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Description : marianne_couleur

PROJET DE LOI

relatif à la prévention de la récidive

et à l’individualisation des peines

NOR : JUSX1322682L/Bleue-1

ETUDE D’IMPACT

7 Octobre 2013

Sommaire

1. ETAT DES LIEUX ET DIAGNOSTIC DE L’EXISTANT 7

1.1. Un droit général de la peine marque par un developpement recent de l’automaticité avec les peines minimales. 7

1.1.1. L’évolution du droit de la peine 7

1.1.2. La création des peines minimales est revenue sur ce principe d’individualisation 11

1.1.3. Le cadre constitutionnel 16

1.1.4. Le cadre juridique européen 16

1.2. L’absence d’une véritable peine de contrainte penale dans l’éventail actuel des peines 17

1.2.1. Etat du droit et de son application 17

1.2.2. Cadre constitutionnel 30

1.2.3. Articulation avec le droit européen 31

1.3. L’exécution de la peine 35

1.3.1. Etat du droit et de son application 35

1.3.2. Cadre constitutionnel 55

1.3.3. Articulation avec le droit européen 56

2. OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE PROJET DE LOI 60

2.1. Construire un droit de la peine lisible et cohérent favorisant l’individualisation de la sanction 63

2.1.1. Dépasser l’hégémonie de la peine d’emprisonnement 63

2.1.2. Donner une définition cohérente de la fonction de la peine 69

2.1.3. Supprimer les peines minimales 71

2.1.4. Favoriser le recours aux modes de personnalisation de la peine 71

2.1.5. Favoriser l’ajournement de la peine afin d’améliorer la connaissance de la personnalité du prévenu 71

2.2. Mettre en place un régime d’application et d’exécution des peines renforçant leur efficacité 73

2.2.1. Affirmer plus clairement les principes généraux de l’exécution de la peine et les droits des victimes 73

2.2.2. Conforter les services concourant à la prévention de la récidive, aux côtés de la Justice 74

2.2.3. Renforcer les pouvoirs des forces de l’ordre 75

2.2.4. Créer une nouvelle procédure pour développer les sorties sous contrainte 76

2.2.5. Créer une nouvelle peine permettant un suivi renforcé 77

2.2.6 Recentrer les procédures d’aménagement de peines avant leur mise à exécution 78

3. OPTIONS 80

3.1. Assurer le respect du principe d’individualisation des peines 80

Ø Option 1 : Maintien du droit existant 80

Ø Option retenue : l’abrogation des peines minimales 81

3.2. Instituer une peine de contrainte pénale 81

3.2.1. La peine de contrainte pénale, peine alternative ou peine principale ? 81

Ø Option 1 : la peine de contrainte pénale, une peine principale au lieu et place de l’emprisonnement pour certains délits. 81

Ø Option retenue : la peine de contrainte pénale, une peine alternative à l’emprisonnement. 82

3.2.2. Coexistence de la peine de contrainte pénale avec les autres peines alternatives à l’emprisonnement 82

Ø Option 1 : suppression des peines alternatives autonomes qui seraient intégrées dans la peine de contrainte pénale. 83

Ø Option retenue : intégration de certaines peines alternatives dans la peine de contrainte pénale et maintien des autres peines alternatives 84

3.2.3. Peine de contrainte pénale et SME 85

Ø Option 1 : Suppression totale du SME et création de la peine de contrainte pénale 85

Ø Option retenue: Coexistence de la peine de contrainte pénale et du sursis avec mise à l’épreuve dans un premier temps. 86

3.2.4. Peine de contrainte pénale et surveillance électronique 86

Ø Option 1 : la surveillance électronique peut être prononcée dans le cadre d’une peine de contrainte pénale 86

Ø Option retenue : la surveillance électronique ne peut pas être prononcée dans le cadre d’une peine de contrainte pénale 87

3.2.5. Options concernant la sanction du non-respect de la peine de contrainte pénale 87

Ø Option 1. Création d’un délit spécifique 87

Ø Option 2. Fixation de l’emprisonnement encouru par la juridiction de condamnation 88

Ø Option retenue : Fixation par la loi du maximum de l’emprisonnement encouru, en proportion de la durée de la contrainte pénale. 88

3.3. Améliorer l’efficacité du processus d’exécution de la peine 90

3.3.1. L’application d’une mesure de libération sous contrainte 90

Ø Option 1 : un examen systématique pour les courtes peines et une libération conditionnelle de plein droit pour les longues peines 91

Ø Option 2 : une libération sous contrainte de plein droit pour toutes les personnes condamnées 91

Ø Option 3 : une libération sous contrainte de plein droit pour les courtes peines et un examen systématique de la libération conditionnelle selon les modalités classiques pour les longues peines 91

Ø Option retenue : un examen systématique pour toutes les peines 92

3.3.2. L’application d’une mesure de libération sous contrainte quand une personne exécute plusieurs peines 92

Ø Option 1 : l’éligibilité à la mesure est calculée en considération de la peine la plus sévère prononcée 92

Ø Option 2 : l’éligibilité à la mesure est calculée à partir d’un reliquat de peine à exécuter 92

Ø Option retenue : l’éligibilité est calculée à partir du cumul de peines portées à l’écrou 92

3.3.3. L’application de la mesure de libération sous contrainte pour les courtes peines 93

Ø Option 1 : les peines d’une durée inférieure à une certaine durée sont écartées 93

Ø Option retenue : toutes les peines, mêmes celles d’une très courte durée, entrent dans le champ d’application de la mesure 93

3.3.4. Le temps d’épreuve avant de bénéficier d’une mesure de libération sous contrainte 94

Ø Option 1 : temps d’épreuve à la mi-peine 94

Ø Option retenue : temps d’épreuve aux deux-tiers de peine 94

3.3.5. L’autorité compétente pour prononcer la mesure de libération sous contrainte 94

Ø Option 1 : l’octroi de la mesure est confié à l’administration pénitentiaire 94

Ø Option 2 : l’octroi de la mesure est confié au parquet 94

Ø Option retenue : l’octroi de la mesure est confié au juge de l’application des peines 95

3.3.6. La procédure applicable à la mesure de libération sous contrainte 95

Ø Option 1 : l’octroi de la mesure à l’issue d’un débat contradictoire 95

Ø Option retenue : la création d’une procédure spécifique dédiée aux mesures de retour progressif à la liberté reposant sur les commissions de l’application des peines 95

3.3.7. La définition de critères pour bénéficier d’une mesure de libération sous contrainte 96

Ø Option 1 : soumettre l’octroi d’une libération sous contrainte aux mêmes critères que pour l’octroi d’un aménagement de peine 96

Ø Option retenue : une mesure décidée indépendamment des critères habituels des aménagements de peine 96

3.3.8. Le contenu de la mesure de libération sous contrainte 96

Ø Option 1 : une mesure autonome avec des obligations propres 96

Ø Option retenue : le contenu de la mesure est identique à celui des mesures d’aménagement de peine classique. 97

3.3.9. Les conditions d’octroi de la mesure de libération sous contrainte 97

Ø Option 1 : l’accès à la mesure est de plein droit, sauf impossibilité absolue 97

Ø Option retenue: l’octroi de la mesure est laissée à l’appréciation du JAP 97

3.3.10. Le suivi de la mesure de libération sous contrainte 98

Ø Option 1: le suivi, le contrôle et la sanction de la mesure de libération sous contrainte s’exercent selon des modalités différentes de celles existant à l’heure actuelle pour ce type d’aménagement de peine 98

Ø Option retenue: le suivi, le contrôle et la sanction de la mesure de libération sous contrainte s’exercent selon les mêmes modalités que celles existant à l’heure actuelle pour ce type d’aménagement de peine 98

3.3.11. Le sort de la SEFIP et de la procédure simplifiée d’aménagement de peine (PSAP) 98

Ø Option 1 : maintien de la PSAP et de la SEFIP ou de l’une des deux 98

Ø Option retenue : suppression de la PSAP et de la SEFIP 99

4. IMPACTS 100

4.1. L’impact sur l’ordonnancement juridique 100

4.2. L’impact sur les peines prononcees et leur execution 101

4.2.1. Dispositions favorisant l’individualisation de la peine 101

4.2.2. La création de la peine de contrainte pénale 103

4.2.3. La libération sous contrainte 104

4.2.4. La suppression de la procédure simplifiée d’aménagement de peine – PSAP - et de la surveillance électronique de fin de peine - SEFIP 104

4.2.5. La modification des conditions d’aménagement des peines d’emprisonnement 104

4.3. Impact sur les personnes placees sous main de justice 105

4.3.1. Impacts sur les personnes détenues 105

4.3.2. Impacts sur les personnes suivies en milieu ouvert 107

4.4. Impact sur les victimes 110

4.5. Impact sur les finances publiques 110

4.5.1. Impact sur les juridictions 110

4.5.2. Impact sur les services pénitentiaires 112

4.5.3. Impact sur les services de la protection judiciaire de la jeunesse 114

4.5.4. Impact sur les services de police et de gendarmerie 115

4.5.5. Impact sur les outils informatiques du ministère de la Justice 117

4.5.6. Impact sur l’aide juridictionnelle 118

4.6. Impact sur l’égalité femmes – hommes 118

4.7. Impact sur les personnes handicapées 119

4.8. Impact sur les collectivités territoriales 119

4.9. Impact sur les entreprises 119

5. CONSULTATIONS ET MODALITES D’APPLICATION 120

5.1. Consultations 120

5.1.1. Consultations obligatoires 120

5.2.2. Consultations facultatives 120

5.2. Application dans l’espace 121

5.3. Application dans le temps 122

5.3.1. Entrée en vigueur de la loi 122

5.3.2. Textes réglementaires d’application 123

L’étude d’impact s’attachera à présenter l’état du droit et le diagnostic de l’existant, les objectifs poursuivis par la réforme, ainsi que les options qui ont été envisagées. Les impacts du projet de texte seront étudiés en détail en partie 4. Les processus de consultation sont présentés par la suite.

1. ETAT DES LIEUX ET DIAGNOSTIC DE L’EXISTANT

La présentation de l’état du droit en matière de peine exige d’examiner successivement le droit général de la peine résultant des principes généraux applicables en la matière, la typologie des peines existant au regard de la question de l’existence d’une peine de contrainte pénale, et enfin la question de l’exécution de la peine.

1.1. Un droit général de la peine marque par un developpement recent de l’automaticité avec les peines minimales.

1.1.1. L’évolution du droit de la peine

1.1.1.1. La longue affirmation du principe d’individualisation

Le régime des peines que nous connaissons aujourd’hui est le fruit d’une longue évolution marquée par la progression de ce que certains auteurs identifient comme le « projet pénal républicain »1.

Souhaitant rompre avec l’arbitraire répressif de l’ancien droit pénal, les Constituants avaient introduit dans le premier code pénal de 1791 un principe de fixité des peines ôtant toute appréciation au juge pénal dans le choix de la peine.

Assez rapidement toutefois, le principe d’individualisation des peines tel qu’il sera formalisé et systématisé par Raymond Saleilles à la toute fin du XIXème siècle2, s’impose chez les continuateurs du projet pénal républicain comme le prolongement logique de l’exigence de proportionnalité des peines proclamée en 1789, afin d’éviter que ne se substitue à l’arbitraire du juge celui de la loi. Promue par les juristes et réformateurs libéraux la grande loi du 28 avril 1832 introduit le mécanisme des circonstances atténuantes, qui permet à la juridiction de déroger, au vu de la personnalité de l’accusé ou des circonstances de l’infraction, aux peines minimales prévues par le code pénal3. La loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée et l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante généraliseront cette exigence au droit pénal des mineurs, tandis que la loi du 11 juillet 1975 impose la modulation de la peine d’amende en fonction des ressources du condamné4.

Les lois n°75-624 du 11 juillet 1975 et n°83-466 du 10 juin 1983 vont donner une ampleur nouvelle au principe d’individualisation en introduisant les peines alternatives à l’emprisonnement. Le code pénal de 1994 viendra consacrer cette évolution en supprimant les peines minimales en matière correctionnelle et en posant les prémices du principe de subsidiarité de la peine privative de liberté.

L’article 132-24 a ainsi consacré ce principe d’invidualisation de la peine en prévoyant que « Dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce une peine d'amende, elle détermine son montant en tenant compte également des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction. ».

La loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 lui adjoint un deuxième alinéa aux termes duquel « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné ».

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a introduit un troisième alinéa précisant « en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28. ».

1.1.1.2. Un droit commun de la peine préservant l’individualisation de la sanction

La grande variété des peines pouvant aujourd’hui être prononcées par le juge pénal témoigne de la volonté du législateur de favoriser l’individualisation de la sanction. Si cette variété sera plus précisément décrite au 1.2 de la présente étude d’impact – au regard notamment de la création de la nouvelle peine de contrainte pénale - une présentation générale est ici nécessaire pour mieux exposer le principe d’individualisation.

Ainsi, aux termes de l’article 131-1 du code pénal, les peines criminelles sont la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité ou à temps, d’une durée de quinze à trente ans. Aux termes de l’article 131-3 du code pénal, les peines correctionnelles sont, dans l’ordre de présentation de cet article :

- l'emprisonnement, d’un quantum de deux mois à 10 ans,

- l'amende, le jour-amende,

- le stage de citoyenneté,

- le travail d'intérêt général,

- les peines privatives ou restrictives de droits,

- les peines dites complémentaires que sont, notamment, non seulement l’interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit, l’immobilisation ou la confiscation d'un objet, d'un animal, la fermeture d'un établissement, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, mais aussi, par exemple, le suivi socio-judiciaire.

- la sanction-réparation.

Aux termes de l’article 131-12 du code pénal, les peines contraventionnelles sont l'amende, les peines privatives ou restrictives de droits prévues et la peine de sanction-réparation.

Le régime des peines, c’est-à-dire les règles applicables à leur prononcé, s’articule autour de deux grands principes :

1) Le non-cumul : en vertu des articles 132-2 et suivants du code pénal, quand une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction, chacune des peines encourues peut être prononcée. Toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé.

2) L’individualisation : la sanction pénale doit être modulée afin de correspondre à la gravité relative des faits et notamment à la personnalité de son auteur. Ainsi la juridiction est en principe libre quant au choix de la nature de peine. Elle peut prononcer à titre de peine principale une peine alternative ou complémentaire (article 131-8 du code pénal).

Les articles 132-19 et 132-20 du code pénal disposent par ailleurs que le tribunal peut toujours, en matière correctionnelle, prononcer une peine d’emprisonnement ou d’amende inférieure au quantum encouru pour tel ou tel délit. En matière criminelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement inférieure à deux ans quand l’infraction est passible de la réclusion criminelle à perpétuité et à un an quand l’infraction est passible de la réclusion criminelle à temps (article 132-18 du code pénal).

L’exigence d’individualisation revêt une importance particulière s’agissant des peines privatives de liberté. Ainsi, la peine d’emprisonnement peut, en premier lieu, être assortie du sursis, c’est-à-dire n’être mise à exécution que si le condamné commet de nouvelles infractions ou ne respecte pas le cadre judiciaire qui lui a été imposé.

Lorsque la personne n’a pas été condamnée, au cours des cinq années précédentes, à une peine privative de liberté, l’emprisonnement peut être assorti d’un sursis dit « simple », régi par les articles 132-29 à 132-39 du code pénal. En ce cas, la peine n’est mise à exécution que si, dans les cinq ans suivant la date où la condamnation est devenue définitive, la personne commet un nouveau délit.

Dans les autres cas, la peine peut, en application des articles 132-40 à 132-53 du code pénal, être assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou avec l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, comportant l’obligation pour le condamné de respecter les mesures de contrôle générales du service pénitentiaire d’insertion et de probation ou du service en charge de la mesure et des obligations générales et particulières fixées par la juridiction de jugement et, le cas échéant, par le juge de l’application des peines (JAP). Si la personne commet une nouvelle infraction ou ne respecte pas ses obligations, le sursis peut être révoqué, entraînant la mise à exécution totale ou partielle de l’emprisonnement.

La peine privative de liberté peut enfin faire l’objet d’une mesure d’aménagement afin de préserver l’insertion sociale et professionnelle du condamné. C’est ainsi que l’emprisonnement peut être exécuté sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, ou placement sous surveillance électronique (articles 132-25 à 132-26-3 du code pénal ). Pour des raisons d’ordre médical, familial ou professionnel, l’emprisonnement peut en outre être fractionné (articles 132-27 et 132-28 du code pénal).

En matière correctionnelle, les articles 132-58 et suivants du code pénal permettent enfin à la juridiction de jugement, après déclaration de culpabilité, d’ajourner le prononcé de la sanction, mais uniquement quand elle envisage de prononcer une dispense de peine à l’égard du condamné.

1.1.1.3 Le principe d’individualisation trouve son corollaire dans le principe de subsidiarité de l’emprisonnement tel qu’il s’affirme dans notre législation depuis la création des peines alternatives

A partir du début des années 1970, le législateur cherche à rendre juridiquement exceptionnel le recours à la peine privative de liberté. Cette subsidiarité de l’emprisonnement s’appuie, en premier lieu, sur l’introduction de peines expressément qualifiées d’alternatives à l'emprisonnement. Ainsi, la loi n°75-624 du 11 juillet 1975 introduit le principe selon lequel « lorsque l’auteur d’un délit encourt, soit de plein droit, soit par l’effet d’une condamnation obligatoire ou facultative, une sanction pénale autre que l’emprisonnement ou l’amende, cette sanction peut être prononcée à titre de peine principale »5.

A partir de cette date, l’arsenal des sanctions alternatives ne va cesser de s’enrichir, depuis la loi n°83-466 du 10 juin 1983 créant le travail d’intérêt général et la peine de jour-amende, jusqu’à la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui introduit la peine de sanction-réparation, en passant par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 qui introduit le stage de citoyenneté.

La subsidiarité de l’emprisonnement s’appuie en deuxième lieu sur l’introduction progressive de régimes d'exécution des peines privatives de liberté ayant vocation à limiter l'incarcération effective du condamné. Instaurés par la loi du 19 juillet 1970, la semi-liberté et le placement à l'extérieur se donnent ainsi explicitement pour objectif de permettre au condamné d’exécuter sa peine « hors les murs ». Cette forme particulière d’écrou sera étendue par la loi n°97-1159 du 19 décembre 1997 qui institue le placement sous surveillance électronique, avant que la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 ne vienne instaurer le principe de l’aménagement de toute peine d’emprisonnement n’excédant pas un an – la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 portant ce seuil à deux ans.

Tout en consacrant cette nouvelle architecture de la peine, le code pénal de 1994 va donner une dernière assise au principe de subsidiarité de l’emprisonnement. D’une part il supprime, pour un temps, les peines de prison minimales encourues au titre de telle ou telle infraction. D’autre part et surtout, il pose l'obligation pour le juge de motiver spécialement toute peine d'emprisonnement supérieure à un an quand elle est prononcée sans sursis6. Depuis un arrêt du 10 novembre 2010, faisant une interprétation extensive du troisième alinéa de l’article 132-24 du code pénal, la Cour de cassation exige en outre des juges du fond qu’ils motivent spécialement l’impossibilité de l’assortir du sursis ou de procéder à son aménagement avant de prononcer une peine d’emprisonnement ferme7. Ainsi s’affirme, par différentes dispositions, le principe selon lequel la peine privative de liberté ne doit être prononcée qu’en dernier recours, lorsqu’il est démontré qu’aucune autre sanction n’est possible.

1.1.2. La création des peines minimales est revenue sur ce principe d’individualisation

La loi n°2007-1198 du 10 août 2007 a introduit des peines d’emprisonnement minimales encourues en cas de récidive8 . Initialement réservée aux seules infractions commises en état de récidive légale, ce dispositif a ensuite été étendu par la loi n°2011-627 du 14 mars 2011 aux délits de violences volontaires et d’embuscade.

La loi a fortement limité les choix du juge dans la détermination de la peine et de son quantum. C’est en matière correctionnelle que ces dispositions sont les plus nombreuses et les plus complexes.

1) Limitations concernant le quantum de l’emprisonnement

Limitations applicables en cas de récidive légale

L’article 132-19-1 du code pénal prévoit que lorsqu’une personne est condamnée en récidive légale pour un délit passible d’au moins trois ans d’emprisonnement, la peine d’emprisonnement prononcée ne peut plus être inférieure à un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement, deux ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement, trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement et quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement.

La juridiction peut toutefois, par décision spéciale et motivée, prononcer une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou de ses garanties d'insertion ou de réinsertion.

Malgré la possibilité donnée au juge de déroger à ces règles, elles sont dans leur principe très contestables, du fait de leur caractère général. Limitations applicables en cas de délits violents, même en l’absence de récidive.

L’article 132-19-2 dispose qu’en ce qui concerne les délits de violences volontaires et d'embuscade la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure à dix-huit mois, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement et à deux ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement.

Là encore, la juridiction peut toutefois prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou de ses garanties d'insertion ou de réinsertion.

Sur la période 2007-2011, environ 43 000 peines planchers auront été prononcées.

Ø Baisse régulière du taux de peines minimales (TPM)

Les évolutions montrent que le taux de prononcé des peines minimales pour les délits commis par des majeurs9 diminue depuis l’adoption de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Il est passé environ de la moitié à un tiers du total des situations « éligibles ». Il était de 50% en 2007 (sur 5 mois) et a décru chaque année : 43% en 2008, 41% en 2009, 38% en 2010 et 37% en 2011.

Ø Fort taux de prononcé des peines minimales sur les infractions délictuelles de moindre gravité

Le tableau suivant présente les condamnations prononcées avant la loi (de 2003 à 2006), pour des infractions encourant au moins 3 ans, commises en récidive après le 11 août 2002 et les condamnations éligibles prononcées après la loi (entre 2008 et 2011).

Taux de peines minimales prononcées contre des infractions commises en récidive dans les périodes 2003-2006 et 2008-2011 selon la peine encourue (juridictions criminelles et correctionnelles majeurs).

quantum encouru

encouru minimal

Taux de peines minimales 2003-2006

Taux de peines minimales 2008-2011

3ans

1 an

13,8%

44,1%

5 ans

2 ans

6,4%

35,8%

7 ans

3 ans

7,0%

37,5%

10 ans

4 ans

9,0%

37,0%

15 ans

5 ans

100,0%

100,0%

20 ans

7 ans

91,5%

89,2%

30 ans

10 ans

86,4%

59,1%

perpétuité

15 ans

75,0%

76,9%

ensemble

 

9,4%

39,4%

Source : Casier judiciaire national-PEPP

Le taux de peines planchers constaté, avant comme après la loi, est maximal pour les délits encourant 3 ans (13,8 % avant et 44 % après) et sensiblement inférieur pour les autres délits. Le tableau permet également de constater l’impact important de la loi sur le prononcé de peines minimales pour l’ensemble des délits,

En matière criminelle, aucun impact n'est perceptible, mais ce résultat appelle cependant deux commentaires. D'une part, les peines minimales prévues en matière criminelle sont faibles, comparativement aux peines effectivement prononcées. D'autre part, le nombre de crimes éligibles (commis en récidive après le 11 août 2007) jugés entre 2008 et 2011 est trop faible pour être réellement significatif. Ces crimes, nécessairement jugés très rapidement après les faits, ne sauraient, en outre, être représentatifs de l'ensemble des crimes jugés sur la période.

Ø Un impact plus net sur les infractions de vols, destructions-dégradations et infractions à la législation sur les stupéfiants.

Si le taux de peines planchers est maximal en matière d'atteintes aux personnes : 62,2 % pour les délits sexuels et 55,2 % pour les violences et menaces, il est également élevé pour les escroqueries et infractions économiques et financières (39 %). Surtout, l'impact de la loi est particulièrement important en matière de vols, de destructions-dégradations ou d'infractions à la législation sur les stupéfiants, contentieux pour lesquels ce niveau de peine était extrêmement rare (5 à 8  % des cas) et tend à se généraliser (1 cas sur 3 aujourd'hui).

Juridictions correctionnelles majeurs, condamnations en récidive d'infraction éligibles et taux de peines minimales prononcées dans les périodes 2003-2006 et 2008-2011 selon le type d’infraction.

Nature de l'infraction

Condamnations

2003-06

TPM 2003-06

Condamnations 2008-11

TPM 2008-11

Infractions sexuelles

349

43,6%

579

62,2%

Violences et menaces

7 136

19,7%

24 584

55,2%

Escroqueries et éco-fi

1 691

11,3%

3 867

39,0%

Infractions sur les stupéfiants

4 503

7,9%

9 474

34,9%

Vols, recels

34 593

6,6%

57 840

34,6%

Police des étrangers, nomades

236

14,4%

316

32,6%

Autres

74

13,5%

172

28,5%

Destructions, dégradations

591

4,6%

1 349

27,0%

Commerce et transport d'armes

288

9,7%

675

21,6%

Homicides et blessures involontaires

512

18,8%

579

21,4%

Circulation routière

374

7,8%

1 981

14,2%

Toutes

50 347

9,2%

101 416

39,3%

Source : Casier judiciaire national-PEPP

Ø Augmentation de la durée moyenne d’emprisonnement

La fréquence du recours à l'emprisonnement est proche de 94 % avant comme après la loi. La loi du 10 août 2007 n’a donc pas entraîné un recours plus important aux peines d’emprisonnement, qui étaient déjà très majoritaires pour les condamnations pour des délits commis en récidive. En revanche, lorsque de l’emprisonnement est prononcé10, le quantum moyen a augmenté de 6 mois (+63 %), ce qui correspond à la logique même de la peine minimale. L’augmentation est également importante si on ne retient que la part ferme de l’emprisonnement prononcé, puisque le quantum moyen passe de 8,7 à 11,3 mois.

Le recours plus fréquent au sursis total (+3 points de 11,6% à 14,6 %) et plus généralement au sursis avec mise à l’épreuve (47% des condamnations à emprisonnement contre 25% avant la loi) s’explique par la volonté des juridictions d'atténuer l'impact de l'accroissement du quantum.

Ø Une hausse du nombre d'années d'emprisonnement ferme prononcées : évaluation

Afin d’évaluer l’impact des peines minimales sur le nombre total d’années d’emprisonnement ferme, le tableau suivant compare les résultats observés des années 2008 à 2011 ("observé") avec ceux ("virtuel") qui auraient été obtenus, sur la même base, mais avec les taux d’emprisonnement ferme et quanta moyens de la période 2003-2006. L'accroissement du quantum moyen d'emprisonnement ferme prononcé aurait alors provoqué une augmentation de plus de 15 000 années le volume total prononcé sur la période.

Juridictions correctionnelles majeurs : évaluation de l'impact sur le nombre d'années de prison ferme prononcées

 

peines 2008-2011

 

observé

virtuel

écart

condamnations

101 416

101 416

0

Taux d'emprisonnement

93,8%

93,9%

-0,1 points

Part des condamnations à emprisonnement comprenant un quantum ferme

85,4%

88,4%

-3 points

Quantum moyen d'emprisonnement

15,5

9,5

+6 mois

Quantum ferme moyen

11,3

8,7

+2,6 mois

Nombre de condamnations à emprisonnement comprenant un quantum ferme

81 239

84 183

-2 943

Quantum ferme total (en années)

76 501

61 033

+15 468 ans

Source : Casier judiciaire national-PEPP

En conséquence, cette projection artificielle fondée sur une équivalence des structures de condamnations entre les deux périodes permet de considérer que la loi du 10 août 2007 a accru la durée globale d’emprisonnement prononcée par les juridictions françaises.

2) Limitation du choix de la peine (obligation de prononcer l’emprisonnement) et de son quantum en cas de deuxième récidive

L’article 132-19-1 prévoit que lorsqu’un délit violent ou particulièrement grave (violences volontaires, délit commis avec la circonstance aggravante de violences, agression ou atteinte sexuelle, délit puni de dix ans d'emprisonnement) est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction ne peut pas prononcer une peine autre que l’emprisonnement, ni déroger aux seuils minimaux rappelés ci-dessus, sauf si l'accusé présente « des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. »

Comme les précédentes, cette règle s’applique quelle que soit les circonstances et la gravité réelle de l’infraction. L’économie générale de ces dispositions peut ainsi conduire mécaniquement au prononcé de sanctions démesurées, car les possibilités données au juge pour y déroger sont extrêmement réduites.

Par exemple, une personne condamnée dix ans auparavant pour vol simple, puis cinq auparavant pour vol simple en récidive, et qui est à nouveau poursuivie pour vol commis avec trois circonstances aggravantes, comme un vol commis dans les couloirs du métro, en réunion, et suite au bris d’un distributeur automatique11, doit en pratique obligatoirement être condamnée à au moins quatre ans d’emprisonnement, dès lors qu’elle se trouve sans travail ou sans domicile.

La seule solution pour les juridictions consiste dans de tels cas – sauf à ne pas retenir l’état de récidive ou à sous-qualifier les faits - à prononcer la peine d’emprisonnement exigée par la loi, mais en l’assortissant pour sa majeure partie d’un sursis avec mise à l’épreuve même si la personnalité du condamné ne le justifie pas. Ces sursis avec mise à l’épreuve viennent alors encombrer les cabinets des juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation, obérant la capacité de ceux-ci à prendre en charge de façon efficace les condamnés nécessitant un suivi.

Le jury de la conférence de consensus dans son rapport du 20 février 2013 et les auteurs du rapport d’information parlementaire sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale du 23 janvier 2013 rappellent que ce dispositif n’a pas eu d’effet démontré sur la réduction du risque de récidive, voire l’a accru

Il favorise l’emprisonnement, qui ne constitue pas toujours la réponse la plus adaptée pour lutter contre la récidive. La principale étude réalisée en France en 2011 sur la récidive des personnes condamnées établit que 63% des personnes sortant de prison sans aménagement de peine font à nouveau l’objet d’une condamnation dans les cinq années qui suivent la libération. Ce taux est de 55 % pour les personnes libérées dans le cadre d’un aménagement de peine sous écrou (placement à l’extérieur, semi-liberté ou surveillance électronique) et de 39 % pour les sortants en libération conditionnelle. Il est de 45 % pour les personnes condamnées à une peine alternative - sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général12. Or si elle n’a pas augmenté la fréquence du recours à l'emprisonnement, la réintroduction des peines minimales a en particulier, produit une augmentation mécanique du quantum moyen des peines d’emprisonnement sans sursis ni aménagement, passant de 8,7 mois sur la période 2003-2006 à 11,3 mois sur la période 2008-2011.

Les contradictions qui affectent aujourd’hui le régime de la peine résultent pour partie de l’absence de définition explicite de son sens et de ses fonctions dans notre ordre juridique. Seul texte à évoquer le principe d’individualisation, l’article 132-24 figure aujourd’hui dans une section du chapitre II alors qu’il a vocation à gouverner le prononcé de la sanction pénale dans son ensemble.

1.1.3. Le cadre constitutionnel

Dans les grands instruments supra-législatifs encadrant le droit de punir, figurent les dispositions visant à garantir le respect des garanties fondamentales du justiciable dans le temps du procès pénal. Intégrée au « bloc de constitutionnalité » en 1971, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen affirme les principes de légalité, de non-rétroactivité et de proportionnalité des peines13.

Le Conseil constitutionnel a récemment reconnu, sur ce fondement, une valeur constitutionnelle au principe d'individualisation de la peine tel qu'il s'est affirmé en doctrine puis dans notre législation depuis 183214, tout en précisant que ce principe « ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions. Il n'implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l'auteur de l'infraction »15.

1.1.4. Le cadre juridique européen

La Convention européenne des droits de l'homme reprend, s’agissant du droit de la peine, les garanties énoncées par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en y ajoutant celle, rattachée au droit à un procès équitable, du nécessaire contrôle juridictionnel de la répression16.

Si la Cour européenne des droits de l’homme s’attache dans sa jurisprudence à contrôler la légalité et la proportionnalité des sanctions pénales qui lui sont soumises, elle n’a jamais été amenée à se prononcer sur le sens et les fonctions de la peine. C’est pourquoi elle définit l’exigence d’individualisation de la peine avant tout comme « la nécessité d’un contrôle par les autorités judiciaires internes de la proportionnalité de la restriction légale litigieuse à la lumière des particularités de chaque espèce »17.

Sans définir explicitement le sens et les fonctions de la peine, l'ensemble des dispositions constitutionnelles et européennes dessinent, en creux, le sens d'une pénalité attachée à l'idée de légalité, de proportionnalité de la répression et d'amendement de la personne condamnée.

Elles invitent en conséquence à rompre avec l’incohérence actuelle du droit de la peine en affirmant une conception pleinement cohérente d’un droit de la peine fondé sur l’individualisation.

1.2. L’absence d’une véritable peine de contrainte penale dans l’éventail actuel des peines

1.2.1. Etat du droit et de son application

L’institution par le projet de loi d’une nouvelle peine de contrainte pénale, directement inspirée des recommandations de la conférence de consensus, justifie de présenter de façon précise la typologie des peines existantes.

Le gouvernement a choisi de mener une réforme d’ampleur portant une véritable modernisation du droit des peines et de leurs modalités de mise en œuvre, s’inscrivant dans la tradition d’humanisme pénal et d’individualisation et évaluant leur efficacité à atteindre l’objectif de prévention des risques de récidive. La création de la nouvelle peine de contrainte pénale, de même que les autres dispositions du projet de loi, s’inscrivent dans ce contexte. Cependant, il apparaît nécessaire de procéder par étapes. C’est pourquoi, dans un premier temps, la nouvelle peine de contrainte pénale, telle que créée par chapitre 3 du présent projet de loi, a vocation à s’ajouter à titre de peine alternative aux peines correctionnelles susceptibles d’être prononcées par une juridiction correctionnelle à l’encontre des personnes physiques lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans. A l’issue d’une période de trois années – nécessaire pour apprécier l’intégration effective de cette peine dans les pratiques des acteurs judiciaires, principalement par les magistrats de l’application des peines et par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, de même que sa valeur ajoutée en termes de prévention des risques de récidive – une évaluation sera finalisée afin de déterminer s’il convient de maintenir cette coexistence ou, au contraire, de substituer à l’ensemble, ou en partie, des autres peines alternatives la nouvelle peine de contrainte pénale, ainsi qu’au SME.

En fonction des résultats de cette évaluation, la question se posera d’une révision et d’une simplification de l’architecture générale du droit des peines.

Ces évolutions sont nécessaires, tant la peine d’emprisonnement occupe toujours une place centrale dans notre système pénal.

1.2.1.1. Le constat d’une place prépondérante de la peine d’emprisonnement dans les peines prononcées

La peine d’emprisonnement, sous toutes ses modalités, occupe une place centrale dans notre système pénal. La suppression des châtiments corporels à la Révolution française, la suppression de la peine de relégation et de transportation en 1938 et de l'abolition de la peine de mort en 1981 ont donné à la privation de liberté le statut de peine de référence. Tout crime et délit est en premier lieu puni d'une peine privative de liberté. Les autres peines prévues par le code pénal ont une place accessoire. Il suffit pour s'en convaincre de prendre connaissance de la part des peines d’emprisonnement parmi les peines prononcées. En 201118, 290 000 peines d’emprisonnement ont été prononcées représentant 48 % de l’ensemble des condamnations.

En excluant les ordonnances pénales, procédure qui ne permet pas le prononcé d’un emprisonnement, les peines d’emprisonnement sont alors prononcées dans 63% des condamnations qui se divisent en 26% de condamnations avec une peine d’emprisonnement totalement ou partiellement ferme et 37% avec une peine d’emprisonnement totalement assortie du sursis.

Evolution des peines prononcées et inscrites au CJN (toutes peines confondues sauf compositions pénales)

 

1997

2000

2005

2010

2011

condamnations

545 827

582 923

618 010

609 992

603 994

Peines privatives de liberté

295 704

284 841

320 894

303 893

290 293

Amendes

254 362

300 039

285 667

285 546

290 933

Autres

217 683

243 891

246 849

268 706

282 188

Nombre de peines

767 749

828 771

853 410

858 145

863 414

Peines privatives de liberté pour 100 condamnations

54

49

52

50

48

amendes pour 100 condamnations.

47

51

46

47

48

Autres peines pour 100 condamnations.

28

29

29

31

33

Peines pour 100 condamnations

141

142

138

141

143

Répartition des différentes peines principales (hors compositions pénales)

En outre, les juridictions prononcent de nombreuses peines d’emprisonnement de courte durée (inférieure à un an). Comme exposé ci-dessous, le législateur a dans un premier temps diversifié les réponses pénales.

