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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement

de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique

et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé

programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux

et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie

NOR : MAEJ1632034L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I- Situation de référence

La France et l’Algérie sont liées par un protocole relatif aux soins de santé dispensés en France à certaines catégories d’assurés sociaux algériens signé le 1er octobre 1980 et entré en vigueur le 1er février 19821. Cet instrument a été peu utilisé depuis les années 2000 en raison de la limitation de son champ personnel aux seules catégories des travailleurs et des fonctionnaires et à l’exclusion de leurs ayants droits.

A côté de cet instrument, la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS) algérienne a développé des relations contractuelles directes avec les hôpitaux français pour le transfert en France de patients algériens résidant en Algérie, pour des soins programmés. Ces relations se sont substituées dans les faits au dispositif du protocole. Mal encadrées et peu sécurisées, elles ont créé de nombreuses complications et engendré des contestations par la CNAS de ses dettes. Face à ces difficultés, l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille et les CHU de Strasbourg et de Lyon ont cessé d’admettre des patients munis d’une prise en charge de la CNAS. L’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a adopté en 1993 un protocole d’accord direct avec la CNAS, a continué à recevoir des patients dans ce cadre. Elle a néanmoins régulièrement déploré des difficultés pour le recouvrement de créances dont le montant a culminé à 16 M€ en 2012 et étaient toujours de 11 M€ en septembre 2015. La CNAS a de son côté contesté un certain nombre de factures et dénoncé une augmentation non contrôlée du coût, en raison de l’envolée des tarifs journaliers de prestations (TJP), et de la durée des soins. Le problème des créances hospitalières a persisté plusieurs années. Il a été résolu au cours de 2014 et 2015 avec le solde de nombreuses factures par la caisse algérienne. En mars 2016 la signature d’un compromis entre le directeur général de la CNAS et le directeur général de l’AP-HP, a permis l’apurement total des créances justifiées. Cette résolution positive du différend a ouvert la voie à la signature du nouveau protocole annexe relatif aux soins de santé.

Depuis 2012, la relation bilatérale a connu un renouveau avec notamment la mise en place du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) réunissant les deux gouvernements à l’occasion de sommets franco-algériens annuels qui constitue désormais la clef de voûte de notre coopération avec l’Algérie et permet la concrétisation de nombreux projets partagés par nos deux pays.

La tenue de la 3e session du CIHN à Alger le 10 avril 2016 en présence du Premier ministre Manuel Valls et de dix ministres et secrétaires d’Etat a permis la signature d’une douzaine d’accords dans le domaine institutionnel dont le protocole annexe à la convention générale sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 et d’une quinzaine d’accords dans le secteur économique.

II- Objectifs du protocole

Dans le contexte décrit de difficultés entre les établissements de santé et la caisse algérienne, il est apparu nécessaire de rénover le protocole annexe de 1980 afin d’établir un canal unique pour les soins programmés des assurés sociaux algériens en France, transférés par la CNAS.

La renégociation de cet instrument a permis d’en élargir le champ, d’améliorer les procédures d’échanges et de fiabiliser les flux financiers.

Les négociations commencées en 2002 ont connu une forte accélération entre 2014 et 2016 et ont été conduites en même temps que les pourparlers en vue de l’apurement du contentieux sur les créances hospitalières.

Le nouveau protocole a été signé le 10 avril 2016 à Alger au cours du Comité intergouvernemental franco-algérien de haut niveau. Un arrangement administratif en fixant les modalités de mise en œuvre a été signé le même jour.

Le protocole du 10 avril 2016 organise la prise en charge par l’assurance maladie algérienne des soins des patients algériens dans les établissements de soins français.

Il s’agit d’un dispositif historique et unique. En dehors de la coordination européenne de sécurité sociale, la France ne dispose d’aucune convention bilatérale avec un Etat tiers prévoyant de possibilité analogue de soins programmés en France. Le protocole donne aux patients algériens l’accès à l’offre de soins française pour les actes thérapeutiques qui ne sont pas réalisés en Algérie.

