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N° 2383

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social,

TOME I

Président

M. Alain BOCQUET

Rapporteure

Mme Françoise DUMAS

Députés

——

Voir les numéros : 1731, 1958 et T.A. 345

La commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponse concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social, est composée de : M. Alain Bocquet, président ; Mme Françoise Dumas, rapporteure ; M. Yannick Favennec, M. Michel Issindou, Mme Bernadette Laclais, M. Paul Salen, vice-présidents ; M. Jean-Noël Carpentier, M. Jean-Pierre Decool, Mme Marie-Hélène Fabre, Mme Barbara Pompili, secrétaires ; M. Jean-Pierre Allossery, M. Pierre Aylagas, M. Jean-Luc Bleunven, M. Jean-Louis Bricout, M. Guillaume Chevrollier, Mme Sophie Dion, Mme Hélène Geoffroy, Mme Edith Gueugneau, M. Guénhaël Huet, M. Régis Juanico, Mme Isabelle Le Callennec, M. Michel Lesage, M. Jean-René Marsac, M. Frédéric Reiss, M. Martial Saddier, M. Boinali Said, M. André Schneider, Mme Julie Sommaruga, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Philippe Vitel.

SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT ALAIN BOCQUET 7

INTRODUCTION – LA VIE ASSOCIATIVE OU LA FRATERNITÉ À L’œUVRE 11

CHAPITRE I – FIGURES DU MONDE ASSOCIATIF : LES GRANDS TRAITS D’UNE RÉALITÉ MIEUX CONNUE 15

A. LE MONDE ASSOCIATIF : DYNAMISME ET DIVERSITÉ 15

1. Une démographie toujours vivace 15

a. Plus de 71 500 associations créées entre septembre 2013 et août 2014 15

b. Près de 1,3 million d’associations en activité 16

2. Des acteurs économiques essentiels 17

a. Un poids économique en progression 17

b. Un emploi salarié qui a, jusqu’ici, bien résisté à la crise 17

3. Un tissu associatif extrêmement divers 19

a. Les secteurs d’activité 19

b. Les effectifs d’adhérents 20

c. Les budgets et les ressources humaines 21

4. La dynamique du bénévolat : un signe de vitalité démocratique 24

B. UNE CONNAISSANCE DU SECTEUR À AFFINER 25

1. Des sources d’information diverses et complémentaires 25

a. Les sources administratives 25

b. Les sources universitaires 26

c. Les sources associatives 27

2. Les promesses de l’étude INSEE : passer du quantitatif au qualitatif 28

3. Quelques pistes d’amélioration 29

CHAPITRE II – DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES PRÉOCCUPANTES 31

A. UNE INQUIÉTUDE GRANDISSANTE 31

1. Une inquiétude partagée bien au-delà du seul monde associatif 31

2. Une menace particulièrement forte sur les associations de taille moyenne 33

B. DES FINANCEMENTS PUBLICS QUI S’INFLÉCHISSENT 33

1. L’effort de l’État : réduction ou transformation ? 34

a. Un moindre effort budgétaire 34

b. Un effort fiscal en très nette augmentation 36

c. La question du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi 38

d. Un nouvel acteur : la Banque publique d’investissement (BPI) 41

2. Des collectivités territoriales extrêmement impliquées 42

a. Les communes, interlocuteur naturel des associations 43

b. Le rôle de plus en plus important des départements 45

c. Des régions très présentes dans certains secteurs 46

d. Les inquiétudes liées à la réforme territoriale 47

3. La « terrible machine bureaucratique » des financements européens 49

4. Des difficultés de trésorerie récurrentes 51

C. DES FINANCEMENTS PRIVÉS QUI PEINENT À PRENDRE LE RELAIS 54

1. La générosité du public ne se dément pas mais stagne depuis quelques années 55

a. Une ressource essentielle pour de nombreuses associations 55

b. Le cadre fiscal de la générosité doit être stabilisé 58

c. Développer et accompagner les nouvelles formes de don 60

2. Les difficultés du mécénat d’entreprise 63

a. Un mécénat important mais affecté par la crise 63

b. Les grandes caractéristiques du mécénat d’entreprise 64

c. Un mécénat à consolider 64

3. Le développement contraint des ressources propres 65

a. La place importante des ressources propres 65

b. Une nécessaire évolution de la fiscalité des associations 67

4. De nouveaux modes de financement à explorer 69

a. Des titres associatifs plus attractifs 69

b. Le financement participatif, un outil non dépourvu d’ambiguïté 71

CHAPITRE III – LES RESSOURCES HUMAINES DES ASSOCIATIONS EN PÉRIL 75

A. ASSURER LE RENOUVELLEMENT DES RESPONSABLES ASSOCIATIFS 75

1. La prise de responsabilités associatives : un exercice difficile 75

a. Des contraintes qui influent sur le profil des dirigeants associatifs 75

b. Des évolutions défavorables au renouvellement des responsables associatifs 77

2. Des pistes pour favoriser le renouvellement des dirigeants associatifs 78

a. Jouer sur le facteur temps : le congé d’engagement 78

b. Renforcer l’accompagnement des dirigeants associatifs 79

c. Attirer les jeunes vers les responsabilités associatives 80

B. CONSOLIDER L’EMPLOI ASSOCIATIF 82

1. Le monde associatif, moteur de l’emploi 82

2. L’emploi associatif en danger 85

3. Pour une vraie politique de soutien à l’emploi associatif 87

C. DÉVELOPPER LE BÉNÉVOLAT 89

1. Le bénévolat aujourd’hui en France 90

a. Un effet de levier indispensable à la vie associative 90

b. Une croissance continue depuis une décennie 91

c. La crise du bénévolat : les aspirations divergentes des bénévoles face aux besoins des associations 93

2. Un modèle à réinventer 95

a. Créer un parcours d’engagement tout au long de la vie 95

i. Mettre l’accent sur le bénévolat des jeunes 96

ii. Faciliter le bénévolat des actifs 98

b. Attirer de nouveaux bénévoles 99

c. Valoriser l’expérience associative 101

CHAPITRE IV – LES ASSOCIATIONS AU CœUR DE LA CITÉ : UNE PLACE QUI DOIT ÊTRE CONFORTÉE 105

A. RÉNOVER LES LIENS AVEC LE MONDE ASSOCIATIF 105

1. Un secteur toujours en mal de reconnaissance 106

a. Une légitimité propre dans l’espace public 106

b. La modernisation nécessaire des modes officiels de reconnaissance 109

i. La reconnaissance d’utilité publique 109

ii. Les agréments ministériels : vers un « tronc commun » opposable ? 112

c. Une reconnaissance qui suppose surtout un changement de regard et une plus grande ouverture 114

2. Des contraintes administratives qui entravent l’action associative 119

a. Une simplification très attendue 119

b. Du contrôle à l’évaluation 123

3. Le procès de la commande publique 126

a. La commande publique, un mode de financement très dynamique depuis plusieurs années 126

b. La commande publique, un mode de financement fortement contesté 129

c. Pour un nouvel équilibre où la subvention ait toute sa place 132

B. ACCOMPAGNER LES MUTATIONS DU MONDE ASSOCIATIF 137

1. Une pression gestionnaire croissante 137

a. Une concurrence plus aiguë avec le secteur lucratif 137

b. L’enjeu pour les associations : comment entrer en économie sans perdre son âme ? 142

i. Un monde associatif sous contrainte 142

ii. L’engagement et le projet, boussoles d’une identité écartelée 144

2. Le pilotage du projet associatif en chantier 151

a. Des têtes de réseau bousculées 152

b. Des stratégies territoriales plus affirmées 157

i. La mutualisation comme source d’efficacité 158

ii. Un élan nouveau pour la coopération dans les territoires 161

c. Un ajustement en cours des gouvernances associatives 164

CHAPITRE CONCLUSIF – FAIRE VIVRE LA CHARTE D’ENGAGEMENTS RÉCIPROQUES 171

RECOMMANDATIONS 173

EXAMEN EN COMMISSION 177

CONTRIBUTION DES DÉPUTÉS UMP 195

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES DANS LE CADRE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE 197

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT ALAIN BOCQUET

Adoptée le 28 mai 2014 par l’Assemblée nationale, la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les difficultés du monde associatif, déposée par les députés communistes, républicains et citoyens du groupe GDR, s’est donné un double objectif : faire le point des interrogations, des préoccupations et des attentes des associations dans et face à la crise, mais aussi s’attacher à apprécier comment elles peuvent contribuer à ce que l’économie et la société françaises sortent par le haut des difficultés structurelles auxquelles elles sont confrontées.

Force est d’en convenir : alors que l’engagement associatif a été choisi comme Grande cause nationale en 2014, les problèmes et les obstacles ne cessent de s’accumuler et de peser sur le tissu associatif, au point d’affaiblir l’efficacité de son action au bénéfice de nos concitoyens, de compromettre sa contribution à la vitalité de l’économie et à l’emploi et de menacer l’avenir le plus immédiat de nombre d’associations. Pourtant, jamais comme aujourd’hui le rôle spécifique que les associations jouent auprès des habitants, les valeurs qu’elles portent et le large éventail de compétences qu’elles mobilisent n’ont été ressentis comme autant d’atouts spécifiques et précieux.

Au cours des six mois qui viennent de s’écouler, les député(e)s membres de cette commission d’enquête et leur rapporteure, notre collègue Françoise Dumas, ont accompli un riche travail d’écoute et d’analyse : plus de 180 personnes ont été entendues ; un déplacement a été effectué dans le Gard, à Nîmes, pour établir un contact direct avec les organismes qui sont présents, au quotidien, sur le terrain ; des entretiens dans un cadre moins formel ont eu lieu avec plusieurs personnalités spécialistes de ces problématiques ou des responsables de réseaux associatifs. Bien évidemment, la commission a été amenée à considérer les très nombreux témoignages spontanés, oraux ou écrits, apportés par des dirigeants et des militants de tous horizons, agissant dans l’ensemble des secteurs – économique, social, sanitaire, environnemental, sportif, culturel, etc. – que couvre le mouvement associatif français ; je tiens ici à les remercier chaleureusement.

Je me félicite également de la forte implication de nombreux membres de la commission, qui ont souhaité effectuer dans leur circonscription, auprès du tissu associatif local, un travail de consultation et d’écoute similaire à celui que la commission plénière réalisait à Paris. Des initiatives diverses ont été portées à ma connaissance : réunions publiques, mise en place d’un forum sur un site internet, etc. Les contributions reçues dans ce cadre, issues du terrain – des terres bretonnes jusqu’à la plaine d’Alsace, des rivages du Nord jusqu’aux contreforts des Pyrénées, des coteaux franciliens jusqu’aux montagnes savoyardes –, ont nourri les réflexions de la commission d’enquête à travers les interventions de ses membres pendant les auditions : je considère qu’il s’agit de la preuve que le travail parlementaire sait innover et qu’il est particulièrement pertinent lorsqu’il parvient ainsi à mettre en résonance directe les initiatives locales et le travail parisien.

C’est donc un premier élément de satisfaction que l’écho très fort recueilli tout au long de ces six mois, grâce à la démarche qu’ont conduite de concert les membres de notre commission d’enquête en prenant le pouls de la vie associative. Cela témoigne – s’il en était vraiment besoin – de l’attention vigilante que nos concitoyens portent à ces enjeux et de leur détermination à préserver cet élément décisif de notre vie sociale. Un double constat qui en dit long sur l’importance de l’engagement attendu des pouvoirs publics pour répondre aux aspirations du mouvement associatif dans la tourmente de la crise.

Je souhaite insister sur ce point, le travail de la commission d’enquête aura permis de vérifier, une fois encore, le bien-fondé de la loi de 1901 qui autorise la libre création d’associations. Un droit qui, à ce jour, n’est pas reconnu par tous les États.

Le premier objectif du rapport était de dresser le tableau de la situation des associations et de contribuer à préciser leur « bilan de santé ».

Le rapport rappelle, en chiffres, la place des associations dans la vie économique et sociale de notre pays. Avec environ 1,3 million d’associations et quelque 16 millions de bénévoles, le secteur associatif gère un budget total de 85 milliards d’euros (3,2% du PIB), recense 1,8 million d’emplois et représente une masse salariale de 37 milliards d’euros. Les associations comptent pour 10 % du total des emplois du secteur privé ! C’est dire leur importance pour notre économie, au moment où la France recense, toutes catégories confondues, plus de cinq millions de demandeurs d’emploi.

Notre commission d’enquête a bien évidemment été très sensible et très attentive à la grande diversité de la vie associative. Le spectre est large, en effet, qui va des espaces urbains aux départements ruraux et de la petite association de quartier ou de village, qui organise chaque année sa fête traditionnelle et crée du lien social, jusqu’à la grande association nationale exerçant une activité sanitaire ou sociale dans un cadre très réglementé ; sans oublier le rôle pivot – parmi d’autres – qu’assument les fédérations dans l’organisation de la pratique sportive à l’échelle du territoire français…

Les investigations, les débats et les échanges menés à bien au cours de ces six mois ont permis de pointer des difficultés nouvelles ou récurrentes.

Je veux tout d’abord parler de la tension accrue sur les finances associatives, quand s’ajoutent aux désengagements progressifs et multiformes de l’État, depuis une vingtaine d’années, les effets de l’austérité imposée par l’Europe, la baisse du soutien des collectivités fragilisées dans leurs ressources, ou encore le recours croissant aux dispositifs de la commande publique qui pénalise les petites et moyennes associations. Un recours – soit dit en passant – qui fait obstacle au droit des associations à l’expérimentation et à l’innovation et qui remet en cause leur capacité d’initiative, alors que celle-ci devrait, au contraire, demeurer un trait identitaire fort du tissu associatif et un signe distinctif des partenariats qu’il tisse avec les collectivités territoriales.

La co-construction des politiques publiques entre les collectivités et les associations doit être garantie et développée.

Autre problème : les nouvelles règles européennes et le poids de la concurrence avec le secteur privé lucratif quand les entreprises privées se portent toujours davantage vers des activités jusqu’ici assurées, pour l’essentiel, par les associations. Cette « marchandisation rampante » est extrêmement préoccupante.

Je souhaite mentionner également les difficultés que peuvent poser la suppression de la clause de compétence générale des collectivités locales et le flou d’une réforme territoriale qui, à cette heure, suscite de nombreuses interrogations chez les acteurs et observateurs de la vie associative, comme l’ont bien montré les auditions.

La fiscalité des activités associatives et son évolution récente (la question du versement transports, l’enjeu du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) ; le tracassin administratif et l’absence d’uniformité des dossiers que doivent constituer les associations sollicitant une aide financière ; les risques liés au transfert de la gestion des fonds structurels européens en 2014, qui pourrait déboucher sur une « année blanche » budgétaire, etc. sont autant de sujets de préoccupation abordés par le mouvement associatif et explorés par notre commission tout au long des auditions auxquelles elle a procédé.

Sur tous ces sujets, nous nous sommes efforcés d’avancer des réflexions ou des propositions en ayant à l’esprit l’attente profonde exprimée par nombre d’intervenants : celle d’une reconnaissance plus marquée des associations et de leurs animateurs pour le travail qu’ils accomplissent, et celle d’une plus grande confiance de l’administration et des institutions envers le mouvement associatif.

Le présent rapport explore naturellement un certain nombre de pistes, comme faire bénéficier le tissu associatif d’un choc de simplification administrative et alléger les procédures ; sécuriser les financements ; développer le dispositif des contrats pluriannuels ; s’appuyer sur la définition de la subvention adoptée dans la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ; réfléchir à la constitution d’un fond de garantie adossé à la Caisse des dépôts et consignations pour éviter les lourds agios payés au secteur bancaire en raison des délais de versement des subventions publiques ; donner vie aux principes et objectifs de la Charte des engagements réciproques signée en février dernier par l’État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales, etc.

Notre commission s’est également montrée favorable au principe du congé d’engagement bénévole, congé d’exercice de la responsabilité associative, et favorable à ce que soient pris en compte et valorisés les acquis de l’activité associative et la formation d’éducation populaire qui en résulte.

Les travaux que mes collègues et moi-même avons effectués dans un esprit parfaitement consensuel – je tiens à le souligner – nous ont conduits à insister sur le caractère primordial du lien Éducation nationale - vie associative pour susciter et soutenir l’engagement associatif des enfants et des jeunes. Il faut préparer la relève et assurer le passage du flambeau !

Enfin, nous avons voulu attirer l’attention, d’une part, sur l’intérêt du développement de fonds réservés à la formation des acteurs du monde associatif, fonds territoriaux conjuguant apports publics et privés, et, d’autre part, sur la contribution des nouvelles technologies au renouvellement de l’engagement associatif, puisqu’elles contribuent à libérer celui-ci du problème du « temps contraint », tout en boostant l’information et la mobilisation des citoyens.

La vie associative reste une composante incontournable et essentielle de la vie démocratique française, une condition décisive de l’enrichissement permanent du vivre ensemble et de notre citoyenneté.

INTRODUCTION

LA VIE ASSOCIATIVE OU LA FRATERNITÉ À L’
œUVRE

L’homme ne peut rien faire en bien ou en mal qu’en s’associant. Il n’y a pas d’armure plus solide contre l’oppression ni d’outils plus merveilleux
pour les grandes
œuvres.

Pierre Waldeck-Rousseau

Le lien entre la République et la vie associative est si fortement tissé que l’on en oublierait presque que le droit d’association n’a pas été reconnu sans mal et qu’entre l’interdiction des associations professionnelles, édictée en juin 1791 par la loi Le Chapelier, et sa reconnaissance par la loi du 1er juillet 1901, adoptée sous l’impulsion de P. Waldeck-Rousseau, il aura fallu attendre 110 ans.

Tout au long du XIXème siècle, le mouvement républicain a lui-même emprunté une forme associative de fait, afin de s’organiser et s’affirmer face à ses adversaires politiques. C’est forte de cette expérience qu’une fois instaurée et affermie, la République est parvenue à inscrire dans le droit des groupements intermédiaires entre les individus et l’État qui ne ressuscitent pas les corporations abolies par la Révolution. Les tenants de l’universalisme républicain comprenaient ainsi qu’il pouvait s’incarner d’une façon diversifiée, sans nuire pour autant à l’unité de la nation.

Depuis, en tant que communautés de valeurs, d’idées et d’actions regroupant des femmes et des hommes avant tout soucieux de partage, d’épanouissement et de développement, les associations n’ont eu de cesse de jouer un rôle fondamental au sein de notre société et de notre économie.

Il était donc important qu’en cette année 2014, qui a vu l’engagement associatif être déclaré Grande cause nationale, nous puissions écouter les acteurs associatifs pour établir un état des lieux exhaustif de leurs difficultés et de leurs attentes.

Cette préoccupation s’inscrit en cohérence avec les travaux parlementaires sur la fiscalité du secteur non lucratif (rapport de nos collègues Yves Blein, Laurent Grandguillaume, Jérôme Guedj et Régis Juanico publié en décembre 2013) et sur les modalités de simplification administrative pour les associations (rapport d’Yves Blein publié en novembre 2014) et la grande loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014.

La prise en compte des difficultés du monde associatif par les pouvoirs publics est particulièrement nécessaire en cette période où l’accélération des changements économiques, culturels et sociaux se traduit par une perte de repères et une désaffection d’une partie de nos concitoyens pour les institutions démocratiques.

En encourageant le secteur associatif, les pouvoirs publics ont ainsi la capacité de favoriser des structures intermédiaires qui, à leur tour, vont aider les individus à faire face, dans le respect des libertés et du pluralisme, à la tentation du repli sur soi.

Le milieu associatif met l’engagement à la portée de tous, replace l’individu en situation de jugement, d’initiative et d’action. Par sa capacité à créer et entretenir du lien social entre des individus – qu’ils soient adhérents ou public bénéficiaire –, il favorise une citoyenneté active et concrète. Ce lien est l’ossature même de notre cohésion nationale et la source de l’engagement de chacun dans la vie de la cité, de sa « re-connaissance citoyenne ».

Le fait associatif est devenu ainsi une évidence massive tant dans la sphère publique que privée de notre pays.

Des pans entiers de nos politiques publiques ne pourraient être assurés sans le concours des réseaux associatifs : gestion d’établissements sanitaires et médico-sociaux, aide à la personne, éducation, culture et sport, développement économique. Grâce à eux, l’accomplissement de missions d’intérêt général, aux coûts maîtrisés, est rendu possible.

Les associations sont également de formidables vecteurs d’innovation sociale. En mettant en lumière des besoins sociaux inédits et en y répondant de manière novatrice, elles participent activement et efficacement à la construction et au développement d’une société, plus solidaire, plus juste et donc plus humaine. Cette capacité innovante est l’essence même du progrès social.

Intérêt général, progrès social, cohésion sociale : en somme, les associations sont une expression concrète et dynamique de notre pacte républicain, au moment même où celui-ci s’interroge sur le moyen de renouer avec ses promesses.

La vitalité des associations et du monde associatif est telle que nous avons souvent eu tendance à croire que leur fonctionnement, par nature détaché des logiques économiques du secteur lucratif, leur formidable capacité d’adaptation, leur souplesse de gestion et les convictions désintéressées de leurs membres épargneraient aux associations les soubresauts de la crise. Ce n’est qu’en partie le cas.

De même que les autres composantes de notre société, elles connaissent, à l’évidence, de profondes difficultés, liées à l’impact direct de la crise économique, mais aussi aux transformations plus générales et indirectes qui en découlent.

Le présent rapport a été élaboré avec la volonté affirmée de donner la parole aux associations dans la grande diversité de leur taille, de leur statut économique et de leur domaine d’activité.

Pour autant, le travail de la commission s’est aussi doublé de l’approche la plus généraliste possible afin de repérer au sein de la diversité du secteur associatif des « invariants » touchant aussi bien aux enjeux des ressources humaines, des relations avec l’État et les collectivités territoriales, ou des outils d’observation et d’évaluation du fait associatif.

Si les constats que nous rapportons sont pour la plupart partagés, nous avons tenté d’en offrir une présentation délibérément synthétique. Quant aux recommandations qui, au fil du rapport, sont avancées au regard d’une difficulté repérée par les acteurs de terrain, elles laissent en outre entrevoir des opportunités que nous pensons réelles, adaptées et facilement réalisables.

L’engagement associatif des jeunes est l’un des axes les plus stratégiques de ce rapport.

Aujourd’hui, il n’existe pas, à proprement parler, de crise du volontariat au sens de l’engagement. Ce sont plus les modalités et la pérennité qui sont en question pour les jeunes volontaires.

Il en va de l’avenir de la vitalité associative et de la capacité à s’inscrire dans une citoyenneté affirmée.

C’est en effet par l’investissement précoce des jeunes dans les associations, en tant que membres, bénévoles ou dirigeants, que ces derniers trouveront naturellement une expérience de responsabilités dans la vie de la cité.

À l’heure de la globalisation, des nouvelles technologies, des changements permanents, de nouvelles formes de gouvernance trouvent leur légitimité et leur crédibilité en incarnant l’intelligence collective.

Le monde associatif en est la parfaite illustration.

Alors que les politiques publiques font de la liberté et de l’égalité leurs fondements, tout porte à croire que le monde associatif, dans sa diversité et sa vitalité, assure à chacun d’entre nous l’effectivité du troisième pilier de notre République, qui est et demeure la fraternité.

CHAPITRE I

FIGURES DU MONDE ASSOCIATIF : LES GRANDS TRAITS D’UNE RÉALITÉ MIEUX CONNUE

Si l’on se fie au nombre d’associations créées chaque année et au poids de ces associations dans l’économie, le secteur associatif jouit aujourd’hui d’un dynamisme admirable qui contraste avec les difficultés rencontrées par le secteur privé lucratif.

Ce constat devra bien sûr être relativisé, en particulier au regard de perspectives financières préoccupantes, mais cette vitalité associative traduit indiscutablement un engagement fort de nos concitoyens dans la vie de la cité, à une époque où nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la force de nos institutions et de notre démocratie représentative.

S’agissant de la connaissance même du secteur associatif, dans sa très grande diversité, des progrès significatifs ont été constatés ces dix dernières années grâce au travail de chercheurs, des administrations et de certaines associations. Des améliorations sont néanmoins encore possibles, votre rapporteure suggèrera quelques pistes en ce sens.

A. LE MONDE ASSOCIATIF : DYNAMISME ET DIVERSITÉ

Avec plus de 70 000 nouvelles associations déclarées en 2013, le secteur associatif poursuit une trajectoire ascendante entamée il y a de nombreuses années. Cette dynamique est extrêmement positive compte tenu du formidable rôle d’intégration sociale que jouent les associations. Encore faut-il bien percevoir ce monde associatif dans toute sa très grande diversité.

1. Une démographie toujours vivace

a. Plus de 71 500 associations créées entre septembre 2013 et août 2014

On connaît avec précision le nombre d’associations créées chaque année, leurs statuts devant être déposés en préfecture dès lors qu’elles veulent obtenir la personnalité juridique.

Si l’on regarde ces données sur une période un peu longue, on constate une très nette augmentation du nombre d’associations créées chaque année, comme le souligne le rapport du Conseil national de l’information statistique de décembre 2010 : « le nombre de créations n’était que de 20.000 environ dans les années 1960 et de moins de 30.000 dans les années 1970. Après les premières lois de décentralisation, le seuil de 50.000 créations annuelles a été franchi au milieu des années 1980 ; celui de 60.000 dans la décennie 1990. » (1)

Comme le souligne le graphique ci-dessous issu d’un récent travail de l’association Recherches & Solidarités (2), des vagues de hausse et de retrait se succèdent depuis 20 ans. De 1993-1994 à 2001-2002, la moyenne annuelle des créations est inférieure à 65 000. Elle est supérieure à 70 000 entre 2002-2003 et 2008-2009, année record avec plus de 73 000 associations créées. L’année 2009-2010 met un terme à cet élan et voit le nombre de créations ramené sous les 70 000. On constate une légère reprise en 2012-2013, qui se confirme en 2013-2014 avec 71 573 créations, soit près de 4 000 créations de plus que l’année précédente, c’est-à-dire un niveau très proche du record de 2008-2009.

Source : Recherches & Solidarités, La France associative en mouvement, 2014

b. Près de 1,3 million d’associations en activité

Il est très difficile de savoir avec précision le nombre d’associations actives aujourd’hui car si l’on a une connaissance précise des flux d’entrée, on ne connaît qu’une très faible part du flux de sortie (dissolutions, mise en sommeil, etc.).

Comme l’a souligné M. Gilles Caillaud, président de l’association Fédération ASSO 1901, qui fournit un travail considérable visant à constituer un annuaire des associations, « un des rares défauts de la loi de 1901 est de ne rien dire sur les associations qui arrêtent leur activité, notamment celles qui sont prédestinées à le faire au bout d’un an, et elles sont nombreuses, comme celles que des étudiants créent pour organiser un rallye 4L au Maroc. » (3)

Malgré ces difficultés, un consensus s’est établi entre le monde associatif, les différentes administrations et les chercheurs autour du nombre de 1,3 million d’associations en activité. Entre 2005 et 2011, le secteur associatif compterait donc environ 200 000 associations de plus, soit une augmentation annuelle du nombre d’associations de 2,8 %.

2. Des acteurs économiques essentiels

Le monde associatif a aujourd’hui acquis une surface économique considérable tant en termes de chiffre d’affaires qu’en termes d’emploi salarié.

a. Un poids économique en progression

Le poids économique du secteur associatif a été estimé (4) à 85 milliards d’euros en 2011 (5), montant resté stable en 2012. Les associations ont ainsi contribué à hauteur de 3,2 % au produit intérieur brut (PIB), soit un poids équivalent à celui de l’agriculture et des industries agricoles et alimentaires. Comparaison intéressante mais à manier avec précaution puisque l’on compare un secteur d’activité économique avec une modalité juridique d’organisation du travail.

Le poids économique des associations a ainsi augmenté depuis 2006 à un rythme annuel moyen, corrigé de l’inflation, de 2,5 %, c’est-à-dire plus vite que la croissance du PIB. Selon Mme Viviane Tchernonog, « cette hausse s’explique par des facteurs démographiques, notamment le maintien de la natalité à bon niveau et le développement de la dépendance, qui créent des besoins traditionnellement pris en charge par les associations et solvabilisés par les politiques publiques, et même par les assurances privées dans le cas de la dépendance. On observe toutefois aussi un important mouvement d’externalisation vers le secteur associatif des missions autrefois rendues dans un cadre public. Cette tendance, qui n’est pas nouvelle, concerne aujourd’hui essentiellement les conseils généraux. Elle résulte principalement du fait que l’action sociale est moins coûteuse dans le cadre associatif, en raison du bénévolat mais aussi parce que l’emploi salarié y est moins rémunéré et présente globalement moins d’avantages qu’ailleurs. En d’autres termes, c’est la précarisation de l’emploi salarié dans les associations qui explique la tendance à l’externalisation. Et si le poids du secteur a augmenté, c’est aussi le cas des financements publics qui vont de pair avec les politiques ainsi rétrocédées au secteur associatif. » (6)

b. Un emploi salarié qui a, jusqu’ici, bien résisté à la crise

L’emploi salarié est relativement bien connu dans la mesure où les associations qui recourent à l’emploi de professionnels salariés sont tenues de le déclarer et de payer leurs cotisations sociales aux organismes chargés de les collecter.

Ainsi, selon les dernières données publiées par l’INSEE en juillet dernier et relatives à l’année 2012, le secteur associatif employait plus de 1,8 million de salariés cette année-là (7). Ce qui correspond, en équivalent temps plein, à 7,2 % de l’ensemble de l’emploi salarié, les rémunérations brutes correspondant à ces emplois représentant 5,7 % de l’ensemble des rémunérations versées.

Au-delà de ces données brutes, déjà significatives, c’est l’évolution sur longue période (présentée dans le graphique ci-dessous) qui a retenu l’attention de votre rapporteure.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE SALARIÉS DANS LES ASSOCIATIONS (en milliers)

Source : Recherches & Solidarités, La France associative en mouvement, 2014

Jusqu’en 2010, le nombre d’emplois associatifs a progressé régulièrement, de 25 % environ, soit une augmentation de 370 000 emplois entre 2000 et 2010, le secteur associatif représentant un peu plus d’un salarié privé sur dix. Cette part n’a cessé d’augmenter, l’emploi associatif progressant à un rythme soutenu tandis que l’emploi privé dans son ensemble ne progressait que faiblement.

ÉVOLUTION COMPARÉE DE L’EMPLOI DANS LES ASSOCIATIONS
ET DANS L’ENSEMBLE DU SECTEUR PRIVÉ

Source : Recherches & Solidarités, La France associative en mouvement, 2014

Si l’emploi associatif a légèrement régressé en 2010 puis s’est stabilisé dans les années récentes, on constate que le secteur associatif a été beaucoup moins touché, et avec retard, que le reste du secteur privé par la crise de 2008. Ceci s’explique par le fait que l’activité des associations, en particulier celles employant le plus grand nombre de salariés, est en partie acyclique, voire contra cyclique : la concentration de nombreux emplois dans l’action sociale, la santé et l’éducation, notamment, rend le volume de ceux-ci relativement peu sensible à la conjoncture.

3. Un tissu associatif extrêmement divers

Au-delà de ces chiffres globaux sur la vitalité et l’importance économique du monde associatif, il semble essentiel à votre rapporteure de conserver en permanence à l’esprit la caractéristique fondamentale de ce secteur, à savoir son extrême diversité.

L’association est avant toute chose une modalité juridique d’organisation d’une activité commune à plusieurs personnes, physiques ou morales, sans but lucratif (8). Et derrière cette forme juridique se trouve une extrême diversité de situations associatives : cela va de l’association gérant plusieurs établissements dans le domaine médico-social et employant des centaines de salariés à l’association de quartier organisant deux fois par an une tombola au profit des personnes âgées, en passant par uniFrance, association parapublique chargée d’accompagner les films français sur les marchés internationaux, de leur vente à leur distribution.

Cette diversité explique pourquoi M. Jacques Malet, président de Recherches & Solidarités, a estimé que « nous avons du mal à construire une représentation cohérente d’un secteur qui regroupe aussi bien des associations comptant seulement quelques adhérents que d’autres employant plusieurs centaines de salariés, sans compter la diversité tenant à celle des domaines d’activité : environnement, sport, action sociale, etc. » (9)

a. Les secteurs d’activité

Du tourisme à la défense des droits en passant par le sport et l’action caritative ou encore le médico-social, les domaines d’intervention des associations sont extrêmement divers. Comme le présente le tableau ci-dessous issu des travaux du Centre d’économie de la Sorbonne (10), les associations sportives, récréatives et culturelles sont de loin les plus nombreuses puisqu’elles représentent 66 % du nombre total d’associations. Les associations sportives (y compris les associations de chasse et de pêche) représentent à elles seules une association sur quatre.

NOMBRE D’ASSOCIATIONS SELON LE SECTEUR D’ACTIVITÉ

Activité

Nombre d’associations

En %

Action caritative et humanitaire

51 100

3,9 %

Action sociale, santé

134 400

11,3 %

Défense des droits et des causes

170 700

13,1 %

Éducation, formation, insertion

46 800

4,1 %

Sport

317 200

24,1 %

Culture

266 500

18,6 %

Loisirs et vie sociale

269 750

17,8 %

Économie et développement local

43 550

3,7 %

TOTAL

1 300 000

100 %

Source : Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, 2013

Les associations tournées vers les autres (humanitaires, d’action sociale, de santé, d’éducation) – par opposition aux associations dites « de membres » ou « d’adhérents » – forment le troisième grand type d’associations.

Les associations de type militant (opinion, défense des droits, des causes, des consommateurs, de l’environnement, du cadre de vie, etc.) sont également nombreuses : elles représentent 13% du nombre total d’associations.

b. Les effectifs d’adhérents

Avant même les critères économiques, le premier étalon pour évaluer la taille d’une association est bien le nombre d’adhérents. Comme l’a souligné très justement M. Patrick Audebert, chef du bureau des associations et fondations au ministère de l’Intérieur, « la clé de voûte – et la richesse – d’une association, ce sont ses adhérents. » (11)

Le tableau ci-dessous montre clairement que près de la moitié des associations comptaient en 2011 moins de 50 adhérents. Ce taux n’était que de 40 % en 2005, ce qui illustre bien le dynamisme des petites associations. À l’inverse, seuls 2 % des associations comptent plus de 1 000 adhérents.

RÉPARTITION DES ASSOCIATIONS SELON LEUR EFFECTIF D’ADHÉRENTS

Nombre d’adhérents

Associations sans salarié

Associations employeuses

Ensemble

Rappel
Enquête 2005

Moins de 50

52 %

25 %

48 %

40 %

De 50 à 100

23 %

21 %

23 %

24 %

De 101 à 200

15 %

20 %

16 %

19 %

De 201 à 500

7 %

21 %

9 %

11 %

De 501 à 1 000

1 %

6 %

2 %

3 %

Plus de 1 000

1 %

6 %

2 %

3 %

Total

100 %

100 %

100 %

100 %

Source : Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, 2013

Généralement, les associations employeuses ont un plus grand nombre d’adhérents. Celles comptant plus de 1 000 adhérents se trouvent surtout dans la défense des droits et des causes, les loisirs et l’humanitaire. On trouve aussi beaucoup d’associations ayant de 200 à 1 000 adhérents dans l’action sociale, la santé, les loisirs ; la culture et le développement local ont le plus souvent de 200 à 500 adhérents.

c. Les budgets et les ressources humaines

Une même diversité caractérise les budgets et les effectifs de salariés des associations.

RÉPARTITION DES ASSOCIATIONS SELON LEUR BUDGET

Budget annuel (en K€)

Associations sans salarié

Associations employeuses

Ensemble

Rappel
Enquête 2005

Moins de 1 K€

25 %

5 %

22 %

15 %

1 à 10 K€

55 %

20 %

49 %

47 %

10 à 50 K€

17 %

28 %

19 %

26 %

50 à 200 K€

2 %

24 %

6 %

7 %

200 à 500 K€

11 %

2 %

3 %

Plus de 500 K€

13 %

2 %

2 %

Total

100 %

100 %

100 %

100 %

Source : Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, 2013

Un peu plus d’une association sur cinq a un budget annuel inférieur à 1 000 euros ; près de la moitié fonctionne avec un budget compris entre 1 000 et 10 000 euros ; seules 2 % gèrent un budget annuel supérieur à 500 000 euros.

Si l’on analyse les choses par secteur, on constate que les associations défendant des droits et des causes sont celles qui ont les budgets les plus faibles, tandis que le budget des associations culturelles et de loisirs dépasse très rarement les 10 000 euros. Les budgets du sport et de l’humanitaire sont plus importants (10 000 à 50 000 euros) tandis que les budgets les plus élevés (plus de 200 000 euros) se trouvent dans les secteurs de l’éducation, de l’action sociale et de la santé.


RÉPARTITION DES ASSOCIATIONS SELON LEUR BUDGET ET LEUR SECTEUR D’ACTIVITÉ

 

Budget annuel (en K€)

Profil (activité)

< 1 K€

1 à 10 K€

10 à 50 K€

50 à 200 K€

200 à 500 K€

> 500 K€

Total

Action caritative et humanitaire

8 %

46 %

26 %

11 %

3 %

4 %

100 %

Action sociale, santé

20 %

36 %

19 %

9 %

7 %

9 %

100 %

Défense des droits et des causes

41 %

47 %

8 %

2 %

1 %

1 %

100 %

Éducation, formation, insertion

12 %

50 %

11 %

9 %

5 %

13 %

100 %

Sport

13 %

50 %

28 %

7 %

1 %

1 %

100 %

Culture

25 %

53 %

15 %

5 %

1 %

1 %

100 %

Loisirs et vie sociale

54 %

55 %

17 %

3 %

1 %

_

100 %

Économie et développement

20 %

35 %

21 %

15 %

5 %

4 %

100 %

Ensemble

22 %

50 %

19 %

6 %

2 %

2 %

100 %

Projection sur 1 300 000 associations

286 000

650 000

247 000

65 000

26 000

26 000

1 300 000

Source : Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, 2013

Les deux données étant évidemment étroitement liées, on retrouve cette très grande diversité de situations dans l’emploi associatif. 86 % des associations n’emploient aucun salarié et pour les 14 % d’associations employeuses, près de la moitié n’emploie qu’un ou deux salariés, le plus souvent à temps partiel.

RÉPARTITION DES ASSOCIATIONS EMPLOYEUSES ET DE LEURS ÉTABLISSEMENTS
PAR TAILLE D’EFFECTIF AU 31 DÉCEMBRE 2012 SELON L’ACOSS

Nombre de salariés

Nombre d’associations

Nombre d’établissements

Effectif salarié

1 ou 2

36 %

31 %

4 %

3 à 5

15 %

14 %

5 %

6 à 9

9 %

8 %

5 %

10 à 19

7 %

7 %

8 %

20 à 49

6 %

6 %

15 %

50 à 99

2 %

3 %

12 %

100 à 199

1 %

3 %

11 %

200 ou plus

1 %

9 %

39 %

Total (en nombre)

147 811

179 207

1 753 513

Source : Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, 2013

L’emploi salarié concerne surtout les grandes associations : la moitié de l’emploi salarié associatif est concentrée dans les associations qui emploient plus de 100 salariés (2 % du total).

Par ailleurs, l’emploi salarié apparaît très concentré dans le secteur de l’action sociale et de la santé, qui représente 53 % des emplois et 57 % du volume horaire de travail.

RÉPARTITION DE L’EMPLOI SALARIÉ (VOLUME ET MASSE SALARIALE)
SELON LE SECTEUR D’ACTIVITÉ

Secteur d’activité

Masse salariale

Volume horaire du travail salarié

Nombre d’emplois salariés

Nombre d’associations employeuses

Association caritative et humanitaire

3,7 %

5,4 %

3,1 %

4,5 %

Action sociale, santé

54,6 %

56,8 %

53,4 %

20,9 %

Défense des droits et des causes

3,6 %

3,4 %

4,5 %

3,6 %

Éducation, formation, insertion

15,1 %

14,9 %

15,6 %

8,5 %

Sport

4,7 %

4,4 %

6,0 %

28,4 %

Culture

9,5 %

5,6 %

9,4 %

19,2 %

Loisirs et vie sociale

3,4 %

3,0 %

3,0 %

8,5 %

Économie et développement local

5,3 %

6,3 %

4,9 %

6,4 %

Total

100,0 %

100,0 %

100,0 %

100,0 %

Source : Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, 2013

Il conviendra de conserver à l’esprit cette très grande diversité car les difficultés auxquelles sont confrontées les associations varient évidemment du tout au tout en fonction de leur secteur d’activité, de leur taille et de leur mode de financement, sachant que la très grande majorité des associations existant aujourd’hui sont de petites associations, ne fonctionnant qu’avec leurs adhérents et des bénévoles et ayant un budget très limité.

4. La dynamique du bénévolat : un signe de vitalité démocratique

Pour importantes qu’elles soient, ces données économiques ne permettent pas de mesurer pleinement l’apport du secteur associatif à la société : on ne peut pas réduire les associations à leur chiffre d’affaires ou à leur effectif salarié. D’autant que bon nombre d’entre elles n’ont ni l’un, ni l’autre.

Les associations contribuent fortement à l’intérêt général en éduquant à la sociabilité, en luttant contre la solitude qui gangrène aussi bien les territoires urbains que ruraux. Les associations constituent ainsi un formidable moteur d’insertion dans la société, moteur qu’il est bien sûr difficile d’évaluer quantitativement mais qu’il ne faut pour autant pas négliger.

Les données récentes concernant le bénévolat sont à cet égard rassurantes. Comme l’a souligné Mme Nadia Bellaoui, présidente du Mouvement associatif, lors de son audition, « le bénévolat a progressé de 3 % au cours de la période 2005-2011, également en rythme annuel, et était en 2013 le fait de quelque 24,5 % de nos concitoyens » (12), soit 16 millions de bénévoles.

La dernière enquête du Centre d’économie de la Sorbonne a ainsi dénombré 24 millions de participations bénévoles, pour un volume de travail de 1,7 milliard d’heures, soit environ un million d’équivalents temps plein (ETP).

Votre rapporteure reviendra plus en détail sur cette dynamique bénévole dans le chapitre III, en analysant ses limites et ses tensions, mais cette indiscutable hausse de l’engagement bénévole traduit une volonté forte de nos concitoyens de s’engager dans des actions collectives.

À l’heure où l’on dénonce la montée de l’individualisme et d’un certain repli sur soi teinté d’égoïsme et où l’on s’interroge sur la capacité de nos institutions démocratiques à créer du lien social, une telle volonté est indiscutablement rassurante.

La hausse de l’engagement bénévole se reflète dans l’augmentation du nombre d’associations, qui est surtout le fait des petites associations dont le nombre croît à un rythme bien plus rapide que celui des associations employeuses.

Signalons également que cette croissance et cette vitalité couvrent l’ensemble du territoire. Comme le souligne M. Jacques Malet, « on ne relève aucune différence entre territoires urbains et territoires ruraux, même si, sur certains sujets, on note un léger écart en faveur des seconds du fait de la proximité qui y prévaut et de réflexes de solidarité – les associations compensant parfois un véritable désert économique et le manque de services. Si, de ce point de vue, le secteur rural est plus animé, le secteur urbain souffre de l’anonymat lié à la vie en ville et du problème des transports. » (13)

B. UNE CONNAISSANCE DU SECTEUR À AFFINER

Comme le montrent la diversité et la richesse des données présentées ci-dessus, de nombreuses informations sont disponibles sur le secteur associatif. Il est possible d’affiner cette connaissance, et votre rapporteure proposera quelques pistes en ce sens, mais il faut aussi veiller à ne pas solliciter à l’excès les associations qui, nous l’avons vu, sont pour la très grande majorité d’entre elles de petite taille et ne fonctionnent que grâce au dévouement de bénévoles.

1. Des sources d’information diverses et complémentaires

Les sources d’information dont on dispose aujourd’hui sont multiples
– administratives, universitaires et associatives – et très complémentaires.

a. Les sources administratives

La première des sources administratives est le Répertoire national des associations (RNA) géré par le ministère de l’Intérieur. Il faut y joindre les travaux de l’INSEE ainsi que les données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Le RNA est le registre informatique dans lequel sont enregistrées toutes les déclarations d’associations souhaitant, aux termes de la loi de 1901, se constituer en personne morale, ainsi que les modifications de statuts. Il est issu d’un projet de modernisation de l’administration lancé au début des années 2000, baptisé projet Waldeck, en réponse aux besoins exprimés par les administrations et par le monde associatif. La mise en place officielle du RNA a eu lieu le 1er janvier 2010 et, depuis cette date, la dématérialisation des procédures a été accélérée.

M. Patrick Audebert, chef du bureau des associations et fondations au ministère de l’Intérieur, a expliqué que « sur le plan des procédures administratives, il est désormais possible sur tout le territoire national – à l’exception de l’Alsace-Moselle, où le droit local nécessite quelques ajustements – de déclarer, modifier ou dissoudre une association par une simple déclaration sur internet. La préfecture ne fait que valider les documents qui lui sont envoyés. Ceux-ci figurent ensuite au RNA et sont publiés au Journal officiel sans qu’il soit nécessaire de les saisir à nouveau. Le récépissé est envoyé dans le porte-documents de l’associé internaute. La procédure dématérialisée dite de e-création a été généralisée au début de 2013. Aujourd’hui, 45 % des déclarations se font par internet, avec des inégalités selon les territoires, puisque le taux atteint 65 % à Paris. » (14)

Comme le souligne le rapport du Conseil national de l’information statistique de 2010 (15), « la première qualité du RNA est d’être un répertoire exhaustif, couvrant l’ensemble du territoire français, la loi assurant cette exhaustivité : toutes les associations déclarées au titre de la loi de 1901 y sont, par définition, enregistrées. En revanche son contenu est relativement pauvre, se limitant aux seules informations liées aux obligations déclaratives. Le répertoire y ajoute cependant un numéro d’inscription et la codification de deux au plus des objets sociaux déclarés par l’association. »

Le RNA ne comporte aucune autre donnée, que ce soit sur la taille (en un sens quelconque) de l’association, son fonctionnement effectif (organisation, comptes, activités), son budget, les poids respectifs des salariés et des bénévoles, son affiliation à des réseaux d'associations, etc. À lui seul le RNA ne peut donc répondre aux questions les plus intéressantes.

Autre source précieuse d’information, le répertoire SIRENE (pour Système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements) géré par l’INSEE. Ce répertoire, initialement prévu pour les entreprises, accueille toutes les associations employant des salariés, déclarant des impôts ou recevant des subventions publiques.

Comme l’explique Mme Fabienne Rosenwald, directrice des statistiques d’entreprises de l’INSEE, « environ 800 000 d’entre elles y sont inscrites, beaucoup moins que dans le Répertoire national des associations (RNA), qui en répertorie deux millions au total » (16).