Il a ensuite cherché à favoriser des modalités d’exécution de la peine d’emprisonnement hors les murs de la prison par :

- une quasi automaticité de l’aménagement par le JAP des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à deux ans (un an en cas de récidive) prononcées sans mandat de dépôt, préalablement à toute incarcération, sur le fondement de l’article 723-15 du code de procédure pénale (loi 2004-204 du 9 mars 2004 modifié par la loi 2009-1436 du 24 novembre 2009) ;

- une incitation dans la loi à l’aménagement ab initio par la juridiction de jugement, des peines d’emprisonnement prononcées (article 132-24 du code pénal). Cette procédure reste cependant peu utilisée.

Pour autant, l’aménagement par le JAP entraîne une lourdeur procédurale et des délais d'exécution importants. Ainsi, si certaines peines fermes sont immédiatement mises à exécution à l’audience, les autres peines avec reliquat ferme sont exécutées à environ 7 mois pour la moitié d’entre elles. Les tribunaux correctionnels hésitent en outre moins à prononcer des courtes peines d'emprisonnement, considérant qu'elles pourront faire l'objet d'un aménagement. Enfin, la procédure d’aménagement ab initio par la juridiction n’est utilisée que dans des cas très marginaux. Les éléments de personnalité dont disposent les magistrats à l’audience se révèlent à ce titre bien souvent insuffisants pour définir la peine adéquate et les enquêtes sociales rapides telles qu'elles sont conduites actuellement en France répondent très imparfaitement à cette préoccupation.

1.2.1.2. Une large diversité des sanctions pénales avec pour référence la peine d’emprisonnement

Le législateur a cherché toutefois à limiter le recours à l’emprisonnement notamment par la création des peines alternatives (en 1975), l’utilisation du sursis (introduit en 1891), du sursis avec mise à l’épreuve (en 1958) et la création du suivi socio judiciaire (loi du 17 juin 1998). Ces peines conservent toutefois une référence directe et explicite à l’emprisonnement.

Le droit de la peine, particulièrement riche, offre de nombreuses possibilités pour répondre de manière adaptée et graduée à un délit. Cet arsenal n’est toutefois pas dénué de complexité comme en témoigne le tableau ci-dessous :

PEINES

Cadre juridique

Contenu

L’emprisonnement

Article 131-4 du code pénal

La peine maximale encourue en matière correctionnelle est de 10 ans au plus.

La peine d’emprisonnement peut être assortie du sursis simple si le prévenu n’a pas été condamné au cours des 5 années précédant les faits, pour crime ou délit de droit commun, à une peine de réclusion ou d’emprisonnement, même assortie du sursis.

Effet : la peine prononcée avec sursis n’est pas exécutée si le condamné n’est pas à nouveau condamné à une peine d’emprisonnement dans les 5 ans suivant sa première condamnation.

La peine d’emprisonnement peut également être assortie du sursis avec mise à l’épreuve. La juridiction fixe la durée du délai d’épreuve (entre 18 mois et 3 ans) et le condamné doit, au cours de ce délai d’épreuve, satisfaire aux mesures de contrôle et aux obligations fixées par la juridiction l’ayant condamné ou le juge de l’application des peines.

Effet : la peine d’emprisonnement prononcée n’est pas exécutée si le condamné respecte l’ensemble des interdictions et obligations auxquelles il est soumis.

La peine d’emprisonnement peut également être assortie du sursis avec obligation d’accomplir un travail d’intérêt général d’une durée de 20 à 210 heures. Il doit en plus respecter les mesures de contrôle, interdictions et obligations auxquelles il est soumis.

Effet : la peine d’emprisonnement prononcée n’est pas exécutée si le condamné respecte l’ensemble des interdictions et obligations auxquelles il est soumis et s’il exécute le travail d’intérêt général dans le délai imparti.

L’amende

Art.132-20 du code pénal

Lorsqu’une infraction est punie d’une peine d’amende, la juridiction peut prononcer une amende d’un montant inférieur à celle qui est encourue. L’amende peut être prononcée en tout ou en partie sous le bénéfice du sursis simple. Elle peut également être fractionnée.

Les jours-amende

Art.131-5 et 131-25 du code pénal

La peine de jours-amende consiste pour le condamné à verser au Trésor public une somme dont le montant global résulte de la fixation par le juge d’une contribution quotidienne (1000 euros maximum) pendant un certain nombre de jours (360 jours maximum). Le montant global est exigible à l’expiration du délai fixé. Le défaut total ou partiel de paiement entraîne l’incarcération du condamné pour une durée correspondant au nombre de jours-amende impayés. La peine de jours-amende peut être prononcée sous le bénéfice du sursis et peut également être fractionnée.

Le stage de citoyenneté

Art.131-5-1 du code pénal

Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir un stage de citoyenneté, dont l’objet est de lui rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société.

Le travail d’intérêt général

Art.131-8 du code pénal

Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir pour une durée de 20 à 210h un travail d’intérêt général non rémunéré au profit soit d’une personne morale de droit public, soit d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitée à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général. La non-exécution du travail d’intérêt général constitue une nouvelle infraction punie de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Les peines privatives ou restrictives de droits

Art.131-6 du code pénal

Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place de l'emprisonnement, une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté suivantes :

- la suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ;

- l'interdiction de conduire certains véhicules pendant une durée de cinq ans au plus ;

- l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

- la confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

- l'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

- l'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

- la confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

- le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

- l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'émettre des chèques ;

- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;

- l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction ;

- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ;

- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction ;

- l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

Ces peines peuvent également être prononcées, à la place de l’amende, pour les délits qui sont punis seulement d’une peine d’amende.

Les peines complémentaires

Art.131-10 du code pénal

Lorsque la loi le prévoit, un délit peut être sanctionné d’une ou plusieurs peines complémentaires emportant interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou confiscation d'un objet, confiscation d'un animal, fermeture d'un établissement ou affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. Les peines complémentaires les plus fréquemment prononcées sont les suivantes :

- l’interdiction d’émettre des chèques ;

- l’interdiction d’utiliser des cartes de paiement ;

- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;

- la confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

- la confiscation d’une ou plusieurs armes appartenant au condamné ;

- la confiscation de certains de ses biens ;

- l’interdiction de porter une arme ;

- le retrait de permis de chasser ;

- l’interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

- la suspension ou l’annulation du permis de conduire ;

- l’interdiction d’exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale ;

- la fermeture d’un établissement ;

- le retrait définitif de la licence de boissons ou de restaurant ;

- l’interdiction de participer à des marchés publics ;

- l’interdiction d’exploiter des établissements ouverts ou utilisés par le public ;

- l’interdiction de faire appel public à l’épargne ;

- l’affichage ou la diffusion de la décision ;

- l’interdiction du territoire français ;

- l’interdiction de quitter le territoire de la République ;

- l’interdiction de séjour qui emporte défense de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction ;

- le suivi socio-judiciaire qui emporte, pour le condamné, obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive et le seconder dans ses efforts en vue de sa réinsertion sociale ;

- l’interdiction de conduire certains véhicules ;

- l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

Elles sont prononcées, comme leur nom l’indique, en complément de la peine principale.

La sanction réparation

Art.131-8-1 du code pénal

La peine de sanction-réparation consiste, dans un délai et selon les modalités fixés par la juridiction, à l’indemnisation du préjudice de la victime. Avec l’accord de la victime, elle peut être exécutée en nature (ex : remise en état du bien endommagé).

La dispense de peine

Art.132-58 du code pénal

Pour les délits comme pour les contraventions, une dispense de peine peut être accordée lorsqu'il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé. La juridiction qui prononce une dispense de peine peut décider que sa décision ne sera pas mentionnée au casier judiciaire.

Ø Les peines alternatives à l’incarcération

Les peines alternatives à l’emprisonnement ont été introduites dans notre législation par la loi du 17 juillet 1970 pour lutter contre le prononcé des courtes peines d’emprisonnement. Depuis cette date, le législateur a eu une volonté constante d’en étendre les possibilités de prononcé et de les diversifier. Prévues par une disposition de portée générale, ces peines sont susceptibles d’être prononcées à titre principal à la place de l’une des peines principales légalement encourues. Elles peuvent ainsi aujourd’hui être prononcées lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, à la place de l’emprisonnement (article 131-6 du code pénal) mais également à la place de l’amende pour les délits qui sont punis seulement d’une peine d’amende (article 131-7 du code pénal). Ces peines sont en l’état de la législation au nombre de 5 :

- les jours-amende (article 131-5 code pénal), créé par la loi du 10 juin 1983 ;

- le stage de citoyenneté (article 131-5-1 code pénal), créé par la loi du 9 mars 2004 ;

- le travail d’intérêt général (article 131-8 code pénal), créé par la loi du 10 juin 1983 ;

- la sanction-réparation (article 131-8-1 code pénal), créée par la loi du 5 mars 2007 ;

- les peines privatives ou restrictives de droits (article 131-6 code pénal): les interdictions afférentes aux permis, à l’exercice d’une profession, les interdictions de paraître dans certains lieux, d’entrer en contact avec certaines personnes, de porter une arme, d’utiliser certains moyens de payement, les confiscations et immobilisations.

Ø Les peines prévoyant un suivi judiciaire de la personne condamnée

Pour éviter un recours à l’emprisonnement inutile et permettre un suivi socio-éducatif, certaines peines incluant la notion de « probation » ont été introduites dans la législation.

• Le sursis avec mise à l’épreuve et le sursis avec obligation d’exécuter un travail d’intérêt général

Le sursis avec mise à l’épreuve (SME) est une dispense d'exécution d'une peine d'emprisonnement, prononcée en raison d’un crime ou d’un délit de droit commun, pour une durée de cinq ans au plus (article 132-41 du code pénal), sous condition que le condamné respecte certaines obligations pendant un délai déterminé. Le SME entraîne un contrôle et un suivi de la personne condamnée par le juge de l’application des peines (JAP) et le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Le SME est entré dans le droit positif français dans les années 50, faisant suite à des expériences menées par les parquets et s’inspirant des systèmes anglo-saxons de probation. L’objectif affiché de la création de cette peine était de se doter d’un outil punitif plus efficace que le sursis simple: d’une part, en permettant un contrôle et un suivi pendant le délai d’épreuve, d’autre part en autorisant une sanction pour manquement aux obligations, sans avoir besoin d’attendre une condamnation pour une nouvelle infraction. Il visait en outre à lutter contre les effets désocialisants des courtes peines d’emprisonnement. Le nouveau code pénal de 1994 intègre le SME dans le titre sur les peines.

Les conditions de son prononcé : le SME peut être prononcé dès lors que l’infraction commise est un crime ou un délit de droit commun puni d’emprisonnement. Traditionnellement alignée sur le régime du sursis simple, la peine assortie du SME ne doit pas excéder 5 ans d’emprisonnement (article 132-41 du code pénal)19. La peine d’emprisonnement peut être totalement ou partiellement assortie du SME, dans ce dernier cas, la peine est dite « mixte » (article 132-42 al.2 du code pénal).

Le délai d’épreuve: il est fixé par la juridiction de jugement (article 132-42 du code pénal). Il ne peut être inférieur à 18 mois, ni supérieur à 3 ans (5 ans en cas de récidive). Le délai est suspendu en cas d'incarcération du condamné quelle qu’en soit la cause (article 132-43 du code pénal).

Les obligations : la juridiction de jugement fixe les obligations auxquelles elle entend soumettre la personne condamnée. Le juge de l'application des peines, peut dès le début de la mesure ou au cours du suivi, modifier les obligations particulières par ordonnance motivée (articles 712-8 et D. 49-35 du code de procédure pénale). Il existe des obligations à caractère général : ce sont les mesures de contrôle de l'article 132-44 du code pénal. Tout condamné y est automatiquement soumis20. Peuvent être en outre imposées au condamné diverses obligations particulières, précisées à l’article 132-45 du code pénal. La liste établie par cet article est limitative21. Il convient à ce titre de souligner que le SME ne peut être prononcé en même temps qu’une peine de suivi socio judiciaire (art. 131-36-6 du code pénal).

La mise en œuvre : Le JAP saisit traditionnellement le SPIP aux fins de mise en œuvre de la mesure (articles 740 et D.49-27 du CPP) mais peut s’en assurer personnellement ou faire appel à toute personne qualifiée et notamment, lorsque le SME fait suite à un contrôle judiciaire, à l’organisme qui était chargé du contrôle et du suivi de cette première mesure.

Il y a lieu de constater que de nombreux SME sont aujourd’hui prononcés par les tribunaux sans être justifiés par la personnalité des condamnés, mais parce que les contraintes légales limitant le pouvoir d’individualisation du juge (peines planchers, limitation du sursis simple…) ou le caractère inadapté de certaines peines alternatives, conduit les juridictions à prononcer cette peine, faute de mieux. Cette inflation des SME entraîne une surcharge de travail pour les SPIP. Les réalités sont variables et certains SPIP s’attachent à s’appuyer sur la mesure de SME pour développer un suivi intensif visant à la réinsertion de la personne condamnée. Cependant, une partie non négligeable des SME est majoritairement axé sur le respect des obligations prononcées par la juridiction de jugement ou le JAP. Dans ce cadre, le SME reste avant tout une peine d'emprisonnement assorti du sursis et non une mesure de probation telle que définie par les règles européennes de la probation

Déroulement : en l'absence d'incident sanctionné, la condamnation assortie du SME est réputée non avenue à la fin du délai d’épreuve (article 132-52 du code pénal). Si le condamné satisfait aux mesures de contrôle et d’aide, et aux obligations particulières imposées, si son reclassement social parait acquis et qu’il satisfait aux obligations du sursis, le JAP peut déclarer non avenue par anticipation la condamnation prononcée (article 744 du code de procédure pénale).

Le SME peut être révoqué par le JAP, d’office ou sur réquisitions du parquet, pour manquement aux mesures de contrôle ou aux obligations particulières ou en cas de commission d’un nouveau crime ou délit pendant le délai d’épreuve (articles 132-47 du code pénal et 742 du code de procédure pénale). La révocation peut être partielle ou totale. Le JAP statue alors par jugement après débat contradictoire conformément aux dispositions de l’article 712-6 du code de procédure pénale. La juridiction de jugement peut également prononcer la révocation du SME à l’occasion de la commission d’une nouvelle infraction (article 132-47 et 132-48 du code pénal) après avis du JAP (article 132-48 du code pénal). La révocation totale d’un SME entraîne automatiquement celle des SME ou sursis TIG antérieurement prononcés, sauf dispense accordée par la juridiction (article 132-52 du code pénal).

Le SME est une peine très utilisée en France. En effet, sur l’ensemble des condamnations prononcées par toutes les juridictions (cours d’assises, tribunaux correctionnels, juridictions pour mineurs) qui se situent autour de 600 000 par an, l’emprisonnement avec sursis assorti, au moins partiellement, d’une mise à l’épreuve, a été prononcé dans 13 % des cas en 2010.

Cette proportion est constante depuis 2008.

Année

Condamnations à un SME

Dont emp. sursis partiel probatoire

Dont emp. sursis total probatoire

2000

62 715

16 367

46 348

2001

61 849

16 632

45 217

2002

63 732

18 970

44 762

2003

70 571

21 003

49 568

2004

74 503

21 536

52 967

2005

70 719

20 436

50 283

2006

71 329

19 731

51 598

2007

77 180

22 408

54 772

2008

85 594

27 676

57 918

2009

85 683

28 378

57 305

2010

83 314

28 728

54 586

2011

78 143

28 165

49 978

Source DACG/CJN

Le « sursis-TIG » obéit à quelques particularités près aux mêmes règles que le SME : les conditions d’octroi sont identiques (articles 132-54, 132-40 et 132-41 du code pénal), l’obligation d’accomplir le TIG est assimilée à une obligation particulière du sursis avec mise à l’épreuve (articles 132-56 du code pénal et 747-1 du code de procédure pénale). Ainsi, outre l’obligation d’accomplir un TIG, la juridiction peut imposer au condamné des obligations particulières du SME.

• Le suivi socio judiciaire (SSJ)

A la suite de l’accroissement des condamnations en matière d’infractions sexuelles, le législateur s’est interrogé pendant les années 90 sur la possibilité de suivre ces criminels et ces délinquants, présumés plus dangereux, à l’issue de leur peine de réclusion criminelle ou d’emprisonnement, au besoin en imposant des soins. Fréquemment utilisé en matière délictuelle, l’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve ne pouvait être que difficilement étendu aux infractions et aux sanctions criminelles. C’est ainsi qu’était déposé en 1997 un projet de loi sur le suivi médico-social qui devait aboutir à la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs qui a instauré la peine de suivi socio-judiciaire (articles 131-36-1 à 131-36-8 du code pénal, 763-1 à 763-9 du code de procédure pénale, R. 61 à R. 61-6 du code de procédure pénale, L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique). La loi avait à l’époque été adoptée à l’unanimité par le Parlement, compte tenu du caractère très consensuel de son objectif principal.

Le SSJ est une obligation de faire, emportant pour le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du JAP, à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive, éventuellement à l’issue de la peine d’emprisonnement ou de réclusion principale.

L’autorité décisionnelle : la juridiction de jugement peut prononcer la peine de SSJ à titre de peine complémentaire et, en matière correctionnelle, à titre de peine principale (art. 131-36-7 du code pénal). Dans les faits, et au regard du public qui était principalement visé par le législateur lors de son prononcé, cette mesure est essentiellement utilisée en complément de l'emprisonnement, pour assurer une surveillance du condamné à sa libération. L’utilisation du SSJ à titre de peine principale reste assez minoritaire : il représente 10% des SSJ prononcés.22 Il convient en outre de souligner que le SSJ est utilisé pour 9% des condamnations sanctionnant un délit passible du SSJ (39% pour les crimes)23.

Les conditions de son prononcé :

Le SSJ n’est applicable que dans les cas prévus par la loi24. Dans le cadre des infractions prévues à l’article 706-47 du code de procédure pénale, la personne poursuivie doit être soumise avant tout jugement au fond à une expertise médicale et l’expert est interrogé sur l’opportunité d’une injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire.

La juridiction de jugement décide de :

- la durée du SSJ (article131-36-1 al.2 du code pénal) entre 10 ans et 30 ans en fonction de la nature de l’infraction commise ;

- la durée de l’emprisonnement maximum encouru en cas de non-respect de son suivi (article 131-36-1 al.3 du code pénal) soit 2 ans pour les délits et 5 ans pour les crimes et pour les faits commis après le 10 mars 2004, 3 ans pour les délits et 7 ans pour les crimes ;

les obligations du SSJ qui peuvent être les obligations du SME (mesures de surveillance de l’article 132-44 du code de procédure pénale et obligations particulières de l’article 132-45 du code de procédure pénale), l’injonction de soins (article 131-36-4 du code pénal) et le PSEM25

Depuis le 1er mars 2008, le SSJ doit être systématiquement assorti d’une injonction de soins (loi du 10 août 2007) dès lors que l’expertise conclut à la possibilité d’un traitement, sauf décision contraire spécialement motivée

L’injonction de soins : l’injonction de soins se distingue de l’obligation de soins : elle fait intervenir le médecin coordonnateur en application des dispositions de l’article L. 3711-1 du code de la santé publique. Il sert d’interface entre le médecin traitant et le juge de l'application des peines.

Le déroulement de la mesure (article 763-6 du code de procédure pénale): Pendant toute la durée du SSJ, le JAP peut, après audition du condamné et avis du procureur de la République, modifier les mesures de surveillance et les obligations. Ces décisions sont prises par ordonnances qui sont exécutoires par provision mais peuvent être attaquées par la voie de l’appel par le procureur de la République, le procureur général et le condamné.

La violation des obligations (article 763-5 du code de procédure pénale) :

En cas d’inobservation des mesures de surveillance, des obligations ou de l’injonction de soins, le JAP peut, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, ordonner la mise à exécution partielle ou totale de l’emprisonnement prononcé par la juridiction de jugement.

Le sursis TIG et le SSJ sont prononcés en France de manière beaucoup plus marginale que le SME.

Année

Emp.sursis total TIG

Emp. sursis partiel probatoire

Emp. sursis total probatoire

Mesures de suivi-socio judiciaire

2000

10 191

16 367

46 348

265

2001

8 974

16 632

45 217

421

2002

8 918

18 970

44 762

642

2003

8 822

21 003

49 568

853

2004

9 999

21 536

52 967

1 055

2005

9 839

20 436

50 283

1 136

2006

9 697

19 731

51 598

1 209

2007

9 061

22 408

54 772

1 259

2008

8 806

27 676

57 918

1 342

2009

9 253

28 378

57 305

1 315

2010

9 169

28 728

54 586

1 399

2011*

8 730

28 165

49 978

1 490

Source : DACG/Casier judiciaire national, données 2011 provisoires

• La mise en œuvre par les services pénitentiaires des SSJ

Nombre de personnes suivies en SSJ par les SPIP au 1er octobre 2011 et au 1er octobre 201226

Mesures

1er octobre 2011

1er octobre 2012

Suivi socio-judiciaire

(SSJ)

4703

5073

Le suivi socio-judiciaire nécessite une réactivité et une mobilisation importantes du SPIP : vigilance accrue, fréquence des entretiens - suivi intensif - et information soutenue des autorités judiciaires et d’instances spécifiques telles la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et les juridictions régionales et nationale de la rétention de sûreté. Il représente 2,5% des mesures suivies en milieu ouvert au 1er janvier 201227.

1.2.2. Cadre constitutionnel

Le Conseil constitutionnel n’a jamais eu l’occasion de se prononcer directement sur la question spécifique de la contrainte pénale. Il a pu toutefois à travers ses décisions tracer les grands principes encadrant la création d’une nouvelle peine. Il a ainsi affirmé de manière constante qu’une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère ainsi que les droits de la défense28.

Il convient de noter, s’agissant plus particulièrement du principe de nécessité des peines, que le Conseil a estimé qu' « il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des peines attachées aux infractions définies par celui-ci, alors qu'aucune disposition [...] de la loi n'est manifestement contraire au principe posé par l'article 8 de la Déclaration de 1789 »29. Seule la peine « manifestement» non nécessaire, la «disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encouru»30 ou l' «erreur manifeste d'appréciation »31 sont donc de nature à entraîner la censure du Conseil. Il a également jugé conforme au principe de nécessité le fait que « la diversité des mesures susceptibles d'être prises [...] correspond à la volonté du législateur de proportionner la répression à «  la gravité du manquement » et « qu'une sanction pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale »32.

1.2.3. Articulation avec le droit européen

1.2.3.1 La CEDH demande aux Etats de mettre en œuvre les moyens de nature à endiguer le problème de la surpopulation carcérale

L’état de surpopulation carcérale a pu conduire, lorsqu’il entraînait une détérioration telle des conditions de détention que l’article 3 de la convention européenne des droits de l’Homme33se trouvait enfreint, à la condamnation de certains Etats par la Cour européenne des droits de l’Homme. Depuis l'affirmation de la Cour européenne suivant laquelle tout prisonnier doit être détenu dans des conditions de détention conformes à la dignité humaine (CEDH 26 oct. 2000, n° 30210/96, Kudla c/ Pologne), la Cour n'a eu de cesse de préciser les contours des obligations pesant sur les Etats. Ce principe a rapidement abouti à des décisions de condamnation, principalement lorsqu'il s'agit de surpopulation et de défaillance en matière de respect des règles d'hygiène (par ex., CEDH 15 juill. 2002, n° 47095/99, Kalachnikov c/ Russie, Rec. 2002-VI ). Ce droit, qui doit se traduire par des modalités d'exécution de la peine qui « ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention » (arrêt Sulejmanovic contre Italie du 6 novembre 2009), existe indépendamment de toute volonté d'humiliation du détenu. Le constat de conditions de vie déficientes suffit donc aujourd'hui à constituer une violation de l'article 3 de la Convention EDH.

La jurisprudence de la Cour relative à la problématique de la surpopulation carcérale, abordée sous l’angle de la violation de l’article 3 renvoie vers une appréciation de la surface dont dispose le détenu. La Cour examine de façon purement factuelle l'espace disponible en cellule. Si pour la Cour l’espace personnel qui doit être octroyé à chaque détenu peut dépendre de nombreux facteurs, tels que la durée de la privation de liberté, les possibilités d’accès à la promenade en plein air ou encore la condition mentale et physique du prisonnier34, dans certains cas elle estime que le manque d’espace personnel pour les détenus est tellement flagrant qu’il justifie, à lui seul, le constat de violation de l’article 3. Une telle solution a été retenue dans des espèces où les requérants disposaient individuellement de moins de 3 m²35. La Cour estime alors que l'Etat, « par le biais de ses organes spécialisés, n'a pas déployé tous les efforts nécessaires afin d'assurer au requérant des conditions de détention qui soient compatibles avec le respect de la dignité humaine et afin d'assurer que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention » (par ex., CEDH 11 déc. 2012, n° 60732/09, Banu c/ Roumanie).

Très récemment, dans l’arrêt du 8 janv. 2013 Torreggiani et autres c/ Italie la Cour a ainsi enjoint aux autorités italiennes de mettre en place, dans un délai d'un an, un recours ou une combinaison de recours qui garantissent une réparation des violations de la Convention en raison du surpeuplement carcéral. En cas d'échec à l’issue du délai d’un an, la Cour reprendra l'examen des requêtes.

La France elle-même a été à de multiples reprises condamnée par la CEDH sur les conditions de détention. Un arrêt récent Canali contre France du 25 avril 2013 le rappelle. La Cour y estime que l’effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles d’hygiène ont provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d’infériorité propres à l’humilier et à le rabaisser. Dès lors, la Cour estime que ces conditions de détention s’analysent en un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention.

La peine de contrainte pénale pourra venir en pratique se substituer à un certain nombre de peines d’emprisonnement actuellement prononcées. Elle participe de cette exigence d’endiguer la surpopulation carcérale. Surtout, la création de la mesure de libération sous contrainte accessible aux personnes ayant exécuté les deux-tiers de leur peine privative de liberté (condamnations à 5 ans d’emprisonnement au plus) permettra de multiplier les sorties de détention dans des conditions de suivi et d’accompagnement de qualité et d’éviter les sorties non préparées.

1.2.3.2- Le Conseil de l’Europe recommande de développer la probation

Le Conseil de l’Europe a élaboré une série de recommandations tendant au développement des sanctions dans la communauté. La peine de contrainte pénale telle qu’envisagée dans le projet de loi en est une des modalités possibles.

La recommandations du comité des ministres du Conseil de l'Europe publiées en octobre 1992 [Recommandation n°R(92)16] pose ainsi l'ensemble des principes qui doivent régir ce type de sanctions qui « constituent des moyens importants de lutte contre la criminalité et […] évitent les effets négatifs de l'emprisonnement ». Selon le Conseil de l'Europe, ces dispositifs ont pour but « de développer chez le délinquant le sens de ses responsabilités envers la société et, plus particulièrement, envers la ou les victimes ». Il précise cependant que ceux-ci « ne doivent être imposés que si l'on est assuré des conditions et des obligations qui peuvent être appropriées au délinquant et de sa volonté de coopérer et de les respecter. »

La recommandations du comité des ministres du Conseil de l'Europe publiées en novembre 2000 [Recommandation R(2000)22] énonce des principes directeurs de manière à parvenir à une utilisation plus efficace desdites sanctions et mesures. Elle recommande notamment d’introduire à titre d'essai, de nouvelles sanctions et mesures appliquées dans la communauté, et prévoir une évaluation de l'expérimentation et évoque la « probation en tant que sanction indépendante imposée sans que soit prononcée une peine d'emprisonnement ».

La Recommandation CM/Rec (2010)1 du Comité des Ministres aux États membres sur les règles du Conseil de l’Europe relatives à la probation du 20 janvier 2010 définit ainsi avec clarté la probation et ses finalités.

La probation est entendue comme « l’exécution en milieu ouvert de sanctions et mesures définies par la loi et prononcées à l’encontre d’un auteur d’infraction. Elle consiste en toute une série d’activités et d’interventions, qui impliquent suivi, conseil et assistance dans le but de réintégrer socialement l’auteur d’infraction dans la société et de contribuer à la sécurité collective ».

Elle implique d’évaluer précisément la situation de l’auteur d’une infraction « y compris les risques, les facteurs positifs et les besoins, les interventions nécessaires pour répondre à ces besoins ainsi qu’une appréciation de la réceptivité de l’auteur d’infraction à ces interventions».

Son but est d’améliorer tant la sécurité de la communauté que l’insertion sociale de l’auteur d’infraction. Partant du principe que toute personne peut évoluer, la probation vise la réinsertion des auteurs d’infraction : en ce sens, elle ne se résume pas à la seule mise en œuvre de mesures de suivi et de contrôle et comprend également un travail d’assistance qui a pour objectif de créer des opportunités pour les personnes et de les aider à acquérir de nouvelles compétences pour profiter de ces opportunités. Le changement de la personne suivie – élaboré en concertation avec lui et en lien avec la communauté – constitue alors une dimension essentielle du concept de probation développé par le Conseil de l’Europe, qui explique qu’au-delà du processus de suivi de l’auteur d’infraction, les services de probation doivent travailler en étroite collaboration avec un vaste éventail d'organismes et collectivités locales susceptibles de fournir des réponses à la diversité des besoins des auteurs d’infractions.

Cette approche de la probation constitue le point d’orgue d’une évolution récente de la probation dans les pays européens. Selon nombre d’observateurs, la probation en Europe était en effet appréhendée jusque dans les années 90 de façon restrictive. Elle était réputée se limiter aux activités d’aide et de soutien, de contrôle et de surveillance des personnes judiciarisées, jusqu’à la fin de l’accomplissement de leur peine. Avec l’introduction des sanctions dites « communautaires » et/ou alternatives à la peine privative de liberté, les activités de la probation ont progressivement quitté le domaine du pénal au sens strict pour s’inscrire au sein même des communautés et penser ses liens avec cette dernière de façon beaucoup plus étroite, voire partenariale.

Une telle peine existe dans certains pays européens. Pour autant, les objectifs assignés à la probation dans chaque législation nationale peuvent différer sensiblement d’un pays à l’autre, les priorités retenues témoignant de conceptions différentes.

En Angleterre, au Pays de Galles ou encore aux Pays-Bas, l’accent est mis sur la protection de la collectivité, l’évaluation et la gestion des risques et l’exécution effective de la sanction. Dans tous les pays de common law, les services de probation sont étroitement impliqués dans le conseil et la supervision, mais cette conception commune connaît des nuances : elle peut adopter une vision tournée vers la prévention des risques comme en Angleterre, ou une vision plus compréhensive à l’égard du condamné, comme en Ecosse, en s’appuyant sur ses chances de réintégrer la société.

Un pays comme la République tchèque, à l’inverse, s’inscrit dans une approche de justice restauratrice qui doit développer des mesures de résolution pacifique des conflits et de restauration des liens entre victimes et auteurs. La probation vise alors essentiellement à privilégier des mesures de substitution à l’emprisonnement, avec l’aide de la communauté. Des pratiques de médiation et de réparation, notamment par des pairs aidants, sont privilégiées. C’est seulement au deuxième rang que sont placées l’évaluation des facteurs de risque de récidive et les approches focalisées sur le délit.

Il existe une peine de probation autonome dans au moins quatre pays (Angleterre, Pays de Galles, Canada et Etats-Unis d’Amérique.

1.3. L’exécution de la peine

1.3.1. Etat du droit et de son application

Dans le domaine de l’exécution de la peine peut être observé le même mouvement historique que celui concernant la définition de la peine :

- une tendance de fond visant à faire exécuter les peines privatives de liberté sous la forme d’aménagements allant de mesures « semi-privatives » (la semi-liberté ou la surveillance électronique) à des mesures de milieu ouvert ;

- des inflexions récentes réduisant les possibilités d’aménagement.

La place de la victime dans l’exécution de la peine est par ailleurs relativement confuse.

1.3.1.1. Le principe de l’aménagement de peine comme mode normal d’exécution des peines.

L’article 707 du code de procédure pénale a fait l’objet de plusieurs modifications depuis 2004 tendant à faire de l’aménagement de peine une modalité normale d’exécution des peines d’emprisonnement. Sous l’impulsion de ces réformes, l’aménagement de peine qui relevait de la simple faculté d’octroi par le juge de l’application des peines est devenu un droit pour la personne condamnée.

La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a créé au troisième alinéa de l’article 707 du code de procédure pénale un principe général selon lequel « les peines peuvent être aménagées en cours d’exécution pour tenir compte de l’évolution de la personnalité et de la situation du condamné. L’individualisation des peines doit, à chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi ».

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 est venu encore assouplir les conditions d’octroi des aménagements de peine en modifiant ces dispositions et en affirmant que : « les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d’exécution si la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou leur évolution le permettent. L’individualisation doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ».

Cette dernière modification de l’article 707 du code de procédure pénale s’est accompagnée de l’affirmation dans l’article 132-24 du code pénal du principe général de la nécessité d’aménager les peines d’emprisonnement dès leur prononcé : dès lors qu’une peine d’emprisonnement est prononcée par la juridiction de condamnation, elle « doit, si la personnalité et la situation du condamnée le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 ».

Cette évolution sémantique est une affirmation par la loi du fait qu’une peine aménagée est une peine exécutée. Elle reflète l’évolution de la perception par le législateur de la place réservée aux aménagements de peine au sein de la législation pénale.

1.3.1.2 – L’aménagement des peines d’emprisonnement pour les condamnés non incarcérés

Reprenant en substance les dispositions figurant à l’article D49-1 du Code de procédure pénale, la loi du 9 mars 2004 a institué, à l’article 723-15 du Code de procédure pénale, la règle selon laquelle le procureur de la République était tenu de faire comparaitre devant le juge de l’application des peines  les personnes non incarcérées, condamnées à une peine inférieure ou égale à un an d'emprisonnement ou pour lesquelles la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à un an, ou pour lesquelles, en cas de cumul de condamnations, le total des peines d'emprisonnement prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à un an », afin que ce dernier examine si elles pouvaient bénéficier, d'une semi-liberté, d'un placement à l'extérieur, d'un placement sous surveillance électronique, d'un fractionnement ou d'une suspension de peines, d'une libération conditionnelle ou de la conversion de leur peine en jours amendes.

Ainsi, dès lors que le tribunal prononçait une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an sans décerner de mandat de dépôt à l’audience, le parquet ne pouvait ramener cette peine à exécution, sans permettre préalablement au juge de l’application des peines d’apprécier la situation du condamné., en vue du prononcé d’un aménagement de la peine.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a élevé à deux ans les quanta de peines prononcées permettant l’aménagement, sauf si le condamné est en état de récidive légale, pour lequel le seuil reste fixé à un an.

Cette évolution, qui n’était pas véritablement demandée par les praticiens, apparaît toutefois avoir été essentiellement pensée dans une logique purement comptable de régulation des flux pénitentiaires, sans réflexion sur le sens de la peine de prison, dans l’unique fin de tenter de contrebalancer les effets de l’introduction des peines planchers par la loi du 10 août 2007 et de leurs conséquences en matière de surpopulation carcérale.

En obligeant le parquet à présenter devant le juge de l’application des peines des personnes condamnées à des peines d’emprisonnement ferme de plus d’un an, pour l’inciter à ordonner un aménagement avant même la mise à exécution de ces peines, la loi pénitentiaire a en réalité dénaturé le sens de la peine de prison, le législateur adressant en outre des injonctions totalement contradictoires et par la même incohérentes aux juridictions.

Enfin, cette ’extension du domaine des sanctions aménageables à des peines d’emprisonnement relativement lourdes a eu pour effet de ralentir le processus d’exécution de la peine puisque la décision éventuelle d’aménagement par le juge de l’application des peines peut prendre plusieurs mois durant lesquels la peine n’est d’aucune façon ramenée à exécution, même sous une forme aménagée.

Cette extension a ainsi aggravé la confusion du droit de la peine, et a porté atteinte aux principes de célérité et d’effectivité dans l’exécution de la peine, rappelés par le I de l’article 707 du code de procédure pénale.

