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PROJET DE LOI

relatif au droit des étrangers en France

NOR : INTX1412529L/Bleue-1

ÉTUDE D’IMPACT

22 juillet 2014

Table des matières

1 L’ACCUEIL ET L’ACCOMPAGNEMENT DES ETRANGERS EN FRANCE 6

1.1 Diagnostic et état du droit 6

1.1.1 Le pré CAI 6

1.1.2 Le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) et le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille (CAIF) 6

1.1.3 Le lien entre le CAI et le renouvellement du titre de séjour 7

1.2 Objectifs poursuivis par la réforme 8

1.2.1 Les constats tirés de l’évaluation du dispositif d’accueil 8

1.2.2 Les orientations fixées par la feuille de route du 11 février 2014 relative à la politique d’égalité républicaine et d’intégration 8

1.3 Options possibles et nécessité de légiférer 10

1.4 Impact de la loi 11

1.4.1 Prise en compte du handicap 11

1.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes 11

1.4.3 Impacts juridiques 12

1.4.4 Impacts outre-mer 12

1.4.5 Impacts économiques et financiers 12

1.4.6 Impacts sociaux 13

1.4.7 Impacts administratifs 13

1.4.8 Impacts sur les collectivités territoriales 13

1.5 Modalités de mises en œuvre 14

1.5.1 Application dans le temps 14

1.5.2 Application dans l’espace 14

1.5.3 Textes d’application 14

2 LE DROIT AU SEJOUR DES ETRANGERS EN FRANCE 15

2.1 La généralisation de la carte de séjour pluriannuelle (articles 3, 4, 6 et 11 (sous sections 1 et 3) 15

2.1.1 Diagnostic et état du droit 15

2.1.1.1 Le principe général de l'annualité des cartes de séjour 15

2.1.1.2 L'exception au principe général : la pluriannualité de certaines cartes de séjour 21

2.1.1.3 Les renouvellements de titres de séjour en préfectures 23

2.1.1.4 La délivrance des documents temporaires de séjour: les récépissés 25

2.1.1.5 Les modalités de contrôle des cartes de séjour temporaire : le renouvellement annuel avec vérification des conditions de séjour 26

2.1.2 Objectifs poursuivis par la réforme 26

2.1.2.1 Les objectifs généraux 26

2.1.2.2 La généralisation des cartes de séjour pluriannuelles 27

2.1.2.3 Sur le système de contrôle 31

2.1.3 Options possibles et nécessités de légiférer 31

2.1.3.1 Options alternatives 31

2.1.3.2 Nécessité de légiférer 32

2.1.4 Impacts attendus 33

2.1.4.1 Prise en compte du handicap 33

2.1.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes 33

2.1.4.3 Impacts juridiques 34

2.1.4.4 Impacts outre-mer 34

2.1.4.5 Impacts économiques et financiers 34

2.1.4.6 Impacts administratifs 35

2.1.5 Modalités de mise en œuvre 36

2.1.5.1 Application dans le temps 36

2.1.5.2 Application dans l’espace 36

2.1.5.3 Consultations 36

2.1.5.4 Textes d’application 36

2.2 Le développement de l’accueil des talents étrangers article 11 (sous section 2) 36

2.2.1 Diagnostic et état du droit 36

2.2.2 Objectifs poursuivis par la réforme 38

2.2.2.1 Les lignes directrices 38

2.2.2.2 Le descriptif du nouveau dispositif « passeport talents » 38

2.2.3 Options possibles et nécessité de légiférer 41

2.2.4 Impacts attendus 42

2.2.4.1 Prise en compte du handicap 42

2.2.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes 42

2.2.4.3 Impacts juridiques 42

2.2.4.4 Impacts outre-mer 43

2.2.4.5 Impacts économiques et financiers 43

2.2.4.6 Impacts administratifs 43

2.2.5 Modalités de mise en œuvre 43

2.2.5.1 Application dans le temps 43

2.2.5.2 Application dans l’espace 43

2.2.5.3 Consultations 43

2.2.5.4 Textes d’application 44

2.3 Le droit au travail des étudiants étrangers diplômés ( articles 5 et 9 paragraphe 7 44

2.3.1 Diagnostic et état de droit 44

2.3.2 Objectifs poursuivis par la réforme 46

2.3.3 Options possibles et nécessité de légiférer 46

2.3.4 Impacts attendus 47

2.3.4.1 Prise en compte du handicap 47

2.3.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes 47

2.3.4.3 Impacts juridiques 47

2.3.4.4 Impacts outre-mer 47

2.3.4.5 Impacts économiques et financiers 47

2.3.5 Modalités mise en œuvre 48

2.3.5.1 Application dans le temps 48

2.3.5.2 Application dans l’espace 48

2.3.5.3 Consultations 48

2.3.5.4 Textes d’application 48

2.4 Les modifications liées à l’immigration professionnelle ( articles 9 et 12) 48

2.4.1 Diagnostic et état du droit 48

2.4.2 Objectifs poursuivis par la réforme 49

2.4.3 Options possibles et nécessité de légiférer 50

2.4.4 Impacts attendus 50

2.4.4.1Prise en compte du handicap 50

2.4.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes 50

2.4.4.3 Impacts juridiques 50

2.4.4.4 Impacts outre-mer 51

2.4.4.5 Impacts économiques et financiers 51

2.4.4.6 Impacts administratifs 51

2.4.5 Modalités de mise en œuvre 51

2.4.5.1 Application dans le temps 51

2.4.5.2 Application dans l’espace 51

2.4.5.3 Consultations 51

2.4.5.4 Textes d’application 52

2.5. La réforme du droit au séjour pour soins (article 10) 52

2.5.1 Diagnostic et état du droit 52

2.5.2 Objectifs poursuivis par la réforme 54

2.5.2.1 La réforme des conditions de délivrance de la carte de séjour pour les étrangers malades 54

2.5.2.2.La réforme de la procédure applicable aux étrangers malades 55

2.5.3 Options possibles et nécessité de légiférer 55

2.5.4 Impacts attendus 56

2.5.4.1 Prise en compte du handicap 56

2.5.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes 56

2.5.4.3 Impacts juridiques 56

2.5.4.4 Impacts outre-mer 56

2.5.4.5 Impacts économiques et financiers 56

2.5.4.6 Impacts sur l’emploi 56

2.5.4.7 Impacts sociaux 57

2.5.4.8 Impacts administratifs 57

Ce transfert aura aussi pour conséquence de supprimer la compétence du service médicalde la préfecture de police à Paris qui rend annuellement 4 000 avis (10% du total). Le dispositif gagnera en cohérence. 57

2.5.5 Modalités de mise en œuvre 57

2.5.5.1 Application dans le temps 57

2.5.5.2 Application dans l’espace 57

2.5.5.3 Consultations 57

2.5.5.4 Textes d’application 58

3 LES MESURES RELATIVES A L’ELOIGNEMENT DES ETRANGERS EN SITUATION IRREGULIERE 59

3.1 Le caractère prioritaire de l’assignation à résidence pour les étrangers en instance d’éloignement 60

3.1.1 Diagnostic et état du droit 60

3.1.2 Objectifs poursuivis par la réforme 61

3.1.2.1 L’inversion de la logique du CESEDA (articles 19 et 22) 61

3.1.2.2 Concilier assignation à résidence et exécution effective de la mesure d’éloignement (articles 18 et 22) 62

3.1.2.3 Garantir un enchaînement cohérent des mesures de surveillance (articles 20 et 22) 65

3.1.2.4 Préciser les conditions d’assignation à résidence lorsque l’éloignement est reporté (article 21) 66

3.1.2.5 Clarifier les conditions d’application des dispositions pénales en cas de soustraction aux obligations résultant de la mesure d’assignation à résidence (article 27) 66

3.2 Garantir l’effectivité des droits et des libertés 67

3.2.1 L’effectivité des recours dans les outre-mer (article 16) 67

3.2.1.1 Diagnostic et état du droit 67

3.2.1.2 Objectif poursuivi et option retenue 68

3.2.2 L’accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention (article 23) 68

3.2.2.1 Diagnostic et état du droit 68

3.2.2.2 Objectif poursuivi et option retenue 69

3.2.2.3 Modalités de mise en œuvre 69

3.3 L’affirmation de la place et de la portée de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et la suppression des cas résiduels d’arrêté de reconduite à la frontière 70

3.3.1 La suppression des cas résiduels d’arrêté de reconduite à la frontière (article 15) 70

3.3.1.1 Diagnostic et état du droit 70

3.3.1.2 Objectif poursuivi 71

3.3.1.3 Modalités de mise en œuvre 71

3.3.2 La portée et le champ de l’OQTF (articles 14 et 17) 71

3.3.2.1 Diagnostic et état du droit 71

3.3.2.2 Objectif poursuivi et option retenue : améliorer la lisibilité de la loi sur la portée et le champ de l’OQTF applicable aux ressortissants de pays tiers 73

3.4 La clarification du régime des mesures accessoires de l’OQTF : délai de départ volontaire et interdiction de retour 74

3.4.1 Le délai de départ volontaire (article 14) 74

3.4.1.1 Diagnostic et état du droit 74

3.4.1.2 Objectif poursuivi et option retenue 75

3.4.2 L’interdiction de retour (article 14) 75

3.4.2.1 Diagnostic et état du droit 75

3.4.2.2 Objectif poursuivi et option retenue : clarifier les cas d’application de l’interdiction de retour 77

3.4.3 Garantir des mesures efficaces dans un espace européen de libre circulation (article 15) 77

3.4.3.1 Diagnostic et état du droit 77

3.4.3.2 Objectifs poursuivis et option retenue 80

3.4.3.3 Modalités de mise en œuvre 80

3.5 La lutte contre la fraude 81

3.5.1 Lutter plus efficacement contre les fraudes (article 25) 81

3.5.2 Sanctionner efficacement les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations (article 28) 81

3.5.3 Lutter contre le délit d’entrée irrégulière dans les outre-mer (article 26) 81

3.5.3.1 Diagnostic et état du droit 81

3.5.3.2 Objectifs et options retenues 82

3.5.4 Harmoniser les contrôles dans les départements et collectivités français d’Amérique (article 24) 82

3.5.4.1 Diagnostic et état du droit 82

3.5.4.2 Objectif et option retenue 83

3.6 Impact de la loi 83

3.6.1 Prise en compte du handicap 83

3.6.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes 83

3.6.3 Impacts juridiques et contentieux 84

3.6.4 Impacts budgétaires 86

3.7 Modalités d’application de la réforme 87

3.7.1 Application dans le temps 87

3.7.2 Application dans l’espace 87

3.7.3 Consultations 87

3.7.4 Textes d’application 87

4 DISPOSITIONS RELATIVES A L’OUTRE-MER (TITRE III) 89

Index des sigles utilisés 90

1 L’ACCUEIL ET L’ACCOMPAGNEMENT DES ETRANGERS
EN FRANCE

1.1 Diagnostic et état du droit

Le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) constitue l’instrument principal de la politique d’accueil et d’intégration. Expérimenté à partir de 2003, il a été rendu obligatoire par la loi du 24 juillet 20061 relative à l’immigration et à l’intégration. Celui-ci a été complété par la mise en œuvre d’un dispositif d’évaluation et de formation dès le pays de résidence et par l’instauration d’un contrat d’accueil et d’intégration pour la famille ainsi que d’un bilan de compétences professionnelles, prévus par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

1.1.1 Le pré CAI

La loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, mise en place par le décret n° 2008-1115 du 30 octobre 2008 (art L. 211-2-1 et L. 411-8 du CESEDA), prévoit que le conjoint de Français âgé de moins de 65 ans ainsi que le ressortissant étranger âgé de plus de 16 ans et de moins de 65 ans, pour lequel le regroupement familial a été sollicité, bénéficient dans le pays de demande de visa, d’une évaluation des connaissances de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, il est organisé dans le pays de demande du visa ou de résidence, une formation aux valeurs de la République d’une durée de trois heures ainsi qu’une formation linguistique d’une durée maximale de 40 heures au terme desquelles une nouvelle évaluation est réalisée. Les attestations de suivi de ces formations sont nécessaires pour obtenir le visa de long séjour.

1.1.2 Le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) et le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille (CAIF)

La loi du 24 juillet 2006 prévoit que l’intégration républicaine d’un étranger dans la société française est appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française. Le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille a complété ces dispositions pour prendre en compte les droits et devoirs spécifiques aux familles.

Le contenu du contrat d’accueil et d’intégration

Par sa signature, l’étranger «s’oblige à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, linguistique». À ce titre, l’État offre les prestations suivantes, via son opérateur, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) :

- une formation civique d’une durée d’une journée qui comporte la présentation des institutions françaises et des valeurs de la République ;

- une formation linguistique : lors de l’entretien avec l’auditeur de l’OFII, le niveau linguistique des primo-arrivants est évalué et une formation linguistique est le cas échant prescrite, d’une durée maximale de 400h mais en moyenne de 270h.

- une «session d’information sur la vie en France», destinée à sensibiliser les nouveaux arrivants au fonctionnement de la société française ;

- un bilan de compétences professionnelles en vue de permettre aux signataires du contrat d’accueil et d’intégration de valoriser leurs qualifications, expériences et compétences professionnelles dans le cadre d’une recherche d’emploi. Organisé par l’OFII, ce bilan est obligatoire depuis 2009 pour tous les signataires du CAI, à l’exception des mineurs de moins de 18 ans scolarisés, des étrangers de plus de 55 ans et des personnes justifiant d’une activité professionnelle ;

Toutes ces formations et prestations sont dispensées par l’OFII et financées par l’Etat.

Le CAI est conclu pour une durée de douze mois. Il peut être prolongé dans la limite d’une année supplémentaire.

Nombre de CAI signé et coûts annuels depuis 2007

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total cumulé

CAI signés

101 217

103 952

97 736

101 355

102 254

101 368

108 969

716 851

coût annuel

40 095 389 €

37 500 657 €

47 000 000 €

50 798 873 €

59 710 511 €

62 198 857 €

55 530 203 €

352 834 490€

Le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille

Ce contrat, qui complète le CAI, est signé par les bénéficiaires du regroupement familial, dès lors qu'ils ont des enfants. Les signataires s'engagent à participer à une journée de formation sur les "droits et devoirs des parents" et à veiller au respect de l'obligation scolaire pour leurs enfants de 6 à 16 ans.

1.1.3 Le lien entre le CAI et le renouvellement du titre de séjour 

L’article L. 311-9 du CESEDA prévoit que « lors du renouvellement de la carte de séjour intervenant au cours de l'exécution du contrat d'accueil et d'intégration ou lors du premier renouvellement consécutif à cette exécution, l'autorité administrative tient compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration s'agissant des valeurs fondamentales de la République, de l'assiduité de l'étranger et du sérieux de sa participation aux formations civiques et linguistiques, à la réalisation de son bilan de compétences professionnelles et, le cas échéant, à la session d'information sur la vie en France ». Cette disposition est également applicable au contrat d’accueil et d’intégration pour la famille (art L 311-9-1 du CESEDA).

1.2 Objectifs poursuivis par la réforme

1.2.1 Les constats tirés de l’évaluation du dispositif d’accueil

En mars 2013, le ministre de l’intérieur a demandé à l’inspection générale de l’administration et à l’inspection générale des affaires sociales d’évaluer le processus d’accueil et d’accompagnement des étrangers primo-arrivants mis en œuvre pendant les cinq premières années de leur présence sur le territoire afin de faciliter leur insertion dans la société française.

Le rapport remis par les deux inspections générales a conclu à une trop grande standardisation des prestations proposées dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration. Leur phasage n’est pas assez adapté aux besoins des migrants tels qu’ils se présentent à la fois à leur arrivée, puis dans le temps. La mission d’évaluation note ainsi que si la politique d’accueil a bien identifié l’apprentissage de la langue et l’accès à l’emploi comme les principaux vecteurs d’insertion des primo-arrivants, les prestations proposées ne permettent pas pour autant de lever les freins à une intégration réussie. En outre, le rapport indique que l’articulation entre les dispositifs portés par l’Etat et les réponses relevant de la compétence des acteurs locaux n’est pas suffisamment lisible. Enfin, ce dispositif n’est pas effectivement sanctionné puisque dans la pratique, il est apparu que les cas de non-renouvellement du titre de séjour étaient liés à d’autres critères (rupture de vie commune, titre de séjour expiré..) que le manque de respect aux dispositions du CAI ou du CAIF.

Concernant le pré CAI, les prestations actuelles sont jugées à la fois insuffisantes pour être efficaces, disparates suivant les pays d’origine et faisant doublon avec les formations civiques dispensées à l’arrivée sur le territoire. S’agissant du CAIF, il concerne un nombre très limité de familles dans un nombre limité de départements et ses prestations font également doublon avec d’autres prestations du CAI. S’agissant du CAI, les principales critiques portent sur le caractère systématique et insuffisamment efficace du bilan de compétences professionnelles, le caractère trop normatif de la formation civique et l’insuffisance du niveau de langue exigé.

Au final, le rapport conclu à la nécessité d’une approche plus individualisée des besoins, d’un suivi plus soutenu des personnes les plus fragiles, d’une augmentation de l’effort de formation linguistique, d’une rénovation des outils d’intégration professionnelle et d’une adaptation de la formation civique. Pour conduire cette réforme, le rapport insiste sur la nécessité de consolider le programme budgétaire 104 « intégration et accès à la nationalité française » dont la baisse substantielle des crédits au cours des trois dernières années a conduit à l’assèchement des politiques d’intégration. Le rapport estime à près de 5 millions le rebasage du programme. Il évalue à 46 millions, le coût total de l’objectif de l’atteinte d’un niveau A1 à l’issue d’un an et à 80 millions, le coût de l’atteinte d’un niveau supérieur (A2).

1.2.2 Les orientations fixées par la feuille de route du 11 février 2014 relative à la politique d’égalité républicaine et d’intégration

L’objectif poursuivi par la rénovation de la politique d’accueil et d’accompagnement des primo-arrivants s’inscrit dans la feuille de route gouvernementale du 11 février 2014 relative à la politique d’égalité républicaine et d’intégration. Celle-ci réaffirme l’importance de la phase d’accueil et d’accompagnement des étrangers dont les premières années d’installation en France sont déterminantes pour leur pleine intégration dans la société française.

Dans cette perspective, le nouveau dispositif d’accueil des primo-arrivants repose d’une part, sur la conclusion d’un contrat entre l’Etat et la personne étrangère qui met en œuvre un parcours individualisé et mieux adapté aux besoins des primo-arrivants, notamment en termes d’orientation vers les services de droit commun, et, d’autre part, sur l’instauration d’un lien plus affirmé entre le parcours d’accueil et la délivrance des titres de séjour.

La mise en œuvre d’un parcours individualisé mieux adapté aux besoins des primo-arrivants

Trois grandes orientations sont fixées pour améliorer l’accueil des nouveaux-arrivants en situation régulière et favoriser ainsi leur insertion rapide dans la société française. Il s’agit d(e) :

- renforcer l’exigence de connaissance de la langue française : l’objectif fixé par la feuille de route gouvernementale du 11 février 2014 est d’accompagner les étrangers primo-arrivants dans un parcours de progression linguistique leur permettant d’atteindre un niveau A1 au terme de la première année et un niveau A2 au terme des 5 années de leur arrivée.

- garantir la transmission des droits et devoirs de la République en redéfinissant les contenus et les modalités des formations relatives aux valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité, de justice, de tolérance, de respect de l’autre et de laïcité, selon une approche plus concrète répondant mieux aux besoins et questionnements des personnes primo-arrivantes ;

- orienter et accompagner les primo-arrivants vers les services de droit commun suivant l’orientation personnalisée définie par l’Etat (école, formation, emploi…).

Dans cette perspective, le projet de loi prévoit l’instauration de prestations obligatoires :

- une information sur la vie en France accessible dès le pays d’origine qui se concrétisera par la mise à disposition d’informations plus adaptées aux besoins des migrants. Par ailleurs un dispositif d’apprentissage linguistique à distance sera mis à disposition des migrants afin de permettre, à ceux qui le souhaitent, d’aguerrir leur niveau de français ou de s’initier à la langue ;

- une formation linguistique, lorsque le besoin en est établi, permettant aux primo-arrivants d’atteindre un niveau suffisant de connaissance du français : chaque primo-arrivant bénéficiera d’une évaluation de son niveau linguistique afin de se voir prescrire une formation adaptée. Il sera ainsi permis aux personnes primo-arrivantes de se prévaloir de ce niveau de langue auprès d’employeurs potentiels, afin de faciliter leurs démarches d’accès à l’emploi ;

- des formations aux valeurs de la République ainsi qu’au fonctionnement de la société française selon une approche plus concrète : ces formations rénovées s’appuieront sur des exemples du quotidien pour illustrer et faire comprendre les valeurs républicaines (laïcité, égalité hommes-femmes, liberté…). Elles auront également pour objectif d’informer les migrants sur le fonctionnement de la société française (rôle des institutions, notamment de proximité) et de préparer ainsi leur parcours d’installation.

- une orientation vers les services de droit commun: chaque primo-arrivant bénéficiera d’un entretien individualisé donc l’objectif sera d’établir un diagnostic précis de sa situation familiale et socio-professionnelle afin de définir l’orientation la plus adaptée vers les services de droit commun (école, formation professionnelle, services sociaux du Conseil général…)

Ce parcours se caractérisera par une cohérence entre les dispositifs mis en place dès le pays d’origine (information sur la vie en France) et ceux mis en place par les plateformes de l’OFII sur le territoire français.

L’instauration d’un lien plus étroit entre le parcours individualisé et la délivrance des titres de séjour 

La feuille de route relative à la politique d’égalité républicaine et d’intégration indique que le parcours d’accueil sera conçu en cohérence avec la politique des titres pluriannuels prévus par ce même projet de loi.

A cette fin, le présent projet de loi entend :

- lier la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à une condition d’assiduité aux formations prescrites par l’Etat dans le cadre du parcours individualisé. Les personnes, pour lesquelles l’assiduité ne sera pas attestée, pourront se voir délivrer un titre de séjour annuel ;

- lier la délivrance de la carte de résident à une condition d’atteinte d’un niveau qui ne devra pas être inférieur à celui défini par décret en Conseil d’Etat. Les personnes ne pouvant attester de ce niveau pourront se voir renouveler leur titre de séjour pluriannuel.

1.3 Options possibles et nécessité de légiférer

La mise en place d’un nouveau contrat mettant en œuvre un parcours individualisé nécessite des modifications législatives et réglementaires. Les nouvelles dispositions législatives concernent les points suivants :

- la suppression du pré Contrat d’accueil et d’intégration : les articles 4 et 14 du projet de loi modifient respectivement les articles L 211-2-1 et L 411-8 du CESEDA relatifs au pré CAI. L’article 1 du projet de loi remplace le pré CAI par une information sur la vie en France qui sera mise à disposition par l’Etat aux candidats à l’immigration dès le pays d’origine.

- le remplacement du Contrat d’accueil et d’intégration : l’article 1 du projet de loi modifie l’article L 311-9 du CESEDA en remplaçant le contrat d’accueil et d’intégration par un contrat mettant en œuvre un parcours individualisé comprenant des formations relatives au fonctionnement de la société française et aux valeurs de la République, des formations linguistiques ainsi qu’une orientation personnalisée vers les services de droit commun.

- la suppression du Contrat d’accueil et d’intégration pour la famille : les modifications de l’article L 311-9-1 du CESEDA (cf infra) conduisent à la suppression du CAIF.

- l’instauration d’un lien entre le parcours individualisé et la délivrance des titres de séjour :

è l’article 2 du projet de loi modifie l’article L 311-9-1 du CESEDA. Il remplace les mesures relatives au CAIF par de nouvelles dispositions liées à la délivrance de la carte pluriannuelle de séjour. La délivrance de la carte pluriannuelle sera ainsi liée à l’assiduité du demandeur aux prestations qui lui auront été prescrites dans le cadre de son parcours individualisé.

è l’article 3 du projet de loi modifie l’article L 314-2 du CESEDA en liant la délivrance de la carte de résident à l’atteinte d’un niveau suffisant de connaissance du Français.

1.4 Impact de la loi

1.4.1 Prise en compte du handicap

Le présent texte, dans ses articles 1 à 3, ne comporte aucune disposition spécifique au handicap.

1.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes

Le présent texte, dans ses articles 1 à 3, comporte plusieurs dispositions susceptibles d’avoir un impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Tout d’abord, le projet de loi prévoit l’instauration de formations aux valeurs de la République, parmi lesquelles est citée l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette mesure contribue à asseoir l’égalité entre les sexes comme un principe essentiel parmi les populations primo-arrivantes.

Ensuite, la modification législative pourra entraîner des effets bénéfiques sur l’insertion professionnelle des primo-arrivantes, à travers le parcours individualisé et le renforcement de l’apprentissage du français. En effet, selon le rapport de Mme Jourdan sur Les femmes immigrées signataires du CAI en 2009, la « migration diminue les chances de participer au marché du travail, d’autant plus que l’on est une femme »2. Les femmes sont beaucoup plus soumises au chômage et deviennent plus souvent femmes au foyer qu’avant leur arrivée en France. Un des principaux freins observés par l’étude est que les femmes parlent moins bien le français que les hommes, puisqu’elles étaient 37% à bénéficier de la formation au français du CAI contre 28% pour les hommes, et que à durée de présence égale en France, elles étaient moins nombreuses à parler le français3. La mise en place du parcours individualisé et du renforcement des formations linguistiques seront ainsi bénéfiques pour les primo-arrivantes, et notamment pour celles ayant un diplôme supérieur et qui restent plus souvent en situation d’inactivité sur le marché du travail français. En effet, quel que soit le diplôme le plus élevé obtenu, les hommes étaient plus souvent que les femmes en emploi avant la migration, mais après la migration les écarts entre les taux d’emploi à diplôme égal entre les sexes se creusent4. L’apprentissage de la langue à des fins d’insertion professionnelle apparaît comme un outil clé pour absorber cette inégalité.

1.4.3 Impacts juridiques

Le projet de loi instaure vis-à-vis de l’autorité administrative en charge de la délivrance des titres, une compétence liée obligeant à prendre en compte :

- pour la délivrance de la carte pluriannuelle de séjour : l’assiduité aux formations prescrites dans le cadre du parcours individualisé

- pour la délivrance de la carte de résident : l’atteinte d’un niveau suffisant de connaissance du français.

Le parcours individualisé devient donc une étape dont les conséquences ont un retentissement beaucoup plus concret dans la sécurisation juridique du processus d’installation des migrants.

1.4.4 Impacts outre-mer

Les dispositions aux a) et b) de l’article 1 peuvent être adaptées à la situation du département de Mayotte.

1.4.5 Impacts économiques et financiers

- L’atteinte d’un niveau A1 au terme de la première année exige un effort de formation et donc de financement supplémentaire. Toutefois, il est à priori possible de l’absorber par mesures d’économies internes au programme 104.

- La progression vers un niveau supérieur emporte un besoin de financement conséquent pour lequel une demande de mesures nouvelles a été effectuée par le ministre de l’intérieur au premier ministre. Dans l’hypothèse où l’exigence de diminution des dépenses publiques viendrait remettre en cause cet abondement, plusieurs hypothèses sont à l’étude : responsabilisation des migrants via leur participation au financement, concentration des efforts financiers de l’Etat sur les personnes les plus fragiles, progressivité accrue de la réforme…

1.4.6 Impacts sociaux

Chaque année, environ 100 000 personnes sont amenées à signer le contrat d’accueil et d’intégration. Elles seront désormais appelées à s’inscrire dans un parcours individualisé.

Celui-ci se caractérise par une exigence de niveau linguistique plus élevée ayant pour ambition de faciliter l’installation et l’intégration des primo-arrivants dans la société française et de permettre un accès à l’emploi facilité. Par ailleurs, la mise en œuvre d’entretiens individualisés permettra d’établir de façon beaucoup plus précise, un diagnostic de la situation socio-professionnelle des primo-arrivants. C’est sur la base de ce diagnostic individualisé, qui n’existait pas jusqu’alors, que les primo-arrivants seront orientés vers les services de droit commun les plus appropriés à leur besoins.

