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N° 3069

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la sécurité des ventes de véhicules d’occasion,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitutiond’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe GOUJON, Éric CIOTTI, Jean-François LAMOUR, Claude GOASGUEN, Jean-Louis CHRIST, Geneviève LEVY, Philippe VITEL, Patrick HETZEL, Alain SUGUENOT, Éric STRAUMANN, Laurent FURST, Lionnel LUCA, Jean-Marie TÉTART, Marie-Louise FORT, Jean-Claude MATHIS, Jean-Michel COUVE, Jean-Jacques GUILLET, Marie-Jo ZIMMERMANN, Gilles LURTON, Bernard PERRUT, Jean-Pierre DECOOL, Fernand SIRÉ, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard BROCHAND, Michel HERBILLON, Martial SADDIER, Jean-Claude GUIBAL, Franck GILARD, Dominique DORD, Pierre LELLOUCHE et Dominique NACHURY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon l’Argus, il y a eu, en 2014, plus de 5 millions d’immatriculations de véhicules d’occasion, soit une hausse de 2,4 % par rapport à 2013, revenant au niveau de 2011, après deux années consécutives de baisse. Les achats de véhicules d’occasion représentent le triple des achats de véhicules neufs, qui restent, pour leur part, à un niveau très bas (1,8 million) par rapport aux dix dernières années.

Les véhicules d’occasion de plus de cinq ans représentent 67 % des transactions de voitures d’occasion. Ces ventes sont marquées par un fort dynamisme avec 1 856 174 unités vendues en 2014 (+ 4,2 %). La tranche des voitures âgées de un à cinq ans ne représente que 132 526 ventes sur la même période.

La récente affaire de fraude aux certificats de remise en circulation et de certificats de contrôle technique pour la revente de véhicules gravement endommagés, qui concernerait 5 000 véhicules potentiellement très dangereux immatriculés en région parisienne, démontrent la nécessité de mieux sécuriser la vente de véhicules d’occasion.

De quelles garanties juridiques dispose actuellement l’acheteur d’un véhicule d’occasion ?

Tout vendeur de biens est tenu envers l’acheteur d’une garantie légale contre les vices cachés prévue par le code civil. À cette obligation légale, le vendeur professionnel peut ajouter sa propre garantie dite « garantie conventionnelle » ou encore garantie du vendeur, garantie du constructeur ou garantie commerciale.

Les litiges consécutifs à la vente de véhicules d’occasion (en particulier à cause des vices cachés du véhicule) sont nombreux.

Les procédures judiciaires sont portées devant les tribunaux d’instance ou de grande instance selon la valeur (inférieure ou supérieure à 10 000 euros) du véhicule.

Le code civil (articles 1641 à 1649) garantit l’acheteur contre les défauts de la chose vendue.

Selon l’article 1641 : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus. »

Selon l’article 1643 : « Le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. »

L’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix telle qu’elle sera arbitrée par des experts (article 1644 du code civil). Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur (article 1645). Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente (article 1646).

Selon le premier alinéa de l’article 1648 : « L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur, dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. »

En résumé, la garantie légale « contre les vices cachés » est subordonnée à quatre conditions cumulatives :

– le défaut affectant le bien doit être rédhibitoire au point que l’acheteur ne l’aurait pas acheté ou en aurait offert un prix moindre s’il l’avait connu ;

– le défaut constitutif du vice caché n’a pu être décelé lors de la vente malgré un examen attentif de la chose vendue ;

– le défaut affectant le bien doit être antérieur à la vente (la charge de la preuve de l’antériorité pèse sur l’acquéreur) ;

– l’action en garantie contre le vendeur, le fabricant ou le constructeur doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

L’acquéreur d’un véhicule d’occasion peut aussi bénéficier de la garantie légale de conformité prévue par le code de la consommation (Livre II – Conformité et sécurité des produits et des services : articles L. 211-1 et suivants) dès lors que son vendeur est un professionnel.

Cette garantie est, en effet, applicable aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l’acheteur agissant en qualité de consommateur.

Selon l’article L. 211-4 : « Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. »

Selon l’article L. 211-5 : « Pour être conforme au contrat, le bien doit :

1° être propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant, :

- correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle ;

– présenter les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage ;

2° ou présenter les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté. »

Selon l’article L. 211-7 : « Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n’est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué. »

L’acheteur est en droit d’exiger la conformité du bien au contrat. Il ne peut cependant contester la conformité en invoquant un défaut qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu’il a contracté (article L. 211-8). En cas de défaut de conformité, l’acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien. Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l’acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l’acheteur (article L. 211-9).

Selon l’article L. 211-12, l’action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien.

L’article L. 211-13 rappelle que les dispositions précédentes ne privent pas l’acheteur du droit d’exercer l’action résultant des vices rédhibitoires telle qu’elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi.

Lorsque le vendeur d’un véhicule d’occasion est un professionnel, l’acheteur peut donc faire jouer soit la garantie légale de conformité (code de la consommation), soit la garantie légale contre les vices cachés (code civil).

Lorsque la transaction a lieu entre particuliers, l’acheteur ne peut compter que sur la garantie légale relative aux vices cachés même s’il peut aussi, dans certains cas, intenter une action civile pour dol au cas où le vice caché aurait été délibérément dissimulé par le vendeur. Mais le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

Depuis le 1er septembre 2002, le vendeur d’un logement, dont le permis de construire est antérieur au 1er juillet 1997, doit annexer un constat de recherche d’amiante à la promesse de vente et à l’acte de vente définitif de son logement. Cette obligation, qui résulte d’un décret du 3 mai 2002 pris en application de l’article 176 de la loi « Solidarité et renouvellement urbain », concerne aujourd’hui la majorité du parc immobilier locatif. Il complète un décret du 7 février 1996 concernant les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante, qui imposait déjà au propriétaire de faire effectuer un diagnostic d’amiante sur les parties tant communes que privatives d’un immeuble.

