N° 2336
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 novembre 2014.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Philippe GOUJON, Jean-François LAMOUR, Éric CIOTTI, Claude GREFF, Philippe GOSSELIN, Guy GEOFFROY, Jean-Frédéric POISSON, Bernard ACCOYER, Éric STRAUMANN, Jean-Louis CHRIST, Alain SUGUENOT, Jean-Sébastien VIALATTE, Charles de LA VERPILLIÈRE, Michel TERROT, Patrick HETZEL, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Nicolas DHUICQ, Patrice MARTIN-LALANDE, Thierry SOLÈRE, Jean-Pierre DOOR, Geneviève LEVY, Marcel BONNOT, Fernand SIRÉ, Damien MESLOT, Paul SALEN, Jean-Pierre DECOOL, Édouard COURTIAL, Laure de LA RAUDIÈRE, Philippe BRIAND, Jacques Alain BÉNISTI, Marie-Louise FORT, Marc LAFFINEUR, Guy TEISSIER, Michel HERBILLON, Jacques LAMBLIN, Annie GENEVARD, David DOUILLET, Marc-Philippe DAUBRESSE, Georges FENECH, Patrice VERCHÈRE, Jean-Marie TÉTART, Arlette GROSSKOST, Jean-Pierre GORGES, Didier QUENTIN, Camille de ROCCA-SERRA, Bernard PERRUT, Étienne BLANC, Claude de GANAY, Alain MOYNE-BRESSAND, Philippe MEUNIER, Valérie BOYER, Xavier BRETON, Olivier MARLEIX, Alain MARLEIX, Michel HEINRICH, Lionnel LUCA, Valérie LACROUTE, Thierry MARIANI, Bérengère POLETTI,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’institution du mariage est l’un des éléments fondateurs de la stabilité de notre société en ce qu’il établit juridiquement la cellule de base qu’est la famille. Il consacre par des liens légaux le foyer que deux personnes, unies par l’amour souhaitent fonder. Les articles 212 et 215 du code civil disposent que les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance et s’obligent mutuellement à une communauté de vie.
Le mariage, protégé par le principe fondamental de liberté de se marier, inscrit dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans la convention européenne des droits de l’homme et réaffirmé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel, en ce qu’il permet à un Français d’épouser un étranger, est également l’une des voies d’accès à la nationalité française et aux droits afférents. Ainsi, 50 % des acquisitions de la nationalité française ont lieu par mariage. Celles-ci étaient au nombre de 30 000 en 2006 et 2007, et de 16 000 en 2008 et 2009.
Or, l’esprit de cette institution est aujourd’hui de plus en plus menacé de détournement par des filières d’immigration illégale. Qu’il s’agisse de mariages de complaisance, dits « mariages blancs », dans lesquels les deux époux s’entendent sur un mariage afin d’obtenir la nationalité française, souvent contre rémunération – celle-ci pouvant s’élever à 15 000 € -, ou d’escroqueries sentimentales, dites « mariage gris », dans lesquelles un conjoint trompe l’autre sur ses sentiments en vue d’obtenir un titre de séjour ou une naturalisation.
Ainsi, entre 1995 et 2004, les annulations constatées ont augmenté de plus de 75 %, les procédures signalées par le ministère public aboutissant cependant dans deux tiers des cas sur des annulations. Soucieux de lutter contre ce dévoiement du mariage, le législateur a renforcé l’encadrement légal de celui-ci.
Les lois de 1993 et 2003 ont institué l’audition des futurs époux, la saisine par l’officier de l’état civil du Procureur de la République en cas de doute sur la sincérité ou la réalité des intentions matrimoniales ainsi que son pouvoir d’opposition. Un délit spécifique a été créé, à l’article 263-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers pour sanctionner la participation à un mariage de complaisance, l’organisation ou la tentative d’organisation d’un tel mariage, puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et 15 000 euros d’amende.
La loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité du mariage a précisé, à l’article 63 du code civil, la chronologie des formalités administratives précédant la célébration, les vérifications d’identité des futurs époux et les modalités de l’audition séparée en cas de doute sur la sincérité des intentions matrimoniales, en donnant la possibilité pour le maire ou le consul, de déléguer l’audition à un fonctionnaire titulaire du service de l’état civil quand l’un des futurs époux réside à l’étranger.
La loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a renforcé les formalités administratives relatives aux mariages célébrés à l’étranger entre un Français et un étranger.
