite/a-propos-de-beps.htm

Les interlocuteurs auditionnés par vos Rapporteurs ont souligné l’importance d’une concertation approfondie avec tous les acteurs, notamment privés, compte tenu de l’importance et de la complexité des enjeux, en particulier de possibles déstabilisations des flux financiers et commerciaux.

Les 13 rapports issus du plan BEPS, établis en seulement deux ans et présentés par l’OCDE le 6 octobre dernier en vue de leur adoption par les ministres des finances du G 20 le 9 octobre à Lima en marge des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale puis par les chefs d’État et de Gouvernement en novembre prochain lors du sommet d’Antalya, décrivent des standards internationaux nouveaux ou renforcés, ainsi que des mesures concrètes grâce auxquelles les pays pourront lutter contre les pratiques de BEPS : nouveaux standards minimums ou remises à niveau de standards fiscaux existants (chalandage fiscal, déclarations pays par pays, lutte contre les pratiques fiscales dommageables), approches communes qui faciliteront la convergence des pratiques nationales, orientations fondées sur les bonnes pratiques (recommandations sur les montages hybrides, bonnes pratiques en matière de déduction des intérêts, règles en matière de déclaration obligatoire de transactions ou régime applicable aux sociétés étrangères contrôlées).

Une grande partie de ces quinze mesures, appliquées dès 2016, s’imposeront donc comme les nouvelles normes mondiales en matière de prix de transfert, de régimes fiscaux privilégiés offerts aux sociétés exploitant des brevets, d’échanges automatiques d’information sur les rescrits fiscaux ou encore de déclaration pays par pays. Si les autres mesures (renforcement des règles CFC ou bien encore obligation de déclaration des montages fiscaux) restent aujourd’hui optionnelles, leur inclusion dans le plan BEPS donne toute légitimité aux États pour les mettre en œuvre même s’il ne s’agit aujourd’hui que d’une « approche commune »  et non pas de standards minimums.

Vos Rapporteurs notent que le Secrétaire d’État au Budget, M. Christian Eckert, a annoncé qu’en cas d’accord international, le projet de loi de finances rectificatives de fin d’année pourrait être, pour la France, le véhicule législatif dans lequel ces dispositions de lutte contre l’optimisation fiscale agressive seraient inscrites (14). Vos Rapporteurs y seront attentifs.

1. Une remise en cause des montages d’optimisation liés aux prix de transfert

Les travaux dans ce domaine avaient pour objectif de s’assurer, pour l’ensemble des secteurs de l’économie, que la répartition du bénéfice imposable entre les différents États où une entreprise est présente corresponde avec la participation à la création de valeur des entités situées sur chacun d’entre eux.

Les changements apportés aux principes applicables en matière de prix de transfert permettront de s’assurer que les prix de transfert établis par les entreprises multinationales mettent mieux en correspondance l’imposition des bénéfices et les activités économiques.

Les normes existantes en matière de transactions effectuées au sein d’un groupe multinational ont été clarifiées et renforcées, autour de trois grands axes :

Une nouvelle approche de valorisation des transactions impliquant des actifs incorporels.

L’attribution incorrecte des bénéfices générés par des actifs incorporels (par nature mobiles) de valeur est l’une des pratiques les plus utilisées aux fins d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices. Certains actifs incorporels étant difficiles à évaluer, une nouvelle approche de valorisation a été définie pour cette catégorie d’actifs, notamment les régimes relatifs à la propriété intellectuelle tels que les régimes spéciaux applicables aux brevets (« patent boxes »).

Un consensus a été dégagé autour de l’approche du « lien », qui demande que soit mis en regard les avantages fiscaux éventuellement accordés et l’existence d’une activité significative de recherche-développement, ce qui permet d’assurer que les contribuables qui bénéficient d’un régime préférentiel ont bien conduit des activités de recherche-développement et effectué les dépenses correspondantes. Les pays disposeront ainsi d’un outil supplémentaire pour contrer les pratiques qui utilisent l’asymétrie des informations entre contribuables et administrations fiscales pour sous-évaluer des cessions intra-groupe d’actifs incorporels.

Une allocation contractuelle des risques qui doit correspondre aux pratiques réelles de prise de décision et de contrôle effectif de ces risques.

Les entreprises multinationales transfèrent des revenus vers des structures ad hoc (les « cash box ») situées dans des pays à fiscalité faible ou nulle et qui présentent des effectifs limités voire nuls, exercent des activités économiques limitées voire inexistantes. Si l’entité fortement capitalisée ne contrôle pas, dans les faits, les risques financiers liés à ces actifs, elle ne peut percevoir qu’un taux de rendement sans risque, voire moins lorsque, par exemple, la transaction n’obéit pas à une optique commerciale rationnelle. Des recommandations spécifiques visant la non-prise en compte des transactions ont été définies pour limiter l’incitation au recours à de telles « cash boxes ».

De nouvelles exigences en matière d’information des administrations fiscales

Grâce à une nouvelle obligation de déclaration de leur activité pays par pays et aux nouvelles exigences en matière de documentation des prix de transfert, les administrations fiscales auront une vision d’ensemble, pour chaque entreprise multinationale dont le chiffre d’affaires annuel consolidé est égal à ou dépasse 750 millions euros, des lieux de déclaration des bénéfices, des impôts acquittés et des activités économiques exercées. Devront en effet être incluses, pour chaque juridiction fiscale dans laquelle elle exerce des activités, les informations suivantes : chiffre d’affaires, bénéfice avant impôt, impôts payés et restant dus, nombre de salariés, capital social, bénéfices non distribués, actifs corporels.

2. L’amélioration des instruments juridiques pour lutter contre les pratiques abusives et la concurrence fiscale dommageable

Empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales, et en particulier éviter le chalandage fiscal

Dans le cadre de la prévention contre l’utilisation abusive des conventions fiscales, l’OCDE a recommandé d’introduire dans toutes les conventions fiscales une règle spécifique de restrictions apportées aux avantages (15). Le principal objectif de cette règle est d’éviter le chalandage fiscal (16) en accordant les bénéfices de la convention uniquement aux résidents qui ont un lien suffisant avec chacune des parties contractantes.

En effet, dans la mesure où les conventions fiscales, destinées à éviter la double imposition, posent des limites au droit de taxer des États contractants, leur combinaison avec d’autres règles favorables peut conduire à des situations d’exonération complète au profit de certaines transactions. Ces lacunes sont autant de points d’appui pour des schémas internationaux d’optimisation.

Un exemple : les montages hybrides s’appuient, à des fins d’optimisation, sur des différences de qualification juridique ou fiscale entre deux États (par exemple, le même paiement est traité, à la source, comme un intérêt déductible et, dans l’État du bénéficiaire, comme un dividende exonéré). Ainsi, le principe serait dans une telle situation, de donner à l’État de source le droit de refuser la déduction ; si tel n’est pas le cas, celui de résidence devrait remettre en cause l’exonération.

Des dispositions types visant à empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales, y compris au moyen du chalandage fiscal, ont été élaborées dans le cadre de l’action 6 du plan BEPS. Elles feront partie de l’instrument multilatéral, qui permettra aux pays, qui décident d’en faire partie, de les intégrer dans leurs conventions bilatérales (17). Ainsi, des sociétés relais établies dans des pays dont les conventions fiscales sont favorables ne pourront plus être utilisées pour transférer des investissements et obtenir des taux d’imposition réduits.

Toutefois, il est aussi proposé l’insertion d’une règle permettant de connaitre l’objet principal d’une transaction afin d’éviter une utilisation abusive des avantages accordés par ces conventions.

L’addition de ces deux règles pourrait générer une importante complexité et un risque de divergence d’interprétation par les différentes administrations fiscales, augmentant le risque de situations de double imposition. Il semble à vos Rapporteurs qu’une seule des deux règles devrait être en place et non la combinaison des deux.

Mettre en échec les stratégies visant à éviter artificiellement un lien fiscal en redéfinissant la notion d’établissement stable

D’autres schémas d’optimisation isolent au niveau des pays de distribution (commissionnaire) ou de fabrication un nombre restreint de fonctions peu rémunérées.

Les conventions fiscales prévoient généralement que les bénéfices générés par l’activité d’une entreprise étrangère ne sont imposables dans un État que si cette entreprise y dispose d’un établissement stable auquel ces bénéfices sont attribuables.

En faisant appel à des commissionnaires plutôt qu’à des distributeurs ou en fragmentant les activités de manière artificielle, une entreprise peut éviter artificiellement d’avoir à acquitter un impôt sur les bénéfices dans un État dont elle n’est pas résidente. Or si cette entreprise n’est pas non plus imposée sur ces bénéfices dans son pays de résidence, elle bénéficie, de ce fait, d’une double exonération.

La définition d’un établissement stable contenue dans les conventions fiscales est donc un élément déterminant pour établir si une entreprise doit acquitter un impôt sur les bénéfices dans un État dont elle n’est pas résidente. Le rapport propose ainsi des changements à apporter à la définition de l’établissement stable figurant à l’article 5 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, qui constitue fréquemment la base de travail lors des négociations relatives à une nouvelle convention bilatérale.

Renforcer la transparence grâce au principe d’échange entre les administrations concernées

Outre les orientations proposées à l’intention des pays qui souhaitent renforcer leur législation nationale concernant la déclaration obligatoire par les contribuables des transactions, dispositifs ou structures à caractère agressif ou abusif, il convient surtout de noter la mise en place d’un reporting automatique de certaines données.

En effet, l’action 13 du plan de l’OCDE prévoit que les déclarations « pays par pays » devront être déposées dans la juridiction de résidence fiscale de l’entité mère du groupe et échangées entre les administrations fiscales concernées par la voie de l’échange automatique d’informations.

Vos Rapporteurs rappellent qu’un contrôle collectif international existe déjà pour l’échange de données fiscales des particuliers, il est donc normal qu’il soit étendu aux entreprises, même s’ils notent que seules 10 à 15 % des entreprises internationales seront soumises aux obligations d’informations posées par le plan de l’OCDE, et que cette dernière n’a pas retenu l’option, encore débattue au sein de l’Union européenne, d’une complète publicité de ces informations, à l’image de ce qui est exigé au sein de l’Union des banques européennes et des entreprises actives dans les secteurs de l’extraction des matières premières et de l’exploitation forestière.

Le système mis en place pour l’échange de données fiscales des particuliers a permis l’établissement de listes noires ou grises de pays redoutables en termes d’image pour ces derniers. Vos Rapporteurs s’inquiètent donc des nuances apportées par M. Pascal Saint-Amans, qui a reconnu lors de la présentation du plan que « ce serait plus complexe » pour la fiscalité des entreprises (18).

3. Une réponse insuffisante aux défis fiscaux liés au développement de l’économie numérique

Face à la difficile fiscalisation de certains modèles économiques fondées sur les technologies dématérialisées (publicité en ligne, e-commerce), il s’agit de trouver des solutions permettant de prendre en compte les bénéfices réalisés, en donnant le droit à chaque État d’imposer la création de valeur qui est constatée sur son territoire. Vos Rapporteurs soulignent que l’économie numérique est un secteur très concerné par l’optimisation fiscale agressive.

Outre une analyse de l’économie du secteur au regard de ses conséquences fiscales, les travaux par le groupe de travail spécifique ont permis d’identifier la manière dont les autres actions du plan d’action BEPS pouvaient contribuer à contrer les pratiques d’optimisation reposant sur les technologies dématérialisées.

Des règles et des mécanismes d’application ont été définis pour faciliter la collecte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à partir du pays où se trouve le consommateur lors de transactions transfrontalières qui concernent des consommateurs finaux. Il s’agit d’établir des règles de jeu équitables entre les fournisseurs nationaux et étrangers, et de faciliter une collecte efficace de la TVA relative à ces transactions.

Mais le plan présenté le 5 octobre se limite à un engagement de traiter les problèmes posés par la numérisation de l’économie, notamment ceux liés aux questions de territorialité et des données. Les problèmes recensés comme les réponses proposées dépassent en effet, aux yeux des pays participants, le périmètre du projet BEPS, et l’OCDE a donc décidé de temporiser sans imposer de contraintes spécifiques.

III. DES DYSFONCTIONNEMENTS DE PLUS EN PLUS VISIBLES AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

La question fiscale en Europe est une question ancienne. La concurrence fiscale n’est pas un phénomène récent. Elle a toujours existé. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est, d’une part, qu’elle implique aujourd’hui des acteurs de taille à pouvoir parler d’égal à égal avec les États, et que, d’autre part, la lutte contre la double imposition se double aujourd’hui d’une lutte contre la double non-imposition.

Le risque qu’un calcul économique soit obéré par une double imposition ne doit pas être sous-estimé. Il a été indiqué à vos Rapporteurs qu’au sein de l’Union Européenne, 94 % des entreprises européennes ont déjà subi une double imposition de leurs bénéfices. À titre d’exemple, aujourd’hui, en France, il existe environ 900 dossiers de double imposition en souffrance.

Mais, il ne faut pas non plus passer sous silence que des techniques comme le « sandwich hollandais » (cf. infra) permettent d’aboutir à une double non-imposition de grands groupes internationaux, ce qui n’est pas non plus acceptable.

À la suite des États-Unis et de l’OCDE, l’Union européenne s’est lancée également dans la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales. La Commission Juncker en a fait l’une de ses priorités politiques et vos deux Rapporteurs s’en félicitent.

L’intérêt nouvellement porté par la Commission européenne à la question des rescrits fiscaux est fondamental. Depuis 2013, elle s’interroge en effet sur la compatibilité entre les décisions fiscales anticipées (ou rescrits) et les règles en matière d’aides d’État. Les rescrits ne posent pas problème en tant que tels, puisqu’ils ont pour but de garantir la sécurité juridique des entreprises. Toutefois, ils peuvent fausser la concurrence lorsqu’ils sont utilisés pour octroyer des avantages fiscaux sélectifs à une entreprise par rapport à ses concurrents. Les revenus économisés peuvent par exemple être investis dans la recherche et l’innovation ou utilisés pour des opérations de concentration. Toutes deux constituant des barrières à l’entrée pour d’autres acteurs et, par conséquent, induisent un effet négatif sur le surplus au consommateur.

De surcroit, les rescrits fiscaux qui conduisent à un faible niveau d’imposition dans un État membre peuvent inciter les entreprises à transférer artificiellement leurs bénéfices dans cet État membre. Cette pratique non seulement érode l’assiette fiscale des autres États membres, mais encourage l’optimisation fiscale agressive et l’évasion fiscale.

Les transactions reposent également souvent sur une manipulation des prix de transfert entre les sociétés-mères et leurs filiales, la surfacturation de certaines prestations au-dessus du prix de marché permet de redistribuer les bénéfices vers des États où ils ne seront pas ou peu imposés.

Vos Rapporteurs se sont rendus en Irlande, au Luxembourg, en Belgique et aux Pays-Bas, pays dont la fiscalité est citée le plus souvent comme posant problème et par ailleurs ciblés dans un rapport de l’OCDE publié le 12 février 2013 comme étant au centre de circuits organisés d’optimisation fiscale.

A. LE LUXEMBOURG, LE RETOUR AUX NORMES INTERNATIONALES ?

Durant de trop longues années, les banques luxembourgeoises ont eu la réputation d’être parmi les acteurs participant activement à la fraude et à l’évasion fiscale. Vos Rapporteurs ont rencontré le Vice-Premier ministre, ministre de l’Économie, M. Étienne Schneider, qui leur a affirmé que cette époque était révolue. Acceptons-en l’augure.

L’affaire Luxleaks symbolise des errements que l’on espère appartenir au passé, c’est à dire l’utilisation jugée abusive des rescrits fiscaux (« rulings »).

Il existe trois types de rulings :

Les rulings liés à des réorganisations (fusion acquisition ou scission) : dans ce cas, l’entreprise contacte l’administration pour savoir comment s’effectue le transfert des pertes, comment seront taxées les plus-values, etc. Ces rulings sont les mêmes en France et au Luxembourg ;

Les intermédiaires ou les holdings : une entreprise étrangère investit au Luxembourg, par exemple, et demande à l’administration luxembourgeoise si elle peut avoir des taux de retenue à la source limités ou très faibles pour éviter un frottement sur les revenus soumis à l’impôt sur les sociétés dans le pays où a été réalisé l’investissement. Sur ce point, la France a des rulings à peu près similaires à ce que propose le Luxembourg. ;

Les rulings « prix de transfert » (les seuls qui n’ont pas été publiés dans l’affaire du »  Luxleaks ») : l’entreprise et l’administration fiscale se mettent d’accord sur la façon de calculer le profit lié aux opérations intragroupe que l’entreprise va réaliser. Là encore, la France accorde les mêmes types de rulings que le Luxembourg. La grande différence est que le Luxembourg le fait de manière quasi-industrielle, de façon rapide et prévisible, à des grands volumes, alors qu’en France, cela est long, compliqué et peu usité.

Ces rulings ne peuvent être considérés comme une aide d’État que dans certains cas. C’est le cas, par exemple, d’une entreprise qui dispose d’une holding au Luxembourg et qui discute de sa base fiscale sur la base d’hypothèses liées à un autre pays qui sont fausses (exemple d’une société d’assurance implantée au Luxembourg qui prétend assurer des personnes à risque en France alors que ce n’est pas le cas). Il y aura alors aide d’État si le Luxembourg avait connaissance de cette donnée.

Dans ce type de situation, le pays qui met en place le ruling peut tout à fait être de bonne foi et la réponse ne devrait donc pas passer par le droit de la concurrence. Il appartient au pays d’origine d’effectuer un contrôle fiscal. Le problème, pour la France, est que l’administration fiscale a tendance à ne contrôler que ceux qui payent beaucoup d’impôts. Ce n’est pas la meilleure politique pour lutter contre la fraude fiscale.