Dernière source d’information administrative, les déclarations des associations employeuses auprès des organismes sociaux (Acoss et Mutualité sociale agricole) en particulier les Déclarations annuelles de données sociales (DADS) que doit déposer toute structure employant des salariés. En définitive, l’emploi et sa rémunération constituent l’aspect de la vie des associations le mieux appréhendé par la statistique.

b. Les sources universitaires

Les sources d’information sont également universitaires, de nombreux chercheurs travaillant sur ce secteur. Ceux que la commission a souhaité entendre lui ont apporté un éclairage particulièrement stimulant, combinant une réelle proximité avec leur objet d’étude et l’indispensable distance du chercheur qui permet de prendre de la hauteur par rapport aux problématiques du quotidien.

On doit en particulier citer les travaux de Mme Viviane Tchernonog (17), dont les résultats ont été régulièrement utilisés dans les développements ci-dessus. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler la méthodologie suivie par ce travail. En l’absence de répertoire national des associations « vivantes », il a été décidé, comme pour les trois études réalisées antérieurement, de constituer un échantillon de 6 000 mairies, auxquelles a été adressé un questionnaire qu’il leur revenait de transmettre à leurs associations. Au total, 1 385 communes ont participé à l’enquête en sollicitant leurs associations, soit, au final, 7 609 associations, parmi lesquelles 2 125 associations employeuses. Les données issues des questionnaires ont ensuite été extrapolées au niveau national, exercice délicat compte tenu de la très grande hétérogénéité du monde associatif.

c. Les sources associatives

Enfin, de nombreuses associations ont pour objet la connaissance et la recherche sur le monde associatif. On pense bien sûr aux têtes de réseaux dont l’une des missions est de connaître précisément le secteur qu’elles représentent, mais aussi à certaines associations dont la vocation est plus transversale.

La commission a ainsi entendu l’association Recherches & Solidarités, réseau associatif d’experts qui recueille des informations à la source grâce à des enquêtes nationales et territoriales, qui analyse ces données pour les mettre à la disposition des acteurs de terrain et des décideurs et qui diffuse des publications ainsi nourries, menant en outre des recherches, des actions et des expérimentations avec le concours de différents partenaires. Cette association publie notamment une enquête annuelle qui fait référence, La France associative en mouvement (18).

Elle a également auditionné M. Gilles Caillaud, président de l’association Fédération ASSO 1901, « dont les membres fondateurs, issus de l’éducation populaire, ont lors de la préparation du centenaire de la loi 1901 eu l’idée de constituer un annuaire des associations qui faisait défaut en France. Comme personne ne nous avait prévenus que c’était en fait impossible, nous nous sommes lancés dans cette entreprise ! Aujourd’hui, Fédération ASSO 1901 propose une base de données de 1,5 million d’associations, toutes régulièrement déclarées au Journal officiel. Ainsi, 99 % des associations créées, dissoutes ou ayant modifié leurs statuts depuis 1993 y sont répertoriées. » (19)

Fédération ASSO 1901 dispose ainsi d’une base de données de plus de 1 507 000 associations classées ; les informations sont qualifiées régulièrement, les nouvelles créations (et dissolutions) sont intégrées. Chaque association peut ainsi se faire connaître, communiquer sur ses actions et transmettre ses coordonnées auprès du grand public, par l’intermédiaire d’une fiche consultable gratuitement.

2. Les promesses de l’étude INSEE : passer du quantitatif au qualitatif

L’une des principales recommandations du rapport du CNIS déjà cité était que le système statistique public réalise périodiquement une enquête spécifique auprès des associations et des fondations, avec un questionnaire adapté à ce type d’organisations, incluant le bénévolat, enquête qui prendrait ainsi le relais des travaux menés par Mme Tchernonog.

Ce sera chose faite l’an prochain puisque vient d’être lancée par l’INSEE une grande enquête auprès des associations, enquête présentée par Mme Fabienne Rosenwald lors de son audition (20) :

« Cette nouvelle enquête est très importante car elle dressera un état des lieux à la fois des recettes et des dépenses des associations. Pour ce faire, l’INSEE s’appuiera à la fois sur SIRENE et le RNA et interrogera aussi bien les associations employeuses que les autres. Les questions porteront donc sur les ressources humaines – salariés, volontaires, bénévoles –, et financières – dons, cotisations, mécénat, financements publics –, mais aussi sur les dépenses, notamment les salaires, sur le domaine d’activité, qui sera défini de manière beaucoup plus fine que ne le font actuellement les répertoires, et sur le rayon d’intervention de l’association.

« Nous demanderons également aux associations d’évaluer l’évolution
– hausse, stabilité ou baisse – au cours des trois dernières années de leur volume d’activité, de leur volume de travail, de leurs ressources, de la part des dons et des financements. Enfin, nous les interrogerons sur leur degré d’exposition à une liste de difficultés, par exemple quant à la fidélisation des bénévoles ou à la mobilisation de nouveaux bénévoles.
[…]

« L’enquête va débuter à la fin du mois. Les résultats, attendus pour l’année prochaine, nous fourniront des données de cadrage beaucoup plus fines sur les dépenses et recettes à l’intention de la Comptabilité nationale. Ils nous informeront également sur la qualité des répertoires, RNA et SIRENE, pour ce qui est de la connaissance des cessations d’activité, sachant que nous avons actuellement peu d’informations sur les associations qui disparaissent.

« Pour réaliser cette enquête, nous nous appuierons sur un échantillon de 17 000 associations employeuses, sur les 180 000 existantes, mais nous interrogerons la totalité de celles qui comptent plus de deux cents salariés, soit 1 200, représentant 40 % de l’emploi. Enfin, nous interrogerons 12 000 associations non employeuses : 6 000 répertoriées dans SIRENE et autant dans le RNA. »

3. Quelques pistes d’amélioration

On le voit, les sources d’informations sont diverses et riches et la future étude de l’INSEE devrait permettre d’affiner encore notre connaissance du monde associatif. Votre rapporteure souhaite néanmoins suggérer quatre pistes d’amélioration.

La première, apparemment simple mais en fait compliquée techniquement, consisterait à rapprocher les répertoires RNA et SIRENE, entre lesquels n’existe aujourd’hui aucune passerelle automatisée. Le rapport sur la simplification administrative au profit des associations récemment remis au Premier ministre par notre collègue Yves Blein (21) préconise même qu’à terme, les associations ne disposent plus que d’un seul numéro SIREN, numéro déjà utilisé comme numéro unique pour les entreprises et leurs établissements. Un tel rapprochement aurait comme avantage de permettre de repérer plus facilement les associations inactives, ce qui remédierait en partie au principal défaut du RNA.

Recommandation Poursuivre le rapprochement entre les répertoires SIRENE et RNA avec pour objectif final un numéro d’identité unique

La deuxième piste d’amélioration porte sur le jaune budgétaire annexé chaque année au projet de loi de finances et intitulé Effort financier de l’État en faveur des associations. Des améliorations notables ont déjà été apportées à ce document : dans un louable souci de transparence, est désormais publiée la liste, par ministère et par programme, de l’ensemble des associations recevant une subvention en précisant l’objet de chaque subvention et l’évaluation de l’action financée lorsque la subvention a fait l’objet d’une convention pluriannuelle d’objectifs.

La lecture de cette très longue liste (près de 32 000 associations ont reçu une subvention de l’État en 2012) reste néanmoins un exercice quelque peu aride. Malheureusement, les éléments d’analyse transversale sont encore très peu développés et, quand ils le sont, ils sont parfois surprenants. Ainsi, selon ce document, l’État a versé 1,85 milliard d’euros de subventions à des associations en 2012, montant très éloigné des 9 milliards de financement par l’État évalué par les travaux de Mme Tchernonog. Votre rapporteure reviendra plus en détail sur ce point dans le chapitre suivant.

Recommandation Poursuivre l’enrichissement du jaune budgétaire en développant les analyses transversales

La troisième recommandation consisterait à développer, avec les données recueillies par l’INSEE, des indicateurs de vitalité associative des territoires. De même que la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social présidée par M. Joseph Stiglitz a insisté sur la nécessité « que notre système statistique mette davantage l’accent sur la mesure du bien-être de la population que sur celle de la production économique » (22), de même il apparaît nécessaire que la connaissance de nos territoires soit enrichie par des données précises sur le nombre d’associations actives, sur leur dynamisme et leur utilité sociale. Un tel indicateur pourrait être utilement intégré à la mesure de l’attractivité du territoire mais il pourrait aussi guider tel ou tel exercice de contractualisation entre personnes publiques.

Recommandation Développer des indicateurs locaux de vitalité associative

La dernière proposition concerne le répertoire des associations développé par l’association Fédération ASSO 1901, dont votre rapporteure a déjà salué la très grande qualité. Néanmoins, cette base de données a été construite par défaut, le monde associatif, comme souvent, palliant les lacunes des pouvoirs publics. Il revient désormais à l’État de reprendre la gestion de cette base de données.

Recommandation Confier à l’État la gestion d’un répertoire des associations fondé sur les réalisations actuelles de Fédération ASSO 1901

CHAPITRE II

DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES PRÉOCCUPANTES

Dans une enquête conduite conjointement par le Centre d’économie de la Sorbonne et par le cabinet Deloitte auprès des associations employeuses (23), les difficultés liées aux ressources, et principalement à leur raréfaction, sont relevées par 80 % des associations interrogées. Il est évidemment difficile de généraliser ce constat à l’ensemble des associations dans la mesure où, comme nous l’avons vu précédemment, l’une des grandes caractéristiques du monde associatif est sa très grande diversité, en termes de taille, de secteur d’intervention ou encore de budget. Il en est de même au regard de la structure économique des associations.

Comme l’a rappelé M. Hugues Sibille, vice-président du Crédit coopératif : « il existe une grande diversité de modèles économiques parmi les associations. La répartition des subventions, des cotisations, des dons, des recettes d’activité, des apports du mécénat fait apparaître des écarts très importants : ainsi les subventions représentent-elles 50 % des ressources du secteur caritatif humanitaire et seulement 15 % de celles du secteur sportif, si bien que leur diminution a des incidences fort différentes. Les difficultés du monde associatif doivent être envisagées à travers le prisme de cette diversité, tout comme les réponses qu’on doit y apporter. » (24)

Sous réserve de ces précisions liminaires, il est difficile d’occulter le fait que la quasi-totalité des personnes auditionnées par la commission ont mis en avant les graves problèmes financiers auxquels les associations sont confrontées, problèmes qui s’expliquent en grande partie par la raréfaction des ressources publiques et la difficulté des ressources privées à prendre le relais.

A. UNE INQUIÉTUDE GRANDISSANTE

Si elle ne constitue pas la seule source d’inquiétude des associations, leur situation financière fait indéniablement partie des principales, quel que soit leur secteur d’activité.

1. Une inquiétude partagée bien au-delà du seul monde associatif

Comme elle le fait régulièrement, l’association Recherches & Solidarités a mené au printemps dernier une enquête auprès des responsables associatifs sur les principales difficultés auxquelles ils sont confrontés. Les résultats de cette enquête sont sans ambiguïté : c’est bien la situation financière de leur association qui préoccupe au premier chef ces dirigeants. La proportion de responsables jugeant leur situation financière « bonne » ou « très bonne » est ainsi passée de 60 % en mai 2012 à seulement 47 % en mai 2014.

L’étude avance plusieurs hypothèses pour expliquer cette dégradation : « épuisement progressif des réserves, annonces de subventions 2014 en nouvelle baisse, réduction des aides municipales après le traditionnel effort préélectoral, incertitudes quant au changement d’équipes dans un grand nombre de communes… » (25)

Quelles qu’en soient les raisons, cette inquiétude a été exprimée par la plupart des acteurs associatifs entendus par la commission d’enquête. Certes, il existe quelques éléments rassurants : selon M. Hugues Sibille, « le coût du risque, la “sinistralité” des prêts bancaires aux associations, n’a pas augmenté en 2013 ni au premier trimestre 2014. » (26) Ce qu’a confirmé M. Gérard Leseul, responsable des relations institutionnelles et internationales au Crédit Mutuel : « nous avons pu constater qu’il n’y avait pas de défaillances importantes dans le secteur associatif » (27).

D’autres témoignages sont beaucoup plus inquiétants. Ainsi, celui de Mme Corinne Bord, représentant l’Association des régions de France (ARF) : « Autre difficulté : l’affaissement des fonds propres des associations, que nous mesurons au nombre de demandes d’avances ou d’acomptes sur subvention qu’elles nous adressent. Dans la région Île-de-France, la contraction de leur trésorerie atteint des proportions catastrophiques. Lors des tours de table, ceux qui s’engagent se font rares et quand, au cours de l’année, intervient un gel sur tel ou tel poste, elles doivent tirer sur leurs fonds propres, déjà fortement entamés, ce qui les met encore plus en difficulté. » (28)

De même, M. Jean-Pierre Vercamer, associé responsable du département Audit du secteur associatif (Deloitte), a expliqué que « l’on n’a sans doute jamais vu autant qu’en 2013 d’états de cessation de paiement, qui correspondent à l’incapacité de payer ses dettes exigibles à court terme avec les fonds détenus en trésorerie. Le nombre de lancements de procédures d’alerte – qui correspondent à la découverte d’événements contrariant la continuité d’exploitation de la structure – a augmenté de quelque 17 % par rapport à 2011 ou 2012. » (29)

2. Une menace particulièrement forte sur les associations de taille moyenne

L’enquête de Recherches & Solidarités souligne que ce sont les associations de taille moyenne, disposant d’un budget compris entre 50 000 et 500 000 euros, employant moins de 20 salariés et œuvrant dans les domaines du loisir, de la jeunesse et de l’éducation populaire, qui sont les plus préoccupées par leur situation financière. Tandis que les petites associations disposant de moins de 50 000 euros de budget et n’ayant pas de salariés semblent moins inquiètes.

M. Yannick Blanc, président de La Fonda, a expliqué très justement cette situation : « il convient selon moi de distinguer les petites associations, d’une part, et les moyennes, d’autre part. L’activité des petites associations repose essentiellement sur le bénévolat. Leur structure financière est très fragile, mais elles ont une résilience certaine : elles peuvent souvent survivre à la baisse des financements publics. Les associations moyennes, en revanche, y sont très vulnérables. Or nous vivons de ce point de vue une situation sans précédent : tous les financeurs publics s’inscrivent dans une trajectoire de diminution de leur budget et, simultanément, le mécénat d’entreprise réduit sa contribution au monde associatif à un rythme équivalent ou légèrement supérieur à la baisse des financements publics » (30).

Les perspectives sont donc très préoccupantes : « Que se passe-t-il sur le terrain ? Les associations moyennes sont très nombreuses dans certains secteurs clés de l’action publique – champ social, éducation, justice, lutte contre l’exclusion, avec notamment les centres sociaux implantés dans les quartiers. Elles disposent souvent de ressources professionnelles et de compétences d’un excellent niveau dans leur cœur de métier, mais moins pointues en matière de gestion. Ainsi que l’ont relevé tous les autres intervenants, elles vivent depuis de nombreuses années sans fonds propres et avec une trésorerie très tendue, dans des situations parfois limites. Jusqu’à maintenant, lorsqu’une de ces associations voyait sa trésorerie tendre vers zéro en fin d’année et qu’elle risquait de ne pas boucler l’exercice, elle parvenait toujours à trouver, dans son département ou sa région, un financeur public qui, en fin de gestion, débloquait les quelques dizaines de milliers d’euros qui lui manquaient pour passer ce cap. Or cet élément d’élasticité est en train de disparaître : même avec la meilleure volonté du monde, les financeurs publics n’ont plus la capacité de réagir, surtout quand plusieurs associations tirent la sonnette d’alarme au même moment. » (31)

B. DES FINANCEMENTS PUBLICS QUI S’INFLÉCHISSENT

Selon les travaux de Mme Viviane Tchernonog, les ressources publiques représentaient en 2011 49,4 % des ressources des associations contre 50,6 % pour les ressources privées. En 2005, lors de la précédente enquête, le ratio était inverse (48,8 % de ressources privées contre 51,2 % de ressources publiques).

Cette baisse relative des ressources publiques a conduit certains à parler de privatisation des ressources des associations. Votre rapporteure considère ce terme comme excessif, d’autant qu’une partie importante des ressources privées est en fait financée par de la dépense fiscale.

Il est pour autant indéniable que l’on a assisté ces dernières années à de profondes évolutions dans les sources publiques de financement des associations. La première, sur laquelle nous reviendrons dans le dernier chapitre, a trait au développement de la commande publique au détriment de la subvention. Cette évolution ne concerne pas avec la même intensité tous les secteurs d’activité mais l’inquiétude traverse l’ensemble du secteur associatif.

La seconde évolution concerne la répartition des financements entre l’État et les différentes collectivités locales : les conseils généraux sont devenus les premiers partenaires des associations en termes de volumes de financement (9 % en 1999, 10 % en 2005, 12 % en 2011) tandis que le financement de l’État suivait un chemin inverse (15 % en 1999, 12,5 % en 2005, 11 % en 2011). Quant aux communes, leur poids dans le financement des associations est passé de 14 % en 2005 à 11,5 % en 2011.

Au-delà de ces évolutions, il convient de souligner que l’ensemble des collectivités publiques sont soumises à des contraintes budgétaires de plus en plus fortes et les associations (dont 61 % percevaient en 2011 un financement public) risquent de souffrir encore pendant quelques années de la raréfaction des ressources publiques.

1. L’effort de l’État : réduction ou transformation ?

La part du financement budgétaire des associations par l’État s’est donc réduite ces quinze dernières années mais, en parallèle le montant de la dépense fiscale bénéficiant aux associations a considérablement augmenté. Par ailleurs, la question de l’extension du bénéfice du crédit d’impôt compétitivité-emploi aux associations se pose encore aujourd’hui, tandis qu’un nouvel acteur, la Banque publique d’investissement, apparaît.

a. Un moindre effort budgétaire

Confirmant les estimations de Mme Tchernonog, M. Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), a estimé que l’État « a continué à financer les associations à hauteur de 9 milliards d’euros environ entre 2005 et 2011 ». Cette stabilisation en valeur absolue explique la baisse en valeur relative, le budget des associations augmentant significativement sur la même période.

Selon lui, ce sont « les évolutions institutionnelles […], marquées notamment par un mouvement de décentralisation, qui ont entraîné une modification de la répartition du financement entre les différents acteurs publics, les collectivités locales devenant progressivement des partenaires essentiels du monde associatif. » (32)

Le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) :
un outil à préserver

L’article 19 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif a fait du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP), association créée en 1964, un outil à disposition des pouvoirs publics pour le versement de subventions.

Pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, le FONJEP développe deux séries d’actions :

– le soutien aux associations pour la rétribution d’un personnel permanent remplissant des fonctions d’animation employé par des associations agréées de jeunesse et d’éducation populaire ou des organismes de droit privé à but non lucratif concourant à l’action sociale ;

– le soutien aux projets de solidarité internationale en vue de procéder au versement de subventions ainsi qu’au versement des indemnités ou cotisations relatives au volontariat de solidarité internationale aux associations ou organismes agréés dans ce cadre. Environ 1 800 volontaires sont pris en charge à ce titre.

Il s’agit donc d’un outil indispensable de soutien au monde de l’éducation populaire, composante historique de l’engagement associatif qui traverse aujourd’hui de nombreuses difficultés, comme l’a montré la table ronde que la commission a consacrée à ce secteur (33).

Cet outil doit être préservé et votre rapporteure se félicite que la subvention au FONJEP inscrite au projet de loi de finances pour 2015 soit maintenue par rapport à 2014. Il est par contre regrettable que la dotation permettant à l’État de verser des subventions aux associations et fédérations bénéficiant d’un agrément national de la jeunesse et de l’éducation populaire baisse de 500 000 euros dans le PLF 2015.

Comme votre rapporteure l’a déjà souligné, ce montant de 9 milliards diffère très sensiblement de celui figurant dans le document budgétaire Effort financier de l’État en faveur des associations (34) puisque que celui-ci indique que « près de 32 000 attributions de subventions aux associations intervenues à partir de l’ensemble des programmes du budget général de l’État en 2012 ont été recensées, pour un montant total de près de 1,85 milliard d’euros ». Un tel différentiel s’explique probablement en partie par le fait qu’une part importante du financement de l’État passe par des commandes publiques et non par des subventions mais un effort méthodologique de rapprochement de ces chiffres semble néanmoins indispensable.

Un certain nombre d’informations intéressantes figure néanmoins dans ce document budgétaire : ainsi, une proportion importante des subventions recensées ont des montants relativement modestes : 46 % sont inférieures à 5 000 euros et 17 % sont comprises entre 5 000 et 10 000 euros. Inversement, un peu plus de 13 % sont d’un montant supérieur ou égal à 50 000 euros, et moins de 1 % sont supérieures ou égales à 1 million d’euros.

b. Un effort fiscal en très nette augmentation

Parallèlement à cette stabilisation des dépenses budgétaires, on constate une très forte augmentation de la dépense fiscale consacrée aux associations comme l’a fort justement souligné le rapport de M. Gilles Bachelier, conseiller d’État, consacré aux règles de territorialité du régime fiscal du mécénat (35).

Il existe trois dispositifs fiscaux qui ont pour point commun de conférer aux contribuables effectuant des dons au profit d’organismes faisant appel à la générosité publique un avantage fiscal sous forme de réduction, pour les particuliers d’impôt sur le revenu (article 200 du code général des impôts), pour les entreprises d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés (article 238 bis du CGI) et pour les personnes qui en sont redevables, d’impôt de solidarité sur la fortune (article 888-0 V bis du CGI).

Comme le souligne M. Bachelier, l’avantage fiscal a été régulièrement revalorisé dans les années 1990 et 2000. Le taux de la réduction d’impôt sur le revenu pour les particuliers a ainsi été porté de 40 à 50 % en 1996 puis à 60 % en 2003 et enfin à 66 % en 2005. Les plafonds de dépenses ont également été relevés par paliers, à 10 % du revenu imposable en 2002 puis à 20 % en 2003. De même, la réduction d’impôt au titre des dons effectués par les entreprises a été revalorisée en 2003 à la fois par une hausse du taux, passé de 33,33 % à 60 %, et par un relèvement du plafond de dépenses, passé de 2,25 à 5 % du chiffre d’affaires.

Les tableaux ci-après montrent l’évolution de ces trois dépenses fiscales depuis 2005, par leur montant et le nombre de contribuables bénéficiaires.

En 2015, l’État prévoit donc une dépense fiscale d’au moins 2,337 milliards d’euros (36) au bénéfice des associations contre 850 millions d’euros en 2005, soit un quasi-triplement (37). Comme l’explique notre collègue Yves Blein dans son récent rapport, « une partie des ressources privées des associations (dons et mécénat) sont en fait des ressources publiques, sous forme d’abandon de recettes fiscales » (38).

RÉDUCTION D’IMPÔT SUR LE REVENU DES PARTICULIERS AU TITRE DES DONS

 

Dépense fiscale
(en millions d’euros)

Nombre de ménages bénéficiaires

2015 (prévision)

1 435

nd

2014 (estimation)

1 335

nd

2013

1 240

5 636 760

2012

1 155

5 405 400

2011

1 090

5 362 300

2010

1 000

5 300 000

2009

989

5 301 000

2008

925

5 305 400

2007

835

5 175 000

2006

800

nc

2005

700

nc

Source : Fascicules Voies et moyens annexés aux projets de loi de finances

RÉDUCTION D’IMPÔT AU TITRE DES DONS FAITS PAR LES ENTREPRISES
À DES
œUVRES OU ORGANISMES D’INTÉRÊT GÉNÉRAL

 

Dépense fiscale
(en millions d’euros)

Nombre d’entreprises bénéficiaires

2015 (prévision)

790

nd

2014 (estimation)

750

nd

2013

675

37 260

2012

667

32 070

2011

570

25 130

2010

331

21 295

2009

326

19 400

2008

285

14 700

2007

235

12 000

2006

150

6 500

2005

150

nd

Source : Fascicules Voies et moyens annexés aux projets de loi de finances

RÉDUCTION D’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE AU TITRE DE CERTAINS DONS

 

Dépense fiscale
(en millions d’euros)

Nombre de ménages bénéficiaires

2015 (prévision)

112

nd

2014 (estimation)

112

nd

2013

112

32 712

2012

74

25 755

2011

86

25 100

2010

77

39 900

2009

51

27 500

2008

40

21 500

2007

40

nd

Source : Fascicules Voies et moyens annexés aux projets de loi de finances

M. Matthieu Hély, chercheur au CNRS et à l’université Paris X-Nanterre, analyse ainsi cette évolution remarquable : « On peut comprendre le changement de nature des modes d’intervention de l’État en observant la manière dont l’État marquait hier les causes associatives du sceau de l’intérêt général et celle dont il les consacre aujourd’hui.

« Dans la configuration historique antérieure, l’intérêt général était monopolisé par l’État – le mécanisme de financement par la subvention en est l’illustration. La puissance publique, par la subvention, reconnaît qu’une cause associative participe à l’intérêt général et la consacre, indépendamment du coût des prestations qui découlent de cette cause associative.

« Le développement des réductions fiscales sur les dons des particuliers et des entreprises a conduit à un changement assez profond dans la manière de consacrer l’intérêt général puisque c’est désormais le citoyen donateur qui, par son don, choisit la cause et qui, grâce au reçu fiscal que lui délivre l’association, bénéficie d’une réduction d’impôt. Donc, d’une certaine façon, ce n’est plus l’État qui consacre la cause, comme pouvait le faire la reconnaissance d’utilité publique attribuée par le Conseil d’État. […]

« Certains parlent de désengagement de l’État à l’égard du monde associatif. Quand on prend en compte les réductions fiscales, les politiques de l’emploi en termes de contrats aidés et le soutien aux contrats de service civique, l’engagement de l’État n’est pas négligeable, même en termes financiers. Je serais presque tenté de parler d’un réengagement de l’État, sous de nouvelles formes d’intervention et de soutien au monde associatif. » (39)

c. La question du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Si les associations bénéficient d’un certain nombre de dispositifs fiscaux, il en est un dont elles sont exclues par construction : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Comme l’explique notre collègue Yves Blein dans son récent rapport sur la mise en œuvre du CICE (40), « le fait de choisir la technique du crédit d’impôt pour alléger le coût du travail a pour conséquence d’introduire une différence de traitement entre les acteurs économiques selon qu’ils poursuivent ou non un but lucratif, et sont donc ou non assujettis à l’impôt sur les bénéfices : les organismes lucratifs bénéficient par principe du CICE, alors que les organismes non lucratifs n’en bénéficient que par exception, au titre des salaires versés à ceux de leurs salariés affectés à la réalisation d’opérations lucratives. » Si ce dispositif de soutien à la compétitivité avait porté sur les cotisations sociales directement, il aurait agi sur les secteurs privés lucratifs et non lucratifs équitablement.

Cette question a été soulevée au cours de la quasi-totalité des auditions sectorielles auxquelles la commission a procédé, les acteurs du monde associatif ne comprenant pas leur exclusion d’un dispositif aussi important de la politique économique du Gouvernement.

Deux reproches sont adressés à cette exclusion : le premier souligne le fort potentiel d’emploi du secteur associatif et le paradoxe qu’il y a à exclure ce gisement d’un dispositif dont l’un des objectifs est précisément de favoriser l’emploi. Comme l’a souligné M. Dominique Balmary, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), « le monde associatif, en particulier le monde associatif de la solidarité, est un formidable réservoir d’emplois – d’emplois permanents et, de surcroît, non délocalisables. » (41)

Le second reproche porte sur l’avantage concurrentiel accordé aux entreprises à but lucratif intervenant dans des secteurs où interviennent également des acteurs associatifs. M. Sébastien Darrigrand, délégué général de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), a expliqué que « le désavantage concurrentiel est quelque peu “accompagné” par les pouvoirs publics dès lors qu’est menée une politique de l’offre et de baisse des charges. Car la baisse des charges entraîne une diminution des cotisations sociales et patronales et remet donc en question le financement des politiques sociales et des politiques familiales. Dès lors que les pouvoirs publics mettent en place des crédits d’impôt pour accompagner des entreprises commerciales dans le développement de leurs activités, dès lors que certaines de ces entreprises sont en concurrence directe avec les associations dans le secteur des services à la personne, on crée un désavantage concurrentiel qui nuit au développement de l’activité, qui nuit au développement de l’emploi et menace la pérennité du monde associatif. » (42)

Dans ces secteurs, le fait que seuls certains acteurs bénéficient du CICE a été extrêmement mal ressenti par le monde associatif, qui plus est à un moment où d’autres sources de fragilité apparaissaient.

Porté par sa majorité parlementaire, le Gouvernement a souhaité répondre rapidement à ces interrogations. Dans le secteur de la santé d’abord, il a neutralisé l’effet du CICE au profit des cliniques par l’évolution des tarifs fixés par l’assurance-maladie. Un amendement gouvernemental a par ailleurs été adopté qui allège assez significativement (environ 300 millions d’euros) le poids de la taxe sur les salaires pesant sur les associations. Cet amendement, devenu l’article 67 de la dernière loi de finances rectificatives pour 2012, consistait pour l’essentiel à relever l’abattement de taxe sur les salaires dont bénéficient certains organismes non lucratifs (syndicats, unions syndicales, associations et mutuelles de moins de 30 salariés) : en application de l’article 1679 A du code général des impôts, ces organismes n’étaient redevables de la taxe sur les salaires que pour la fraction de son montant annuel excédant 6 002 euros ; cet abattement a été porté à 20 000 euros.

Enfin, le 29 avril 2013, le Premier ministre M. Jean-Marc Ayrault a confié une mission sur le sujet à quatre députés. Cette mission a rendu ses conclusions dans un rapport publié en décembre 2013 (43). Ce rapport estime l’avantage offert par le CICE au secteur privé lucratif dans les domaines où il est le plus en concurrence avec le secteur non lucratif à environ 1 milliard d’euros.

Et il souligne, rejoignant ainsi l’analyse de nombreux acteurs du monde associatif, « que la mesure d’abattement de la taxe sur les salaires n’avantagera que les structures de moins de 20 ETP SMIC soit environ 90 % des associations mais qui ne concernent que 20 % des emplois. Pour le décile des associations les plus grosses, qui concerne environ 80 % des emplois, l’abattement de la taxe sur les salaires sera moins avantageux qu’une mise en œuvre théorique du CICE » (44).

Même si votre rapporteure a pleinement conscience des contraintes budgétaires actuelles, il semble donc aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin.

Deux pistes sont aujourd’hui envisagées : la première, issue du rapport de nos collègues, consisterait à prévoir « un allègement spécifique pour les associations non lucratives sur la part de leur chiffre d’affaires correspondant à des marchés publics suite à appel d’offre ». Il est précisé que « cet avantage prendra la forme d’un abattement de la taxe sur les salaires équivalant au CICE (6 % de la masse salariale) octroyé ex post aux associations qui auront remporté des appels d’offres, sur la base de la part de leur chiffre d’affaires provenant de ces marchés publics. » (45)

La seconde, plus simple à mettre en œuvre mais probablement plus onéreuse, consisterait à instaurer un abattement proportionnel de taxe sur les salaires en faveur des organismes sans but lucratif ce qui permettrait de rétablir l’équilibre fiscal entre entreprises lucratives et organismes sans but lucratif.

Recommandation Élaborer un dispositif fiscal mettant fin à l’avantage concurrentiel dont bénéficie le secteur lucratif dans certains secteurs au détriment du secteur associatif

Des inquiétudes sur l’assujettissement des associations au versement transport

Le versement transport est une contribution à laquelle sont assujettis les employeurs des secteurs public et privé qui emploient plus de 9 salariés en région Île-de-France ou, en dehors de la région Île-de-France, dans le périmètre d’une autorité organisatrice de transport.

Lors de l’examen, en juillet dernier, du projet de loi de finances rectificatif pour 2014, a été adopté un amendement de nos collègues Blein, Juanico et Lefebvre visant clarifier le champ des associations et fondations de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui bénéficient d’une exonération de ce versement. En effet, ce champ faisait l’objet d’interprétations différentes et parfois contradictoires, ce qui plaçait les associations et fondations concernées dans une situation d’insécurité fiscale dommageable malgré leur bonne foi (procédures de redressement, pénalités de retard, etc.).

Cette disposition, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2015, a été interprétée par de nombreuses associations comme ayant pour effet de les faire entrer dans le champ du versement transport alors qu’elles en étaient jusque-là exonérées, suscitant une légitime inquiétude.

Un rapport doit être rapidement rendu au Parlement, qui permettra de dégager une voie permettant de sécuriser juridiquement le dispositif sans faire entrer dans l’assiette du versement des associations qui en étaient précédemment exonérées.

Ce nouveau dispositif devra impérativement être adopté lors du collectif budgétaire de fin d’année.

d. Un nouvel acteur : la Banque publique d’investissement (BPI)

Le financement de l’économie sociale et solidaire fait partie des missions assignées à la Banque publique d’investissement, Bpifrance, par la loi du 31 décembre 2012. C’est dans ce cadre que M. Nicolas Dufourc, directeur de Bpifrance, a remis le 31 mai 2013 un rapport (46) sur les outils nécessaires au financement des entreprises de l’ESS. En juillet 2013, sous l’égide des ministres chargés de l’économie et des finances et de l’ESS, une série d’outils financiers étaient présentés aux acteurs du secteur. Un montant de 500 millions d’euros sur cinq ans était alors annoncé.

Un certain nombre d’outils présentés à l’époque semblent particulièrement intéressants pour les associations, en particulier :

– Le fonds de fonds qui est un fonds centré sur des entreprises à fort impact social, par exemple celles intervenant dans les quartiers difficiles. Bpifrance aura un rôle d’accompagnement, notamment pour identifier les acteurs susceptibles d’intervenir dans ce secteur. Ce fonds est destiné à aider les entreprises de l’ESS à forte utilité ou impact social (associations, coopératives), à leur stade de croissance et de transmission, afin de renforcer leur haut de bilan (ressources et emplois à long terme) ;

– La garantie associative. Bpifrance, avec la Caisse des dépôts et consignations, apportera sa garantie aux prêts bancaires des associations qui assurent des missions de service public dans les secteurs médico-social, de l’éducation, de la formation et de la lutte contre les exclusions. Cette garantie permet de faciliter le prêt aux plus grosses associations auprès et par l’intermédiaire des banques.

Restent les incertitudes liées à la mise en place de ces outils. Comme l’a expliqué Mme Sophie des Mazery, directrice de Finansol, « nous attendons […] que les outils de la BPI soient disponibles, en particulier le “fonds de fonds à impact social” qui a été évoqué il y a un an pour financer l’économie sociale et solidaire. Pour l’instant, aucun des fonds solidaires ou des sociétés de capital-risque nationales ou régionales qui ont fait la preuve de leur efficacité au service de l’emploi et de la cohésion sociale – la société d’investissement de France Active, Garrigue, Initiatives pour une économie solidaire (IES) en Midi-Pyrénées – ne peut bénéficier de ce fonds de fonds. Pourquoi la BPI n’investit-elle pas dans ces structures ? Il est désormais plutôt question de fonds destinés à financer des PME qui adoptent une démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Certes, la frontière est très difficile à tracer entre l’impact investing – investissement qui associe la rentabilité financière avec un impact social ou environnemental positif – et la finance solidaire. Mais nous avons besoin des outils de la BPI. » (47)

Lors de son audition devant la commission, M. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, a confirmé que ces outils seraient mis en place d’ici à la fin de l’année (48).

2. Des collectivités territoriales extrêmement impliquées

Tous niveaux confondus, les collectivités locales représentent aujourd’hui plus de 27 % des ressources des associations et sont donc leurs principaux financeurs publics. Face à un certain désengagement budgétaire de l’État, les collectivités locales ont très souvent pris le relais en soutenant les associations qui constituent pour elles des interlocuteurs quotidiens et indispensables sur les territoires.

Pour autant, le monde associatif est aujourd’hui inquiet quant à une éventuelle raréfaction des ressources publiques locales qui semble aujourd’hui s’amorcer : les collectivités locales n’échappent pas au nécessaire rétablissement des comptes publics et les dotations budgétaires qu’elles reçoivent de l’État vont diminuer dans les prochaines années.

Compte tenu des rigidités inhérentes aux dépenses de personnel et à la volonté de nombreux élus locaux de préserver l’investissement, gage d’activité économique sur les territoires, le risque est grand que la solution privilégiée consiste à réduire les subventions aux associations. Comme l’a expliqué très directement M. Gérard Terrien, président de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, lorsqu’il est procédé « à des examens de gestion et à des analyses financières, nous indiquons aux collectivités qu’elles peuvent faire des économies en réduisant les subventions, sachant qu’elles ont des dépenses de fonctionnement extrêmement importantes : charges de personnels, dépenses d’action sociale et aides sociales, etc. » (49) Une grande vigilance doit donc s’exercer sur tous les territoires pour éviter que s’abîme le tissu associatif.

À cette inquiétude viennent s’ajouter les incertitudes entourant aujourd’hui la réforme territoriale, en particulier la question de la suppression de la clause de compétence générale.

a. Les communes, interlocuteur naturel des associations

Pour les petites associations sans salarié qui, rappelons-le, constituent la très grande majorité du tissu associatif, l’interlocuteur public principal est la commune. Ainsi, 56 % de l’ensemble des associations ont des relations financières avec leur commune, alors que ce taux est de 19 % pour les départements et de seulement 7 % pour l’État. À ces relations financières, il faut également ajouter les très fréquentes aides indirectes ou en nature qui constituent des soutiens indispensables à la vie associative locale.

À la différence des autres collectivités qui se spécialisent dans certains secteurs, les communes sont polyvalentes et s’adressent à toutes les associations, quel que soit leur secteur d’activité. Ce soutien est absolument indispensable pour la très grande majorité des associations qui ne disposent pas d’autres interlocuteurs publics. Ce soutien est d’ailleurs réciproque : sans les associations, de nombreuses communes ne pourraient mener un certain nombre de politiques publiques comme elles le souhaitent.

Cela s’est encore vu dans la mise en place de la réforme des temps périscolaires, dans laquelle les associations ont joué un rôle essentiel permettant la bonne application de cette réforme majeure.

Mme Francine Dosseh, magistrate à la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, a expliqué que les communes contrôlées, « qu’elles comptent quelques milliers d’habitants ou plus de 100 000, continuent toutes de verser à une multitude de petites associations des subventions de montants modestes. Nous n’avons pas constaté une diminution dans le nombre des associations subventionnées. Cela témoigne probablement d’une volonté de maintenir un tissu associatif de proximité, malgré le risque de saupoudrage – critique souvent présente dans les rapports – et la lourdeur de gestion de centaines de subventions de quelques centaines d’euros.

« Quelques exemples tirés des rapports : la Ville de Paris subventionne quelque 2 400 associations chaque année, dont la moitié pour un montant inférieur à 4 000 euros ; la commune de Boulogne en subventionne à peu près 200, dont une trentaine seulement reçoit plus de 23 000 euros, soit le seuil de la convention d’objectifs ; Nanterre verse annuellement 200 subventions, dont quatorze sont supérieures à 23 000 euros, et Montreuil 400 subventions, dont quarante supérieures à ce seuil ; à Sarcelles, il y en a douze sur 160. La moyenne annuelle des subventions constatée sur quelques communes est de 1 200 euros à Fontenay-sous-Bois, où 200 associations sont subventionnées, de 2 000 euros à Ivry-sur-Seine et de moins de 1 000 euros pour 43 % des subventions versées à Antony. C’est dire que persiste dans les communes la volonté de subventionner des associations très locales pour des petits montants et des petits projets » (50).

Cette réalité n’est pas propre à l’Île-de-France et se retrouve très certainement dans le reste du pays, tous les membres de la commission, et, au premier chef, votre rapporteure, peuvent en témoigner.

Le soutien financier est souvent complété par des aides indirectes ou en nature : mise à disposition de locaux, aides aux embauches, maisons des associations. Ces aides constituent un soutien important et sont rarement valorisées par les communes.

Comme l’a encore expliqué Mme Francine Dosseh, est souvent critiquée « l’absence de recensement ou de valorisation correcte des aides en nature. Cela nous conduit à penser que l’effort réel des collectivités territoriales – en tout cas des communes – en faveur du monde associatif est plus important que les chiffres formellement affichés dans les documents obligatoires. C’est ainsi qu’il faut y ajouter les services que les collectivités mettent de plus en plus souvent à la disposition des associations à travers les maisons des associations, pour les aider au quotidien dans leur gestion et leur administration. La plupart du temps, ces services ne sont pas valorisés, pour des raisons de comptabilité analytique ou de nomenclature figurant dans les instructions comptables. Il faut dire qu’il n’est pas toujours facile d’identifier les coûts de personnels, de locaux et les frais de fonctionnement liés à une telle activité. Pour en avoir une vision globale, il faudrait parvenir à consolider les différents aspects de l’aide des collectivités au milieu associatif. » (51)

Les travaux de Mme Tchernonog montrent une certaine stabilité nominale de l’effort des communes entre 2005 et 2011, ce qui, compte tenu de l’augmentation globale du budget des associations, a conduit à une baisse relative de la part des communes dans ce budget.

Cette analyse a été confirmée par Mme Francine Dosseh : « nous avons constaté que la tendance relevée au niveau national se confirmait, en tout cas pour les communes – il s’agit essentiellement d’examens de gestion de communes : l’effort financier consenti en faveur des associations est maintenu, voire augmenté, en pourcentage par rapport aux dépenses globales de fonctionnement. Nous avons observé un ou deux cas de diminution, mais cette diminution n’était qu’apparente : elle était due à des circonstances exceptionnelles, comme, par exemple, la reprise en régie directe de l’activité “ petite enfance ”, auparavant assurée par une association. » (52)

Ces analyses valent pour le passé mais les inquiétudes évoquées plus haut sont fortes et la vulnérabilité du tissu associatif – tout particulièrement des petites associations qui font son dynamisme – à un moindre soutien des communes est extrêmement forte.

Les risques liés aux octrois de garantie

Lors de son audition, M. Gérard Terrien a attiré l’attention de la commission sur le problème des garanties accordées par certaines collectivités à des associations : « les garanties d’emprunt sont très faciles à donner, totalement indolores, mais cela fait très mal quand on les fait jouer. Aujourd’hui, il n’y a plus grand-monde pour contrôler les garanties d’emprunt, en dehors des conseils municipaux, des conseils généraux ou des conseils régionaux. Du côté des préfets, le contrôle est assez léger ; de notre côté, nous intervenons a posteriori, quand la garantie a été accordée ».

Les collectivités locales doivent être attentives à cette question pour éviter que ne se produise un phénomène proche de celui constaté avec les emprunts toxiques contractés par les collectivités et qui ont mis certaines d’entre elles dans des situations financières particulièrement délicates.

b. Le rôle de plus en plus important des départements

Les départements sont devenus les premiers financeurs publics des associations puisqu’ils représentent aujourd’hui près de 12 % de leurs ressources.

La montée en puissance des départements s’explique en grande partie pour des raisons sectorielles : les départements sont traditionnellement compétents dans des secteurs tels que l’aide sociale à l’enfance, l’aide aux personnes âgées ou encore le soutien aux personnes handicapées.

Ce sont des secteurs dans lesquels le monde associatif est particulièrement puissant car il a souvent été à l’origine du développement de ces services, les pouvoirs publics venant dans un deuxième temps solvabiliser les besoins rendus visibles par le travail associatif. Ce sont également des secteurs qui ont connu une forte expansion ces dix dernières années, avec la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie, de la prestation de compensation du handicap.

Le réseau associatif y est souvent constitué de moyennes ou de grandes associations qui emploient un personnel nombreux et de plus en plus qualifié. Comme l’a rappelé M. Jean-Pierre Hardy, directeur des politiques sociales de l’Assemblée des départements de France, « 21 % des associations employeuses appartiennent au secteur santé/social/médico-social, ce qui représente 54 % de la masse salariale de toutes les associations et 53 % des employeurs du secteur associatif. » (53)

Les départements, qui ont donc en grande partie la responsabilité de ces politiques publiques, sont donc extrêmement spécialisés : 82 % de leurs dépenses à destination des associations sont consacrées à l’action sociale ou à la santé.

Leur rôle ne s’arrête néanmoins pas là. Mme Viviane Tchernonog a souligné que « pour un cinquième environ des financements alloués, les conseils généraux interviennent, notamment en zone rurale, quand il n’existe pas de commune importante susceptible d’animer la vie locale dans les territoires environnants » (54).

c. Des régions très présentes dans certains secteurs

Les régions ne représentaient en 2011 que 3,5 % des ressources des associations, pourcentage stable par rapport à 2005, mais qui traduit forcément un plus grand effort en valeur absolue compte tenu de l’augmentation globale du budget des associations.

Comme les départements, les régions sont plus spécialisées que les communes dans leurs relations avec les associations. Mme Corinne Bord a expliqué que « les régions – et c’est une spécificité – abordent en effet la question de la vie associative principalement à travers le prisme de l’économie » (55).

Ainsi, 25 % des dépenses des régions à destination des associations s’effectuent dans le domaine de l’économie et du développement local, les deux autres grands secteurs d’intervention étant l’éducation, la formation et l’insertion (pour 28 %) et la culture (pour 24 %).

Mme Corinne Bord a néanmoins fait valoir que les régions vont bien au-delà de leur compétence : elles constatent à travers les sollicitations que leur adressent les associations qu’elles « sont devenues pour elles le financeur ultime. À mesure que l’investissement de l’État a diminué, on a vu, dans les tours de table, s’effondrer à tour de rôle les autres partenaires et ne sont plus restées que nos collectivités qui, disposant encore d’une petite assise même si leur budget est contraint et en diminution, ont dû augmenter leur contribution pour compenser ce désengagement. Les régions finissent ainsi par être la dernière ressource au service de l’emploi et du service public, en particulier pour soutenir le secteur social – l’aide à domicile, notamment. » (56)

d. Les inquiétudes liées à la réforme territoriale

Les collectivités locales sont donc les premiers interlocuteurs et financeurs publics des associations. Inévitablement, la courageuse réforme territoriale engagée par le Gouvernement soulève de nombreuses questions et suscite de réelles inquiétudes, en particulier concernant la suppression de la clause de compétence générale. Ces inquiétudes sont d’autant plus fortes que les réformes sont en cours, que le débat parlementaire n’est pas encore achevé et que les associations ne disposent donc pas encore de tous les paramètres. Mme Nadia Bellaoui, présidente du Mouvement associatif, a d’ailleurs indiqué à la commission que « les associations vivent assez douloureusement les hésitations et les divergences à propos des réformes en cours, notamment de la réforme territoriale. » (57)

M. Jean-Michel Darmian, membre du bureau de l’Association des maires de France (AMF), a présenté ainsi les inquiétudes : « inutile de le cacher, plusieurs points du projet de réforme territoriale suscitent une grande angoisse dans le monde associatif. J’ai récemment participé à un colloque sur les comités départementaux de sport : que vont-ils devenir si le conseil général ne dispose plus de la compétence générale en la matière ? Le sport doit-il renoncer à cet échelon d’organisation ? Le bloc communal, quant à lui, aide au fonctionnement des associations en vertu de cette même compétence générale et cela s’ajoute aux subventions versées par le département : cette possibilité de cumul va disparaître si on revient sur la clause de compétence générale. D’autre part, qui va réguler le partage des compétences dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme ? Le bloc communal deviendra-t-il le seul financeur du système associatif, sachant que les montants en cause dépassent le milliard d’euros ? L’intercommunalité soutient le milieu associatif lorsque sa compétence le lui permet, mais il est certain qu’une éventuelle suppression des conseils généraux aurait de lourdes conséquences financières pour les collectivités du bloc communal. » (58)

Deux problèmes peuvent en fait être distingués : le premier concerne la structure territoriale retenue in fine, le second la disparition de la clause de compétence générale.

