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PROJET DE LOI

d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale

NOR : MAEX1325199L/Bleue-1

ETUDE D'IMPACT

10 décembre 2013

Table des matières

1. Objectifs et moyens de la politique de développement et de solidarité internationale 3

1.1. Diagnostic général 3

1.2. Programmation financière 5

1.3. Finalités de la politique de développement et de solidarité internationale (article 1) 5

1.4. Priorités géographiques de l’aide bilatérale (article 4 et article 6) 6

1.5. Priorités de l’aide multilatérale (article 7) 7

2. Principes et organisation de la politique de développement et de solidarité internationale 8

2.1. Cohérence des politiques publiques avec la politique de développement et de solidarité internationale (article 3) 8

2. 2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale (article 4 – deuxième alinéa) 9

2.3. La responsabilité sociale et environnementale (article 5) 9

2.4. La mesure de l’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale (article 10 – premier alinéa) 9

2.5. L’évaluation de la politique de développement et de solidarité internationale (article 10 – premier alinéa) 10

2.6. La redevabilité devant le Parlement (article 10, deuxième alinéa) 11

2.7. Organisation institutionnelle de la politique de développement (article 6) 12

3. Dispositions normatives 13

3.1. Disposition relatives à l’expertise internationale (article 8) 13

3.2. Dispositions relatives aux collectivités territoriales (article 9) 13

4. Consultations 15

La présente loi relève de la catégorie des « lois de programmation déterminant les objectifs de l'action de l'État » prévue par les dispositions du vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

Ces lois de programmations, qui peuvent désormais intégrer des dispositions non normatives présentant des objectifs et orientations de l’action de l’Etat, doivent, en application des dispositions des articles 8 et 11 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution faire l’objet d’une étude d’impact. Le Conseil d’Etat a précisé, dans son rapport public 2012, le contenu de ce type d’études d’impact, indiquant que les obligations qui en résultent pour le Gouvernement diffèrent, selon que les dispositions sont normatives ou relèvent d’une simple programmation.

S’agissant des dispositions de programmation, d’une part, doivent apparaître la justification, même sommaire, des choix opérés compte tenu des dispositions existantes ainsi que la façon dont le dispositif envisagé s’insère dans le cadre juridique interne et s’articule avec le droit européen, l’évaluation des conséquences économiques et financières desdits choix, leur incidence sur l’emploi ainsi que les consultations de toute nature auxquelles il a été procédé. D’autre part, doivent apparaître, la cohérence entre les objectifs retenus par la loi de programmation et les prévisions de la loi de programmation des finances publiques pour la ou les période(s) concernée(s); la cohérence entre les orientations de la loi de programmation et l’économie générale des textes normatifs récemment adoptés dans le même domaine.

Ces éléments peuvent par ailleurs, figurer exclusivement dans le rapport annexé, s’ils sont énoncés de façon suffisamment précise, dès lors que le rapport annexé au projet de loi de programmation soumis à l’approbation du Parlement (article 2) participe également de l’objectif d’information de celui-ci. L’étude d’impact renvoie alors, en tant que de besoin, aux développements du rapport annexé.

S’agissant des dispositions de portée normative, l’étude d’impact doit apporter les précisions prescrites par les dispositions de l’article 8 de loi organique du 15 avril 2009 susmentionnée.

La présente loi modifie seulement à la marge l’ordonnancement juridique interne : les dispositions de caractère normatif  sont présentées en troisième partie. Elle ne modifie pas non plus des conventions et accords internationaux. La vocation principale de cette loi est de rendre compte au Parlement et au-delà, aux citoyens français, des objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale et des résultats obtenus, aussi bien en termes d’efficacité, que de respect des principes de cohérence et de transparence. Ce sont ces principes et ces orientations que détaillent les parties un et deux de la présente étude.

1. Objectifs et moyens de la politique de développement et de solidarité internationale

1.1. Diagnostic général

En juillet 2008, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France pour la période 2008-2020 a rappelé, d’une part, que l’aide publique au développement est une composante à part entière de la politique étrangère de la France, d’autre part, que cette politique doit contribuer à la réalisation des objectifs suivants : favoriser une mondialisation équilibrée, renforcer la paix et la sécurité en luttant contre la pauvreté et le sous-développement, appuyer les stratégies d’influence.

Plus précisément, le Livre blanc retenait cinq priorités pour l’action extérieure de la France :

- assurer la sécurité de la France et des Français, défendre et promouvoir leurs intérêt ;

- construire avec nos partenaires une Europe forte, démocratique et efficace ;

- agir dans le monde pour la paix, la sécurité et les droits de l’homme ;

- contribuer à l’organisation d’une mondialisation qui assure un développement durable et équilibré de la planète ;

- assurer la présence des idées, de la langue et de la culture françaises tout en servant la diversité culturelle.

Le document cadre de coopération pour le développement de la France, publié en 2011 par le ministère des Affaires étrangères (MAE), a permis de définir une vision cohérente de la coopération au développement et des objectifs de la stratégie française de coopération, afin de répondre au défi d’une mondialisation maîtrisée et de garantir les grands équilibres de la planète sur le long terme. Quatre objectifs majeurs ont été définis : favoriser une croissance durable et équitable pour les populations les plus défavorisées, lutter contre la pauvreté et les inégalités, préserver les biens publics mondiaux, assurer la stabilité mondiale et l’État de droit.

Le Document cadre a en outre institué la notion de « partenariats différenciés », associant des types d’intervention et leur répartition à des priorités géographiques (Afrique subsaharienne, pays pauvres prioritaires, Méditerranée, etc.) ainsi que des priorités sectorielles.

Le Document cadre a également appelé à un renforcement de la cohérence de l’action française par rapport aux actions menées par l’Union européenne et d’autres institutions internationales. Enfin, il a encouragé les coopérations de proximité mises en place par les collectivités territoriales et les entreprises françaises avec leurs homologues des pays en développement.

