N° 966
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2013.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Virginie DUBY-MULLER,
députée.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Si l’article 104 du code civil permet à tout Français d’effectuer une déclaration de changement de domicile auprès de la municipalité qu’il quitte ou de celle où il s’installe, il n’en fait pas une obligation.
Le décret n° 47-2410 du 31 décembre 1947imposait cette déclaration aux ressortissants étrangers, mais il a été abrogé par le décret n° 2006-1378 du 15 novembre 2006.
Des dispositions particulières en matière de déclaration domiciliaire sont toutefois applicables en Alsace-Moselle. Trois ordonnances des 15, 16, 18 juin 1883 prises par les présidents des trois districts alsaciens et lorrains rendent obligatoires les déclarations de domicile auprès de l’autorité de police communale. Mais les sanctions applicables ont été abrogées en 1919.
Dans une étude publiée en novembre 2004, le service de la législation comparée du Sénat observe que « l’analyse des dispositions applicables en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède et en Suisse montre que la déclaration domiciliaire constitue une obligation très répandue en Europe et qu’elle est assortie de sanctions ».Il conclut que « l’absence de déclaration domiciliaire en France apparaît donc comme une exception, tandis que la généralisation des registres locaux de population à l’étranger s’explique par l’importance des compétences des communes, notamment en matière sociale ».
Le but du dispositif proposé est, par conséquent, de permettre d’avoir une connaissance détaillée et actualisée de la population d’une commune, ce qui suppose de disposer d’éléments d’information (identité, date de naissance, adresse du déclarant et des personnes qui composent son foyer) sur l’ensemble de la population de la commune, que les personnes soient de nationalité française ou pas. La proposition de loi retient ainsi la notion de « domicile » qui figure à l’article 102 du code civil, plutôt que celle de « résidence principale » qui est issue du droit fiscal.
Par ailleurs, pour que cette obligation de déclaration soit respectée, il est proposé qu’un récépissé soit délivré aux personnes ayant effectué leur déclaration de domicile, récépissé qui serait indispensable à toute autre démarche liée à l’installation et à la vie dans une commune, telle que le raccordement aux différents réseaux, l’inscription sur les listes électorales ou dans une crèche ou une école, les activités périscolaires ou culturelles etc.
Il conviendrait de leur accorder un délai pour se mettre en règle avec cette obligation. Il est proposé de prévoir un délai de trois ans (article 2 de la proposition de loi qui vous est proposée). Les communes pourraient naturellement inviter leurs habitants à régulariser leur situation à l’occasion de toute autre démarche à la mairie, par exemple.
Disposer d’un récépissé de déclaration de domicile serait également nécessaire aux personnes qui, sans changer de commune (ou d’arrondissement, à Paris, Lyon et Marseille), changeraient d’adresse : il est donc proposé de les inclure dans le champ des personnes devant effectuer la déclaration.
Pour que le registre des déclarations soit toujours pertinent, il faudrait aussi que les personnes qui quittent une commune soient « rayées » de la liste des habitants de cette commune. Afin de leur éviter une double démarche (à la mairie de la commune de départ, puis à la mairie de la commune d’emménagement), il est proposé de confier à la mairie qui enregistre une arrivée d’informer, le cas échéant, la commune de provenance de la personne, afin que cette commune puisse tenir à jour son registre. L’application informatique qui devrait être mise en place pour gérer le fichier des déclarations de domicile pourrait prévenir automatiquement la commune de départ, voire effectuer elle-même la radiation.
L’un des objectifs de ce système de déclaration obligatoire est de faire en sorte que les différents financements accordés par l’État aux collectivités, tiennent compte de la réalité de leur population, telle que le registre permettrait de la connaître, plutôt que des résultats du dernier recensement, comme c’est le cas actuellement. D’une manière générale, le nombre d’habitants tel qu’il sera connu grâce au registre devrait se substituer, à terme, à tout autre nombre reposant sur une évaluation. Dans la mesure où les dispositions qu’il faudrait adapter sont nombreuses et qu’une partie d’entre elles est de nature réglementaire, la proposition de loi pourrait se contenter « pour mémoire » de poser ce principe. Telle est la raison d’être de l’article 4 de la proposition proposée ci-après.
PROPOSITION DE LOI
Le titre IIIème du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 103 est ainsi rédigé :
« Art. 103. – Toute personne qui établit ou transfère son domicile dans une commune ou dans un arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille doit en faire la déclaration auprès des services de la mairie de cette commune ou de cet arrondissement.
« Les services de la mairie qui recueillent la déclaration en informent, le cas échéant, les services de la mairie de la commune ou de l’arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille où la personne était domiciliée auparavant.
« Doit également être déclaré tout changement de domicile au sein de la même commune ou du même arrondissement. »
2° L’article 104 est ainsi rédigé :
« Art. 104. – Un récépissé de déclaration de domicile est remis au déclarant par les services de la mairie de la commune ou de l’arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille qui enregistrent la déclaration. Il constitue l’unique justification de domicile à produire pour l’accomplissement de toute formalité. »
3° L’article 105 est ainsi rédigé :
« Art. 105. – Dans chaque mairie sont recueillis les éléments relatifs à l’identité, à la date de naissance et à l’adresse des personnes venues déclarer avoir établi leur domicile sur le territoire de la commune ou, pour Paris, Lyon et Marseille, de l’arrondissement, ainsi que des personnes qui composent leur foyer.
« Les registres nominatifs créés au titre du recueil d’informations visé au premier alinéa sont tenus dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Le droit d’accès et de correction des données nominatives est assuré conformément aux dispositions de la loi précitée. Ces données nominatives ne peuvent être consultées que par les agents chargés de la mise en œuvre de ce recueil. La diffusion de ces données à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal.
« Ces informations sont recueillies, transmises et utilisées dans des conditions garantissant leur confidentialité et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
Les personnes ayant déjà établi leur domicile dans une commune à la date d’entrée en vigueur de la présente loi disposent de trois années à compter de cette date pour effectuer la déclaration prévue à l’article 103 du code civil.
La présente loi annule et remplace les dispositions relatives à la déclaration et au fichier domiciliaires applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
À compter du 1er janvier 2018, le nombre de personnes ayant leur résidence habituelle sur le territoire d’une commune est le nombre de personnes qui y sont domiciliées, calculé à partir des éléments recueillis en application de l’article 105 du code civil.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de la présente loi.
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2015.
Les charges qui pourraient résulter pour les communes de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement, et, corrélativement pour l’État, par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.