1.3.1.2. Les procédures simplifiées pour les personnes condamnées détenues à des peines inférieures ou égales à 5 ans d’emprisonnement : une préoccupation du législateur depuis 2004 qui donne des résultats mitigés

Face à la persistance du niveau élevé de surpopulation carcérale et aux freins apportés aux possibilités d’aménagement des peines, il a été recherché des modalités nouvelles destinées à accélérer et systématiser les sorties avec un suivi en fin de peine. Néanmoins, ces dispositifs – relevant d’une philosophie différente, voire opposée, à celle qui dominait les instructions données en matière de poursuites et d’exécution des peines – n’ont pas été développés par les acteurs judiciaires.

Ø La procédure simplifiée d’aménagement de peine (PSAP)

La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a créé une nouvelle procédure d’aménagement des fins de peine (NPAP) pour éviter les sorties «sèches » de détention. Ces dispositions (articles 723-20 à 723-28 du CPP) sont entrées en application le 1er octobre 2004. Elles disposaient que les condamnés détenus en fin de peine36 «bénéficiaient dans la mesure du possible du régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique.» Cette procédure s’appuyait sur un processus essentiellement écrit dont l’initiative était confiée au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (DSPIP) sous le contrôle du juge de l’application des peines (JAP), auquel il appartenait d’homologuer ou de refuser d’homologuer la proposition d’aménagement présentée par le DSPIP. Afin d’assurer l’effectivité de la procédure, un délai de trois semaines était donné au JAP pour statuer sur la proposition d’aménagement et il était prévu qu’à défaut de réponse dans ce délai le DSPIP pouvait décider de ramener lui-même à exécution la mesure d’aménagement.


Les résultats assez décevants de cette nouvelle procédure37 ont conduit le législateur, tout en conservant le principe d’une procédure simplifiée pour l’aménagement des fins de peine d’emprisonnement, à en modifier le contenu et le fonctionnement.

La nouvelle procédure simplifiée d’aménagement de peine (PSAP) a été instituée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 aux articles 723-19 et suivants du code de procédure pénale38. La PSAP se distingue de la précédente procédure dans la mesure où l’examen de la situation de tous les détenus éligibles à cette procédure est désormais obligatoire39. La mauvaise conduite en détention n’est plus un motif d’exclusion, les mesures proposables sont élargies à la libération conditionnelle et la proposition d’aménagement de peine du DSPIP n’est plus adressée au JAP mais au procureur de la République en vue de la saisine du JAP.

Par ailleurs, la PSAP est applicable aux personnes détenues condamnées à une ou plusieurs peines d’emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à 5 ans et dont le reliquat inférieur ou égal à 2 ans (1 an en cas de récidive légale).






Présentation schéma général procédure PSAP






























Le bilan d’application de cette nouvelle disposition est très mitigé et les statistiques démontrent qu’elle n’a pas été plus utilisée que l’ancienne NPAP, ne répondant pas ainsi à l’objectif assigné par le législateur lors de sa création de lutter contre les sorties non accompagnées de détention.

Les praticiens ont décrié l’aspect chronophage de cette procédure essentiellement écrite. Elle crée une complexification du circuit de l’aménagement des peines nuisant à son efficacité.

 

Dossiers transmis par le SPIP au Parquet

Dont propositions d’aménagement de peine avec avis favorable

Soit % des dossiers transmis

Aménagements de peine octroyés selon cette procédure

Soit % des propositions avec avis favorable

2011

18 881

2 232

12 %

820

37 %

2012

17 222

2 092

12 %

784

37 %

évolution

-1 659

-140

 

-36

 

Source : remontée manuelle auprès de SPIP, DAP/PMJ5

Ø La surveillance électronique de fin de peine (SEFIP)

Nouvelle modalité d’exécution des fins de peine d’emprisonnement, la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP) était une innovation majeure de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 201140.

Cette modalité s’inscrivait toujours dans le même objectif d’éviter autant que possible toute sortie non accompagnée de détention. A cette fin, le législateur a posé dans la loi le principe selon lequel tout détenu condamné à une peine d’une durée inférieure ou égale à cinq ans doit, si aucun aménagement de peine n’a pu être préalablement mis en œuvre, exécuter la fin de sa peine sous le régime de la surveillance électronique41.

Les deux acteurs principaux de la mesure sont donc le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation et le procureur de la République. Le principe de la «mise en œuvre par le DSPIP sous l’autorité du procureur de la République » se décline tout au long de la vie de la mesure, au stade de sa validation, de ses modifications comme de son retrait. Il s’agit de la première exécution automatique « hors les murs », sans décision d’un juge du siège. Le dispositif institué par le législateur était novateur puisque le placement sous surveillance électronique qui constituait auparavant, après le prononcé de la peine, uniquement une modalité de son aménagement devenait, dans ce nouveau cadre, une modalité d’exécution de la peine. Dans cette perspective et pour éviter une confusion entre ces deux mesures, la circulaire du 3 décembre 2011 de présentation de ces nouvelles dispositions préconisait que l’amplitude horaire de sortie soit très restreinte pour bien différencier la SEFIP de l’aménagement de peine sous forme de PSE.

PRESENTATION SCHEMATIQUE de la mise en œuvre de la SEFIP




(Articles 723-28 et D. 147-30-19 à D.147-30-41)




















L’analyse statistique du nombre de mesures octroyées montre en outre que les praticiens se sont peu emparés de cette procédure qui, malgré l’impératif posé par le législateur, n’est pas devenu le mode d’exécution « normal » des fins de peine d’emprisonnement. En outre, des disparités importantes existent entre les ressorts et l’apparition du parquet comme nouvel acteur dans cette procédure a été perçue comme source de confusion par les praticiens. De surcroît, les amplitudes horaires très restrictives ont pu générer des difficultés d’insertion pour les personnes concernées.

Date

propositions SPIP

octrois SEFIP

éligibles SEFIP au 1er du mois

% Octrois/éligibles

Janv-11

379

96

9459

1,00%

Fév-11

497

229

8707

2,60%

Mars-11

353

223

8691

2,60%

Avril-11

478

201

9033

2,20%

Mai-11

462

282

9960

2,80%

Juin-11

443

274

9875

2,80%

Juil-11

515

336

9062

3,70%

Août-11

378

274

9648

2,80%

Sept-11

486

243

9267

2,60%

Oct-11

500

266

9410

2,80%

Nov-11

470

274

9257

3,00%

Déc-11

532

371

9936

3,70%

Janv-12

509

284

9296

3,10%

Fév-12

564

337

9358

3,60%

Mars-12

595

378

10630

3,60%

Avril-12

603

340

10485

3,20%

Mai-12

472

330

9861

3,30%

Juin-12

525

342

10378

3,30%

Juil-12

573

331

9574

3,50%

Août-12

484

342

10388

3,30%

Sept-12

493

264

10131

2,60%

Oct-12

422

297

10615

2,80%

Nov-12

557

374

9988

3,70%

Déc-12

539

335

9843

3,40%

Source : GIDE, remontée manuelle auprès de SPIP, DAP/PMJ5

Remarque méthodologique : Le nombre d’éligibles au 1er du mois ne prend pas en compte toutes les personnes éligibles du mois. En effet, une personne peut ne pas être éligible au 1er du mois mais au 5ème jour et obtenir par la suite une mesure.

Ainsi, depuis 2004, différents mécanismes ont été envisagés avec pour objectifs :

- de préparer plus systématiquement à la sortie de détention, en vue de mieux prévenir la récidive ;

- d’apporter des solutions concrètes aux situations de surpopulation carcérale.

Malgré l’inventivité des mesures, ces objectifs n’ont pas été pleinement atteints. Les principales raisons de ce relatif échec semblent résider la complexité trop grande des dispositifs et leur inadéquation à la culture judiciaire dominante (décision prise par le parquet). C’est pour répondre à ces carences et à ces objectifs que le projet envisage un dispositif simplifié d’examen pour bénéficier d’une libération sous contrainte.

1.3.1.4. La libération conditionnelle : une mesure peu prononcée en raison des nombreux obstacles textuels

Ø La juridictionnalisation progressive de la libération conditionnelle

La libération conditionnelle (LC) est une mesure d'individualisation de la peine qui permet à une personne condamnée d'être libérée avant le terme de sa peine sous certaines conditions.

Elle tend à la réinsertion des personnes condamnées et à la prévention de la récidive par une sortie de détention encadrée et un suivi socio-éducatif. Instaurée par une loi du 14 août 1885, la LC est la plus ancienne mesure d’individualisation de la peine privative de liberté en France. Jusqu’à la loi du 15 juin 2000, deux autorités étaient compétentes pour statuer sur une demande de LC : le JAP ou le ministre de la justice, en fonction du quantum de la peine à exécuter42

Deux lois successives sont intervenues, modifiant profondément la procédure de LC, l’une instituant une juridictionnalisation de l’application des peines, la seconde renforçant son caractère juridictionnel. Afin de favoriser le recours à cette mesure, la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 a élargi les critères généraux d’octroi de la LC et juridictionnalisé la procédure d’octroi de la LC, le ministre de la justice ne prenant plus part à la décision d’octroyer ou non une mesure de LC.

- Le JAP est compétent pour statuer lorsque la peine privative de liberté prononcée est d’une durée inférieure ou égale à 10 ans ou quelle que soit la peine initialement prononcée, la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à 3 ans.

- La juridiction régionale de la libération conditionnelle (JRLC) est compétente pour les décisions concernant les condamnés à une peine supérieure à 10 ans ou dont le reliquat à exécuter est supérieur à 3 ans.

Le JAP et la JRLC rendent leurs jugements, après avis du représentant de l’administration pénitentiaire, à l’issue d’une audience appelée « débat contradictoire » tenu en chambre du conseil, au cours de laquelle ils entendent les réquisitions du ministère public et les observations de la personne condamnée et le cas échéant celles de son avocat. Les juridictions de l’application des peines ont pour obligation de motiver leurs décisions, qui sont susceptibles d’appel dans les 10 jours à compter de leur notification. La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a complété la juridictionnalisation de l’application des peines, instituée par la loi du 15 juin 2000, en créant deux nouvelles juridictions, le tribunal de l’application des peines (TAP) qui se substitue en pratique à la juridiction régionale de la libération conditionnelle (JRLC) et la chambre de l’application des peines (ChAP) de la cour d’appel, nouvelle chambre spécialisée au sein des cours d’appel. Au terme de cette réforme, le JAP et le TAP constituent les juridictions de l’application des peines du premier degré, la ChAP de la cour d’appel, celle du second degré.

Ø Des conditions d’octroi élargies sauf pour les récidivistes

- Le temps d’épreuve

Les dispositions de l’article 729 du code de procédure pénale prévoient que la libération conditionnelle peut être accordée au bénéfice des personnes condamnées ayant exécuté la moitié de leur peine. Les personnes condamnées pour des faits commis en état de récidive légale ne sont accessibles au bénéfice de la libération conditionnelle qu’après avoir purgé le double de la peine restant à exécuter. Pour le calcul du temps d’épreuve doivent être prises en compte les diverses remises de peines ayant pu intervenir (crédit de réduction de peine, réduction supplémentaire de peine, remise gracieuse).

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, les personnes, récidivistes comme primaires, condamnées à une peine à temps ne pouvaient, en tout état de cause, se voir imposer un délai d’épreuve supérieur à quinze années. La loi du 12 décembre 2005 a créé une nouvelle distinction entre les condamnés récidivistes et les condamnés non récidivistes en portant à 20 ans le délai d’épreuve maximum des premiers, tandis que le délai d’épreuve maximum des seconds demeurait fixé à 15 ans. Cette même loi a également porté le temps d’épreuve des condamnés à une peine de réclusion criminelle à perpétuité de 15 à 22 ans pour les récidivistes et de 15 à 18 pour les non récidivistes. En application du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, ces dispositions plus restrictives n’étaient applicables qu’aux crimes commis à compter du 14 décembre 2005.

- Le projet de la personne condamnée

Aux termes de l’article 729 du CPP, tel que modifié par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui en a élargi les critères, la personne condamnée qui sollicite une LC doit manifester des efforts sérieux de réadaptation sociale et justifier :

- soit de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ou de son assiduité à un enseignement ou une formation professionnelle,

- soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille,

- soit de la nécessité de suivre un traitement médical,

- soit de ses efforts en vue de l'indemnisation des victimes,

- soit de son implication dans un projet sérieux d'insertion ou de réinsertion.

La loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes avait institué un nouveau cas de libération conditionnelle, dont peut bénéficier tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, lorsque celui-ci exerce l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle. La loi avait cependant expressément exclu du bénéfice de ces dispositions les personnes condamnées pour un crime ou un délit commis sur un mineur. La loi du 12 décembre 2005 a étendu cette exclusion aux personnes condamnées pour une infraction commise en état de récidive légale.

Ø Une procédure d’octroi différente selon la durée de la peine prononcée

- La procédure classique

La libération conditionnelle peut être prononcée par le JAP ou le juge des enfants (lorsque la peine initialement prononcée est inférieure ou égale à 10 ans ou que, quelle que soit sa durée, la peine restant à subir est inférieure ou égale à 3 ans) ; dans les autres hypothèses c’est le TAP ou le tribunal pour enfants qui sont compétents. Leurs décisions doivent être motivées et peuvent faire l’objet d’un appel.

L’article 730 du code de procédure pénale, repris par l’article D. 523 du CPP, impose un examen annuel de la situation de la personne condamnée, même en l’absence de demande émanant de celle-ci. Cet examen, qui repose sur une procédure informelle, est cependant difficile à appliquer. L’examen d’une demande de libération conditionnelle est en pratique conditionnée à la demande formée par le condamné.

La demande de LC est examinée selon la procédure de débat contradictoire avec la comparution de la personne condamnée, assistée éventuellement d’un avocat. Tant dans les procédures de la compétence du JAP que du TAP, l’avis du représentant de l’administration pénitentiaire est recueilli.


- La procédure spécifique pour les longues peines

L’ancien article 720-5 du code de procédure pénale, créé par la loi n°86-1019 du 9 septembre 1986, avait renforcé les conditions permettant, à une personne condamnée à une peine d’emprisonnement assortie d’une période de sûreté d’une durée supérieure à quinze ans, de bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle. En effet, dans cette hypothèse, la libération conditionnelle ne pouvait être accordée avant que le condamné ait été placé pendant une période d’un à trois ans sous le régime de la semi-liberté.

La loi n°2004-204 du 9 mars 2004, qui a supprimé la juridiction régionale de la libération conditionnelle, a conféré au tribunal de l’application des peines compétence pour accorder dans ces conditions la mesure probatoire de semi-liberté.

La loi pénitentiaire du 24 septembre 2009 a prévu que le placement à l’extérieur et le placement sous surveillance électronique puissent également être ordonnés à titre de mesures probatoires.

La loi n°2011-939 du 10 août 2011 relative à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs a abrogé les dispositions de l’article 720-5 du code de procédure pénale pour prévoir de nouvelles conditions d’octroi de la libération conditionnelle applicables aux personnes condamnées :

- à la réclusion criminelle à perpétuité,

- à une peine privative de liberté égale ou supérieure à 10 ans pour l’une des infractions prévues à l’article 706-53-13 du code de procédure pénale (assassinat, meurtre, actes de torture ou de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration commis sur un mineur ou, à condition que ces infractions soient aggravées y compris par l’état de récidive, sur un majeur),

- à une peine privative de liberté égale ou supérieure à 15 ans en cas d’infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru.

Il est alors prévu que la libération conditionnelle ne puisse être accordée que par le tribunal de l’application des peines, quelle que soit la durée de la détention restant à subir, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS), rendu à la suite d’une évaluation de dangerosité réalisée dans l’un des centre nationaux d’évaluation et assortie d’une expertise médicale. Cette expertise devra être réalisée par deux experts psychiatres, en cas de condamnation pour l’un des crimes visés à l’article 706-53-13 du code de procédure pénale. La loi n°2012-409 de programmation relative à l’exécution des peines du 27 mars 2012 a également permis que cette expertise soit réalisée conjointement par un expert psychiatre et un expert psychologue. Cette expertise doit se prononcer expressément sur l’opportunité, dans le cadre d’une injonction de soins, de prescrire des médicaments inhibiteurs de libido. Le législateur a également prévu que la libération conditionnelle devrait être assortie d’un PSEM ou qu’elle ne puisse être accordée qu’après l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique pendant une période d’un à trois ans, cette mesure ne pouvant être exécutée avant la fin du temps d’épreuve. Le législateur a, par ailleurs, exclu la possibilité de prononcer une mesure de placement à l’extérieur à titre probatoire e mode de sortie de prison qui induit le plus grand risque de récidive ».

Taux d'octrois LC par mois pour l'année 2012

 

Source: DAP FND-GIDE, statistique mensuelle des personnes écrouées

       
 

éligibles LC au 1er du mois

octrois LC au cours du mois

Tx octroi

janv.-12

10 175

583

5,7%

févr.-12

10 271

591

5,8%

mars-12

10 285

643

6,3%

avr.-12

10 306

673

6,5%

mai-12

9 807

703

7,2%

juin-12

10 447

821

7,9%

juil.-12

12 546

683

5,4%

août-12

10 413

474

4,5%

sept.-12

10 323

628

6,1%

oct.-12

10 622

804

7,6%

nov.-12

10 746

652

6,1%

déc.-12

10 930

726

6,6%

Année 2012

7981

6,3%

Sont considérées comme éligibles à la libération conditionnelle, les personnes condamnées récidivistes ayant effectué les 2/3 de leur peine et les personnes condamnées non récidivistes ayant effectué la moitié de leur peine. Ces éligibles ont pu bénéficier d’un autre aménagement de peine (PSE, PE, SL) ou d’une SEFIP sur la période concernée.

Le taux d’octroi de libération conditionnelle en France paraît particulièrement faible au regard d’autres pays européens, y compris ceux qui n’ont pas de système de « libération conditionnelle automatique ». Ainsi, en Allemagne en 2011, 40 838 libérations conditionnelles ont été prononcées, dont 36 974 aux deux-tiers de la peine, étant précisé que le nombre de détenus condamnés en 2011 était de 60 336

1.3.1.4. Les relations entre les autorités judiciaires et le service pénitentiaire d’insertion et de probation

Longtemps placés sous l’autorité des magistrats en ce qui concerne les comités de probation et d’assistance aux libérés (CPAL) et sous l’autorité des chefs d’établissements pénitentiaires pour les services socio-éducatifs (SSE) - services qui les ont précédés- les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont depuis 1999 développé un professionnalisme autonome par rapport à l’autorité judiciaire.

Les CPAL ont été institués par l’ordonnance du 23 décembre 1958 et étaient chargés, sous l’autorité du JAP, de la mise en œuvre des mesures d’assistance et de contrôle imposées aux personnes condamnées et suivies en milieu ouvert. Le décret du 14 mars 1986 a réformé les CPAL en créant des postes de directeurs de probation tout en maintenant la compétence du JAP qui continuait à avoir autorité sur le service en fixant les directives générales et en contrôle leur application. Le décret n°99-276 du 13 avril 1999 a créé les SPIP, fusion entre les services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires et les comités de probation et d’assistance aux libérés, et a définitivement autonomisé ce service de l’autorité judiciaire : le service est désormais placé sous l’autorité d’un directeur départemental (DSPIP). Le JAP n’a désormais plus autorité sur le SPIP qu’il ne fait que mandater.

Cette notion de mandat judiciaire, qui caractérise la relation liant le JAP et les SPIP, n’est pas définie dans la loi, ce qui est source de confusion et parfois de tensions entre les praticiens. La partie législative du code de procédure pénale est très elliptique sur les missions respectives du JAP et du SPIP, l'essentiel étant évoqué dans des dispositions réglementaires. L’article 712-1 du CPP, seule disposition législative traitant de ce point dispose que « Le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines constituent les juridictions de l'application des peines du premier degré qui sont chargées, dans les conditions prévues par la loi, de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application.(…) »

Jusqu’au 14 décembre 2011, la partie réglementaire du code de procédure pénale venait apporter quelques précisions :

- article D-49-27:« le juge de l’application des peines fixe les principales modalités d’exécution des peines privatives de libertés ou de certaines peines restrictives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté en orientant et en contrôlant les conditions de leur exécution, conformément aux principes fixés par l’article 707 du CPP »

- article D.576 du CPP : « Le juge de l'application des peines : 1° Détermine les orientations générales relatives à l'exécution des mesures confiées au service pénitentiaire d'insertion et de probation ; 2° Evalue leur mise en œuvre par le service. Le juge de l'application des peines exerce ces attributions en concertation avec les autres magistrats mandants. Les chefs de juridiction organisent cette concertation »

- article D.579 du CPP : «  Le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation s'assure du suivi de chaque mesure dont le service est saisi et de l'exécution des instructions données par les magistrats mandants.  Il vérifie que les rapports sont régulièrement adressés aux magistrats »

Par décret n° 2011-1876 du 14 décembre 2011, les articles D. 575 à D. 577 du code de procédure pénale, relatifs aux attributions respectives du juge de l’application des peines, des autres magistrats mandants et du service pénitentiaire d’insertion et de probation, ont été modifiés. Ainsi, le premier alinéa de l’article D. 577 du CPP dispose désormais que « le juge de l’application des peines, le procureur de la République et les autres magistrats mandants communiquent, le cas échéant, pour chaque dossier dont le service est saisi, des instructions particulières relatives à la finalité de la mesure et au contenu des obligations à respecter ». La circulaire commune DAP/DACG du 16 décembre 2011 NOR JUSK 1140065C relative aux attributions respectives du JAP, des autres magistrats mandants et du SPIP est venue préciser sur quoi pouvaient porter les instructions particulières du JAP et ce que recouvrait la notion de finalité de la mesure. Afin d’éviter d’éventuelles difficultés dans le fonctionnement du SPIP résultant de la définition des instructions particulières au regard de la détermination du contenu et du rythme du suivi, la circulaire prévoyait ainsi que figurait parmi les modalités de prise en charge relevant exclusivement de la compétence du SPIP la détermination de la fréquence à laquelle un condamné pourrait être convoqué par le SPIP.

Toutefois, par une décision du 13 février 2013, le Conseil d’Etat a rejeté le recours contre le décret mais a annulé partiellement la circulaire, estimant que « la détermination de la fréquence des convocations des personnes placées sous-main de justice devant un personnel du SPIP constitue l’une des caractéristiques essentielles de l’exécution des peines qui relève, en dernier ressort, des juridictions de l’application des peines ».

La complexité de cette question a conduit le jury de la conférence de consensus à préconiser une clarification des relations entre le JAP et le SPIP : «  Le jury estime nécessaire de clarifier tant les articulations entre le juge d’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation qu’entre ce dernier et les associations actives dans le domaine socio-judiciaire. Il estime que le service pénitentiaire d’insertion et de probation doit être chargé du suivi des justiciables du début – évaluation présentencielle – à la fin – et de la coordination de la prise en charge après condamnation, en milieu ouvert ou fermé, avec l’ensemble des acteurs. Cette coordination peut s’appuyer sur les compétences développées par les associations au niveau local. Le juge d’application des peines de son côté doit se concentrer sur son rôle de juge. Il fixe, sur proposition du service pénitentiaire d’insertion et de probation, le contenu d’une mesure de probation ou les aménagements d’une peine privative de liberté, statue sur les incidents, décide éventuellement du renforcement ou de la levée des obligations posées dans ce cadre. »

1.3.1.5. Les pouvoirs de forces de l’ordre sur les mesures judiciaires suivies en milieu ouvert.

• L’information des forces de l’ordre sur les mesures en cours : le fichier des personnes recherchées

Le principal outil d’information des forces de l’ordre sur les mesures judiciaires qui nécessitent un contrôle et une surveillance est l’inscription au fichier des personnes recherchées (FPR). Dans cette perspective, l’article 230-19 du code de procédure pénale dispose que sont notamment inscrites au FPR, au titre des décisions judiciaires :

- les obligations ou interdictions visées aux 1°, 2°, 3°, 8°, 9°, 12° et 14° de l'article 138 du code de procédure pénale (contrôle judiciaire) ;

Sont concernées les obligations ou interdictions suivantes : ne pas quitter le territoire national, ne pas s’absenter de son domicile ou de la résidence fixée, ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans certains lieux déterminés, s’abstenir de conduire tout véhicule, s’abstenir de rencontrer certaines personnes, ne pas se livrer à certaines activités professionnelles dans l’exercice ou à l’occasion desquelles l’infraction a été commise, ou ne pas détenir ou porter une arme.

- les interdictions prononcées en application des dispositions des 1°, 2°, 3°, 6°, 11°, 12°, 13° et 14° de l'article 131-6 du code pénal relatif aux peines alternatives à l'emprisonnement ;

Sont concernées les mesures suivantes : la suspension de permis de conduire ; l’interdiction de conduire certains véhicules ; l’annulation de permis de conduire ; l’interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation ; l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale ; l’interdiction de paraître dans certains lieux ; l’interdiction de fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l’infraction ; l’interdiction de fréquenter certaines personnes, notamment la victime.

- lorsqu’elle est prononcée à titre de peine complémentaire, l'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé ;

- les obligations et interdictions prononcées dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire en application des articles 8°, 9° et 13° de l’article 132-45 du code pénal ;

Sont concernées les mesures suivantes : l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale ; l’interdiction de paraître dans certains lieux ; l’interdiction de fréquenter certaines personnes- notamment la victime - ou catégories de personnes - notamment les mineurs.

- les obligations ou interdictions prononcées dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve en application des dispositions du 5° de l'article 132-44 et 8°, 10°, 12°, 13° de l'article 132-45 du code pénal ;

Sont concernées les mesures suivantes : l’obtention d’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout déplacement à l’étranger, et, lorsqu’il est de nature à mettre obstacle à l’exécution de ses obligations, pour tout changement d’emploi ou de résidence ; l’interdiction d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ; l’interdiction d’engager des paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ; l’interdiction de fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ; l’interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes - dont la victime - ou certaines catégories de personnes – en particulier des mineurs à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction.

- l'interdiction de stade prononcée en application des dispositions des articles L. 332-11 à L. 332-15 du code du sport ;

- les interdictions de paraître dans certains lieux, de rencontrer certaines personnes, de quitter le territoire ou d'exercer certaines activités, ordonnées en application des dispositions de l'article 731 du code de procédure pénale en cas de libération conditionnelle.

• Les pouvoirs des forces de l’ordre

Ø Dans le cadre de l’application des peines

En application de l’article 712-16-3 du code de procédure pénale (issu de la loi du 10 mars 2010), les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, « d'office ou sur instruction du juge de l'application des peines, du magistrat du siège qui le remplace ou, en cas d'urgence, du procureur de la République, appréhender toute personne placée sous le contrôle du juge de l'application des peines et à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a manqué aux obligations qui lui incombent et spécialement à son interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou de paraître en un lieu, une catégorie de lieux ou une zone spécialement désignés ». La personne concernée peut, sur décision d'un officier de police judiciaire, être retenue vingt-quatre heures au plus dans un local de police ou de gendarmerie afin que soit vérifiée sa situation et qu'elle soit entendue sur la violation de ses obligations. Elle est immédiatement informée par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature de l'obligation qu'elle est soupçonnée avoir violée et du fait qu'elle peut exercer les droits prévus par les articles 63-2 à 63-4 du code de procédure pénale.

Dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le JAP ou, en cas d'empêchement de ce juge et du magistrat du siège qui le remplace, le procureur de la République. A l'issue de la mesure, le JAP ou le magistrat du siège qui le remplace peut ordonner que la personne soit conduite devant lui, le cas échéant pour qu'il ordonne son incarcération provisoire. Ce dernier peut également demander à un officier ou un agent de police judiciaire d'aviser la personne qu'elle est convoquée devant lui à une date ultérieure puis de mettre fin à la rétention de la personne.

Ø Dans le cadre d’un contrôle judiciaire

En application de l’article 141-4 du code de procédure pénale (issu de la loi du 9 juillet 2010), les services de police et unités de gendarmerie peuvent, d’office ou sur instruction du juge d’instruction, appréhender toute personne placée sous contrôle judiciaire qui a manqué aux obligations qui lui incombent au titre des 9° et 17° de l’article 138 du code de procédure pénale, à savoir :

- s'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

- résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, en cas d'infraction commise soit contre le conjoint (ou ancien concubin), le concubin (ou ancien concubin), ou le partenaire lié (ou ayant été lié) par un pacte civil de solidarité, soit contre les enfants ou ceux du conjoint (ou ancien concubin), concubin (ou ancien concubin), ou partenaire (ou ancien partenaire).

La personne concernée peut, sur décision d'un officier de police judiciaire, être retenue vingt-quatre heures au plus dans un local de police ou de gendarmerie afin que soit vérifiée sa situation et qu'elle soit entendue sur la violation de ses obligations. Elle est immédiatement informée par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature de l'obligation qu'elle est soupçonnée avoir violée et du fait qu'elle peut exercer les droits prévus par les articles 63-2 à 63-4 précités. Dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le juge d'instruction qui exerce alors les pouvoirs conférés au procureur de la République par les articles 63-2 et 63-3 précités. A l'issue de la mesure, le juge d'instruction peut ordonner que la personne soit conduite devant lui, le cas échéant pour qu'il saisisse le juge des libertés et de la détention aux fins de révocation du contrôle judiciaire. Le juge d'instruction peut également demander à un officier ou un agent de police judiciaire d'aviser la personne qu'elle est convoquée devant lui à une date ultérieure.

1.3.1.6. La place de la victime dans le procès pénal et dans le processus d’exécution des peines

Il n’existe pas de de définition précise et synthétique, dans notre ordre juridique, de la place de la victime dans le procès pénal, et notamment dans l’exécution de la peine. Ainsi l’article préliminaire du code de procédure pénale se limite à énoncer que « l'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale », sans préciser leur contenu.

Celui-ci se déduit certes de l’ensemble des dispositions du code de procédure pénale qui organisent son information, sa participation à la procédure ainsi que l’indemnisation de son préjudice.

A plusieurs reprises, la loi fait néanmoins référence aux intérêts de la victime au stade du prononcé et de l’application de la peine. Ainsi l’article 132-24 du code pénal dispose-t-il en son alinéa 2 que « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ».

En l’absence de précision sur la place de la victime dans le procès pénal, ces dispositions tendent à favoriser certaines conceptions de la sanction pénale qui en font un instrument uniquement au service des intérêts de la victime. Or une telle acception s’inscrit en opposition frontale avec le sens que revêt le droit pénal dans une société démocratique, où il ne peut être que l’outil d’une restauration pérenne de l’équilibre social mis à mal par la commission de l’infraction.

Par ailleurs, le deuxième alinéa de l’article 707 du code de procédure pénale précise que « l'exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ».

La loi pose ainsi le principe selon lequel les juridictions de l’application des peines prennent en considération les intérêts de la victime ou de la partie civile préalablement à toute décision entraînant la cessation temporaire ou définitive de l'incarcération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté avant la date d'échéance de cette peine au regard des conséquences pour celle-ci de cette décision.

En conséquence, les juridictions peuvent procéder à toutes investigations utiles sur les conséquences des mesures d'individualisation de la peine au regard de la situation de la victime, dont les observations écrites peuvent être recueillies avant toute décision d’aménagement (712-16-1 du CPP et D. 49-64 du CPP).

Par ailleurs, l’ensemble des mesures d’aménagement de peines (semi-liberté, placement à l’extérieur, placement sous surveillance électronique et libération conditionnelle) et des mesures de sûreté (suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire, surveillance de sûreté) peuvent être assorties des obligations prévues par l’article 132-45 du code de procédure pénale dont plusieurs visent la protection des intérêts de la victime. La victime a évidemment la possibilité d’aviser le magistrat des manquements du condamné aux obligations la concernant.

Le JAP peut également soumettre le condamné ayant bénéficié d’un crédit de réduction de peine ou d’une réduction supplémentaire de peine à l’interdiction de rencontrer et/ou à l’obligation d’indemniser la partie civile après sa libération. La sanction est le retrait de ces réductions de peines conditionnelles et la réincarcération (721-2 du CPP).

Le procureur de la République et le JAP peuvent toujours informer la victime de la mise à exécution de la peine. La victime peut également demander à recevoir cette information (articles D.49-67 à D.49-73 du CPP).

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et son décret d’application du 27 octobre 2010 ont élargi le droit de l’avocat de la partie civile à intervenir devant les juridictions de l’application des peines43 :

L’avocat de la partie civile peut, s'il en fait la demande, faire valoir ses observations au débat contradictoire devant les juridictions de l’application des peines :

- pour les demandes de libération conditionnelle concernant des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ou à une peine de réclusion (article 730 du CPP),

- pour les demandes de relèvement de la période de sûreté ou de suspension de peine pour raison médicale qui relèvent de la compétence du tribunal de l'application des peines (article D.49-74 du CPP).

Par ailleurs, l’appel des décisions rendues par le tribunal de l'application des peines en matière de libération conditionnelle, de relèvement de la période de sûreté et de suspension de peine est porté devant la chambre de l’application des peines dont la formation est élargie à un représentant d’une association de réinsertion des détenus et à un représentant d’une association d’aide aux victimes, qui prend donc ainsi une part active aux décisions les plus graves rendues par les chambres de l’application des peines (articles 712-13 et 712-7 du CPP).

La loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle a renforcé la protection des victimes au stade de l’application des peines par deux nouvelles dispositions :

La systématisation de l’interdiction d’entrer en relation avec la victime : s’il existe un risque de rencontre entre le condamné et la victime ou partie civile et qu’elle doit être évitée, les juridictions de l’application des peines assortissent toute décision d’individualisation d’une interdiction d’entrer en relation avec la victime ou la partie civile et, le cas échéant, de paraître à proximité de son domicile et de son lieu de travail. Si la personne a été condamnée pour une infraction visée à l’article 706-47, cette interdiction est obligatoire, sauf décision contraire motivée.

La juridiction adresse à la victime, ainsi qu’à son avocat si elle est partie civile, un avis l'informant de cette interdiction et des conséquences potentielles de sa violation par le condamné (712-16-2 et D.49-68 CPP).

La création d’une « garde à vue – JAP » : les services d’enquête peuvent appréhender d’office, ou sur instruction du JAP ou en cas d’urgence du parquet, toute personne placée sous le contrôle du JAP qui a manqué à ses obligations et spécialement à son interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou de paraître en un lieu, une catégorie de lieux ou une zone spécialement désignés et la retenir pendant 24 heures (droit à avis famille, médecin, avocat). Le JAP peut déférer le condamné en vue d’une incarcération provisoire, ou lui faire remettre une convocation (712-16-3 CPP).

La loi du 10 août 2011 relative à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice et au jugement des mineurs a complété les dispositions de l’article 712-16-2 du code de procédure pénale en indiquant que la victime d’une infraction visée à l’article 706-47 du code de procédure pénale, si elle en forme expressément la demande, est informée de la date de libération de la personne condamnée lorsque celle-ci intervient à la date d’échéance de la peine.

Cette même loi a prévu à l’article 745 du code de procédure pénale que la victime puisse être informée de la date de fin de la mise à l’épreuve de la personne condamnée à une peine d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve comportant une interdiction de paraître en certains lieux et d’entrer en relation avec la victime.

1.3.2. Cadre constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer directement sur la question spécifique de la libération conditionnelle. Dans sa décision n°2007-554 DC du 9 août 2007, faisant suite à sa saisine par soixante parlementaires en application du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, sur la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, le Conseil constitutionnel a jugé que les articles 10 et 11 de la loi relative aux conditions d’octroi de la libération conditionnelle aux personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru étaient conformes à la Constitution.

A cette occasion, il a rappelé que si ces dispositions modifiaient les conditions d’octroi de la libération conditionnelle aux personnes condamnées pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire était encouru, elles ne revêtaient pas de caractère automatique et maintenaient la nécessité de l’intervention d’une décision juridictionnelle. En effet, dans le cadre de la libération conditionnelle notamment, cette loi prévoit que la personne condamnée fasse l’objet d’une injonction de soins s’il est établi, après une expertise médicale, qu’elle est susceptible d’être soumise à un traitement sauf avis contraire du juge de l’application des peines. Le législateur ayant expressément préservé la possibilité pour la juridiction de l’application des peines de ne pas prévoir l’injonction de soins, le Conseil constitutionnel a jugé l’article 10 de la loi attaquée conforme à la Constitution.