Par ailleurs, il fiabilise les flux de patients et sécurise le remboursement des soins par la caisse algérienne.

La Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS) qui gère aussi et rembourse les frais de santé pour les démunis et leurs ayants droits, délivre une autorisation de prise en charge au patient sur la base d’un devis établi par l’établissement de santé français pour un type et une durée de soins précis. Le patient est admis muni de cette autorisation. Les soins sont payés directement à l’établissement de santé par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) française. Les créances des CPAM sont collectées au niveau de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Elles sont ensuite recouvrées par l’intermédiaire du Centre pour les soins de santé à l’étranger (CNSE), sis à la CPAM du Morbihan, qui est l’organisme de liaison de la CNAMTS en charge du recouvrement des créances étrangères de la caisse. Le relevé des créances est transmis régulièrement à la CNAS qui rembourse semestriellement. L’apurement de ces créances est réalisé tous les ans au cours de la commission mixte de sécurité sociale franco-algérienne.

Conséquences estimées de la mise en œuvre du protocole

Conséquences financières

Le protocole du 10 avril 2016 abrogera dès son entrée en vigueur le protocole signé le 1er octobre 1980 et remplacera les relations contractuelles directes existant entre les établissements de santé français et la CNAS.

Le protocole du 1er octobre 1980, actuellement en vigueur, génère des créances françaises à l’égard des autorités algériennes d’environ 500 000 € par an. Ce montant correspond en 2014 au total du coût des soins dispensés à soixante-dix patients. Le montant des créances dans le cadre du protocole est en baisse depuis une dizaine d’années. En 2002, par exemple, l’Algérie avait remboursé 5 M€ à la France dans ce cadre.

Hors protocole annexe, la CNAS prend en charge les frais des soins d’environ un millier de patients par an, principalement à l’AP-HP Paris, dans le cadre de sa relation directe avec cet établissement. Les soins s’élèvent en moyenne à 8 M€ par an depuis 2012.

Si le nouveau protocole se substitue à ces deux voies de transferts de patients algériens et couvre l’intégralité des patients actuellement soignés en France, les créances qui résulteront de sa mise en œuvre atteindront un montant maximum de 8,5 M€ par an.

Le protocole et l’arrangement administratif prévu à son article 11, prévoient que la caisse française avance les frais et est remboursée sur une base semestrielle. La commission mixte fixe pour chaque exercice une avance versée par la partie algérienne sur la base de 35% du montant des créances soldées l’année précédente, en application de l’article 10 de l’arrangement administratif.

En outre, l’application du protocole du 10 avril 2016 nécessite des frais de mise en œuvre et de gestion qui sont évalués aujourd’hui par la CNAMTS à 6% du montant de la créance. Le taux correspond au pourcentage de frais de gestion demandés par la France pour l’application de la convention générale de sécurité sociale. Ces frais couvrent le traitement des dossiers et des dépenses de fonctionnement des organismes d’assurance maladie.

Par conséquent, et compte tenu du décalage d’une année entre les soins et le paiement définitif par la CNAS, la charge financière nette annuelle pour l’assurance maladie correspond à la différence entre, d’une part, les montants des soins pris en charge au titre de l’année N et les frais engagés et, d’autre part, les montants remboursés par la CNAS au titre de l’année N-1 et les avances versées en commission mixte. Elle sera donc nulle en cas de consommation de soins constante d’une année sur l’autre mais positive si la consommation de soins augmente. Cette charge sera cependant apurée en année N+1.

Néanmoins, les conséquences financières attendues du protocole devraient rester réduites étant donné que les autorités algériennes entendent limiter les transferts de patients pour soins à l’étranger, en particulier en France où les coûts sont notoirement plus importants qu’en Algérie. Pour ce faire, les autorités algériennes développent actuellement leur offre médicale. Elles programment la construction de cinq nouveaux CHU en Algérie dans les années à venir.

