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PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l’accord entre la République française

et la République fédérative du Brésil en matière de sécurité sociale

NOR : MAEJ1322902L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I- Situation de référence et objectifs de l’Accord

Actuellement, en matière de sécurité sociale, il n’existe aucun instrument juridique bilatéral avec le Brésil. De fait, la situation des travailleurs au regard de la sécurité sociale en France, comme au Brésil, relève uniquement du droit interne de chaque Etat : les travailleurs doivent être nécessairement affiliés au régime de sécurité sociale de l’Etat où ils exercent leur activité. En outre, l’absence de coordination entre les régimes des deux Etats ne permet pas la prise en compte des périodes d’assurance accomplies dans l’autre Etat (totalisation) ni le calcul de pensions coordonnées, susceptible d’améliorer le niveau de celles-ci.

Cet Accord permettra de faciliter la mobilité professionnelle entre la France et le Brésil en garantissant une continuité des droits en matière de sécurité sociale. Il constituera également le gage d’une densification des relations économiques entre les deux Etats en favorisant l’implantation des entreprises françaises au Brésil et en contribuant à l’attractivité de la France pour la communauté brésilienne d’affaires.

Il comporte les clauses classiques des accords en matière de sécurité sociale : égalité de traitement entre les personnes soumises à la législation de l’un ou l’autre des Etats contractants, principe d’affiliation au régime de sécurité sociale de l’Etat d’activité, institution d’un statut conventionnel de travailleur détaché pour une durée limitée, exportation et coordination des pensions d’invalidité, de vieillesse et de survivants et organisation de la coopération administrative. Il vise également à renforcer les échanges en matière de lutte contre les fraudes sociales, priorité du gouvernement français, et instaure un cadre général permettant le développement d’une coopération technique entre les deux Etats.

Ainsi, les ressortissants français et brésiliens appelés à exercer une activité professionnelle sur le territoire de l’autre Etat pourront, grâce à cet Accord, bénéficier notamment de la coordination en matière de pensions avec la prise en compte, au moment de la liquidation de leur pension, des périodes d’activité cotisées dans l’autre Etat.

En outre, un travailleur salarié français ou brésilien pourra, dans certaines conditions, bénéficier d’un détachement : il restera, en conséquence, affilié au régime de sécurité sociale de l'Etat d'envoi pour une durée maximale de deux ans. Cette clause vise à éviter des périodes d’interruption dans la constitution des droits à pension et la multiplication des affiliations à des régimes différents. Par ailleurs, elle permet d’éviter les cas de double cotisation sociale, à la fois pour le travailleur et l’employeur, puisque seules sont dues les cotisations au titre de l’affiliation au régime d’origine.

La conclusion de cet Accord s’inscrit enfin dans le cadre du réseau conventionnel de la France en matière de sécurité sociale avec les pays d’Amérique du Sud (Accord avec le Chili du 25 juin 1999, Convention avec l’Argentine du 22 septembre 2008, Accord avec l’Uruguay du 6 décembre 2010). Cet Accord viendra également compléter le dispositif français avec les grands émergents (Accord avec l’Inde entré en vigueur le 1er juillet 2011, accord en cours de négociation avec la Chine), pays qui ont à la fois un important potentiel de développement et une population française expatriée non négligeable. Le Brésil compte ainsi près de 20 500 inscrits au registre des Français établis hors de France (il y a 30 000 Français résidents au Brésil selon la police fédérale). La communauté brésilienne en France est estimée à 25 000 personnes (dont 2000 personnes enregistrées).

II- Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’Accord

- Conséquences économiques

Cet Accord, avec les règles du détachement et de la coordination qui permettent d’améliorer la circulation des travailleurs entre les deux Etats, doit avoir un impact positif sur les échanges économiques avec le Brésil.

La dynamique des relations économiques franco-brésilienne est fondée à la fois sur le commerce et l’investissement dans un pays qui, pour les entreprises françaises, n’est plus un simple marché mais un élément de leur stratégie globale de développement :

- les échanges commerciaux franco-brésiliens ont doublé par rapport à 2003 (+11% en 2011, à 8 Mds EUR, 4Mds EUR dans chaque sens) ;

- la France se trouve dans le peloton de tête des pays qui investissent le plus au Brésil (5e rang, 3,2 Mds EUR en flux en 2010, soit plus que la Chine et la Russie cumulées), pour des investissements de conquête de marché (dans les services, avec Accor, ou la grande distribution, avec Casino) et non des délocalisations ;

- le Brésil constitue le principal marché de la France en Amérique latine, en absorbant plus du tiers (36%) de nos exportations vers la zone, devançant largement le Mexique (19%), l’Argentine (11%), la Colombie et le Chili (8%). Si la part de marché de la France au Brésil s’effrite (2,41% en 2011, contre 2,64% en 2010 ; 6,7% pour l’Allemagne et 2,7 % pour l’Italie), sa position dans notre commerce extérieur se maintient (0,87% de nos flux commerciaux totaux). La France achète traditionnellement au Brésil des produits agro-alimentaires mais de plus en plus de biens industriels. Elle exporte vers le Brésil des biens d’équipement, notamment des avions, des équipements pour l’automobile et des automobiles, des préparations pharmaceutiques.