Par ailleurs, s’agissant de l’article 11 de la loi qui prévoit qu’une personne incarcérée ne peut bénéficier d’une libération conditionnelle si elle refuse, en cours d’incarcération, de se soumettre à un traitement qui lui a été proposé par le juge de l’application des peines en application des articles 717-1 et 763-7 du code de procédure pénale ou si elle ne s’engage pas à suivre, à compter de sa libération, le traitement qui lui a été proposé en application de l’article 731-1 du même code, le Conseil constitutionnel a jugé que là encore une décision juridictionnelle intervenait dans la mesure où le juge de l’application des peines pouvait proposer le traitement à une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Il en a conclu que ces dispositions étaient conformes aux principes de nécessité et d’individualisation des peines et aux articles 64 et 66 de la Constitution.

Dans sa décision n°2008-562 DC du 21 février 2008, faisant suite à sa saisine par soixante parlementaires en application du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, sur la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour trouble mental, le Conseil constitutionnel a jugé que l’article 12 de la loi relatif aux conditions d’octroi de la libération conditionnelle aux personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité étaient conformes à la Constitution. Il a toutefois censuré partiellement l’article qui prévoyait initialement que « la personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d’une libération conditionnelle qu’après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l’article 706-53-14 ». En effet, il a considéré qu’en subordonnant à l’avis favorable d’une commission administrative le pouvoir du tribunal de l’application des peines d’accorder la libération conditionnelle, le législateur avait méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il a en conséquence déclaré contraire à la Constitution le terme « favorable ». L’avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté n’est donc pas un avis conforme mais un avis simple auquel la juridiction de l’application des peines peut déroger.

1.3.3. Articulation avec le droit européen

Ø La conciliation de la protection du droit à la vie et l’objectif de réinsertion sociale par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a eu l’occasion de se prononcer sur la question des aménagements de peine en abordant les aspects de célérité de la procédure, de la qualité de l’autorité octroyant la mesure et de la nécessaire balance entre l’objectif de réinsertion sociale et la lutte contre la récidive.

Par arrêt du 15 décembre 2009 Maiorano et autres c/Italie, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné l’Italie, sur le fondement de la violation des dispositions de l’article 2 de la Convention (protection du droit à la vie) au motif qu’une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité notamment pour des faits d’assassinat avait bénéficié d’un placement en semi-liberté, période au cours de laquelle il commis deux nouveaux meurtres, alors que les circonstances de la commission des premiers faits et sa conduite en détention rendaient pour le moins discutable la décision prise de le réinsérer socialement.

Toutefois, dans une affaire où les parents d’un jeune homme, poignardé à mort par un homme condamné en Grèce à la réclusion criminelle à perpétuité et ayant bénéficié d'une libération conditionnelle, ont invoqué devant la CEDH la violation de l’article 2 (droit à la vie), reprochant aux autorités d’avoir contribué à créer les conditions du meurtre de leur fils, la Cour a d’abord rappelé que la première phrase de l’article 2 impose à l’État de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction mais que cela ne signifiait pas que l’on puisse déduire de cette disposition une obligation positive d’empêcher toute violence potentielle. En l’espèce, les autorités ont appliqué la législation pertinente et ont confirmé que les conditions requises pour la libération conditionnelle du détenu étaient réunies. La Cour considère qu’ « il n’y a pas de lien de causalité directe et solide entre les modalités d’application du système grec et le meurtre. Le système grec de libération conditionnelle n’a donc pas perturbé le juste équilibre qui doit exister entre l’objectif de la réinsertion sociale et le but d’empêcher la récidive. » La Cour conclut donc qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 (CEDH 17 janvier 2012, n°46846/08, Choreftakic/Grèce).

Ø Les recommandations du Conseil de l’Europe

Le comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté le 24 septembre 2003 une recommandation sur la libération conditionnelle qui dispose notamment :

« Afin de réduire les effets délétères de la détention et de favoriser la réinsertion des détenus dans des conditions visant à garantir la sécurité de la collectivité, la législation devrait prévoir la possibilité pour tous les détenus condamnés, y compris les condamnés à perpétuité, de bénéficier de la libération conditionnelle.

Si les peines sont trop courtes pour permettre la libération conditionnelle, il conviendrait de trouver d'autres moyens pour atteindre ces objectifs.

Au commencement de l'exécution de leur peine, les détenus devraient connaître le moment où la libération conditionnelle pourra leur être accordée du fait d'avoir purgé une période minimale (définie en termes absolus et/ou par référence à une proportion de la peine) et les critères utilisés pour déterminer s'ils peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle («système de libération discrétionnaire») ou bien, le moment où celle-ci leur sera accordée de droit du fait d'avoir purgé une période fixe définie en termes absolus et/ou par référence à une proportion de la peine («système de libération d'office»).

La période minimale ou fixe ne devrait pas être si longue que l'objectif de la libération conditionnelle ne pourrait être atteint.

Il conviendrait de prendre en considération les économies de ressources qui peuvent être réalisées en appliquant le système de libération d'office aux peines pour lesquelles une évaluation individualisée négative ne reporterait que légèrement la date de libération.

Afin de réduire le risque de récidive des détenus bénéficiant d'une libération conditionnelle, il devrait être possible de leur imposer des conditions individualisées telles que:

- la réparation du tort causé aux victimes, ou le versement d'un dédommagement ;

- l'engagement de se soumettre à une thérapie, en cas de toxicomanie ou d'alcoolisme, ou dans le cas de toute autre affection se prêtant à un traitement et manifestement liée à la perpétration du crime ;

- l'engagement de travailler ou de se livrer à une autre occupation agréée, par exemple suivre des cours ou une formation professionnelle ;

- la participation à des programmes d'évolution personnelle ;

- l'interdiction de résider ou de se rendre dans certains lieux.

En principe, la libération conditionnelle devrait également être accompagnée d'une prise en charge, sous la forme de mesures d'assistance et de contrôle. La nature, la durée et l'intensité de cette prise en charge devraient être adaptées à chaque individu. Des aménagements devraient pouvoir être effectués durant toute la période de liberté conditionnelle.

Les conditions et les mesures de prise en charge devraient être imposées pendant une durée qui ne doit pas être disproportionnée par rapport à celle de la peine restant à purger.

Les conditions et les mesures de prise en charge d'une durée indéterminée ne devraient s'appliquer qu'en cas de nécessité absolue aux fins de la protection de la société et conformément aux garanties énoncées dans la Règle 5 des Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, telle que révisée dans la Recommandation Rec(2000)22.

La préparation à la libération conditionnelle devrait être organisée en étroite collaboration entre tous les intervenants appropriés travaillant en milieu fermé et ceux intervenant dans la prise en charge après la libération, et être terminée avant la fin de la période minimale ou fixe.

Les administrations pénitentiaires devraient veiller à ce que les détenus puissent participer à des programmes appropriés pour préparer la libération et soient encouragés à suivre des cours ou une formation qui les préparent à la vie dans la communauté. Des modalités spécifiques d'exécution des peines privatives de liberté - telles que les régimes de semi-liberté ou ouverts ou encore les placements à l'extérieur – devraient être utilisées le plus largement possible en vue de préparer la réinsertion sociale des détenus.

Dans le cadre de cette préparation, les détenus devraient également avoir la possibilité de maintenir, de nouer ou de renouer des contacts avec leurs familles et proches, et de prendre contact avec des services, des organisations et des associations de bénévoles qui pourront les aider, lorsqu'ils bénéficieront de la libération conditionnelle, à se réinsérer dans la société. A cette fin, divers types de congés pénitentiaires devraient être accordés.

Il conviendrait d'encourager l'examen précoce des conditions à observer après la libération et des mesures de prise en charge appropriées. Les conditions envisageables, l'aide susceptible d'être apportée, les obligations de contrôle et les conséquences éventuelles du non-respect des conditions fixées devront être soigneusement expliquées aux détenus et discutées avec eux. »

La recommandation précise également les deux systèmes de libérations conditionnelles possibles, la libération discrétionnaire ou la libération d’office.

Dans le premier cas elle précise : « La période minimale que les détenus doivent purger avant de pouvoir prétendre à la libération conditionnelle devrait être définie en conformité avec la loi.

Les autorités compétentes devraient engager la procédure nécessaire pour que la décision concernant la libération conditionnelle puisse être rendue dès que le détenu a purgé la période minimale requise.

Les critères que les détenus doivent remplir pour pouvoir bénéficier de la libération conditionnelle devraient être clairs et explicites. Ils devraient également être réalistes en ce sens qu'ils devraient tenir compte de la personnalité des détenus, de leur situation socio-économique et de l'existence de programmes de réinsertion.

L'absence de possibilité d'emploi au moment de la libération ne devrait pas constituer un motif de refus ou de report de la libération conditionnelle. Des efforts devraient être déployés pour trouver d'autres formes d'activité. Le fait de ne pas disposer d'un logement permanent ne devrait pas non plus constituer un motif de refus ou de report de la libération conditionnelle. Il conviendrait plutôt de trouver une solution provisoire d'hébergement.

Les critères d'octroi de la libération conditionnelle devraient être appliqués de telle sorte que celle-ci puisse être accordée à tous les détenus dont on considère qu'ils remplissent le niveau minimal de garanties pour devenir des citoyens respectueux des lois. Il devrait incomber aux autorités de démontrer qu'un détenu n'a pas rempli les critères.

Si l'instance de décision rend une décision négative, elle devrait fixer une date en vue du réexamen de la question. En toute hypothèse, les détenus devraient pouvoir saisir une nouvelle fois l'instance de décision dès l'apparition d'une amélioration notable de leur situation. »

Pour la libération d'office, la recommandation stipule :

« La période de la peine que les détenus doivent purger avant que la libération conditionnelle leur soit accordée de droit devrait être fixée par la loi.

Un report du moment de la libération ne devrait être possible que dans des circonstances exceptionnelles définies par la loi.

La décision de report de la libération devrait être l'occasion de fixer une nouvelle date de libération. »

2. OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE PROJET DE LOI

Conformément au choix du gouvernement de fonder sa politique de prévention de la récidive sur les connaissances acquises en France et à l’étranger dans le domaine, les options retenues ci-dessous s’appuient d’abord sur les conclusions qui peuvent être tirées des études menées par des scientifiques, ainsi que des rapports et analyses conduits par les parlementaires et les professionnels. Ces connaissances ont été largement répertoriées et débattues lors de la conférence de consensus. Les éléments clés sont présentés succinctement ci-dessous au soutien des options retenues au projet de loi.

Le principe d’individualisation de la peine vise à appliquer une sanction et des modalités de prise en charge adaptées à la situation et aux dispositions particulières de chacune des personnes suivies dans le but de limiter la récidive44. Il consiste à organiser rationnellement, dans un sens humain et efficace, la transition entre le milieu fermé et le monde libre.

L’application de ce principe repose sur la mise en œuvre d’un diagnostic portant sur les ressources et capacités propres des individus : facteurs de risque aussi bien que facteurs de protection. En ce sens, l’individualisation des peines peut être aussi bien un outil au service de la réinsertion des personnes que de leur neutralisation45.

L’individualisation tant au stade du prononcé de la peine46 qu’à celui de son exécution47 constitue une exigence rappelée par la plupart des rapports publiés dans ce domaine ces dernières années. Ainsi, le comité d’orientation restreint de la loi pénitentiaire relève que « l’individualisation et l’aménagement d’une peine privative de liberté ne doivent plus être perçus comme une édulcoration de la sanction pénale et un contournement de la décision rendue par la juridiction répressive. Ils doivent être, au contraire, considérés comme une volonté de l’institution judiciaire et de l’administration pénitentiaire de lutter, d’une part, contre les effets nocifs des peines d’emprisonnement les plus courtes, mises à exécution sans considération de la situation familiale et sociale du condamné et, d’autre part, d’inscrire les peines de plus longue durée dans un parcours de réinsertion permettant une réelle préparation à la sortie ». 48

Le rapport du député Jean-Luc Warsmann rendu le 28 avril 2003 49 insiste sur la nécessité de doter les tribunaux de moyens efficaces de personnalisation des peines au stade du prononcé et de favoriser l’adaptation de celles-ci au stade de leur exécution en fonction de l’évolution de la situation des personnes condamnées. Dans le même sens, le rapport du député Etienne Blanc déposé le 13 décembre 200750 souligne l’importance de l’amélioration du développement des modes de personnalisation des peines.

Plus récemment, le rapport du député Raimbourg51 recommande « de donner au juge les moyens d’individualiser la peine ». Le rapporteur y exprime notamment son opposition à tous les mécanismes présentant un caractère d’automaticité afin d’« éviter le prononcé de peines privatives de liberté qui ne seraient pas strictement nécessaires ».

La Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis sur la prévention de la récidive du 21 février 201352, préconise également la suppression des peines-planchers, qui, selon elle, se sont non seulement révélées inefficaces pour prévenir la récidive mais s’avèrent contraires au principe d’individualisation de la peine.

Dès l’adoption en janvier 2010 par le comité des ministres du Conseil de l’Europe de règles relatives à la probation (REP), la France s’est attachée à transcrire ces recommandations en principes d’action et règles de droit internes (en lien notamment avec la mise en œuvre de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009), à l’instar de la démarche engagée après l’adoption des règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté par le comité des ministres du Conseil de l’Europe le 19 octobre 1992.

L’élaboration d’une politique pénale de cette ampleur doit intégrer la nécessité de disposer d’une gamme de sanctions rénovée, clairement hiérarchisée, réellement appliquée, et dans laquelle la privation de liberté ne serait plus la référence.

Plusieurs études françaises ont été effectuées sur la mesure de la récidive et de la réitération53. Elles ont concerné les sortants de prisons et les condamnés à des sanctions non carcérales. La fréquence globale de la récidive recouvre des situations très diverses selon les caractéristiques pénales et démographiques des personnes condamnées. S’agissant de la récidive officiellement enregistrée et judiciairement sanctionnée, la plupart des études font apparaître un petit groupe de variables décisives : la nature de l’infraction initiale, l’âge, le genre, l’emploi, le mode de vie et les antécédents judiciaires. Des études étrangères ont abordé les questions de santé et plus précisément d’addiction et ont montré le lien avec une éventuelle récidive.

À la lecture de ces études, le principal enseignement est que l’étude de la récidive révèle en sous-jacence celle de la multi-récidive délictuelle et concerne principalement les re-condamnations à la prison pour ceux qui avaient commis initialement un vol ou un recel.

Dans aucune étude, il n’a été établi une quelconque corrélation statistique entre la durée de la peine prononcée et le taux de réitération.

L’obtention d’un aménagement de peine, variable majeure, maintes fois évaluée, est un outil efficace de prévention d’une éventuelle récidive. Toutes les études du corpus montrent une moindre récidive des libérés conditionnels, quelle que soit la nature de l’infraction initiale. Selon l’étude la plus récente, les personnes libérées en fin de peine sans avoir obtenu d’aménagement de peine ont été recondamnées dans 63% des cas dans les cinq ans tandis que seuls 39% des sortants en libération conditionnelle (LC) sont recondamnés dans le même laps de temps et 55% de ceux qui ont obtenu un aménagement (hors LC).

Il a été montré par ailleurs que le placement sous surveillance électronique était suivi d’une moindre réitération54. De même, les condamnés à des peines privatives de liberté réitèrent davantage que les condamnés à des sanctions non carcérales en matière correctionnelle - sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, peine principale, sursis – TIG et sursis simple55.

Ces résultats en faveur des aménagements de peine et des alternatives à la prison pourraient simplement résulter d’un effet de sélection puisque ce sont les condamnés perçus par l’institution comme ne présentant pas ou peu de risque de récidive qui vont obtenir ces mesures ou sanctions alternatives. Des méthodes statistiques56 ont montré que ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par les modes de sélection effectués par les magistrats. On peut faire l’hypothèse que c’est la mesure elle-même qui a une certaine efficacité. Aussi est-ce autour de la question de la sortie anticipée encadrée, de sa généralisation et de son accompagnement, que la question de la prévention de la récidive (au sens large du terme) doit se poser.

Issue des travaux d'origine anglo-saxonne, une nouvelle problématique aborde la question de la récidive sous un autre angle, en étudiant la sortie de délinquance (desistance from crime) 57. Deux constats sont mis en évidence dans cette optique. Le premier constat sur le fond est que la délinquance n'étant pas une « seconde nature », on n’est pas délinquant à vie, la majorité des parcours se traduisant par un arrêt des actes délinquants, à des moments et pour des raisons très diverses, mais qui ont pour point commun une évolution de la personnalité de l’auteur et de ses facteurs environnementaux. Le second constat à partir de recherches portant d’abord sur de jeunes écoliers, collégiens ou lycéens dans les années 1970/1980, et réactivée dans les années 1990 au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Canada, ainsi qu’en Australie, est qu’en dépit des textes produits par les chercheurs, nous en sommes encore aux balbutiements d’une compréhension des motifs de sortie de délinquance.

Les études de récidive et les études sur la sortie de délinquance se rejoignent autour de trois constats. Le premier est que la fréquence des délits décline avec l'âge et ce même dans le cas de délinquants très actifs, et même si les variations d'âges diffèrent largement d'une personne à l'autre. Le deuxième est que le mariage, l'emploi, l'armée, qui sont autant de cadres structurants et symboliques d’un parcours personnel, éloignent de la délinquance. Le troisième est que si, dans l'ensemble, le schéma de sortie en zigzag de la délinquance est peu prévisible, il n'en est pas moins remarquablement similaire chez les personnes concernées, et relève d'une volonté et d'un changement dans « l'identité » de la personne concernée.

Le projet de loi déposé vise à moderniser notre système pénal en le dotant d’une nouvelle architecture de la peine humaniste et efficace, dont il a vocation à poser les bases essentielles à partir desquelles les différents éléments constitutifs du droit de la peine et de ses modalités de mise en œuvre trouveront leur place et se développeront.

Deux objectifs peuvent être distingués :

- La construction d’un droit de la peine lisible et cohérent favorisant l’individualisation de la sanction ;

- L’institution d’un régime d’application et d’exécution des peines renforçant leur efficacité.

2.1. Construire un droit de la peine lisible et cohérent favorisant l’individualisation de la sanction

L’état du droit existant et le diagnostic posé ci-dessus démontre combien la remise à plat de notre système de peines était nécessaire.

2.1.1. Dépasser l’hégémonie de la peine d’emprisonnement

Alors même que nombre de dispositions législatives rappelées à la précédente partie s’efforcent de situer la peine d’emprisonnement dans une acception subsidiaire ou exceptionnelle, il a été démontré qu’elle demeurait en droit la peine de référence et, dans les faits, la peine centrale autour de laquelle s’organisent les suivis judiciaires. Ce décalage ne résulte pas seulement d’une certaine résistance culturelle des professionnels de la justice, au premier rang desquels les juges des juridictions de jugement pénales. Il s’est appuyé sur l’état du droit et a été conforté par les politiques pénales menées ces dernières années privilégiant le recours à l’incarcération.

2.1.1.1. La prépondérance du recours à l’emprisonnement

Le nombre relatif de peines privatives de liberté rapporté au nombre total de condamnations prononcées est passé de 54 pour 100 condamnations en 1997 à 48 en 2011. Cette diminution relative s’inscrit dans un contexte particulier de fort développement du contentieux routier qui représente en 2011 près de la moitié des inscriptions au casier judiciaire. Hors contentieux routier, la prééminence de l’emprisonnement est encore plus marquée dans la structure des peines. Ainsi, hors contentieux routier, la peine d’emprisonnement représentait moins de 61 peines principales pour 100 en 1997 ; elle en représente 63 pour 100 depuis 2005. La structure des peines en France diffère ainsi fortement de celle de l’Allemagne où 81% des peines prononcées sont des amendes et 19% des peines d’emprisonnement, dont près des ¾ sont prononcées avec sursis et mise l’épreuve (le sursis simple n’existe pas). Au total, seules 5,5% des peines prononcées sont des peines d’emprisonnement ferme – alors qu’en France en 2011, 30% des peines prononcées (hors contentieux routier) sont des peines d’emprisonnement ferme.

Graphique 3 : Evolution des peines principales prononcées hors contentieux routier (hors composition pénale)

Graphique 4 : Evolution de la structure des peines principales hors contentieux routier

La structure des peines privatives de liberté (graphiques 5 et 6) connaît des évolutions marquées :

- accroissement des peines totalement fermes : de 27% à 30% de l’ensemble

- accroissement des peines assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve partiel ou total : de 19% à 27% de l’ensemble

- diminution des peines d’emprisonnement avec sursis simple de manière sensible en nombre et en proportion : de 50% en 1997 à 40% en 2011.

Graphique 5 : Evolution des condamnations à peine privative de liberté

Graphique 6 : Evolution de la structure des peines privatives de liberté

Cette représentation masque cependant une autre évolution importante, celle du développement des condamnations prononcées pour des infractions commises en récidive sur la période (graphique 7). Celles-ci représentaient 4,3% des condamnations à une peine d’emprisonnement en début de période mais 21,5% en 2011. Cette évolution résulte principalement de l’élargissement de la notion de récidive légale et des mécanismes juridiques conduisant à la relever –alors qu’avant 2007, les juridictions pouvaient prendre en compte l’état de renouvellement d’une infraction sans pour autant relever formellement l’état de récidive légale.  Le développement de ces condamnations en récidive légale a des conséquences sur les peines prononcées. Le graphique suivant permet ainsi de relativiser les évolutions décrites plus haut. Hors récidive, on constate :

- un maintien de la part des condamnations à de l’emprisonnement totalement ferme à 26% ;

- un accroissement modéré de la part des peines assorties d’un SME (de 18% à 24%) ;

- une baisse modérée de la part des sursis simples (de 52% à 47%).

En récidive, on constate une autre répartition des différentes peines qui est restée stable sur la période:

- 45% pour les emprisonnements fermes sans sursis ;

- 41% pour les peines assorties d’un SME, avec cependant, au sein des SME, une forte évolution : les SME partiels représentaient 31% des SME en 1997, mais 54% en 2011 ;

- 10% pour les sursis simples.  

Il convient de souligner que cette évolution s'explique par des changements importants de la loi et des pratiques des juridictions, plus que par une explosion de la récidive au sens criminologique 58

C’est l’accroissement de la part des condamnations prononcées en récidive qui explique en grande partie l’accroissement du recours au sursis avec mise à l’épreuve dans l’ensemble des condamnations.

Graphique 8 : évolution des condamnations à PPL prononcées selon le mode de participation

Le sursis avec mise à l’épreuve est devenu une peine prononcée pour des motifs très divers, parfois peu lisibles, souvent par défaut ou pour éviter une incarcération que les dispositions législatives récentes rendent prioritaire. Cette confusion se poursuit dans le cadre de la mise en œuvre de la peine par les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Enfin, les aménagements de peine et autres mesures (SEFIP, PSAP) destinées à mieux préparer la sortie de détention n’ont pas connu les développements attendus. Ainsi, le taux de recours à la libération conditionnelle demeure en dessous de 10% des personnes qui pourraient en bénéficier. De même, le nombre de détenus achevant leur peine privative de liberté dans le cadre d’une sortie contrôlée par un aménagement de peine n’atteint pas le cinquième de ceux qui pourraient en faire l’objet. Plus précisément, les « sorties sèches » concernent 98% des personne condamnées à une peine de moins de 6 mois, 84% des personnes condamnées à une peine de 6 mois à un an et 64% des personnes condamnées à une peine de un à trois ans. Ces freins ne sont pas satisfaisants à un double égard :

- ils entravent la bonne préparation de la réinsertion d’un personne ayant été détenue ;

- ils aggravent la situation de surpeuplement des établissements pénitentiaires accueillant des courtes et moyennes peines.

S’agissant de la SEFIP, en 2012, 3954 SEFIP ont été prononcées contre 3069 en 2011, soit une augmentation de 29%. Malgré cette forte hausse, au 1er janvier 2013, on comptabilisait 624 SEFIP pour 9 537 éligibles à la mesure, soit 6,5 % des éligibles.

S’agissant de la PSAP, 820 mesures ont été prononcées en 2011 contre 784 en 2012, chiffres très faibles et en baisse.

Ces dispositifs n’ont donc pas permis de limiter le nombre de sorties sèches de détention. En effet, alors même que le nombre d’aménagements de peine a augmenté de près de 86 % en 4 ans et que le pourcentage de personnes condamnées bénéficiant d’un aménagement de peine a, sur la même période, augmenté de près de 8 % (de 13,7 % en avril 2009 à 21,4 % en avril 2013), le taux de sortie sèches était toujours de 78 % en 2012.

2.1.1.2. La persistance de la situation de surpopulation carcérale

Ainsi, malgré des orientations régulièrement rappelées en faveur du développement des aménagements de peine, le nombre de personnes détenues a continué à augmenter. Au 1er juin 2013, 80 158 personnes sont écrouées59, Le nombre des personnes détenues s’établit à 67 977. Ce nombre était de 60 970 au 1er janvier 2010 et de 64 787 au 1er janvier 2012. Le nombre de détenus60 est de 67 671 en Allemagne, 11 545 aux Pays-Bas, 70 472 en Espagne, 31 768 en Roumanie, 86 283 au Royaume-Uni61. La population carcérale diminue régulièrement en Allemagne depuis 2006, aux Pays-Bas depuis 2005, et en Espagne depuis 2009. S’agissant de ce dernier pays, la réduction du nombre de détenus est une conséquence du développement des peines alternatives.

9 établissements ou quartiers d’établissement ont un taux d’occupation égal ou supérieur à 200 %. Sur un total de 249 établissements ou quartiers d’établissement (QMA, QCD, QCPA, QCSL…), 101 voient leur densité carcérale dépasser les 120 % (environ de 133% pour les MA). Cette situation de surpopulation touche ainsi 40 275 détenus, soit 59,2 % de la population en détention (en juin 2012, 55,6 % de cette population était concernée).

En Allemagne, le taux moyen d'occupation était en 2011 de 92 % .En 2012, il a été ramené à 86,6 %. En l’absence de toute politique pénale nationale dans ce domaine dans la mesure où ces compétences relèvent des Länder, cette diminution résulte apparemment d’une relative baisse de la délinquance (peut-être corrélée au vieillissement global de la population), d’une application très large des mesures de libérations conditionnelles, comme il a été vu, et d’un recours peu fréquent aux longues peines (environ 7000 personnes sont détenues – hors mesures de sûreté – en exécution de peines supérieures à 5 ans, soit 12% de la population carcérale – en France, la proportion de personnes incarcérées en exécution de peines supérieures à 5 ans atteint 26%).

Entre 2001 et 2012, la population pénale placée sous écrou a augmenté de 54 % et le nombre de personnes détenues de 34 %. Dans le même temps, le nombre d’habitants en France a augmenté de 7% seulement.

Taux de détention et densité carcérale au 1er septembre 2011

Pays

Taux de détention

Densité carcérale

Grèce

110

152

Italie

111

147

Hongrie

174

138

Belgique

107

127

France (1)

111

113

Rép. Tchèque

221

113

Turquie

172

109

Ecosse

157

106

Finlande

61

105

Portugal

120

105

Autriche

104

101

Angleterre Pays de Galles

152

97

Suède

71

97

Danemark

71

95

Pologne

211

94

Pays-Bas

69

94

Irlande

93

93

Norvège

72

92

Espagne (hors Catalogne)

158

92

Allemagne

87

92

Luxembourg

126

91

Roumanie

139

89

Suisse

77

88

Moldavie

178

79

Russie

546

-

Irlande du Nord

94

-

Champ : France entière, Europe, Turquie

(1) pour la France, ce taux correspond au taux de personnes sous écrou, la France étant l’un des pays où la part des personnes écrouées mais non détenue est la plus importante..

Source: Conseil de l'Europe SPACE 1

2.1.1.3. Les finalités et fonctions de la peine s’opposent

Ainsi que cela a été exposé en première partie, le droit positif fait coexister des dispositions contradictoires reposant sur des conceptions différentes voire antagonistes :

- le législateur s’est efforcé depuis plusieurs décennies - voire plusieurs siècles si nous prenons en considération l’introduction du sursis dans notre code – de favoriser le prononcé de peines adaptées à chaque cas et surtout de privilégier les peines permettant d’atteindre le double objectif de sanction et de réhabilitation. Dans ce contexte, la part de l’emprisonnement devait diminuer et même les peines fermes devaient pouvoir être exécutées par la personne condamnée sous des formes aménagées « hors les murs » - ou en semi-liberté ;

- mais, récemment, de nombreuses dispositions ont été introduites qui ont favorisé le recours à l’incarcération, tant lors du prononcé initial de la peine que dans le cadre du suivi de sa mise en œuvre. C’est le cas notamment des dispositions relatives aux peines minimum, des mesures aggravant la répression ou restreignant les possibilités de recours aux peines non privatives de liberté.

Malgré son importance, le principe d’individualisation de la peine n’est donc pas énoncé avec suffisamment de force par le code pénal.

S’agissant des dispositions sur les modes de personnalisation des peines, leur caractère très rigide et les automatismes qui les caractérisent (peines planchers, automaticité de la révocation des sursis...) ne permet pas toujours aux juridictions de prononcer des peines adaptées.

Faisant le constat d’une part de la prééminence du recours à l’incarcération dans le choix des peines et modalités de mise en œuvre et d’autre part d’une certaine confusion du régime des peines liée à l’accumulation de dispositions parfois contradictoires, le gouvernement a souhaité engager une clarification du système des peines axé sur le principe d’individualisation.

2.1.2. Donner une définition cohérente de la fonction de la peine

Il s’agit d’inscrire de façon claire et cohérente la fonction de la peine dans un nouvel article 130-1 du code pénal, qui figurera en tête du titre III du livre Ier, consacré aux peines. Au-delà de la dimension fortement symbolique d’une telle orientation, la détermination de ces principes permet de fixer des lignes directrices pour l’application de la loi et notamment les éléments à prendre en compte pour individualiser la sanction. Le projet distingue ainsi les finalités de la peine lors de son prononcé - sanctionner le condamné et favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion - et celles qui président à sa mise en œuvre.

La peine a pour principale finalité de restaurer durablement l’équilibre social mis à mal par la commission de l’infraction, c’est-à-dire non seulement de réparer le préjudice causé à la société, mais d’éviter que la réponse pénale ne l’aggrave. De cette finalité de cohésion sociale découle les deux fonctions de la peine :

- la fonction rétributive de sanction, liée essentiellement à la gravité de l’infraction commise ;

- la fonction réhabilitante, qui vise à réduire le risque de récidive.

Sont ainsi distingués deux temps, celui du prononcé de la peine qui emprunte à la fois aux conceptions rétributives et utilitaristes de la peine, et celui de son exécution, au cours duquel la dimension éducative de la peine prend toute son ampleur.62

Comme indiqué précédemment (1-1-3) , le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle au principe d'individualisation de la peine63. Il s’est également attaché à énumérer de manière explicite plusieurs objectifs assignés à la peine, il a ainsi précisé que « l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion »64. De même, le Conseil constitutionnel a démontré qu’il s’attachait dans son contrôle de constitutionnalité à vérifier que les conditions procédurales prévues par le législateur étaient de nature à assurer que les peines prononcées soient justifiées au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur " 65

Le principe d’invidualisation figure actuellement dans un article isolé du code de procédure pénale, l’article 132-24, juste après les dispositions sur la période de sûreté (qui constitue un obstacle à l’individualisation post-sententiel), et en introduction à une section sur les modes de personnalisation des peines.

Cet article, introduit par la loi du 12 décembre 2005, évoque également les finalités de la peine, en faisant référence à la protection de la société, à la sanction du condamné, aux intérêts de la victime, à l’insertion et la réinsertion de la personne et à la prévention d’une nouvelle infraction. Mais cet article est relatif aux critères devant être appréciés par le juge pour choisir une peine et son quantum. Et il ne distingue pas les finalités de la peine entre son prononcé et sa mise en œuvre.

Le Gouvernement souhaite rappeler les grands principes qui sous-tendent de la fonction, de la finalité ou des objectifs de la peine, telle que prévue par le législateur, dans la fonction expressive de la loi, conformément à la tradition républicaine explicitement admise, notamment par Robert Badinter, à l’occasion des travaux préparatoires à l’adoption du Code pénal de 1994.

Tout comme l’article 137 du code de procédure pénale définit les principes généraux applicables en matière de détention provisoire, en rappelant notamment que la détention n’est possible qu’à titre de mesure de sûreté ou à raison des nécessités de l’information, il importe que le législateur détermine la fonction, la finalité et les objectifs de la peine.

Le Gouvernement souhaite, à cet égard, ne plus opposer sanction et réinsertion, comme le fait la rédaction actuelle de l’article 132-24 du code de procédure pénale en indiquant que le juge doit « concilier » ces deux objectifs. Œuvrer à la réinsertion n’est pas faite un « cadeau » au condamné mais protéger la société. Ces objectifs sont donc totalement complémentaires.

L’article 1er du projet de loi introduit dans le code pénal un nouvel article 130-1 aux termes duquel « Afin de protéger la société, de prévenir la de récidive et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des droits reconnus à la victime, la peine a pour fonctions : de sanctionner le condamné ; de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion »).

L’article 2 ajoute à l’article 132-1 du même code l’alinéa selon lequel « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée. Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, de manière à assurer les finalités énoncées à l’article 130-1. »

2.1.3. Supprimer les peines minimales

L’article 5 procède, dans le code pénal, le code de procédure pénale et l’ordonnance du 2 février 1945 sur les mineurs délinquants, à la suppression des dispositions pour les majeurs et les mineurs prévoyant des peines minimales en cas de récidive ou de délits violents.

Ces dispositions, outre qu’elles portaient directement atteinte au pouvoir d’individualisation des juridictions, n’ont en effet eu aucun impact sur la prévention de la récidive et ont aggravé la surpopulation carcérale.

2.1.4. Favoriser le recours aux modes de personnalisation de la peine

Cet objectif justifie de supprimer les automatismes et obstacles à l’individualisation des peines.

Ainsi, il est prévu de simplifier le régime des peines en laissant aux juridictions de jugement le soin de choisir les peines les plus adaptées dans un cadre légal clarifié. Le code pénal détermine les peines encourues – dont le quantum double en cas de récidive – mais les types de peine doivent pouvoir être choisies parmi la gamme existante. Le caractère automatique des révocations de sursis sera supprimé. Cette automaticité était très peu lisible et compréhensible dans la mesure où elle pouvait intervenir sans que la personne condamnée en ait connaissance, voire même que la juridiction de jugement en ait conscience.

L’ensemble de ces dispositions sont applicables aux mineurs. Il est impératif, en effet, que la liberté d’appréciation du juge des enfants soit pleinement rétablie au moment du choix de la peine, de telle sorte que la sanction prononcée soit non seulement adaptée à la situation personnelle du mineur mais également favorable à son relèvement éducatif et moral. Ce renforcement de l’office du juge est d’autant plus important que la justice des mineurs doit s’inscrire dans une dynamique pédagogique et permettre au jeune condamné de comprendre les raisons comme les finalités de la peine dont il fait l’objet.

2.1.5. Favoriser l’ajournement de la peine afin d’améliorer la connaissance de la personnalité du prévenu

La connaissance trop souvent insuffisante de la personnalité du prévenu par la juridiction de jugement constitue un obstacle majeur à l’individualisation de la peine.

Le projet crée, dans l’article 132-70-1 du code pénal, une nouvelle possibilité d’ajournement, lorsqu'il apparaît nécessaire d’ordonner à son égard, avant le prononcé de la sanction, des investigations complémentaires sur sa personnalité. Il insère dans le code de procédure pénale un article 397-3-1 permettant par ailleurs au tribunal qui décide ainsi d’un ajournement de placer si nécessaire la personne sous contrôle judiciaire ou sous mandat de dépôt jusqu’à l’audience de renvoi. Ces investigations complémentaires sur la personnalité pourront notamment permettre au tribunal d’éviter le prononcé d’une peine d’emprisonnement, au profit de la peine de contrainte pénale, ou, si l’emprisonnement est prononcé, d’en adapter la durée au profil du condamné.

La conférence de consensus sur la prévention de la récidive a souligné toute l’importance d’une évaluation fine et pluraliste des personnes poursuivies ou condamnées (évaluation aux stades pré-sentenciel et post-sentenciel) ; dans ses recommandations, le Jury appelle l’attention du gouvernement sur les différents outils existants en la matière et la nécessité de conduire une phase d’expérimentation et d’évaluation de leur utilité, de même que d’accompagnement des évolutions des pratiques professionnelles.

