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PROJET DE LOI

relatif à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat

NOR : AFSX1313833L/Bleue-1

ETUDE D'IMPACT

2 Juillet 2013

SOMMAIRE

Introduction 

I - Etat des lieux : Un dispositif déclaré inconstitutionnel qui doit être réformé avant le 1er janvier 2014 P. 5

I.1 L’Etat du droit avant la censure par le Conseil constitutionnel p. 5

I-1-1 Les modalités d’admission en qualité de pupille de l’Etat P. 5

I -1 -1-1 La déclaration de pupille de l’Etat à titre provisoire 

I-1-1-2 L’admission en qualité de pupille de l’Etat  

I-1-1-3 Les pratiques des conseils généraux

I-1-2 Les dispositions relatives au recours contre l’arrêté P. 6 1-1-2-1 les titulaires de l’action sont difficilement déterminables, voire indéterminés 1-1-2-2 Le délai de trente jours est un délai préfixé qui débute à compter de l’arrêté d’admission

I- 2 les raisons d’une réforme : Un dispositif qui ne garantit pas l’exercice d’un recours juridictionnel effectif P. 8 I -2-1 La censure par le Conseil constitutionnel du premier alinéa de l’article L 224-8 du CASF P. 8 I-2-2 L’arrêt du 9 avril 2013 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation P. 9 I-2-3 Les conséquences de l’absence de réforme d’ici le 1er janvier 2014 P. 9

II. Les objectifs de la réforme : ASSURER LEQUILIBRE ENTRE LE DROIT AU RECOURS DES PROCHES ET L’INTERET DE L’ENFANT P. 10

II -1 Clarifier les modalités d’admission P. 10

II -2 Assurer l’effectivité du recours P.11

III. options et solution préconisée (article 1er du projet de loi – article L 224-8 III° nouveau du CASF) P. 11

III- 1 les personnes ayant qualité pour agir P. 11

III.1-1 Faut-il lister de manière exhaustive ces personnes ou conserver une notion générique ? P. 11

III.1-2. Faut-il étendre le droit au recours à la « famille de naissance » lorsque l’enfant n’a pas de filiation établie ? P. 12

III-1-2-1 La première option consiste à considérer que le lien biologique de fait revendiqué par ces personnes, ne peut constituer un lien suffisant pouvant justifier le droit au recours ; la biologie ne saurait primer sur la décision de la mère de naissance

III -1-2-2 C’est pourquoi la seconde option, qui ouvre le droit de recours aux membres de la famille de naissance de l’enfant», c'est-à-dire sans lien de droit avec l'enfant (enfant né sous ; « x » ou sans filiation), apparaît devoir être retenue.

III-2 La finalité du recours (article 1er du projet de loi – article L 224-8 II alinéa 4 nouveau du CASF) P. 14

III.3.Les conditions procédurales (article 1er du projet de loi – article L 224-8 II 1° et 2° nouveau du CASF) P. 15

III-3-1 Lier conditions de fond et de procédure P. 15

III-3-2 Dissocier, comme le préconise le Conseil constitutionnel, conditions de fond de d’action et de notification P. 16

III.4.Les conditions procédurales (IV de l’article 1er du projet de loi – article L 224-8 IV du CASF)

P. 18

III.5.La décision du juge (V de l’article 1er du projet de loi) P. 18

IV. Impacts de la réforme P. 18

IV -1 Impact juridique P. 18

IV-1-1 Mise en conformité du droit avec la décision du Conseil Constitutionnel n° 2012-268 QPC P. 18

IV-1-2 Pour les conseils généraux P. 19

IV-2 Impact financier P.19

IV-3 Impact social P.19

IV.4. Impact en matière de parité hommes-femmes P.20

IV 5 Impact en termes de handicap P.21

V. Modalités d’application de la réforme P. 22

V.1. Application dans le temps (article 3 du projet de loi) P. 22

V.2. Application dans l’espace (article 2 du projet de loi) P. 22

V.3. Consultations P. 23

V.4. Textes d’application P. 24

Introduction

Le statut de pupille de l’Etat est avant tout un statut de protection de l’enfant, qui lui permet notamment, si tel est son intérêt, d’être placé dans une famille en vue de son adoption, garantissant ainsi son droit à une vie familiale conformément aux dispositions des conventions internationales (Convention internationale des droits de l’enfant, convention européenne des droits de l’Homme) ainsi qu’au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Au 31 décembre 2011, 2345 enfants avaient le statut de pupille de l’Etat (1). Les pupilles de l’Etat sont des enfants qui n’ont pas de parents (enfants sans filiation établie) pour 39% d’entre eux, ont été remis par leurs parents ou l’un d’eux (14%), sont des orphelins pour lesquels un conseil de famille de droit commun n’a pas pu être mis en place (9%), ou encore ont été admis suite à une décision judiciaire de retrait d’autorité parentale ou l’ayant déclaré judiciairement abandonné (respectivement 9 et 30%).

L’âge lors de l’admission et les modalités de prise en charge avant celle-ci sont donc tout à fait différents selon le cas d’admission : lors de leur admission comme pupilles, l’ensemble des enfants ont en moyenne 4,7 ans, cet âge variant de un mois pour les enfants sans filiation à 10 ans et demi pour les orphelins. Avant leur admission comme pupilles de l’Etat, 55% du total des enfants étaient déjà pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Ce pourcentage approche 90% si l’on exclut les enfants sans filiation remis à leur naissance et qui par définition n’ont pu bénéficier d’une prise en charge antérieure à l’aide sociale à l’enfance. En dehors de ces enfants sans filiation, l’admission en qualité de pupille est la conséquence du délitement des liens avec les parents mais également avec les proches: ainsi seulement 4% des pupilles qui ne sont pas placés en vue d’adoption ont encore des liens avec leur famille, soit environ 55 enfants. Les pupilles sont donc des enfants qui n’ont pas ou plus de famille susceptible d’en assumer la charge.

I - Etat des lieux : Un dispositif déclaré inconstitutionnel qui doit être réformé avant le 1er janvier 2014

I-1 L’Etat du droit avant la censure par le Conseil constitutionnel 

I-1-1 - Les modalités d’admission en qualité de pupille de l’Etat

Les dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à l’admission d’enfants en qualité de pupilles (article L 224-4) prévoient 6 catégories d’enfants pouvant bénéficier de ce statut protecteur.

Pour les quatre premières, qui concernent les enfants sans filiation (1°), ceux remis par leurs parents ou l’un d’eux (2° et 3°) ainsi que les orphelins ne pouvant bénéficier de la tutelle de droit commun (4°), l’admission se fait en deux phases distinctes. En revanche, pour les deux dernières catégories de pupilles de l’Etat, qui concernent les enfants admis à l’issue d’une décision judiciaire (retrait total de l’autorité parentale ou déclaration judiciaire d’abandon), l’admission a lieu directement.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 224-4, L 224-5, L 224-6 et L 224-8 du code de l’action sociale et des familles que, pour les quatre premières catégories, l’admission en qualité de pupille de l’Etat se fait selon deux étapes et ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai minimum de deux mois à compter du recueil de l’enfant par le service de l’aide sociale à l’enfance.

I -1 -1-1 La déclaration de pupille de l’Etat à titre provisoire 

L’enfant est, hors les cas où son admission résulte d’une décision judiciaire, recueilli par le service de l’aide sociale à l’enfance qui établit alors un procès-verbal de recueil, dont le contenu est défini par l’article L. 224-5 du même code (2), qui permet de déclarer l’enfant pupille à titre provisoire et d’organiser sa tutelle à compter de la date de cette déclaration (Article L 224-6).

La date de ce procès-verbal fait également courir les délais prévus à l'article L 224-6 pendant lesquels les parents peuvent reprendre l’enfant sans formalité, ce délai étant en principe de deux mois (3). Aucun arrêté n’est donc prévu à ce stade.

