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N° 2904

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 juin 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre les dons patrimoniaux à des fondations ou associations reconnues d’utilité publique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement

présentée par

M. Frédéric LEFEBVRE,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2010, Warren Buffet et Bill Gates ont lancé une campagne afin d’encourager les personnes les plus fortunées des États-unis à s’engager en donnant la majeure partie de leur argent à des fins philanthropiques.

Cette initiative a connu un grand succès puisqu’un an et demi après son lancement, le « giving pledge » a recueilli l’engagement de 69 des plus grandes fortunes américaines de donner au minimum 50 % de leur fortune aux œuvres de charité.

Parmi ces donateurs figurent des pionniers de la nouvelle économie tels que les fondateurs d’AOL ou Facebook, des financiers et des capitaines d’industries.

La démarche de MM. Buffet et Gates a relancé le débat sur la philanthropie dans notre pays et pose la question de l’opportunité d’un assouplissement des dispositions législatives relatives à la transmission du patrimoine.

Il convient de souligner qu’une nouvelle catégorie de jeunes entrepreneurs ayant connu une réussite exceptionnelle et rapide, notamment dans la finance et les nouvelles technologies, souhaite consacrer une partie de leur fortune au bien commun, notamment par l’intermédiaire de fondations. Toutefois ce souhait, honorable, est souvent contrarié par le droit applicable en matière de succession, plus particulièrement par les articles 912 et 913 du code civil.

Aux termes de l’article 912 du code civil, « la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités. ».

L’article 913 du code civil dispose pour sa part que « les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers, s’il laisse deux enfants ; le quart, s’il en laisse trois ou un plus grand nombre. L’enfant qui renonce à la succession n’est compris dans le nombre d’enfants laissés par le défunt que s’il est représenté ou s’il est tenu au rapport d’une libéralité en application des dispositions de l’article 845 ».

Il résulte de ces articles que ne peuvent disposer librement de leurs biens à des fins philanthropiques que les personnes sans descendance ni conjoint survivant.

Ces règles de droit ne correspondent plus à l’état de notre société, les patrimoines n’étant plus le fruit de l’accumulation de biens acquis de génération en génération, mais le produit d’un travail d’une seule personne.

Il est dans cette perspective difficilement concevable d’interdire à cette personne de pouvoir disposer de ses biens pour en faire bénéficier une fondation ou association reconnue d’utilité publique. C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à permettre à ceux dont les biens n’ont d’autre origine que leur réussite personnelle de ne pas être contraints par la réserve héréditaire et de pouvoir transmettre leurs biens à des associations ou à des fondations reconnues d’utilité publique.

Ces dernières devraient être énumérées limitativement par décret en Conseil d’État et ne pourraient être bénéficiaires des biens reçus des ascendants du donateur qui bénéficieraient toujours de la réserve héréditaires en qualité de « biens réservés ».

Le présent texte établit par ailleurs un certain nombre de garde-fous afin d’éviter que cette faculté de disposer de ses biens n’ait pas des conséquences excessives pour le conjoint survivant non divorcé ou les descendants.

Le présent texte prévoit ainsi le bénéfice pour le conjoint survivant non divorcé, marié sous le régime de la séparation de biens, d’un usufruit du quart sur les biens autres que ceux réservés.

Il prévoit également que les descendants d’un donataire qui se trouveraient dans l’incapacité de mener une vie décente disposent de la faculté de saisir le Tribunal de grande instance afin de bénéficier d’une rente à la charge de la ou des institutions bénéficiaires afin de lui permettre de vivre décemment.

Tels sont, Mesdames, Messieurs, les objectifs de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 913 du code civil est complété par les cinq alinéas ainsi rédigés :

« Cependant le disposant peut gratifier, par acte entre vifs, ou par testament, une fondation ou association reconnue d’utilité publique figurant sur une liste établie par décret pris en Conseil d’État par le garde des sceaux. Cette liste est révisée tous les cinq ans dans les mêmes formes, sans que les règles de la présente section puissent lui être opposées, dès lors qu’il a disposé exclusivement de biens ne provenant pas de ses ascendants ou subrogés à ceux-là, lesquels sont qualifiés de bien réservés.

« Pour ceux-ci, le disposant reste soumis aux règles de la présente section, sauf qu’il ne peut être disposé de la quotité disponible qu’en faveur d’un descendant.

« Toutefois, en présence d’un conjoint survivant non divorcé, marié sous un régime de séparation de biens, celui-ci bénéficie d’un usufruit du quart des biens autres que ceux réservés.

« Toutefois encore, tout descendant qui, à la mort de son auteur, se trouve, du fait des libéralités dérogatoires de celui-ci, à son corps défendant dans l’incapacité de mener une vie décente, peut saisir le tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession, afin qu’il fixe une rente, à la charge de ou des institutions bénéficiaires visées au troisième alinéa du présent article, lui permettant de vivre décemment en bon père de famille. Cette rente sera révisable en fonction de l’évolution de la situation du bénéficiaire.

« Si des libéralités au profit des fondations ou associations visées au troisième alinéa du présent article concernent une entreprise que le donateur contrôlait, celui-ci peut alors, par exception, assortir ses libéralités de charges concernant la gestion de cette entreprise, qui ne peuvent cependant excéder une période de dix ans. »


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