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N° 1898

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2014.

PROPOSITION DE LOI

renforçant la confidentialité des communications
de l’avocat avec son client,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Georges FENECH, Philippe HOUILLON, Alain MARLEIX, Marcel BONNOT, Yannick MOREAU, Christian ESTROSI, Didier QUENTIN, Éric STRAUMANN, Christophe GUILLOTEAU, Étienne BLANC, Patrice VERCHÈRE, Marie-Louise FORT, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Lionnel LUCA, Patrick HETZEL, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Bernard DEFLESSELLES, Laurent MARCANGELI, Jean-Pierre GORGES, Philippe GOSSELIN, Michel HEINRICH, Jean-Pierre DECOOL, Bernard PERRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Guy TEISSIER, Franck GILARD, Jean-Frédéric POISSON, Éric WOERTH, Philippe BRIAND, Laure de LA RAUDIÈRE, Virginie DUBY-MULLER, Bernard BROCHAND et Olivier AUDIBERT-TROIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que la possibilité pour un avocat de s’entretenir de manière confidentielle avec son client constitue une des garanties essentielles du libre exercice des droits de la défense tant la rédaction actuelle de la loi que l’interprétation donnée par la jurisprudence de l’article 105-5 du code de procédure pénale se traduisent aujourd’hui par de graves entorses à ce principe.

La rédaction actuelle du deuxième alinéa de l’article 100-7 du code de procédure pénale autorise les écoutes téléphoniques sur les lignes tant professionnelles que privées d’un avocat pour peu que le bâtonnier ait été informé de l’écoute par le juge d’instruction. On constate ainsi un régime bien moins protecteur en ce domaine qu’en matière de perquisitions puisque, dans ce dernier cas, le bâtonnier prend lui-même connaissance des documents couverts par le secret professionnel et peut s’opposer à leur versement au dossier, le litige étant arbitré par le juge des libertés et de la détention. En matière d’écoutes téléphoniques, les officiers de police judiciaire et les techniciens en charge de l’écoute prennent librement connaissance de toutes les conversations de l’avocat concerné. Même si les conversations ne sont pas retranscrites, elles peuvent être utilisées pour les besoins de l’enquête en cours voire de toute autre enquête.

Les atteintes actuelles aux droits de la défense proviennent également d’une lecture excessivement restrictive par la chambre criminelle de la Cour de cassation du troisième alinéa de l’article 105-5 alinéa 3 du code de procédure pénale qui prohibe pourtant la transcription des conversations avec un avocat « relevant des droits de la défense ». Cette lecture très restrictive a vidé de tout effet l’article 38 de la loi du 12 décembre 2005 qui avait pourtant pour objectif, en matière de retranscription d’écoutes téléphoniques, de faire prévaloir l’exercice des droits de la défense.

Ainsi, dans un arrêt du 1er octobre 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation, a considéré que des conversations échangées entre une personne mise en examen et son avocat « ne sauraient s’opposer à la transcription de certaines d’entre elles dès lors qu’il est établi que leur contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d’une infraction fussent-ils étrangers à la saisine du juge d’instruction. »

En définitive, sous la contrainte très relative d’un avis préalable donné au bâtonnier, les lignes téléphoniques des avocats sont devenues une source d’information libre et permanente pour les enquêtes présentes ou à venir, réduisant à peu de chose le principe de la confidentialité des conversations de l’avocat avec son client.

Pour autant, il ne saurait être créé une impunité au profit de l’avocat pour les infractions qu’il pourrait être amené à commettre. Dès lors que des indices graves et concordants ont été préalablement réunis qu’un avocat commet ou a commis un crime ou un délit, il doit pouvoir faire l’objet des investigations de droit commun.

En résumé, l’écoute de l’avocat ou du client de l’avocat ne doit plus être un moyen, hors de tout contrôle, de révéler de possibles infractions mais une conséquence possible pour l’avocat lorsque des indices graves et concordants ont été préalablement réunis contre lui qu’il commet ou a commis un crime ou un délit.

À cet effet, la présente proposition de loi prévoit :

1°/ de poser le principe de l’interdiction de toute écoute téléphonique des conversations d’un avocat ;

2°/ de ne faire exception à ce principe que si des indices graves et concordants ont été préalablement recueillis que l’avocat participe ou a participé à la commission d’un crime ou d’un délit ;

3°/ de n’autoriser la transcription des écoutes entre un avocat et son client que si ces écoutes sont en relation avec ce crime ou ce délit.

Ainsi sera assuré un équilibre entre deux droits fondamentaux : d’une part, l’égalité de tous devant la loi, d’autre part, la confidentialité des conversations de l’avocat avec son client, condition nécessaire du libre exercice des droits de la défense.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le troisième alinéa de l’article 100-5 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sauf lorsque les conditions de mise en œuvre de l’article 100-7 alinéa 2 sont réunies, toute conversation entre un avocat et son client est considérée comme relevant de l’exercice des droits de la défense. »

Article 2

Le deuxième alinéa de l’article 100-7 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile sans que des indices graves et concordants n’aient été préalablement recueillis démontrant que cet avocat participe ou a participé à la commission d’un crime ou d’un délit. Le bâtonnier est informé par le juge d’instruction de cette interception. »


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