Ce délai de deux mois s’applique aux enfants sans filiation et à ceux remis par les parents ou l’un d’eux, mais également aux orphelins, même si l’article L 224-5 ne vise pas expressément cette situation. Il permet donc aux parents, que la filiation de l’enfant soit établie ou non à leur égard, de revenir sur leur décision et de reprendre l’enfant ou de s’assurer, pour les orphelins, que la tutelle de droit commun ne peut être organisée (art L 224-4, 4° et R 224-14).

I-1-1-2 L’admission en qualité de pupille de l’Etat  

A l’issue du délai légal et en l’absence de reprise de l’enfant par ses parents ou si la tutelle de droit commun (4) n’a pas pu être mise en place, faute de proches de l’enfant, le président du conseil général prend un arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat.

Les textes ne prévoient donc qu’un seul arrêté, pris lors de l’admission en qualité de pupille, soit immédiatement pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance à la suite d’une décision judiciaire (5° et 6° de l’article L 224-4), soit à l’issue du délai légal prévu aux 1° à 4° de l’article L 224-4.

I-1-1-3 Les pratiques des conseils généraux 

La complexité des textes aboutit à des pratiques divergentes des conseils généraux, qui peuvent être groupées en trois types :

Certains procèdent ainsi que décrit ci-dessus, conformément aux prescriptions légales.

D’autres édictent deux arrêtés : un premier arrêté « provisoire » lors de la remise de l’enfant, qui s’ajoute au procès-verbal de recueil. Un second arrêté « définitif » est pris une fois le délai légal expiré, en l’absence de reprise de l’enfant par les parents ou, pour les orphelins, s’il a été impossible de mettre en place une tutelle de droit commun. Cette pratique ajoute à la loi, dès lors que celle-ci n’exige pas l’édiction de deux arrêtés et peut être source de confusions quant aux modalités de recours contre les deux arrêtés.

Enfin, dans un certain nombre de départements, une pratique ancienne, dont l’origine est inconnue, perdure. Il s’agit de n’édicter qu’un seul arrêté, lors de la remise de l’enfant, en prévoyant que cet arrêté deviendra définitif à l’issue du délai légal en l’absence de reprise de l’enfant. Cette pratique, fondée sur l’intérêt de l’enfant en permettant de le rendre plus rapidement adoptable (son placement étant possible dès l’expiration du délai de deux mois et non à l’issue de ce délai, auquel s’ajoute le délai de recours contre l’arrêté d’admission) s’avère tout à fait contestable : en effet, le délai de recours est imputé dans celui permettant la reprise de l’enfant par ses parents ou l’organisation de la tutelle de droit commun pour les orphelins. Le requérant est donc amené à contester un état, celui de pupille, que l’enfant n’a pas encore acquis. Or, seul l’arrêté, pris à l’issue du délai légal, est créateur du statut juridique pouvant faire grief en faisant légalement de l’enfant un pupille de l’Etat « à titre définitif ».

I-1- 2 Les dispositions relatives au recours contre l’arrêté

Le premier alinéa de l’article L 224-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que l’arrêté admettant l’enfant en qualité de pupille de l’État pris par le président du conseil général peut, dans un délai de trente jours, faire l’objet d’un recours devant le tribunal de grande instance. Il donne le droit de former ce recours aux parents, en l’absence d’une déclaration judiciaire d’abandon ou d’un retrait total de l’autorité parentale, ainsi qu’aux alliés de l’enfant ou à toute personne justifiant d’un lien avec celui-ci notamment pour en avoir assuré sa garde de droit et de fait, et qui demandent à en assurer la charge.

La liste des personnes ayant qualité à agir, qui ne fait pas l’objet d’une définition précise, est donc très ouverte. En outre, l’alinéa précité, applicable aux six catégories de pupilles de l’Etat, ne comporte aucune précision quant au point de départ de ce délai ou aux modalités de publicité de l’arrêté. Ces deux difficultés, à l’origine de nombreuses difficultés concrètes, ont conduit le Conseil constitutionnel à les déclarer contraires à la Constitution.

1-1-2-1 les titulaires de l’action sont difficilement déterminables, voire indéterminés

La définition très ouverte des catégories de personnes pouvant contester l’arrêté ne permet pas de déterminer de manière objective les titulaires de l’action, ainsi que relevé par une cour d’appel (5) : L’article L 224-18 du CASF est « un texte d’exception qui permet d’assurer la sécurité juridique en limitant le délai du recours contre l’arrêté, alors que l’enfant admis en qualité de pupille de l’Etat est un enfant adoptable, ceci d’autant plus que les titulaires de l’action ne sont pas déterminés, voire déterminables.»

Il en est notamment ainsi lorsque l’enfant admis en qualité de pupille est un enfant sans filiation, ses parents de naissance étant par définition inconnus. En outre, la notion de « lien » avec l’enfant s’avère délicate à définir, notamment quant à la qualité à agir des grands parents de naissance d’enfants nés sous le secret, en l’absence de précision quant à la nature ou la qualité de ce lien (cf. infra, III).

1-1-2-2 Le délai de trente jours est un délai préfixé qui débute à compter de l’arrêté d’admission

En l’absence de disposition organisant la publicité de l’arrêté d’admission pris par le président du conseil général aux personnes ayant qualité pour agir, ce délai est un délai préfix, qui court à compter de la date de cet arrêté (6).

La justification d’une telle disposition résulte de ce que les pupilles de l’Etat sont des enfants qui n’ont pas ou plus de famille susceptible de les prendre en charge ; leur intérêt commande donc de limiter le délai de recours dans le temps, afin de sécuriser leur situation juridique et permettre ainsi leur adoption dans les meilleures conditions.

Aucune disposition n’imposant la notification aux personnes susceptibles de pouvoir contester l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat, ou sa publication, leur information n’est donc pas organisée de manière systématique et n’obéit à aucun formalisme particulier.

Toutefois, en pratique, la plupart des présidents de conseils généraux notifient l’arrêté d’admission aux parents, lorsque la filiation est établie à leur égard, ainsi qu’à tout proche, membre de la famille ou non, connu du service de l’aide sociale à l’enfance pour avoir manifesté un intérêt pour l’enfant. En toute hypothèse, les services ne peuvent aller au-delà et être en mesure d’identifier l’ensemble des personnes proches potentiellement susceptibles de contester l’arrêté.

D’autres, en l’absence d’obligation légale, estiment que l’intérêt du pupille commande de ne pas notifier l’arrêté aux proches, même identifiés, au motif que l’admission en qualité de pupille de l’Etat intervient souvent à l’issue d’une prise en charge de l’enfant par le service de l’ASE dans le cadre d’une mesure de protection de l’enfance, résultant de l’absence de proches en capacité d’en assumer la charge (7).

I- 2 les raisons d’une réforme : Un dispositif qui ne garantit pas l’exercice d’un recours juridictionnel effectif

I -2-1 La censure par le Conseil constitutionnel du premier alinéa de l’article L 224-8 du CASF

Par une décision du 6 juin 2012, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles qui fixe le délai de recours pouvant être intenté contre un arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat.

Dans cette affaire, la requérante invoquait l’atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, droit garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au motif que l’absence de notification de l’arrêté d’admission d'un enfant en qualité de pupille de l'Etat ne permettrait pas aux personnes intéressées d’engager un recours dans le délai prévu à l’article L 224-8 du CASF.

Le Conseil a relevé que dans le pouvoir d’appréciation qui est le sien, le législateur a pu estimer d'une part qu'il serait contraire à l'intérêt de l'enfant de publier l'arrêté de son admission en qualité de pupille de l'État et, d'autre part, prévu que toute personne justifiant d'un lien avec l'enfant peut former une contestation pendant un délai de trente jours à compter de cet arrêté.

Il rappelle à ce propos qu’il ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement et qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la conciliation qu'il y a lieu d'opérer, dans l'intérêt de l'enfant remis au service de l'aide sociale à l'enfance dans les conditions précitées, entre les droits des personnes qui entendent se prévaloir d'une relation antérieure avec lui et l'objectif de favoriser son adoption.