Le lien qui sera établi entre le parcours d’accueil et la délivrance des titres de séjour ne constituera pas une remise en cause du droit au séjour des personnes concernées puisque celles-ci pourront se voir renouveler le titre de séjour obtenu précédemment.

1.4.7 Impacts administratifs

La Direction générale des étrangers en France (Direction de l’accueil et de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité) est appelée à concevoir le nouveau dispositif et à élaborer en lien étroit avec l’OFII le contenu des prestations ainsi rénovées.

En effet, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est appelé à mettre en œuvre ce premier accueil. A cet effet, l’OFII devra adapter ses outils d’information et son plan de qualification des personnels pour mener à bien les entretiens individualisés préalables à l’orientation des migrants.

Les services des préfectures seront concernés à deux titres par la mise en œuvre de cette loi :

- ils seront informés de la non-assiduité d’un postulant au titre de séjour pluriannuel, aux formations qui lui auront été prescrites dans le cadre du dispositif d’accueil. Dans ce cas, ils pourront être amenés à lui délivrer un titre de séjour annuel jusqu’à ce que ce demandeur finalise ses obligations ;

- les services des préfectures seront amenés à vérifier le niveau linguistique requis pour la délivrance de la carte de résident.

1.4.8 Impacts sur les collectivités territoriales

Le parcours individualisé se traduit notamment par la mise en œuvre d’une orientation personnalisée vers les services de droit commun qui sera réalisée par les auditeurs de l’OFII. Cette disposition se traduira par une meilleure lisibilité de l’offre de services déjà mise en œuvre par les collectivités territoriales (formations linguistiques, formation professionnelle, dispositifs scolaires et sociaux, dispositifs de santé…).

1.5 Modalités de mises en œuvre

1.5.1 Application dans le temps

L’article 1 du présent texte entre en vigueur à compter de la publication de la loi. Dans l’article 2, la condition d’assiduité fixée à l’article L 311-9-1 est applicable à compter d’un an après l’entrée en vigueur de la présente loi. Dans l’article 3, la condition relative au niveau de connaissance de la langue française prévue au premier alinéa de l’article L 314-2 est applicable à compter d’un délai de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi.

1.5.2 Application dans l’espace

Le présent texte, dans ses articles 1 à 3, s’applique à la France métropolitaine, aux départements d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

1.5.3 Textes d’application

Un décret en Conseil d’Etat fixera les conditions d’application des articles 1, 2 et 3 du présent projet de loi.

* *

*

2 LE DROIT AU SEJOUR DES ETRANGERS EN FRANCE

2.1 La généralisation de la carte de séjour pluriannuelle (articles 3, 4, 6 et 11 (sous sections 1 et 3)

2.1.1 Diagnostic et état du droit

2.1.1.1 Le principe général de l'annualité des cartes de séjour

i. Données générales relatives à l’immigration en France

Le principe général du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) repose sur une durée de validité annuelle des cartes de séjour temporaire (art. L. 313-15). Le droit commun est donc constitué par l'octroi à l’étranger d'une carte valable pendant un an qui est renouvelable chaque année si les conditions de délivrance spécifiques à chaque catégorie continuent d'être remplies par ce dernier. Le CESEDA est également articulé entre un droit au séjour temporaire accordé pour un motif précis (les cartes de séjour temporaire) et un droit au séjour pérenne matérialisé par les cartes de résident.

La règle actuelle fixée par le législateur entraîne un examen continu des conditions de séjour pendant les premières années de présence et avant l’accession à la carte de résident d’une durée de dix ans, qui peut avoir lieu après cinq années de séjour régulier (art. L. 314-8) ou pour certaines catégories, après trois années de séjour régulier (art. L. 314-9 ou dispositions conventionnelles). En outre, la stabilisation des flux, c’est-à-dire les premières admissions au séjour, constitue, de facto, un stock de titres de séjour annuels qui conduit à des procédures de renouvellement chaque année.

Les flux migratoires, c’est-à-dire les nouvelles admissions au séjour d’étrangers en France, pris dans leur ensemble, se caractérisent par leur stabilité sur les dernières années (cf. tableau n°1). Toutefois, le détail des grands ensembles laissent apparaître des évolutions à la hausse (famille de Français) et à la baisse (étudiants et motif économique). La répartition des flux connaît donc des variations annuelles sans que cela ait un impact sur le total des nouvelles admissions au séjour d’étrangers en France. Ainsi, chaque année, près de 200 000 étrangers accèdent à un premier titre de séjour.

Les stocks des titres de séjour comprennent, sur une année, l’ensemble des titres de séjour en cours de validité, incluant tous les étrangers en situation régulière en France. Il s’agit donc d’une photographie à un instant des documents de séjour en cours de validité. Le stock des documents autorisant le séjour en France est en constante augmentation depuis 2007, à l’exception de l’année 2009 (cf. tableau n°2). Toutefois, l’examen des différentes catégories de titres de séjour permet de souligner la baisse des documents provisoires (récépissés, autorisations provisoires de séjour) entre 2011 et 2012 et la hausse continue des cartes de résident valables 10 ans. A l’intérieur du stock, les cartes de séjour temporaires représentent environ 18% du total.

Tableau n° 1 - L'admission au séjour des ressortissants de pays tiers

à l'Union européenne, à l'Espace économique européen, à la Suisse (métropole)

Motifs

Catégories

2007

2008

2009

2010

2011

2012

(provisoire)

Economique

1 - Compétences et talents

5

183

368

319

289

283

2 - Actif non salarié

360

225

98

121

121

173

3 - Scientifique

1 531

1 926

2 242

2 268

2 073

2 665

4 - Artiste

263

286

183

181

173

162

5 - Salarié

5 879

11 718

14 240

13 725

13 546

11 270

6 - Saisonnier ou temporaire

3 713

7 014

3 050

1 653

1 619

1 451

Total Economique

11 751

21 352

20 181

18 267

17 821

16 004

Familial

1 - Famille de Français

49 767

48 833

53 170

49 834

48 951

51 556

2 - Membre de famille

18 950

17 304

15 171

15 678

14 809

16 576

3 - Liens personnels et

familiaux

18 820

17 328

17 374

17 666

17 411

18 440

Total Familial

87 537

83 465

85 715

83 178

81 171

86 572

Étudiants

Total Etudiants

46 663

52 163

58 582

65 271

64 925

58 430

Divers

1 - Visiteur

5 241

4 475

5 876

6 151

6 303

6 188

2 - Etranger entré mineur

2 935

3 015

3 365

3 704

3 918

4 727

3 - Rente accident du travail

75

98

123

70

45

39

4 - Ancien combattant

199

193

225

153

141

156

5 - Retraité ou pensionné

1 645

1 398

1 200

906

544

572

6 - Motifs divers

416

488

553

587

676

638

Total Divers

10 511

9 667

11 342

11 571

11 627

12 320

Humanitaire

1 - Réfugié et apatride

9 253

10 742

10 764

10 073

9 715

9 701

2 - Asile territorial /protection subsidiaire

520

753

1 797

1 759

1 618

1 990

3 - Etranger malade

5 672

5 733

5 965

6 325

6 122

6 399

4 - Victime de la traite des

êtres humains

 

18

55

63

32

36

Total Humanitaire

15 445

17 246

18 581

18 220

17 487

18 126

TOTAL

171 907

183 893

194 401

196 507

193 031

191 452

Source : AGDREF/DGEF (DSED)

Tableau n° 2 - Stock des titres par types de documents (métropole)

Catégories/Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Cartes de résident et RLD

1 177 478

1 203 429

1 199 206

1 204 985

1 230 747

1 270 490

Certificats de résidence algériens

558 062

570 039

563 737

560 169

542 905

553 801

Cartes de séjour temporaire

390 555

433 175

410 541

413 105

421 260

450 140

Titres communautaires

12 461

13 883

14 780

15 934

17 236

19 233

Cartes de séjour « retraité »

3 798

4 132

4 379

4 415

4 344

4 216

Cartes de séjour « Compétences et talents »

5

383

1 064

1 590

1 674

1 724

Visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS)

     

17 021

64 722

62 291

Documents provisoires (récépissés, autorisations provisoires de séjour…)

140 269

148 079

157 175

160 158

171 169

161 415

TOTAL

2 282 628

2 373 120

2 350 882

2 377 377

2 454 057

2 523 310

Source : AGDREF/DGEF (DSED)

ii. La place de l’immigration étudiante en France

Le droit au séjour des ressortissants étrangers en France pour y suivre des études repose sur une double condition : la preuve d’une préinscription ou inscription dans un établissement d’enseignement en France et la justification de moyens d’existence suffisants. La partie pédagogique n’est pas examinée par l’autorité administrative lors de la première admission au séjour car elle repose sur la sélection opérée par l’établissement d’enseignement en lien avec Campus France et les services consulaires français (art. L. 313-7 CESEDA). Lors du renouvellement du titre de séjour, le préfet examine le caractère réel et sérieux des études en s’assurant de l’assiduité et de la progression de l’étudiant6. Sauf exception prévue à l’article L.  313-4 du code, la carte de séjour portant la mention « étudiant » est délivrée pour une durée maximale d’un an et est renouvelable.

Après avoir connu un pic en 2010 et 2011, avec respectivement 65 271 et 64 925 titres délivrés, l'immigration étudiante a chuté en 2012 de 10%, soit 58 430 titres délivrés, marquant un retour au niveau de 2009 et plaçant la France au 5ème rang mondial pour l'accueil des étudiants étrangers. Cette rupture notable dans la tendance observée depuis 2007 est notamment due aux effets de la politique gouvernementale ayant introduit, au cours de l'année 2011, des dispositifs visant à durcir les conditions d'accueil (plus grande vigilance des consulats, augmentation du niveau minimal de ressources exigé) et d'accès à une carte de séjour "salarié" pour les étudiants étrangers. L'immigration étudiante représente en volume le deuxième motif d'immigration, après les motifs familiaux, soit 30,5 % des primo-délivrances de titres en 2012 (cf. tableau n° 1). Les trois principaux pays d’origine des étudiants étrangers sont : la Chine (10 094), le Maroc (6 040) et les Etats-Unis d'Amérique (3 797) à quasi égalité avec l'Algérie (3 719). A titre de comparaison, en 2011, l'immigration étudiante a représenté 247 044 personnes au Royaume Uni, 35 037 personnes en Espagne, 30 260 personnes en Italie et 27 568 personnes en Allemagne. Enfin, en 2012, 7 500 étrangers qui étaient auparavant titulaires d'un titre "étudiant" ont obtenu le renouvellement de leur droit au séjour par un titre "salarié" dans le cadre d’un « changement de statut » contre 6 800 en 2011 (+ 9,4%).

iii. Le principe de spécialisation des cartes de séjour à vocation professionnelle prévu à l’article L. 313-10 du CESEDA

Dans le cadre du développement du corpus juridique relatif à l’immigration professionnelle, le législateur a privilégié une approche de spécialisation des titres pour ce public. Ainsi, la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour en France et au droit d’asile, dite « loi RESEDA », a prévu la création des cartes de séjour portant les mentions « profession artistique et culturelle » et « scientifique » afin de répondre à des besoins spécifiques de l’économie et de cibler avec précision des catégories d’étrangers pour lesquelles la venue en France était encouragée.

Les évolutions législatives ultérieures ont poursuivi la mise en œuvre de ce principe. La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a ainsi créé les cartes de séjour portant les mentions « profession libérale », « salarié en mission », « travailleur saisonnier », « stagiaire » et « compétences et talents ». La loi du 4 août 2008 relative à la modernisation de l’économie a institué la carte de résident pour « contribution économique exceptionnelle » et la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a mis en place la carte de séjour « carte bleue européenne », transposition de la directive 2009/50/CE du Conseil du 29 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié.

Au sein de l’immigration professionnelle, se retrouvent des cartes de séjour annuelles (stagiaire, professions artistiques et culturelles, scientifique-chercheur, salarié, travailleur temporaire, commerçant) et des cartes pluriannuelles (salarié en mission, carte bleue européenne, compétences et talents, travailleur saisonnier, contribution économique exceptionnelle et scientifique-chercheur en renouvellement).

Les données statistiques depuis 2007 montrent une évolution contrastée de l'immigration professionnelle. Celle-ci a connu une forte hausse entre 2007 et 2008 sous l’effet des mesures d’attractivité prises dans le cadre de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration. Toutefois, les flux annuels ont baissé depuis 2009 en raison, tout d’abord, de la fin des mesures transitoires, au 1er juillet 2008, pour les dix Etats membres de l’Union européenne qui avaient adhéré le 1er mai 2004 mais également en raison de la crise économique qui a ralenti les migrations à caractère professionnel et a limité les embauches en France. Les flux annuels semblent ainsi se stabiliser autour de 16 000 à 17 000 nouvelles admissions au séjour par an, ce qui représente environ 8 à 9% des flux migratoires (cf. tableau n° 1).

Tableau n° 3 - Conditions de délivrance et admissions au séjour

pour les cartes prévues à l’article L. 313-10 du CESEDA

Intitulé de la catégorie

Principales caractéristiques

2010

2011

2012

 

1° Salarié/Travailleur temporaire

- Contrat de travail

- Respect des normes sociales

- Opposabilité de la situation de

l’emploi sauf dérogation

9 825

6 467

4 988

2° Commerçant, artisan, industriel

- Activité non salariée

- Viabilité économique

- Respect de l’ordre public

159

187

174

3° Profession libérale

- Activité non salariée

- Ressources suffisantes

- Respect des conditions d’exercice

de la profession

71

73

77

4° Travailleur saisonnier

- Présence en France limitée à 6 mois

par an

- Maintien de la résidence hors de

France

1 044

1 012

1 052

5° Salarié en mission

- Mobilité intragroupe

- Rémunération au moins égale

à 1,5 SMIC

- Ancienneté dans le groupe pour

les détachés

2 233

2 855

2 750

6° Carte bleue européenne

- Diplôme équivalent à la licence ou

5 ans d’expérience professionnelle

- Contrat de travail d’au moins 1 an

et rémunération au moins égale à

1,5 fois le salaire annuel moyen

Na

Na

127

TOTAL

13 332

10 594

9 168

Source : AGDREF/DGEF (DSED)

Par ailleurs, la structure de l’immigration professionnelle a évolué. Ainsi, la plus importante catégorie en volume, les « salariés », est désormais principalement constituée par les changements de statut des étudiants étrangers diplômés qui accèdent au marché du travail auxquels il convient d’ajouter les étrangers en situation irrégulière admis à titre exceptionnel au séjour au titre du travail (disposition issue de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile). La part des salariés primo-arrivants en France est devenue résiduelle alors même qu’elle était la règle au regard du droit positif. Les principales dispositions sont regroupées dans l’article L. 313-10 du code, qui prévoit six catégories de cartes de séjour à vocation professionnelle. Les données chiffrées relatives à l’année 2012 montrent la concentration des flux sur trois catégories de cet article : « salarié/travailleur temporaire », « travailleur saisonnier » et « salarié en mission » (cf. tableau  n° 3).

iv. Les différentes déclinaisons de la notion de « vie privée et familiale » prévues à l’article L. 313-11 du CESEDA

La carte de séjour temporaire, prévue à l’article L. 313-11 du CESEDA, et portant la mention « vie privée et familiale », regroupe onze catégories différentes. Si elles peuvent apparaitre singulières les unes par rapport aux autres (conjoints de Français, apatride, étranger malade…), elles visent avant tout à apporter une réponse juridique à des situations personnelles que le législateur a jugé dignes de conduire à l’octroi d’un droit au séjour.

D’une manière générale, la part de l’immigration familiale apparaît stable au sein de l’immigration globale depuis 2008 (cf. tableau n°1). La répartition par catégorie connaît des évolutions avec une diminution continue des membres de famille (principalement la procédure de regroupement familial) et une augmentation régulière des familles de Français, (principalement les conjoints de Français). Toutefois, le détail des admissions au séjour pour chacun des alinéas de l’article L. 313-11 laisse apparaître d’importantes disparités de volume (cf. tableau n° 4). Alors que les catégories « conjoints de Français » (38,3%), « parents d’enfants français » (11,7%) et « liens personnels et familiaux » (13%) représentent 63 % du total, des catégories telles que les « jeunes majeurs nés en France », « rente accident du travail » ou « apatrides » constituent respectivement 0,04 %, 0,01 % et 0,02 % du total du flux annuel en 2012.

Tableau n° 4 - Conditions de délivrance et admissions au séjour pour les motifs

prévus à l’article L. 313-11 du CESEDA

Catégories

Principales caractéristiques

2010

2011

2012

1° Regroupement familial

Procédure RF (demandeur en situation régulière en France depuis 18 mois, conditions de ressources et taille du logement)

4 054

3 736

4 270

2° Mineurs résidant habituellement en France depuis l’âge de 13 ans

- âge d’entrée en France

- preuves de résidence habituelle

3 096

3 282

3 865

2bis° Mineurs suivis par l’ASE entrés en France avant l’âge de 16 ans

- âge d’entrée en France

- suivi par ASE

262

379

576

3° Conjoint de « scientifique-chercheur », « salarié en mission » et « compétences et talents »

- conjoint titulaire d’une carte de séjour « scientifique-chercheur », « salarié en mission », « compétences et talents »

ou « carte bleue européenne »

1 383

1 631

1 696

4° Conjoints de Français

Marié(e) avec un ressortissant français

36 057

35 416

36 960

5° abrogé

na

na

na

na

6° Parent d’enfants français

Père ou mère d’un enfant français

12 291

10 875

11 348

7° Liens personnels et familiaux

Preuves de l’existence de liens importants en France dont la nature nécessite de rester sur le territoire français pour ne pas porter atteinte au droit à mener une vie privée et familiale normale

15 625

13 103

12 579

8° Jeunes majeurs nés en France

- âge d’entrée en France

- 8 ans de présence à partir de 10 ans

- 5 ans de scolarisation

72

42

48

9° Titulaire d’une rente accident du travail ou maladie professionnelle

Versement par un organisme français d’une rente accident du travail ou maladie professionnelle supérieure ou égale à 20%

11

9

12

10° Apatride

- reconnue apatride par l’OFPRA

42

28

22

11° Etrangers malades

- Maladie nécessitant le suivi de soins

en France en raison du défaut dans le pays d’origine

6 495

6 336

6 618

TOTAL

106 052

96 025

96 330

Source : AGDREF/DGEF (DSED)

2.1.1.2 L'exception au principe général : la pluriannualité de certaines cartes de séjour

A partir de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, le législateur a progressivement introduit des dérogations au principe d'annualité en octroyant à des cartes de séjour une durée de validité supérieure à un an. Ces cartes de séjour « pluriannuelles » ont principalement concerné l'immigration professionnelle:

La carte de séjour temporaire portant la mention "travailleur saisonnier", d’une durée maximale de 3 ans, est délivrée à un étranger qui vient en France pour effectuer des travaux saisonniers (agriculture, hôtellerie-restauration…) dans la limite de six mois par an. L’étranger ne fixe donc pas sa résidence en France et dispose d’une carte de séjour afin de revenir chaque saison (art. L. 313-10 4°). De même, la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié en mission", d’une durée de 3 ans, est remise à un ressortissant étranger qui vient en France dans le cadre d’une mobilité internationale dite « intragroupe » c’est-à-dire entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises du même groupe international (art. L. 313-10 5°). Enfin, la carte de séjour portant la mention "compétences et talents" est destinée à un ressortissant étranger qui vient en France réaliser un projet professionnel déterminé et qui dispose de compétences spécifiques et reconnues dans son domaine d’activité. Les publics éligibles sont notamment les mandataires sociaux, les sportifs internationaux, les artistes renommés, les scientifiques reconnus pour leur travaux (art. L. 315-1 et suivants).

Deux autres cartes de séjour, déjà existantes, ont également bénéficié de cette dérogation au principe général d’annualité du titre. Il s’agit des cartes de séjour temporaires "étudiant" et "scientifique" (art. L. 313-4). Ainsi, les étudiants admis à suivre une formation en vue de l’obtention d’un diplôme au moins équivalent au master peuvent bénéficier de cartes de séjour d’une durée comprise entre deux et quatre ans à l’issue de leur première année de séjour en France ou lors de la demande de renouvellement de leur titre de séjour. Pour ce qui concerne l’étranger qui effectue des travaux de recherches, la carte est délivrée pour la durée de travaux restant à effectuer.

Les données chiffrées actuelles montrent un faible recours à ce dispositif. En 2012, 5 641 cartes de séjour pluriannuelles ont été délivrées à des étudiants et 1 305 à des scientifiques-chercheurs, ces chiffres représentant respectivement 4,7 % et 19,4 % des cartes renouvelées à ces catégories d'étrangers sur la même période. Afin de développer le recours aux cartes pluriannuelles pour ces publics, une circulaire de juin 2013 a rappelé les conditions de délivrance de ces titres et demandé aux services préfectoraux une mise en œuvre systématique de ces dispositions7.

Par la suite, la loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, l'intégration et à la nationalité a procédé à la création d'une nouvelle carte de séjour pluriannuelle, dans le cadre de la transposition de la directive "travailleurs hautement qualifiés": la carte bleue européenne. Celle-ci est destinée au ressortissant étranger diplômé (niveau équivalent à la licence ou cinq années d’expérience professionnelle), qui dispose d’un contrat de travail d’au moins un an assorti d’une rémunération annuelle brute au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence, correspondant à 52 750,5 euros en 20138. La carte de séjour a une durée maximale de trois ans (article L. 313-10 6°).

Enfin, il convient également de souligner que les cartes de résident prévues à l’article L. 314-11 du CESEDA, sont délivrées dès la première année de séjour en France et permettent, de facto, de bénéficier d’une carte pluriannuelle.

La part des titres de séjour pluriannuels (cartes de séjour et cartes de résident) délivrée aux primo-arrivants représente moins de 16 % du total des admissions au séjour chaque année (cf. tableaux nos 1 et 5). Ainsi, pour l’année 2012, seuls 29 573 des 191 452 titres délivrés étaient des cartes pluriannuelles. Cette faible proportion induit donc, en conséquence, un nombre important de procédures de renouvellement de cartes de séjour temporaires annuelles dans les années qui suivent la première admission au séjour.

Tableau n° 5 - Synthèse des titres de séjour pluriannuels
délivrés aux ressortissants étrangers primo-migrants

Intitulé des titres de séjour

Article du CESEDA

Durée du titre

Nombre de titres de séjour délivrés en 2012

Travailleur saisonnier

L. 313-10 4°

Jusqu'à 3 ans

1 053

Salarié en mission

(+ conjoint9)

L. 313-10 5°

3 ans

2 750

(+ 955)

Carte bleue européenne

(+ conjoint)

L. 313-10 6°

1 à 3 ans

127

(Données non disponibles pour les conjoints)

Compétences et talents

(+conjoint)

L. 315-1

3 ans

287

(+ 113 conjoints)

Etudiant (en renouvellement et pour suivre une formation équivalente au grade de master)

L. 313-4

2 à 4 ans

5 641

Scientifique-chercheur (en renouvellement et selon la durée restante des travaux de recherches)

(+ conjoint)

L. 313-4

2 à 4 ans

1 305

(+ 732 conjoints)

Cartes de résident délivrées dès l’entrée en France ou l’accession au séjour

L. 314-11

10 ans

16 897

TOTAL

29 573

Source : AGDREF/DGEF (DSED) et CESEDA

2.1.1.3 Les renouvellements de titres de séjour en préfectures

Parallèlement au développement progressif des cartes de séjour pluriannuelles, le nombre de renouvellement de titres de séjour n'a pas cessé d'augmenter au cours des cinq dernières années. Chaque procédure de renouvellement implique la réalisation de plusieurs étapes successives pour le ressortissant étranger (constitution du dossier, prise de rendez-vous, dépôt du dossier et obtention du récépissé, obtention du nouveau titre de séjour) ainsi que pour l'autorité administrative qui instruit la demande (réception, enregistrement de la demande et vérification du dossier, délivrance d’un récépissé de demande de renouvellement, instruction de la demande, prise de décision, mise en fabrication du nouveau titre de séjour, convocation du ressortissant étranger pour la remise du titre).

Les principaux titres de séjour renouvelés chaque année sont les cartes de séjour temporaires, les cartes de résident et les certificats de résidence algériens, qui représentent 96% du total des renouvellements en 2012 (cf. tableau n° 6). Les seules cartes de séjour temporaires constituent 66,3% du total des titres renouvelés en 2012. Le détail des renouvellements par catégorie de motif au séjour fait également apparaître cinq motifs principaux de séjour en France : conjoints de Français, parents d’enfants français, liens personnels et familiaux, étudiants et salariés (cf. tableau n° 7) qui constituent 67% des renouvellements de titres de séjour en 2012.

Tableau n° 6 - Renouvellements des titres de séjour par catégorie de document

Type de titre

2008

2009

2010

2011

2012

Titres communautaires

23 704

20 097

19 870

20 595

22 137

Cartes de résident

119 616

117 544

120 385

133 011

147 700

Certificats de résidence algériens

67 560

110 124

76 976

112 982

74 710

Cartes de séjour temporaire

419 492

429 700

452 687

474 224

493 761

Cartes de résident de longue durée

510

2 023

5 178

6 793

5 718

Autres (compétences et talents, retraité…)

378

487

453

511

776

Total

631 260

679 975

675 549

748 116

744 802

Source : AGDREF/DGEF (DSED)

Tableau n° 7 - Renouvellements des titres de séjour par motif de séjour

Famille de motifs

2008

2009

2010

2011

2012

Economique

1 - Compétences et talents

319

345

252

339

485

2 - Actif non salarié

7 216

6 127

6 115

6 381

6 145

3 - Scientifique

4 427

5 596

6 810

7 512

7 694

4 - Artiste

543

535

479

435

429

5 - Salarié

59 864

61 176

64 356

67 273

75 201

6 - Saisonnier ou temporaire

1 216

1 347

1 278

4 542

4 365

Familial

Conjoints de Français

99 052

98 432

105 356

107 493

109 350

Parents d'enfants français

43 396

48 162

51 449

55 360

57 595

Ascendants étrangers et enfants étrangers de Français

1 457

1 038

860

839

846

2 - Membre de famille

40 743

44 161

46 096

52 950

55 191

3 - Liens personnels et familiaux

110 109

111 531

116 470

121 025

128 304

Etudiants

Etudiants et stagiaires

124 330

127 252

129 541

130 789

128 565

Divers

1 - Visiteur

19 197

16 372

16 282

16 548

16 304

2 - Etrangers entrés mineurs

10 979

10 987

11 718

13 339

15 298

3 - Rente accident du travail

88

89

105

123

179

4 - Ancien combattant

84

123

105

102

102

5 - Retraité

457

368

298

286

344

6 - Motifs divers

80 884

119 176

86 795

127 961

99 767

Humanitaire

1 - Réfugié et apatride

4 337

3 943

5 045

6 164

7 309

2 - Asile territorial / Protection subsidiaire

1 542

2 225

3 961

5 718

7 233

3 - Etranger malade

21 013

20 945

22 082

22 787

23 935

4 - Victime de la traite des êtres humains

7

45

96

150

161

TOTAL

631 260

679 975

675 549

748 116

744 802

Source : AGDREF/DGEF (DSED)

Le nombre de passages en préfecture de ressortissants étrangers s’est élevé à plus de 5 millions par an10. S’agissant des seules procédures de renouvellement de titres, près de 750 000 titres sont renouvelés chaque année. Compte tenu de la nécessité pour le ressortissant étranger de se présenter pour obtenir la liste des pièces à fournir, de revenir pour déposer son dossier et procéder à la prise d’empreintes digitales puis, après instruction et accord, de retirer son nouveau titre de séjour, il est raisonnable de considérer que trois passages sont nécessaires pour procéder au renouvellement du titre de séjour. Ainsi, environ 2,4 millions des 5 millions de passages annuels sont imputables aux seuls renouvellements des titres.