Tous les États émettent des rulings avantageux pour attirer des investisseurs étrangers (la France a ainsi accordé un régime fiscal sur mesure à Eurodisney). Ces États justifient cela par le fait que ces investissements étrangers vont créer des emplois. Dans ce cas, cette pratique est donc reconnue comme légitime par la Commission européenne. Ce n’est pas le cas lorsque le ruling accorde un faible taux d’imposition, c’est-à-dire un régime fiscal privilégié, sans qu’il n’y ait de contrepartie. Cela est couvert par la notion de concurrence fiscale dommageable par la Commission européenne.

B. L’IRLANDE : UNE INDULGENCE EXCESSIVE POUR SES MÉCANISMES DITS COMPENSATOIRES

1. Une fiscalité des personnes physiques assez classique mais avantageuse pour les dirigeants et salariés à haut potentiel

L’Irlande a la réputation d’avoir une fiscalité élevée pour les hauts revenus, le taux marginal d’imposition, agrégeant l’impôt sur le revenu et les contributions sociales (19), s’élevant à 52 % pour les salariés (contre 46 % pour la moyenne OCDE). Comme au Royaume-Uni, l’impôt est prélevé à la source, mais donne lieu également au dépôt d’une déclaration annuelle (20).

La structure du barème de l’impôt sur le revenu repose sur deux taux (20 % en dessous d’un seuil qui varie avec la composition de la famille, et 41 %).

TAUX ET SEUILS D’IMPOSITION POUR L’IMPÔTSUR LE REVENU

En Euros.

 

2014

Et 2013

2013

 
 

20 %

41 %

20 %

41 %

Célibataire, veuf ou survivant d’un partenaire civil sans enfant à charge

32 800

Revenu au-dessus du seuil

32 800

Revenu au-dessus du seuil

Célibataire, veuf ou survivant d’un partenaire civil avec enfant à charge

36 800

Revenu au-dessus du seuil

36 800

Revenu au-dessus du seuil

Couple marié ou en partenariat civil  avec un seul revenu

41 800

Revenu au-dessus du seuil

41 800

Revenu au-dessus du seuil

Couple marié ou en partenariat civil avec deux revenus

65 600

Revenu au-dessus du seuil

65 600

Revenu au-dessus du seuil

Source : Service économique de l’Ambassade de France en Irlande

L’étroitesse du barème est toutefois compensée par l’octroi de réductions d’impôt qui dépendent pour la plupart de la situation familiale du contribuable21, et d’une exonération limitée aux personnes âgées de plus de 65 ans22.

À l’impôt sur le revenu s’ajoutent les cotisations sociales prélevées à la source (PRSI)23 et l’Universal Social Charge (USC)24. Cette dernière est une taxe additionnelle applicable au revenu brut imposable qui a été instituée en 2011.

TAUX DE COTISATIONS SOCIALES PRÉLEVÉES À LA SOURCE (PRSI)

 

Employeur

Salarié

Classe A : la plupart des salariés

Salaire <à 356 € par semaine

Salaire > à 356 € par semaine

4,25 %

10,75 %

4 %

4 %

Classe S : dirigeants et directeurs non exécutifs, personnes

N/a

4 %

Source : Service économique de l’Ambassade de France en Irlande

BARÊME DE LA COTISATION SOCIALE UNIVERSELLE (USC)

Revenu

Taux

Revenu total inférieur à 10 036 €

0%

Premiers 10 036 €

2 %

Entre 10 037 € et 16 016 €

4 %

Au-delà de 16 016 €

7 % *

Plus de 100 000 € (

10 %

*Ce taux est applicable aux les personnes de plus de 70 ans ou bien titulaires d’une carte de maladie complète dont le revenu dépassent 60 000 €. Il n’est que de 4 % pour celles dont les revenus sont inférieurs à ce montant.

Source : Service économique de l’Ambassade de France en Irlande

Pour corriger cette situation, outre l’existence d’un régime des résidents non domiciliés (cf. infra), l’Irlande a institué des mécanismes d’allègement (non cumulatifs et alternatifs au régime des résidents non domiciliés) en matière d’impôt sur le revenu visant à attirer les talents étrangers (« foreign talents and executives ») :

Special Assignee relief programme (SARP) (25) : destiné à inciter les salariés non-irlandais de sociétés multinationales à s’installer dans le pays, tout en étant payés de l’étranger, le dispositif SARP vise les personnes ayant été employées par une société étrangère durant au moins douze mois avant leur arrivée en Irlande et qui prennent un poste dans le pays au sein de la société en question ou d’une société apparentée à celle-ci. Le salarié concerné ne doit pas avoir eu la qualité de résident fiscal en Irlande au cours des 5 années ayant immédiatement précédé son arrivée dans le pays.

La personne satisfaisant ces conditions a droit à un abattement fiscal s’élevant à 30 % de son salaire assujetti à l’impôt irlandais sur le revenu (net des déductions fiscales liées aux cotisations de retraite qui y donnent droit) dépassant 75 000 euros. Le salaire donnant droit à cet abattement fiscal est plafonné à 500 000 euros et l’abattement maximum autorisé sur le revenu imposable est de 127 500 euros. Cet allègement fiscal peut être obtenu par les personnes physiques arrivant en Irlande au cours de l’exercice 2014, et conservé pendant une durée maximale de 5 ans.

Transfert du crédit d’impôt recherche et développement au bénéfice des salariés clés travaillant dans ce domaine : les entreprises éligibles au crédit d’impôt recherche et développement ont la possibilité de transférer tout ou partie de ce crédit aux salariés clés engagés dans ce domaine qui n’exercent pas de fonctions de direction ou n’ayant pas d’intérêt direct dans l’entreprise. L’avantage fiscal ne peut se traduire par une imposition sur le revenu inférieure à 23% et le montant du crédit non imputé est reportable.

Exonération des revenus des salariés exerçant également leur activité dans des pays émergents (« Foreign Earnings Deduction ») (26) : la loi de finances de 2012 a introduit un nouvel avantage fiscal pour les personnes physiques qui exercent leurs fonctions ou accomplissent leur mission en tant que salarié dans un des pays de la zone « BRICS » (27) durant un total d’au moins 60 jours (répondant à certaines conditions) au cours d’une période ininterrompue de douze mois. Les salariés satisfaisant ces conditions ont droit à une réduction d’impôt sur le revenu proportionnelle au nombre de jours qu’ils ont passés dans ces pays durant l’exercice fiscal considéré, dans la limite de 35 000 €.

« Crossborder relief » (28) : ce dispositif permet d’exclure de l’impôt sur le revenu le montant des revenus à raison des fonctions exercées à l’étranger (pays ayant conclu une convention fiscale avec l’Irlande) par les personnes résidentes et qui ont séjourné plus de treize semaines à l’étranger.

Outre ces dispositifs, l’Irlande applique un régime dit « remittance basis », qui limite l’imposition aux revenus de source irlandaise pour les contribuables considérés comme résidents non domiciliés, à partir du moment où ces derniers ne rapatrient pas leurs revenus de source étrangère.

Une personne physique est considérée comme fiscalement résidente en Irlande si :

elle y est physiquement présente pour une durée d’au moins 183 jours au cours de l’année fiscale concernée ;

elle y a passé au moins 280 jours au cours de l’année concernée et de l’année précédente (sauf si cette personne y a résidé moins de 30 jours au cours de l’année).

Une personne physique est considérée comme résidente ordinaire en Irlande pour une année donnée si elle a été reconnue comme résidente pour chacune des 3 années précédant l’année concernée. Une fois que la personne est résidente ordinaire, elle le reste sauf si elle n’a pas été résidente pour chacune des 3 années précédant celle pour laquelle on détermine son statut. Le domicile, lui, est une notion légale non définie dans le code des impôts irlandais. Généralement, une personne physique est domiciliée dans le pays correspondant à sa nationalité et dans lequel elle a vécu la majorité de sa vie, par exemple son pays d’origine.

La combinaison de la notion de résidence et l’application du régime de « remittance basis » a pour conséquence un régime fiscal favorable aux personnes physiques non domiciliées en Irlande, lesquelles sont imposées dans ce pays sur la base des revenus qu’elles y perçoivent (s’agissant à la fois de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la plus-value). En effet, de façon schématique, à l’exception des emplois qu’elle occupe sur le territoire irlandais et de ses revenus et plus-values de source irlandaise, une personne physique non domiciliée en Irlande, ayant la qualité de résident fiscal dans ce pays, n’est pas assujettie à l’impôt irlandais sur le revenu ou la plus-value en ce qui concerne les revenus ou plus-values de source étrangère, dès lors que ceux-ci ne sont pas versés en Irlande ou rapatriés en Irlande.

De cette façon, moyennant une planification fiscale minutieuse, la personne physique non domiciliée en Irlande peut échapper largement à l’impôt irlandais sur le revenu et sur la plus-value.

2. Une fiscalité des entreprises avantageuse

La législation irlandaise ne définit pas ce qui constitue la direction et le contrôle effectifs (centrales) d’une entreprise pour déterminer la résidence d’une entreprise. Les facteurs pris en compte dans l’établissement du lieu de direction et le contrôle effectif de l’entreprise incluent, par exemple, le lieu où se prennent les questions importantes de la politique de l’entreprise, celui où résident la majorité des directeurs, celui où sont négociés les contrats majeurs, celui où sont gérées les questions de financement et de structure du capital, l’endroit où se situe le siège social de l’entreprise, etc.

Jusqu’en 2003, date de l’entrée en vigueur du taux de 12,5 % (29) de l’impôt sur les sociétés des entreprises commerciales, la pièce maîtresse du dispositif en termes d’attractivité reposait sur la taxation au taux réduit de 10 % qu’offrait l’implantation des entreprises dans l’International Financial Service Center (IFSC) et dans la zone franche de Shannon.

À ce jour, il est estimé que plus de 50% des établissements financiers ont une présence en Irlande, qui constituerait ainsi le plus grand centre de gestion des hedge funds, soit 60 % des actifs européens (30) et la seconde place de domiciliation des fonds après le Luxembourg. Il n’existe plus, depuis cette date, de disposition fiscale incitative spécifique à l’installation des sièges ou des quartiers généraux, mais c’est l’ensemble de l’écosystème fiscal (dont la clef de voûte est le taux d’imposition) qui, à la différence de celui des autres pays de la zone, peut être considéré comme constituant un puissant levier.

Par ailleurs, si le principe veut que les entreprises établies (c’est-à-dire ayant la qualité de résidentes au sens fiscal) en Irlande soient imposées sur leurs bénéfices mondiaux, les règles de résidence fiscale applicables aux entreprises, conjuguées avec l’effet des conventions fiscales liant l’Irlande à certaines autres États, ont pour conséquence d’atténuer le niveau d’imposition effectivement supporté par ces mêmes entreprises.

Le bureau d’analyse économique de l’Agence des statistiques américaine estimait ainsi qu’en 2011, les entreprises américaines implantées en Irlande n’étaient soumises qu’à un taux effectif de 2,2 % (31).

Le système fiscal irlandais est devenu le terreau de la planification fiscale agressive, notamment dans les secteurs de l’économie numérique et pharmaceutique. Les travaux en cours à l’OCDE dans le cadre du Plan d’action concernant le BEPS (32) s’y intéressent d’ailleurs fortement.

Les éléments principaux de l’attractivité irlandaise en matière d’impôt sur les sociétés sont :

Des règles de résidence accommodantes

Une entreprise résidente en Irlande est en principe imposable sur l’ensemble de ses profits mondiaux, alors qu’une entreprise non résidente n’est imposée que sur les profits de source irlandaise.

Une société est considérée comme fiscalement résidente en Irlande si sa direction effective est située en Irlande ou si elle est immatriculée en Irlande, sous réserve, pour ce dernier critère des situations suivantes :

i. bien que poursuivant une activité commerciale, le contrôle ultime de l’entreprise est exercé par une personne résident dans un pays de l’Union européenne ou ayant conclu une convention fiscale, ou encore dont les titres sont cotés en bourse dans un autre pays de l’Union européenne ou ayant conclu une convention fiscale (« trading exemption ») ;

ii. l’entreprise n’est pas regardée comme étant résidante en Irlande en application des conventions fiscales (« treaty exemption »).

De fait, il est parfaitement possible pour une entreprise installée en Irlande et y exerçant une activité commerciale de ne pas être soumise à l’impôt sur les sociétés.

De même, il est apparu que par les différences de définition de la résidence au sein des conventions fiscales, l’entreprise, bien qu’immatriculée et présente de façon opérationnelle, puisse être considérée, à défaut de direction effective en Irlande, comme n’ayant aucune résidence au sens fiscal, comme le cas des filiales irlandaises de la compagnie Apple (33).

L’Irlande a introduit une disposition en 2014 de nature à établir la résidence fiscale de ces entreprises (« stateless companies ») sur son sol essentiellement en réaction à l’examen de la situation d’Apple devant le Sénat américain (34).

En revanche, cette correction ne mettait pas fin aux montages de type « double Irish » et « double Dutch » utilisés pour le transfert de profits liés à des actifs incorporels, comme le schéma l’expose ci-après, qui fait intervenir notamment deux structures irlandaises, l’une située dans un paradis fiscal, l’autre en Irlande subissant une imposition particulièrement atténuée (35).

LE « DOUBLE SANDWICH » IRLANDAIS

Source : Service économique de l’Ambassade de France en Irlande

Parallèlement aux avancées des travaux BEPS auxquels l’Irlande contribue, le gouvernement irlandais a souhaité introduire au sein du budget 2015, une modification profonde des règles de résidence des entreprises, visant à mettre un terme au 1er janvier 2021, à ce mécanisme d’optimisation.

Un taux d’imposition stable et bas

L’Irlande a le plus faible taux d’imposition des sociétés des pays les plus avancés à 12,5 %. Par ailleurs, même si le champ d’application du taux de 12,5 % est limité aux profits commerciaux (36), il trouve à s’appliquer très largement dans le secteur financier.

TAUX D’IMPOSITION SUR LES SOCIÉTÉS

Source : Service économique de l’Ambassade de France en Irlande

Le différentiel de taux avec d’autres pays joue directement, au côté des effets de certaines conventions fiscales, dans le mouvement d’ » inversion » qui caractérise la tendance soutenue de transfert de sièges de multinationales américaines en Irlande (37).

Ceci est notamment vrai lorsque l’entreprise dispose de profits de source étrangère dont le rapatriement, comme aux États-Unis, est soumis à un niveau d’impôt sur les sociétés nettement supérieur à celui supporté dans le pays source (38). Dès lors, le crédit d’impôt imputable par application de la convention fiscale conclue avec le pays source en vue de supprimer la double imposition ne couvre pas l’intégralité de la charge d’impôt liée aux rapatriements des profits.

Avec un taux de 12,5 %, cette situation devient beaucoup plus rare, d’autant que l’Irlande a introduit des dispositions de droit interne accommodantes pour l’utilisation de ces crédits d’impôts (« pooling », report en avant des excédents).

Un régime spécifique d’exonération des plus-values de cession de titres pour les sociétés holdings

Les plus-values réalisées lors de la vente de parts sociales d’une filiale ne sont pas taxables (39) si cette société est fiscalement résidente d’un pays de l’Union européenne ou d’un pays ayant conclu avec l’Irlande une convention fiscale.

Toutefois, la société holding :

i. doit avoir détenu les titres pendant au moins 12 mois sur les 24 derniers mois,

i. posséder au moins 5 % des parts ordinaires de la société filiale,

i. l’activité doit être de nature commerciale ou faire partie d’un groupe à nature commerciale.

L’effacement de la taxation des dividendes et branches d’activité étrangères

Les dividendes reçus de filiales étrangères ayant une activité commerciale, dont le siège est dans l’un des pays de l’Union européenne ayant conclu une convention fiscale avec l’Irlande, de même que les entreprises cotées en bourse, détenues directement ou indirectement, qui ne sont pas installées dans ces pays, sont en principe soumis à l’impôt sur les sociétés au taux de 12,5%. Le taux est de 25% dans les autres situations.

Toutefois, un système « onshore pooling » fait que la remontée des dividendes est rarement effectivement taxée au niveau de la holding. Ce système permet d’utiliser de façon fongible les retenues à la source et autres taxes acquittées (40) par la filiale sur les profits distribués, et de les imputer sur la charge d’impôt sur les sociétés irlandaises. L’excédent de crédits non imputé est reportable.

La taxation des branches d’activités étrangères est également atténuée par un mécanisme comparable de »  pooling » des crédits d’impôts étrangers, dont les excédents peuvent être transférés d’une branche à l’autre, et sont reportables indéfiniment.

La limitation des cas d’application de la retenue à la source

Le taux de retenue à la source applicable aux dividendes, aux redevances sur les brevets et sur les intérêts versés à l’étranger est en principe de 20%. Mais cette charge est éliminée ou fortement atténuée de par l’application de la directive 2001/96/UE (régime fille-mère) ou des conventions fiscales.

L’absence de règles relatives à la sous-capitalisation et de régime des sociétés étrangères contrôlées

Un crédit d’impôt recherche et développement avantageux

La loi de finances 2013 a renforcé le crédit d’impôt pour dépenses de R&D qui permet à toute société de bénéficier de 25 % de crédit de taxe sur les 200 000 premiers euros dépensés. Par la suite, un crédit de 25 % s’applique pour toute dépense R&D supplémentaire au-delà de 200 000 euros comparée à une dépense identique de l’année de référence 2003.

Ce crédit peut s’imputer sur le montant d’impôt sur les sociétés dû au cours de l’année où il a été constaté. Ce crédit s’ajoute à la déductibilité des charges engagées, entrainant ainsi un avantage fiscal cumulé de 37,5 %.

