N° 894
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2013.
PROPOSITION DE LOI
relative aux dons et prélèvements d’organes,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Alain CHRÉTIEN, Bruno LE MAIRE, Bernard ACCOYER, Laure de LA RAUDIÈRE, Éric STRAUMANN, Sophie ROHFRITSCH, Dino CINIERI, Bernard PERRUT, André SCHNEIDER, Jean-Pierre VIGIER, Édouard COURTIAL, Rémi DELATTE, Julien AUBERT, Lionnel LUCA, Laurent FURST, Jean-Marie SERMIER, Jean-Luc MOUDENC, Philippe LE RAY, Sylvain BERRIOS, Alain MARLEIX, Claude de GANAY, Damien ABAD, Thierry SOLÈRE, Valérie LACROUTE, Patrice VERCHÈRE, Philippe Armand MARTIN et Gérald DARMANIN,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le don d’organes est un défi de société essentiel, plaçant la solidarité au-dessus de tout. Cette solidarité doit s’appliquer dans les deux sens : si un patient est disposé à se faire greffer un organe ou recevoir un greffon, il doit être également disposé à faire un don le cas échéant.
La question fondamentale de savoir à qui appartient le corps humain après le décès a donné lieu par le passé à différentes dispositions, faisant, à titre d’exemple, dépendre le prélèvement du consentement de la famille et imposant un délai de 24 heures entre le constat du décès et le prélèvement (décret du 02/12/1941) ou considérant que le corps d’un sujet décédé est un bien extrapatrimonial qui ne peut donc faire partie de l’héritage des ayants droit ni donner lieu à saisie ou à cession (loi du 15/11/1887).
Depuis la loi Caillavet de décembre 1976, le corps de l’individu vivant est considéré comme distinct du cadavre. La France adopte dès lors le principe du consentement présumé. Il est en effet présumé que la personne décédée qui ne s’était pas opposée de son vivant à un prélèvement sur son cadavre y était favorable, ce qui rend le prélèvement légal. En dehors des personnes inscrites sur le registre national des refus, toute personne est donc présumée consentir à un don d’organe, et les médecins – ayant effectué un prélèvement sur une personne décédée – ont l’obligation de s’assurer de la restauration décente du corps. Néanmoins, dans la plupart des cas, si le défunt ne s’était pas inscrit de son vivant sur le registre national des refus, le médecin est en droit de demander à la famille de fournir un témoignage de la volonté du défunt. Dans la pratique, aucun témoignage n’est fourni et le médecin ne prélève pas alors qu’il en a la possibilité.
La France est confrontée à une pénurie d’organes, essentiellement liée à une méconnaissance des possibilités de don par 87 % des Français. Seul 13 % des Français connaissent la loi sur le don d’organes et le consentement présumé et ne peuvent donc pas prendre position de façon éclairée et ne partagent pas leur position avec leurs proches ce qui entraîne très souvent un refus de la part de la famille car la question n’ayant jamais été abordée, surgit dans un moment particulièrement pénible et difficile et vient rajouter de la douleur à la douleur et souvent le regret, plus tard d’avoir dit non. En 2011, en France, sur 16 371 candidats à une greffe, dont près de 6 374 nouveaux malades et candidats à une greffe sur la seule année 2011, seuls 4 945 patients ont obtenu un organe. Il y a donc eu davantage de nouveaux candidats que de greffes réalisées en 2011. Cette pénurie n’est pas récente. Il convient de rappeler que plusieurs centaines de patients décèdent chaque année en France, faute de greffons.
La loi de 2004 a donc imposé un effort pour élargir le cercle des donneurs vivants potentiels. Malgré ces dispositions, il a été constaté une pénurie d’organe croissante, alors que dans le même temps le nombre de candidat à une greffe augmentait de 25 % entre 2007 et 2012, passant de 13 081 patients à 16 371 patients.
Aussi, les dispositions prévues relatives aux prélèvements d’organes sur personne décédée nécessitent une nouvelle impulsion. La relative rareté des prélèvements cadavériques tient avant tout à la rareté des constatations de mort encéphalique. En effet, dans le cas de prélèvement sur une personne décédée, seul un état de mort cérébrale peut donner lieu à un prélèvement d’organes, soit 1 % des cas. Ainsi, en 2011, seulement 49,5 % des morts encéphaliques ont donné lieu à des prélèvements malgré la règle du consentement présumé.
Au regard de cette situation, et alors même que le don du vivant ne suffit pas aux besoins en greffons, le prélèvement d’organe sur personne décédée pourrait être davantage développé. La loi de 2004 relative à la bioéthique prévoyait, comme celle de 1994, un réexamen global dans un délai de cinq ans à compter de son entrée en vigueur. La loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 est l’aboutissement de la clause de révision inscrite dans la loi de 2004. Les principales innovations relatives au don d’organes dans ce nouveau texte portent sur l’autorisation du don croisé d’organes intervenant en cas d’incompatibilité entre proches : deux personnes, candidates au don pour un proche mais incompatibles avec leur proche malade, s’échangent leur receveur respectif s’ils leur sont compatibles. Cette possibilité concernant essentiellement les greffes de rein permettrait d’en réaliser 100 ou 200 de plus chaque année. Toutefois, le texte ne permet pas une avancée en ce qui concerne le prélèvement d’organes sur personnes décédées, ne résolvant pas la pénurie d’organes en France.
Certains pays, tel que l’Espagne, couvrent d’ailleurs les besoins de la transplantation avec leurs seuls prélèvements cadavériques et l’Espagne, l’Autriche et la Belgique disposent d’un nombre de dons d’organes supérieur au nôtre. Le taux réel de refus au prélèvement est de 32,4 % en France alors qu’il n’est que de 15 % en Espagne.
C’est pourquoi, face à la pénurie d’organes, il vous est proposé, d’une part de renforcer l’information sur le don d’organe en faisant connaître la loi à tous les Français pour que chacun puisse prendre position et ainsi protéger ses proches, et d’autre part, à renforcer l’applicabilité du régime de consentement présumé.
PROPOSITION DE LOI
Après le premier alinéa de l’article L. 1211-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est considérée comme donneur présumé, toute personne majeure qui n’a pas manifesté son opposition auprès de ses proches ou auprès de son médecin, ou par son inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. »
L’article L. 1211-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’État fixe comme objectif à l’Agence de la biomédecine de faire connaître la loi à tous les Français dans un délai de cinq ans. »
À l’article L. 1232-1 du même code, les mots : « peut être exprimé par tout moyen » sont remplacés par les mots : « doit être exprimé ».
Le premier alinéa de l’article L. 1235-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette opposition prend la forme d’une inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. »