N° 809
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mars 2013.
PROPOSITION DE LOI
sur le dialogue social et la continuité du service public
dans les transports maritimes,
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Laurent MARCANGELI, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Camille de ROCCA SERRA, Éric CIOTTI, Thierry MARIANI, Dominique BUSSEREAU, Christian ESTROSI, Éric STRAUMANN, Franck GILARD, Marc-Philippe DAUBRESSE, Alain SUGUENOT, Jacques MYARD, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Laurent FURST, Jean-Paul TUAIVA, Sophie ROHFRITSCH, Arnaud ROBINET, Olivier AUDIBERT-TROIN, Jean-Claude MATHIS, Marie-Christine DALLOZ, Jean-Luc MOUDENC, Alain MOYNE-BRESSAND, Fernand SIRÉ, Yves ALBARELLO, Claude STURNI, Georges GINESTA, François VANNSON, Alain MARTY, Arlette GROSSKOST, Sylvain BERRIOS, Julien AUBERT, Dominique TIAN, Jean-Claude GUIBAL, Annie GENEVARD, Alain MARSAUD, Lucien DEGAUCHY, Charles-Ange GINESY, Philippe VIGIER, Yves FOULON, Dino CINIERI, Daniel FASQUELLE, Édouard COURTIAL, Jean-Luc REITZER, Philippe VITEL, Georges FENECH, Dominique LE MÈNER, Alain CHRÉTIEN, Valérie LACROUTE, Bernard BROCHAND, Michel HERBILLON, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Guy TEISSIER et Guénhaël HUET,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi du 21 août 2007 a permis d’assurer la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs en cas de grève ou de perturbation prévisible. Cette continuité a été étendue au transport aérien par la loi Diard de mars 2012.
Ce dispositif appelé communément « service minimum » met en œuvre des dispositions permettant aux compagnies de définir un plan de transport adapté aux moyens humains dont elles disposent et de renforcer le droit d’information des usagers. Cela passe notamment par l’obligation pour les personnels grévistes de se déclarer 48 heures à l’avance mais aussi d’informer de la reprise de leur travail 24 heures avant.
Ce mécanisme a depuis prouvé son efficacité car il est juste et proportionné : il permet d’assurer le nécessaire respect des libertés d’aller et venir et de travailler des usagers sans toutefois porter atteinte au droit de grève des agents.
La présente proposition de loi a pour objet d’étendre ce dispositif au transport maritime. Des tentatives ont déjà été initiées en ce sens, notamment par MM. Sauveur GANDOLFI-SCHEIT et Camille de ROCCA SERRA lors de la discussion de la loi sur le service minimum dans les transports terrestres en 2007, via le dépôt d’amendements.
En effet, la desserte de certaines îles, à commencer par la Corse, est régulièrement affectée en cas de conflit social dans les entreprises de transport maritime.
Ces blocages portent une atteinte aux libertés des usagers et engendrent parfois des situations personnelles difficiles. Par ailleurs, cette rupture des échanges est de nature à fragiliser chaque fois un peu plus l’économie de l’île. Cette problématique est d’autant plus aigüe qu’il n’existe pas d’alternative comme cela peut être le cas lors des grèves de transports terrestres grâce au véhicule.
Conscient des contraintes liées à l’insularité, le législateur a d’ailleurs introduit en 1976 le principe de continuité territoriale afin d’atténuer ces difficultés. La présente proposition de loi s’inscrit donc dans la droite ligne de ce principe. Elle répond par ailleurs à un souci d’équité entre les différents types d’entreprises de transports.
L’article 1er prévoit qu’un accord de prévention des conflits doit être négocié dans les services publics de transport maritime dans un délai d’un an après la promulgation de la loi. À défaut, un décret en Conseil d’État fixerait la procédure applicable dans les entreprises.
L’article 2 prévoit que la collectivité territoriale organisatrice des transports maritimes définit les dessertes prioritaires en cas de perturbation du trafic. Cet article impose par ailleurs aux employeurs ainsi qu’aux syndicats de négocier un accord de prévisibilité du service. En cas de grève, cet accord vise à assurer le mieux possible le service.
PROPOSITION DE LOI
I. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 2512-2 du code du travail, dans les services publics de transports maritimes réguliers de personnes et de biens pour la desserte des îles visés à l’article L. 5431-1 du code des transports, l’employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, dans le délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, d’un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Dans ces entreprises, le dépôt d’un préavis de grève ne peut intervenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis. L’accord-cadre fixe les règles d’organisation et de déroulement de cette négociation. Ces règles doivent être conformes aux conditions posées au II.
Un décret en Conseil d’État pris après consultation des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des secteurs d’activité concernés fixe les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa dans les entreprises de transport où, à l’issue du délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, aucun accord-cadre n’a pu être signé. Les règles d’organisation et de déroulement ainsi prévues respectent les conditions posées au II. L’accord-cadre régulièrement négocié après cette date s’applique, dès sa signature, en lieu et place de ce décret.
II. – L’accord-cadre et, le cas échéant, le décret en Conseil d’État prévus au I déterminent notamment :
1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l’employeur des motifs pour lesquels elle envisage de déposer un préavis de grève conformément à l’article L. 2512-2 du code du travail ;
2° Le délai dans lequel, à compter de cette notification, l’employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;
3° La durée dont l’employeur et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours francs à compter de cette notification ;
4° Les informations qui doivent être transmises par l’employeur aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;
5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l’employeur se déroule ;
6° Les modalités d’élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable ainsi que les informations qui doivent y figurer ;
7° Les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l’employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.