Ce dispositif permet de faire remonter tous les coûts de recherche et développement entrepris dans un pays de l’Espace économique européen, à condition qu’aucun avantage fiscal identique n’ait été réclamé pour ces mêmes dépenses dans un autre pays et que l’activité de R&D soit développée en interne. Toutefois, sont retenues dans ce dispositif les dépenses de R&D versées à une université ; elles sont alors plafonnées à 5 % des dépenses totales ou 100 000 euros. Même dispositions pour les dépenses R&D engagées par l’intermédiaire d’un sous-traitant qui sont plafonnées à 10 % des dépenses totales ou 100 000 euros.

Ce crédit d’impôt peut faire l’objet d’un report en arrière sur l’année qui précède lorsqu’il ne peut totalement s’imputer sur l’impôt sur les sociétés de l’année concernée. À défaut, la société peut demander sa restitution, sous certaines conditions, lorsque le crédit d’impôt n’est pas imputable sur les 3 années qui précèdent l’engagement des dépenses.

Un traitement préférentiel pour les actifs incorporels (41)

En 2009, l’Irlande a créé un amortissement des dépenses capitalisées engagées pour l’acquisition ou la création d’immobilisations incorporelles éligibles dont le champ est très large. Les brevets sont concernés par ce régime. L’amortissement peut se faire selon les durées standards admises en comptabilité ou, de manière dérogatoire et sur option, sur une période de quinze ans, au taux de 7 % puis de 2 % pour la dernière année.

Ce régime s’applique à divers actifs destinés à l’activité commerciale de l’entreprise (brevets, marques, copyrights, certificats de protection supplémentaire, logiciels…), qu’ils soient développés en interne ou acquis auprès d’une partie liée ou tierce.

Le montant cumulé des amortissements et des intérêts contractés pour l’acquisition ou la création de ces éléments d’actifs ne peut dépasser 80% du revenu généré par l’actif.

Ce régime est ouvert aux cessions intra-groupes, dès lors qu’elles sont effectuées dans le respect du principe de pleine concurrence. Ce dispositif aurait permis d’accompagner le transfert d’incorporels de multinationales américaines en Irlande.

Certes, en 2010, l’Irlande a mis fin à son régime de « patent box » consistant en l’exonération des revenus (dans la limite de 5 millions d’euros) provenant de l’utilisation de brevets perçus par une personne morale ou physique, résidente en Irlande, de sorte que ces revenus sont aujourd’hui imposés selon le droit commun. Toutefois, l’Irlande a décidé de réintroduire à compter de 2016 un régime de « patent box », dont les principes respecteront l’approche dite de « lien » (ou « nexus ») liant de manière directe les bénéfices fiscaux retirés d’un régime de « patent box » et les dépenses de R&D engagées par le contribuable bénéficiaire, elles-mêmes assimilées à un « approximateur » de l’ »  activité substantielle » et de la valeur ajoutée de ce dernier (42).

Enfin, les cessions de ces actifs sont exonérées de droit d’enregistrement (1% et 2%).

C. LA BELGIQUE : UNE FISCALITÉ QUI PRIVILÉGIE UNE MOINDRE TAXATION DU PATRIMOINE ET DES SOCIÉTÉS

La fiscalité belge combine des revenus du travail soumis à une imposition très progressive (le taux de 50 % est atteint au-delà de 37 000 € de revenus annuels (43)) et des revenus du patrimoine taxés forfaitairement à 25 % (revenus de capitaux mobiliers) ou exonérés (plus-values). Ainsi, alors que le rendement de l’impôt des personnes physiques (44) est évalué à près de 41 milliards d’euros pour 2014, les prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers se monte à 4,5 milliards d’euros (45).

1. Une imposition des revenus du travail sensiblement plus lourde qu’en France

La fiscalité applicable aux personnes physiques se caractérise par son caractère dual avec une grande disparité entre la fiscalité des revenus professionnels, plus lourde que la fiscalité française applicable aux mêmes revenus, et une fiscalité patrimoniale qui par contraste est plus favorable. Le système belge est en effet cédulaire avec des modalités d’imposition qui diffèrent selon l’origine des revenus.

L’impôt des personnes physiques (IPP) est personnel : même si les revenus des conjoints d’un même foyer font l’objet d’une déclaration commune, ils ne sont pas conjugalisés, sauf dans une certaine mesure lorsque la disparité de revenus entre conjoints est trop importante.

En relèvent principalement les revenus dits d’activité qui, selon la législation belge, comprennent les salaires, les revenus d’entreprise et les revenus de remplacement.

Le barème comporte cinq tranches, avec une très forte progressivité rendant très vite imposable à des taux significatifs. Il existe une quotité exemptée sur laquelle aucun impôt n’est prélevé (6 800 €).

IPP : TRANCHE DE REVENU IMPOSABLE ET TAUX APPLICABLE

0 – 8.350 €

25 %

8.350 € - 11.890 €

30 %

11.890 € - 19.810 €

40 %

19.810 € - 36.300 €

45 %

36.300 € et plus

50 %

Source : Ambassade de France en Belgique

2. Le système des intérêts notionnels, moyen d’abaisser le taux effectif moyen d’imposition des sociétés se finançant par fonds propres

La déduction pour capital risque (système dit des « intérêts notionnels ») a été mise en place en Belgique au 1er janvier 2006 afin de pallier la disparition du régime des centres de coordination. Ce régime, qui servait principalement à faire gérer depuis la Belgique les opérations de capitaux de groupe, a en effet été considéré comme fiscalement dommageable par l’Union européenne, ce qui a conduit à son démantèlement en 2003.

Afin de maintenir sa compétitivité fiscale, le gouvernement belge a alors mis en place au 1er janvier 2006 le régime des intérêts notionnels. Ce régime constitue en quelque sorte la transformation du régime particulier des centres de coordination en règle de droit commun pour la totalité des sociétés se finançant par fonds propres, afin d’échapper aux accusations de pratique fiscale dommageable.

En effet, le régime des intérêts notionnels permet aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés de déduire de leur bénéfice imposable un montant équivalent à une fraction de leurs fonds propres, fraction calculée sur le rendement « fictif » (notionnel) de ces fonds propres. Ce régime est censé remédier (selon l’exposé des motifs de la loi de juin 2005 relative à la réforme des intérêts notionnels) à la « discrimination » fiscale que subiraient les entreprises recourant au financement direct par rapport aux entreprises se finançant par l’emprunt, les intérêts d’emprunt étant déductibles alors que les dividendes ne le sont pas.

Ce système des intérêts notionnels conduit au passage d’un taux facial d’impôt sur les sociétés de 34 % à un taux effectif de 26 %. Il n’est en place dans aucun autre pays du monde (46) et est une des raisons citées pour expliquer la performance de la Belgique en termes d’investissements entrants. En favorisant le financement sur fonds propres, le régime a aussi permis d’améliorer la solvabilité des sociétés belges (47), ainsi que leur capacité d’autofinancement.

La déduction pour capital risque est calculée sur base du montant des capitaux propres de la société tels qu’ils apparaissent dans le bilan (non consolidé) de l’année précédente, desquels sont déduits les montants d’un certains nombres d’actifs. À cette base de calcul est appliqué un taux de rendement correspondant au taux d’intérêt moyen des émissions.

Le régime des intérêts notionnels incite fortement les sociétés étrangères à centraliser leur trésorerie en Belgique et à se faire financer en retour par ces entités, moyennant rémunération sous forme d’intérêt. Ce régime permet alors la déduction de la charge d’intérêt une première fois dans le pays d’origine et une deuxième fois en Belgique sous forme d’intérêts notionnels. Les bénéfices dégagés par l’entité belge peuvent ensuite être rapatriés sous forme de dividendes exonérés en application du régime communautaire mère-filles. La réduction d’imposition peut atteindre, pour certaines entreprises, jusqu’à un quart de l’impôt normalement dû.

3. La pratique belge des rescrits fiscaux

La Belgique se voit aujourd’hui reprocher une pratique dommageable similaire à celle du Luxembourg, celle des rescrits fiscaux.

Le Service des décisions anticipées (chargé de délivrer les décisions de rescrit) a examiné de manière très favorable des schémas de planification agressive présentés par certaines entreprises, qui permettent d’attirer de la matière fiscale en Belgique, au détriment de ses voisins. Le Département fiscal des investissements étrangers en faisait même ouvertement la publicité dans une brochure, aux côtés d’autres techniques comme la possibilité de rapatrier des bénéfices en exemption d’impôt en Belgique ou le régime dit « des intérêts notionnels ».

Ces schémas dits des « excess profit rulings » autorisent la déduction du gain théorique excédentaire tiré de la mise en commun par les entreprises de certaines fonctions. Les autorités belges acceptent ces déductions dans des conditions très avantageuses. 

Tout en reconnaissant que 5 000 décisions de rulings en faveur des entreprises avaient été prises par la Belgique depuis 2005, le Ministre des Finances a indiqué à deux reprises (48) qu’il n’était pas évident de rendre publiques ces décisions et de mettre au jour la stratégie économique des entreprises. En refusant de transmettre de manière systématique des renseignements pertinents, les autorités belges privent pourtant leurs partenaires de la possibilité d’appliquer correctement leurs législations.

La Belgique se refuse à toute avancée tant que l’Union européenne n’aura pas collectivement progressé en la matière. Ces déclarations contrastent avec les récentes positions du Luxembourg, qui a adopté une nouvelle législation visant à améliorer la transparence de son processus décisionnel en matière de rescrit et s’est prononcé en faveur des propositions de la Commission.

Vos Rapporteurs s’interrogent par conséquent sur la position du gouvernement Michel en matière de concurrence fiscale et de coopération. Le gouvernement Di Rupo avait pris une série de mesure montrant sa détermination dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et en faveur d’une plus grande transparence. Le gouvernement Michel semble au contraire poursuivre une politique beaucoup plus accommodante, assouplissant des mesures prises par le gouvernement précédent (49) et montrant un entrain plus mesuré en matière de coopération avec ses partenaires. Ainsi, alors même que qu’il s’est prononcé en faveur de l’initiative prise en novembre 2014 par les ministres des finances français, allemand et italien (50), le ministre belge des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, M. Johan Van Overtveldt, a précisé ultérieurement que le gouvernement souhaitait pouvoir conserver tous les moyens à sa disposition en matière de conduite de sa politique fiscale, refusant toute forme d’harmonisation fiscale entre pays de l’Union européenne.

Des évolutions annoncées de la fiscalité en Belgique ?

Les questions fiscales ont tenu une place centrale au cours de la campagne électorale qui s’est déroulée pendant la première moitié de l’année 2014. La majorité des partis s’accordaient sur la nécessité de revoir l’imposition des revenus du travail, considérée comme trop lourde. L’accord de gouvernement du 9 octobre 2014 se limite toutefois à envisager une diminution de la fiscalité du travail sans détérioration de la situation budgétaire (ce qui nécessite de trouver de nouvelles recettes ou de baisser les dépenses). Les modalités selon lesquelles cette fiscalité sera diminuée ne sont pas précisées.

Un débat sur le « tax shift », glissement de la fiscalité du travail vers la fiscalité du patrimoine, s’est toutefois récemment développé. Il porte sur deux aspects particuliers de la fiscalité belge : l’absence de taxation des plus-values mobilières à caractère non spéculatif et l’absence d’impôt sur le stock de capital. L’OCDE et le FMI, dans des études publiées au cours du mois de décembre 2014, ont d’ailleurs suggéré que la taxation du capital soit augmentée en Belgique. Des positions exprimées, il ressort les éléments suivants :

. Il reste difficile pour la Belgique de renoncer à une des spécificités de son système fiscal : la faible taxation du capital et l’attractivité pour les contribuables fortunés, notamment français. De plus, toute mesure nouvelle pourrait rompre l’équilibre actuel qui, quoi que défavorable au travail, fait l’objet de critiques qui demeurent mesurées ;

. Si une diminution de la taxation du travail pour augmenter le « salaire poche » reçoit une certaine unanimité de la part des partis de coalition, son corollaire ne résulte pas forcément dans une augmentation de la fiscalité du patrimoine (mais peut être de la TVA ou des taxes environnementales) ;

. En matière d’imposition du patrimoine, le seul consensus semblant se dégager reste la taxation des plus-values spéculatives. Cette mesure est d’ailleurs simple à mettre en œuvre : son principe existe déjà en droit belge et ce sont ses modalités d’application qui conduisent actuellement à exonérer la quasi-totalité de ces revenus.

Au final, il semble peu probable que des mesures de rééquilibrage passant par une augmentation significative de l’imposition du patrimoine soient prises à l’échelon fédéral. Un rééquilibrage pourrait en revanche, à moyen terme, venir des régions. En effet, en application de la sixième réforme de l’État, celles-ci ont obtenu des compétences plus importantes en matière fiscale. Ainsi, déjà maître d’une part importante de la fiscalité immobilière (droits de mutation à titre onéreux et gratuit et précompte immobilier), les régions perçoivent désormais un quart du produit de l’IPP. Elles disposent donc elles-aussi de pouvoirs pour opérer ce basculement.

La région bruxelloise a déjà prévu d’alourdir la fiscalité immobilière afin de supprimer en contrepartie les impôts additionnels régionaux, et des mesures récemment prises par les trois régions se sont aussi traduites par la diminution de la déduction des intérêts d’emprunt hypothécaires et réciproquement un alourdissement de la fiscalité de l’immobilier. Il n’est donc pas inenvisageable que tirant partie de leurs nouvelles compétences, les régions ne décident, afin de conserver leur attractivité, de développer l’emploi ou pour répondre aux demandes de leur électeurs, de faire plus globalement basculer une partie de la fiscalité du travail vers celle du capital.

D. LES PAYS BAS : LE COMBO INDIGESTE DU « RÉGIME MÈRE-FILLE » ET DU « SANDWICH HOLLANDAIS »

En 2011, les flux financiers entrant aux Pays-Bas (3 207 milliards de dollars) ont ainsi représenté près de quatre fois le PIB du pays, et les flux sortant (4 002 milliards de dollars) près de cinq fois.

Le succès des Pays-Bas repose d’abord sur le régime fiscalement très avantageux des holdings, dit le « régime mère-fille ». Aucune taxation n’est imposée sur les dividendes et les plus-values de cession des holdings. De très nombreux groupes français ont ainsi créé des holdings financiers aux Pays-Bas afin de contourner les impositions françaises, mais le cas n’est pas propre à la France.

Ce régime particulier explique l’essentiel des implantations de sièges sociaux aux Pays-Bas car le taux général d’imposition sur les sociétés de 25,5 % est comparable à la moyenne européenne.

Par ailleurs, les interlocuteurs rencontrés par vos Rapporteurs ont insisté sur le facteur complémentaire que constitue une fiscalité des entreprises stable, qui n’aurait ainsi « pas changé depuis des décennies ».

À cela s’ajoute un régime fiscal très avantageux pour les impatriés avec une prime d’impatriation forfaitaire de 30 % et un statut de non-résident fiscal en option. Le régime fiscal de la propriété intellectuelle, dont les revenus sont imposables au taux de 5 %, y est aussi très avantageux.

Enfin, la plus grande tolérance des Pays-Bas vis-à-vis des pratiques d’optimisation fiscale agressives permet à de grands groupes, notamment américains, d’échapper à l’imposition en Europe. La technique dite du « sandwich hollandais » permet ainsi à des entreprises comme Google, Facebook ou encore Microsoft, par un jeu complexe de transfert de droits et de redevances, de ne payer quasiment aucun impôt en Europe.

Ces groupes profitent en effet de la directive 2003/49/CE concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents (directive « I+R » du 3 juin 2003, qui exonère ces catégories de revenus de l’imposition lorsqu’ils sont payés par une société d’un État membre de l’UE à un autre établissement localisé chez un État-membre. Les Pays-Bas accueillent ainsi nombre de coquilles vides et de structures-écrans par lesquelles les grands groupes font transiter leurs bénéfices, en direction in fine, des Bermudes, où l’imposition sur les sociétés est inexistante.

Le sandwich hollandais, un cas pratique : Google

Étape 1 : Google réalise en France des bénéfices grâce à la vente d’espaces publicitaires. Pour ne pas être soumis à l’impôt à Paris, Google France dépend d’une société-mère, appelée Google Ireland Limited (GIL), basée en Irlande. Le régime fiscal permet en effet à Google d’être imposé sur ses bénéfices français non pas dans l’Hexagone, mais à Dublin, où le taux d’impôt sur les sociétés est beaucoup plus faible (12,5 % au lieu de 33 %).

Étape 2 : Mais pour échapper au taux de 12,5 % d’imposition, Google a créé une autre entreprise, baptisée Google Holdings Ireland (GHI), basée aux Bermudes où l’impôt sur les sociétés n’existe pas. Entre l’Irlande et les Bermudes, les bénéfices transitent sous la forme d’une redevance. En pratique, la société basée à Dublin reverse à celle basée aux Bermudes une redevance pour l’exploitation de la marque Google.

Cette redevance, évaluée selon le sénateur Philippe Marini à 4,26 milliards d’euros, est à peu près égale au montant des recettes réalisées par Google Ireland Limited. Celle-ci ne déclare donc aucun bénéfice en Irlande, et n’y paye donc aucun impôt.

Étape 3 : Le versement d’une redevance est soumis à imposition en Irlande, sauf dans un cas : quand l’entreprise destinataire est basée en Europe. Google a donc créé une société-écran aux Pays-Bas, par laquelle transite la redevance. C’est cette société-écran qu’on appelle le « sandwich hollandais ».

