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N° 1100

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mai 2013.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la pleine réhabilitation de la Commune
et des communards,

présentée par Madame et Messieurs

Jean-Jacques CANDELIER, François ASENSI, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ et Jacqueline FRAYSSE,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a 142 ans, le 18 mars 1871, débutait la Commune de Paris, insurrection née des souffrances liées au siège de la capitale par les Prussiens, d’une paupérisation croissante du peuple parisien et d’un fort élan républicain suite à l’élection à l’Assemblée d’une chambre à dominante monarchiste.

Pendant deux mois, la Commune de Paris a porté les valeurs universelles de liberté, d’égalité et de fraternité, à travers l’émergence du droit du travail, l’école gratuite et laïque pour tous, l’égalité d’accès à la justice, la séparation de l’Église et de l’État, la promotion de l’art et de la culture, la défense de l’intérêt général par l’extension des services publics, une démocratie où le peuple n’abdique pas sa souveraineté... Autant de projets et de réalisations qui nous interpellent par leur brûlante modernité.

On connait la fin tragique de l’expérience communarde : pendant la Semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871, la répression des troupes versaillaises s’abattit sur les communards, et plusieurs milliers d’entre eux furent fusillés, de 10 000 à plus de 30 000 selon les historiens. Des procès, hors de tout droit, multiplièrent ensuite les condamnations à la prison ou à la déportation.

Nous avons la conviction que la connaissance des événements qui ont marqué l’Histoire et participé à l’affirmation des valeurs communes de notre République est indispensable à la constitution d’une mémoire nationale partagée.

La Ville de Paris notamment a rendu de nombreuses fois hommage à la Commune. Mais l’État a également un rôle majeur à jouer, à travers la matérialisation des lieux de mémoire dans l’espace public et les administrations, ou par des gestes forts.

Le Parlement enfin peut favoriser la reconnaissance des événements constitutifs de l’identité républicaine, à travers notamment l’adoption de résolutions.

Le 11 juillet 1880, la loi portant amnistie générale des communards est adoptée. Elle permet à ceux-ci de sortir des prisons, de revenir de déportation ou d’exil, mais elle vise seulement à éteindre l’action publique (les seules poursuites pénales) et à effacer la peine prononcée sans effacer les faits. Elle n’est en aucun cas une révision de la condamnation. Elle est un pardon légal qui vise au silence, à l’amnésie.

Nous croyons aujourd’hui nécessaire d’aller au-delà : c’est en ce sens que nous avons décidé de déposer une proposition de résolution affirmant la pleine réhabilitation de la Commune et des communards, et le rôle de cette période de l’histoire dans la conquête des droits politiques et sociaux aujourd’hui au fondement de notre République.

Il est plus que temps de reconnaître qu’on ne peut accorder la moindre valeur juridique aux fusillades sommaires sur les barricades, aux exécutions en masse décidées en quelques secondes par les cours prévôtales pendant la Semaine sanglante et aux condamnations hâtives de milliers de communards par les cours versaillaises pendant les mois qui suivent la Commune.

La réhabilitation pourrait se manifester par toute une série de mesures concrètes : donner à la Commune de Paris dans les programmes scolaires toute sa place à la mesure de son importance ; inscrire la Commune dans les commémorations nationales ; indiquer les noms des élus de la Commune dans les bâtiments de la République concernés (mairies, ministères) ; indiquer le nom des directeurs des administrations nommés par la Commune dans les locaux de ces administrations (Assistance publique, Postes, Monnaie, Imprimerie nationale...) ; reconnaître les communards par un nombre significatif de noms de rues, des plaques, des monuments.

On l’a vu, la Commune est moderne, et ses idéaux bien d’aujourd’hui. Nous sommes dépositaires d’une mémoire qui ne demande qu’à vivre, qu’à irriguer le présent. Droit de vote des étrangers aux élections locales, démocratie dans l’entreprise, éducation et formation pour tous et toutes, laïcité, égalité entre les femmes et les hommes, réquisition des logements vacants pour les mal-logés, sauvegarde et développement des services publics... Les fondements solidaires, facteurs d’égalité de notre société que les communards ont contribué à forger dans notre République et qui ont été confirmés et étendus à la Libération, sont plus que jamais d’actualité.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 de son Règlement,

Considérant les travaux historiques et scientifiques qui établissent la réalité des violences et meurtres de milliers de personnes lors de la répression des partisans de la Commune,

Souhaite que la France réhabilite pleinement la Commune et le rôle de cette période de l’histoire dans la conquête des droits politiques et sociaux aujourd’hui au fondement de notre République,

Souhaite que la France réhabilite pleinement les communards,

Souhaite que la France organise une journée de commémoration nationale à ce sujet.


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