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N° 1163

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juin 2013.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l’accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,

Premier ministre,

par M. Laurent FABIUS,

ministre des affaires étrangères.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les relations commerciales entre l’Union européenne (UE) et la Côte d’Ivoire ont eu pour cadre, de 1975 à 2000, un accord de partenariat, institué par les différentes Conventions de Lomé entre le groupe des pays Afrique – Caraïbes – Pacifique (ACP) et l’UE, qui reposait sur un régime de préférences commerciales non réciproques. Ces préférences, appliquées unilatéralement par l’UE, étaient de nature à créer des discriminations entre les pays en développement (PED) de la région et les autres PED, ce qui était incompatible avec l’article XXIV du GATT de 1994(1), dont le paragraphe 5 définit les conditions permettant à une union douanière ou à une zone de libre-échange d’être considérée comme conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce(2) (OMC). Pour échapper aux risques de contentieux devant l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC, l’UE avait prévu de mettre en place des préférences réciproques dans le cadre d’accords de libre-échange UE-ACP avant le 31 décembre 2007, date d’expiration de la dérogation à l’OMC dont bénéficiait le régime préférentiel non réciproque. Cette situation a conduit la Communauté européenne (CE) à envisager des accords de partenariat économique à caractère réciproque, mais asymétrique, avec six régions ACP, dont l’Afrique de l’Ouest.

Conformément aux objectifs fixés pour les accords de partenariat économique (APE) dans l’accord de Cotonou du 23 juin 2000, révisé en 2005, l’APE d’étape(3) avec la Côte d’Ivoire inclut toutes les mesures nécessaires à l’instauration d’une zone de libre-échange compatible avec les dispositions de l’article XXIV du GATT 1994(4).

Cet accord porte à la fois sur des matières relevant de la compétence de l’Union européenne (stipulations commerciales) et sur des matières relevant, au moins pour partie, de celle des États membres (stipulations en matière de coopération au développement, notamment). Il s’agit par conséquent d’un accord mixte qui doit, pour entrer en vigueur, être également approuvé par les États membres.

L’accord de partenariat économique d’étape avec la Côte d’Ivoire (ci-après « l’accord ») prévoit un accès au marché de l’Union européenne libre de droits de douane et de contingents pour tous les produits originaires de Côte d’Ivoire (sauf le sucre et le riz, et sous réserve de périodes et régimes transitoires pour certains produits sensibles) et la libéralisation progressive (suppression des droits de douane et des contingents) sur quinze ans de 81 % des exportations de l’Union européenne en Côte d’Ivoire. Les exportations de l’Union européenne concernées sont principalement des biens industriels (véhicules et produits chimiques en particulier) qui ne sont pas en concurrence avec la production nationale ivoirienne. Des mesures de sauvegarde sont prévues, permettant aux deux Parties de protéger les secteurs économiques fragiles en réintroduisant des contingents ou des droits de douane.

La composante « développement » de l’accord réside essentiellement dans son caractère asymétrique. En effet, hormis les dispositions particulières applicables aux produits précités, et nonobstant le maintien de mesures de sauvegarde classiques au sein de l’accord, l’Union européenne ouvrira son marché sans droits de douane ni contingents à tous les produits en provenance de Côte d’Ivoire dès l’entrée en vigueur de l’accord, à l’exception des produits figurant au chapitre 93 (relatif aux armes) du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (« SH »), qui constitue la nomenclature applicable. En regard, l’ouverture du marché ivoirien ne sera pas totale, mais limitée à 81 % des lignes tarifaires et progressive puisqu’elle s’étalera sur quinze ans. Ce caractère asymétrique de l’APE permet de prendre en compte la différence de niveau de développement entre les deux Parties.

Les dispositions institutionnelles de l’accord (titre VII) prévoient la mise en place d’un comité APE chargé de superviser la mise en œuvre de l’accord. Ce comité se composera de représentants du gouvernement de la Côte d’Ivoire et de représentants du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne. Ses réunions peuvent être ouvertes à des tierces Parties. Les commissions des organisations régionales d’Afrique de l’Ouest (UEMOA(5) et CEDEAO(6)) peuvent être invitées aux réunions du comité APE selon leurs procédures internes.