Toutefois, le Conseil ajoute que « si le législateur a pu choisir de donner qualité pour agir à des personnes dont la liste n'est pas limitativement établie et qui ne sauraient, par conséquent, recevoir toutes individuellement la notification de l'arrêté en cause, il ne pouvait, sans priver de garanties légales le droit d'exercer un recours juridictionnel effectif, s'abstenir de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l'enfant sont effectivement mises à même d'exercer ce recours ; que, par suite, les dispositions du premier alinéa de l'article L 224-8 du code de l'action sociale et des familles méconnaissent les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et doivent être déclarées contraires à la Constitution ».

Afin de permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité constatée, il a reporté au 1er janvier 2014 la date de cette abrogation. Cette abrogation n’est donc applicable qu’aux arrêtés d’admission en qualité de pupille de l’État pris après cette date.

I-2-2 L’arrêt du 9 avril 2013 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation

Suite à la décision QPC présentée ci-dessus, la Cour de cassation a été amenée à statuer, dans la même affaire, sur le pourvoi formé par la grand-mère du pupille.

Le moyen de droit nouveau, fondé sur la contrariété de l’article L 224-8 du CASF aux dispositions de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a été considéré comme recevable, dans la mesure où il invoquait une atteinte à la substance même du droit d’accès au juge et était donc de pur droit.

La cour a considéré dans un attendu de principe «  que si le droit à un tribunal, dont le droit d’accès concret et effectif constitue un aspect, n’est pas absolu, les conditions de recevabilité d’un recours ne peuvent toutefois en restreindre l’exercice au point qu’il se trouve atteint dans sa substance même ; qu’une telle atteinte est caractérisée lorsque le délai de contestation d’une décision, tel que celui prévu par l’article L 224-8 du code de l’action sociale et des familles, court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n’est pas assurée l’information des personnes admises à la contester. »

Elle en concluait que la cour d’appel, en ayant déclaré le recours de Mme X, irrecevable car tardif, alors qu’il résultait de ses constatations que Mme X... n’avait pas été informée, en temps utile, de l’arrêté et de la faculté de le contester, a violé, par refus d’application, l’article 6 de la convention précitée.

Une réforme des dispositions du 1er alinéa de l’article L 224-8 du CASF doit donc intervenir impérativement d’ici le 1er janvier 2014.

I-2-3 Les conséquences de l’absence de réforme d’ici le 1er janvier 2014

En effet, à cette date, l’inconstitutionnalité du premier alinéa de l’article L 224-8 du CASF sera effective. Or, cette disposition liant modalités d’admission des pupilles de l’Etat et recours, l’absence de disposition nouvelle aurait pour effet premier d’empêcher toute admission de pupille de l’Etat à compter de cette date, plus aucun fondement légal ne permettant d’édicter l’arrêté d'admission.

L’impossibilité d’admettre définitivement les enfants en qualité de pupille de l’Etat aurait pour effet de laisser les pupilles recueillis sur le fondement des quatre premiers alinéas de l’article L 224-4 (enfants sans filiation, remis par leurs parents, ou l’un d’eux et orphelins) dans le statut de pupille à titre provisoire au-delà du délai prévu par la loi et de maintenir ceux recueillis suite à une décision judiciaire de retrait d’autorité parentale ou d’abandon judiciaire sous le régime de la délégation d’autorité parentale.

Tout projet d’adoption serait en conséquence impossible à mettre en œuvre pour ces enfants, puisque seule l’acquisition du statut de pupille de l’Etat peut les rendre adoptables. De ce fait, aucun enfant ne pourrait être placé dans une famille en vue de son adoption, même si tel est son intérêt. Ainsi, les nourrissons recueillis lors de la naissance (et notamment ceux nés sous le secret) resteraient pupilles à titre provisoire pendant une durée indéterminée, placés soit en pouponnière, soit en famille d’accueil.

Cette suspension de toute adoption nationale, certes momentanée, serait incomprise dans un contexte de contraction générale de l’adoption et risquerait de provoquer de vives réactions, tant de la part des adoptants que des professionnels.

En effet, les conseils généraux seraient confrontés à des difficultés pratiques pour gérer cette situation :

-    Risque d’ « engorgement » par l'impossibilité de permettre la sortie du statut de pupille, notamment pour les nourrissons, qui en pratique sont confiés en adoption dans un délai d'environ trois mois après leur naissance (ainsi, le département du Nord admet en moyenne environ 70 pupilles par an dont 30 bébés, qui sont confiés à des assistantes familiales du service pendant environ 4 mois, avant d'être placés en vue d'adoption ;  ce département ne gère donc en même temps que la situation de 7 à 8 bébés) ;

-      Difficultés pour organiser l’accueil de ces enfants (saturation des structures) et augmentation des coûts de prise en charge ;

-      Déblocage en même temps de toutes les situations et donc impossibilité de gérer correctement chaque cas individuel.

II - Les objectifs de la réforme : Assurer l’équilibre entre le droit au recours des proches et l’intérêt de l’enfant

Le texte actuel liant modalités d’admission et conditions du recours, il est proposé de dissocier ces deux points.

II -1 Clarifier les modalités d’admission

Ainsi qu’exposé en première partie, les textes actuels sont complexes et peu lisibles pour les services chargés de l’admission des pupilles de l’Etat. Ils ne garantissent pas l’harmonisation des procédures et donnent lieu à des pratiques divergentes. S’agissant d’une politique décentralisée, les services de l’Etat ne peuvent donner d’instruction aux services des conseils généraux, mais simplement les informer des bonnes pratiques en la matière.

Il est donc opportun, à l’occasion de cette réforme, de clarifier la procédure d’admission, d’autant que le texte censuré lie dans un même alinéa les modalités d’admission en qualité de pupille, qui résultent d’un arrêté du Président du Conseil général ainsi que celles organisant le recours contre cet arrêté.

Ainsi, le I de l’article premier a pour objet de préciser la procédure d'admission, en précisant que l’arrêté doit être pris à l’issue du délai légal de deux ou six mois prévu par cet article, lorsque l’enfant est admis en application de l’un des quatre 1ers alinéas de l'article L 224-4 (enfants sans filiation, remis par les parents ou l'un d'eux, orphelins).

En revanche, la phase provisoire ne concernant pas les cas d’admission consécutive à une décision judicaire (retrait d’autorité parentale ou abandon judiciaire), celle-ci intervient sans délai, la seule condition étant que la décision judiciaire est définitive.

II -2 Assurer l’effectivité du recours

La réforme proposée doit préciser les modalités de recours contre un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat, de manière à garantir aux personnes ayant qualité à agir, c'est-à-dire « aux personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant » un droit de recours effectif. Elle doit donc garantir un équilibre et une proportionnalité entre les droits des proches de l’enfant à pouvoir exercer un recours effectif et l’intérêt de l’enfant de voir son statut clarifié dans les meilleurs délais, favorisant ainsi ses chances de pouvoir être adopté par une nouvelle famille.

III - Options et solution préconisée :

III- 1 les personnes ayant qualité pour agir (article 1er du projet de loi – article L224-8 II 1° et 2° nouveau du CASF)

L’objectif est de définir les catégories de personnes titulaires du recours de manière claire afin que celles-ci soient déterminables par les Présidents des Conseils généraux.

En l’état, trois catégories de personnes sont définies comme pouvant potentiellement exercer le recours : les parents de l’enfant, ses alliés, ainsi que « toute personne justifiant d’un lien, notamment pour avoir assuré la garde de droit ou de fait » de l’enfant.

La première catégorie de personnes concerne les parents du pupille. Sur ce point, les conditions actuelles, qui leur permettent de contester l’arrêté sauf lorsque l’admission fait suite à une décision judiciaire, apparaissent satisfaisantes et équilibrées. En effet, l’existence des voies de recours contre la décision judiciaire à l’origine de l’admission a pour effet d’éteindre toute possibilité de recours ultérieur contre l’arrêté d’admission.

