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N° 3563

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mars 2016

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur l’opération PSDC « SOPHIA » en Méditerranée centrale,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM Joaquim PUEYO et Yves FROMION,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE DU RAPPORT 5

I. FONDEMENTS JURIDIQUES 11

A. LE SOMMET DU 20 AVRIL 2015, EN RÉACTION AU DRAME DES NAUFRAGES DE BATEAUX TRANSPORTANT DES MIGRANTS AU LARGE DE LA LIBYE 11

B. UNE OPÉRATION MARITIME EN TROIS PHASES DESTINÉE À DÉMANTELER LES RÉSEAUX DE TRAFIQUANTS 12

1. Principes 12

a. Sécurité et humanité 12

b. Une mise en œuvre extrêmement rapide 12

2. Découpage en trois phases 13

II. MODALITÉS OPÉRATIONNELLES 15

A. UNE COUVERTURE GÉOGRAPHIQUE CIRCONSCRITE, AU LARGE DES CÔTES LIBYENNES 15

B. DES MOYENS ENGAGÉS SIGNIFICATIFS ET ÉVOLUTIFS, FOURNIS PAR VINGT-DEUX ÉTATS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE 15

1. État-major 15

2. Force navale 16

a. Bâtiments 16

b. Moyens aériens 16

c. Bases logistiques 17

3. Saisonnalité 17

III. RESSORTS ÉCONOMIQUES DU TRAFIC 19

A. DES FILIÈRES MIGRATOIRES TRADITIONNELLES À PARTIR DE L’AFRIQUE SUB-SAHARIENNE 19

B. DES MODES OPÉRATOIRES RODÉS, QUI S’ADAPTENT AU DISPOSITIF DE LUTTE ANTI-TRAFIQUANTS ET S’AVÈRENT PARTICULIÈREMENT LUCRATIFS 20

1. Les modes opératoires actuels 20

a. Zodiacs 20

b. Grandes embarcations en bois ou en résine 20

2. Un modèle économique assurant une rentabilité exceptionnelle pour un risque minime 20

IV. SEPT MOIS APRÈS LE DÉBUT DE L’OPÉRATION, QUELS RÉSULTATS ? 23

A. MÉTHODOLOGIE SUIVIE PAR LES RAPPORTEURS LORS DE LEUR MISSION D’INFORMATION 23

B. DES RÉSULTATS INDÉNIABLES MAIS MITIGÉS 23

1. Des réseaux toujours actifs mais sous pression 23

2. De nombreux migrants sauvés d’une mort certaine 25

3. Une coordination expérimentale efficace entre les acteurs civils et militaires, gouvernementaux et privés, européens, nationaux et étrangers 25

4. Des interactions avec l’OTAN encouragées 26

5. Des synergies avec les autres dispositifs européens à améliorer 26

a. Frontex 26

b. Opérations PSDC 27

V. PERSPECTIVES ET DÉBOUCHÉS POLITIQUES DE SOPHIA 29

A. LA NÉCESSAIRE PROROGATION DE SOPHIA AU-DELÀ D’UN AN D’ACTION EN PLEINE CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE 29

B. LE PASSAGE HYPOTHÉTIQUE AUX PHASES 2B ET 3 29

C. RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ÉTATIQUES LIBYENNES 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

CONCLUSIONS 39

ANNEXES 41

ANNEXE N° 1 : LISTE DES OFFICIERS GÉNÉRAUX ET SUPÉRIEURS RENCONTRÉES PAR LES RAPPORTEURS 43

ANNEXE N° 2 : COUVERTURE GÉOGRAPHIQUE DE SOPHIA 45

ANNEXE N° 3 : PARCOURS MIGRATOIRES TERRESTRES EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE 47

ANNEXE N° 4 : FLUX MIGRATOIRES PAR LES VOIES MÉDITERRANÉENNES EN 2015 49

SYNTHÈSE DU RAPPORT

L’opération EUNAVFOR Méd, dite Sophia, a été lancée après la catastrophe humanitaire du 18 avril 2015, qui a vu 700 migrants se noyer au large des côtes libyennes. Deux jours après, lors d’un sommet extraordinaire, les ministres des affaires étrangères et de l’intérieur revoient leur approche du phénomène migratoire en adoptant un plan d’action global en dix points.

Sophia, assise sur des décisions du Conseil de mai et juin 2015, est la traduction opérationnelle du deuxième point de ce plan d’ensemble : mener un « effort systématique pour capturer et détruire les embarcations utilisées par les contrebandiers ». Elle a pour objectif de contribuer à démanteler le modèle économique des réseaux de trafic de clandestins et de traite des êtres humains dans la partie Sud de la Méditerranée centrale.

Ce n’est donc pas une mission de combat mais une mission de police accomplie par des unités militaires dans un cadre légal très restrictif. Il ne s’agit pas d’un blocus de l’Afrique du Nord ni d’une intervention contre la Libye, et elle ne doit faire ni victimes civiles ni dommages collatéraux.

La recherche, l’assistance et le sauvetage des naufragés ne font pas explicitement partie de la mission. Toutefois, en réalité, tout marin a la responsabilité juridique et l’obligation morale d’agir en ce sens.

La mise en œuvre de la mission s’est avérée extrêmement rapide, puisqu’elle a pris à peine trois mois, entre l’élaboration du concept de management de crise et l’entrée de l’opération en pleine capacité opérationnelle, intervenue le 27 juillet.

Elle a été conçue selon trois phases : la phase 1 était destinée à améliorer la compréhension du modèle économique des trafiquants et passeurs ; la phase 2, en cours, a pour but, d’abord en haute mer puis dans les eaux territoriales, de procéder à l’arraisonnement, à la fouille, à la saisie et au déroutement des embarcations soupçonnées d’être utilisées pour le trafic illicite de migrants ; la phase 3 sera l’occasion de prendre toutes les mesures nécessaires à l’encontre de ces embarcations et des ressources connexes, y compris en les éliminant ou en les mettant hors d’usage, sur le territoire libyen, au moyen d’opérations spéciales et amphibies limitées et temporaires.

À la fin de cette troisième phase, le trafic de migrants sera réduit à un niveau gérable individuellement par les États côtiers.

Vingt-deux États membres de l’Union européenne participent à Sophia, mettant à disposition 1 327 personnels. Leurs moyens sont coordonnés par un état-major international situé à Rome, commandé par un vice-amiral italien. L’état-major est placé sous les ordres directs du Comité politique et de sécurité (CoPS) de l’Union européenne.

L’Italie, compte tenu de sa situation géographique en première ligne et de sa sensibilité à la question des migrations en provenance de la Libye, a évidemment manifesté la volonté de prendre le leadership et d’être désignée nation - cadre. Il faut dire que Sophia s’articule avec Mare Sicuro, une opération nationale italienne aux objectifs et au champ d’action similaires.

Depuis décembre 2015, sept bâtiments sont déployés, derrière le porte -aéronefs Cavour, sur lequel nous avons été reçus. Fleuron de la marine italienne, son équipage est constitué de 600 marins et il peut héberger 400 personnels de l’aéronavale.

Actuellement, quatre hélicoptères sont embarqués à bord et trois avions de patrouille et de reconnaissance maritimes sont mis à disposition à partir de bases terrestres.

La force navale bénéficie de l’appui de trois bases logistiques italiennes : les ports d’Augusta, au sud-est de la Sicile – là où nous ont été reçus sur le Cavour –, et de l’île de Pantelleria, plus la base aérienne de Sigonella.

En cette période hivernale, moins propice aux passages des embarcations des trafiquants, les moyens mobilisés sont en retrait par rapport aux débuts de la phase 2a, durant lesquels étaient employés onze bâtiments. La frégate légère furtive française Courbet et le patrouilleur Falcon 50M, engagés par la suite en Méditerranée orientale, au sein du groupe aéronaval du Charles-de-Gaulle, ont ainsi participé à Sophia, respectivement durant 50 jours et 11 jours.

À partir d’avril, une remontée en puissance sera nécessaire pour répondre au regain prévisible de passages d’embarcations chargées de migrants.

La Libye possède un réel savoir-faire dans le trafic des migrants, dont la régulation était naguère conçue par le régime du colonel Kadhafi comme un moyen de pression contre les Occidentaux.

Nous tenons d’abord à appeler l’attention sur le fait que la grande majorité des migrants concernés par la « filière libyenne » sont originaires d’Afrique sub -saharienne. La plupart d’entre eux sont animés par des motivations économiques mais certains fuient aussi des régimes dictatoriaux et peuvent être considérés comme des réfugiés politiques.

En 2015, alors que 810 663 migrants ont été comptabilisés sur la « route orientale » balkanique et 3 209 sur la « route occidentale » nord-africaine, 154 725 migrants passant par la « route centrale » libyenne ont été recensés par les autorités italiennes. On estime que pas moins de 500 000 à 1 million de migrants séjournent actuellement en transit sur le territoire libyen, soit, au rythme d’émigration actuel, un potentiel de plusieurs années de passages par la Méditerranée.