Concernant la structure (nombre de régions, maintien ou non du département dans certains territoires), l’incertitude pèse sur le milieu associatif mais la plupart conviennent qu’il s’agit d’un choix politique étranger par nature au domaine d’intervention des associations mais auquel elles s’adapteront en tout état de cause. L’éventuelle disparition de l’échelon départemental inquiète forcément, en particulier le secteur médico-social, mais les actions menées par les départements en direction des associations relèvent en grande partie de politiques publiques obligatoires et indispensables et il est certain que d’autres collectivités prendraient le relais si nécessaire.

Par ailleurs, la réduction du nombre d’interlocuteurs publics peut être une source de simplification administrative pour les associations qui se plaignent très souvent de l’extrême diversité des demandes formulées par chaque niveau de collectivité. La réforme territoriale peut, certes, conduire à réduire les possibilités de financements croisés mais elle pourra aussi réduire l’émiettement de l’action et favoriser la coordination entre collectivités.

La suppression de la clause de compétence générale suscite par contre beaucoup plus d’inquiétudes. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2014, prévoit aujourd’hui la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions. Suppression tempérée au chapitre IV, articles 28 et 29, qui maintient une compétence partagée pour le tourisme – dont la région sera le chef de file –, pour la culture et pour le sport – sans chef de file dans ces deux derniers cas, à ce stade.

Comme l’explique l’exposé des motifs du projet, « si la clarification des compétences commande de limiter les interventions des régions et des départements aux domaines de compétences qui leur sont expressément reconnus par la loi, il apparaît nécessaire, au vu de la diversité des situations et du caractère transversal de ces domaines, de maintenir une possibilité d'intervention de chaque niveau de collectivité territoriale en matière de culture, de sport et de tourisme. » (59)

La limitation de cette exception à la culture, au tourisme et au sport suscite de réelles inquiétudes dans le milieu associatif. Si, comme nous l’avons vu, la région et le département se spécialisent très souvent dans leur soutien aux associations, ils ne s’interdisent pour autant pas de venir aider telle ou telle association qui n’intervient pas directement dans leur champ de compétence « naturel ».

M. Didier Jacquemain, délégué général de la Fédération nationale des Francas, a dit l’enjeu sans détour : « Aujourd’hui, nos 100 entités territoriales, au niveau régional ou départemental, sont soutenues, dans leurs projets, par les conseils généraux et les conseils régionaux. Si, demain, la suppression de la clause de compétence générale ne leur permettait plus d’agir dans le champ de l’éducation, notamment de l’éducation populaire, il y aurait un risque fort d’affaiblissement des niveaux territoriaux, qui coordonnent l’activité locale. » (60)

Inquiétude partagée par M. Karl Deschamps, secrétaire national délégué aux vacances à la Ligue de l’enseignement : « dans les débats sur la réforme territoriale, il semble que plusieurs compétences ne soient plus prises en compte. C’est notamment le cas de la compétence “jeunesse” ou de la compétence “vie associative”. Le projet de loi portant réforme territoriale prévoit en effet la création d’une compétence partagée qui n’intègre que le sport, la culture et le tourisme. Quid des associations de jeunesse, de l’activité des collectivités locales auprès de la jeunesse, de la formation des bénévoles ? Nous proposons par conséquent d’élargir cette clause de compétence partagée aux compétences “jeunesse” et “vie associative”. » (61)

L’idée d’une extension de la compétence partagée à la « vie associative » a été avancée par plusieurs interlocuteurs de la commission et constitue l’une des hypothèses de travail sur lesquelles le Parlement devra se pencher lors de l’examen du projet de loi. L’autre solution serait d’allonger la liste des compétences partagées, par exemple en ajoutant la compétence « Éducation » et en prévoyant un chef de filât. Quelle que soit la solution finalement retenue, le débat parlementaire devra permettre d’aboutir à une solution claire et acceptable pour le milieu associatif.

Recommandation Mettre à profit le débat parlementaire pour réécrire l’article 28 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République afin de conforter le financement du monde associatif dans sa diversité

3. La « terrible machine bureaucratique » des financements européens

Le dernier financeur public, même s’il apparaît peu dans les statistiques disponibles, est l’Union européenne. Dans son rapport sur la simplification, notre collègue Yves Blein relève que « sur la programmation 2007-2013, la France a reçu 15,9 milliards de fonds structurels qui constituent d’importantes ressources pour cofinancer les projets de développement des acteurs locaux, dont les associations. » (62)

Les principaux fonds sont le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds social européen (FSE) tourné vers l’accès à l’emploi et la formation. Selon le même rapport, la place des associations dans la programmation 2007-2013 de ces deux fonds est particulièrement importante :

« – les associations sont ainsi la catégorie de bénéficiaires la plus représentée. FEDER et FSE confondus, 13 200 associations ont bénéficié du soutien des fonds structurels sur la période ;

« – les montants programmés FEDER et FSE à destination des associations représentent un peu plus de 23 % de la programmation totale ;

« – pour le seul FSE, 55 % des bénéficiaires en métropole, et plus de 50 % dans les régions ultrapériphériques sont des associations. Elles concentrent plus de 47 % des crédits programmés, soit 2 521,73 millions d’euros. »

Malgré ces éléments quantitatifs indéniablement positifs, la perception qu’ont les acteurs du monde associatif du soutien européen, et en particulier du FSE, est extrêmement négative. C’est à un véritable réquisitoire contre la bureaucratie européenne que se sont livrés les interlocuteurs de la commission.

Le portait qu’en a dressé M. Florent Gueguen, directeur de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), est particulièrement critique. Il évoque les « dysfonctionnements maintenant connus des fonds européens. La FNARS est concernée principalement par le Fonds social européen (FSE) et le Fonds européen pour les réfugiés (FER). Ces fonds, en particulier le FSE, sont devenus une terrible machine bureaucratique pour le secteur associatif. Des contrôles disproportionnés interviennent deux ou trois ans après que l’action a été réalisée, des crédits sont versés deux à trois ans, parfois plus, après que l’action a démarré. Résultat : seules les grandes associations, celles qui ont de la trésorerie, peuvent faire face à ces périodes de non-financement. Actuellement, un grand nombre d’adhérents ne sollicitent plus le FSE bien que les crédits nationaux soient en contraction et les besoins immenses. Le mécanisme de contrôle est ingérable et la mobilisation de ces fonds requerrait la création de postes administratifs dans nos associations. De surcroît, cette année sera “blanche” pour nous car nous sommes entre deux programmations FSE. Les plateformes d’accompagnement des demandeurs d’asile sont ainsi privées de crédits FSE alors que ces associations sont financées à 50 % par l’Union européenne. » (63)

Les critiques sont donc de quatre ordres. La première difficulté concerne la complexité des dossiers à constituer pour avoir accès à ces financements, qui suppose de mobiliser à temps plein des personnels : un dossier de demande de subvention pour le FSE comprend un dossier principal de 17 pages et des annexes sous forme de 15 onglets de tableau Excel !

À cette difficulté initiale s’ajoute la longueur des délais de paiement des fonds européens : il s’écoule en moyenne 562 jours pour le FSE et 658 jours pour le FEDER – soit presque 2 ans ! – entre la date de première programmation et la date du premier paiement. Pendant ce temps, les associations doivent avancer la trésorerie du projet, effort qui est inaccessible à la plupart d’entre elles.

Sont également critiquées la trop grande lourdeur des contrôles exercés par l’Union européenne et les règles relatives à la justification des dépenses. Comme l’a expliqué Mme Joëlle Bottalico, vice-présidente du Haut Conseil pour la vie associative, « les associations dénoncent également les obligations de plus en plus nombreuses auxquelles elles sont soumises, les contrôles de toutes natures qui génèrent des coûts rarement pris en compte alors qu’elles prennent sur leurs fonds propres pour financer les conséquences de ces normes et obligations. À titre d’exemple, les associations qui organisent la distribution de l’aide alimentaire en provenance de l’Union européenne – tels les Restos du cœur, la Croix-Rouge, le Secours populaire, la Banque alimentaire – se trouvent contraintes de mettre en place une comptabilité analytique très pointue, des logiques de gestion de stock avec chambres froides et transports frigorifiques, la mise en place d’outils informatiques pour orchestrer la traçabilité des produits distribués, etc. » (64)

Recommandation Simplifier les dossiers de demande auprès du Fonds social européen, raccourcir les délais de paiement et réduire les contrôles au strict nécessaire

La dernière inquiétude, plus immédiate, concerne l’année 2014. Mme Nadia Bellaoui a attiré l’attention de la commission sur « le fait que le transfert de la gestion des fonds structurels européens pourrait se traduire en 2014 par une année blanche dans le financement des associations, ce qui serait dramatique pour nous. » (65)

2014 est en effet une année de transition, entre deux programmations budgétaires (2007-2013 et 2014-2020) mais aussi en termes de gestion puisque la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a confié le rôle d’autorité de gestion aux conseils régionaux, rôle jusque-là dévolu à l’État.

Or, les associations craignent que 2014 ne soit purement et simplement une année blanche. En effet, la préparation de la programmation semble prendre du retard. Cela signifie que les premiers appels à projets FSE ne seront probablement pas publiés avant début 2015, alors même que la programmation a débuté au 1er janvier 2014. Bien que le règlement FSE indique que l’éligibilité des projets soit rétroactive au 1er janvier 2014, compte tenu des incertitudes liées aux règles d’éligibilité et aux contrôles, en ce début de programmation, nombre d’associations ne prendront pas le risque de s’engager sur le FSE en 2014.

4. Des difficultés de trésorerie récurrentes

Confrontées à cette raréfaction des financements publics, les associations rencontrent très régulièrement des difficultés de trésorerie : 66 % des associations employeurs interrogées dans le cadre de l’étude conjointe du Centre d’économie de la Sorbonne et du cabinet Deloitte (66) déclarent devoir faire face à des difficultés de maîtrise de la gestion.

Les difficultés financières des associations peuvent également être appréhendées, comme l’a souligné M. Stéphane Holé, adjoint au directeur du recouvrement, du contrôle et de la lutte contre la fraude de l’Acoss, par le biais du taux de recouvrement de leurs cotisations sociales : « Sur le plan économique, le taux de reste à recouvrer est un indicateur nous permettant de mesurer la capacité des entreprises et des associations à respecter leurs échéances de paiement. En 2013, ce taux s’élevait pour les associations à 0,39 %, ce qui signifie que 99,71 % des cotisations sont réglées par les associations. Ce taux est très bas comparé à l’ensemble du taux de reste à recouvrer de la branche qui s’élève à 0,97 %. On constate cependant que pour les associations, ce taux s’est détérioré ces dernières années : de 0,16 % en 2008, il est passé à 0,28 % en 2009, puis à 0,34 % en 2011 et à 0,39 % en 2013. Cette évolution traduit probablement un accroissement des difficultés de financement des associations. » (67)

Un tiers des associations pointent du doigt un fonds de roulement insuffisant. Cela résulte tout à la fois des délais de versement des subventions publiques mais aussi d’un réflexe qui veut que, lorsqu’une association réalise un excédent, les financeurs réduisent leurs concours l’année suivante.

La réfaction des subventions publiques peut être légitime si l’association thésaurise ses ressources et cherche à gérer une trésorerie importante, au détriment de son objet associatif. De telles situations sont rares mais elles existent indubitablement.

Pour la très grande majorité des associations néanmoins, les difficultés de trésorerie sont liées au versement tardif des subventions publiques, qui les oblige à recourir à un financement bancaire particulièrement onéreux. C’est notamment ce qu’a indiqué M. François Desroziers, co-fondateur de SPEAR, une coopérative d’épargne solidaire : « Lorsqu’ils se confrontaient au secteur bancaire classique, leur activité extra-financière – par exemple l’insertion, la réduction de l’empreinte carbone, l’accès facilité à la culture – était souvent considérée comme un facteur de risque. Du coup, soit ils se heurtaient à des difficultés pour emprunter, soit ils empruntaient mais à des taux plus élevés. SPEAR souhaitait permettre à ces acteurs d’avoir un meilleur accès au crédit et un taux de crédit moins élevé du fait de leur impact social » (68).

Votre rapporteure suggère donc que soit mis en place un fonds, par exemple géré par la Caisse des dépôts et consignations, dont la mission serait de faire des avances de trésorerie aux associations.

Recommandation Mettre en place un fonds de soutien à la trésorerie des associations

Au-delà de ces contraintes de trésorerie, la difficulté réside bien dans l’insuffisance de fonds propres. Or, comme l’analysait très justement une note du think tank associatif La Fonda (69), les fonds propres sont pourtant nécessaires aux associations pour :

– « Assurer le financement partiel de leurs investissements, qu’ils soient matériels ou non ;

– « Permettre de sécuriser le fonctionnement de l’association en disposant d’une trésorerie suffisante pour faire face à ses engagements. Détenir des fonds propres, c’est garantir la continuité de l’exploitation dans l’intérêt des bénéficiaires, des partenaires et des salariés ;

– « Faire face à l’imprévu et aux risques de déficits ;

– « Pouvoir emprunter auprès des établissements bancaires, dont l’analyse du risque repose notamment sur le niveau de fonds ;

– « Financer la recherche et lancer des projets susceptibles de répondre aux nouveaux besoins. »

Or, le seul moyen pour une association – qui, par définition, ne dispose pas de capital – de constituer des fonds propres est de dégager des excédents. Mais il faut bien constater une forme culturelle d’aversion des acteurs associatifs et de leurs partenaires à la réalisation et la conservation d’excédents :

– « la plupart des financeurs réduisent les subventions après une année bénéficiaire et ne s’engagent que sur présentation d’un budget équilibré ;

– « les responsables associatifs sont tentés de dépenser la totalité du budget avant la fin de l’année (attitude renforcée par la pratique des financeurs publics) ;

– « les donateurs souhaitent n’apporter leur soutien qu’à l’action et non à la constitution des réserves. » (70)

Lors de son audition, M. Christian Sautter, président de France Active, a abondé en ce sens en soulignant « la nécessité de bénéfices raisonnables. Comme toutes les structures économiques, les associations ont besoin de trésorerie. Elles vivent beaucoup de subventions publiques dont le versement n’est effectif que dans un délai de trois à six mois. Une association qui ne débute pas l’année avec trois à six mois de chiffre d’affaires en caisse doit s’en remettre aux banques pour se financer, à coût extrêmement élevé, dans l’attente des aides publiques.

« En outre, pour financer leurs investissements, elles ont besoin d’un minimum d’autofinancement. Quand elles sollicitent les banquiers, même avec des garanties, elles risquent de susciter des interrogations si elles n’ont pas d’apport financier minimal.

« Cela pose deux questions de nature culturelle. D’une part, le monde associatif appartient au monde militant, au monde de l’économie non lucrative, et les mots de “ bénéfice ” ou de “ profit ” sont presque des gros mots pour certains bénévoles ou salariés qui se dévouent à la cause commune. D’autre part, les financeurs publics ont ce très mauvais réflexe de diminuer les subventions en cas d’excédents, réflexe appelé à se développer puisque tous les acteurs publics tendent à rogner leurs aides. » (71)

Malgré la portée consensuelle de cette analyse, force est de constater avec M. Yannick Blanc, président de La Fonda, que « la doctrine des pouvoirs publics et le comportement des financeurs n’ont guère évolué en la matière. Il faut donc faire en sorte que la constitution d’excédents et le financement du fonctionnement des associations apparaissent légitimes aux yeux des financeurs, dans un contexte de raréfaction des ressources. » (72)

Recommandation Généraliser le versement, au moins partiel, des subventions publiques le plus tôt possible dans l’année afin de limiter les difficultés de trésorerie des associations

Recommandation Permettre aux associations de dégager des « excédents raisonnables » en vue de constituer des fonds propres.

C. DES FINANCEMENTS PRIVÉS QUI PEINENT À PRENDRE LE RELAIS

Confrontées à la raréfaction des ressources publiques, les associations sont fortement incitées, afin de poursuivre leur action, à développer leurs ressources privées. Celles-ci sont multiples : les dons des particuliers, le mécénat d’entreprise, les cotisations des adhérents et les ressources d’activité. La part respective de chacune de ces catégories varie, encore une fois, énormément selon la taille de l’association et son secteur d’activité : si, dans le sport, les cotisations des adhérents sont très importantes, dans le secteur caritatif, ce sont les dons des particuliers qui jouent un rôle essentiel.

Malheureusement, après avoir régulièrement augmenté ces dix dernières années, toutes ces catégories de ressources traversent aujourd’hui une période difficile. La raison évidente est la crise économique qui affecte aussi bien les entreprises, donc le mécénat, que le pouvoir d’achat des ménages, réduisant la capacité de ces derniers à faire preuve de générosité ou à accéder aux prestations proposées par les associations.

C’est notamment le cas des écoles de cirque créées sous une forme associative, très affectées par la crise économique : « Alors qu’ils croyaient être solides, tous ces acteurs se sont retrouvés fragilisés par la crise qui sévit en France et en Europe depuis deux ans et qui s’est traduite par une stagnation, voire une baisse des inscrits aux ateliers et dans les écoles de cirque. Les familles sont amenées à faire des choix économiques pas toujours à notre avantage, car le cirque est une discipline qui peut coûter cher, notamment dans les écoles recevant peu de subventions et obligées de faire payer l’intégralité de leurs charges aux pratiquants. » (73)

Comme l’a résumé Mme Hélène Beck, directrice administration-finances du Secours catholique, « le contexte économique et social accroît les besoins de services associatifs, surtout dans le domaine social, alors que les financements publics sont en retrait et que la générosité privée, particulièrement importante dans notre secteur, peine à prendre le relais. » (74)

1. La générosité du public ne se dément pas mais stagne depuis quelques années

Si, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, nombreux sont les Français qui donnent, par le bénévolat, du temps aux associations, très nombreux sont également ceux qui soutiennent telle ou telle action associative par des dons financiers : au moins 5,6 millions de ménages selon les données fiscales, probablement beaucoup plus.

La générosité des Français ne se dément pas et a même significativement augmenté ces dix dernières années. Sous l’impact de la crise et de la stagnation du pouvoir d’achat, elle tend néanmoins à se stabiliser. Il doit donc impérativement être préservé en sécurisant le dispositif fiscal et en cherchant de nouvelles voies pour canaliser la générosité des Français.

a. Une ressource essentielle pour de nombreuses associations

Comme le souligne le rapport de M. Gilles Bachelier (75), depuis 2003, « le dispositif fiscal français en faveur du mécénat est l’un des plus généreux au monde ». Et votre rapporteure se félicite que ce dispositif ait permis une augmentation importante des dons des Français aux associations œuvrant en faveur de l’intérêt général. Comme le montre le graphique ci-dessous (76), le montant des dons déclarés a presque doublé entre 2001 et 2012 pour atteindre 2 226 millions d’euros.

ÉVOLUTION DES MONTANTS DÉCLARÉS (en millions d’euros)

Source : Recherches & Solidarités, La générosité des Français, 2013

Rapportée à l’ensemble des finances du monde associatif, cette manne ne représente qu’une part minime du budget total : moins de 4 % du total, 77 % des associations ne recevant ni dons, ni mécénat. Mais cette part varie fortement selon les associations et selon le secteur dans lequel elles interviennent. Les secteurs de l’action sociale, de l’aide humanitaire ou de la santé tirent ainsi une part très importante de leurs ressources des dons des particuliers.

Ainsi, M. Olivier Lebel, directeur général de Médecins du Monde, a précisé que leur « modèle économique repose sur les dons, qui représentent les deux tiers de notre budget, le financement public de structures françaises étant inférieur à 5 %. » (77) De même, Mme Hélène Beck a expliqué que « l’importance du financement par la générosité privée constitue une particularité du secteur caritatif et humanitaire au sein du monde associatif : pris dans son ensemble, celui-ci n’en dépend qu’à 4 % alors que la proportion atteint 80 % pour le Secours catholique. » (78) Dernière illustration issue des auditions menées par la commission : le Téléthon, formidable élan de générosité publique, représente 80 % des ressources de l’Association française contre les myopathies (AFM), comme l’a indiqué M. Jean-Pierre Gaspard, secrétaire général de l’AFM-Téléthon, lors de son audition. (79)

La pérennité d’associations essentielles pour le vivre-ensemble dépend donc de la générosité des particuliers. Malheureusement, son dynamisme est assez fragile, comme le montrent les dernières données disponibles. En effet, après une année 2011 assez bonne du point de vue de la collecte, l’année 2012 a marqué le pas, avec un montant global n’augmentant que de 1 % environ.

Comme l’explique Recherches & Solidarités, « cette quasi-stagnation de la collecte recouvre des réalités sectorielles un peu différentes, mais ne s’écartant pas sensiblement de la moyenne : les actions de proximité semblent avoir été privilégiées par les donateurs, ce qui conduit à une augmentation de l’ordre de 3 % pour les personnes atteintes de maladie ou de handicap, pour la recherche médicale, et pour l’environnement (secteur lui-même porté par le recours de plus en plus fréquent au don en ligne de la part des jeunes générations qui le soutiennent).

« […] L’action sociale en France s’est bien maintenue, mais avec une évolution modeste de 1 %, vraisemblablement liée aux très fortes augmentations enregistrées au cours des quatre années antérieures, et au fait que nombre des donateurs concernés, assez modestes eux-mêmes, sont à leur tour touchés par les difficultés économiques. » (80)

La stagnation de la collecte s’explique très certainement par les difficultés économiques auxquelles sont confrontés trop de nos concitoyens. Il est également possible que l’augmentation des prélèvements obligatoires nécessaire au rétablissement des comptes publics ait pesé sur la générosité des Français.

Mme Françoise Sampermans, présidente de France Générosités, a souligné également « la concurrence du secteur public puisque universités, hôpitaux, services du patrimoine et collectivités territoriales – celles-ci pouvant créer, par exemple, des fonds de dotation – font désormais appel à la générosité privée alors même que l’assiette de donateurs est inchangée. La concurrence est nécessaire, c’est une source de créativité, mais ce contexte est pour nous extrêmement difficile. » (81)

Les travaux de Recherches & Solidarités invitent à surveiller de près la situation car « plusieurs indicateurs clignotent et constituent des signaux forts pour les associations : en 2013, 33 % des donateurs ont dû réduire leurs dons (27 % en 2012) et 6 % ont dû cesser de donner, depuis le début de l’année. Ils sont 22 % (18 % en 2012) à envisager de donner moins et 4 % à penser ne pas pouvoir donner, d’ici la fin de l’année. » (82)

La priorité des pouvoirs publics doit être de sécuriser le dispositif fiscal actuel et d’accompagner les associations dans leur recherche de nouvelles voies permettant de canaliser la générosité des Français.

b. Le cadre fiscal de la générosité doit être stabilisé

Votre rapporteure partage l’analyse du Haut conseil à la vie associative (HCVA) exposée dans son récent rapport consacré au financement privé du secteur associatif. Les avantages fiscaux attachés aux dons des particuliers comme des entreprises ne doivent pas être considérés comme des « niches fiscales » : ce concept concerne les redevables à la recherche d’une optimisation fiscale et d’une contrepartie, ce qui n’est absolument pas le cas pour le don à une association.

Comme le souligne le rapport du HCVA : « Le don économise des dépenses à l’État : le don permet de financer des activités d’intérêt général, avec une contribution de l’État dès lors que le donateur est imposable et qu’il déclare son don. Ainsi le don ne remplace pas les politiques publiques mais il les complète et les amplifie grâce à des solutions de terrain, adaptées à des situations particulières, pour un coût souvent moindre à celui d’une action publique (notamment grâce à la force du bénévolat). L’action d’une association coûte en effet moins cher qu’une action des pouvoirs publics, notamment grâce aux nombreux bénévoles que peut mobiliser l’organisme privé sans but lucratif. » (83)

Il est donc indispensable de ne pas toucher, malgré la tentation de certains, au dispositif fiscal encadrant les dons des particuliers aux associations œuvrant dans le sens de l’intérêt général. Une telle stabilité des avantages fiscaux attachés au don permettrait ainsi :

« – aux structures se finançant largement par ce canal pour leurs missions d’intérêt général de pérenniser leurs actions. Toute modification des taux entraînerait une baisse des financements perçus, ce qui aurait une incidence directe sur les actions mises en œuvre ;

« – aux structures devant diversifier leurs sources de financement de se tourner ce mode de financement très incitatif pour le donateur. » (84)

Recommandation Stabiliser le cadre fiscal des dons des particuliers

Cette stabilisation doit s’accompagner d’une harmonisation des pratiques concernant le rescrit fiscal : la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations permet en effet aux organismes ou groupements recevant des dons de s’assurer auprès de l’administration fiscale, préalablement à la délivrance des reçus fiscaux, qu’ils répondent bien aux critères définis aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts et que les dons qui leurs sont alloués ouvrent donc droit à réduction d'impôt.

Comme l’a expliqué M. Alain de la Bretesche, président de la Coordination des fédérations et des associations de culture et de communication (COFAC), vice-président de la Fédération Patrimoine environnement, cette « procédure du rescrit fiscal permet au bureau de l’association, par souci de sécurisation de lui-même et de ses adhérents, de se faire préciser par l’administration fiscale qu’il a bien droit à la mesure de défiscalisation applicable aux dons. » (85)

M. Jean-Luc Barçon-Maurin, chef du Service juridique de la fiscalité à la Direction générale des finances publiques, a par ailleurs souligné que les associations « sont de grosses consommatrices de cet outil juridique dont elles ont bien compris l’intérêt » (86). Ainsi, l’administration fiscale délivre chaque année 20 000 rescrits, dont 25 % au profit des associations.

Malgré cet effort, de nombreux interlocuteurs de la commission se sont plaints de leurs difficultés pour obtenir ce rescrit, indispensable pour sécuriser les donateurs, et des différences d’interprétation de tel ou tel élément de la doctrine fiscale selon les territoires. Les efforts visant à une plus grande sécurisation de cet outil fiscal doivent donc être poursuivis.

Recommandation Harmoniser et sécuriser la délivrance des rescrits fiscaux

La délicate question de la de la territorialité des dons

Statuant sur un litige relatif à des flux transfrontaliers de dons, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée, dans un arrêt Hein Persche du 27 janvier 2009, en ce sens que le principe de la liberté de circulation des capitaux au sein de l’Union européenne s’oppose à ce qu’un État membre refuse le bénéfice de l’avantage fiscal lié à un don effectué au profit d’un organisme ayant son siège dans un autre État membre.

La loi de finances rectificative pour 2009 a donc modifié les articles du CGI relatifs au mécénat afin de prendre en compte cet arrêt. Le projet d’instruction fiscale commentant ces nouvelles dispositions a suscité de grandes inquiétudes dans le monde associatif, en particulier chez les associations de solidarité internationale qui ont critiqué l’interprétation, excessivement restrictive selon eux, des dépenses susceptibles de bénéficier de la déduction fiscale lorsqu’elles sont engagées hors du territoire européen.

À la suite de ces interrogations, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail présidé par M. Gilles Bachelier, conseiller d’État, autour des règles de territorialité du mécénat. Ce groupe a rendu un rapport en février 2013 (87) qui a formulé un certain nombre de recommandations. Il a en particulier été proposé d’ouvrir plus largement le dispositif de réduction d’impôt pour les donateurs des organisations non gouvernementales (ONG) : aux actions humanitaires d’urgence et concourant au rayonnement culturel de la France s’ajouteraient les actions de solidarité internationale et de protection de l’environnement conduites à l’extérieur du territoire français. Cette proposition a été reprise par le Gouvernement. Comme l’a indiqué M. Stéphane Créange, chef du bureau B2 de la Direction de la législation fiscale, lors de son audition par la commission, « nous clarifions actuellement notre doctrine : pour faire simple, je dirai qu’une association qui exerce dans l’Union européenne égalera une association exerçant en France. Par exemple, un particulier désireux d’aider une association autrichienne d’action culturelle pourra bénéficier d’une réduction d’impôt si toutes les autres conditions que doivent remplir les associations françaises le sont également par cette association autrichienne, ce qui ne sera pas sans soulever le problème concret du contrôle. » (88)

Il est également suggéré de renforcer la transparence du dispositif d’encouragement aux dons en assurant une traçabilité et le suivi de la dépense fiscale, en distinguant les sommes versées pour des actions nationales de celles destinées à des actions hors de l’Union européenne, ce qui permettra à la fois un meilleur contrôle de l’utilisation de ces dons par l’administration et une meilleure connaissance des actions menées.

Enfin, il serait probablement utile de mieux faire connaître un autre outil fiscal, aujourd’hui peu utilisé, et qui concerne les dons sur successions : en effet, l’article 788-III du CGI prévoit que tout héritier peut décider de faire don de tout ou partie de sa part successorale ou de son legs à une association ou à une fondation remplissant certaines conditions. Dans ce cas, le don est intégralement déductible du montant de sa part sur la succession et vient alléger le montant des droits à payer, le montant du don n’étant pas plafonné.

Comme l’a souligné Mme Françoise Sampermans, il s’agit d’une des « méthodes de collecte actuelles qui n’ont pas encore été utilisées au maximum. Je songe en particulier aux legs, sur lesquels nous ne travaillons pas depuis très longtemps et auxquels nos adhérents recourent encore peu, car les campagnes, délicates à mener, requièrent un grand professionnalisme. » (89)

Recommandation Mieux faire connaître les avantages liés aux dons sur successions

c. Développer et accompagner les nouvelles formes de don

Comme le souligne un récent rapport consacré aux financements innovants des associations et fondations, « on ne parvient pas à crever le plafond de verre des 5 à 6 millions de donateurs fidèles aux associations ; les outils et solutions actuels de collecte sont arrivés à maturité, et pour certains à saturation. […] le marché est vieillissant, l’ensemble de la collecte de fonds est formatée par le bulletin de soutien et le chèque. C’est un modèle historique qui représente 90 % de la collecte de fonds. » (90)

Il est donc indispensable pour les associations de faire évoluer leur modèle culturel pour innover en matière de financement, trouver de nouvelles sources, de nouveaux gisements et marges de croissance.

Le rapport souligne que si le secteur associatif est extrêmement innovant pour ce qui concerne ses actions sur le terrain et les services qu’il rend, il l’est beaucoup moins en ce qui concerne la collecte de ses ressources. Les associations ont rarement été proactives dans la recherche de nouveaux outils de collecte, ayant plutôt tendance à suivre le développement des technologies et les évolutions règlementaires (loi TEPA, loi sur le mécénat, création du fonds de dotation, loi sur les fondations abritantes, etc.), ou à adopter des solutions ayant fait leurs preuves à l’étranger.

Trois obstacles à l’innovation sont identifiés : le manque de moyens humains et de budget des associations, le manque d’implication de la gouvernance et une culture de l’innovation insuffisante sur le secteur. Le monde associatif, en particulier les associations faisant massivement appel à la générosité publique, doit aujourd’hui réfléchir à ses objectifs et à ses méthodes afin de lever les freins à l’innovation.

Cela est d’autant plus important que, contrairement à certaines idées reçues, « la générosité n’attend pas le nombre des années : même si les seniors se montrent plus attentifs et, pour certains d’entre eux, disposent de moyens plus importants, les nouvelles générations ne sont pas en reste. » (91) Cet élément particulièrement satisfaisant et prometteur souligne l’intérêt pour les associations d’investir dans les nouvelles technologies pour faire connaître leur action et mieux recueillir les fruits de la générosité des Français et pour les pouvoirs publics d’accompagner cette évolution.

Dans cette perspective, il serait utile de revoir le cadre juridique de l’appel à la générosité publique tel que fixé par la loi du 7 août 1991 pour l’adapter aux nouvelles technologies. L’un des moyens susceptibles de développer les ressources privées des associations et structures juridiques assimilées consiste en effet à lancer des campagnes d’appels aux dons par sollicitation directe, envoi de courriers ou transmission de messages d’incitation par insertion dans la presse, affichage et utilisation des moyens fournis par les nouvelles technologies pour diffuser les messages. Ces pratiques ont été encadrées par des mesures législatives ou réglementaires.

Or, selon le rapport précité du HCVA, « d’une part, les pratiques constatées et les nouveaux moyens utilisés par les opérateurs souffrent d’une inadéquation du cadre aux réalités du moment. D’autre part, la complexité de certaines obligations constitue un frein à l’utilisation de ces moyens par l’ensemble des acteurs du monde associatif et des structures assimilées. » (92)

Recommandation Adapter le cadre de l’appel à la générosité du public aux nouvelles technologies

Autre question liée aux nouveaux moyens de télécommunication, la possibilité de faire des dons par SMS. Mme Gwenaëlle Dufour, directrice juridique et fiscale de France Générosités, a bien expliqué qu’« à l’heure où les donateurs vieillissent et où nous avons du mal à en trouver de nouveaux, le don par SMS permettrait de toucher une cible jeune, que nous pourrions fidéliser en instaurant un prélèvement automatique par le même canal. Le secteur a beaucoup travaillé avec les opérateurs téléphoniques pour élaborer une offre, des tests ont été réalisés, mais la directive communautaire sur les services de paiements de 2007, qui a fait l’objet d’une interprétation très restrictive, empêche d’aller plus loin sauf à ce que les opérateurs téléphoniques se fassent agréer comme opérateurs de paiement, ce qu’ils ne souhaitent pas. » (93)

Cela est d’autant plus dommageable que lors de l’opération « SMS de soutien pour l’Asie » (Tsunami de 2004), les opérateurs Bouygues, Orange et SFR avaient reversé la totalité des gains sur les SMS aux organismes humanitaires. Orange avait même ajouté 1 euro à chaque SMS reçu sur une période de 8 jours. L’État lui-même n’avait pas perçu la TVA sur ces opérations. Le Secours catholique avait collecté plus de 1 million d’euros et la Croix-Rouge française plus de 2 millions d’euros sur ces opérations SMS.

M. Olivier Lebel a regretté, lui aussi, cette interprétation restrictive de la directive sur les services de paiement du 13 novembre 2007 par l’Autorité de la concurrence, la France étant apparemment le seul pays européen à l’interpréter en ce sens. Votre rapporteure regrette ce blocage et souhaite que, sans attendre la renégociation de la directive, le Gouvernement fasse en sorte que les dons par SMS soient autorisés.

Recommandation Autoriser et promouvoir les dons par SMS

Autre forme de don, beaucoup plus traditionnel celui-là, le don agricole. Jusqu’à l’année dernière, les dons agricoles en nature n’étaient éligibles à une réduction d’impôts de 60 % de la valeur du don que lorsqu’ils étaient remis directement par l’agriculteur aux associations caritatives. Or, ces dons directs ne sont matériellement possibles que dans certaines filières agricoles, dont les produits peuvent être consommés sans conditionnement ni transformation préalable.

Des discussions ont donc eu lieu entre la filière laitière et l’ensemble des associations d’aide alimentaire et ont abouti, le 17 décembre 2013, à l’annonce par M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, de la mise en place d’un dispositif fiscal adapté aux dons de lait.

Ce premier pas est extrêmement positif mais il faut maintenant aller plus loin. Comme l’a souligné M. Olivier Berthe, « nous négocions depuis dix-huit mois des moyens de faciliter les dons agricoles, mais, malgré notre travail et un début de mise en œuvre de dons de produits laitiers, nous n’avons pas encore abouti. Il est grand temps que les choses s’accélèrent. » Interrogé sur les obstacles rencontrés, M. Berthe a poursuivi : « Le blocage ne vient pas du pouvoir politique mais d’une administration centrale qui considère que l’opération serait coûteuse. Certes, l’incitation fiscale que nous demandons – il en existe une pour les dons d’argent – pourrait coûter quelques millions, mais l’effet de levier serait considérable. » (94)

Votre rapporteure a bien conscience que l’élargissement de la défiscalisation à d’autres produits transformés soulève des difficultés techniques plus complexes que pour le lait et, selon les informations recueillies auprès du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, le Gouvernement y travaille activement. Il est temps aujourd’hui de lever les obstacles administratifs et d’aller jusqu’au bout de la démarche engagée l’an dernier.

Recommandation Élargir à l’ensemble des produits transformés la défiscalisation des dons agricoles

2. Les difficultés du mécénat d’entreprise

Après s’être régulièrement développé, le mécénat d’entreprise semble connaître depuis quelques années un réel ralentissement en raison de la mauvaise conjoncture économique. L’objectif doit être aujourd’hui de stabiliser le cadre fiscal et de le rendre plus accessible aux PME.

a. Un mécénat important mais affecté par la crise

Comme nous l’avons vu précédemment, l’État a décidé depuis un peu plus de dix ans de soutenir fortement le mécénat d’entreprise auprès des associations en mettant en place un dispositif incitatif fiscal important.

Le dispositif est un indéniable succès puisque le nombre d’entreprises bénéficiaires est passé de 6 500 en 2006 à 37 260 en 2013. Le volume financier du mécénat d’entreprise a également augmenté puisque selon les sources fiscales disponibles, il est passé de 250 millions d’euros en 2005 à environ 1,25 milliard d’euros en 2014.

Encore, ce chiffre est-il certainement sous-évalué car près de 50 % des entreprises pratiquant le bénévolat – au premier rang desquelles les petites entreprises – ne profitent pas de la défiscalisation. L’ADMICAL, association fondée en 1979 dans le but de promouvoir le mécénat en France, estime ainsi que le volume du mécénat en France en 2014 atteint 2,8 milliards d’euros (95).

Pour impressionnant qu’il soit, ce montant est néanmoins en baisse depuis quelques années (96), selon de nombreux acteurs. Cette baisse est parfois expliquée par les incertitudes entourant le cadre fiscal du mécénat d’entreprise, certains étant tentés de réduire le taux de 60 % de déductibilité des dons. Elle est surtout évidemment la conséquence de la crise économique qui affecte les entreprises françaises et qui les oblige à réduire leurs coûts.

b. Les grandes caractéristiques du mécénat d’entreprise

Outre son niveau, l’étude de l’ADMICAL de cette année apporte de précieux renseignements sur le mécénat d’entreprise aujourd’hui. Ainsi, si 12 % des entreprises françaises pratiquent le mécénat, le taux d’engagement est très variable selon la taille de l’entreprise : 28 % chez les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises, 14 % chez les PME et 11 % chez les TPE.

Les engagements financiers sont également très différents selon la taille :

– les ETI et grandes entreprises (2 % des mécènes, soit 3 180 entreprises) donnent 1,6 milliard d’euros, soit un budget moyen de près de 500 000 euros. Selon l’ADMICAL, « leur engagement est stable, notamment parce que ces entreprises développent un mécénat très professionnel, intégré à la stratégie de l’entreprise, combiné à des impératifs forts en terme de responsabilité sociale » ;

– les PME mécènes (30 210 entreprises) donnent 532 millions d’euros, cet engagement étant en recul ;

– enfin, les TPE mécènes (125 610 entreprises) donnent 700 millions d’euros, soit un budget moyen de 5 573 euros.

Le social reste le plus important secteur d’activité bénéficiaire du mécénat, suivi par la santé, qui fait son apparition parmi les domaines mobilisant le plus les entreprises, et la culture. Quant au sport, il mobilise un nombre très important d’entreprises (56 % d’entre elles) mais pour un montant relativement limité.

c. Un mécénat à consolider

Les limites du mécénat d’entreprise sont connues. En premier lieu, les perspectives économiques ne permettent guère d’être optimistes quant à son niveau général. De plus, tous les secteurs ne sont pas susceptibles d’en bénéficier : comme l’a souligné M. Jean-Pierre Ledey, président de Planète Sciences, « le mécénat des entreprises est trop peu orienté vers la culture scientifique et technique, alors que c’est souvent pour eux un vivier et une façon de préparer les jeunes à la vie professionnelle. » (97)

De même, les petites associations sans salarié, qui constituent la très grande majorité du monde associatif, ont probablement peu accès au mécénat d’entreprise. Et pourtant, les TPE et les PME agissent de manière quasi exclusive au niveau local.

Si l’on souhaite que le mécénat d’entreprise se diffuse et atteigne une plus grande part du monde associatif, ce sont donc les TPE et les PME qu’il faut soutenir. Or, comme le souligne le rapport du HCVA, le plafond de 5 pour mille du chiffre d’affaires est « trop souvent un frein à l’augmentation du montant de leurs dons pour les micro-entreprises et les PME. » (98) Cette difficulté avait d’ailleurs déjà identifiée par les rapports de nos collègues Michel Herbillon (99) et Muriel Marland-Militello (100), ainsi que par Pierre Léautey, alors rapporteur pour avis du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Il pourrait donc être envisagé d’établir une franchise de 10 000 euros pour l’ensemble des montants engagés au titre du mécénat, au-delà desquels s’appliquerait le plafond actuel de 0,5 %.

Recommandation Stabiliser le cadre fiscal du mécénat d’entreprise et le rendre plus accessible aux PME

3. Le développement contraint des ressources propres

Pour faire face à la baisse des financements publics et au ralentissement des dons issus de la générosité des particuliers ou des entreprises, il est souvent conseillé aux associations de développer leurs ressources propres, à savoir les cotisations et les ventes aux usagers. Une telle évolution se heurte néanmoins à des obstacles importants et suppose une évolution de la fiscalité.

a. La place importante des ressources propres

Cotisations et ventes aux usagers constituent aujourd’hui les ressources principales de la très grande majorité des associations. Les cotisations ne représentent que 11 % du financement total des associations, mais 72 % d’entre elles en perçoivent et celles-ci constituent souvent la ressource unique de la structure. Cela est particulièrement vrai dans le domaine sportif.

Les ressources générées par la vente de prestations aux usagers constituent une source de financement plus importante encore que les cotisations (les deux notions sont parfois entremêlées dans les petites associations) puisqu’elles représentent 36 % des ressources du monde associatif. C’est la ressource qui a le plus progressé entre 2005 et 2011 puisque l’augmentation annuelle a été de 4,3 %.

Il peut apparaître tentant de miser sur une augmentation continue de ces ressources, les associations pouvant librement fixer le montant de leurs cotisations ou le prix de leurs prestations. Cette analyse théorique se heurte néanmoins à deux obstacles de taille : le premier est le pouvoir d’achat des Français ; le second est la vocation même du projet associatif qui est d’être ouvert au plus grand nombre.

Le premier obstacle est donc le pouvoir d’achat des Français qui n’est malheureusement pas épargné par la crise économique que traverse notre pays. Une hausse trop forte des cotisations ou du prix des prestations peut bloquer l’accès de certaines familles à des activités qui devraient pourtant leur être ouvertes. Si l’on prend l’exemple du sport, on constate que même si les cotisations ne sont pas aujourd’hui excessives et permettent l’accès du plus grand nombre à ces activités, certains rencontrent des difficultés.

Selon, M. Patrick Andréani, délégué technique général de la Fédération française de gymnastique, « dans certains sports, la cotisation peut constituer un vrai frein. Mes élèves d’EPS viennent à l’UNSS, qui leur coûte 16 euros. Mais s’ils veulent continuer de pratiquer dans le club local, le coût de la cotisation
– 100 euros, dont environ 40 pour la licence – est dissuasif. Certains paient même en trois fois les 16 euros de l’UNSS !
 » (101)

La seconde difficulté porte sur le respect de l’objet associatif : l’association se distingue de l’entreprise privée en partie par sa non-lucrativité et par sa volonté d’offrir des services accessibles à l’ensemble de la population et pas seulement aux personnes disposant des ressources suffisantes pour y accéder. Mme Joëlle Bottalico a rappelé fort opportunément que les associations n’ont pas vocation à « segmenter » et à sélectionner leur public.

Il est néanmoins possible pour une association, tout en respectant son objectif initial de population-cible, d’étendre son champ d’intervention à d’autres populations. Comme l’explique le rapport précité du HCVA, « l’organisation, l’expérience et le savoir-faire d’une association la mettent en mesure de proposer des services de qualité éprouvée qui peuvent s’appliquer à d’autres usagers que ceux qui constituent sa cible d’intervention prioritaire. Il n’y a aucune raison de l’empêcher de servir cette clientèle solvable dès lors que ce développement ne la détourne pas de la réalisation de sa mission sociale et que la relation qui s’établit avec ces autres usagers ne déroge pas aux règles générales de la prestation de service et de la concurrence. Ce sera notamment le cas si la fixation du prix inclut le coût économique du service, corrige les biais éventuels de compétitivité et rejoint les conditions générales de marché.

« En dirigeant une partie de son activité vers des usagers solvables à des prix alignés sur les prix de marché, l’organisation doit normalement dégager une marge d’exploitation qu’elle peut affecter à la couverture de ses activités structurellement déficitaires en direction des populations-cible de sa mission sociale. » (102)

b. Une nécessaire évolution de la fiscalité des associations

Une extension significative des ressources propres ne sera néanmoins possible que si les règles fiscales sont ajustées dans un sens moins contraignant.

Un petit retour en arrière peut, à cet égard, être éclairant. Comme l’a justement souligné M. Jean-Luc Barçon-Maurin, il faut « rappeler la situation qui prévalait dans les années 1990, années durant lesquelles les associations se plaignaient de faire l’objet d’un très grand nombre de contrôles fiscaux. C’est dans ce contexte que les pouvoirs publics ont confié, en 1997, à un conseiller d’État, M. Goulard, le soin de rédiger un rapport en vue de remettre à plat la fiscalité des associations. Depuis les années 1997 et 1998, les relations entre l’administration fiscale et les associations ont connu deux périodes.

« La première, qui court jusqu’au milieu des années 2000, a tout d’abord consisté dans l’élaboration de l’instruction fiscale mettant en œuvre les grands principes de la fiscalité applicable aux associations posés dans le rapport Goulard – des principes clairs, nets, précis, opérationnels et équitables, assurant, à la fois, la reconnaissance de la spécificité des associations et le respect du principe de la coopération équitable entre les acteurs économiques. […]

« Durant la seconde période, qui débute au milieu des années 2000 et court jusqu’à aujourd'hui, l’administration a davantage travaillé en interne pour gérer la montée en puissance du rescrit ».

M. Barçon-Maurin a conclu sa présentation en s’interrogeant : « sans doute, le temps est-il venu d’ouvrir un nouvel épisode dans les relations entre l’administration et les associations. » (103)

Votre rapporteure partage cet avis et soutient les propositions de refonte de la fiscalité contenues dans le rapport précité de nos collègues Yves Blein, Laurent Grandguillaume, Jérôme Guedj et Régis Juanico (104).

Deux propositions relatives aux ressources propres sont particulièrement pertinentes.