Il est donc opportun de maintenir le droit positif, qui limite le recours des parents aux situations dans lesquelles ils sont à l’origine de la remise de l’enfant et donc de son admission.

La seconde catégorie prévue par l’actuel article L 224-8 vise les « alliés » de l’enfant ainsi que « toute personne justifiant d’un lien avec lui, notamment pour en avoir assuré la garde de droit ou de fait ». S’agissant de la définition de ces personnes, deux options sont envisageables : prévoir une liste déterminée de personnes justifiant d’un lien particulier, considérées alors in abstracto, ou conserver l’esprit du texte actuel, qui ne fige pas les catégories mais permet une appréciation in concreto.

III-1-1 Faut-il lister de manière exhaustive ces personnes ou conserver une notion générique ?

La première solution aboutirait à définir a priori qui sont ces personnes proches présentant un "lien plus étroit" en se référant essentiellement au lien de parenté : les grands parents, les collatéraux du premier degré des parents (oncles et tantes) et / ou de l’enfant (frères et sœurs ainés majeurs)…. Mais le champ qui serait ainsi défini comporterait une part d’arbitraire, les liens affectifs réels noués entre un enfant et les membres de sa famille n’étant pas forcément corrélés avec les degrés de parenté.

Il est donc apparu préférable de maintenir une définition large, en donnant qualité pour agir à des personnes dont la liste n’est pas limitativement établie en retenant la notion générique de « membres de la famille », notion déjà présente dans le régime de la déclaration judiciaire d’abandon, qui permet de ne pas déclarer celui-ci si « un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant… » (c. civ, art 350 al 4). Cette notion, qui à ce jour, n’a pas soulevé de difficultés d’interprétation, permet une appréciation au cas par cas des situations et apparaît plus appropriée que celle « d’alliés », ces derniers désignant des personnes unies par un lien d’alliance résultant du mariage, qui ne peut par définition concerner un enfant mineur.

En outre, la notion de personnes pouvant justifier d’un "lien, notamment pour avoir assuré la garde…", s’avère trop large, imprécise et subjective. Elle aboutit à créer une injonction impossible pour les services des conseils généraux comme les juridictions, quant à la définition concrète de ces personnes.

Il est donc proposé de mieux définir cette catégorie en la limitant uniquement à toutes les personnes ayant assuré la garde de droit (par exemple l’assistant familial ou tiers à qui l’enfant a été confié par décision judiciaire) ou de fait (conjoint, partenaire lié par un pacs ou concubin d’un parent ou tout tiers non membre de la famille) de l’enfant, qui peuvent de ce fait revendiquer un lien de proximité avec l’enfant. En effet, cette définition semble pouvoir couvrir toutes les situations dans lesquelles une personne peut se prévaloir d’un lien suffisant avec l’enfant, qui repose soit sur la parenté, soit sur sa prise en charge, à l’exception de la délicate question concernant le droit de recours des membres de la famille de naissance de l’enfant, lorsque ce dernier est remis sur le fondement du 1° de l’article L 224-4 du CASF (enfant dont la filiation n’est pas établie ou est inconnue).

III-1-2 Faut-il étendre le droit au recours à la « famille de la mère et du père de naissance » voire du « père de naissance » lui-même lorsque l’enfant n’a pas de filiation établie ?

L’hypothèse ici visée concerne des enfants recueillis en vue de leur admission en qualité de pupille de l’Etat lors de la naissance, pour lesquels aucun lien de filiation n’est établie (art L 224-4, 1°), que ces enfants soient nés sous « x » ou sans filiation déclarée à l’état civil.

Il s’agit de situations particulièrement sensibles, tant sur le plan juridique qu’humain, dans lesquelles peuvent s’opposer le droit de la mère au secret de son identité, lors de l’accouchement et le droit du père de naissance et des membres de la famille de la mère et du père de naissance (en particulier les grands parents) à élever l’enfant, sur le fondement du droit à la vie familiale.

La première question à résoudre est de savoir si ces personnes doivent être définies parmi les titulaires du droit d’agir, ou si elles doivent être écartées, du fait notamment de l’absence de lien de filiation les reliant à l’enfant.

III.1.2.1 La première option consiste à considérer que le lien biologique de fait revendiqué par ces personnes, ne peut constituer un lien suffisant pouvant justifier le droit au recours ; la biologie ne saurait primer sur la décision de la mère de naissance.

En effet, la majorité des enfants sans filiation étant nés sous le secret, ouvrir le droit de recours aux membres de la famille de la mère ou du père de naissance pourrait être considéré comme portant atteinte au secret protégé par la loi, celle-ci permettant à la mère de demander le secret de son identité lors de l’accouchement (art 326 c. civ et L 222-6 CASF). Selon cette analyse, le droit fondamental des femmes à pouvoir accoucher sous le secret devrait primer sur toute autre considération et se traduire par l’effacement des membres de la famille de la mère et du père de naissance, quand bien même ils auraient été présents lors de l’accouchement. En effet, ces personnes sont juridiquement des tiers vis-à-vis de l’enfant, dès lors qu’aucun lien de filiation n’est établi entre la mère et l’enfant.

Pour le père de naissance, il pourrait également être considéré qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la possibilité de contester l’arrêté, dès lors qu’il n’aurait pas reconnu l’enfant (ce qui le ferait entrer dans la catégorie juridique des « parents de l’enfant »).

Le père de naissance dispose en effet de la possibilité de faire établir son lien avec l’enfant, et cette voie devrait être un préalable à sa demande de se voir restituer l’enfant. Les droits du père à faire établir sa filiation sont reconnus par la loi et par la jurisprudence de la Cour de cassation, y compris lorsque l’enfant est né sous le secret, tant que l’enfant n’est pas placé en vue d’adoption (voir décision du 7 avril 2006 – n° 05-11285). L’article 62-1 du code civil lui permet de solliciter le concours du procureur de la République lorsque, du fait du secret de l’identité opposé par la mère de naissance, il ne parvient pas à identifier l’enfant et donc à faire apposer sa reconnaissance en marge de l’acte de naissance de l’enfant. Cette approche ne prive pas le père de naissance de ses droits : dès lors qu’il aura reconnu l’enfant, l’arrêté d’admission en qualité de pupille sera remis en cause, le motif sur lequel il était fondé, l’absence de filiation, ayant disparu. Au-delà des délais prévus aux deux premiers alinéas de l’article L. 224-6, le père pourra demander au tuteur la restitution de l’enfant sur le fondement du dernier alinéa de ce même article ; s’il agit en contestation d’un éventuel arrêté, ce sera en application du 1° du II de l’article L. 224-8 (qualité de parent) ; l’arrêté ne lui ayant pas été notifié, le délai de 30 jours ne pourra lui être opposé, lui permettant ainsi d’agir jusqu’au placement de l’enfant.

Toutefois, ces positions s’avèrent difficiles à soutenir.

En premier lieu, il convient de relever que ces personnes ne peuvent être informées de la naissance que par la mère de naissance elle-même, le secret professionnel auquel sont tenus les professionnels ayant accompagné la mère de naissance (personnel hospitalier, correspondant du conseil national pour l’accès aux origines personnelles) s’opposant à ce que des tiers soient informés de la naissance.

Dès lors que la mère de naissance, tout en demandant le secret de son identité, a également informé ses propres parents de son accouchement, la demande de secret s’avère pour le moins ambivalente et sa portée de fait, amoindrie.

En deuxième lieu, force est de constater que le secret de l’identité est en constant recul ; ainsi, il ne peut plus, depuis la loi n°2002-93 du 22 janvier 2002, être demandé que par la mère lors de l’accouchement (8). En outre, l’accouchement secret ne fait plus obstacle à l’établissement de la paternité (9): d’une portée erga omnes, le secret évolue vers un droit strictement conféré à la mère, qui ne doit pas porter atteinte aux droits des autres membres de la famille de la mère ou du père de naissance de l’enfant.