Le recouvrement des créances par la France ne devrait pas rencontrer de difficulté. Le circuit est en effet éprouvé et l’apurement des comptes lors des commissions mixtes de sécurité sociale est habituellement fluide.

Conséquences juridiques

Articulation du texte avec les accords ou conventions internationales existantes

Le protocole du 10 avril 2016 relatif aux soins de santé dispensés en France à certains ressortissants algériens abroge le protocole du 1er octobre 1980 en application de l’article 15.

Il est annexé à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne Démocratique et Populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980.

Articulation du texte avec le droit de l’Union européenne 

Le protocole ne soulève pas de difficultés au regard du droit de l'Union européenne. Il s’inscrit dans des domaines de compétences souveraines de l’Etat français et n’a pas d’impact sur le droit des traités ni le droit dérivé européens.

Le champ personnel d’application du protocole est limité aux ressortissants algériens, résidant en Algérie et couvert par la sécurité sociale algérienne.

Les citoyens européens souhaitant bénéficier de soins de santé programmés en France relèvent des règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale et de la Directive sur les soins transfrontaliers qui instituent des dispositifs de prise en charge plus avantageux2.

Le protocole annexe est conforme au droit européen sur la protection des données personnelles et au règlement UE 2016/679 du parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Il prévoit expressément, dans son article 13 que les informations reçues par une partie contractante, en application du protocole annexe, ne peuvent être divulguées que sous réserve du consentement préalable de l’autre partie contractante. Il dispose également que les autorités et institutions compétentes des parties contractantes ne peuvent se transmettre des données à caractère personnel aux fins exclusives de l’application du protocole annexe, que dans le respect de la législation de chaque partie contractante en matière de protection des données à caractère personnel ainsi qu'en matière de confidentialité et de secret des informations médicales des patients. De plus le traitement, le stockage et la destruction de données à caractère personnel par l’autorité ou l’institution compétente de la partie contractante à laquelle elles sont communiquées sont soumis à la législation en matière de protection des données à caractère personnel de cette partie. 

Les institutions en charge de la mise en œuvre du protocole annexe sont particulièrement sensibilisées et outillées pour veiller à la sécurisation et à la protection des données individuelles relatives à la santé des patients.

Articulation du texte avec le droit interne 

La mise en œuvre du protocole nécessite l’élaboration d’une circulaire d’application. Cette dernière, en cours de rédaction, entrera en vigueur en même temps que le protocole.

Les transferts de données à caractère personnel en application du protocole doivent s’effectuer conformément aux dispositions de la loi n° 78-173 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

L’organisation des échanges de données personnelles (en particulier les données médicales) entre le CNSE et la CNAS nécessitera l’élaboration d’un arrangement technique entre la CNAS et la CNAMTS qui sera soumis pour approbation à la CNIL.

Des échanges du CNSE avec les autorités algériennes sont d’ores et déjà courants et portent sur des créances nées de l’application du protocole annexe de 1980 actuellement en vigueur. L’activité de recouvrement des créances internationales du CNSE est régie par les dispositions de la législation sur la protection des données.

Conséquences administratives

Le dispositif du protocole prévoit la possibilité de soins programmés en France pour des patients algériens, résidant en Algérie et pris en charge par la CNAS. Il donne accès aux patients algériens à l’ensemble des hôpitaux français en leur garantissant le tiers payant.

Ainsi, les caisses primaires d’assurance maladie françaises du ressort de laquelle dépend l’établissement de soins, délivrent les prestations en nature, et s’acquittent, auprès de l’établissement de santé, de la totalité du coût des soins couverts par le formulaire d’autorisation de prise en charge, au tarif journalier des prestations.

La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés centralise les justificatifs de dépenses et recouvre les créances étrangères, par l’intermédiaire de son organisme de liaison (Centre national des soins à l’étranger, CNSE) lors de la réunion de la commission mixte franco-algérienne de sécurité sociale auprès de l’institution algérienne. Il s’agit d’un circuit de caisse à caisse similaire à celui existant dans le cadre du protocole du 1er octobre 1980 pour les soins de santé aux pensionnés.