La première est la suppression du critère de publicité dans la règle des « 4 P » (le produit, le public visé, le prix, la publicité) permettant de juger du caractère lucratif ou non lucratif de l’activité de l’association ; comme l’expliquent très bien nos collègues : « le critère de publicité, d’ailleurs jugé non prépondérant par la doctrine, apparaît aujourd’hui inadapté, dans un contexte où l’accès aux nouvelles technologies s’est fortement développé dans les quinze dernières années. En effet, dans un contexte de fort développement de la publicité de la part des entreprises dans des secteurs tels que les services à domicile, la garde d’enfant ou le tourisme, ce critère est susceptible de limiter, par méconnaissance, l’accès de publics qui en seraient particulièrement demandeurs à l’offre des acteurs non lucratifs. La suppression de ce critère n’empêcherait d’ailleurs pas l’administration fiscale d’examiner cette publicité, en tant qu’elle met ou non en valeur la spécificité des produits proposés, des publics visés et des tarifs pratiqués. » (105)

Recommandation Supprimer le critère de publicité dans la règle des 4 P

La seconde concerne le seuil de lucrativité : les associations qui exercent une activité lucrative non prépondérante bénéficient en effet d’une exonération d’impôts commerciaux à condition que le montant de leurs recettes commerciales n’excède pas 60 000 euros par année civile. Ce montant n’a pas été revalorisé depuis 2002, ce qui est pour le moins contradictoire avec la volonté de développer les ressources propres des associations. Certes, notre collègue Régis Juanico a récemment obtenu l’adoption dans le projet de loi de finances pour 2015 d’un amendement indexant ce seuil sur l’inflation mais il semble indispensable d’aller plus loin. La simple prise en compte de l’inflation au cours de la période 2002-2012 devrait conduire à porter le montant à 72 000 euros environ…

Par ailleurs, parce qu’il est fixé en valeur absolue, ce seuil désavantage les associations dont la gestion est centralisée. Comme l’a souligné Mme Gwenaëlle Dufour, « actuellement, une personnalité morale unique dont dépendent de nombreux comités, comme le Secours catholique, atteint très vite le plafond, contrairement aux structures fédératives où le plafond s’applique à chaque fédération. » (106) Il pourrait être moins inégal de proportionner la franchise aux ressources des structures.

Recommandation Relever le seuil actuel de non-lucrativité ou fixer un seuil en pourcentage des activités

4. De nouveaux modes de financement à explorer

Stagnation des dons des particuliers, reflux du mécénat d’entreprise, difficultés à développer les ressources propres : confrontées à cette situation compliquée, les associations cherchent à élargir leur palette et à développer de nouveaux modes de financement.

Deux d’entre eux sont particulièrement intéressants : les titres associatifs, récemment améliorés par la loi ESS, et le financement participatif, dans lequel certains fondent beaucoup d’espoirs. M. Jean-Pierre Vercamer a expliqué qu’« à l’heure où l’origine des aides évolue, les associations devraient être incitées à se tourner vers d’autres modes de financement – fundraising, crowdfunding, titres participatifs, etc. Nous pouvons faire dans le secteur associatif ce dont nous nous sommes montrés capables dans le domaine bancaire et financier. Il existe dans le monde de grands donateurs disposés à se montrer généreux à condition d’être convaincus de l’efficacité des demandeurs. Les pays latins ne sont pas encore très mûrs dans ce domaine, mais il n’y a aucune raison que nous ne réussissions pas comme les Anglo-Saxons l’ont fait avant nous. » (107)

Malgré les promesses de ces outils, il faut néanmoins avoir conscience qu’ils s’adressent essentiellement aux grandes associations, au mieux aux moyennes. Mais l’on voit mal comment la petite association locale, qui organise une manifestation sportive ou culturelle, pourrait y avoir accès. Ici comme dans beaucoup d’autres domaines, la panacée n’existe pas…

a. Des titres associatifs plus attractifs

Créés par la loi n° 85-698 du 11 juillet 1985, les titres associatifs avaient pour objectif de développer le financement des associations en fonds propres. Peu utilisés, ils étaient tombés dans l’oubli, jusqu’à ce que la loi relative à l’économie sociale et solidaire les revalorise.

M. Aurélien Daunay, directeur des affaires financières de l’Agence d’aide à la coopération technique et au développement (ACTED), a expliqué que « le titre associatif est une dette perpétuelle remboursable à l’initiative de l’émetteur, enregistrée dans les comptes de l’association dans ses fonds associatifs, ce qui permet de renforcer le haut de bilan de la structure. » (108)

Malheureusement, les titres associatifs n’ont été utilisés qu’en de très rares occasions en quasiment trente ans d’existence, notamment en raison de l’intérêt réduit qu’ils présentaient pour les souscripteurs. La rémunération était jusqu’ici trop faible au regard du risque encouru, a fortiori lorsque le remboursement est aléatoire. De plus, monter une telle opération était complexe et contraignant pour l’association.

Constatant l’essor de l’épargne solidaire, qui est parfaitement susceptible de s’orienter vers ce type de placements, le Gouvernement a souhaité revaloriser cet outil. Mme Sophie des Mazery, directrice de Finansol, a indiqué qu’« en dix ans, l’épargne solidaire a connu une forte progression : de 2002 à 2012, le nombre d’épargnants a augmenté de 39 000 à 1 million et l’encours de 300 millions d’euros à 6,2 milliards d’euros. » (109)

La loi relative à l’ESS rend donc plus attractives l’émission et la souscription de titres associatifs, notamment en revalorisant le taux majoré et en prévoyant que les obligations ne soient remboursables qu’à l’initiative de l’émetteur ou si l’association a pu constituer des excédents dépassant le montant initial de l’émission une fois déduits les éventuels déficits constitués sur la même période. Les obligations ne sont alors remboursables qu’à l’issue d’un délai minimal de 7 ans.

La modernisation législative de cet outil étant accomplie, il faudra voir désormais comment, en pratique, les associations et les établissements bancaires se saisissent de cet instrument.

Des exemples passés sont assez encourageants : M. Aurélien Daunay a indiqué que son association a pu lever 5 millions d’euros en 2012 et 2013 : « Ils nous ont permis de lancer des opérations d’urgence aux Philippines et dans les pays limitrophes de la Syrie, mais aussi de relancer nos activités au Liban. Il faut savoir qu’entre la signature d’un contrat avec les bailleurs de fonds institutionnels, qui sont nos financeurs, et la mise en œuvre de nos activités, le temps peut être long. Ces obligations et ces titres nous permettent donc de préfinancer nos activités humanitaires. » (110)

D’autres interlocuteurs de la commission se sont montrés plus circonspects vis-à-vis de cet instrument. Ainsi, M. Gérard Leseul « reste dubitatif quant au développement des titres associatifs, car ils sont indexés sur le taux moyen de rendement des obligations. Sachant que celui-ci se situe aujourd’hui aux alentours de 2 %, cela contraint les associations à verser des sommes importantes pour le remboursement et pour les intérêts (dont le taux se situe aux alentours de 7 %), ce qui n’est pas à la portée de toutes. » (111)

Ce scepticisme est partagé par M. Thierry Guillois, membre du bureau du Haut Conseil pour la vie associative, car la loi permet en effet « un supplément de rémunération pour ces titres, ce qui porte leur rémunération totale à 7 % environ, soit le taux du marché obligataire + 2,5 %. […] Alors qu’une association est une entreprise qui doit pouvoir payer ses salaires, se doter d’un minimum de matériel, recruter des personnels compétents, investir, comment imaginer qu’elle puisse, demain, rémunérer des titres à 6 ou 7 % ? C’est tout simplement impossible ! » (112)

Malgré ces fortes réserves, votre rapporteure considère que la modernisation de cet outil financier destiné aux associations correspond à une attente du monde associatif. À lui de s’en saisir désormais.

b. Le financement participatif, un outil non dépourvu d’ambiguïté

Lors de son audition devant la commission, M. Nicolas Lesur, président de Financement participatif France, définissait la finance participative, ou crowdfunding, comme « un moyen pour un porteur de projet, que ce soit une association, un individu, une collectivité locale, une institution culturelle ou une entreprise, de réunir des fonds via Internet pour financer un projet déterminé auprès d’une communauté de personnes, donc des internautes, qui peuvent être soit des proches, soit de parfaits inconnus. » (113)

Phénomène relativement récent, la finance participative suscite depuis quelques mois un intérêt certain de la part des médias et des pouvoirs publics. Intérêt qui reflète le succès que rencontre ce nouvel outil de financement : selon M. Lesur, « au premier semestre 2014, un peu plus de 66 millions d’euros ont été collectés par l’intermédiaire des plateformes de financement participatif, soit une hausse de 100 % par rapport à la période similaire de l’année précédente. On estime que 150 millions d’euros auront été collectés pour l’année 2014. Cette croissance extrêmement soutenue a tendance à s’accélérer. Nous considérons que nous sommes au début d’un phénomène général qui permettra de collecter de plus en plus d’argent. 6 milliards de dollars devraient être collectés dans le monde en 2014. » (114)

Les associations se sont très vite intéressées à ce nouvel outil, en particulier aux plateformes de dons (qu’il faut distinguer des métiers du capital et du prêt). Ainsi, M. Mathieu Maire du Poset, directeur général adjoint d’Ulule, l’une des principales plateformes, souligne que « depuis sa création, Ulule a lancé au total près de 1 600 projets portés par des associations dont un peu plus de 1 200 pour la seule année 2014, contre 380 en 2013. Sur ces 1 600 projets, 1 072 ont été financés. […] De nombreuses associations, petites et moyennes, viennent collecter des fonds par notre intermédiaire parce qu’elles ne savent pas comment s’y prendre et qu’elles n’ont pas les moyens juridiques ni transactionnels de le faire facilement. Nous leur proposons un outil de collecte avec paiement par carte bleue, chèque, PayPal, bref : des outils qu’elles n’ont pas nécessairement à leur disposition. De même, de plus en plus de grandes organisations non gouvernementales (ONG) utilisent notre plateforme, comme la Croix-Rouge, Médecins du monde, le World Wildlife Fund (WWF), car c’est pour elles une façon de multiplier leurs sources de collecte. »

Le système est simple : « le porteur de projet explique pourquoi il a besoin de fonds – par exemple pour acheter un local. Puis il a une période déterminée – 35 à 45 jours – pour collecter ces fonds. Si à la fin de la période le montant demandé n’est pas atteint, l’opération est dite blanche ; les internautes sont remboursés et la plateforme ainsi que le porteur de projet ne touchent rien. Par contre, si la somme a été atteinte ou dépassée, le porteur de projet encaissera les fonds et les internautes recevront les contreparties promises. » (115)

Ce dispositif semble donc assez séduisant dans la mesure où il permet aux associations de renouveler leurs relations avec leurs donateurs, de s’adresser à un public probablement plus jeune et ainsi de diversifier les sources de financement.

Il suscite néanmoins un certain nombre d’interrogations. Mme Joëlle Bottalico a fait part de ses doutes à la commission d’enquête : « Pour séduisant qu’il paraisse, le dispositif n’est pas sans danger. Il donne l’illusion d’une collecte dédiée uniquement à un projet – souvent un microprojet – en occultant l’idée même de fonds nécessaires au fonctionnement et à la gestion. » (116)

M. Ismaël Le Mouël, président de HelloAsso, première plateforme de financement participatif en France dédiée aux associations (3 400 associations accompagnées, 500 000 euros collectés par mois), a également soulevé un certain nombre de questions, en particulier la conformité de la démarche avec la déontologie élaborée par le Comité de la charte, l’une de ces règles étant de ne pas prendre de commission sur les montants collectés. Or, souligne-t-il, « les plateformes historiques existantes prennent des commissions souvent importantes – environ 8 % – sur les dons versés aux associations. Nous considérons que le crowdfunding est une menace pour les associations si elles ne prennent pas le bon virage de cet univers en pleine mutation. » (117)

M. Thierry Guillois, membre du bureau du HCVA, partageait cette inquiétude : « derrière ces dispositifs se cachent bien souvent des opérateurs privés à but lucratif, et le gain n’est pas toujours à la hauteur des espoirs suscités par des personnes qui manient très bien la communication ! Plus généralement, si l’on n’y prend garde, le mouvement de bascule qui s’opère actuellement vers une recherche de nouveaux financements privés par tous les moyens conduira le secteur dans une impasse économique et financière. » (118)

Ce sujet suscite donc des débats de fond au sein du monde associatif, sans qu’il soit possible pour votre rapporteure de trancher dans un sens ou dans un autre. Ce qui semble acquis, c’est que, comme l’a souligné M. Jean-Benoît Dujol, directeur de la Jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, « ce nouveau mécanisme, qu’il convient d’encourager, nécessiterait sans doute d’être régulé, puisqu’il est actuellement régi par des lois votées avant qu’Internet ne prenne l’importance qu’on lui connaît maintenant, et dont la lourdeur s’accorde mal avec la rapidité, pour ne pas dire l’immédiateté caractérisant les nouvelles technologies. » (119)

Une réflexion est en cours pour encadrer la finance participative : la spécificité associative doit y avoir toute sa place.

Recommandation Accompagner et encadrer le développement de la finance participative en prenant en compte la spécificité associative

CHAPITRE III

LES RESSOURCES HUMAINES DES ASSOCIATIONS EN PÉRIL

Les ressources humaines du secteur associatif, qu’il s’agisse des dirigeants, des salariés ou des bénévoles, pâtissent d’évolutions semblables. La complexification de la gestion administrative décourage tant les responsables associatifs que les salariés et les bénévoles, qui aspirent à mettre en œuvre, de façon concrète, le projet dans lequel ils se sont engagés. Cette même complexification oblige à professionnaliser l’ensemble des ressources humaines associatives, sans que les associations aient nécessairement les moyens de former ceux qui s’occupent de leur gestion ou de leur fonctionnement. Les incertitudes dues à la crise nuisent au développement associatif en freinant non seulement les recrutements, mais aussi l’engagement de bénévoles de terrain comme de responsables associatifs.

A. ASSURER LE RENOUVELLEMENT DES RESPONSABLES ASSOCIATIFS

Le renouvellement des dirigeants associatifs bénévoles est aujourd’hui l’une des difficultés les plus importantes du monde associatif. C’est d’ailleurs, d’après l’étude conduite en 2012 par Mme Viviane Tchernonog et M. Jean-Pierre Vercamer (120), la première difficulté recensée par les associations : 53 % de celles-ci indiquent qu’elles ont du mal à renouveler leurs instances dirigeantes. Cette préoccupation semble aussi prégnante que la crainte de manquer de financements (121). En effet, sans dirigeant, l’avenir de l’association est plus fortement compromis encore.

1. La prise de responsabilités associatives : un exercice difficile

Les contraintes pesant sur les dirigeants associatifs, aussi bien en temps qu’en compétences, associées à des évolutions démographiques, sociales et économiques, expliquent les difficultés que connaissent la plupart des associations à trouver de nouveaux dirigeants.

a. Des contraintes qui influent sur le profil des dirigeants associatifs

Les dirigeants associatifs bénévoles – présidents, trésoriers, secrétaires ou membres du conseil d’administration – prennent une place considérable dans la réalisation du projet associatif. Ces fonctions exigent une disponibilité importante, mais aussi des compétences variées, qu’il s’agisse de droit, de fiscalité, de management, de gestion ou de communication. Aussi le profil des dirigeants associatifs, notamment des présidents, répond-il à ces contraintes.

Les dirigeants associatifs sont généralement issus de catégories socio-professionnelles moyennes et supérieures, notamment dans les associations employeuses. L’exigence de disponibilité conduit par ailleurs à ce que les présidents soient généralement retraités ou sans activité – 48 % des présidents sont retraités, 6 % sont sans activité –, cette proportion étant légèrement plus élevée au sein des associations sans salarié.

Ceci explique la surreprésentation des seniors aux fonctions de président. En effet, seuls 21 % des présidents d’association ont moins de 46 ans, les moins de 36 ans ne représentant que 8 % des présidents d’association. Il apparaît ainsi que « les jeunes présidents sont trois fois moins nombreux que [leur part] dans la population totale », tandis que « les plus de 65 ans sont une fois et demie plus nombreux. » (122) Toutefois, certains secteurs associatifs, comme la défense des droits, l’action humanitaire et les loisirs, semblent plus concernés que d’autres par ce phénomène.

ÂGE DU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION SELON LE SECTEUR D’ACTIVITÉ

Secteur d’activité

18-35 ans

36-45 ans

46-55 ans

56-65 ans

Plus de 65 ans

Action caritative et humanitaire

7 %

6 %

15 %

29 %

43 %

Action sociale, santé

8 %

12 %

20 %

27 %

33 %

Défense des droits et des causes

4 %

12 %

9 %

17 %

57 %

Éduction, formation, insertion

11 %

17 %

18 %

21 %

33 %

Sport

10 %

17 %

27 %

28 %

18 %

Culture

8 %

10 %

19 %

29 %

33 %

Loisirs et vie sociale

8 %

14 %

14 %

24 %

40 %

Économie et développement local

7 %

20 %

18 %

37 %

19 %

Ensemble

8 %

13 %

19 %

26 %

34 %

Source : Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, 2013

Enfin, les dirigeants associatifs sont généralement des hommes. En effet, 66 % des présidents d’association sont de sexe masculin, proportion qui se trouve même accrue dans les associations de dix salariés et plus (123). À l’inverse, les fonctions de secrétaire d’association sont exercées à 60 % par des femmes. La parité est toutefois mieux respectée pour les fonctions de trésorier.

b. Des évolutions défavorables au renouvellement des responsables associatifs

Plusieurs évolutions freinent le renouvellement des dirigeants associatifs. En premier lieu, le recul de l’âge de la retraite tend à limiter le vivier de responsables bénévoles, notamment pour les associations sans salarié, qui sont majoritairement dirigées par des personnes retraitées. Par ailleurs, l’augmentation du nombre d’associations accroît cette tension sur les capacités de la population à fournir des dirigeants bénévoles. Là encore, un effet de ciseaux – diminution du nombre de dirigeants bénévoles potentiels et augmentation des besoins – limite le renouvellement des dirigeants, ce qui peut expliquer l’ancienneté parfois importante des dirigeants associatifs : dans 25 % des cas, les présidents d’association occupent ces fonctions depuis plus de dix ans.

Par ailleurs, comme cela a été indiqué à maintes reprises au cours des auditions de la commission, la complexification de la gestion associative et les compétences toujours accrues nécessaires à l’administration d’une association tendent à décourager les responsables potentiels, freinant le renouvellement des dirigeants en place. Ainsi, 60 % des présidents d’association ont déjà envisagé de quitter leur fonction, notamment du fait de la charge très lourde représentée par cette tâche et de l’impossibilité d’être secondé (124).

De même, une perception plus aiguë des risques juridiques encourus limite les vocations. Comme l’a indiqué M. Karl Deschamps, secrétaire national délégué aux vacances à la Ligue de l’enseignement, « la difficulté de renouveler les dirigeants associatifs tient également à la technicisation de la gestion des plus grosses associations qui enferment les administrateurs dans des responsabilités de managers, d’employeurs ou de gestionnaires, lesquelles accroissent leur perception du risque individuel encouru. » (125) Mais c’est aussi la volonté de s’investir dans l’action concrète de l’association, plutôt que dans sa gestion, qui limite le passage du statut de simple bénévole à celui de dirigeant associatif.

Les fonctions de trésorier sont également touchées par cette désaffection, comme l’a indiqué M. Jean-Michel Darmian, membre du bureau de l’Association des maires de France, évoquant également le manque de reconnaissance dont souffrent les responsables associatifs : « Un poste en particulier devient très difficile : celui de trésorier. Les volontaires pour l’occuper se font de plus en plus rares car cela implique d’assumer des responsabilités de plus en plus lourdes, qu’il s’agisse des déclarations fiscales, de la déclaration de la TVA ou des exonérations de charges sur les manifestations. » (126)

Mais le frein au renouvellement est également lié, pour certains, à l’incertitude générale qui pèse aujourd’hui sur les individus, en lien avec la crise économique : « la crise crée objectivement de l’insécurité sociale pour chaque individu : qui peut être certain, à échéance de deux ou trois ans, d’habiter la même commune, d’exercer le même emploi ? Qui va, dès lors, s’engager durablement sur son territoire ? Ce changement du rapport au groupe, du rapport au collectif, influe sur le renfermement des uns et des autres dans des activités liées à leur vie quotidienne, à leur vie familiale, à leurs centres d’intérêt personnels. » (127) Au total, il devient de plus en plus difficile, pour les dirigeants associatifs en place, de trouver leurs successeurs.

2. Des pistes pour favoriser le renouvellement des dirigeants associatifs

Face à cette situation préoccupante, plusieurs pistes doivent aujourd’hui être explorées pour permettre aux associations d’assurer sereinement le renouvellement de leurs instances dirigeantes.

a. Jouer sur le facteur temps : le congé d’engagement

La mise en place d’un congé d’engagement est évoquée de longue date par le monde associatif comme une possible solution au problème du renouvellement des dirigeants bénévoles. En effet, le congé de représentation actuellement prévu par l’article L. 3142-51 du code du travail, par essence limité, ne saurait répondre aux besoins actuels des associations. Ce dispositif permet au salarié membre d’une association de bénéficier de congés lorsqu’il doit siéger, au nom de l’association, au sein d’instances créées par la loi ou le règlement auprès d’une autorité étatique ou d’une collectivité territoriale. Il s’agit, par exemple, du conseil d’administration du Musée du sport ou du conseil d’administration de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.

En donnant aux salariés un droit à congé spécifique, la création d’un congé d’engagement faciliterait l’accès des actifs – qui manquent généralement de temps pour s’engager dans la vie associative – à l’exercice de responsabilités. Le Haut conseil pour la vie associative (HCVA), dans son avis sur le congé d’engagement, préconise de créer un « congé pour l’exercice de responsabilités associatives ouvert aux élus qui siègent dans les organes de direction des associations d’intérêt général ou bénéficiant d’un agrément ou qui, sans être élus, sont responsables au sein de ces associations d’activités jugées par elles comme essentielles pour la mise en œuvre du projet associatif. Ce congé, d’une durée de douze jours annuels au maximum, pourrait être fractionné en demi-journées. Il ne serait en principe pas rémunéré, mais resterait assimilé à une période de travail. » (128)

Ce congé d’engagement doit, pour être efficace, concerner le plus grand nombre possible d’associations, celles qui réunissent un nombre restreint de personnes autour d’intérêts privés n’ayant toutefois pas vocation à bénéficier du dispositif. Il doit également concerner les responsables associatifs au sens large, bien que cette notion soit difficile à cerner, la loi du 1er juillet 1901 ne faisant référence qu’aux personnes qui sont, « à un titre quelconque, […] chargées de son administration » (129). Au-delà des personnes dont l’identité figure dans la déclaration faite à la préfecture, il conviendra aussi de viser les personnes participant aux instances dirigeantes de l’association, quelle que soit leur forme.

Enfin, quant au quantum, il apparaît que douze jours de congés constituent un nombre raisonnable, même si l’exercice de responsabilités associatives est généralement plus chronophage. À tout le moins, cela incitera les actifs qui sont éventuellement déjà bénévoles à s’investir davantage dans la gestion de l’association, en participant par exemple à son conseil d’administration, et à occuper, à terme, des fonctions plus importantes.

Recommandation Créer un « congé pour l’exercice de responsabilités associatives » de douze jours pour les bénévoles participant aux instances dirigeantes d’associations d’intérêt général

En application de l’article 67 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire adoptée en juillet dernier, le Gouvernement doit remettre au Parlement, au début de l’année 2015, un rapport sur la création d’un congé d’engagement pour l’exercice de responsabilités associatives bénévoles. Votre rapporteure se félicite de ce que M. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, ait fait part, lors de son audition (130), de sa volonté d’engager rapidement un travail concerté avec les partenaires sociaux afin de définir les contours de ce congé d’engagement.

b. Renforcer l’accompagnement des dirigeants associatifs

Les dirigeants associatifs bénévoles bénéficient depuis quelques années de l’accompagnement de structures subventionnées par l’État et les collectivités territoriales pour la gestion de leur association. En effet, au-delà des missions d’accueil et d’information des associations (MAIA) placées sous l’autorité du préfet du département et animées par le délégué départemental à la vie associative (DDVA), des centres de ressources et d’information des bénévoles (CRIB) ont vu le jour à partir de 2003.

Initialement cantonnées au domaine sportif, les compétences des CRIB ont été élargies à l’ensemble du monde associatif. Présentes dans tous les départements, ces associations labellisées ont pour vocation d’informer et d’accompagner les bénévoles, en particulier dirigeants, dans l’administration, la vie statutaire, la gestion comptable, la fiscalité et l’emploi associatifs. En outre, le ministère a récemment entrepris de recenser l’ensemble des structures associatives ou publiques susceptibles d’apporter leur soutien aux dirigeants bénévoles. Environ 1 000 points d’appui locaux sont ainsi référencés sur le site internet du ministère dédié à la vie associative (131).

Eu égard au nombre d’associations qui existent aujourd’hui en France et au dynamisme qui préside à leur création, ce nombre peut sembler inférieur aux besoins. De surcroît, ces structures n’ont pas toutes le même degré d’intervention, certaines ne délivrant qu’une simple information. Or, les dirigeants bénévoles ont besoin d’un accompagnement réel et concret pour assumer la gestion de leur association. Il convient donc de faire en sorte que ces structures, notamment les CRIB, se professionnalisent et disposent de moyens d’ingénierie suffisants pour soutenir de façon effective le développement de la vie associative. Le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP), qui subventionne la création d’emplois au sein de structures associatives, assure depuis 2010 le financement de 153 postes au sein des CRIB ; ce soutien devrait être accru.

Recommandation Soutenir le développement et la professionnalisation des centres de ressources et d’information des bénévoles

Enfin, l’article 79 de la loi ESS – qui permet aux organismes paritaires collecteurs agréés de créer des fonds spécifiques – vise à pallier les insuffisances de la formation des dirigeants bénévoles, qui ne bénéficient que peu du soutien du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). À l’heure actuelle, ces fonds ne peuvent être abondés que par les associations ; il serait opportun que l’État, les collectivités territoriales, mais aussi des acteurs privés comme les particuliers et les entreprises, puissent financer ces fonds, pour donner à cette disposition toute sa portée.

Recommandation Ouvrir le financement des fonds de formation des dirigeants bénévoles aux acteurs publics comme privés

c. Attirer les jeunes vers les responsabilités associatives

Pour élargir le vivier des responsables associatifs, il faut également réfléchir à la façon dont les jeunes adhérents ou bénévoles, notamment mineurs, sont aujourd’hui intégrés à la vie des associations. En effet, comme l’a indiqué M. Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, « l’enjeu de la pré-majorité […] n’est autre que le recrutement des futurs responsables associatifs. » (132) En permettant aux jeunes d’accéder plus rapidement aux responsabilités associatives, c’est effectivement le renouvellement des dirigeants associatifs qui se trouve facilité.

À l’heure actuelle, l’article 2 bis de la loi du 1er juillet 1901, introduit en 2011 (133), dispose que « les mineurs de seize ans révolus peuvent librement constituer une association. Sous réserve d’un accord écrit préalable de leur représentant légal, ils peuvent accomplir tous les actes utiles à son administration, à l’exception des actes de disposition ». Ainsi, si les mineurs de seize ans révolus peuvent constituer une association, cette faculté est très encadrée : pour administrer de façon concrète leur association, les mineurs doivent disposer d’un accord écrit préalable de leurs parents ; par ailleurs, les actes de disposition faits au nom de l’association, qui engagent le patrimoine – par exemple, un emprunt, la vente d’un immeuble, une donation – ne leur sont pas permis.

La pré-majorité associative soulève en réalité deux questions : d’une part, l’âge à partir duquel on donne certains droits associatifs au mineur normalement incapable ; d’autre part, l’étendue de ces droits. S’il paraît raisonnable de ne pas permettre aux mineurs l’accomplissement d’actes de disposition  – leur responsabilité pouvant être engagée en cas de gestion fautive –, il convient toutefois d’assouplir le dispositif actuel et de sortir, comme l’a indiqué Mme Nadia Bellaoui, de ce « climat de défiance à l’égard des mineurs. » (134)

L’âge de la pré-majorité associative devrait être abaissé à 12 ans. C’est en effet l’âge à partir duquel le Réseau national des juniors associations (RNJA) permet à des mineurs de créer leur association ; il ne semble pas que, dans la pratique, la jeunesse de ces fondateurs d’association soulève de problèmes particuliers. Par ailleurs, à partir de 15 ans, une simple information des parents, devrait suffire à présumer leur accord – sauf opposition expresse de leur part – sans qu’il soit nécessaire au mineur d’obtenir un écrit préalablement à sa prise de fonctions.

Recommandation Assouplir le dispositif de pré-majorité associative pour les mineurs de quinze ans et ouvrir aux mineurs de douze ans la possibilité, avec l’accord préalable de leurs représentants légaux, de créer et de réaliser certains actes de gestion courante d’une association

Bien sûr, si une telle disposition a vocation à encourager la création d’associations de mineurs, elle permet également à toutes les associations de faire participer plus de jeunes à leur gestion. Elle restera donc sans effet si les associations ne modifient pas leurs règles de gouvernance pour accueillir des jeunes en leur sein. Le mouvement associatif lui-même doit donc travailler, dans son propre intérêt, à l’accueil de jeunes administrateurs.

B. CONSOLIDER L’EMPLOI ASSOCIATIF

Le monde associatif emploie un nombre croissant de salariés et représente aujourd’hui un peu moins de 10 % de l’emploi privé. S’il a mieux résisté à la crise que ce dernier, l’emploi associatif n’en a pas moins subi les effets de la contraction des financements publics, de la stagnation des dons privés et de l’augmentation sensible, dans certains secteurs, de la demande adressée aux associations. À cela s’ajoutent d’importants problèmes de recrutement, qui ne trouvent qu’une partie de leur remède dans la mise en place d’emplois aidés. C’est aujourd’hui d’emplois qualifiés dont le secteur associatif a besoin, sans pour autant en avoir les moyens.

1. Le monde associatif, moteur de l’emploi

L’emploi associatif est aujourd’hui relativement bien appréhendé par les statistiques. Comme votre rapporteur l’a indiqué dans le chapitre I, les données issues de l’Acoss, de l’assurance chômage, de la Mutualité sociale agricole, du répertoire SIRENE de l’INSEE ou bien encore des déclarations annuelles de données sociales, permettent en effet de mesurer le nombre d’emplois salariés, la masse salariale et le nombre d’employeurs dans le monde associatif.

D’après les données de l’Acoss (135), l’emploi associatif s’établit, au deuxième trimestre de l’année 2014, à 1 742 000 emplois, soit un peu moins de 10 % de l’emploi privé. Cela est cohérent avec les données issues de l’INSEE qui évalue, pour 2012, l’emploi associatif à 1,5 million d’équivalent temps plein, ainsi qu’avec les données retraitées par l’association Recherches & Solidarités (136), qui indiquent qu’en 2013, le nombre de salariés associatifs atteignait 1,8 million de personnes. Ainsi, on peut estimer, comme Mme Viviane Tchernonog dans son ouvrage Le paysage associatif français, que l’effectif salarié est de l’ordre de 1,8 million de personnes.

On dénombre aujourd’hui environ 165 000 associations employeuses dont la masse salariale s’élève à 37 milliards d’euros (137), soit seulement 6,5 % de la masse salariale privée. Du reste, le salaire mensuel moyen s’établit, au deuxième trimestre de l’année 2014, à 1 726 euros, contre 2 473 euros pour l’ensemble du secteur privé.

Au total, peu d’associations emploient du personnel salarié. D’après l’enquête conduite par le Centre d’économie de la Sorbonne en 2011 et 2012 (138), 53 % des effectifs salariés du monde associatif appartiennent au secteur social et médico-social, 18 % au secteur de la culture, du sport et des loisirs, et 15 % au secteur de l’éducation, de l’insertion et de la formation. Votre rapporteure rappelle également que l’emploi associatif est très concentré, puisque 2 % des associations employeuses réunissent 50 % de l’effectif salarié.

RÉPARTITION DE L’EMPLOI SALARIÉ SELON LE SECTEUR D’ACTIVITÉ (en %)

Source : Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, 2013

L’emploi associatif présente quelques spécificités par rapport à l’emploi privé en général (139). Notamment, le monde associatif emploie majoritairement des femmes. En effet, 68 % des salariés associatifs sont de sexe féminin, proportion qui est renforcée dans des secteurs comme l’action sociale et la santé ou encore l’action caritative et humanitaire ; en revanche, le salariat masculin est majoritaire dans le secteur associatif sportif. Le secteur culturel, quant à lui, est paritaire. Le niveau de qualification des salariés du monde associatif est plus élevé que celui du secteur privé : 41 % des salariés du monde associatif ont un diplôme supérieur au niveau bac + 2. Les salariés les plus qualifiés travaillent dans le secteur de la défense des droits, de la culture et de l’économie. En termes de rémunération, les emplois associatifs sont, à qualification égale, moins bien rémunérés.

L’emploi associatif a des caractéristiques proches de la fonction publique. De fait, a souligné M. Matthieu Hély, « les enquêtes montrent que les travailleurs associatifs sont, plus fréquemment que dans le reste de la population active, des enfants de fonctionnaires, comme si, par un mécanisme de transmission sociale de valeurs d’utilité sociale, d’intérêt général etc., les travailleurs associatifs, faute de pouvoir réaliser leur destin professionnel dans le cadre de l’emploi public, trouvaient une alternative dans le monde associatif pour concilier leurs valeurs avec leur activité professionnelle. […] On peut se demander si l’on n’assiste pas à la naissance d’une sorte de quatrième fonction publique du point de vue des missions, sans le statut puisque le travail associatif est réalisé dans les conditions du secteur privé, voire parfois en deçà. » (140)

L’emploi associatif est, sur longue période, particulièrement dynamique. En effet, « le nombre d’emplois salariés dans les associations a crû sur la longue période à un rythme très élevé, deux fois plus rapide que l’évolution moyenne de l’emploi privé ; il s’est maintenu ou développé dans les périodes où l’économie perdait des emplois. » (141) Entre 2000 et 2008, le taux de croissance annuel de l’emploi associatif était de 4 % à 6 %, ce qui a permis à celui-ci d’augmenter de 25 % au total entre 2000 et 2010. Pour Mme Tchernonog, « l’emploi salarié dans les associations s’est développé très vite, parce que les associations étaient capables de créer des emplois liés à leur utilité sociale croissante, mais aussi parce qu’elles comptent nombre d’emplois tertiaires et sociaux, également très dynamiques dans le secteur privé lucratif. » (142)

L’emploi associatif a cependant subi, à partir de 2011, les effets de la crise économique et financière. Il a ainsi perdu en 2011 environ 0,5 % de ses effectifs, avant d’augmenter à nouveau à partir de 2012. Mais en 2013, il n’avait pas retrouvé le niveau atteint en 2010. Certains secteurs ont été particulièrement touchés, et le sont encore, comme l’enseignement, l’aide à domicile, la culture, la recherche scientifique.

ÉVOLUTION ANNUELLE DU NOMBRE D’EMPLOIS
DANS LES DIFFÉRENTS SECTEURS D’ACTIVITÉ

Source : Recherches & Solidarités, La France associative en mouvement, 2014

Cependant, la crise a eu des effets sur l’emploi moins importants que dans le secteur privé, ceux-ci s’étant de surcroît déployés avec retard. En effet, une grande partie de l’emploi associatif est acyclique : « la concentration de nombreux emplois dans les secteurs de l’action sociale, de la santé et de l’éducation notamment explique qu’un certain nombre d’emplois concernent une activité indépendante de la conjoncture. Un hôpital, une école, une maison de retraite ont une dynamique indépendante des phénomènes conjoncturels. » (143) Par ailleurs, en dépit de la contraction des financements publics, « les collectivités publiques ont reconduit leurs financements en direction des associations ayant des effectifs salariés importants et effectuant des missions de service public » (144). Les politiques économiques contracycliques mises en place pour répondre à la crise, comme les emplois aidés, ont également bénéficié aux associations.

2. L’emploi associatif en danger

L’emploi associatif, bien que relativement dynamique, connaît aujourd’hui d’importantes difficultés qui, si elles ne sont pas prises en compte, risquent d’avoir des conséquences graves à moyen terme. En particulier, la précarisation croissante du salariat associatif, marqué par l’augmentation de la part des contrats à durée déterminée, est préoccupante. Même si l’emploi associatif a toujours été marqué par l’importance des contrats précaires, ceux-ci occupent aujourd’hui une place prépondérante. D’après l’enquête du Centre d’économie de la Sorbonne, la part des contrats à durée indéterminée était 53 % en 2005, mais 47 % seulement en 2011 (145).

Certains secteurs apparaissent particulièrement touchés par le travail précaire, comme l’éducation et la culture. Comme l’a indiqué M. Jean-Damien Terreaux, administrateur de la COFAC, directeur de la Fédération française des Écoles de cirque, « les offres d’emplois du site de la Fédération française des écoles de cirque portent uniquement sur des postes à temps partiel, de 24 heures par semaine au mieux. Dans ces conditions, on imagine aisément que le niveau de salaire d’un animateur dans une école de cirque ne lui permet guère d’en vivre. » (146)

Cela explique en partie les difficultés de recrutement que connaissent les associations. En proposant, à qualifications égales, un salaire inférieur au secteur privé et une stabilité moindre par rapport au secteur public, les associations peinent à recruter le personnel dont elles ont besoin. C’est un cercle vicieux qui se met alors en place : du fait des désavantages comparatifs de l’emploi associatif, les associations « recrutent des personnes qui n’ont pas toujours la qualification requise et les forment, mais le taux élevé de rotation de ces salariés, qui vont rapidement chercher de meilleures conditions d’emploi ailleurs, génère pour elles un important surcoût. » (147)

Ce constat est particulièrement prégnant dans le secteur médico-social. C’est notamment ce qu’a indiqué M. Yves-Jean Dupuis, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP), lors de son audition : « Nous rencontrons des difficultés pour recruter les personnes dont nous avons besoin car notre secteur est de moins en moins attractif. Du fait de nos contraintes financières, en effet, les salaires que nous versons sont tels que les salariés rechignent à venir y travailler et ont parfois intérêt à se tourner plutôt vers le secteur public ou commercial. Les études que nous avons réalisées au niveau de la branche qui regroupe la plupart des acteurs du secteur social et médico-social montrent que plus de 41 % des établissements ont du mal à recruter des infirmières et des aides-soignantes. » (148) Dans le secteur sportif également, notamment au sein de la Fédération française de gymnastique, il est difficile de recruter du personnel encadrant, les bas salaires et les conditions horaires de travail étant peu attractifs.

Si les associations bénéficient de plusieurs dispositifs d’emplois aidés
– contrats d’accompagnement dans l’emploi, contrats d’avenir –, ceux-ci ne semblent pas tout à fait adaptés aux besoins de professionnalisation du monde associatif. Certains secteurs, comme la protection des consommateurs ou la défense des droits, appellent par nature des compétences techniques élevées ; mais c’est désormais aussi le cas de l’aide à domicile, la prise en charge de certains patients, par exemple ceux atteints de la maladie d’Alzheimer, plus lourde, devant être effectuée par des personnels mieux formés.

Or, les emplois aidés s’inscrivent dans une démarche d’insertion sociale et professionnelle, et visent donc à aider des publics peu qualifiés. Les emplois d’avenir, dont 30 000 relèvent des associations en 2014, ciblent par exemple les jeunes non qualifiés. Les 140 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi du monde associatif bénéficient aux demandeurs d’emploi de longue durée et aux personnes ayant des difficultés d’insertion. Le recours à ces contrats suppose donc, de la part de l’association, un effort d’accompagnement et de formation qu’elle n’a pas nécessairement les moyens d’assumer.

Comme l’a très justement souligné Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle, les emplois aidés « ne relèvent […] pas d’une politique d’aide à l’emploi dans les associations mais d’une politique d’aide à l’emploi des personnes éloignées de l’emploi qui, pour une part importante d’entre elles, sont employées par des associations. […] Il peut donc y avoir un décalage entre le type de personnes que souhaitent embaucher les associations et le type de personnes éligibles aux mesures de la politique de l’emploi » (149). Ceci explique que les associations considèrent parfois le service civique comme le moyen d’accéder à une main d’œuvre plus qualifiée et à moindre coût, ce que ce dispositif, qui est avant tout une démarche d’engagement, ne saurait être.

Enfin, si la crise a eu globalement des effets quantitatifs plutôt mesurés par rapport au secteur privé, elle a eu un impact considérable sur les conditions de travail des salariés du monde associatif. En effet, ceux-ci sont exposés à une « double peine » : d’une part, les pertes d’emploi ont accru la charge de travail des salariés restants ; d’autre part, la crise économique a conduit, dans de nombreux secteurs, à prendre en charge des publics plus nombreux et plus en difficulté. Qui plus est, le remplacement de salariés par des bénévoles a pu générer de fortes tensions au sein des associations. S’ajoute à cela la complexité administrative croissante de la vie associative, qui créé chez les salariés le sentiment d’avoir perdu le sens de leur mission. C’est donc une réelle souffrance au travail qui s’exprime aujourd’hui dans le monde associatif.

3. Pour une vraie politique de soutien à l’emploi associatif

Plusieurs dispositifs publics existent aujourd’hui pour faciliter les démarches des associations employeurs. Notamment, l’emploi associatif dans les petites associations est encouragé par le biais du dispositif « Impact Emploi Association » (IEA), créé en 2008 pour répondre au besoin exprimé par le secteur sportif de sécuriser l’emploi. Il permet aujourd’hui à 13 500 associations employeurs de déléguer une partie de leur gestion administrative ayant trait à l’emploi – déclaration unique d’embauche, établissement du contrat de travail, émission des fiches de paye, déclaration des cotisations sociales, etc. – à des tiers de confiance. Ce dispositif concerne essentiellement le secteur sportif.

Le chèque emploi associatif (CEA) permet quant à lui aux associations de moins de 10 salariés à temps plein d’accomplir, par le biais d’un document unique, toutes les formalités liées à l’emploi. Pour M. Vincent Guérinet, directeur-adjoint chargé des opérations à l’URSSAF Île-de-France, « ce dispositif a non seulement permis de faire adopter par les petites associations un modèle déclaratif respectueux de la législation pour l’embauche du premier salarié mais aussi accéléré la dynamique d’embauche […] il semble que ce dispositif ait satisfait tant les associations que l’URSSAF et les salariés. » (150)

Cependant, sur les quelque 132 000 petites associations employeurs qui pourraient bénéficier de ces dispositifs, seules 25 % ont recours au chèque-emploi associatif et 10 % au dispositif « Impact Emploi Association ». Mme Évelyne Fleuret, sous-directrice de la gestion et de la modernisation des comptes cotisants à l’Acoss, a expliqué ces faibles taux de la façon suivante : « les associations, une fois qu’elles sont bien installées et qu’elles ont appréhendé la complexité de la convention collective dont elles relèvent, ne voient aucun inconvénient à utiliser le système déclaratif normal. Il importe aussi de préciser que ces offres de service se présentent comme des guichets uniques traitant de l’ensemble des frais auxquels les associations sont assujetties, y compris en matière de prévoyance et de retraite complémentaire. On peut donc comprendre qu’un employeur préfère garder la main sur la gestion de ce type de cotisations. Voilà sans doute pourquoi le système déclaratif de droit commun semble convenir à de nombreuses associations. » (151)

Par ailleurs, les dispositifs locaux d’accompagnement (DLA), instaurés en 2002 et consacrés par l’article 61 de la loi ESS, ont pour objet de soutenir la professionnalisation de la fonction d’employeur dans le secteur non lucratif. Le DLA, qui se décline aux niveaux national, régional et national, comporte cinq étapes : l’accueil, le diagnostic, l’élaboration d’un plan d’accompagnement, la mise en œuvre de l’accompagnement et le suivi.

Entre 2002 et 2012, les DLA ont accompagné environ 44 000 associations. Une récente étude (152) montre que l’impact de cet accompagnement est extrêmement positif pour l’emploi associatif. Ainsi, entre 2010 et 2012, l’emploi dans les structures ayant bénéficié d’un accompagnement a cru de 2,37 % ; le nombre de contrats à durée indéterminée a progressé de 4 % ; le temps de travail des salariés a augmenté de 47 %, tandis que le nombre d’emplois aidés a diminué de 11 %. Le succès du DLA, qui consolide l’emploi associatif et en améliore la qualité, conduit à préconiser le renforcement du soutien financier de l’État, de la Caisse des dépôts et consignations comme des collectivités territoriales à ce dispositif.

Recommandation Développer le dispositif local d’accompagnement

Au-delà des dispositifs de soutien aux associations employeurs, il convient également de réduire la précarité de l’emploi associatif qui est liée, pour partie, à la place du temps partiel. Les groupements d’employeurs permettent précisément de limiter l’émiettement du temps de travail et d’embaucher à temps plein des salariés pour œuvrer au sein de plusieurs associations. En rendant les emplois plus attractifs, cette structure peut répondre aux problèmes de recrutement que connaissent les associations.

En mutualisant les moyens et en facilitant la gestion de l’emploi, le groupement d’employeurs répond aussi aux freins à l’embauche liés à la complexité administrative. Si ces groupements se développent depuis plusieurs années, sous l’influence de l’État, des collectivités territoriales comme des réseaux associatifs, notamment dans le secteur de la jeunesse et des sports, il apparaît aujourd’hui nécessaire de promouvoir de façon plus active ce dispositif. Du reste, comme l’a indiqué M. Patrick Kanner lors de son audition, ce dispositif constitue « une petite révolution » qu’il est nécessaire d’accompagner (153).

Recommandation Promouvoir de façon plus active le dispositif de groupement d’employeurs auprès des associations

Cependant, ces dispositifs ne sont d’aucune aide lorsque les financements associatifs sont amoindris ou incertains. La consolidation de l’emploi associatif passe avant tout par un soutien financier de long terme au monde associatif et par la simplification de la vie administrative des associations. Mais il faut également que les services de l’État et des collectivités territoriales reconnaissent mieux l’importance de l’emploi associatif, qui comprend de nombreux métiers d’avenir. D’ailleurs, comme l’a souligné avec justesse Mme Édith Archambault, universitaire, « le travail bénévole a, au fil du temps, expérimenté des métiers nouveaux. Historiquement, tout le travail social, infirmières et autres, a été expérimenté bénévolement. Aujourd’hui, on le constate pour le bénévolat sportif, qui devient professionnel, et pour les animateurs culturels, désormais recrutés dans le cadre des activités périscolaires, qui représentent beaucoup d’emplois, mal payés, très fractionnés, comme on peut le constater dans les offres d’emploi proposées par les missions locales. C’est vrai aussi de la médiation des conflits et de la prévention de la délinquance, qui deviennent des métiers alors qu’ils étaient exercés à titre bénévole seulement il y a encore vingt ans. » (154)

L’emploi associatif ne doit pas être une variable d’ajustement mais faire l’objet, en tant que tel, d’une politique de soutien affirmée. C’est notamment le sens de la proposition formulée par l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux du Languedoc-Roussillon lors du déplacement du 6 octobre à Nîmes (155) : exonérer de charges sociales le premier salarié d’une association constituerait, pour elle, une mesure concrète et forte, allant au-delà des solutions généralement avancées concernant, par exemple, la simplification de la gestion administrative des associations.

C. DÉVELOPPER LE BÉNÉVOLAT

Force vive du monde associatif, le bénévolat est aujourd’hui en mutation. S’il demeure particulièrement dynamique, notamment parmi les jeunes, il apparaît souvent moins intense et orienté par des considérations nouvelles, plus personnelles, qui ne sont pas toujours en phase avec les évolutions qui traversent le monde associatif lui-même.