Depuis le passage à la phase 2a de Sophia, il existe deux modes opératoires.

Le premier consiste à former un migrant, appelé « joker », et à le mettre à la manœuvre d’un zodiac, après lui avoir confié un GPS et un téléphone satellite pour appeler les secours juste avant de parvenir dans les eaux internationales. Le coût de la traversée pour chaque migrant est de 500 à 1 000 euros ; avec une centaine de passagers, le chiffre d’affaires s’élève à 75 000 euros environ pour chaque traversée.

Le second consiste à utiliser une grosse barque en résine ou en bois, escortée par un skiff à bord duquel deux ou trois trafiquants se chargent d’appeler les secours. Ces bateaux peuvent transporter jusque 450 personnes, alors qu’ils ne sont prévus que pour une vingtaine. Ces embarcations étant réputées plus fiables, les migrants sont prêts à payer plus de 1 000 euros par personne, soit un chiffre d’affaires moyen de 480 000 euros par traversée.

Ce modèle économique est tellement profitable que les trafiquants consentent désormais à abandonner les embarcations, ce qui leur garantit tout de même un bénéfice moyen par trajets de 67 000 euros pour ceux qui utilisent un zodiac et même de 380 000 euros pour ceux qui utilisent une embarcation en bois.

Les revenus totaux tirés de l’exploitation de la misère des migrants ont été estimés, pour 2015, à 4,5 milliards d’euros, soit plus du tiers du PIB libyen.

Au cours de cette mission d’information, nous avons pu nous entretenir avec de nombreux officiers des échelons stratégiques et opérationnels de Sophia, parmi lesquels : le contre-amiral français Hervé Bléjean, vice-commandant de l’opération ; le contre-amiral italien chef de la force multinationale, c’est-à-dire de l’ensemble des bâtiments déployés ; le commandant italien du porte-aéronefs Cavour et son équipage.

Sept mois après le début de l’opération, il ressort de ces entretiens des résultats indéniables mais mitigés : en dépit des obstacles et en attendant le passage aux phases ultérieures, l’opération répond globalement aux attentes, en termes de sécurité et d’humanité.

Il a été décidé de passer à la phase 2a afin de faire cesser la présence de bateaux d’escorte dans les eaux internationales. Le basculement, intervenu le 7 octobre 2015, a été validé par le Conseil de sécurité des Nations unies pour un an.

L’information a toutefois circulé rapidement, au point que ne sont le plus souvent interpellés que les « jokers ». Au total, si la police italienne fait état de 400 à 500 passeurs arrêtés, seulement 48 trafiquants ont été interpelés et remis aux autorités italiennes, à la suite de quoi une quinzaine de procédures judiciaires ont pu être intentées.

À la date du 12 février 2016, 76 bateaux avaient été interceptés. Le remorquage s’avère le plus souvent impossible. Le processus opérationnel autorise alors la force à couler l’embarcation, après avoir procédé à une fouille approfondie – qui permet parfois de mettre la main sur des listes ou des coordonnées de personnes impliquées dans le trafic –, vidé le réservoir de son carburant et démonté le moteur.

Pour ce qui concerne la mission officiellement assignée à Sophia – le démantèlement des réseaux –, la phase 1 et le début de la phase 2a se soldent par un demi-succès : d’un côté, peu de trafiquants sont mis hors d’état de nuire et le trafic se poursuit ; cependant, de l’autre, les autorités européennes possèdent désormais une bonne connaissance de ce système mafieux et des personnes physiques qui en portent la responsabilité, la ressource en embarcations tend à se raréfier, les réseaux criminels se voient interdire l’accès à la haute mer et le nombre de migrants comptabilisés a baissé de 9 % entre le second semestre 2014 et le second semestre 2015.

Et puis, l’opération européenne a tout de même permis de secourir pas moins de 9 088 migrants et seulement trois corps ont été repêchés depuis juillet 2015.

Une structure de partage des connaissances et de déconfliction, dite « Shade Méd », a par ailleurs été constituée. Elle a vocation à accueillir l’ensemble des acteurs intervenant sur les différents volets sécuritaires et humanitaires : organisations internationales, agences européennes et opérations de politique de sécurité et de défense commune (PSDC), Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), organisations non gouvernementales (ONG) et États tiers.

Notons que l’OTAN est très présente en Méditerranée centrale, à travers son opération Active Endeavour. La haute représentante et le commandement de l’OTAN encouragent les interactions et la coopération tactique et technique, d’autant que le chef du commandement allié maritime de l’OTAN est depuis peu un Britannique, ce qui facilite la connexion entre les deux opérations.

Quant à l’agence européenne Frontex, elle pilote deux missions afin de garder les zones frontalières maritimes et terrestres de l’Union européenne par lesquelles transitent les grands flux de migrants actuels : Poséidon en mer Égée ; Triton en Méditerranée centrale.

Avec cette seconde opération, Sophia a élaboré un protocole commun et échange des officiers de liaison en état-major et sur les bâtiments. La collaboration avec Frontex – tout comme, dans une moindre mesure, avec Europol et Eurojust – est donc étroite et saine.

En revanche, nous estimons que, parmi les neuf opérations PSDC actuellement menées par l’Union européenne en Afrique, trois pourraient davantage prendre en compte le problème des migrations à destination de la Libye : EUBAM Libye, chargée d’aider les autorités libyennes à renforcer la sécurité à leurs frontières ; EUTM Mali, qui a pour objectif de former les forces armées maliennes ; EUCAP Sahel Niger, destinée à conseiller les autorités nigériennes dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. C’est d’ailleurs aussi le cas de l’opération française Barkhane au Sahel.

Le principal reproche susceptible d’être adressé à l’opération Sophia est en effet qu’elle agit comme un « accélérateur migratoire », sans que des actions efficaces soient conduites, ni pour limiter ce mouvement humain à sa source ni pour se donner les moyens d’opérer des reconduites dans les pays d’origine. La passivité de l’Union européenne en la matière n’échappera pas éternellement à la critique publique ; il arrivera un moment où les autorités bruxelloises ne pourront plus entretenir l’« illusion humanitaire ».

La reconduction de Sophia suppose l’adoption d’une nouvelle décision avant le 27 juillet 2016. Celle-ci apparaît aujourd’hui nécessaire afin de poursuivre l’action dans trois directions : maintenir la pression sur les trafiquants ; continuer à sauver des vies ; rester prêts à passer à la phase 2b.

Si les deux premières phases se sont déroulées conformément à la planification et aux attentes des donneurs d’ordres politiques, les résultats stratégiques tangibles obtenus ne constituent qu’une étape : l’opération n’a certes de sens que dans sa progression vers sa phase ultime, mais il aurait été impossible de commencer par celle-ci, ex nihilo.

Les conditions juridiques nécessaires au passage aux phases ultérieures rendent toutefois celui-ci hypothétique. Elles prévoient en effet l’intrusion de la force de Sophia dans l’espace de souveraineté maritime puis terrestre de la Libye, ce qui imposera le consentement du gouvernement local, assorti de nouvelles résolutions de l’Organisation des nations unies (ONU).

Aux deux étapes, une résolution des Nations unies pourrait certes suffire et se substituer à une invitation puis à une coopération de la Libye, mais encore faudrait-il qu’aucun membre permanent du Conseil de sécurité n’y mette son veto. Il serait au demeurant préférable, voire indispensable, d’intervenir avec l’aval des autorités locales, afin de ne pas se les aliéner en s’aventurant dans une confrontation avec elles.

Quoi qu’il en soit, la Libye doit sortir de sa condition actuelle d’État failli. Or les tentatives d’obtenir un accord en vue de constituer un gouvernement d’entente nationale ont jusqu’à présent échoué.

Parallèlement aux efforts de recherche d’un accord en vue de la constitution d’un gouvernement d’entente nationale, la communauté internationale réfléchit aux modalités du soutien sécuritaire qui pourra lui être apporté une fois en fonctions. La sécurité de la Libye et, par extension, de l’aire méditerranéenne, dépend du désarment des milices et du démantèlement du bastion de Daesh dans le golfe de Syrte.

Ce renforcement des capacités étatiques libyennes pourrait être ajouté au mandat de Sophia, qui pourrait alors travailler en coordination avec EUBAM Libye.

Deux autres axes de coopération méritent d’être explorés : le soutien aux secteurs économiques alternatifs au trafic de migrants et la coordination des dispositifs de lutte contre le terrorisme.