Les avancées du Document cadre ont été reconnues, tant aux niveaux international que national1. Toutefois, plusieurs rapports ont mis l’accent sur la nécessité de définir plus précisément les objectifs et les priorités et de rationaliser le dispositif de l’aide bilatérale française en matière de développement. C’est notamment l’avis exprimé par la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le projet de loi de finances pour 20132, par la Cour des comptes dans son rapport public de 2012 « La politique française d’aide au développement »3, et par les pairs de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dans le rapport consacré par cette organisation à la politique française de coopération au développement4.

La tenue des Assises du développement et de la solidarité internationale entre les mois de novembre 2012 et mars 2013 a été une première étape essentielle de redéfinition de la politique française de l’aide au développement. Organisées par le Ministre délégué chargé du développement, ces Assises ont réuni l’ensemble des acteurs du Nord et du Sud ─ État, collectivités territoriales, parlementaires, organisations non gouvernementales (ONG), syndicats, entreprises, fondations, organismes de recherche ─ dans un dialogue d’une ampleur inédite depuis 1997. Les travaux ont porté sur cinq thèmes : la vision du développement post-2015, la transparence et l’efficacité de l’aide, la cohérence des politiques publiques en faveur du développement, les partenariats avec les acteurs non-gouvernementaux, la recherche et les innovations technologiques et sociales en faveur du développement. Ces thèmes constituent le socle d’une nouvelle vision de la politique française de développement.

Ces Assises ont été suivies d’une réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) qui s’est tenue le 31 juillet 2013. Le Gouvernement y a formalisé de premières décisions, notamment en matière de priorités géographiques de la politique de développement et de solidarité internationale de la France. Le CICID a également adopté la stratégie « genre et développement » qui définit les priorités de la France dans le domaine de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et constitue un cadre d’action pour tous les partenaires du développement5.

Comme le Président de la République s’y était engagé le 31 mars 2013 lors de la clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale, le présent projet de loi, appelé à devenir la première loi de programmation de la politique de développement et de solidarité internationale de l’histoire de la Vième République, intègre les avancées des Assises et les décisions du CIDID dans un souci de cohérence et de rationalisation. Il s’inscrit dans une démarche qui vise à rendre la politique française de développement et de solidarité internationale plus cohérente, plus transparente et plus efficace. Ce projet de loi permet d’associer plus étroitement le Parlement à la définition de la politique de développement et de solidarité internationale de la France qui relevait, jusqu’à présent, de la seule responsabilité du Gouvernement.

Enfin, il s’inscrit dans un mouvement plus général. Depuis quelques années la plupart des grands pays donateurs de l’OCDE, tels la Grande-Bretagne6, l’Espagne7, la Suisse8, l’Australie9 ou le Canada10 se sont dotés de textes législatifs pour encadrer leurs politiques d’aide.

1.2. Programmation financière

Le présent projet de loi ne contient pas de programmation financière. Les orientations et lignes programmatiques qui y sont présentées s’appuieront, chaque année, sur les moyens inscrits dans les lois de finances successives.

1.3. Finalités de la politique de développement et de solidarité internationale (article 1) 

Jusqu’à présent, la définition des objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale n’est pas satisfaisante. Le rapport précité de la Cour des comptes de 2012 met en lumière le fait que les objectifs sont trop nombreux et insuffisamment hiérarchisés. Le rapport note que le Livre blanc « La politique française d’aide au développement aujourd’hui : pour une mondialisation plus solidaire » diffusé en 2002 mettait déjà en exergue comme objectif central « la réduction de la pauvreté et des inégalités dans le cadre d’un développement durable» avec deux axes prioritaires : « la régulation de la mondialisation » et « l’appui au développement humain ». Toutefois, il rappelle que ce document s’apparentait davantage à une déclaration de principe qu’à un véritable document stratégique.

Le présent projet de loi permet de proposer au Parlement une hiérarchisation des objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale en opérant une meilleure distinction entre objectifs et moyens. Il s’inscrit dans une évolution de long terme vers une association plus étroite du Parlement à la définition de la politique de développement et de solidarité internationale de la France qui relevait, jusqu’à présent, de la seule responsabilité du gouvernement.

Son article 1er a pour objectif de définir la finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France, en l’inscrivant dans un cadre nouveau qui associe lutte contre la pauvreté et développement durable dans ses trois composantes, économique, sociale et environnementale. La lutte contre la pauvreté demeure un objectif fondamental, mais la politique de développement doit intégrer les nouveaux défis auxquels de nombreux pays en développement doivent faire face, et notamment ceux du changement climatique, de la protection de l’environnement, des inégalités entre les femmes et les hommes et de la croissance démographique.

L’article 2 approuve le rapport annexé au projet de loi. Ce dernier précise notamment quels sont ces objectifs et priorités, les modalités de mise en œuvre des principes de cohérence, d’efficacité et de transparence de l’aide ainsi que les leviers d’action de cette politique.

Enfin, ce projet de loi permet de faire de la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes un enjeu incontournable de la politique de développement. Il reprend la « stratégie genre et développement », elle-même issue de la feuille de route adoptée par le ministère des Affaires étrangères lors du premier comité interministériel aux droits des femmes du 30 novembre 2012. L’égalité entre les femmes et les hommes est explicitement définie comme l’une des valeurs que la politique de développement et de solidarité internationale doit contribuer à promouvoir.

1.4. Priorités géographiques de l’aide bilatérale (article 4 et article 6)

Conformément aux préconisations du Parlement, de l’OCDE et de la Cour des comptes, le Gouvernement souhaite mieux définir et hiérarchiser ses priorités en matière de politique de développement. Dans le cadre de la réforme de la coopération de 1998, le concept de « zone de solidarité prioritaire », arrêté par le décret n°98-66 du 4 février 1998 portant création du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (1° de l’article 3), visait déjà à concentrer l’aide « dans les pays où elle peut produire un effet significatif en termes économiques ou politiques ». Or, la Cour des comptes a noté dans son rapport de 2012 que le choix d’un nombre élevé de pays (61 en 1999, ramené à 55 en 2002) était entré en contradiction avec l’objectif de sélectivité11. Elle a également constaté que l’objectif de flexibilité n’avait pas davantage été atteint, les contours de la zone n’ayant jamais été revus entre 2002 et 2009. Elle a enfin souligné que le champ d’intervention de l’Agence française de développement avait été formellement étendu en juillet 2003 à des pays n’appartenant pas à cette zone et que les instruments bilatéraux gérés par le ministère de l’Economie et des Finances restaient exclus de cette logique12.

