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N° 4065

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 septembre 2016.

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de la convention d’extradition
entre le
Gouvernement de la République française

et le Gouvernement du Royaume du Cambodge,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Manuel VALLS,

Premier ministre,

par M. Jean-Marc AYRAULT,

ministre des affaires étrangères et du développement international

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 26 octobre 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice, Mme Christiane Taubira, et le ministre de la justice du Royaume du Cambodge, M. Ang Vong Vathana, ont signé à Paris une convention d’extradition.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et le Cambodge sont d’ores et déjà tous deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l’égide de l’organisation des Nations unies, en l’occurrence la convention unique sur les stupéfiants adoptée à New York le 30 mars 1961, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes adoptée à Vienne le 19 décembre 1988, la convention contre la criminalité transnationale organisée adoptée à New York le 15 novembre 2000 et la convention contre la corruption adoptée à New York le 31 octobre 2003.

Cependant, la France et le Cambodge ne sont liés par aucun dispositif conventionnel bilatéral permettant l’extradition des personnes recherchées ou condamnées en fuite. Ces échanges s’effectuent actuellement soit sur le fondement des conventions multilatérales précitées, soit sur la base de l’offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale.

La convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge vise à compléter le tissu conventionnel existant et, comme l’annonce son préambule, à établir une coopération plus efficace entre les deux États dans la lutte contre la criminalité.

L’article 1er énonce l’engagement de principe des parties à se livrer réciproquement les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l’une des parties, sont recherchées soit pour l’exercice de poursuites pénales, soit pour l’exécution d’une peine privative de liberté prononcée par les autorités judiciaires de l’autre partie pour un fait donnant lieu à extradition.

L’article 2 définit les faits pouvant donner lieu à extradition, à savoir ceux punis, en vertu des lois des deux parties, d’une peine privative de liberté d’un maximum qui ne soit pas inférieur à deux ans ou d’une peine plus sévère. En outre, dans le cas d’une extradition sollicitée aux fins d’exécution d’une peine, la durée de la peine restant à subir doit être d’au minimum six mois.

Le paragraphe 3 traite de l’extradition accessoire en offrant la possibilité à l’État saisi d’une demande d’extradition se rapportant à plusieurs faits distincts punis chacun par la législation des deux parties mais dont certains ne satisfont pas aux seuils de peine précités, d’accorder l’extradition pour ces derniers faits.

Le paragraphe 4 inclut expressément les infractions en matière de taxes, d’impôts, de douane et de change dans le champ des faits susceptibles de donner lieu à extradition.

L’article 3 énumère les motifs obligatoires de refus d’extradition. Classiquement, les a et d énoncent que la remise n’est pas accordée pour les infractions considérées par la partie requise comme des infractions exclusivement militaires, des infractions politiques ou comme des faits connexes à des infractions politiques. Sont cependant exclus du champ des infractions politiques l’attentat à la vie ou la tentative d’attentat à la vie d’un chef d’État ou de Gouvernement ou d’un membre de sa famille et les infractions pour lesquelles les deux parties ont l’obligation, en vertu d’un accord multilatéral, d’établir leur compétence ou d’accorder l’extradition.

Le b prévoit que l’extradition est refusée si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une de ces raisons.

Les c et f énoncent que l’extradition n’est pas davantage accordée si la personne réclamée a fait l’objet, dans la partie requise, d’un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d’acquittement, d’une mesure de grâce ou d’amnistie pour les faits à l’origine de la demande d’extradition ou encore si l’action publique ou la peine prononcée à raison de ces faits sont couvertes par la prescription au regard de la législation de la partie requise. Les actes interruptifs ou suspensifs de prescription intervenus dans la partie requérante doivent cependant être pris en considération par la partie requise, dans la mesure où sa législation le permet.

Enfin, afin de préserver les droits de la défense, le e prévoit que l’extradition est également refusée lorsque la personne est réclamée pour être jugée dans la partie requérante par un tribunal d’exception n’assurant pas le respect des garanties fondamentales de procédure ou pour exécuter une peine prononcée par un tel tribunal.