La Commission des affaires européennes a adopté, à l’unanimité, les conclusions suivantes : elle a salué la qualité et l’efficacité de la coordination des moyens mis par les États membres à la disposition de la force navale de l’opération Sophia ; elle s’est félicitée des premiers résultats obtenus durant la phase 1, consacrée à l’analyse de la situation, et la phase 2a, en cours, consacrée à la sécurisation en haute mer ; elle a constaté que les réseaux de trafiquants ont adapté leurs modes opératoires pour contourner les obstacles dressés par l’Union européenne ; elle a souligné que celle-ci ne doit pas se contenter de sécuriser la route migratoire centre-méditerranéenne mais doit surtout veiller à ce que son action contrecarre les desseins des trafiquants en réduisant à néant leur modèle économique ; elle a par conséquent considéré que les efforts doivent redoubler en vue de passer à la phase 2b puis à la phase 3, à savoir les volets offensifs de l’opération, destinés à sécuriser les eaux territoriales libyennes puis à neutraliser les réseaux à terre, dès que les conditions institutionnelles et politiques seront réunies en Libye, dans la perspective d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui le permette ; elle a estimé que le mandat d’un an accordé à l’opération Sophia devra être prorogé d’au moins six mois à son échéance, le 27 juillet 2016 ; elle a appelé l’attention sur la nécessité de mieux coordonner Sophia avec les autres opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune qui interviennent sur les routes migratoires africaines, afin de contenir au maximum à la source ces mouvements de population ; elle a invité les autorités européennes à réfléchir d’ores et déjà activement aux modalités de leur contribution future au renforcement des capacités étatiques libyennes ; elle a insisté sur la nécessité d’une coordination politique pour réguler et ouvrir des voies légales d’accès ; elle a insisté sur la nécessité d’une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée, seule à même de répondre à l’urgence humanitaire.

I. FONDEMENTS JURIDIQUES

A. LE SOMMET DU 20 AVRIL 2015, EN RÉACTION AU DRAME DES NAUFRAGES DE BATEAUX TRANSPORTANT DES MIGRANTS AU LARGE DE LA LIBYE

L’opération EUNAVFOR Méd, rebaptisée plus tard Sophia2, a été lancée après la catastrophe humanitaire du 18 avril 2015, qui a vu 700 migrants se noyer au large des côtes libyennes. Deux jours après ce drame, lors d’un sommet extraordinaire, les ministres des affaires étrangères et de l’intérieur revoient leur approche du phénomène migratoire en adoptant un plan d’action global en dix points :

– renforcement des opérations conjointes en Méditerranée, à savoir Triton et Poséidon, en augmentant les ressources financières et les moyens qui leur sont alloués ;

– effort systématique pour capturer et détruire les embarcations utilisées par les contrebandiers ;

– réunions régulières et travail en étroite collaboration entre Europol, l’Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures (Frontex), le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) et Eurojust, afin de recueillir des informations sur les modes opératoires des contrebandiers, de retracer les mouvements de fonds qu’ils effectuent et de favoriser la conduite des enquêtes ;

– déploiement des équipes du BEAA en Italie et en Grèce pour un traitement conjoint des demandes d’asile ;

– relevé des empreintes digitales de tous les migrants par les États membres ;

– examen de toutes les options de mécanismes de réinstallation d’urgence ;

– projet pilote de l’Union européenne en matière de réinstallation, offrant un certain nombre de places à des personnes ayant besoin de protection ;

– mise en place d’un nouveau programme de retour rapide des migrants en situation irrégulière dans les États membres en première ligne, coordonné par Frontex ;

– coopération avec les pays limitrophes à la Libye ;

– déploiement d’agents de liaison d’immigration dans les pays tiers concernés, afin de recueillir des renseignements sur les flux migratoires et de renforcer le rôle des délégations de l’Union européenne.

B. UNE OPÉRATION MARITIME EN TROIS PHASES DESTINÉE À DÉMANTELER LES RÉSEAUX DE TRAFIQUANTS

1. Principes

a. Sécurité et humanité

L’opération Sophia, assise sur des décisions du Conseil du 18 mai 20153 et du 22 juin 20154, est la traduction opérationnelle du deuxième point de ce plan d’ensemble : « effort systématique pour capturer et détruire les embarcations utilisées par les contrebandiers ». Elle a pour objectif de contribuer à démanteler le modèle économique des réseaux de trafic de clandestins et de traite des êtres humains dans la partie Sud de la Méditerranée centrale. Doivent être déployés à cet effet des efforts systématiques en vue d’identifier, de capturer et de neutraliser les navires et les embarcations et les ressources utilisés ou soupçonnés d’être utilisés par des passeurs ou des trafiquants d’êtres humains.

Sophia n’est donc pas une mission de combat mais une mission de police accomplie par des unités militaires dans un cadre légal très restrictif. Il ne s’agit pas d’un blocus de l’Afrique du Nord ni d’une intervention contre la Libye, et elle ne doit faire ni victimes civiles ni dommages collatéraux.

La recherche, l’assistance et le sauvetage des naufragés ne font pas explicitement partie de la mission. Toutefois, en réalité, tout marin a la responsabilité juridique, en vertu du droit international, et l’obligation morale, conformément à la tradition des gens de mer, d’agir en ce sens.

En droit international, Sophia s’appuie sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS5) de 1973 et sur le protocole de Palerme contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté en 2000.

b. Une mise en œuvre extrêmement rapide

Contrairement à l’usage pour les missions de politique de sécurité et de défense commune (PSDC), Sophia n’a en réalité pas été fondée sur une réflexion préalable pour définir une philosophie d’emploi des forces : un plan d’opération a été élaboré directement par l’état-major romain, composé à 90 % d’officiers italiens.

Sa mise en œuvre s’est par conséquent avérée extrêmement rapide, puisqu’elle a pris à peine trois mois :

– le 30 avril 2015, élaboration du concept de management de crise ;

– le 18 mai 2015, décision du Conseil de concevoir l’opération ;

– le 22 juin 2015, décision du Conseil de lancer la phase 1 de l’opération ;

– le 27 juillet 2015, entrée de l’opération en pleine capacité opérationnelle.

2. Découpage en trois phases

L’opération a été conçue selon trois phases :

– la phase 1, consacrée au déploiement et à l’analyse, était destinée à améliorer la compréhension du modèle économique des trafiquants et passeurs ;

– la phase 2, en cours, consacrée à la sécurisation et à l’interception, a pour but, d’abord en haute mer puis dans les eaux territoriales, de procéder à l’arraisonnement, à la fouille, à la saisie et au déroutement des navires et autres embarcations soupçonnés d’être utilisés pour la traite des êtres humains ou le trafic illicite de migrants ;

– la phase 3, consacrée à la neutralisation, sera l’occasion de prendre toutes les mesures nécessaires à l’encontre des navires et autres embarcations et des ressources connexes soupçonnés d’être utilisés pour la traite des êtres humains ou le trafic illicite de migrants, y compris en les éliminant ou en les mettant hors d’usage, sur le territoire libyen, au moyen d’opérations spéciales et amphibies limitées et temporaires.

À la fin de cette troisième phase, le trafic de migrants sera réduit à un niveau gérable individuellement par les États côtiers.

II. MODALITÉS OPÉRATIONNELLES

A. UNE COUVERTURE GÉOGRAPHIQUE CIRCONSCRITE, AU LARGE DES CÔTES LIBYENNES

La couverture géographique de Sophia suit deux contours distincts, qui ont été définis par l’autorité politique européenne6 :

– dans la zone dite « zone d’opération conjointe » (JOA7), allant des côtes occidentales de l’Égypte aux côtes orientales de la Tunisie et incluant Malte, la Sicile ainsi que les côtes continentales méridionales de l’Italie, les bâtiments engagés sont habilités à patrouiller, observer et transiter ;

– l’action opérationnelle se focalise dans une zone plus restreinte, dite « zone d’opération » (AOO8), cantonnée au large des côtes libyennes.

L’essentiel du trafic de migrants s’effectue dans le triangle Zuwara-Qarabuli-Lampedusa.

B. DES MOYENS ENGAGÉS SIGNIFICATIFS ET ÉVOLUTIFS, FOURNIS PAR VINGT-DEUX ÉTATS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE

1. État-major

Vingt-deux États membres de l’Union européenne participent à Sophia, mettant à disposition 1 327 personnels. Leurs moyens sont coordonnés par un état -major international situé à Rome, commandé par le vice-amiral italien Enrico Credendino. La chaîne de commandement est courte, puisque l’état-major est placé sous les ordres directs du Comité politique et de sécurité (CoPS) de l’Union européenne, composé des représentants permanents des États membres à Bruxelles et présidé par la haute-représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Si trois autres nations se sont immédiatement déclarées disponibles – l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni –, l’Italie, compte tenu de sa situation géographique en première ligne et de sa sensibilité à la question des migrations en provenance de la Libye, a évidemment manifesté la volonté de prendre le leadership et d’être désignée nation-cadre. Il faut dire que Sophia s’articule avec Mare Sicuro, une opération nationale italienne aux objectifs et au champ d’action similaires. Le poids de l’histoire joue également, de même que les intérêts économiques, la Libye ayant été colonie italienne de 1911 à 1943 et la compagnie pétrolière ENI exploitant encore aujourd’hui des champs d’hydrocarbures libyens.

