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PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché

en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales

NOR : MAEJ1614795L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I- Situation de référence

L’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que « l’action de l’Union, qui complète les politiques nationales, porte sur l’amélioration de la santé publique et la prévention des maladies. Cette action comprend notamment la lutte contre les menaces transfrontières graves sur la santé ».

En réaction aux critiques qui se sont élevées sur la gestion de la pandémie grippale H1N1 de 2009, le Conseil de l’UE a invité la Commission européenne en 20101 à élaborer un mécanisme de passation conjointe de marché concernant les vaccins et les médicaments antiviraux qui permette aux États membres, sur une base volontaire, de mettre en place des approches communes en matière de négociation de contrats avec l’industrie, approche qui inclurait les questions relatives à la responsabilité, à la disponibilité et au prix des médicaments, ainsi qu’à la confidentialité.

Initialement centrée sur les capacités d’acquisition communes des vaccins pandémiques, la démarche pilotée par la Commission s’est rapidement inscrite dans un cadre plus global de préparation et de lutte contre les menaces transfrontières graves sur la santé, désormais consacré par la décision du Parlement et du Conseil nº 1082/2013/UE du 22 octobre 2013 relative aux menaces transfrontières graves sur la santé et abrogeant la décision n° 2119/98/CE2.

L’accord relatif à la passation conjointe de marché en vue de l’acquisition de contre-mesures médicales qui en résulte a été signé le 22 septembre 2015 pour la France par Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Il représente l'application directe des recommandations issues des rapports relatifs à la pandémie grippale de 2009 (cf. le rapport de la Cour des comptes sur la campagne de lutte contre la grippe A-H1N13, ainsi que le rapport de la commission d’enquête du Sénat de juillet 2010 sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A-H1N14).

II- Objectifs de l’accord

L’objectif du présent accord est de permettre aux États membres et à la Commission européenne d’engager une procédure conjointe de passation de marché en vue de l’achat anticipé de contre-mesures médicales relatives à des menaces transfrontières graves sur la santé.

La passation conjointe de marché devrait renforcer la puissance d’achat des parties contractantes et garantir un accès équitable aux contre-mesures médicales contre les menaces transfrontières graves sur la santé.

Les contre-mesures concernées désignent « tout médicament, dispositif médical ou autre bien ou service destiné à la lutte contre des menaces transfrontières graves sur la santé au sens de la décision nº 1082/2013/UE ».

Selon la décision n° 1082/2013/UE, une menace transfrontière grave sur la santé est « un danger mortel ou tout autre danger grave pour la santé, d’origine biologique, chimique, environnementale ou inconnue, qui se propage ou présente un risque important de propagation par-delà les frontières nationales des États membres, et qui peut nécessiter une coordination au niveau de l’Union afin d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine ».

III- Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

- Conséquences économiques et financières

La conclusion de l’accord de passation conjointe de marché n’oblige pas les parties contractantes à participer ultérieurement aux procédures de passation de marché ouvertes pour acquérir la contre-mesure médicale concernée sur la base dudit accord. En effet, la démarche s’inscrit dans une logique strictement volontaire.

La mutualisation des forces d’achat des États membres devrait permettre de réaliser des économies, le pouvoir de négociation s’accroissant avec le volume de contre-mesures médicales envisagé.

Forte de 224 sites industriels, l’industrie pharmaceutique française est le 4ème pays producteur de médicaments de l’Union européenne. La balance commerciale de l’industrie pharmaceutique est positive de 7,7 milliards € en 2015. La France dispose d’une grande très capacité de production de vaccins, qu’ell exporte à plus de 80 %. Elle emploie 6000 personnes pour le seul secteur de la production de vaccins (98 000 au total dans le secteur de l’industrie pharmaceutique).

Habituée aux marchés des hôpitaux, l’industrie pharmaceutique française a démontré sa forte capacité de mobilisation, avec des prix particulièrement compétitifs. Elle saurait donc répondre aux sollicitations en cas de menace transfrontalière grave, au vu de ses capacités et de la qualité de sa production. Les entreprises françaises pourront alors soumissionner à des appels d’offres construits sur des périmètres élargis regroupant les besoins de plusieurs États membres.

- Conséquences sociales

Le présent accord permet aux États membres et aux institutions de l’Union européenne de se préparer à l'éventualité d'un risque sanitaire transfrontière important et d’engager des procédures conjointes de passation de marché. L'objectif est de garantir que les vaccins et les autres contre-mesures médicales soient disponibles en quantités suffisantes, de veiller à ce que tous les États membres participants aient accès aux vaccins ou contre-mesures médicales, qu’il soient traités de façon égale et bénéficient de conditions contractuelles correctes.

Cet accord participe de ce fait à la réduction des inégalités dans le domaine de la santé sur le territoire de l'Union.