Titre I : Objectifs de l’accord

L’APE d’étape a pour objet de permettre à la Partie ivoirienne de continuer à bénéficier de l’accès au marché amélioré en attendant la conclusion d’un APE régional avec la CEDEAO. Il est compatible avec l’article XXIV du GATT de 1994.

Titre II : Partenariat pour le développement

La coopération pour le financement du développement dans le cadre de l’APE (article 4) s’effectue notamment via le Fonds européen de développement (FED) et les instruments pertinents du budget de l’Union européenne, les politiques et instruments de développement des États membres. L’accord prévoit aussi des mécanismes de financement régionaux tels qu’un fonds régional APE.

Le titre II prévoit également l’amélioration de l’environnement des affaires (article 5), notamment via le respect du traité de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), auquel la Côte d’Ivoire est Partie ; un appui à la mise en œuvre des règles liées au commerce (article 6) ; le renforcement et la mise à niveau des secteurs productifs de la Côte d’Ivoire concernés par l’accord (article 7) ; une coopération en matière d’ajustement fiscal (article 8), eu égard aux effets attendus de l’élimination ou de la réduction substantielle des droits de douane prévues par l’accord ; et une coopération dans les enceintes internationales (article 9).

Titre III : Régime commercial pour les marchandises

Droits de douane et mesures non tarifaires (chapitre 1)

Les marchandises originaires de Côte d’Ivoire sont importées par la Partie Communauté européenne en franchise de droits de douane (article 13), à l’exception des marchandises mentionnées à l’annexe I, et les droits de douane sur les produits originaires de la Partie Communauté européenne sont réduits ou éliminés (article 14) conformément au calendrier défini à l’annexe II de l’accord.

Il est prévu que les Parties établissent un régime commun réciproque gouvernant les règles d’origine, en tenant compte des objectifs de développement de la Partie ivoirienne (article 14). Aucun nouveau droit de douane à l’importation, ni aucun droit de douane sur les exportations ou mesures d’effet équivalent ne seront introduits au commerce entre les Parties à compter de l’entrée en vigueur de l’accord, à moins que la Partie ivoirienne ne justifie de besoins spécifiques de revenus, de protection d’industries naissantes ou de protection de l’environnement (articles 15 et 16). Les Parties s’accordent mutuellement tout traitement plus favorable (clause de la Nation la plus favorisée – NPF) applicable dans le cadre d’un accord de libre-échange conclu postérieurement avec des tiers (article 17) ; cette disposition ne s’applique, pour la Côte d’Ivoire, qu’aux accords de libre-échange qui seraient conclus avec un « partenaire commercial majeur » (pays représentant 1 % des exportations mondiales de marchandises ou 1,5 % pour un groupe de pays).

Les restrictions quantitatives sont prohibées (article 18) et les Parties sont tenues d’accorder aux produits originaires de l’autre Partie un traitement identique, en matière de taxation et de réglementation intérieure, à celui qui s’applique à des produits nationaux semblables (article 19). La mise en œuvre de l’accord ne doit pas mettre en cause la sécurité alimentaire de la Côte d’Ivoire (article 20). Les Parties s’engagent à combattre les irrégularités et fraudes en matière de douane (article 21).

Instruments de défense commerciale (chapitre 2)

L’APE prévoit (articles 23 à 26) la possibilité pour les Parties d’adopter des mesures anti-dumping, ainsi que des mesures de sauvegarde, compatibles avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces mesures de sauvegarde doivent permettre aux Parties de se consulter et de prendre des mesures appropriées lorsque les importations augmentent selon un rythme et dans des proportions de nature à porter préjudice aux producteurs nationaux. Elles peuvent être limitées au marché d’une ou plusieurs régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne. Ces mesures sont notifiées au comité APE et font l’objet de consultations.

Régime douanier et facilitation du commerce (chapitre 3)

L’accord prévoit l’institution d’un comité spécial de coopération douanière et de facilitation des échanges, composé de représentants des Parties, rendant compte de ses travaux au comité APE.