Il en découle une anomalie par rapport aux pratiques habituelles en matière d’opérations multinationales : les amiraux commandant l’état-major et la force navale sont tous deux de nationalité italienne, tout comme l’officier supérieur comandant le navire amiral de la flotte.

2. Force navale

a. Bâtiments

Depuis décembre 2015, sept bâtiments sont déployés :

– le porte-aéronefs Cavour, sur lequel vos rapporteurs ont été reçus ;

– la frégate espagnole Numancia ;

– le navire océanographique britannique HMS Enterprise ;

– le navire logistique allemand Frankfurt ;

– le patrouilleur slovène Triglav ;

– le chasseur de mines allemand Ludwigshafen ;

– le sous-marin italien Todaro.

Un bâtiment militaire irlandais, sur zone dans le cadre d’une opération nationale, devrait de plus être prochainement intégré à Sophia.

Le Cavour, fleuron de la marine italienne sorti du chantier naval en 2004, long de 244 mètres, est un bâtiment à propulsion à gaz équipé d’un pont en crosse. Il est en mesure d’embarquer jusqu’à seize avions et dix hélicoptères. Son équipage est constitué de 600 marins et il peut de surcroît héberger 400 personnels de l’aéronavale. Il possède en outre un hôpital embarqué doté notamment de deux blocs opératoires, d’un scanner et de plusieurs dizaines de lits.

b. Moyens aériens

S’agissant des moyens aériens :

– quatre hélicoptères sont embarqués :

• deux EH-101 et un AB.212 sur le Cavour ;

• un AB.212 sur le Numancia ;

– trois avions de patrouille et de reconnaissance maritimes sont mis à disposition à partir de bases terrestres :

• un Merlin III luxembourgeois ;

• un C295 espagnol ;

• un Embraer 145H grec.

c. Bases logistiques

La force navale bénéficie de l’appui de trois bases logistiques italiennes :

– le port d’Augusta, au sud-est de la Sicile, là où vos rapporteurs ont été reçus sur le Cavour ;

– l’île de Pantelleria, à mi-chemin au large des côtes tunisiennes et siciliennes ;

– la base aérienne de Sigonella, proche de Catane, à l’est de la Sicile.

3. Saisonnalité

En cette période hivernale, moins propice aux passages des embarcations des trafiquants, les moyens mobilisés sont en retrait par rapport aux débuts de la phase 2a, durant lesquels étaient employés onze bâtiments, sept hélicoptères, trois avions de patrouille et de reconnaissance maritimes, et un avion de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. La frégate légère furtive française Courbet et le patrouilleur Falcon 50M, engagés par la suite en Méditerranée orientale, au sein du groupe aéronaval du Charles-de-Gaulle, ont ainsi participé à Sophia, respectivement durant 50 jours et 11 jours.

À partir d’avril, une remontée en puissance sera nécessaire pour répondre au regain prévisible de passages d’embarcations chargées de migrants.

III. RESSORTS ÉCONOMIQUES DU TRAFIC

A. DES FILIÈRES MIGRATOIRES TRADITIONNELLES À PARTIR DE L’AFRIQUE SUB-SAHARIENNE

La Libye possède un réel savoir-faire dans le trafic des migrants : peu avant sa chute, le colonel Kadhafi déclarait que les Occidentaux pourraient certes l’écarter du pouvoir s’ils le souhaitaient mais que cela provoquerait, d’une part, le chaos dans son pays, compte tenu des rivalités entre tribus, et, d’autre part, un mouvement de migration important, car seul son régime était en mesure d’assurer une régulation efficace des flux humains transitant aux frontières terrestres et sur le territoire de la Libye.

Vos rapporteurs tiennent d’abord à appeler l’attention sur le fait que la grande majorité des migrants concernés par la « filière libyenne » sont originaires non pas du Moyen-Orient mais essentiellement d’Afrique sub-saharienne : Érythrée, Gambie, Mali, Nigeria, Sénégal, Somalie, Soudan, etc9.

La plupart d’entre eux sont animés par des motivations économiques mais certains fuient aussi des régimes dictatoriaux et peuvent être considérés comme des réfugiés politiques, notamment les jeunes hommes érythréens, qui cherchent à échapper au service militaire à vie, ou encore les Somaliens.

Ils cheminent par des filières traditionnelles :

– 44 %, venant d’Afrique de l’ouest, passeraient par l’Algérie et le Niger ;

– 43 %, venant de la corne de l’Afrique, passeraient par le Tchad.

Seuls 4 % de ces migrants proviendraient de Syrie, après avoir transité par l’Égypte.

Ainsi, en 2015, alors que 810 663 migrants ont été comptabilisés sur la « route orientale » balkanique et 3 209 sur la « route occidentale » nord-africaine, 154 725 migrants passant par la « route centrale » libyenne ont été recensés par les autorités italiennes.

On estime que pas moins de 500 000 à 1 million de migrants séjournent actuellement en transit sur le territoire libyen, soit, au rythme d’émigration actuel, un potentiel de plusieurs années de passages par la Méditerranée.

B. DES MODES OPÉRATOIRES RODÉS, QUI S’ADAPTENT AU DISPOSITIF DE LUTTE ANTI-TRAFIQUANTS ET S’AVÈRENT PARTICULIÈREMENT LUCRATIFS

1. Les modes opératoires actuels

Par le passé, les réseaux proposaient une prestation de transport intégrale, allant jusqu’aux ports italiens. Depuis que des bâtiments de Frontex et d’organisations non gouvernementales (ONG) sont présents en Méditerranée centrale, ils ont compris qu’ils n’ont plus besoin d’organiser la totalité du voyage : à partir de 2015, ils n’ont même plus pris la peine de remplir les réservoirs de leurs embarcations assez suffisamment d’essence pour atteindre les côtes italiennes.

Depuis le passage à la phase 2a de Sophia, il existe deux modes opératoires.

a. Zodiacs

Le premier, employé généralement dans les ports situés à l’est de Tripoli – essentiellement Zuwarah et Sabratah –, consiste à former très grossièrement un migrant, appelé « joker » ou « facilitateur », et à le mettre à la manœuvre d’un zodiac, après lui avoir confié un GPS et un téléphone satellite avec un seul numéro enregistré, celui du centre de secours en mer italien, à appeler juste avant de parvenir dans les eaux internationales. Le coût de la traversée pour chaque migrant est de 500 à 1 000 euros ; avec une centaine de passagers par pneumatique, le chiffre d’affaires s’élève à 75 000 euros environ pour chaque traversée.

b. Grandes embarcations en bois ou en résine

Le second, en usage plus à l’ouest, entre Tripoli et Qarabulli, consiste à utiliser une barque en résine ou en bois, de contenance plus importante, escortée par un skiff à bord duquel deux ou trois trafiquants se chargent d’appeler les secours, ce qui leur permet de ne pas abandonner le téléphone et le GPS. Ces bateaux peuvent transporter jusque 450 personnes, alors que, d’après les règles de sécurité nautique, ils ne sont prévus que pour une vingtaine ; cela oblige certains passagers à voyager dans la cale, près des moteurs, ce qui provoque des décès par asphyxie. Ces embarcations étant néanmoins réputées plus fiables, les migrants sont prêts à payer plus de 1 000 euros par personne, soit un chiffre d’affaires moyen de 480 000 euros par traversée.

2. Un modèle économique assurant une rentabilité exceptionnelle pour un risque minime

Ce modèle économique est tellement profitable que les trafiquants consentent désormais à abandonner les embarcations, ce qui leur garantit tout de même un bénéfice moyen par trajets de 67 000 euros pour ceux qui utilisent un zodiac et même de 380 000 euros pour ceux qui utilisent une embarcation en bois. De plus, ils monnaient à prix d’or la fourniture de gilets de sauvetage et même de nourriture et d’eau.

La saisonnalité de l’activité répond également à un calcul économique : dès qu’apparaissent des vagues de deux mètres, les traversées, devenues trop hasardeuses, cessent car chaque réseau cherche à entretenir sa réputation.

Les revenus totaux tirés de l’exploitation de la misère des migrants ont été estimés, pour 2015, à 4,5 milliards d’euros, soit plus du tiers du PIB libyen. Dans les villes portuaires les plus actives, cela représente même au moins la moitié de la production de richesses. Alors que le prix du pétrole a été divisé par six en deux ans, c’est clairement devenu le secteur d’activité le plus lucratif.