- Conséquences environnementales

Sans objet

- Conséquences juridiques

• Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes

Le présent accord est un outil contribuant à la mise en œuvre des mesures issues du règlement sanitaire international (2005)5 qui est un accord juridiquement contraignant pour les membres de l’OMS et les États Parties à cet accord, dont la France6. Il vise « à prévenir la propagation internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux ».

Articulation avec le droit de l’Union européenne

L’accord relatif à la passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales n’affecte en rien les droits ou les obligations des États membres et de la Commission en vertu des traités, ni la réalisation des objectifs de l’Union, notamment dans le domaine de la santé publique. Il a été adopté en application de la décision n° 1082/2013/UE relative aux menaces transfrontières graves sur la santé (cf. renvoi 2), au règlement 966/2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union7, et au règlement délégué 1268/20128.

• Articulation avec le droit interne 

ü Le présent accord ne confère aucune compétence ni prérogative de puissance publique à l’Union ou à ses institutions dans le domaine de la santé publique.

La démarche, dont la base légale est la décision nº 1082/2013/UE précitée, s’inscrit dans le respect du droit des marchés publics et règlements financiers et du code des marchés publics français.

ü Dans le domaine des contre-mesures médicales appartenant au stock stratégique de l’État destiné à faire face à une situation sanitaire exceptionnelle, aucune mesure d’adaptation n’est à prévoir. Ce domaine est désormais géré par l’Agence nationale de santé publique (ANSP)9, créée dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 201610et fruit de la fusion de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, de l'Institut de veille sanitaire et de l'Institut national pour la prévention et d'éducation pour la santé. L’opérateur reste pouvoir adjudicateur s’agissant de la gestion des stocks stratégiques, et son action pourra s’inscrire, le cas échéant, dans le cadre de procédure d’une mise en concurrence à l’échelle européenne.

ü L’article 43 du présent accord définit les responsabilités respectives des parties contractantes et de la Commission dans les actions en dédommagement. Le paragraphe 3 prévoit que lorsque la Commission doit dédommager un tiers ou un État membre pour un dommage causé totalement ou partiellement par un ou plusieurs États membres, mais que ce ou ces États membres ne peuvent être identifiés, l’ensemble des États membres indemnisent la Commission du coût de réparation du dommage. Par ailleurs, le paragraphe 4 prévoit que lorsque la Commission a subi un dommage causé par une ou plusieurs parties contractantes, mais que la partie contractante ne peut être identifiée, l’ensemble des États membres indemnisent la Commission du coût de réparation du dommage. Pour qu’un État membre soit exonéré de cette obligation d’indemnisation, il lui revient d’apporter la preuve qu’il ne peut avoir causé le dommage, même partiellement. En droit interne, de telles dispositions dérogent aux principes de droit commun régissant la responsabilité de l’État.

- Conséquences administratives

Les actions de l’ANSP devront être intégrées dans le dispositif de passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales.

Cet établissement est chargé d'acquérir et de gérer les stocks stratégiques pour le compte de l’État. Aujourd'hui, l'établissement exerce les prérogatives du pouvoir adjudicateur de manière "isolée". Dans le cadre de l’accord de passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales, l’environnement juridico-administratif sera renouvelé : son action s’inscrira, le cas échéant, dans un environnement "collégial", avec toutes les conséquences que cela implique au niveau procédural, tenant compte de la répartition des compétences entre Commission et États membres. La Commission aura en effet des compétences propres (pilotage des procédures, représentation juridictionnelle en particulier), et les États interagiront selon la comitologie dédiée (comité directeur, comité d'évaluation des offres, etc.).

A titre d’exemple :

ü Une procédure de passation conjointe de marché a été lancée le 18 février 2016 pour des tenues de protection individuelle pour les personnels de santé chargés de patients souffrant de maladies contagieuses graves de type Ebola. Elle regroupe 5 États membres (Belgique, Chypre, Croatie, Italie et Malte) pour un marché d'une valeur globale qui devrait s’établir entre 10 et 12 millions d'euros.

ü Un nombre suffisant d'États membres (plus de 4) ont marqué un intérêt certain pour la mise en place de passations conjointes de marché pour le vaccin BCG contre la tuberculose et la tuberculine, pour des antitoxines contre la diphtérie et le botulisme ainsi que pour des traitements contre l'hépatite C.

- Conséquences concernant la parité femmes/hommes

Sans objet

III – Historique des négociations

La pandémie de grippe H1N1 qui s'est déclarée en 2009 a révélé que les mécanismes en vigueur dans les pays de l’UE pour fournir des vaccins et des médicaments ne garantissaient pas un accès équitable et un pouvoir d’achat suffisant pour obtenir des conditions contractuelles correctes en matière de prix, de fiabilité, de confidentialité et de flexibilité, afin d’adapter les quantités commandées aux besoins réels. 

