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N° 2323

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 octobre 2014.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à instaurer un mandat présidentiel septennal, non-renouvelable de manière consécutive,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Pierre DECOOL, Julien AUBERT, Bernard BROCHAND, Jean-Louis CHRIST, Gilbert COLLARD, Jean-Michel COUVE, Rémi DELATTE, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Yannick FAVENNEC, Philippe FOLLIOT, Marc FRANCINA, Bernard GÉRARD, Guy GEOFFROY, Jean-Claude GUIBAL, Michel HEINRICH, Guénhaël HUET, Jacques LAMBLIN, Thierry LAZARO, Michel LEFAIT, Lionnel LUCA, Alain MARLEIX, Yannick MOREAU, Dominique NACHURY, Yves NICOLIN, Jacques PÉLISSARD, Jean-Frédéric POISSON, Christophe PRIOU, Martial SADDIER, Paul SALEN, Fernand SIRÉ, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Patrice VERCHÈRE, François-Xavier VILLAIN, Michel ZUMKELLER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la réforme constitutionnelle de 1962 établissant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, la fonction de chef de l’État dans la Ve République n’a cessé de muter, au travers d’un processus de présidentialisation des institutions et de la fonction suprême. Cette mutation s’est accélérée avec la modification de l’article 6 de la Constitution du 4 octobre 1958, instaurant un mandat présidentiel quinquennal et limitant l’exercice de la fonction à deux mandats consécutifs.

L’adoption de l’exercice quinquennal, sous couvert d’une volonté d’éviter toute nouvelle cohabitation, a modifié de manière substantielle la nature du régime de la Ve République, ainsi que son esprit gaullien. Le quinquennat comme remède à la cohabitation révèle un effort louable de volonté de stabilisation de la vie politique et institutionnelle de la France. Néanmoins, il traduit un affaiblissement considérable du Gouvernement et du Parlement, et de leurs prérogatives. En effet, la Constitution offre au chef de l’État un rôle central dans le fonctionnement des institutions, notamment au travers des articles 5 (élection du Président), 8 (nomination du Premier ministre), et 19 (dispense du contreseing ministériel pour certaines décisions), lui permettant de pallier ce qui a fait la faiblesse des deux Républiques précédentes, à savoir une majorité parlementaire ne parvenant pas à trouver de chef capable de diriger durablement le pays. La Ve République, en restaurant l’autorité du pouvoir exécutif, a entendu renforcer les majorités parlementaires en leur donnant un dirigeant amenant la stabilité et la force, dont la IIIe et IVe Républiques ont manqué.

Cependant, la mise en place du mandat quinquennal et l’accélération du temps politique ont terriblement éloigné la fonction présidentielle actuelle de l’esprit gaullien qui l’a fondée. En effet, si la réforme constitutionnelle de 1962 offre au chef de l’État la légitimité populaire nécessaire à la direction stable et durable de la Nation, la fonction présidentielle est de plus en plus soumise à l’accélération du temps politique, entraînée par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les médias, en accélérant le temps politique, et en incarnant ce qu’Alexis de Tocqueville a appelé « le quatrième pouvoir », propulsent involontairement le Président de la République sous une exposition grandissante aux critiques de l’opinion, rôle traditionnellement réservé au chef du Gouvernement dans l’exercice du pouvoir. De plus, les nouveaux canaux d’information, tels que les réseaux sociaux, accentuent ce phénomène.

L’intervention des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le temps politique, parallèlement à l’avènement du mandat quinquennal, ont conduit le Président de la République à tomber dans la « politique de l’immédiateté », et à faire primer la communication politique et la séduction électoraliste au détriment de la prise de recul nécessaire à la pratique du pouvoir. La combinaison de ces deux évolutions pousse le chef de l’État à céder aux logiques politiciennes, et rend ainsi la disposition constitutionnelle d’un exécutif bicéphale caduque. En propulsant le Président en première ligne de responsabilité face au peuple, le rôle du Premier ministre est totalement dissous, et l’esprit de l’article 20 de la Constitution, lui conférant « la détermination et la conduite de la politique de la Nation », se trouve distordu. De même, l’intensité de l’article 49, rendant le Gouvernement responsable devant le Parlement de la politique menée, est totalement altérée par la confusion du rôle du Premier ministre et le rôle « évolué » du Président, alors que l’article 49 protégeait ce dernier des passions de l’Assemblée et du peuple.

S’inscrivant dans une volonté de mener des réformes structurelles nécessaires au pays, afin d’éviter l’enlisement à long terme dans une crise politique, économique et sociale, l’établissement d’un mandat présidentiel septennal, avec comme seule limite l’impossibilité d’exercer de manière consécutive deux mandats permettrait à la fonction présidentielle de retrouver son esprit gaullien. Disposant d’un mandat septennal non-immédiatement renouvelable, le chef de l’État se voit débarrassé des logiques politiciennes qui font obstacle aux réformes structurelles dont a besoin le pays. De plus, en accordant au mandat présidentiel un temps politique plus long défait de la pression électorale, le Président de la République se voit offrir le recul nécessaire sur l’accélération de la vie politique moderne, ainsi que la possibilité de mettre en place des réformes structurelles et le temps pour mesurer leur efficacité. En permettant au Président de faire primer la qualité sur la quantité des décisions, le Premier ministre et le Gouvernement se voient restituer leurs responsabilités constitutionnelles, et peuvent exercer des fonctions distinctes de celles du chef de l’État.

Enfin, l’établissement d’un mandat septennal permettrait aussi au Parlement de retrouver une vraie force d’impulsion politique. En effet, en différant la durée de mandat du chef de l’État de celle de la branche législative, les parlementaires ne seront plus soumis à un Président chef de la majorité parlementaire. Le devoir des parlementaires ne sera plus de, via leur propre élection, confirmer le résultat de l’élection présidentielle, ni d’approuver ou désapprouver de manière collective la politique du Gouvernement, mais de constituer une véritable force efficace de proposition. En disposant d’une durée de mandat plus courte, l’élection des parlementaires interviendra durant le mandat présidentiel comme un vote confiance (ou de défiance) du peuple à l’égard de la politique menée par le Président et de son Gouvernement, à l’instar des mid-term elections du système américain. Dans cette perspective, les deux chambres législatives incarneraient un véritable pont entre le peuple et l’exécutif, ainsi qu’un nécessaire contre-pouvoir lorsque l’action présidentielle s’éloigne de la volonté du peuple. Dans le même temps, cette évolution permettrait de rendre leur force aux élections locales, afin qu’elles ne servent plus de scrutins « défouloirs ».

En ce sens, l’application d’un mandat septennal non-reconductible de manière immédiate redonnerait au Président de la République son rôle constitutionnel, en le protégeant des passions conjoncturelles. Le Gouvernement, quant à lui, retrouverait son pouvoir conféré par les articles 20 et 49 de la Constitution, lui permettant de mener et d’assumer pleinement la politique de la Nation. Le Parlement bénéficierait d’un regain de pouvoir, en se posant en véritable partenaire indépendant de l’exécutif et contre-pouvoir législatif puissant. Les élus locaux, enfin, ne souffriraient plus de la nationalisation des scrutins locaux, ces derniers permettant d’élire les acteurs politiques du territoire sans servir de vote sanction pour une majorité parlementaire.

Telles sont les dispositions de la proposition de loi que nous vous demandons d’adopter.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Les deux premiers alinéas de l’article 6 de la Constitution sont ainsi rédigés :

« Le Président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct.

Nul ne peut exercer deux mandats consécutifs »


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