Ainsi, dans deux affaires similaires récentes (10), des cours d’appel ont eu à se prononcer sur la recevabilité du recours intentée par les grands-mères de naissance, présents lors de l’accouchement de leur fille, alors que celle-ci avait demandé le secret de son identité. Après avoir examiné les circonstances de fait et éléments de preuve rapportés (présence de la grand-mère de naissance lors de l’accouchement, manifestation de volonté auprès du service de l’ASE...), la cour a, pour chacune de ces affaires et dans son pouvoir souverain d’appréciation, considéré que la grand-mère de naissance démontrait bien  «  l’existence d’un lien affectif de fait avec l’enfant, répondant aux conditions posées par l’article L 224-8 précité » (CA Angers) ou « l’existence d’un lien de filiation entre la requérante et la mère de naissance, même si le lien biologique n’est pas établi ente l’enfant et sa grand-mère » (CA Metz). Dans ces deux affaires, qui n’ont pas été frappées de pourvoi en cassation, l’arrêté d’admission a été annulé et l’enfant confié à la requérante.

En troisième lieu, si le père de naissance peut engager une action en reconnaissance de paternité, la lourdeur de cette procédure - qui nécessite notamment une retranscription de cette reconnaissance sur l’acte de naissance de l’enfant- peut poser des difficultés de délais pour faire effectivement valoir ses droits. Il est donc préférable de lui ouvrir la voie de la contestation de l'arrêté, à charge pour le juge d'apprécier, notamment au vu de l'engagement parallèle d'une procédure en reconnaissance, si l'annulation demandée est bien dans l'intérêt de l'enfant.

III .1.2.2 C’est pourquoi la seconde option, qui ouvre le droit de recours aux membres de la famille de la mère et du père de naissance de l’enfant» ainsi qu’au « père de naissance », c'est-à-dire sans lien de droit avec l'enfant (enfant né sous  « x » ou sans filiation), apparaît devoir être retenue.

Ce choix apparaît nécessaire au vu de l'évolution de la jurisprudence interne comme des dispositions des conventions internationales et notamment celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et notamment de l’article 8 relatif au droit au respect de la vie familiale, entendu largement et au-delà de la notion juridique de la filiation (11). Ainsi, le risque de condamnation de la France ne pourrait être exclu si tout recours était fermé aux membres de la famille de naissance, alors que ceux-ci se seraient manifestés auprès du service de l’aide sociale à l’enfance avant l’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat.

III-2 La finalité du recours (article 1er du projet de loi - article L.224-8 II alinéa 4 nouveau du CASF)

La disposition actuelle prévoit, outre la qualité du titulaire de l’action, une seconde condition de recevabilité de l’action : celle-ci doit avoir pour objectif de se voir confier l’enfant.

Ainsi, la qualité de proche, si elle est nécessaire, n’est pas suffisante pour avoir qualité pour agir. Le recours ne peut prospérer que si le requérant demande à ce que l’enfant lui soit confié. Supprimer cette condition permettrait donc aux titulaires de l’action de contester l’arrêté sur le seul fondement de l’existence d’un lien et de la volonté de maintenir des liens, sans en tirer toutes les conséquences pour l’enfant : celui-ci continuerait à être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance sans pour autant bénéficier du statut protecteur de pupille de l’Etat. Or, le statut de pupille ne fait pas obstacle au maintien des liens, les dispositions réglementaires permettent d’ores et déjà à toute personne, parent ou non, de demander à entretenir des liens l’enfant, les conditions de ces relations étant fixées par le tuteur en accord avec le conseil de famille (art R 224-23 CASF).

L’intérêt de l’enfant commande donc de conditionner la recevabilité de l’action à l’intention d’en assumer la charge effective et de maintenir ce critère, en le mettant en facteur commun pour tous les demandeurs, qu’il s’agisse des parents, des membres de la famille ou de la personne en ayant assuré la garde

III-3 La forme de la publicité, entre publication ou notification (III de l’article 1er du projet de loi – article L 224-8 III du CASF)

Si en principe, les décisions administratives donnent lieu à publication, la particularité de l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat, qui concerne des enfants mineurs et concerne leur statut juridique s’oppose à une telle mesure générale de publicité, qui apparaitrait disproportionnée. Ainsi, le Conseil constitutionnel, relevant qu’il ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement  a donc considéré « que le législateur a estimé qu’il serait contraire à l’intérêt de l’enfant de publier l’arrêté de son admission en qualité de pupille de l’État ».

En conséquence, il reconnait que «  le législateur a pu choisir de donner qualité pour agir à des personnes (…) qui ne sauraient (…) recevoir toutes individuellement notification de l’arrêté » écartant ainsi toute exigence de publication de l’arrêté.

Dès lors, il convient de définir les personnes auxquelles l’arrêté doit être notifié, de manière à répondre aux prescriptions du Conseil constitutionnel : si celui-ci a considéré que le législateur pouvait donner qualité à agir à une liste de personnes non exhaustive, il doit toutefois définir « les cas et conditions dans lesquelles celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant sont effectivement mises à même d’exercer ce recours ».

Deux options ont été expertisées.

III-3-1 Lier conditions de fond et de procédure 

Dans cette option, la définition des personnes recevables à attaquer l'arrêté et celle des personnes recevant notification coïnciderait : seules auraient donc qualité pour agir les personnes recevant notification de l’arrêté.

Il s’agirait de la solution la plus simple, mais susceptible d’inconvénients majeurs, selon les critères retenus pour sa mise en œuvre.

Une première hypothèse aurait été de retenir, pour recevoir notification de l’arrêté, le seul critère de la proximité avec l’enfant, tel que définie au II de l’article premier, sans autre condition. Une telle solution comporterait inévitablement des inconvénients, dans la mesure où les conseils généraux seraient dans l’impossibilité d’identifier les personnes susceptibles de former un recours : les membres de la famille de l’enfant ne sont pas forcément connus des services de sorte que prévoir une notification systématique reviendrait à leur imposer une injonction impossible. En outre, l’automaticité de la notification à toutes les personnes, membre de la famille ou personne ayant assuré la garde de l’enfant, pourrait s’avérer contraire à son intérêt même : des recours mal fondés, justifiés notamment par la culpabilité, voire l’intention de nuire aux parents de l’enfant ne pourraient être exclus.

Une autre hypothèse aurait été de lier les conditions de fond de l’action précédemment définies (titulaires et finalité de l’action) et celles de la notification : seules auraient alors qualité pour agir et se verraient en conséquence notifier l’arrêté, les personnes ayant exprimé le souhait d’assumer la charge de l'enfant avant l'édiction de l'arrêté (12) : le critère de fond de recevabilité de l’action serait alors déplacé de l’appréciation du juge à celle du président du conseil général.

Mais il est apparu que cette seconde hypothèse, certes cohérente et commode en pratique, risquerait de se voir reprocher de méconnaître le droit au recours effectif : la garantie que les intéressés soient informés et mis à même de formuler une demande de prise en charge avant l’édiction de l’arrêté, alors que celle-ci conditionnerait ensuite la recevabilité de leur action, ne pourrait être apportée de manière systématique.

En outre, elle n’apparaît pas pleinement conforme aux prescriptions du Conseil constitutionnel, qui pose le principe de la dissociation entre l’ensemble des titulaires de l’action, qui peuvent ne pas être définis de manière limitative, et ceux devant recevoir individuellement notification de l’arrêté, du fait de liens plus étroits avec l’enfant (considérant 9).

III-3-2 Dissocier, comme le préconise le Conseil constitutionnel, conditions de fond de d’action et de notification

Il s’agit alors de préciser, parmi les titulaires de l’action définis au II, ceux devant obligatoirement recevoir notification de l’arrêté du fait des marques d'intérêt qu'ils auront montrées à l’égard de l’enfant.