1. Le bénévolat aujourd’hui en France

a. Un effet de levier indispensable à la vie associative

Au-delà des financements, c’est la ressource bénévole qui assure la vitalité du tissu associatif. En effet, parce que les associations bénéficient d’une main d’œuvre bénévole, leur action connaît un fort effet de levier. Comme l’a indiqué M. Jacques Malet, président de l’association Recherches & Solidarités, « quand on engage 1 000 euros de crédits publics pour une action de l’administration, on en retire en général, dans le meilleur des cas, un bénéfice de 1 000 euros. Quand on aide une entreprise à hauteur de 1 000 euros, sachant développer un investissement, elle le valorisera à 1 200, voire 1 500 euros. Mais quand on confie 1 000 euros à une association, grâce à l’effet de levier du bénévolat, elle en fera au minimum pour deux à trois fois plus. » (156) C’est donc dans le bénévolat que repose la valeur ajoutée des associations par rapport à d’autres acteurs, publics ou économiques.

De fait, la valorisation économique du travail bénévole montre que celui-ci représente une part non négligeable du PIB. Ainsi, si les bénévoles étaient rémunérés, leurs salaires représenteraient, selon le salaire de référence choisi (157), entre 19,7 et 39,5 milliards d’euros, soit 1 % à 2 % du PIB, qui s’ajoutent aux ressources financières des associations et qu’elles surpassent parfois. Le Secours catholique, par exemple, valorise le bénévolat à hauteur de 190 millions d’euros, contre 150 millions d’euros de ressources financières (158). Le bénévolat représente ainsi, pour Mme Édith Archambault, « entre dix et quinze fois la générosité publique, pour laquelle il existe de nombreux avantages fiscaux, alors qu’il n’en existe aucun pour les dons de temps » (159).

Les bénévoles tiennent donc une place considérable dans la vie des associations, à tel point que certains secteurs ne pourraient exister sans eux. C’est notamment le cas du secteur du handicap, comme l’a souligné M. Thierry Nouvel, directeur général de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), lors de son audition (160). Les associations œuvrant dans les domaines du sport, de la culture et des loisirs reposent également énormément sur l’action de leurs nombreux bénévoles. Le secteur sanitaire et social, bien qu’employeur, recourt massivement au bénévolat, les associations adhérant à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) réunissant, par exemple, un million de bénévoles (161).

b. Une croissance continue depuis une décennie

Il est aujourd’hui difficile d’évaluer avec précision le nombre de bénévoles associatifs, que les enquêtes conduites auprès des ménages et auprès des associations s’efforcent cependant d’approcher. En effet, les différentes études conduites depuis 2002 ne mesurent pas exactement la même chose.

PANORAMA DES ÉTUDES RÉALISANT DES ÉVALUATIONS QUANTITATIVES
DU BÉNÉVOLAT EN FRANCE

Étude (date)

Définition du bénévolat

Nombre de bénévoles

INSEE (2002)

Personnes de 15 ans et plus travaillant sans être rémunérées ou rendant des services dans le cadre d’une association ou non

12 millions

CNRS – Centre d’économie de la Sorbonne (2006)

Nombre de bénévoles actifs au sein des associations interrogées

17 millions*

BVA – DREES (2010)

Personnes de 18 ans et plus ayant accompli des actions bénévoles dans des associations ou d’autres types d’organismes

16 millions

IFOP (2010)

Personnes de 15 ans et plus qui donnent de leur temps pour une association, au sein d’un autre type d’organisation ou auprès d’une ou plusieurs personnes en dehors du cadre familial

18,3 millions

CNRS – Centre d’économie de la Sorbonne (2011-2012)

Nombre de bénévoles actifs au sein des associations interrogées

24 millions*

IFOP (2013)

Personnes de 15 ans et plus qui donnent de leur temps pour une association, au sein d’un autre type d’organisation ou auprès d’une ou plusieurs personnes en dehors du cadre familial

20,9 millions

* Cette étude évalue, à travers un questionnaire adressé aux associations, les participations bénévoles, non le nombre de bénévoles associatifs. Les personnes qui sont bénévoles au sein de plusieurs associations sont de ce fait comptées plusieurs fois.

L’enquête conduite en 2002 par l’INSEE (162), dans le cadre de l’enquête sur les conditions de vie des ménages, porte sur le bénévolat en général, dans un cadre associatif ou non. Sont alors prises en compte les actions de bénévolat au sein d’autres structures, politiques ou syndicales, voire en dehors de toute structure, dans un cadre informel.

Il en est de même de l’enquête conduite en 2010 par l’institut de sondage BVA et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) pour les ministères chargés des affaires sociales et de la santé, qui évaluait à 16 millions le nombre de bénévoles. En comparant ces deux études, il est toutefois possible de dessiner les évolutions intervenues entre 2002 et 2010. Ainsi, le taux de bénévolat de la population est passé, selon ces études, de 28 % en 2002 à 32 % en 2010 (163).

À partir de 2010, l’association France Bénévolat a commandé auprès de l’IFOP la réalisation d’un sondage, réitéré en 2013, qui permet de distinguer le bénévolat associatif du bénévolat direct ou informel. Ainsi, alors qu’en 2010, on comptait 11,3 millions de bénévoles associatifs parmi les 18,3 millions de bénévoles – incluant le bénévolat direct et le bénévolat dans d’autres organisations –, il y aurait, en 2013, 12,7 millions de bénévoles au sein des associations, soit une progression de 12 %.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BÉNÉVOLES ENTRE 2010 ET 2013
SELON L’ENQUÊTE DE L’IFOP

Nature du bénévolat

Nombre de bénévoles en 2010 (en millions)

Nombre de bénévoles en 2013 (en millions)

Évolution

Bénévolat associatif

11,3

12,7

+ 12 %

Taux d’engagement associatif

23 %

24,5 %

+ 1,5 points

Bénévolat direct

7,4

9,7

+ 31 %

Bénévolat dans d’autres organismes

4,5

4,2

- 6 %

Taux d’engagement global

36 %

40,3 %

+ 4,3 points

Source : France Bénévolat, La situation du bénévolat en France en 2013, 2013

Enfin, l’étude du Centre d’économie de la Sorbonne – réalisée cette fois auprès des associations – permet de mesurer de façon complémentaire la part que prend le bénévolat dans le fonctionnement du monde associatif. La dernière enquête a dénombré 24 millions de participations bénévoles, pour un volume de travail de 1,7 milliard d’heures, soit environ un million d’équivalent temps plein (ETP). Par rapport à 2006, les participations bénévoles progressent de 7 %, tandis que le volume horaire représenté par le bénévolat associatif augmente de 3,1 % (164).

Les déterminants du bénévolat aujourd’hui

Plusieurs facteurs semblent influer sur le bénévolat. L’âge, d’une part, constitue une variable assez significative. En effet, le taux de participation au bénévolat des personnes de 45 à 75 ans est plus élevé que la moyenne – 38 % contre 32 % pour l’ensemble des personnes. Le taux de participation des hommes est également plus élevé que celui des femmes – 35 % contre 28 %. En outre, il croît de façon nette avec le niveau de diplôme – les personnes n’ayant aucun diplôme ayant un taux de participation au bénévolat de 16 %, contre 44 % pour les personnes titulaires d’un diplôme de licence au moins – comme avec le revenu – les personnes appartenant à un ménage dont le revenu mensuel est inférieur à 1 000 euros ont un taux de participation de 19 %, contre 42 % pour ceux dont le revenu mensuel dépasse 2 400 euros. La participation au bénévolat est également plus développée chez les personnes vivant dans des communes de moins de 20 000 habitants, comme chez celles dont un parent au moins a été bénévole.

Source : L. Prouteau, « Bénévolat : enquête sur la vie associative en France en 2010 : résultats préliminaires », Chiffres-clés, Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 2011.

Toutefois, Mme Édith Archambault s’est montrée moins optimiste, indiquant que le volume du bénévolat en France allait probablement parvenir à maturité : « il y a indiscutablement une montée de l’engagement bénévole. Elle ne sera pas éternelle. Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Suisse, pays ayant une forte tradition de bénévolat, celui-ci stagne, voire régresse légèrement. Le secteur associatif a été plus tardif en France et il est normal que notre pays rattrape son retard. » (165)

c. La crise du bénévolat : les aspirations divergentes des bénévoles face aux besoins des associations

S’il est difficile d’établir avec certitude le nombre de bénévoles associatifs aujourd’hui en France, il est en revanche certain que celui-ci a augmenté de façon significative depuis les années 2000. Dans ce contexte, l’idée d’une crise du bénévolat semble, au premier abord, injustifiée. Toutefois, il est nécessaire d’analyser la demande en bénévolat émise par les associations au cours de la même période. En effet, plusieurs facteurs, au plan quantitatif, peuvent expliquer le ressenti des associations :

– l’augmentation du nombre d’associations, qui, dans le cas des associations sans salarié, a été de 4 %, soit une évolution deux fois plus rapide que celle du volume horaire bénévole pour ces mêmes associations (166) ;

– l’augmentation des besoins sociaux à satisfaire, sous l’effet de la croissance de la population, mais aussi de la crise économique ;

– la diminution du temps de bénévolat disponible par bénévole, le nombre de participations bénévoles ayant augmenté plus rapidement que celui du temps de bénévolat.

Au plan qualitatif, la professionnalisation du monde associatif conduit également à rechercher, parmi les bénévoles, des compétences nouvelles, qui ne sont pas partagées par tous. Dès lors, les associations, dont certaines pratiquent aujourd’hui une sélection des bénévoles, peuvent avoir le sentiment légitime qu’il est aujourd’hui plus difficile de trouver des bénévoles adéquats.

Par ailleurs, les auditions de la commission d’enquête ont montré que les formes de l’engagement associatif ont changé et que les bénévoles cherchent plus souvent à s’engager de façon ponctuelle, autour d’événements, plutôt qu’à s’investir dans la vie de l’association. Pour Mme Viviane Tchernonog, « on a de plus en plus affaire à des bénévoles qui ont différents engagements dans plusieurs associations et qui s’impliquent moins dans chacune d’elles. Les bénévoles d’aujourd’hui sont de plus en plus disposés à donner un coup de main en créant un site internet, par exemple, mais sans participer pour autant en permanence à la vie de l’association. » (167)

C’est également le constat que fait notre collègue Jean-Pierre Allossery dans son récent avis sur l’engagement associatif des jeunes. Ceux-ci seraient aujourd’hui moins prompts à s’engager de façon durable dans le projet associatif et chercheraient au contraire à réaliser des missions ponctuelles à l’efficacité concrète. Par ailleurs, « les motivations personnelles des jeunes ont également évolué sous l’effet de l’individualisation de la société : à l’engagement désintéressé a succédé la recherche de bénéfices plus personnels, qu’il s’agisse d’un épanouissement individuel ou de l’acquisition de compétences susceptibles d’être employées ensuite dans un cadre professionnel. » (168)

Un phénomène similaire est également apparu chez la population bénévole en général, comme l’a montré une étude réalisée en 2011 par deux chercheurs de l’Université Paris-Descartes : « on est passé d’un engagement militant à une logique d’épanouissement personnel, ou en tout cas à une inversion des motivations. Passage de l’idéal-type du bénévolat hérité du XIXe siècle, où l’engagement associatif reposait sur une forme de présupposé de supériorité morale de l’altruisme et des valeurs collectives sur les valeurs individuelles. […] Il s’agit plus d’une logique de contractualisation, où l’association offre un cadre à l’action personnelle, une source de plaisir à un bénévole en échange de sa disponibilité et de ses compétences, que d’une logique d’adhésion au sens fort. » (169) Par ailleurs, comme l’a souligné Mme Tchernonog, les bénévoles ont le « désir de maîtriser leur parcours et de diversifier leur expérience » (170), ce qui peut se traduire par ce que les associations perçoivent négativement comme un « zapping » associatif. En outre, pour M. Matthieu Hély, « dans la configuration actuelle, le bénévolat associatif est considéré comme une source d’acquisition de capital humain. » (171)

La difficulté qu’ont les associations à recruter ou conserver leurs bénévoles est également imputable à la complexité croissante de la gestion associative, qui suscite, chez les bénévoles, un net découragement. En effet, « les bénévoles se voient imposer des contraintes administratives généralement éloignées des missions pour lesquelles ils se sont engagés », a indiqué Mme Joëlle Bottalico, vice-présidente du HCVA, lors de son audition (172). Comme l’a souligné Mme Hélène Beck, directrice administrative et financière du Secours catholique, « les bénévoles qui viennent à nous […] s’engagent rarement dans le but de remplir des bordereaux ! » (173) Il n’est pas rare, face à ces nouvelles tâches, que les bénévoles renoncent à donner de leur temps à l’association : M. Olivier Berthe, président des Restos du cœur, a ainsi fait part à la commission d’enquête de ce que « le travail des associations [devenant] de plus en plus complexe, […] certains jettent l’éponge » (174).

Cette complexité constitue également, pour les associations se reposant sur des bénévoles, un coût considérable. C’est notamment le cas de la formation des bénévoles, nécessaire dans un contexte de forte professionnalisation. Comme l’a indiqué M. Gérard Raymond, administrateur du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), « l’engagement bénévole, si beau soit-il, a des limites. Pour remplir notre mission […], nous devons faire des propositions attrayantes à nos bénévoles, mais aussi leur offrir des formations. Or le recrutement et la formation des personnes bénévoles nécessitent des financements importants […] Cela nous amène en interne à signer une charte : la formation d’un patient bénévole à l’accompagnement par les pairs nous coûte environ 1 500 euros, et nous demandons aux personnes formées de s’engager dans la structure associative pendant un ou deux ans ». De façon générale, les associations recherchent les compétences de bénévoles mieux formés ; or, dans ce domaine, il semble que « les besoins de bénévoles excèdent ce que les associations peuvent raisonnablement offrir. » (175)

La crise du bénévolat, telle qu’elle est ressentie par le monde associatif, est donc le résultat d’évolutions contradictoires entre, d’une part, les aspirations des bénévoles et, d’autre part, les besoins des associations en matière de ressources humaines. Si cette crise est moins visible au plan quantitatif, elle n’en est pas moins réelle et mérite que des réponses lui soient rapidement apportées.

2. Un modèle à réinventer

Face à un bénévolat en mutation, c’est le modèle associatif lui-même qu’il faut interroger dans son rapport à la ressource humaine bénévole. En enrichissant la pratique bénévole par la formation et la valorisation des acquis de l’expérience et en construisant des parcours d’engagement pour de nouvelles catégories de la population moins investies dans la vie associative, tout laisse à croire que le monde associatif saura surmonter la crise évoquée précédemment.

a. Créer un parcours d’engagement tout au long de la vie

Si les personnes retraitées sont aujourd’hui très investies dans la vie associative, pour des raisons bien compréhensibles de disponibilité et de recherche de lien social, le bénévolat des jeunes et des actifs doit être encouragé pour le compléter.

i. Mettre l’accent sur le bénévolat des jeunes

Pour répondre aux besoins des associations, il est aujourd’hui nécessaire de créer un parcours d’engagement cohérent tout au long de la vie.

L’engagement associatif doit être pris en considération dès l’école, car, comme les parents, les enseignants sont d’importants « prescripteurs d’engagement ». C’est notamment la proposition formulée par le HCVA (176), qui estime que l’école doit devenir un lieu d’apprentissage à la citoyenneté et un environnement qui favorise la connaissance du monde associatif et l’engagement, à l’instar de certains pays étrangers comme le Canada. C’est également la proposition que formule notre collègue Jean-Pierre Allossery dans son récent avis, estimant que la réforme des rythmes éducatifs « peut constituer une opportunité de faire participer les écoliers à des projets associatifs et donc d’introduire plus d’équité dans l’engagement citoyen. » (177) Au-delà, il est loisible d’imaginer que des projets collectifs portés tant par des associations que par des enseignants réunissent des écoliers autour d’une cause d’intérêt général, par exemple en matière d’environnement, de solidarité, de sport, de santé, etc.

Au collège également, plusieurs pistes existent pour faire vivre l’engagement associatif des mineurs, qu’il s’agisse d’introduire un stage associatif en cours d’année ou de donner des points supplémentaires liés à un engagement associatif, même ponctuel, en vue de l’obtention du brevet. Il en est de même au lycée, dans le cadre de l’obtention du baccalauréat, qui pourrait comprendre une épreuve facultative en lien avec le monde associatif. À l’université enfin, votre rapporteure ne peut que faire siennes les propositions de M. Jean-Pierre Allossery, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », sur l’instauration d’une année de césure à vocation associative et de crédits universitaires reconnaissant l’engagement associatif des étudiants.

Recommandation Inciter les jeunes à s’engager auprès d’associations dès l’école et tout au long de leur parcours scolaire et universitaire

La reconnaissance accrue de l’action des jeunes bénévoles permettrait également d’encourager, par un mécanisme de prescription par les pairs, le bénévolat des jeunes. La remise de médailles, comme celle du ministère chargé des sports et de la jeunesse, ou de prix particuliers comme le prix « Jeune et Bénévole », qui récompense les témoignages en faveur du bénévolat de jeunes de 15 à 25 ans, sont intéressants par la médiatisation qu’ils peuvent apporter. Le HCVA propose, quant à lui, d’instituer des Assises de jeunes bénévoles, dans un esprit semblable au Parlement des enfants ou aux conseils municipaux de jeunes. Une telle initiative, en donnant la parole aux jeunes bénévoles, « est de nature à modifier le regard que la société porte sur eux » (178) et, partant, à encourager le bénévolat des jeunes.

Le dispositif créé en 2010 sous le nom de service civique est également, pour les jeunes de moins de 25 ans, un excellent moyen de mettre un premier pied dans la vie associative et de s’investir dans une cause d’intérêt général.

Le Président de la République a souhaité que 100 000 jeunes puissent devenir volontaires de service civique en 2017 ; cet objectif doit être atteint. En effet, le service civique constitue une réponse adaptée à ce que les associations perçoivent comme une crise du bénévolat des jeunes. En répondant aux aspirations des jeunes – autonomie financière, engagement concret et d’une durée limitée, formation civique –, le service civique donne aux associations accès à un nouveau vivier de bénévoles et peut déclencher des vocations durables. Votre rapporteure ne peut que se féliciter du vote de 25 millions d’euros de crédits supplémentaires par l’Assemblée nationale, le 6 novembre dernier, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. En effet, cela permettra à environ 45 000 jeunes de réaliser tout ou partie de leur service civique au cours de l’année prochaine.

Recommandation Poursuivre la montée en charge du service civique pour atteindre l’objectif de 100 000 jeunes volontaires en 2017

Par ailleurs, votre rapporteure est également sensible à l’annonce faite par le Président de la République de mettre en place un dispositif permettant aux jeunes de s’engager sur une durée plus courte, et selon des modalités distinctes du service civique, auprès d’associations. La reconnaissance du bénévolat des jeunes par les pouvoirs publics – qui peut par exemple passer par un accès facilité au permis de conduire ou aux brevets d’aptitude aux fonctions d’animateur ou de directeur – pourrait favoriser le développement des vocations dans ce domaine. Il faudra cependant veiller à ce que ce nouveau dispositif soit complémentaire, et non pas concurrent, du service civique.

De façon générale, l’expérience du service civique montre que le monde associatif doit également s’ouvrir aux jeunes et modifier le contenu et le format de ses missions s’il veut capter ces bénévoles. Comme l’a montré l’avis de notre collègue Jean-Pierre Allossery, de nombreuses associations ont d’ores et déjà entamé cet indispensable travail sur elles-mêmes, en s’adaptant aux contraintes des jeunes et en leur faisant une place concrète dans la gouvernance de l’association. Encourager la constitution d’associations de jeunes, mineurs ou étudiants (179), est également un moyen efficace de leur donner envie de prolonger l’expérience associative une fois entrés en activité.

ii. Faciliter le bénévolat des actifs

Si le congé d’engagement pour l’exercice de responsabilités associatives a d’ores et déjà été abordé (180), la question se pose de savoir par quels moyens le bénévolat des actifs peut aujourd’hui être encouragé. Ces derniers disposant de peu de temps libre, les dispositifs de congés, même non rémunérés, peuvent avoir un impact significatif sur leurs pratiques bénévoles. Deux dispositifs de congés non rémunérés à destination des bénévoles associatifs existent aujourd’hui :

– le congé de formation de cadres et d’animateurs au sein des associations sportives, de jeunesse et d’éducation populaire, d’une durée de six jours, prévu par les articles L. 3142-43 et suivants du code du travail pour les salariés de moins de 25 ans ;

– le congé de solidarité internationale, d’une durée maximale de six mois, prévu par les articles L. 3142-32 et suivants du code du travail, qui permet aux salariés ayant au moins douze mois d’ancienneté de participer à une mission humanitaire internationale.

En application de l’article 67 de la loi ESS, le Gouvernement doit bientôt rendre un rapport au Parlement évaluant la portée de ces deux dispositifs. Si nous ne disposons pas encore de cette analyse, il est clair que ceux-ci sont à la fois très spécialisés et extrêmement limités. Le congé de formation de cadres et d’animateurs au sein des associations sportives, de jeunesse et d’éducation populaire s’adresse à un nombre réduit de volontaires et ne dégage du temps que pour les actions de formation organisées par les associations et fédérations. Le second dispositif, restreint au secteur humanitaire international, ne permet pas de favoriser l’engagement de long terme des bénévoles.

Le HCVA a rendu public, en novembre 2012 (181), un avis sur le congé d’engagement. Il y préconise la création de deux formes de congés, l’un visant les responsables associatifs (182), l’autre déclinant le congé de solidarité internationale au plan national. Toutefois, un congé de solidarité nationale dont le but serait de permettre la réalisation d’une mission particulière ne répondrait qu’imparfaitement aux besoins des associations, dont l’activité requiert généralement l’intervention régulière de bénévoles.

C’est pourquoi votre rapporteure estime qu’il serait plus opportun de prévoir, sur le modèle du congé de formation des cadres et animateurs de la jeunesse, un crédit annuel de jours susceptibles d’être pris de façon fractionnée. Quant au quantum, six à douze jours par an pourraient faciliter le bénévolat des salariés. À l’instar des dispositifs existants, ce congé ne serait a priori pas rémunéré. Cependant, si l’employeur décidait de maintenir la rémunération du salarié, il pourrait le valoriser, au plan fiscal, comme du mécénat en faveur de l’association en question.

Recommandation Créer un congé d’engagement bénévole de six à douze jours pour favoriser le bénévolat des actifs

D’ailleurs, le mécénat de compétences, qui peut être défini comme la mise à disposition ponctuelle de main d’œuvre à titre gratuit par une entreprise, est aujourd’hui en voie de développement. La plupart des grandes entreprises le pratique. Par exemple, 800 salariés de l’entreprise Orange travaillent à mi-temps pour des associations ; vingt personnes parmi elles aident ainsi la Croix-Rouge à informatiser sa banque alimentaire (183). De la même façon, la SNCF permet à ses salariés de consacrer entre un et dix jours de travail à la réalisation d’une mission d’intérêt général auprès d’une association partenaire. À la fois don de l’entreprise et volontariat pour le salarié, le mécénat de compétences constitue, pour les associations qui en bénéficient, un soutien ponctuel conséquent, mais aussi un moyen d’attirer de futurs bénévoles ayant les compétences recherchées. Ce dispositif, qui apporte beaucoup à l’entreprise mécène – image, déduction fiscale, mobilisation des salariés, etc. –, au salarié et à l’association bénéficiaire, mériterait de faire l’objet d’une communication plus large auprès des entreprises et des salariés.

Recommandation Communiquer de façon plus large auprès des entreprises et des salariés sur le mécénat de compétences

b. Attirer de nouveaux bénévoles

Les associations doivent, si elles veulent attirer et fidéliser de nouveaux bénévoles, faire évoluer leur offre de missions et de formation. C’est notamment ce qu’a montré l’audition de M. Bernard Amsalem, président de la Fédération française d’athlétisme. Si celle-ci a su préserver son vivier de bénévoles, c’est grâce au développement de l’athlétisme hors stade, qui mobilise les bénévoles autour d’événements ponctuels – marathons, trails, courses sur route – mais aussi de l’athlétisme de santé et de loisir, pour lequel elle a formé des coachs (184).

Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication offre, dans ce cadre, des perspectives intéressantes pour les associations. Comme l’a indiqué M. Jacques Malet, le numérique peut développer le bénévolat à distance : « L’idée subsiste que l’adhésion à une association implique d’être présent de vingt heures à vingt-deux heures tel jour de la semaine ; or on peut très bien, à distance et en temps non contraint, c’est-à-dire au moment où l’on est disponible, aider une association à reconfigurer son site, à préparer une demande de subvention, etc., même quand on est un cadre surchargé, une jeune mère qui souhaite rester auprès de ses enfants, une personne isolée en milieu rural ou une personne handicapée. Grâce au numérique, toutes ces personnes peuvent bénéficier d’une insertion sociale forte dans le cadre associatif et s’épanouir personnellement. » (185)

En matière de formation, il paraît nécessaire de renforcer les moyens du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui apporte un soutien financier à la formation des bénévoles associatifs. Abondé par l’État à hauteur d’une dizaine de millions d’euros par an, mais également, en théorie, par des partenaires privés, ce fonds participe au financement de 6 000 projets de formation bénéficiant à 170 000 bénévoles élus ou responsables d’activités. Afin de permettre à un plus grand nombre d’associations de former leurs bénévoles, il importe aujourd’hui de renforcer le niveau des subventions de l’État. Mais il est également nécessaire de faire plus largement appel aux dons de mécènes privés, pour l’heure inexistants. Là encore, une campagne d’information auprès des entreprises en faveur du mécénat pourrait encourager leurs dons au FDVA.

Recommandation Renforcer les moyens dont bénéficie le FDVA, notamment par le biais d’une communication plus large auprès des acteurs privés

Enfin, les associations doivent attirer vers le bénévolat des pans de la population qui s’en trouvent aujourd’hui éloignés. Notamment, les personnes disposant de faibles revenus sont peu représentées parmi les adhérents comme parmi les bénévoles. Comme l’a indiqué M. Jacques Malet à la commission d’enquête, ces personnes « n’osent pas pousser la porte d’une association, de même qu’elles ne poussent pas facilement celle d’une exposition, d’un musée ou d’une salle de spectacle. Cet important déficit peut être comblé. De quel droit, en effet, ces personnes seraient-elles privées de l’épanouissement personnel, de l’enrichissement, de l’acquisition de compétences et du lien social qu’offrent les associations ? En outre, un jeune, une femme, une personne de condition modeste, en adhérant à une association, a proportionnellement beaucoup plus tendance à devenir bénévole. Nous avons donc fait passer aux associations un message qui pourrait passer pour une boutade : ne cherchez plus de bénévoles, vous ne les trouverez pas ou, au pire, vous les prendrez à une autre association ; en revanche, cherchez des adhérents, apprivoisez-les, et ils deviendront des bénévoles. »

Le volontariat associatif, qui permet à des personnes de plus de 25 ans d’effectuer des missions d’intérêt général au sein d’associations, constitue, à l’instar du service civique, un moyen adéquat pour déclencher l’engagement associatif, en particulier des personnes éloignées du monde associatif. Toutefois, lorsqu’il existait, avant l’entrée en vigueur de la loi ESS (186), sous la forme d’un volontariat de service civique, ce dispositif n’a connu que peu de succès. La Cour des comptes indique ainsi, dans son dernier rapport annuel, que 2 416 personnes seulement ont bénéficié de ce dispositif depuis 2010 et que ce dernier est d’ailleurs peu suivi par l’Agence du service civique. La promotion du volontariat associatif auprès des associations comme des publics éloignés du monde associatif doit être engagée rapidement par le ministère chargé de la vie associative et l’Agence du service civique, pour assurer la visibilité et le succès de ce dispositif.

Recommandation Promouvoir de façon plus active le volontariat associatif auprès des associations

c. Valoriser l’expérience associative

Pour donner une plus grande visibilité au bénévolat et faciliter tant le recrutement que la fidélisation des bénévoles, la valorisation de l’expérience associative doit se faire plus tangible.

La valorisation peut, en premier lieu, revêtir une portée symbolique, comme c’est le cas lorsqu’une médaille est remise à un bénévole particulièrement actif. Il convient de noter que constitue une mesure utile à cet égard la réforme des caractéristiques et des modalités d’attribution de la médaille de la jeunesse et des sports (187), qui peut désormais être décernée à toute personne œuvrant dans les domaines du sport, de la jeunesse, de l’éducation populaire, de la vie associative et de l’engagement associatif.

Si la médaille de bronze peut désormais être octroyée à partir de six années d’ancienneté, contre huit auparavant, elle reste malgré tout relativement inatteignable pour les jeunes bénévoles. Votre rapporteure propose donc qu’une disposition particulière permette aux personnes de moins de 25 ans de recevoir cette médaille selon des conditions d’ancienneté adaptées : des anciennetés de 3, 5 et 8 ans – pour l’octroi des médailles de bronze, d’argent et d’or – seraient à même de faciliter la reconnaissance du bénévolat des jeunes.

Recommandation Adapter les conditions d’octroi de la médaille de la jeunesse et des sports aux jeunes bénévoles

Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement comporte également une mesure visant à mieux reconnaître l’engagement bénévole des seniors. L’article 10 de ce projet de loi, tel qu’adopté en première lecture par notre Assemblée le 17 septembre dernier, prévoit la création d’un volontariat civique spécifique aux personnes de plus de 60 ans. Non rémunéré, contrairement au volontariat associatif et au service civique, ce dispositif vise à conférer un statut légal aux bénévoles seniors en leur délivrant notamment un certificat.

S’il est louable de vouloir formaliser le bénévolat des seniors pour mieux le valoriser, il apparaît toutefois dommageable de ne réserver cette possibilité qu’à une seule catégorie de la population qui est, du reste, bien représentée parmi les bénévoles. Par ailleurs, en rendant obligatoire le remboursement de leurs frais par les associations – ce qu’elles ne pratiquent pas toutes –, le dispositif risque d’avoir un effet nul, si les associations décident de ne pas accorder ce statut à leurs bénévoles seniors, ou contreproductif, si elles préfèrent se tourner vers des personnes de moins de 60 ans pour ne pas avoir à rembourser les frais occasionnés. À tout le moins, ce dispositif devrait être étendu à l’ensemble des bénévoles, quel que soit leur âge, et ne pas entraîner l’obligation de rembourser les frais liés à l’activité bénévole. Si l’idée d’accorder un certificat est opportune, c’est l’engagement de l’ensemble des bénévoles qui doit être reconnu.

La valorisation du bénévolat doit également être renforcée au plan professionnel. Notamment, le bénévolat des demandeurs d’emploi est encore mal appréhendé par les services de l’État et peut même conduire à la radiation du demandeur d’emploi si l’activité bénévole est jugée incompatible avec la recherche d’un emploi. En effet, une interprétation extensive de l’article L. 5425-8 du code du travail, qui dispose notamment que l’activité bénévole « doit rester compatible avec l’obligation de recherche d’emploi », a pu, par le passé, mener à la radiation, à tort, d’un demandeur d’emploi exerçant des activités réduites au sein de deux associations (188).

Quand on considère tous les bénéfices qu’un demandeur d’emploi peut tirer d’une activité bénévole en matière de compétences, il semble dommageable que la menace d’une radiation plane sur les bénévoles. Dès lors, deux mesures pourraient être prises pour sécuriser et encourager le bénévolat des demandeurs d’emploi : d’une part, reformuler les termes de la loi de sorte qu’il soit plus facile d’établir la compatibilité de l’activité bénévole avec la recherche active d’un emploi ; d’autre part, créer une procédure de rescrit, par laquelle les services de Pôle Emploi indiqueraient s’ils considèrent que telle ou telle activité bénévole peut entraîner la radiation au regard des conditions posées par la loi.

Recommandation Clarifier le cadre dans lequel un demandeur d’emploi peut être bénévole au sein d’une association

De la même façon, il semble que le dispositif de valorisation des acquis de l’expérience (VAE) soit difficile à mettre en œuvre pour ce qui est des expériences associatives bénévoles. Ce droit individuel, qui permet d’obtenir un diplôme ou un titre professionnel sur la base d’une expérience professionnelle, est acquis aux termes d’une procédure complexe, dont le HCVA a montré qu’elle pouvait décourager certains publics : « Les publics prioritaires, de par leur fragilité sociale et, pour la plupart d’entre eux, de par leur niveau de formation assez faible, hésitent à entreprendre un parcours qui leur paraît semé de trop de difficultés. Cela est particulièrement vrai des bénévoles qui, en raison du caractère désintéressé de leur activité, sont a priori très éloignés d’une démarche utilitariste de prise en compte de leur expérience. » (189)

La diffusion, par l’association France Bénévolat, d’un « Passeport Bénévole », qui permet au bénévole d’identifier les compétences acquises au cours de ses missions et de les faire valider par l’association, constitue un outil intéressant. Néanmoins, l’implication de l’association est déterminante dans ce processus, et un accompagnement accru est nécessaire pour permettre aux bénévoles de bénéficier de la VAE. Or, comme l’indique l’avis précité du HCVA, les personnes qui ne sont ni salariées, ni demandeuses d’emploi, ne peuvent bénéficier d’aucun soutien financier – dans le cadre du droit à la formation ou de l’aide de Pôle Emploi – pour bénéficier des services d’un accompagnateur formé à cet effet. Le FDVA, à condition qu’il soit abondé en conséquence, pourrait financer ce type de soutien vis-à-vis des associations et des bénévoles.

Par ailleurs, comme l’indique l’avis du HCVA, les jurys qui examinent les demandes de VAE font une place trop faible aux représentants du monde associatif : un « décalage […] existe trop souvent entre l’approche très académique de certains membres des jurys, en particulier lorsqu’ils sont issus du milieu scolaire ou universitaire, et la réalité de l’expérience vécue par les candidats à la VAE » (190). Une place plus grande devrait être faite, au sein des jurys, aux représentants du monde associatif. Notamment, lorsque la demande est présentée au titre d’une expérience bénévole, le jury devrait obligatoirement comprendre des représentants du monde associatif.

Par ailleurs, si l’on peut se féliciter de la disposition introduite par l’article 65 de la loi ESS, qui permet au conseil d’administration ou à l’assemblée générale de l’association de donner son avis au jury sur l’implication du bénévole dans la vie de l’association, elle ne saurait, à elle seule, remédier aux problèmes rencontrés. A minima, il conviendrait de renforcer le caractère normatif de cette disposition en prévoyant que le jury doit tenir compte de cet avis lorsqu’il est effectivement émis.

Recommandation Adapter la composition des jurys de validation des acquis de l’expérience aux demandes émanant de bénévoles

Par ailleurs, votre rapporteure ne peut que s’associer à la proposition n° 44 formulée par M. Yves Blein dans son récent rapport relatif à la simplification de la vie des associations. Celui-ci entend « renforcer l’information disponible sur la validation des acquis de l’expérience professionnelle [et] inciter les fédérations et têtes de réseaux à faire la promotion de la VAE et à diffuser des outils de formalisation de l’expérience bénévole » (191), notamment le Passeport Bénévole.

La création d’un statut du bénévole, ouvrant droit, par exemple, à la validation de trimestres pour la retraite, rendant obligatoire une assurance spécifique ou permettant l’octroi d’indemnités, est réclamée par certains. Si une telle mesure permettrait peut-être de favoriser le bénévolat, elle introduirait des lourdeurs administratives dont les associations n’ont pas besoin. Qui plus est, c’est le sens même de l’engagement associatif, par nature désintéressé, qui risquerait d’être amoindri. Toutefois, le remboursement des frais engagés par les bénévoles, qui est pratiqué par un certain nombre d’associations, doit faire l’objet d’une clarification. En effet, il est arrivé que le versement de telles indemnités conduise à la requalification du bénévolat en contrat de travail (192), impliquant, pour l’association ayant fait l’objet du redressement, le paiement de cotisations sociales.

Un effort de pédagogie de la part des services de l’État semble aujourd’hui nécessaire. Notamment, le mécanisme du rescrit social, qui permet à une association de savoir si la situation qui la lie à une personne relève du bénévolat ou d’un contrat de travail, doit être utilisé de façon plus significative par les associations. Cela leur permettrait également de se prémunir contre le risque, soulevé par Mme Viviane Tchernonog (193), qu’un ancien bénévole demande la requalification de son activité bénévole en contrat de travail.

CHAPITRE IV

LES ASSOCIATIONS AU C
œUR DE LA CITÉ :
UNE PLACE QUI DOIT ÊTRE CONFORTÉE

Le rôle des associations dans la vie publique n’est plus à démontrer : elles interviennent dans tous les aspects de la vie sociale et nombre de nos concitoyens sont usagers de leurs services ou impliqués dans leur fonctionnement ; elles recueillent et valorisent des financements publics plus ou moins conséquents auprès des instances européennes, nationales ou locales ; par la valeur des biens et services qu’elles fournissent et par le volume d’emploi qu’elles assurent, elles sont une composante majeure de ce qui s’appelait il n’y a pas si longtemps le « tiers secteur » , aujourd’hui l’économie sociale et solidaire.

Cette place centrale dans la vie de la cité met le monde associatif en prise directe avec la puissance publique comme avec le secteur lucratif. Elle donne une résonance particulière au contexte de crise au sein duquel les associations évoluent depuis le déclenchement des dérèglements économiques et financiers nés aux États-Unis en 2007.

De même que les entreprises – entendons par là : les entreprises privées du secteur lucratif – doivent trouver les ressorts pour s’adapter, car leur survie est en jeu, de même le monde associatif doit trouver les moyens de surmonter les difficultés du temps présent. La puissance publique y a toute sa part, en œuvrant à revisiter les liens qui l’unissent directement aux associations ; il lui faut aussi faciliter le travail de rénovation interne engagé par le monde associatif, qui touche tout à la fois à son rapport à la contrainte économique et au mode de gouvernance du projet associatif.

A. RÉNOVER LES LIENS AVEC LE MONDE ASSOCIATIF

Plus d’un siècle après l’adoption de la loi du 1er juillet 1901, la réalité du fait associatif est bien établie. Pourtant, les travaux de la commission d’enquête ont fait apparaître le sentiment largement partagé d’un déficit de reconnaissance dont pâtiraient les associations auprès des collectivités publiques. Par ailleurs, au fil des auditions, les interlocuteurs associatifs de la commission n’ont pas manqué de souligner les domaines où ils souhaiteraient voir l’État porter en priorité ses efforts.

1. Un secteur toujours en mal de reconnaissance

a. Une légitimité propre dans l’espace public

Si l’on en juge par les résultats du Baromètre de la confiance réalisé par TNS Sofres pour le compte du Comité de la Charte, dont la 7ème édition a été rendue publique le 22 octobre dernier, la question de la légitimité des associations ne se pose guère : plus d’un Français sur deux (55 %) déclare faire confiance aux associations et fondations faisant appel aux dons, ce score atteignant 80 % pour les associations de défense des consommateurs (194). Les collectivités locales et les entreprises sont également très appréciées (68 % et 61 %, respectivement), et les « institutions » envers lesquelles les Français manifestent le moins de confiance sont les syndicats (33 %), les médias (24 %) et les partis politiques (10 %).

Par-delà cette légitimité d’opinion, la légitimité du monde associatif tient avant tout à sa contribution à la construction du « bien commun ». M. Jacques Malet, président de Recherches & Solidarités, a certes rappelé qu’il faut distinguer « entre les associations où l’on travaille “avec les autres”, celles où l’on travaille “pour les autres”… et celles où l’on travaille “contre d’autres” ! » (195) Mais qu’elles soient « avec », « pour » ou « contre » (196), ces associations inscrivent leur action dans l’espace public et proclament un message qui a vocation à être entendu au-delà du seul cercle de leurs adhérents.

Car que traduit, en fait, un bouillonnement associatif qui perdure depuis plusieurs décennies, sinon la vigueur d’une créativité citoyenne et la recherche permanente de réponses collectives à des sollicitations anciennes ou nouvelles ? Chacune dans son domaine, au plus près du terrain, les associations détectent les besoins de la société et sont bien souvent les « éclaireurs » des politiques publiques avant même que d’en devenir des partenaires. Mme Florence Delamoye, déléguée générale d’Emmaüs France, a affirmé à juste titre que « le monde associatif joue un rôle de vigie. Il repère en amont les évolutions sociales » (197).

Votre rapporteure souhaite rappeler ici combien les politiques d’insertion, la protection de l’enfance, les politiques en faveur des personnes handicapées doivent à l’action d’associations et de fédérations comme l’UNAPEI, ATD Quart Monde, Médecins sans Frontières ou Médecins du monde. Nombre de réformes majeures dans le champ social – la couverture maladie universelle, le droit au logement opposable, la lutte contre la grande pauvreté, etc. – ont été entreprises à la suite d’intenses mobilisations associatives, finalement relayées par les pouvoirs publics.

Dans le champ culturel, les associations se posent comme un acteur essentiel à côté des institutions publiques. M. Vincent Niqueux, administrateur de la Coordination des fédérations et des associations de culture et de communication (COFAC) et directeur général de l’Union nationale des Jeunesses musicales de France, a ainsi souligné la différence entre « un modèle de développement culturel, particulièrement dans le spectacle vivant, qui est institutionnel » et des associations qui « peuvent se révéler un poil à gratter très intéressant » (198). Pour sa part, M. Jean-Michel Raingeard, vice-président de la COFAC, président de la Fédération française des sociétés d’amis de musées, s’interrogeait : « comment la représentation nationale peut-elle accepter d’examiner le budget de la culture dans lequel le mot “ association ” ne recouvre que les associations statutaires ou établissements labellisés, en ignorant que les “cultureux” offrent des dizaines de milliers d’heures de culture gratuite à la population française grâce au bénévolat ? […] Dans ce pays, on ne considère comme valable que ce qui vient des institutions relevant du ministère de la culture, or ce n’est pas cela la culture au quotidien ! » (199).

Une thématique similaire s’exprime dans tous les domaines explorés par la commission au cours de ses auditions « sectorielles ». Par exemple, dans le champ de la santé, M. Alain Legrand, directeur général d’AIDES, soulignait que « AIDES se veut aussi une force de propositions et revendique le rôle de transformateur social » (200). La quasi-totalité des intervenants fait référence à la capacité du secteur associatif à porter l’« innovation sociale », notion aux contours flous mais dont Mme Corinne Bord, représentant l’Association des régions de France, a indiqué qu’elle peut recouvrir « le fait que la structure [associative] n’a pas d’équivalent ailleurs, qu’elle promeut de nouvelles pratiques sociales », qu’elle a un « mode de financement » particulier, tout en « sachant qu’il n’existe pas de brevets dans ce domaine » (201). L’article 15 de la loi ESS, qui donne une définition de l’innovation sociale dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, a d’ailleurs confié au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire le soin de définir des orientations permettant d’identifier un projet ou une activité économique socialement innovant.

De par la diversité des situations à traiter, le soutien aux populations en difficulté est un terrain privilégié pour la mise en place de solutions innovantes. Mme Florence Delamoye a ainsi évoqué « le travail à l’heure qui permet à des personnes qui se trouvent dans la rue de travailler une, deux, trois ou quatre heures. Le travail conjoint entre les maraudeurs et des chantiers d’insertion a donné de véritables résultats. De la même façon, l’accueil de personnes sortant de prison dans la ferme de Moyembrie, en Picardie, constitue un succès reconnu par les magistrats locaux. Les personnes accueillies peuvent reprendre une activité économique réelle au sein d’une AMAP, prendre le temps de construire un projet personnel et professionnel, et retrouver la réalité et l’autonomie » (202).

Mme Michelle Demessine, présidente de l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT), a relevé, pour sa part, que « les organismes du tourisme social et de plein air furent les premiers à proposer des aménagements, tels les sentiers de randonnées pédestres, les pistes de ski de fond, les pistes cyclables, l’aménagement des rives, etc., permettant de démocratiser la pratique d’activités » (203).

Les associations « tissent » donc du lien social, parfois en l’inventant de leur propre chef, parfois en répondant à une impulsion issue des pouvoirs publics. Elles apparaissent comme d’autres dépositaires de l’intérêt général, autonomes par essence mais travaillant le plus souvent en symbiose avec l’administration. Elles peuvent se concevoir comme « un rassemblement de personnes convaincues qu’un projet collectif peut être mené en adéquation avec l’intérêt commun » (204) et même se dire « investies d’une mission de service public » (205).

Cependant, leur légitimité ne tient pas seulement à l’objet de leur projet associatif, à l’intérêt de ceux qu’elles accompagnent ; elle réside aussi dans leur pouvoir de mobilisation auprès de leurs adhérents et de leurs bénévoles, qui renvoie à une dimension politique du mouvement associatif.

Cette dimension est peut-être négligée, comme l’a relevé M. Jean-Pierre Caillibot, délégué général adjoint des Petits Frères des pauvres : « on s’intéresse souvent au premier aspect – notre action et nos publics – au détriment du second, c’est-à-dire du bénéfice sociétal propre à la dynamique que nous créons. Il faut le rendre plus visible » (206). Elle n’en est pas moins réelle, même si les travaux de la commission d’enquête n’ont jamais fait apparaître une quelconque tentation de s’ériger en pouvoir concurrent de la démocratie représentative. Au contraire – et comme dans le champ du lien social –, c’est en complément, voire en substitut d’une puissance publique défaillante, que les interlocuteurs de la commission ont pu revendiquer ce rôle politique. Appelant à renforcer le dialogue civil, M. Karl Deschamps, secrétaire national délégué aux vacances à la Ligue de l’Enseignement, a fort justement qualifié le monde associatif de « troisième pilier de la République, avec les syndicats et les partis politiques » (207).

Les associations ont un rôle émancipateur qui contribue à vivifier les valeurs d’égalité et de fraternité et à combattre le repli sur soi qui va de pair avec la montée des peurs et l’érosion de la solidarité. Là où l’État s’efface – dans des territoires ségrégés ou auprès des populations déshéritées –, les associations se font « le dernier rempart de la République », selon une forte expression entendue au cours de la table ronde organisée à la Préfecture du Gard le 6 octobre dernier.

Avec l’engagement associatif, les citoyens sont mis en mesure de prendre en main une part de leur destin et de contribuer activement à la vie de la cité. Mme Nadia Bellaoui, présidente du Mouvement associatif, déclarait par exemple : « Pour nous, une association ne peut jamais être réduite au service qu’elle rend ; elle représente d’abord la liberté d’intervenir soi-même en s’organisant collectivement » (208). La vie associative est un garant républicain de la construction citoyenne et permet d’ouvrir à l’utilité du vivre-ensemble.

b. La modernisation nécessaire des modes officiels de reconnaissance

La loi du 1er juillet 1901 pose un statut unique pour les associations (209), mais ce cadre général est assorti ou complété de plusieurs régimes juridiques qui traduisent les différents degrés de reconnaissance que les pouvoirs publics peuvent accorder aux associations. Depuis des années, nombreux sont les rapports qui se sont interrogés sur la pertinence et la cohérence de ces dispositifs (210) et qui ont recommandé leur refonte ou leur modernisation. Si le sujet n’a pas été placé au cœur des travaux de la commission d’enquête, il n’en a pas pour autant été passé sous silence.