Avec des bénéfices aussi attractifs, qui permettent de mettre sa famille à l’abri de tout besoin financier, les trafiquants sont prêts à prendre le risque d’être emprisonnés quelques années. Il est d’ailleurs intéressant de constater que, parmi ces migrants, il n’y a aucun ressortissant libyen : la Libye fait en effet partie des cinq pays d’Afrique dont l’indicateur de développement humain (IDH) est classé « élevé », grâce, en particulier, à l’argent des migrants…

IV. SEPT MOIS APRÈS LE DÉBUT DE L’OPÉRATION, QUELS RÉSULTATS ?

A. MÉTHODOLOGIE SUIVIE PAR LES RAPPORTEURS LORS DE LEUR MISSION D’INFORMATION

Au cours de cette mission d’information, vos rapporteurs ont pu s’entretenir avec de nombreux officiers des échelons stratégiques et opérationnels de Sophia, parmi lesquels :

– le contre-amiral français Hervé Bléjean, vice-commandant de l’opération, qu’ils avaient déjà auditionné quelques semaines auparavant à Paris et qui, au terme de la journée passée sur le Cavour, leur a indiqué les perspectives possibles de Sophia, du point de vue de la structure assurant l’interface entre l’autorité politique et les moyens militaires ;

– le contre-amiral italien Andrea Gueglio, commandant de la force multinationale, c’est-à-dire de l’ensemble des bâtiments déployés dans le cadre de l’opération ;

– le capitaine de vaisseau espagnol José Maria Fuente de Cabo, chef de l’état-major de la force ;

– le capitaine de vaisseau italien Franco Sodomaco, commandant du porte-aéronefs Cavour, bâtiment pilote de la force ;

– deux enseignes de vaisseau de première classe de nationalité française, employés respectivement dans les cellules renseignement et logistique de la force.

B. DES RÉSULTATS INDÉNIABLES MAIS MITIGÉS

Sept mois après le début de l’opération, il ressort de ces entretiens des résultats indéniables mais mitigés quant à l’impact de Sophia sur les flux de migrants en provenance d’Afrique sub-saharienne : en dépit des obstacles et en attendant le passage aux phases ultérieures, l’opération répond globalement aux attentes, en termes de sécurité et d’humanité.

1. Des réseaux toujours actifs mais sous pression

Il a été décidé de passer à la phase 2a afin de faire cesser la présence de bateaux d’escorte dans les eaux internationales – c’est-à-dire à une distance des côtes de plus de 12 milles marins –, mise en évidence durant la phase 1. Le basculement est intervenu le 7 octobre 2015, après une décision du CoPS10. Cette décision a été validée, le surlendemain, par le Conseil de sécurité des Nations unies, à travers la résolution 224011, adoptée par 14 voix pour et une abstention. Celle-ci autorise les États participants, pendant un an, à inspecter les bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes, s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner que ceux-ci sont utilisés pour le trafic de migrants ou la traite d’êtres humains en provenance de Libye.

L’information a toutefois circulé rapidement, au point que ne sont le plus souvent interpellés que les « jokers ». Or ceux-ci ne sont pas arrêtés par la police italienne mais seulement débriefés, dans l’optique de recueillir des informations utiles à la lutte contre le trafic. Au total, si la police italienne fait état de 400 à 500 passeurs arrêtés, seulement 48 trafiquants ont été interpelés et remis aux autorités italiennes, à la suite de quoi une quinzaine de procédures judiciaires ont pu être intentées.

Lorsque des passeurs sont appréhendés en haute mer, ils sont débarqués en Italie, où la section judicaire anti-mafia a pour mandat de les poursuivre. Il serait possible à la France d’engager des poursuites, en application de la loi pour l’action de l’État en mer de 1999, à condition que soit incluse dans son champ la lutte contre les passeurs de migrants clandestins, mais la décision interministérielle nécessaire tarde à intervenir. Lorsqu’elle participait à Sophia, la frégate Courbet se serait par ailleurs, le cas échéant, trouvée dans l’impossibilité de livrer des passeurs aux autorités italiennes, faute d’accord de transfèrement entre la France et l’Italie.

À la date du 12 février 2016, 76 bateaux avaient été interceptés. Dans la mesure où ils constituent alors des éléments de preuve judiciaire en droit international, il est préférable de les remorquer. Dans la pratique, il est le plus souvent compliqué de le faire, car le bâtiment remorqueur est considérablement ralenti et ne peut donc plus accomplir sa mission. Si le remorquage s’avère impossible, le processus opérationnel autorise la force à couler l’embarcation, afin d’empêcher sa récupération par les réseaux criminels et de ne pas laisser d’épave flottante constituant un danger pour la navigation. Après avoir procédé à une fouille approfondie – qui permet parfois de mettre la main sur des listes ou des coordonnées de personnes impliquées dans le trafic –, vidé le réservoir de son carburant et démonté le moteur, par souci de limiter l’impact environnemental, l’embarcation et coulée. Résultat, il y a de moins en moins de grandes barques disponibles pour les réseaux.

Pour ce qui concerne la mission officiellement assignée à Sophia – le démantèlement des réseaux –, la phase 1 et le début de la phase 2a se soldent par un demi-succès :

– d’un côté, peu de trafiquants sont mis hors d’état de nuire et le trafic se poursuit ;

– cependant, de l’autre, les autorités européennes possèdent désormais une bonne connaissance de ce système mafieux et des personnes physiques qui en portent la responsabilité, la ressource en embarcations tend à se raréfier, les réseaux criminels se voient interdire l’accès à la haute mer et le nombre de migrants comptabilisés a baissé de 9 % entre le second semestre 2014 et le second semestre 2015, pour s’établir en rythme annuel, au 31 décembre 2015, à 154 725.

2. De nombreux migrants sauvés d’une mort certaine

La « route centrale » est toujours particulièrement meurtrière : en 2015, 2 892 personnes y ont perdu la vie, soit 1,9 % des effectifs de migrants, contre 855 morts sur la route orientale, soit un taux de 0,1 %. Depuis la mise en place de Sophia, la plupart d’entre eux décèdent toutefois lors de leur interminable cheminement terrestre à travers l’Afrique, au cours duquel ils font l’objet – notamment les femmes – de violences continuelles. L’opération européenne a tout de même permis de secourir pas moins de 9 088 migrants et seulement trois corps ont été repêchés depuis juillet 2015.

3. Une coordination expérimentale efficace entre les acteurs civils et militaires, gouvernementaux et privés, européens, nationaux et étrangers

Sur le modèle du forum créé dans l’océan Indien autour de l’opération Atalante de lutte contre la piraterie, a été constituée une structure de partage des connaissances et de déconfliction (Shade Méd12), ayant vocation à accueillir l’ensemble des acteurs intervenant sur les différents volets sécuritaires et humanitaires en lien avec le phénomène des migrations illégales dans le bassin méditerranéen :

– organisations internationales ;

– agences européennes et opérations PSDC ;

– Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ;

– ONG, notamment la Croix-Rouge, Médecins sans frontières (MSF), les Maltais de MOAS (Migrant Offshore Aid Station) et les Allemands de Sea Watch ;

– États tiers.

Un premier rendez-vous a eu lieu à Rome, le 26 novembre 2015, en vue d’échanger à propos de la situation et de poser des bases de fonctionnement. Il a réuni 80 représentants de 36 pays ou organisations différents – 39 civils et 41 militaires.

Cette initiative, perçue positivement par les différents protagonistes, sera pérennisée, afin d’établir des bonnes pratiques, mises en commun sur un site Internet dédié. Elle est actuellement présidée par l’état-major de Sophia mais sa logique veut qu’elle soit soumise à une présidence tournante et déclinée en groupes de travail, animés non pas par des amiraux mais par des techniciens, au fait des réalités de terrain.

4. Des interactions avec l’OTAN encouragées

L’OTAN est également très présente en Méditerranée centrale, à travers son opération Active Endeavour, lancée après les attentats du 11 septembre 2001 avec la tâche de rechercher et de neutraliser des groupes terroristes et des armes de destruction massive.

Ni la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ni le commandement de l’OTAN ne souhaitent afficher de correspondance entre Sophia et Active Endeavour, mais ils encouragent en réalité les interactions et la coopération tactique et technique entre les deux opérations.

Pour répondre à la sensibilité de son opinion publique au drame humain des naufrages de bateaux de migrants, le Premier ministre britannique David Cameron a du reste souhaité donner une grande visibilité à l’implication de son pays au sein de l’appareil militaire de Sophia, notamment en fournissant un navire océanographique depuis le début de l’opération. En outre, le chef du commandement allié maritime de l’OTAN est depuis peu un Britannique, ce qui facilite la connexion entre les deux opérations.

Quant à la perception de la marine nationale française par les États-Unis, elle évolue positivement : ils constatent que, eu égard à notre capacité d’intervention, nous sommes devenus leurs premiers alliés dans ce domaine.