Le Gouvernement mène depuis quelques années une réflexion sur la notion de « partenariats différenciés » qui semble mieux à même de prendre en compte la diversification des trajectoires de développement économique et social des pays destinataires de notre aide. En 2009, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a ainsi développé la notion de « partenariats différenciés » qui permet d’adapter aux spécificités de chaque zone les moyens utilisés parmi la palette d’instruments du dispositif français de coopération au développement. La notion de partenariats différenciés proposée par le CICID établit une correspondance entre catégories de pays, catégories d’instruments et catégories d’enjeux. Elle conduit notamment à favoriser un accès privilégié des pays pauvres prioritaires aux financements les plus concessionnels ainsi que la sanctuarisation d’une enveloppe de subventions pour pouvoir intervenir de manière significative dans les pays en crise.

Cette approche a été validée par le document cadre de 2011 précité, lequel a cependant modifié deux des quatre « espaces de cohérence » établis en 2009 : il a ainsi remplacé les « pays pauvres prioritaires » et les «pays intermédiaires entretenant des relations privilégiées avec la France » par deux catégories purement géographiques, l’Afrique subsaharienne et le bassin méditerranéen.

Dans ce cadre, le Gouvernement a décidé de concentrer encore davantage son aide en redéfinissant les priorités géographiques de la politique de développement lors de la réunion du CICID du 31 juillet 2013 (décision n°2). Le Gouvernement a décidé de supprimer la zone de solidarité prioritaire et de fonder l’attribution des ressources sur des partenariats différenciés qui reposent sur le niveau de revenu ainsi que la proximité géographique, culturelle et linguistique avec la France. La décision n°2 du CICID du 31 juillet 2013 annonce donc que « Le Gouvernement décide de consacrer au moins 85% de l’effort financier de l’Etat en faveur du développement en Afrique subsaharienne et dans les pays voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée. »

L’inscription du principe de « partenariats différenciés » permet également de définir une politique différenciée concernant les pays émergents, de façon à explorer avec ces pays des solutions nouvelles aux défis communs en promouvant une croissance créatrice d’emplois et respectueuse de l’environnement, tout en les associant à l‘aide internationale en direction des pays les plus pauvres. La décision n°2 du CICID du 31 juillet 2013 précise ainsi que : « Dans le reste du monde, notamment les pays d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes, majoritairement des pays à revenus intermédiaires à croissance rapide ou émergents, la France a pour objectif de rechercher des solutions partagées à des défis communs et d’associer ces pays à la coopération internationale en appui aux pays les plus pauvres. La France y interviendra pour promouvoir une « croissance verte et solidaire », en y favorisant notamment des partenariats économiques. La coopération avec les « très grands émergents » mobilisera les acteurs français sans coût financier pour l’Etat (hors expertise technique). »

Le premier alinéa de l’article 4 inscrit dans la loi « la logique des partenariats différenciés » dont la mise en œuvre est détaillée dans le rapport annexé.

1.5. Priorités de l’aide multilatérale (article 7)

L’aide publique au développement transite via trois canaux présentés dans le rapport annexé à la loi (paragraphe 3.1) : l’aide bilatérale, l’aide multilatérale et la contribution française à la politique européenne de développement.

L’aide multilatérale et la contribution européenne ont augmenté depuis 2007 pour représenter aujourd’hui, en termes de crédits budgétaires, deux tiers de la mission « Aide publique au développement », conduisant à certains questionnements sur l’effet d’éviction que les engagements internationaux pris par la France et les reconstitutions pluriannuelles des fonds concessionnels risquent d’avoir sur l’aide bilatérale. On notera cependant qu’au total, en termes d’APD globale (incluant l’effet de levier, les moyens des autres missions budgétaires, les annulations de dette, etc.), le canal bilatéral reste prédominant, représentant de l’ordre de 2/3 des montants totaux.

Or, comme l’indique la Cour des comptes dans son rapport, l’attention doit être portée avant tout sur l’efficacité de l’aide multilatérale plutôt que sur son montant, et dans ce cadre, il est « nécessaire de définir une stratégie en matière d’aide multilatérale » et de rechercher une meilleure articulation avec l’aide bilatérale.

Aujourd’hui les priorités, objectifs et principes défendus par la France dans les institutions multilatérales de développement sont conformes aux orientations générales décrites dans le document cadre de coopération au développement (DCCD) de 2011 ; pour certaines institutions (ex : Banque mondiale) et secteurs (ex : santé), des stratégies spécifiques ont été plus précisément définies. Néanmoins, cette démarche reste à formaliser et à étendre.

Le projet de loi étend dans son article 7 la défense des objectifs, priorités et principes de l’aide au développement française aux institutions multilatérales dont la France est membre. Il rappelle en outre la complémentarité des aides bilatérale et multilatérale françaises.

La France exerce, en effet, une double politique d’influence et de partenariat avec ces enceintes, afin d’assurer une réelle complémentarité entre son action bilatérale et son action multilatérale, dans son rôle d’actionnaire, de financeur et de partenaire dans la mise en œuvre de projets conjoints. Il s’agit à la fois d’agir sur la définition des priorités et des stratégies de ces enceintes, d’accroître la visibilité et la portée de notre aide bilatérale et de toucher des secteurs ou des pays inaccessibles seuls.

Comme elle s’y est engagée dans le cadre de la Revue par les pairs de l’OCDE en 2013, la France élaborera en 2014 une stratégie portant sur les orientations de son aide multilatérale. Cette stratégie couvrira de manière cohérente mais différenciée les diverses familles d’institutions (onusiennes, européennes, financières internationales). Elle visera à renforcer la cohérence de la politiques d’aide au développement de la France, à mieux articuler les instruments de son aide bilatérale et multilatérale et contribuer à une plus grande rationalisation du paysage multilatéral ainsi qu’à limiter la dispersion de l’aide française.

