N° 866
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mars 2013.
PROPOSITION DE LOI
tendant à permettre à une personne intéressée ou mise en cause même indirectement par une enquête pénale, d’obtenir la copie
de l’éventuelle ordonnance de non-lieu
lorsqu’elle est devenue définitive,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Marie-Jo ZIMMERMANN,
députée.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Aujourd’hui, le code de procédure pénale ne reconnaît pas explicitement la notion de « personne mise en cause ». C’est la « doctrine » qui considère que peuvent rentrer dans cette catégorie toutes les personnes qui ont été liées à une procédure pénale. C’est le cas des témoins assistés, des témoins, des gardés à vue, des personnes dénoncées, des personnes ayant fait l’objet de perquisitions, de visites domiciliaires ou de saisies de pièces à conviction… C’est aussi le cas des personnes demeurées à l’écart de la procédure proprement dite mais néanmoins mises en cause, par exemple, par voie de presse.
La « doctrine » s’interroge donc actuellement sur la possibilité de protéger l’innocence des personnes soupçonnées d’avoir participé à la commission d’une infraction et qui n’ont, juridiquement pas la qualité de partie. On rappellera qu’au sens du code de procédure pénale, ont seule la qualité de parties : la ou les personnes mises en examen, d’une part, et la partie civile, d’autre part.
L’article 114 du code de procédure pénale prévoit les conditions dans lesquelles les copies de pièce de procédure pénale, dans le cadre d’une instruction, peuvent être communiquées aux avocats des parties. Ces pièces sont en principe couvertes par le secret de l’instruction.
Mais qu’en est-il des personnes qui ont été entendues par un officier de police judiciaire parce qu’elles étaient susceptibles de fournir des renseignements ou susceptibles d’être suspectées ?
Qu’en est-il des personnes entendues à titre de témoins par le juge d’instruction parce que leur déposition lui paraît utile ou à la demande d’une partie (articles 101 et 82-1 du code de procédure pénale) ?
Qu’en est-il aussi des personnes qui sans être mises en cause par la justice, ont été présentées dans la presse comme d’éventuels suspects ou comme étant liées à des suspects ?
Ces personnes sont particulièrement intéressées aux suites de l’enquête pénale ou de l’instruction dans lesquelles elles ont pu être impliquées parfois bien malgré elles. Or lorsqu’une ordonnance de non-lieu est devenue définitive, on ne peut plus pourtant parler de secret de l’instruction puisque celle-ci est désormais close.
En l’état actuel cependant, une personne intéressée aux suites d’une enquête pénale ou d’une instruction ne dispose d’aucun droit à la communication de l’ordonnance de non-lieu devenue définitive dans l’affaire en cause. Dans plusieurs questions écrites (n° 1974 de Jean-Louis Masson, J.O. Sénat du 20/09/2012 ; n° 5157 de Marie-Jo Zimmermann, J.O. AN du 25/09/2012), des parlementaires ont saisi le garde des sceaux de ce problème.
Celui-ci a simplement indiqué qu’ « en l’absence de réponse du procureur général dans un délai raisonnable à une demande de copie de pièce de procédure, le requêtant peut adresser sa demande au garde des sceaux qui, dans le cadre d’un recours gracieux, interrogera ce magistrat sur les raisons de sa carence et l’invitera à répondre dans les meilleurs délais ». Mais rien dans cette réponse n’indique que le procureur est tenu de répondre favorablement à une demande formulée par un témoin et tendant à se voir communiquer l’ordonnance de non-lieu devenue définitive.
Dans d’autres réponses publiées au J.O. Sénat du 28/02/2013 et au J.O. AN du 26/02/2013, le ministre de la justice s’est contenté de préciser que « le délai raisonnable est une notion fonctionnelle dont la portée s’apprécie in concreto. Il est fonction de la complexité de l’affaire, en fait et en droit. En tout état de cause, il n’appartient pas au ministre de la justice de fixer précisément ce délai alors qu’il n’est pas précisé par la loi. Le Conseil d’État a jugé que les jugements, ordonnances et arrêts rendus par les juridictions de l’ordre judiciaire n’étaient pas des “documents administratifs” au sens du titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et que les litiges nés de la communication ou du refus de communication de telles pièces intéressaient le fonctionnement du service public de la justice, de sorte qu’il n’appartenait pas à la juridiction administrative de se prononcer sur ces litiges (CE, 27 juillet 1984, Association S.O.S. Défense c/ Cour de cassation n° 30590). Par ailleurs, le principe de séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que la juridiction administrative se prononce sur des actes qui ne sont pas détachables des procédures suivies devant les juridictions judiciaires (voir, par exemple, CE, 16 septembre 2005, Germain Gaiffe n° 285079). Par conséquent, le requérant n’a pas la possibilité de saisir le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus du garde des sceaux de saisir le procureur de la République qui en tout état de cause s’analyse comme un refus de prendre une mesure gracieuse insusceptible d’un recours devant le juge administratif ».
Ainsi, lorsque le procureur général refuse de notifier sa décision, le requérant se trouve dans une impasse. Dans une réponse à M. Jean-Louis MASSON (question écrite n° 17003, J.O. Sénat du 25/08/2011), le ministre a pourtant indiqué qu’un projet de décret était à l’étude pour remédier à ce vide juridique : « Ce décret, a-t-il souligné, compléterait les dispositions existantes du code de procédure pénale afin notamment de préciser, selon la nature de la pièce demandée et la qualité du demandeur, si la copie doit être systématiquement délivrée, si sa délivrance est de droit sauf décision contraire spécialement motivée, ou si sa délivrance doit faire l’objet d’une autorisation préalable ».
À ce jour, le décret n’est toujours pas paru et il convient de remédier à cette carence. La présente proposition de loi tend donc à permettre à une personne intéressée ou mise en cause même indirectement dans le cadre d’une enquête pénale d’obtenir communication de l’éventuelle ordonnance de non-lieu lorsque celle-ci est devenue définitive.
PROPOSITION DE LOI
Après le deuxième alinéa de l’article 177-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne intéressée ou mise en cause directement ou indirectement, notamment par voie de presse, dans le cadre d’une affaire pénale peut obtenir communication de la copie de l’éventuelle ordonnance de non-lieu lorsqu’elle est devenue définitive. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa. »