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N° 4202

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 novembre 2016.

PROPOSITION DE LOI

renforçant la répression des atteintes contre les représentants de la force publique, instaurant une présomption de légitime défense au bénéfice des policiers et des gendarmes, et tendant
à
réduire les tâches indues de la police et de la gendarmerie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume LARRIVÉ, Éric CIOTTI, Laurent WAUQUIEZ, Damien ABAD, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Laurence ARRIBAGÉ, Jacques Alain BÉNISTI, Sylvain BERRIOS, Jean-Claude BOUCHET, Marine BRENIER, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Olivier DASSAULT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Lucien DEGAUCHY, Nicolas DHUICQ, Jean-Pierre DOOR, Virginie DUBY-MULLER, Daniel FASQUELLE, Marie-Louise FORT, Yves FOULON, Laurent FURST, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Bernard GÉRARD, Charles-Ange GINESY, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Michel HERBILLON, Valérie LACROUTE, Jacques LAMBLIN, Marc LE FUR, Geneviève LEVY, Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Thierry MARIANI, Olivier MARLEIX, Franck MARLIN, Philippe Armand MARTIN, Alain MARTY, François de MAZIÈRES, Gérard MENUEL, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jacques MYARD, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Axel PONIATOWSKI, Bernard REYNÈS, Jean-Marie SERMIER, Alain SUGUENOT, Philippe VITEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis de trop longs mois, la police nationale et la gendarmerie nationale sont mises à rude épreuve. Dans le contexte sécuritaire que chacun connaît – menace terroriste exceptionnellement élevée, nouvelles formes de délinquance, nos policiers et nos gendarmes sont, bien souvent, les derniers remparts de la République et les protecteurs ultimes de nos concitoyens. Pour cela, ils bénéficient du respect, de l’estime et de la reconnaissance de la Nation.

Dans le même temps, ces policiers et ces gendarmes sont la cible d’attaques, d’agressions, voire de tentatives d’homicides, dont l’ampleur et la gravité sont sans précédent. Il est temps que le législateur renforce de manière significative la répression de ces atteintes. Sur ce sujet, les propositions doivent être à la hauteur des enjeux : à l’heure où les forces de l’ordre sont la cible de « cocktails Molotov », la proposition du ministre de l’intérieur consistant simplement à modifier la législation sur l’outrage, semble quelque peu décalée.

La question doit aussi être posée des conditions juridiques dans lesquelles un policier ou un gendarme pourrait être fondé à répondre à ces atteintes dans le cadre de la légitime défense. Il ne peut, en aucun cas, s’agir de délivrer un quelconque « permis de tuer ». Pour autant, il n’est pas acceptable qu’un policier ou un gendarme ne bénéficie pas de la présomption de légitime défense qui existe déjà , par exemple, pour le simple citoyen qui repousse, de nuit, un cambrioleur.

De la même manière, il n’est plus admissible qu’une part importante de l’énergie des représentants de la force publique soit gaspillée pour des missions, certes importantes, mais qui ne relèvent pas du cœur de métier de la police et de la gendarmerie, et qui peuvent être assurées par d’autres acteurs. Le temps actuellement déployé à ces « tâches indues », comme les gardes statiques, pourrait utilement être redéployé au profit de missions de lutte contre la délinquance et contre le terrorisme.

C’est dans cet esprit que la présente proposition de loi poursuit trois objectifs clairs : renforcer la répression des atteintes contre les représentants de la force publique ; instaurer une présomption de légitime défense au bénéfice des policiers et des gendarmes ; réduire les tâches indues de la police et de la gendarmerie.

C’est autour de ces trois objectifs que s’articule le texte proposé à votre examen.

Le titre premier est consacré au renforcement des atteintes contre les représentants de la force publique - qu’il s’agisse de policiers nationaux, de gendarmes, mais également d’autres personnes dépositaires de l’autorité publique (comme, par exemple, des policiers municipaux).

Au sein de celui-ci, un premier chapitre est consacré au renforcement des peines applicables. Il faut rappeler que ces peines avaient été considérablement renforcées par des lois adoptées en 2003, en 2007 et en 2010, mais que le cadre légal n’a pas été modifié depuis.