L’application du protocole nécessite la mise en place de procédures administratives efficientes entre les établissements de santé, les CPAM et le CNSE. Un canal de facturation aux CPAM doit être créé sur mesure. Des circuits d’échange d’information sécurisés entre les établissements de santé et le CNSE s’agissant des comptes-rendus hospitaliers produits à l’appui de la facture sont nécessaires. Par ailleurs, le CNSE est l’interlocuteur de la CNAS pour le suivi des dossiers.

Ces procédures ont été testées entre l’AP-HP et la CNSE fin 2015 et ont facilité l’apurement du contentieux hospitalier. Elles devront être étendues dès l’entrée en vigueur du protocole à l’ensemble des établissements de soins susceptibles de recevoir des patients et les CPAM concernées.

Le protocole a également une implication au niveau de l’élaboration d’un devis, de l’admission des patients, du suivi et de la facturation des soins pour les établissements de santé.

Par ailleurs, le protocole annexe de 2016 aura la même incidence que le protocole annexe de 1980 en ce qui concerne la délivrance de visas. Un patient muni d’une prise en charge de la CNAS et devant être admis dans un établissement de santé français devra pouvoir se rendre en France pour y recevoir des soins dans des délais parfois très courts. Si le patient est un mineur, il est entendu que son ou ses parents devront pouvoir l’accompagner. Il existe aujourd’hui une bonne relation de travail entre le consulat général de France à Alger et la CNAS qui permet de traiter rapidement ces cas particuliers.

On estime qu’à flux constant, les bénéficiaires du nouveau dispositif mis en place par le protocole du 10 avril 2016, seront environ un millier de patients par an.

Conséquences concernant la parité femmes/hommes ainsi que sur la jeunesse

La mise en œuvre du protocole ne porte pas atteinte aux droits des femmes, ni n'aggrave les inégalités entre les femmes et les hommes. Elle n’a pas non plus d’impact particulier sur la jeunesse.

Il n’existe pas de statistique permettant de connaître la ventilation par sexe et par âge des patients pris actuellement en charge dans le cadre du protocole de 1980 en vigueur. On peut toutefois relever que l’élargissement du champ d’application du présent protocole aux membres de la famille des travailleurs pourrait permettre la prise en charge d’un public plus large qu’actuellement, et notamment des enfants. 

III – Historique des négociations

Les négociations en vue de la révision du protocole ont été entamées en 2002 à Paris à l’occasion de la commission mixte de sécurité sociale. Plusieurs projets et sessions de discussions ont été menés de 2002 à 2010. Les travaux ont cessé pendant quatre ans en raison du différend sur les dettes hospitalières. La partie française a demandé la résorption des créances des hôpitaux vis-à-vis de la CNAS avant de reprendre les négociations. Un important versement de la CNAS début 2013 a conduit à la reprise des échanges.

Les négociations conduites par les directions en charge de la sécurité sociale des ministères français et algérien ont repris en 2014 de façon intense donnant lieu à cinq sessions entre les délégations techniques de 2014 à 2016. Animées par une forte volonté d’aboutir et un état d’esprit mutuellement constructif ces négociations ont dû surmonter des désaccords concernant les différentes étapes de la prise en charge des soins et de la procédure de poursuite ou de modification de celle-ci, la détermination des éléments inclus dans le devis de l’établissement de santé, le mode de tarification, les modalités de contestation des créances et le versement d’avances en commission mixte par la partie algérienne.

Elles ont été menées en parallèle du règlement du contentieux hospitalier qui a connu des rebondissements et a finalement trouvé une issue en même temps.

IV – État des signatures et ratifications

L’approbation algérienne se fera par décret présidentiel, et peut donc être fait dans un temps très court. Ce décret pourrait être publié après réception de la notification par la France de l’achèvement de sa procédure interne.

1 Publié par décret n° 82-166 du 10 février 1982 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000516516

2 Règlements CE 883/2004 et 987/2009 et Directive 2011/24/UE relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.

3 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460


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