5. Des synergies avec les autres dispositifs européens à améliorer

a. Frontex

L’agence européenne Frontex pilote deux missions afin de garder les zones frontalières maritimes et terrestres de l’Union européenne par lesquelles transitent les grands flux de migrants actuels :

– Poséidon en mer Égée ;

– Triton en Méditerranée centrale.

Avec cette seconde opération, pourvue d’un navire patrouilleur de police, Sophia a élaboré un protocole commun et échange des officiers de liaison en état-major et sur les bâtiments. La collaboration avec Frontex – tout comme, dans une moindre mesure, avec Europol et Eurojust – est donc étroite et saine.

L’action de Frontex est toutefois limitée juridiquement car elle n’est pas fondée sur un mandat légal lui permettant de mener des opérations de type militaire ni même de s’en prendre concrètement aux réseaux criminels. Une mission de police en mer comme Sophia ne peut être assurée que dans le cadre d’une opération PSDC.

b. Opérations PSDC

Parmi les neuf opérations PSDC actuellement menées par l’Union européenne en Afrique, trois pourraient davantage prendre en compte le problème des migrations à destination de la Libye :

– la mission de l’Union européenne d’assistance aux frontières en Libye (EUBAM13 Libye), lancée en mai 2013, chargée d’aider les autorités libyennes à renforcer la sécurité à leurs frontières ;

– la mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM14 Mali), lancée en février 2013, avec pour objectif de former les forces armées maliennes, d’appuyer leur refondation et d’exercer une fonction d’expertise et de conseil ;

– la mission capacitaire de l’Union européenne dans le Sahel et au Niger (EUCAP15 Sahel Niger), destinée à conseiller et former les autorités nigériennes pour les aider à renforcer leur dispositif de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Ces opérations ont compétence, pour la première, aux frontières terrestres de la Libye, par lesquelles passent les migrants ultérieurement recueillis par Sophia, et, pour les deux autres, dans des pays d’origine de ces migrants, précisément pour les aider à améliorer leurs capacités étatiques. Il est donc regrettable qu’elles n’entrent pas davantage en synergie avec Sophia, en contribuant à un meilleur contrôle des flux migratoires en amont – c’est d’ailleurs aussi le cas de l’opération française Barkhane au Sahel.

Le principal reproche susceptible d’être adressé à l’opération Sophia est en effet qu’elle agit, en quelque sorte, comme un « accélérateur migratoire », sans que des actions efficaces soient conduites, ni pour limiter ce mouvement humain à sa source ni pour se donner les moyens d’opérer des reconduites dans les pays d’origine. La passivité de l’Union européenne en la matière n’échappera pas éternellement à la critique publique ; il arrivera un moment où les autorités bruxelloises ne pourront plus entretenir l’« illusion humanitaire ».

V. PERSPECTIVES ET DÉBOUCHÉS POLITIQUES DE SOPHIA

A. LA NÉCESSAIRE PROROGATION DE SOPHIA AU-DELÀ D’UN AN D’ACTION EN PLEINE CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE

L’article 13 de la décision du Conseil du 18 mai 2015 dispose que « L’EUNAVFOR MED prend fin douze mois au plus tard après avoir atteint sa pleine capacité opérationnelle. » Sa reconduction suppose donc l’adoption d’une nouvelle décision avant le 27 juillet 2016. Elle apparaît aujourd’hui nécessaire afin de poursuivre l’action dans trois directions :

– maintenir la pression sur les trafiquants ;

– continuer à sauver des vies ;

– rester prêts à passer à la phase 2b.

Un bilan à mi-mandat a été présenté par le vice-amiral Credendino, les 8 et 9 février 2015, devant le CoPS puis le Comité militaire de l’Union européenne.

Il en est ressorti que les deux premières phases se sont déroulées conformément à la planification et aux attentes des donneurs d’ordres politiques, mais que les résultats stratégiques tangibles obtenus ne constituent qu’une étape : l’opération n’a certes de sens que dans sa progression vers sa phase ultime, mais il aurait été impossible de commencer par celle-ci, ex nihilo.

Une revue stratégique doit encore intervenir dans un mois.

B. LE PASSAGE HYPOTHÉTIQUE AUX PHASES 2B ET 3

Les conditions juridiques nécessaires au passage aux phases ultérieures rendent celui-ci hypothétique. Elles prévoient en effet l’intrusion de la force de Sophia dans l’espace de souveraineté maritime puis terrestre de la Libye, ce qui imposera le consentement du gouvernement local, assorti de nouvelles résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU).

En phase 2b, il s’agira, dans les eaux territoriales, d’arraisonner et de fouiller les navires, leur cargaison et les personnes à bord pour collecter des informations et des preuves, puis, si la preuve de la suspicion d’une activité de trafic est établie, de saisir le navire et de placer en rétention temporaire les personnes à bord, ou bien de dérouter le navire et les personnes à bord vers un port désigné.

Quant à la phase 3, elle se traduira par des destructions de bateaux à quai et d’entrepôts ainsi que par l’interpellation de ressortissants libyens. Les trafiquants perdront leur liberté de mouvement, leurs réseaux seront démantelés et ils seront dissuadés de poursuivre cette activité économique. Mais ce travail ne pourra réussir qu’en étroite collaboration avec des autorités libyennes stables.

Aux deux étapes, une résolution des Nations unies pourrait certes suffire et se substituer à une invitation puis à une coopération de la Libye, mais encore faudrait-il qu’aucun membre permanent du Conseil de sécurité n’y mette son veto. Il serait au demeurant préférable, voire indispensable, d’intervenir avec l’aval des autorités locales, afin de ne pas se les aliéner en s’aventurant dans une confrontation avec elles.

Quoi qu’il en soit, pour que la situation se débloque, la Libye doit sortir de sa condition actuelle d’État failli. Or les tentatives de la communauté internationale d’obtenir un accord en vue de constituer un gouvernement d’entente nationale entre les autorités concurrentes émanant de la Chambre des représentants de Tobrouk et du Congrès général national de Tripoli ont jusqu’à présent échoué.

L’incurie de la justice libyenne – si éloignée des standards européens qu’elle condamne encore à des exécutions capitales pour sorcellerie – pose aussi problème : les personnes arrêtées sur le territoire maritime ou terrestre libyen seront-elles remises à des juridictions libyennes ? Pour transférer les prisonniers en Italie, un accord bilatéral ad hoc avec la Libye sera indispensable, à l’instar de celui liant l’Union européenne aux pays bordant l’océan Indien, dans le cadre de la lutte contre la piraterie.

C. RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ÉTATIQUES LIBYENNES

Parallèlement aux efforts de recherche d’un accord en vue de la constitution d’un gouvernement d’entente nationale, le format dit « P3+5 » – qui associe les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’ONU, l’Union européenne, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne – réfléchit aux modalités du soutien sécuritaire qui pourra être apporté à Tripoli quand ce gouvernement sera en fonctions. La sécurité de la Libye et, par extension, de l’aire méditerranéenne, dépend du désarment des milices et du démantèlement du bastion de Daesh dans le golfe de Syrte. Il va sans dire que la consolidation ou l’extension des positions de l’organisation terroriste en Libye empêcherait toute possibilité de coopération avec l’Europe en vue de réguler les flux de migrants.

L’instruction de structures de force libyennes – notamment de gardes-frontières – n’est envisageable que si les personnels formés sont soigneusement sélectionnés puis correctement employés et rémunérés, afin qu’ils ne risquent pas de mettre leur savoir-faire au service de réseaux criminels ou terroristes.

Ce renforcement des capacités étatiques libyennes pourrait être ajouté au mandat de Sophia, qui pourrait alors travailler en coordination avec EUBAM Libye.

Deux autres axes de coopération méritent d’être explorés.

Premièrement, le soutien aux secteurs économiques alternatifs au trafic de migrants – en particulier l’industrie pétrolière, aujourd’hui en crise – réduirait l’attractivité pécuniaire de ces activités criminelles.

Deuxièmement, dans un pays où, faute de structures étatiques, Daesh s’implante de mieux en mieux, la coordination des dispositifs de lutte contre le terrorisme est primordiale. Même si des Tunisiens enregistrés sur la liste des combattants djihadistes au Moyen-Orient ont déjà été interceptés en Sicile, il est peu probable que des terroristes de Daesh se mélangent aux migrants ; la crainte est plutôt qu’ils s’infiltrent en Europe en employant un petit bateau à cet effet.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 8 mars 2016, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« Mme Marietta Karamanli. Je félicite les rapporteurs pour ce travail complet, sur un sujet complexe.

Le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, a déclaré que cette opération « montre ses limites et doit évoluer rapidement » pour qu’une intervention dans les eaux territoriales libyennes devienne possible. Quelles sont les conditions politiques à réunir, du côté de la Libye et du côté de l’Union européenne, pour y parvenir ?