L’article 4 recense les motifs facultatifs de refus d’extradition. La remise peut ainsi être refusée lorsque, conformément à la législation de la partie requise, ses autorités judiciaires ont compétence pour connaître de l’infraction à l’origine de la demande d’extradition. De même, l’extradition peut être refusée lorsque l’infraction objet de la demande a été commise hors du territoire de la partie requérante et que la législation de la partie requise n’autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire. L’extradition peut encore être rejetée si la personne réclamée a fait l’objet, dans la partie requise, de poursuites pour les infractions à raison desquelles l’extradition est demandée ou si les autorités judiciaires de cette partie ont décidé de ne pas engager ou de mettre un terme à des poursuites pour ces mêmes infractions. La remise peut également être refusée si la personne a été définitivement condamnée ou a bénéficié d’une décision de relaxe ou d’acquittement dans un État tiers pour les infractions objet de la demande d’extradition. Enfin, à titre humanitaire, l’extradition peut ne pas être accordée lorsque la remise de la personne réclamée est susceptible d’avoir pour elle des conséquences d’une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.

L’article 5 règle la question de la peine capitale en énonçant que lorsqu’une telle peine est encourue dans la législation de la partie requérante pour les faits à l’origine de la demande d’extradition, cette peine est remplacée de plein droit par la peine la plus élevée dans la législation de la partie requise.

L’article 6 traite de l’extradition des nationaux. La remise n’est pas accordée lorsque la personne réclamée a la nationalité de la partie requise, la nationalité étant appréciée à la date de la réception de la demande d’extradition. En cas de refus fondé uniquement sur la nationalité, la partie requise doit, sur dénonciation officielle de la partie requérante, soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour que des poursuites soient éventuellement exercées, la partie requise informant la partie requérante de la suite réservée à sa demande.

Les articles 7 à 10 règlent les questions de procédure et de contenu des demandes. Sauf stipulation contraire de la convention, la législation de la partie requise est seule applicable aux procédures d’arrestation provisoire, d’extradition et de transit. Les demandes d’extradition, transmises par la voie diplomatique, doivent être formulées par écrit et systématiquement être accompagnées d’un exposé circonstancié des faits, du texte des dispositions légales nécessaires à l’examen du bien-fondé de la demande et de tous les renseignements susceptibles de permettre l’identification formelle et la localisation de la personne réclamée. Selon les cas, la demande doit également comporter l’original ou une copie certifiée conforme du mandat d’arrêt ou du jugement de condamnation exécutoire, outre une déclaration relative à la durée de la peine infligée et du reliquat restant à subir. Les demandes doivent être rédigées dans la langue officielle de la partie requérante et accompagnées d’une traduction dans la langue officielle de la partie requise. Si elles sont dispensées de toute formalité de légalisation, les demandes doivent néanmoins être revêtues du sceau et de la signature de l’autorité compétente de la partie requise ou être certifiées par cette même autorité. En présence d’informations insuffisantes ou irrégulières, la partie requise sollicite tout complément d’information nécessaire ou porte à la connaissance de la partie requérante les omissions ou irrégularités à réparer en fixant, le cas échéant, un délai pour l’obtention des informations ou la rectification des irrégularités relevées.

L’article 11 fait obligation à la partie requise d’informer dans les meilleurs délais la partie requérante des suites qu’elle entend réserver à la demande d’extradition, étant observé que tout refus, même partiel, doit être motivé. Lorsqu’il est fait droit à la demande, les parties fixent, d’un commun accord, la date et le lieu de la remise qui doit, sauf cas de force majeure, intervenir dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date fixée pour la remise, à défaut de quoi la personne réclamée est remise en liberté. La partie requise est également tenue de communiquer à la partie requérante la durée de la détention subie par la personne réclamée.

L’article 12 prévoit la possibilité d’ajourner la remise lorsqu’il existe des procédures en cours à l’encontre de la personne réclamée sur le territoire de la partie requise ou lorsqu’elle y exécute une peine pour une infraction autre. La remise peut également intervenir à titre temporaire lorsque des circonstances particulières l’exigent ou encore être différée lorsqu’en raison de l’état de santé de la personne réclamée, son transfert est susceptible de mettre sa vie en danger ou d’aggraver son état.