Si cet article n’a pas d’impact budgétaire et financier direct, en revanche, la recherche d’une meilleure complémentarité et d’une meilleure articulation des aides bilatérales et multilatérales, la limitation de la dispersion de l’aide française, et la promotion de la transparence du système multilatéral pourront entraîner à l’avenir une évolution des choix d’allocation entre les institutions, dans le but d’une plus grande efficience de l’aide sur du long terme.

2. Principes et organisation de la politique de développement et de solidarité internationale

Les organisations internationales qui travaillent sur les questions de développement international cherchent depuis quelque temps déjà à concevoir et mettre en place des règles communes permettant de clarifier et d’homogénéiser les pratiques en matière d’aide au développement – ce travail est d’autant plus important que les volumes financiers sont élevés (en 2012, les apports nets des 24 pays membres du comité d’aide au développement de l’OCDE se sont chiffrés à 125,6 milliards de dollars). C’est le cas de l’OCDE dont l’une des missions est de produire des normes et recommandations inscrivant les pratiques des pays donateurs et des pays bénéficiaires dans un cadre juridique commun. Les trois principes dont la reconnaissance internationale est la plus large, et qu’un certain nombre de pays ont inscrit dans leur droit positif, sont reconnus dans ce projet de loi : la cohérence, l’efficacité et la transparence.

Le chapitre II du projet de loi pose ces principes dont la mise en œuvre est détaillée dans le rapport annexé.

2.1. Cohérence des politiques publiques avec la politique de développement et de solidarité internationale (article 3)

La France a adopté en 2008 la déclaration ministérielle de l’OCDE sur la cohérence des politiques au service du développement (OCDE, 2008) et inscrit cette dimension dans ses documents stratégiques13. En novembre 2009, le Conseil de l’Union européenne a décidé d’œuvrer en priorité sur cinq politiques sectorielles : commerce et finance, changement climatique, sécurité alimentaire, migrations, et sécurité. En 2010, l’Union européenne a mis en œuvre un outil inédit, le Programme de travail CPD 2010-2013, qui présente les initiatives stratégiques permettant d’améliorer la cohérence des politiques pour le développement.

La France a défini en 2010 six priorités en matière de cohérence des politiques : commerce, migrations, investissements étrangers, sécurité alimentaire, protection sociale et changement climatique. Ces priorités, qui sont identifiées dans le document cadre de coopération pour le développement de 2011 susmentionné, sont réaffirmées en 2013 et détaillées dans le rapport annexé.

S’inscrivant dans ces textes internationaux et européens, l’article 3 du projet de loi reconnait qu’au-delà de la politique de développement, d’autres politiques publiques, dont la liste est inscrite dans l’article, ont des effets importants sur les pays en développement. L’efficacité de la politique de développement dépend donc aussi de la cohérence d’ensemble des politiques nationales. Le rapport annexé détaille les mécanismes permettant de mettre en œuvre cette cohérence.

2. 2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale (article 4 – deuxième alinéa)

L’efficacité de l’aide au développement est une préoccupation constante des pays donateurs de l’OCDE qui se sont engagés dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide de 2005 à respecter les cinq principes suivants:

- Prise en chargeLes pays en développement définissent leurs propres stratégies de réduction de la pauvreté, améliorent leurs institutions et luttent contre la corruption.

- AlignementLes pays donateurs s’alignent sur ces objectifs et s’appuient sur les systèmes locaux.

- HarmonisationLes pays donateurs se concertent, simplifient les procédures et partagent l’information pour éviter que leurs efforts ne fassent double emploi.

- RésultatsLes pays en développement se concentrent sur les résultats souhaités et leur évaluation.

- « Redevabilité » mutuelleLes donateurs et les partenaires sont conjointement responsables des résultats obtenus en matière de développement.

Le rapport annexé détaille la façon dont la France met en œuvre ce principe qui sera inscrit à l’article 4, alinéa 2 de la loi.

2.3. La responsabilité sociale et environnementale (article 5)

Suite à la catastrophe du Rana Plaza, le gouvernement a souhaité accentuer ses efforts sur la question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises françaises et de leurs filières à l’étranger et faire de la RSE une dimension transversale de son action. Celle-ci doit donc être pleinement intégrée dans la politique de développement. Le gouvernement a donc décidé de lancer une concertation pour une meilleure responsabilisation des entreprises multinationales et des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs filiales et de leurs fournisseurs situés dans les pays en développement. Il mandate la plateforme nationale RSE pour nourrir cette concertation et promeut cette démarche auprès de nos partenaires, européens notamment. La France soutient également un renforcement des exigences sociales et environnementales dans le processus de passation des marchés publics, dans le cadre des réformes en cours au sein des institutions financières multilatérales

Le recours à la voie législative, dans l’article 5 de la présente loi, est justifié par l’importance que le Gouvernement entend donner à ce principe dont la mise en œuvre est détaillée dans le rapport annexé.

2.4. La mesure de l’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale (article 10 – premier alinéa)

La France est régulièrement critiquée pour son incapacité à rendre compte des impacts de sa politique de développement, et ce malgré une demande forte des autorités politiques, du Parlement et des citoyens. Pendant longtemps, elle ne s’est pas dotée d’un cadre d’objectifs et d’indicateurs nécessaires à la mesure des impacts de cette politique, ce qui nuit, notamment à sa crédibilité. C’est cette lacune que le gouvernement a décidé de pallier.

Les deux programmes de la mission « Aide publique au développement », identifiée dans le budget de l’Etat, comportent en 2014 sept objectifs, assortis de onze indicateurs. La Cour des comptes remarque que la convergence entre les indicateurs de ces programmes est insuffisante et que les ministères responsables de ces programmes ont trop longtemps différé la recherche d’une telle convergence. Parfois peu cohérents avec leurs objectifs, ces indicateurs ne donnent qu’une vision partielle de leur atteinte. Ils sont d’une pertinence incertaine ou sont assortis d’une cible qui n’est pas explicitée.