La procédure de renouvellement combinée avec le principe général de l'annualité des cartes de séjour temporaires conduit, en pratique, à une quasi-continuité des démarches administratives. En effet, l’instruction de la demande s'écoule dans le temps et réduit la durée de validité utile de la carte de séjour. Pour atténuer cet effet négatif, une circulaire de juin 2013 invite les préfets à déplacer la date de début de validité du nouveau titre de séjour au jour de la décision d’accorder le renouvellement, en lieu et place du jour suivant l’expiration du précédent titre de séjour afin que « l’effet utile » de la carte de séjour ainsi renouvelée soit maximal11.

2.1.1.4 La délivrance des documents temporaires de séjour: les récépissés

La remise de récépissés, documents temporaires attestant d’une procédure d’admission au séjour en cours d’examen, permet de maintenir en situation de séjour régulier sur le territoire français durant l'examen des premières demandes et des demandes de renouvellement, l’étranger dont la carte de séjour temporaire a déjà expiré12. En outre, les récépissés de renouvellement permettent de travailler lorsque la carte de séjour octroyait ce droit. Toutefois, ces documents engendrent des passages en préfectures, rendus nécessaires par leur délivrance et leur éventuel renouvellement. Les récépissés de renouvellement de titres de séjour constituent la principale catégorie de documents provisoires délivrés chaque année par les préfectures à des étrangers. Ils représentaient 60% des récépissés délivrés en 2012 (cf. tableau n° 8).

Tableau n° 8 - Nombre de récépissés par type de demandes

Type document provisoire

Type demande

2008

2009

2010

2011

2012

Récépissé

Asile

132 161

151 955

189 573

210 239

207 694

Première demande

336 686

299 335

259 720

248 949

240 243

Duplicata

31 452

27 945

23 576

21 809

23 023

Modification

56 833

48 853

44 978

45 860

48 517

Renouvellement

692 922

708 534

732 674

791 643

786 718

TOTAL

1 250 054

1 236 622

1 250 521

1 318 500

1 306 195

Source : AGDREF/DGEF (DSED)

2.1.1.5 Les modalités de contrôle des cartes de séjour temporaire : le renouvellement annuel avec vérification des conditions de séjour

Les articles du CESEDA liés au renouvellement, qui a lieu annuellement pour ce qui concerne les cartes de séjour temporaires annuelles, prévoient que les services instructeurs vérifient que le demandeur satisfait toujours aux conditions de délivrance du titre. Cela signifie que le contrôle opéré lors du renouvellement porte tant sur le respect des conditions de délivrance durant la période de validité de la carte de séjour expirée que pour la période à venir.

Le demandeur doit, pour se voir renouveler son droit au séjour, présenter les justificatifs attestant de celui-ci. Il a une série de documents généraux à fournir, qui constitue un socle commun à toutes les cartes de séjour (état civil, preuves de résidence…) ainsi que des pièces spécifiques à la catégorie du titre de séjour sollicité.

Les contrôles réalisés par les services instructeurs portent dans un premier temps sur l'authenticité des documents puis sur leur pertinence au regard de la catégorie de titre de séjour demandé.

i. Les refus de renouvellement

Lorsque les conditions de délivrance ne sont plus remplies, le préfet peut refuser de renouveler la carte de séjour. L'étranger perd alors son droit de séjour et doit quitter le territoire français. Compte tenu du nombre de procédures de renouvellements instruites chaque année, le taux de refus apparaît très faible, environ 1%13.

ii. La procédure de retrait

Par ailleurs, durant la période de validité de la carte de séjour, et en dehors de toute procédure de renouvellement, l'autorité administrative peut procéder au retrait de la carte de séjour, dans le respect du principe du contradictoire, lorsque l'étranger « cesse de remplir l'une des conditions exigées pour [sa] délivrance de sa carte de séjour » (art. L. 311-8). Cela nécessite l'existence d'un fait générateur portée à la connaissance du préfet pour déclencher la procédure. Cette procédure est très rarement appliquée en pratique. Quand le fait générateur est découvert lors de la procédure de renouvellement, le préfet procède à un refus de renouvellement du titre.

2.1.2 Objectifs poursuivis par la réforme

2.1.2.1 Les objectifs généraux

L'objectif principal de la présente réforme législative est d'inverser la situation juridique actuelle fondée sur l’annualité en principe général et sur la pluriannualité par dérogation.

- Un « parcours d’immigration » cohérent

A l’instar du « parcours d’intégration », et afin de construire un système cohérent et efficace, le droit au séjour des étrangers sera basé sur la notion de « parcours d’immigration » avec une progressivité de la durée du droit au séjour et des modalités d’accès à la carte de séjour pluriannuelle identiques pour tous les étrangers placés dans des situations similaires. Le séjour en France débutera sous couvert d’un titre de séjour annuel, puis se poursuivra par une carte de séjour pluriannuelle (sauf exceptions). Ensuite, l’étranger aura accès à la carte de résident valable 10 ans. Il y a donc une véritable articulation dans le temps entre le séjour régulier sous couvert de la carte pluriannuelle et l’accès à la carte de résident de longue durée.

- La consolidation du droit au séjour de l’étranger

La présente réforme législative vise également à mieux sécuriser les parcours migratoires en généralisant la carte de séjour pluriannuelle. La permanence du séjour régulier va ainsi consolider les droits de l’étranger dans notre pays et sa capacité à s’intégrer.

- La refonte du système de contrôle

La création d'un nouveau système de contrôle qui va accompagner la généralisation des cartes de séjour pluriannuelles doit permettre d’adapter les méthodes de contrôles aux nouveaux titres et de maintenir l'exigence du respect des conditions de délivrance de la carte de séjour. Le texte du projet de loi prévoit ainsi que l’étranger doit pouvoir justifier, à tout moment, du maintien de son droit au séjour pendant la validité de la carte pluriannuelle. Le préfet pourra donc demander à l’étranger de présenter les justificatifs attestant que sa situation est inchangée. Le préfet disposera également d’un droit de consultation et de communication des informations que l’étranger a transmis aux autres services de l’Etat afin de vérifier la cohérence des éléments et mieux détecter d’éventuelles fraudes.

2.1.2.2 La généralisation des cartes de séjour pluriannuelles

Afin de proposer une architecture globale cohérente et aussi uniforme que possible, il est prévu un régime unique et identique pour tous concernant la durée du premier titre de séjour, avant l'accès au titre de séjour pluriannuel, basé sur la cohérence et la progressivité. Il est apparu important d’harmoniser le régime qui va s’appliquer aux étrangers qui entrent en France (introduction) ainsi qu’à ceux qui sont admis au séjour alors qu'ils sont déjà présent sur le territoire français, régulièrement (changement de catégorie) ou irrégulièrement (admission exceptionnelle au séjour). En conséquence, il est créé à l’article 11, à la suite du chapitre III désormais intitulé la carte de séjour temporaire et la carte de séjour pluriannuelle une section 3 intitulée la carte de séjour pluriannuelle, qui décline les différentes catégories de cartes de séjour pluriannuelle, obtenues à la suite d’un premier document de séjour (carte de séjour temporaire ou visa de long séjour valant titre de séjour) ou bien délivrée à des publics spécifiques, à savoir, la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talents » (voir plus loin) , ou, enfin, la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier »., et en précise les conditions de délivrance. S’agissant de la première catégorie de carte de séjour pluriannuelle, il est prévu de la délivrer selon la règle générale posée à l’article 11, au terme d’une première année de séjour régulier sur le territoire français sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) en cas d'introduction ou d'une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an lorsque l’étranger est déjà présent en France (changement de catégorie ou admission exceptionnelle au séjour). A l'issue de la validité de ce document, et dès la seconde année de séjour en France, l'étranger accédera à une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention que le document de séjour dont il était précédemment titulaire.A l'issue de cette carte de séjour, d'une durée maximale de quatre ans, l’étranger aura cumulé cinq années de séjour régulier et sera ainsi éligible à la carte de résident de droit commun prévue par l’article L. 314-8 du CESEDA14.

Ce régime unique donne une véritable cohérence au nouveau système et permet également d’opérer deux contrôles, en primo-délivrance et lors du premier renouvellement en vue de la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle, afin de mieux garantir le respect des conditions de délivrance du titre et de détecter ou de prévenir les cas de fraude avant la remise d’une carte de séjour pluriannuelle.

Cette progressivité du droit au séjour apparaît dans la nouvelle rédaction de l’article L. 311-1 du code(article 4 du projet de loi) qui énonce les différents titres de séjour dont l’étranger peut être titulaire :

- Le visa de long séjour d’une durée maximale d’un an ;

- Le visa de long séjour dispensant et valant titre de séjour ;

- La carte de séjour temporaire ;

- La carte de séjour pluriannuelle ;

- La carte de résident, d’une durée de dix ans ou à caractère permanent

- La carte de séjour « retraité » ;

Le projet de loi précise que, sauf exceptions prévues par la loi, tous les étrangers seront concernés par cette première catégorie de carte de séjour pluriannuelle obtenue en renouvellement d’un premier titre, à l’exception des quatre catégories suivantes :

- Les « visiteurs » (art. L. 313-6) ;

- Les « stagiaires » (art. L. 313-7-1) ;

- Les « travailleurs temporaires » (art. L. 313-10 I 2°) ;

- Les « victimes de la traite des êtres humains » (art. L. 316-3).

Ces catégories d’étrangers sont expressément exclues du bénéfice de ce titre pluriannuel et bénéficient seulement de cartes de séjour annuelles renouvelables. Il s’agit tout d’abord des « visiteurs » dont le séjour en France est par nature temporaire et limité (pas d’activité professionnelle et des ressources suffisantes). Les « stagiaires » sont également concernés dans la mesure où la durée maximale du stage est portée à 24 mois (pour les seuls stagiaires associés, c’est-à-dire dans le domaine de la santé). Les « travailleurs temporaires », dont le contrat initial est inférieur à douze mois sont aussi exclus, en raison du caractère non pérenne du séjour et de la durée variable de son contrat de travail ne permettant pas d’envisager un passage vers la carte de séjour pluriannuelle. Pour permettre la souplesse nécessaire à la bonne gestion de cette catégorie, cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat dans la limite d’un an. Enfin, les « victimes de la traite des êtres humains » restent sous couvert d’une carte annuelle puisqu’elles sont engagées dans une procédure spécifique qui mène, in fine, à la délivrance d’une carte de résident.

S’agissant de la durée de la carte de séjour pluriannuelle obtenue en renouvellement d’un précédent titre, il a été privilégié une articulation avec les cinq années de séjour régulier requises pour l’accès de droit commun à la carte de résident d’une durée de validité de dix ans ). En conséquence, et après une première année de séjour, la durée maximale et générale du titre de séjour pluriannuel est fixée à quatre ans. La durée globale de séjour régulier acquis sous couvert d’un titre d’un an et d’un autre de quatre ans conduit l’étranger qui en bénéficie à demander, à l’issue de cette période, directement la délivrance de la carte de résident de dix ans. Le séjour régulier sous couvert de deux titres d’une durée de validité totale de cinq ans est synonyme pour l’étranger qui en a bénéficié d’un accès au statut encore plus sécurisé : celui procuré par la carte de résident délivrée sur le fondement de l’article L. 314-8.

Toutefois, pour certaines situations limitativement énumérées (art. 11du projet de loi), la durée du titre de séjour pluriannuel est adaptée:

- Les étudiants (art. L. 313-7 CESEDA)

La généralisation du titre de séjour pluriannuel aux étudiants s’accompagne du principe de modulation de la durée de validité du titre, le parcours de l’étudiant en France n’étant pas adapté avec une durée de séjour fixe. En effet, plus de 75% des étudiants étrangers sont inscrits dans un cursus universitaire15. En conséquence, la majorité d’entre eux suit un cursus de Licence, de Master ou de Doctorat. Ces formations diplômantes ayant des durées distinctes, il a été jugé préférable d’aligner la durée des titres de séjour pluriannuels sur la durée exacte des cycles d’études. En conséquence, et après une première année d’études en France effectuée sous couvert d’un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), un étudiant étranger obtiendra une carte d’une durée de deux, trois ou quatre ans selon la formation suivie. De même, si l’inscription est en cours de cycle, la durée de la carte sera alors adaptée à la durée restante à courir avant l’obtention du diplôme.

- Les conjoints de Français, les parents d’enfants français et les étrangers faisant état de liens personnels et familiaux (art. L. 313-11 CESEDA)

Font exception à la règle d’une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans deux catégories d’étrangers auxquels, eu égard aux particularités de leurs situations respectives, sera délivrée une carte pluriannuelle d’une durée différente de la durée de « droit commun » : il s’agit des conjoints de Français et des parents étrangers d’enfants français. La durée de validité de la carte pluriannuelle délivrée aux conjoints de français (4° de l’article L. 313-11) et aux parents d’enfants français (6° de l’article L. 313-11) est de deux ans. Cette durée ne rompt pas le chaînage carte pluriannuelle-carte de résident car les trois années de séjour régulier vont leur permettre de solliciter une carte de résident sur le fondement respectivement des 2° et 3° de l’article L. 314-9 du code. Cette durée répond, en outre, à des considérations liées à la lutte contre les fraudes. Il en va de même pour les étrangers admis au séjour en raison de leurs liens personnels et familiaux en France (7° de l’article L. 313-11), qui disposeront également d’une carte de séjour pluriannuelle d’une durée de validité de deux ans.

Ce dispositif va également permettre à l’administration d’exercer son pouvoir de contrôle et de vérification du droit au séjour au moins à trois occasions : lors de la délivrance de la CST ou du VLS-TS, puis à la demande du titre pluriannuel de deux années et, enfin, lors de la délivrance de la carte de résident sur le fondement des 2° et 3° de l’article L. 314-9 du code. En effet, si les titres délivrés aux conjoints étrangers de ressortissants français consacrent la liberté de mariage «composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 », cette liberté ne fait pas obstacle à la mobilisation de moyens de lutte contre les mariages simulés, l’administration agissant dans le cadre de la sauvegarde de l'ordre public (Conseil constitutionnel, D.C. n° 2006-542 du 9 novembre 2006, considérant n° 6 ; D.C. n° 2007-557 du 15 novembre 2007, considérant n° 11).

- - Les étrangers admis au séjour pour suivre des soins (art. L. 313-11 CESEDA)

La carte de séjour pluriannuelle délivrée à un étranger dont l’état de santé nécessite la présence en France, sera établie, après une première année de séjour sous couvert d’une carte de séjour temporaire d’un an, sur la base de la durée prévisible des soins. Cette spécificité, liée au motif particulier de séjour (11° de l’article L. 313-11), vise à tenir compte des nécessités médicales et de santé de l’étranger admis au séjour. Il incombe alors au médecin de fixer la durée prévisible des soins de laquelle dépendra la durée du titre de séjour. Afin de tenir compte tant des chances de guérison que des évolutions de l’offre de soins dans le pays d’origine, et d’harmoniser la durée maximale de la carte avec l’accession à la carte de résident après 5  années de séjour (article L. 314-8), la durée maximale de la carte de séjour pluriannuelle est fixée à quatre ans.

Le tableau ci-dessous reprend l’ensemble des nouvelles durées des cartes de séjour issues du projet de loi pour donner une vision globale de la réforme :

Tableau n° 9 - Synthèse des durées de séjour prévues dans le projet de loi

Art. CESEDA

Mention

Durée et type du premier titre de séjour

Durée du titre de séjour suivant

L. 313-6

Visiteur

1 an (VLS-TS)

1 an

L. 313-7-1

Stagiaire

1 an (VLS-TS)

1 an

L. 313-10

Salarié

1 an (VLS-TS)

4 ans

Travailleur temporaire

1 an (VLS-TS)

1 an

Activité professionnelle non salarié

1 an (VLS-TS)

4 ans

     

L. 313-11

Regroupement familial

1 an (VLS-TS)

4 ans

Etranger entré en France avant 13 ans

1 an (CST)

4 ans

Etranger mineur isolé suivi par l'ASE avant l'âge de 16 ans

1 an (CST)

4 ans

Conjoint de Français

1 an (VLS-TS)

2 ans (possibilité d’accéder à la carte de résident après 3 ans de séjour)

Parent d'enfant français

1 an (CST)

2 ans (possibilité d’accéder à la carte de résident après 3 ans de séjour)

Liens personnels et familiaux

1 an (CST)

2 ans

Etranger né en France

1 an (CST)

4 ans

Rente accident du travail

1 an (CST)

4 ans

Apatride

1 an (CST)

4 ans

Etranger malade

1 an (CST)

Durée des soins

L. 313-14

Admission exceptionnelle au séjour (travail ou « vie privée et familiale)

1 an (CST)

4 ans

L. 313-15

Admission exceptionnelle au séjour par le travail des étrangers mineurs isolés suivis par l’ASE après l’âge de 16 ans

1 an (CST)

4 ans

L. 316-1

Victime de la traite des êtres humains

1 an (CST)

1 an

L.316-3

Victime violences conjugales

1 an (CST)

4 ans

L. 313-18

Etudiant

1 an (vls ts)

Durée des études

L. 313- 20

Passeport talents

4 ans (CSP)

4 ans

L. 313- 21

Conjoint "Passeport talents"

4 ans (CSP)

4 ans

L. 313-23

« Travailleur saisonnier »

3 ans (CSP)

3 ans

Source : projet de loi

A côté de cette carte de séjour pluriannuelle dite générale, en ce qu’elle a vocation à devenir la norme lors de la demande de renouvellement de son titre annuel par l’étranger, pour autant qu’il en remplisse les conditions de fond, deux autres cartes de séjour pluriannuelles sont présentées, à savoir la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeports talents », créée par le présent projet de loi, et la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier », qui,, par souci de cohérence avec l’architecture privilégiée d’une articulation selon la durée des titres de séjour, est désormais inscrite comme carte de séjour pluriannuelle, tout en conservant sa spécificité.

2.1.2.3 Sur le système de contrôle

La généralisation des cartes de séjour pluriannuelles implique tout d’abord un renforcement des contrôles effectués lors de la première délivrance et du renouvellement de la carte de séjour. Elle implique ensuite la mise en place d’un système de contrôle intermédiaire durant la validité des titres. Ce contrôle doit être cohérent, dissuasif vis-à-vis de la fraude et opérationnel. Toutefois, celui-ci nécessite une refonte des méthodes de contrôles et la mise en place de procédure nouvelles. L’option retenue est de prévoir un principe général : l’étranger est tenu de justifier à tout moment du maintien de son droit au séjour. L’autorité administrative compétente pourra demander à l’étranger de justifier de ce maintien à tout moment et pourra consulter les services susceptibles de transmettre des informations utiles aux vérifications (art. 24 du projet de loi). En cas de non-respect de cette formalité, le préfet pourra procéder au retrait de la carte de séjour, après le respect d’une procédure contradictoire. Ce double principe général (obligation de justifier pour l’étranger et pouvoir de vérifier pour le préfet) pose les bases d’un système de contrôle équilibré et efficace. Un décret en Conseil d’Etat viendra ensuite compléter ce dispositif en détaillant les modalités opérationnelles de mise en œuvre des contrôles. Par ailleurs, ce nouveau système est assorti d’un possible retrait de la carte de séjour, ou d’un refus de renouvellement, sanctions graduées et proportionnées accompagnées de garanties procédurales respectueuses des droits acquis par les ressortissants étrangers.

2.1.3 Options possibles et nécessités de légiférer

2.1.3.1 Options alternatives

- Conditions d’accès à la carte de séjour pluriannuelle

S’agissant des conditions d’accès à la carte de séjour pluriannuelle, il aurait pu être retenu un accès direct dès la première admission au séjour. Toutefois, cette option présente deux difficultés majeures :

- Elle aurait nécessité la suppression du visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS). Ainsi, les primo-migrants auraient eu un simple visa de long séjour valable 3 mois qui serait transformé, dès l’arrivée en France, en un titre de séjour pluriannuel. Pour les étrangers déjà présents en France, une carte de séjour pluriannuel aurait également été délivrée dès la première année de séjour. Le VLS-TS a constitué, depuis sa mise en place en 2009, une avancée significative dans la simplification des procédures applicables aux étrangers. Il concerne actuellement environ 130 000 étrangers chaque année, parmi les 190 000 nouvelles admissions au séjour. Il évite la double instruction réalisée par le consulat et par la préfecture à quelques mois d’intervalles lorsqu’un simple visa de long séjour est délivré. Sa remise en cause se serait traduite pour une surcharge de travail dans les préfectures, qui ne voient actuellement pas les titulaires de VLS-TS durant leur première année de séjour en France ;

- Elle aurait conduit à n’effectuer aucun contrôle du maintien du droit au séjour avant l’accès à la carte de résident. Or le système retenu permet d’effectuer un contrôle entre la première délivrance d’un titre de séjour annuel et l’accès à la carte de résident : ce contrôle est opéré lors du passage à la carte de séjour pluriannuelle.

- Le système de contrôle ad hoc

S’agissant du système de contrôle mis en place à l’occasion de la réforme de la durée de validité des cartes de séjour, deux autres options étaient envisageables :

- Le maintien d’un contrôle systématique annuel avec passage de l’étranger en préfecture ou demande des pièces justificatives par la préfecture. Cela aurait conduit inévitablement à récréer des procédures annuelles administrativement lourdes et peu efficientes ;

- L’absence totale de contrôle durant la validité de la carte de séjour, qui ne parait pas adaptée dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière, en ce qu’elle engendrerait le développement de filières d’immigration, les détournements de procédures et les fraudes à l’identité.

2.1.3.2 Nécessité de légiférer

L’actuel système de délivrance et de renouvellement de titres de séjour conduit à effectuer environ 750 000 renouvellements de titres de séjour chaque année, dont près de 500 000 concernent les cartes de séjour temporaires annuelles (cf. Tableau n°3). Ces renouvellements entraînent plusieurs visites en préfectures, la délivrance de récépissé et l’instruction des dossiers. Par ailleurs, l’examen annuel des conditions de séjour apparaît peu efficient au regard du taux de refus constaté pour les renouvellements des titres de séjour, toutes catégories confondues (inférieur à 1% en 2011, pour 795 220 demandes). Le principe de l’annualité des titres de séjour représente ainsi une surcharge de travail pour les services des étrangers des préfectures, qui convoquent à date rapprochée les étrangers, si l’on tient compte du temps nécessaire à l’instruction du dossier et à la fabrication du nouveau titre. Seule une augmentation de la durée des titres est susceptible de diminuer significativement l'affluence aux guichets. Le principe d’annualité représente également une difficulté pour les étrangers car il fragilise leur parcours migratoire en rendant complexe la capacité à se projeter à moyen et long terme.

Les articles du CESEDA qui traitent de la durée générale des cartes de séjour ainsi que des éventuelles durées spécifiques sont tous de niveau législatif. En conséquence, une réforme de nature législative est nécessaire pour généraliser les cartes de séjour pluriannuelles.

2.1.4 Impacts attendus

2.1.4.1 Prise en compte du handicap

Le présent texte, dans ses articles 3, 4, 6 et 11 (sous sections 1 et 3 ) ne comporte aucune disposition spécifique au handicap.

2.1.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes

Le présent texte, dans ses articles 3, 4, 6 et 11 (sous sections 1 et 3) , comporte plusieurs dispositions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Il prend notamment en compte les besoins des victimes de violences faites aux femmes. En premier lieu, les victimes de la traite des êtres humains continuent de conserver un titre annuel et passent directement à une carte de résident. Ce processus sécurise le parcours extrêmement difficile des victimes de la traite. Les statistiques nationales liées à la traite sont difficiles à obtenir ; le plan national de lutte contre la traite des êtres humains fait mention des données européennes d’Eurostat, d’après qui il y aurait eu une augmentation de 18 % du nombre de victimes entre 2012 et 2013, que 62 % d’entre elles sont des victimes d’exploitation sexuelle, et que la grande majorité (80 %) sont des femmes et des filles mineures.

En deuxième lieu, le projet de loi renforce la protection des victimes de violences conjugales bénéficiaires d’une ordonnance de protection. Auparavant, en vertu de l’article L. 316-3 du CESEDA, elles bénéficiaient d’une carte de séjour temporaire avec la mention « vie privée et familiale ». Avec la généralisation des cartes de séjour pluriannuelles, la mention « violences conjugales » permet d’obtenir un premier titre de séjour annuel, renouvelable par un titre de séjour de 2 ans (lui-même renouvelable), permettant de demander une carte de résident après 5 années de séjour régulier. L’article L.316-3 se voit ainsi complété à la fin du dernier paragraphe par rapport à la durée du renouvellement. Le parcours des victimes de violences conjugales est sécurisé aussi, tout en renforçant le poids et la légitimité de l’ordonnance de protection permettant l’accès à ce titre de séjour pluriannuel.

En dernier lieu, les dispositions liées aux contrôles qui visent les conjointes et conjoints de Françaises et Français visant à lutter contre les mariages simulés, que ce soit des mariages blancs, gris ou forcés, contribueront par ailleurs à limiter ce fléau. Selon une étude de l’INED, il semblerait que le nombre de mariages non consentis recule parmi les générations plus jeunes de migrants. 22 % des immigrées ayant entre 51 et 60 ans ont été mariées contre leur gré ou ont vécu une situation où leur consentement a pu se trouver altéré, contre 9% parmi la génération des femmes immigrées ayant entre 26 et 30 ans16. Cette donnée est intéressante à creuser afin de faciliter le repérage de ces situations par les autorités préfectorales et des ambassades.

2.1.4.3 Impacts juridiques

i. L’allongement de la durée des titres de séjour

Après une première année de séjour régulier en France (sous un VLS/TS ou une CST), l’étranger accède à une carte pluriannuelle. Ce régime unique offre une véritable cohérence et permet la mise en place d’un parcours juridique harmonisé et sécurisé pour l’étranger. Il permet également d’opérer deux contrôles en primo délivrance du VLS/TS ou de la CST mais aussi lors du renouvellement en vue de la délivrance de la carte pluriannuelle afin de garantir le respect des conditions de délivrance du titre et de détecter les cas de fraude avant la remise d’une carte pluriannuelle.

ii. La responsabilisation des bénéficiaires des cartes de séjour pluriannuelles

Les sanctions attachées au régime de contrôle visent à dissuader les étrangers d'enfreindre les règles. Elles représentent également une incitation à responsabiliser les titulaires de cartes de séjour pluriannuelles. Le fait d'augmenter la durée de validité des cartes ne doit pas conduire au sentiment que les conditions du droit au séjour ne sont plus requises pendant la durée de la carte. Celles-ci restent identiques et leur non-respect pourra être sanctionné par le retrait du titre, à l’issue d’une procédure contradictoire.

iii. Articulation avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration

L’article 11 (sous-section 3) du présent texte prévoit une modification formelle de l’alinéa de l’article L. 313-10 relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention « saisonnier ». Une directive européenne vient d’être adoptée sur ce sujet (Directive 2014/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi en tant que travailleur saisonnier). Les modifications législatives apportées par le présent texte sont conformes au contenu de cette directive, dont le mécanisme de transposition va commencer.

Les modifications législatives apportées par le présent texte demeurent conformes aux directives.

2.1.4.4 Impacts outre-mer

Voir le titre III relatif à l’Outre-mer.

2.1.4.5 Impacts économiques et financiers

Le développement des cartes pluriannuelles va favoriser l’arrivée en France d’étrangers dont l’activité professionnelle contribuera au développement économique de la France.

Les modalités et les montants des taxes afférentes à la première délivrance et au renouvellement des titres de séjour seront revus en conséquence afin de créer un système qui accompagne utilement la création d’un titre pluriannuel et soit lisible et sécurisant tout en assurant au minimum le maintien de ces ressources.