Les grandes entreprises françaises poursuivent leur développement au Brésil (toutes les entreprises du CAC 40 hors BTP y sont implantées). Près de 500 entreprises françaises emploient plus de 500.000 personnes. Ainsi, en application de l’Accord, la mobilité d’un personnel qualifié pourra être facilitée grâce à son maintien au régime de sécurité sociale français (détachement).

S’agissant de la présence des investisseurs brésiliens en France, l’internationalisation des entreprises brésiliennes est relativement récente mais, selon l’Agence française pour les investissements internationaux, une quarantaine d’entreprises brésiliennes sont présentes en France, où elles emploient plus de 2300 salariés. En 2011, quatre investissements brésiliens créateurs d’emploi en France ont été décidés.. Un tiers des investissements brésiliens en Europe en 2011 se sont dirigés vers la France, première destination. Suite à la conclusion de cet accord de sécurité sociale, cette présence est appelée à se renforcer.

- Conséquences financières

L’entrée en vigueur de l’Accord entraînera la mise en place du détachement : un certain nombre de travailleurs salariés brésiliens pourront ne pas être affiliés au régime français pour l’ensemble des risques, à condition toutefois de posséder une couverture complète de soins de santé. Inversement, les salariés français détachés au Brésil resteront affiliés aux régimes de sécurité sociale français. Par ailleurs, la coordination des régimes de sécurité sociale représentera un gain, qui ne peut être chiffré en l’absence actuelle de statistiques, pour les ressortissants français qui ont cotisé successivement aux régimes brésilien et français lorsqu’ils demandent la liquidation de leurs droits à pension (amélioration du montant de la retraite).

- Conséquences en matière de lutte contre la fraude 

La lutte contre la fraude aux prestations sociales indues constitue une priorité nationale. C’est la raison pour laquelle les textes négociés en matière de sécurité sociale intègrent depuis 2006, à la demande de la partie française, des dispositions spécifiques. Ces dispositions étendent, dans le respect des législations de chacun des Etats et d’éventuelles autres obligations internationales auxquelles ils sont soumis, la coopération administrative à deux volets :

- la reconnaissance des décisions exécutoires rendues par l’un des Etats contractants, qui permettra, si cela est nécessaire, l’exécution de ces décisions sur le territoire de l’autre Etat contractant. Il s’agit, en particulier, de recouvrer des prestations indues (article 29) ;

- la mise en place d’échanges d’informations sur la résidence effective des personnes, sur leur existence et sur leurs ressources afin de pouvoir vérifier les conditions de leur affiliation à un régime de sécurité sociale et de s’assurer de leur éligibilité à une prestation (en évitant notamment le cumul de prestations) due au titre d’une affiliation (article 30).

- Conséquences juridiques

Contrairement à la pratique habituelle en matière de conventions de sécurité sociale, cet Accord a été signé au niveau des Républiques, et non sous forme intergouvernementale. L’organisation institutionnelle du Brésil explique la demande spécifique de la Partie brésilienne qui ne pouvait signer cet Accord qu’au niveau présidentiel. Cette qualification de l’Accord n’engendre aucun impact ou changement particulier, à l’exception du renforcement de son caractère solennel.

Cet Accord ne soulève pas de difficultés au regard du droit de l'Union européenne. En effet, aucun critère de nationalité n'intervient pour le bénéfice des dispositions de coordination de cet Accord, celles-ci s'appliquant à toutes les personnes qui, quelle que soit leur nationalité, sont ou ont été assurées au titre d'une législation de sécurité sociale française ou brésilienne, ainsi qu'à leurs ayants droit et survivants (article 3 de l’Accord). Les ressortissants de l'Union européenne, dès lors qu'ils rempliront cette condition d'affiliation à l'une de ces législations, pourront donc bénéficier des procédures de coordination prévues par l'Accord. En outre, un article de cet Accord est prévu explicitement pour rappeler le cadre juridique supranational particulier auquel chacun des deux Etats contractants est soumis : celui de l’Union européenne pour la France ; celui du MERCOSUR pour le Brésil (article 35 relatif aux « dispositions internationales auxquelles l’Accord ne porte pas atteinte »).

En ce qui concerne la France, l’application de l’Accord en matière de sécurité sociale est limitée dans son champ territorial aux départements métropolitains et d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer étant régies par la spécialité législative en matière de protection sociale et leurs régimes de sécurité sociale coordonnés avec les régimes métropolitains dans le cadre de décrets spécifiques de coordination.

L’entrée en vigueur de l’Accord n’a aucun impact sur le droit interne français et n’entraînera donc pas de modification de la législation nationale.

Cet Accord, dans son article 28, rend possible la communication de données à caractère personnel. Cette communication est indispensable pour l’ouverture, le calcul et la gestion de droits de sécurité sociale, mais aussi pour contrôler les éventuels cas de fraude, comme le prévoit l’article 30 de l’Accord.