Le Gouvernement souhaite que la France, 4ème pays donateur mondial, affiche deux priorités : (i) que ses engagements soient aussi jugés à l’aune de leur efficacité, mesurée de la manière la plus juste possible ; (ii) que l’impact d’une politique de développement ne soit pas évalué seulement sur les résultats des interventions financées par l’aide publique au développement (APD)14. Cette orientation a été confirmée par le Président de la République, lequel a déclaré dans son discours de clôture des Assises : « Je souhaite que l’évaluation et l'impact de notre aide s’améliore. Des indicateurs seront introduits pour gagner en transparence, en efficacité et en respect des objectifs de biodiversité »15.

La priorité accordée à ces thématiques a été confirmée par deux décisions du CICID du 31 juillet 2013. La décision n° 18 de ce CICID a ainsi précisé que: « Le Gouvernement décide d'engager une étude de faisabilité sur un dispositif d’allocation de l’aide qui permette de tenir compte des besoins des pays partenaires ainsi que de leurs efforts en matière de performance économique et de gouvernance ». La décision n°27 précise que : « Le Gouvernement approuve la grille d’indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale. Cette grille permettra d’améliorer la lisibilité et la transparence de l’aide ».

Conformément aux préconisations de la stratégie genre et développement 2013-2017 adoptée par le CICID, le « marqueur genre » du Comité d’Aide au Développement de l’OCDE, qui permet à la France de déclarer depuis 2010 le pourcentage d’aide publique au développement qui contribue à l’égalité entre les femmes et les hommes sera amélioré.

Le projet de loi reconnait l’importance de la mesure des résultats dans les politiques publiques et prévoit dans son article 10 premier alinéa qu’un ensemble d’indicateurs de résultats de la politique de développement seront publiés chaque année.

2.5. L’évaluation de la politique de développement et de solidarité internationale (article 10 – premier alinéa)

Le système d’évaluation de l’aide française est sous la responsabilité de trois acteurs sans lien organique : le pôle de l’évaluation de la direction générale de la mondialisation du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères, de l’unité d’évaluation des activités de développement de la direction du trésor du ministère l’économie et la division de l’évaluation et de la capitalisation de l’Agence française de développement. Ces trois entités assurent avant tout un rôle de programmation, de coordination et d’appui méthodologique et confient les évaluations elles-mêmes à des organismes extérieurs16.

La Cour des comptes précise qu’une telle organisation, dispersée et non hiérarchisée, est une spécificité française. Elle rappelle que chez les autres donateurs, l’évaluation relève plutôt d’une entité unique, autonome ou intégrée à l’agence chargée de gérer l’aide. Selon elle, cette pluralité d’intervenants peut, certes, être vue comme favorisant la diversité des approches et permettant des regards croisés. Elle affaiblit cependant la fonction d’évaluation car elle impose fréquemment des comités de pilotage mixtes et des cofinancements pour réaliser les évaluations.

Cette évaluation repose sur des moyens modestes. Selon la Cour des comptes, le coût total de la fonction d’évaluation, quoique mal connu, s’élevait en 2009 à moins de 3 millions d’euros, dont les deux tiers au titre de l’Agence française de développement. Ces dépenses représentent moins de 0,1 % de l’aide bilatérale programmable française.

La Cour des comptes a constaté que le système d’évaluation français ne permet de couvrir que l’aide relevant de la mission du budget de l’Etat « Aide publique au développement ». Elle a noté que même dans ce cadre restreint, l’aide pilotable ne peut être considérée comme suffisamment évaluée. Elle a précisé que les systèmes d’évaluation mis en place par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de l’économie et des finances présentent des lacunes.

Le gouvernement a décidé de renforcer ce dispositif, sans pour autant créer d’évaluateur unique. La décision n° 27 du CICID du 31 juillet indique que : « Le Gouvernement décide de produire tous les deux ans un rapport public sur les évaluations des résultats des interventions au titre de l’aide publique au développement française. Ce rapport présentera, outre une synthèse de ces évaluations, le programme d’évaluation pluriannuel consolidé des trois structures d’évaluation relevant du ministère des affaires étrangères, du ministère de l’économie et des finances et de l’Agence française de développement ». Par ailleurs, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes est chargé de l’évaluation annuelle de la Stratégie genre et développement 2013-2017.

L’article 10, premier alinéa, inscrit cette décision dans la loi.

2.6. La redevabilité devant le Parlement (article 10, deuxième alinéa)

Le gouvernement prévoit à l’article 10 de présenter tous les deux ans un rapport faisant la synthèse de la politique de développement et de solidarité internationale. Cette politique comporte plusieurs volets, notamment un volet bilatéral et un volet multilatéral. Il apparaît ainsi plus opportun de réaliser un seul et unique rapport complet apportant un éclairage global sur la politique de développement plutôt que de maintenir un rapport limité aux seules institutions financières internationales. Ce rapport, qui évalue en outre la cohérence des politiques publiques avec la politique d’aide au développement sera également transmis au Conseil national du développement et de la solidarité internationale.

Ce rapport se substitue au rapport annuel présentant l'activité du Fonds monétaire international et des banques multilatérales de développement au cours de leur dernier exercice budgétaire que le Gouvernement devait remettre aux commissions du Parlement chargées des finances et des affaires étrangères en application des dispositions du III de l’article 44 de la loi n°2010-1658 du 29 décembre 2010 modifié de finances rectificatives pour 2010.

En l’état actuel de la législation, l’article 44 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de Finances rectificative pour 1998, modifié par la loi n°2010-1658 du 29 décembre 2010 de Finances rectificative pour 2010 - art. 103 (V) prévoit qu’un rapport sur les institutions financières internationales est transmis chaque année aux commissions du Parlement chargées des finances et des affaires étrangères. Ce rapport recouvre notamment l’activité du Fonds monétaire international et l’activité des banques multilatérales de développement. Ce rapport est donc limité à une partie des institutions multilatérales auxquelles la France contribue.