Étape 4 : Pour boucler l’opération, il faut renvoyer les bénéfices des Bermudes aux États-Unis. En principe, cette opération devrait être taxée à 35 %. Pour y échapper, Google US concède les droits de propriété intellectuelle à Google Ireland, contre une redevance modique

Source : Ambassade de France aux Pays-Bas

E. LE ROYAUME-UNI, L’EXEMPLE DU DIFFÉRENTIEL DE NIVEAU DANS L’ATTRACTIVITÉ FISCALE

1. Fiscalité des entreprises : l’importance du différentiel de niveau

À la suite de la crise financière de 2008, et au vu de la dégradation de la compétitivité du pays (le Forum Économique Mondial avait dégradé le Royaume-Uni de la 7e à la 13ème place de 2007 à 2009 (51)) ainsi que du mouvement d’ « inversion » d’entreprises installées au Royaume-Uni constaté en 2009, le gouvernement de coalition dirigé par David Cameron a dressé en novembre 2010 les grands axes de sa stratégie fiscale en faveur des entreprises et de l’attractivité de la place de Londres au sein d’une feuille de route visant à doter, au terme de son mandat, le Royaume-Uni du régime fiscal le plus compétitif parmi les membres du G 20 (52).

Cette stratégie de baisse marquée du taux d’impôt sur les sociétés (toutefois financée en partie par un durcissement des règles d’assiette impactant les investissements puisque le taux principal d’amortissement est passé de 20 % à 18 % en 2012) va de pair avec une révision du régime de taxation des entreprises. Néanmoins, les clés de l’attractivité fiscale du Royaume-Uni reposent davantage sur des différentiels de niveau de fiscalité par rapport aux autres pays de la zone et d’une différence d’approche de la territorialité de l’impôt, avec un effet cumulatif de ces différents facteurs (niveau des avantages fiscaux, niveau de taux, réajustement des dispositifs anti-évasion des profits provenant des filiales étrangères), et non sur des dispositifs différents dans leur nature, même s’il y a lieu de relever que chacun des dispositifs cités plus haut fait l’objet de dispositions anti-abus, lesquelles ont été renforcées en 2013 par l’entrée en vigueur d’un règlement général anti-abus (General anti-abuse rule).

PRODUIT DES PRINCIPAUX IMPÔTS BRITANNIQUES

Source : Ambassade de France au Royaume-Uni

TAUX PRÉVISIONNEL D’IMPOT SUR LES SOCIETES DES PRINCIPAUX PAYS DE L’OCDE

Source : KPMG Global Tax Online

Outre ces mesures successives de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (30 % en 2007, 20 % en 2015 soit le taux d’imposition le plus bas des pays membres du G 7), l’imposition des bénéfices a été profondément remaniée en sorte de la faire évoluer d’une taxation assise sur les bénéfices mondiaux vers un système plus « territorial » limitant en principe la taxation aux profits tirés d’activités dont la substance économique se situe effectivement au Royaume-Uni.

Des mesures complémentaires ont précédé (exonération des plus-values de cession de titres, exonération des dividendes perçues des filiales étrangères, applicables également dans la plupart des pays de l’OCDE) ou accompagné cette stratégie (exonération partielle ou totale des profits réalisés par les filiales étrangères contrôlées, régime d’exonération sur option des profits des succursales étrangères, mise en place de la « patent box » permettant une imposition limitée à 10% des revenus tirés de l’exploitation de brevets, relèvement du taux et simplification du crédit impôt recherche)(53).

Présentation des dispositifs fiscaux britanniques

Régime d’exemption de participation (« participation exemption ») 

Le Royaume-Uni exonère les plus-values de cessions de titres de participation de filiales détenues à plus de 10 % (« substantial shareholding exemption »)54, qu’elles soient résidentes ou non résidentes, dès lors que les titres concernés ont été détenus 12 mois sur la période de 24 mois précédent la cession et se rapporte à une entreprise ayant une activité commerciale substantielle.

En application de la directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents modifiée, le Royaume-Uni exonère les distributions de dividendes perçus d’entreprises résidentes ou non résidentes au Royaume-Uni (55). Les dividendes perçus par une entité imposée au Royaume-Uni à l’impôt sur les sociétés, s’ils sont de source britannique, sont totalement exonérés sans condition d’un pourcentage ni d’une durée minimum de détention (56). Pour les PME, l’exonération des dividendes perçus d’une filiale à l’étranger est conditionnée à la conclusion d’une convention fiscale comportant une clause de non-discrimination (57).

Régime des sociétés étrangères contrôlées (« Controlled foreign companies - CFC ») (58)

Ce régime est dans sa nature un dispositif anti-abus visant à prévenir le transfert artificiel de bénéfices dans des territoires à fiscalité privilégiée.

Avant la réforme qui a pris effet au 1er janvier 201, l’objectif était d’imposer au Royaume-Uni les profits qui en ont été transférés à des filiales situées dans des territoires à faible niveau d’imposition (impôt dû par la société étrangère contrôlée sur ces profits est inférieur à 75 % de l’impôt qui aurait été dû au Royaume-Uni sur ces mêmes profits) alors même que ces filiales ne génèrent pas réellement ces profits, car ne disposant ni des moyens matériels et humains, ni des fonctions commerciales nécessaires, leur création étant uniquement justifiée par des considérations fiscales.

La réforme, de nature particulièrement complexe, réduit les cas d’application de taxation des profits des CFC en élargissant le champ des exonérations existantes, notamment pour les profits financiers, qui peuvent être totalement où largement (à hauteur de 75 %) exonérés. Par ailleurs, la législation introduit une période d’exonération d’un an sur toute nature de profits en cas d’opération de restructuration se traduisant par le transfert d’une société non résidente au Royaume-Uni (acquisition, « inversion » ou transfert de la société mère).

Le Treasury a évalué le coût de cette mesure en régime de croisière à 800 millions de livres par an (59).

Retenue à la source sur les dividendes, le versement d’intérêts et le paiement de royalties

Le Royaume-Uni ne soumet pas à retenue à la source les distributions de dividendes versés quels que soient la nature juridique ou le lieu de résidence des actionnaires (résidents ou non-résidents).

Le versement d’intérêts et de royalties se voit en principe appliquer une retenue à la source de 20 %, sauf application d’un taux plus favorable dans le cadre de la convention conclu avec l’État de résidence du bénéficiaire, nécessitant l’accord préalable de l’administration fiscale.

L’administration fiscale a introduit une procédure de rescrit dédiée « tax treaty passport scheme » en vue d’accélérer le traitement de ces rescrits, reposant sur la reconnaissance de l’identification des sociétés prêteuses dans une base de données leur reconnaissant la qualité de « lender’s Treaty passport holder status ». (60)

Exonération sur option des profits des branches d’activités étrangères (succursales)

Introduite en 2011, cette exonération permet de ne pas imposer les établissements stables non filialisés qui sont imposables dans l’État d’établissement pour éviter la double taxation des profits dégagés par ces branches (avec pour corollaire la perte des remontée des déficits), qui sont déjà taxées dans le pays où elles sont établies : c’est une mesure d’allègement partielle de la charge fiscale nette qui permet simplement d’éviter de décaisser l’imposition due au Royaume-Uni qui donne lieu en principe à un crédit d’impôt à raison de l’impôt sur les sociétés acquittés à l’étranger en vertu de l’application de la convention fiscale conclus avec le lieu de situation de la succursale.

Le Treasury a évalué le coût de cette mesure, qui a vocation à s’appliquer dans les secteurs bancaire, assurantiel et pétrolier, a 100 millions de livres par an (61).

Avantage fiscal au titre des dépenses de recherche & développement

Il prend la forme, jusqu’au 1er avril 2016 – date à laquelle le régime du crédit d’impôt deviendra obligatoire –

- soit d’une déduction supplémentaire du résultat soumis à l’IS, qui correspond à 30 % des dépenses de R&D (pour chaque dépense de 100 £ éligible, la société est en mesure de déduire 130 £). En cas de pertes au cours de la période, les dépenses majorées peuvent être déduites et accroitre ainsi le déficit qui fait l’objet d’un report en avant non limité dans le temps.

- soit, depuis 2013, d’un crédit d’impôt (le taux est de 10 % de la valeur de leurs dépenses de R&D pour les grandes entreprises, et de 14,5 % pour les PME). Ce crédit est lui-même soumis à l’impôt sur les sociétés.

Source : Ambassade de France au Royaume-Uni

2. L’imposition des personnes physiques, le rôle déterminant du coin fiscal

Outre le niveau plus faible de la fiscalité sur le patrimoine et sur les plus-values moindre (absence d’impôt sur la fortune et de prélèvements sociaux, taxation forfaitaire des plus-values mobilières et immobilières à 28% l’autre différence majeure par rapport à la France est la moindre progressivité de la structure de l’IRPP même si le taux marginal est identique (45 %). Le barème, plus étroit, comporte en effet trois taux principaux : 20 %, 40 % et 45 %. Sur 29,9 millions de contribuables, 4,6 millions relèvent de la tranche de revenu imposée au taux de 40 % et 343 000 à celle au taux de 45 %.

Si l’impôt sur le revenu des personnes physiques constitue la première source de recettes fiscales puisqu’il représente un tiers des recettes totales (162 milliards de livres en 2013-2014), il convient de relativiser l’impact de ce dernier en termes de revenu disponible – et donc d’impact sur l’attractivité fiscale – par une analyse du « coin fiscal » (62).

Selon une étude de l’OCDE (63), le coin fiscal en Belgique, en Allemagne et en atteignant ou dépassait 50 %, le coin fiscal du Royaume-Uni s’établissant à 32,3 %, soit le plus faible de l’Union européenne après l’Irlande (à titre de comparaison, la valeur moyenne du coin fiscal des pays de l’OCDE était de 35,6).

La valeur la plus discriminante dans la composition du coin fiscal exprimée en % des coûts de main d’œuvre ne réside pas dans l’impôt sur le revenu, mais dans la part des cotisations sociales « employeur » (taux de 13.8 %) qui apparait trois fois plus élevée en France (30,6) qu’au Royaume-Uni (9,8).

Mais le principal levier d’attractivité fiscal, mis en œuvre par le Royaume-Uni depuis 2003, repose sur l’institution d’un régime dit des résidents non domiciliés (« no-doms »).

Ce régime permet de déroger pour ses bénéficiaires au principe général d’imposition sur les revenus mondiaux en matière d’impôt sur le revenu, et de n’être taxés que sur les revenus de source britannique et les revenus effectivement rapatriés (« remittance basis »).

À la taxation de droit commun s’ajoute toutefois, depuis 2008, un prélèvement annuel forfaitaire (30 000 £ ou 50 000 £ en fonction du nombre d’années de présence au Royaume-Uni). Près de 6 000 personnes physiques vivant au Royaume-Uni (64) se seraient ainsi acquitté de 178 M£ au titre du prélèvement annuel forfaitaire pour l’année 2012, montant le plus important depuis l’introduction de la « remittance tax » en 2008.

En outre, les revenus rapatriés peuvent bénéficier d’une large exonération à l’impôt sur le revenu dès lors que les sommes correspondantes sont réinvesties au Royaume-Uni dans le capital (ou sous forme de prêt) des sociétés (private limited companies) non cotées et ayant une activité commerciale substantielle.

Cette exonération s’applique sans limitation du montant réinvesti, à la différence des différents véhicules d’investissement similaires donnant droit à un avantage fiscal sous la forme d’une réduction d’impôt et/ou d’une exonération des plus-values. Elle peut faire l’objet d’une procédure de rescrit donnant la garantie aux contribuables que les fonds rapatriés sont bien affectés à un investissement éligible.

De plus, les personnes qui s’installent au Royaume-Uni qui sont non-domiciliées et qui satisfont aux critères de résidence fiscale l’année de leur arrivée bénéficient également de l’application du régime de « remittance basis » dès lors qu’ils n’avaient pas la qualité de résidents les trois années précédant leur arrivée (« overseas work-day relief »). Dans cette situation, les salaires de source étrangère qu’ils perçoivent ne sont taxés que s’ils sont rapatriés au Royaume-Uni. Le bénéfice est toutefois limité dans le temps (les trois premières années qui suivent immédiatement la période des 3 trois au cours de laquelle ils n’avaient pas la qualité de résident).

3. Un effet mesurable à travers la relocalisation de sièges sociaux

La mesure de l’effet des leviers fiscaux sur l’attractivité en termes de d’investissements étrangers est appréhendée de façon globale, soit dans le cadre de l’évaluation des dépenses fiscales, soit dans le cadre d’une analyse globale des effets dynamiques de la réduction du poids de l’impôt sur les sociétés (65). Pour autant, il n’y a pas de fléchage direct et apparent entre dispositifs fiscaux incitatifs et gains corrélatifs en termes d’investissements étrangers. Lorsque tel est le cas, il n’est pas valorisé de façon chiffrée dans l’étude d’impact de la mesure concernée (66).

Un indicateur considéré comme pertinent est toutefois celui de la localisation du siège social des entreprises.

EVOLUTION DU NOMBRE DE SIEGES SOCIAUX PAR PAYS ENTRE 2000 ET 2011

Les grandes métropoles des États-Unis et d’Europe connaissent une érosion marquée du nombre de sièges sociaux depuis 2000.

Mais le Royaume-Uni demeure la principale destination européenne pour les investissements en centres de décisions, avec 19 % des sièges sociaux qui se sont implantés en Europe en 2013 (soit 29 sièges sociaux, alors que la France n’en a attiré que 18). Une proportion importante concerne des entreprises américaines, au point d’entraîner l’expression publique de leur préoccupation par le Congrès comme par le Président Obama. La répartition par catégories montre une prédominance des sièges sociaux de groupes de services, mais aussi les centres logistiques, les directions commerciales, marketing et les centres de distribution. En revanche, le Royaume-Uni reste derrière l’Allemagne et la France pour les implantations de groupes industriels.

Le cas d’Hitachi

Hitachi a choisi, pour des raisons stratégiques, de transférer le siège de sa branche rail de Tokyo à Londres.

Avec un siège londonien et des usines construites en Angleterre, il souhaite concurrencer plus frontalement Bombardier et Siemens en France et en Allemagne. Hitachi localise à Londres les dirigeants de la branche rail du groupe, ainsi que quelques autres cadres dirigeants en charge de piloter le reporting à Tokyo pour le siège du conglomérat. Cette décision a été annoncée après que le ministère des transports britannique ait accordé un marché d’1,2 Md£ pour la construction des trains intercités à Hitachi. En 2013, Hitachi avait déjà renforcé sa base manufacturière dans le nord-est de l’Angleterre en créant 750 emplois supplémentaires.

IV. UNE PRIORITÉ TARDIVE MAIS RÉELLE POUR L’UNION EUROPÉENNE

À la suite des États-Unis et de l’OCDE, l’Union européenne se préoccupe – enfin –  e la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales des entreprises. Les dysfonctionnements européens devenaient de plus en plus visibles et la Commission européenne se devait de réagir. La Commission Juncker en a fait l’une de ses priorités politiques et vos Rapporteurs s’en félicitent et approuvent les initiatives prises.

Vos Rapporteurs souhaitent ici rappeler la jurisprudence du juge constitutionnel français, qui non seulement a jugé conforme au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques les dispositions excluant du régime d’imposition des sociétés-mères les sociétés ayant des filiales dans un État ou territoire non coopératif (ETNC), mais a indiqué que le but de lutter contre la fraude fiscale des sociétés qui réalisent des investissements ou des opérations financières dans les ETNC constituait un objectif à valeur constitutionnelle (67).

Constitutionnalité des dispositions du Code général des impôts excluant du régime d’imposition des sociétés-mères les sociétés ayant des filiales dans un État ou territoire non coopératif (ETNC).

La notion d’ETNC a été définie par la troisième loi de finances rectificative pour 2009. Elle est fondée sur la qualité des informations échangées par les États, notamment via les conventions d’assistance administrative, permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale. Les ETNC peuvent être définis comme des entités politiques qui ne respectent pas les standards internationaux d’échange d’informations en matière fiscale. En 2014, la liste des ETNC comprenait 8 États (68). Cette liste est fixée par les ministres chargés de l’économie et du budget après avis du ministre des Affaires étrangères. Cette liste est mise à jour le 1er janvier de chaque année.

Le Code général des impôts institue une différence de traitement entre les sociétés-mères selon que leurs filiales sont, ou non, établies dans un État qui figure sur la liste des ETNC.

Le régime français des sociétés-mères permet à une société-mère soumise à l’impôt sur les sociétés et détenant une participation supérieure à 5 % dans le capital de sa filiale de déduire de son bénéfice imposable les dividendes en provenance de cette filiale. Ce régime est écarté pour les dividendes en provenance d’une filiale établie dans un ETNC.

Il en va de même pour le régime d’imposition des plus-values de cession de titres qui est exclu lorsque la cession porte sur des titres de sociétés établies dans un ETNC. Les plus-values de cession de ces titres sont donc soumises à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.

Les requérants faisaient valoir qu’en soumettant les dividendes et les plus-values de cession de titres de participation provenant de sociétés établies dans un ETNC à un niveau d’imposition dérogatoire, les dispositions contestées étaient contraires au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques en ce qu’elles posaient une présomption irréfragable de fraude fiscale au détriment de ces sociétés-mères ayant des filiales dans des paradis fiscaux, et engendraient une imposition confiscatoire.

Le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur a poursuivi un but de lutte contre la fraude fiscale des sociétés qui réalisent des investissements ou des opérations financières dans les ETNC. Il ajoute que ce but constitue un objectif à valeur constitutionnelle (69). De ce fait, la différence de traitement instituée par la loi entre les sociétés-mères selon qu’elles ont, ou non, des filiales dans un ETNC, est fondée sur des critères en rapport direct avec l’objet de la loi. Quant au niveau d’imposition instauré par la loi, il n’est pas tel qu’il en résulterait une imposition confiscatoire.