Le titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Dispositions relatives à la continuité du service public
dans les transports maritimes
« Art. L. 1115-1. – Le présent chapitre est applicable aux services publics de transports maritimes réguliers de personnes et de biens pour la desserte des îles visés à l’article L. 5431-1.
« Art. L. 1115-2. – Après consultation des usagers lorsqu’il existe une structure les représentant, la collectivité territoriale organisatrice de transport définit les dessertes prioritaires en cas de perturbation prévisible du trafic, telle que définie par l’article L. 1222-2.
« Art. L. 1115-3. – Pour assurer les dessertes prioritaires, la collectivité territoriale organisatrice de transports détermine différents niveaux de service en fonction de l’importance de la perturbation.
« Pour chaque niveau de service, elle fixe les fréquences et les plages horaires. Le niveau minimal de service doit permettre d’éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’accès aux services publics, à la liberté du travail et à la liberté du commerce et de l’industrie. Il correspond à la couverture des besoins essentiels de la population. Il doit également garantir l’accès au service public de l’enseignement les jours d’examens nationaux. Il prend en compte les besoins particuliers des personnes à mobilité réduite. Les priorités de desserte et les différents niveaux de service sont rendus publics.
« Art. L. 1115-4. – La collectivité territoriale organisatrice, si elle assure elle-même le service de transport maritime, ou l’entreprise de transport maritime ayant reçu délégation de service public élabore :
« - un plan de transport adapté aux priorités de desserte et aux niveaux de service définis préalablement, qui précise, pour chaque niveau de service, les plages horaires et les fréquences à assurer ;
« - un plan d’information des usagers.
« Dans le cas où le service est assuré par une entreprise de transport maritime, celle-ci, après avoir consulté les institutions représentatives du personnel, soumet ces plans à l’approbation de la collectivité territoriale organisatrice.
« Art. L. 1115-5. – Les plans visés à l’article L. 1115-4 sont rendus publics et intégrés, le cas échéant, au contrat de service public conclu par la collectivité territoriale organisatrice avec l’entreprise de transport maritime. Les conventions en cours sont modifiées en ce sens. Elles peuvent l’être par voie d’avenant.
« Art. L. 1115-6. – Le représentant de l’État est tenu informé par la collectivité territoriale organisatrice de transport maritime de la définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service attendus, ainsi que de l’élaboration des plans visés à l’article L. 1115-4 et de leur intégration aux contrats de service public.
« En cas de carence de la collectivité territoriale organisatrice de transport maritime, et après une mise en demeure, le représentant de l’État arrête les priorités de desserte ou approuve les plans visés au L. 1115-4.
« Art. L. 1115-7. – Dans les services publics visés à l’article L. 1115-1, l’employeur et les organisations syndicales représentatives concluent un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic.
« Cet accord recense, par métier, fonction et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d’agents et leurs effectifs, ainsi que les moyens matériels, indispensables à l’exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur applicables à l’entreprise, de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté.
« Il fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l’organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en œuvre du plan de transport adapté. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l’entreprise non grévistes.
« À défaut d’accord applicable, un plan de prévisibilité est défini par l’employeur.
« L’accord ou le plan est notifié au représentant de l’État et à la collectivité territoriale organisatrice de transport maritime si le service est assuré par une entreprise ayant reçu délégation de service public.
« Art. L. 1115-8. – En cas de grève, les personnels des services publics visés à l’article L. 1115-1 informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef d’entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d’y participer.
« Le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue de sa participation à la grève afin que celui-ci puisse l’affecter. Cette information n’est pas requise lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève.
« Le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l’affecter. Cette information n’est pas requise lorsque la reprise du service est consécutive à la fin de la grève.
« Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’employeur comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.
« Est passible d’une sanction disciplinaire le salarié qui n’a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.
« Art. L. 1115-9. – En cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de disposer d’une information gratuite, précise et fiable sur le service assuré, dans les conditions prévues par le plan d’information des usagers.
« En cas de perturbation prévisible, l’information aux usagers doit être délivrée par l’entreprise de transports au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation.
« Art. L. 1115-10. – L’entreprise de transports informe immédiatement la collectivité territoriale organisatrice de transports de toute perturbation ou risque de perturbation.
« Art. L. 1115-11. – En cas de défaut d’exécution dans la mise en œuvre du plan de transports adapté ou du plan d’information des usagers prévus à l’article L. 1115-4, la collectivité territoriale organisatrice de transports impose à l’entreprise de transports, quand celle-ci est directement responsable du défaut d’exécution, un remboursement total des titres de transports aux usagers en fonction de la durée d’inexécution de ces plans. La charge de ce remboursement ne peut être supportée directement par la collectivité territoriale organisatrice de transports.
« La collectivité territoriale organisatrice de transports détermine par convention avec l’entreprise de transports les modalités pratiques de ce remboursement selon les catégories d’usagers.
« Art. L. 1115-12. – L’usager qui n’a pu utiliser le moyen de transport pour lequel il a contracté un abonnement ou acheté un titre de transport a droit à la prolongation de la validité de cet abonnement pour une durée équivalente à la période d’utilisation dont il a été privé, ou à l’échange ou au remboursement du titre de transport non utilisé ou de l’abonnement.
« L’acte de remboursement est effectué par la collectivité territoriale ou l’entreprise qui lui a délivré l’abonnement ou le titre de transport dont il est le possesseur.
« Lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont par ailleurs prévues, la collectivité territoriale organisatrice de transports peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers. »