Au-delà de la seule mesure d’ajournement du prononcé de la peine pour recueillir des informations sur la personnalité du condamné, la nécessité d’une évaluation fine et régulière est affirmée par le présent projet de loi dans le cadre des principes généraux de la mise en œuvre des peines. Cette action vise plus spécifiquement l’action des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation

Or, les pratiques des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sont actuellement interrogées, tant par leurs personnels que par les universitaires et professionnels étrangers. Outre les difficultés constatées de mise en œuvre d’un outil d’évaluation commun (le diagnostic à visée criminologique - DAVC), les méthodes cliniques couramment utilisées en France et dans une partie de l’Europe sont régulièrement discutées au regard d’études et de pratiques développées à l’étranger.

Aussi, face à la nécessité de l’évolution des outils d’évaluation par les SPIP des personnes placées sous main de justice, et dans un objectif de prévention de la récidive, le ministère de la justice va engager un plan d’actions dont l’objectif sera l’élaboration d’un outil et de méthodes permettant un jugement professionnel structuré ainsi que la formation des personnels après une phase d’expérimentation. Cette expérimentation sera soutenue par l’action de l’école nationale d’administration pénitentiaire (recherche-action) car l’introduction de nouvelles méthodes d’analyse devra nécessairement s’appuyer sur une réflexion approfondie des pratiques professionnelles des personnels d’insertion et de probation, tant en formation initiale qu’en formation continue.

L’évaluation des personnes constitue en effet un élément déterminant de l’efficacité des peines et des modalités de leur mise en œuvre. Elle conditionne pour partie leur impact en termes de prévention des risques de récidive dans la mesure où l’évaluation permet de mieux adapter les modes d’exécution de la peine aux évolutions de la personne condamnée et de son environnement. De même, elle contribue à mieux prendre en compte les préjudices causés par l’infraction et favorise leur réparation. Elle permet aux SPIP de déterminer des axes de travail en fonction du contexte multi-factuels dans lequel les passages à l’acte se sont déroulés.

Ces méthodes d’évaluation rejoignent enfin une approche « risques/besoins/réceptivité ». Inspirées du système instauré au Canada au cours des années 1990, elles ont, au plan européen, été consacrée par la REP n°6666 et correspondent aujourd’hui à une culture professionnelle bien intégrée par les SPIP. Cette approche est fondée sur une recherche d’adéquation fine entre les risques présentés par le condamné, l’adaptation permanente du suivi à son profil et la manière dont il intègre les interventions des services dans une perspective de sortie de délinquance.

2.2. Mettre en place un régime d’application et d’exécution des peines renforçant leur efficacité

La mise en cohérence des règles entourant le prononcé de la peine avec le principe d’individualisation nécessite une refonte du régime d’application et d’exécution de la peine dans le sens d’une plus grande efficacité, en créant une sanction, la contrainte pénale, qui permette un suivi renforcé du condamné, en systématisant la sortie progressive de détention et en associant plus étroitement les services de police.

2.2.1. Affirmer plus clairement les principes généraux de l’exécution de la peine et les droits des victimes

Le Gouvernement souhaite clairement distinguer le prononcé de la peine (où la dimension rétributive est entière) avec son exécution, qui est tournée vers la réinsertion.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la peine, les principes concernant les droits des victimes sont actuellement épars et peu détaillés.

Le projet de loi réécrit donc l’article 707 du code de procédure pénale afin de clarifier les finalités et principes directeurs de l’exécution des peines. Cette disposition se justifie par la volonté du législateur d’affirmer sans ambigüité le sens qu’il entend donner à la politique suivie en matière d’application et d’exécution des peines et de rassembler l’ensemble des principes généraux en une seule disposition.

Cet article modifier également notre droit en consacrant formellement, et de façon plus précise, plus exacte et plus complète que ne le fait l’actuel article 707 :

- les droits de la victime pendant la phase d’exécution de la peine, que ne précise pas actuellement l’actuel article 707;

- le principe de l’adaptation du régime de la peine à l’évolution du condamné, ce qui va plus loin que la simple question de l’aménagement ;

- le principe de l’évaluation régulière de la situation du condamné, qui n’est pas actuellement prévu par l’article 707 ;

- le droit du condamné à bénéficier, chaque fois que cela est possible, d’un retour progressif à la liberté.

Cette disposition constituera ainsi le pendant de l’article préliminaire du code de procédure pénal en matière d’exécution des peines.

Elle permettra aussi d’énoncer les principes régissant les droits des victimes dans le temps de la mise en œuvre de la peine autour de trois axes principaux : le droit à obtenir réparation de son préjudice, le droit à être informée si elle le souhaite, le droit à ce que sa tranquillité et sa sûreté soient prises en compte. Si la victime est ainsi introduite dans le processus d’exécution des peines, il ne s’agit plus pour elle de demander le prix de la faute, mais d’être prise en compte dans le processus d’individualisation, pour que soit assuré le respect de ses droits.

2.2.2. Conforter les services concourant à la prévention de la récidive, aux côtés de la Justice

La prévention de la récidive, la garantie des droits des victimes, et plus généralement l’efficacité des peines reposent sur la mobilisation d’autres acteurs que les seuls acteurs judiciaires.

L’article 3 de la loi pénitentiaire a clairement indiqué que le service public pénitentiaire est assuré avec le concours des autres services de l’Etat, des collectivités territoriales, des associations et d’autres personnes publiques ou privées. La réinsertion des personnes placées sous main de justice nécessite une action dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la formation professionnelle et des activités culturelles et sportives. Dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion, diverses dispositions ont été adoptées afin de favoriser les modalités de prise en charge sociale et sanitaire des personnes placées sous main de justice.

Le constat est toutefois fait que les personnes placées sous main de justice accèdent dans les faits difficilement aux dispositifs de droit commun.

Ainsi, dans son rapport d’activité 2011, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté considérait que « certains droits sociaux n’ont pas d’effectivité pour les personnes détenues ». Il faisait notamment état de problèmes fréquents d’allocations logement ou d’allocations familiales ainsi que de difficultés dans l’obtention ou le renouvellement des documents d’identité. Il relevait également que la lenteur d’instruction des dossiers par les CPAM préjudiciait particulièrement aux personnes détenues.

Dans le rapport d’information du 4 juillet 2012 sur l’application de la loi pénitentiaire, les rapporteurs, M. LECERF et Mme BORVO COHEN-SEAT, déploraient « l’implication limitée des collectivités territoriales ».

La conférence de consensus sur la prévention de la récidive dressait un constat identique. Elle notait notamment qu’ « en réalité, les conseils généraux qui sont en charge de l’action sociale et les services de l’Etat, qui ont la responsabilité de l’exclusion sociale, se renvoient souvent la responsabilité de la prise en charge des personnes libérées qui souvent restent dans des zones grises ». Le jury a dès lors recommandé de permettre l’accès aux dispositifs de droit commun (recommandation n° 9)

Le projet de loi tend ainsi à rappeler que chaque autorité compétente doit veiller à permettre l’accès effectif des personnes condamnées aux dispositifs de droit commun gérés par les services de l’Etat ou les collectivités territoriales.

2.2.3. Renforcer les pouvoirs des forces de l’ordre

Dans le cadre du présent projet de loi, des dispositions prévoient une mobilisation des forces de police et de gendarmerie.

Il apparaît essentiel que les autorités judiciaires et les services du ministère de l’intérieur soient en mesure de constater les violations par une personne condamnée ou placée sous-main de justice des obligations ou des interdictions qui lui ont été imposées par l’autorité judiciaire, sans attendre une interpellation pour une autre cause de la personne visée. Il convient cependant que les services de police et unités de gendarmerie se montrent attentifs à ce que le contrôle exercé ne constitue pas une entrave à la réinsertion des personnes condamnées. La violation de celles-ci est trop peu suivie d’effet, faute pour les forces de l’ordre d’avoir été avisées de l’existence des décisions de justice mais surtout faute de disposer des outils juridiques de nature à permettre le constat de leur violation.

Si le droit positif donne aux services de police des moyens coercitifs (cf. 1.3.1.6.) pour constater la violation et interpeller les condamnés qui ne respectent pas les interdictions/obligations dans le cadre des mesures suivies par le juge de l’application des peines (dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’un aménagement de peines notamment), il n’en est rien lorsque ces interdictions sont prononcées à titre autonome par les juridictions de jugement et suivies par le parquet, où dans cette hypothèse les forces de l’ordre sont démunies pour en assurer le contrôle effectif

Il y a lieu par exemple de constater le faible nombre de peines prononcées en répression de la violation des interdictions et obligations dont l’exécution est contrôlée par le parquet et dont le non-respect est susceptible d’être sanctionné sur le fondement de l’article 434-41 du code pénal. En effet, environ 16 500 peines d’obligations ou interdictions sont prononcées chaque année à titre principal, alors que l’on recense environ 800 condamnations pour inexécution de ces peines.

La réforme a pour triple objectif :

- de permettre aux forces de l’ordre d’être mieux informées des obligations et interdictions pesant sur les personnes condamnées, en complétant les informations devant figurer dans le fichier des personnes recherchées, notamment pour favoriser la protection des victimes, mais également encadrer les efforts de réinsertion de la personne condamnée ;

- de leur permettre de procéder à l’égard de ces personnes, d’une part aux mesures de retenue d’autre part de visite domiciliaire répondant à l’exigence constitutionnelle de « garanties procédurales appropriées »67 en reprenant les règles encadrant le déroulement des perquisitions. A cette fin, des dispositions spécifiques du code de procédure pénale sont créées ou améliorées. 

- de leur permettre d’assurer le contrôle du respect des peines, dont le suivi ne relève pas de la compétence du juge de l’application des peines, mais du parquet (peines alternatives de l’article 131-6 du code pénal).

Ces modifications répondent pour partie à des préconisations figurant dans le rapport d’information de l’Assemblée nationale du 23 janvier 2013 « sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale », de MM. Dominique Raimbourg et Sébastien Huyghe.

2.2.4. Créer une nouvelle procédure pour développer les sorties sous contrainte

Afin de répondre aux blocages identifiés ci-dessus concernant les aménagements de peines et les mesures spécifiques de fin de peine - SEFIP et PSAP – qui avaient été proposées pour favoriser de façon plus systématique l’exécution de la fin de peine en milieu ouvert, il est proposé d’instituer un régime de retour progressif à la liberté accessible aux condamnés à une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à 5 années ayant exécuté les deux tiers de leur peine. Ce régime vise à éviter toute « sortie sèche » et à mettre en place une sortie sous contrainte.

Il s’agit d’évoluer vers une conception plus dynamique du parcours d’exécution de la peine privative de liberté qui comportera, dans la mesure du possible, une phase de retour progressif à la liberté. Cette nécessité a été amplement identifiée depuis de nombreuses années, mais les dispositifs mis en place sont demeurés trop marginaux pour permettre d’atteindre cet objectif.

C’est pourquoi, pour tenir compte des difficultés rencontrées par les précédentes mesures, il est prévu  de bien distinguer :

o les possibilités d’aménagement de peine actuels, qui s’appliquent soit alors que la personne est incarcérée selon les conditions propres à chaque mesure d’aménagement, soit dans le cadre d’un aménagement ab initio prononcé par la juridiction de jugement, soit en application de l’article 723-15 pour les condamnés libres ; ces aménagements s’adressent à des personnes condamnées inscrites dans un processus d’insertion actif leur permettant de solliciter une sortie anticipée ou de ne pas être incarcérées en établissement pénitentiaire ;

o de la procédure nouvelle de libération sous contrainte dans le cadre du retour progressif à la liberté qui vise à mieux organiser les fins de peines privatives de liberté sous un régime de milieu ouvert pour assurer un suivi effectif à la sortie de prison.

Par ailleurs, le projet prévoit une forme procédurale plus légère, mais reposant sur une instruction pluraliste ; ainsi, la mesure fait l’objet d’une ordonnance prise en commission d’application des peines, après avis des différents intervenants : SPIP, personnel de surveillance, direction de l’établissement pénitentiaire et après réquisitions du parquet. Ce mode de fonctionnement avait été privilégié dans le cadre de l’expérimentation du « PSE fin de peine »68 avec un taux d’octroi moyen de 18% sur l’ensemble de l’expérimentation mais pouvant atteindre 55% pour certains établissements.

La mesure de sortie sous contrainte est exécutée sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique ou, si la situation de la personne condamnée le permet, sous le régime de la libération conditionnelle.

2.2.5. Créer une nouvelle peine permettant un suivi renforcé

Les peines et leurs modalités de mise en œuvre sont aujourd’hui nombreuses ; les peines de milieu ouvert sont les plus diversifiées. Elles répondent à des finalités diverses, découlant de leurs finalités et fonctions, qui peuvent être regroupées selon leur « principale inspiration ». Ainsi trois catégories principales de peines apparaissent :

- la peine d’emprisonnement vise exclusivement à priver un condamné de sa liberté d’aller et de venir ;

- la peine d’amende vise à sanctionner un comportement par la privation d’une somme d’argent ;

- les peines et mesures pénales de « milieu ouvert » ont des vocations plus variées – qui bien souvent s’entremêlent :

o certaines peines ou mesures pénales visent principalement à contenir et imposent des restrictions de liberté diverses sous la forme d’obligations de faire (par exemple : suivre des soins) ou d’interdictions (par exemple : ne pas se rendre dans un débit de boisson) ; dans certains cas, des contraintes plus fortes sont apportées à la liberté d’aller et de venir d’un condamné – c’est le cas de la semi-liberté ou du placement sous surveillance électronique – bien que l’efficacité de ces deux dernières mesures reposent aussi dans bien des cas sur la qualité de l’accompagnement socio-éducatif qui leur est adjoint ;

o d’autres peines et mesures pénales s’attachent principalement à suivre et accompagner la personne condamnée, en conjuguant une mission de contrôle avec un fort soutien socio-éducatif ;

o enfin, certaines peines et mesures ont une vocation principalement éducative, c’est notamment le cas du travail d’intérêt général.

Si la condamnation et ses modalités d’application doivent intégrer des éléments ressortissant souvent aux trois catégories de peines et aux multiples vocations des mesures de milieu ouvert, il apparaît néanmoins nécessaire de clarifier le champ d’action. La conjugaison de l’objectif d’individualisation des sanctions et de lutte contre la surpopulation carcérale aurait pu conduire le gouvernement à choisir d’instituer la peine de contrainte pénale en peine-cadre du milieu ouvert regroupant l’ensemble des modalités d’exécution existantes. Ce choix a été écarté dans un premier temps, comme cela sera exposé dans le cadre de l’analyse des options.

La création de la peine de contrainte pénale, sans suppression de la mesure de sursis avec mise à l’épreuve qui s’en rapproche le plus, vise d’une part à concentrer les mesures de milieu ouvert concernant les personnes condamnées nécessitant le suivi le plus dense et pluri-disciplinaire ; d’autre part, la peine de contrainte pénale détachée de la référence directe à l’emprisonnement, vise à prévenir durablement la récidive en recherchant une réinsertion complète de la personne condamnée.

La création de cette nouvelle peine permet de compléter et préciser la gamme des réponses pénales :

- la peine de contrainte pénale se définit par un accompagnement socio-éducatif individualisé et renforcé de la personne condamnée ; elle sera particulièrement adaptée aux personnes présentant des problématiques multiples, nécessitant une prise en charge pluri-disciplinaire et un contrôle rigoureux ;

- la peine de contrainte pénale impose au probationnaire une relation de suivi soutenu qui se caractérise par l’identification précise des facteurs de risque et des facteurs de protection et la pluralité des méthodes d’intervention –précisées ci-dessous ;

- la peine de contrainte pénale présente la particularité d’être conçue d’emblée comme un cadre évolutif proactif : actuellement, le suivi d’un SME donne lieu à des modifications du régime des obligations ou interdictions qui interviennent bien souvent en réaction au comportement déviant de la personne condamnée ou en raison de leur caducité. Dans le cadre de la contrainte pénale, le SPIP et le JAP seront tenus de dresser le bilan de la mesure tous les ans, de promouvoir la capacité d’évolution propre au condamné à une peine de contrainte pénale et de s’y adapter, dans le souci de remplir au mieux l’objectif de prévention de la récidive et, le cas échéant, de réparation des préjudices causés par l’infraction.

Dans un premier temps, la peine de contrainte pénale sera introduite dans notre droit pénal aux côtés du SME. Celui-ci aura vocation à s’adresser aux personnes condamnées nécessitant un suivi plus formel ou plus axé sur le contrôle du respect des obligations et interdictions ; le choix de la peine ne découle pas strictement des faits commis, mais doit intégrer l’analyse des risques de récidive, des besoins de réinsertion et de la capacité de la personne à s’engager dans un processus d’accompagnement. Ainsi, par exemple, le suivi d’une personne condamnée à verser une pension alimentaire pourra relever d’un SME lorsque celle-ci ne présente pas de situation de grave désinsertion ou d’une peine de contrainte pénale si ces faits s’inscrivent dans un contexte de lourde problématique.

Par le caractère plus contraignant du suivi qu’elle instaure, elle a aussi pour vocation de pouvoir être prononcée en substitut des courtes peines d’emprisonnement actuellement prononcées, dont l’efficacité sur la récidive n’est pas établie, et qui ne permettent pas d’engager, sur quelques mois en détention, un travail de réinsertion.

Compte-tenu de ces caractéristiques, il a été jugé préférable d’exclure la peine de contrainte pénale du champ des réponses pénales applicables aux mineurs, déjà suffisamment diversifiées. C’est ainsi que les professionnels de la PJJ, après avoir effectué une évaluation approfondie de la situation particulière du mineur, doivent mobiliser les ressources du jeune, de sa famille et de son environnement afin de prendre en compte l’acte commis dans un objectif éducatif.

2.2.6 Recentrer les procédures d’aménagement de peines avant leur mise à exécution

L’extension du domaine des peines d’emprisonnement aménageables avant leur mise à exécution par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a conduit à une incohérence puisqu’elle permet l’aménagement immédiat de lourdes peines, dénaturant par là-même le sens de la peine de prison.

Les seuils des peines aménageables, avant leur mise à exécution, seront abaissés  à un an et, pour les personnes se trouvant en état de récidive légale, à six mois, que ces aménagements soient prononcés par le tribunal correctionnel ab initio ou ultérieurement par le juge de l’application des peines dans le cadre des dispositions de l’article 723-15 du code pénal.

Les seuils de deux ans (et d’un an pour les récidivistes) sont en revanche  maintenus s’agissant de la possibilité pour le juge de l’application des peines d’accorder un aménagement à un condamné détenu. La peine de ce dernier ayant déjà été ramenée à exécution, et la personne ayant effectivement été incarcérée, il n’existe en effet dans cette hypothèse aucune raison de limiter les possibilités d’aménagement qui favorisent un retour progressif et encadré à la liberté, et diminuent en conséquence les risques de récidive.

3. OPTIONS

Au regard de l’état du droit existant et des objectifs poursuivis par cette réforme, les choix effectués par le Gouvernement visent à privilégier la lisibilité et la clarté des dispositions. Ainsi, les principes essentiels régissant les peines et leur mise en œuvre sont énoncés et distingués selon les étapes du procès pénal. Ces principes ont vocation à structurer l’ensemble des dispositions. C’est pourquoi, également, les options retenues sont celles qui offrent la meilleure lisibilité pour les personnes concernées, comme pour les praticiens professionnels. Enfin, le caractère opérationnel des solutions retenues a constitué un critère de choix important.

3.1. Assurer le respect du principe d’individualisation des peines

Ø Option 1 : Maintien du droit existant

Il aurait pu être envisagé de maintenir en l’état les dispositions relatives aux peines minimales, de même que les restrictions pesant sur le prononcé des sursis.

Il a été démontré que malgré les possibilités résiduelles offertes aux magistrats pour écarter l’application des peines minimales –qui est passé, pour les faits délictuels, de 50% à 36% environ de 2007 à 2011 – une tendance lourde à l’augmentation de la durée de détention est constatée..

Le régime des peines minimales a également eu pour conséquence de générer le prononcé de peines de SME essentiellement destinées à éviter le recours à l’emprisonnement ferme.

Enfin, l’ensemble de ces dispositions reposent sur la croyance fausse que l’emprisonnement prévient mieux la récidive. S’il est incontestable que l’emprisonnement prive une personne de la possibilité de commettre une infraction à l’extérieur, il faut rappeler que des peines exagérément rigoureuses entraîne des tensions au sein des établissements pénitentiaires et accentuent la désocialisation des personnes. L’emprisonnement doit être envisagé comme une étape dont les conditions et la durée de détention ne doivent pas entraver le potentiel de réinsertion et d’évolution de la personne condamnée. La surpopulation carcérale endémique que favorise le primat ainsi donné à la peine privative de liberté prive la plupart des détenus d’un accès effectif au travail pénitentiaire à l’enseignement et aux activités socio-culturelles et entraîne des conditions de détention contribuant à la désocialisation rapide et massive des condamnés. Ceci explique, entre autres, pourquoi l’emprisonnement favorise aujourd’hui particulièrement le risque de récidive.

Il faut souligner que le projet de loi concerne presque exclusivement les personnes condamnées à de courtes ou moyennes peines de prison (5 ans maximum) pour des faits délictueux et très marginalement les criminels au regard de l’abrogation des mesures de sûreté. Cette abrogation trouve ici sa place en ce qu’elle renforce le principe d’individualisation des peines et la place de l’incarcération parmi le régime des peines.

Ø Option retenue : l’abrogation des peines minimales

L’abrogation des dispositions entravant l’individualisation est donc apparue nécessaire pour construire un ensemble pénal cohérent et améliorer son efficacité. Il est fondamental de restaurer pleinement la faculté d’appréciation du juge dans la détermination de la sanction la plus adaptée pour faire cesser le trouble causé à la cohésion sociale en œuvrant au reclassement du condamné. C’est pourquoi sont abrogés les dispositifs favorisant l’automaticité de la sanction et en particulier l’incarcération ferme du condamné.

3.2. Instituer une peine de contrainte pénale

3.2.1. La peine de contrainte pénale, peine alternative ou peine principale ?

La question se pose de la place qu’il convient de donner à la peine de contrainte pénale au sein de l’arsenal législatif existant.

Ø Option 1 : la peine de contrainte pénale, une peine principale au lieu et place de l’emprisonnement pour certains délits.

Le rapport d’information Raimbourg relatif aux moyens de lutte contre la surpopulation carcérale suggère la création d’une peine de contrainte pénale, nommée « contrainte pénale communautaire » au sens d’une peine de milieu ouvert qui s’exécute dans la « communauté », c’est-à-dire dans l’environnement habituel de la personne condamnée, peine principale encourue pour certains délits à la place de l’emprisonnement : « Cette contrainte pénale constituerait donc une peine, qui serait une peine principale pour certains délits en lieu et place de la courte peine privative de liberté actuellement prévue (…) La question du champ des délits pour lesquels la contrainte pénale pourrait remplacer une peine privative de liberté est elle aussi délicate. Les défenseurs les plus fervents de cette nouvelle peine estiment qu’elle pourrait être encourue pour environ la moitié des délits qui existent en droit français. Cet objectif apparaît très ambitieux à votre Rapporteur. Il n’est en tout état de cause guère réaliste d’espérer l’atteindre à court terme, ne serait-ce que parce que cette peine ne pourra être mise en œuvre dans des conditions satisfaisantes qu’après le renforcement des effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Votre Rapporteur estime donc à la fois plus prudent et plus efficace d’expérimenter la mise en œuvre de cette peine en choisissant d’en faire la peine principale (à la place de l’emprisonnement) d’un petit nombre de délits pour lesquels elle apparaît particulièrement pertinente. Une évaluation des résultats obtenus devra être effectuée avant tout élargissement de son champ d’application ».

Si cette option aurait pour avantage de « forcer » le prononcé de peines de contrainte pénale pour les délits prévus par le législateur et d’empêcher d’autant le prononcé de peines d’emprisonnement pour ceux-ci, elle présente une vision cependant réductrice du champ d’application de la peine de contrainte pénale. Elle risquerait de limiter le prononcé de la peine de contrainte pénale à un nombre trop restreint d’infractions.

Le champ d’application de la peine de contrainte pénale ne peut donc se réduire à un type de délinquance trop restreint, dans la mesure où elle instaure un suivi d’une particulière intensité destiné aux personnes condamnées qui en ont le plus besoin, le critère de mise en œuvre de ne peut être déterminé par la seule qualification juridique des faits ou peine encourue.

Ø Option retenue : la peine de contrainte pénale, une peine alternative à l’emprisonnement.

La peine de contrainte pénale peut s’inscrire comme peine alternative à l’emprisonnement parmi les peines correctionnelles énumérées à l’article 131-3 du CP :

- emprisonnement

- amende

- jour amende

- stage de citoyenneté (alternative à l’emprisonnement, peine complémentaire ou obligation du SME)

- TIG (alternative à l’emprisonnement, obligation prononcée dans le cadre d’un sursis ou peine complémentaire)

- peines privatives ou restrictives de droit de l’article 131-6

- sanction réparation (peine alternative ou complémentaire) 

Cette option permettrait de ne pas distinguer les apports de la peine de contrainte pénale (meilleure évaluation des besoins de la personne condamnée, accompagnement adaptée et renforcé par les acteurs judiciaires) et la dissociation de la référence à l’emprisonnement.

3.2.2. Coexistence de la peine de contrainte pénale avec les autres peines alternatives à l’emprisonnement 

La peine de contrainte pénale a-t-elle vocation à s’ajouter aux peines alternatives à l’emprisonnement déjà présentes dans notre arsenal législatif et ce plus particulièrement à la sanction réparation et aux interdictions nécessitant un contrôle sans suivi ? Doit-elle se substituer totalement aux peines alternatives déjà existantes ou bien partiellement ?

Rappel des peines privatives ou restrictives de droit (article 131-6 du code pénal):

Les interdictions afférentes aux permis:1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ;2° L'interdiction de conduire certains véhicules pendant une durée de cinq ans au plus ; 3° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ; 8° Le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

Les interdictions afférentes à l’exercice d’une profession : 15° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ; 11° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales. Elle n'est pas non plus applicable en matière de délit de presse ;

L’interdiction de paraître dans certains lieux : 12° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ;

L’interdiction d’entrer en contact : 14° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction ; 13° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

L’interdiction de port d’arme et moyens de payement: 6° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ; 7° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ; 9° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d'utiliser des cartes de paiement ;

Les confiscations et immobilisations : 4° La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ; 5° L'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat ; 10° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit. Toutefois, cette confiscation ne peut pas être prononcée en matière de délit de presse ;

Les obligations de faire :

Le TIG (article 131-8 du code pénal)

Les jours-amende (article 131-5 du code pénal)

Les stages :, stage de citoyenneté (131-5-1 du code pénal), stage de sensibilisation aux dangers de la drogue ou un stage de responsabilité parentale, stage de sensibilisation à la sécurité routière (article 131-35-1 du code pénal)

La sanction réparation : prévue comme une peine complémentaire ou une peine alternative à l’emprisonnement ou à l’amende. Elle consiste dans l’obligation pour la personne condamnée de procéder dans le délai et selon les modalités fixées par la juridiction, à l’indemnisation du préjudice de la victime (articles 131-8-1 et 131-15-1 du code pénal). L’exécution de la réparation est aujourd’hui assurée et constatée par le procureur de la République ou son délégué. L’inexécution de l’une de ces obligations est sanctionnée par l’application d’une autre peine (qui, pour la sanction-réparation, est fixée en même temps que le prononcé de la mesure), et non par l’exécution forcée.

Ø Option 1 : suppression des peines alternatives autonomes qui seraient intégrées dans la peine de contrainte pénale.

Cette hypothèse a l’avantage de simplifier le système, d’autant plus que les peines alternatives sont aujourd’hui peu prononcées. Les peines alternatives représentent environ 15% des peines prononcées à titre principal depuis de nombreuses années.

Cette hypothèse apparaît cependant inopportune pour les raisons exposées ci-dessous et irréalisable à moyens constants. Il faut constater que, même en ne considérant pas les mesures et sanctions éducatives prévues par l’ordonnance du 2 février 1945, 66% des peines alternatives prononcées sont constitués des jours-amendes, des restrictions au permis de chasser ou de conduire, des confiscations et de l’interdiction du territoire français, diverses peines éloignées des objectifs de la peine de contrainte pénale.

Peines prononcées à titre principal autre que l'amende ou l'emprisonnement en 2011, hors compositions pénales et dispenses de peine

Catégories de peines

Nombre à titre principal de condamnations en 2011

Mesures ou sanctions éducatives

25 457

Jours-amendes

23 894

Restrictions au permis de conduire

16 505

TIG

15 658

Stages divers

4 923

Confiscations

734

Interdictions du territoire français

244

Suivis socio-judiciaires

143

Sanctions-réparations

110

Restrictions au permis de chasser

40

Autres

515

TOTAL

88 223

Source : CJN-traitement PEPP

Ø Option retenue : intégration de certaines peines alternatives dans la peine de contrainte pénale et maintien des autres peines alternatives

1) Les peines alternatives et la peine de contrainte pénale poursuivent des objectifs distincts et complémentaires et ne s’adressent pas aux mêmes justiciables.

La peine de contrainte pénale emporte « suivi, conseil et assistance dans le but de réintégrer socialement l’auteur d’infractions dans la société et de contribuer à la sécurité collective » (formulation de Conseil de l’Europe). Elle doit être réservée à certains profils identifiés en amont qui ont besoin d’un réel accompagnement et pour lesquels les problématiques à traiter en termes de prévention de la récidive et de réinsertion justifient un suivi le plus souvent pluridisciplinaire.

Les peines alternatives ont, pour certaines, vocation à n’impliquer qu’un contrôle du condamné, via une inscription au fichier des personnes recherchées ou une exécution par d’autres administrations (préfectures etc.) sans qu’un suivi n’apparaisse nécessaire. C’est le cas par exemple des interdictions prononcées à titre de peine principale ou des peines restrictives de droits. D’autres en revanche justifient un contrôle de la personne condamnée, sans toutefois qu’une évaluation préalable de la situation du condamné et un suivi approfondi de celui-ci ne soit nécessaire Tel est le cas par exemple du TIG, du stage de citoyenneté ou de la sanction-réparation qui permettent une réponse pénale adaptée à la personnalité du condamné, telle qu’identifiée par la juridiction de jugement. Par ailleurs, des travaux d’intérêt général (sous la forme du travail non rémunéré) et le stage de citoyenneté sont susceptibles d’être prononcés dans le cadre de la composition pénale à titre d’alternative aux poursuites.

Il apparaît dès lors opportun de laisser aux magistrats la possibilité de prononcer ces peines autonomes à titre principal lorsque les éléments en possession de la juridiction au jour du procès sont suffisants et qu’un suivi approfondi de l’intéressé n’apparaît pas nécessaire.

2) Si en terme de prévention de la récidive il pourrait paraître opportun que chaque personne fasse l’objet d’une évaluation pluridisciplinaire avant détermination du contenu de sa peine, ceci est irréalisable au regard des moyens actuels du SPIP.

88 223 peines de substitution ont été prononcées en 2011, dont 15 658 TIG69, ce qui impliquerait autant de mesures faisant l’objet d’un suivi approfondi par le SPIP

En outre, en 2011, 44 717 peines consistant en des obligations de faire ou de ne pas faire ont été prononcées (en peine alternative ou à titre de peine complémentaire) dont plus de 22 000 stages de sensibilisation à la sécurité routière et près de 1 700 stages de citoyenneté, qui sont des mesures très identifiées par les juridictions.

   

2011

Peines consistant en des obligations de faire ou ne pas faire

Cessation de l'opération interdite ou irrégulière

5

Démolition des constructions irrégulières

175

Interdiction d'utiliser une installation non autorisée, non déclarée, non conforme ou polluante

4

Mise en conformité des lieux ou des ouvrages

178

Réaffectation du sol pour la remise en état des lieux

249

Remise en état des lieux

25

Injonction thérapeutique

64

Suppression de la publicité ou de son support

4

Travail d'intérêt général

16 226

Obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière

22 582

Obligation d'accomplir un stage de citoyenneté

1 689

Obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants

3 346

Obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale

30

Sanction réparation

140

Ensemble

44 717

Enfin, la peine de contrainte pénale nécessite, pour que le suivi réponde aux objectifs qui lui sont assignés, que le nombre de dossiers suivis par conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation demeure raisonnable afin que le SPIP soit en mesure d’assurer la personnalisation et l’effectivité du suivi, ce qui paraît incompatible avec l’intégration de l’ensemble des peines alternatives à l’incarcération au sein de la contrainte pénale.

3.2.3. Peine de contrainte pénale et SME

Ø Option 1 : Suppression totale du SME et création de la peine de contrainte pénale

Cette option permettrait de simplifier le droit des peines. Elle poserait également la question de l’application de la loi pénale dans le temps pour les SME en cours. Elle pourrait également avoir des implications pour les peines mixtes, intégrant une partie d’emprisonnement ferme et une partie avec sursis. Il serait donc nécessaire que la substitution de la contrainte pénale au SME n’engendre pas un accroissement de la durée des peines privatives de liberté.

Cette option nécessiterait néanmoins de revoir totalement l’architecture d’une partie du livre 1er du code pénal, puisque les dispositions sur le SME sont le « socle » des obligations de nombreuses autres peines ou mesures, et qu’elles sont également le socle du sursis-TIG.

Ø Option retenue: Coexistence de la peine de contrainte pénale et du sursis avec mise à l’épreuve dans un premier temps.

La coexistence des deux mesures vise à mieux distinguer la spécificité de la peine de contrainte pénale au regard de la masse des mesures de SME. Elle doit favoriser l’identification plus ciblée des personnes justifiant un suivi, accompagnement et contrôle, plus intense et, dans de nombreuses hypothèses, pluri-disciplinaire. Cette identification repose d’une part sur des outils d’évaluation de la personne renforcés et d’autre part sur des prises en charge plus différenciées. Il faut d’ailleurs souligner qu’au sein même des mesures de SME, de plus fortes différenciations dans les suivis seraient opportunes.

Dans la phase transitoire, soit après l’entrée en vigueur de la loi et jusqu’à l’évaluation, une circulaire indiquera que les SME doivent être requis plutôt lorsqu’un contrôle strict du respect des obligations et des interdictions parait suffisant, et la peine de contrainte pénale lorsqu’un suivi et un accompagnement personnalisé renforcé parait nécessaire.

Par ailleurs, la peine de contrainte pénale n’étant pas directement « adossée » sur une peine d’emprisonnement, sa mise en œuvre nécessitera une transformation progressive des pratiques professionnelles vers la recherche de solutions applicables en « milieu ouvert » destinées à prévenir le risque de récidive et à favoriser l’insertion de la personne condamnée.

3.2.4. Peine de contrainte pénale et surveillance électronique

Ø Option 1 : la surveillance électronique peut être prononcée dans le cadre d’une peine de contrainte pénale

Dans la législation actuelle, le placement sous surveillance électronique fixe (PSE) constitue uniquement une modalité d’exécution de la peine d’emprisonnement ferme70 et ne peut, en l’état des textes, être conçue en tant que mesure probatoire alternative à l’emprisonnement, sauf à procéder à une refonte de grande ampleur des textes régissant la matière. Il suppose en effet un placement sous écrou de la personne condamnée et s’avère donc incompatible avec l’exécution d’une mesure en milieu ouvert.

Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) constitue quant à lui une mesure accessoire à une mesure de sûreté (suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire, surveillance de sûreté, permission de sortir d’une personne condamnée placée en rétention de sûreté) ou à une libération conditionnelle et pouvait également être envisagée en tant que mesure accessoire à la peine de contrainte pénale. Le PSEM constitue cependant une mesure de surveillance applicable aux personnes condamnées nécessitant un type de suivi très contraignant et ciblé destiné à surveiller leurs déplacements. Il s’agit d’une mesure qui demeure exceptionnelle, réservée à certaines personnes dont les allers-et-venues sont étroitement surveillées.

Ø Option retenue : la surveillance électronique ne peut pas être prononcée dans le cadre d’une peine de contrainte pénale

La création d’un dispositif de surveillance électronique dans le cadre de la peine de contrainte pénale pouvant s’analyser comme une obligation d’assignation à résidence n’a pas été retenue car elle risquait d’entraîner une certaine confusion entre les différents régimes juridique de la surveillance électronique, et particulièrement avec son caractère de mesure restrictive de liberté.