Le Conseil constitutionnel émet cependant une réserve. Les dispositions en cause du Code général des impôts ne doivent pas faire obstacle à ce que le contribuable puisse être admis à apporter la preuve de ce que la prise de participation établie dans un ETNC correspond à des opérations réelles qui n’ont ni pour objet, ni pour effet de permettre, dans un but de fraude fiscale, la localisation de bénéfices dans un tel État ou territoire. Il s’agit là, pour le législateur, d’introduire une « clause de sauvegarde » (70) relative aux dispositions contestées. À défaut, ces règles de sauvegarde seront le fruit d’une construction jurisprudentielle.

La question fiscale est fondamentale pour le devenir de l’Union européenne. Nous avons un marché unique, avec une devise unique (en partie), mais sans qu’il existe une fiscalité harmonisée. Des pays ne peuvent pas partager leur économie sans coopérer en matière fiscale. Un tel système est difficilement compatible avec les principes présidant à la construction de l’Union Européenne.

En réaction aux pratiques fiscales agressives, la Commission a, depuis juin 2014, ouvert des enquêtes en vertu des règles en matière d’aides d’État. Son objectif est de déterminer si les avantages fiscaux sélectifs engendrent des distorsions de concurrence au sein du marché intérieur.

De surcroit, dans le cadre de son agenda contre l’évasion fiscale des sociétés, après avoir proposé un premier paquet de mesures sur la transparence fiscale, le 18 mars 2015, elle a prolongé et complété ce dernier par un plan d’action sur la fiscalité des entreprises, présenté le 17 juin 2015.

Au nombre de cinq, ces mesures ne revêtent pas toutes la même importance. L’élément clé de ce « paquet de transparence fiscale » est sans nul doute la proposition de directive du Conseil visant à introduire l’échange automatique et régulier, entre les États membres, de leurs rescrits fiscaux (71). Pour une mise en œuvre rapide de cette disposition, la Commission européenne propose qu’elle soit intégrée dans le cadre législatif existant, au moyen d’une modification de la directive relative à la coopération administrative, dont la dernière révision date de décembre 2014. Ceci lui permettrait de disposer des procédures et processus déjà en place.

La transparence encouragée par la Commission européenne est un moyen de lutter contre la planification fiscale agressive, rendue possible par le manque d’information dont disposent les États membres sur les pratiques fiscales de leurs partenaires.

Cette proposition pourrait aussi ouvrir la voie à des mesures de rétorsion, même si cet aspect n’est pas mis en avant par la Commission européenne. Cet aspect est particulièrement intéressant pour la France. Un échange d’informations sur les rescrits entre États membres offrirait des éléments matériels, permettant de qualifier d’abus de droit les pratiques fiscales des entreprises. Il serait, en effet, plus facile de démontrer que, comme le dispose l’article 64 du livre des procédures fiscales, « la pratique d’une entreprise n’a pas eu d’autre motif que celui d’atténuer ou d’éluder la charge fiscale qu’elle aurait normalement dû supporter eu égard à sa situation et à ses activités ».

A. L’INSTAURATION D’UN ÉCHANGE AUTOMATIQUE ET OBLIGATOIRE D’INFORMATIONS SUR LES RESCRITS FISCAUX

La Commission européenne a présenté, le 18 mars 2015, une proposition de directive (72) visant à instaurer un échange automatique et obligatoire d’informations en matière fiscale, notamment en ce qui concerne les rescrits fiscaux et les arrangements préalables en matière de prix de transfert (APA).

Le rescrit et l’APA sont des décisions fiscales anticipées transmises par une autorité fiscale à un contribuable qui définissent la manière dont son imposition sera calculée pour une période donnée. Tous les États membres accordent des rescrits fiscaux, sous différentes formes. Un rescrit n’est pas illégal en soi. Au contraire, il apporte une certaine sécurité juridique à l’entreprise. Néanmoins, il peut fausser la concurrence lorsqu’il est utilisé pour octroyer des avantages fiscaux sélectifs à une entreprise par rapport à ses concurrents.

Les rescrits facilitent ainsi la planification fiscale agressive lorsque des entreprises en profitent pour transférer artificiellement leurs bénéfices dans un État membre qui offre un faible niveau d’imposition.

À l’heure actuelle, les États membres échangent peu d’informations sur leurs décisions fiscales. Chaque pays peut décider de manière discrétionnaire ce qu’il choisit de communiquer ou non. Par conséquent, les États membres ignorent souvent qu’une décision fiscale susceptible d’avoir des effets sur leurs propres recettes a été délivrée ailleurs dans l’Union européenne. Certaines entreprises exploitent ce manque de transparence afin de réduire leur charge fiscale.

L’échange automatique et obligatoire d’informations sur les décisions fiscales doit permettre aux États membres de détecter les pratiques fiscales abusives auxquelles se livrent certaines entreprises. Il devrait également, par un effet de pression par les pairs, amener les États à modifier leurs pratiques fiscales et encourager une concurrence fiscale plus saine.

La proposition de la Commission européenne prévoyait d’imposer aux autorités fiscales nationales l’obligation d’envoyer, tous les trois mois, à tous les autres États membres un rapport sur toutes les décisions fiscales transfrontières qu’elles ont délivrées. Les informations requises concernent le contenu du rescrit ou de l’APA, la description des critères utilisés pour déterminer le prix de transfert en cas d’APA, l’identification d’autres pays, ou toute personne morale, susceptibles d’être concernés directement ou indirectement. Le cas échéant, les États membres pourront demander des précisions sur telle ou telle décision à leurs homologues.

Si dans l’ensemble, les États membres soutenaient les objectifs généraux de la directive, ils étaient partagés sur ses modalités d’application, en particulier sur la question du champ d’application, du rôle de la commission et son éventuel caractère rétroactif.

Un accord politique sur la proposition de directive du Conseil visant à rendre automatique à compter du 1er janvier 2017 l’échange d’informations sur les rescrits fiscaux été trouvé par les ministres des finances lors du conseil EcoFin le mardi 6 octobre 2015, dans une version qui tient notablement compte de la publication, la veille, du plan d’action de l’OCDE.

Notant le report de la date d’entrée en vigueur, du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2017, vos Rapporteurs appellent à la mise en œuvre de la procédure d’avis dans un délai resserré, afin de garantir une entrée en vigueur effective à la date retenue.

1. Le champ d’application

L’enjeu portait notamment sur la détermination des rescrits fiscaux et des APA qui feront l’objet d’un échange.

La définition des rescrits proposée par la Commission européenne était formulée de telle manière que sont concernées un grand nombre de décisions fiscales (73).

Lors du Conseil Ecofin du 19 juin 2015, plusieurs États membres – dont l’Irlande, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas – s’étaient exprimés en faveur d’un champ d’application aussi large que possible, afin d’assurer des conditions de concurrence similaires pour toutes les entreprises dans l’ensemble de l’Union. Les petits États membres, dont l’économie est souvent plus ouverte, souhaitaient même aller plus loin, en incluant non seulement les accords transfrontaliers mais aussi les accords domestiques, exclus de la proposition initiale. Selon eux, l’ensemble des rescrits ayant des implications internationales dans leurs effets devaient être concernés.

À l’inverse, certains États membres estimaient que le champ d’application était trop large. Les Pays-Bas et la Pologne plaidaient pour l’exclusion des rescrits fiscaux accordés aux petites et moyennes entreprises. De même, la Pologne, la Suède et Malte insistaient pour que soient exclus des APA concernés par l’échange d’information, les accords multilatéraux ou bilatéraux avec des pays tiers. En réaction, la présidence lettone avait proposé une liste d’APA qui pourraient être exclus, notamment les accords avec des pays tiers qui ont été décidés avant l’entrée en vigueur de la directive.

Enfin, plusieurs États membres déploraient d’être obligés de communiquer l’ensemble de leurs décisions fiscales avec tous leurs partenaires, et non uniquement à ceux pour lesquels le contenu d’une décision peut être pertinent.

Vos Rapporteurs souhaitent ici rappeler la maxime « le mieux est l’ennemi du bien » : une conception trop large de l’échange de données pourrait conduire à la saturation des autorités chargées du contrôle, rendant ce dernier rendant inopérant.

2. Le rôle de la Commission européenne

Le rôle de la Commission européenne dans le futur système d’échange d’informations en matière fiscale a également été discuté.

La proposition de directive imposait à chaque État de communiquer ses décisions fiscales aux autres autorités fiscales nationales, mais aussi à la Commission européenne. Cette dernière souhaitait pouvoir contrôler que les échanges d’informations avaient bien lieu. Elle souhaitait également travailler avec les États pour fixer d’éventuelles conditions d’octroi de rescrit ou d’APA.

Certains États membres se sont toutefois interrogés sur l’utilité pour la Commission européenne de recevoir des informations fiscales nationales et de les stocker dans un registre central. Lors du Conseil Ecofin du 19 juin 2015, l’Irlande, l’Espagne, Malte, la Suède et le Royaume-Uni, entre autres, ont ainsi exprimé certaines réserves. La Slovaquie a quant à elle indiqué que la Commission ne devrait recevoir que des données statistiques pour constater que l’échange a bien lieu.

Ces réticences étaient liées à l’utilisation que la Commission européenne pourrait faire des informations fiscales nationales ainsi communiquées, et notamment pour d’autres objectifs que le suivi et d’évaluation de l’application effective du dispositif d’échanges, dans le cadre des règles de concurrence par exemple. La Direction générale de la concurrence pourrait avoir accès aux données communiquées par les autorités fiscales nationales.

La Commission a tenté de rassurer les États membres en limitant l’usage des données à la construction d’une image globale des fiscalités nationales et en garantissant que si les informations ainsi recueillies pouvaient fournir des indices sur d’éventuelles aides d’État, elles ne pourraient pas servir de base pour ouvrir une enquête, affirmation qui a laissé vos Rapporteurs quelque peu dubitatifs.

Le Conseil EcoFin a encadré le rôle que jouera la Commission dans ce processus : elle recevra une « série limitée d’informations » qui lui permettront de suivre et d’évaluer l’application effective de l’échange d’informations, mais ces informations « ne pourront pas être utilisées pour d’autres objectifs ». Différence notable par rapport à la proposition initiale, la Commission n’aura donc pas accès au détail des informations échangées (par exemple les détails et le nom de du bénéficiaire du rescrit fiscal), mais seulement à des statistiques par pays.

3. Le caractère rétroactif

La proposition de directive prévoyait un échange automatique et obligatoire des décisions fiscales futures, mais aussi des décisions de moins de dix ans. Le caractère rétroactif du dispositif fait partie des lignes rouges de la Commission européenne.

Toutefois, certains États membres – dont la Pologne, le Luxembourg, l’Allemagne et les Pays-Bas – estimaient que l’effet rétroactif était trop long. La Pologne, par exemple, a indiqué octroyer près de six mille rescrits fiscaux par an, lesquels devraient tous être traduits en anglais pour pouvoir être partagés. Les États membres les plus réticents ont ainsi demandé à réduire la période rétroactive de dix à deux ou trois ans.

Le texte adopté par le Conseil Ecofin limite la rétroactivité aux rescrits passés depuis cinq ans et encore en vigueur à la date de l’échange, avec une exception pour les rescrits passés après le 1er janvier 2014. Ces derniers doivent être échangés dans tous les cas, même s’ils ont expiré à la date d’entrée en vigueur de la directive. Une clause spéciale temporaire est par ailleurs prévue pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 40 millions d’euros : il est ainsi laissé à la discrétion des États la possibilité d’exclure de l’échange rétroactif les rescrits accordés, amendés ou renouvelés avant le 1er avril 2016 à ces entreprises, à condition que leur activité principale ne relève pas principalement des activités financières ou de l’investissement.

B. LA RELANCE DU PROJET D’ASSIETTE COMMUNE CONSOLIDÉE POUR L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (ACCIS)

La Commission européenne ambitionne également de relancer, avant fin 2016, le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) qui aurait la double tâche de garantir une fiscalité équitable et de créer un meilleur environnement pour les entreprises et sur lequel l’un de vos Rapporteurs s’était penché il y a maintenant dix ans.

À cet effet, elle a annoncé l’ouverture d’une consultation publique pour alimenter sa réflexion, ouverte jusqu’ au 8 janvier 2016.

Engagé en 2001, l’ACCIS est un projet d’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Il s’agit, d’une part, d’arrêter une définition de la base imposable commune à l’ensemble des États membres de l’Union et, d’autre part, de consolider le bénéfice imposable des entreprises qui, au lieu d’être déterminé dans chaque État, le serait au niveau de l’Union. L’ACCIS ne prévoit aucune harmonisation du taux d’imposition : une fois réparti entre les différents États membres en fonction de critères objectifs (nombre d’employés, masse salariale, valeur du capital physique, chiffre d’affaires, etc.), le bénéfice serait taxé dans chaque pays au taux défini au niveau national (74).

Le projet ACCIS peut être une solution globale à la réforme de la fiscalité. Il contribuerait à créer un meilleur environnement pour les entreprises. En effet, une assiette commune permettrait aux entreprises de calculer leur imposition selon un ensemble unique de règles, au lieu de devoir appliquer des règles nationales différentes. De plus, elle offrirait aux entreprises la possibilité de compenser leurs pertes et leurs bénéfices dans l’ensemble de l’Union. L’ACCIS aurait donc pour effet de renforcer la sécurité juridique des entreprises, d’alléger leurs charges administratives et d’investir de manière plus efficiente dans le marché unique.

En 2011, la Commission européenne a présenté une première proposition de directive, dont les négociations sont actuellement au point mort. Toutefois, d’après la Commission européenne, un consensus général se dégage sur la nécessité de relancer l’ACCIS. C’est pourquoi le plan d’action sur la fiscalité des entreprises, présenté le 17 juin 2015, contient une relance par étapes du projet.

Dans un premier temps, la Commission propose que les travaux sur la définition d’une assiette commune se poursuivent, dans le cadre de la proposition existante. Il s’agit d’avancer sur l’aspect le moins problématique du projet, celui où les États sont le plus à même de parvenir à un accord.

Puis, dans un second temps, la consolidation du bénéfice imposable – la véritable pierre d’achoppement des négociations – sera abordée, sur la base d’une nouvelle proposition de la Commission, annoncée pour 2016.

Dans l’intervalle, un mécanisme temporaire de consolidation partielle pourrait être mis en place. Il permettrait aux entreprises opérant au niveau transfrontalier de compenser leurs pertes, où qu’elles se produisent dans l’Union européenne, sur leur facture fiscale. En parallèle, pour éviter qu’un État membre ne supporte le poids de pertes subies par une entreprise dans un autre État, un mécanisme de « capture » serait prévu une fois que l’entreprise serait en meilleure santé économique.

Un premier débat ministériel s’est par ailleurs tenu le 11 septembre sur la question de l’imposition minimum effective, que la Présidence luxembourgeoise définit comme « une possible mesure protective pour assurer que les profits ne quittent pas le Marché intérieur (dimension externe) ou ne soient pas transférés vers un autre État membre (dimension interne) pour ne pas y être imposés à un niveau qui peut être considéré comme bas, en particulier lorsqu’une substance économique appropriée n’est pas générée dans ce pays tiers ou dans un autre État membre », alors que les outils actuellement à disposition des États sont limités (75) .

C. L’AMÉLIORATION DE LA COORDINATION FISCALE ENTRE LES ÉTATS MEMBRES DE L’UNION

Le manque de coordination entre les États membres dans le domaine de la fiscalité des entreprises est à l’origine d’une insécurité juridique, de lourdeurs administratives et de coûts de mise en conformité pour les entreprises et les investisseurs. Cela dessert l’objectif européen d’un marché unique plus fort et plus compétitif.

Les mesures proposées par la Commission européenne contribuent à renforcer la coordination des systèmes fiscaux nationaux. Outre l’échange d’informations en matière fiscale et la relance du projet ACCIS, elles visent aussi à renforcer l’efficacité des instruments de coordination existants.

1. La plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal

La Commission a adopté, le 17 juin 2015, une décision qui prolonge l’existence de la « Plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal » (76). Ce groupe, auquel participent les autorités fiscales nationales, les entreprises et la société civile, aurait expiré en avril 2016.

Le plan d’action sur la fiscalité envisage également de revoir le champ d’action du groupe ainsi que ses méthodes de travail. Seraient suggérées la mise en place de deux chambres – une avec les États, l’autre avec les acteurs non publics – et la tenue d’une session plénière par an. La coordination pourrait également être renforcée en matière de contrôle et d’audits fiscaux des entreprises multinationales : des audits menés au sein d’une même société, menés conjointement par plusieurs administrations nationales pourraient être organisés afin de faciliter l’accès aux informations et obtenir une vue d’ensemble des pratiques fiscales dans l’Union.

2. Le code de conduite en matière de fiscalité des entreprises

L’Union européenne envisage également une révision du code de conduite en matière de fiscalité des entreprises et du groupe de travail qui y est rattaché. Le code de conduite est l’un des principaux outils dont dispose l’Union européenne pour assurer une concurrence équitable en matière d’impôt sur les sociétés. Il fixe les critères qui déterminent si un régime fiscal est dommageable ou non et oblige les États membres à supprimer toute mesure préjudiciable. Bien que le code ne soit pas contraignant, les États se réunissent régulièrement au sein d’un groupe de travail pour évaluer la conformité de leur régime aux règles établies.

Au cours des dernières années, le code a perdu en efficacité : cela tient, d’une part, au fait que les critères énoncés ne conviennent plus pour évaluer certains régimes fiscaux modernes et complexes et, d’autre part, au fait que le groupe « Code de conduite » n’est pas doté d’un mandat suffisamment large pour agir efficacement. En réaction, la Commission propose de réviser le code de conduite ainsi que le groupe de travail. Il s’agit notamment de rendre le groupe plus politique, d’améliorer ses méthodes de travail, par exemple en abandonnant progressivement la règle de l’unanimité, et d’élargir son mandat en vue d’une approche européenne vis-à-vis des pays tiers.

