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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de la Convention d’extradition entre le Gouvernement

de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge

NOR : MAEJ1608674L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I- Situation de référence et objectifs de la convention

Dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, la France et le Cambodge sont tous deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, en l’occurrence la convention unique sur les stupéfiants adoptée à New York le 30 mars 19611, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 19842, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes adoptée à Vienne le 19 décembre 19883, la convention contre la criminalité transnationale organisée adoptée à New-York le 15 novembre 20004 et la convention contre la corruption adoptée à New York le 31 octobre 20035.

La convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge vise à compléter le tissu conventionnel existant et à établir une coopération plus efficace entre les deux États dans la lutte contre la criminalité.

En matière d’extradition, les échanges entre la France et le Cambodge sont d’un faible volume. Ils s’effectuent encore, pour l’heure, au cas par cas, soit sur le fondement des conventions multilatérales précitées, soit sur la base de l’offre de réciprocité formulée au titre de la courtoisie internationale. Depuis 2009, la France a adressé trois demandes d’extradition au Cambodge qui ont toutes donné lieu à la remise de la personne recherchée. Sur la même période, le Cambodge n’a transmis qu’une seule demande d’extradition à la France qui s’est soldée par un refus opposé par l’autorité judiciaire française en raison du caractère incomplet de la demande et des informations fournies par les autorités cambodgiennes.

Cette convention sera la première de ce type conclue avec un État d’Asie du Sud-Est. À ce jour, la France est liée à 90 États par des accords d’extradition, soit par des textes bilatéraux (38), soit par des conventions multilatérales parmi lesquelles la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 occupe une place prépondérante.

La présente convention, qui comprend 25 articles, a pour ambition de renforcer les capacités communes des deux États dans la recherche et l’appréhension des malfaiteurs en fuite.

II- Conséquences estimées de la mise en œuvre de la convention

Aucune conséquence économique, financière ou environnementale notable n’est attendue de la mise en œuvre de la présente convention. Cette dernière n’a par ailleurs aucun impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, des conséquences sociales, juridiques et administratives méritent d’être soulignées.

A- Conséquences sociales

La convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge devrait naturellement faciliter l’arrestation et la remise de délinquants en fuite sur le territoire de l’une ou l’autre des parties. Plus généralement, cet instrument devrait fluidifier le règlement des affaires transnationales, et ce, dans des délais plus satisfaisants pour l’ensemble des justiciables concernés.

B- Conséquences juridiques

Le texte de la convention correspond à un projet communiqué par la France. Ses stipulations s’inspirent largement de celles de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 19576, à l’instar des instruments bilatéraux conclus par la France en ce domaine.

La convention comporte ainsi un ensemble de dispositions intégrant nos standards nationaux et internationaux. Elle contient en outre des stipulations visant à fluidifier les échanges entre la France et le Cambodge dans le domaine de l’extradition. Elle organise enfin son articulation avec les normes européennes et internationales existantes.

1) Stipulations prenant en considération nos contraintes juridiques nationales et internationales

La convention reprend un certain nombre de règles classiques du droit de l’extradition s’agissant en particulier des motifs de refus, qu’ils soient de nature obligatoire ou facultative (articles 3, 4 et 6).

Ainsi, l’extradition ne peut être accordée pour les infractions considérées par la partie requise comme des infractions politiques ou connexes à des infractions de cette nature ou pour des infractions de nature exclusivement militaire (article 3 a) et d)). De même, il ne pourra être procédé à l’extradition de la personne réclamée si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande est motivée par des considérations d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques (article 3 b)).

En application du principe non bis in idem, l’extradition n’est pas davantage accordée si un jugement définitif a été prononcé par une juridiction de la partie requise à raison de l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée (article 3 f)). Elle est également rejetée lorsque l’action publique ou la peine se trouvent couvertes par la prescription conformément à la législation de la partie requise (article 3 c)).

L’extradition doit en outre être refusée lorsque la personne réclamée est jugée dans la partie requérante par un tribunal d’exception n’offrant pas les garanties fondamentales de procédure ou lorsque l’extradition est demandée pour l’exécution d’une peine infligée par un tel tribunal (article 3 e)).

Le texte de la convention prévoit également que l’extradition n’est pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de la partie requise, celle-ci étant appréciée à la date de la réception de la demande (article 6). Cette stipulation conforte la pratique traditionnelle de la France consistant à ne pas extrader ses ressortissants tout en ménageant la possibilité de les soumettre à des poursuites en France en application du principe aut dedere, aut judicare (extrader ou poursuivre).