L’article 13 traite de la saisie et de la remise d’objets. Sur demande de la partie requérante, la partie requise saisit et remet les objets pouvant servir de pièces à conviction ou qui, provenant de l’infraction, ont été trouvés en la possession de la personne réclamée au moment de son arrestation ou ont été découverts postérieurement. Sont par ailleurs prévues l’hypothèse du décès ou de la fuite de la personne réclamée qui ne font pas obstacle à la remise de ces objets, la possibilité d’une remise temporaire ou conditionnelle des biens et la nécessaire préservation des droits de la partie requise ou des tiers sur lesdits objets.

Les articles 14 et 15 énoncent la règle traditionnelle de la spécialité et encadrent la ré-extradition vers un État tiers de la personne remise. La partie requérante ne peut en effet tirer profit de la présence de la personne extradée sur son territoire pour la poursuivre, la juger, la détenir ou restreindre sa liberté individuelle pour des faits distincts de ceux ayant motivé son extradition et commis antérieurement à sa remise ou encore pour la ré-extrader vers un autre État. Des exceptions sont néanmoins prévues à ce principe lorsque la partie requise y consent ou lorsque la personne réclamée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie à laquelle elle a été livrée, ne l’a pas quitté dans un délai de soixante jours suivant sa libération définitive ou y est retournée après l’avoir quitté. En outre, en cas de modification de la qualification légale de l’infraction pour laquelle une personne a été remise, cette dernière ne peut être poursuivie ou jugée que si l’infraction nouvellement qualifiée entre dans les champ des faits pouvant donner lieu à extradition, vise les mêmes faits que ceux pour lesquels l’extradition a été accordée et n’est pas passible de la peine capitale.

L’article 16 prévoit l’hypothèse où la personne réclamée consent à être remise à la partie requérante. En pareil cas, la partie requise, conformément à son droit interne, statue sur la remise aussi rapidement que possible.

L’article 17 régit la procédure d’arrestation provisoire, applicable en cas d’urgence. Transmise par la voie diplomatique, par le canal d’Interpol ou par tout autre moyen agréé entre les parties et laissant une trace écrite, la demande d’arrestation provisoire doit être formée par écrit, indiquer l’existence de l’une des pièces prévues aux b et c de l’article 8, mentionner l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée, contenir un exposé des faits ainsi que tous les renseignements disponibles permettant l’identification et la localisation de la personne recherchée et faire part de l’intention d’envoyer une demande d’extradition.

Le paragraphe 5 stipule que l’arrestation provisoire prend fin si la demande d’extradition ne parvient pas à la partie requise dans un délai de soixante jours suivant l’arrestation de la personne, sans préjudice de la possibilité d’une nouvelle arrestation provisoire et remise de la personne réclamée en cas de réception ultérieure d’une demande d’extradition en bonne et due forme.

L’article 18 prévoit que la partie requérante, à la demande de la partie requise, l’informe des résultats des poursuites pénales engagées contre la personne extradée, de l’exécution de sa peine ou de sa ré-extradition vers un État tiers.

L’article 19 fixe les règles applicables au transit d’une personne extradée par un État tiers vers l’une des parties à travers le territoire de l’autre partie. Le texte précise également les règles spécifiques applicables au transit par la voie aérienne.

L’article 20 règle les hypothèses de concours de demandes, la partie requise devant tenir compte, dans sa décision, de toutes circonstances et notamment de la gravité et du lieu de commission des faits, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d’une extradition ultérieure vers un autre État.

L’article 21 traite de la question de la prise en charge et de la répartition des frais occasionnés par les opérations d’extradition ou de transit.

L’article 22 énonce le principe selon lequel la convention ne porte pas atteinte aux droits et engagements des parties résultant pour elles de tout autre accord auquel l’une ou l’autre est partie.

Les articles 23 à 25, de facture classique, fixent les modalités de règlement des différends, d’application dans le temps, d’entrée en vigueur et de dénonciation de la convention.

Telles sont les principales observations qu’appelle la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015 qui, comportant des dispositions relevant du droit pénal et de la procédure pénale, est soumise au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 28 septembre2016.

Signé : Manuel VALLS

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères
et du développement international

Signé :
Jean-Marc AYRAULT


© Assemblée nationale