3. Une liste européenne des États et territoires non coopératifs

Simultanément avec la présentation de son plan d’action, la Commission a publié une liste européenne des États tiers et territoires non coopératifs. Il ne s’agit pas d’une liste européenne à proprement parler, car aucune base juridique ne le prévoit, mais d’un regroupement des listes noires nationales dressées par les vingt-huit États membres de l’Union.

Cette liste devrait permettre de passer au crible les juridictions fiscales non coopératives, de mettre au point une stratégie commune à l’égard de celles-ci et de renforcer la position de l’Union européenne à l’encontre des pays qui encouragent l’optimisation fiscale agressive. Une approche européenne commune aura plus de poids qu’un ensemble hétérogène de systèmes nationaux et empêchera les entreprises d’accéder aux États et territoires non coopératifs en exploitant les failles des différents systèmes nationaux.

L’objectif ultime est que l’Union adopte une approche commune pour déterminer les États et territoires non coopératifs et prendre des mesures à leur encontre. Jusqu’ici, néanmoins, chaque État membre utilise des critères différents pour déterminer quel pays doit figurer ou non sur la liste et quelles mesures doivent être prises.

S’il faut saluer la mise en place de cette liste noire européenne, première étape dans la bonne direction, on peut toutefois regretter certaines incohérences. L’ONG Oxfam, par exemple, s’interroge sur le fait que les États membres de l’Union coupables de pratiques fiscales dommageables, tels les Pays-Bas n’y figurent pas (seuls sont cités Andorre, Guernesey, le Lichtenstein et Monaco).

D. LA MISE EN PLACE DE MESURES GARANTISSANT UNE IMPOSITION EFFECTIVE DES ENTREPRISES

Comme l’a déclaré M. Valdis Dombrovskis, Vice-président de la Commission chargé de l’euro, le « principe de base » du nouveau paquet sur la transparence fiscale est que « toutes les entreprises, grandes ou petites, locales ou mondiales, doivent payer leur juste part d’impôt là où se situe l’activité économique et là où elles font des bénéfices ».

C’est là l’objectif des mesures sur le reporting par pays ou les prix de transfert, qui reprennent, en partie, celles du projet BEPS de l’OCDE (77).

1. L’extension du reporting pays par pays

La proposition de la Commission européenne présentée le 18 mars 2015, prévoit d’imposer aux entreprises de publier davantage d’informations concernant leurs activités et les impôts qu’elles acquittent dans chaque pays où elles exercent des activités. Ce reporting pays par pays s’impose déjà aux banques (78) ainsi qu’aux grandes entreprises des secteurs de l’extraction et de l’exploitation forestière (79) et serait étendu ainsi aux entreprises de tous les secteurs.

Imposer des obligations de publicité en matière fiscale aux entreprises de tous les secteurs pourrait contribuer à dissuader celles-ci de pratiquer une optimisation fiscale agressive, en les soumettant à une surveillance publique plus étroite.

La Commission européenne a annoncé, le 17 juin 2015, le lancement d’une consultation publique sur la faisabilité et l’opportunité d’imposer de nouvelles obligations aux entreprises, afin d’évaluer les objectifs, les avantages, les risques et les garanties nécessaires au projet. Il s’agit notamment de déterminer la taille des entreprises soumises à de nouvelles obligations (multinationales, PME, etc.) mais aussi quel degré de publicité serait exigé (partage entre administrations fiscales ou publicité totale), avec en toile de fond la compatibilité du reporting vis-à-vis des règles de confidentialité et de secret d’affaires.

Estimant que la Commission avait remis à plus tard la mise en place d’un reporting fiscal en lançant cette consultation publique, les députés européens ont adopté en séance plénière, le 8 juillet 2015, un amendement à la proposition de directive relative aux droits des actionnaires (80) reprenant cette obligation de publicité pour les entreprises. Cette mesure, introduite par les groupes S&D et Verts en particulier, va plus loin que le reporting envisagé par l’OCDE puisqu’elle concerne toutes « les grandes entreprises et les entreprises d’intérêt public » sans exigence de chiffre d’affaires minimum.

Selon l’amendement adopté, ces entreprises devraient notamment communiquer leur chiffre d’affaires, le nombre de leurs salariés, les impôts payés et les subventions publiques reçues, en ventilant ces informations par État membre et par pays tiers dans lesquels elles sont établies.

Pour justifier l’introduction de cette mesure dans cette proposition de directive, les députés expliquent dans la proposition de directive amendée que « la communication obligatoire d’informations dans ce domaine peut être considérée comme un élément important de la responsabilité des entreprises à l’égard des actionnaires et de la société civile ». On comprend ici que contrairement à ce qu’envisage l’OCDE, les députés européens souhaitent que ces informations fournies par les entreprises soient accessibles aux administrations fiscales mais également au grand public.

Le groupe PPE, au départ opposé à cet amendement au motif que la directive « droit des actionnaires » n’était pas le bon support pour introduire une telle mesure, a finalement voté en sa faveur. La proposition amendée a finalement bénéficié d’une majorité confortable avec 404 voix pour, 127 contre et 174 abstentions (81).

Cette question fera, sans nul doute, l’objet de vifs débats lors des négociations en trilogue à venir.

Les entreprises européennes – notamment Total – ont jusqu’ici exprimé certaines réserves, craignant que de nouvelles obligations nuisent à leur capacité de concurrencer les sociétés américaines.

À l’inverse, les représentants de la société civile, comme l’ONG ONE France (82), ont accusé la Commission européenne de reporter indéfiniment un projet pour lequel, dans le cas des banques, aucun impact négatif sur la compétitivité n’avait pu être démontré dans les études d’impact préliminaires.

Du coté des États, l’Allemagne et la France, en particulier, se montrent plutôt frileux à l’idée d’une déclaration accessible au public et souhaitent limiter l’accès aux données des entreprises seulement aux administrations fiscales, à l’instar du projet BEPS.

Une proposition de la Commission est annoncée pour fin 2015 ou début 2016.

2. L’amélioration des méthodes de détermination des prix de transfert

Environ 70 % de tous les transferts de bénéfices se font en jouant sur les cessions internes et la localisation de la propriété intellectuelle des entreprises. Il importe donc d’améliorer la manière dont les entreprises déterminent leurs prix de cession interne et de veiller à ce que les taux d’imposition plus faibles appliqués à la propriété intellectuelle (marques et brevets) soient liés au lieu où se déroule l’activité de recherche et développement (R&D).

La Commission européenne propose d’améliorer le cadre européen en matière de prix de transfert, afin qu’il corresponde davantage aux réalités économiques et aux modèles d’entreprise actuels. En s’appuyant sur les travaux réalisés par l’OCDE, elle s’engage à travailler avec les États membres pour adapter les différentes options envisageables en Europe. Les premiers travaux devraient porter sur la transparence et une meilleure comparabilité des prix de transfert. Par la suite, la Commission pourrait également fournir des orientations aux États et proposer des outils spécifiques pour optimiser l’usage des informations échangées par les administrations fiscales.

V. LES PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Le phénomène d’érosion des ressources fiscales nationales par des montages sophistiqués qui permettent à des grands groupes internationaux de ne pas s’acquitter de leur dû est devenu insupportable en période de rigueur budgétaire pour plusieurs raisons :

La concurrence internationale impose aux États le transfert d’une partie de la charge fiscale des entreprises vers les ménages à travers des augmentations d’impôt sur le revenu ou sur la consommation. Ce mouvement est délicat à gérer pour les gouvernements confrontés au mécontentement de leur population.

L’optimisation fiscale agressive est contraire aux principes européens de concurrence libre et non faussée. En effet, une entreprise qui paye un volume réduit de cette taxe peut, par ce biais, accroître le volume de ses investissements. Cela est très important dans les domaines de haute technologie et cela n’est pas un hasard si plusieurs grands groupes américains liés aux nouvelles technologies ont choisi d’être domiciliés en Irlande.

La réponse à cette problématique ne peut être que mondiale à travers le suivi des recommandations de l’OCDE, bien entendu mais également européenne.

La première réponse que doit apporter l’Union européenne est une remise en ordre de son marché intérieur.

A. LA REMISE EN ORDRE INTÉRIEURE À L’UNION EUROPÉENNE

Les grands États de l’Union européenne, sur lesquels repose l’essentiel des dépenses de solidarité de l’Union en matière de défense par exemple, ne peuvent ignorer que certains de leurs partenaires participent à l’érosion de leurs recettes budgétaires par le biais de dispositions fiscales agressives.

La concurrence fiscale et sociale agressive sape les fondements de l’Union européenne, en cela qu’elle entrave la liberté de circulation des capitaux, celle des travailleurs, qu’elle participe aux difficultés budgétaires des États membres et encourage les pratiques d’entreprises désirant sciemment se soustraire à l’imposition.

L’exigence d’unanimité constitue un facteur de blocage qu’il convient de lever par des coopérations renforcées, faute de quoi la liberté de circulation des capitaux devra être revue, car cette exigence rend très difficile les avancées en matière d’harmonisation fiscale. Elle est sans doute exclue en matière de taux, vos Rapporteurs ont constaté par exemple que pour les Irlandais le faible taux de l’impôt sur les sociétés ne pouvait pas être politiquement remis en cause puisque le développement économique du pays repose en partie sur lui.

De même les Pays-Bas ne sont pas disposés à revoir des mécanismes qui leur permettent de capter nombre de siège sociaux de multinationales.

L’utilisation du droit de la concurrence permet de lutter contre certains abus mais les enquêtes mettront sans doute du temps à aboutir. Néanmoins il est probable que la fin de l’utilisation déloyale des rescrits approche. Malgré les résistances de certains États de l’Union dans les négociations en cours, il est probable que la transparence affichée rendra plus difficile le recours à ce procédé.

Cela implique une conséquence importante : un État de l’Union ne pourra pas accorder à une entreprise étrangère des avantages dont ne bénéficieraient pas ses entreprises nationales.

Cet impératif limitera bien sur les velléités nationales dans la mesure où l’extension à tous d’un avantage fiscal particulier peut se révéler ruineux pour un pays.

La transparence ne remettra pas en question les dispositifs d’exonération temporaire destinés à inciter des entreprises à s’implanter, en particulier dans des régions déshéritées.

Elle ne règle pas la question de la faiblesse de certains taux d’imposition, même si l’harmonisation des assiettes facilitera la comparaison.

L’assiette commune de l’impôt sur les sociétés ouvre la voie à l’affectation d’une partie de cet impôt au financement de l’Union européenne, il s’agit d’un non-dit de la négociation en cours mais nous devons être conscients que l’harmonisation fiscale en Europe facilitera une telle politique.

Il est clair que les gouvernements nationaux sont conscients de ces enjeux et il apparaît à vos Rapporteurs que de plus en plus les avancées fiscales ne pourront être effectuées que par des coopérations renforcées permettant de contourner le blocage de l’unanimité. Le projet de taxe sur les transactions financières en est l’une des illustrations.

L’Union européenne peut admettre une certaine concurrence fiscale entre ses États membres mais, aujourd’hui, nous nous situons au-delà de ce qu’implique la concurrence libre et non faussée qui constitue l’un des fondements des traités de l’Union européenne. L’efficacité pour cette remise en ordre commande sans doute qu’à partir d’un large accord franco-allemand soit engagée une politique d’harmonisation fiscale sur la base de coopérations renforcées. Le poids d’une telle alliance conjuguée à la mise en œuvre de textes pénalisant les entreprises qui ne se plieraient pas aux nouvelles règles, par exemple en matière d’accès aux marchés publics, seraient sans doute utile.

En matière d’accès aux marchés publics il serait sans doute possible au regard du droit européen de prévoir une clause d’imposition au sein de l’Union européenne des bénéfices réalisés sur le marché intérieur et d’exclure également les entreprises filiales de groupes domiciliés dans les pays figurant sur la liste grise de l’OCDE. Une telle approche réduirait sans doute l’intérêt d’une domiciliation fiscale dans les paradis fiscaux.

B. UN EXEMPLE RÉUSSI D’ADAPTATION EUROPÉENNE AU COMMERCE EN LIGNE : LA TVA

L’économie numérique impose de transférer l’imposition du siège social vers le lieu où est effectuée l’opération économique qui fonde la transaction, c’est d’ailleurs en ce sens que va le projet BEPS de l’OCDE.

Sous l’impact de la mondialisation et du développement du commerce par internet la notion de résidence fiscale a très largement perdue de son intérêt, comme l’illustre les modifications de la législation européenne relatives à la TVA.

L’Union européenne a décidé depuis le 1er janvier 2015 que la TVA serait payée dans le pays où se déroulait l’opération économique et il conviendrait aux yeux de vos Rapporteurs d’étendre ce dispositif, en l’adaptant, à l’impôt sur les sociétés.

Si l’acheteur est assujetti à la TVA, le lieu d’imposition des prestations de services entre entreprises est celui où se trouve le preneur, c’est-à-dire l’acheteur : la TVA est perçue selon les taux applicables dans le pays du client assujetti.
Lorsque l’entreprise prestataire n’est pas établie dans le même État que le preneur, elle doit facturer sa prestation hors taxes (HT), et c’est à l’acheteur assujetti de déclarer la TVA et s’en acquitter auprès de son administration fiscale (c’est le régime de l’auto-liquidation de la TVA par le preneur).



Toute entreprise redevable de la TVA dans l’Union européenne, dans le cadre de ses échanges commerciaux avec une entreprise située dans un autre État de l’UE, dispose d’un numéro d’identification fiscal individuel délivré par son administration fiscale, appelé « numéro de TVA intracommunautaire ». Si l’acheteur n’est pas assujetti à la TVA, les prestations de services destinées à toute personne non assujettie ou non redevable (microentreprise, auto-entrepreneur...) restent soumises à la TVA dans le pays du prestataire, qui peut être celui où est situé le siège de son activité économique, où est domicilié un établissement stable à partir duquel le service est rendu, or où est situé son domicile ou sa résidence habituelle.
À titre dérogatoire, le lieu de consommation reste retenu pour la perception de la TVA pour les prestations de services qui sont matériellement localisables (ex : restauration, agence de voyage...) Pour déterminer quel régime de TVA appliquer, il faut effectuer une distinction entre les prestations de services et les livraisons de biens et entre les livraisons hors UE et les livraisons intracommunautaires.

Il en est de même pour les services : depuis le 1er janvier 2010, les prestations de services fournies à un assujetti sont soumises à la TVA du lieu où le client assujetti est établi. Pour les biens livrés, bien que la TVA du lieu de départ soit en principe applicable, l’entreprise vendeuse bénéficie d’une exonération de TVA dans le pays d’expédition (départ). L’acheteur autoliquidera la TVA de sa déclaration (même si règle particulière pour professionnels exemptés).

Concernant les prestations de services par voie électronique en Europe, le principe général est l’application par le prestataire du taux de TVA de son pays (à partir du 1 janvier 2015, application du taux de TVA du preneur).
Pour la livraison de biens en dehors de l’UE, pas de perception de la TVA du pays expéditeur et pour la livraison de biens intracommunautaire, il existe une règle spécifique pour la « vente à distance » : régime spécifique unifié dans les 27 pour déterminer le taux de TVA à appliquer et auprès de qui la taxe doit être versée. Cependant, on retrouve l’obligation de s’enregistrer (et d’appliquer le taux de TVA) auprès du pays de destination dès qu’un certain montant de vente est atteint vers ce pays.

Il faut noter que cette évolution de la législation n’est pas neutre pour les pays qui percevaient jusqu’à présent la TVA (pays de résidence du vendeur), il a été indiqué à vos Rapporteurs que le coût de cette mesure représentait environ deux milliards d’euros pour le Luxembourg.

C. ÉCONOMIE NUMÉRIQUE ET IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

Lorsqu’une entreprise réalise un volume de commerce important dans un pays qu’elle qu’en soit la forme, par voie électronique ou par l’intermédiaire d’une filiale, il nous semble normal que les bénéfices réalisés en France par cette entreprise soient taxés en France.

Or, si actuellement les bénéfices réalisés par une filiale sont taxés, il n’en est pas de même du commerce électronique.

L’affirmation de ce principe constitue une révolution conceptuelle pour le droit fiscal des sociétés et les finances publiques, car jusqu’à présent les bénéfices réalisés sont imposés dans le pays où est domicilié le siège social de la société. Cela constitue bien sur une forte incitation à la délocalisation des sièges sociaux, pour grâce à l’utilisation des conventions fiscales internationales aboutir à une double non-imposition.

Les systèmes en vigueur dans les États de l'Union européenne sont un mélange du principe de la source et du principe de résidence. En effet, à l'exception de la France qui applique le principe de la source, la plupart des pays appliquent le principe de résidence, mais se réservent aussi le droit d'imposer les entreprises non résidentes.

Pour une société transnationale le prélèvement peut opérer à deux niveaux :

Les bénéfices de la filiale dans le pays sont imposés au titre de l'impôt sur les sociétés et font ensuite l'objet d'un prélèvement à la source dans le pays d'origine quand ils sont distribués à la société-mère.

Ces bénéfices peuvent être imposés à l'impôt sur les sociétés dans le pays de résidence de la société-mère et in fine à l'impôt sur le revenu au niveau de l'actionnaire final.

D'une façon générale, les bénéfices sont toujours imposés à l'impôt sur les sociétés dans le pays dans lequel ils sont réalisés, que les sociétés soient résidentes ou non. Nous ne voyons pas pour quelles raisons l’économie numérique pourrait échapper à cette règle.