3.2.5. Options concernant la sanction du non-respect de la peine de contrainte pénale

Plusieurs options étaient envisageables pour sanctionner le condamné qui ne respecte pas les obligations de la contrainte.

Ø Option 1. Création d’un délit spécifique

Un délit spécifique, puni par exemple de deux ans d’emprisonnement, similaire aux délits prévus par les articles 434-38 (non-respect d’une peine d’interdiction de séjour), 434-41 (non-respect de peines diverses) ou 434-42 (non-exécution d’un travail d’intérêt général) du code pénal pourrait être institué.

Cette option a été préconisée par le jury de la conférence de consensus qui estimait que le non-respect des règles ne devait pas entraîner automatiquement une sanction mais pouvait appeler un effort pour mieux accompagner le condamné.

Cette solution présente toutefois de nombreux inconvénients.

D’une manière générale, elle ne permet pas en effet au juge de l’application des peines de réagir rapidement en cas de violation manifeste par le condamné de ses obligations, puisqu’elle exige de nouvelles poursuites engagées par le procureur de la République, ce qui n’assure donc pas une efficacité suffisante de la peine. Compte tenu des délais d’audiencement, la sanction du non-respect de la peine de probation pourrait intervenir plusieurs mois après la constatation de la violation de ses obligations. La mise en œuvre pourrait être encore retardée par le fait que les juridictions, démunies de moyen de contrainte permettant d’assurer la comparution personnelle du condamné (mandat d’amener…), seraient amenées à prendre des décisions non contradictoires qui devraient ensuite être signifiées aux condamnés.

Le tribunal connaît moins la situation du condamné et son parcours. Le rôle du juge de l’application des peines serait également difficile à identifier pour la personne condamnée s’il ne joue pas un rôle moteur dans la sanction des manquements constatés.

Les dispositions de cette nature qui existent (le délit de non-exécution d’un TIG) ne donnent pas lieu à des sanctions importantes, ce qui pourrait dissuader les magistrats de prononcer la contrainte pénale, notamment pour des faits assez graves.

Par ailleurs, elle entraînerait une charge de travail supérieure pour les juridictions71.

Ø Option 2. Fixation de l’emprisonnement encouru par la juridiction de condamnation

Comme cela est le cas en matière de SME ou en matière de suivi socio-judiciaire, le tribunal correctionnel aurait pu lui-même fixer l’emprisonnement encouru par le condamné en cas de non-respect de la contrainte pénale, emprisonnement que le juge de l’application des peines pouvant alors mettre à exécution.

Cette solution aboutissait toutefois à une confusion dans la peine prononcée - peine de contrainte pénale ou peine d’emprisonnement avec sursis ? - en ne permettant pas de déconnecter la contrainte pénale des peines d’emprisonnement.

Ø Option retenue : Fixation par la loi du maximum de l’emprisonnement encouru, en proportion de la durée de la contrainte pénale.

Le projet de loi prévoit que, en cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures, obligations et interdictions qui lui sont imposées ou de nouvelle condamnation pour crime ou délit, le condamné pourra être emprisonné pour une durée ne pouvant excéder la moitié de la durée de la peine de contrainte pénale prononcée par le tribunal, ni le maximum de la peine encourue.

Cette solution permet de concilier la cohérence de la peine de contrainte pénale et son efficacité.

Il est en effet logique que la sanction de la contrainte soit spécifique à cette peine, et proportionnelle à sa durée.

Cette solution permettra que soit prononcée à plusieurs reprises si nécessaire cet emprisonnement au cours de la contrainte pénale, dès lors que la durée totale des emprisonnements ordonnés ne dépassera pas la moitié de la durée de la peine de contrainte pénale prononcée par le tribunal (ou le maximum de la peine encourue).

Deux sous options étaient envisageables en ce qui concerne la procédure du prononcé de l’emprisonnement.

Sous option non retenue: la décision est prise par le juge de l’application des peines

Dans cette hypothèse, le juge de l’application des peines statuerait, après avis motivé du service pénitentiaire d’insertion et de probation, à l’issue d’un débat contradictoire.

Si cette option permet une réactivité immédiate de l’autorité judiciaire en cas de manquement, elle soulève cependant des difficultés en ce qui concerne l’impartialité objective que le justiciable est en droit d’attendre de la juridiction d’application des peines, puisque le juge aura pu lui-même fixer les principales obligations de la peine, aura constaté leur violation, et se sera auto-saisi afin de sanctionner cette violation, en mettant à exécution un emprisonnement dont la durée n’a pas été expressément déterminée par la juridiction de jugement.

La constitutionnalité et la conventionalité de cette solution restant incertaines, cette sous-option n’a donc pas été retenue.

Sous option retenue : la décision est prise, selon les cas, par le président du tribunal de grande instance ou un juge délégué, ou par la juridiction de jugement

Afin d’éviter tout grief tenant à la partialité objective de la procédure, il est prévu que la mise à exécution de l’emprisonnement encouru en cas de violation des obligations sera décidée par le président du tribunal de grande instance ou son délégué, saisi à cette fin par requête motivée du juge de l’application des peines, d’office ou sur réquisition du procureur de la République.

Le président ou le juge délégué statuera après un débat contradictoire public. Afin de garantir l’effectivité de l’intervention de l’autorité judiciaire, il est également prévu que le juge de l’application des peines pourra, en application de l’article 712-19 du code de procédure pénale, ordonner l’incarcération provisoire du condamné jusqu’à sa comparution devant le président ou son délégué, qui devra alors intervenir dans les quinze jours.

Il doit être observé qu’il est laissé à l’entière appréciation du président le soin de choisir le juge délégué, afin de permettre la meilleure application de cette procédure selon la taille et l’organisation des juridictions. Selon les cas, ce juge délégué pourra être un autre juge de l’application des peines, le juge des libertés et de la détention, voire le juge unique du tribunal correctionnel.

Dans le cas particulier où la personne condamnée, sans manquer à ses obligations, commettra une nouvelle infraction durant le délai de la contrainte pénale, il est prévu que la juridiction de jugement, en même temps qu’elle prononcera la condamnation pour ces nouveaux faits, décidera le cas échéant, après avis du juge d’application des peines, de la mise à exécution de tout ou partie de l’emprisonnement encouru, exactement comme le prévoit actuellement l’article 132-48 du code pénal en matière de sursis avec mise à l’épreuve.

3.3. Améliorer l’efficacité du processus d’exécution de la peine

Le processus d’exécution de la peine est profondément repensé afin de tenir compte du double objectif de peine humaine et efficace. Les modalités de mise en œuvre de la peine doivent prendre en compte les évolutions du condamné et de son environnement, ses capacités de réinsertion et de changement de son comportement – l’ensemble des facteurs de risque et de protection. Le besoin de suivi et d’accompagnement après la sortie de détention est variable selon les personnes et les circonstances.

Ces suivis seront variés et la situation des personnes ne justifie pas un égal investissement des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Selon l’évaluation qui sera faite de la situation – évaluation nécessairement rapide – des modalités de libération sous contrainte et des modalités de suivi seront décidées.

Cette mesure de fin de peine dénommée « libération sous contrainte » s’inscrit dans le cadre d’un  retour progressif à la liberté . Ses modalités de mise en œuvre et sa conception se distinguent de la libération conditionnelle au sens où elle ne constitue pas un aménagement « octroyé » en fonctions des « efforts » menés par la personne condamnée, mais une étape normale et nécessaire de l’exécution d’une peine destinée à encadrer et accompagner une personne condamnée à une courte et moyenne peine sortant de détention.

Cette mesure s’applique également aux mineurs puisqu’un retour progressif à la liberté est également pertinent à l’égard de mineurs. Cependant, son application restera limitée au regard du faible nombre de mineurs condamnés éligibles à cette mesure. En effet, au 1er décembre 2012, 278 mineurs condamnés sont écroués représentant 0,45 % de l’ensemble des personnes écrouées en France. Les mineurs sont peu concernés par des condamnations à de l’emprisonnement ferme, la loi prévoyant que l’emprisonnement pour les mineurs doit rester exceptionnel : pour l’année 2012, 735 mineurs étaient détenus en moyenne au 1er de chaque mois, contre 744 en 2011. Au 1er janvier 2012, les mineurs détenus représentaient 1,1% des personnes incarcérées en France. De plus, la durée moyenne des peines privatives de liberté prononcées à l’égard des mineurs est de 3,6 mois en 2010.

S’agissant plus particulièrement de la libération sous contrainte, sur l’année 2012  (base de référence) le flux des mineurs condamnés détenus dont le quantum de peine (ou cumul) est inférieur ou égal à 5 ans et qui ont dépassé les deux tiers de leur peine sans bénéficier d’aménagement de peine est de 1 474 mineurs, ce qui représente sur l’ensemble du territoire national 120 dossiers mensuels à examiner.

3.3.1. L’application d’une mesure de libération sous contrainte

La mesure de libération sous contrainte doit-elle être accordée de plein droit ou au cas par cas ?

Par ailleurs doit-elle n’exister que sous la forme d’un seul régime s’appliquant à toutes les personnes condamnées sans distinction quant au quantum de peine en cours d’exécution ou doit-on prévoir deux régimes différents selon qu’on est en présence d’une courte/moyenne peine d’emprisonnement (inférieure ou égale à 5 ans par exemple) ou d’une longue peine d’emprisonnement (supérieure à 5 ans) ?

Ø Option 1 : un examen systématique pour les courtes peines et une libération conditionnelle de plein droit pour les longues peines

L’octroi d’une libération conditionnelle de plein droit pour les longues peines peut se heurter à la nécessité de préserver les intérêts de la victime et de la société par la construction d’un projet dans lequel la personne condamnée s’est investie et qui a fait l’objet de vérifications de la part des autorités judiciaires.

Si l’octroi d’un aménagement de peine de plein droit répondrait à la nécessité d’éviter les « sorties sèches », il ne permettrait pas aux victimes d’intervenir dans le processus d’aménagement de peine, consacré depuis la loi pénitentiaire à l’article 730 du code de procédure pénale (CPP) qui dispose que « l’avocat de la partie civile peut, s'il en fait la demande, faire valoir ses observations au débat contradictoire devant les juridictions de l’application des peines : pour les demandes de libération conditionnelle concernant des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ou à une peine de réclusion ».

En outre, les études en droit comparé montrent que les libérations conditionnelles « automatiques » ont un taux d’échec plus important que les libérations conditionnelles classiques. Il semble dès lors nécessaire de privilégier pour ce type de condamnés les aménagements de peine classiques qui pourraient être encouragés par l’organisation systématique même en l’absence de demande d’un débat contradictoire après exécution des deux tiers de peine72.

Ø Option 2 : une libération sous contrainte de plein droit pour toutes les personnes condamnées

Cette solution se heurte aux mêmes réserves que celles évoquées dans la première hypothèse.

Ø Option 3 : une libération sous contrainte de plein droit pour les courtes peines et un examen systématique de la libération conditionnelle selon les modalités classiques pour les longues peines

La coexistence de deux régimes, l’un plus simple et plus rapide pour les peines d’emprisonnement les plus courtes peut se justifier  d’une part, en raison de la nécessité de procéder à un examen approfondi pour les peines d’emprisonnement les plus longues ; et d’autre part, en raison du faible taux d’aménagement des courtes peines d’emprisonnement qui sont généralement exécutées en maison d’arrêt, établissements particulièrement concernés par la problématique de la surpopulation carcérale. En effet, 84% des personnes condamnées à une peine de 6 mois à 1 an ne bénéficient pas d’une mesure d’aménagement de peine classique alors qu’elles sont seulement 40% à ne pas en bénéficier lorsque la peine concernée est supérieure à 20 ans73.

Néanmoins les réserves précitées sur l’automaticité des mesures de libération conduisent à écarter là aussi cette option.

Ø Option retenue : un examen systématique pour toutes les peines

L’introduction de mesures de libération automatiques ne permet pas de prendre en compte la situation particulière de chaque détenu, et créent les conditions d’un échec potentiel dans le parcours de réinsertion.

C’est pourquoi il apparaît nécessaire de proposer à chaque détenu une prise en charge personnalisée dans son parcours de retour à la liberté. L’instauration d’un examen systématique des détenus arrivés aux deux tiers de leur peine permettra de prendre en compte la personnalité et les perspectives de la personne, et ainsi d’opter pour des mesures adaptées à l’objectif de retour à la vie libre minimisant les risques d’échec.

3.3.2. L’application d’une mesure de libération sous contrainte quand une personne exécute plusieurs peines

Le quantum de peine peut être calculé sur la base du cumul des peines portées à l’écrou ou chaque peine peut être considérée indépendamment des autres.

Ø Option 1 : l’éligibilité à la mesure est calculée en considération de la peine la plus sévère prononcée

Cette solution semble devoir être écartée car elle ne prend pas en compte la réalité de la situation pénale de la personne condamnée qui peut exécuter plusieurs peines qui se cumulent.

Ø Option 2 : l’éligibilité à la mesure est calculée à partir d’un reliquat de peine à exécuter

Cette solution qui conduit à avoir une date d’éligibilité qui évolue au cours de la peine serait de nature à complexifier la mesure.

Ø Option retenue : l’éligibilité est calculée à partir du cumul de peines portées à l’écrou

Cette solution permet de prendre en compte la réalité de la situation pénale de la personne.

3.3.3. L’application de la mesure de libération sous contrainte pour les courtes peines

Ø Option 1 : les peines d’une durée inférieure à une certaine durée sont écartées

Les très courtes peines d’emprisonnement pour des raisons matérielles auraient pu être écartées du dispositif de la libération sous contrainte. En effet, leur temps d’exécution est très court et rend plus difficile le travail de préparation à la sortie effectué par les services de l’établissement pénitentiaire et le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) pendant le temps de la détention. Cependant, une telle disposition aurait introduit une inégalité de traitement peu justifiable dans la mesure où les personnes condamnées à de courtes peines auraient été maintenues en détention jusqu’au complet déroulement de leur peine privative de liberté, alors que celles condamnées à de plus lourdes peines auraient été en mesure de s’inscrire dans un processus de retour progressif à la liberté.

Ø Option retenue : toutes les peines, mêmes celles d’une très courte durée, entrent dans le champ d’application de la mesure

Cette solution présente l’inconvénient d’être chronophage pour l’ensemble des personnels74 – particulièrement les greffes des établissements pénitentiaires, les SPIP et juges de l’application des peines et les parquets - pour un suivi effectif « hors les murs » d’une faible durée ; cependant, elle se justifie mieux au regard de la cohérence de l’ensemble de l’édifice des peines et du constat que les courtes peines, qui sont les plus désinsérantes, sont également celles dont il ressort statistiquement (cf. infra) qu’elles s’exécutent dans leur grande majorité sans aménagement de peine.

Quantum de peine des personnes condamnées sortantes ayant obtenu un aménagement de peine au cours au cours de l’exécution de la peine privative de liberté en 2011

Quantum de peine prononcé

Condamnés sortants ayant obtenu un aménagement de peine au cours de l’exécution de la peine

(1)

Condamnés sortants n'ayant pas obtenu un aménagement de peine au cours de l’exécution de la peine

Ensemble des sortants condamnés

(2)

Part des sortants condamnés ayant obtenu un aménagement de peine au cours de l'exécution de la peine

(1)/(2)

Moins de 6 mois

586

27755

28 341

2%

6 mois à moins d’un an

3 100

16859

19 959

16%

1 an à moins de 3 ans

6 029

10815

16 844

36%

3 ans à moins de 5 ans

1 981

1879

3 860

51%

5 ans à moins de 10 ans

1 292

881

2 173

59%

10 ans à moins de 20 ans

550

420

970

57%

Plus de 20 ans

235

154

389

60%

Total

13 773

58 763

72 536

19%


Source : Fichier National des Détenus, DAP/PMJ5

3.3.4. Le temps d’épreuve avant de bénéficier d’une mesure de libération sous contrainte

Ø Option 1 : temps d’épreuve à la mi-peine

C’est le temps d’épreuve de la libération conditionnelle classique prévu par l’article 729 du code de procédure pénale. Ce choix semble peu opportun en ce qu’il mettrait en concurrence directe les mesures de libérations conditionnelles classiques et les mesures de libération sous contrainte.

Ø Option retenue : temps d’épreuve aux deux-tiers de peine 

Cette option permet de ne pas créer de régime concurrentiel avec la libération conditionnelle classique octroyée à la moitié de la peine. Elle s’inscrit clairement dans le cadre d’une conception plus aboutie des modes d’exécution des peines privatives de liberté qui doivent comprendre, sauf exception, l’exécution de la fin de peine en milieu ouvert afin de favoriser la réinsertion et de permettre un suivi après la sortie de détention.

L’objectif est donc qu’un maximum de personnes bénéficient d’une mesure de libération sous contrainte, mode normal de fin d’exécution de la peine, tout en laissant au juge la latitude pour examiner au cas par cas l’opportunité d’une même mesure.

3.3.5. L’autorité compétente pour prononcer la mesure de libération sous contrainte

Ø Option 1 : l’octroi de la mesure est confié à l’administration pénitentiaire

Dans ce cas, cette mesure non juridictionnelle revêtirait alors un caractère purement administratif. Une telle option remettrait en cause le choix de la juridictionnalisation de l’application des peines qui s’est opérée au cours des dix dernières années.

Ø Option 2 : l’octroi de la mesure est confié au parquet

Cette solution est compatible avec l’idée que cette sortie de détention se distingue d’un aménagement de peine reposant sur un projet d’insertion spécifique et qu’elle fait partie du parcours d’exécution de la peine. Toutefois, à la différence de la SEFIP qui était d’une durée de 4 mois et pour laquelle aucun suivi socio-éducatif n’était prévu, la mesure proposée ici conserve le caractère d’une mesure qui s’inscrit dans la durée et dont le contrôle et la sanction sont laissés à l’appréciation d’un magistrat du siège. Par ailleurs, les difficultés de montée en charge de la SEFIP ont bien montré les résistances liées à la culture juridique et judiciaire qui ne désignent pas le parquet comme l’autorité la plus naturelle pour décider et suivre la mise en œuvre de ce type de mesure.

Ø Option retenue : l’octroi de la mesure est confié au juge de l’application des peines

La compétence du JAP est cohérente compte tenu de la nature juridictionnelle de la décision à l’origine de la mesure et du fait que cet aménagement de peine doit être suivi et sanctionné par un magistrat du siège.

3.3.6. La procédure applicable à la mesure de libération sous contrainte

Les conditions d’accès à la mesure de libération sous contrainte doivent permettre d’atteindre l’objectif d’une mesure s’inscrivant, sauf exception, dans le cadre du parcours d’exécution de la peine privative de liberté. Elles se distinguent donc clairement des modalités de décision relatives aux aménagements de peine classiques.

Ø Option 1 : l’octroi de la mesure à l’issue d’un débat contradictoire

Dans cette hypothèse, la situation pénale de chaque personne condamnée éligible serait automatiquement audiencée en débat contradictoire, tel que prévu pour un aménagement de peine classique par l’article 712-6 du code de procédure pénale. Cette procédure aurait l’avantage de permettre une audition systématique de la personne condamnée qui pourrait être assistée par un avocat. Si une telle procédure assure une réelle prise en compte de la situation individuelle de chaque condamnée, elle s’éloigne cependant de la conception d’un parcours d’exécution de la peine privative de liberté comportant une phase de liberté encadrée. De surcroît, elle nécessiterait un effort difficilement réalisable en termes de ressources humaines additionnelles.

Ø Option retenue : la création d’une procédure spécifique dédiée aux mesures de retour progressif à la liberté reposant sur les commissions de l’application des peines

Une procédure simplifiée et accélérée d’octroi de ces mesures est nécessaire pour ne pas renouveler le relatif échec de la SEFIP et de la PSAP. Cependant, il importe de ne pas complexifier une législation qui a déjà beaucoup évolué depuis 10 ans, c’est pourquoi, il est proposé de s’appuyer sur la structure déjà existante et connue qu’est la commission d’application des peines (CAP).

Ainsi, après avis de la commission de l’application des peines, le JAP rend une ordonnance susceptible d’appel devant le président de la chambre de l’application des peines, sur le fondement de l’article 712-12 du code de procédure pénale. Cette libération sous contrainte doit s’inscrire dans le cadre du parcours d’exécution de peine d’une personne détenue (condamnée à 5 ans au plus).

3.3.7. La définition de critères pour bénéficier d’une mesure de libération sous contrainte

Comme indiqué précédemment, le gouvernement considère que la mesure libération sous contrainte a pour objet de contrôler et d’accompagner la personne condamnée à l’extérieur et s’inscrit dans l’objectif d’éviter les « sorties sèches » et donc de prévenir la récidive.

Ø Option 1 : soumettre l’octroi d’une libération sous contrainte aux mêmes critères que pour l’octroi d’un aménagement de peine

Dans cette option, la libération sous contrainte serait accordée au vu d’un projet d’insertion préparé par la personne. L’action de l’administration tendrait donc à accompagner une personne détenue dans ses efforts de réinsertion.

Cette option présente l’inconvénient de ne pas intégrer le retour progressif à la liberté dans le parcours d’exécution de la peine. Se limitant aux détenus ayant un projet d’insertion, elle laisserait subsister de nombreuses sorties sèches, notamment pour les courtes peines, sans prévoir un retour progressif à la liberté dans le cadre d’un suivi renforcé de nature à limiter le risque de récidive.

Ø Option retenue : une mesure décidée indépendamment des critères habituels des aménagements de peine

La volonté de prévoir un retour progressif à la liberté avec un suivi renforcé pour éviter les « sorties sèches » justifie que la mesure soit décidée sans se fonder sur les critères habituellement retenus pour justifier un aménagement de peine (« projet d’insertion » préparé par la personne détenue ; mesure sollicitée par la personne), mais en prenant en considération ceux fixés par l’alinéa 3 de l’article 707 du code de procédure pénale75.. Cette mesure est destinée à encadrer la sortie de toute personne détenue.

Sans être systématique, la mesure s’appliquera à un nombre plus important de détenus et limitera d’autant les sorties sèches. Les personnes condamnées s’investissant dans un projet d’insertion demeurent en revanche accessibles aux aménagements de peine classiques dans les délais habituels.

3.3.8. Le contenu de la mesure de libération sous contrainte

Ø Option 1 : une mesure autonome avec des obligations propres

Les conditions d’accès à la mesure sont différentes des aménagements de peine classiques. On aurait donc pu envisager de prévoir des modalités de suivi et de contenu distinctes. Cette option aurait pu permettre de mieux distinguer la nature des deux dispositifs. Mais elle aurait entraîné une nouvelle complexification du droit existant.

Ø Option retenue : le contenu de la mesure est identique à celui des mesures d’aménagement de peine classique.

La mesure de libération sous contrainte s’exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique ou, si la situation du condamné le permet, de la libération conditionnelle

Dans le cadre de la mesure de libération sous contrainte, la personne condamnée peut être soumise aux obligations et interdictions prévues dans le cadre de ces mesures d’aménagement de peine et notamment celles visées aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal.

Le juge de l’application des peines aura ainsi la possibilité de fixer les modalités du suivi de la personne condamnée, dans le cadre de la mesure de sortie anticipée, en fonction de sa situation.

3.3.9. Les conditions d’octroi de la mesure de libération sous contrainte

Ø Option 1 : l’accès à la mesure est de plein droit, sauf impossibilité absolue

La libération sous contrainte serait le principe et il ne pourrait être refusée que ordonnance spécialement motivée du juge de l’application des peines au regard d’éléments survenus postérieurement à la condamnation, par exemple au regard du risque avéré que la personne ne commette une atteinte grave aux personnes ou des faits de violence.

Cette option revient toutefois à maintenir dans notre droit un dispositif fondé sur l’automaticité de l’aménagement, ce qui n’est pas moins attentatoire au principe d’individualisation de la sanction pénale qu’en matière de prononcé des peines.

Ø Option retenue: l’octroi de la mesure est laissée à l’appréciation du JAP

Toute en maintenant le principe d’un examen systématique de la situation des détenus afin de faire de la libération sous contrainte le mode normal d’exécution de la peine,  cette solution remet le juge de l’application des peines au cœur du dispositif en préservant sa faculté d’appréciation.

Le juge d’application des peines rend sa décision par ordonnance, dans le respect des exigences de l’article 707 du code de procédure pénale, mais sans avoir à la motiver en référence aux critères spécifiquement définis par la loi pour bénéficier d’un aménagement de peine (comme par exemple en matière de libération conditionnelle avec la notion d’efforts sérieux de réadaptation sociale présentés par la personne).

Cette option a ainsi le mérite d’éviter toute automaticité du processus tout en favorisant le retour progressif à la liberté des personnes détenues.

3.3.10. Le suivi de la mesure de libération sous contrainte

Ø Option 1: le suivi, le contrôle et la sanction de la mesure de libération sous contrainte s’exercent selon des modalités différentes de celles existant à l’heure actuelle pour ce type d’aménagement de peine

Le principal reproche fait à la SEFIP par les praticiens réside dans l’absence de suivi socio-éducatif qui rend cette modalité d’exécution de peine inefficiente en termes de prévention de la récidive.

Fort de cet enseignement, il semble difficile de concevoir un suivi allégé pour la mesure de libération sous contrainte.

Ø Option retenue: le suivi, le contrôle et la sanction de la mesure de libération sous contrainte s’exercent selon les mêmes modalités que celles existant à l’heure actuelle pour ce type d’aménagement de peine

Le SPIP est chargé de la mise en œuvre et du suivi de la mesure et s’assure du respect de ses obligations par la personne condamnée. Il avise le juge de l’application des peines des manquements constatés le cas échéant.

Cette mise en œuvre fait l’objet d’un plan de suivi qui ne doit pas s’analyser comme un projet qu’on lui propose mais bien comme un parcours d’insertion, certes défini avec elle, mais qui, une fois établi, s’impose à elle.

Ce plan de suivi consiste en un accompagnement personnalisé dans lequel la personne concernée doit s’inscrire. Des étapes et des échéances lui sont fixées permettant une évaluation et une adaptation si nécessaire à travers des entretiens avec le CPIP : thématiques et motivationnels. Ce plan de suivi nécessite l’existence d’un réseau d’insertion dynamique entre tous les partenaires institutionnels et associatifs locaux dont l’animation par le SPIP doit être un effort  permanent et constitue une exigence forte  d’efficacité. 

Le juge de l’application des peines peut révoquer la mesure après débat contradictoire, s’il se saisit lui-même ou s’il est saisi par réquisitions du ministère public.

3.3.11. Le sort de la SEFIP et de la procédure simplifiée d’aménagement de peine (PSAP)

Ø Option 1 : maintien de la PSAP et de la SEFIP ou de l’une des deux

La SEFIP aurait pu être conservée en la laissant à la compétence exclusive du parquet. Toutefois sa coexistence avec la mesure de libération sous contrainte est intellectuellement complexe, leur champ d’application étant relativement identique. En outre, il ressort des travaux de la conférence de consensus que la SEFIP est considérée, dans sa conception actuelle, comme inefficace en terme de prévention de la récidive.

La PSAP aurait pu être conservée en estimant qu’elle peut s’appliquer sur un champ différent de celui de la mesure de libération sous contrainte. Mais cette mesure paraît peu adaptée pour les personnes incarcérées en exécution d’une courte peine d’emprisonnement, ses délais d’examen ne permettant pas de la mettre en œuvre. La PSAP entre, par ailleurs, fréquemment en concurrence avec la procédure classique d’aménagement de peine prévue par l’article 712-6 du code de procédure pénale qui demeure majoritairement privilégiée par les services pénitentiaires et les autorités judiciaires.

Ces solutions auraient aggravé la confusion des modes de mise en œuvre des peines.

Ø Option retenue : suppression de la PSAP et de la SEFIP

Pour assurer une lisibilité aux nouveaux dispositifs de libération sous contrainte  mis en place, la SEFIP et la PSAP, qui répondent au même objectif (prévenir les sorties « sèches »), seront supprimées.

Comme indiqué précédemment, ces deux procédures n’ont pas réellement trouvé leur place en droit français et les praticiens s’en sont emparés de façon inégale pour l’une et l’autre mesure. S’agissant de la PSAP, les chiffres démontrent ainsi un très faible taux de mise en œuvre de cette procédure. En effet, alors même qu’il s’agit d’une procédure simplifiée, il apparaît en premier lieu qu’elle n’est pas adaptée à la situation d’un nombre important de personnes se trouvant incarcérées en exécution d’une courte peine d’emprisonnement,. Les praticiens ont notamment décrié l’aspect chronophage de cette procédure essentiellement écrite. Ainsi, lorsque, en fonction des particularités locales, les dossiers d’aménagement de peine traités en débat contradictoire ou hors débat contradictoire ne souffrent pas de retard, les délais imposés par la PSAP n’apportent pas de réelle plus-value. En 2012, 783 aménagements de peine ont ainsi été accordés selon cette procédure simplifiée, contre 820 en 2011. Les propositions d’aménagement de peine transmises par les SPIP selon cette procédure, représentent 5 % du total de leurs propositions d’aménagement de peine.

S’agissant de la SEFIP, le fort investissement des services pénitentiaires a permis à cette mesure, initialement peu développée, d’être progressivement plus utilisée par les autorités judiciaires. Ainsi, depuis la mise en œuvre de cette procédure en janvier 2011, la SEFIP a connu dernièrement une augmentation sensible. Le taux de mesures accordées en application de cette procédure reste toutefois très modeste et ses objectifs de lutte contre la surpopulation carcérale et contre les sorties sèches sont loin d’être atteints. Des disparités importantes existent en outre entre les ressorts. Au niveau national, 3 954 SEFIP ont été accordées en 2012, contre 3 069 en 2011. Les propositions faites par les SPIP représentent désormais 24 % des dossiers traités, contre 19 % en 2011. Parmi les freins au développement de la SEFIP a notamment été identifiée la politique restrictive de certains parquets concernant les critères d’appréciation des motifs légaux d’exclusion. L’apparition du parquet comme nouvel acteur dans cette procédure a d’ailleurs parfois été perçue comme source de confusion par les praticiens. Enfin, comme pour la PSAP, la dynamique locale réservée aux aménagements de peines laisse peu de place à la SEFIP.

4. IMPACTS

La méthode retenue

Les impacts attendus de cette réforme seront multiples et concerneront différents acteurs et parties prenantes. L’ensemble repose sur les variations du nombre et de la typologie des peines prononcées et de leurs modalités de suivi. Différentes hypothèses sont envisagées. Seront donc examinés :

- L’impact sur l’ordonnancement juridique

- L’impact sur l’activité juridictionnelle

- L’impact sur les personnes placées sous main de justice et sur la surpopulation carcérale

- L’impact sur les victimes

- L’impact sur les finances publiques.

4.1. L’impact sur l’ordonnancement juridique

Le projet de loi crée, modifie ou supprime près d’une centaine d’articles figurant dans les codes et lois suivants :

- Code pénal,

- Code de procédure pénale,

- Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante,

- Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

- Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.

Les impacts juridiques de ces modifications sont précisément présentés dans l’exposé des motifs et les parties précédentes de l’étude d’impact.

Ces modifications s’intègrent logiquement dans l’ordonnancement des textes modifiés, qui n’est pas remis en cause.

Cet ordonnancement est toutefois parfois sensiblement amélioré par rapport au droit actuel. C’est par exemple le cas des dispositions concernant respectivement la fonction et la finalité de la peine, l’individualisation de la peine et la motivation des peines d’emprisonnement. C’est aussi le cas de celles concernant la retenue applicable aux condamnées, transférée dans la partie général du code de procédure pénale sur l’exécution des peines.

De nombreuses simplifications sont par ailleurs apportées aux règles actuelles, notamment par la suppression de la procédure simplifiée d’aménagement de peine – PSAP -  et de la surveillance électronique de fin de peine – SEFIP – très complexes à mettre en œuvre. La suppression des peines plancher permet également de simplifier notre droit.

4.2. L’impact sur les peines prononcees et leur execution

L’impact des dispositions précisant les principes fondateurs de la peine et de son individualisation est difficile à déterminer a priori. Comme cela a été dit, ces principes sont déjà présents dans notre corpus juridique. Les dispositions spécifiques du projet de loi auront, en revanche, un impact direct sur l’activité juridictionnelle.

4.2.1. Dispositions favorisant l’individualisation de la peine

4.2.1.1. La suppression des peines minimales « automatiques »

La loi du 10 août 2007 a entraîné des modifications dans la structure des peines (détaillées en première partie : 1.1.2.1) et particulièrement l’allongement de la durée moyenne des peines de prison ferme (en moyenne, évolution de 8,2 mois à 11,3 mois d’emprisonnement ferme) et le recours plus fréquent au sursis avec mise à l’épreuve (quasi-doublement du recours au SME).

Le prononcé de peines minimales a entraîné une hausse d’environ 4 000 années d’emprisonnement par an. L’abrogation des dispositions relatives aux peines plancher devra donc générer une baisse équivalente du nombre d’années d’emprisonnement prononcées. Cependant, cette baisse pourra être plus faible en raison d’une part de la part croissante depuis 2007, des condamnations visant la récidive et d’autre part, des facteurs liés aux évolutions des pratiques juridictionnelles.

L’accroissement du nombre des SME a été un autre effet remarquable de la loi sur les peines planchers. Cette peine concernait une condamnation « éligible aux peines minimales » sur 4 avant la loi, mais près d’une sur 2 après. Sur la base des condamnations prononcées ces dernières années, le retour à la situation antérieure réduirait d’environ 5 000 le nombre de SME prononcés annuellement.

4.2.1.2. La suppression de la révocation automatique du sursis

Entre 1996 et 2006, le nombre de sursis simples prononcés est de 140 000 chaque année. A partir de 2007, ce nombre commence à décroître. En 2010 « seuls » 120 000 sursis simples ont été prononcés. Si la peine de sursis simple a été moins fréquemment prononcée dans les dernières années, le taux de révocation des sursis simples est resté relativement stable depuis 2003 autour de 17%. Les sursis simples sont majoritairement (plus de 50%) révoqués dans les deux ans suivant leur prononcé.

Par ailleurs, chaque année, les sursis simples révoqués représentent un peu plus de 6% de l’ensemble des années d’emprisonnement ferme à exécuter (quantum ferme prononcé + quantum de sursis simples révoqués), correspondant à environ 6 000 d’années d’emprisonnement.

Le projet de loi prévoit que la révocation du sursis ne sera plus automatique. L’impact de cette réforme dépendra des pratiques juridictionnelles. On peut néanmoins estimer que, dans les deux années suivant le prononcé du sursis, les juridictions auront tendance à prononcer fréquemment la révocation en cas de nouvelle infraction, dans une proportion estimée à deux tiers des cas. Pour les situations où l’intéressé est à nouveau condamné plus de deux années après le prononcé du premier sursis, les juridictions estimeront probablement moins pertinent de révoquer le sursis antérieur, dans une proportion estimée à 20% des cas.

Sous ces hypothèses, sur la base des chiffres de 2010, on passerait de 20 400 à 9 600 sursis révoqués. On éviterait ainsi le prononcé de près de 10 000 courtes peines d’emprisonnement. Le quantum de 6 000 années d’emprisonnement à exécuter pour ce motif diminuerait donc à moins de 3 000 années. Afin d’apprécier l’impact de cette diminution sur le nombre de personnes prises en charge par l’administration pénitentiaire, des hypothèses ont été posées, incluant l’impact des réductions de peine sur le nombre d’années d’emprisonnement prononcées, le taux de mise à exécution des peines et la répartition de ces personnes entre les mesures d’incarcération, d’aménagements sous écrou et de suivi en milieu ouvert. Cependant, ces hypothèses ne reposent que sur une appréciation globale.

4.2.1.3. La suppression de la révocation automatique des SME en cascade

Il n’existe pas à ce jour de données suffisantes sur la révocation des SME ; il n’est donc pas possible d’établir un impact de la modification de l’article 132-50.

4.2.1.4. L’ajournement

La nouvelle procédure permettra dans un premier temps de statuer sur la culpabilité – clarifiant ainsi la situation de la personne – et dans un second temps, de disposer des éléments de personnalité et de contexte nécessaires au choix d’une peine adaptée. Ces enquêtes, actuellement confiées dans le cadre pré-sentenciel, seront renforcées dans le cadre de cette nouvelle mesure.