Plusieurs motifs facultatifs de refus d’extradition sont énumérés à l’article 4. Ainsi, la remise peut notamment être refusée lorsque, conformément à la législation de la partie requise, ses autorités judiciaires ont compétence pour connaître de l’infraction à raison de laquelle la personne est réclamée, ou encore lorsque ces mêmes autorités ont exercé ou clôturé de manière non définitive des poursuites pour les mêmes faits (articles 4 a) et b)). L’extradition peut ne pas être accordée lorsque l’infraction à raison de laquelle l’extradition est demandée a été commise sur le territoire d’un État tiers et que la partie requise ne connaît pas dans son droit de critère de compétence extraterritoriale semblable à celui mis en œuvre par la partie requérante ou lorsque la personne réclamée a été définitivement jugée dans un État tiers pour l’infraction à l’origine de la demande (article 4 c) et d)). Enfin, cet article contient une clause humanitaire permettant de rejeter une extradition de nature à avoir des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge ou de son état de santé (article 4 e)).

S’agissant de la peine capitale, la convention retient une solution innovante, inspirée du mécanisme résultant de l’article 5 de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signée à Rabat le 18 avril 20087. Cet article 5 prévoit ainsi que lorsque la peine capitale est encourue dans la législation de la partie requérante pour les faits à raison desquels l’extradition est demandée, cette peine est remplacée de plein droit par la peine la plus élevée dans la législation de la partie requise.

Sur ce point, il convient de relever que le Cambodge a aboli la peine de mort en 1989 et que la prohibition de la peine capitale est inscrite depuis 1993 à l’article 32 de la Constitution du Royaume qui dispose : « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité personnelle. La peine de mort ne doit pas exister ».

2) Stipulations visant à fluidifier les échanges entre les deux parties

A l’effet d’assurer la pleine recevabilité des demandes d’extradition, la convention précise quel doit être le contenu des demandes d’extradition et énumère les documents devant être présentés au soutien de ces demandes (article 8).

L’hypothèse où la personne réclamée consent à être remise à la partie requérante est envisagée à l’article 16. En pareil cas, la partie requise, conformément à son droit interne, statue sur la remise aussi rapidement que possible. Cette stipulation a pour seul objet d’inscrire dans le texte de la Convention le principe selon lequel, lorsque la personne réclamée consent à son extradition, une accélération de certaines étapes de la phase judiciaire du processus peut être envisagée, sans préjudice de la nécessaire présentation initiale d’une demande formelle d’extradition et de l’intervention subséquente d’une phase administrative. Il n’est ainsi aucunement question d’étendre le mécanisme de l’extradition simplifiée en dehors de l’espace constitué par l’Union européenne et la Suisse. La France a déjà accepté l’introduction d’une telle stipulation dans le traité d’extradition signé avec l’Argentine8 et dans la convention d’extradition conclue avec le Costa-Rica le 4 novembre 20139 dont la procédure d’approbation est toujours en cours côté français. De fait, l’article 16 n’est que la traduction des dispositions des articles 696-13 et suivants du code de procédure pénale qui offrent à la personne réclamée la possibilité, lors de sa comparution devant l’autorité judiciaire, de consentir à son extradition, consentement qui a pour effet d’accélérer la procédure10.

L’article 11devrait garantir une exécution rapide des demandes d’extradition et une pleine information de la partie requérante quant à la décision intervenue. En outre, l’article 18 offre la possibilité pour la partie requise d’être informée des suites de la remise.

3) Articulation du texte avec les dispositions européennes et conventions internationales existantes

Le texte organise la nécessaire articulation entre la présente convention et les droits et obligations découlant pour la France des autres accords internationaux auxquels elle est d’ores et déjà partie.

En ce sens, l’article 22 énonce que la présente convention ne porte pas atteinte aux droits et engagements résultant des accords multilatéraux auxquels est partie l’une ou l’autre des parties, formulation recouvrant notamment les stipulations du pacte international relatif aux droits civils et politiques11 et celles de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales12.

C- Conséquences administratives

De manière classique, la convention institue la voie diplomatique comme mode de communication entre les parties (article 8). Il est en outre possible pour les autorités compétentes de la partie requérante d’adresser une demande d’arrestation provisoire en cas d’urgence, par la voie diplomatique, par le canal d’Interpol ou par tout autre moyen laissant une trace écrite (article 17).