Dans cette conception, la notification est ainsi déconnectée de la définition de l'intérêt pour agir. Recevront ainsi notification de l’arrêté les parents ainsi que les personnes, parmi celles définies aux 2°, 3° et 4° du II de l’article premier du projet de loi, ayant manifesté un intérêt pour l’enfant auprès du service de l’aide sociale à l’enfance avant la date de l’arrêté d’admission.

Ainsi, deux cas pourront se présenter :

Dans le premier, la personne ayant qualité à agir, informée de l’admission prochaine de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat aura donc été en mesure de manifester un intérêt pour lui auprès du service de l’aide sociale à l’enfance. Connue de ce service pour avoir porté intérêt à l’enfant, quelle qu’en soit la forme, cette personne devra alors obligatoirement recevoir notification de l’arrêté.

L’obligation de notification est donc circonscrite à ces seules personnes et ne saurait aller au-delà, dans la mesure où les Présidents de Conseils généraux ne peuvent être en mesure d’identifier toutes les personnes pouvant potentiellement agir, sauf à procéder à des recherches.

Dans le second, le titulaire potentiel de l’action n’aura pas reçu notification de l'arrêté, faute de manifestation d’intérêt de sa part avant l’édiction de l’arrêté (par exemple cette personne n’aurait appris l’admission de l’enfant en qualité de pupille qu’une fois l’arrêté édicté). Cette solution ne lui ferme pas les possibilités de recours. En effet, en l’absence de notification de l’arrêté, celles-ci ne pourront se voir opposer le délai de prescription de trente jours. Leur droit au recours effectif est ainsi garanti, puisque leur action sera recevable tant que l’enfant n’aura pas été placé en vue d’adoption. En effet, conformément aux dispositions de l’article 352 du code civil, le placement du pupille dans une famille en vue de son adoption fait obstacle à toute restitution à sa famille d’origine.

Certes, une telle solution peut introduire une certaine insécurité juridique pour l'enfant, son statut de pupille pouvant être remis en cause sans autre limitation dans le temps. Mais, dans la recherche du délicat équilibre entre droit au recours et intérêt de l’enfant, il est apparu que cette solution présentait le moins d’inconvénients.

En effet, une telle hypothèse ne devrait se présenter qu'exceptionnellement. En outre, cette incertitude existe déjà, du fait notamment des dispositions du dernier alinéa de l’article L 224-6 du CASF (13), qui permettent aux parents de l’enfant (et seulement à ces derniers) de demander la restitution de leur enfant tant que celui-ci n’est pas placé en vue d’adoption : dans ce cas, cette restitution n’est plus de droit, mais résulte d’une décision prise par le tuteur avec l’accord du conseil de famille. Et en cas de refus, le parent peut saisir le tribunal de grande instance.

La qualité de pupille de l’Etat peut donc, en l’état du droit positif, potentiellement être remise en cause au-delà du délai de prescription de trente jours.

La solution retenue au III de l’article 1er ne fait donc que prévoir une seconde exception.

Au surplus, il est apparu nécessaire de préciser les conditions de notification afin de rendre effectif l’exercice du recours contre l’arrêté conformément aux considérants de la décision du Conseil constitutionnel. Il est ainsi précisé que la notification de l’arrêté est faite par tout moyen permettant d’établir une date certaine, qu’elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que la juridiction compétente ainsi que le fait que l’action contentieuse n’est recevable que si le requérant demande à assumer la charge de l’enfant.

III.4 Les conditions procédurales (IV de l’article 1er du projet de loi – article L 224-8 IV du CASF)

La disposition censurée prévoit une exception au principe selon lequel le contentieux des décisions administratives relève de la compétence du juge administratif : bien que l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat soit une décision administrative, elle échappe au contrôle du juge administratif, le premier alinéa de l’article L 224-8 précité prévoyant expressément que le recours doit être formé devant le tribunal de grande instance, cette compétence étant exclusive (14).

Dans la mesure où le recours doit être examiné au regard de l’intérêt de l’enfant d’être confié au requérant (cf. art L 224-8 alinéa 2 du CASF) et que le juge judicaire est le juge naturel de l’intérêt de l’enfant, il apparait opportun de maintenir cette exception.

En outre, le délai actuel de trente jours pour former le recours, délai applicable aux personnes qui se seront vus notifier l’arrêté, apparaît de nature à garantir le droit au recours effectif des titulaires de l’action, dès lors que sont précisées les modalités selon lesquelles ces personnes sont informées de l’arrêté (III.4 supra). La précision que le délai court à compter de la date de réception de la notification permet d’éclairer parfaitement le point de départ de la procédure contentieuse et de renforcer l’effectivité de ce droit. Enfin, afin de sécuriser la situation de l’enfant, il est proposé de prévoir que le délai de 30 jours s’exerce à peine de forclusion, c'est-à-dire sans qu’il puisse être suspendu ou interrompu. Il est en effet opportun que la situation des pupilles de l'Etat soit rapidement traitée.

III.5 La décision du juge (V de l’article 1er du projet de loi)

Le V de l’article 1er du projet de loi réécrit les 2ème et 3ème alinéas actuels de l’article L. 224-8, qui n’ont pas été abrogés par la décision du Conseil constitutionnel, en proposant des ajustements rédactionnels pour favoriser la compréhension de ces dispositions.

IV Impacts de la réforme

IV -1 Impact juridique :

IV-1-1 : mise en conformité du droit avec la décision du Conseil constitutionnel n°2012-268 QPC du 27 juillet 2012

Le projet de loi permet de répondre à l’inconstitutionnalité du premier alinéa de l’article L 224-8 du code de l’action sociale et des familles déclarée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2012-268 QPC du 27 juillet 2012.

IV-1-2 : pour les Conseils généraux

La réforme proposée induira un changement de pratiques et de regard du service de l’aide sociale à l’enfance, lorsque des proches de l’enfant ayant vocation à devenir pupille de l’Etat sont identifiés pour avoir manifesté un intérêt. En effet, alors que les pratiques sont, en l’absence d’obligation claire, diverses, celles-ci devront être harmonisées afin que l’arrêté soit, dans de telles situations, systématiquement notifié : les professionnels ne pourront volontairement écarter un proche, en raison de l’appréciation qui peut être faite de ses capacités à se voir confier l’enfant, dès lors qu’il est présent pour avoir manifesté un intérêt.

En outre, il convient de relever qu’aucun placement en vue d’adoption ne pourra être effectué avant un délai d’au moins trois mois à compter du recueil de l’enfant, afin de garantir le droit au recours de ses proches et notamment des membres de sa famille de naissance : au délai de rétractation de deux mois devra s’ajouter celui de trente jours contre l’arrêté d’admission. En effet, en l’état des textes, les enfants sans filiation établie peuvent être en pratique placés avant l’expiration de ce délai, l’absence de membres connus de la famille de naissance rendant inopérante la procédure de recours. Une telle pratique est conforme à la volonté du législateur qui est de permettre, pour ces enfants sans filiation notamment et au vu de leur intérêt, leur placement en vue d’adoption dans les meilleurs délais. Ainsi, la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption a réduit le délai de rétractation pendant lequel ses parents peuvent le reprendre sans formalité, de trois à deux mois.

IV -2 Impact financier

Le présent projet ne portant que sur la clarification des modalités d’admission en qualité de pupille de l’Etat et les conditions dans lesquelles un recours peut être exercé, il ne comporte aucun impact financier pour les conseils généraux autre que les frais de notification de la décision (envoi de lettre recommandée avec accusé de réception) aux personnes ayant qualité pour agir (III de l’article L. 224-8 prévu par le projet de loi).

IV-3 Impact social

En garantissant mieux le droit des proches au recours effectif, le projet pourrait avoir un impact sur le statut des pupilles et la stabilisation définitive de leur état. Ils ne pourront être placés en vue d’adoption avant l’expiration du délai de recours. Par ailleurs il n’est pas exclu que la meilleure information des proches de leurs droits et la notification systématique, même limitée, à ceux d’entre eux ayant manifesté un intérêt pour l’enfant, entraine une augmentation sensible du nombre de recours ou de demandes tendant simplement au maintien de liens avec l’enfant.