2.1.4.6 Impacts administratifs

i. Conséquences sur le nombre de visites annuelles en préfecture

La généralisation de la carte de séjour pluriannuelle va mécaniquement conduire à une diminution des procédures de renouvellement et va entraîner, en conséquence, une baisse de l'affluence en préfecture. A titre d’illustration, environ 165 000 sur les 193 000 nouvelles admissions annuelles en 2012 serait concernées par le dispositif de la carte de séjour pluriannuelle après une année de séjour régulier en France. Toutefois, l’ampleur de la réforme législative va nécessairement conduire à des demandes d’informations, dans les premiers mois de sa mise en œuvre, qui ne vont pas permettre de mesurer tout de suite les effets de la réforme. Compte tenu du nombre d’étrangers éligibles à la carte de séjour pluriannuelle et du nombre de passages en préfecture chaque année liés aux procédures de renouvellement, il est possible d’envisager une diminution de 30% des visites annuelles, soit environ 800 000 passages. Cette mesure législative de généralisation des cartes de séjour pluriannuelles s’inscrit dans la continuité de la circulaire relative à amélioration de l'accueil des étrangers en préfecture et aux mesures de simplification et objectifs d'organisation et de la Directive nationale d’organisation pour l’amélioration de l’accueil des étrangers en préfecture, du 3 janvier 2014, qui visent à limiter le nombre de passages aux guichets des services, en primo-délivrance comme en renouvellement des titres de séjour.

ii. Impact sur l’activité des services des étrangers des préfectures

Les missions des services des étrangers seront amenées à évoluer dans la perspective de la mise en place de la présente réforme législative. Les activités dites de « front office » matérialisées par l’accueil et la réception des dossiers de premières demandes et de renouvellement des cartes de séjour seront sensiblement diminuées au profit des activités relevant du « back office », c’est-à-dire de l’instruction des dossiers et des missions liés au contrôle et à la lutte contre la fraude.

Dans ce cadre, un rapport de février 2014 de la mission IGA relative aux contrôles des cartes de séjour pluriannuelles préconise de « profiter de la baisse d’activité mécaniquement obtenue grâce à la réforme, pour redéployer les effectifs vers la mission du contrôle a posteriori, condition de crédibilité du titre pluriannuel » (recommandation n°13). Le rapport estime que la baisse des titres de séjour délivrés suite à la réforme législative serait d’environ 33%. Il évalue ainsi que 12 à 13% des effectifs dans les équipes « séjour des étrangers » des préfectures pourraient être redéployés vers le contrôle a posteriori.

iii. Impact sur les formalités administratives à accomplir pour les ressortissants étrangers en séjour régulier

La généralisation des cartes de séjour pluriannuelles va s’accompagner d’une simplification significative des démarches administratives à effectuer pour un ressortissant étranger en situation régulière. Ainsi, et au cours des cinq premières années de présence régulière en France, un ressortissant étranger ne devra effectuer qu’une procédure auprès de la préfecture : le passage du visa de long séjour dispensant de titre de séjour (ou de la carte de séjour temporaire) vers la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans. Puis, à l’issue de la validité de cette carte, il devra revenir en Préfecture pour solliciter une carte de résident valable dix ans. Dans cette situation, ce sont trois procédures complètes de renouvellement qui sont supprimées par la délivrance d’une carte dont la durée de validité est allongée.

2.1.5 Modalités de mise en œuvre

2.1.5.1 Application dans le temps

Le présent texte, pour ses articles 3, 4, 6 et 11 (sous sections 1 et 3) , entre en vigueur à compter de la publication de la loi.

2.1.5.2 Application dans l’espace

Le présent texte, dans ses articles 3, 4, 6 et 11 (sous sections 1 et 3) s’applique à la France métropolitaine, aux départements d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

2.1.5.3 Consultations

Pas de consultation obligatoire.

2.1.5.4 Textes d’application

Un décret d’application sera nécessaire et viendra préciser les modalités de délivrance des cartes de séjour ainsi que le système de contrôle du maintien du droit au séjour. Une instruction aux services complètera le dispositif pour détailler les évolutions juridiques, préciser les modalités de mises en œuvre.

2.2 Le développement de l’accueil des talents étrangers article 11 (sous section 2)

2.2.1 Diagnostic et état du droit

Dans un monde où la circulation des talents est mondialisée et où nombre de nos concurrents internationaux ont construit des politiques d’attractivité, la France demeure un pays attractif pour les talents étrangers. En effet, elle est le premier pays non anglophone pour l’accueil des étudiants (284 000) devant l’Allemagne et derrière les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie. De même, le nombre des cartes de séjour délivrées aux scientifiques-chercheurs est passé de 1531 en 2007 à 2261 cartes en 2012 (chiffres provisoires), soit une progression d'environ 47 %. Si le nombre de délivrance de la carte de séjour "compétences et talents" stagne avec 283 titres délivrés en 2012 (chiffres provisoires), les renouvellements progressent toutefois avec une augmentation de 41 % entre 2011 et 2012.

Depuis quelques années, la France a mis en place plusieurs dispositifs afin d’attirer davantage les talents internationaux sur son territoire : création en 2006 de la carte « salarié en mission » délivrée à l’étranger venant en France dans le cadre d’une mobilité intragroupe, de la carte « compétence et talents » destinée à l’étranger disposant de compétences spécifiques et reconnues dans son domaine d’activité.

En 2011, elle a été l’un des premiers pays européens à transposer la directive européenne 2009/50/CE du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants des pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié en créant la « carte bleue européenne ».

Enfin, des mesures favorables ont été prises en faveur des familles des titulaires de cartes de séjours « salarié en mission », « compétences et talents", « carte bleue européenne» et « scientifiques-chercheurs » qui reçoivent une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée de validité équivalente à la durée de la carte triennale du conjoint (art. L. 313-11 3°17).

En janvier 2013, le gouvernement a confié à quatre services d’inspection (IGAE, IGA, IGAEN et IGF) une mission sur l’accueil des talents étrangers en France. Le rapport rendu le 7 mai 2013 a conclu à la nécessité de bâtir une stratégie d’attractivité de la France en mettant en place une politique solide d’accueil, au départ du pays d’origine, et d’accompagnement lors de l’arrivée en France.

En outre, conformément aux engagements du président de la République, un débat consacré à l’immigration professionnelle et étudiante s’est tenu le 24 avril au Sénat et le 13 juin à l’Assemblé Nationale, après une concertation préalable avec les partenaires sociaux qui s’est révélée riche et approfondie. A la suite de ce débat, et au vu des conclusions du rapport rendu le 7 mai 2013, il a été envisagé de créer une nouvelle carte de séjour pluriannuelle dédiée aux talents étrangers. De même, lors du Conseil supérieur de l’attractivité du 17 février 2014 l’initiative de créer un « passeport talents » a été annoncée par le Président de la République comme l’une des mesures destinées à favoriser l’attractivité de la France.

Tableau n° 10 Admissions au séjour des « talents étrangers »

Catégories

2011

2012 (provisoire)

Scientifiques-chercheurs (L. 313-8)

2 073

2 665

Artistes (L. 313-9)

173

162

Commerçants (L. 313-10 2°)

187

174

Salariés en mission (L. 313-10 5°)

2 855

2 750

Carte bleue européenne (L. 313-10 6°)

Na

127

Carte de résident pour contribution économique exceptionnelle (L. 314-15)

4

4

Carte de séjour « compétences et talents »

(L. 315-1)

289

283

TOTAL

5 581

6 165

Source : AGDREF – DGEF (DSED)

2.2.2 Objectifs poursuivis par la réforme

2.2.2.1 Les lignes directrices

i. Dynamiser le dispositif et augmenter sa lisibilité

La multiplicité des titres de séjour relatifs à l’attractivité du territoire dans le cadre de l’immigration professionnelle, résultat des modifications législatives successives, a conduit à un ensemble hétérogène et qui est apparu peu adapté aux réalités socio-économiques actuelles. La présente réforme du dispositif d’attractivité pour la France vise ainsi à moderniser les outils existants pour les rendre plus efficace. Un regroupement de tous les publics « attractivité » sous une seule et même carte de séjour va permettre une meilleure lisibilité du dispositif et ainsi améliorer sa promotion hors de France. En effet, si l’attractivité passe par une série de mesures destinées à favoriser l’accès au séjour et au travail des ressortissants étrangers hautement qualifiés, elle doit aussi reposer sur une procédure simple et accessible.

ii. Rationaliser les mesures existantes

L’examen des dispositifs existants a permis d’identifier des pistes d’amélioration, des assouplissements à apporter ainsi que des facilitations à conduire. La rationalisation des dispositifs sous l’unique carte de séjour « passeport talents » répond ainsi à ces différentes problématiques. La création de cette carte de séjour répond aux préconisations de la mission inter-inspection dans son rapport remis le 7 mai 2013 qui prévoyait la création d’un titre spécifique « attractivité », qui fusionnerait plusieurs des titres actuels. Le Président de la République a également confirmé la création de cette nouvelle carte de séjour lors du Conseil supérieur de l’attractivité du 17 février 2014 parmi les mesures destinées à favoriser l’attractivité de la France.

La carte « passeport talents » s’inscrit tant par sa nature que par ses modalités de délivrance dans l’exigence rappelée par la mission de bâtir une stratégie d’attractivité en fluidifiant le plus possible les contraintes administratives d’entrée et de séjour des publics que la France souhaite attirer. Dans le cadre des travaux menés par la mission inter-inspection et présentés dans le « Rapport sur l’accueil des talents étrangers » publié en avril 2013, la création d’une nouvelle carte de séjour, réunissant l’ensemble des publics étrangers dont la présence et la venue en France participent à l’attractivité du territoire, a été décidée.

2.2.2.2 Le descriptif du nouveau dispositif « passeport talents »

Le premier principe retenu est celui de la fusion de catégories de titres de séjour déjà existantes dans le CESEDA (scientifique-chercheur, profession artistique et culturelle, salarié en mission, carte bleue européenne). La nouvelle carte de séjour pluriannuelle portant le mention « passeport talent » procède ensuite à la modification des conditions de délivrance de certaines catégories existantes qu’elle reprend (contribution économique exceptionnelle, compétences et talents). Enfin, elle comprend trois nouveaux motifs de séjour (étudiants titulaire d’un diplôme supérieur en France ou recruté dans une jeune entreprise innovante et exerçant une activité salariée, créateur d’entreprise et mandataire social). Le tableau ci-dessous synthétise le contenu de la nouvelle carte de séjour et indique les équivalences.

Au terme du projet de loi (art.11 sous section 2), les neuf catégories sont ainsi les suivantes :

1° « A l'étranger qui exerce une activité professionnelle salariée et qui a obtenu, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou qui est recruté dans une entreprise définie à l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts».

Cette disposition permet d’étendre la délivrance de la carte pluriannuelle aux jeunes titulaires d’un diplôme équivalent au master et recrutés dans une jeune entreprise innovante (JEI) sous réserve de conditions de salaire (salaire moyen annuel de référence fixé annuellement par arrêté).

2° « A l’étranger qui occupe un emploi hautement qualifié, pour une durée égale ou supérieure à un an, et justifie d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures ou d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable ; cette carte, d’une durée égale à celle figurant sur le contrat de travail porte la mention "carte bleue européenne"; ». 

Cet alinéa reprend l’actuel article L.313-10 6° en application des dispositions de la directive européenne de 2011 sur les travailleurs hautement qualifiés. Les critères n’ont pas été modifiés. Le niveau de ressources sera fixé par décret en Conseil d’Etat. Par ailleurs, la carte portera la double mention « passeport talents – carte bleue européenne » afin de satisfaire à l’exigence prévue par la directive précitée quant à la mention devant figurer sur la carte.

3° « A l’étranger qui vient en France pour effectuer une mission dans le cadre d’un détachement conformément au 2° de l'article L. 1262-1 du code du travail ou dans le cadre d’un contrat de travail avec une entreprise établie en France, et qui justifie d'une ancienneté professionnelle dans le groupe ou dans l’entreprise concerné d'au moins trois mois. La carte de séjour est délivrée pour une durée de trois ans. »

Cet alinéa reprend l’actuel 5° de l’article L. 313-10 applicable aux « salariés en mission ». La venue en France peut ainsi s’effectuer par la voie du détachement ou par un recrutement sous couvert d’un contrat de travail en France. Une ancienneté dans le groupe d’au moins trois mois est requise ainsi qu’un niveau minimal de rémunération qui sera fixé par décret en Conseil d’Etat.

4° « A l'étranger, titulaire d'un diplôme équivalent au grade de master, qui mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire, dans le cadre d'une convention d'accueil signée avec un organisme public ou privé ayant une mission de recherche ou d'enseignement supérieur préalablement agréé».

Cet alinéa est une reprise de l’actuel article L.313-8 en application des dispositions de la directive européenne de 2005 sur les scientifiques chercheurs. Les critères n’ont pas été modifiés. Par ailleurs, la carte portera la double mention « passeport talents – chercheur » afin de satisfaire à l’exigence prévue par la directive précitée quant à la mention devant figurer sur la carte.

5° « A l’étranger qui justifie d’un diplôme équivalent au grade de master ou d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable et qui crée une entreprise en France;

Cet alinéa vise les étrangers qui réalisent en France leur projet professionnel de création d’entreprise. Les critères seront précisés par décret en Conseil d’Etat afin de bien distinguer ce public des étrangers pouvant prétendre à la carte de séjour « entrepreneur/profession libérale ».

6° « A l'étranger qui procède à un investissement économique direct en France »

Les nouveaux critères applicables aux investisseurs étrangers seront précisés par décret en Conseil d’Etat. Pour rappel, les critères de l’actuelle carte de résident pour contribution économique exceptionnelle (art. L. 314-15, R. 314-5 et R. 314-6) sont les suivants : l’étranger devait justifier d’un investissement de 10 millions d’euros, soit à titre personnel soit par l’intermédiaire d’une société dont il détenait 30% du capital et la sauvegarde/création de 50  emplois. La révision de ces critères aura pour objectif de viser un public d’investisseurs plus larges.

7° « A l'étranger qui occupe la fonction de représentant légal dans un établissement ou une société établie en France, dès lors que cet étranger est salarié ou mandataire social hors de France dans un établissement ou une société du même groupe ».

Ce public des mandataires sociaux était auparavant visé au 2° de l’article L 313-10 (commerçant) ou à l’article L 313-15 (compétences et talents). Désormais, il bénéficie d’un droit au séjour spécifique avec une condition de ressources (salaire fixé par décret en Conseil d’Etat).

8° « A l'étranger qui exerce la profession d'artiste-interprète tel que défini par l'article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle ou qui est auteur d'œuvre littéraire ou artistique mentionné à l'article L. 112-2 du même code. Lorsqu'il exerce une activité salariée, la durée minimale, exigée pour la délivrance du titre, des contrats d’engagement conclus avec une entreprise ou un établissement dont l’activité principale comporte la création ou l’exploitation d’une œuvre de l’esprit, est fixée par voie règlementaire »».

Cet alinéa reprend les dispositions prévues à l’article L.313-9 de la carte « Profession artistique et culturelle », que l’activité exercée soit salariée ou non salariée et précise la durée d’activité requise afin de faire coïncider la loi avec la réalité de l’activité. Elle concerne les artistes qui ne peuvent justifier d’une renommée internationale. En cas d’activité salariée, l’étranger doit justifier de contrats d’engagement d’une durée au moins égale à trois mois par semestre.

9° « A l'étranger dont la renommée internationale est établie, qui vient exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif ».

Cet alinéa concerne les étrangers pouvant justifier de leur renommée internationale dans leur domaine d’activité. Ce public était auparavant visé par la carte « compétences et talents » (art. L 315-1).

Par ailleurs, le régime spécifique à la carte « passeport talents » prévoit une dispense d’autorisation de travail pour l’activité qui a conduit à la délivrance de la carte de séjour.

Les niveaux de rémunération des catégories prévues aux alinéas 1°, 2°, 3°, 7° et 8°seront fixés par décret en Conseil d’Etat.

Cet article prévoit enfin le renouvellement d’un an de cette carte « passeport talents » pour l’étranger qui exerce une activité salariée en cas de privation involontaire d’emploi, puis dans la limite des droits acquis au revenu de remplacement.

La carte de séjour est d’une durée maximale de quatre ans, renouvelable. Pour les étrangers qui ne résident pas en France, elle est délivrée suite à l’obtention d’un visa de long séjour. Pour les étrangers qui résident déjà sur le territoire, elle est délivrée dans le cadre d’une procédure de changement de statut.

De même, les membres de familles bénéficient d’un dispositif dérogatoire au regroupement familial. Les membres de famille comprennent le conjoint marié ainsi que les enfants mineurs (qui obtiendront une carte de séjour à leur majorité). Ils peuvent venir en France en même temps que le bénéficiaire de la carte « passeport talents » et obtiennent une carte de séjour « pluriannuelle portant la mention « passeport talents (famille) », de même durée leur permettant d’exercer l’activité professionnelle de leur choix.

Tableau n° 11- Synthèse des conditions de délivrance de la carte de séjour « passeport talents »

Catégories actuelles du CESEDA

Alinéas de la carte de séjour « passeport talents »

Critères de délivrance de la carte « passeport talents »

na

L. 313-20-1°

Diplôme de master ou doctorat (ou équivalent) obtenu en France ou recrutement dans JEI

+ Activité salariée

+ Rémunération définie par décret

Carte de séjour temporaire « Carte bleue européenne » (L. 313-10 6°)

L. 313-20-2°

Licence ou 5 années d’expérience

Contrat de 12 mois minimum

+ Rémunération définie par décret

Carte de séjour temporaire « Salarié en mission » (L. 313-10 5°)

L. 313-20-3°

Mobilité intragroupe

+ Ancienneté de travail de trois mois

+ Rémunération définie par décret

Carte de séjour temporaire « Scientifique-Chercheur »

(L. 313-8)*

L. 313-20-4°

Diplôme au moins équivalent au master

+ Travaux de recherche ou enseignement de niveau universitaire

+ Convention d’accueil avec un organisme agréé

na

L. 313-20-5°

Création d’entreprise

+

Critères définis par décret

Carte de résident « Contribution économique exceptionnelle »

(L. 314-15)

L. 313-20-6°

Investissement économique direct

+

Critères définis par décret

Carte de séjour « Compétences et talents »

(L. 315-1)

L. 313-20-7°

Fonction de représentant légal dans un établissement ou une société établie en France

+ Rémunération définie par décret

Carte de séjour temporaire « Profession artistique ou culturelle » (L. 313-9)

L. 313-20-8°

Contrat DRAC ou SMOE pour activité artistique ou culturelle en France

+ Rémunération définie par décret

Carte de séjour « Compétences et talents »

(L. 315-1)

L. 313-20-9°

Renommée internationale

+ Activité en France dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif.

Source : article 11du projet de loi

2.2.3 Options possibles et nécessité de légiférer

S’agissant du choix de subdiviser la carte « passeport talents » en neuf catégories distinctes, il aurait pu être retenu de ne pas préciser les conditions de délivrance pour laisser aux autorités consulaires et préfectorales la sélection des étrangers éligibles. Toutefois, cet exercice a déjà été réalisé dans le cadre de la carte de séjour « compétences et talents », créée en 2006, et s’est révélé peu efficace. En effet, l’absence de motif de séjour précis rend difficile l’appréciation des demandes et augmente le risque de détournement de procédure. Par ailleurs, le maintien de conditions de délivrance spécifiques contribue à une meilleure lisibilité du dispositif. Enfin, l’absence possible de niveau de rémunération aurait conduit à généraliser ce titre, ce qui va à l’encontre d’une politique d’attractivité destinée aux seuls talents internationaux. La réforme du système actuel vise à donner davantage de poids et de visibilité au dispositif d’accueil des talents étrangers. Les efforts entrepris depuis 2006 n’ont pas connu les résultats escomptés. La nouvelle approche retenue reprend des éléments probants déjà existants et adapte d’autres éléments. Il en résulte un champ d’application élargi et un dispositif qui gagne en lisibilité.

2.2.4 Impacts attendus

2.2.4.1 Prise en compte du handicap

Le présent texte, dans article 11 (sous-section 2) ne comporte aucune disposition spécifique au handicap.

2.2.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes

Le présent texte, dans son article 11 (sous-section 2), ne comporte aucune disposition spécifique relative aux droits des femmes.

2.2.4.3 Impacts juridiques

i. Sur le droit national

La création d’un nouveau titre de séjour, le « passeport talent »,répond à l’objectif d’attirer les talents étrangers qui vont contribuer au développement économique de la France ; elle permet de réunir sous une même appellation l’ensemble des publics étrangers dont la présence et la venue en France participent à l’attractivité en fusionner plusieurs cartes existantes peu utilisées et en prévoyant d’autres catégories.

Cette carte « passeport talent » regroupe sous 9 mentions les demandes de séjour des étrangers qui veulent venir en France exercer une activité économique .Elle permet de donner plus de visibilité au dispositif d’accueil des talents et de renforcer l’attractivité de le France. L’existence de 9 catégories distinctes permet d’adapter précisément les conditions de délivrance au profil de l’étranger concerné.

ii. Articulation avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration

Les articles 9 et 10 du présent texte contiennent des dispositions relatives aux étrangers bénéficiaires des cartes de séjour « chercheur » et « carte bleue européenne » ainsi qu’aux membres de leur famille. A ce titre, ils relèvent de deux directives européennes :

- Directive 2005/71/CE du Conseil du 12 octobre 2005 relative à une procédure d'admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique ;

- Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié.

Les modifications législatives apportées par le présent texte demeurent conformes aux directives, tant sur la mention devant figurer sur les titres de séjour que sur les conditions d’obtention de ceux-ci.

2.2.4.4 Impacts outre-mer

Voir le titre III relatif à l’Outre-Mer.

2.2.4.5 Impacts économiques et financiers

Compte-tenu des éléments statistiques recueillis depuis 2006, la modification législative devrait conduire à une augmentation sur certaines catégories (investisseurs, artistes, mandataires) en raison de l’adaptation des critères existants. En se basant sur les volumes actuellement constatés pour les catégories de cartes déjà prévues par le CESEDA (cf. tableau n° 11) et en y ajoutant les changements de statut des étudiants très qualifiés, le volume annuel de primo-délivrance de cette nouvelle carte devrait concerner environ 10 000 nouveaux étrangers chaque année.

De même, l’inclusion des chercheurs étrangers dans la nouvelle carte « passeport talents » est un signal fort à destination du monde de la recherche. Enfin, la prise en compte des sportifs et des artistes représentent un autre aspect positif de la réforme. En effet, le développement en France des activités artistiques et sportives, portées par des étrangers reconnus dans leurs activités, est un gage d’une meilleure attractivité de notre territoire. Les retombées médiatiques mais aussi économiques constituent donc les principaux bénéfices attendus.

2.2.4.6 Impacts administratifs

L’examen de la demande de carte « passeport talent » se fera dès la demande de visa. Une fois en France, l’étranger se présentera dans les 3 mois à la préfecture pour demander sa carte ; la délivrance de plein droit se fera très rapidement sur présentation des pièces justificatives et permettra aux préfectures de mettre en place un dispositif spécifique d’accueil de ce public correspondant à sa demande de rapidité et de simplification des démarches en France.

2.2.5 Modalités de mise en œuvre

2.2.5.1 Application dans le temps

Le présent texte, pour son article 11 sous-section 2, entre en vigueur à compter de la publication de la loi.

2.2.5.2 Application dans l’espace

Le présent texte, dans son article 11 sous-section 2 , s’applique à la France métropolitaine, aux départements d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

2.2.5.3 Consultations

Pas de consultation obligatoire.

2.2.5.4 Textes d’application

Un décret d’application viendra préciser les conditions de délivrance pour chacune des catégories prévues et notamment les niveaux de rémunération requis pour bénéficier de la nouvelle carte de séjour « passeport talents ». Une instruction aux services complètera le dispositif pour préciser les modalités de mises en œuvre et déterminer le régime applicable aux étrangers déjà présents en France sous couvert de l’un des titres de séjour repris dans la nouvelle carte et qui sollicitent le renouvellement de celui-ci.

2.3 Le droit au travail des étudiants étrangers diplômés ( articles 5 et 9 paragraphe 7

2.3.1 Diagnostic et état de droit

i. Données générales relatives aux étudiants diplômés

Chaque année, la France accueille environ 60 000 nouveaux étudiants étrangers sur son territoire (cf. tableau n°10). Ce flux représente plus de 30% de l’immigration en France.

Tableau n°12 - Admission au séjour – Titre de séjour « étudiant »

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Titres délivrés

46 663

52 163

58 582

65 271

64 925

59 152

Source : AGDREF – DGEF (DSED)

Au niveau de l’OCDE, les cinq premiers pays d'accueil des étudiants internationaux en 2010 étaient : les Etats-Unis (684 807), Royaume-Uni (397 741), l’Australie (271 231), l’Allemagne (263 972) et la France (259 935)18. Les Etats-Unis sont très nettement le premier pays d’accueil des étudiants internationaux, suivis par deux pays anglo-saxons, le Royaume-Uni et l’Australie. Il convient de noter que la France est, avec l’Allemagne, le premier pays non-anglophone dans l’attractivité des étudiants internationaux.

À l’université, les étudiants étrangers représentent 15 % des inscrits, proportion qui varie fortement d’un établissement à l’autre (de 33 % à 1 %). Cette part augmente tout au long des cursus : les étudiants étrangers représentent 11 % des inscriptions en Licence, 19 % en Master et 41 % en Doctorat. La part de non-bacheliers (étudiants n’ayant pas obtenu leur baccalauréat en France) parmi les étudiants étrangers augmente aussi avec le degré d’études : 70,9 % pour la Licence, 85,4 % en Master et 89,6 % en Doctorat19.

Une politique volontariste et proactive a permis de renforcer la part des étudiants étrangers entrant au niveau de la première année du grade de Master. La progression du nombre total d'étudiants étrangers s'est accompagnée d'une hausse plus prononcée dans le grade de Licence par rapport aux deux autres grades (Master et Doctorat).

Tableau n° 13 Répartition des étudiants étrangers, cursus LMD, 2008-2011

 

2008-2009

2009-2010

2010-2011

Licence

89 784

92 896

95 320

Master

91 242

95 473

96 524

Doctorat

26 118

26 665

26 520

TOTAL

207 144

215 034

218 364

Source : MESR-DGESIP-DGRI SIES / Système d’information SISE

ii. L’accès à l’emploi en fin d’études

Après l’obtention du diplôme, un étudiant peut solliciter son admission au séjour sur un autre motif prévu par le CESEDA. En pratique, le passage de la carte de séjour « étudiant » vers la carte de séjour « salarié » est le plus fréquent (cf. tableau n° 12).

Tableau n° 14 - Changements de statut d’étudiant vers un autre motif

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Etudiant vers « Salarié »

5 383

8 252

11 283

8 428

8 905

9 513

Etudiant vers « Vie privée et familiale »

6 353

5 898

5 235

4 812

4 495

4 400

Etudiant vers Autres

1 451

1 244

1 016

812

727

995

Source : AGDREF – DGEF (DSED)

Par ailleurs, l'article L. 311-11 du CESEDA, créé par la loi du 24 juillet 2006, permettait initialement aux étudiants étrangers qui ont obtenu un diplôme équivalent au grade de master20 de bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour de six mois pour rechercher un emploi dans le cadre d'une première expérience professionnelle. S'ils accèdent à un emploi, leur demande d'autorisation de travail est examinée sans opposabilité de la situation de l'emploi, dès lors que le poste sollicité est en cohérence avec les études suivies et que la rémunération est au moins égale à 1,5 fois le SMIC.

La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a assoupli les conditions de délivrance de cette autorisation provisoire de séjour en supprimant la notion de « perspective de retour dans le pays d’origine » et de participation directe ou indirecte au développement économique de la France ou du pays d'origine et a porté sa durée à 12 mois. Enfin, la première expérience professionnelle ne se limite plus à un seul emploi ou un seul employeur.

Si le nombre d’APS délivrées à des étudiants étrangers ne cesse d’augmenter chaque année depuis sa mise en place (cf. tableau n° 13), le volume annuel reste en-deçà des perspectives envisageables compte tenu notamment du nombre d’étudiants étrangers qui obtiennent un diplôme de master chaque année.