Si nous prenons par exemple le cas des compagnies aériennes : le bénéfice de Ryanair était estimé en 2013 à 569 millions d’euros dans l’hypothèse où la France représenterait 15 % du chiffre d’affaire de cette compagnie il lui serait demandé de s’acquitter d’une contribution sur les bénéfices, au taux de 33,33 %, sur 15 % du bénéfice mondial soit 28,45 millions d’euros.

Il convient de noter qu’en matière d’impôt sur les sociétés, l'application d'une retenue à la source sur le rapatriement des revenus n'est pas systématique mais dépend de la nature du revenu rapatrié (dividendes, versements d'intérêts, royalties) et du statut juridique de l'entreprise. 
Sous certaines conditions, la directive mère-filiale du 23 juillet 1990, entrée en vigueur le 1er janvier 1992, prévoit la suppression de toute retenue à la source sur les dividendes qu'une filiale distribue à sa société-mère dans un autre État membre83.

La directive mère-filiale a en outre comme objectif d'éviter la double imposition des bénéfices réalisés par une filiale qui est résidente d'un autre État. Mais, cette directive aboutit parfois à l’absence d’imposition et ne règle pas le problème récurrent de la surévaluation des prix de transfert mais surtout ne traite pas de l’économie numérique qui permet de réaliser des opérations économiques et des bénéfices sans implantation physique de l’entreprise.

Il nous semble légitime que les Google, Apple et consorts s’ils veulent vendre leurs produits sur le marché français doivent payer leur impôt sur les sociétés en France, au prorata de l’importance du marché français pour eux.

C’est d’autant plus nécessaire aux yeux de vos Rapporteurs qu’il est illusoire de compter sur l’autocontrôle des entreprises, comme le démontre la récente déclaration au journal Le Monde du président de la holding du groupe suédois IKEA, M. Lars-Johan Jarnheimer (84)  : en dépit des critiques dont il est l’objet, le groupe suédois n’a aucunement l’intention de changer ses pratiques d’optimisation fiscale à grande échelle (les profits réalisés par chacune des entités géographiques sont remontées au Luxembourg, pierre angulaire d’un circuit complexe passant par les Pays-Bas, la Suisse, Chypre et les centres financiers offshore des Caraïbes, selon l’enquête du journal Le Monde parue en novembre 2014).

Techniquement, il conviendrait d’utiliser les déclarations faites par les entreprises au titre de la TVA pour déterminer le chiffre d’affaire réalisé par ces dernières en France.

À partir de cette évaluation il serait aisé, à partir du résultat publié par les entreprises d’évaluer la part de leur chiffre d’affaire réalisé en France et de taxer la part correspondante de leur bénéfice mondial au taux français, sans que cette base ne soit obérée par des déductions.

Nos recherches ne nous ont pas permis d’identifier de réels obstacles dans la législation européenne car la détermination des règles de l’IS demeure de la compétence nationale et il n’y a pas aujourd’hui d’assiette commune pour le calcul de cet impôt.

Il conviendrait probablement sur ce point de revoir par contre les conventions fiscales internationales qui, bien souvent sont devenues des conventions de double non-imposition.

Une action européenne serait sans doute préférable mais dans la mesure où elle est improbable il nous semble que si la France avançait unilatéralement dans cette voie nos partenaires seraient obligés de suivre, même si ce système pénaliserait les pays fortement exportateurs comme l’Allemagne.

Il nous semble « moral » de taxer les profits des entreprises sur les lieux où ils sont réalisés mais, au-delà nous devons lutter contre la grave distorsion de concurrence induite par le fait que les sociétés de commerce en ligne ne s’acquittent pas de l’impôt sur les sociétés dans les pays où sont réalisés les opérations économiques.

Une très intéressante étude de la DGCCRF (85) souligne que les 10 premières entreprises de la grande distribution au niveau mondial (86) ont créé́ une valeur brute de 1258 milliards de dollars US dans l’économie mondiale en 2013 (87. Mais le modèle développé́ aux États-Unis repose sur un basculement vers le numérique et l’e-commerce. Cette évolution conduira à priver les États du produit d’une part de plus en plus grande de l’impôt sur les sociétés, accrue par l’émergence de nouveaux modèles commerciaux basés sur les solutions de services dans un contexte technologique d’essor de l’internet des objets et des objets connectés (véhicules, réseaux de transports, lieux de travail, maisons et magasins). Or, une part de plus en plus grande de la valeur ajoutée va se trouver parmi ces services connectés, or un seul grand groupe français figure parmi les dix premiers mondiaux.

PART RESPECTIVE DE CHAQUE ENTREPRISE DANS LE MARCHÉ́ DES 10 PREMIERS DISTRIBUTEURS MONDIAUX

Classement CA (exercice 2013)

Nom de la société́

Chiffre d'affaires en 2013 en millions US$

Part de marché en %

1

Wal-Mart Stores, Inc

476 294

36,8 

2

Costco Wholesale Corporation

105 156

8,1 %

3

Carrefour S.A.

98 688

7,6 %

4

Schwarz Unternehmens Treuhand KG

98 662

7,6 %

5

Tesco PLC

98 631

7,6 %

6

The Kroger Co.

98 375

7,6 %

7

Metro Ag

86 393

6,7 %

8

Aldi Einkauf Gmbh et Co. oHG

81 090

6,3 %

9

The Home Depot Inc.

78 812

6,1 %

10

Target Corporation

72 596

5,6 %

Total

 

1 294 697

100,00 %

Source : Deloitte 2013, 2012 – LSA – Calculs DGCCRF – novembre 2014

Si ces grands groupes mondiaux basculent, pour une partie substantielle de leur chiffre d’affaire vers l’économie numérique et basent cette activité dans des paradis fiscaux, nous pouvons imaginer l’importance de la perte qui en résulterait pour les ressources fiscales des principales économies.

Il est donc indispensable que les pouvoirs publics anticipent une telle évolution et s’engagent vers l’assujettissement des entreprises en ligne à l’impôt sur les sociétés à l’endroit où les profits ont été réalisés.

CONCLUSION

La lutte contre l’optimisation fiscale agressive est une absolue nécessité. Cette évidence implique pourtant de lever de nombreux tabous :

Le premier a trait à l’idée que si chaque pays européen développe ses potentialités et ses avantages comparatifs, l’Union européenne sera plus prospère. Cela est vrai s’il s’agit de recherche et de qualité mais devient délétère pour la construction européenne s’il s’agit d’encourager les bas salaires où la concurrence fiscale agressive.

L’idée d’une souveraineté fiscale absolue des États est incompatible avec la mise en place d’un marché unique qui ne peut pas se faire sans un minimum de coopération.

À l’instar de la crise migratoire qui conduit certains à remettre en cause le principe de libre circulation des hommes, la crise des finances publiques interdit aux États d’accepter que leurs ressources fiscales soient « siphonnées » par des entreprises moins que vertueuses en raison des législations de certains pays de l’Union européenne.

La Cour de justice de l’Union européenne exige une application loyale des traités, ce principe doit concerner au premier chef le domaine fiscal.

La question fiscale doit être intégrée dans le droit de la concurrence et les sociétés bénéficiant de rescrits faussant la concurrence doivent être sanctionnés mais les États qui les ont accordés également, aussi les poursuites engagées par la Commission européenne contre quelques sociétés devraient être accompagnée d’une action en manquement contre les États.

L’action contre les comportements abusifs des sociétés multinationales relève à l’évidence du niveau international, c’est pourquoi nous ne pouvons qu’encourager l’OCDE et l’Union européenne à hâter le pas. Cela ne peut que démontrer l’absolue nécessité de la coopération internationale et de la construction européenne. Il nous semble que la meilleure réponse à apporter au populisme est la promotion d’une action de terrain efficace, d’où l’intérêt de ce combat.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 6 octobre 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des Rapporteurs a été suivi d’un débat.

« La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie pour cette présentation. Pouvez-vous nous dire quels sont les Parlements qui, outre le Luxembourg, ont refusé d’échanger avec vous ?

Mme Marietta Karamanli. Le développement de l’économie numérique impose, vous l’avez dit, de revoir la conception de la territorialité de l’impôt sur les sociétés. Plusieurs pistes de réflexion sont ouvertes, comme par exemple une taxation en fonction du nombre d’utilisateurs. Quelle est la position de nos partenaires ? Quels obstacles à une telle révision identifiez-vous ?

La concurrence fiscale est réelle, s’appuyant sur la déductibilité des intérêts, un régime favorable aux revenus des brevets et des marques, etc. La lutte contre l’optimisation fiscale agressive est une condition nécessaire à la relance de la construction européenne, comme le note le point 5 de vos propositions de conclusions. Il conviendrait donc d’inviter les États membres et la Commission à agir dans un délai resserré.

M. William Dumas. La violence de la crise économique ne nous autorise plus à laisser s’échapper des revenus qui sont considérables, quand on regarde le chiffre d’affaires de Google, Amazon ou Macdonald. Pour que l’Europe continuer à exister, il nous faut nous attaquer à ce qui est un véritable détournement fiscal.

Le Président de la République a appelé de ses vœux une harmonisation sociale, et la crise du porc illustre l’acuité du problème lorsque l’on voit le différentiel de coûts salariaux entre notre pays et l’Allemagne, dont les abattoirs font appel à des travailleurs polonais détachés. Mais une harmonisation fiscale est tout aussi urgente.

Quant à votre proposition d’exclure des appels d’offre en matière de marchés publics les entreprises filiales de groupes domiciliés dans les États figurant sur la liste grise de l’OCDE, elle est tout-à-fait intéressante, notamment pour les collectivités territoriales.

Mme Isabelle Bruneau, corapporteure. Le principal obstacle, c’est la règle de l’unanimité en matière fiscale. D’où notre proposition de mettre en place des coopérations renforcées, dans un premier temps.

Les « petits pays » de l’Union sont par ailleurs convaincus de l’absence d’alternative à leur disposition, et sont donc très attachés à cette idée d’avantage comparatif.

Nous avons pu nous entretenir avec des parlementaires hollandais et maltais, mais je regrette de ne pas avoir pu échanger avec nos homologues belges, irlandais et luxembourgeois, que nous avions pourtant sollicités.

M. Marc Laffineur, corapporteur. Sans l’Europe, la situation serait pire encore. Gardons-nous donc de toute critique excessive. Mais la réaction doit être européenne.

J’avais rédigé voilà 10 ans un rapport comparable sur l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés. Et je ne constate guère d’avancée, depuis 10 ans. Mais, si je ne suis pas naïf, je crois aussi que nous avons aujourd’hui une fenêtre d’opportunité unique : les États-Unis appuient de tout leur poids – et il est grand !–, et l’OCDE a annoncé hier avoir trouvé un consensus. Même les pays concernés au premier chef comme le Luxembourg ou les Pays-Bas, acceptent de bouger, car, dans certains cas, nous sommes tous, nous pays européens, perdants face à ces nouvelles entreprises, dont la taille et le poids économique les rendent aussi puissantes que des États.

Je crois qu’il nous faut toutefois être attentif à un point : l’idée d’une harmonisation de l’impôt sur les sociétés contenait aussi, il y 10 ans, l’idée de pouvoir par la suite mettre en place un impôt européen sur ces bases harmonisées, et c’est une des raisons majeures qui, à mon sens, a fait échouer ce projet, nombre d’États étant à l’époque opposés à la mise en place d’un tel impôt européen.

Mme Isabelle Bruneau, corapporteure. Le contexte de crise financière et de crise des dettes souveraines rend la situation d’autant plus insupportable que la charge fiscale pèse par ricochet plus lourdement sur le facteur travail.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie pour votre rapport, il serait pertinent d’ailleurs que vous en fassiez un suivi, et je vous propose, mes chers collègues, d’adopter ces excellentes conclusions.

La commission a ensuite adopté à l’unanimité les conclusions suivantes.

PROPOSITION DE CONCLUSIONS

La Commission des Affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 114 à 116 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil sur la transparence fiscale pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, du 18 mars 2015 (COM (2015) 136 final),

Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal du 18 mars 2015 (COM (2015) 135 final),

Vu la décision de la Commission du 17 juin 2015 instituant le groupe d’experts de la Commission « Plate-forme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, la planification fiscale agressive et la double imposition » et remplaçant la décision C(2013) 2236,

1. Se félicite des propositions de la Commission européenne destinée à favoriser la lutte contre l’optimisation fiscale agressive et accueille avec satisfaction l’annonce de l’adoption à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) du plan de lutte contre l’érosion des bases taxes et le transfert de bénéfices ;

2. Relève que cette action est placée par la Commission européenne au premier rang de ses priorités, ce qui ne peut que susciter une approbation sans réserve ;

3. Souligne que le développement de l’économie numérique impose de modifier la conception de la territorialité de l’impôt sur les sociétés ;

4. Souhaite que le projet en cours de discussion d’harmonisation des bases de l’impôt sur les sociétés permette d’apporter une solution à cette question ;

5. Note que la lutte contre l’optimisation fiscale agressive est une condition nécessaire à la relance de la construction européenne et estime que l’Union européenne doit agir rapidement dans ce sens ;

6. Considère que la question fiscale doit être intégrée dans le droit de la concurrence, en sanctionnant non seulement les sociétés bénéficiant de rescrits faussant la concurrence − en exigeant d’elles la restitution de l’avantage obtenu − mais aussi les États qui les ont accordés, par une action en manquement contre ces derniers ;

7. Demande que soit offerte la possibilité d’exclure des appels d’offre en matière de marchés publics les entreprises filiales de groupes domiciliés dans les États figurant sur la « liste grise » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), c’est-à-dire les États qui, bien qu’ayant promis de se conformer aux nouvelles règles, ne les appliquent pas, ou qui ne s’y conforment que partiellement. »

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

Commission européenne, Bruxelles

DG concurrence

- M. Gert-Jan Koopman, directeur général adjoint chargé des polices d’État

- M. Karl Soukup directeur chargé des aides d’État

- M. Max Lienemeyer, chargé de dossier en matière fiscal

- Mme Helena Malikova, coordinateur France pour le réseau aides d’État

- M. Severin Grandcolas, chargé des relations avec la France

- Mme Marie-Elena Scoppio, membre du cabinet du Commissaire Moscovici, chargée des affaires économiques et monétaires, de la fiscalité et de l’union douanière

- Mme Astrid Cousin, membre du cabinet du Commmissaire Margrethe Vestager, chargée de la concurrence

France

Ministère de l’économie

- M. Edouard Marcus, sous-directeur de la prospective et des relations internationales (direction de la législation fiscale)

Cabinet Taj

- M. Gianmarco Luigi Monsellato

- Mme Pascale Ponroy

- Mme Dorothée Duron Rivron

Fédération Bancaire Française

- Mme Blandine Leporcq, directrice de département, banque des particuliers et des entreprises, affaires publiques France-Fiscalité

- M. Benoît de la Chapelle Bizot, directeur général délégué

Experts comptables et commissaires aux comptes de France (ECF)

- M. Julien Tokarz, président

- M. Laurent Benoudiz, membre du bureau

- M. Mikael Brun, délégué général

Belgique

Gouvernement belge

- M. Mathieu Isenbaert, chef de cabinet du ministre des finances belge

- M. Philippe Bielen, conseiller au cabinet du ministre des finances

Ambassade de France

- Son Exc. M. Bernard Valero, ambassadeur de France

- M. Rémy Verneau, attaché fiscal pour le Benelux

Irlande

Ambassade de France

- Son Exc. M. Jean-Pierre Thébault, ambassadeur de France

- Mme Laura Torrebruno, chef du service économique

- M. Ludovic Halbwax, attaché fiscal

Department of Finance

- M. Derek Moran, secrétaire général

- M. Gary Tobin, assistant du secrétaire général, division de la politique fiscale

- M. Niall Casey, adjoint, division de la politique fiscale

- M. Fergal O’Brien, chef économiste et chargé des politiques, Irish Business and Employers Confederation (IBEC)

Irish Tax Institute

- M. Andrew Gallagher, président,

- M. Martin Lambe

- Mme Cora O’Brien

- M. Brendan Crowley, chargé des questions fiscales

Nevin Economic Research Institute

- M. Tom Healy, directeur de l’Irish Congress of Trade Unions

- M. Micheál Collins, économiste principal

- M. Ronnie Neville, avocat-conseil, associé du cabinet Mason Hayes and Curran

Luxembourg

- M. Pierre Gramegna, ministre des Finances du Luxembourg,

- Mme Pascale Toussing, directrice de la fiscalité

- M. Guy Heintz, directeur de l’administration des contributions directes

Ambassade de France

- Son Exc. M. Guy Yelda, ambassadeur de France

- M. Jean-François Bazin, Premier conseiller

Malte

- M. Edward Scicluna, ministre des finances

- M. Alessandro Mangion, directeur de communication

- Professeur Joseph Bannister, président des services financiers maltais

- M. Anglu Farrugia, président du parlement

- M. Josef Bonnici, gouverneur de la Banque centrale

- M. Mark Miggiani, avocat et président de la Chambre de commerce franco-maltaise

- M. Gilles Gutierrez, CCEF, entrepreneur français

- M. Joseph Cuschieri, président exécutif de l’Autorité pour les Loteries et les Jeux

Ambassade de France

- Son Exc. Mme Béatrice le Fraper du Hellen, ambassadrice de France

- M. Frédéric Depétris, Premier conseiller

OCDE

- M. Achim Pross, chef de la division des accords fiscaux, des prix de transfert et des transactions financières

- M. Philip Kerfs, division de la coopération internationale et de l’administration fiscale

Pays Bas

Ministère des finances

- M. Harry Roodbeen, directeur des affaires fiscales internationales

- M. Aart Roelofsen, directeur adjoint, affaires fiscales internationales

- M. Marco Heutinck, directeur adjoint, affaires fiscales internationales

- M. Jaco Tempel, coordinateur, affaires fiscales internationales

- M. Victor Cramer, directeur en charge des affaires européennes

- Son Exc. M. Laurent Pic, ambassadeur de France

- Me Heuzé et Me Brisdet, avocates aux Pays-Bas

Royaume-Uni

- Lord Flight, membre du sous-comité des affaires économiques et financières de la commission chargée de l’UE, ancien secrétaire en chef du Trésor au shadow cabinet

- M. Mike Williams directeur au Trésor (ministère des finances)

- M. Simon Upcott, Group Head of tax, Vesuvius pic

- M. Rhiannon Jones, Conseiller politique principal, Confédération de l’industrie britannique (Confederation of British Industry)

- Mme Hellen Miller, économiste senior, Institut pour les études fiscales (Institute for fiscal studies)

- M. Li Liu, économiste senior, Centre pour la taxation des entreprises (Center for business taxation, Oxford)

Ambassade de France

- Son Exc. Mme Sylvie Bermann, ambassadrice de France auprès du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord

- M. Robert Neill (cons), député, secrétaire du groupe parlementaire transpartisan sur la France (All-Party Parliamentary Group on France)

Représentation permanente de la France auprès de l’OCDE

- Son Exc. M. Pierre Duquesne, ambassadeur représentant permanent de la France auprès de l’OCDE

- M. Vincent Guitton, ministre conseiller, chef du service économique et financier

Deuxième volet d’une analyse de la politique européenne de la concurrence, le rapport présenté par Mme Isabelle Bruneau et M. Marc Laffineur s’attache aux distorsions de concurrence qu’entraînent les pratiques d’optimisation agressive et d’évasion fiscales des entreprises autorisées par les législations de certains États membres dans un cadre international très – trop – souple.
Or les conséquence de la crise économique et financière et le développement de l’économie numérique rendent absolument indispensable une modification des règles, afin de mieux lier taxation et lieu économique de l’activité génératrice de valeur.
Dans leurs conclusions, adoptées à l’unanimité par la commission des Affaires européennes, les rapporteurs considèrent que la lutte contre ces pratiques fiscales déloyales conditionne la relance de la construction européenne et se félicitent donc du mouvement engagé tant par l’OCDE que par la Commission européenne et les États membres pour lutter contre l’érosion des bases taxables et le transfert de bénéfices.
Ils insistent néanmoins sur la nécessité d’aller plus loin, en intégrant la question fiscale dans le droit de la concurrence, et en sanctionnant non seulement les entreprises qui bénéficient de rescrits faussant la concurrence mais aussi les États qui les ont accordés.

