N° 122
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2012.
PROPOSITION DE LOI
en faveur de l’égalité professionnelle et salariale
entre hommes et femmes,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Marie-George BUFFET, François ASENSI, Alain BOCQUET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les inégalités salariales entre femmes et hommes demeurent criantes dans notre pays. Tous contrats confondus, une femme gagne en moyenne 27 % de moins qu’un homme. Dans certains secteurs de l’économie, les écarts sont plus importants encore. Les deux tiers des personnes rémunérées au SMIC et les deux tiers des allocataires du RSA sont des femmes. Près de huit personnes touchant un bas salaire sur dix sont des femmes.
Ces écarts s’expliquent pour partie par les caractéristiques du déroulement de la carrière des femmes. À la sortie du système éducatif, les hommes et les femmes sont souvent titulaires de diplômes et de spécialités différentes. Même lorsque ce n’est pas le cas, les femmes s’insèrent dans des métiers différents, souvent moins rémunérés. Elles peuvent en outre être freinées dans leur carrière, lorsqu’elles n’ont pas pour cette raison été discriminées à l’embauche ou licenciées, du fait même de la possibilité d’une maternité.
Ces écarts salariaux s’expliquent aussi par les évolutions de la structure économique, et notamment par un recours croissant des entreprises au temps partiel. Ces contrats, occupés aux deux tiers par des femmes le plus souvent à l’initiative de l’employeur, représentent aujourd’hui 18 % des emplois au lieu de 7 % il y a trente ans. Or ils ne sont par définition pas rémunérés à taux plein, ce qui a pour conséquence de réduire le salaire disponible en fin de mois et les primes. Aussi, un grand nombre de femmes, parfois seules avec des enfants, vivent dans une grande précarité, alors que le temps partiel s’accompagne en général d’une intensification de la charge de travail ou encore d’une amplitude des horaires de travail largement supérieure à la durée légale d’une journée de travail.
Mais cela n’explique pas tout : à contrat, diplômes, expérience et responsabilités égales, une femme gagne en moyenne 12 % de moins qu’un homme. Cette différence est directement liée au sexe des salariées : c’est parce qu’elles sont femmes qu’elles sont moins payées que les hommes. À cela s’ajoute le fait que, du machisme ordinaire au harcèlement sexuel, en passant par la récurrence des comportements sexistes, les femmes salariées sont confrontées à diverses violences physiques et symboliques. Souvent mal informées, elles éprouvent des difficultés à faire valoir leurs droits.
Ces inégalités ont une même cause : la domination masculine et la reproduction des schémas de domination patriarcale qu’elles contribuent à entretenir, au travail comme dans la sphère domestique. Pas moins de sept lois spécifiques ont déjà été adoptées. Les discriminations à l’embauche, dans le déroulement de la carrière, sur le montant des salaires sont formellement interdites. Les négociations entre les salarié-e-s et les employeurs sont désormais tenues de transformer les relations professionnelles en faveur de l’égalité. Mais, peu contraignante, la loi n’est pas appliquée et la France demeure au 131e rang mondial sur 134 en matière d’égalité salariale. Le temps est donc venu de passer des bonnes intentions à des obligations de résultat.
Cette proposition de loi, qui ne prétend pas épuiser le sujet, propose de prendre au plus vite sept mesures urgentes faciles à mettre en œuvre dans de brefs délais. Il s’agit autant de lutter contre le sexisme qui s’exprime directement ou indirectement dans les relations de travail que de renforcer le pouvoir des salarié-e-s face aux logiques du marché qui s’en nourrissent.
L’article 1er supprime la réduction générale de cotisations patronales lorsque l’employeur ne s’engage pas à supprimer les écarts de salaire. Un employeur qui ne respecte pas la loi en matière d’égalité salariale ne doit pas pouvoir bénéficier d’argent public. Aujourd’hui, un tel employeur a l’obligation d’ouvrir la négociation salariale, mais pas de la conclure. Si son entreprise n’est pas couverte par un accord ou un plan d’action relatifs à l’égalité professionnelle au premier janvier 2012, il pourra être sanctionné financièrement. Mais les critères et le montant de la sanction ne sont que peu dissuasifs. Aussi, cet article vise à imposer aux employeurs une obligation de résultat en matière de négociation, lourdement sanctionnée au plan financier. Bénéfique pour les comptes sociaux, cette mesure, dont les effets devraient se faire sentir de manière immédiate, renforcerait les syndicats dans leur action contre le recours au temps partiel subi, pour l’augmentation des salaires et sur tous les autres leviers permettant de réduire les écarts salariaux.