Ainsi, l’article 1er renforce la peine applicable à la destruction ou à la dégradation d’un bien par incendie ou par utilisation d’explosifs, lorsqu’il s’agit d’un poste de police ou d’une gendarmerie, ou encore lorsqu’il s’agit du siège de toute autre autorité publique. Il s’agit de rendre applicable la circonstance aggravante prévue par l’article 322-8 du code pénal pour d’autres situations.

L’article 2 renforce la répression des menaces proférées contre un policier, un gendarme ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique - particulièrement lorsque ces menaces s’étendent à l’environnement personnel (famille) de cet agent public. Le récent attentat de Magnanville a mis en lumière le caractère particulièrement odieux des actes criminels ou délictuels visant des représentants de la force publique et leurs proches dans l’intimité de leur domicile ou de leur vie de famille. Il est donc proposé de punir de trois ans d’emprisonnement (contre deux actuellement) les menaces proférées à l’encontre du conjoint, des ascendants ou des descendants de ces agents publics ou de toute personne vivant habituellement à leur domicile, en raison des fonctions exercées par ces agents.

Le chapitre 2 vise à garantir l’effectivité des peines, une fois que celles-ci ont été prononcées par la justice.

L’article 3 allonge, pour les agressions les plus graves commises contre un policier, un gendarme ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, la période de sûreté pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucune libération conditionnelle, semi-liberté ou autre mesure favorable du même type. La règle proposée consiste à fixer la durée de la période de sûreté aux deux tiers de la peine prononcée, et non plus à la moitié comme actuellement.

L’article 4 introduit un mécanisme de « peine-plancher » pour la répression des différents types d’agressions commises contre un policier, un gendarme ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique. Les auteurs de la présente proposition de loi sont convaincus que le législateur doit faire confiance à la manière dont l’autorité judiciaire prononce des peines adaptées aux infractions commises, et veille ensuite à leur exécution ; mais cette confiance n’exclut pas que l’autorité politique - c’est le cas ici du Parlement – prenne également ses responsabilités dans la définition d’une véritable politique pénale.

Le titre II de la présente proposition de loi est composé d’un article unique, l’article 5, instaurant une présomption de légitime défense au profit du policier ou du gendarme qui accomplit, dans l’exercice de ses fonctions, un acte proportionné à la gravité de l’atteinte injustifiée commise envers lui-même ou envers autrui. Pour cela, l’article 6 complète l’article 122-6 du code pénal qui prévoit déjà une telle présomption au bénéfice du simple citoyen qui tente, de nuit, de repousser un cambrioleur, ou encore pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Cette présomption n’est ni irréfragable, ni absolue : une juridiction pourrait ne pas la retenir dans un cas où l’acte de réplique serait disproportionné. L’article 6 répond à une question de principe : il n’est pas cohérent qu’une telle présomption soit reconnue au citoyen ordinaire, dans certains cas, par le droit actuel, et qu’elle soit refusée aux agents dont la raison d’être est d’incarner la force publique.

Le titre III de la présente proposition de loi tend à réduire les tâches indues mises à la charge de la police et de la gendarmerie.

L’article 6 fonde les entreprises de sécurité privée à assurer des missions de garde statique, par l’intermédiaire d’agents pouvant être armés. Comme le préconise de longue date le collège du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), instance relevant du ministère de l’intérieur, les agents concernés devront bénéficier d’une formation exigeante et répondre à des conditions très strictes de moralité.

L’article 7 remet en cause la règle ancienne - et aujourd’hui périmée - selon laquelle, en France, un « garde du corps » privé ne peut en aucun cas porter une arme, même s’il est formé et habilité par le CNAPS. Cette posture ancienne n’est plus compatible avec l’état actuel des menaces auxquelles peuvent être exposées certaines personnalités. L’état actuel du droit fait reposer exclusivement la charge de leur protection sur des fonctionnaires de police spécialisés dont les moyens sont notoirement insuffisants. La présente proposition de loi permet à des agents de protection physique des personnes de porter une arme sous plusieurs conditions relatives à leur formation, à leur moralité, et à la réalité de la menace pesant sur leur client.

