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N° 4615

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 avril 2017.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer une bourse au permis de conduire pour garantir le droit à la mobilité de tous les citoyens,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, Nicolas SANSU,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le permis de conduire est devenu une des nécessités du quotidien pour bon nombre de nos concitoyens, en particulier pour ceux qui n’ont pas accès à une offre de transport public de qualité. Accès aux soins, aux services administratifs, au sport et à la culture, recherche d’emploi, faire ses courses, visiter famille et amis, etc. Pour beaucoup, se déplacer en automobile n’est pas un choix, mais une obligation. Le permis de conduire est un véritable enjeu de société, qui conditionne dans beaucoup d’espaces le droit à la mobilité. L’accès à l’emploi est par ailleurs de plus en plus conditionné à la détention du permis de conduire, ce qui en fait un vecteur majeur d’intégration sociale. Tous les citoyens devraient pouvoir accéder au permis de conduire sans barrière de coût, de différences culturelles ou sociales : il devrait être un droit pour tous.

Pourtant, de nombreux observateurs mettent l’accent sur sa difficulté d’accessibilité et certains vont même jusqu’à le décrire comme un luxe. Le tarif moyen du forfait de base avoisine 1 500 euros, ce qui est très élevé pour les jeunes étudiants ou les salaires les plus bas. Les leçons de conduite sont également facturées à des prix très variables et l’affichage des tarifs est souvent peu lisible, ne facilitant pas la comparaison entre auto-écoles afin de rechercher les offres les plus intéressantes.

Si les coûts de la formation n’y sont pas inférieurs, des pays comme le Royaume-Uni ou l’Autriche affichent des taux de réussite nettement plus haut : alors qu’il est de 60 % en France, il atteint 72 % au Royaume-Uni et 86 % en Autriche. Ainsi, spécifiquement dans notre pays, la faiblesse du taux de réussite au permis de conduire renforce son inaccessibilité. Aussi les heures de conduite supplémentaires en cas d’échec sont-elles facturées au prix fort.

C’est ainsi que le permis devient le reflet des inégalités socio-spatiales. Un quart des personnes sans emploi n’ont pas de permis, quand les personnes les plus aisées financièrement ont quasiment toutes accès à l’automobile. D’autre part, si le taux de réussite moyen au permis de conduire de catégorie B toutes présentations confondues est de 60 %, il varie de manière considérable entre les espaces géographiques. D’un département à l’autre, les taux peuvent ainsi varier d’un peu plus de 40 % à 70 %. L’association nationale de défense des consommateurs et usagers condamne également très justement la variation géographique considérable des délais de présentation aux examens. Voir certains de nos concitoyens attendre si longtemps pour repasser l’examen du permis de conduire à la suite d’un échec n’est pas acceptable, d’autant que cela implique des coûts supplémentaires compte tenu de la nécessité de s’entraîner régulièrement. Finalement, loin de renforcer la mobilité des individus, la situation actuelle constitue une entrave, alors que l’état du transport en commun de banlieues à banlieues est loin d’être satisfaisant.

Le permis à un euro par jour a permis de réduire les délais d’attente et de moderniser les épreuves. Ce partenariat entre l’État, les banques et certaines écoles de conduite a permis aux jeunes de moins de 26 ans d’emprunter 800, 1 000 ou 1 200 euros pour financer leur permis. Cependant, le champ de ce dispositif reste limité : il exclut les concitoyens les plus fragiles qui ne peuvent pas prendre en charge ce prêt. D’autres initiatives ont été prises pour répondre à l’urgence du problème. Ainsi, l’appel à projet initié par M. Martin Hirsch en 2010, intitulé « 10 000 permis pour réussir », a ainsi voulu prendre en charge une partie du coût du permis de conduire. Les projets proposaient de prendre en charge le permis B (<1 000 euros) des jeunes issus de milieux modestes, et dont l’obtention d’un emploi était conditionné au permis. Toutefois, l’accès au permis de conduire doit être dorénavant considéré comme une priorité publique fondamentale. Envisager l’existence d’une bourse serait une réponse juste et adéquate face au caractère inégalitaire et discriminatoire de son coût et de son format.

Un programme a toutefois fait ses preuves. La « bourse au permis de conduire » a rencontré un immense succès partout en France. Ce dispositif, promu par le secrétaire d’État chargé des transports et le président de l’Association des maires de France, consiste pour les municipalités à prendre en charge le coût du permis en échange d’activités citoyennes. L’idée a pris racine à Carcassonne en 2006, où la mairie, en collaboration avec l’Association Prévention Routière, a décidé de financer entre 50 % et 80 % du permis de quatorze jeunes de la ville rencontrant des difficultés financières en échange d’activités sociales et humanitaires. De nombreuses collectivités ont suivi cet exemple. Ainsi, son succès s’est vérifié sur le territoire de l’ancienne Communauté d’Agglomération Terres de France : 1 580 bourses au permis de 1 000 euros ont ainsi été octroyées à 1 580 jeunes de Sevran, Tremblay et Villepinte. Les candidats ont travaillé 70 heures pour l’une des 60 associations partenaires, ce qui leur a permis de se rendre utiles à la collectivité et de cultiver une rigueur et des compétences dont ils auront besoin dans le monde du travail et dans l’ensemble de leur vie future.

Il s’agit de généraliser ces pratiques, de tendre vers la gratuité de la formation pour tous puisqu’elle est nécessaire à tous, de donner le droit à tous les individus d’y avoir accès, quel que soit leur âge et quel que soit leur milieu ou leurs revenus. Dès lors, il apparaît nécessaire et urgent que les pouvoirs publics envisagent de remodeler les modalités d’obtention du permis de conduire et de garantir sa gratuité.

La proposition de loi met en place à l’échelle nationale le dispositif de bourse au permis, une aide universelle accordée sans conditions de ressources mais conditionnée à la réalisation d’activités citoyennes. La réalisation des activités au sein d’une association est un formidable facteur de renforcement de la cohésion sociale. Le coût de la mesure annoncée est financé par la baisse à due concurrence du taux du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Présenté par le Gouvernement comme une solution pour redynamiser l’industrie face à la concurrence internationale, le CICE s’apparente davantage à une politique publique inconditionnelle de reconstitution des marges des entreprises. De plus, son impact sur l’emploi s’avère très décevant au regard des sommes engagées. En effet, le principal effet de ce crédit d’impôt est la reconstitution ou l’augmentation des marges des entreprises. Comme l’a constaté France Stratégie dans son évaluation du dispositif, ses effets sur la recherche et le développement restent par ailleurs limités. Le bilan du CICE est donc largement insuffisant, au regard des sommes colossales qui y ont été investies. Il convient donc d’utiliser cet argent public de manière utile. Tel est le sens de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

I. – Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté est complété par un article 69 bis ainsi rédigé :

« Art. 69 bis – Toute personne âgée de 18 à 30 ans peut, à sa demande, bénéficier d’une bourse d’une valeur de 1 000 euros, destinée à financer son permis de conduire. Cette bourse est conditionnée à la réalisation de 70 heures d’activités citoyennes dans une association ou un service public. »

II. – La charge pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la baisse du taux du crédit d’impôt mentionné au III de l’article 244 quater C du code général des impôts.


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