Votre rapporteure veut tout d’abord relever que le principe d’une hiérarchisation par l’État des « droits et devoirs » des associations n’est pas remis en cause. En font foi les propos de Mme Nadia Bellaoui, qui déclarait, au nom de l’ensemble du mouvement associatif : « nous sommes attachés à la loi de 1901, une loi de liberté, qui a été et peut encore être complétée par tout un arsenal d’agréments, d’autorisations et de droits spécifiques à mesure que l’association donne des garanties à la puissance publique » (211). C’est donc sur le détail de l’« arsenal » qu’il faut faire porter l’effort.

i. La reconnaissance d’utilité publique

On doit en premier lieu s’interroger sur la reconnaissance d’utilité publique. La loi de 1901 a créé trois catégories d’associations : les associations de fait, qui n’ont pas de capacité juridique ; les associations simplement déclarées, qui ont une capacité juridique définie par l’article 6 (souvent dite « petite capacité ») ; les associations déclarées et reconnues d’utilité publique (ARUP), dont la capacité juridique est définie par l’article 11 (dite « grande capacité »).

La reconnaissance d’utilité publique se traduit, pour l’association qui en fait la demande, par des obligations qui touchent à la procédure de reconnaissance elle-même et à la vie ultérieure de l’association :

– la reconnaissance est accordée par décret en Conseil d’État ;

– le contenu de l’« utilité publique », que ni la loi ni son décret d’application n’ont défini, a été progressivement encadré par la doctrine et la jurisprudence administratives : l’association doit apporter la preuve qu’elle satisfait à diverses conditions qui concernent notamment son but, son influence et son rayonnement, sa transparence financière et statutaire et sa solidité financière ; seule une condition d’ancienneté (3 ans) est fixée par la loi ;

– l’association est soumise à une tutelle de l’État : approbation par le ministre de l’Intérieur de l’éventuel règlement intérieur ; transmission chaque année des comptes et d’un rapport d’activité au préfet du département où est localisé le siège social, ainsi qu’au bureau des associations et fondations du ministère de l’Intérieur ; approbation de toute modification statutaire par arrêté ministériel après consultation des ministères concernés et avis conforme du Conseil d’État, etc.

En contrepartie, l’ARUP peut recevoir non seulement des dons manuels (accessibles aux associations déclarées) mais aussi des dons et legs, acquérir et posséder des valeurs mobilières ainsi que des actifs fonciers et plus généralement, depuis l’adoption de la loi sur l’économie sociale et solidaire (loi ESS), accomplir « tous les actes de la vie civile qui ne sont pas interdits par [ses] statuts » ; ce dernier point implique que l’association peut désormais acquérir et administrer des immeubles de rapport alors qu’avant la loi ESS, elle ne pouvait pas posséder ou acquérir d’autres immeubles que ceux « nécessaires au but qu’elle se propose ».

L’équilibre entre les obligations associées à la reconnaissance d’utilité publique et les prérogatives que ce statut confère paraît moins évident aujourd’hui.

Il faut tout d’abord rappeler que la différence entre « petite capacité » et « grande capacité » ne se comprend que dans le contexte d’adoption de la loi, marqué par l’affrontement entre la République et les congrégations religieuses. Réserver aux seules associations reconnues d’utilité publique la faculté de recevoir des dons et legs visait à empêcher les congrégations de reconstituer leur patrimoine de mainmorte par le biais de la liberté d’association. Paradoxalement, la première « reconnaissance » établie par l’État était ainsi un moyen de contrôle surplombant la liberté d’association.

Le temps passant, l’idée d’un assouplissement s’est imposée et la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat a donné la possibilité aux associations simplement déclarées « qui ont pour but exclusif l’assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale » d’accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Était ainsi créée une catégorie d’associations simplement déclarées disposant d’une sorte de « capacité intermédiaire ».

Mais comme l’a indiqué M. Patrick Audebert, chef du Bureau des associations et fondations du ministère de l’Intérieur : « il n’était pas toujours facile pour les préfets de se prononcer : il suffisait que l’association ait une petite activité annexe pour ne pas bénéficier de cette qualification, au demeurant quelque peu désuète – on pense à la philanthropie des dispensaires et des orphelinats sous le Second Empire. La nécessité de soutenir des populations en difficulté, surtout en période de crise, n’a pas diminué, mais d’autres missions d’intérêt général, telles que le développement durable, la protection des animaux, la défense de la langue française, l’action humanitaire, etc., méritent d’être retenues » (212).

Par ailleurs, la relative facilité avec laquelle toute personne morale – y compris, donc, une association simplement déclarée – peut établir un fonds de dotation (213) permet à celle-ci, par le truchement du fonds et, certes, au prix d’une certaine complexité administrative, de bénéficier des mêmes possibilités qu’une association reconnue d’utilité publique.

La loi ESS a poursuivi l’assouplissement engagé en 1987 : d’une part, elle a donné la possibilité aux associations concernées de conserver – donc d’administrer – les immeubles reçus par don ou legs, afin de diversifier leurs sources de financement ; d’autre part, elle a élargi le bénéfice de ces dispositions aux associations dites « d’intérêt général », à savoir celles dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts (214).

Sans autre ajustement, les associations simplement déclarées mais reconnues « d’intérêt général » – notion au contenu purement fiscal – auraient été placées dans une situation quasiment équivalente à celle des ARUP (215), sans être soumises aux contraintes correspondantes. C’est pourquoi la loi ESS a prévu que ces dernières pourraient désormais acquérir des immeubles de rapport et non pas seulement les recevoir par don ou legs. Mais cette ouverture a une portée assez symbolique puisqu’elle se contente d’assouplir les modalités de gestion d’un patrimoine déjà constitué, par arbitrage entre des actifs financiers et immobiliers ; elle ne concourt pas en tant que telle à élargir les sources de financement des ARUP.

Le bénéfice de la reconnaissance d’utilité publique se limite pratiquement, désormais, à un « label de sérieux sur lequel on peut appuyer une communication auprès du public ou de mécènes éventuels » (216), ce qui explique que « les associations qui utilisent peu le label et reçoivent peu de dons et de libéralités peuvent considérer que la tutelle est un peu lourde et préfèrent y renoncer » (217). M. Audebert a par ailleurs indiqué à la commission que le ministère réfléchit à l’allégement de certaines modalités d’exercice de sa tutelle sur les ARUP.

Peut-être faudrait-il mettre à profit cette réflexion pour donner à la reconnaissance d’utilité publique un sens plus conforme à ce que son appellation suggère : dès lors que l’aspect matériel des avantages octroyés n’est plus déterminant et que les obligations liées à la tutelle sont globalement considérées comme excessivement formalistes (218), l’appréciation de l’État devrait se recentrer sur la façon dont l’association qui sollicite ce « label » satisfait à des critères de qualité au regard, par exemple, de son projet, de sa gouvernance, de sa gestion, de l’évaluation de ses résultats, etc. l’objectif étant d’attester que l’association a effectivement les qualités nécessaires pour agir dans l’intérêt public.

Recommandation Faire de la reconnaissance d’utilité publique un véritable label de qualité de l’action associative

ii. Les agréments ministériels : vers un « tronc commun » opposable ?

Le lien entre une association et l’administration peut se concrétiser par un agrément (ou une habilitation) délivré par un département ministériel déterminé sur la base d’un texte législatif ou réglementaire spécifique. Autant les catégories prévues par la loi de 1901 (associations de fait, déclarées, ou reconnues d’utilité publique) couvrent de façon transversale l’ensemble des domaines où peuvent intervenir les associations, autant les agréments ministériels traduisent une reconnaissance sectorielle dans un champ de compétences bien délimité. Quel que soit ce champ, il s’agit d’un acte unilatéral de reconnaissance d’une association par l’administration.

Les buts de l’agrément sont multiples, sachant qu’il a toujours vocation à manifester que l’association conforte, par son action, les politiques publiques mises en œuvre par le ministère concerné. On peut relever, sans exclusive, que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a créé un dispositif d’agrément des associations qui assurent la représentation des personnes malades et des usagers du système de santé, dispositif désormais codifié à l’article L. 1114-1 du code de la santé publique. En matière d’éducation, l’agrément est un simple label car il ne garantit pas à une association de pouvoir intervenir dans un établissement : c’est au chef d’établissement de se prononcer sur la demande que les associations doivent formuler à chaque intervention. En matière de protection de l’environnement, l’agrément ouvre aux associations bénéficiaires la possibilité de « participer à l’action des organismes publics concernant l’environnement » (219) ; par ailleurs, il procure des droits spécifiques au regard des possibilités d’action en justice. En matière sportive, seules les associations agréées peuvent prétendre à l’obtention d’une subvention de l’État, notamment des subventions du Centre national pour le développement du sport ; par ailleurs, l’agrément permet d’accorder le « coupon sport » aux familles des enfants adhérents âgés de 14 à 18 ans qui perçoivent une allocation de rentrée scolaire, de bénéficier de tarifs préférentiels pour la diffusion de musiques (redevances SACEM) notamment lors des compétitions et d’ouvrir dix fois par an un débit de boissons au sein de son enceinte sportive. En matière de services à la personne, l’agrément permet, pour l’employeur, l’exonération totale des charges patronales de sécurité sociale dans la limite d’un SMIC brut par salarié ; pour les usagers, il permet de bénéficier des avantages prévus dans le plan de développement des services à la personne, à savoir une TVA à taux réduit sur les prestations, des exonérations de charges sociales et des réductions ou crédits d’impôt (article L. 7233-2 du code du travail).

Il existe donc une grande variété d’agréments ministériels, accordés et renouvelés sur le fondement de régimes eux-mêmes variés mais dont certains critères se recoupent parfois. Par ailleurs, il n’est pas rare qu’une même association soit amenée à solliciter plusieurs agréments pour réaliser son projet, ce qui conduit à constituer plusieurs dossiers dont le contenu est pour partie identique, à mobiliser plusieurs administrations et à conduire plusieurs instructions distinctes. De ce fait, comme l’a expliqué M. Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, « l’idée d’un tronc commun d’agrément ayant trait, par exemple, au fonctionnement démocratique de l’association, et opposable aux différents départements ministériels, rendrait inutile la vérification de ce critère par chaque ministère concerné : comme le permet le programme “ Dites-le nous une fois ” mis en place pour simplifier les relations entre les entreprises et l’administration, il suffirait que cette vérification ait été faite une fois. En revanche, chaque département ministériel a bien vocation à vérifier que les actions conduites par une association dans tel ou tel domaine répondent à des critères spécifiques liés à son domaine de compétence. Il faut donc distinguer, dans l’agrément, les critères relevant de la structure de l’association de ceux relevant de l’action qu’elle mène, et procéder à une simplification en faisant un tronc commun des premiers » (220).

Le thème du tronc commun d’agrément est apparu notamment dans la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations ; il incluait trois critères, détaillés en annexe : un objet d’intérêt général, un mode de fonctionnement démocratique et une transparence financière. Il est devenu un objet juridique à part entière en étant repris, quasiment mot pour mot, dans l’article 123 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives. Chose curieuse : cette disposition législative « est tombée en désuétude faute de parution des décrets d’application s’y rapportant » (221).

Aucune explication n’a été donnée à la commission d’enquête au sujet de cette « désuétude » législative. Peut-être faut-il y voir le fait que le sujet a été abordé dans la seule perspective de la simplification administrative, qui aurait été insuffisamment mobilisatrice pour les acteurs concernés. Votre rapporteure estime que, si l’on veut vraiment faire aboutir le tronc commun d’agrément, il faut lui donner une substance propre au-delà de toute visée simplificatrice. La piste la plus prometteuse pourrait consister à établir un lien entre le respect du tronc commun d’agrément et l’octroi de la « capacité intermédiaire » évoquée au point i. précédent.

Recommandation Mettre en place le « tronc commun d’agrément », en étudiant son éventuelle articulation avec les capacités reconnues aux associations d’intérêt général par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association

c. Une reconnaissance qui suppose surtout un changement de regard et une plus grande ouverture

À l’issue des travaux de la commission d’enquête, force est de convenir que si l’on devait se limiter à « revisiter » les instruments officiels que sont la reconnaissance d’utilité publique et les agréments ministériels, on passerait à côté de l’essentiel. De même, les éléments avancés dans les chapitres précédents, notamment au regard des concours financiers publics ou privés, de la qualité de bénévole ou de l’emploi associatif, peuvent être vus comme des réponses concrètes au besoin de reconnaissance manifesté par le monde associatif ; elles n’en restent pas moins des réponses inscrites dans un champ limité.

La reconnaissance n’est pas seulement affaire de procédures, de règles et de critères plus ou moins exigeants, elle est aussi – voire surtout – affaire de considération et doit être à la mesure du rôle des associations dans la construction de la société.

En premier lieu, les associations regrettent de ne venir trop souvent qu’au second rang des préoccupations des pouvoirs publics. « Les pouvoirs publics se focalisent sur les entreprises et négligent les associations », a par exemple déclaré M. Jacques Lepart, président du Conservatoire d’Espaces Naturels Languedoc-Roussillon (222). La crise économique est un élément d’explication évident mais plusieurs interlocuteurs de la commission ont mis en avant une autre dimension, « culturelle », d’un phénomène qui est ressenti tout autant au niveau local qu’au niveau des grandes fédérations associatives.

M. Yves-Jean Dupuis, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP), a ainsi indiqué : « nous avons l’impression qu’il est difficile pour les autorités de l’État et pour leurs structures décentralisées de gérer un triptyque et qu’en France, on ne parvient à travailler que dans un cadre binaire : c’est soit le public, soit le privé commercial. Dès que l’on essaie de mettre en avant, dans le secteur sanitaire, médico-social et social, un troisième acteur pourtant historiquement le plus ancien, le secteur non lucratif, il semble que guettent aussitôt des difficultés de fonctionnement. Ainsi, dans le secteur sanitaire, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) semble avoir bien du mal à gérer à la fois une structure publique et un secteur non lucratif, alors même que ce dernier est en totalité dans le secteur public hospitalier et que 99 % des médecins qui travaillent dans nos établissements sont en secteur 1 – ce qui n’est pas le cas à l’hôpital public et ce qui fait de nous les vrais garants du service public hospitalier. Le même constat vaut pour d’autres activités entrant dans le champ médico-social » (223).

Ce déclassement ressenti ne fait que refléter une certaine méconnaissance des spécificités du monde associatif, mal prises en compte par l’appareil administratif et politique, et de sa contribution à la formation de l’intérêt général. Illustrant son propos par une anecdote relative à Pôle emploi, M. Gérard Leseul, responsable des relations institutionnelles et internationales au Crédit Mutuel, a ainsi estimé que « de manière générale, on constate que certaines administrations considèrent les associations comme des interlocuteurs quelque peu exotiques » (224).

Peut-être les fonctionnaires ne sont-ils pas suffisamment préparés au dialogue avec le secteur associatif et ne sont-ils pas prêts à accepter que des bénévoles puissent incarner aussi l’intérêt général. Le témoignage de M. Pierre-Marie Miroux, ancien président de l’APEI du Valenciennois, conforte ce point de vue. Celui-ci a écrit, en effet : « Ce qui me vient à l’esprit en premier lieu, c’est la nécessaire confiance et la reconnaissance de compétence que l’administration publique doit accorder aux associations importantes qui représentent vraiment un mouvement. Je ne mets nullement en cause la compétence des fonctionnaires de tout niveau avec lesquels j’ai eu à traiter. […] au contraire j’ai rencontré là bien des gens très au fait des dossiers, et plus même que je ne le pensais. Mais, peut-être en raison même de cette connaissance, ont-ils du mal à admettre qu’il puisse y avoir quelques nuances à y apporter. Et surtout le niveau politique ne leur imposant pas de prendre vraiment en considération le mouvement associatif, ils ne le font pas et, de ce fait, ce n’est pas inscrit dans notre culture sociale. » (225)

Votre rapporteure considère qu’il serait judicieux de mettre en œuvre la suggestion formulée par M. Sylvain Crapez, délégué général de l’UNAT : « nous constatons parfois une méconnaissance du fait associatif de la part de la sphère publique. Il nous semble donc intéressant que les parcours des fonctionnaires incluent une immersion dans les structures associatives, afin d’améliorer la connaissance de nos modes de fonctionnement » (226). Une telle démarche transposerait au monde associatif le mouvement d’ouverture de la fonction publique à la connaissance du fonctionnement des entreprises qui a été engagé depuis maintenant plusieurs années.

Recommandation Intégrer à la formation initiale et continue des fonctionnaires de l’État et des fonctionnaires territoriaux des modules d’immersion et de découverte de la vie associative

En fait, le diagnostic de M. Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France, est clair : « les associations sont encore considérées comme des êtres mineurs : en témoigne le fait qu’elles sont toujours fortement sollicitées pour les dispositifs d’emplois aidés. Le politique doit définir ce qu’il attend des associations : veut-il qu’elles soient des “enfants” ou des acteurs ? » (227). Réciproquement, les associations doivent s’affirmer elles aussi et poser le principe que faire du lien social et construire la citoyenneté sont deux enjeux majeurs de la société. Comme l’a dit M. Jacques Malet, « si la coopération entre les collectivités et les associations est indéniablement nécessaire, elle ne doit pas se solder par une relation de suzerain à vassal. Malheureusement, aujourd’hui, les associations jouent parfois – pardonnez l’expression – “petit bras” » (228).

Votre rapporteure en est convaincue : il faut faire passer les associations de cet état de « minorité » à un état de « majorité » et, pour ce faire, répondre positivement à l’appel pressant qui lui a été adressé par la quasi-totalité de ses interlocuteurs. Il faut entrer avec elles dans une démarche de co-construction des politiques publiques. Cela suppose d’accepter le dialogue d’égal à égal qu’appelle de ses vœux M. Michel Caron, président de l’ Association laïque pour l’éducation, la formation, la prévention et l’autonomie (ALEFPA) : « Il me semble que la grande question est bien : associations sous tutelle ou associations partenaires, quel dialogue pour demain ? Le débat politique existe, le dialogue social existe aussi. Mais qu’en est-il réellement de ce nécessaire dialogue entre les pouvoirs publics et la société civile ? [Les progrès attendus des associations] ne se produiront que s’il y a simultanément un progrès significatif du management du service public » (229).

Pour s’engager dans cette voie, il n’est pas besoin d’instaurer de nouveaux lieux pour un dialogue officiel : les interfaces sont suffisamment nombreuses, tant au niveau de l’État que de celui des collectivités territoriales (230), pour éviter de l’enfermer dans un cadre institutionnel permanent qui pourrait rapidement devenir stérilisant. L’enjeu consiste avant tout à tracer quelques axes clairs.

Voir dans les associations des acteurs majeurs suppose au premier chef de leur accorder une « présomption de compétence », qui naît notamment de leur immersion dans le réel. C’est en ce sens que Mme Henriette Steinberg, secrétaire générale du conseil d’administration et secrétaire nationale du Secours populaire français, en a appelé au « respect » de l’action associative : « Être respectés ès qualités, cela signifie encore ne pas devoir justifier partout et sans cesse que les personnes que nous soutenons et qui viennent nous rencontrer, ou à la rencontre desquelles nous allons, sont “vraiment” dans la détresse, “vraiment” dans la difficulté, “vraiment” menacées d’expulsion, “vraiment” incapables de payer leur chauffage, la cantine de leurs enfants, l’eau, les assurances, “vraiment” en carence alimentaire, ou à la limite, “vraiment” dans l’impossibilité de consulter médecins, dentistes, ophtalmologistes – la liste n’est pas exhaustive et n’aborde pas l’accès aux loisirs, aux vacances et aux sports » (231).

Il faut également se garder de ne voir dans les associations que des instruments supplétifs de la puissance publique et prendre acte du fait que les buts d’intérêt général qu’elles poursuivent peuvent ne pas concorder avec certains choix politiques. Comme l’a d’ailleurs reconnu M. Stéphane Pavlovic, directeur de la Confédération générale du logement, « vis-à-vis des pouvoirs publics, il peut être délicat d’être à la fois un partenaire et, si l’on peut dire, un adversaire. […] C’est une antinomie dont on souffre beaucoup dans le secteur du logement. Il nous est difficile de défendre une association de locataires contre un office public dirigé par sa collectivité de rattachement, par exemple le maire lorsqu’il s’agit d’un office communal, et de composer par ailleurs avec cet élu dans un autre contexte pour demander des subventions » (232).

Enfin, le dialogue serait vivifié par une meilleure insertion du monde associatif dans l’école et une meilleure visibilité auprès de nos concitoyens.

S’agissant de l’école, certaines catégories d’associations ont naturellement un intérêt direct à accroître leur présence : les associations sportives, par exemple, peuvent investir le champ scolaire pour établir des passerelles avec les clubs et augmenter leur vivier de licenciés (233). Les associations d’éducation populaire peuvent également, par une présence accrue dans les établissements chargés de la formation des enseignants, chercher à diffuser leur message et à susciter de nouveaux engagements : « Comment donner envie aux futurs enseignants de rejoindre nos associations s’ils ne rencontrent jamais d’hommes et de femmes de terrain ? », s’est ainsi interrogée Mme Catherine Chabrun, représentante du Collectif des associations partenaires de l’école (CAPE) (234). Mais, au-delà, l’école peut surtout être valorisée comme le lieu d’un premier apprentissage associatif : M. Jacques Malet rappelait par exemple que les jeunes peuvent se « faire la main » au sein des associations existant dans le milieu scolaire et universitaire (foyers, associations sportives, etc.).

Recommandation Saisir le HCVA d’une demande d’avis sur les moyens de renforcer la visibilité du monde associatif dans les établissements d’enseignement et d’y développer l’apprentissage de la vie associative

En matière de visibilité, Mme Hélène Beck, directrice administration-finances du Secours catholique, a exprimé le souhait que son association – mais cela doit évidemment être étendu à l’ensemble du monde associatif – soit mise à même de mieux faire connaître son action : « Pour accomplir sa mission initiale – créer du lien social, œuvrer à l’insertion et à l’inclusion sociales –, le Secours catholique devrait pouvoir montrer son action, celle de ses bénévoles, dans les médias et dans l’enseignement public, afin de la faire reconnaître » (235). De la même façon, M. François Carlier, délégué général de la Confédération consommation, logement et cadre de vie (CLCV), a souligné l’intérêt des campagnes publiques de communication pour soutenir le développement du mouvement associatif : « Je pars de l’hypothèse que les Français aiment bien les associations, notamment les associations de consommateurs, mais je ne suis pas sûr qu’ils sachent que nous avons besoin d’adhésions et de dons. Des campagnes publiques qui le leur rappelleraient, un peu sur le modèle de celles qui incitent à voter, seraient donc bienvenues » (236).

Les opérations entreprises cet automne dans les médias sur le thème de l’engagement associatif dans le cadre de la Grande cause nationale 2014 correspondent à cet objectif. Elles pourraient être répétées – à plus petite échelle, voire sur une base locale – dans les années à venir. Votre rapporteure rappelle, à cet égard, que les actions de portée nationale, souvent évoquées devant la commission d’enquête, ne doivent pas faire oublier que les petites associations ont elles aussi besoin d’accéder à des supports de communication. Qu’il s’agisse de la diffusion d’une plaquette ou d’un simple feuillet d’information, ou de l’accès à un support plus institutionnel, la balle est souvent dans le camp de la commune où l’association est établie.

Recommandation Lancer tous les trois ans une campagne nationale pour promouvoir auprès des Français le don associatif

Les voies de la reconnaissance sont multiples ; elles relèvent bien sûr d’une dimension juridique – toujours efficace mais dont la portée mobilisatrice s’est certainement effritée du fait de la crise –, d’une dimension économique et sociale – par exemple avec le soutien au bénévolat par la formation, évoqué dans le chapitre précédent – mais plus encore aujourd’hui d’une dimension symbolique, qui relève du regard porté sur le monde associatif et qui doit avoir des répercussions concrètes dans les pratiques à son égard.

2. Des contraintes administratives qui entravent l’action associative

S’il est un domaine où les associations attendent une action concrète et rapide de l’État, c’est bien celui de l’allégement des contraintes administratives. Toutes se sont d’ailleurs réjouies de la nomination au printemps dernier, par le Gouvernement, d’un parlementaire en mission – notre collègue Yves Blein – sur un « choc de simplification » en direction du secteur associatif. Sans préjudice des échanges qui ont eu lieu avec lui dans le cadre de sa mission, les interlocuteurs de la commission d’enquête se sont ouverts à celle-ci de leurs préoccupations – très largement concordantes –, preuve supplémentaire de l’ampleur des attentes.

a. Une simplification très attendue

Les associations sont, comme les autres acteurs de la vie sociale, confrontées à la multiplication des textes juridiques, qui est vécue comme un encadrement excessivement étroit de leur capacité d’action. L’empilement de normes qui, prises une par une, ont leur sens devient un frein au projet associatif et aboutit à détourner le travail des bénévoles et salariés vers des directions autres que celles où leur engagement les porte.

Pour M. Olivier Berthe, président des Restos du cœur, « cette question de la complexité croissante touche toutes nos actions. Au niveau européen, un nouveau fonds d’aide aux plus démunis a certes été créé ; mais son règlement est très complexe, et même si difficile à mettre au point que rien n’est encore arrivé dans nos entrepôts ! Dans tous les domaines, la législation est de plus en plus compliquée : c’est le cas des règlements sanitaires, de la réforme en cours de l’IAE… » (237). M. Jean-Pierre Caillibot a rappelé que « nos associations qui gèrent des lieux de vie et d’accueil sont soumises à des réglementations de plus en plus complexes en matière de sécurité et d’hygiène. Bientôt, nous ne serons même plus en mesure d’y faire cuire deux œufs sur le plat en y ajoutant un peu de gruyère ! Peu à peu se créent des structures aseptisées qui creusent des fossés infranchissables pour les personnes en difficultés qui veulent cheminer avec nous. Il faut absolument réintroduire de l’humain » (238). Ce constat se vérifie également dans le domaine du sport, où les associations évoluent dans un environnement juridique de plus en plus complexe, comme l’a souligné Mme Cécile Mantel, directrice du service juridique de la Fédération Française de handball : « Par ailleurs, la complexité administrative et juridique à laquelle les dirigeants doivent faire face est paradoxale : alors que l’État s’emploie depuis plusieurs années à simplifier les démarches administratives, la constitution des dossiers pour le CNDS ou pour les emplois d’avenir est vécue comme de plus en plus contraignante. Pour un petit club, souvent porté par un ou deux dirigeants très investis, la dématérialisation est parfois difficile à gérer. Les documents et justificatifs apparaissent comme des contraintes insurmontables, si bien que beaucoup de clubs renoncent à demander des subventions ou des financements. » (239)

L’évolution trop fréquente ou mal maîtrisée du cadre juridique où se déploie l’activité associative peut aussi poser problème. C’est ce qu’a voulu mettre en évidence M. Jean-Pierre Caillibot en souhaitant que les bénévoles et les personnes qu’ils accompagnent puissent mieux « se repérer dans cette jungle » : « S’agissant de l’évolution trop rapide de la réglementation, nous avons formulé plusieurs propositions dans le cadre du projet de réforme de l’administration, car les choses sont extrêmement complexes pour tous les acteurs du monde associatif. […] L’accès au droit est très compliqué, ce qui est inacceptable. Un exemple : la réforme des retraites a manifestement été mal intégrée par les organismes sociaux que sont la Caisse nationale d’allocations familiales et la Caisse nationale d’assurance vieillesse, de sorte qu’un nombre croissant de personnes qui ne touchent plus l’allocation d’adulte handicapé ou le revenu de solidarité active en raison de leur âge se retrouvent sans ressources pendant une durée parfois insupportable. Bref, un travail colossal de simplification administrative et de cohérence entre acteurs publics reste à accomplir » (240).

La commission d’enquête a pris acte, cependant, que le secteur associatif lui-même n’est parfois pas totalement étranger à la multiplication des normes. Comme l’a relevé M. Philippe Bana, directeur technique national de la Fédération française de handball, « les ligues professionnelles, quant à elles, imposent des cahiers des charges assez lourds, notamment en matière d’équipements. Les collectivités territoriales ont parfois du mal à accepter des changements rapides et coûteux. Elles sont cependant représentées dans une nouvelle instance où l’on discute de ces problèmes : le Conseil national du sport » (241). En l’espèce, les positions respectives du monde associatif et de la puissance publique sont inversées par rapport à la situation la plus courante.

D’autres interlocuteurs de la commission ont regretté des disparités territoriales difficilement explicables. M. Sylvain Crapez a appelé, par exemple, à « mettre fin au traitement inégalitaire sur les territoires en matière de normes et règlements, d’inspections de sécurité, etc. En effet, d’un département à l’autre, la vision est soit laxiste, soit ultra-réglementée » (242).

Recommandation Saisir le HCVA d’une demande d’avis sur le poids des normes juridiques et techniques opposables aux associations et sur les moyens d’en atténuer la portée

C’est aussi dans leurs relations avec l’administration que les associations sont confrontées à une complexité excessive. Si les auditions de la commission d’enquête ont montré que le dossier CERFA normalisé mis en place pour les demandes de subvention adressées aux services de l’État est apprécié, certaines fédérations ont fait part des difficultés que peuvent rencontrer leurs membres à repérer le bon interlocuteur au sein des structures administratives.

Au plan local, et pour ce qui concerne l’État, il apparaît que moins de la moitié des départements ont rapproché le greffe des préfectures – qui assure le suivi de la vie « juridique » des associations – et les services dédiés au conseil et à l’accompagnement, généralement localisés au sein des directions départementales de la cohésion sociale. Cette démarche devrait être généralisée.

En matière de financements, la multiplication des guichets locaux, surtout lors de la mise au point de financements croisés, amène nombre d’acteurs associatifs à demander la mise en place de « conférences de financeurs ». Une telle démarche est positive et doit être soutenue.

Au plan national, la segmentation des compétences ministérielles rend le paysage complexe et nuit parfois à la qualité de représentation de l’État auprès de ses interlocuteurs associatifs. M. Yves Verollet, délégué général de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), a ainsi indiqué : « Nos difficultés sont bien connues. Elles tiennent en premier lieu au fait que nous avons dans notre secteur de l’aide et des soins à domicile plusieurs interlocuteurs – la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), etc. – et sommes soumis à plusieurs modes de réglementation, mais que nous ne disposons pas de véritable gouvernance nationale. » (243)

Ce sont cependant les procédures elles-mêmes qui suscitent le plus de commentaires. Le tableau qui a été dressé au fil des auditions a montré les difficultés liées à la multiplicité des interlocuteurs – d’autant plus grande que les associations sont souvent amenées à recourir à des financements croisés – et à la disparité des exigences présentées par chaque financeur en termes de contenu du dossier de financement et de pièces justificatives à fournir.

Pour atténuer ces inconvénients, la dématérialisation des dossiers de financement est une voie intéressante, surtout si elle permet à l’association de constituer auprès des financeurs un « fonds de dossier » pérenne (statuts, SIRET, références Journal officiel, etc.) au moment de la première inscription, pouvant être complété au fil des demandes (bilans financiers, rapports d’activité, modifications statutaires, etc.). Plusieurs collectivités ont développé leur propre portail – qui permet notamment de centraliser les demandes concernant plusieurs directions. Un effort a parallèlement été engagé en ce sens par l’État, sur le portail Votre compte Association, hébergé par Service-public.fr (244). Pour l’instant, celui-ci ne permet cependant de déposer de dossier que pour les subventions du Centre national de développement du sport et de la DJEPVA pour ce qui est de l’État, du Conseil général de la Côte d’Or et d’Amiens Métropole pour ce qui est des collectivités locales.

Le processus de dématérialisation doit être étendu, dans une démarche qui assure de son efficacité : en termes de services rendus, il doit par exemple être bien adapté aux dossiers de financements croisés et s’articuler aux procédures relatives à la vie juridique de l’association ; en termes de contraintes, il doit être précédé d’une réflexion sur la nature des pièces justificatives à exiger (245) ; en termes de gouvernance, il doit réunir autour d’une même table des représentants de l’État, de ses établissements publics, des collectivités territoriales et, surtout, des associations elles-mêmes.

Recommandation Mettre en œuvre les recommandations du rapport « Simplifications pour les associations » de M. Yves Blein, député, au Premier ministre, en fixant comme objectifs prioritaires :

– le rapprochement des greffes des préfectures et des services dédiés au conseil et à l’accompagnement

– l’harmonisation des dossiers de financement et des exigences en matière de pièces justificatives entre les différentes collectivités publiques, avec pour objectif final la mise au point d’un « dossier unique »

– l’incitation à la mise en place de « conférences de financeurs »

– la dématérialisation des demandes de financements dans le cadre d’un processus progressif et partagé entre les représentants de tous les acteurs concernés

En dernier lieu, votre rapporteure considère que ce n’est pas méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales que de recommander de travailler aussi à des exigences simplifiées pour les demandes de financement portant sur des montants modestes, car celles-ci sont plutôt l’apanage des petites associations locales, pour qui un formalisme excessivement développé peut constituer un obstacle dirimant.

Réussir la dématérialisation des relations entre les administrations et les associations prendra du temps. Au fil des étapes, c’est le « guichet unique » cher à toute une littérature administrative qui pourrait prendre forme progressivement. Cela ne doit cependant pas se faire aux dépens des contacts humains et de la relation directe entre les services et les associations, qui donnent tout son sens à la démarche de financement.

b. Du contrôle à l’évaluation

C’est une même quête de sens qui a amené nombre des personnes auditionnées par la commission d’enquête à critiquer la nature et la portée des obligations et des contrôles qui pèsent trop souvent sur l’activité des organismes qu’elles animent. Certaines d’entre elles sont définies par des textes de portée nationale, notamment la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi précitée et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques, et l’arrêté du 11 octobre 2006 relatif au compte rendu financier prévu par l’article 10 de la même loi. D’autres textes (comme le code de commerce ou le décret n° 2009-540 du 14 mai 2009 portant sur les obligations des associations et des fondations relatives à la publicité de leurs comptes annuels) posent également des règles applicables aux associations. On peut notamment retenir de ce corpus :

– l’obligation de conclure une convention définissant l’objet, le montant, les modalités de versement et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée lorsque le montant de celle-ci excède 23 000 euros,

– l’obligation de produire un compte rendu financier qui atteste de la conformité des dépenses effectuées à l’objet de la subvention lorsque celle-ci est affectée à un objet déterminé, ceci entraînant, de par la rédaction même de l’arrêté du 11 octobre 2006, l’obligation de tenir une comptabilité en bonne et due forme,

– l’obligation de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant lorsque le montant total des subventions reçues en numéraire excède 153 000 euros par an, et d’assurer la publicité des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes.

S’ajoutent bien sûr à ces obligations, le cas échéant, celles découlant, pour chaque collectivité ayant accordé un concours, de son propre règlement financier et des règles comptables applicables aux collectivités territoriales. Ces obligations peuvent toucher au recensement ou à la présentation des factures, à la forme de l’état récapitulatif des dépenses, au dépôt de bilans financiers intermédiaires, à la présentation du coût total de l’action financée par le biais d’une comptabilité analytique, etc.

L’obligation de rendre des comptes sur l’action associative n’est pas contestée dans son principe, que ce soit pour sa dimension proprement financière ou pour sa dimension opérationnelle. Fort de son approche de professionnel du chiffre, M. Jean-Pierre Vercamer, associé responsable du département Audit du secteur associatif au cabinet Deloitte, a d’ailleurs affirmé avec une vigueur quelque peu provocante : « Cent euros donnés en période de crise ont plus d’importance qu’en période de croissance. La notion de performance devrait donc être transcendée dans les moments difficiles. Les financeurs publics demandent que l’utilisation des fonds soit contrôlée ; au-delà du seul équilibre des comptes, les rapports de gestion des associations devraient détailler davantage l’emploi des fonds et l’objectif qu’il a permis d’atteindre. Sans vouloir citer de noms, on met encore dans notre pays beaucoup d’argent dans des poches percées ou dans des objets associatifs dépourvus de toute utilité » (246).

Les associations sont confrontées à deux problèmes. D’une part, les exigences sont parfois disproportionnées par rapport à leurs capacités. Le Collectif des associations citoyennes relève, par exemple, que l’obligation d’établir une comptabilité analytique « a peu de sens pour les petites et moyennes associations, qui n’ont pas pour objet de vendre des services mais de réaliser un projet associatif. L’essentiel des dépenses (70 à 80 %) est constitué par la rémunération du personnel, avec peu ou pas d’investissements. Dans cette configuration, […] il est extrêmement lourd et peu significatif de noter le temps passé par chaque salarié sur chaque dossier. […] Cette exigence garde en revanche sa pertinence au-delà d’un certain volume de chiffre d’affaires pour des structures pratiquant de multiples activités marchandes, où chaque salarié est spécialisé sur une action, ou pour les associations ayant des délégations de service public » (247).

D’autre part, les critères d’appréciation ne sont pas bien adaptés aux principes de fonctionnement des associations et à la nature des actions qu’elles conduisent. Mme Florence Delamoye a ainsi indiqué : « Nous regrettons que nos actions soient si souvent appréciées selon des critères quantitatifs plutôt que qualitatifs. Je songe par exemple au nombre de personnes sorties d’une structure après un parcours de six mois : il ne signifie pas qu’au terme de cette période elles aient réglé tous leurs problèmes sociaux, sanitaires, de logement et d’emploi. Seuls des critères qualitatifs permettent de savoir si, en répondant à leurs besoins fondamentaux, nous leur avons permis de progresser et de franchir une nouvelle étape. Ne pas en tenir compte dans l’évaluation conduit à des résultats aberrants. De ce point de vue, nous sommes plutôt satisfaits de l’amélioration apportée par la réforme de l’insertion par l’activité économique, qui accorde à ces critères une place croissante. Ne perdons pas de vue que des tableaux de chiffres ne sauraient suffire lorsque la situation d’une personne est en jeu. Notre terreau est humain, nous créons du lien social en luttant contre l’isolement d’une population en marge, comme vous l’avez souligné dans votre rapport préparatoire. Comment mesurerait-on l’isolement d’une personne par des critères uniquement quantitatifs ? » (248).

Il est enfin regrettable que les formalités qui sont exigées des associations au titre du contrôle puissent constituer une charge de travail peu, voire pas utile, faute de voir les informations associées exploitées par le financeur. Mme Francine Dosseh, magistrate à la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, a en effet relevé que « de plus en plus de collectivités ont […] généralisé l’utilisation de modèles types, de dossiers normés de demande de subventions, y compris pour les petites associations. L’utilisation de ce type de documents […] devrait donner une base suffisante à une collectivité pour assurer un contrôle minimum sur l’utilisation des fonds versés aux associations. […] Or, en réalité, très peu de collectivités exercent un contrôle effectif sur les subventions, y compris quand ces dernières sont d’un montant important » (249). Au demeurant, même si les collectivités doivent exercer un contrôle sur les subventions qu’elles versent, « ceux-ci doivent être proportionnés aux enjeux » (250).

Parfois ce n’est pas la non exploitation des contrôles qui pose problème : c’est au contraire leur « intensité » qui est mal vécue. M. Alain Legrand a ainsi dénoncé le caractère extrêmement intrusif de certaines administrations : « Pour le financement local par les agences régionales de santé – j’ai envie de dire la toute-puissance des directeurs des ARS –, je prends l’exemple de la Martinique, où l’épidémie de VIH est assez élevée. […] le plus choquant […], c’est la volonté des ARS d’exercer un pouvoir de contrôle sur l’ensemble des actions menées par l’association – comme si la délégation de santé publique s’imposait à l’ensemble du projet associatif » (251).

Parfois encore, c’est leur accumulation, qui conduit à une sorte de « saturation » et qui donne aux associations le sentiment que les autorités ne parviennent pas à leur faire confiance. Votre rapporteure a été très sensible aux propos de M. Jean-Louis Vielajus, président de Coordination Sud, qui s’est exprimé en termes particulièrement clairs : « Pourquoi une telle défiance vis-à-vis de nos structures ? Une grande association française, non représentée ici, nous a indiqué avoir connu l’année dernière 134 audits – européens principalement, mais aussi français – sur ses projets, ce qui a nécessité trois personnes à plein temps pour recevoir les auditeurs, qui n’ont finalement pas découvert grand-chose car il s’agit d’une grande ONG bien gérée. Aucune entreprise privée ne subit autant de contraintes en matière de contrôle, alors que nous garantissons une totale transparence financière grâce au “Comité de la charte du don en confiance” auquel nous adhérons » (252).

Un contrôle effectif mais proportionné, des critères qualitatifs venant se substituer pour partie aux habituels critères quantitatifs, une capacité assumée à prendre des engagements et à s’y tenir, les ingrédients pourraient être réunis pour un passage progressif d’une culture du contrôle à une culture de l’évaluation. Les pouvoirs publics doivent s’engager dans ce mouvement et solliciter le monde associatif pour co-construire une démarche d’évaluation largement partagée. Une saisine du Haut conseil pour la vie associative serait particulièrement opportune.

Recommandation Saisir le HCVA d’une demande d’avis sur le contrôle et l’évaluation de l’action associative

3. Le procès de la commande publique

Le développement de la commande publique au détriment de la subvention fait partie des difficultés les plus fréquemment soulevées devant la commission d’enquête. Les légitimes inquiétudes que ce phénomène suscite quant au devenir du projet associatif appellent à rechercher les voies d’un équilibre nouveau : il faut réhabiliter la subvention.

a. La commande publique, un mode de financement très dynamique depuis plusieurs années

La subvention publique reste un mode de financement très fréquent : près d’une association sur deux reçoit une subvention. De très nombreuses subventions de faible montant sont versées par les communes aux petites associations implantées sur leur territoire, qui ont un rôle d’animation locale très important. Les communes apparaissent donc désireuses de maintenir un maillage associatif de proximité. 58 % des associations ont perçu une ou plusieurs subventions publiques d’un montant maximum de 200 euros. Cependant, la masse financière globale reste minime : ces très nombreuses subventions ne représentent que 0,1 % du montant total des subventions publiques versées chaque année aux associations (253).

En effet, c’est un tout autre tableau qui se dessine si l’on met en regard l’ensemble des associations et l’ensemble des masses financières correspondant aux différents modes de financement public, selon que les associations sont employeurs ou non ou bien selon leur secteur d’activité.

Pour ce qui concerne l’accès au financement public, 47 % des associations ont perçu une subvention en 2011 alors cette proportion s’élevait à 53 % en 2005, date de la précédente enquête. Parallèlement, le pourcentage d’associations ayant reçu un financement sous forme de commande publique est passé de 7 % en 2005 à 23 % en 2011. Une vision plus fine de l’année 2011 selon que l’association est employeur ou non montre des pourcentages comparables.

FRÉQUENCE D’OCTROI D’UN FINANCEMENT PUBLIC (ANNÉE 2011)

(en % du nombre total d’associations)

Compte tenu des associations recevant à la fois des subventions et des commandes publiques, la colonne « Financement public » est inférieure à la somme des colonnes « Commande » et « Subvention »

Source : Viviane Tchernonog, Le Paysage associatif français, 2013

Le recours plus fréquent à la commande publique se traduit par une part croissante des ressources de cette nature dans les budgets associatifs. Comme il a été dit dans le chapitre II, le financement public représente toujours environ la moitié du budget total des associations prises dans leur ensemble : 51 % en 2005 et 49 % en 2011. Mais le poids respectif des subventions et de la commande publique s’est notablement modifié : les subventions étaient deux fois plus importantes que la commande publique en 2005 (34 % au lieu de 17 %), elles sont devenues légèrement inférieures en 2011 (24,7 % au lieu de 24,8 %).

STRUCTURE DES BUDGETS ASSOCIATIFS : ÉVOLUTION 2005 - 2011

(en % du budget total)

Source : Viviane Tchernonog, Le Paysage associatif français, 2013

Comme le montant total des budgets associatifs a fortement augmenté entre 2005 et 2011, passant de 77,4 milliards d’euros à 85,1 milliards d’euros, la progression de la commande publique est encore plus manifeste en valeur absolue qu’en pourcentage : les montants correspondants sont passés de 13,2 milliards d’euros en 2005 à 21,1 milliards d’euros en 2011 (254). Les associations employeurs captent la majeure partie de ce montant : 20,1 milliards d’euros, alors que les associations sans salarié ne sont financées par la commande publique qu’à hauteur d’un milliard d’euros environ. Si l’on prend comme grille d’analyse le secteur d’activité, les 21,1 milliards d’euros de commandes publiques payés en 2011 sont concentrés sur deux secteurs : l’action sociale et la santé (14,8 milliards d’euros, soit 70 % du total), l’éducation, la formation et l’insertion (2,3 milliards d’euros, soit 11 % du total) ; les six autres secteurs recueillent de 1 % à 4 % du total.

Globalement, en 2011, le financement public se répartit en parts quasi égales entre la commande publique (21,1 milliards d’euros) et les subventions (21 milliards d’euros). La clef de répartition est cependant très différente selon le secteur d’activité des associations, comme le montre le graphique ci-dessous.

RÉPARTITION DES FINANCEMENTS PUBLICS EN 2011

(en % du financement public reçu, pour chaque secteur)

Source : Viviane Tchernonog, Le Paysage associatif français, 2013

La part de la commande publique est prédominante pour les associations intervenant dans le secteur de l’action sociale et de la santé, qui sont de quasi-prestataires de services publics dans un cadre juridique très normé. Les parts respectives de la commande publique et des subventions sont équilibrées pour les secteurs de l’éducation – formation – insertion et de l’action caritative et humanitaire ; la portée de cet équilibre est plus faible pour le second que pour le premier car le financement public n’y est globalement pas prépondérant, le secteur de l’action caritative et humanitaire étant essentiellement financé par les dons. On notera enfin que la commande publique ne représente que 15 % du financement public pour le secteur de la culture et 25 % pour le secteur du sport.

La commande publique est donc un phénomène qui concerne l’ensemble du monde associatif, avec cependant plus ou moins d’intensité selon le secteur d’activité considéré.

b. La commande publique, un mode de financement fortement contesté

Plusieurs éléments peuvent expliquer le recours croissant des financeurs à la commande publique :

– ce cadre contractuel est perçu comme une garantie de transparence qui permet de rationaliser la dépense publique et d’en accroître l’efficacité, notamment en réduisant son coût par une mise en concurrence des prestataires potentiels,

– la culture de la commande publique est souvent dominante au sein des services des collectivités territoriales, et son impact se fait plus prégnant au fur et à mesure que celles-ci assument une part plus importante du financement public des associations,

– ce mode de relation financière avec les associations paraît bénéficier d’une plus grande sécurité juridique que la subvention, au regard de l’application conjuguée du droit national de la commande publique et du droit européen de la concurrence.

Sur ce dernier point, le risque est que l’action de l’association financée par subvention soit requalifiée en prestation de services au profit de la collectivité financeuse et soit alors contestée au motif qu’elle n’aurait pas fait l’objet d’une mise en concurrence. M. Gérard Terrien, président de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, a d’ailleurs souligné que de nombreuses collectivités locales préfèrent adopter « des logiques de marché public plutôt que des logiques de subvention, en raison du risque lié à l’incertitude de la réalisation de la prestation par l’association. Cela dit, les chambres [régionales des comptes] n’avaient pas fait de la requalification des subventions en commande publique leur cheval de bataille » (255).