Cette procédure nouvelle ne devrait pas générer un nombre accru d’audiences dans la mesure où actuellement de nombreux renvois sont ordonnés en raison de l’insuffisance des éléments de connaissance de la personne poursuivie.

Sur les neuf premiers mois de l’année 2013, 88 000 renvois ont été prononcés par les tribunaux correctionnels (hors intérêts civils)76. Ce chiffre, portant sur une période de trois quart d’année, est à mettre en regard avec un nombre total annuel de jugements de 300 000 pour l’année 201277.

On estime donc que l’ajournement devrait se substituer à ces procédures de renvoi.

CONCLUSION :

Il ressort des différentes hypothèses d’impact retenues pour les évolutions législatives assurant le respect du principe d’individualisation des peines que :

w Le nombre de sursis avec mise à l’épreuve prononcés chaque année par les juridictions diminuerait d’environ 5 000 par l’abrogation des peines planchers et augmenterait de quelques centaines par la suppression des limitations au prononcé du SME – ainsi le nombre de SME pourrait diminuer d’environ 5 000 par an, soit d’environ 6%.

w Le quantum annuel total d’années d’emprisonnement à exécuter devrait diminuer de 4 000 par l’abrogation des peines planchers et de 3 000 par la suppression de révocation automatique des sursis simples– ainsi le nombre total d’années d’emprisonnement prononcées devrait baisser d’environ 7 000.

4.2.2. La création de la peine de contrainte pénale

La nouvelle peine de contrainte pénale contenue dans le présent projet de loi n’a pas vocation à s’appliquer aux mineurs et concerne les seules personnes condamnées majeures.

Le champ de la peine de contrainte pénale sera celui des condamnations prononcées pour des délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 5 ans. Cette peine ne pourra pas être prononcée dans le cadre de la procédure d’ordonnance pénale.

Ce sont donc environ 320 000 condamnations par an qui pourraient théoriquement relever de la peine de contrainte pénale dont 60 000 SME (16 500 SME partiels et 43 500 SME totaux). C’est principalement à ces dernières peines que la peine de contrainte pénale a vocation à se substituer pour permettre un accompagnement et un contrôle renforcé pour prévenir la récidive.

Cette peine a également vocation à remplacer certaines courtes peines d’emprisonnement.

La peine de contrainte pénale a vocation à s’appliquer en priorité aux personnes présentant des difficultés personnelles, sociales et de santé lourdes justifiant un suivi intense ; de même qu’aux personnes ancrées dans certaines formes de délinquance, en état de réitération et en état de récidive. Plusieurs domaines paraissent particulièrement adaptés au prononcé d’une peine de contrainte pénale.

Le premier domaine concerne les SME pour une infraction d’atteintes aux personnes (violences, agressions sexuelles, atteintes aux biens commises avec violence). 21 700 condamnations à un SME pour une infraction d’atteintes aux personnes ont été prononcées en 2010, dont 11 900 réitérants.

Le deuxième domaine, plus large, concerne les SME mixtes comprenant une partie ferme d’emprisonnement, notamment lorsque ce quantum est limité. Les juridictions pourraient alors utiliser la peine de contrainte pénale pour s’intercaler dans l’échelle des peines avant recours à l’emprisonnement pour des personnes ayant besoin d’un accompagnement fort. 16 500 condamnations à des SME mixtes ont été prononcées en 2010, dont 15 000 avec une partie d’emprisonnement ferme inférieure à un an. 12 000 de ces condamnations concernaient des personnes en état de réitération.

Le troisième domaine concerne les SME totaux prononcés assortis d’obligations traduisant les besoins de suivi et de contrôle contre des réitérants 26 000 prononcés pour des délits encourant 5 ans ou moins. Les juridictions pourront souhaiter mettre en place un contrôle renforcé par une peine de contrainte pénale : 72% comportaient une obligation de soins (soit 18 700) et 15% une obligation de travail (soit 3 900).

Il convient de rappeler que ces données seront impactées par la baisse de 6% du nombre de SME prononcés via les dispositions visant à renforcer l’individualisation des peines.

On estime que le nombre de peines de contrainte pénale prononcées chaque année devrait s’élever entre 8 000 et 20 000.

On estime que la durée moyenne de la peine de contrainte pénale devrait être comprise entre deux et trois ans.

4.2.3. La libération sous contrainte

Pour les personnes condamnées à cinq ans au plus, cet examen aura lieu en commission d’application des peines et donnera lieu à une ordonnance du juge de l’application des peines fixant les modalités de la libération sous contrainte. On estime que le nombre de personnes dont la situation sera examinée par la commission d’application des peines sera d’environ 48 000 personnes chaque année dont 1 474 mineurs.

On peut estimer que, compte tenu des critères définis par la loi, la libération sous contrainte sera accordée dans 30% à 60% des cas. Ainsi, chaque année, entre 14 400 et 28 800 personnes pourraient bénéficier d’une libération sous contrainte.

Pour les personnes exécutant plus de cinq ans d’emprisonnement, c’est normalement le juge d’application des peines qui statuera en débat contradictoire sous réserve de la compétence particulière du tribunal d’application des peines. On estime que le nombre de personnes concernées par ce dispositif sera de 1 400 personnes par an.

Il est, en revanche, plus difficile d’évaluer le taux de personnes qui bénéficieront d’une libération sous contrainte en application de cet examen obligatoire au 2/3 de peines alors qu’elles n’ont pas bénéficié d’un aménagement de peine auparavant.

4.2.4. La suppression de la procédure simplifiée d’aménagement de peine – PSAP - et de la surveillance électronique de fin de peine - SEFIP

En 2012, les parquets ont été saisis de 17 000 dossiers de PSAP et de 6 300 dossiers de SEFIP par les SPIP. 783 PSAP et 3 954 SEFIP ont été accordées en 2012.

4.2.5. La modification des conditions d’aménagement des peines d’emprisonnement

Le projet de loi prévoit de restreindre les conditions d’aménagement des peines d’emprisonnement en application de l’article 723-15 du code de procédure pénale et ab initio en réduisant le quantum des peines aménageables de 2 ans à un an pour les primo-délinquants et de un an à six mois pour les récidivistes.

On estime que 12.000 condamnations ne seront plus aménageables sur un flux annuel d’environ 80 000 saisines du JAP sur le fondement de l’article 723-15 du code de procédure pénale. Mais un certain nombre de ces condamnations ne donnaient pas lieu à l’application de l’article 723-15, notamment condamnations avec mandat de dépôt à l’audience.

En examinant les flux de placements sous écrou réalisés en 2012, on estime que 5 000 personnes ont été placées en aménagement de peine sous écrou dans le cadre des dispositions de l’article 723-15 du code de procédure pénale ou ab initio pour un quantum de peine supérieur à 1 an pour les non récidivistes et à 6 mois pour les récidivistes78.

4.3. Impact sur les personnes placees sous main de justice

La réforme envisagée par le gouvernement n’aura qu’un impact progressif sur la population placée sous main de justice. La montée en charge progressive des dispositifs nouveaux et des évolutions liées à l’abrogation de dispositions anciennes n’atteindront leur plein effet qu’au bout de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi. Il va de soi que l’évolution de la population placée sous main de justice dépend d’autres facteurs (évolution de la délinquance et des réponses pénales, nature et quantum des peines prononcées etc.).

L’impact des dispositions sur la population des personnes placées sous main de justice nécessite de passer des données en flux indiquées dans la partie précédente à des données en stock. Pour ce faire, il faut tenir compte de la durée moyenne des mesures, pour les mesures en milieu ouvert, ou bien de la durée des peines exécutée en détention, pour le milieu fermé.

Les impacts des différentes dispositions sont ainsi calculés en variation du stock de personnes détenues ou de personnes suivies en milieu ouvert trois ans après l’entrée en vigueur de la loi.

Il convient de distinguer les impacts sur les personnes en milieu fermé et sur les personnes en milieu ouvert. Le milieu fermé concerne l’ensemble des personnes détenues hébergées (personnes détenues sans aménagement de peine, personnes en placement à l’extérieur avec hébergement, personnes en semi-liberté). Le milieu ouvert concerne l’ensemble des personnes suivies en milieu ouvert sans écrou (SME, TIG, IS, SSJ, LC, peine de contrainte pénale) et les personnes sous écrou non hébergées (PSE, placement à l’extérieur sans hébergement).

Le schéma ci-dessous illustre ces différentes prises en charge :

4.3.1. Impacts sur les personnes détenues

Ø La suppression des peines minimales et la suppression de la révocation automatique des sursis simples

Compte tenu de l’application des crédits de réduction de peine et de la proportion des peines non exécutées en détention, la baisse de la population détenue est estimée à 2 300 personnes pour la suppression des peines minimales et à 1 700 personnes pour la suppression de la révocation automatique du sursis simple. Ces dispositions devraient permettre une baisse du « stock » de détenus de 4 000 personnes.

Ø Les libérations sous contrainte

Suivant le taux d’octroi des libérations sous contrainte (entre 30 et 60%), on a indiqué qu’entre 14 400 et 28 800 personnes pourraient bénéficier d’une libération sous contrainte. Compte tenu de la durée de la peine restant à courir79, cela signifie qu’à un moment donné, entre 3 600 et 10 400 personnes seront placées sous le régime de la libération sous contrainte. Mais, dans le cadre du renforcement du suivi des personnes bénéficiant d’une libération sous contrainte, on estime que 40% des personnes bénéficiant d’une libération sous contrainte seront placées sous le régime de la semi-liberté ou du placement extérieur avec hébergement. La baisse du « stock » de personnes détenues à un instant donné est donc estimée entre 2 200 et 6 200 personnes80.

Ø La création de la peine de contrainte pénale

La peine de contrainte pénale a vocation à entraîner également une diminution du nombre de courtes peines d’emprisonnement. Mais la plupart de ces peines ayant vocation à être aménagée ou convertie en travail d’intérêt général, l’impact sur le nombre de personnes détenues devrait demeurer limité.

Ø La modification des conditions d’aménagement des peines

Comme indiqué précédemment, environ 5 000 personnes ne pourront plus bénéficier chaque année d’un aménagement au titre de l’article 723-15 et ab initio. Compte tenu de la durée moyenne sous écrou, ce flux correspond à une augmentation du « stock » de personnes détenues à un instant donné de 3 600 personnes.

CONCLUSION :

Le projet de loi devrait donc entraîner, à la fin de la montée en charge de l’ensemble des dispositifs, une baisse du « stock » de personnes détenues à un instant donné comprise entre 2 600 personnes et 6 600 personnes trois ans après l’entrée en vigueur de la loi.

Comme indiqué précédemment, l’évolution de la population détenue dépend d’autres facteurs et la population carcérale ne baissera pas forcément dans des proportions équivalentes. Le projet de loi est néanmoins de nature à permettre de lutter contre la surpopulation carcérale actuellement constatée.

Il est également cohérent avec l’objectif affiché de 63 500 places de détention annoncé par le gouvernement.

4.3.2. Impacts sur les personnes suivies en milieu ouvert

Ø La création de la peine de contrainte pénale

On considère qu’entre 8 000 et 20 000 peines de contrainte pénale devraient être prononcées chaque année. Suivant la durée de la mesure, on peut estimer qu’entre 16 000 à 60 000 personnes seront suivies au titre de la contrainte pénale à un instant donné de manière renforcée trois ans après à l’entrée en vigueur de la réforme 81.

La réforme n’entraînera pas pour autant une augmentation équivalente du nombre de personnes suivies en milieu ouvert car la peine de contrainte pénale viendra principalement en substitution de SME ou de courtes peines d’emprisonnement faisant l’objet d’un aménagement.

Ø La baisse de personnes placées sous SME

L’effet cumulé de la suppression des peines minimales et de l’allègement du prononcé du sursis simple,, devraient permettre de diminuer de 6% le nombre de SME prononcés. On peut estimer que le nombre de personnes placées sous SME à un instant donné devrait diminuer de 7 900 personnes trois ans après l’entrée en vigueur de la réforme.

Cet effet, cumulé avec la création des peines de contrainte pénale, doit permettre de favoriser la spécificité des SME pour éviter que cette dernière devienne une sanction « fourre-tout ».

Ø Les libérations sous contrainte

La libération sous contrainte induira une augmentation du nombre de personnes suivies en milieu ouvert avec ou sans écrou comprise à un instant donné compris entre 2 200 et 6 200 personnes.

A la différence de la situation prévalant actuellement pour la SEFIP, ces personnes devront faire l’objet d’une prise en charge renforcée pour éviter le risque de récidive.

Ø La modification des aménagements de peine

La restriction du champ d’application de l’article 723-15 du code de procédure pénale et de l’aménagement ab initio devrait induire une diminution du nombre de personnes suivies sous écrou en milieu ouvert estimée à 3 600 personnes.

Ø La mise en œuvre de nouveaux outils d’évaluation

Le projet de loi vise à renforcer l’individualisation de la peine et de ses modalités de mise en œuvre sous la forme d’un parcours personnalisé, afin de prévenir la récidive en prenant en compte une pluralité de facteurs et pas seulement le critère des antécédents judiciaires. Les différents travaux scientifiques français et internationaux, de même que l’expérience des professionnels – qui ont été largement exposés dans le cadre de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive – ont bien montré que d’autres éléments devaient être pris en compte.

Actuellement, les principaux outils d’évaluation de la personnalité d’une personne poursuivie ou condamnée sont :

- l’enquête de personnalité – réalisée dans le cadre pré-sentenciel par des associations ayant acquis aujourd’hui une grande compétence en la matière ;

- les expertises psychiatriques, réalisées par des médecins psychiatres ;

- les expertises psychologiques, réalisées par des experts psychologues.

Ces deux dernières catégories d’investigation sont soumises à des aléas liés aux délais de réalisation.

Par ailleurs, la direction de l’administration pénitentiaire a développé des outils propres, pour les personnes détenues et condamnées à de longues peines, dans le cadre du centre national d’évaluation, et pour l’ensemble des personnes suivies en milieu ouvert avec le « diagnostic à visée criminologique ». Cet outil, DAVC, rassemble une liste de données devant faire l’objet de questions lors de l’entretien avec la personne suivie. Les limites de l’outil ont été analysées par ailleurs et il est apparu nécessaire d’envisager de doter les professionnels de l’insertion et de la probation d’instruments plus élaborés s’appuyant sur les expériences acquises en France et à l’étranger82.

Dans son rapport remis au premier ministre le 20 février 2013, le Jury de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive préconisait dans sa recommandation n°11 une « évaluation raisonnée » des personnes placées sous-main de justice reposant sur des études valides et reconnues.

Il est donc prévu de tirer les enseignements de l’ensemble de ces acquis et de bâtir avec les professionnels concernés et en lien avec les scientifiques ayant contribués au développement d’outils perfectionnés des nouveaux instruments mieux adaptés aux besoins et à l’état des connaissances. En effet, il est apparu que l’ensemble des éléments relatifs à la personnalité de la personne condamnée (antécédents judiciaires, situation familiale, sociale, professionnelle, état de santé…) devaient également être complétés par une appréciation de son environnement (relations familiales, mais aussi amicales, milieu de vie…). L’accent est mis non seulement sur l’analyse des faits par la personne condamnée, mais aussi sur sa propre analyse de son potentiel d’insertion et du parcours à suivre. L’analyse porte donc autant sur les facteurs de risque de récidive que sur les facteurs de protection contre ces risques et donc sur la capacité de désistance de l’intéressé – c’est-à-dire les éléments favorisant sa « sortie de délinquance ». L’impact des facteurs dits « statiques » - c’est-à-dire qui ne sont pas susceptibles de changer (tel l’âge ou les antécédents) – est également pondéré par l’impact des facteurs « dynamiques » - sur lesquels il est possible d’agir en cours de prise en charge.

Ces évolutions reposent également sur des techniques d’entretien diversifiées : entretiens thématiques et motivationnels et s’inscrivent dans un renouvellement des méthodes de prise en charge.

Ces évolutions sont nécessaires à droit constant, mais trouveront toute leur cohérence dans le cadre du projet de loi. C’est pourquoi, elles seront initiées dès septembre 2013 par l’installation du cadre de travail institutionnel et partenarial destiné à construire ces nouveaux outils.

Ø Des méthodes de prise en charge renouvelées

Les méthodes professionnelles et le travail partenarial de prise en charge ont vocation à évoluer sous l’effet conjugué du renforcement de l’implication de l’ensemble des services de l’Etat, des collectivités territoriales (intervenant dans les domaines du logement, de l’action sociale, sanitaire, du travail et de la formation professionnelle) et des services de police et de gendarmerie.

La création de la peine de contrainte pénale nécessitera de mettre en œuvre des méthodes renouvelées pour assurer un suivi renforcé des personnes condamnées à une peine de contrainte pénale. La mise en œuvre de la liberté sous contrainte amènera à prendre en charge des personnes qui, jusqu’à aujourd’hui, sortaient de détention à l’issue de leur peine et ne faisaient donc l’objet d’aucun suivi83. Les libérations sous contrainte feront l’objet d’une première analyse en cours de détention, lorsque les deux-tiers de la peine (peines inférieures ou égales à 5 ans) auront été exécutés en prison. Cette analyse permettra d’exclure les personnes ne devant pas accéder à la mesure et de définir les modalités de suivi pour celles y accédant. Dans un second temps, la prise en charge en milieu ouvert (ou « semi-ouvert » pour les semi-libertés et placements extérieurs hébergés) donnera lieu à un autre type de suivi. En raison des modalités d’accès à cette mesure et de la durée limitée des suivis, les libérations sou contrainte feront l’objet de modes de travail adaptés.

Dans tous les cas, ces évolutions – les peines de contraintes pénales en raison de l’intensité des problématiques rencontrées et les libérations sous contrainte en raison de la diversité des profils et de la nécessité de préparer le retour progressif à la liberté – requièrent l’existence d’un réseau d’insertion dynamique entre tous les partenaires institutionnels et associatifs locaux dont l’animation par le SPIP doit résulter d'un effort permanent et constitue une condition forte d’efficacité. 

Il apparaît clairement que les méthodes professionnelles des services et la formation des agents justifient, dès maintenant, une réflexion d’ensemble à conduire avec les professionnels concernés. C’est pourquoi un groupe de travail portant sur les métiers du SPIP, ses pratiques, sa déontologie et sur la formation est mis en place en septembre 2013.

CONCLUSION :

Le projet de loi devrait donc entraîner une baisse du nombre de personnes suivies en milieu ouvert avec ou sans écrou compris entre 5 300 et 9 300 personnes.

Mais les personnes suivies au titre de la peine de contrainte pénale (entre 16 000 et 60 000 personnes) nécessiteront un suivi renforcé pour prévenir la récidive. De la même manière, les personnes suivies au titre de la libération sous contrainte nécessiteront un contrôle étroit en milieu ouvert. Ce contrôle sera plus important.

Cette évolution nécessitera donc des outils d’évaluation renforcés et de nouvelles méthodes de travail.

4.4. Impact sur les victimes

Le projet de loi introduit un principe général consacré au rôle de l’autorité judiciaire pour garantir les droits des parties civiles et de l’ensemble des personnes victimes d’une infraction.

Jusqu’à ce jour éparpillés dans différentes sections du code de procédure pénale, ces droits ont été clarifiés au stade de l’exécution des peines au sein de trois grands ensembles : le droit à réparation, le droit à l’information et le droit à la protection.

Le code de procédure pénale permettra donc aux victimes de mieux connaître leurs droits.

La mise en œuvre concrète des droits des droits sera renforcée par la mise en place des bureaux d’aide aux victimes dans chaque tribunal de grande instance conformément aux orientations arrêtées par la Chancellerie dans le cadre du budget 2013.

4.5. Impact sur les finances publiques

4.5.1. Impact sur les juridictions

Ø La suppression des peines minimales et la révocation du sursis

La suppression des peines minimales impliquera une diminution du nombre de peines de SME prononcées chaque année. Dans le même temps, la réforme imposera de motiver la révocation du sursis par une décision spéciale84.

Ceci permet de dégager l’équivalent du temps de travail de 8 magistrats et de 10 fonctionnaires.

L’entrée en vigueur du projet de loi devrait se traduire par un léger surcroît d’activité. En effet, le projet de loi prévoit la possibilité pour les condamnés en raison d’un sursis révoqué de plein droit avant la réforme de demander une dispense de révocation. 7 000 recours pourraient potentiellement être déposés à ce titre.

Ø La suppression de la PSAP et de la SEFIP

Comme indiqué précédemment, les parquets ont été saisis de 17 000 dossiers de PSAP et de 6 300 dossiers de SEFIP par les SPIP. 783 PSAP et 3 954 SEFIP ont été accordées.

La suppression de ces procédures devrait donc entraîner une légère économie en charge de travail pour les services du parquet85.

Cette réforme devrait permettre de dégager l’équivalent du temps de travail de 11 magistrats et de 0,5 fonctionnaires.

Ø La peine de contrainte pénale

Comme nous l’avons indiqué, la peine de contrainte pénale viendra principalement se substituer à des mesures de SME ou au prononcé d’une courte peine d’emprisonnement.

De la même manière, le premier entretien du juge d’application des peines avec le condamné à une peine de contrainte pénale, après prise de connaissance du rapport du SPIP, et la prise de l’ordonnance fixant les obligations et interdictions, représentaient une charge de travail équivalente à celle qu’assume actuellement le juge de l’application des peines pour la notification d’un SME ou l’étude d’un aménagement de peine dans le cadre de l’article 723-15 du code de procédure pénale.

En revanche, le juge d’application des peines doit organiser au minimum une fois par an une audience de cabinet - le juge statuant par ordonnance hors la présence du greffe et du parquet mais après recueil des réquisitions écrites 86.

Dans un certain nombre de cas, le non-respect des mesures de contrainte pénales et obligations fixées entraînera une saisine du juge délégué. Dans ce cas, un débat contradictoire public devra être organisé87. Ces décisions sont susceptibles de donner lieu à des appels88.

La population de personnes soumises à la peine de contrainte pénale a été estimée entre 16 000 et 60 000 personnes. On peut ainsi estimer le nombre d’audiences d’incident entre 1 200 et 7 500 chaque année.

Dans l’hypothèse basse, la prise en charge de la peine de contrainte pénale nécessitera l’équivalent du temps de travail de 13 magistrats et 8 fonctionnaires.

Dans l’hypothèse haute, elle nécessitera l’équivalent du temps de travail de 51 magistrats et de 29 fonctionnaires.

Ø La libération sous contrainte

Les commissions d’application des peines examineront la situation de 48 000 personnes par an89.

Elle s’appliquera également à environ 1 200 condamnés purgeant plus de 5 années qui seront jugés principalement en débat contradictoire et, dans un nombre plus limité de cas, devant le tribunal d’application des peines90.

Par ailleurs, les juges d’application des peines devront exercer un suivi particulier pour les mesures de libération sous contrainte simples. Cette dernière charge dépendra du nombre de libérations sous contrainte accordées et aussi de la durée du quantum de la peine restant à exécuter en libération sous contrainte. Suivant les deux hypothèses indiquées précédemment, on estime que leur nombre pourrait augmenter entre 3 000 et 4 000.

Au total, cette réforme devrait entraîner l’équivalent du temps de travail de 26 à 28 magistrats et de 17 à 18 fonctionnaires.

CONCLUSION :

L’impact du projet de loi sera modéré pour les juridictions compte tenu des simplifications proposées.

Dans l’hypothèse basse, le projet de loi entraînera une charge supplémentaire équivalente à 17 emplois de magistrats et 16 emplois de greffe.

Dans l’hypothèse haute, il entraînerait une charge de travail supplémentaire équivalente à 57 emplois de magistrats et 40 emplois de greffe.

Le projet de loi de finances pour 2014 a d’ores et déjà prévu la création de 10 emplois de magistrats et de 40 emplois de greffe pour renforcer les conditions de mis en œuvre de l’exécution des peines et de l’application des peines. Les 47 autres créations d’emplois de magistrats nécessaires à la mise en œuvre de la réforme interviendront lors du prochain budget triennal (2015-2017).

4.5.2. Impact sur les services pénitentiaires

Ø La baisse de population détenue en raison de la suppression des peines minimales et la suppression de la révocation automatique des sursis simples

Comme il a été indiqué, ces mesures devraient avoir pour impact de diminuer la population détenue au bout de trois ans de 4 000.

La baisse du nombre de personnes suivies en milieu fermé permettra également de réduire le coût de la détention. Le coût variable d’une journée de détention s’élève à 11,83 € qui se décompose en 8,37 € de dépenses d’exploitation (hébergement, restauration, insertion…) et 3,46 € de dépenses liées aux cotisations versées à l’ACOSS.

Ø La libération sous contrainte

Suivant les scénarios envisagés, entre 3 600 et 10.400 personnes seront suivies en libération sous contrainte.

En revanche, la prise en charge de ces personnes entraînera une charge supplémentaire pour les CPIP. Les personnes bénéficiant d’une libération sous contrainte feront l’objet, en effet, d’un suivi renforcé pour prévenir le risque de récidive. Alors que l’on estime qu’un conseiller d’insertion et de probation peut suivre 84 personnes hors détention et qu’actuellement le nombre de personnes suivies est de 91 pour un conseiller, un ratio de 40 personnes suivies par conseiller est visé à terme pour la libération sous contrainte.

Suivant les scénarios précédemment exposés, la mise en œuvre de la libération sous contrainte entraînera donc une charge de travail supplémentaire équivalente à 90 et 260 emplois de CPIP.

Le suivi des personnes en libération sous contrainte s’accompagnera également de moyens complémentaires de contrôle. Ainsi, on estime que 15% des personnes placées sous liberté sous contrainte devraient bénéficier d’une mesure de placement extérieur afin de prévenir tout risque de récidive. Dans l’hypothèse basse, le développement de ces mesures entraînera un coût supplémentaire de 4,1 M€. Dans l’hypothèse haute, ce surcoût sera de 17 M€91.

Dans l’hypothèse haute, plus de personnes seraient également suivies via le port d’un bracelet électronique. Le surcoût peut être estimé à 4,4 M€92.

Ø La baisse du nombre de SME en raison de la suppression des peines minimales et de l’allègement du prononcé du sursis

La population suivie en SME en milieu ouvert devrait diminuer de 7 900 personnes.

Il devrait en résulter, toute chose égale par ailleurs, une réduction de la charge de travail des services d’insertion et de probation équivalente à 92 emplois.

Ø La peine de contrainte pénale

Après une montée en charge progressive, le nombre de personnes soumises à une peine de contrainte pénale devrait être compris entre 16 000 et 60 000.

Tout comme le suivi des libérations sous contrainte, le suivi des peines de contrainte pénale sera un suivi renforcé pour prévenir la récidive. Alors que l’on estime qu’un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation peut suivre 84 personnes hors détention et qu’actuellement le nombre de personnes suivies est de 91 pour un conseiller, un ratio de 40 personnes suivies par conseiller est visé à terme pour la libération sous contrainte.

Il devrait en résulter une augmentation de la charge de travail des services pénitentiaires d’insertion et de probation équivalente à 210 emplois de conseiller pénitentiaire d’insertion pour l’hypothèse basse et à 786 emplois pour l’hypothèse haute.

Le suivi des personnes condamnées à des peines de contrainte pénale nécessitera également des actions de réinsertion complémentaires. Les crédits de réinsertion pour les personnes suivies en milieu ouvert sont actuellement de 48 € par personne. Ce montant devra être triplé pour assurer une prise en charge des personnes soumises à une peine de contrainte pénale.

Au vu de la montée en charge du dispositif, ceci engendrera un coût supplémentaire compris entre 2,3 et 5,8 M€ selon les hypothèses.

CONCLUSION :

Dans l’hypothèse basse, l’ensemble des mesures proposées impliquerait une augmentation de la charge de travail équivalente à 208 emplois de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation.

Dans l’hypothèse haute, l’ensemble des mesures proposées impliquerait une augmentation de la charge de travail équivalente à 954 emplois de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation.

Ces créations d’emplois devront être assorties du renforcement de l’encadrement de ces services (directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation, personnels administratifs). Compte tenu des ratios d’encadrement et de soutien, il sera nécessaire de créer entre 23 et 106 postes d’encadrement et entre 35 et 159 postes de support.

Dans le cadre de ces évaluations, et dans une optique volontariste de montée en charge du dispositif, le gouvernement s’est donné pour objectif la création de 1 000 emplois dans les SPIP. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit la création de 300 emplois pour mettre en œuvre le projet de loi. Les autres créations d’emplois nécessaires à la mise en œuvre de la réforme interviendront lors du prochain budget triennal (2015-2017).

En matière de crédits de fonctionnement, outre les moyens de fonctionnement nécessaires pour renforcer le suivi des personnes bénéficiant d’une libération sous contrainte ou soumises à une peine de contrainte pénale, des coûts seront associés aux recrutements importants des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Le coût de fonctionnement associé à un conseiller d’insertion et de probation est en moyenne de 6.500 €/an et un coût d’investissement de 4.000 € est nécessaire au moment de son installation.

Il va de soi que ces impacts ne tiennent compte que des effets de la réforme envisagée. La population écrouée et la population détenue évoluent également suivant d’autres paramètres.

4.5.3. Impact sur les services de la protection judiciaire de la jeunesse

Compte tenu des spécificités de la justice des mineurs, la réforme du droit pénal des mineurs fera l’objet d’un projet de loi spécifique.

Si la peine de contrainte pénale ne sera pas applicable aux mineurs, le projet de loi comprend certaines dispositions qui leur seront applicables mais auront un impact négligeable sur l’activité de la protection judiciaire de la jeunesse.

La suppression des peines minimales automatiques aura peu d’impact sur la justice des mineurs93. Il en va de même pour les autres dispositions favorisant l’individualisation des peines.

Les dispositions assurant un retour progressif à la liberté devraient également avoir peu d’impact. Le nombre de mineurs condamnés détenus à plus de cinq ans et qui ont dépassé les deux tiers de leur peine sans bénéficier d’aménagement de peine est de 1 474. Ces mineurs sont déjà suivis attentivement par les services éducatifs.

4.5.4. Impact sur les services de police et de gendarmerie

Tout en rappelant que la police judiciaire est compétente pour constater par procès-verbal les violations, par une personne condamnée ou placée sous main de justice, des obligations ou interdictions qui lui sont imposées, les dispositions du projet de loi permettront aux services de police et aux unités de gendarmerie de disposer d’outils plus efficaces.

Les forces de l’ordre seront tout d’abord mieux informées des obligations et interdictions pesant sur les personnes condamnées, en complétant les informations devant figurer dans le fichier des personnes recherchées.

Elles pourront ensuite procéder, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, à des visites domiciliaires lorsqu’il existera des indices graves ou concordants qu’une personne détient des armes à son domicile, en violation d’une interdiction qui lui est faite dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’une condamnation.

Seront étendus les cas dans lesquels les forces de l’ordre pourront placer en retenue une personne placée sous contrôle judiciaire. Il en ira ainsi notamment lorsqu’une interdiction de quitter certaines limites territoriales ou son domicile, de se rendre en certains lieux, de conduire certains véhicules ou de porter une arme auront été prévues et violées.

La retenue actuellement possible pour les seuls condamnés placés sous le contrôle du juge de l’application des peines le sera désormais également pour ceux qui, parce qu’ils font l’objet d’une interdiction dont la violation est susceptible d’entraîner un emprisonnement dont la durée a été fixée à l’avance par la juridiction en application des articles du 131-9 ou 131-11 du code pénal, sont sous le contrôle du procureur de la République et non du juge.

Il convient de relever que si les nouvelles dispositions ne créent pas de taches nouvelles pour les services de police et de gendarmerie, elles créent des pouvoirs nouveaux, qui résultent de l’institution de la visite domiciliaire en cas de violation d’une interdiction de détention d’arme, ou de l’extension de la retenue.

S’agissant de l’élargissement de la retenue des condamnés, il porte toutefois uniquement sur les condamnations à des interdictions prononcées à titre de peine principale lorsque le tribunal a également, en application des alinéas deux des articles 131-9 et 131-11 du code de pénal, fixé lui-même la peine d’emprisonnement encourue en cas de violation. Même si le ministère de la justice ne dispose pas de statistiques en la matière, il apparaît que ces dispositions sont très peu appliquées par les juridictions. En tout état de cause,  lorsque ces juridictions font application de cette possibilité de fixer l’emprisonnement encouru en cas de violation de l’interdiction, c’est nécessairement à la place de modalités traditionnelles de jugement à la suite desquelles le non-respect de l’interdiction prononcée constitue le délit prévu par l’article 434-41 du code pénal.

Dans un tel cas, la violation de l’interdiction constitue un délit permettant le placement en garde à vue. Les nouvelles possibilités de retenue prévues par le projet ne font donc que se substituer à la possibilité de mettre une personne en garde à vue, et l’impact sur les forces de police est donc à cet égard inexistant94.

En outre, le projet ne crée nullement une mission générale de recherche par les forces de l’ordre des violations de leurs obligations par les condamnés.

Toutefois, dans le cadre de politiques pénales territorialisées et ciblées, un concours accru des forces de sécurité pourra dans un premier temps se concentrer sur les ZSP ou sur certains profils de délinquant, conformément à ce qui a été indiqué dans le communiqué commun de la ministre de la justice et du ministre de l’intérieur en Conseil des ministres du 3 juillet 2013 sur le travail de justice et de la police au service de la lutte contre la récidive.

Les nouvelles mesures prévues par le projet de loi pourront ainsi être mises en œuvre dans le cadre des politiques pénales menées localement et tendant à prioriser l’exécution des peines prononcées à la suite de faits commis en certains points du ressort (dans le cadre d’un GLTD ou d’une ZSP), des peines prononcées à l’encontre de certains délinquants ou des peines sanctionnant certaines infractions précises et définies dans le cadre des états-majors de sécurité.

Il faut cependant souligner que l'ensemble de ces mesures aura un impact non négligeable sur l’activité des forces de sécurité s'agissant de nouveaux pouvoirs coercitifs, certes au sein de missions déjà existantes, mais qui induisent indubitablement un alourdissement des charges actuelles.

Ainsi en premier lieu l'amélioration du suivi et des contrôles des mesures, interdictions et obligations par les services du ministère de la justice (en particulier grâce à une alimentation efficace du FPR) va accroître le nombre de sollicitations des forces de sécurité.

En second lieu, l'amélioration du suivi et des contrôles des mesures, interdictions et obligations, emportera logiquement un accroissement du nombre de violations constatées et donc de mesures coercitives à mettre en œuvre:

→ la mise en œuvre de ces mesures coercitives est naturellement assortie de droits pour la personne, dont le respect pèse sur les forces de sécurité ; il s'agit aujourd'hui des droits prévus aux articles 63-2 à 63-4 du CPP :

- faire prévenir une personne tierce (famille, employeur) ;

- obtenir une visite médicale : ceci est consacré par la jurisprudence de la chambre criminelle comme une obligation de moyen renforcée, nécessitant d'obtenir dans les 3h00 une visite, en relançant d'autres demandes de médecin en cas de carence du premier ;

- être assisté éventuellement d'un interprète ;

- être assisté d'un avocat pour les auditions (après un délai légal de 2h00 de carence et l'entretien confidentiel de 30 minutes qui repoussent d'autant le début de ces auditions).

→ l'accroissement des mesures coercitives va également induire un accroissement du nombre de déferrements devant les magistrats.

En troisième lieu, si la mesure consistant à intégrer au FPR les données relatives aux obligations et interdictions est positive sur le fond, elle mobilisera de manière plus importante policiers et gendarmes au regard de l'accroissement prévisible de la charge de travail liée à ces contrôles, et ce même si l'alimentation du FPR ne leur incombe pas.

En conclusion, cette réforme aura des répercussions sur les forces de sécurité (comme cela a déjà été constaté lors de la réforme de la garde à vue en 2011) même s'il n'est pas possible à ce stade de traduire cet impact en ETP reconstitués.

4.5.5. Impact sur les outils informatiques du ministère de la Justice

La réforme nécessitera de modifier des applications informatiques (logiciel pénal - Cassiopée, logiciel de l’application des peines – APPI, logiciel de gestion des détenus – Genesis, logiciel du casier judiciaire national). En parallèle, des investissements techniques devront être effectués.

Il sera également nécessaire d’améliorer les liens entre ces différentes applications pour assurer un échange d’informations.