Le Conseil, dans ses conclusions du 13 septembre 201011, et le Parlement européen, dans sa résolution du 8 mars 201112 sur la réduction des inégalités dans le domaine de la santé, ont souligné la nécessité de mettre en place une procédure commune de passation conjointe de marché relative à des contre-mesures médicales, et notamment des vaccins pandémiques, afin de permettre aux États membres de bénéficier de ces achats groupés sur une base volontaire, par exemple en obtenant, pour un produit donné, des tarifs avantageux et de la souplesse pour les commandes.

La Commission européenne a constitué un groupe de travail dédié en 2011, composé de l’ensemble des États membres, dont les travaux ont abouti en 2014. Le processus de signature a été lancé en juin 2014.

Le présent accord a été signé le 22 septembre 2015 par la France (les délais de signature étant liés à des difficultés de traduction et des échanges sur la version authentique de l’accord avec la Commission).

IV – État des signatures et ratifications

A la date du 20 juillet 2016, l’accord relatif à la passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales compte 24 États signataires (S) (sur les 28 États membres), parmi lesquels 23 ont transmis à la Commission la déclaration (D) confirmant que les procédures nationales pour l’approbation de l’accord ont été accomplies ou que de telles procédures ne sont pas nécessaires (conformément à l’annexe II de l’accord) :

Allemagne (S) 19 avril 2016 (D)

Autriche (S) 19 février 2016 (D)

Belgique (S) 20 juin 2014 (D)

Chypre (S) 20 juin 2014 (D

Croatie (S) 20 juin 2014 (D)

Danemark (S) 1er décembre 2014 (D)

Espagne (S) 20 juin 2014 (D)

Estonie (S) 20 juin 2014 (D)

France (S) 22 septembre 2015 Ratification en cours

Grèce (S) 20 juin 2014 (D)

Hongrie (S) 12 novembre 2014 (D)

Irlande (S) 19 juin 2015 (D)

Italie (S) 16 octobre 2014 (D)

Lettonie (S) 20 juin 2014 (D)

Lituanie (S) 1er décembre 2014 (D)

Luxembourg (S) 26 juin 2014 (D)

Malte (S) 20 juin 2014 (D)

République Tchèque (S) 20 juin 2014 (D)

Roumanie (S) 23 septembre 2014 (D)

Royaume-Uni (S) 20 juin 2014 (D)

Pays-Bas (S) 20 juin 2014 (D)

Portugal (S) 20 juin 2014 (D)

Slovaquie (S) 20 juin 2014 (D)

Slovénie (S) 20 juin 2014 (D)

La Finlande et la Suède pourraient également signer l’accord, après accomplissement de procédures administratives internes actuellement en cours. La Bulgarie n'a pas marqué d'intention de se joindre aux autres États membres et la Pologne a confirmé ne pas souhaiter signer l’accord.

Conformément à l’article 51, alinéa 4, le présent accord entrera en vigueur quatorze jours après la date à laquelle la Commission a reçu un exemplaire signé de chaque partie contractante dans toutes les versions linguistiques faisant foi, que la Commission a signé un exemplaire des mêmes versions linguistiques faisant foi et qu’un tiers de l’ensemble des parties contractantes a transmis à la Commission la déclaration confirmant que les procédures nationales pour l’approbation du présent accord ont été accomplies ou que de telles procédures ne sont pas nécessaires (conformément à l’annexe II de l’accord).

V - Déclarations et/ou réserves

Sans objet.

1 Voir conclusions du Conseil de l’UE du 13 septembre 2010 (http://europa.eu/rapid/press-release_PRES-10-236_fr.htm), et résolution du Parlement européen, du 8 mars 2011 (http://europa.eu/rapid/press-release_PRES-10-236_fr.htm)

2 http://ec.europa.eu/health/preparedness_response/docs/decision_serious_crossborder_threats_22102013_fr.pdf

3 https://www.google.fr/search?q=le+rapport+de+la+Cour+des+comptes+sur+la+campagne+de+lutte+contre+la+grippe+A-H1N1&ie=utf-8&oe=utf-8&gws_rd=cr&ei=CczmVoD3Aorda-mPtIAN

4 http://www.senat.fr/rap/r09-685-1/r09-685-1_mono.html#toc397

5

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2013/1/9/AFSP1209969D/jo

6

7 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:298:0001:0096:FR:PDF

8 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2012:362:FULL&from=FR

9 Décret n° 2016-523 du 27 avril 2016 relatif à la création de l'ANSP : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032465745&categorieLien=id

10

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=E8800F6DDCE7234019E86E6C6B90B922.tpdila11v_3?cidTexte=JORFTEXT000031912641&categorieLien=id

11 http://europa.eu/rapid/press-release_PRES-10-236_fr.htm

Et http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-12665-2010-INIT/fr/pdf

12 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2011-0081+0+DOC+XML+V0//FR


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