M. Jean-Louis Roumégas. Ce rapport d’information est intéressant et instructif car il décrit bien le modèle économique des passeurs libyens. La mission Sophia est nécessaire, elle se déroule dans de bonnes conditions et a obtenu des résultats humanitaires – même si son succès est relatif, puisque les réseaux n’ont pas été démantelés.

Cela dit, il conviendrait d’adopter un point de vue politique plus global : si des personnes sont prêtes à payer 500 ou 1 000 euros et à risquer leur vie, ce n’est pas uniquement parce que des petits trafiquants leur proposent une offre de transport, mais aussi parce qu’ils sont poussés à partir, pour des motifs sérieux, de nature politique ou économique, ou à cause d’une guerre. Or cela n’apparaît absolument pas dans l’analyse des rapporteurs. C’est la logique de l’« Europe forteresse », qui n’interroge pas les raisons des migrations et ne recherche pas de solutions politiques. Même à propos du renforcement de l’État libyen, il est uniquement question des moyens de lutte contre les trafics et les migrations, et pas de la lutte contre la violence dans la zone sahélienne, qui permettrait d’agir sur leurs causes. Je trouve gênant que nous ayons l’air de cautionner cette logique. J’ajoute que la situation découle de l’action des Occidentaux, qui n’avaient pas anticipé les conséquences de leur politique.

Il faudrait conduire une mission allant au-delà des opérations de police, ayant un objectif humanitaire explicite. Et nous devons avoir la volonté d’obtenir un règlement politique global, ne pas nous contenter de demander aux Libyens de faire la police pour notre compte.

M. William Dumas. Les deux rapporteurs ont bien expliqué que l’objectif était de sauver le maximum de vie. Ce trafic rapporte sans doute davantage aux Libyens que l’activité pétrolière ; pour Daesh, c’est vraiment de l’or en barre. Tant qu’un gouvernement libyen stable n’aura pas été institué, il faudra maintenir de telles opérations et donc effectivement proroger Sophia, sans doute même au-delà de six mois supplémentaires. Sophia est une belle réussite, les phases 1 et 2a ont bien fonctionné, elle ont été plus efficaces que Frontex ; il faut maintenant passer à la suivante et se rapprocher le plus près possibles des côtes libyennes. Mais je crains que la constitution d’un gouvernement en Libye se fasse attendre…

Mme Marietta Karamanli. Dans les conclusions, il faudrait mettre en évidence les conditions politiques exigées pour passer aux phases ultérieures.

La Présidente Danielle Auroi. C’est de la prospective ; on ne peut pas s’adresser à un gouvernement qui n’existe pas encore.

Dans une autre vie, j’ai travaillé dans l’humanitaire. Il est facile de se défausser suer Daesh, mais n’oublions pas que les trafiquants d’êtres humains, qui exploitent la misère, sont de la même origine que leurs victimes – ceux qui font traverser le désert aux Sénégalais sont des Sénégalais. Les réalités du terrain sont bien plus compliquées que les slogans. Ces considérations ne résolvent rien mais il faut les avoir en tête.

Une réflexion plus large serait nécessaire. Je rejoins M. Roumégas sur son constat d’une « Europe-forteresse » et je rappelle à mon tour que les Occidentaux portent une responsabilité désolante dans la situation des pays en crise : les Américains pour ce qui concerne l’Irak, les Européens pour ce qui concerne la Libye. L’opération Barkhane a accentué la « clochardisation » des Touaregs vivant aux confins de la zone saharienne, alimentant les itinéraires de radicalisation au profit de Daesh.

L’opération Sophia, tout en présentant de l’intérêt – les rapporteurs l’ont remarquablement expliqué –, montre des limites importantes et ses résultats ne sont pas à la hauteur. Une fois de plus, on s’attaque au plus visible mais pas forcément au plus dangereux.

J’ai donc déposé trois amendements à la proposition de conclusions, pour insister sur la nécessité du passage indispensable par l’ONU et pour manifester notre solidarité à l’égard des réfugiés. La solution n’est pas de les rejeter en Méditerranée et elle n’est pas non plus uniquement militaire. Les Italiens restent d’ailleurs extrêmement inquiets.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Notre rapport d’information porte sur Sophia, qui, je le rappelle, s’inscrit dans le cadre de la PSDC. Il ne s’agit pas d’une opération humanitaire, même si elle a eu des conséquences humanitaires non négligeables, avec 10 000 vies sauvées.

Il a été question d’« Europe-forteresse ». Ceux qui traversent la Méditerranée depuis la Libye, pays en état de décomposition, ne fuient pas la guerre mais la misère, parfois aussi l’arbitraire. L’Europe ne pourra malheureusement pas accueillir ces millions de femmes et d’hommes fuyant leur pays, pour de bonnes raisons, au risque de perdre la vie. Edgar Pisani, alors professeur au Collège de France, prônait le rééquilibrage entre pays riches et pauvres, afin que le monde entier ne soit pas tiré vers le bas ; tant que nous n’y parviendrons pas, notamment concernant l’Afrique – et nous en sommes loin –, nous connaîtrons des pressions migratoires.

Nous avons effectué ce travail dans un cadre précis, afin de dresser un état des lieux de Sophia après avoir entendu ceux qui en ont la charge. J’ai conscience que la lutte contre les trafiquants n’est pas encore très efficace mais ils faut la poursuivre.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Il est évident que l’Europe ne saurait limiter son action à la dimension militaire, ne nous égarons pas. Mais M. Pueyo et moi-même avions une mission claire : analyser le fonctionnement de l’opération européenne Sophia et en tirer le bilan. Nous n’avons pas été mandatés pour porter une appréciation générale à propos des déséquilibres entre l’Europe et l’Afrique, les migrations, l’aide au développement ou encore le taux de natalité en Afrique. Nous sommes tous d’accord quant à l’ampleur des finalités à recherche, mais ce n’était pas le job.

La Présidente Danielle Auroi. Nous en venons aux amendements à la proposition de conclusions.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Je propose de clarifier le point 4, afin de lever toute ambiguïté, en le rédigeant ainsi : « Souligne que celle-ci ne doit pas se contenter de sécuriser la route migratoire centre-méditerranéenne mais doit surtout veiller à ce que son action contrecarre les desseins de trafiquants en réduisant à néant leur modèle économique ; ».

M. Jean-Louis Roumégas. C’est un vœu pieux !

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Pardonnez-moi, mais il s’agit d’insister sur l’importance des phases 2b et c de la mission attribuée à Sophia par l’Union européenne, afin de faire cesser les exactions des trafiquants, qui chargent les migrants comme du bétail, et pire encore : ils entassent jusqu’à 400 personnes dans des bateaux ne pouvant en supporter que 40 et certains meurent asphyxiés dans les cales ! Il est inacceptable de laisser perdurer ce modèle économique. À l’Union européenne de prendre ses responsabilités et de passer aux phases suivantes. Nous pensons qu’il le faut et les militaires que nous avons auditionnés le pensent également ; la décision relève de l’échelon politique européen voire de l’ONU.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix l’amendement nº 1 :

« Rédiger ainsi le point 4 de la proposition de conclusions : “Souligne que celle-ci ne doit pas se contenter de sécuriser la route migratoire centre-méditerranéenne mais doit surtout veiller à ce que son action contrecarre les desseins de trafiquants en réduisant à néant leur modèle économique ;”. »

L’amendement nº 1 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Mon premier amendement consiste à ajouter, à la fin du point 5, les mots suivants : « , dans la perspective d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui le permette », afin de respecter le droit international.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Avis favorable.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Avis favorable.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix l’amendement nº 2 :

« À la fin du point 5 de la proposition de conclusions, ajouter les mots : “, dans la perspective d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui le permette”. »

L’amendement nº 2 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Je propose d’ajouter un autre point, ainsi rédigé : « Insiste sur la nécessité d’une coordination politique pour réguler et ouvrir des voies légales d’accès ; ». Seule l’ouverture des voies sûres et légales d’accès permettra une résolution durable de la crise actuelle.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Avis favorable.

Mme Marietta Karamanli. Je suis d’accord avec le principe mais avec qui cette « coordination politique » sera-t-elle menée ?

Mme Nathalie Chabanne. À la lecture de l’amendement, j’attends en effet davantage de précisions sur les acteurs de cette coordination.

La Présidente Danielle Auroi. Nous pourrions faire référence à « une coordination politique entre les pays concernés ».

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Cette formulation serait trop floue. Je préférais la rédaction initialement proposée par la Présidente.

