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N° 1471

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2013.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

relative aux moyens à mettre en œuvre en matière de lutte
contre l’homophobie dans le sport,

présentée par Madame et Messieurs

Marie-George BUFFET, François ASENSI, Bruno Nestor AZEROT, Alain BOCQUET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Nicolas SANSU et Gabriel SERVILLE,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’homophobie dans le football est un phénomène à la fois récurrent, à travers les déclarations de joueurs professionnels et d’entraîneurs, les chants et banderoles dans les stades, les propos de journalistes sportifs..., mais aussi banalisé et relativisé malgré sa gravité au regard du droit.

Aucune évaluation scientifique de la réalité des discriminations homophobes dans le football français n’avait été menée à ce jour. L’enquête initiée et mise en œuvre par l’association Paris Foot Gay, conduite par Anthony Mette (psychologue du sport – chercheur à l’Université de Bordeaux Segalen) et rendue publique en avril 2013 est à cet égard une première.

Ce travail d’enquête a été mené auprès de 13 clubs de Ligue 1, Ligue 2 et National.

Il en ressort des constats alarmants, puisqu’elle indique notamment que l’homophobie est la principale discrimination dans le football professionnel, devant le racisme, le sexisme, l’âgisme et les aspects économiques (les 5 axes de discriminations explorés par l’enquête).

Les résultats obtenus résultent de la comparaison entre les trois groupes de sportifs interrogés : joueurs professionnels, jeunes en centres de formation de clubs et un groupe de sportifs hors de ces circuits.

Les footballeurs professionnels ont déclaré́ des attitudes plus homophobes et plus sexistes que les sportifs hors clubs et centres de formation.

Les jeunes en centres de formation sont eux moins tolérants encore que les joueurs professionnels, particulièrement sur l’homophobie. Cette enquête montre que 4 discriminations sur 5 sont statistiquement plus importantes en centres de formation : l’homophobie, le sexisme, les discriminations économiques et l’âgisme.

41 % des joueurs professionnels et 50 % des jeunes en centres de formation ont exprimé des opinions hostiles à l’homosexualité́ pour respectivement 39 % et 18 % d’opinions positives. Alors que les sportifs hors circuits des clubs et centres de formation ne montrent que 8 % d’opinions négatives pour 65 % d’opinions positives.

Que ce soit pour les joueurs professionnels ou les jeunes en centres de formation, l’homophobie semble partagée et érigée en norme. Les jeunes percevant cette norme et désirant être intégrés à l’équipe, l’amplifient même par rapport à leur propre opinion antérieure.

De même, la masculinité apparaît liée à l’homophobie et l’exaltation de valeurs viriles comme ciment de l’identité collective. Cette construction désigne donc, avec une très forte dimension sexiste, l’homosexuel comme le contre-exemple fédérateur.

Sur l’accueil d’un joueur ouvertement homosexuel, 63 % des joueurs professionnels et 74 % des jeunes en centres de formation considèrent que c’est un sujet tabou dans le football.

54 % des jeunes en centres de formation répondent par la négative à l’affirmation « cela de changerait rien » pour eux et 55 % d’entre eux auraient peur de se doucher avec lui...

Enfin, quand bien même les réponses sont majoritairement négatives sur ces questions, on observe néanmoins que :

– 22 % des jeunes en centre de formation préfèreraient qu’un joueur se déclarant homosexuel change d’équipe, pour 15 % des joueurs professionnels ;

– 23 % des jeunes en centres de formation ont peur que l’équipe soit moins performante avec un joueur ayant ouvertement déclaré son homosexualité, pour 7 % seulement des professionnels.

Mais le football n’est pas le seul sport empreint d’homophobie si l’on se réfère aux explications des sociologues et psychologues, aux déclarations de Serge Simon (ex-international de rugby et président du syndicat de joueurs Proval) et à l’enquête du cabinet Mette de 2011 en Aquitaine portant sur 23 disciplines.

Des sociologues et psychologues expliquent que, pour certains acteurs du sport, « l’homophobie aurait une fonction éducative, elle permettrait d’apprendre ce que doit être un homme et une femme ». (Philippe Liotard)

Pour le psychologue J.M. Pugnière, dans les représentations le sport est viril, « le sport c’est pour les vrais mecs » ; « un homme homosexuel ne peut donc pas réussir dans le sport ».

Pour étayer ces déclarations, les chiffres de l’enquête sur différents sports en Aquitaine va dans le même sens puisque plus de la moitié des sportifs masculins interrogés (50,6 %) a déclaré avoir des attitudes ambiguës ou négatives envers les homosexuels. L’étude met en évidence une norme collective déclarée clairement homophobe.