1 () La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

2 () Jean-Claude Juncker, discours sur l’état de l’Union du 9 septembre 2015 : http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_fr.htm.

3 () En particulier l’OCDE et l’Union européenne.

4 () - Les services fiscaux des États-Unis (Internal Revenue Service -IRS), pensent qu'il manque de l'ordre de 330 milliards de dollars par an, soit 16 % des impôts fédéraux et 2 % du PIB.

- En France, l'État perd au minimum 60 à 80 milliards d'euros par an, soit en gros 3 % du PIB.

- En Grande-Bretagne, selon les calculs de Richard Murphy, l'évasion annuelle serait d'environ 97 milliards de livres - 16,6 % des recettes fiscales ou 6 % du PIB.

- L'Union européenne estime que le manque à gagner pour l'ensemble des pays de l'Union est de 2 à 2,5 % du PIB.

- La Serbie est le premier pays au monde en termes d'évasion fiscale si l'on tient compte du ratio population/évasion.

- Selon le journal de 20 heures de France 2 du jeudi 3 novembre 2011 (dix-neuvième minute), l'évasion fiscale serait de 50 milliards d'euros par an en France, 120 milliards d'euros en Italie, et 240 milliards en Allemagne.

- Le 12 avril 2013, selon Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, l'évasion fiscale prive les pays de l'Union européenne de 1.000 milliards d'euros par an.

5 () Par exemple pour l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

6 () Commission européenne, communication sur la transparence fiscale pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, COM (2015) 136, 18 mars 2015.

7 () En réponse à une lettre conjointe en date du 28 novembre 2014 des ministres des finances de l’Allemagne, de l’Italie et de la France qui lui demandaient de relayer au niveau européen les chantiers engagés dans le cadre de l’OCDE dont la conclusion était annoncée pour 2015.

8 () David Ricardo (1817), Des principes de l’économie politique et de l’impôt (trad. française, 1847), chapitre VIII http://classiques.uqac.ca/classiques/ricardo_david/principes_eco_pol/ricardo_principes_1.pdf.

9 () L’avantage comparatif, notion fondamentale et controversée Bernard Lassudrie-Duchêne et Deniz Ünal-Kesenci Éditions La Découverte, collection Repères, Paris, 2001.

10 () Google, Apple, Facebook, Amazon.

11 () Voir Rapport Collin-Colin sur la fiscalité de l’économie numérique - http://www.economie.gouv.fr/files/rapport-fiscalite-du-numerique_2013.pdf.

12 () A Londres, en avril 2009, la lutte contre les paradis fiscaux est consacrée comme l’un des objectifs principal du G20, qui ouvre une brèche dans l’impunité des paradis fiscaux.

13 () Pour ce faire, il est nécessaire de prendre en compte, tant les changements dans la vie économique (internationalisation, développement de l’économie de la connaissance, dématérialisation), que les comportements d’optimisation agressive de certaines entreprises.

14 () Propos rapportés par le Bulletin Quotidien du mardi 7 octobre 2015, page 13.

15 () Règle inspirées par les règles relatives aux RAA (les « LOB clauses ») contenues dans les Conventions bilatérales conclues par les États-Unis.

16 () En anglais « treaty shopping ».

17 () Une approche novatrice a en effet été retenue pour la mise à jour du réseau mondial de conventions fiscales bilatérales, qui comprend plus de 3 500 conventions. Un groupe ad hoc réunissant approximativement 90 pays conduit les négociations relatives à un instrument multilatéral pour appliquer les mesures arrêtées au titre du projet BEPS en mettant à jour les conventions fiscales bilatérales de manière synchronisée et efficace, sans renégociation bilatérale de chaque convention. Cet instrument multilatéral devrait être mis au point d’ici fin 2016.

18 () Propos rapportés par le Bulletin Quotidien du mardi 6 octobre 2015, page 5.

19 () LA PRSI se décomposent en cotisations sociales « employé » et « employeur » (Pay Related Social Insurance ou PRSI).

20 () Tel est le cas pour les entrepreneurs individuels et les titulaires de revenus autres que les salaires. (http://www.revenue.ie/en/tax/it/).

21 Cette réduction d’impôt est de 1 650 € pour un célibataire et de 3 300 € pour un couple (http://www.revenue.ie/en/tax/it/leaflets/it1.html)

22 18 000 € pour un célibataire et 36 000 € pour un couple.

23 http://www.citizensinformation.ie/en/social_welfare/irish_social_welfare_system/social_insurance_prsi/social_insurance_in_ireland.html

24 http://www.citizensinformation.ie/en/money_and_tax/tax/income_tax/universal_social_charge.html

25 () www.revenue.ie/en/about/foi/s16/income-tax.../34-00-10.pdf.

26 () http://www.revenue.ie/en/tax/it/leaflets/it34.html.

27 () Liste des pays concernés : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Algérie, Sénégal, Tanzanie, Kenya, Nigéria, Ghana et République démocratique du Congo.

28 () http://www.revenue.ie/en/tax/it/reliefs/trans-border-workers-relief.html.

29 () Mesure prise en 1998 par abaissement progressive, année où le taux était de 32,5 %.

30 () Source Grant Thornton: “ Foreign direct investment in Ireland, sustaining the success “, page 16, juillet 2014.

31 () Voir aussi, le rapport « Is Ireland a tax heaven » Jim Stewart, School of Business TDC, juillet 2013, et Joint Committee on Finance, Public Expenditure and Reform, Dail, Meeting 17th June 2014, Effective Tax Rates.

32 () Transfert de bénéfice et d’érosion des bases de la fiscalité des entreprises (Base Erosion and Profit Shifting – BEPS

33 () « How does Apple avoid taxes », Forbes, 28 mai 2013. http://www.forbes.com/sites/leesheppard/2013/05/28/how-does-apple-avoid-taxes/.

34 () Rapport du Sénat : http://www.hsgac.senate.gov/subcommittees/investigations/hearings/offshore-profit-shifting-and-the-us-tax-code_-part-2.

35 () Financial Times du 29 avril 2014 : « Tax avoidance : the irish inversion ».

36 () Les profits dits « passifs » (« non trading incomes ») sont soumis au taux de 25 %. Sont ainsi concernés les revenus du capital, les produits locatifs, les revenus provenant de la propriété intellectuelle, ainsi que certains revenus provenant d’activités minières, de l’exploitation de terrains ou de ressources naturelles telles que le gaz ou le pétrole.

37 () Voir en ce sens, Financial times du 29 avril 2014 : «  Tax avoidance : the irish inversion ».

38 () Le taux d’imposition fédéral aux USA est de 35 %, auquel s’ajoute une imposition au niveau des Etats pouvant faire grimper le taux global d’imposition à 40 %.

39 () Taux de droit commun de 33 %.

40 () Depuis 2012, le crédit peut être déterminé en fonction du taux nominal d’impôt sur les sociétés lorsque la partie versante est située dans un pays de l’UE ou a signé une convention fiscale.

41 () http://www.revenue.ie/en/practitioner/tax-briefing/archive/2010/no-092010.html.

42 () Rapports d’étape de l’OCDE «Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance» (2013) et « Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance » (octobre 2014).

43 () Le « volet financement » de la réforme institutionnelle en cours prévoit une régionalisation partielle de l’impôt des personnes physiques (IPP) avec possibilité d’en moduler le taux en contrepartie de nouveaux transferts de compétence aux entités fédérées.

44 () Qui ne taxe quasiment que les revenus du travail.

45 () Pour un budget fédéral de 108 mds d’euros pour l’année 2014.

46 () Le nouveau gouvernement luxembourgeois, dans son programme de gouvernement, a inscrit la mise en place de ce régime.

47 () Jusque récemment, l’actif net comptable des établissements stables étrangers de sociétés belges dont les revenus sont exonérés d’impôts en Belgique en application d’une convention préventive de la double imposition ne pouvait donner lieu à déduction. La CJUE a toutefois jugé cette disposition contraire à la liberté d’établissement. La Belgique vient de se conformer à cette jurisprudence en élargissant la base de la déduction.

48 () A la chambre des représentants les 11 décembre 2014 et 6 janvier 2015.

49 () La Secrétaire d’État à la lutte contre la fraude a par exemple annoncé le relèvement du seuil de paiement en liquide à 7 500 €, alors que le gouvernement Di Rupo l’avait abaissé de 15 000 € en 2012 à  3 000 € en 2014 aux fins de la lutte contre le blanchiment d’argent.

50 () Lettre du 28 novembre 2014 adressée à Pierre Moscovici, Commissaire européen chargé des affaires économiques et financières.

51 () Communiqué de presse du gouvernement du 20 juillet 2010 sur Site du GOV.UK (https://www.gov.uk/government/news/office-of-tax-simplification.

52 () Corporate Tax road map (https://www.gov.uk/government/publications/the-corporation-tax-road-map).

53 () « A guide to UK taxation » (https://www.gov.uk/government/publications/a-guide-to-uk-taxation-for-overseas-businesses) ou encore « A guide to relocating European businesses headquarters in the UK » (https://www.gov.uk/government/publications/a-guide-to-locating-european-business-headquarters-in-the-uk).

54 http://www.hmrc.gov.uk/manuals/cgmanual/cg53000+.htm .

55 () Pendant du régime des sociétés mères visé aux articles 145 et 216 du CGI.

56 () http://www.hmrc.gov.uk/manuals/intmanual/intm653000.htm

57 () http://www.hmrc.gov.uk/manuals/intmanual/intm652000.htm

58 () Le pendant de ce régime en France figure à l’article 209 B du code général des impôts.

59 () http://www.hmrc.gov.uk/budget2012/tiin-0724.pdf

60 () http://www.hmrc.gov.uk/cnr/dtt-passport-scheme.htm

61 () www.hmrc.gov.uk/budget-updates/autumn-tax/tiin1030.pdf

62 () La charge fiscale ou coin fiscal correspond au montant total des impôts et cotisations sociales versés par les salariés et les employeurs, diminué des prestations familiales reçues et divisé par les coûts totaux de main-d’œuvre pour l’employeur.

63 () « Les impôts sur les salaires 2013 ». OCDE, 2013.

64 () Statistiques publiés dans deux articles du Financial des 3 février et 28 avril 2014. « Uk tax take on wealthy « non-doms » rises 6% » et « Income Tax paid by non-doms rises to record ». Une demande de confirmation et de précisions de ces résultats a été effectuée auprès de l’administration britannique.

65 () Voir en ce sens le modèle développé par HMRC (https://www.gov.uk/government/publications/analysis-of-the-dynamic-effects-of-corporation-tax-reductions) ; « Analysis of the dynamic effects of corporation Tax reductions », décembre 2013.

66 () Voir en ce sens la fiche d’impact concernant la « patent box » (www.hmrc.gov.uk/tiin/tiin726.pdf).

67 () Conseil Constitutionnel, 20 janvier 2015, n° 2014-437 QPC

68 () Botswana, Brunei, Guatemala, Iles Marshall, Iles Vierges britanniques, Montserrat, Nauru et Niue.

69 () L’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale découle, selon le Conseil constitutionnel, de l’article 13 de la DDHC.

70 () Les « clauses de sauvegarde » permettent aux contribuables d’échapper à l’application d’un régime fiscal généralement défavorable reposant sur une présomption de fraude fiscale, en apportant la preuve qu’ils n’ont pas tenté de se soustraire à l’impôt.

71 () Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal, en date du 18 mars 2015.

72 () Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/Union européenne en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal, COM(2015) 135 final, 18 mars 2015.

73 () Voir les définitions figurant dans l’article 1 de la proposition de directive.

74 () Chaque État membre demeurerait libre de taxer la part de l’assiette qui lui revient au taux de son choix. Ainsi, une localisation avantageuse ou l’accès à des biens publics de qualité seraient susceptibles de justifier des taux plus élevés qu’ailleurs.

75 () L’utilisation des règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées, qui visent à empêcher le transfert de profits vers des pays à basse fiscalité, a été restreinte par la jurisprudence de la CJCE (arrêt «Cadbury Schweppes de 2006), et les règles anti-abus ne peuvent s’appliquer qu’à des arrangements mis en place pour obtenir un avantage fiscal qui ne peuvent pas être considérés comme réels.

76 () Décision de la Commission instituant le groupe d'experts de la Commission « Plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, la planification fiscale agressive et la double imposition » et remplaçant la décision C(2013) 2236, 17 juin 2015.

77 () D’autres mesures propres poursuivent également cet objectif, comme la révision des directives existantes en matière de fiscalité de l’épargne et de fiscalité des entreprises ou l’encadrement des régimes fiscaux préférentiels.

78 () Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE.

79 () Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil.

80 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires et la directive 2013/34/UE en ce qui concerne certains éléments de la déclaration sur la gouvernance des entreprises.

81 () Bulletin Quotidien Europe 11354 du 9 juillet 2015.

82 () Communiqué de presse du 17 juin 2015, « Réaction au 2ème volet du paquet sur la transparence fiscale de la Commission européenne ».

83 Toutefois, si ces conditions ne sont pas respectées, les pays appliquent une retenue à la source sur les dividendes dont le taux est généralement fixé par une convention bilatérale ou à défaut par l'application du droit interne. La directive mère-filiale ne s'applique pas, en revanche, aux transferts d'intérêts et aux royalties entre les sociétés d'un même groupe. Les pays de l'Union européenne imposent les intérêts reçus des filiales et accordent un crédit d'impôt lorsque ces intérêts ont déjà subi un prélèvement à la source. Dans la plupart des cas, ces prélèvements sont nuls. Toutefois, la Belgique, l'Italie et le Portugal prélèvent quasiment systématiquement une retenue à la source sur les versements d'intérêts. Il existe une retenue à la source en France pour des destinations telles que le Luxembourg, la Belgique ou encore le Portugal. Enfin, certains pays comme le Portugal n'ont pas conclu de conventions fiscales bilatérales avec tous les États membres. Dans ce cas, le droit interne s'applique et toute retenue à la source est alors définitive.

84 () Le Monde en date du mercredi 30 septembre 2015

85 () Service du soutien au réseau Sous-direction de la communication, programmation et veille économique Bureau de la veille économique et des prix Hugo Hanne1, Odile Lefranc, septembre 2014.

86 () Les entreprises américaines dominent ce classement : elles représentent 64,2 % des ventes mondiales des 10 premiers distributeurs mondiaux. En particulier, le groupe Wal-Mart à lui seul pèse près de 37 % des ventes des 10 premiers distributeurs mondiaux avec un chiffre d’affaires mondial de 476 milliards de dollars US en 2013. En comparaison, le champion national français Carrefour ne représente que 7,6 % de part de marché dans les ventes des 10 premiers distributeurs mondiaux, avec un chiffre d’affaires de 99 milliards de dollars US en 2013. Les 3 entreprises allemandes occupent à elles seules (Lidl, Metro, Aldi) un peu plus de 20 % de part de marché. Elles se caractérisent par un positionnement initial sur le hard discount même si certaines comme Lidl s’orientent davantage sur un format généraliste.

87 () Selon le classement du Cabinet d’études Deloitte pour le magazine LSA et les calculs de la DGCCRF.