Par ailleurs, la place indispensable du FMI dans le système internationale d’aide au développement conduit à maintenir l’évaluation des interventions du FMI dans le nouveau rapport prévu par la loi d’orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale.

Sur la forme, le maintien de deux rapports sur les institutions financières internationales serait contre-productif et inefficient. D’une part, il y aurait contradiction à exclure le FMI du champ du nouveau rapport bisannuel alors que l’objet de ce dernier est précisément d’être global et inclusif sur la politique de développement, et d’autre part, maintenir la production de deux rapports dont l’un porterait uniquement sur le FMI contribuerait à l’illisibilité de l’information sur cette institution. En outre, l’information sur le FMI est d’ores et déjà à la disposition du Parlement via d’autres supports (notamment le Compte d’Opérations Monétaires « FMI » qui retrace l’ensemble des opérations financières).

Compte tenu de ces éléments et dans le cadre de la transparence de l’aide, le FMI fera donc partie des institutions financières internationales présentées et dont les résultats sont évalués dans le rapport bisannuel prévu dans la loi d’orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale.

Le nouveau rapport prévu à l’article 10 du projet de loi a donc vocation à se substituer au rapport prévu en application des dispositions du III de l’article 44 de la loi n°98-1267. Sur le fond en effet, le rapport prévu à l’article 44 de la loi de finances rectificatives de 1998 constitue un double d’une partie du nouveau rapport prévu par l’article 10 du projet de loi d’orientation et de programmation. Il est donc redondant et doit donc à ce titre être supprimé.

Enfin, dans un souci de bonne administration et de simplification des documents et des rapports administratifs, la suppression du rapport mentionné à l’article 44 de la loi n°98-1267 évitera de mobiliser de façon répétée des ressources humaines et matérielles pour l’élaboration de deux rapports ayant le même objet. Il s’agit d’utiliser de manière efficace et efficiente les moyens de l’administration pour les concentrer sur le nouveau rapport créé par le projet de loi. Ce nouveau document sera en effet plus complet et plus pertinent puisqu’il embrassera toutes les dimensions de la politique de développement.

2.7. Organisation institutionnelle de la politique de développement (article 6)

Dans son rapport de 2012, la Cour des comptes souligne que le système français d’aide est singulier, par rapport à celui des autres pays de l’OCDE, ce pour trois raisons : l’absence d’un ministère pilote, la nature financière de l’opérateur chargé d’appliquer la politique, l’absence de séparation tranchée entre la conception et la mise en œuvre des programmes d’aide17. Selon la Cour des comptes, l’organisation française souffre toujours d’un pilotage intermittent, d’une organisation administrative centrale éclatée et d’un réseau de mise en œuvre dispersé18.

Le rapport d’examen par les pairs de l’OCDE a également mis en lumière les problèmes qui touchent le pilotage de la politique de développement française. Il constate tout d’abord que des efforts ont été réalisés. En application des recommandations faites dans le rapport de 2008, la France a pris des mesures pour rationaliser le dispositif institutionnel de sa coopération.

- En particulier, elle a :renforcé la capacité de pilotage du ministère des Affaires étrangères avec la création, en 2009, de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats et la nomination, en juin 2012, d’un ministre délégué chargé du développement;

- renforcé le dispositif de dialogue avec l’AFD avec la mise en place, en 2010, d’un Conseil d’orientation stratégique présidé par le ministre délégué chargé du développement, et, en 2011, la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM) unique19.

C’est le Premier ministre qui assure, conformément à la pratique institutionnelle de la Vième République, le pilotage interministériel de la politique d’aide. Il préside, à cet effet, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), instauré par le décret n°98-66 du 4 février 1998 portant création du comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Le CICID rassemble tous les ministres concernés par la politique de développement. Il définit les orientations de la politique de développement française et, notamment, les priorités géographiques et sectorielles.

Le CICID a donc un rôle important qui n’est toutefois pas concrétisé depuis plusieurs années. En effet, le comité ne s’est réuni qu’une fois lors de la précédente législature, ce qui a conduit à différer plusieurs mesures de réforme préconisées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Le recours à la voie législative permet de réaffirmer l’importance que le Gouvernement accorde au rôle du CICID dans le pilotage de la politique de développement et de solidarité internationale. L’article 6 du présent projet de loi précise que le gouvernement définit ou actualise les priorités de la politique de développement, dans ses composantes bilatérale et multilatérale. En outre, il veille à la cohérence des priorités géographiques et sectorielles de la politique de développement. Ses conclusions font l’objet d’une publication et d’une diffusion.

3. Dispositions normatives

3.1. Disposition relatives à l’expertise internationale (article 8)

- Diagnostic

Dans son discours de clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale, le président de la République a demandé au Gouvernement de « prendre rapidement les mesures qui s’imposent pour faire que l’expertise devienne encore plus performante ». Le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique a diligenté en avril 2013 une nouvelle évaluation sur la rationalisation du dispositif français d’expertise internationale qui englobe : i) le dispositif du ministère des affaires étrangères, en appui aux administrations des gouvernements étrangers ; ii) une trentaine d’opérateurs spécialisés, rattachés à différents ministères de tutelle, qui entretiennent un vivier d’experts ; iii) des agences publiques qui en complément de leur activité principale répondent à des appels d’offre ; iv) un secteur privé très dynamique, des ingénieries spécialisées sur le marché international de l’expertise technique.

La multiplicité des opérateurs français d’expertise nuit à la visibilité et à l’efficacité de l’action extérieure de la France, en particulier en matière d’accès aux financements internationaux comme l’ont souligné les nombreux rapports émanant des différentes institutions (les derniers en date sont le rapport Maugüé, conseil d’Etat, et le rapport Berthou, Sénat). Au regard de ce dispositif morcelé, l’Allemagne dispose d’un opérateur unique (GIZ) qui pèse 1,4 Mds d’euros.

L’article 8 du projet de loi inscrit les opérateurs de l’expertise technique internationale dans le cadre de la politique de développement de la France et complète ainsi les dispositions de la loi n°2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’Etat.