La réforme devrait également être l’occasion d’assurer un suivi des personnes placées sous main de justice entre les différentes applications.

Il faudra, enfin, assurer la bonne alimentation du fichier des personnes recherchées par l’application Cassiopée pour améliorer l’efficacité des services de police et de gendarmerie.

Il est enfin prévu de mettre en place un système d’agenda partagé entre les services d’insertion et de probation et les tribunaux pour assurer la fluidité des échanges.

L’ensemble des coûts informatiques liés à cette réforme est estimé à 3,2 M€ au sein du ministère de la Justice. Ces évolutions seront financées dans le cadre des budgets consacrés à chacune des applications dans le cadre du budget triennal 2013-2015. Elles limiteront les autres évolutions qui pourront être apportées à ces logiciels.

Ces évolutions auront également un impact sur la mise en œuvre opérationnelle de la réforme. La plupart de ces évolutions nécessite un délai de réalisation de 12 mois une fois que le cadre législatif et réglementaire est déterminé. La mise en place des interfaces entre application pour permettront un échange d’informations fluide nécessite 24 mois. La mise en place d’un suivi des personnes placées sous-main de justice, qui devra respecter l’ensemble des dispositions sur la respect des données personnelles, nécessite 24 mois.

4.5.6. Impact sur l’aide juridictionnelle

Le projet de loi prévoit une modification de l’article 64-1 de la loi du 10 juillet 1991 afin de garantir la sécurité juridique des différents dispositifs prévoyant le droit à l'assistance de l’avocat en instaurant un droit à rétribution pour celui-ci.

Cette modification permet de rétribuer l’avocat intervenant dans le cadre de la mesure de retenue prévue par l’article 709-1 du CPP ainsi que dans le cadre d’autres situations pour lesquelles la rétribution n’est pas prévue par la loi du 10 juillet 1991 :

- intervention dans le cadre de l’entretien lors d’une mesure de retenue prévue par l’article 141-4 du CPP ;

- intervention dans le cadre de l’entretien au dépôt avec une personne déférée en fin de garde à vue (article 803-3 du CPP) ;

- intervention lors de la rétention de la personne appréhendée en exécution d’un mandat d’arrêt européen (article 695-27 du CPP).

Cette modification met en cohérence les dispositions précitées issues de récentes réformes pénales avec les dispositions de la loi relative à l’aide juridique. Elle permettra de sécuriser les pratiques actuelles qui permettent déjà la rétribution des avocats sur ce fondement.

Les autres dispositions du projet de loi auront un impact marginal sur les dispositifs d’aide juridictionnelle.

La réforme n’aura pas d’impact sur le nombre de jugements prononcés chaque année. L’examen de la mise en œuvre d’une mesure de libération sous contrainte en commission d’application des peines de même que le suivi de la contrainte pénale ne doit pas entraîner la présence d’un avocat.

Le recours à un avocat pourra être nécessaire pour assister la personne condamnée en cas d’audience d’incident. Pour la contrainte pénale, on estime le nombre d’audiences d’incident entre 1 200 et 7 500 chaque année. De même, pour les personnes exécutant plus de cinq ans d’emprisonnement, la libération sous contrainte sera examinée en débat contradictoire et on estime que le nombre de personnes concernées par ce dispositif chaque année sera de 1 400 chaque année.

L’impact potentiel peut être évalué entre 142 500 et 412 000 € HT95.

4.6. Impact sur l’égalité femmes – hommes

Ce projet de loi n’a pas d’impact sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Il convient de rappeler que les femmes représentent 3,5% des personnes écrouées.

4.7. Impact sur les personnes handicapées

Le projet de loi ne comprend aucune disposition spécifique à destination des personnes handicapées.

Il doit néanmoins permettre, par une meilleure individualisation de la peine et la procédure de libération sous contrainte, de faciliter la prise en compte du handicap de certaines personnes condamnées et placées sous-main de justice.

4.8. Impact sur les collectivités territoriales

Le projet ne crée aucune obligation nouvelle à la charge des collectivités territoriales, conformément au moratoire des normes décidé par le gouvernement.

4.9. Impact sur les entreprises

Le projet de loi n’a pas d’impact sur les entreprises.

5. CONSULTATIONS ET MODALITES D’APPLICATION

5.1. Consultations

5.1.1. Consultations obligatoires

Le projet de loi a été soumis au comité technique de l’administration pénitentiaire, qui s’est réuni le 17 septembre 2013.

La disposition relative à l’aide juridique a été soumise au Conseil national de l’aide juridique qui a rendu un avis favorable le 29 juillet 2013.

5.2.2. Consultations facultatives

La préparation du projet de loi de prévention de la récidive et d’individualisation de la peine a fait l’objet d’une méthodologie originale sous la forme d’une conférence de consensus dont les travaux préparatoires et les débats se sont déroulés de septembre 2012 à février 2013.

La conférence de consensus est une méthode largement utilisée dans le domaine médical, plus rarement dans le domaine social et pour la première fois dans le domaine judiciaire96

Dossier du Jury, tome 1, bibliographie, Conférence de consensus pour la prévention de la récidive, 14 et 15 février 201 et d’entendre et de recueillir les contributions des organisations qui le demandaient98 ; de sélectionner les membres du Jury et d’identifier les questions devant être posées aux experts dans le cours de la conférence.

- Conférence de consensus, les 14 et 15 février 2013 : les 20 membres du jury sélectionnés par le comité d’organisation ont pris connaissance de l’ensemble des travaux préparatoires et procédé à l’audition des 27 experts retenus par le comité d’organisation ; les travaux ont été suivis par un public de plus de 2000 personnes.

- Le 20 février 2013, le Jury de consensus a remis ses conclusions au Premier ministre. Seules ont été retenues les recommandations ayant fait l’objet d’un accord de la totalité des membres du Jury.

Ce processus innovant de consultation a permis de définir un socle commun de connaissances facilement accessible99, ainsi que des orientations de réforme organisées autour de 5 thèmes :

- Punir dans une société démocratique : 1ère partie relative au sens de la peine, à l’échelle des peines, à la création d’une nouvelle peine et au périmètre de la justice pénale ;

- Repenser le concept de récidive légale : afin de favoriser la réinsertion des personnes condamnées ;

- Construire un temps de prison utile : évoquant les différentes étapes de l’exécution d’une peine privative de liberté ;

- Refonder l’application des peines : en repensant le rôle des acteurs, en introduisant de nouvelles méthodes de prise en charge et d’évaluation des personnes ;

- Mieux coordonner la recherche : afin de disposer de savoirs actualisés venant au soutien des politiques publiques.

Les conclusions et orientations retenues par le jury de la conférence de consensus ont été soumises à l’avis du Conseil national de l'aide aux victimes (CNAV), instance de concertation chargée de formuler toute proposition concernant l’accueil, l’information, la prise en charge et l’indemnisation des victimes d’infractions pénales. Réunis en Assemblée plénière le 7 mars 2013 sous la présidence de la garde des Sceaux, les membres du CNAV ont pu échanger lors d’un tour de table sur la base de la présentation de la méthodologie adoptée pour l'organisation de la conférence ainsi que des cinq principes retenus par le jury.

De mars à mai 2013, ces orientations ont fait l’objet de 24 consultations menées par la ministre de la justice, garde des sceaux, auprès des organisations professionnelles et syndicales.

La disposition relative aux coordinations nécessaires pour permettre l’application de l’aide juridictionnelle aux retenues policières a été présentée au conseil national de l’aide juridique.

Le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines a été élaboré sur ces bases et est complété et prolongé par diverses mesures non législatives – formation, organisation de la recherche, adaptation des méthodes de travail etc. – s’inscrivant dans le cadre d’une réforme d’ampleur cohérente.

5.2. Application dans l’espace

Les dispositions du projet de loi seront applicables sur l’ensemble du territoire de la République, à l’exception de la modification apportée à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui n’est pas applicable en Nouvelle Calédonie et à Wallis et Futuna.

5.3. Application dans le temps

5.3.1. Entrée en vigueur de la loi

La plupart des dispositions de la loi entreront en vigueur immédiatement, comme les dispositions relatives aux principes généraux sur la peine, celles supprimant les peines planchers, ou celles améliorant l’action des forces de l’ordre pour le contrôle des condamnés.

L’article 20 prévoit toutefois une entrée en vigueur différée de certaines dispositions.

Celles sur la contrainte pénale et les aménagements de peines entreront en vigueur, pour les infractions commises à compter de cette date, le premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi.

Celles sur l’examen au 2/3 de peines des condamnés, et notamment sur la libération sous contrainte, ainsi que celles supprimant la procédure simplifiée d’aménagement de peine (PSAP) et à la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP) entreront en vigueur 3 mois après la publication de la loi.

Certaines dispositions exigent des dispositions transitoires :

- Même si la révocation du sursis simple ne sera plus automatique, ce qui conduit à supprimer les dispositions permettant une dispense de révocation, il convient de conserver cette possibilité pour les sursis révoqués avant l’entrée en vigueur de la réforme, ce que prévoit l’article 19.

- L’examen obligatoire de la situation des condamnées au 2/3 de leur peine prévu par les nouveaux articles 720 et 730-3 du code de procédure pénale, ne peut se faire immédiatement, au moment de l’entrée en vigueur de ces dispositions, pour l’ensemble des condamnés ayant déjà exécuté les 2/3 de leur peine. Il est ainsi prévu par l’article 20 un délai d’un an pour y procéder.

Dans les trois ans suivant la publication de la loi, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport d’évaluation de son application, portant spécialement sur la mise en œuvre de la peine de contrainte pénale, afin de préciser dans quelle mesure cette peine pourrait être étendue et se substituer à d’autres, notamment au sursis avec mise à l’épreuve.

Un dispositif d’évaluation sera mis en place dès l’adoption du texte s’appuyant sur les capacités statistiques du ministère de la justice, ainsi que sur la mise en place d’un panel de personnes condamnées majeures (cet échantillon aléatoire permettra de disposer d’un groupe témoin pour évaluer l’effet de la peine de contrainte pénale et des autres mesures) et sur des recherches spécifiques.

5.3.2. Textes réglementaires d’application

Articles du PJL renvoyant à des mesures réglementaires

Nature du texte réglementaire

Objet du texte réglementaire

Article 9, dernier alinéa

Décret simple

Modalités d’application des dispositions du Code de procédure pénale (articles 713-42 à 713-48) relatives à la contrainte pénale

1 Pierre LASCOUMES, Pierrette PONCELA et Pierre Noël, Au nom de l'Ordre, Une Histoire politique du Code pénal, Paris, Hachette, 1989, Robert BADINTER, Présence de Beccaria, in Cesare BECCARIA, Des délits et des peines, Paris, GF Flammarion, 1991 (1ère éd. 1765),Robert BADINTER, la prison républicaine, Paris, Fayard, 1992

2 Raymond Saleilles, L’individualisation de la peine, Paris, Alcan, 1898.

3 Article 341 du code d’instruction criminelle

4 Article 41 de l’ancien code pénal dispose ainsi que « le montant de l’amende est déterminé en tenant compte des circonstances de l’infraction, ainsi que des ressources et des charges des prévenus ». La loi n°83-466 du 10 juin 1983 étendra ce dispositif à la peine de jours-amende.

5 Article 43-1 de l’ancien code pénal

6 Article 132-19 du code pénal.

7 Crim., 3 nov. 2011 ; Bull. crim. N°226.

8 en insérant dans notre code pénal les articles 132-18-1 et 132-19-1 aux termes desquels  « Pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité. ». Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. Lorsqu'un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. « Pour les délits commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants : 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ; 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ; 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ; 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement. Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. La juridiction ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement lorsque est commis une nouvelle fois en état de récidive légale un des délits suivants :1° Violences volontaires ; 2° Délit commis avec la circonstance aggravante de violences ; 3° Agression ou atteinte sexuelle ; 4° Délit puni de dix ans d'emprisonnement. Par décision spécialement motivée, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure aux seuils prévus par le présent article si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d'une peine d'amende et d'une ou plusieurs peines complémentaires. »

9 Ce taux calcule le nombre de peines minimales prononcées par rapport aux nombres de situations où elles auraient pu l’être (nombre d’ »éligibles »). L’analyse est centrée sur les véritables innovations apportées par la loi de 2007 dans la mesure où concernant les peines criminelles (voir en annexe), les peines prononcées étaient déjà proches des minima encourus. La situation des mineurs est examinée en annexe en raison du faible impact global.

10 Emprisonnement ferme ou avec sursis (avec sursis simple ou sursis avec mise à l’épreuve)

11 Il s’agit d’un vol commis par plusieurs personnes (1° de l’article 311-4 du code pénal), dans un lieu de transport collectif (7° de l’article), avec dégradation (8° de l’article), puni donc de dix ans d’emprisonnement en vertu du dernier alinéa de l’article.

12 Annie KENSEY – Qui ne récidive pas ? Ouvrage collectif sous la direction de Marwan MOHAMMED – les sorties de délinquance – La Découverte 2012.

13 Articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

14 Décision 2005-520 DC, 22 juillet 2005, Journal officiel du 27 juillet 2005, p. 12241, texte n°16, cons. 3, Rec. p. 118.

15 Décision 2007-554 DC, 9 août 2007, Journal officiel du 11 août 2007, p. 13478, texte n°8, cons. 13, Rec. p. 303.

16 Articles 5 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17 Cour EDH, ŽDANOKA c. LETTONIE, 16 mars 2006, considérant 114.

18 Les chiffres clés de la justice 2012 – statistiques du casier judiciaire national

19 Toutefois, la loi du 12 décembre 2005 a désormais prévu que si le condamné est en récidive légale, le SME est applicable pour les peines d’emprisonnement prononcées jusqu’à 10 ans au plus (article 132-41 du code pénal) à condition que la partie faisant l’objet d’un SME ne dépasse pas 5 ans (article 132-42 du code pénal)

20 Les mesures de contrôle auxquelles le condamné doit se soumettre sont les suivantes :

1° Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;

2° Recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;

3° Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;

4° Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;

5° Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et, lorsqu'il est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations, pour tout changement d'emploi ou de résidence.

21 Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; Etablir sa résidence dans un lieu déterminé ; Se soumettre à des mesures de soins ; Justifier de la contribution aux charges familiales dont il est débiteur ; Réparer en tout ou partie les dommages causés par l’infraction, même en l’absence de décision sur l’action civile ; Justifier de l’acquittement des sommes dues au Trésor public suite à la condamnation ; S’abstenir de conduire certains véhicules ; Ne pas se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commises, ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ; S’abstenir de paraître en tout lieu désigné ; Ne pas engager de paris ; Ne pas fréquenter les débits de boissons ; Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l’infraction ; S’abstenir d’entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou catégorie de personnes, notamment des mineurs, à l’exception le cas échéant de ceux désignés par la juridiction ; Ne pas détenir ou porter une arme ; Accomplir à ses frais un stage de sensibilisation à la sécurité routière ; S’abstenir de diffuser tout ouvrage ou œuvre audiovisuelle dont il serait l’auteur et qui porterait sur l’infraction commise, ou s’abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction (uniquement en cas de condamnations pour des crimes ou délits d’atteintes volontaires à la vie, d’agressions ou d’atteintes sexuelles) ; Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ; Accomplir un stage de citoyenneté ; En cas d’infraction commise contre son actuel ou ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin, partenaire de PACS, s’abstenir de paraître dans le domicile ou la résidence, ou aux abords immédiats de celle-ci, ainsi que si nécessaire faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique .

22 12 466 suivis socio-judiciaires ont été prononcés depuis l’entrée en vigueur de cette peine et jusqu’à l’année 2011 incluse dont 1 320 n’étaient pas assortis d’une peine d’emprisonnement.

23 Le recours au suivi socio-judiciaire dans les condamnations 34 000 infractions passibles du suivi socio-judiciaire en 2010 et 1300 suivis prononcés –SDSE avril 2013

24 Meurtre ou assassinat, précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (art. 221-9-1 du code pénal) ; Viol, agression sexuelle ou exhibition sexuelle art. 222-23 à 222-32 du code pénal (Article 222-48-1 du code pénal) ;Fait de favoriser la corruption d’un mineur, la fabrication, le transport, la diffusion d’images pornographiques de mineur ou de messages à caractère violent ou pornographique portant gravement atteinte à la dignité humaine, susceptible d’être vus ou perçus par un mineur, ainsi que les atteintes sexuelles prévus par les art. 227-22 à 227-27 du code pénal (article 227-31 du code pénal). ; Crimes d’atteinte volontaire à la vie des personnes (article 221-9-1 du code pénal) ; Les crimes d’enlèvement et de séquestration prévus par les articles 224-1 à 224-5-2 du code pénal (article 224-10 du code pénal) ; Actes de tortures ou actes de barbarie (article 222-48-1 du code pénal) ; Les destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes prévues aux articles 322-6 à 322-11 du code pénal (article 322-18 du code pénal) ; Crimes et délits de violences commis soit par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité, ou par son ancien conjoint ou l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité, soit sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime prévus par les articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 222-14 du code pénal. (article 222-48-1 code pénal) ; Délit de propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique, aggravé si ces propositions sont suivies de rencontre prévus par l’article 227-22-1 du code pénal (article 227-31 du code pénal) ; Délit de menaces commises par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ou par son ancien conjoint, son ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité (articles 222-18-3 et 222-48-1 du code pénal).

25 lorsque la peine prononcée est au moins égale à sept ans ou à cinq ans si les faits ont été commis soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire soit par l’ancien conjoint ou concubin de la victime ou la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, soit encore lorsqu’ils ont été commis une nouvelle fois en état de récidive légale (articles 131-36-10 et 131-36-12-1 du code pénal).

26 Source : bureau des études et de la prospective (DAP/PMJ5)

27 Source : chiffres clés de l’administration pénitentiaire au 1er janvier 2012

28 Décis. n° 88-248 DC, 17 janv. 1989 ; Décis. n° 92-307, 25 févr. 1992 ; Décis. n° 93-325, 13 août 1993

29 Décis. n° 80-127, 20 janv. 1981 ; Décis. n° 86-215, 3 sept. 1986 ; Décis. n° 93-334, 20 janv. 1994 ; Décis. n° 97-389, 22 avr. 1997 ; Décis. n° 99-411, 16 juin 1999 ; Décis. n° 2007-554 DC, 9 août 2007

30 Décis. n° 86-215, 3 sept. 1986 ; Décis. n° 92-316, 20 janv. 1993 ; Décis. n° 99-424, 29 déc. 1999

31 Décis. n° 96-377, 16 juill. 1996 ; Décis. n° 99-411 16 juin 1999

32 Décis. n° 88-248 DC, 17 janv. 1989.

33 Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradant

34 Trepachkine c. Russie, no 36898/03, § 92, 19 juillet 2007

35 Aleksandr Makarov c. Russie, no 15217/07, § 93, 12 mars 2009

36 auxquels il restait trois mois d’emprisonnement à subir en exécution d’une ou plusieurs peines d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à six mois mais inférieure à deux ans ou auxquels il restait six mois d’emprisonnement à subir en exécution d’une ou plusieurs peines d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à deux ans mais inférieure à cinq ans

37 De novembre 2004 à mai 2006, 1 474 requêtes concernant des personnes éligibles à la nouvelle procédure ont été transmises aux JAP sur l’ensemble du territoire. Sur ces 1 474 requêtes, 565 aménagements ont été accordés par le JAP et 200 ont été refusés. 53 aménagements ont été mis à exécution par le DSPIP en l’absence de réponse du JAP dans les délais. 4 aménagements ont été accordés par la Cour d’appel suite à un recours des condamnés concernés ou du Parquet (source rapport du comité d’organisation restreint de la loi pénitentiaire-novembre 2007).

38 Les modalités d’application de ces dispositions ont été précisées par les articles D. 147-17 à D. 147-30-18 résultant du décret n° 2010-1276 du 27 octobre 2010 relatif aux procédures simplifiées d’aménagement des peines et à diverses dispositions concernant l’application des peines.

39 le SPIP doit systématiquement, après avis du chef d’établissement, saisir l’autorité judiciaire afin de proposer un aménagement de peine ou à défaut d’expliquer, par un rapport motivé, les raisons pour lesquelles un aménagement ne peut être proposé

40 Cette modalité d’exécution avait été expérimentée en 2008/2010 sous la forme d’un « PSE fin de peine » (décision du JAP), tout d’abord à Angoulême et Béthune puis dans une vingtaine de maisons d’arrêt en 2009. 395 personnes ont ainsi bénéficié d’un PSE fin de peine, soit 18% des éligibles pour un taux de révocation de 6%.

41 L’article 723-28 du code de procédure pénale dispose que « pour les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsqu'aucune mesure d'aménagement n'a été ordonnée six mois avant la date d'expiration de la peine, toute personne condamnée à laquelle il reste quatre mois d'emprisonnement à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à six mois, à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir, exécute le reliquat de sa peine selon les modalités du placement sous surveillance électronique sauf en cas d'impossibilité matérielle, de refus de l'intéressé, d'incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou de risque de récidive.

Le placement est mis en œuvre par le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation sous l'autorité du procureur de la République qui peut fixer les mesures de contrôle et les obligations énumérées aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal auxquelles la personne condamnée devra se soumettre.

En l'absence de décision de placement, la personne condamnée peut saisir le juge de l'application des peines pour qu'il statue par jugement après débat contradictoire conformément à l'article 712-6 »

42 - Si la personne condamnée devait subir à la date de la demande une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée inférieure à cinq années, la demande relevait de la compétence du JAP qui devait recueillir l’avis préalable de la commission de l’application des peines (CAP) auprès de l’établissement pénitentiaire. La décision d’octroi, d’ajournement ou de rejet était une mesure d’administration judiciaire non motivée que le procureur de la République pouvait cependant demander à faire examiner par le tribunal correctionnel qui statuait en chambre du conseil.

- Si la personne condamnée devait subir une peine privative de liberté d’une durée supérieure à cinq années, le ministre de la justice était seul compétent pour l’accorder sur saisine du JAP, après avis de la CAP. La décision, prise par arrêté, d’octroi ou de rejet n’était ni motivée, ni susceptible de recours.

43 Auparavant réservé aux débats devant le tribunal de l'application des peines.

44 Jean-Michel Bessette, Christian Guinchard et Roxanne Kaspar (Université de Franche-Comté) : « Mieux comprendre la mise en œuvre des aménagements de peines en Franche-Comté »

45 Hirschelmann et alii, étude en cours

46 Article 132-24 du code pénal

47 Article 707 du code de procédure pénale

48 Comité d’orientation restreint de la loi pénitentiaire, Orientations et préconisations, page 39.

49 Rapport du 28 avril 2003 sur Les peines alternatives à la détention, les modalités d’exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison, voir notamment propositions 26, 27 et 77.

50 Rapport d’information du 13 décembre 2007 sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes majeures

51 Rapport d’information du 23 janvier 2013 sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, voir notamment p. 79 et s.

52 Commission nationale consultative des droits de l’homme, avis sur la prévention de la récidive, 21 février 2013, §14

53 KENSEY Annie ; BENAOUDA Abdelmalik, 2011, Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation, in les cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques N°36 ; KENSEY Annie ; TOURNIER Pierre. 2005– Base de données Prisonniers sans passé ? Cohorte des personnes condamnées, libérées en 1996-1997 : examen de leur casier judiciaire cinq ans après la levée d’écrou (échantillon national aléatoire stratifié selon l’infraction). – Paris : Ministère de la justice, DAP, SCERI, 2005. – 63 p. + CD ROM – Travaux et documents n°68 ; KENSEY Annie ; TOURNIER Pierre, 1994, – Libération sans retour ? Devenir judiciaire d’une cohorte de sortants de prison condamnés à une peine de 3 ans ou plus. – Paris : Ministère de la justice.DAP, SCERI – 127 p. – Travaux et documents ; DUPONT Véronique ; TOURNIER Pierre. 1982– Le retour en prison. Analyse rétrospective de la cohorte des condamnés à une peine de trois et plus, libérés en 1973. – Paris : Ministère de la Justice, DAP

54 KENSEY Annie ; BENAOUDA 2011 : Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation, in Les cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques n°36

55 KENSEY A. ; LOMBARD S. ; TOURNIER P-V ; 2006 : Sanctions alternatives à l’emprisonnement et « récidives », observation suivie sur 5 ans de détenus condamnés en matière correctionnelle libérés, et de condamnés à des sanctions carcérales (département du Nord), Ministère de la Justice, coll. Travaux et documents n°70

56 Méthodes de régression ou calculs de taux comparatifs utilisés pour rendre comparable sur un critère ce qui ne l’est pas a priori en raison de l’influence d’autres critères, en particulier le poids des antécédents judiciaires

57 Les sorties de délinquance, Théories, méthodes, enquêtes, sous la direction de Marwan Mohammed, Paris Éd. La découverte, coll. « Recherches », 2012. Un numéro de AJ Pénal (septembre 2012, n° 9) porte sur cette même problématique et contient des signatures communes à l'ouvrage précité.

58 Les études réalisées à partir du CJN depuis plusieurs années sur le sujet montrent des taux de croissance annuels d'environ 5% pour les condamnés en situation de réitération entre 2005 et 2009, taux proches des taux de croissance annuels pour l'ensemble des condamnations. Ces taux sont supérieurs à 20% pour les récidivistes, ce qui semble confirmer cette hypothèse. Voir par exemple l'annuaire statistique de la justice édition 2009-2010 de la sous direction des statistiques et des études, la documentation Française.

59 Les « détenus » comprennent les personnes incarcérées (détenus provisoires avant jugement, détenus provisoire condamnés mais dont la décision n’est pas définitive et détenus condamnés), les personnes admis au régime de la semi-liberté et du placement  à l’extérieur hébergé – qui sont dites « hébergées » par l’établissement pénitentiaire dans la mesure où elles y résident en dehors des plages horaires destinées à leur travail ou leurs activités de réinsertion (soins, formation etc…). Les « personnes sous écrou » incluent en outre, les personnes en placement  à l’extérieur « non hébergé » et en placement sous surveillance électronique (bracelets électroniques). Le régime juridique les concernant se distingue de celui de la liberté conditionnelle ou du sursis avec mise à l’épreuve, notamment dans la mesure où une personne « sous écrou » est soumise aux règles disciplinaire des personnes détenues ( retrait de crédit de réduction de peine en cas de violation des règles disciplinaires, octroi possible de réductions supplémentaires de peine…) et qu’elles peuvent être réintégrée en cas d’urgence en détention par le chef d’établissement en cas de violation manifeste de ses obligations, ou de manquement à l’obligation de bonne conduite avant toute décision du juge.

60

61

62

On peut à titre de comparaison citer la Cour constitutionnelle allemande, qui énonce que “le prononcé d’une peine privative de liberté” se fonde sur le critère “de juste rétribution de la faute, de l’expiation et de la défense de l’ordre juridique” tandis que “l’exécution de la peine sert exclusivement la réinsertion du délinquant dans la société, ainsi que la protection de tous contre de nouvelles infractions” (Az 2 Bvr 2029/01) décision du 5/02/2004),

De même, la CNCDH a- t-elle dans son avis du 24 janvier 2002, auquel elle se réfère à nouveau dans son avis du du 7 février 2008, distingué le temps de la condamnation, qui est celui de la séparation et le temps de l’exécution qui est celui de la réinsertion. Pour la CNCDH, l’exécution de la peine d’emprisonnement doit permettre la réinsertion du condamné, la réintégration de ce dernier par la prise de conscience de la gravité de son acte et « par l’effectuation de la peine qui n’a d’intérêt social que si elle le ramène dans le champ du « normal » et assure le dépassement de la situation initiale de mise à l’écart ». Pour cela, la fonction éducative de la peine doit dominer la phase d’exécution, et la sanction doit pouvoir être redéfinie de manière permanente en fonction de l’évolution du condamné ;

63

Décision 2005-520 DC, 22 juillet 2005, Journal officiel du 27 juillet 2005, p. 12241, texte n°16, cons. 3, Rec. p. 118

64 .

Décis. n° 93-334, 20 janv. 199

65 4

Décis. n° 2004-492 DC, 2 mars 2004, rendue à l’occasion de l’examen de la loi instituant la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilit

66 é

REP N°66: "Avant et pendant la mise en place du suivi d'un auteur d'infraction, ce dernier fait l'objet, le cas échéant, d'une apréciation qui analyse de façon systématique et approfondie sa situation particulière, y compris les risques, les facteurs positifs et les besoins, les interventions nécessaires pour répondre à ces besoins ainsi qu'une appréciation de la réceptivité de l'auteur d'infraction à ces interventions".

67

C.C., décision n°96-377 DC, 16 juillet 1996, Journal officiel du 23 juillet 1996, p. 11108, Rec. p. 87, décision 2004-492 DC, 2 mars 2004, Journal officiel du 10 mars 2004, p. 4637, Rec. p. 66

68 .

L’article 723-28 du code de procédure pénale issu de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a institué la SEFIP applicable aux détenus condamnés à des peines inférieures ou égales à 5 ans, auxquels il reste 4 mois d’emprisonnement à exécuter, et qui ne remplissent pas les conditions pour un aménagement de peine classique.

Une expérimentation « PSE-fin de peine » de ces dispositions a été menée du 1er septembre 2008 au 1er janvier 2010, date d’entrée en vigueur de la loi sur plusieurs sites de configurations et de tailles très différentes. La particularité de cette expérimentation par rapport à la SEFIP est que la décision d’octroi du PSE fin de peine incombait au JAP et non au parquet.

69

source DACG/PEPP/CJN)

70 .

Dans le cadre d’un aménagement de peine octroyé par le JAP ou dans le cadre de la surveillance électronique de fin de peine contrôlée par le procureur de la République

71 .

L’impact de la création d’un délit autonome a été évalué jusqu’à l’équivalent de la charge de travail de 21 magistrats et 23 greffiers

72 .

Au Canada le taux d’achèvement avec succès de la mise en liberté sous conditions des délinquants est de 88,4% en semi-liberté, 78,8% en libération conditionnelle et seulement de 62,4% pour les libertés d’office (source magistrat de liaison au Canada)/

C’est le mode de calcul en vigueur aujourd’hui ; il n’y a pas lieu à en retenir un différent pour ce type de mesure

73 .

Source DAP/PMJ5, tableau 3 de la note de synthèse des travaux sur l’exécution des peine

74 s

C’est pourquoi, des dispositions transitoires sont prévues pour permettre aux juridictions et établissements pénitentiaires la mise en œuvre progressive de ces disposition

75 s

« A cette fin, les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d'exécution si la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou leur évolution le permettent. L'individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire. 

76 »

Ces données sont issues de l’application Cassiopée

77 .

Source : cadres du parquet

78 .

Extractions issues du fichier national des détenus

79 .

Suivant le taux d’octroi de la mesure, on estime la durée moyenne de la période de libération sous contrainte sera comprise de 3 et 4,3 mois

80 .

Cette estimation prend en compte les 600 personnes actuellement placées sous surveillance électronique de fin de peine

81 .

Dans l’hypothèse la plus basse, avec 8 000 contraintes pénales prononcées chaque année et une durée moyenne de deux ans, le « stock » de personnes placées sous contrainte pénale atteindra 8 000 personnes au bout d’un an et 16 000 personnes au bout de deux ans avant de se stabiliser. Dans l’hypothèse la plus haute, avec 20 000 contraintes pénales prononcées chaque année et une durée moyenne de trois ans, le « stock » de personnes placées sous contrainte pénale atteindra 20 000 personnes au bout d’un an, 40 000 personnes au bout de deux ans et 60 000 personnes au bout de trois ans avant de stabiliser

82 .

Par exemple, OASys, utilisé en Angleterre et aux Pays-de-Galle

83 s

Les « sorties sèches » concernent : 98% des personnes condamnées à des peines inférieures à 6 mois, 84% des personnes condamnées à des peines de 6 à 12 mois et 64% des personnes condamnées à des peines de un à trois ans

84 .

On peut estimer le nombre de décisions spéciales de révocation à 27 000 pour les condamnations à l’emprisonnement et à 6 600 pour les amendes

85 .

L’étude par le parquet d’une procédure simplifiée est estimée à 60 minutes, le traitement par le juge de l’application des peines à une moyenne de 25 minutes, la charge du travail du greffe à 30 minutes (méthodologie Outilgref). L’étude de la SEFIP au parquet est estimée à environ 10 minutes, le temps du greffe est minime

86 .

La charge de travail par audition est évaluée à 40 minutes pour le juge d’application des peines (prise de connaissance du dossier, audition rédaction de l’ordonnance), 30 minutes pour le parquet (prise de connaissance du dossier, réquisitions écrites) et 30 minutes pour le greffe (convocation, édition de la décision, notification au SPIP)

87

La charge de travail est évaluée à 70 minutes pour le juge délégué (correspondant à l’étude du dossier, la tenue de l’audience, rédaction de la décision), 55 minutes pour le magistrat du parquet (prise de connaissance et audience), 80mn pour le greffe qui doit également traiter l’exécution de la peine s’il y a incarcération

88 .

Le taux d’appel sur les décisions des juges d’application des peines sont actuellement de 7%

89 .

Le temps nécessaire est estimé à 20 minutes pour le juge de l’application des peines et le magistrat du parquet (étude du dossier, rapport du SPIP, échange avec le représentant de l’établissement, audition) et 25 minutes pour le greffe ‘traitement a posteriori des ordonnances rendues par le JAP)

90 .

La durée de traitement du dossier dans une audience contradictoire de juge d’application des peines est évaluée à 70minutes pour le juge de l’application des peines (étude du dossier, audience, rédaction de la décision), 55 minutes pour le magistrat du parquet et 200 minutes pour le greffe. Si le dossier passe devant le tribunal d’application des peines, ce temps est estimé à 150 minutes pour les magistrats du siège, 60 minutes pour les magistrats du parquet et 230 minutes pour le greffe

91 .

Le coût d’un placement extérieur est estimé à 30 € par jour, soit 10 950 € par an. Dans l’hypothèse de 10 400 personnes bénéficiant d’une sortie sous contrainte, 1 560 personnes pourraient être suivies dans le cadre d’un placement extérieur

92 .

On estime que 35% des personnes bénéficiant d’une liberté sous contrainte seront suivis sous bracelet électronique, mode de suivi moins encadrant que la semi-liberté (30% des cas) et le placement extérieur (15%). Dans l’hypothèse haute, le nombre de bracelets électroniques nécessaire sera supérieur à l’effet de la baisse du nombre placé sous bracelet au titre de l’article 723-15 du code de procédure pénale

93 .

En 2011, les juridictions pour enfants ont prononcé 836 condamnations pour des infractions éligibles à la peine minimale, dont 30% étaient assorties d’une peine minimale

94 .

A titre indicatif, environ 16 500 peines d’obligations ou interdictions sont prononcées chaque année à titre principal – sans que l’on puisse savoir s’il a été fait application des dispositions des alinéas 2 de 131-9 et 131-10 du code pénal - et l’on recense environ 800 condamnations pour inexécution de ces peines sur le fondement de l’article 434-41 du code pénal – dans des cas où, par définition, il n’avait pas été fait application de ces dispositions.

95

La rétribution des missions de l’avocat devant le JAP ou le TAP est actuellement fixée par l’article 90 du décret du 19 décembre 1991 à 4 UV. Pour mémoire, l’unité de valeur est actuellement fixée à 24, 20 €. On peut estimer que le taux de diffusion de l’AJ dans ce type d’affaires est de 50%

96 .

Voir les éléments explicatifs présentés sur le site de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive : http://conference-consensus.justice.gouv.fr/. Elle s’appuie sur une démarche scientifique permettant d’approfondir une question faisant débat en dressant un état des lieux le plus complet possible des connaissances sur la question, - connaissances acquises tant en France qu’à l’étranger, et à consulter la société civile sous la forme d’un Jury qui formule des recommandations au gouvernement.

L’originalité de la démarche repose sur :

- l’analyse des données existantes et de leur caractère probant : études et recherches scientifiques, données statistiques, connaissances de terrain…

- le recours à des membres de la société civile indépendants du gouvernement ;

- l’indentification des éléments faisant consensus et de ceux faisant dissensus.

Cette méthode vise à garantir que les politiques publiques seront bien élaborées – et par la suite évaluées – sur la base d’acquis scientifiques et de connaissances sérieux et argumentés et qu’ils auront constitué les fondements d’un débat approfondi et pluraliste destiné à favoriser le consensus.