Pourquoi ne pas envisager une obligation du même type dans le domaine de la vente des véhicules d’occasion en imposant au vendeur de fournir à l’acquéreur un certificat attestant que le véhicule intéressé est exempt de vices cachés ?

Ce certificat sera établi par un expert en automobile, inscrit sur la liste prévue à l’article L. 326-3 du code de la route.

Selon cet article : « Nul ne peut exercer la profession d’expert en automobile s’il ne figure sur une liste arrêtée par une commission nationale présidée par un conseiller à la Cour de cassation et composée de représentants de l’État, de représentants des professions concernées par l’expertise et l’assurance et de représentants des consommateurs.

L’inscription sur cette liste est de droit pour les personnes remplissant les conditions fixées par le présent chapitre.

Selon le I de l’article L. 326-4 : « Seuls les ressortissants mentionnés à l’article L. 326-1 inscrits sur la liste nationale des experts en automobile peuvent exercer les activités suivantes :

1° Rédaction à titre habituel de rapports destinés à être produits à des tiers et relatifs à tous dommages causés aux véhicules à moteur ainsi qu’aux cycles et à leurs dérivés, notamment toutes opérations et études nécessaires à la détermination de l’origine, de la consistance, de la valeur de ces dommages et à leur réparation ;

2° Détermination de la valeur des véhicules mentionnés au 1° du I du présent article. »

Selon le premier alinéa de l’article L. 326-7 : « Tout expert en automobile doit être couvert par un contrat d’assurance garantissant la responsabilité civile qu’il peut encourir en raison des activités mentionnées à l’article L. 326-4. »

La présente proposition de loi vise à exiger du vendeur d’un véhicule d’occasion – qu’il s’agisse d’un professionnel ou d’un particulier – qu’il remette à l’acquéreur, en sus des documents évoqués plus haut, un certificat établi par un expert en automobile attestant que le véhicule concerné est exempt de vices cachés.

Aujourd’hui, tout vendeur d’un véhicule d’occasion est tenu de remettre à l’acquéreur les documents suivants :

– l’ancien titre de circulation ;

– le premier exemplaire de la déclaration de cession remplie. Dans le cas d’une vente, l’encadré « certificat de vente » doit être signé par l’ancien propriétaire et le nouvel acquéreur du véhicule ;

– un certificat de situation administrative datant de moins de quinze jours ;

– si le véhicule a plus de quatre ans, la preuve du contrôle technique datant de moins de six mois ou de moins de deux mois si une contre-visite a été prescrite.

La réforme envisagée apportera une protection précieuse aux acquéreurs tout en désengorgeant les tribunaux de tout un pan de contentieux sur les vices cachés.

En délivrant son certificat, l’expert en automobile, qui seul a la compétence, la formation et l’expérience pour réaliser cette prestation, engagera évidemment sa responsabilité qui sera couverte par le contrat d’assurance, éventuellement révisé, prévu par l’article L. 326-7 précité du code de la route.

Aussi, faut-il prévoir que la délivrance du certificat ne soit obligatoire que dans le cas où la vente porte sur un véhicule d’occasion de plus de cinq ans.

Selon l’article L. 322-2 du code de la route : « Préalablement à la vente d’un véhicule d’occasion, le propriétaire est tenu de remettre à l’acquéreur un certificat établi depuis moins de quinze jours par l’autorité administrative compétente et attestant qu’il n’a pas été fait opposition au transfert du certificat d’immatriculation dudit véhicule en application des dispositions législatives en vigueur. »

Les articles L. 326–2 et 326–9 du code de la route prévoyant que les experts automobiles sont tenus à un devoir de probité assorti de sanctions dissuasives en cas de manquement (en cas de condamnation pour vol, escroquerie, recel, abus de confiance, agressions sexuelles, soustraction commise par un dépositaire de l’autorité publique, faux témoignage, corruption ou trafic d’influence, faux ou pour un délit puni des peines du vol, de l’escroquerie ou de l’abus de confiance, ou encore en cas de condamnation pour des faits constituant un manquement à l’honneur ou à la probité, avec interdiction d’exercice de la profession complétant une éventuelle sanction pénale, la législation est suffisamment dissuasive pour garantir la probité des expertises réalisées et éviter que de nouvelles affaires de fraudes comme celle qui vient de se produire à Paris ne se reproduisent. Aussi n’a-t-il pas été fait le choix de modifier le droit existant sur ce point).

La proposition de loi, que nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter, vise donc à sécuriser les ventes de véhicules d’occasion en prévoyant que, lorsque la vente porte sur un véhicule d’occasion âgé d’au moins cinq ans, son propriétaire soit tenu de remettre à l’acquéreur un certificat établi depuis moins de deux mois par un expert en automobile et attestant que ledit véhicule est exempt de vices cachés.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article L. 322-2 du code de la route est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la vente concerne un véhicule d’occasion, mis en circulation depuis au moins cinq ans, le propriétaire est tenu, en sus, de remettre à l’acquéreur un certificat établi depuis moins de deux mois par un expert automobile et attestant que ledit véhicule est exempt de vices cachés.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de fonctionnement du dispositif prévu à l’alinéa précédent et, en particulier, la nature et le périmètre des contrôles et investigations qui seront effectués par l’expert. »


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