Tableau n° 15 - Autorisations provisoires de séjour

délivrées aux étudiants étrangers diplômés

Année

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre d’APS délivrées

723

1 165

1 739

1 945

3 060

Source : AGDREF – DGEF (DSED)

2.3.2 Objectifs poursuivis par la réforme

La réforme législative prévoit dans son article 5 de de développer les droits ouverts par l’APS dont bénéficient les étudiants titulaires d’un master.

L’APS permet la recherche d’un emploi salarié ou bien la création d’une entreprise. Dans les deux cas, la cohérence avec la formation reste nécessaire pour éviter des détournements de procédure. A l’issue de l’APS, en fonction du type d’activité et du niveau de rémunération, l’étranger pourra bénéficier de l’une des cartes suivantes :

- « salarié » ;

- « passeport talents » ;

- « entrepreneur/profession libérale ».

L’article 9, relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » clarifie, dans son paragraphe 7 r la situation des étudiants qui trouvent un emploi dès la fin de leurs études et ne sollicitent pas l’APS. Il aligne la situation administrative des étudiants diplômés qui trouvent un emploi dès la fin de leurs études avec celle des étudiants qui bénéficient de l’APS pour rechercher ce premier emploi. Dans les deux cas, la situation de l’emploi n’est pas opposable s’il y une cohérence entre le diplôme et l’emploi et une rémunération dont le niveau sera fixé par décret en Conseil d’Etat.

2.3.3 Options possibles et nécessité de légiférer

S’agissant des changements de statut sollicités par des étudiants qui ne bénéficient pas de l’autorisation provisoire de séjour mais qui ont des profils similaires (niveau de diplôme, cohérence avec l’emploi et seuil de rémunération), le maintien du statu quo ante était une option possible. Toutefois, il est apparu cohérent de procéder à la codification législative de la procédure de changement de statut des étudiants étrangers, qui est devenue, au fil des années, le premier motif d’admission au séjour en qualité de « salarié » (9 513 cartes de séjour « salarié » délivrées à des étudiants sur un total de 13 546 cartes de séjour « salarié » en 2011).

Par ailleurs, la loi de juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a modifié le régime de l’APS pour accroître les efforts d’attractivité à l’égard des étudiants diplômés. La présente réforme législative poursuit cette dynamique et tire également les conséquences du débat sans vote relatif à l’immigration professionnelle et étudiante qui s’est tenu en avril et juin 2013 devant l’Assemblée Nationale et le Sénat. Les deux débats ont en effet conduit à un large consensus autour de la nécessité de favoriser l’immigration étudiante, y compris à la suite de l’obtention du diplôme21.

2.3.4 Impacts attendus

2.3.4.1 Prise en compte du handicap

Le présent texte, dans ses articles 5 et 9 (paragraphe 7) ne comporte aucune disposition spécifique au handicap.

2.3.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes

Le présent texte, dans ses articles 5 et 9 (paragraphe 7) susceptible d’avoir un impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

2.3.4.3 Impacts juridiques

i. Sur le droit national

Lorsque les conditions de délivrance seront remplies, que l’emploi correspondra au diplôme obtenu et que la rémunération sera suffisante au regard du seuil déterminé par décret, l’étudiant titulaire d’un diplôme de master ou équivalent, ne se verra pas opposer la situation de l’emploi s’il demande une carte de séjour « salarié ». Cette avancée législative va permettre de consolider la passerelle entre les mondes étudiant et professionnel. Il devrait ainsi en résulter une augmentation des changements de statut.

S’agissant des modifications liées à l’APS, elles devraient conduire à une augmentation du nombre de délivrance chaque année et à l’essor des créations d’entreprises par les jeunes diplômés étrangers, sans qu’un volume prévisionnel ne puisse être établi.

ii. Articulation avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration

Un texte européen est en cours d’élaboration, depuis mars 2013, suite à une proposition de la Commission européenne qui consiste en une refonte des directives 2004/114/CE du 31 décembre 2004 (la directive « Étudiants ») et 2005/71/CE du 12 octobre 2005 (la directive « Chercheurs »). L’article 8 du présent projet de loi ne contient aucune disposition contraire aux travaux en cours.

2.3.4.4 Impacts outre-mer

Voir le titre III relatif à l’Outre-mer.

2.3.4.5 Impacts économiques et financiers

Les articles 5 et 9 (paragraphe 7) en clarifiant la situation des étudiants diplômés à la fin de leurs études et leur passage dans la vie active va favoriser le maintien sur le territoire de ceux qui veulent contribuer au développement économique de la France en travaillant comme salarié dans une entreprise française ou en créant leur entreprise sur le territoire.

2.3.5 Modalités mise en œuvre

2.3.5.1 Application dans le temps

Le présent texte, pour ses articles 5 et 9 (paragraphe 7) , entre en vigueur à compter de la publication de la loi.

2.3.5.2 Application dans l’espace

Le présent texte, pour ses articles 5 et 9 (paragraphe 7) , s’applique à la France métropolitaine, aux départements d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

2.3.5.3 Consultations

Pas de consultation obligatoire.

2.3.5.4 Textes d’application

Un décret d’application viendra préciser les conditions de délivrance de ces titres de séjour et notamment le niveau de rémunération requis pour bénéficier des dispositions prévues à l’article 8 du projet de loi. Une instruction aux services complètera le dispositif pour détailler les évolutions juridiques et préciser les modalités de mises en œuvre.

2.4 Les modifications liées à l’immigration professionnelle ( articles 9 et 12)

2.4.1 Diagnostic et état du droit

L’article L. 313-10 du code précise les catégories d’étrangers qui peuvent obtenir une carte de séjour en raison de l’exercice d’une activité professionnelle en France. Les statistiques relatives à cet article montrent une disparité de volume entre les différentes catégories (cf. tableau n° 16). Il en va de même s’agissant de la durée des cartes de séjour puisque trois des six alinéas qui composent actuellement cet article correspondent à des cartes de séjour pluriannuelles.

Tableau n° 16 - Durée des cartes de séjour prévues à l’article L. 313-10 du CESEDA

Intitulé de la catégorie

Durée maximale de la carte de séjour

1°Salarié/Travailleur temporaire

1 an

2° Commerçant, artisan, industriel

1 an

3° Profession libérale

1 an

4° Travailleur saisonnier

3 ans

5° Salarié en mission

3 ans

6° Carte bleue européenne

3 ans

Source : CESEDA

S’agissant du régime des autorisations de travail, l’article L. 5221-2 du code du travail prévoit qu’une autorisation de travail est exigée pour tout étranger venant en France « en vue d’y exercer une activité professionnelle salariée ». Il n’est donc pas fait mention d’une durée minimale de présence en France. Cette disposition, combinée avec le principe général selon lequel tout étranger doit être en possession d’un titre de séjour si sa présence en France est supérieure à trois mois (art. L. 311-1 CESEDA), conduit à la délivrance d’autorisations provisoires de travail (APT) lorsque le séjour est inférieur à trois mois. Cette APT est accompagnée d’un visa de court séjour lorsque celui-ci est requis à raison de la nationalité. Les APT sont instruites par les services de main d’œuvre étrangère (SMOE) des unités territoriales des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), qui dépendent de l’autorité hiérarchique du préfet de département.

En pratique, les courts séjours professionnels se sont développés lors des dernières années et les APS représentent le premier document délivré par les SMOE dans le cadre de leur compétence sur les travailleurs étrangers (cf. tableau n° 17). Actuellement, la procédure applicable, quel que soit le public visé, est celle de droit commun. La procédure d’obtention de l’APT est actuellement longue pour un document dont le taux de délivrance est très élevé.

Tableau n° 17 - Demande d’autorisations provisoires de travail de moins de 3 mois

 

2012

2013

Accords

42 368

43 323

Refus

1 944

1 361

Taux de refus

4,4%

3%

Source : DGEF/SMOE

2.4.2 Objectifs poursuivis par la réforme

S’agissant de la réforme de l’article L. 313-10 (art. 9du projet de loi), celle-ci répond avant tout un objectif de simplification du droit existant. Celle-ci est tout d’abord concrétisée par une modification formelle : la réorganisation de l’article avec la fusion des cartes de séjour « commerçant » et « profession libérale » sous l’appellation unique « entrepreneur/profession libérale » avec des critères harmonisés. Il est également procédé à la suppression dans cette catégorie de titres des cartes de séjour « salarié en mission », « carte bleue européenne » qui sont incluses dans la nouvelle carte « passeport talent », ainsi que de la carte de séjour portant la mention « travailleur saisonnier » qui est désormais incluse dans la section relative aux cartes de séjour pluriannuelles

Par ailleurs, pour mieux faire coïncider les dispositions législatives avec les réalités économiques et les contingences liées au droit de séjour des étrangers, l’actuel 1°, qui détaille les catégories « salarié » et « travailleur temporaire », est modifié. Il est procédé au retour à la distinction des deux catégories selon la nature du contrat de travail22 en lieu et place de la durée du contrat. Le « salarié » est ainsi celui qui bénéficie d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) alors que le « travailleur temporaire » dispose d’un contrat à durée déterminée (CDD). De plus, la prolongation du renouvellement de la carte « salarié », en cas de privation involontaire d’emploi, à l’issue d’une période d’un an, s’effectue sur la base des droits au revenu de remplacement acquis par l’étranger.

S’agissant de la réforme des autorisations provisoires de travail de moins de trois mois (art. 12 du projet de loi), il est désormais prévu dans le code du travail que seuls les séjours supérieurs à trois mois donnent lieu à l’établissement d’une autorisation de travail. Ainsi, et a contrario, l’étranger qui vient travailler en France pour une durée inférieure à trois mois est dispensé d’APT. Cette réforme représente une réelle mesure de simplification en terme de procédure et de délai d'instruction puisque seule subsiste le cas échéant la demande de visa de court séjour si l'étranger y est  soumis au vu de sa nationalité (l'étranger devra toutefois produire un contrat de travail ou un document de son employeur concernant sa durée de mission en France). Par ailleurs, des contrôles continueront d’être effectués a posteriori par les services compétents qui pourront d’une part relever des infractions dès lors que les formalités préalables n’auront pas été effectués et d’autre part requalifier une situation d’emploi par une entreprise d’étrangers démunis de titre de travail s’il était constaté un détournement de procédure par la multiplication de séjours consécutifs de moins de trois mois dans le but de s’exonérer de la demande d’autorisation de travail prévue à l’article L. 5221-2 du code du travail. 

2.4.3 Options possibles et nécessité de légiférer

S’agissant de la réforme des autorisations provisoires de travail de moins de trois mois, la création d’un régime de déclaration préalable en lieu et place du système actuel d’autorisation était une option envisageable. Toutefois, remplacer une autorisation de travail par une déclaration de travail ne représentait pas une réelle simplification. Il existe déjà une déclaration préalable en cas de détachement d’un salarié étranger en France (art. R. 1263-1 et suivants du code du travail). Il en va de même pour la déclaration préalable à l’embauche auprès de l’URSSAF lorsque le salarié étranger bénéficie d’un contrat de travail en France. Par ailleurs, les contrôles sur sites qui sont réalisés a posteriori par l’inspection du travail apparaissent beaucoup plus efficaces qu’une simple vérification préalable.

2.4.4 Impacts attendus

2.4.4.1Prise en compte du handicap

Le présent texte, dans ses articles 9 et 12 ne comporte aucune disposition spécifique au handicap.

2.4.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes

Le présent texte, dans ses articles 9 et 12, ne comporte aucune disposition spécifique susceptible d’avoir un impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

2.4.4.3 Impacts juridiques

Le présent texte, dans son article 11, n’apporte pas de grande modification juridique, il adapte le dispositif de l’immigration professionnelle à la carte pluriannuelle.

L’article 12 prévoit la suppression de l’autorisation provisoire de travail pour les séjours de moins de trois mois. Cette suppression correspond à une mesure de simplification administrative : aujourd’hui, seules 3% des autorisations provisoires de travail de moins de trois mois donnent lieu à un refus.

2.4.4.4 Impacts outre-mer

Voir le titre III relatif à l’Outre-Mer.

2.4.4.5 Impacts économiques et financiers

S’agissant des modifications apportées à l’article L. 313-10, l’effet volumétrique sera relativement limité. En effet, les catégories « salarié » et « travailleur temporaire » ne devraient pas connaître de hausse ou de baisse directement imputable à la réforme législative, tout comme la fusion des cartes « commerçant » et « travailleur indépendant » dans la mesure où les conditions de délivrance demeurent inchangées. Les modifications formelles vont conduire à une clarification des normes applicables et devraient donc participer à la sécurisation de l’immigration professionnelle pour les employeurs sans susciter une augmentation du nombre d’étrangers bénéficiaires de l’immigration professionnelle.

2.4.4.6 Impacts administratifs

S’agissant de la suppression des autorisations provisoires de travail de moins de trois mois, il est attendu un allégement des tâches effectuées par les services instructeurs des DIRECCTE pour lesquels ces documents représentent près de 40% de leur activité. En outre, cette mesure constitue une simplification pour l'employeur qui procède déjà à une déclaration préalable à l'embauche (auprès de l'URSSAF) pour les salariés embauchés par une entreprise française ou à une déclaration de détachement (auprès de l'inspection du travail) pour les salariés employés par une entreprise étrangère

2.4.5 Modalités de mise en œuvre

2.4.5.1 Application dans le temps

Le présent texte, dans ses articles 11 et 13, entre en vigueur à compter de la publication de la loi.

2.4.5.2 Application dans l’espace

Le présent texte, dans ses articles 9 et 12 s’applique à la France métropolitaine, aux départements d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

2.4.5.3 Consultations

Pas de consultation obligatoire.

2.4.5.4 Textes d’application

Un décret d’application viendra préciser les conditions de délivrance de ces titres de séjour et préciser, dans le code du travail, les modalités de délivrance de l’autorisation de travail. Une instruction aux services complètera le dispositif pour détailler les évolutions juridiques et préciser les modalités de mises en œuvre.

2.5. La réforme du droit au séjour pour soins (article 10)

2.5.1 Diagnostic et état du droit

Les dispositions actuelles du 11° de l’article L. 313-11 du CESEDA ouvrent de plein droit un droit au séjour aux étrangers malades sous réserve de satisfaire certaines conditions.

Le demandeur doit ainsi prouver qu’il dispose de sa résidence habituelle en France. Cette condition a pour but d’écarter de ce dispositif les étrangers récemment entrés en France et dont il est patent que leur séjour sur le territoire français a pour finalité majeure l’accès aux soins en France, la maladie étant alors ancienne. L’étranger qui souffre de pathologies contractées dans le pays d’origine et qui entre en France en vue d’accéder aux soins dispensés par notre système n’a pas vocation à bénéficier du dispositif « étrangers malades ». A ce titre, un dispositif alternatif est prévu par les dispositions du dernier aliéna de l’article R. 313-22 du CESEDA23. La résidence habituelle a été fixée à un an par la circulaire n° INTD 9800108C du 12 mai 1998 portant application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998. Une fois la résidence habituelle du demandeur établie, l’étranger, à qui est remis au guichet de la préfecture un dossier médical doit alors se présenter au médecin de son choix, praticien hospitalier ou médecin agréé sur une liste établie par le préfet, en vue de se faire examiner. Le praticien hospitalier ou le médecin agréé rédige ensuite un rapport médical qu’il transmet, sous pli confidentiel, au médecin de l’agence régionale de santé, territorialement compétent et, à Paris, au médecin-chef du service médical de la préfecture de police.

Commence alors la phase dite de l’avis médical prévu à l’article R. 313-22. Le médecin de l’ARS et à Paris, le médecin chef du service médical de la préfecture de police, rend un avis conformément aux indications de l’arrêté du 9 novembre 2011. Il doit alors indiquer :

- si l’état de santé de l’étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;

- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;

- s’il existe dans le pays dans il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ;

- et la durée prévisible du traitement.

Ce n’est qu’au vu de cet avis, auquel il n’est pas lié, que le préfet décide alors de délivrer un titre de séjour ou de rejeter la demande de l’étranger intéressé. L’éventuelle absence de réponse du médecin de l’agence régionale de santé à l’une des questions prévues par la loi entraîne l’irrégularité de l’avis qui emporte lui-même irrégularité de l’arrêté préfectoral (CE, 3 mai 2004 n° 253013, Cheroud). Par ailleurs, le médecin signataire de l’avis doit pouvoir être identifié (CE, 16 avril 2010, n° 311316).

Outre les cartes de séjour temporaire au motif « étranger malade » d'une durée d'un an renouvelable, des autorisations provisoires de séjour (APS), prévues au dernier alinéa de l’article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), peuvent être délivrées pour raison de santé lorsque le médecin de l'administration estime que l'état de santé de l'étranger ne nécessite qu'un séjour en France de quelques semaines ou de quelques mois.

Tableau n° 18 - Admission au séjour au titre du 11° de l’article L. 313-11

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Cartes de séjour

7 315

6 568

5 680

5 738

5 943

6 325

6 107

Source : AGDREF – DGEF (DSED)

Tableau n° 19 - Stock de titres délivrés en raison de l’état de santé (au 31/12)

Titres de séjour

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Certificat de résidence algérien

2 659

2 620

2 497

2 385

2 136

2 225

1 995

Carte de séjour temporaire

13 993

15 722

16 364

17 485

18 193

20 092

19 832

Autorisation provisoire

de séjour

1 074

817

971

1 045

1 161

1 432

834

Récépissé

4 914

6 074

7 441

7 535

8 094

7 505

8 394

Total

22 640

25 233

27 273

28 450

29 584

31 260

31 062

Source : AGDREF – DGEF (DSED)

Le nombre des APS délivrées a continuellement augmenté entre 2006 et 2010 avant de diminuer en 2011 (cf. tableau n° 19). Cette baisse significative des APS en 2011 a été sans conséquence sur le volume global des titres délivrés pour raison de santé, les services ayant délivré en 2011 plus de titres de séjour pérennes que de titres provisoires par rapport aux années précédentes.

Le nombre de titres de séjour délivrés en première demande pour motif médical a doublé de 2001 à 2007, passant de 3 164 titres à 7 500. L’amorce d’une décrue relevée en 2006 s’est poursuivie les années suivantes pour se stabiliser autour des 6 000 titres délivrés. Les chiffres provisoires pour 2011 et partiels pour 2012 ne semblent pas remettre en cause cette stabilité. La tendance à la réduction du nombre de titres délivrés aux Algériens pour ce motif se confirme, passant de 1 278 titres en 2005 à 666 en 2011.

Une amélioration des prises en charge médicales dans certains pays, pour certaines pathologies, a été un facteur de réduction du nombre de titres délivrés. Par ailleurs, le nombre d'étrangers quittant le statut d'étranger malade, soit parce que leur titre n'est pas renouvelé, soit parce qu'il leur est délivré un titre pour un autre motif, est inférieur au nombre des nouveaux entrants. Cette tendance à l’accroissement du stock de titres pour motif de santé contribue significativement à l’augmentation du stock total des documents de séjour qui a triplé sur la période 2002-2010, ces chiffres incluant les APS délivrées pour les étrangers ne justifiant pas d’une résidence habituelle en France, ainsi que les récépissés de demandes de titres. Toutefois, 2011 est la première année où les sorties de stocks sont plus nombreuses que les nouvelles entrées. La part des étrangers sous récépissé, c'est-à-dire dont la situation médicale est en attente de confirmation, est élevée (27 %) et en croissance (elle était de 22 % en 2005), dénotant des difficultés de fonctionnement.

Les primo-demandeurs représentent 29,5% du stock en 2010, 28% en 2011 et 29% en 2012. Les demandes (première demande et renouvellement cumulés) qui aboutissent à la délivrance d’un titre ont représenté 62,21 % du total des demandes en 2010, 61,80 % en 2011 et 54,70% en 2012.

2.5.2 Objectifs poursuivis par la réforme

Une inspection conjointe IGA-IGAS, missionnée par les ministères de l’intérieur et des affaires sociales et de la santé, a relevé quelques dysfonctionnements majeurs. Cette mission a d’abord noté, dans un rapport de mars 2013, que le dispositif est peu piloté. Elle a également relevé des disparités dans la mise en œuvre des procédures préjudiciables au droit des usagers à un traitement égal. Elle a en outre suggéré quelques modifications dans la rédaction du texte du 11° de l’article L. 313-11 du CESEDA. Elle a enfin préconisé quelques mesures destinées à assurer un meilleur pilotage (concevoir des référentiels médicaux, forger une unité de définition des conséquences d’une exceptionnelle gravité, rendre disponible une information fiable sur la disponibilité de l’offre de soins dans les pays-sources) mais elle a aussi évoqué la piste d’un transfert intégral de la procédure médicale à l’OFII qui à la fois réaliserait les visites médicales des demandeurs de titres et assumerait la fonction « avis ».

2.5.2.1 La réforme des conditions de délivrance de la carte de séjour pour les étrangers malades

S’agissant des conditions de fond, le 11° de l’article L. 313-11 du code énonce actuellement que la carte de séjour est délivrée :

« A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. […] ».

La présente réforme législative (art. 10 du projet de loi) vise à substituer la mention actuelle d’« absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » par la notion de « bénéfice effectif  d’un traitement approprié» par l’étranger malade. Il s’agit donc d’un retour à la rédaction antérieure à la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité24. Il est également supprimé la « circonstance humanitaire exceptionnelle », qui n’est pas mise en œuvre en raison de la complexité de la procédure. Ces différentes évolutions visent à objectiver le dispositif afin de garantir une mise en œuvre harmonisée.

En outre, la durée du droit au séjour bénéficie d’un aménagement spécifique. Après une première année de séjour sous couvert d’une carte de séjour temporaire d’un an, la carte de séjour pluriannuelle sera délivrée sur la base de la durée prévisible des soins (art. 6 du projet de loi). Cette solution pragmatique tient véritablement compte des nécessités médicales et de santé de l’étranger admis au séjour. Il incombe alors au médecin de fixer la durée prévisible des soins de laquelle dépendra la durée du titre de séjour. Afin de tenir compte tant des chances de guérison que des évolutions de l’offre de soins dans le pays d’origine, et d’harmoniser la durée maximale de la carte avec l’accession à la carte de résident après 5 années de séjour, la durée maximale de la carte de séjour pluriannuelle est fixée à quatre ans.

2.5.2.2.La réforme de la procédure applicable aux étrangers malades

S’agissant des conditions procédurales relatives à l’instruction de la demande, le code précise actuellement que l’avis est rendu par l’ARS ou, à Paris, par le médecin chef du service médical de la préfecture de police. La réforme législative vise à confier cette mission à un collège de médecins relevant de l’OFII. L’office dispose d’une expertise affirmée en matière de santé des étrangers. Sa structure présente le double avantage du maillage territorial et du contrôle centralisé du réseau.

Au terme de l’article 10 du présent texte, l’OFII exercera cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministère de la santé. Par ailleurs, le caractère collégial de l’avis rendu ainsi que les conditions de nomination des médecins qui composeront ce collège seront des garanties importantes quant à l’impartialité de celui-ci ainsi et au respect des droits des demandeurs.

2.5.3 Options possibles et nécessité de légiférer

S’agissant de l’offre de soins, il aurait pu être retenu la notion d’existence du traitement dans le pays d’origine, en lieu et place du « bénéfice effectif » prévu dans le projet de loi. La notion d’existence est toutefois apparue trop restrictive et l’effectivité de l’accès aux soins devrait permettre une appréciation plus objective de la situation des demandeurs par les médecins de l’OFII.

S’agissant de la procédure, les constats effectués dans le cadre du rapport IGA-IGAS ont mis en lumière un manque d’homogénéité des avis rendus par les médecins des agences régionales de santé (ARS). Ces derniers sont institutionnellement rattachés au Directeur général de l’ARS et ne reçoivent d’instructions que de ce dernier.

Le maintien du statu quo ante doit être écarté compte tenu des dysfonctionnements qui affectent le dispositif. La procédure « étrangers malades » et notamment son volet médical génère, en outre, une fraude dont on commence juste à saisir les contours et l’ampleur qui devrait conduire nécessairement à renforcer la vigilance des services à tous les niveaux afin de contribuer au démantèlement de filières (filière hépatite C à Paris et psychiatrique en Bourgogne). Cet objectif de lutte contre la fraude milite également en faveur d’une réforme.

Les réformes de fond et de forme poursuivent le double objectif d’une meilleure maîtrise des procédures et d’une efficacité accrue dans la lutte contre les fraudes. La solution du transfert à l’OFII présente l’avantage d’une homogénéisation des avis sur le territoire, l’hétérogénéité des pratiques et l'inégalité de traitement qui découlent de la procédure actuelle sont souvent critiquées par les associations. Elle permettra un pilotage efficace du dispositif et un outillage plus aisé des acteurs.

Enfin, l’ensemble du dispositif « étrangers malades » étant détaillé au 11° de l’article L. 313-11 du code, une modification de nature législative était nécessaire pour réformer ce motif d’admission au séjour, tant sur le fond que sur la forme.

2.5.4 Impacts attendus

2.5.4.1 Prise en compte du handicap

Le présent texte, dans son article10, ne comporte aucune disposition spécifique au handicap. Toutefois, de manière indirecte, si un étranger en situation de handicap sollicite la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l’article L. 313-11, il pourra être concerné par l’article 10 du PJL relatif à cette carte, délivrée pour raison de santé.

2.5.4.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes

Le présent texte, dans son article 10 ne comporte aucune disposition spécifique relative aux droits des femmes.

2.5.4.3 Impacts juridiques

i. Sur le droit national

Les dispositions de l’article 10 prévoient une modification de la procédure de délivrance du titre étranger malade : la compétence pour donner un avis médical sur la possibilité pour l’étranger de bénéficier dans son pays d’origine du traitement approprié est transférée de l’Agence régionale de santé au service médical de l’OFII.

ii. Articulation avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration

L’article 10 ne relève pas d’une matière soumise à la compatibilité avec une directive européenne en vigueur ou en cours d’élaboration.

2.5.4.4 Impacts outre-mer

Voir le titre III relatif à l’Outre-Mer.

2.5.4.5 Impacts économiques et financiers

L’impact en termes volumétriques, difficile à prévoir, n’est pas l’objectif premier de la réforme. Depuis quelques années, le nombre des « primo-accédant » au titre de séjour s’est stabilisé autour de 6 500 chaque année. L’effet sera attendu sur les stocks de titres, qui dans une première phase auraient tendance à augmenter mais au bout du cycle devraient baisser tendanciellement.

2.5.4.6 Impacts sur l’emploi

Selon une hypothèse formulée dans le rapport de l’IGA-IGAS, le nombre d’ETP à prévoir à l’OFII pour rendre 41 250 avis par an est de 21 médecins dont le travail sera organisé sur la base d’un régime de vacations analogue à celui qui existe actuellement, tandis que le nombre d’ETP des personnels administratifs est estimé à 13 en extrapolant les données de la préfecture de police.

A ce temps médical, il conviendra toutefois d'ajouter le temps qui sera dédié, sur les plateformes de l’OFII, à la réception de certains étrangers ayant fait l'objet d'un avis défavorable et qui solliciteraient le réexamen de leur situation, ou de ceux que les médecins instructeurs souhaiteraient rencontrer pour mieux apprécier leur état de santé. Ce temps peut être estimé à 2 ETP supplémentaires.

2.5.4.7 Impacts sociaux

Cette réforme tend à sécuriser les parcours des migrants malades qui, assurés d’être maintenus en situation régulière le temps que durera leur traitement.

2.5.4.8 Impacts administratifs

Les aménagements procéduraux introduits par cette réforme doivent conduire à l’élimination du risque de traitement inégal des situations. La centralisation au sein d’un service médical unique de la fonction « avis » devrait permettre une meilleure maîtrise du dispositif par la diffusion d’une information actualisée sur les systèmes de santé dans les pays dont sont originaires les demandeurs de titres et surtout permettre une harmonisation dans l’examen des dossiers médicaux.

Ce transfert aura aussi pour conséquence de supprimer la compétence du service médicalde la préfecture de police à Paris qui rend annuellement 4 000 avis (10% du total). Le dispositif gagnera en cohérence.