Obstacles techniques au commerce et mesures sanitaires et phytosanitaires (chapitre 4)

En outre, les Parties s’engagent à :

– limiter les obstacles techniques au commerce (OTC), conformément à l’accord OTC de l’OMC ;

– coopérer en vue d’une harmonisation de leurs réglementations en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), conformément à l’accord SPS de l’OMC.

Titre IV : Services, investissements et règles liées au commerce

Ces domaines sont renvoyés à la négociation d’un APE complet entre la Partie Communauté européenne et l’Afrique de l’Ouest.

Titre IV : Prévention et règlement des différends

Ce titre contient notamment des dispositions relatives à la concertation et à la médiation en cas de différend entre les Parties ainsi qu’aux procédures d’arbitrage et à la mise en conformité des Parties avec les décisions du groupe spécial d’arbitrage.

Titre VI : Exceptions générales

Aucune disposition de l’accord n’est censée pouvoir être interprétée de manière à empêcher l’adoption ou l’application par les Parties de mesures nécessaires pour leurs impératifs de sécurité ou pour le respect de leurs dispositions en matière de droit fiscal.

Titre VII : Dispositions institutionnelles, générales et finales

Ces dispositions ont trait notamment à la constitution du comité APE (article 73), responsable de l’administration des domaines couverts par l’accord, à l’objectif de renforcement des relations économiques et sociales entre les régions ultrapériphériques de l’Union européenne et la Côte d’Ivoire (article 74), aux conditions d’entrée en vigueur (y compris à titre provisoire) et de dénonciation de l’accord (article 75), au dialogue sur les questions financières (article 78) et à la lutte contre les activités financières illégales (article 79).

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord de partenariat économique d’étape entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Côte d’Ivoire, d’autre part qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l’accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l’accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part (ensemble deux appendices, deux annexes, un protocole), signé à Abidjan le 26 novembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 19 juin 2013.

Signé : Jean-Marc AYRAULT

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères


Signé :
Laurent FABIUS

1 () Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/ gatt47.pdf.

2 () « a) que, dans le cas d’une union douanière ou d’un accord provisoire conclu en vue de l’établissement d’une union douanière, les droits de douane appliqués lors de l’établissement de cette union ou de la conclusion de cet accord provisoire ne seront pas, dans leur ensemble, en ce qui concerne le commerce avec les parties contractantes qui ne sont pas parties à de tels unions ou accords, d’une incidence générale plus élevée, ni les autres réglementations commerciales plus rigoureuses que ne l’étaient les droits et les réglementations commerciales en vigueur dans les territoires constitutifs de cette union avant l’établissement de l’union ou la conclusion de l’accord, selon le cas ; b) que, dans le cas d’une zone de libre-échange ou d’un accord provisoire conclu en vue de l’établissement d’une zone de libre-échange, les droits de douane maintenus dans chaque territoire constitutif et applicables au commerce des parties contractantes qui ne font pas partie d’un tel territoire ou qui ne participent pas à un tel accord, lors de l’établissement de la zone ou de la conclusion de l’accord provisoire, ne seront pas plus élevés, ni les autres réglementations commerciales plus rigoureuses que ne l’étaient les droits et réglementations correspondants en vigueur dans les mêmes territoires avant l’établissement de la zone ou la conclusion de l’accord provisoire, selon le cas ; c) et que tout accord provisoire visé aux alinéas a) et b) comprenne un plan et un programme pour l’établissement, dans un délai raisonnable, de l’union douanière ou de la zone de libre-échange. »

3 () À la suite de sa communication du 23 octobre 2007 (COM 2007 643 final), dans laquelle elle faisait le constat de l’impossibilité de parvenir à la signature d’accords de partenariat économique complets, la Commission européenne a proposé une approche en deux temps visant d’abord à conclure des accords intérimaires limités à l’accès au marché des biens avec les pays et les groupes de pays qui le souhaitaient, tout en maintenant l’objectif de conclure des APE régionaux complets ultérieurement.

4 () Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade).

5 () Union économique et monétaire ouest-africaine.

6 () Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest.


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