3.2. Dispositions relatives aux collectivités territoriales (article 9)

- Diagnostic

Le régime de l’action extérieure des collectivités territoriales est fixé par les articles L. 1115-1 à L. 1115-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

L’article L. 1115-1 du même code permet aux collectivités de conclure des conventions avec les autorités locales étrangères pour mener à bien des actions de coopération et d’aide au développement.

L’article L. 1115-5 du code général des collectivités territoriales limite l’étendue de cette compétence extérieure en interdisant aux collectivités territoriales ou à leurs groupements de conclure des conventions avec des Etats étrangers.

Il est d’ailleurs à noter que l’article 9bis du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, en discussion au Sénat au moment de la rédaction de cette étude d’impact, prévoit de modifier ainsi cet article :

L’article L. 1115–5 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-5. – Une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales ne peut conclure une convention avec un État étranger, sauf dans les cas prévus par la loi ou lorsqu’il s’agit d’un accord destiné à permettre la création d’un groupement européen de coopération territoriale, d’un groupement eurorégional de coopération ou d’un groupement local de coopération transfrontalière. Dans ce dernier cas, la signature de l’accord est préalablement autorisée par le représentant de l’État dans la région. »

Le présent projet de loi propose une modification de l’article L. 1115- 1. Sur la base des préconisations d’un rapport présenté au ministre des Affaires étrangères par M. André Laignel le 23 janvier 2013 à la commission nationale de la coopération décentralisée, l’article 9 substitue une nouvelle rédaction aux actuelles dispositions du premier alinéa de l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales.

Conservant l’économie générale des textes antérieurs intervenus dans ce domaine depuis la loi d’orientation de 1992, qui avait introduit dans notre droit positif la coopération décentralisée, il ajoute une notion plus large, celle d’action extérieure des collectivités territoriales. Dans la ligne de la loi n° 2007-147 du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements, l’article permet de clarifier les modalités de l’action extérieure des collectivités territoriales. La notion retenue dans l’article du projet est celle d’« action de coopération ou d’aide au développement » des collectivités territoriales et de leurs groupements, qui conserve mais englobe celle de coopération décentralisée, notion introduite en droit positif par la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République

En outre, l’article 9 fait apparaître qu’à côté des coopérations sur conventions expressément visées par l’article L. 1115-1 du CGCT, un nombre croissant d’actions de coopération et d’aide au développement sont menées suivant d’autres modalités, faisant une large place à des opérations partenariales ou mutualisées, souvent par le canal de réseaux généralistes ou thématiques de collectivités territoriales.

Enfin, la nouvelle rédaction met davantage l’accent sur le respect des engagements internationaux de la France, puisque cet impératif, mis en tête du nouvel article, s’applique désormais à toutes les actions de coopération ou d’aide au développement et pas seulement aux conventions bilatérales entre autorités locales.

- Options

L’article proposé vise à la simplicité. Il se garde de proposer des régimes différents selon la nature des actions, dans le souci d’éviter de nuire à la lisibilité d’ensemble du dispositif français de coopération territoriale, de méconnaître des actions innovantes ou d’imposer une modification de la loi à chaque fois qu’une modification du contenu de tel régime ou de telle action serait nécessaire.

Cette nouvelle rédaction de l’article L. 1115-1 se situe dans la continuité du parti choisi par le législateur en 1992, soit de ne pas créer de régimes différents selon le niveau de collectivité territoriale concerné – région, département, commune - afin de permettre à ces différents niveaux et à leurs groupements de coopérer ensemble.

- Impact de la loi

Outre les avantages d’une sécurité juridique accrue des actions des collectivités territoriales et de leurs groupements, cette nouvelle rédaction de l’article L. 1115-1 du CGCT permet, des actions spécifiques en matière d’accompagnement de nos entreprises à l’étranger ou d’attractivité de nos territoires, qui jusqu’à maintenant reposaient sur une base juridique incertaine ou ne s’appliquaient qu’à des cas bien particuliers. Cela peut conduire des collectivités – régions notamment, mais pas seulement – à s’engager plus nettement sur ce terrain et à travailler avec les pôles de compétitivité, le monde universitaire, hospitalier et de la recherche qui ne sont pas régis par le dispositif de la coopération décentralisée au sens strict.

Les « actions de coopération ou d’aide au développement » ainsi que les « actions à caractère humanitaire » autorisées par le nouvel article L.1115-1 seront soumises au droit commun des délibérations prises par les collectivités territoriales et donc assujetties de plein droit au contrôle de légalité, comme toute action entreprise par les régions, départements, communes et leurs groupements. Ainsi, l’attribution de subventions dans le cadre d’une action de coopération ne pourrait, par exemple, intervenir sans délibération de l’organe délibérant de la collectivité en cause, délibération soumise au contrôle de légalité du préfet dès lors qu’elle n’entrerait dans aucune des catégories pour lesquelles il existe une dispense de transmission au préfet pour contrôle.

Il n’y a pas à prévoir de conséquences sur le budget de l’Etat, les appels à projets du ministère des Affaires étrangères et certaines formes de soutien d’autres ministères, ou de l’Agence française de développement, prenant déjà en compte des actions de la sorte. En ce qui concerne les budgets des collectivités territoriales, il s’agit d’actions essentiellement volontaires, de montants qui restent modestes et qui donnent lieu à évaluation. L’article proposé ne comporte aucune incitation à dépenser plus.

4. Consultations

En application des dispositions de l'article 70 de la Constitution20, tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental doit être soumis, pour avis, au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il en est ainsi dès lors qu’une disposition d’un projet de loi de programmation fixe des objectifs qualitatifs et quantitatifs à l'action de l'Etat en la matière (Conseil Constitutionnel, décision n° 2005-512 du 21 avril 2005). L’article 2 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social prévoit également que : « Le Conseil économique, social et environnemental est obligatoirement saisi pour avis, par le Premier ministre, des projets de loi de plan et des projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental. Il peut être au préalable associé à leur élaboration ».

Avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans sa séance du 27 novembre 2013

Le CESE a donné un avis favorable à ce projet de loi.

Annexe : liste des sigles et abréviations

AFD

Agence française de développement

AID

Association internationale de développement

APD

Aide publique au développement

APE

Accord de partenariat économique

BIT

Bureau international du travail

CAD

Comité d’aide au développement de l’OCDE

C2D

Contrat de désendettement et de développement

CBD

CCNUCC

CE

Conventions des Nations unies sur la diversité biologique

Conventions des Nations unies sur le changement climatique

Commission européenne

CICID

Comité interministériel de la coopération internationale et du développement

CIEP

Centre international d’études pédagogiques

CIV

CIRAD

Délégation pour les relations avec la société civile et les partenariats

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

CNCD

CNDSI

CNRS

CNULCD

COM

Commission nationale de la coopération décentralisée

Conseil National du Développement et de la Solidarité Internationale

Centre national de la recherche scientifique

Conventions des Nations unies pour la lutte contre la désertification

Contrat d’objectifs et de moyens

CONFEJES

CONFEMEN

Conférence des ministres francophones de la jeunesse et des sports

Conférence des ministres de l'éducation des pays ayant le français en partage

COS

Conseil d’orientation stratégique de l’AFD

CPD

Cohérence des Politiques pour le Développement

DAECT

Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales

DGM

DG Trésor

Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats

Direction générale du Trésor

ESS

ETI

Economie sociale et solidaire

Entreprises de taille intermédiaire

FAO(OAA)

Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

FED

Fonds européen de développement

FEM

Fonds pour l’environnement mondial

FEXTE

FFEM

Fonds d’expertise technique et d’échange d’expériences

Fonds français pour l’environnement mondial

FHF

Fédération hospitalière de France

FIDA

Fonds international de développement agricole

GAVI

Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation

GIP

Groupement d’intérêt public

GISA

Groupe interministériel français sur la sécurité alimentaire

GRECO

HCE

HCR

Conventions civile et pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption

Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes

Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies

HQE

Haute qualité environnementale

IITA

Initiative internationale pour la transparence de l’aide

IDE

Investissement direct étranger

IEDDH

Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme

IEVP

Instrument européen de voisinage et de partenariat

IFFIm

Facilité internationale pour la vaccination

IRD

Institut de recherche pour le développement

ITIE

Initiative pour la transparence des industries extractives

LADOM

Agence de l'Outre-Mer pour la Mobilité

MAE

Ministère des affaires étrangères

MAFF

MEFI

Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt 

Ministère de l’économie et des finances

MEN

Ministère de l’Education Nationale

NEPAD

Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique

OCDE

Organisation pour la coopération et le développement économique

ODD

Objectifs de développement durable

OIF

OIT

Organisation internationale de la Francophonie

Organisation internationale du travail

OMC

Organisation mondiale du commerce

OMD

Objectifs du millénaire pour le développement

ONG

Organisation non gouvernementale

ONU

Organisation des Nations unies

PAM

Programme alimentaire mondial

PED

Pays en développement

PMA

PNUD

PNUE

Pays les moins avancés

Programme des Nations unies pour le développement

Programme des Nations unies pour l’environnement

PPP

Pays pauvres prioritaires

PPTE

Pays pauvres très endettés

RRMA

RSE

Réseaux régionaux multi-acteurs

Responsabilité sociale et environnementale

SMA

Service militaire adapté

SPG

Système de préférences généralisées

TTF

Taxe sur les transactions financières

UE

Union européenne

UNESCO

Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture

UNICEF

Fonds des Nations unies pour l’enfance

UNITAID

Facilité internationale d’achat de médicaments

UNRWA

Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine

dans le Proche-Orient

VSI

Volontaire de solidarité internationale

1 Voir notamment le rapport d’évaluation par les pairs de l’OCDE sur la politique française de coopération au développement, OCDE, Examen par les pairs de l’OCDE sur la coopération au développement, France 2013.

2 Avis n° 150 (2012-2013) de MM. Jean-Claude PEYRONNET et Christian CAMBON, fait au nom de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2013, déposé le 22 novembre 2012, Tome IV, Aide publique au développement (ci-après Avis de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Senat).

3 Cour des comptes, La politique française d’aide au développement – juin 2012.

4 OCDE, Examen par les pairs de l’OCDE sur la coopération au développement, France 2013.

5 La stratégie genre et développement prendra effet en août 2013 pour une période de 4 ans et sera évaluée annuellement par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

6 International Development Act, 2002 et International Development (reporting and transparency) Act, 2006.

7 Loi sur la coopération internationale pour le développement du 7 juillet 1998.

8 Loi fédérale sur la coopération au développement et l'aide humanitaire internationales du 19 mars 1976.

9 En Australie, Environmental Protection Act de 1974, relative à l'évaluation environnementale s'applique aux activités de coopération pour le développement (cf. Sommaire des politiques et processus d’évaluation environnementale relatifs aux activités d’aide au développement –Australie).

10 Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement du 28 juin 2008.

11 La Cour des comptes notait que ce constat avait déjà été fait par la Commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat dès 2001 et par l’OCDE en 2008, la Commission du Sénat précitée ayant souligné « la conjonction d’un volume d’aide bilatérale programmable relativement limité et dispersé sur un nombre important de pays ». cf. rapport de la Cour des comptes, p. 26.

12 Rapport de la Cour des comptes, p. 26.

13 Rapport OCDE « Examen par les pairs », pp. 26-27.

14 Session 3 – Restitution des travaux des Assises, p. 3.

15 Intervention de M. le Président de la République à la séance de clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale, vendredi 1er mars 2013, p. 12.

16 Rapport public de la Cour des comptes, juin 2012, p. 64.

17 Rapport public de la Cour des comptes, juin 2012, p. 37.

18 Idem, p. 43.

19 Idem, p. 60.

20 L’article 70 de la Constitution dans sa version issue de la loi constitutionnelle n°2008724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République prévoit que : « Le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Le Gouvernement peut également le consulter sur les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis. »


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