Ce protocole de communication consacre la pratique française en la matière et ce sont donc les services compétents à ce jour qui seront chargés du traitement des demandes formulées en application de la convention, à savoir, pour le ministère des affaires étrangères et du développement international, la mission des conventions et de l’entraide judiciaire de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire et, pour le ministère de la justice, le bureau de l’entraide pénale internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces.

Par voie de conséquence, l’entrée en vigueur de la convention ne devrait générer aucune charge administrative nouvelle pour la partie française.

III- Historique des négociations

La représentation diplomatique française à Phnom Penh a, à plusieurs reprises depuis février 2009, souligné l’opportunité de négocier une convention d’entraide judiciaire en matière pénale et une convention d’extradition avec le Cambodge. L’ambassade a fait valoir que la croissance probable des conflits intrafamiliaux transnationaux et le refuge que constituerait de fait le Cambodge pour un certain nombre de délinquants sexuels français plaidaient pour la mise en place de tels instruments.

Au mois de septembre 2012, la partie française a proposé à la partie cambodgienne d’ouvrir des négociations à cette fin et a communiqué deux projets de texte relatifs, respectivement, à l’entraide judiciaire en matière pénale et à la matière extraditionnelle.

Accueillie favorablement par les autorités cambodgiennes, cette initiative a conduit à l’organisation de deux sessions de négociations en juin 2013 à Phnom Penh et avril 2015 à Paris.

Le texte de la convention d’extradition a pu ensuite être finalisé par des échanges intervenus entre les deux parties à l’automne 2015. Les discussions doivent en revanche encore se poursuivre s’agissant du projet de convention d’entraide judiciaire en matière pénale.

IV – État des signatures et ratifications

La convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge a été signée à Paris le 26 octobre 2015 par la garde des sceaux, ministre de la justice, Mme Christiane Taubira, et par le ministre cambodgien de la justice, M. Ang Vong Vathana.

L’entrée en vigueur de la présente convention suppose l’accomplissement des procédures constitutionnelles requises dans chacun des deux États, à savoir pour la France la mise en œuvre de la procédure parlementaire d’autorisation d’approbation prévue par l’article 53 de la Constitution. Cette entrée en vigueur sera effective le premier jour du deuxième mois suivant la date de la réception de la dernière notification par laquelle une partie informe l’autre de l’accomplissement de ces formalités.

A ce jour, le Royaume du Cambodge n’a pas fait connaître à la France l’achèvement des procédures exigées par son ordre juridique interne.

1 Publié par décret n° 69-446 du 2 mai 1969 / https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=VI-15&chapter=6&lang=fr : cf. onglet CTC

2 Publié par décret n°87-916 du 9 novembre 1987 / https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-9&chapter=4&lang=fr : cf. onglet CTC

3 Publié par décret n° 91-271 du 8 mars 1991 / https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=VI-19&chapter=6&lang=fr : cf. onglet CTC

4 Publié par décret n° 2003-875 du 8 septembre 2003 / https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-12&chapter=18&lang=fr : cf. onglet CTC

5 Publié par décret n° 2006-1113 du 4 septembre 2006 / https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-14&chapter=18&lang=fr : cf. onglet CTC

6 Publié par décret n°86-736 du 14 mai 1986 / https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168006459c

7 Publié par décret n° 2011-961 du 16 août 2011/ http://portaildoc.diplomatie.gouv.fr/exl-php/util/documents/accede_document.php L’article 5 de la convention d’extradition franco-marocaine stipule que « si la peine encourue dans la législation de la Partie requérante pour les faits à raison desquels l'extradition est demandée est la peine capitale, cette peine est remplacée de plein droit, en vertu de la présente Convention, par la peine encourue pour les mêmes faits dans la législation de la Partie requise ».

8 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000030907427

9 Au 1er avril 2016, le projet de loi autorisant l’approbation de la convention est en attente d’examen par le Sénat.

10 Ainsi, l’intéressé comparaitra devant la chambre de l’instruction dans un délai de cinq jours (contre dix en cas de non consentement) et celle-ci statuera dans un délai de sept jours (contre un mois en cas de non-consentement). La décision n’est en outre pas susceptible de pourvoi devant la cour de cassation, ce qui a pour effet d’accélérer la phase judiciaire de la procédure extraditionnelle.

11 Publié par décret n°81-76 du 29 janvier 1981/ http://ec.europa.eu/justice/policies/privacy/docs/un-art17_fr.pdf (Le Royaume du Cambodge a adhéré en 1992 au pacte international relatif aux droits civils et politiques.)

12 Publié par décret n° 74-360 du 3 mai 1974 / http://www.echr.coe.int/Documents/Convention_FRA.pdf


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