Serge Simon, ancien international de rugby : « À force d’entendre répéter quarante fois avant chaque match : ‘‘On n’est pas des pédés, on n’est pas des pédés !” Je me suis dit : ‘‘Il y a un problème’’ ».

SOS Homophobie, le SNEP-FSU et l’ANESTAPS ont éprouvé le besoin de s’associer pour lancer une campagne de sensibilisation et de prévention contre l’homophobie dans la sphère sportive.

Ainsi, l’homophobie ne se limite pas au football mais à tous les sports et bien entendu, plus le sport est empreint de virilité, plus il sera homophobe. Ceci étant d’autant plus vrai quand c’est un sport collectif.

Cette discrimination a été prise à bras le corps dans de nombreux pays européens.

Ainsi au Royaume Uni la FA – Fédération anglaise – lance en collaboration avec la Professional Football Association et la First League, la campagne : « Opening Doors and Joining In » un plan qui fait suite à un premier plan de 2006 à 2010 : « Irrespective of sexual orientation ».

Aux Pays Bas, la Royal Dutch Football Association, (KNVB), met en place une campagne de lutte contre l’homophobie dans le football : « Football for everyone ».

En Belgique, en octobre 2012, le ministre flamand de l’Égalité des chances, Pascal SMET, annonce qu’il élabore, avec les fédérations de football belges, un plan pluriannuel de lutte contre l’homophobie dans le football. Celui-ci sera mis en place en 2013.

En Allemagne, en novembre 2012, la Fédération allemande de football (DFB), en partenariat avec les associations, a demandé à un groupe d’experts, piloté par le sociologue du sport Gunter A. Pilz, de préparer un rapport sur l’homosexualité dans le football : « Umgang mit Homosexualität im Fußball ». Ceci dans le but d’élaborer un plan d’action pour 2013.

Mais en France, force est de constater que l’implication des instances sportives au niveau fédéral et national dans le domaine de la lutte contre l’homophobie est plus que décevante.

C’est essentiellement au niveau de quelques clubs professionnels : le Paris Saint-Germain depuis 2004, Montpellier-HSC, le Stade Brestois, les Chamois Niortais ; de la LFP depuis 2008 et la Fondation du Football très récemment que des avancées ont été obtenues avec la signature de chartes et de conventions de partenariat suivies d’actions concrètes.

Au niveau du ministère des sports le constat n’est guère meilleur. Si une charte contre l’homophobie, élaborée sur le modèle de celle du Paris Foot Gay, a été signée par les fédérations sportives à la demande du ministère, elle n’a pas été suivie d’actions concrètes. La brièveté des mandats : 6 ministres de 2007 à 2013, n’a pas permis de travail dans la continuité et les rares initiatives sur cette question ont souvent été abandonnées avec l’arrivée d’un nouveau ministre.

Il est impératif et urgent, devant les atermoiements et la timidité des instances sportives fédérales, nationales et internationales, qu’un grand plan d’ensemble, cohérent et centralisé, soit mis en œuvre en France à l’initiative de la puissance publique.

C’est pourquoi une intervention de l’État apparaît comme indispensable pour faire reculer le fléau de l’homophobie dans l’ensemble des sports.

La représentation nationale a adopté en 2008 une loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations incluant l’orientation ou l’identité sexuelle. Elle précise : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable. »

Par ailleurs, la loi contre le harcèlement sexuel le définit comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

L’objet de cette résolution est donc d’établir des préconisations de l’Assemblée nationale en matière de lutte contre l’homophobie dans le sport.

Références

http://yagg.com/2011/09/30/homophobie-dans-le-sport-%C2%ABune-norme-de-groupe-assumee%C2%BB/

Philipe Liotard (enseignant-chercheur en sociologie, maître de conférence et chargé de mission pour l’égalité homme et femme au sein de l’université Bernard Lyon 1)

Jean Michel Pugnière (psychologue et docteur en psychologie, coordinateur des actions éducatives de l’association Contact Haute Garonne)

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 de son Règlement,

Vu la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations,

Vu la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel,

Réaffirme très solennellement la responsabilité de la République dans l’action pour faire reculer l’homophobie dans le sport ;

Préconise aux centres de formation des fédérations et clubs et pour les formations d’arbitres d’introduire dans les référentiels des diplômes professionnels du sport, dans les programmes des, un module de formation à la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ;

Invite les commissions de discipline des fédérations sportives à introduire l’homophobie au même niveau que le racisme et leur demande de mettre en place des dispositifs de soutien aux sportifs décidant de révéler leur homosexualité ;

Demande l’inscription de critères de lutte contre l’homophobie pour établir les conventionnements et financements publics dans le domaine du sport ;

Invite à la mise en place d’un plan de communication national et pluriannuel sur la lutte contre les discriminations en raison de l’orientation sexuelle dans le sport.


© Assemblée nationale