PROPOSITION DE LOI

TITRE 1ER

RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION DES ATTEINTES CONTRE LES REPRÉSENTANTS DE LA FORCE PUBLIQUE

Chapitre 1er

Aggravation des peines applicables

Article 1er

Après le 3° de l’article 322-8 du code pénal, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Lorsqu’elle est commise sur un bien appartenant ou affecté à la police nationale, à la gendarmerie nationale, ou sur tout immeuble constituant le siège d’une autorité publique. »

Article 2

Au début du troisième alinéa de l’article 433-3 du même code, les mots : « Les mêmes peines sont applicables » sont remplacés par les mots : « La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende ».

Chapitre 2

Effectivité des peines prononcées

Article 3

Le dernier alinéa des articles 222-3, 222-8 et 222-10 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 132-23, lorsque l’infraction est commise à l’encontre d’un fonctionnaire de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale, ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, la durée de la période de sûreté est égale aux deux tiers de la peine. La juridiction peut toutefois, par décision spéciale et motivée, décider de réduire cette durée sans que celle-ci ne puisse être inférieure à la moitié de la peine. »

Article 4

I. – Après l’article 132-18 du même code, il est inséré un article 132-18-1 ainsi rédigé :

« Art. 132-18-1. – Lorsqu’un crime réprimé par l’article 221-4 est commis sur un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie nationale ou sur toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, la peine de réclusion ne peut être inférieure à quinze ans.

« Lorsqu’un crime réprimé par le 1° de l’article 222-14-1 est commis sur une personne mentionnée à l’alinéa précédent, la peine de réclusion ne peut être inférieure à dix ans.

« Lorsqu’un crime réprimé par l’article 222-3, l’article 222-8 ou le 2° de l’article 222-14-1 est commis sur une personne mentionnée à l’alinéa précédent, la peine de réclusion ou d’emprisonnement ne peut être inférieure à sept ans.

« Lorsqu’un crime réprimé par l’article 222-10 ou par le 3° de l’article 222-14-1 est commis sur une personne mentionnée au premier alinéa du présent article, la peine de réclusion ou d’emprisonnement ne peut être inférieure à cinq ans.

« Toutefois, dans les cas prévus au présent article, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »

II. – Après l’article 132-19 du même code, il est inséré un article 132-19-1 ainsi rédigé :

« Art. 132-19-1. – Lorsqu’un délit réprimé par le 4° de l’article 222-14-1 est commis sur un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie nationale ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure à quatre ans.

« Lorsqu’un délit réprimé par les articles 222-12, 222-15-1 ou 322-3 est commis sur ou au préjudice d’une personne mentionnée à l’alinéa précédent, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure à deux ans.

« Lorsqu’un délit réprimé par l’article 222-13 ou par le troisième alinéa de l’article 433-3 est commis sur une personne mentionnée au premier alinéa du présent article, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure à un an.

« Toutefois, pour les cas prévus au présent article, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »

TITRE II

PRÉSOMPTION DE LÉGITIME DÉFENSE AU BÉNÉFICE
DES POLICIERS ET DES GENDARMES

Article 5

L’article 122-6 du même code est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Dans l’exercice de ses fonctions de fonctionnaire de la police nationale ou de militaire de la gendarmerie nationale, devant une atteinte injustifiée envers soi-même ou autrui, et de manière proportionnée à la gravité de cette atteinte. »

TITRE III

RÉDUCTION DES TÂCHES INDUES DE LA POLICE
ET DE LA GENDARMERIE NATIONALES

Article 6

L’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° À assurer la surveillance d’immeubles par des agents armés et spécialement formés et habilités, afin de répondre aux menaces particulières pesant sur les immeubles concernés et sur la sécurité des personnes qui s’y trouvent ».

Article 7

L’article L. 613-12 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 613-12. – Les agents de protection physique des personnes, spécialement formés et habilités à cet effet, peuvent être autorisés à porter une arme lorsqu’ils assurent la protection d’une personnalité reconnue par l’autorité administrative comme particulièrement menacée. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article ».


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