La communication de ces données est conditionnée au respect des législations des Etats contractants en matière de protection des données à caractère personnel : l’échange relève de l’application de la législation de l’Etat qui procède à cette communication. Le traitement, la conservation ou la diffusion de ces données relèvent, quant à eux de l’application de la législation de l’Etat qui les reçoit.

Si la Commission nationale de l’informatique et des libertés estime que le Brésil ne dispose pas d’une législation en matière de protection des données adéquate et équivalente à celle de la France1, les échanges sont toutefois strictement encadrés par l’Accord de sécurité sociale. En effet, l’article 27 limite l’usage de ces informations aux fins exclusives de l’application de l’Accord.

L’Accord prévoit des dispositions transitoires et finales :

- l’article 36 instaure une rétroactivité limitée. Si l’Accord ne crée aucune ouverture de droit aux prestations pour toute période antérieure à son entrée en vigueur, les périodes cotisées antérieurement pourront être prises en compte pour déterminer les droits à prestation. En revanche, cette rétroactivité ne s’applique pas aux droits liquidés sous forme d’un capital ou d’un remboursement de cotisations. Concernant le détachement, aucune rétroactivité ne s’applique ; cependant, les salariés envoyés dans un des Etats contractants pourront être réputés détachés au sens de l’Accord à la date d’entrée en vigueur de celui-ci.

- l’article 37 est une disposition classique des accords de sécurité sociale  permettant la liquidation de droits à prestation déterminés antérieurement à l’entrée en vigueur de l’accord. Par ailleurs, le montant des prestations peut faire l’objet d’une révision lors de l’entrée en vigueur de l’Accord, à la demande des intéressés et sous certaines conditions.

Cet Accord est complété par un Accord d’application (prévu à l’article 25 de l’Accord) signé le 22 avril 2013 au niveau intergouvernemental, et qui détermine les modalités d’application de chaque article de l’Accord, en précise les circuits d’échange – directs ou via les organismes de liaison de chacun des Etats – entre les différents organismes de sécurité sociale français et brésiliens et institue les procédures par l’intermédiaire d’un système de formulaires adaptés.

- Conséquences administratives

La mise en œuvre de l’Accord de sécurité sociale (coordination inter-régimes et détachement via des formulaires complétés par les intéressés) s’effectuera par les institutions compétentes et les organismes de liaison de chacun des deux Etats. Pour la France, il s’agit respectivement des caisses de sécurité sociale et du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS).

Outre la coordination avec les Etats de l’Union européenne, les caisses de sécurité sociale françaises gèrent d’ores et déjà l’application de plus d’une trentaine d’accords de sécurité sociale en vigueur avec des Etats hors de l’Union européenne. Les personnes qui seront concernées par les dispositions de l’Accord avec le Brésil étant peu nombreuses en comparaison du nombre de dossiers que gèrent habituellement les caisses, la mise en œuvre de cet Accord ne génèrera qu’un impact marginal pour elles, que ce soit en termes de gestion de dossiers ou en termes d’adaptation de leur organisation administrative.

De plus, même si les accords de sécurité sociale comportent dorénavant quasi-systématiquement de nouvelles dispositions destinées à favoriser les échanges entre les organismes de sécurité sociale afin de lutter contre les fraudes sociales et à prévoir l’exequatur, ce type d’échange s’inscrit dans les échanges habituels d’informations entre caisses de sécurité sociale nécessaires à l’instruction et à la gestion de dossiers individuels en matière de sécurité sociale. Les organismes sont donc habitués à ces échanges qui, dès lors, n’impactent pas leur organisation administrative.

En outre, les organismes de liaison - le CLEISS pour la France - demeurent les relais privilégiés des échanges avec les organismes de sécurité sociale lorsque ceux-ci interviennent dans un cadre international et notamment bilatéral.

III – Historique des négociations

Initiée par la Partie brésilienne qui était désireuse, à l’origine, de conclure un accord avec la Guyane française, la négociation de l’Accord en matière de sécurité sociale avec la France a fait l’objet de deux sessions, du 24 au 26 novembre 2010 à Brasilia puis du 1er au 3 mars 2011 à Paris. Un important et fructueux travail de finalisation et d’ajustements, par échanges indirects, s’est ensuite poursuivi et a abouti à la signature de l’Accord, le 15 décembre 2011 à Brasilia lors du déplacement du Premier ministre français au Brésil. Une troisième session de négociation du 22 au 26 août 2011, a permis d’entamer la négociation de l’Accord d’application qui a été signé le 22 avril 2013, à Paris.

IV – Etat des ratifications

La procédure de ratification brésilienne n’a pas encore été engagée. Elle débute par la communication par le Ministère des relations extérieures à la Présidence de la République d'un exposé des motifs relatif à l'Accord. La Présidence transmet ensuite le texte pour ratification au Congrès brésilien composé de deux chambres : la Chambre des députés et le Sénat.

V - Déclarations ou réserves

Néant.

1 Voir le site de la CNIL : http://www.cnil.fr/pied-de-page/liens/les-autorites-de-controle-dans-le-monde/


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