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N° 186

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Éric CIOTTI, Philippe GOUJON et Guillaume LARRIVÉ,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les policiers et les gendarmes exercent des missions extrêmement difficiles dans des conditions de plus en plus dures. Ils s’en acquittent avec détermination et loyauté, dans le plus grand respect de la loi, parfois au prix de leur vie pour assurer la sécurité des Français. Depuis quelques années, ils sont confrontés à des délinquants déterminés qui n’hésitent pas à utiliser de véritables armes de guerre. La mort du Lieutenant Éric Lalès touché par des tirs de kalachnikov le 28 novembre 2011 alors qu’il poursuivait des cambrioleurs l’illustre tragiquement.

Or, force est de constater que lorsqu’il s’agit de faire usage de leurs armes à feu, les policiers et les gendarmes ne sont pas soumis aux mêmes règles.

En effet - contrairement aux gendarmes et aux douaniers qui peuvent le faire après des sommations verbales et dans des conditions limitatives -, les policiers ne sont autorisés à faire usage de leur arme à feu qu’en réponse à une agression de même nature, c’est-à-dire dans le cas strict de la légitime défense. C’est donc le droit commun qui s’applique aux policiers.

Cette insécurité juridique peut amener les policiers à hésiter à se défendre en cas d’agression violente, par peur de poursuites administratives ou judiciaires sévères.

Cette inégalité s’est concrétisée suite à la qualification d’homicide volontaire retenue par le Parquet de Bobigny à l’encontre d’un policier, après le décès d’un homme recherché pour des vols à main armée lors d’une intervention à Noisy-le-Sec, le 21 avril 2012.

Aujourd’hui, dans un État de droit, il n’est plus acceptable qu’un policier soit d’abord blessé avant d’être juridiquement en mesure de riposter, ou qu’il coure le risque sérieux d’être mortellement blessé avant de riposter. Un policier agissant dans l’exercice de ses fonctions ne peut pas et ne doit pas être mis sur le même plan qu’un délinquant.

Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a mis en place peu de temps après sa prise de fonctions, une mission de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes. Aujourd’hui, nous ne pouvons que regretter que cette mission, présidée par le conseiller d’État Mattias Guyomar, ait écarté dans son rapport rendu public le 13 juillet 2012 « la création d’un nouveau cas de présomption de légitime défense » et d’un nouveau cadre légal d’usage des armes, préférant s’en tenir au « statu quo » jugeant « un alignement par le haut (en faveur de la police) inutile voire contreproductif ».

C’est pour tenter de remédier à cette situation inacceptable que la législation doit être adaptée. Elle doit donner la possibilité aux policiers de faire usage de leurs armes lorsqu’ils se sentent menacés ou pour sommer des suspects de s’arrêter dans certaines conditions limitatives. Plusieurs pays européens disposent d’un cadre juridique similaire.

Il est donc proposé d’aligner les conditions de déploiement de la force armée par les policiers sur le régime applicable aux gendarmes et d’introduire une cause nouvelle d’irresponsabilité pénale au bénéfice des forces de sécurité pour l’accomplissement d’un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives.

L’objectif de cette harmonisation des conditions de déploiement de la force armée par les fonctionnaires des services actifs de la police sur celles en vigueur pour les gendarmes est d’améliorer l’efficacité de l’action des policiers ainsi que de faciliter la conduite d’opérations communes entre la police nationale et la gendarmerie nationale.

Le but n’est évidemment pas de réclamer l’impunité, encore moins d’accorder un « permis de tuer », mais de renforcer la protection pénale des forces de sécurité. Il faut naturellement que la justice puisse faire son travail mais il faut également que les policiers et les gendarmes aient les moyens de se défendre dans des situations extrêmes où le recours aux armes est nécessaire.

Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est complétée par un article 143 ainsi rédigé :

« Art. 143. – Les fonctionnaires des services actifs de la police nationale ne peuvent, en l’absence de l’autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée que dans les cas suivants :

« 1° Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu’ils sont menacés par des individus armés ;

« 2° Lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;

« 3° Lorsque les personnes invitées à s’arrêter par des appels répétés faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s’arrêter que par l’usage des armes ;

« 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt.

« Ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens appropriés tels que herses, hérissons, câbles, pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s’arrêtent pas à leurs sommations. »

Article 2

Après l’article 122-4 du code pénal, est inséré un article 122-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 122-4-1. – N’est pas pénalement responsable le gendarme qui accomplit un acte prévu à l’article L. 2338-3 du code de la défense ou le fonctionnaire des services actifs de la police nationale qui accomplit un acte prévu à l’article 143 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. »


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