2.5.5 Modalités de mise en œuvre

2.5.5.1 Application dans le temps

Le présent texte, dans son article 10 , entre en vigueur à compter de la publication de la loi.

2.5.5.2 Application dans l’espace

Le présent texte, dans son article 10, s’applique à la France métropolitaine, aux départements d’outre-mer excepté Mayotte ainsi qu’à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

2.5.5.3 Consultations

Le comité technique de l’Office français de l’immigration et de l’intégration a été consulté sur la réforme prévue à l’article 10 , en application de l’article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat.

2.5.5.4 Textes d’application

Un décret d’application viendra notamment préciser la procédure d’instruction des demandes ainsi que la composition du collège de médecins de l’OFII et les garanties procédurales applicables. Une instruction conjointe avec les services du ministère chargé de la santé complètera le dispositif pour préciser les modalités de mises en œuvre.

3 LES MESURES RELATIVES A L’ELOIGNEMENT DES ETRANGERS EN SITUATION IRREGULIERE

En matière d’immigration, le cloisonnement des politiques relatives au séjour légal et à la lutte contre l’immigration irrégulière n’a pas de sens. Aussi le présent projet de loi comporte-t-il, outre des dispositions relatives à l’accueil des étrangers et à leur droit au séjour, des dispositions relatives à la lutte contre la fraude au séjour et au cadre juridique de l’éloignement de ceux qui sont en situation irrégulière. En matière de lutte contre l'immigration irrégulière, priorité est donnée à la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, la fraude à l'identité et le travail illégal. L'organisation des retours, volontaires ou contraints, des étrangers en situation irrégulière en demeure cependant une composante particulièrement exigeante.

Nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF)

et d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) prononcés :

 

2008

2009

2010

2011*

2012

2013

OQTF

42 225

40 308

39 081

59 994

82 535

88 940

APRF

43 739

40 116

32 519

24 441

365

653

Total

85 964

80 424

71 600

84 435

82 900

89 293

* 2011 est une année charnière : la loi du 16 juin 2011, entrée en vigueur le 18 juillet, a fortement étendu le champ d’application de l’OQTF, qui a absorbé l’essentiel du champ des APRF.

 

La lutte contre l’immigration irrégulière est un objectif national et européen dont la réalisation suppose une action déterminée tendant à l’obtention de résultats effectifs dans le respect des engagements internationaux et des principes constitutionnels. Elément de la gestion des flux migratoires, donc de mobilités humaines, la définition du cadre légal de la lutte contre le séjour irrégulier est une responsabilité de l’Etat25.

Les réformes en cette matière ont certes été nombreuses mais, sur une longue période, elles se sont enchaînées dans un contexte juridique relativement constant. Or cet environnement a subi des mutations profondes résultant notamment de l’évolution du droit de l’Union européenne. Les textes ont été modifiés en conséquence, mais force est de constater que la réalité de l’action de lutte contre l’immigration irrégulière, dans toutes ses composantes, démontre certaines inadéquations du cadre juridique actuel que le titre II du présent projet de loi se donne l’ambition de corriger.

Ces inadéquations sont d’abord révélées par la réalité opérationnelle et contentieuse. Le Gouvernement ne saurait par ailleurs être indifférent aux recommandations d’autorités indépendantes et à l’émergence de préoccupations légitimes émanant de la société civile auxquelles font au demeurant écho certaines observations de la Commission européenne sur la fidélité de la transposition des directives.

3.1 Le caractère prioritaire de l’assignation à résidence pour les étrangers en instance d’éloignement

3.1.1 Diagnostic et état du droit

L’assignation à résidence demeure insuffisamment mise en œuvre.

Si le total des mesures permettant la préparation de l’éloignement contraint (rétention et assignation à résidence alternative) est légèrement supérieur au nombre des placements en rétention sur la période antérieure à l’entrée en vigueur de la réforme de 2011, la proportion des assignations à résidence n’est pas satisfaisante en dépit de sa nette progression en 2013, année durant laquelle 1 258 personnes ont été assignées à résidence contre seulement 668 l’année précédente.

Ce rapport entre les assignations et les placements en rétention (1 258 assignations en 2013 contre 24 176 placements en rétention) est contraire au principe de gradation qui devrait gouverner l’application des mesures de surveillance pour la préparation de l’éloignement contraint.

Nombre de placements en rétention et d’assignations à résidence (AAR) alternatives :

 

2nd sem. 2011

1er sem. 2012

2nd sem. 2012

1er sem. 2013

2nd sem. 2013

Placements en rétention

12 392

14 047

9 347

11 843

12 333

AAR alternative

248

339

329

479

779

Certes l’assignation à résidence alternative à la rétention prévue à l’article L. 561-2 constitue un dispositif de surveillance : la mesure comporte une restriction de la liberté de circulation consistant en une obligation de résidence en un lieu désigné avec une obligation de présence. Elle astreint l’étranger à des obligations de pointage périodique dans les conditions prévues par l’article R. 561-2. En outre, la personne assignée à résidence peut être tenue de remettre l’original de son passeport ou de tout autre document d’identité ou de voyage en sa possession dans les conditions prévues à l’article R. 561-3.

Mais la mesure est exclusive de toute contrainte, y compris dans le cadre d’une simple escorte à l’occasion des déplacements nécessaires à la préparation de l’éloignement, hors du périmètre d’assignation. Une telle escorte exprime en effet une contrainte dès lors que la personne est « retenue ». Or – c’est un principe – l’autorité administrative ne dispose pas du pouvoir d’exécution forcée de ses décisions, sauf si la loi l’y autorise explicitement et dans le cadre qu’elle définit.

Toutefois, si la loi autorise l’autorité administrative à placer un étranger en rétention en application des dispositions de l’article L. 511-1 du CESEDA pour assurer l’exécution forcée d’une décision d’éloignement, ce raisonnement n’est que très partiellement transposable au cas d’assignation à résidence.

Les restrictions aux libertés, autorisées par l’assignation à résidence prise en application de l’article L. 561-2 du CESEDA, sont strictement définies par les dispositions du CESEDA qui lui sont relatives. Il s’en déduit que l’autorité administrative ne peut pas donner instruction de « retenir » un étranger assigné à résidence.

Le cadre juridique n’est pas cohérent avec les principes qui gouvernent la matière :

- l’assignation à résidence alternative à la rétention correspond, comme dans celui de la rétention, à l’hypothèse d’exécution d’office de la mesure d’éloignement par opposition au retour volontaire de principe ;

- l’exécution d’une OQTF sans délai de départ devrait privilégier le cadre de l’AAR ;

- mais l’AAR n’autorise pas l’autorité administrative à mettre en œuvre une voie d’exécution.

Les préfectures témoignent, avec les services opérationnels, de leurs difficultés à assurer de manière effective la préparation de l’éloignement dans le cadre de l’assignation à résidence si la personne ne collabore pas complètement. Les chiffres sont révélateurs : 1 258 assignations en 2013 contre 24 176 placements en rétention. Même si le rapport a significativement évolué au regard des chiffres de 2012, il demeure très insatisfaisant.

La démonstration est ainsi faite d’une inadéquation manifeste du cadre juridique en vigueur. La logique est mise à mal par l’écriture même des articles L. 551-1 et L. 561-2 du CESEDA. Le texte peut en effet s’interpréter comme conditionnant l’assignation à résidence alternative à des garanties de représentation.

Le maintien de ce dispositif non conforme au droit de l’Union européenne affecte directement les libertés individuelles dès lors qu’il conduit nécessairement à certaines réticences dans la mise en œuvre de l’assignation à résidence. En outre, au regard du coût de la rétention, il pèse lourdement sur les charges publiques.

3.1.2 Objectifs poursuivis par la réforme

Le Gouvernement a accordé toute son attention aux préoccupations, observations et recommandations qui ont pu être formulées sur les conditions de l’éloignement. Il a pris l’initiative de missions d’expertises ainsi que d’une large concertation avec le milieu associatif.

Le présent projet tient notamment compte de l’objectif général de simplification du droit de l’éloignement exprimé dans le rapport de M. Mathias Fekl26 et de ses préconisations pour une évolution des cadres respectifs de la rétention administrative et de l’assignation à résidence en cohérence avec le droit européen résultant particulièrement de la directive retour.

3.1.2.1 L’inversion de la logique du CESEDA (articles 19 et 22)

En conformité avec les exigences résultant de la directive retour, la loi du 16 juin 2011 a créé à l’article L. 561-2 du CESEDA une mesure d’assignation à résidence (AAR) alternative à la rétention.

Mais pour traduire la priorité de l’AAR sur la rétention, c’est à l’article L. 551-1 du CESEDA relatif au placement en rétention que la loi soumet l’application de cette mesure « à moins qu’il ne soit assigné à résidence », tandis que l’article L. 561-2, relatif à l’AAR, conditionne l’application de cette mesure à la présentation « de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au II de l’article L. 511-1 qu’il se soustraie à cette obligation » de quitter le territoire.

Cette écriture inverse la logique qui devrait prévaloir d’une AAR de principe.

Le placement en rétention doit être subordonné à l’insuffisance de garanties de représentation propres à prévenir un risque de soustraction à l’éloignement.

- Options possibles

L’option retenue consiste donc très simplement à rétablir dans le texte la logique qui doit gouverner son application, en conditionnant le placement en rétention à l’insuffisance des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au II de l’article L. 511-1 que l’étranger se soustraie à l’OQTF. Cette réécriture suffit par elle-même à clarifier le texte.

Une seconde option a été écartée : il avait été suggéré par ailleurs d’inscrire dans la loi une liste de garanties devant être obligatoirement considérées par l’administration, parmi lesquelles pourraient notamment figurer la possession de documents d’identité et de voyage, voire d’un billet de retour, des justificatifs en termes de situation financière, revenus ou aides, des justificatifs relatifs à l’hébergement ou encore à la situation familiale. Ces illustrations avaient certes une part de légitimité mais, en la matière, une telle précision de la loi aurait présenté des inconvénients. Il ne s’agissait pas seulement de faire prévaloir l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’administration, mais aussi d’assurer l’égalité des personnes concernées, car inscrire de tels exemples de garanties dont le défaut justifierait donc la rétention aurait abouti à une forme de catégorisation des étrangers contredisant l’obligation d’examen individuel. L’appréciation de l’insuffisance des garanties de représentation renvoie à une pluralité d’hypothèses dans des contextes individualisés qui ne sauraient s’exprimer par une énumération même illustrative.

Il importe que l’article L. 561-2 du CESEDA modifié exprime le cadre de principe pour la préparation de l’éloignement sans délai de départ volontaire et que l’article L.551-1 réserve explicitement la rétention aux conditions qu’il prévoit.

Cette réécriture, indispensable, ne suffit cependant pas par elle-même à assurer la cohérence d’un dispositif efficace.

3.1.2.2 Concilier assignation à résidence et exécution effective de la mesure d’éloignement (articles 18 et 22)

- Un déficit d’exécution effective des mesures d’éloignement

L’action administrative ne saurait se mesurer sur une seule approche quantitative. Elle implique cependant de prendre en compte l’effectivité des décisions d’éloignement prononcées. Les comparaisons chiffrées des années 2008 à 2013 témoignent d’un déficit d’exécution de ces mesures.

Nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées et exécutées :

Année

OQTF prononcées

OQTF exécutées

% d’exécution

OQTF non exécutées

% de non-exécution

2008

42 225

3 050

7,2 %

39 175

92,8 %

2009

40 308

4 946

12,3 %

35 362

87,7 %

2010

39 081

5 383

13,8 %

33 368

86,2 %

2011*

59 994

10 016

16,7 %

49 978

83,3 %

2012*

82 535

18 441

22,3 %

64 094

77,7 %

2013*

88 940

15 213

17,1 %

73 727

82,9 %

* 2011 est une année charnière : la réforme de l’OQTF, entrée en vigueur le 18 juillet, a fortement étendu le champ d’application de l’OQTF, qui a absorbé l’essentiel du champ des APRF.

Nombre d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) prononcés et exécutés :

Année

APRF prononcés

APRF

exécutés

% d’exécution

APRF non exécutés

% de non- exécution

2008

43 739

9 844

22,5 %

33 895

77,5 %

2009

40 116

10 424

26,0 %

29 692

74,0 %

2010

32 519

9 370

28,8 

23 149

71,2 %

2011*

24 441

5 980

24,5 

18 461

75,5 %

2012*

365

849

232,6 %**

-484

-132,6 %**

2013*

653

471

72,1 %

182

27,9 %

* La loi du 16 juin 2011 a fortement réduit le champ d'application de l’APRF au profit de l'OQTF.

** L’exécution en 2012 d’APRF pris antérieurement à la réforme de 2011 induit mécaniquement un taux d’exécution supérieur à 100 %.

Ce constat doit, pour une part, être nuancé par des effets d’optique statistiques liés en partie à la politique d’aide financière au retour de ressortissants de l’Union européenne. La baisse du montant de l’aide pour les retours aidés intervenue en janvier 2013 afin de mettre un terme à un effet d’aubaine, a fait chuter de 82% le nombre de ressortissants de l’UE qui étaient éloignés du territoire dans ce cadre. Si l’on ne tient pas compte de cette proportion de retours « aidés » dont 16 000 personnes ont pu bénéficier en 2012, les chiffres témoignent d’une stabilité de l’action administrative en 2013 avec la réalisation d’un chiffre d’éloignements d’environ 21 000 pour l’année, équivalent à celui de 2012.

Nombre d’éloignements contraints réalisés depuis la métropole :

 

2009

2010

2011

2012

2013

Eloignements contraints

17 422

16 297

19 300

21 841

20 853

Mais le constat global est celui, en moyenne, de 40 000 mesures d’OQTF qui ne seraient pas exécutées chaque année. Il y a un déficit d’efficacité global du retour dont les causes doivent être identifiées sur toute la chaîne procédurale, les cadres restrictifs de liberté pour la préparation de l’éloignement ne garantissant pas l’éloignement.

- Doter l’administration d’outils juridiques adaptés

Le développement de l’assignation à résidence n’est possible que si l’on dote l’administration d’outils juridiques permettant de rendre cette mesure compatible avec une politique efficace d’exécution des mesures d’éloignement.

Concrètement, la personne assignée à résidence pour la préparation de son départ se voit désigner un périmètre de circulation dans lequel est fixée sa résidence. Elle est par ailleurs astreinte à des modalités de pointage.

Dans de nombreuses hypothèses, la personne assignée qui entend empêcher cette préparation de l’éloignement ne va pas quitter le lieu de résidence qui lui a été désigné. Elle peut simplement faire obstacle à la préparation de l’éloignement par un refus de coopération pour l’établissement des documents de circulation. Elle peut en outre utiliser l’inviolabilité du domicile pour s’opposer à toute procédure administrative : la notification d’une mesure de placement en rétention qui peut être mise en œuvre dans un tel cas d’obstruction manifeste est alors empêchée. On sait que le cadre juridique de l’assignation à résidence n’habilite pas l’autorité administrative à retenir la personne concernée, même dans le cadre d’une escorte et qu’il s’oppose a fortiori à ce qu’elle puisse requérir la force publique pour une interpellation au domicile.

Aujourd’hui le recours à la procédure répressive constitue donc le relais quasi obligé lorsque l’étranger assigné à résidence s’oppose à l’exécution de l’éloignement.

Certes le CESEDA prévoit et réprime pénalement le maintien sur le territoire en infraction à une mesure d’éloignement, la soustraction à une telle mesure et le non-respect d’une assignation à résidence. La caractérisation d’une infraction présumée sur le fondement de ces dispositions pénales permet l’interpellation de l’intéressé, et son éventuel placement en garde à vue, le Parquet appréciant l’opportunité des poursuites. Dans l’éventualité d’un classement, un placement en rétention peut être notifié à l’issue de la garde à vue. Mais outre la difficulté qui existe à caractériser un cas de soustraction flagrante à l’exécution de l’OQTF dans la situation concrète considérée, l’inadéquation est manifeste de la procédure pénale là où il convient de poursuivre l’exécution de la procédure administrative.

De telles situations placent l’autorité administrative dans une situation d’échec. Force est donc de constater encore une fois l’inadéquation du cadre juridique existant. Cette situation bloquée confronte l’autorité administrative à une « impossibilité de faire » alors que la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt précité du 28 mars 2012 qu’il lui incombe de s’assurer de l’exécution des mesures qu’elle a décidée27 dans une formule qui fait écho à l’objectif d’efficacité posé par la directive retour28.

Le rapport est donc inégal entre les obligations incombant à l’administration et les moyens de son action dans ce cadre prioritaire de l’assignation à résidence.

- Habiliter l’autorité administrative à requérir la force publique si l’exécution de la mesure d’éloignement l’exige

Il s’agit, pour la première fois dans le droit de l’éloignement, d’ouvrir hors du cadre de la rétention, une possibilité de recours à la contrainte très encadré, strictement proportionné aux nécessités de l’escorte, non pour des raisons de simple opportunité, mais dans le seul cas où l’exécution de la mesure d’éloignement l’exige.

- Permettre l’interpellation au domicile pour les nécessités de l’exécution de la décision administrative

La Cour européenne des droits de l’Homme a récemment affiné sa jurisprudence en matière d’intervention policière dans un domicile privé. Dans un arrêt du 15 octobre 201329, elle a précisé le niveau de ces exigences en termes de garanties procédurales et de respects des droits et libertés. Dans ce cas d’espèce sans lien avec l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, la CEDH s’est prononcée sur les conditions dans lesquelles les agents de la force publique peuvent pénétrer dans un domicile privé pour y procéder à l’interpellation d’une personne en présence de sa famille, particulièrement de la présence d’enfants mineurs. L’arrêt de la Cour fait émerger l’obligation d’un contrôle préalable du juge sur la nécessité et la régularité de l’opération en considération de son contexte.

En stricte conformité avec la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, l’option proposée consiste à ouvrir à l’autorité administrative la possibilité de solliciter auprès du juge des libertés et de la détention une autorisation d’accès au domicile pour procéder à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement. L’ordonnance du magistrat judiciaire est soumise, à peine de nullité, à des exigences de motivation similaires à celles prévues en matière de perquisition ou de saisie au domicile. Elle n’est exécutoire que pendant quarante-huit heures.

3.1.2.3 Garantir un enchaînement cohérent des mesures de surveillance (articles 20 et 22)

En l’état du droit, aucune disposition n’exprime clairement les possibilités d’enchaînement des mesures de surveillance. La loi ne précise pas qu’un étranger assigné à résidence peut faire l’objet d’un placement en rétention lorsque les conditions de l’assignation à résidence ne sont plus réalisées ; la loi n’indique pas plus qu’un étranger peut être assigné à résidence lorsque la rétention prend fin.

Certes, la loi ne pose pas d’obstacle à cet enchaînement qui suppose seulement la réalisation des conditions prévues pour l’application de ces mesures mais son absence de lisibilité est source une d’erreur d’interprétation et de réticences administratives.

- Objectif poursuivi et option retenue :

L’objectif est ici simplement d’améliorer la lisibilité de la loi, dans un objet d’efficacité. Aucune condition autre que celles déjà prévues pour l’assignation à résidence et le placement en rétention n’est ajoutée.

L’option retenue consiste à inscrire explicitement à l’article L. 561-2 du CESEDA qu’un étranger assigné à résidence peut faire l’objet d’un placement en rétention s’il ne satisfait plus aux conditions ayant justifié l’assignation. La complémentarité de ces deux mesures est ainsi renforcée.

Il est proposé d’autre part de compléter l’article L. 554-3 du CESEDA relatif à la fin de la rétention pour y préciser que les dispositions relatives à l’assignation à résidence peuvent être appliquées à la fin de la rétention, que celle-ci ait pris fin à l’expiration du délai accordé ou sur décision du juge des libertés et de la détention.

3.1.2.4 Préciser les conditions d’assignation à résidence lorsque l’éloignement est reporté (article 21)

En conformité avec la directive retour, l’article L. 561-1 du CESEDA prévoit, lorsque l’étranger faisant l’objet d’une OQTF justifie d’une impossibilité à quitter le territoire français, un dispositif particulier par lequel cette personne se voit remettre une autorisation de maintien provisoire sur le territoire français dans le cadre d’une mesure d’assignation à résidence de six mois renouvelable. Cette mesure prend acte des circonstances objectives s’opposant provisoirement à l’éloignement en assurant à l’étranger concerné une situation sécurisée empêchant le risque de vérifications répétées.

Mais la loi n’a pas posé de limites au renouvellement de cette mesure. Il y a là une omission contraire à l’esprit de la loi, une telle situation ne saurait se prolonger indéfiniment.

- Objectif poursuivi et option retenue

L’option retenue consiste simplement à poser cette limite. Le projet de loi corrige le texte en n’autorisant l’application de cette mesure que pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois. Si l’impossibilité de l’éloignement demeure à ce terme, le maintien d’une mesure de surveillance dans la perspective d’un éloignement implique un réexamen global de situation. Dans le cas où l’absence de droit au séjour demeure établie à l’issue de cette actualisation, l’autorité administrative peut prononcer une nouvelle OQTF, assortie, selon les cas d’une nouvelle mesure d’AAR sur le fondement adapté aux circonstances de l’espèce, ou d’un placement en rétention si les conditions en sont réalisées.

Des conditions de dérogation à ce principe sont nécessairement prévues : le renouvellement de l’assignation à résidence spécifique aux cas de report de l’éloignement doit demeurer possible tant qu’une mesure d’interdiction de retour ou d’interdiction de circulation sur le territoire français poursuit les effets et la durée maximale de six mois n’est pas posée dans les cas d’expulsion et d’interdiction judiciaire du territoire.

3.1.2.5 Clarifier les conditions d’application des dispositions pénales en cas de soustraction aux obligations résultant de la mesure d’assignation à résidence (article 27)

En cas de manquement aux prescriptions liées à l’assignation à résidence prévue à l’article L. 561-2, cet article renvoie à l’article L. 561-1, lequel prévoit que les dispositions de l’article L. 624-4 sont alors applicables. Mais l’article L. 624-4 ne fait référence qu’au seul article L. 561-1 et pas à l’article L. 561-2.

- Objectif poursuivi et option retenue

Pour une meilleure lisibilité, le projet de loi ajoute donc, à l’article L. 624-4, une référence directe à l’article L. 561-2.

3.2 Garantir l’effectivité des droits et des libertés

3.2.1 L’effectivité des recours dans les outre-mer (article 16)

3.2.1.1 Diagnostic et état du droit

Le CESEDA institue dans les collectivités d’outre-mer visées dans ses articles L. 514-1 et L. 514-2 un dispositif contentieux adapté sur l’OQTF. Cette adaptation consiste dans l’aménagement du principe de l’effet suspensif du recours et se justifie par les contraintes propres à ces collectivités confrontées à une pression migratoire exceptionnelle, favorisant l’immigration clandestine et certaines formes de criminalité.

Ce contexte très particulier se répercute nécessairement sur le nombre des mesures d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière prononcées par l’autorité administrative dans ces collectivités et les charge en résultant sur l’autorité administrative comme sur la juridiction administrative.

Cette situation de fait justifie qu’il soit dérogé, dans ces collectivités, à la règle du recours suspensif de plein droit sur l’OQTF. En contrepoint, le 2° de l’article L. 514-1 ouvre à l’étranger qui a fait l’objet d’une OQTF et qui défère cet acte au juge administratif d’assortir son recours d’une demande de sursis à exécution.

La Cour européenne des droits de l’Homme, saisie d’un recours individuel, a jugé dans un arrêt de grande chambre du 13 décembre 2012, De Souza Ribeiro, que ce dispositif ne répondait pas complètement aux exigences d’effectivité du recours garanti par l’article 13 de la convention.

Il importe de préciser que la Cour n’a pas, dans cette affaire, condamné la France au motif du caractère non suspensif d’exécution du recours contre l’obligation du territoire français en Guyane, mais en raison du défaut d’effectivité des garanties procédurales dans l’espèce examinée. L’arrêt est sans ambiguïté à cet égard.

L’arrêt confirme que l’article 13 de la Convention n’implique pas une exigence générale d’un recours suspensif de plein droit (voir § 78 de l’arrêt : « La Cour l’a dit à plusieurs reprises, l’article 13 a (…) pour conséquence d’exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d’un grief défendable fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié »).

Et la Cour a confirmé la marge d’appréciation dont dispose les Etats pour l’organisation des voies de recours, ainsi, au § 85 de l’arrêt : « la Cour rappelle également que l’article 13 de la Convention ne va pas jusqu’à exiger une forme particulière de recours et que l’organisation des voies de recours internes relèvent de la marge d’appréciation des Etats ... ; » et au § 97 : « …[la Cour] est consciente de la nécessité pour les Etats de lutter contre l’immigration clandestine et de disposer des moyens nécessaires pour faire face à de tels phénomènes, tout en organisant des voies de recours interne de façon à tenir compte des contraintes et situations nationales (…) les Etats jouissent d’une certaine marge d’appréciation quant à la manière de se conformer aux obligations que leur impose l’article 13 de la Convention. »

En reconnaissant aux Etats cette marge d’appréciation sur les modalités dont ils entendent garantir l’effectivité des recours, la jurisprudence constante de la Cour, reconnaît « qu’il incombe aux Etats contractants d’assurer l’ordre public, en particulier dans l’exercice de leur droit de contrôler en vertu d’un principe de droit international bien établi, et sans préjudice des engagements découlant pour eux des traités, l’entrée, le séjour et l’éloignement des non nationaux » (voir dans une jurisprudence très abondante et ancienne, Boujlifa c/ France, 21 octobre 1997, § 42).

Cependant, si la portée des exigences de la Cour doit être ainsi bien comprise, il demeure qu’elle ne saurait se satisfaire d’un dispositif qui permet dans la pratique l’exécution d’une mesure d’éloignement sans que l’étranger ait pu disposer de manière effective du moyen de faire valoir un grief défendable.

Comme le Conseil d’Etat y a explicitement invité le Gouvernement il convient donc de réformer le dispositif prévu à l’article L. 514-1 du CESEDA.

3.2.1.2 Objectif poursuivi et option retenue

La suppression du dispositif adapté prévu à l’article L. 514-1, en tant qu’il déroge à la règle du recours suspensif de plein droit sur l’OQTF, n’est pas requise par les exigences conventionnelles et l’extension du droit commun prévu à l’article L. 512-1 du CESEDA aux collectivités visées aux articles L. 514-1 et L. 514-2 n’est pas envisageable.

L’adaptation répond à l’objectif de valeur constitutionnelle d’une bonne administration de la justice. Concrètement, l’extension d’un recours suspensif de plein droit impliquerait inéluctablement des phénomènes d’engorgement et de paralysie des juridictions et des capacités d’action de l’autorité administrative.

En tout état de cause, selon la jurisprudence constante de la CEDH, pour être considéré comme effectif, un recours doit être efficace, en ce sens qu’il doit donner la possibilité de présenter un « grief défendable » et être susceptible d’offrir le redressement approprié. Il s’agit là de critères valables dans toutes les hypothèses.

Le caractère suspensif du recours ne s’impose que dans le cas où son absence pourrait entraîner des « conséquences potentiellement irréversibles », notamment sous l’angle de l’article 3.

En réponse à ces exigences, et dans la ligne des préconisations de la Haute juridiction administrative, l’article 17 complète le dispositif prévu à l’article L. 514-1 en interdisant l’exécution de la mesure d’éloignement avant que le juge administratif, saisi d’un référé liberté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, n’ait statué sur la tenue de l’audience contradictoire et, dans le cas où il décide de la tenue de cette audience, n’ait rejeté le référé.

3.2.2 L’accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention (article 23)

3.2.2.1 Diagnostic et état du droit

Les zones d’attente et les lieux de rétention ne sont pas fermés aux journalistes. Le défaut actuel de dispositions légales relatives à l’exercice dans ces lieux spécifiques de la liberté d’information ne saurait à l’évidence exprimer une restriction de principe.