L’article 2 supprime l’abattement d’assiette pour le calcul des cotisations de sécurité sociale pour les entreprises de plus de vingt salariés dont l’effectif compte, par catégorie d’emploi, plus de 15% de salariés à temps partiel
L’article 3 propose une nouvelle rédaction de l’article L2242-5-1 du code du travail : il augmente significativement la pénalité due lorsque les entreprises ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale et professionnelle hommes-femmes. Il supprime par ailleurs la référence aux efforts en matière d’égalité professionnelle constatés par l’autorité administrative afin que cette dernière définisse le montant de la pénalité en fonction des seules défaillances de l’entreprise quant à ses obligations en matière d’égalité salariale.
L’article 4 prévoit que les entreprises candidates à un marché doivent, à peine de nullité de leur candidature, être couvertes par un accord salarial et un accord relatif à l’égalité professionnelle.
Partant du constat partagé qu’un grand nombre d’entreprises ont abusivement recours au temps partiel, lequel concerne en grande majorité des femmes et maintient ceux qui le subissent dans la pauvreté laborieuse, l’article 5 prévoit une majoration des cotisations sociales patronales dès lors que le nombre de salariés à temps partiel dépasse 1/5ème des effectifs des entreprises de plus de 20 salariés. Concomitamment, l’article 6 créée un droit à la journée continue afin de bannir la pratique des horaires fractionnés, laquelle empêche bien souvent les salariés qui les subissent de compléter leurs revenus grâce à une seconde activité.
L’article 7 prévoit que la prime de précarité versée au départ d’un salarié en contrat à durée déterminée est majorée lorsque celui-ci était à temps partiel.
PROPOSITION DE LOI
I. – Le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Lorsque l’employeur, durant l’année civile, n’a pas conclu d’accord salarial dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, la réduction est supprimée. »
II. – Le dernier alinéa de l’article L. 2242-5 est supprimé.
Après le troisième alinéa de l’article L. 242-10 du code de la sécurité sociale, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3°) Aux salariés des entreprises de plus de vingt salariés dont l’effectif compte, par catégorie d’emploi, un taux de salariés employés à temps partiel, au sens de l’article L. 3123-1 du code du travail, supérieur à 20 %. »
L’article L. 2242-5-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2242-5-1. – Les entreprises d'au moins 20 salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité salariale et professionnelle mentionné à l'article L. 2242-5. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l'accord sont fixées par décret.
« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 5 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'est pas couverte par l'accord mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l'autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, en fonction des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au même premier alinéa.
« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. »
L’entreprise non couverte par un accord salarial d’entreprise de moins d’un an en application de l’article L. 2242-8 du code du travail, et par un accord relatif à l’égalité professionnelle conformément à l’article L. 2242-5 du même code ne peuvent se porter candidates, à peine de nullité de leur candidature.
Après l’article L241-18 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-19 ainsi rédigé :
« Art. L241-19. – À compter du 1er janvier 2013, les entreprises de plus de vingt salariés dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 20% du nombre total de salariés de l’entreprise sont soumises à une majoration de 10% de cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés. »
Le code du travail est ainsi modifié :
I. – L’article L. 3123-19 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3123-19. – Chacune des heures complémentaires accomplies au-delà de la limite fixée à l’article L3123-17 dans le contrat de travail donne lieu à une majoration de salaire de 25 %. »
II. – L’article L3123-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3123-16. – L’horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter d’interruption.
«Toutefois une convention ou un accord collectif de branche étendu ou agréé en application de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles, peut déroger à ces dispositions de manière explicite et en définissant les amplitudes horaires qui ne peuvent être supérieures à douze heures pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l’activité exercée. À défaut de convention ou d’accord collectif étendu, un décret en Conseil d’État peut prévoir, pour des activités présentant le caractère de service public, les conditions dans lesquelles des dérogations aux dispositions du présent alinéa peuvent être autorisées par l’inspection du travail. »
Le deuxième alinéa de l’article L1243-8 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le contrat de travail est à temps partiel, l’indemnité est égale à 20% de la rémunération totale brute versée au salarié. »