M. Jean-Louis Roumégas. En réalité, il faudrait commencer par coordonner l’action des États membres de l’Union européenne eux-mêmes… En tout cas, pour détruire le modèle économique des trafiquants, il importe d’ouvrir des voies d’accès légales et d’assurer une prise en charge des migrants dans les pays comme la Libye. Mais je souscris pleinement à cet amendement, qui répond à ma préoccupation.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Quand les migrants arrivent en Libye, il est déjà trop tard. Ils ne souhaitent pas faire demi-tour. Je suis partisan de conserver la rédaction que proposait la Présidente.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Moi aussi. Il est délicat d’entrer dans le détail ici ; mieux vaut énoncer le principe de la nécessité d’une coordination politique.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix l’amendement nº 3 :

« À la fin de la proposition de conclusions, ajouter un alinéa ainsi rédigé : “Insiste sur la nécessité d’une coordination politique pour réguler et ouvrir des voies légales d’accès ;”. »

L’amendement nº 3 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Mon troisième et dernier amendement tend à ajouter un alinéa supplémentaire : « Insiste sur la nécessité de mettre en place une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée, seule à même de répondre à l’urgence humanitaire ». Les ONG craignent que Sophia ne se résume à son volet militaire, au détriment des opérations de sauvetage en Méditerranée. Cette inquiétude rejoint au demeurant celle de l’Italie, pour succéder à Mare Nostrum, qui a été abandonnée.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. S’agirait-il d’une opération parallèle à Sophia ou d’une réorientation de Sophia, à qui l’on donnerait un tour plus humanitaire ?

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Je suis favorable à cet amendement car l’humanitaire fait déjà partie de l’état d’esprit de la mission Sophia : les migrants sont pris en charge et soignés sur le porte-hélicoptère, qui est même doté d’un hôpital.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Je rappelle qu’a été constituée une structure de partage des connaissances et de déconfliction, et qu’une première réunion s’est tenue à Rome, associant ONG et militaires. Plutôt que de lancer une nouvelle opération, il vaudrait mieux encourager cette initiative.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Peut-être pourrions-nous juste rappeler que l’opération Sophia répond à l’urgence humanitaire ?

Mme Nathalie Chabanne. Je suis plutôt d’accord avec l’amendement de la Présidente car Sophia est avant tout une mission de police, sous couvert de la PSDC. Or il est évident qu’une mission humanitaire doit être conduite.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Sophia, ne l’oublions pas, a été lancée pour répondre au choc de l’opinion publique européenne à la suite de la noyade de centaines de migrants et assure, de fait, une prise en charge humanitaire.

La Présidente Danielle Auroi. Où est la cohérence européenne si nous laissons les Italiens se débrouiller seuls pour régler le problème humanitaire en remettant en place une opération de sauvetage similaire à Mare Nostrum ?

M. Jean-Louis Roumégas. Il est évident que cette opération de police a des conséquences humanitaires très positives, sa pertinence n’est nullement remise en cause ; les migrants doivent être ravis de voir les navires militaires venir à leur rencontre. Sur le plan politique, il n’en est pas moins crucial que la Commission des affaires européennes affiche sa volonté de voir l’Union européenne assumer la dimension humanitaire. De surcroit, la prise en charge humanitaire ne se résume pas au sauvetage en mer.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Mais l’amendement proposé ne fait pas référence aux suites, une fois que les personnes ont accosté à Lampedusa ou à Tarente. Sa rédaction conduirait à s’interroger sur d’éventuelles redondances avec Sophia et par conséquent sur son maintien.

La Présidente Danielle Auroi. Il n’en demeure pas moins que Sophia est une opération militaire, pas une opération de recherche et de sauvetage.

Je vous propose, dans mon amendement, de modifier les mots : « la nécessité de mettre en place une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage », par les mots : « la nécessité d’une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage ».

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Avis favorable.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Avis favorable.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix l’amendement nº 4, tel que je viens de le sous-amender :

« À la fin de la proposition de conclusions, ajouter un alinéa ainsi rédigé : “Insiste sur la nécessité d’une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée, seule à même de répondre à l’urgence humanitaire.” »

L’amendement nº 4 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix la proposition de conclusions ainsi modifiée.

La proposition de conclusions, ainsi modifiée, est adoptée à l’unanimité. »

CONCLUSIONS

La Commission,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 8, 21, 22 et 42 à 44 du Traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies S/RES/2240 du 9 octobre 2015 sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales,

Vu la décision (PESC) 2015/778 du Conseil du 18 mai 2015 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED),

Vu la décision (PESC) 2015/972 du Conseil du 22 juin 2015 lançant l’opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED),

Vu la décision (PESC) 2015/1926 du Conseil du 26 octobre 2015 modifiant la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED),

Vu la décision (PESC) 2015/1772 du Comité politique et de sécurité du 28 septembre 2015 concernant le passage de l’EUNAVFOR MED à la deuxième phase de l’opération, tel que prévu à l’article 2, paragraphe 2, point b) i), de la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED),

Considérant que la Libye ressortit à la politique européenne de voisinage,

Considérant que l’Union européenne, pour des motifs à la fois sécuritaires et humanitaires, ne saurait rester inactive face aux réseaux criminels exploitant et favorisant les migrations illicites vers ses États membres en provenance des côtes libyennes,

1. Salue la qualité et l’efficacité de la coordination des moyens mis par les États membres à la disposition de la force navale de l’opération Sophia ;

2. Se félicite des premiers résultats obtenus durant la phase 1, consacrée à l’analyse de la situation, et la phase 2a, en cours, consacrée à la sécurisation en haute mer ;

3. Constate que les réseaux de trafiquants ont adapté leurs modes opératoires pour contourner les obstacles dressés par l’Union européenne ;

4. Souligne que celle-ci ne doit pas se contenter de sécuriser la route migratoire centre-méditerranéenne mais doit surtout veiller à ce que son action contrecarre les desseins des trafiquants en réduisant à néant leur modèle économique ;

5. Considère par conséquent que les efforts doivent redoubler en vue de passer à la phase 2b puis à la phase 3, à savoir les volets offensifs de l’opération, destinés à sécuriser les eaux territoriales libyennes puis à neutraliser les réseaux à terre, dès que les conditions institutionnelles et politiques seront réunies en Libye, dans la perspective d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui le permette ;

6. Estime que le mandat d’un an accordé à l’opération Sophia devra être prorogé d’au moins six mois à son échéance, le 27 juillet 2016 ;

7. Appelle l’attention sur la nécessité de mieux coordonner Sophia avec les autres opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune qui interviennent sur les routes migratoires africaines, afin de contenir au maximum à la source ces mouvements de population ;

8. Invite les autorités européennes à réfléchir d’ores et déjà activement aux modalités de leur contribution future au renforcement des capacités étatiques libyennes ;

9. Insiste sur la nécessité d’une coordination politique pour réguler et ouvrir des voies légales d’accès ;

10. Insiste sur la nécessité d’une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée, seule à même de répondre à l’urgence humanitaire.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES OFFICIERS GÉNÉRAUX ET SUPÉRIEURS
RENCONTRÉES PAR LES RAPPORTEURS

Contre-amiral Hervé Bléjean (France), vice-commandant de l’opération

Contre-amiral Andrea Gueglio (Italie), commandant de la force multinationale

Capitaine de vaisseau José Maria Fuente de Cabo (Espagne), chef de l’état-major de la force

Capitaine de vaisseau Franco Sodomaco (Italie), commandant du porte-aéronefs Cavour

ANNEXE N° 2 :
COUVERTURE GÉOGRAPHIQUE DE SOPHIA

ANNEXE N° 3 :
PARCOURS MIGRATOIRES TERRESTRES
EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE

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ANNEXE N° 4 :
FLUX MIGRATOIRES
PAR LES VOIES MÉDITERRANÉENNES
EN 2015

:\Gilles VEYRADIER\DIVERS\Demandes diverses\DAC\Bléjean-16-01-27-ppt - p 13.jpg

1 () La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

2  Décision (PESC) 2015/1926 du Conseil du 26 octobre 2015 modifiant la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED).

3  Décision (PESC) 2015/778 du Conseil du 18 mai 2015 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED).

4  Décision (PESC) 2015/972 du Conseil du 22 juin 2015 lançant l’opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED).

5  United Nations Convention on the Law of the Sea.

6  Voir annexe nº 2.

7  Joint Operation Area.

8  Area of Operation.

9  Voir annexe nº 3.

10  Décision (PESC) 2015/1772 du Comité politique et de sécurité du 28 septembre 2015 concernant le passage de l’EUNAVFOR MED à la deuxième phase de l’opération, tel que prévu à l’article 2, paragraphe 2, point b) i), de la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED).

11  Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies S/RES/2240 du 9 octobre 2015 sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

12  SHared Awareness and DEconfliction in Mediterranean.

13  European Union Border Assistance Mission.

14  European Union Training Mission;

15  European Union CAPacity).