On rappellera que dans un autre cadre, la loi pénitentiaire a été mise en conformité avec la règle pénitentiaire européenne qui prévoit que les détenus doivent être autorisés à communiquer avec les médias à moins que des raisons impérieuses ne s’y opposent au nom de la sécurité et de la sûreté, de l’intérêt public et de la protection des victimes, des autres détenus ou du personnel.

Toutefois, s’agissant des zones d’attente et des lieux de rétention, l’état du droit n’est pas satisfaisant. Le Gouvernement a entendu les préoccupations légitimes exprimées par des représentants des médias mais aussi par des autorités indépendantes et différents observateurs de la société civile sur l’existence d’un certain « vide juridique ».

Il est essentiel que le législateur puisse assurer de façon effective leur mission d’information qui participe directement des bases d’une société démocratique.

Le projet de loi entend poser ce cadre juridique qui implique la conciliation de plusieurs principes, parmi lesquels notamment la liberté d’expression, le droit de communication des personnes temporairement privées de liberté, la protection des libertés individuelles et les nécessités tenant au maintien de l’ordre public et de la sécurité publique et à l’activité des services de l’Etat dans ces lieux.

3.2.2.2 Objectif poursuivi et option retenue

Il s’agit d’abord d’exprimer clairement dans le CESEDA la liberté de l’information constitutionnellement et conventionnellement garantie en garantissant le principe l’accès des journalistes dans les zones d’attente et les lieux de rétention.

Par ailleurs, la loi inscrit l’exercice de cette liberté dans un cadre juridique défini intégrant les exigences tenant à la protection des libertés individuelles et celles plus particulières relatives à la protection des mineurs et dans les conditions nécessaires au fonctionnement de ces lieux et des activités qu’y exercent les services de l’Etat.

En conformité avec les exigences précisées par la Cour européenne des droits de l’Homme30, la loi prévoit un dispositif d’autorisation de l’autorité administrative pour la prise d’images qu’elle subordonne en outre aux exigences tenant à l’anonymat patronymique et physique des personnes mineures et à l’accord préalable des étrangers maintenus, des personnels et des intervenants dans les lieux considérés.

3.2.2.3 Modalités de mise en œuvre

Au-delà, la loi renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de définir les conditions dans lesquelles les journalistes accèdent aux zones d’attente et aux lieux de rétention.

3.3 L’affirmation de la place et de la portée de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et la suppression des cas résiduels d’arrêté de reconduite à la frontière

3.3.1 La suppression des cas résiduels d’arrêté de reconduite à la frontière (article 15)

3.3.1.1 Diagnostic et état du droit

Dans la logique issue de la réforme de 2006 instituant l’OQTF, cette mesure indissociable d’un délai de départ volontaire constituait le vecteur d’éloignement des étrangers dont la demande d’admission au séjour était rejetée, tandis que l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) sanctionnait le séjour irrégulier des personnes ne s’étant pas présentées à l’administration.

La loi du 16 juin 2011 a poursuivi la création de l’OQTF, qui est devenue la mesure unique permettant l’éloignement des personnes au motif du caractère irrégulier de leur présence en France. Le législateur a cependant laissé subsister l’APRF à l’article L. 533-1 du CESEDA, pour le cas où l’étranger, n’étant pas présent régulièrement en France depuis plus de trois mois, a menacé l’ordre public ou a exercé une activité professionnelle sans autorisation. Il a largement aligné les procédures administrative et contentieuse applicables à l’APRF sur celles prévues pour l’OQTF mais a maintenu une importante différenciation dans les effets respectifs des procédures. On rappellera simplement que l’APRF permet de justifier un refus d’entrer en France pendant une période de trois ans suivant son édiction alors que l’OQTF peut être assortie d’une interdiction de retour d’une durée maximale de deux ou trois ans selon les cas, décidée à l’issue d’un examen individuel de situation.

Le maintien d’un APRF résiduel par la loi du 16 juin 2011 n’était pas dépourvu de logique sous l’angle de la transposition de la directive retour, car celle-ci n’a pas vocation à régir les procédures d’éloignement fondées sur des motifs distincts du seul constat de l’irrégularité de séjour31.

Mais il demeure que sur le fondement des dispositions du livre V du CESEDA certaines personnes étrangères sont susceptibles de faire l’objet de l’une et l’autre de ces mesures, ce qui est une source de complexité sans justification objective.

Nombre d’APRF prononcés sur le fondement des 1° et 2° de l’article L. 533-1

depuis son entrée en vigueur le 18 juillet 2011 :

APRF

2nd sem. 2011

1er sem. 2012

2nd sem. 2012

1er sem. 2013

2nd sem. 2013

1° (« ordre public »)

178

127

67

96

180

2° (« travail illégal »)

134

96

75

191

206

Total

312

223

142

287

366

3.3.1.2 Objectif poursuivi

Dans ces conditions, ainsi que le suggère le rapport de M. Fekl, la procédure pourrait utilement être simplifiée. L’absorption de l’APRF par l’OQTF favoriserait indéniablement la simplification des procédures d’éloignement. Il s’agit donc d’unifier complètement les procédures dans le seul régime de l’OQTF.

A cette fin, le projet de loi abroge le chapitre III du titre III du livre V du CESEDA qui n’est relatif qu’au cas de reconduite prévu à l’article L. 533-1 et intègre dans le champ d’application de l’OQTF, les motifs qui aujourd’hui permettent le prononcé d’un APRF. L’option retenue est simple et non réductrice des voies de droit.

3.3.1.3 Modalités de mise en œuvre

La suppression de l’arrêté de reconduite à la frontière nécessitera un décret en Conseil d’Etat, modifiant :

- la partie réglementaire du CESEDA, particulièrement le livre V, en coordination de l’abrogation de l’article L. 533-1, afin notamment de supprimer les dispositions faisant référence à l’arrêté de reconduite à la frontière,

- la partie réglementaire du code de justice administrative, particulièrement le titre VII du livre VII, pour modifier le chapitre VI relatif aux contentieux des obligations de quitter le territoire français et des arrêtés de reconduite à la frontière, notamment en coordination avec la suppression de cette dernière mesure,

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées. 

3.3.2 La portée et le champ de l’OQTF (articles 14 et 17)

3.3.2.1 Diagnostic et état du droit

En ce qu’il prévoit une obligation de quitter le « territoire français », l’article L. 511-1 du CESEDA ne renseigne pas suffisamment le ressortissant de pays tiers faisant l’objet de cette mesure sur les moyens d’y satisfaire.

La Commission européenne a signalé cette imprécision de la loi sur la portée de l’OQTF en tant qu’elle doit impliquer pour son destinataire l’obligation non seulement de quitter le territoire français mais aussi de rejoindre un pays tiers à l’Union européenne.

La notion de retour, définie à l’article 3 § 3 de la directive retour32, implique en effet que le ressortissant de pays tiers quitte le territoire des Etats membres de l’UE. Précisément, cette exigence s’exprime dans les articles 3 et 6 de la directive. On rappellera qu’en distinguant très clairement la remise à un Etat membre comme extérieure au champ d’application de la directive, le Conseil d’Etat a intégré cette définition du retour33.

L’ambiguïté du texte en vigueur est bien réelle. Pour autant, elle s’explique simplement : la décision administrative individuelle relevant de la compétence préfectorale se borne nécessairement à poser l’illégalité du séjour en France et à prescrire l’obligation de quitter le territoire national.

En conformité avec la directive, le CESEDA confère une dimension européenne à l’interdiction de retour qui assortit l’OQTF dans certaines conditions. Dans ce cas, l’information de l’étranger de son signalement aux fins de non-admission dans l’espace Schengen l’éclaire sur la portée de ses obligations résultant de l’OQTF assortie d’une interdiction de retour. En outre, l’article R. 511-4 du CESEDA précise que l’étranger faisant l’objet d’une OQTF assortie d’une interdiction de retour est réputé avoir satisfait à cette obligation lorsqu’il peut attester de sa sortie par un point de passage frontalier, c’est-à-dire de sa sortie de l’espace Schengen.

Mais ce que la loi laisse dans une relative ambiguïté, c’est qu’indépendamment du prononcé de l’interdiction de retour, l’étranger ressortissant de pays tiers (RPT) obligé de quitter le territoire français doit y satisfaire en rejoignant un pays tiers.

L’hypothèse concrète est celle d’un ressortissant de pays tiers ayant épuisé le droit de circulation résultant de la possession d’un droit délivré par un autre Etat membre et qui ne justifie pas par ailleurs d’un droit au séjour en France

Dans ce cas, et en conformité avec la directive retour, particulièrement son article 6, l’OQTF est applicable, sous réserve de la mise en œuvre des procédures de remise en application des accords de réadmission conclus entre les Etats membres antérieurement à l’entrée en vigueur de la directive.

Les dispositions du CESEDA pertinentes (art. L. 511-1, I, pour le champ d’application de l’OQTF et L. 531-1 pour le jeu de la réadmission) sont aujourd’hui imprécises.

Le texte en vigueur est peu éclairant pour ses destinataires directs. Il est dès lors légitime de chercher à lever les ambiguïtés qu’il est susceptible d’entretenir.

Mais la loi est également imprécise sur les cas de prononcé de l’OQTF énumérés au I de l’article L. 511-1 du CESEDA. En effet, l’article L. 742-3 du CESEDA prévoit dans les hypothèses où la demande d’asile est rejetée que le 3° du II de l’article L. 511-1 n’est pas applicable. Cette indication exprime par elle-même l’application de l’article L. 511-1 en excluant pour ce cas la possibilité du jeu du critère d’appréciation du risque de soustraction à la mesure justifiant un refus du délai de départ volontaire tiré de l’entrée irrégulière qui n’est pas opposable au cas de demande d’asile.

Il en résulte que le droit en vigueur prévoit l’application de l’OQTF sur le fondement de l’article L. 511-1 sans l’exprimer clairement. Cette absence de clarté de la loi entretient une ambiguïté sur la possibilité de l’application de cette mesure aux personnes déboutées de leur demande d’asile comme sur les droits et devoirs des étrangers lorsqu’ils sollicitent l’asile en France.

3.3.2.2 Objectif poursuivi et option retenue : améliorer la lisibilité de la loi sur la portée et le champ de l’OQTF applicable aux ressortissants de pays tiers

- Cette clarification participe à l’intelligibilité de la loi et au-delà à l’efficacité des procédures d’éloignement. Il s’agit simplement d’inscrire au II de l’article L. 511-1 que pour satisfaire à l’OQTF, l’étranger dispose d’un délai de départ volontaire de trente jours pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l’Union européenne où il est légalement admissible.

Il s’agit de préciser la loi pour assurer sa conformité avec la directive retour ; il y a là l’exigence constitutionnelle d’une transposition fidèle mais aussi une nécessité de sécurité juridique.

Le champ d’application de l’OQTF prévue au I de l’article L. 511-1 du CESEDA est complété pour y prévoir clairement le cas du ressortissant de pays tiers titulaire d’une autorisation de séjour valide dans un autre Etat membre de l’Union européenne mais dont il est constaté que son droit de circulation sur le territoire français est épuisé.

- Le I de l’article L. 511-1 est également complété pour y prévoir sans ambiguïté que l’OQTF peut s’appliquer à l’étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l’étranger, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité. La loi doit distinguer ce fondement spécifique de l’OQTF qui ne se confond pas avec l’hypothèse visée au 3 ° du I de l’article L. 511-1 sur la base duquel l’autorité administrative fondent aujourd’hui la majorité des OQTF prononcées à l’égard des personnes déboutées de l’asile.

Cette clarification se poursuit par une adaptation des délais de recours contentieux dans les cas où l’OQTF n’assortit pas une décision de refus sur une demande d’admission au séjour.

Le projet de loi réaffirme et renforce la priorité du délai de départ volontaire qui s’appliquent dans tous les cas en conformité avec la directive retour.

Cependant les objectifs de la directive retour n’imposent nullement de retenir l’octroi du délai de départ volontaire comme un critère déterminant des délais de recours contentieux. Or telle est bien la logique suivie par le droit en vigueur issu de la réforme de 2011.

On rappellera en effet que les OQTF assorties du délai de départ volontaire ouvrent un délai de recours contentieux de trente jours devant le tribunal administratif alors que dans les seuls cas de refus de ce délai de départ, le délai de recours contentieux est réduit à 48 heures et que dans les seules hypothèses de l’application d’une mesure de surveillance (AAR sur le fondement de l’ article L. 561-2 ou rétention) s’applique la procédure contentieuse spécifique accélérée devant un juge statuant seul.

L’application de ces délais contentieux de droit commun, soit trente jours de délai de recours contentieux et le délai de jugement de trois mois par le tribunal administratif favorise le dépôt de recours n’a pas de justification objective au regard de l’objet du litige dès lors que l’objet de la demande d’admission en France au titre de l’asile a été définitivement examiné par les instances compétentes.

C’est pourquoi, sans remettre en cause l’équilibre général du contentieux administratif issu de la réforme de 2011, le projet de loi, en cohérence avec la réforme de l’asile dont l’un des objectifs vise la réduction des délais de procédure, institue des délais de recours et de jugement différenciés dans le cas nouveau d’OQTF applicable aux étrangers dont la demande d’asile est rejetée et qui ne sont pas admises au séjour à un autre titre.

Le projet de loi étend cette même logique aux cas où l’OQTF se fonde sur l’entrée irrégulière (1° du I de l’article L. 511-1 ou dans les cas qui, en substance, sont ceux d’un maintien dans la clandestinité (2° et 4° du I de l’article L. 511-1) En effet, ces cas, comme le 6° nouveau, se distinguent des autres cas d’OQTF (3° et 5°) en tant que l’intéressé n’a pas sollicité une demande d’admission au séjour sur le territoire.

C’est dans cette logique que le projet de loi prévoit dans les cas où l’OQTF est prononcée sur les fondements des 1°, 2° ; 4° et 6° un délai de recours réduit à sept jours devant le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué qui statue dans le délai d’un mois sur la légalité de l’OQTF, la décision fixant le pays de renvoi et le cas échéant la décision d’interdiction de retour.

Le projet de loi assure dans ce cadre différencié le complet respect des garanties procédurales et assure l’articulation nécessaire avec les autres procédures contentieuses applicables, dans les cas de refus de délai de départ volontaire ou d’assignation à résidence ou de placement en rétention.

- Par ailleurs, l’article L. 531-1 est d’autre part complété afin qu’il mentionne explicitement que ne sont applicables que les accords et arrangements bilatéraux entre les Etats membres pour la réadmission des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui ont été conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la directive, soit le 13 janvier 2009.

3.4 La clarification du régime des mesures accessoires de l’OQTF : délai de départ volontaire et interdiction de retour

3.4.1 Le délai de départ volontaire (article 14)

3.4.1.1 Diagnostic et état du droit

La clarté et l’intelligibilité de la loi impliquent une cohérence générale et un degré de précision suffisant dans l’énoncé des droits et des obligations et la description des procédures. Le cadre juridique en vigueur doit s’interpréter comme privilégiant le retour volontaire.

Nombre d’OQTF prononcées, avec ou sans délai de départ volontaire :

OQTF

1er sem. 2012

2nd sem. 2012

1er sem. 2013

2nd sem. 2013

avec délai

24 773

(55,9 %)

25 095

(65,6 %)

30 305

(67,8 %)

30 040

(67,9 %)

sans délai

19 519

(44,1 %)

13 148

(34,4 %)

14 373

(32,2 %)

14 232

(32,1 %)

Total

44 292

38 243

44 678

44 272

Au-delà des chiffres qui attestent certes d’une application de principe du délai de départ volontaire en progression, les possibilités d’ouverture du retour volontaire et les conditions d’appréciation des circonstances justifiant l’application d’un retour contraint ne sont pas garanties dans le CESEDA en cohérence avec cette priorité. 

3.4.1.2 Objectif poursuivi et option retenue

a) La prolongation du délai de départ volontaire accordé

Le II de l’article L. 511-1 du CESEDA issu de la loi du 16 juin pose le principe d’un délai de départ de trente jours, durée maximale prévue par la directive retour. A titre exceptionnel et eu égard à la situation personnelle de l’intéressé, le texte ouvre la possibilité pour l’autorité administrative d’accorder un délai de départ pour une durée supérieure à trente jours, mais il ne permet pas de prolonger le délai du départ initialement accordé.

Sans retenir à ce stade un cas de non-conformité formelle, la Commission européenne, a relevé une rigidité excessive du droit en vigueur au regard de l’article 7 § 2 de la directive retour qui prévoit la possibilité d’une prolongation du délai de départ initialement accordé « si nécessaire » et « pour une durée appropriée ».

Au-delà de l’obligation d’une transposition fidèle, assouplir la loi afin de permettre la prolongation du délai de départ accordé est de nature à ouvrir les possibilités d’une exécution volontaire. L’option retenue consiste à assurer une transposition large et fidèle de la loi en ouvrant la possibilité de prolongation pour une durée appropriée à chaque cas.

b) Exclure tout risque d’automaticité dans l’appréciation des critères de risque de soustraction à la mesure d’éloignement, permettant le refus du retour volontaire

L’article 3 § 7 de la directive retour définit le risque de fuite permettant le refus de délai de départ volontaire comme « le fait qu’il existe des raisons dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi de penser qu’un ressortissant de pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite ». La transposition a été opérée au 3° du II de l’article L. 511-1 en ces termes : « ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants » ; suit l’énumération desdits cas de a à f.

Toutefois, la Commission européenne a souligné la non-conformité d’une rédaction qui restreint la possibilité de l’appréciation au cas par cas sur la base de critères certes conçus comme exhaustifs mais non comme impératifs.

La rédaction du 3° du II de l’article L. 511-1 du CESEDA, qui restreint la possibilité de l’appréciation au cas par cas sur la base de critères certes conçus comme exhaustifs mais non comme impératifs, peut faire l’objet d’une application par trop rigide alors que l’autorité compétente n’est pas liée par la réalisation objective d’un ou de plusieurs critères.

L’option retenue consiste à ouvrir explicitement au II de l’article L. 511-1 le pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente.

3.4.2 L’interdiction de retour (article 14)

3.4.2.1 Diagnostic et état du droit

L’article 11 § 1 de la directive34 implique le principe d’une OQTF assortie d’une interdiction de retour dans les cas de refus de délai de départ volontaire ou de non-respect de celui-ci. L’article 11 § 3 ne permet une exception à cette mesure que pour « des raisons humanitaires dans des cas particuliers justifiés ». Les deux derniers alinéas de ce § 3, applicables dans tous les cas, disposent que « Les États membres peuvent s’abstenir d’imposer, peuvent lever ou peuvent suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires. / Les États membres peuvent lever ou suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers ou certaines catégories de cas, pour d’autres raisons. »

L’option retenue en 2011 d’un texte préservant l’entier pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative sur chacun des cas d’interdiction de retour a été privilégiée parce qu’elle apparaissait de nature à opérer une conciliation des exigences constitutionnelles en jeu, particulièrement celle d’obligation de transposition et celle de proportionnalité et d’individualisation des peines.

Considérant, à cette date, l’existence d’un débat non encore clairement tranché sur la nature de l’interdiction de retour – mesure de police ou sanction ? – et le risque constitutionnel en résultant, la loi a ouvert sans distinction le pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative sur le prononcé de l’interdiction de retour sans distinction des motifs de la mesure à ce stade. Depuis l’adoption de la loi par le Parlement, cette question a été éclaircie : l’interdiction de retour n’est pas une sanction. On rappellera que le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision du 9 juin 2011 « que l'interdiction de retour dont l'obligation de quitter le territoire peut être assortie constitue une mesure de police et non une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration [des Droits de l’Homme et du Citoyen] de 1789 ; que, dès lors, le grief tiré de la violation de cette disposition est inopérant » (cons. 52) ; « que la mesure ainsi instituée n'est pas manifestement incompatible avec l'article 11 de la directive 2008/115/CE qu'elle a pour objet de transposer » (cons. 55)35.

Sur l’application de cette mesure, il y a lieu de constater que l’interdiction de retour sur le territoire français n’est aujourd’hui que rarement prononcée.

Nombre d’interdictions de retour (IR) prononcées sur le fondement du III de l’article L. 511-1

depuis son entrée en vigueur le 18 juillet 2011 :

 

Nombre d’OQTF « L. 511-1 »

Nombre d’IR

% d’OQTF

assorties d’IR

2e sem. 2011*

38 916*

4 271*

10,97 %*

2012

82 535

5 393

6,53 %

2013

79 305

1 515

1,91 %

* L’interdiction de retour, créée par la loi du 16 juin 2011, est entrée en vigueur le 18 juillet 2011.

Certaines circonstances ont indirectement contribué à cette réticence administrative. L’impossibilité d’inscrire au fichier des personnes recherchées les étrangers faisant l’objet de cette mesure jusqu’à la publication du décret n° 2013-745 du 14 août 2013 modifiant le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées (intervenue tardivement en raison de la consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du nombre important de ministères intéressés par ce décret) n’a certes pas contribué à lui donner un effet opérationnel utile susceptible d’inciter les préfectures à généraliser son prononcé.

La Commission a par ailleurs signalé une imprécision dans la transposition des cas de prononcé de l’interdiction de retour de nature à, fragiliser la mise en œuvre de cette mesure.

3.4.2.2 Objectif poursuivi et option retenue : clarifier les cas d’application de l’interdiction de retour

Il importe aujourd’hui de reconsidérer l’option retenue en 2011, dès lors que sa rédaction altère le caractère de principe de l’interdiction de retour dans les cas de refus de délai de départ ou de violation de ce délai.

Si le prononcé de l’interdiction de retour est bien possible dans tous les cas de prononcé d’une OQTF, la loi ne peut, sans méconnaître la portée de l’article 11 § 1, ouvrir sans nuance un égal pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente sur chacun de ces cas, y compris les cas de refus de délai de départ volontaire ou de non- respect de ce délai.

En effet, si la directive ouvre bien la possibilité de dispense de l’interdiction de retour dans tous les cas, y compris les cas visés à l’article 11 § 1, le deuxième alinéa de l’article 11 § 3 réserve cette dispense, s’agissant des hypothèses prévues à l’article 11 § 1, au titre d’exception dans des cas particuliers justifiés par des circonstances humanitaires. Dans les cas prévus à l’article 11 § 1, l’autorité administrative doit discerner les cas particuliers où des circonstances humanitaires justifient l’exception au principe de l’interdiction de retour.

Mais l’obligation de transposer fidèlement doit être bien comprise : en aucun cas, elle n’affecte l’exigence d’un examen individuel et global de proportionnalité qui s’impose dans tous les cas. Simplement, dans les cas de refus du délai de départ volontaire, cet examen est déplacé, en amont, à l’occasion du refus de délai de départ volontaire et dans tous les cas, il s’impose sur la durée de la mesure d’interdiction.

L’option retenue consiste à corriger la rédaction du III de l’article L. 511-1 pour y introduire une rédaction claire des cas d’application de l’interdiction retour en conformité avec la directive, réservant explicitement l’exception humanitaire.

Elle répond directement à la volonté d’améliorer la fidélité de notre transposition de la directive à laquelle la Commission européenne nous a invité. On se bornera à rappeler que cette mesure constitue l’une des composantes de l’approche intégrée que l’Union européenne entend développer pour réaliser l’objectif général d’harmonisation d’une gestion efficace des flux migratoires et qu’elle constitue, en quelque sorte, l’élément de compensation de la priorité affirmée au retour volontaire.

3.4.1 Garantir des mesures efficaces dans un espace européen de libre circulation (article 15)

3.4.1.1 Diagnostic et état du droit

La lutte contre l’immigration irrégulière s’inscrit dans un espace de libre circulation dans lequel les Etats membres partagent la responsabilité de l’application des mesures permettant la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Par quelques dispositions de clarification ou d’actualisation, le présent projet de loi répond d’ores et déjà à cet objectif. Il assure ainsi le redressement des formulations et références à l’application de l’acquis de Schengen, impropres ou obsolètes, afin de prendre en compte la refonte d’ensemble opérée en 2013.

Les précisions ajoutées sur les conditions d’application de l’interdiction de retour en conformité avec la directive retour y participent également. L’interdiction de retour n’est pas applicable aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et les membres de leur famille bénéficiaires de la liberté de circulation et du droit de séjour en résultant. Pour autant, ils sont astreints par le droit de l’UE, particulièrement par la directive 2004/38/CE relative à leurs conditions d’entrée et de séjour sur le territoire des Etats membres, à respecter les fondements mêmes de cette liberté de circulation. Ils y portent directement atteinte par un comportement menaçant la sécurité intérieure mais aussi par des pratiques intentionnellement abusives et frauduleuses.

Nombre d’OQTF prononcées sur le fondement de l’article L. 511-3-1

à l’encontre de citoyens de l’Union européenne :

 

Nombre d’OQTF prononcées

2012

11 877

2013

10 487

NB. Les outils statistiques ne permettent pas de distinguer selon que l’OQTF a été prise sur le fondement du 1°, 2° ou 3° de l’article L. 511-3-1 du CESEDA.

- La libre circulation se trouve mise en question, faute de mesure efficace.

La libre circulation, acquis fondamental de la construction européenne, est fragile. Le constat est partagé de certains abus et dévoiements consistant notamment dans des formes particulières de délinquance au sein desquelles l’action de réseaux organisés a été établie.

La Commission européenne a elle-même36 appelé les Etats membres à mettre en œuvre de manière effective les mesures autorisées par l’article 35 de la directive 2004/38/CE.

Courant 2013, plusieurs Etats membres ont suggéré des amendements à cette directive visant à y introduire un certain conditionnement de l’exercice de la libre circulation et du droit de séjour en résultant. En s’opposant à cette initiative, le gouvernement français a exprimé sa volonté de préserver le principe de libre circulation. La directive de 2004 ouvre des possibilités aux Etats membres de contrer de manière efficace les possibles détournements de la libre circulation.

La Commission a pour sa part confirmé sa position : la directive de 2004 autorise les Etats membres à refuser ou retirer le droit de circulation et de séjour lorsque le comportement personnel de la personne représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société, du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics. Dans ce cas, les mesures d’éloignement mises en œuvre peuvent être accompagnées d’interdiction de circulation sur le territoire de l’Etat membre auteur.

Elle a sans ambiguïté confirmé la nécessité d’une action efficace des Etats membres pour lutter contre les pratiques abusives passant par des mesures limitatives ou restrictives de la libre circulation :

« Les règles de l’Union en matière de libre circulation permettent aux États membres de prendre des mesures effectives de lutte contre les abus et fraudes en limitant les droits conférés par la directive, notamment en refusant ou en annulant ces droits. »

« Dans les cas où le droit à la libre circulation est exercé de manière abusive ou obtenu de manière frauduleuse, les personnes pourront être considérées comme une menace grave pour l’ordre public, justifiant un éloignement et, dans certains cas, une interdiction de réadmission, en fonction de la gravité de l’infraction. »37

L’effet utile de la directive 2004/38/CE commande d’introduire les mesures efficaces qu’elle prévoit.

Le droit en vigueur ne transpose pas l’interdiction de circulation qu’autorise la directive de 2004 (art. 15 § 3) dans des cas qu’il importe de rappeler. Cette mesure ne concerne pas les ressortissants des Etats membres dont le droit au séjour ne peut être maintenu parce qu’ils ne réalisent pas les conditions de séjour posées par le droit de l’Union européenne. En d’autres termes, l’application d’une mesure restrictive de circulation est exclue lorsque la personne en cause peut être obligée de quitter le territoire d’un Etat membre parce qu’elle n’y justifie pas des conditions socio-économiques requises.

Mais la directive prévoit qu’une interdiction d’entrée peut assortir la mesure d’éloignement prononcée pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique et en précise les conditions d’application (art. 15 § 3 a contrario et art. 32).

La directive identifie très clairement la notion d’abus de droit qui se distingue fondamentalement des cas de non-réalisation des conditions de séjour et du concept européen de « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale d’un Etat membre ». La Commission inclut explicitement les pratiques de détournement de la libre circulation dans le champ des mesures efficaces dont elle réclame l’application en conformité avec la directive.