Toutefois, aucune donnée n’est disponible quant au nombre de recours exercés chaque année contre les arrêtés d’admission en qualité de pupilles de l’Etat, ces données n’étant ni recensées dans le cadre de l’enquête annuelle de l’ONED, ni dans l’annuaire statistique annuel de la justice. En 2011, 780 enfants ont été admis en qualité de pupilles de l’Etat. Parmi ces 780 arrêtés d’admission seuls très peu font l’objet de recours (la DGCS, qui n’est pas informée de manière systématique, a en général connaissance d’environ 4 ou 5 recours annuels).

IV-4 Impact en matière d’égalité entre les femmes et les hommes

Le projet de réforme a une incidence en terme d’égalité entre les femmes et les hommes uniquement au regard des femmes qui demandent le secret de leur identité lors de l’accouchement, conformément aux dispositions de l’article L.222-6 du code de l’action sociale et des familles. En effet, les enfants nés dans le cadre d’une demande de secret de l’identité de la mère de naissance ont vocation à être admis dans le statut de pupille de l’Etat. Se pose alors la question de l’incidence sur le secret de l’accouchement, de cette réforme sur la contestation de l’arrêté d’admission dans ce statut de protection, qui pourra être demandée par le père de naissance et les membres de la famille de naissance de la mère et du père.

Cette situation concerne environ 600 à 700 enfants chaque année en France, et plus précisément 628 naissances en 2011, soit près de 27% des enfants pupilles de l’Etat (15).

Il est difficile d’établir des traits sociodémographiques homogènes des femmes choisissant l’accouchement sous le secret (16). Uniquement trois caractéristiques peuvent être spécifiques (17) :

1. l’âge : elles sont de quatre ans plus jeunes que la moyenne d’âge nationale pour l’accouchement,

2. leur situation familiale : huit sur dix ne vivent pas en couple,

3. l’absence d’autonomie financière : 27% élèves ou étudiantes, 15% d’inactives, 10% au chômage, 9% en situation de temps partiel ou d’emploi précaire.

Les raisons de l’accouchement sous le secret s’avèrent particulièrement liées à une prise de conscience tardive de l’état de grossesse : huit femmes sur dix ont pris conscience de leur grossesse hors du délai légal pour une IVG en France. L’absence du père, son refus d’avoir un enfant ou son comportement violent sont présents dans 43% des cas. Puis, par ordre décroissant, on retrouve des facteurs tels que les difficultés financières, un âge trop jeune, la crainte du rejet familial, des traumatismes récents ou anciens (18).

L’accouchement sous le secret est une possibilité existant en France depuis plusieurs siècles (19). Ce droit existe en ces termes dans trois autres pays au monde : le Luxembourg, l’Italie et la République Tchèque. Le droit de demander le secret a été progressivement restreint aux seules mères au moment de l’accouchement. S’il est important de garantir l’accès aux origines et de préserver l’intérêt des enfants, notamment leurs droits de connaître leurs parents et d’être élevés par eux, il apparait également essentiel de préserver un équilibre avec les droits des femmes à disposer de leurs corps et le droit de choisir librement leur maternité, dans le but commun de garantir une vie familiale pleine pour l’enfant et pour la mère, comme le prônent la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention internationale des droits de l’enfant.

Il convient de rappeler que l’équilibre du dispositif en matière d’accouchement sous le secret prévu par la loi du 22 janvier 2002 relatif à l’accès aux origines des pupilles et des personnes adoptées a été validé par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme dans sa décision Odièvre c. France du 13 février 2003. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs validé la conformité de l’article L. 222-6 du code de l’action sociale et des familles dans sa décision n°2012-248 QPC du 16 mai 2012.

Comme cela a été souligné auparavant, il existe trois cas possibles d’information des membres de la famille de la mère ou du père de naissance : 1. par les professionnels, 2. par la mère directement ou 3. par le père.

1. L’information du père ou de la famille de la mère ou du père de naissance par un professionnel de santé ou de l’action sociale peut être écartée puisqu’elle est légalement interdite. En effet, cette situation serait passible de sanctions à l’encontre des professionnels du fait de la rupture du secret professionnel. Cette option ne devrait donc pas se présenter.

2. L’information du père ou de la famille de la mère ou du père de naissance par la mère est possible si elle a partagé l’information de son état de grossesse et de la naissance de son enfant avec l’un ou plusieurs d’entre eux, ou si ce ou ces derniers ont pu voir l’enfant lors de son séjour à la maternité. La portée de la demande de secret formulée par la mère s’avère ainsi amoindrie. Dans cette situation, la jurisprudence actuelle (cf. décisions concordantes des cours d’appels d’Angers et de Metz) a estimé que le secret d’identité demandé par la mère de naissance lors de l’accouchement ne fait pas obstacle au droit de recours contre l’arrêté des membres de la famille de naissance et ainsi reconnait leur qualité à agir. Ces personnes devront, dès lors qu’elles auront manifesté un intérêt pour l’enfant, auprès du service de l’aide sociale à l’enfance, se voir notifier l’arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat. Cette manifestation d’intérêt suppose a minima d’être en capacité d’identifier l’enfant.

3. Enfin, dans le dernier cas, le père informe la famille de la mère ou du père de naissance. Dans cette hypothèse, la situation reviendrait au même que dans le deuxième cas : c’est bien parce que la mère de naissance elle-même a communiqué les informations relatives à la naissance de l’enfant, permettant ainsi son identification, que des membres de la famille seront en mesure de faire part de leur intérêt pour l’enfant auprès du service de l’aide sociale à l’enfance et se voir ainsi notifié l’arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat. Il convient en effet de rappeler que le père de naissance peut, malgré le secret de l’identité demandé par la mère de naissance, établir la filiation à l’égard de l’enfant par une reconnaissance de paternité. Comme indiqué précédemment, il peut, si besoin, solliciter le concours du procureur de la République lorsque la secret de l’identité opposé par la mère rend impossible l’apposition de cette reconnaissance en marge de l’acte de naissance de l’enfant (article 62-1 du code civil). Le projet de loi ouvre la possibilité de recours au père de naissance pour contester l’admission en qualité de pupille de l’Etat.

IV - 5 Impact en termes de handicap

Sans objet

V - Modalités d’application de la réforme

V- 1 Application dans le temps (article 3 du projet de loi)

Il est proposé de différer la date d’entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2014, date à laquelle l’inconstitutionnalité de la disposition sera effective plutôt que de prévoir une entrée en vigueur immédiate.

Certes, cette seconde option permettrait de répondre au plus vite à l'inconstitutionnalité et de clarifier le droit, au regard également de la décision de la Cour de cassation. Toutefois, une telle solution se heurte aux difficultés d’assurer l’information des conseils généraux sur la loi nouvelle et pourrait ainsi compromettre sa bonne application.

Aussi, l’entrée en vigueur au 1er janvier 2014 permettra à tous les conseils généraux de mettre leurs pratiques en conformité avec la loi, quant aux modalités d’admission des pupilles de l’Etat, notamment en distinguant bien le procès-verbal V de recueil valant admission provisoire et l'arrêté d'admission "définitive". En effet, si la plupart ont engagé une révision de leurs procédures en la matière suite à la décision du Conseil constitutionnel – rien n’interdit à un conseil général, dans l’état actuel du droit, d’anticiper l’application des nouvelles règles – , certains attendent la loi nouvelle pour ce faire.

En outre, une information, en lien avec l'Association des départements de France (ADF), sur les nouvelles règles procédurales relatives à la notification et plus largement l'information des proches du pupille pourra également être largement diffusée en amont, pour prévenir d'éventuelles difficultés d'application. 

