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N° 1321

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2013.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

relatif au renforcement des obligations déontologiques
des
magistrats de l’ordre judiciaire,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,

Premier ministre,

par Mme Christiane TAUBIRA,

garde des sceaux, ministre de la justice.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Conformément à l’engagement du Président de la République de promouvoir une République exemplaire et de rénover la vie publique, le Gouvernement a présenté au conseil des ministres du 24 avril 2013 deux projets de lois relatifs à la transparence de la vie publique, dont un projet de loi organique. Ces textes réforment en profondeur l’approche de la prévention des conflits d’intérêts adoptée par notre pays pour ce qui concerne les principaux responsables publics et les parlementaires.

Le présent projet de loi organique vise à renforcer les obligations déontologiques des magistrats de l’ordre judiciaire en inscrivant dans leur texte statutaire une définition des conflits d’intérêts et une obligation d’avoir un entretien déontologique qui aura pour objet de prévenir les conflits d’intérêts.

L’article 1er ajoute un article 7-1 dans l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Ce nouvel article impose aux magistrats de l’ordre judiciaire de prévenir les situations de conflit d’intérêts et, si elles surviennent, d’y mettre fin. Il donne une définition du conflit d’intérêts qui est identique à celle prévue pour les principaux responsables publics, qui était inspirée de celles proposées par le rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique et celui de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique.

L’article 2 crée un article 7-2 dans la même ordonnance. Celui-ci instaure un entretien déontologique pour tous les magistrats du siège et du parquet ayant une activité juridictionnelle. Cet entretien aura lieu à l’occasion de leur installation dans de nouvelles fonctions. Il pourra être renouvelé à l’initiative de l’une ou l’autre des personnes y participant. L’article 2 du projet de loi précise également quelles sont les autorités chargées de procéder à cet entretien.

L’article 3 insère dans la même ordonnance un article 7-3, qui prévoit l’obligation pour le premier président et les présidents de chambre de la Cour de cassation, pour le procureur général et les premiers avocats généraux près cette Cour et pour les premiers présidents des cours d’appel et les procureurs généraux près ces cours de déclarer leur situation patrimoniale à une commission ad hoc, à leur prise de fonctions et à l’issue de celles-ci. La commission appréciera la variation du patrimoine sur la période et, dans le cas où elle constatera des évolutions pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications satisfaisantes, elle pourra transmettre le dossier à l’administration fiscale.

L’article 4 fixe dans un nouvel article 7-4 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 la composition de la commission de recueil des déclarations de patrimoine des magistrats de l’ordre judiciaire Elle sera présidée par un magistrat honoraire de l’ordre judiciaire.

L’article 5 précise les conditions dans lesquelles la réforme entre en vigueur.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi organique relatif au renforcement des obligations déontologiques des magistrats de l’ordre judiciaire, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui sera chargée d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article 1er

Après l’article 7 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :

« Art. 7-1. – Les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts.

« Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à compromettre ou paraître compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif de leurs fonctions. »

Article 2

Après l’article 7-1 de la même ordonnance, il est inséré un article 7-2 ainsi rédigé :

« Art. 7-2. – À l’occasion de leur installation dans leurs fonctions, les magistrats ont un entretien déontologique. Cet entretien a pour objet de prévenir tout éventuel conflit d’intérêts.

« Cet entretien déontologique peut être renouvelé à l’initiative de l’intéressé ou à la demande des autorités mentionnées aux troisième, quatrième et cinquième alinéas.

« Il se déroule, pour les magistrats du siège et du parquet des cours et tribunaux de première instance avec le premier président de la cour à laquelle ils sont affectés ou le procureur général près cette cour, ou avec le président du tribunal auquel ils sont affectés ou le procureur près ce tribunal.

« Pour les présidents de tribunaux de première instance et les procureurs de la République près ces tribunaux, l’entretien se déroule respectivement avec le premier président de la cour à laquelle ils sont affectés, ou le procureur général près cette cour.

« Pour les magistrats du siège et du parquet nommés à la Cour de cassation et les personnes visées à l’article 40-1, cet entretien se déroule avec le premier président de la Cour de cassation ou le procureur général près cette Cour. »

Article 3

Après l’article 7-2 de la même ordonnance, il est inséré un article 7-3 ainsi rédigé :

« Art. 7-3. – Le premier président et les présidents de chambre de la Cour de cassation, le procureur général et les premiers avocats généraux près cette Cour ainsi que les premiers présidents des cours d’appel et les procureurs généraux près ces cours déclarent leur situation patrimoniale dans les deux mois qui suivent leur installation dans leurs fonctions à la commission de recueil des déclarations de patrimoine des magistrats de l’ordre judiciaire.

« Dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, les personnes mentionnées au premier alinéa transmettent une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la commission.

« Celle-ci apprécie la variation de la situation patrimoniale de l’intéressé entre la déclaration effectuée au moment de l’installation et celle transmise après la cessation des fonctions.

« Lorsque les évolutions patrimoniales constatées n’appellent pas d’observation ou lorsqu’elles sont justifiées, la commission en donne acte à l’intéressé.

« Dans le cas où la commission, après une procédure contradictoire, constate des évolutions patrimoniales pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications satisfaisantes, elle transmet le dossier de l’intéressé à l’administration fiscale.

« La déclaration de situation patrimoniale n’est ni versée au dossier du magistrat, ni communicable aux tiers.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le modèle et le contenu de la déclaration, et ses modalités de dépôt et de conservation.

Article 4

Après l’article 7-3 de la même ordonnance il est inséré un article 7-4 ainsi rédigé :

« Art. 7-4. – La commission de recueil des déclarations de patrimoine des magistrats de l’ordre judiciaire visée à l’article 7-3 est présidée par un magistrat honoraire de l’ordre judiciaire, ou son suppléant magistrat honoraire de l’ordre judiciaire, élus par l’assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation.

« Elle comprend en outre :

« – un conseiller d’État ou son suppléant, élus par l’assemblée générale du Conseil d’État ;

« – un conseiller maître à la Cour des comptes ou son suppléant, élus par la chambre du conseil de cette cour ;

« – deux personnalités qualifiées et un suppléant, nommés par décret.

« Les membres de la commission sont nommés pour trois ans renouvelables une fois.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »

Article 5

I. – Dans l’année qui suit la date de la publication de la présente loi, les magistrats en fonction à cette date ont un entretien déontologique dans les conditions prévues à l’article 7-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

II. – Dans les deux mois qui suivent la date d’entrée en vigueur du décret mentionné à l’article 3, les magistrats mentionnés à cet article établissent une déclaration patrimoniale selon les modalités prévues par le même article.

Fait à Paris, le 24 juillet 2013.

Signé : Jean-Marc AYRAULT

Par le Premier ministre :
La garde des sceaux, ministre de la justice


Signé :
Christiane TAUBIRA


© Assemblée nationale