Ces considérations ne pèsent pas d’un grand poids pour des associations qui, dans leur très grande majorité, dénoncent la part croissante – excessive – prise par la commande publique dans leur financement. Elles font valoir que ce procédé les fait entrer dans une logique de marchandisation et de concurrence dont elles sont éloignées de par leur modèle non lucratif et les valeurs dont elles sont porteuses. M. Karl Deschamps a souligné avec beaucoup de justesse que « le recours aux marchés publics, par exemple, entraîne une mise en concurrence des associations entre elles, et avec le monde concurrentiel. Or il ne s’agit pas ici de marchés, mais de formation des hommes, d’éducation et de citoyenneté » (256).

De ce fait, le recours aux marchés publics est vécu comme la rupture d’un lien privilégié entre la puissance publique et les associations, alors même qu’elles partagent depuis toujours la protection des plus faibles, la construction de la citoyenneté et la recherche du lien social comme socle d’une vision commune de la société. M. Deschamps a, d’ailleurs, relevé que la croissance de la commande publique « conduit à une évolution du rapport à la subvention, mais surtout – car ce n’est pas seulement une affaire d’argent – du rapport à la complicité entre les structures représentant des militants, des citoyens, et les élus de la République porteurs de projets politiques » (257). Pour M. Didier Jacquemain, délégué général de la Fédération nationale des Francas, « on ne construira pas ce nouveau modèle [éducatif] si la mise en marché des activités est le seul mode de relation entre la puissance publique, quel que soit le niveau concerné, et les associations » (258).

Au-delà du seul champ de l’éducation populaire, la commande publique conduit quasi systématiquement à une perte de qualité dans le dialogue entre les acteurs publics et associatifs. Les lieux mêmes du dialogue disparaissent peu à peu, rendus inutiles par le formalisme dépersonnalisé associé au droit de la commande publique. Les associations deviennent des prestataires « comme les autres » alors qu’elles aspirent à demeurer des partenaires. Elles ont conscience que leur capacité d’innovation en est bridée alors même que cette capacité constitue l’un de leurs principaux atouts dans l’élaboration et la conduite de leur projet et des politiques publiques auxquelles elles sont associées.

Dénonçant « la dérive de la logique des appels d’offres », M. Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, a ainsi pu dire : « On a confondu la nécessaire professionnalisation du monde associatif, dans laquelle nous nous sommes d’ailleurs engagés, et la reprise des règles du marché libéral. Celle-ci est une erreur, car l’action associative en général n’est pas née de l’initiative des pouvoirs publics en vue de résoudre un problème : ce sont les associations qui, confrontées à ce problème sur le terrain, ont expérimenté des solutions qu’elles ont ensuite pu proposer aux pouvoirs publics. En l’oubliant, on renonce à l’esprit de création, d’innovation et à la capacité d’adaptation des réponses aux besoins rencontrés. Car, lors d’un appel d’offres, c’est au contraire l’administration qui, pour résoudre un problème, définit un cahier des charges et instaure une mise en concurrence » (259). Il rejoint ainsi M. Jean-Pierre Caillibot, qui indiquait pour sa part : « le modèle entrepreneurial des appels à projets n’est pas adapté à la créativité et à l’innovation. Il nous empêche de prendre des risques, ce que nous devrions au contraire pouvoir faire non pas seuls, mais avec nos partenaires, avec les différentes institutions que sont l’État et les collectivités territoriales » (260).

Votre rapporteur veut souligner à ce stade que ces prises de position ne relèvent pas d’une vision « corporatiste » des problèmes posés par la commande publique. Les appréciations négatives dont il n’a été donné ici qu’un échantillon restreint sont partagées bien au-delà du seul monde associatif.

C’est par exemple M. Jean-Benoît Dujol qui est convenu que « les incidences du mode de financement ne s’arrêtent pas au plan comptable : une association financée par la commande publique n’a pas le même type de relations avec son donneur d’ordre, ni les mêmes prérogatives en ce qui concerne la définition de son action, qu’une association financée au moyen de subventions » (261; ou encore Mme Viviane Tchernonog qui, évoquant la « fonte de la subvention publique au profit de la commande publique », a estimé qu’une « conséquence majeure » de ce phénomène était de « priv[er] les associations de la capacité d’initiative que la subvention publique leur avait toujours offerte et qui leur avait permis d’aspirer de nombreuses politiques publiques » (262).

Mais les conséquences dommageables du basculement vers la commande publique vont bien au-delà : le phénomène fragilise à la fois les associations concernées et le tissu associatif dans son ensemble. Mme Tchernonog a pointé du doigt le processus engagé depuis quelque temps d’une dualisation du monde associatif entre, d’une part, les grandes structures, qui disposent en interne des compétences et des moyens nécessaires pour devenir prestataires dans le cadre de la commande publique et, d’autre part, les petites associations qui vivent à l’écart du financement public. L’essor de la commande publique « a exclu les petites et moyennes structures, à l’exception de celles qui s’appuient sur le bénévolat et n’ont pas ou presque pas besoin de financement. Cela résulte d’un effet de seuil : ces associations sont trop petites pour accéder à la commande publique et manquent des ressources humaines nécessaires pour répondre aux appels d’offres. Or leur disparition risque de déboucher sur une dualisation du secteur entre de toutes petites associations de quartier et des mastodontes qui mettront en œuvre les politiques publiques, sans structures intermédiaires » (263).

La disparition des associations de taille moyenne pourrait conduire au développement d’une offre de services beaucoup plus « formatée » que ce que le tissu actuel est capable de produire actuellement grâce à sa diversité.

M. Jean-Pierre Ledey, président de Planète Sciences (association et réseau d’éducation populaire dédiés à la culture scientifique et technique) a exposé à la commission d’enquête la situation vécue par son association dans le cadre de sa participation aux projets financés par le programme d’investissements d’avenir. Tout en ayant considéré dès le départ cette participation comme une « perspective exaltante », M. Ledey a fait part d’un certain désarroi face à des difficultés insoupçonnées à l’origine : « Trois ans après la mise en place du dispositif, je me demande si ce n’est pas une fausse bonne idée. Ces programmes sont en effet conçus pour des industriels ou de grands instituts qui peuvent investir de l’argent. Le suivi et l’administration, très compliqués et très prégnants, ont eu pour conséquence de faire de notre équipe une équipe monoprojet. Car si nous n’allions pas au bout du projet, nous risquions de mettre l’association et le réseau en grande difficulté. Nous espérons nous en sortir, mais, s’agissant des modalités de financement, je ne suggérerais pas de réitérer l’expérience, sauf à trouver des formules adaptées au milieu associatif. […] Tout n’est pas mauvais dans ce dispositif, mais quand on est au milieu du gué, dans le cadre d’une opération de ce type, c’est extrêmement lourd, et les milieux associatifs ne sont pas éduqués, formés, pour répondre à la complexité de ces administrations, comme peuvent l’être de grandes entreprises » (264).

Les risques sont d’autant plus importants que le financement par appel d’offres ou par appel à projets ne conduit à couvrir que les coûts très directement liés à l’action conduite et ne couvrent pas les coûts de structure, les frais généraux liés au fonctionnement normal de l’association. De ce fait, les associations sont confrontées à une alternative souvent délicate : soit elles s’efforcent de trouver d’autres sources de financement, mais ce n’est pas toujours possible à hauteur de leurs coûts structurels, surtout pour celles d’entre elles qui ont une « superficie employeur » conséquente ; soit elles intègrent dans leurs dossiers de réponse à la commande publique une partie de leurs frais structurels.

Cette dernière stratégie est risquée : comme l’a relevé Mme Corinne Bord, « pour remédier à l’insuffisance des subventions et à l’absence de ressources de fonctionnement pérennes, elles se lancent dans une course aux appels à projets qui permettent de couvrir pour celle-ci 10 % de ses frais, pour celle-là jusqu’à 30 ou 40 %. Stratégie très précaire car il suffit qu’elles ne soient pas retenues pour ruiner leur équilibre financier » (265).

De nombreux interlocuteurs de la commission d’enquête ont enfin fait valoir que le développement des appels d’offres élargit par définition le périmètre des activités pouvant être qualifiées de commerciales et que les associations s’inscrivant dans cette démarche s’exposent à ce que l’administration fiscale reconsidère leur caractère non lucratif et les fasse basculer dans le champ de la fiscalité de droit commun, en les assujettissant aux impôts commerciaux.

c. Pour un nouvel équilibre où la subvention ait toute sa place

La charge du monde associatif contre le développement de la commande publique est vigoureuse et mobilise des arguments dont la pertinence ne peut être mise en doute. Il apparaît aujourd’hui clairement que les acteurs publics sont allés trop loin dans la réduction des subventions et le recours aux diverses formes de la commande publique. Pour autant, il n’est pas concevable que le mouvement constaté depuis plusieurs années soit durablement inversé ; plusieurs représentants du monde associatif en sont d’ailleurs convenus.

Nonobstant les inconvénients qu’elle présente aux yeux des associations, la commande publique est en effet l’un des moyens reconnu à une collectivité pour mettre en œuvre la politique qu’elle a déterminée. Mme Corinne Bord a affirmé de façon très explicite que la relation contractuelle entre une collectivité et une association ne peut pas être la même selon qu’elle prend la forme d’une subvention (266) ou d’une commande publique, selon, en fait, que les associations « sont à l’origine d’initiatives auxquelles nous apportons notre soutien – souvent parce qu’elles sont innovantes du point de vue social ou économique – ou qu’elles mettent en œuvre nos politiques publiques en tant qu’opérateurs. Dans le second cas, en tant qu’élus, nous considérons que les associations apportent une vision particulière, mais nous entendons qu’elles mettent en œuvre la politique publique que nous avons définie en fonction de critères précis. Nous avons donc recours, à leur grand dam, à des outils tels que les conventions, les marchés publics ou les appels à projets. Nous estimons légitimement que c’est la meilleure formule pour bien servir les objectifs que nous voulons poursuivre, au service de l’intérêt général tel que nous l’entendons » (267). À travers la commande publique, c’est donc la légitimité propre du politique qui s’affirme.

Par ailleurs, la mise en concurrence qui est le corollaire de la commande publique n’est pas nécessairement dépourvue de vertus : elle remet en cause les situations acquises et peut se révéler un puissant incitatif à inventer des solutions nouvelles. M. Alain Legrand a souligné fort pertinemment que « l’attribution non transparente de certains financements – la reconduite systématique de financements sur les mêmes projets auprès des mêmes opérateurs – ne favorise pas l’innovation » (268). Il rejoint en cela Mme Marianne Yvon, membre du conseil d’administration du Réseau national d’accès au droit et à la médiation (RENADEM), déléguée générale adjointe et coordinatrice du dispositif Accès au droit Santé mentale de l’association Droits d’Urgence (269). Pour celle-ci, participer à la déclinaison d’une politique publique sur un territoire par le biais d’un appel d’offres est « une vraie force », même si la position de prestataire peut poser problème par rapport à la conduite du projet associatif ; en effet, cette relation contractuelle « positionne bien l’acteur associatif » car elle « oblige à se réinventer » et « maintient la capacité à être innovant ».

Encore faut-il que le domaine d’action se prête bien à cette souplesse, ce qui est en l’espèce celui de Droits d’urgence. Dans nombre d’autres domaines, il reviendra à la collectivité publique de jouer le jeu et de laisser ouvert un espace à l’initiative associative. Cela suppose que la commande publique prenne la forme d’un appel à projets plutôt que d’un appel d’offres : dans le premier cas, elle est amenée à fixer les objectifs qu’elle poursuit – et elle peut le faire de façon plus ou moins ouverte –, dans le second, elle détermine très précisément la nature des prestations attendues, ce qui réduit à peu de choses la latitude dont bénéficie l’association pour construire sa réponse.

Votre rapporteure signale qu’au demeurant, de nombreuses collectivités territoriales lancent d’ores et déjà des appels à projets portant spécifiquement sur l’innovation sociale. Par nature, ces appels à projets sont très largement ouverts à l’initiative associative, qui peut s’y déployer avec un minimum de contraintes. Ils sont la preuve que la commande publique n’est pas incompatible avec la liberté associative et traduisent le fait que, de façon générale, les appels à projets peuvent refléter très correctement les desiderata d’une collectivité publique en laissant les associations déterminer la majeure partie de leur réponse.

L’idéal est, bien sûr, qu’en tout état de cause la construction de l’appel se fasse de façon partagée. M. Alain Legrand a précisé à cet égard que « l’appel à projet est susceptible de tuer l’innovation s’il est élaboré dans un bureau sans aucune concertation avec les représentants des publics concernés. Néanmoins, s’il repose sur un appel à idées – terme utilisé dans cette enceinte – et une véritable concertation en vue de la constitution d’un cahier des charges intégrant une part d’innovation, je ne vois pas où est le problème » (270).

Mais même l’appel à projets peut ne pas apparaître comme la formule la plus appropriée. Comme l’a expliqué M. Jean-Pierre Hardy, directeur des politiques sociales de l’Assemblée des départements de France (ADF), « la position de l’ADF est que les appels à projets se justifient lorsque, sur un territoire, on n’a pas pu répondre à certains besoins, soit parce qu’il n’y a pas d’ “opérateurs” pour le faire, soit parce que les pouvoirs publics estiment que la réponse d’un opérateur n’est pas ou plus satisfaisante. Dans ce cas, inutile de continuer à contractualiser avec cet opérateur, qui vit peut-être sur une sorte de “monopole historique”. Mieux vaut alors recourir à l’appel à projets après avoir défini le type d’équipements ou de prestations dont on a besoin. On a déjà vu les initiatives d’opérateurs répondre à leur rationalité propre plutôt qu’aux besoins effectifs du territoire sur lequel ils opèrent. En revanche, les appels à projet nous semblent inutiles lorsque les partenaires travaillent bien ensemble. Autant entrer dans une logique de contractualisation » (271).

La subvention n’est en effet pas synonyme d’immobilisme : comme l’a indiqué M. Jean-Pierre Hardy, en matière de structure du système de soins, « dès avant la loi Hôpital, patients, santé et territoire, l’outil CPOM [contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens] permettait de contractualiser sur la recomposition de l’offre » (272). Adossée à un support contractuel bien conçu, la subvention permet « de se projeter, de se fixer des objectifs » (273), de s’inscrire dans la durée. Pour M. Didier Arnal, directeur général adjoint de la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées (FEGAPEI), « quand il y a subvention générale, il y a un contrat, une relation et la subvention est généralement reconduite, ce qui permet un développement dans la durée. Les marchés publics ont un caractère beaucoup plus aléatoire même s’ils portent sur plusieurs années » (274).

La subvention a aussi une dimension symbolique forte, mise en avant par plusieurs associations de protection des consommateurs auditionnées par la commission d’enquête. Leur légitimité à l’égard des consommateurs tient pour une large part à leur indépendance financière vis-à-vis des professionnels : « notre indépendance constitue notre premier capital », a affirmé M. Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir (275) ; c’est parce qu’elles constituent un « contre-pouvoir sur lequel les autorités peuvent compter pour s’opposer à des entités de plus en plus puissantes » (276) que leur financement par une subvention de l’État « témoigne de notre légitimation par les pouvoirs publics, essentielle du point de vue moral puisqu’elle signifie que l’État et la nation reconnaissent notre utilité pour les consommateurs » (277).

Enfin, la subvention, fût-elle pluriannuelle, fût-elle de fonctionnement, ne génère pas plus d’insécurité juridique que la commande publique, contrairement à ce que croient beaucoup d’acteurs publics. M. Karl Deschamps a fait remarquer que l’objectif de « sécurisation » juridique poursuivi par les acheteurs publics « n’est pas démontré dans les faits puisque le nombre de conventions attaquées devant les tribunaux est nettement inférieur, au regard du nombre de marchés publics, qui font, eux, l’objet de recours par milliers » (278). La raison en est le caractère discrétionnaire par nature de l’acte de subvention, qui a amené M. Gérard Terrien à rappeler qu’« un point très positif du droit des subventions, qu’elles soient financières ou en nature, c’est qu’il n’y a pas de contestation possible de la non attribution et de l’inégalité de traitement » (279).

La prévention manifestée envers la subvention vient surtout d’une mauvaise appropriation des règles combinées du droit national de la commande publique et du droit européen de la concurrence. Le rapport sur la simplification administrative des associations rendu public récemment par notre collègue Yves Blein fait le point sur le droit applicable et montre qu’il est tout à fait possible de subventionner des associations, y compris pour des montants très importants, sans violer d’aucune façon le droit communautaire. M. Jean-Benoît Dujol a expliqué à la commission que « le message adressé aux collectivités locales en matière de recours à la subvention ou à la commande publique constitue un sujet d’actualité puisque, à la suite de la réforme des rythmes scolaires, de nombreuses collectivités locales sont en train de mettre en place une offre de service à l’intention des élèves et de leurs parents. Selon une idée communément répandue, le recours au marché public serait obligatoire pour faire appel aux services d’une association ; or, si cette procédure permet de bénéficier de certaines garanties, elle n’est pas obligatoire. Je veux rappeler que nous disposons d’autres outils » (280).

Le travail d’explicitation qui s’était traduit par la publication de la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations est donc à parfaire et il conviendrait de l’engager à l’occasion de la nécessaire refonte de ladite circulaire. L’adoption récente de nouveaux textes européens relatifs à la commande publique, au printemps 2014, tout comme l’adoption par le Parlement de la loi ESS il y a quelques semaines – qui donne un fondement législatif à la notion juridique de subvention – obligent à entreprendre cette révision. Votre rapporteure souhaite que les responsables associatifs soient associés à cette démarche et que les besoins spécifiques des petites associations et des petites collectivités soient pris en compte. D’une part, les unes et les autres n’ont pas à souffrir d’un formalisme trop développé et d’un juridisme ésotérique : elles doivent se voir proposer des guides clairs, des modes d’emploi compréhensibles, voire des produits juridiques « clefs en mains » tels des conventions types applicables même lorsque les montants envisagés sont très inférieurs aux différents seuils fixés dans les normes nationales ou européennes. D’autre part, il n’est pas possible de tenir pour négligeable le fait que nombre de ces petites associations n’exercent pas d’activité concurrentielle à proprement parler.

Recommandation Actualiser la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010 en explicitant très clairement les possibilités offertes en matière de subvention et en affichant le caractère subsidiaire de la commande publique

Recommandation Compléter la circulaire actualisée par des guides et des conventions types destinés notamment aux petites associations et aux petites communes

Réhabiliter la subvention et redonner du lustre à ce socle intemporel du lien entre la puissance publique et le monde associatif suppose de ne laisser personne sur le côté. Il s’agit avant tout de permettre aux associations – à toutes les associations – de financer dans la durée leur projet associatif, qui est leur raison d’être.

Peut-être serait-il intéressant de distinguer, à cette occasion, entre les subventions destinées à financer des actions déterminées et celles destinées à financer le projet associatif globalement. Dans le cadre d’un régime financier identique, les premières et les secondes pourraient être soumises sinon à des procédures, du moins à des critères d’évaluation différents.

B. ACCOMPAGNER LES MUTATIONS DU MONDE ASSOCIATIF

La crise économique née en 2007-2008 a désormais des répercussions visibles sur le secteur associatif, comme l’ont montré les chapitres précédents. Mais elle ne fait qu’aiguiser des difficultés déjà présentes et accélérer des tendances à l’œuvre depuis plus longtemps. Répondant à une question de votre rapporteure, Mme Nadia Bellaoui déclarait ainsi : « La crise est-elle structurelle ou conjoncturelle ? Notre environnement connaît des métamorphoses structurelles et, d’un point de vue strictement économique, nous sommes entrés dans un nouveau monde » (281). La pression gestionnaire se fait de plus en plus forte, notamment en raison de la concurrence croissante du secteur privé lucratif, et le mode de gouvernance du projet associatif doit continuer de s’adapter.

1. Une pression gestionnaire croissante

a. Une concurrence plus aiguë avec le secteur lucratif

De nombreux responsables associatifs expriment fréquemment le sentiment que les associations sont soumises à la concurrence et ne sont pas suffisamment armées pour y répondre. La question de savoir si les associations sont entrées sur le marché ou ont été « rattrapées » par celui-ci n’a pas grand intérêt : c’est un fait acquis que dans la plupart des situations, l’activité associative préexistait au développement du marché ; les cas sont extrêmement rares où une association cherche à s’imposer sur un marché mature. Très vraisemblablement, l’image générale véhiculée sur le monde associatif, qui est celle d’un manque de rigueur dans la gestion, d’un système fonctionnant avec « des bouts de ficelles », constitue un obstacle, lorsque l’association veut se positionner sur un marché existant. En ce sens, on peut dire que la confiance constante du public dans l’action associative doit être distinguée de celle du consommateur, qui est souvent inverse. Le passage de la notion d’usager à celle de consommateur se fait rarement au bénéfice des associations.

Plusieurs facteurs contribuent à expliquer le développement de la concurrence entre les associations et le secteur privé commercial. On peut remarquer, en premier lieu, que l’élévation tendancielle du niveau de vie, associée au développement d’une économie de services, a permis d’orienter une partie du pouvoir d’achat des ménages vers les services, notamment relationnels, qui sont un domaine d’intervention privilégié de l’action associative. Parallèlement, les pouvoirs publics ont parfois arbitré en faveur d’une solvabilisation directe de la demande plutôt que du soutien aux structures, favorisant ainsi l’émergence d’une offre privée lucrative dans des secteurs auparavant occupés de façon prépondérante, voire unique, par les associations. Enfin, l’amélioration de la qualité des actions entreprises vers les usagers-bénéficiaires – processus répondant à la fois aux souhaits des associations et aux besoins de leur public – s’est traduit par l’adoption de réglementations contraignantes en termes de qualifications requises ou de taux d’encadrement, par une professionnalisation croissante de nombreuses activités et, finalement, par l’augmentation progressive des coûts et donc du prix de revient. Cette augmentation des coûts et des prix a réduit l’écart de compétitivité acquis jusqu’alors au secteur associatif et a naturellement favorisé l’apparition de concurrents lucratifs.

Ce sont ces deux derniers phénomènes qu’a exposés M. Sébastien Darrigrand, délégué général de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) : « De plus en plus d’entreprises commerciales investissent les champs couverts, historiquement, par les associations. Ainsi, la Fédération du service aux particuliers (FESP), affiliée au MEDEF, et la Fédération française des services à la personne et de proximité (FEDESAP), affiliée à la CGPME, investissent le secteur de l’aide à domicile depuis quelques années sous l’effet du plan Borloo et des réglementations leur permettant d’étendre leur activité à ces domaines. Les associations n’ont donc plus le quasi-monopole pour les services à la petite enfance, les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD)… Les entreprises commerciales s’engagent dans le secteur en baissant les prix et en prenant des parts de marché sans reporter sur les prix le coût des politiques de professionnalisation que les associations ont à supporter en raison du développement de la qualité de l’emploi depuis quelques années, et de la mise en place de dispositifs conventionnels » (282).

Il est donc clair que, par leur politique de solvabilisation généralisée de la demande, les pouvoirs publics portent une part de responsabilité dans les difficultés du monde associatif.

Recommandation Pour toute mesure législative ou réglementaire instaurant ou modifiant un dispositif de solvabilisation de la demande des ménages en services, procéder à une étude d’impact de ses effets sur le secteur associatif

Mais la concurrence ne se limite pas au secteur de l’action sociale et médico-sociale. M. Jean-Pierre Ledey, par exemple, a tenu à souligner « la quasi-disparition, depuis 10 ans, de nos séjours de vacances scientifiques, soit au profit de sociétés commerciales qui n’ont pas hésité à nous faire des procès et à nous envoyer l’URSSAF pour récupérer la TVA, soit en raison de la difficulté à trouver des implantations et à payer l’encadrement nécessaire pour faire un travail de qualité » (283). M. Thierry Guillois, membre du bureau du Haut Conseil pour la vie associative, a indiqué à la commission d’enquête que le HCVA a organisé des rencontres avec des représentants du tourisme non fiscalisé – « ou ce qu’il en reste » –, du secteur sanitaire et médico-social, des secteurs sportif et culturel et de celui de l’éducation populaire pour faire le point sur la situation (284).

Plus surprenant, peut-être, est le mouvement par lequel le secteur privé lucratif semble vouloir s’introduire dans le domaine d’action des associations à caractère humanitaire ou caritatif. C’est ainsi que M. Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, a estimé que « l’introduction du monde commercial dans les secteurs où nous intervenons est très préoccupante. Ainsi, les compagnies de distribution d’eau proposent parfois aux collectivités locales de prendre en charge – en plus de la distribution d’eau – les aires d’accueil des gens du voyage, secteur où l’on se précipite rarement pour intervenir, vous en conviendrez. Mais ensuite, la gestion de ces aires par ces entreprises privées est catastrophique ! Nous avons donc quelque raison de nous inquiéter » (285). L’action caritative devient en fait un alibi pour remporter un marché dans un autre domaine, dans le cadre de ce que l’on pourrait appeler une « offre packagée » mais où le produit d’appel devient bien vite négligé, au détriment des personnes qui en auraient justement besoin.

Recommandation Inviter les organisations représentatives des collectivités territoriales à sensibiliser leurs membres au risque que peuvent représenter les offres commerciales incluant un volet qui relève manifestement du domaine non lucratif

M. Doutreligne a également fait mention d’un quasi-détournement de l’objet associatif, par lequel le secteur privé lucratif s’abriterait derrière des « faux-nez » : « le secteur des aides à la personne, appelé à devenir très important avec le vieillissement de la population, attire des intervenants qui créent – dans les secteurs réservés au monde associatif – des associations que nous appelons Canada Dry : ce sont juridiquement des associations, mais elles n’ont pas de vrai projet associatif, social, humain. Nous avons constaté ce phénomène dans les centres de transit des demandeurs d’asile » (286).

La concurrence avec le secteur privé lucratif est un processus déjà ancien, auquel les associations auditionnées par la commission d’enquête ne se disent pas opposées par principe : Mme Florence Delamoye a par exemple rappelé que « Emmaüs a disparu de la filière papier-carton, dans laquelle il jouait un rôle important il y a près de soixante ans. Nous savons donc parfaitement que rien n’est acquis, ce qui ne nous gêne pas » (287). Le sujet de l’équilibre concurrentiel
– du caractère plus ou moins loyal de la concurrence – reste cependant toujours aussi sensible.

Votre rapporteure a déjà fait part dans le deuxième chapitre des questions soulevées par la mise en place du CICE. Elle doit également relever la « vigueur », voire l’âpreté, du débat dans le domaine de l’aide à domicile. M. Alain Bocquet, président de la commission d’enquête, a été directement saisi par le gérant d’une entreprise de services à la personne adhérente du GESP (Groupement des entreprises de services à la personne) pour qui « le sauvetage de notre économie passe par la fin des associations irresponsables qui épuisent les ressources de notre pays » (288) ; pour s’en tenir aux seuls éléments de nature économique, le message reçu fait part de deux interrogations: « pourquoi les conseils généraux remboursent-ils les usagers de l’APA et de la PCH en moyenne 30 % de mieux quand ces derniers passent par une association ? Pourquoi les mairies allouent-elles des subventions de fonctionnement pour aider les “petites” associations (ex : l’ADMR de l’Hérault plus de 3000 salariés) ? ».

En contrepoint, le président a également reçu d’une association locale, Cara – Centre d’aide Raismes Aubry-du-Hainaut, un courrier dans lequel sa présidente évoque une « concurrence déloyale » venant cette fois des entreprises privées. À l’appui de son propos, elle cite le fait que les associations sont tenues d’appliquer la convention collective de l’aide à domicile qui est « beaucoup plus coûteuse que la convention collective des entreprises de services à la personne alors qu’il s’agit des mêmes métiers » (289) (salaires conventionnels plus élevés, majoration de 45 % pour le travail du dimanche et des jours fériés dans les associations d’aide à domicile au lieu de 10% dans les entreprises lucratives, frais professionnels de 0,35 euro par km au lieu de 0,12 euro par km) ; la présidente indique aussi que « les associations d’aide à domicile ont également pour contrainte lors de l’embauche d’un salarié dans un emploi identique de reprendre à 100 % l’ancienneté du salarié issu d’une entreprises assujettie à la même convention collective. Ce qui n’existe pas dans les entreprises de services à la personne » (290).

L’objet du présent rapport n’est pas de discerner le vrai du faux dans ces allégations croisées. Il consiste plutôt à prendre conscience de ce que la confrontation entre les deux modes de production que sont la production associative et la production commerciale n’est pas toujours feutrée tant les enjeux sont importants.

En vérité, deux questions se font jour. La concurrence peut-elle en arriver à mettre en cause la pérennité du secteur associatif ? L’interrogation n’est pas de pure forme : après avoir rappelé que « le secteur commercial prend pied dans ces domaines où le secteur non lucratif est dominant. Sa stratégie consiste souvent à procéder par étapes, en prenant des parts de marché peu intéressantes financièrement dans un premier temps, mais qui le deviennent dans un parcours de soins global quand il s’est assuré une clientèle captive », M. Yves-Jean Dupuis a estimé que « le danger, c’est de voir les structures non lucratives en difficulté reprises par des structures commerciales. On le constate malheureusement de plus en plus » (291).

On peut en second lieu s’interroger sur le fait de savoir s’il existerait une « limite économique » susceptible d’être opposée aux associations, alors que la loi de 1901 ne pose pas de limite juridique à l’intervention des associations dans le champ économique. M. Jocelyn Lauret, président de la Jeune chambre économique française (JCEF), et Mme Sophie Rémy, administratrice de la JCEF, ont développé une analyse en ce sens puisque, selon eux, la limite du champ associatif se place exactement « là où peut aller le secteur lucratif. C’est une question de périmètre : il est logique pour une entreprise d’aller là où il y a un marché, alors que les associations vivent sous respirateur public » (292). Dans cette perspective, le champ ouvert au secteur associatif se définirait essentiellement « en négatif » par rapport au champ occupé de sa propre initiative par le secteur lucratif ; cela revient à dénier toute légitimité intrinsèque à l’intervention des associations dans le champ économique. Votre rapporteure ne peut y adhérer.

C’est cette logique d’éviction inéluctable, d’asphyxie du monde associatif par écrémage des publics solvables, qu’a dessinée, pour la déplorer, M. Thierry Guillois, en évoquant le cas des établissements d’accueil pour personnes âgées : « Sans doute certains d’entre vous ont-ils été administrateurs ou présidents d’une maison de retraite communale. Il y a vingt ou trente ans, ces établissements accueillaient tous les publics, ce qui leur permettait de faire leur propre mutualisation afin de recevoir des personnes relevant de l’aide sociale et n’ayant pas les moyens de payer le même prix que les personnes plus aisées. Entretemps, cette dernière catégorie a été attraite par la concurrence : les Jardins d’Arcadie, les Hespérides, etc. Dans la même période, en effet, l’hôtellerie a effectué un redéploiement, voyant dans les personnes âgées un débouché que son activité classique ne lui offrait plus. Depuis, les associations [doivent] accueillir des personnes qui n’ont pas le moyen de payer le juste prix de la prestation fournie » (293).

Il faut alors entendre Mme Joëlle Bottalico qui, dans une question ressemblant étrangement à une interpellation, s’est demandée : « Est-il imaginable que les associations se trouvent, à terme, cantonnées aux seules activités accessibles à un public non solvable ? Ou, a contrario, qu’elles soient amenées à orienter leurs activités vers un public disposant d’un minimum de revenus afin de pérenniser leur existence au détriment du projet initial ? » (294). Par quelque bout qu’on le prenne, le sujet de l’économie rencontre inévitablement celui du projet : apparaît alors en pleine lumière la tension essentielle qui traverse le monde associatif et que la crise rend encore plus prégnante.

b. L’enjeu pour les associations : comment entrer en économie sans perdre son âme ?

i. Un monde associatif sous contrainte

Votre rapporteure a déjà dressé dans les chapitres précédents le tableau des difficultés subies par les associations au regard de leurs ressources financières et de leurs ressources humaines. Un consensus se fait jour actuellement pour dire que le monde associatif est en train de vivre une rupture historique essentielle. Comme l’indique M. Hugues Sibille, intervenant comme président de l’AVISE et ancien délégué interministériel à l’innovation et à l’économie sociale dans la postface de l’ouvrage de Mme Tchernonog, Le Paysage associatif français, (2013) « après “50 Glorieuses” de croissance associative, les associations entrent dans une ère contrainte, avec d’un côté moins de ressources financières et humaines (emplois) et, de l’autre, davantage de besoins (sociaux) à satisfaire et de contribution à la démocratie. “Faire plus avec moins”, telle semble être l’actuelle situation. Voilà donc les associations sous une pression qu’elles n’ont jamais connue jusqu’ici. Le choc est rude ».

La contrainte touche toutes les associations, y compris les plus petites qui, souvent, n’émargent qu’à des subventions de faible montant. La fragilisation du secteur associatif est une réalité que tous les interlocuteurs de la commission ont soulignée. Pour M. Jean-Pierre Vercamer, associé responsable du département Audit du secteur associatif (Deloitte), le problème se pose dès la création : « Il faut aussi lutter contre l’amateurisme – sans connotation péjorative – à la française qui explique le taux élevé de mortalité des associations lorsqu’elles n’ont pas de fonds associatif de démarrage, ce qui est autorisé dans notre pays. […] Sans fonds associatif de démarrage, le taux de mission sociale est très mauvais au cours des quatre ou cinq premières années – avant que l’on sache en appeler à la générosité publique –, les contrats salariés sont précaires, on met les gens dehors deux ans après la création de l’association et l’on finit par perdre un objet associatif de qualité » (295).

M. Yannick Blanc, président de La Fonda, a pour sa part confirmé le diagnostic de Mme Tchernonog sur la situation précaire des associations de taille moyenne, en insistant sur le décalage préjudiciable entre leurs compétences techniques dans leur cœur de métier et leurs compétences en matière de gestion, trop souvent insuffisantes, qui handicape leur développement ou, plus grave, leur survie (296).

Enfin, même les grandes associations, qui emploient de nombreux salariés et disposent en propre de compétences de gestion développées, ne sont pas à l’abri de la menace. Pour M. Didier Arnal, directeur général adjoint de la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées (FEGAPEI) : « Nos associations font depuis de nombreuses années beaucoup d’efforts de rationalisation, de mutualisation, d’organisation, bref d’efficience. La question se pose néanmoins de la pérennisation d’un certain nombre d’entre elles, y compris de grandes associations » (297).

Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, la logique gestionnaire impose peu à peu sa loi d’airain à un tissu associatif parfois encore réticent à accepter que les paramètres de l’équation associative soient chahutés à ce point. M. Christian Sautter, président de France Active, a d’ailleurs affirmé sans ambages que « les associations qui ne pourront pas s’adapter disparaîtront en effet, car elles ne pourront pas continuer à vivoter. Sauf – et c’est tant mieux – celles qui s’appuient sur des bénévoles et qui fonctionnent hors du champ économique, mais elles correspondent davantage au modèle anglo-saxon qu’au nôtre » (298).

Cette logique affecte non seulement le financement mais aussi le bénévolat et le « travail » associatif, terme que M. Matthieu Hély, chercheur au CNRS et à l’université Paris X-Nanterre, a dit préférer à celui d’« emploi ». Il a ainsi relevé devant la commission d’enquête que la façon de concevoir le bénévolat et le travail évolue, cette évolution ayant déjà ou pouvant avoir bientôt des répercussions concrètes sur les modes de fonctionnement ou le positionnement des associations.

Au regard du bénévolat, M. Hély a évoqué un « brouillage de la frontière entre la pratique bénévole et le monde du travail », en appuyant son propos sur le fait que le discours de Pôle emploi sur la pratique bénévole des chômeurs s’est inversé : aujourd’hui, « faire du bénévolat est perçu comme une activité renforçant l’employabilité des demandeurs d’emploi. D’ailleurs, France Bénévolat et Pôle emploi ont passé un accord pour développer des référentiels de compétences bénévoles afin de les valoriser sur le marché du travail » (299).

Au regard du travail associatif, M. Hély a mis en avant son institutionnalisation progressive – mais inachevée – résultant du développement des conventions collectives, en soulignant à cette occasion que ce processus fait passer – aux yeux du spécialiste du travail – certains secteurs associatifs de la qualité de « mouvement politique » à celle de « branche professionnelle » : « On a observé une transformation des mouvements associatifs, je dirais même de ces mouvements politiques associatifs, qui se sont constitués en branches professionnelles. L’éducation populaire, par exemple, est devenue, avec l’animation, une branche professionnelle. L’insertion par l’activité économique est devenue très récemment une branche professionnelle, avec la convention collective des ateliers et chantiers d’insertion. Le passage des mouvements associatifs à des branches professionnelles n’est pas terminé. La protection de l’environnement, qui n’a ni convention collective ni accords, le commerce équitable, les ONG ne sont pas constitués en branches. À mon avis, le mouvement n’est qu’enclenché » (300).

ii. L’engagement et le projet, boussoles d’une identité écartelée

Tous les aspects de la vie associative sont donc désormais appelés à être lus à travers un prisme économique et gestionnaire. M. Bernard Bazillon, vice-président de l’Institut des dirigeants d’associations et fondations (IDAF), a d’ailleurs clairement signifié que l’exigence d’optimisation des ressources touche tout autant les associations que le secteur privé lucratif : « Je voudrais revenir sur la différenciation entre le secteur privé lucratif et les associations en ce qui concerne l’activité économique. L’activité économique doit être partagée et exercée d’une façon professionnelle pour optimiser les ressources, qu’elles soient publiques ou privées, ce qui nécessite des compétences professionnelles. Mais le marqueur n’est pas vraiment là » (301).

À travers la question des ressources, c’est le positionnement de l’association vis-à-vis des mécanismes de marché – les associations ont-elles vocation à se positionner comme fournisseurs de biens et services ? – qui apparaît comme un lieu du débat sur l’avenir du secteur, suscitant chez les uns des inquiétudes et chez d’autres la conviction de voir s’ouvrir de nouvelles opportunités.

M. Thierry Guillois a situé au tournant des années 1980 l’entrée en économie du monde associatif, prélude à une redoutée « inflexion vers une logique d’instruments de marché » : « Jusque dans les années 1980, les associations ne se trouvaient pas sur des marchés concurrentiels. Lors du grand essor associatif de l’après-guerre – mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, professionnalisation du secteur de la santé et du secteur médico-social grâce à la sécurité sociale, développement du tourisme consécutif aux lois de 1936, etc. –, on ne se posait pas la question. On était en pleine reconstruction, l’argent public ne manquait pas, les modifications concernaient surtout l’extension du champ d’action du secteur, par exemple, aux droits des immigrés, aux droits des femmes, etc. Le mouvement de bascule commence quelques années après les deux crises pétrolières. Se développent alors un nombre croissant d’associations d’insertion économique et de développement local. On oublie un peu, et je le regrette, ce qui a permis à beaucoup d’entre nous, formés à l’école de l’éducation populaire – ou confessionnelle, du reste – de devenir ce qu’ils sont. Cette formation de l’adolescent trouve bien souvent sa traduction dans une pratique politique, institutionnelle, militante, bénévole. […] cette évolution peut se révéler désastreuse car nous en sommes réduits à adopter un fonctionnement de marché qui n’est pas le nôtre » (302).

Aujourd’hui, a relevé M. Michel de Tapol, président de la commission « Bénévolat » du HCVA, « le marqueur de la réalité associative est l’“utilité économique” », comme si l’intégralité du fait associatif devait se réduire aux prestations délivrées à ses publics, effaçant les valeurs dont il se veut justement le porteur. Il n’est pas étonnant que M. de Tapol ait alors évoqué l’« écartèlement de l’identité même des associations, tiraillées qu’elles sont entre l’efficacité mesurable et la spontanéité des pionniers du lien social » (303).

Avec la loi sur l’économie sociale et solidaire, le monde associatif dispose aujourd’hui d’un instrument qui peut atténuer pour partie les tensions qui traversent ses composantes quant à leur rapport avec l’économie et le marché. Votre rapporteure renvoie naturellement aux rapports établis, au Sénat et à l’Assemblée nationale, sur le projet de loi ainsi qu’aux débats intervenus dans les deux assemblées. L’essentiel n’est pas ici de récapituler les mesures législatives prises pour favoriser le développement de ce secteur particulier de l’économie, mais de rappeler que cette loi – attendue et préparée par de très nombreux acteurs – offre désormais un instrument d’identification, donc de légitimation, à certaines structures résolument engagées dans la production marchande de biens et services et tout aussi résolument engagées dans la défense de l’utilité sociale, de l’entraide, de la coopération, de l’inclusion, etc. M. Aurélien Daunay, directeur des affaires financières de l’Agence d’aide à la coopération technique et au développement (ACTED), a par exemple indiqué à la commission que « la définition du périmètre de l’économie sociale et solidaire – qui intègre les acteurs historiquement associés, mais aussi d’autres types de structures, comme les coopératives, les entreprises à lucrativité limitée – nous permet ainsi d’être mieux reconnus vis-à-vis des investisseurs et même du secteur associatif » (304).

Votre rapporteure veut aussi souligner que la loi ESS, à travers la définition qu’elle donne de l’utilité sociale (305), donne un point d’ancrage aux efforts entrepris par le secteur associatif pour revisiter les notions fiscales de lucrativité et de non lucrativité. M. Thierry Guillois a justement rappelé qu’au regard des textes fiscaux actuels, « on est d’utilité sociale parce que l’on ne concurrence personne et parce que l’on s’adresse à des publics qui n’intéressent pas le secteur lucratif. Je considère qu’il faut inverser cette logique de marché et tenir compte de l’apport des associations à la vie de la société » (306). Votre rapporteure considère qu’au-delà de l’enjeu fiscal, il est très important qu’en termes politiques la notion d’« utilité sociale » ne soit plus définie « en creux » par rapport à l’intervention du secteur lucratif.

M. Hugues Sibille s’est dit convaincu qu’à la faveur de la loi ESS, une partie du monde associatif va accomplir sa mutation, passer de l’état d’association gestionnaire à celui d’entreprise associative et revendiquer de ce fait clairement sa dimension économique : « Nous nous orientons […] vers une plus grande différenciation entre, d’une part, des associations citoyennes, militantes et bénévoles et, d’autre part, ce que j’appelle des “entreprises associatives”. Le monde associatif a peur de cette évolution, ne serait-ce que du mot “entreprise”. À titre personnel, j’estime qu’il faut l’assumer. Le mouvement est enclenché avec le développement de l’économie sociale et solidaire. Une partie du monde associatif qui ne se percevait pas comme faisant partie de ce secteur doit désormais le faire. Cessons de tergiverser : les entreprises associatives existent, ce sont des prestataires de service qui gèrent de l’argent et de la qualité. Pour autant, elles n’agissent pas comme des entreprises à but lucratif » (307). Cette mutation permettrait, selon M. Sibille, de conjurer le risque de marginalisation des associations moyennes, qui ont des salariés et des ressources privées et publiques, qui déboucherait sur la dualisation déjà évoquée du monde associatif entre les petites associations bénévoles et les associations gestionnaires.

Bien sûr, des craintes se sont exprimées quant à une perméabilité excessive du secteur ESS aux sociétés commerciales. Mme Florence Delamoye a estimé que « le danger est grand, en effet, de faire naître un monde associatif à deux vitesses : d’un côté, l’ESS de conviction, que nous représentons, fondée sur un véritable projet social et vouée à aider les personnes en grande difficulté ; de l’autre, de nouveaux entrants incarnant une ESS de l’opportunité, c’est-à-dire de grands groupes pouvant bénéficier des financements qui nous sont en principe destinés. Nous vous demandons d’être particulièrement attentifs à ce risque de dévoiement » (308). De même, pour Mme Nadia Bellaoui, « s’il faut prendre en compte de nouvelles formes d’entrepreneuriat social, il est très important de ne pas diluer l’identité de l’économie sociale et solidaire au point d’y intégrer des entreprises capitalistiques qui cherchent un accès à des financements publics via des opérations en fait de simple marketing. Cela ne rendrait service à personne
– et surtout pas aux finances publiques
 » (309).

Ces messages doivent être entendus et votre rapporteure sait que tous les parlementaires qui se sont impliqués dans l’examen du projet de loi et les administrations chargées de sa mise en œuvre seront vigilants quant au « risque de dévoiement » évoqué par Mme Delamoye. Mais les associations ne doivent pas avoir peur de l’« appel d’air » que la loi ESS pourrait provoquer en direction des entreprises commerciales. Le modèle économique défini par la loi reste très particulier et les garde-fous sont nombreux : très vraisemblablement, le vivier des entreprises « basculant » dans l’ESS ne devrait pas être – à court terme, s’entend –beaucoup plus important que celui revendiquant aujourd’hui le label d’« entreprise sociale ». Comme l’a relevé M. Olivier Lebel, directeur général de Médecins du Monde, « on n’imagine pas les entreprises sociales supplanter le modèle non lucratif du champ de la santé. Médecins du Monde est très sensible au maintien de systèmes non fondés sur une logique de profits » (310).

Tout le secteur associatif n’est pas pour autant réductible à cette portion qui s’engagera en ESS et, sur ce plan, le discours du Collectif des associations citoyennes est pleinement pertinent, même s’il n’est parfois pas dépourvu d’excès. Dans une note remise à votre rapporteure, le Collectif écrit : « On voit se dessiner progressivement deux conceptions de la vie associative :

« – Une première qui considère avant tout une association comme une initiative citoyenne, avec un mode de gouvernance démocratique et participatif, qui part de la volonté d'un collectif bénévole et dont la finalité est de contribuer de manière autonome et non lucrative au bien commun.

« – Une seconde qui réduit les associations à des opérateurs économiques concurrentiels, qui mettent en place des services, d’intérêt général ou non, pour des publics solvables. La disparition des financements publics est présentée comme inéluctable, de même que la marchandisation de toutes les actions associatives.

« À l’évidence, les uns et les autres ne parlent pas des mêmes associations » (311).

Cette présentation dichotomique du monde associatif doit être prise avec un peu de distance, notamment parce que trop tranchée, mais elle a le mérite de rappeler que l’action associative n’est pas par essence dévolue à la production de biens et services. Le Collectif rappelle également avec raison que la très grande majorité des associations ne s’inscrit pas dans l’espace marchand et qu’il faut prendre garde à ce que l’attention des pouvoirs publics ne soit pas concentrée à l’excès sur les problématiques propres aux « grandes » associations, nonobstant l’enjeu que celles-ci représentent en termes d’emploi.