Enfin, il n’est pas apparu nécessaire de prévoir des dispositions transitoires particulières pour les arrêtés pris avant le 1er janvier 2014. Dès à présent, le délai de 30 jours tel qu’il est prévu par les dispositions actuelles de l’article L. 224-8 ne peut plus être opposé aux personnes ayant qualité pour agir qui n’auraient pas reçu notification de l’arrêté, sous peine de méconnaître la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (voir I-2-2 ci-dessous).

 

V-2 Application dans l’espace (article 2 du projet de loi)

Au 31 décembre 2011, 135 enfants avaient le statut de pupille de l’Etat, répartis dans les départements d’outre mer suivants : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte20. En revanche, aucune donnée n’existe pour les autres collectivités d’outre-mer.

Le statut des pupilles de l'Etat et les règles qui le régissent relèvent de la compétence de l'Etat et sont applicables dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer. Les conditions dans lesquelles les enfants acquerront ce statut doivent y être également conformes à la décision du Conseil constitutionnel.

Pour les départements d’outre-mer, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, ces dispositions sont applicables de plein droit.

A Wallis-et-Futuna et en Polynésie française, le statut des pupilles de l’Etat, et notamment l’article L. 224-8, est également applicable, avec des adaptations tenant compte de l’organisation particulière de ces territoires, prévues respectivement aux articles L. 552-1 et L. 562-1 du code de l'action sociale et des familles. Le projet de loi se borne à un ajout de coordination aux dispositions d’adaptation pour Wallis-et-Futuna.

En revanche, à compter du 1er juillet 2013, la compétence pour légiférer en matière de droit civil, notamment d’état et de capacité des personnes, a été transférée à la Nouvelle-Calédonie (transfert prévu au III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, conditions remplies avec l’adoption de la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 et la conclusion d’une convention entre l’Etat et le gouvernement de la collectivité le 25 juin 2013) Les dispositions du présent projet de loi ne peuvent donc plus être applicables dans cette collectivité, qui a seule compétence désormais pour remédier à l’inconstitutionnalité des dispositions actuelles.

V -3 Consultations

Aucune consultation n’est obligatoire. Toutefois, il a jugé pertinent de consulter différents organismes.

V-3-1 Consultation du conseil supérieur de l’adoption (CSA)

En application de l’article L.148-1 du code de l’action sociale et des familles, le conseil supérieur de l’adoption (CSA) est consulté sur les mesures législatives et réglementaires prises en matière d’adoption. Si le statut de pupille a un lien étroit avec l’adoption, notamment en rendant l’enfant adoptable, les modalités d’admission en qualité de pupille interviennent en amont de l’adoption. L’article L.224-8, dont il est proposé ici la modification, ne figure ainsi pas dans le chapitre du CASF consacré à l’adoption des pupilles.

Toutefois, il a été jugé pertinent, compte tenu de ce lien étroit, de soumettre ce projet de loi au conseil supérieur de l’adoption, qui l’a examiné le 5 juin 2013.

V-3-2 Information du conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP)

En application de l’article L147-1 du CASF, le CNAOP est consulté sur les mesures prises en matière d’accès aux origines.

Les modifications auxquelles procède le projet n’affectent pas le régime de cet accès, de sorte que la consultation du CNAOP ne s’impose pas.

En revanche, en ouvrant expressément le recours à la famille de naissance de l’enfant, le projet soulève des questions qui ne sont pas sans lien avec celles de l’accès aux origines personnelles.

Il a donc été jugé pertinent d’informer le CNAOP de ce projet de loi.

V-3-3 Consultation de l’assemblée des départements de France (ADF)

L’ADF a été consultée sur ce texte, compte tenu de l’impact de ce projet de texte sur les modalités d’exercice des missions des présidents des conseils généraux, gardiens des pupilles, qui ont compétence pour prendre l’arrêté d’admission en qualité de pupilles de l’Etat.

V - 4 Textes d’application

Aucune mesure d’application de niveau réglementaire n’est nécessaire.

1 Rapport ONED « la situation des pupilles de l’Etat, enquête au 31 décembre 2011 »

2 ainsi le procès-verbal doit indiquer que les parents ont été informés de leurs droits, des conséquences de leur acte et des effets de la tutelle des pupilles de l’État, qu’ils ont été pour les situations prévues aux 2° et 3° de l’article L 224-4 , invités à cette occasion à consentir à l’adoption de leur enfant. Ce consentement à l’adoption est porté sur le procès verbal, celui-ci devant également mentionner que les parents ont été informés des délais et conditions dans lesquels ils peuvent rétracter ce consentement selon les dispositions de l’article 348-3 du code civil.

3 Ce délai est porté à six mois au profit du parent qui n’a pas confié l’enfant au service de l’aide sociale, lorsque l’enfant a été recueilli sur le fondement du 3° de l’article L 224-4 du CASF

4 Cf. art 399 et suivants du code civil

5 Angers, 26 janvier 2011 aff n° 10/01339 

6 Cf. CA Metz, 12 janvier 2013, Aff. n° 11/04085: « l’article L 224-8 du CASF étant un texte d’exception, il s’ensuit que le délai de recours s’analyse en un délai préfix».

7 En effet, l’article 375-3 du code civil prévoit que l’enfant qui ne peut être maintenu dans sa famille peut être confié par le juge des enfants à l’autre parent (1°), à un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance (2°), ou encore à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance (3°).

8 En effet avant la loi de 2002, les parents à l’égard desquels la filiation était établie, pouvaient demander le secret de leur identité lors de la remise de l’enfant à l’aide sociale à l’enfance jusqu’au premier anniversaire de l’enfant

9 Cf. art 62-1 du code civil qui permet au père, lorsque la transcription de sa reconnaissance de paternité sur l’acte de naissance s’avère impossible, du fait du secret de son identité opposé par la mère, d’en informer le procureur de la République afin que celui-ci procède à la recherche des dates et lieu d’établissement de l’acte de naissance. Voir également civ 1, 7 avril 2006

10 CA Angers, 26 janvier 2011, précitée, note 4; CA Metz, 22 janvier 2013, Aff. n° 11/04085 : « l’article L 224-8 du CASF étant un texte d’exception, il s’ensuit que le délai de recours s’analyse en un délai préfix».

11 Cf. notamment CEDH, Keagan c/ Irlande, 26 mai 1994 req n° 16969/90 « la notion de famille ne se borne pas aux seules relations fondées sur le mariage et peut englober d’autres liens familiaux « de facto »

12 Ce qui aurait supposé alors de rédiger ainsi les alinéas 1 à 4 du II : « L’arrêté peut être contesté par les parents de l’enfant, en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon ou d'un retrait total de l'autorité parentale, les membres de la famille de l’enfant, et ceux de sa famille de naissance lorsque l’enfant a été admis sur le fondement du 1° de l’article L. 224-4, ainsi que toute personne ayant assuré sa garde de droit ou de fait et qui demandent à assumer la charge de l’enfant. »

13 Art L 224-6 al 3 : « Au-delà de ces délais, la décision d'accepter ou de refuser la restitution d'un pupille de l'Etat est, sous réserve des dispositions de l'article 352 du code civil, prise par le tuteur, avec l'accord du conseil de famille. En cas de refus, les demandeurs peuvent saisir le tribunal de grande instance. »

14 CE 11 juill 1988 req n°89992, Lebon 293 : le Conseil d’Etat a considéré que la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître des recours formés par les personnes mentionnées par ces dispositions

15 Rapport ONED « La situation des pupilles de l’Etat, enquête au 31 décembre 2011 ».

16 Support de cours « L’accouchement sous le secret » Université médicale virtuelle francophone, 2011-2012

17 Enquête de l’INED sur l’accouchement sous X en France entre 2007 et 2009 sur 739 femmes. http://www.ined.fr/fr/ressources_documentation/focus_sur/les_accouchements_sous_x_en_france/

18 Enquête de l’INED sur l’accouchement sous X en France entre 2007 et 2009 sur 739 femmes.

19 Support de cours « L’accouchement sous le secret » Université médicale virtuelle francophone, 2011-2012

20 Rapport ONED précité, p 68


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