Enfin la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, dans un arrêt de Grande chambre du 25 juillet 2008 (aff. C-127/08, Métock), que « conformément à l’article 35 de la directive 2004/38, les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par cette directive en cas d’abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de complaisance, étant entendu que toute mesure de cette nature doit être proportionnée et soumise aux garanties procédurales prévues par ladite directive » (§ 75). La Cour de Luxembourg a ainsi clairement rappelé que l’abus de droit pouvait de manière autonome justifier l’application d’une mesure restrictive de la libre circulation dans le respect des principes de proportionnalité et des garanties procédurales prévues par le droit de l’Union.

L’abus de droit se caractérise donc, comme l’a rappelé la Commission dans sa communication précitée du 25 novembre 2013, comme « un comportement artificiel adopté dans le seul but d’obtenir le droit de circuler et de séjourner librement en vertu du droit de l’Union qui, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’UE, n’atteint pas l’objectif poursuivi par cette réglementation ».

3.4.1.2 Objectifs poursuivis et option retenue

La transposition de la directive s’impose pour faire respecter de manière effective les principes qui sous-tendent la libre circulation des citoyens de l’Union européenne et lutter efficacement contre les fraudes et les filières qui reposent directement sur des pratiques de détournement.

- L’option retenue consiste à créer la base légale d’une interdiction de circulation pour répondre plus efficacement aux situations dans lesquelles le comportement d’un citoyen de l’UE ou d’un membre de sa famille constitue une menace pour l’ordre et la sécurité publics ou un abus de droit. Il s’agit, en parfaite conformité avec la directive 2004/38/CE, d’ouvrir dans cette hypothèse la possibilité d’assortir l’OQTF prévue à l’article L. 511-3-1 d’une interdiction temporaire de circulation, nécessairement circonscrite au territoire français.

Le projet comprend également un dispositif d’abrogation de cette mesure et rappelle explicitement l’obligation pesant sur l’autorité administrative d’apprécier le prononcé de cette mesure en tenant compte au cas par cas de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France et l'intensité de ses liens avec son pays d'origine.

- Dans la même logique, le projet de loi ouvre par ailleurs la possibilité d’appliquer les dispositions du 3° de l’article L. 511-3-1, relatif à l’OQTF au motif d’une menace pour l’ordre public aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et aux membres de leur famille sans considération de leur antériorité de séjour en France.

Le texte en vigueur est réducteur sans justification objective. La directive de 2004 ne restreint en effet aucunement la possibilité du prononcé d’une OQTF pour ce motif aux seuls citoyens de l’UE entrés en France depuis moins de trois mois. Le motif d’ordre public peut s’apprécier dès l’entrée et sur toute la durée du séjour, sous la seule réserve des conditions de son appréciation au cas par cas et de la protection résultant de l’accès au droit de séjour permanent des citoyens de l’Union européenne, prévue au 11° de l’article L. 511-4 du CESEDA.

3.4.1.3 Modalités de mise en œuvre

Cette mesure nécessitera un décret en Conseil d’Etat, modifiant la partie réglementaire du CESEDA, particulièrement le livre V, afin notamment de préciser l’autorité compétente pour prendre une interdiction de circulation sur le territoire français applicable à un citoyen de l’Union européenne.

3.5 La lutte contre la fraude

3.5.1 Lutter plus efficacement contre les fraudes (article 25)

Le démantèlement des réseaux est un devoir de l’Etat. A cette fin, les échanges entre les services des préfectures, opérationnels et l’autorité judiciaire sont intensifiés. Mais une détection efficace des fraudes, notamment documentaires, suppose la possibilité d’échanges entre les services de l’administration compétents et les personnes publiques ou privées susceptibles de détenir les éléments d’information indispensables à l’authentification d’un document. La protection des libertés individuelles impose l’encadrement législatif de tels échanges. Le présent projet répond à cette exigence fondamentale en définissant précisément leur cadre juridique.

3.5.2 Sanctionner efficacement les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations (article 28)

Le projet de loi double le montant des amendes qui, sur le fondement des articles L. 625-1, L. 625-4 et L. 625-6 du CESEDA, peuvent être appliquées aux entreprises de transport des personnes aérien, routier ou maritime qui exploitent des liaisons internationales en provenance d’un Etat tiers (précisément d’un Etat avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen). Ces entreprises ont en effet la responsabilité de vérifier que leurs passagers sont bien en possession de documents de voyage et, le cas échéant, du visa requis. Ce renforcement de la sanction répond directement à une préconisation de l’inspection générale de l’administration dans un objectif d’efficacité.

Sur la base de ces mêmes recommandations, le projet de loi supprime le dispositif de numérisation prévu à l’article L. 625-3 qui n’a pas démontré son efficience.

- Modalités de mise en œuvre

Cette dernière mesure nécessitera un décret en Conseil d’Etat, modifiant la partie réglementaire du CESEDA, en conséquence de l’abrogation de l’article L. 625-3, afin d’abroger les articles R. 625-5 à R. 625-13 pris pour son application.

3.5.3 Lutter contre le délit d’entrée irrégulière dans les outre-mer (article 26)

3.5.3.1 Diagnostic et état du droit

Le I de l’article L. 622-10 du CESEDA habilite le procureur de la République à ordonner, en Guyane, la destruction des embarcations fluviales non immatriculées ayant servi à commettre les infractions visées aux articles L. 622-1 et L. 622.2 de ce code.

Pour les mêmes motifs, le II de l’article L. 622-10 habilite le procureur de la République en Guyane, mais aussi en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, pour ordonner l’immobilisation des véhicules terrestres et des aéronefs par la neutralisation de de tout moyen technique indispensable à leur fonctionnement.

La constitutionnalité de ces dispositions est aujourd’hui très fragilisée au regard des précisions apportées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 (M. Antoine H.). Par cette décision, le Conseil constitutionnel a en effet considéré la non-conformité à la Constitution de l’absence de toute voie de recours sur la décision du procureur de République prise sur le fondement de l’article 41-4 du code de procédure pénale lui permettant d’ordonner, au cours d’une enquête, la destruction de biens meubles saisis lorsque, d’une part, la conservation des biens n’est plus utile à la manifestation de la vérité et, d’autre part, il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles ou dont la détention est illicite.

Si le contexte juridique est autre s’agissant des biens visés par les dispositions de l’article L. 622-10 du CESEDA, ce texte ne prévoit cependant pas l’information des propriétaires supposés des biens et ne leur ouvre aucune possibilité de contester la décision du procureur de la République.

L’ordonnance du 26 avril 2000 abrogée par l’ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation du CESEDA à Mayotte, comportait dans son article 28 un dispositif similaire autorisant la confiscation de tout véhicule ayant servi à commettre l'infraction d’aide au séjour irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne.

3.5.3.2 Objectifs et options retenues

L’article 26 du projet de loi poursuit donc deux objets :

- il s’agit d’abord d’assurer la conformité constitutionnelle des dispositions de l’article L. 622-10 du CESEDA. Le texte est donc complété par des dispositions instituant des voies de recours contre les décisions prises dans les collectivités d’outre-mer citées à l’article L. 622-10 : les décisions d’immobilisation peuvent être contestées selon les règles prévues à l’article 41-4 du code de procédure pénale, tandis qu’un recours suspensif est ouvert devant le président de la chambre de l’instruction contre les décisions de destruction ;

- il s’agit par ailleurs d’uniformiser le dispositif, ainsi complété par des voies de recours, pour l’ensemble des collectivités d’outre-mer concernées.

3.5.4 Harmoniser les contrôles dans les départements et collectivités français d’Amérique (article 24)

3.5.4.1 Diagnostic et état du droit

L’article L. 611-11 du CESEDA  permet en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, de procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République, à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique, à l'exclusion des voitures particulières, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents prévus à l'article L. 611-1 ou de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France.

Par ailleurs, l’article 78-2 du code de procédure pénale autorise en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, par dérogation aux principes régissant les contrôles d’identité, de procéder à des contrôles de toute personne sans réquisition du procureur de la République, dans certaines zones définies par la loi.

Pour toutes les collectivités citées, il s'agit de la « zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà » à laquelle s'ajoute, pour la Guadeloupe, la « zone d'un kilomètre de part et d'autre » de certaines voies de circulation importantes et clairement identifiées.

Ces adaptations ne s’appliquent pas à la Martinique, qui connaît pourtant une immigration clandestine, provenant principalement de Sainte-Lucie et d'Haïti. Comme en Guadeloupe, cette immigration utilise essentiellement la voie maritime. Les candidats à l'immigration en provenance d'Haïti empruntent le trajet aérien Haïti-Dominique via Saint-Domingue, puis tentent de rejoindre la Martinique par mer.

Les services locaux de l'Etat en Martinique constatent ainsi la nécessité pour les services de police et de gendarmerie de disposer également de cet outil de contrôle adapté aux caractéristiques géographiques et aux modalités principales d'entrée irrégulière de ressortissants étrangers sur le territoire des collectivités ultramarines des Antilles, à savoir la voie maritime. Le dispositif juridique s'inscrira par ailleurs en cohérence avec le projet de déploiement local de radars, dans le cadre général de l'amélioration de la surveillance des approches maritimes y compris en matière de lutte contre les trafics illicites dont ceux de stupéfiants.  L'harmonisation des dispositifs de contrôle applicables  dans les départements et collectivités françaises d'Amérique paraît également susceptible de prévenir tout comportement "d'optimisation" de la part des auteurs d'infraction.

3.5.4.2 Objectif et option retenue

L’article 24 étend à la Martinique les adaptations déjà prévues à l’article L. 611-11 du CESEDA et à l’article 78-2 du code de procédure pénale.

Le choix des axes de contrôle retenus en Martinique [décrits sur la carte infra], correspond, d'une part, à l'insularité de la collectivité (bande littorale), et, d'autre part, aux voies structurantes où un contrôle apparaît prioritaire. Ces voies ne sont elles-même que peu incluses, en Martinique, dans la bande littorale (la Martinique se trouvant dans une situation différente de la Guadeloupe quant à la configuration du réseau routier

3.6 Impact de la loi

3.6.1 Prise en compte du handicap

Le présent projet de loi est sans impact spécifique sur le handicap.

3.6.2 Impacts en termes d’égalité entre les femmes et les hommes

Le présent projet de loi est sans impact spécifique sur les droits des femmes.

3.6.3 Impacts juridiques et contentieux

Le contentieux des étrangers demeure le principal contentieux auquel est confrontée la juridiction administrative : devant les tribunaux administratifs, 32,11 % des affaires relevaient du droit des étrangers en 2013, contre 28,88 % l’année précédente38.

Dans ce contentieux, celui de l'éloignement a pris une importance particulière depuis la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, en raison de la complexité introduite par cette loi : en particulier, la loi a créé de nouvelles décisions susceptibles d’accompagner l’OQTF et susceptibles elles-mêmes de recours devant le juge administratif. Les exigences de motivation se sont alourdies avec un risque contentieux majoré.

Le contentieux des OQTF présente ainsi des caractéristiques particulières39 :

- un taux de satisfaction relativement élevé des étrangers devant le tribunal administratif, puisque ce taux est passé de 25,4 % en 2011 à près de 31,2 % en 2012 ;

- un taux d'appel élevé des décisions ;

- une diminution du taux de réformation en appel : en 2012, 83 % des jugements sont confirmés par les cours administratives d'appel ;

- une augmentation du taux de succès de l'administration en appel, sur la période 2010/2012.

Ces quelques éléments témoignent par eux-mêmes des difficultés d’appropriation par l’ensemble de ses usagers d’un cadre juridique dont la complexité s’est notoirement accrue.

Le risque contentieux et les charges en résultant pour les préfectures induisent une réticence dans l’application de ces mesures, qui génèrent un contentieux abondant et délicat. Il en est ainsi de l’interdiction de retour40 soumise à une obligation de motivation particulièrement exigeante.

Le titre II du projet de loi prend acte de ces complexités de l’état de droit et entend notamment réorganiser le cadre juridique applicable aux étrangers en situation irrégulière dans un objectif global de clarification. La sécurisation des procédures administratives au regard du risque contentieux est au cœur de ce dispositif.

En parachevant la transposition de la directive retour sur les aspects qui avaient donné lieu à des interrogations de la Commission européenne, le projet de loi lève toute ambiguïté sur la fidélité de la transposition. Au-delà des exigences européennes, le titre II du projet de loi précise et simplifie le cadre juridique de l’éloignement dans un objet de prévention des contentieux.

Le projet de loi opère une conciliation équilibrée entre l’efficacité des procédures administratives et la protection des libertés individuelles.

Il opère une réforme essentielle au développement effectif de la priorité de la mesure d’assignation à résidence alternative à la rétention en habilitant l’autorité administrative, dans le cadre de l’assignation à résidence, à requérir la force publique pour des missions de simple escorte ou, sur autorisation expresse du JLD susceptible de recours, d’interpellation au domicile.

Il s’agit de créer pour la première fois dans le droit de l’éloignement, un cadre juridique habilitant l’autorité administrative sous le contrôle de l’autorité judiciaire à poursuivre l’exécution d’office d’une mesure d’éloignement hors du cadre privatif de liberté de la rétention.

Le titre II du projet de loi institue par ailleurs une procédure particulière pour les OQTF dans les cas prévus aux 1°, 2°, 4° et 6° du I de l’article L. 511-1 du CESEDA, qui peut être regardée comme étant susceptible d’avoir un impact négatif sur la juridiction administrative et, en particulier, les tribunaux administratifs.

Il est toutefois possible, sans le mésestimer à l’excès, de le relativiser fortement pour les raisons suivantes :

- en premier lieu, la formule du juge statuant seul retenue par l’article 14 du projet de loi, assortie d’un délai d’un mois pour statuer, doit permettre aux juridictions concernées de juger le contentieux en cause, alors qu’est assuré par ailleurs un certain nombre de garanties pour les justiciables (le cas échéant, interprétariat et avocat commis d’office) ;

- en deuxième lieu, l’office du juge de ces OQTF n’est pas d’une complexité telle qu’elle puisse justifier, dans bon nombre de cas, le recours à une formation collégiale, alors que, par ailleurs, la jurisprudence est considérée comme bien établie quant à l’office du juge de l’OQTF et qu’un renvoi en formation collégiale est toujours possible ;

- en troisième lieu, la réforme a également pour effet de revenir à la situation antérieure à la réforme introduite en 2011 : avant cette dernière réforme, ces différents cas d’OQTF relevaient de cas de reconduite à la frontière, mesure justiciable d’une procédure à juge unique ;

- enfin, la réforme envisagée est une réponse équilibrée, compte tenu des moyens que confère à la puissance publique l’état du droit. Sans vouloir recourir de manière systématique aux mesures de surveillance (assignation à résidence ou rétention), ce qui aurait pour effet d’actionner davantage le « juge des 72 heures », le Gouvernement propose une voie médiane – la création d’une procédure juridictionnelle propre aux OQTF concernées – afin de participer à une maîtrise globale des délais en matière d’asile.

Le titre II garantit enfin l’effectivité du contrôle juridictionnel dans les outre-mer.

Il répond directement aux exigences rappelées par la Cour européenne des droits de l’homme d’effectivité des recours dans les collectivités d’outre-mer régies par les dispositions de l’article L. 514-1 du CESEDA.

L’extension du recours suspensif de plein droit n’est ni requis ni envisageable en considération du nombre de mesures d’éloignement prononcées dans ces collectivités d’outre-mer soumises à une pression migratoire exceptionnelle. Le risque d’engorgement et de paralysie de la juridiction administrative et les charges en résultant sont évidents.

Le dispositif retenu concilie l’effectivité du recours et les nécessités d’adaptation du dispositif contentieux dans ces collectivités d’outre-mer. Il garantit la suspension de l’exécution de l’éloignement au cas d’introduction d’un référé liberté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative jusqu’à ce que le juge des référé des référés ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique en application du deuxième alinéa de l’article L. 522-1 du même code, et, si les parties ont été informées d’une telle audience, jusqu’à que le juge n’ait statué sur la demande.

3.6.4 Impacts budgétaires

La rétention administrative représente une part considérable dans cette action.

Le coût global de la rétention administrative (fonctionnement hôtelier des CRA/LRA/ZA, frais d’interprétariat, entretien immobilier des CRA/LRA, accompagnement juridique et humanitaire des retenus, accompagnement sanitaire des retenus, laisser passez consulaires) a en effet atteint en 2013 : 37,95 M€, soit 58,77 % des dépenses totales de l’action « lutte contre l’immigration irrégulière » ; le reste des dépenses concerne l’investissement pour 3,28 M€ (5,08 %), l’éloignement pour 22,85 M€ (35,41 %), et l’assignation à résidence pour 0,47 M€ (0,74 %).

Le coût par retenu (hors investissement et éloignement) a été en 2013 de 1 846 € (20 554 retenus).

Au cœur du titre II du projet de loi figure précisément un objectif de réduction de l’application de cette mesure privative de liberté.

Les dépenses de l’assignation à résidence ont atteint en 2013 (1 618 assignations contre 904 en 2012) un montant de 0,47 M€, le coût journalier pour un couple (en général en structure hôtelière avec pension complète le cas échéant, ou centre d’hébergement, ou domicile des intéressés) variant d’un département à l’autre de 60 à 100 €.

Le coût moyen par assignation l’an passé a été de 294 €. En comparaison du coût moyen par retenu de 1 846 €, celui de l’assignation est moins élevé mais tel qu’il est comptabilisé il n’intègre aucun frais d’assistance humanitaire et sanitaire.

Il serait donc réducteur de déduire de la seule affirmation du principe de l’AAR et des dispositions relatives à sa mise en œuvre la perspective d’une économie budgétaire. L’équation est plus complexe car il est incontestable que l’assignation à résidence est également coûteuse par les charges qu’elle induit nécessairement, notamment pour l’hébergement en structure hôtelière de familles.

Le recours accru à l’assignation à résidence en 2014 montre déjà sur les trois premiers mois une consommation de 57 % de la dotation 2014.

Mais il importe de considérer l’impact du projet de loi dans une vision globale.

La volonté affirmée de développement de l’AAR s’accompagne d’un ensemble de mesures destinées à sécuriser les procédures dans une préoccupation constante d’efficacité des procédures administratives engagées et de prévention des risques contentieux. Ce volet important du projet de loi a une incidence évidente et immédiate sur le coût global des actions de lutte contre l’immigration irrégulière. Il s’agit globalement de réduire les charges vaines résultant du pourcentage des procédures engagées et non exécutées.

Le Gouvernement entend par ailleurs poursuivre activement la réflexion et l’action qu’il a engagées, et qui ne relèvent pas du domaine législatif, pour limiter les dépenses liées à la rétention et à l’assignation à résidence.

3.7 Modalités d’application de la réforme

3.7.1 Application dans le temps

Sous réserve de l’évolution du projet lors des débats parlementaires, les articles 14, 15, 22, 23, 26, 27, 29 et 30, subordonnés à la publication de décrets d’application, entreront en vigueur aux dates prévues par ces décrets.

Les articles 16 à 21, 24 et 28 sont d’entrée en vigueur immédiate.

Enfin, des dispositions transitoires sont prévues à l’article 31, afin que les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière pris sur le fondement de l’article L. 533-1 abrogé par l’article 14, restent applicables et puissent être jugés selon les règles prévues pour les décisions d’obligation de quitter sans délai le territoire français.

3.7.2 Application dans l’espace

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à l’exception de ses dispositions concernant le droit d’asile, n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. L’article 34 habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à des mesures d’adaptation de la présente loi à ces collectivités.

Ces collectivités d’outre-mer étant, au regard du droit européen, des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) et ne faisant pas partie de l’espace Schengen, les modifications du CESEDA sont donc conformément à son article L. 111-2 applicables en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

3.7.3 Consultations

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel a été saisi du projet de loi sur lequel il a rendu un avis le 10 juin 2014.

Le Conseil national de l’aide juridique, saisi de l’article 15 du projet de loi, a rendu un avis le 27 juin 2014.

Il n’y a pas eu lieu de procéder à d’autres consultations.

3.7.4 Textes d’application

A titre prévisionnel et sans préjudice des modifications de coordination nécessaires, il apparaît nécessaire, en vue de l’application de la loi, de prendre plusieurs décrets.

Le premier, pris en Conseil d’Etat, modifiera la partie réglementaire du CESEDA, particulièrement le livre V, afin notamment de :

- préciser les modalités de notification des interdictions de retour suite à la modification de l’article L. 511-1 du CESEDA,

- en coordination de l’abrogation de l’article L. 533-1, supprimer les dispositions faisant référence à l’arrêté de reconduite à la frontière,

- préciser la procédure devant le juge des libertés et de la détention prévue à l’article L. 513-5 nouveau du CESEDA,

- déterminer les conditions d’accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention administrative,

- préciser les modalités des recours prévus au IV de l’article L. 622-10 modifié,

- en conséquence de l’abrogation de l’article L. 625-3, abroger les articles R. 625-5 à R. 625-13 pris pour son application.

Le deuxième, également pris en Conseil d’Etat, modifiera la partie réglementaire du code de justice administrative, particulièrement le titre VII du livre VII, pour modifier le chapitre VI relatif aux contentieux des obligations de quitter le territoire français et des arrêtés de reconduite à la frontière, notamment en coordination avec la suppression de cette dernière mesure.

Enfin, les décrets n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et n° 91-1369 du 30 décembre 1991 fixant les modalités dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique seront modifiés en coordination.

Il en sera de même du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées. 

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4 DISPOSITIONS RELATIVES A L’OUTRE-MER (TITRE III)

Le titre III comprend diverses dispositions relatives à l’outre-mer : la ratification de l’ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (partie législative), une grille de concordance entre le droit national et le droit applicable à Mayotte sur certaines dispositions applicables aux ressortissants étrangers, une disposition habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance à des mesures d’adaptation aux collectivités d’outre-mer de la présente loi. Ces dispositions n’appellent pas de développement dans le cadre de l’étude d’impact.

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Index des sigles utilisés

AAR Assignation à résidence

APRF Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière

CAAS Convention d’application des accords de Schengen

CEDH Cour européenne des droits de l’homme

CESEDA Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

CJUE Cour de justice de l’Union européenne

CRA Centre de rétention administrative

JLD Juge des libertés et de la détention

LRA Local de rétention administrative

OFII Office français de l’immigration et de l’intégration

OQTF Obligation de quitter le territoire français

RPT Ressortissant de pays tiers

SIS Système d’information Schengen

UE Union européenne

ZA Zone d’attente

1 Les étrangers ayant suivi leur scolarité dans un établissement secondaire français à l’étranger pendant au moins trois ans et ayant suivi des études supérieures d’une durée au moins égale à une année, sont dispensés de la signature de ce contrat sur présentation de documents attestant de la réalité de ces études (art. R. 311-19 du CESEDA)

2 Virginie Jourdan, Les femmes immigrées signataires du CAI en 2009,Ministère de l’Intérieur, Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, Infos migrations, Etude, Numéro 22, avril 2011, p.3. « Les femmes qui, avant la migration, étaient principalement actives (64 % des femmes) sont moins nombreuses sur le marché du travail mais restent toutefois majoritaires à travailler ou rechercher un emploi (53 %). 37 % des femmes sont désormais femmes au foyer. Ainsi, certaines femmes, qui avant leur migration, travaillaient ou étaient au chômage sont devenues inactives. »

3 Ibid. p.6.

4 Ibid. p.4

5 « Art. L. 313-1- La durée de validité de la carte de séjour temporaire ne peut être supérieure à un an et ne peut dépasser la durée de validité des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1 du présent code. […] ».

6 Circulaire IMII0800042C du 7 octobre 2008 Etudiants étrangers – Caractère réel et sérieux des études.

7 Circulaire INTV1314643C du 10 juin 2013 relative aux modalités de délivrance des titres de séjour pluriannuels prévus à l’article L. 313-4 du CESEDA.

8 Arrêté du 10 février 2014 relatif au montant du salaire brut moyen annuel de référence pour la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « carte bleue européenne ».

9 Les conjoints bénéficient de titres de séjour "vie privée et familiale" de même durée que celle du travailleur.

10 Rapport IGA, L’accueil des ressortissants étrangers en préfecture.

11 Circulaire NOR INTV1316280C du 25 juin 2013 relative aux conditions de renouvellement des titres de séjour.

12 Art. R. 311-4 CESEDA « Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce récépissé est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 311-10, de l'instruction de la demande. […] »

13 Rapport « Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France », Matthias FEKL, mai 2013.

14 « Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, […] »

15 Tableau n°21, p. 55-56 in Les données de l’immigration professionnelle et étudiante – Document préparatoire au débat au Parlement, avril 2013, Ministère de l’intérieur.

16 INED, C. Hamel, « Immigrées et filles d’immigrés: le recul des mariages forcés », numéro de juin 2011 de Population & Sociétés, p1-2.

17 Dans sa rédaction issue de l’article 25 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, l’intégration et la nationalité.

18 Données OCDE 2010.

19 Cf. Les données de l’immigration professionnelle et étudiante, Document préparatoire au débat au Parlement, Avril 2013.

20 La liste des diplômes est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’immigration et de l’enseignement supérieur.

21 Compte-rendu analytique officiel du 24 avril 2013, Sénat et Compte-rendu intégral du 13 juin 2013, Assemblée Nationale, Débat sur l’immigration étudiante et professionnelle.

22 Cette distinction prévalait avant la loi du 24 juillet 2006.

23 Art. R. 313-22 : « […] L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. »

24 Le CESEDA indiquait alors au 11° de l’article L. 313-11 : « […] sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire […]. »

25 Voir en écho CJUE, arrêt Achughbabian c/ France, 6 décembre 2011, aff. C-329/11, § 43 : « le devoir des États membres (…) de prendre toute mesure propre à assurer l’exécution des obligations résultant de la directive 2008/115 et de s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de celle-ci. Il importe que les dispositions nationales applicables ne soient pas susceptibles de compromettre la bonne application des normes et des procédures communes introduites par ladite directive ».

26 Par décret du Premier ministre du 24 décembre 2012, publié au Journal officiel de la République française du 4 janvier 2013, M. Fekl, député de Lot-et-Garonne, a été nommé parlementaire en mission auprès du ministre de l’intérieur.

27 Cass., 28 mars 2012, pourvoi n° 11-30454, publié au bulletin.

28 Voir ainsi l’article 8 (1) de la directive retour : « Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7. »

29 CEDH, 15 octobre 2013, req. n° 34529/10, Gutsanovi c/ Bulgarie.

30 Voir notamment CEDH, Schweizerische Radio une Fernsehgesellschaft SRG c/ Suisse, req. n° 34124/06.

31 Voir l’avis du Conseil d’Etat du 10 octobre 2012, n° 360317, mentionné aux tables du recueil Lebon.

32 Art. 3 de la directive retour § 3 et 4 – Définitions

3) « retour » : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer — que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

— son pays d’origine, ou

— un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

— un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

4) « décision de retour» : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ; »

33 CE, 23 juin 2011, n° 350136 ; 27 juin 2011, n° 350207, mentionnée aux tables du recueil Lebon.

34 Art. 11 de la directive retour § 1

1. Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée

a) si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire ou

b) si l’obligation de retour n’a pas été respectée

Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée.

35 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011.

36 Dans sa communication définissant les lignes directrices destinées à améliorer la transposition de la directive 2004/38/CE, la Commission rappelé que les « justiciables ne sauraient abusivement ou frauduleusement se prévaloir des normes communautaires et que l’article 35 [de la directive] autorise les Etats à adopter des mesures effectives et nécessaires pour lutter contre les abus et les fraudes dans les matières relevant du droit de l’UE en refusant ou retirant tout droit conféré par la directive en cas d’abus de droit ou de fraude ».

37 Communication au Parlement et au Conseil (COM (2013) 837) du 25 novembre 2013.

38 Bilan d’activité du Conseil d’Etat 2013.

39 Rapport sur le projet de loi de finances 2013.

40 Au mois de juin 2012, 8754 interdictions de retour ont été prononcées sur les 77 323 OQTF, soit 11,32 % des cas. Mais si la période considérée est étendue à juin 2013, ce taux n'atteint que 6,56 % des cas.


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