La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, l’intégration et la nationalité a aligné la sanction des mariages gris sur celle des mariages blancs, désormais tous deux punis de 5 ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, peines portées à 10 ans et 750 000 euros d’amende si le délit est commis en bande organisée. Un amendement précisant que la durée de résidence sous statut marital frauduleux ne pourrait être prise en compte dans la demande d’obtention d’un titre de séjour ou d’une carte de résident avait ainsi été adopté à l’initiative des députés UMP. Enfin, ce texte a allongé de deux ans le délai pendant lequel un refus d’enregistrement des déclarations de nationalité souscrites consécutivement à un mariage avec un conjoint étranger peut être décidé dans le cas où la procédure d’opposition est engagée.
Devant l’augmentation constante des mariages célébrés en France entre Français et ressortissants étrangers, qui avait déjà progressé de 62 % entre 1999 et 2003 - les décisions d’annulation concernant à 80 % les mariages mixtes - et alors que le tribunal de Bobigny enregistre tous les ans près d’un millier de demandes d’annulation de mariages, il importe de mieux sécuriser la lutte contre les mariages frauduleux. La lutte contre les mariages frauduleux participe de la lutte contre les violences faites aux femmes, puisque les premières victimes de ces unions sont majoritairement des femmes, d’origine étrangère pour 90 % d’entre elles, et que 8 000 adolescentes sont menacées de mariage forcé chaque année. Les futures victimes sont fréquemment sans emploi ou ont connu des déboires amoureux, et tombent entre les mains de réseaux qui opèrent même sur Internet, allant jusqu’à livrer le mode d’emploi pour piéger les victimes.
C’est pourquoi l’article 1er de cette proposition de loi modifie utilement l’article 175-2 du code civil pour prévoir qu’en cas de doute sur la sincérité ou la réalité des intentions matrimoniales, l’officier d’état civil a l’obligation juridique de saisir, alors que ce n’est aujourd’hui qu’une simple faculté, le procureur de la République afin qu’il statue sur ce mariage.
Elle prévoit également d’augmenter l’amende encourue en cas de manquement de l’officier d’état civil à l’obligation de publication des bans ou d’audition des futurs époux, prévue à l’article 63 du code civil, à 1 000 euros au lieu du montant actuel, compris entre 3 et 30 euros, qui ne peut avoir un caractère dissuasif. Un tel relèvement s’inspire de celui qu’avait opéré la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, en portant de 4,5 à 3 000 euros l’amende civile prévue par l’article 68 du même code lorsque l’officier d’état civil célèbre un mariage auquel il a été fait opposition, et dans le même esprit de lutter contre les mariages frauduleux. Tel est l’objet de l’article 2 de la présente proposition de loi.
Parce que la formation des officiers de l’état civil doit être renforcée afin de mieux détecter les mariages frauduleux, l’article 3 prévoit de compléter les obligations de formation comprises dans l’article 2122-33 du code général des collectivités territoriales. Cette précision, même si elle institue une obligation précise à la charge des communes, répond aux conditions posées par le Conseil constitutionnel en matière de respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales car elle ne fait que s’inscrire dans l’obligation plus générale et préexistante de formation adaptée aux fonctions des élus.
Enfin, l’article 4 propose que dans chaque commune, le maire, et à Paris, Lyon et Marseille, dans chaque arrondissement ou secteur, le maire d’arrondissement ou de secteur, désigne un élu officier de l’état civil pour être le référent « mariages frauduleux », c’est-à-dire les mariages envisagés dans un but autre que l’union matrimoniale, auprès des autres élus, afin de faciliter et d’améliorer l’expertise requise en cas de doute, notamment dans la conduite des auditions de futurs mariés. Cette disposition n’aura d’impact ni sur les finances locales, ni sur les compétences des collectivités dans la mesure où cette fonction de « référent » correspond à une mission de conseil et d’aide.
Tel est l’objet de la proposition de loi que nous vous proposons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
À la première phrase du premier alinéa de l’article 175-2 du code civil, les mots : « peut saisir » sont remplacés par le mot : « saisit »
Au dernier alinéa de l’article 63 du même code, les mots : « 3 à 30 euros » sont remplacés par le montant : « 1 000 euros ».
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2123-12 du code général des collectivités territoriales, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il prévoit une formation à la détection des mariages envisagés dans un but autre que l’union matrimoniale pour ceux de ses membres qui remplissent les fonctions d’officier de l’état civil. »
La deuxième partie du même code est ainsi modifiée :
1° L’article 2122-32 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le maire désigne parmi ses adjoints officiers d’état civil un référent en matière de détection des mariages envisagés dans un but autre que l’union matrimoniale chargé de les conseiller, en particulier dans la conduite des auditions prévues au 2° de l’article 63 du code civil. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 2511-26 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le maire d’arrondissement désigne parmi ses adjoints officiers d’état civil un référent en matière de détection des mariages envisagés dans un but autre que l’union matrimoniale chargé de les conseiller, en particulier dans la conduite des auditions prévues au 2° de l’article 63 du code civil. ».