Cependant, même pour les associations « non marchandes », la dimension économique de l’action ne peut guère s’effacer. C’est tout naturellement que Mme Henriette Steinberg a pu déclarer : « l’activité même du Secours populaire sert l’économie locale, au travers de nos achats de produits et services, comme de ceux des populations que nous soutenons, lesquelles sont pauvres, voire très pauvres, mais pas strictement démunies de toute ressource. Nous certifions que ce type d’activité n’est pas délocalisable. En outre, le soutien alimentaire à plus de 2 millions de personnes dans notre pays est indissociable de l’activité du secteur agro-alimentaire et de celui du transport, qui assure les livraisons. Ce soutien permet aussi aux familles de payer leur loyer, ce qui contribue à l’équilibre des budgets des bailleurs sociaux territoriaux. Nous sommes là au cœur du tissu social » (312). Personne ne songerait pourtant jamais à classer le Secours populaire au nombre des organismes du secteur marchand…

Au-delà même du vivier des associations qui s’apprêtent à se revendiquer de l’ESS, c’est bien l’ensemble du tissu associatif qui doit désormais s’approprier les réflexes et les outils qui lui permettront de survivre et de se développer.

Il faut d’abord réussir le passage de l’expérimentation à la gestion. Trop souvent, on pense que les associations sont utiles pour défricher les solutions nouvelles mais que, dès que les « choses sérieuses » commencent, elles devraient laisser la place. Si le monde associatif se dit à juste raison très attaché à son rôle d’innovateur social, on ne peut l’y cantonner. Il faut affirmer que l’association peut durer et qu’elle n’a pas vocation à être écartée d’une activité mature. Ce passage n’est cependant pas toujours aisé : Mme Marianne Yvon, par exemple, a évoqué les transformations de l’association Droits d’urgence, créée sous forme de collectif en 1995 et employant aujourd’hui 50 salariés, avec une forte diminution du nombre d’adhérents. Elle a souligné que, de façon générale, le basculement de l’expérimentation vers la pérennisation peut réussir ou échouer, parce que la pérennisation suppose une part d’institutionnalisation et expose l’association au cloisonnement de ses interlocuteurs. L’enjeu, cependant, est de « conserver un équilibre entre l’action de terrain et la logique gestionnaire » (313).

Les associations doivent également s’emparer de tous les espaces permettant de diversifier leurs ressources. Certes, pour le CNAJEP, la diversification vers le financement privé n’est pas une bonne solution et le mécénat est un « mythe » (314). Pour Aides, au contraire, il faut tenir compte du fait que « la ressource sûre n’est malheureusement pas l’argent public ; c’est l’argent privé, malgré la crise, qui joue le rôle de régulation » (315). M. Gérard Leseul, responsable RSE et Relations institutionnelles et internationales du Crédit mutuel, a opportunément rappelé que le volet associatif de la loi ESS ouvre des pistes intéressantes parmi lesquelles « l’hybridation des ressources » (316).

Diversifier les ressources ne signifie pas nécessairement majorer le prix des cotisations ou des services déjà proposés par l’association ; cela peut aussi passer par l’extension de ces services, ainsi que l’a précisé M. François Carlier, délégué général de la Confédération consommation, logement et cadre de Vie (CLCV) : « N’ayant guère d’espoir d’obtenir rapidement une hausse de la subvention DGCCRF, nous devrons ainsi susciter davantage d’adhésions en proposant de nouveaux services, ce qui nous conduira parfois à nouer des partenariats avec des professionnels. Il ne s’agit pas de toucher quoi que ce soit d’eux, mais de travailler avec eux pour développer ces services. […] Les associations de consommateurs vont devoir développer de plus en plus ce type de dispositifs, en valorisant les services proposés soit par une obligation d’adhésion, soit par des cotisations supplémentaires » (317). Il a ajouté : « Le développement des adhésions est l’un des instruments clés, et c’est à nous de nous montrer inventifs pour fournir de nouveaux services. Par exemple, proposer à nos adhérents de filmer leur logement avec une caméra thermique pour les sensibiliser aux enjeux de la transition énergétique ou, au niveau national, valoriser leurs travaux par le biais des certificats d’économie d’énergie » (318).

Surtout, les associations doivent améliorer leur capacité de réflexion stratégique afin de se projeter dans l’avenir et de maîtriser leur destin. M. Jean-Pierre Segonds, directeur départemental des Territoires et de la Mer du Gard, s’est ainsi demandé comment associer les habitants concernés au contenu et aux évolutions nécessaires de la politique de la ville dès lors que « les associations pensent au présent et pas à horizon 15-20 ans » (319). Ce surcroît de réflexion stratégique est également appelé de ses vœux par M. Yannick Blanc, qui a déclaré à la commission que « dans une société qui connaît des transformations nombreuses et rapides, à un moment où la question de la fragilité de leur modèle économique se pose de manière aiguë, les associations ont besoin de davantage d’intelligence stratégique pour anticiper et pour être convaincantes vis-à-vis de leurs partenaires » (320). L’association La Fonda, que M. Blanc a définie comme un « laboratoire d’idées du monde associatif » (321), a fait de celui-ci son objet d’étude depuis une trentaine d’années et s’est engagé en 2010 dans un travail collectif de prospective. Elle a également réalisé de nombreuses études avec d’autres acteurs du mouvement associatif, au nombre desquelles il faut citer la Contribution à l’analyse des modèles socio-économiques associatifs – Typologie des modèles de ressources financières, parue en janvier 2014, qui est particulièrement adaptée aux préoccupations du moment, puisque M. Hugues Sibille a indiqué que plus d’un tiers des 6 000 à 7 000 demandes adressées chaque année à l’Avise portent sur le modèle économique et financier (322).

Le monde associatif étant divers, il n’était pas étonnant que les interlocuteurs successifs de la commission d’enquête se soient positionnés de façon plus ou moins volontaire par rapport à l’état d’esprit et à la démarche générale évoqués à grands traits dans les paragraphes qui précèdent. Tous se sont néanmoins retrouvés pour pointer du doigt le risque majeur qui pèse sur les associations : leur « banalisation » par rapport aux autres acteurs de l’économie.

La voie difficile qui s’ouvre devant les associations exige d’elles, en effet, de ne pas abdiquer leurs valeurs face aux contraintes économiques qu’elles affrontent et, surtout, face aux compromis qui pourraient naître de l’usage d’instruments directement « importés » du modèle entrepreneurial classique. La vocation d’une association n’est pas de sélectionner son public, a rappelé Mme Viviane Tchernonog (323), mais plutôt d’accomplir – fût-ce implicitement – une sorte de redistribution au sein des bénéficiaires de son action.

Ce n’est pas non plus parce qu’une association assume pleinement sa dimension gestionnaire qu’elle doit en oublier sa dimension militante : après avoir relevé que « les associations développent de plus en plus souvent des modèles de gestion d’entreprise. On parle beaucoup d’entrepreneuriat social ou d’entreprises associatives. Le fait d’être une association n’empêche pas de développer des modèles de gestion tout à fait rigoureux et qui n’ont rien à envier au domaine privé lucratif. C’est le cas des grandes associations du domaine social et médicosocial », Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale, a noté que « lorsqu’elles prennent en charge des personnes vulnérables, ces associations ont un rôle à la fois de gestion et un rôle tribunicien, puisqu’elles représentent à la fois des personnes vulnérables et ceux qui les prennent en charge » ; ce sont donc « des acteurs qui ont une parole propre en tant représentant les intérêts des personnes » (324).

En définitive, la logique économique ne doit pas prendre le pas sur le projet, alors que « les financiers et les juristes ont tendance à prendre le pouvoir, plutôt que d’être au service des projets associatifs » (325).

Si l’on ne peut confondre une association et une société commerciale, c’est bien parce que leurs principes d’action sont radicalement différents. M. Pierre-Yves Crochet Damais, représentant le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), a très clairement souligné la différence d’approche en matière de coopération pour le développement : « Loin de moi l’idée de porter un jugement sur les entreprises désireuses d’entrer dans l’économie sociale et solidaire, mais il s’agit de dire qui fait quoi et qui doit faire quoi. La tendance actuelle des pays du Nord étant de confier au secteur privé les enjeux de développement, les fonds en question vont à de grandes entreprises privées et non plus aux ONG. Cette vision du développement sous-tendue par la croissance économique n’est pas fausse, mais ne doit pas devenir exclusive. En effet, les projets confiés à des entreprises des pays du Nord risquent de mettre de côté des domaines indispensables à la société civile. Les pays du Sud doivent avoir une vraie politique sociale – santé, école, petite agriculture. Que des entreprises puissent contribuer à ces politiques n’est pas gênant ; par contre, le développement dans ces pays ne sera pas possible sans démocratisation. Cela suppose une mobilisation citoyenne des sociétés concernées et un appui au renforcement institutionnel des sociétés civiles du Sud, ce qui ne peut être fait que par les ONG » (326).

L’entité associative peut reprendre certains instruments du modèle entrepreneurial classique, mais elle ne doit pas « singer » le monde économique car son ressort fondamental est l’engagement individuel gratuit au service d’un projet collectif ; l’association n’est par essence par le « lieu de l’argent », même si elle peut trouver à gagner à renforcer ses relations avec le monde de l’entreprise. Votre rapporteure se réjouit donc des propos de Mme Nadia Bellaoui, qui a indiqué à la commission d’enquête qu’à la suite des travaux entrepris dans le cadre de la préparation du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, le Mouvement associatif a décidé de « construire progressivement une “révision associative” pour que les associations s’interrogent régulièrement sur leur complémentarité vis-à-vis de la puissance publique et des entreprises, sur l’action bénévole, sur le rapport à l’usager – qui peut toujours devenir bénévole puis dirigeant » (327). Avec ce projet, le monde associatif entend se doter d’une instrument inspiré de la « révision coopérative », forme spécifique d’audit mis en œuvre dans le secteur de la coopération, qui vise non seulement à porter une appréciation critique sur la gestion technique, administrative, financière et sociale de l’organisme audité, mais aussi à s’assurer du respect des principes du secteur (328). Votre rapporteure estime que cet effort doit être appuyé et encouragé par les pouvoirs publics, tout en insistant sur le fait qu’avant de trouver éventuellement une consécration législative similaire à celle de la révision coopérative, le processus doit d’abord être l’occasion d’un travail autonome du monde associatif sur lui-même.

Recommandation Appuyer le projet de construction d’une « révision associative » engagé par le Mouvement associatif

2. Le pilotage du projet associatif en chantier

Sous l’égide de son instance représentative éponyme, le mouvement associatif est donc en train de s’engager dans un exercice visant à mettre au point une méthode de « retour sur soi » qui concerne à la fois le fond – le respect des principes fondamentaux de la vie associative – et la forme – la bonne application de règles de nature administrative et gestionnaire. Cet exercice donnera lieu à l’élaboration d’un cadre de référence normé car l’audit d’une organisation s’entend d’un processus qui compare, sur la base de constats datés et documentés, les actions de l’organisme audité à un référentiel connu et auquel il est censé se conformer.

Cela laisse de côté tout le pan de la rénovation associative qui touche au pilotage du projet, que ce soit le projet global porté par le secteur associatif au sein d’une « filière » sectorielle organisée autour d’une tête de réseau, ou les projets considérés dans leurs relations avec les territoires, ou encore le projet vu de l’intérieur de l’association dans le cadre de sa gouvernance propre. Dans ce domaine, encore, les défis posés au monde associatif sont immenses.

a. Des têtes de réseau bousculées

Lorsqu’ils ont abordé le sujet, les interlocuteurs de la commission d’enquête ont été unanimes à saluer le rôle essentiel des têtes de réseau. M. Didier Jacquemain, délégué général de la Fédération nationale des Francas, a cependant rappelé que le sentiment vis-à-vis d’elles n’avait pas toujours été aussi consensuel et que l’intérêt qui entoure actuellement les têtes de réseau relève plutôt d’un retour en grâce : « Les difficultés des grands réseaux nationaux n’ont pas commencé il y a quelques années : elles sont beaucoup plus anciennes. […] on considérait alors qu’il fallait plutôt soutenir les petites associations territoriales. Aujourd’hui, on est revenu sur cette logique et on prend soin de s’assurer que les fédérations nationales arrivent à soutenir un niveau d’activité permettant, dans un contexte de crise, d’assurer une réelle animation fédérative, une réelle animation de réseau et le développement de réelles coopérations en interne. Cela suppose un niveau fédéral fort » (329).

La première vertu prêtée aux organisations exerçant les fonctions de tête de réseau est le soutien qu’elles peuvent apporter aux structures qui leur sont rattachées, ce qui concourt à la consolidation de chacune d’elle et du réseau dans son ensemble. Ce soutien peut relever de la logistique : c’est ainsi que M. Alain Bazot a évoqué le « kit de viabilité économique » mis au point par la fédération UFC-Que Choisir à destination des associations de son réseau. « Bien que fédérées à l’UFC, et le plus souvent regroupées en unions régionales, ces associations sont indépendantes : elles ont leur propre budget, leur conseil d’administration, leur président. Chacune jouit donc d’une certaine autonomie tout en restant soumise à des règles communes. La fédération est particulièrement attachée à son rôle de tête de réseau, essentiel dans un mouvement associatif ». Le kit élaboré par la fédération a pour but « d’analyser l’indépendance, la solidité et la capacité d’investissement » de ces associations locales (330).

M. Christophe Zajac, directeur des affaires juridiques et institutionnelles de la Fédération française de basket-ball, a pour sa part décrit les initiatives portées par sa fédération : création d’un institut national de formation chargé notamment de valider les acquis de l’expérience par une certification, labellisation des clubs et des structures afin de promouvoir les initiatives locales, organisation d’une université d’été et d’une université d’automne « qui répondent à une réelle demande », mise en place d’une plateforme informatique d’échange qui met à la disposition des associations des statuts-types, des plans comptables, etc.

On le voit à travers les exemples cités, l’intervention des têtes de réseau ne se cantonne pas à un soutien matériel mais s’oriente aussi vers un appui à l’expression du projet associatif. M. Jean-Pierre Ledey a souligné, à cet égard, que les réseaux sont « garants d’actions menées sur un territoire » (331), notamment au regard de l’homogénéité souhaitable du niveau de qualité.

Pourtant, les organisations têtes de réseau sont marquées par une certaine fragilité. Celle-ci prend son origine dans l’incapacité des réseaux à fédérer l’ensemble des associations situées dans leur domaine d’intervention. Naturellement, il est difficile de déterminer a priori quel pourrait être un taux « normal » d’adhésion à une fédération. Mme Viviane Tchernonog a indiqué à la commission d’enquête que les associations sont « souvent assez individualistes » ; dans son ouvrage, elle fait cependant état d’une « importante structuration en réseaux, corrélée à l’âge de l’association et au secteur d’activité » (332). L’apparent écart entre ces deux appréciations tient à l’importance des petites associations de membres, sans salarié, culturelles ou de loisirs, qui sont beaucoup moins fédérées que les autres.

Globalement, 53 % des associations adhèrent à une fédération ou à un groupement d’associations et 47 % fonctionnent de façon isolée. Le taux d’adhésion est plus élevé chez les associations employeurs (67 %) que chez les non employeurs (50 %) et augmente avec la taille et l’âge des associations : 35 % seulement des associations créées après 2005 sont membres d’un réseau, alors que c’est le cas de 79 % des associations créées avant 1950. Ce dernier élément explique peut-être la légère érosion du taux d’adhésion global entre 2005 (56 %) et 2011 (53 %) puisqu’en raison du dynamisme des créations d’associations, le tissu de 2011 compte beaucoup plus de jeunes associations que le tissu de 2005. Certains secteurs comme l’action humanitaire, la culture et les loisirs, sont peu structurés ; en revanche, le secteur sportif, même lorsqu’il est non employeur, est très souvent rattaché à un réseau : le taux d’adhésion de 80 % s’explique vraisemblablement parce que l’affiliation à une fédération conditionne souvent la possibilité de participer aux compétitions.

Le facteur principal de fragilité tient à la relative faiblesse des ressources des têtes de réseau. S’agissant des ressources propres, tirées notamment des cotisations et autres flux provenant des associations adhérentes, M. Alain de la Bretesche a noté non sans humour que « le travail de coordination nationale de la vie associative, en particulier pour notre secteur, est extrêmement difficile à financer. À une fédération, on donne généralement “la pièce” pour financer son budget national » (333). Quelques interrogations se sont fait jour sur la situation particulière des fédérations sportives, bien que M. Philippe Bana, directeur technique national de la Fédération française de handball, ait jugé « raisonnable » la part fédérale de la cotisation, quelle que soit la fédération (334).

Pour ce qui concerne les ressources obtenues auprès de la puissance publique, votre rapporteure relève que plusieurs intervenants ont pointé du doigt un effet collatéral de l’augmentation de la part des financements reçus des collectivités territoriales. Celles-ci ayant spontanément tendance à prendre en considération l’intérêt local des actions mises en œuvre par le partenaire qu’elles décident de financer, les têtes de réseau sont en quelque sorte mises sur le côté. Comme l’a indiqué M. Karl Deschamps, « la multiplication des financeurs territoriaux met en difficulté les têtes de réseaux nationales et influe sur les flux nécessaires au développement de la vie associative » (335). Pour Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif, « les têtes de réseau se heurtent à des problèmes particuliers. Les collectivités territoriales finançant essentiellement des projets très spécifiques, elles vont recevoir de moins en moins de moyens pour leur fonctionnement et donc pour l’appui qu’elles apportent aux associations » (336).

Dans ces conditions, la réforme territoriale en cours d’examen par le Parlement pourrait aggraver la situation des têtes de réseau ; Mme Nadia Bellaoui a estimé qu’« attribuer la compétence du financement des associations à une collectivité poserait aussi un problème aux têtes de réseau : le rôle de celles-ci étant d’aider les petites associations isolées et désorientées à coopérer avec d’autres pour être plus efficaces sans avoir à réinventer la poudre, leur champ d’action débordera toujours le territoire de cette collectivité chef de file » (337).

S’agissant des ressources provenant de l’État, les têtes de réseau n’ayant généralement pas vocation à conduire elles-mêmes des actions ou projets précis, elles sont rarement éligibles aux financements. Comme l’a indiqué M. Alain de la Bretesche, « on voit mal comment on peut financer les coordinations nationales autrement qu’avec des subventions de l’État. Or, aujourd’hui, une subvention de l’État est accordée à la condition d’avoir un projet qui permette de faire entrer de l’argent dans les caisses de la coordination nationale » (338). Il n’est donc pas étonnant que M. Alain Legrand ait comparé la situation des têtes de réseau à celle d’une administration d’État dont celui-ci ne voudrait pas financer les coûts de structure : « aujourd’hui, seule les actions sont financées, le financement des structures étant devenu un sujet tabou. C’est comme si l’État pouvait se passer de son administration centrale… » (339). Votre rapporteure rappelle, à cet égard, que la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010 a pourtant établi explicitement dans son annexe IV que « l’activité de plaidoyer, de tête de réseau, de coordination ou de fédération n’est pas a priori économique ni susceptible d’affecter les échanges [communautaires] » et qu’il est donc possible de verser aux têtes de réseau des subventions de fonctionnement sans limitation de montant et en toute sécurité juridique. Il n’y a pas de raison que cette précision disparaisse de la circulaire à venir, mais il appartiendra aux services de l’État de ne pas « oublier » cette disposition.

Recommandation Veiller à ce que les services de l’État ne négligent pas les souplesses explicitement offertes par le droit actuel en matière d’octroi de subventions aux têtes de réseau

Les années récentes ont vu la situation s’aggraver car, même si l’administration est disposée à assumer le coût d’une subvention de fonctionnement, la contrainte budgétaire croissante est, par la force des choses, amenée à être exercée en priorité sur les dépenses discrétionnaires pour faire place aux dépenses obligatoires qui suivent leur dynamique propre. C’est le processus qu’a fort justement décrit Mme Sabine Fourcade, dans le domaine plus précis des associations intervenant dans le champ social et médico-social : la direction générale de la cohésion sociale est en contact direct avec « les associations “tête de réseau” qui représentent des usagers ou d’autres grands secteurs de l’action sociale, et qui sont subventionnées. Leurs moyens ont tendance à se tendre. En effet, si l’ensemble des crédits sociaux a continué à augmenter dans les dernières années malgré les difficultés budgétaires, c’était essentiellement pour répondre à des dépenses obligatoires – prestations ou dépenses d’établissements et de service. Les subventions “libres” servies aux associations ont tendance, sinon à diminuer, du moins à être plus difficiles d’accès » (340). En cela, le contexte financier dans lequel évoluent les têtes de réseau est plus incertain que celui des associations qui gèrent des établissements ou services sociaux et qui opèrent dans le cadre du système de tarification.

Pour conforter la situation des têtes de réseau et leur rôle vis-à-vis de leurs membres, on peut envisager d’en faire les points de passage obligés de certains dispositifs, voire certains flux financiers, destinés à soutenir le tissu associatif. Relevant qu’« il est plus facile de financer des structures déjà mutualisées », Mme Viviane Tchernonog, par exemple, a suggéré qu’une telle méthode pourrait avoir des résultats positifs : « plusieurs types de mesures destinées aux associations, qu’il s’agisse de former les bénévoles ou de faciliter les démarches administratives ou encore la réponse à la commande publique, me semblent devoir passer par les fédérations et les groupements d’associations ou d’employeurs. […] cela pourrait inciter les associations, souvent assez individualistes, à y adhérer » (341). Chose curieuse, c’est une démarche de ce type qui a été mise en œuvre pour les associations de consommateurs, sans que son intérêt pour la légitimité et le positionnement des associations situées en tête de leur réseau ait été clairement perçu. Mme Corinne Rinaldo, secrétaire confédérale de la Confédération nationale du logement, a par exemple regretté que, « alors qu’il y a quelques années c’étaient les fédérations départementales qui demandaient la subvention consommation aux directions départementales de la consommation, cette compétence a été transférée aux instances nationales, ce qui alourdit considérablement notre travail et pose problème à un nombre croissant de militants bénévoles. Tout cela nécessite selon nous de revoir ces formalités » (342).

Votre rapporteure ne méconnaît évidemment pas la charge supplémentaire que la réception, puis la distribution, de la subvention « consommation » peut représenter pour l’organisation tête de réseau, mais il lui semble que les avantages peuvent excéder largement les inconvénients.

Faut-il aller, comme l’a demandé M. Alain Legrand, vers l’instauration d’une « quote-part de frais de siège sur l’ensemble des actions soutenues par l’État ou les collectivités territoriales, calculée sur le service rendu par la tête de réseau, mais opposable à l’ensemble des financeurs publics » ? (343). Une telle option doit être soupesée avec beaucoup d’attention, même si M. Legrand a signalé que ce dispositif existe dans le secteur médico-social, mais n’est pas reconnu pour le champ de la prévention.

Recommandation Confier aux têtes de réseau le pilotage de certains dispositifs de soutien au tissu associatif

Par-delà l’action de l’État, les différentes têtes de réseau sont confrontées aujourd’hui à la nécessité de réviser leur mode de fonctionnement, leur encadrement, leur vivier propre de bénévoles, leurs structures, etc. Dans certains domaines, c’est même la légitimité de leur existence qui est posée. Si M. Vincent Niqueux a « simplement » appelé à la définition d’un plan de restructuration portant sur les éléments précités, à réaliser à un horizon de trois à quatre ans pour un coût estimé de quelques centaines de milliers d’euros (344), les représentants des fédérations sportives auditionnés par la commission ont dressé un « plan de charge » autrement plus étendu dans le domaine du sport.

Ainsi, M. Bernard Amsalem a affirmé qu’« il y a trop de fédérations en France. Pour un sport de combat exotique, par exemple, une fédération obtiendra très facilement l’agrément. On émiette ainsi le sport alors qu’il faudrait mutualiser, se regrouper, travailler ensemble. Les partenariats entre fédérations n’existent pas. Chacun est dans son coin, d’où une concurrence que je trouve stupide. Pourquoi ne pas envisager des licences multisports, qui correspondent à l’évolution de la pratique ? […] À l’heure actuelle, nous sommes plus dans des logiques de clocher que dans des logiques de projet. L’État doit arrêter d’agréer toutes les fédérations. Il faut au contraire, encourager des rapprochements entre celles qui existent. […] Pour tous les sports individuels, des rapprochements sont possibles. Aujourd’hui, nous sommes le pays d’Europe qui compte le plus de fédérations : deux fois plus que l’Allemagne ! Il y a là une source intéressante d’économies » (345).

Sur un plan plus fonctionnel, M. Philippe Bana a appelé les fédérations à se transformer radicalement : « Les fédérations sont aujourd'hui des administrations, elles doivent devenir des compagnies de services » (346). Il a, par exemple, considéré qu’elles devraient être impliquées dans les actions de formation de leur domaine sportif : « il faut imposer aux fédérations sportives d’introduire dans leurs conventions d’objectifs – car ce n’est pas le cas aujourd’hui – un plan de formation et de professionnalisation, une architecture globale des formations incluant tous les acteurs. Elles se sont beaucoup concentrées jusqu’à présent sur la compétition, l’entraînement, la technicité. Elles ont maintenant le devoir de produire des plans de formation et le ministère doit les y contraindre » (347).

Recommandation Lancer une révision des conventions d’objectifs conclues entre l’État et les têtes de réseau pour préciser les engagements que celles-ci devraient prendre en matière de services rendus à leurs membres

Dans ce vaste plan de rénovation, voire de restructuration, qui attend les têtes de réseau des différentes composantes du tissu associatif, l’initiative doit évidemment venir des associations elles-mêmes. Aux yeux de votre rapporteure, l’État ne peut qu’être en retrait, tout en s’impliquant fortement là où son apport est essentiel. Il peut cependant faciliter les choses en orientant spécifiquement vers les mutations des têtes de réseau une partie des fonds publics nationaux, en particulier ceux dont la gestion a été confiée à la BPI.

Recommandation Flécher une partie des fonds de la BPI destinés à l’ESS vers des plans de restructuration et de modernisation spécifiques aux têtes de réseau

b. Des stratégies territoriales plus affirmées

Le monde associatif connaît depuis quelques années une mutation importante car le contexte au sein duquel il évolue change profondément : les modèles économiques doivent s’ajuster, les formes du bénévolat se modifient, le soutien public non fiscal a progressivement glissé de l’État vers les collectivités territoriales, etc. L’échelon local apparaît le plus fragile, comme l’a indiqué M. François Carlier : « c’est surtout à l’échelon local que l’urgence économique va se faire pressante alors même que la gestion y est parfois quelque peu aléatoire » (348). De ce fait, « c’est localement que le secteur associatif aura son méga-plan social invisible » (349). Pourtant, a insisté Mme Sabine Fourcade, le rôle de cet échelon local est irremplaçable car « sur le territoire, la cohésion sociale se “tricote” petit à petit. On a besoin d’associations de proximité pour mettre les personnes en lien les unes avec les autres » (350).

Les associations se voient donc obligées de « reconstruire une stratégie territoriale beaucoup plus complexe qu’auparavant », selon les mots de M. Vincent Niqueux (351). Cela semble devoir passer par une recomposition du tissu associatif considéré dans sa dimension « horizontale », locale, et par la recherche d’une plus grande proximité avec les collectivités territoriales.

i. La mutualisation comme source d’efficacité

L’enquête conduite par Mme Viviane Tchernonog et le Centre d’économie de la Sorbonne montre que « très peu » d’associations ont signalé avoir connu des phénomènes de rapprochement ces dernières années et que très peu l’envisagent pour l’avenir, sans pour autant que l’on dispose de chiffres précis. Les répondants à l’enquête ont cependant donné des indications sur les motifs des rapprochements effectués ou envisagés.

C’est la mutualisation des moyens qui recueille la plus grande adhésion des associations en matière de rapprochement : comptabilité, gestion, ressources humaines, achats, informatique, communication, etc. Vient ensuite la recherche d’une plus grande diversification des activités et des savoir-faire. Il faut noter que cette hiérarchie des préférences est inversée pour ce qui concerne les associations sans salarié, qui placent comme premier motif d’un rapprochement la diversification de leur activité ou des savoir-faire : la question des moyens est évidemment bien moins prégnante pour ces associations sans salarié que pour les associations employeuses.

Les informations recueillies au cours des travaux de la commission d’enquête confirment le tableau général dressé par Mme Tchernonog. Votre rapporteure relève, tout d’abord, que plusieurs interlocuteurs ont fait part de ce que le monde associatif continue de manifester un certain tropisme individualiste, qui a amené M. Hugues Sibille à relever que « la mutualisation est une voie à explorer. Mais le monde associatif ne s’oriente ni spontanément ni facilement vers la mutualisation ou les fusions – qui sont deux opérations distinctes » (352).

MOTIFS DES RAPPROCHEMENTS EFFECTUÉS OU ENVISAGÉS PAR LES ASSOCIATIONS

(en % du nombre total d’associations répondantes)

Source : Viviane Tchernonog, Le Paysage associatif français, 2013

En matière de mutualisation des moyens, de nombreuses structures locales – publiques ou associatives – offrent déjà des services appréciés. M. Jean-Marie Darmian, membre du bureau de l’Association des maires de France (AMF), a approuvé l’idée de créer « des maisons des associations comme il y a des maisons de services publics. Dès lors qu’on considère que les associations rendent un service public, elles devraient être regroupées au sein d’un lieu qui pourrait bénéficier du soutien du bloc communal. Il s’agirait de mutualiser des espaces au sein desquels la vie associative pourrait s’exprimer » (353). Cette idée a d’autant plus de portée que les maisons des associations actuelles sont structurées par le Réseau des maisons des associations dont M. Jacques Malet a souligné qu’il « a accompli un très bon travail de mutualisation » (354). Il faudra donc veiller à bien articuler les maisons des associations avec les structures de soutien et de mutualisation qui existent déjà dans certains territoires, afin d’éviter la création de doublons et les concurrences inutiles.

Pour le Mouvement associatif, Mme Frédérique Pfrunder a suggéré que les associations, notamment les plus petites d’entre elles, s’essaient à mutualiser leurs moyens en mettant en place des services communs, par exemple pour établir des fiches de paie ; de tels services pourraient également prendre en charge la comptabilité ou d’autres activités administratives. Mme Pfrunder a cependant estimé que « ce sont des solutions à développer par les associations elles-mêmes, quitte à ce qu’on leur fournisse un cadre » (355). Il faut également prendre en compte le fait que ce genre de services est d’ores et déjà assuré par de nombreuses sociétés commerciales, pour une clientèle diversifiée, et qu’une éventuelle initiative conçue spécifiquement en faveur des associations devra éviter l’obstacle de la concurrence déloyale.

Recommandation Étudier, en liaison avec le Mouvement associatif, les instruments juridiques qui pourraient être offerts aux associations en vue de développer des services communs

Au regard de la mutualisation des ressources humaines, votre rapporteure a déjà évoqué dans le chapitre précédent la formule du groupement d’employeurs qui, si l’on en croit les interlocuteurs de la commission qui se sont exprimés sur le sujet, est susceptible d’apporter des réponses très positives dans de nombreux secteurs, notamment le sport et l’éducation populaire, en liaison avec la réforme des rythmes éducatifs.

Enfin, pour ce qui est des financements, on doit rappeler que l’article 68 de la loi ESS a créé un support nouveau, les fonds territoriaux de développement associatif, au financement desquels les associations peuvent contribuer pour « mener des actions communes, lancer des programmes mutuels de recherche et de développement ou encore des cours de formation ». Dans un contexte financier contraint, il n’est pas encore possible de savoir si les associations pourront s’emparer de cet instrument pour y verser leurs propres contributions ou si elles saisiront simplement l’opportunité qui leur est offerte de disposer d’un réceptacle au sein duquel elles pourraient mutualiser des ressources « extérieures » au profit de projets communs.

Faut-il que l’État ou les collectivités territoriales soient plus volontaristes pour inciter les associations à s’engager plus avant dans la mutualisation ? On peut envisager que la puissance publique conditionne l’octroi de subvention à une mutualisation ou à un regroupement ; mais un écueil redoutable serait que la mutualisation « venue d’en haut », imposée de l’extérieur, ne corresponde pas aux réalités des associations concernées et ne voit de ce fait son efficacité théorique remise en cause en pratique.

Recommandation Inviter les collectivités publiques à ne conditionner l’octroi de subventions à la mutualisation des moyens qu’à l’issue d’un examen partagé des risques et des bénéfices attendus avec les associations concernées

En effet, la mutualisation des moyens a des vertus intrinsèques mais ne prend vraiment son sens que si elle peut être accompagnée d’une coopération dans les actions conduites. Comme on l’a vu précédemment dans ce chapitre, mais dans une optique un peu différente, évoquer les moyens sans évoquer le projet n’a pas grand sens.

ii. Un élan nouveau pour la coopération dans les territoires

Or les barrières internes au secteur associatif sont encore nombreuses. La commission a pris acte de ce que les associations culturelles sont excessivement cloisonnées par domaine d’intervention, y compris au sein d’un secteur comme la musique (356; ces observations peuvent être généralisées à tous les domaines de la vie associative, notamment ceux pour lesquels un chapeau général (« culture », « sport », « action sociale », etc.) peut être décliné en disciplines variées. M. Patrice Doctrinal, vice-président de la Fédération française de rugby, a d’ailleurs déploré le fait que « la transversalité est très compliquée à mettre en œuvre : entre les différents sports, la culture n’incite guère à se mettre autour d’une table ; on est plus dans une culture de rivalité sportive, de rivalité face aux financeurs et aux décideurs, de rivalité pour l’utilisation des équipements. » (357)

En fait, la coopération entre associations a toujours existé, qu’elle soit l’émanation des structures elles-mêmes ou qu’elle ait été fortement encouragée par des financeurs publics. Mais elle a longtemps concerné des associations d’un même secteur dans une optique de renforcement ou de développement d’une filière sur un territoire donné.

L’ouverture à une coopération plus poussée devient un horizon crédible. Comme l’a indiqué M. Patrick Doutreligne, « les associations sont aujourd’hui en quête de cohérence afin d’élaborer des solutions communes, ainsi qu’en témoigne le nombre de collectifs associatifs qui se créent, à rebours de l’époque, il y a trente ou quarante ans, où chacune se cantonnait à son public cible. » (358) Ce mouvement s’inscrit en effet dans le sens de l’histoire : rappelant que la demande adressée aux associations est de plus en plus celle de prestations de service individualisées et se fait aussi de plus en plus complexe, ne se bornant pas à la solution d’un problème particulier – de niveau de vie, de consommation, d’accueil de la petite enfance, etc., M. Dominique Balmary, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) a fait valoir que le monde associatif « doit s’organiser également de manière à mener une action transversale, en développant l’intersectorialité. Nous commençons à le faire mais, d’un côté comme de l’autre, d’immenses progrès restent à accomplir. Nous vivons encore sur des schémas de l’action sociale hérités de la Libération, avec une organisation en grands silos : le handicap, les personnes âgées, la famille… L’administration est organisée de cette façon et, par voie d’imitation, le secteur associatif également. Nous devons décloisonner tout cela, ce qui sera difficile, mais, selon moi, indispensable » (359).

L’avenir est donc au développement d’une action territoriale concertée beaucoup plus approfondie qu’aujourd’hui. M. Yannick Blanc a fait part de sa conviction que « la mutualisation n’a de sens que si la mutualisation des moyens […] s’accompagne d’une mutualisation des projets. Sur un territoire donné, les associations peuvent, tout en gardant leur personnalité et leurs spécificités
– éléments essentiels de l’
affectio societatis –, construire ensemble des stratégies et traiter ainsi d’égal à égal avec les pouvoirs publics » (360). C’est également le message porté par M. Jean-Louis Vielajus, pour qui « l’avenir des coopérations pour le développement passe par les coopérations entre territoires, dont les intérêts peuvent se rencontrer malgré leur très grand éloignement – je pense à des actions très intéressantes conduites par la région Bretagne au Burkina Faso. Plutôt que de considérer les ONG comme des contracteurs ou de financer n’importe quel projet, les collectivités doivent s’attacher à mener des projets de coopération en lien avec les ONG et les entreprises. Ainsi, une partie du lien entre associations et entreprises se fera par les territoires. Les entreprises utiles à l’international ne sont pas forcément de grandes multinationales d’origine française, ce sont aussi toutes les PME implantées dans vos territoires – j’y vois une chance » (361).

Les voies de cette coopération territoriale sont à trouver en fonction des spécificités de chaque « filière » associative et de chaque territoire. Dans le domaine du sport, par exemple, M. Bernard Amsalem a évoqué la politique de la Fédération française d’athlétisme, qui « encourage depuis une dizaine d’années la mutualisation entre clubs situés en agglomération. Aujourd’hui, des groupements de clubs existent dans presque toutes les grandes agglomérations, chaque club conservant néanmoins son individualité. Ces nouvelles structures sont notamment chargées du haut niveau. Tout le reste – animation territoriale, détection, etc. – se fait commune par commune » (362). Fondée sur une répartition des tâches bien définie et des responsabilités clairement établies entre les niveaux respectifs, un tel mode de coopération semble devoir être tout à fait efficace. Le modèle n’est pas forcément généralisable tel quel dans d’autres secteurs associatifs mais il montre les possibilités intéressantes offertes en la matière.

De toute façon, la coopération « verticale » dans le cadre d’une même filière doit être complétée par une coopération « horizontale » axée sur les besoins des populations identifiés dans des territoires déterminés. La création de réseaux horizontaux et l’identification de « têtes de réseau » à vocation transversale deviennent tout aussi importantes que dans le cadre de la structuration verticale à laquelle on se réfère spontanément. La situation de la Maison des adolescents du Gard est, sur ce plan, particulièrement éclairante. Son président, M. Christian Polge, et son directeur, M. Philippe Rigoulot, ont expliqué à la commission que, dans son champ d’intervention spécifique – l’accueil des jeunes de 11 à 21 ans, de leurs parents ainsi des professionnels du domaine de l’adolescence –, cette association fonctionne comme une « tête de réseau » ayant vocation à aiguiller les jeunes et leurs parents vers les dispositifs existants, sans se poser en concurrent de ceux-ci : pour tirer parti de la richesse du réseau, qui vient de sa proximité avec le terrain, « il faut construire dans la complémentarité et non dans la substitution », car, justement, « l’entrée dans une logique de concurrence est un penchant facile. »

Les transformations engagées ou à venir du maillage associatif – en termes de mutualisations ou de coopérations fonctionnelles – ne peuvent pas faire l’impasse sur l’articulation entre la dynamique associative et l’écheveau des collectivités territoriales. Aujourd’hui comme auparavant, les associations restent demandeuses d’une proximité avec les collectivités territoriales. Elles souhaitent cependant éviter le mélange des genres. C’est ainsi que Mme Henriette Steinberg a estimé que « certaines épiceries sociales sont parfois des courroies de transmission des municipalités » (363) ou que M. Olivier Berthe a dénoncé le fait que « l’on commence à voir certaines collectivités exiger que nous leur fournissions la liste des personnes que nous accueillons, et d’autres menacer de nous retirer des subventions si nous n’entrons pas dans le cadre qu’elles ont choisi. Cela va très loin ! Il faut veiller à ce que les élus locaux n’outrepassent pas leurs pouvoirs » (364).

Les attentes qui se sont exprimées au cours des travaux de la commission sont doubles.

Elles touchent tout d’abord aux conséquences de la réforme territoriale. Au-delà des aspects strictement financiers, évoqués dans un chapitre précédent, le monde associatif est en attente de clarifications sur les futurs interlocuteurs locaux tels qu’ils résulteront de la nouvelle répartition des compétences. Quelle que soit l’issue des débats parlementaires, la montée en puissance des intercommunalités est regardée de près.

Elles touchent ensuite aux modalités du dialogue avec les pouvoirs locaux. En cohérence avec le rôle de chef de file exercé par la région en matière économique, la loi ESS a confié aux régions la mission d’élaborer, en liaison avec les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) et les autres organismes et entreprises de l’économie sociale et solidaire, une « stratégie régionale de l’économie sociale et solidaire » et de « contractualiser avec les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour la mise en œuvre des stratégies concertées et le déploiement de l’économie sociale et solidaire sur le territoire régional ». Elle a également créé une conférence régionale de l’économie sociale et solidaire qui sera organisée, au moins tous les deux ans, sous l’égide du préfet de région et du président du conseil régional.

Ces dispositions (365), pour bienvenues qu’elles soient, n’épuisent pas la matière notamment parce qu’existe le besoin d’une représentation et d’un dialogue plus proches des citoyens. Cette préoccupation particulière ne peut bien sûr être exprimée que par les acteurs de terrain. Par exemple, Mme Sylvie Chamvoux, directrice de l’URIOPSS Languedoc-Roussillon, a estimé que « la CRESS est utile, mais il faut un échelon plus local » (366). Mme Françoise Akoum, représentant la section nîmoise de la Ligue des droits de l’homme, a affirmé elle aussi que les acteurs locaux ne connaissent guère la CRESS ; dans un courrier reçu par la suite, la section nîmoise de la Ligue des droits de l’homme a suggéré de créer, par la loi, une instance de représentation territorialisée des associations, le Conseil local de la vie associative. Il s’agirait donc de rendre obligatoire un dispositif d’ores et déjà mis en œuvre par de nombreuses municipalités. S’il fallait s’engager dans cette voie, il conviendrait d’éviter toute confusion avec certains dispositifs existants (conseils de quartier, conseils citoyens, etc.).

c. Un ajustement en cours des gouvernances associatives

Le thème de la gouvernance associative mériterait un rapport à lui tout seul : il relève à la fois de l’interrogation démocratique, de la portée du dialogue social notamment dans son rapport à l’économie marchande ou non marchande, de la place que notre société réserve à certaines catégories de personnes (jeunes, femmes, actifs et retraités), etc. Plus modestement, votre rapporteure fera part ici des interrogations qui traversent le monde associatif et des réponses qui commencent à y être apportées.

Il faut partir du constat que les parties prenantes à la vie associative (élus bénévoles, salariés, bénévoles investis sur le terrain, bénéficiaires, adhérents, etc.) ont des ressources, des intérêts, des formes de légitimité différentes. L’enjeu consiste à les mobiliser, les articuler, les concilier pour concrétiser le projet associatif et garantir l’efficacité de l’action.

Le mouvement associatif a pris conscience qu’il est « plutôt qu’en crise, dans une période de transition, de réinvention d’un modèle et d’un partenariat avec la puissance publique » (367). Au cœur de cette transition, il y a le fait que « les usagers ont des aspirations, ce qui est tout à fait heureux. Les salariés présents de façon stable dans les associations s’interrogent sur la place des bénévoles et des élus. Ces transformations majeures que d’aucuns appellent crise démocratique se manifestent donc également au sein des associations – qui sont aussi des institutions appelées à évoluer au gré d’une capacité accrue des citoyens à peser sur leurs organisations –, mais d’une manière spécifique. […] Notre préoccupation est de faire en sorte que nos partenaires veuillent conforter et développer nos spécificités, sans donc mettre de frein à nos évolutions internes » (368).

Le défi à relever est donc limpide : « Disposer d’une gouvernance exemplaire fédérant autour de leur projet l’ensemble des parties prenantes est une exigence pour les associations. Cette gouvernance encore à construire mobilise de nombreux acteurs de la vie associative, en particulier le HCVA, le Mouvement associatif et La Fonda » (369). Encore faut-il préciser qu’elle doit s’entendre d’une gouvernance adaptée aux spécificités des associations et ne pas être décalquée sur une gouvernance d’entreprise dont l’approche très « instrumentale » a engendré de multiples effets pervers dans les secteurs éloignés du monde de l’entreprise.

Certains « lieux du débat » ont été explorés par les interlocuteurs de la commission d’enquête.

Très nombreux ont été ceux qui ont insisté sur la nécessité de mieux articuler les bénévoles et les salariés, notamment au regard des transformations du bénévolat dont votre rapporteure a fait état dans le chapitre III.

On a tendance à associer de façon univoque la notion d’engagement à celle de bénévole. M. Bazillon a souligné qu’au contraire, très souvent, cette notion est également partagée par les salariés et que des conséquences doivent en être tirées : « Le secteur associatif bénéficie d’une gouvernance très particulière avec des bénévoles en général bien formés – et de mieux en mieux –, volontaires, impliqués. Grâce à eux, des projets associatifs très pertinents, pour la plupart, sont mis en œuvre. Quant aux salariés, il faut avoir présent à l’esprit qu’ils n’ont pas intégré une association par hasard. […] Le projet associatif doit être co-construit avec les salariés qui souvent font partie de l’assemblée générale. Il s’agit en effet d’obtenir une implication optimale de l’encadrement, qui va impulser et accompagner les mutations. Vis-à-vis des salariés, la prise en compte de l’innovation sociale et de la qualité du service rendu est essentielle : il faut partir de là pour les impliquer, les motiver, et faire comprendre que leurs compétences devront s’adapter à l’évolution des besoins sociaux » (370). Une gouvernance associant étroitement les élus, les bénévoles de terrain et les salariés est essentielle pour procéder aux ruptures lorsqu’elles sont nécessaires.

Mais il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. M. Patrick Andréani, délégué technique général de la Fédération française de gymnastique, a ainsi rappelé que, sur une période d’une quinzaine d’années, « la Fédération, qui ne comptait que des bénévoles, s’est professionnalisée, mais cette tendance est parfois mal vécue par les bénévoles » (371). Sans disconvenir du phénomène, M. Philippe Bana a appelé à dépasser cette rivalité qui ne profite ni aux personnes ni aux associations concernées : « pour ce qui est des rapports entre bénévoles et employés, je crois qu’un professionnel qui tue un bénévole, c’est un meurtrier, et qu’un bénévole qui ne se sert pas d’un professionnel, c’est un imbécile. Ne pourrions-nous dépasser ce schéma clivant et parler de professionnalisation de l’ensemble des acteurs, y compris des bénévoles ? » (372). M. Patrice Doctrinal a ensuite expliqué l’origine des problèmes, montrant qu’une politique adaptée avait permis de surmonter les difficultés : « Concernant les relations entre salariés et bénévoles, nous avons tiré les conclusions de l’expérience des emplois jeune. Au moment où il est devenu employeur pour tirer parti de ce dispositif, le mouvement sportif n’était pas professionnalisé et ne possédait pas de véritable projet associatif. Les clubs n’avaient aucune idée des compétences dont ils avaient besoin. Ils se sont mis à rémunérer des activités que les bénévoles accomplissaient gratuitement. Il s’en est suivi une rivalité nocive. C’est pourquoi la Fédération française de rugby, s’inspirant du handball, a mis en place une politique de professionnalisation et d’accompagnement individualisé des clubs pour les amener à structurer leur projet associatif » (373).

De l’avis général, la crise n’a pas contribué à apaiser les relations entre les bénévoles et les salariés. Votre rapporteure a déjà évoqué cette question dans le chapitre III. Il y va pourtant de l’efficacité de l’action associative que de surmonter le phénomène et de parvenir à concevoir le bénévolat de responsabilité et la professionnalisation des salariés comme complémentaires ; elles doivent parvenir à faire fonctionner en harmonie des bénévoles qui peuvent questionner les structures et des salariés qui peuvent devenir partie prenante aux décisions.

Les tensions potentielles entre l’association lieu de l’engagement et l’association lieu de l’emploi ne se limitent pas aux relations entre les deux groupes sociaux que constituent les salariés et les bénévoles. Elles touchent aussi à la façon dont l’association assume, vis-à-vis du salarié, les valeurs qu’elle défend.

Comme l’a remarqué M. Frédéric Amiel, secrétaire général du syndicat ASSO (374), les salariés « portent » eux aussi en partie le projet associatif, ce qui rend encore plus difficile l’éventuel écart entre l’idéal associatif et la réalité des rapports de travail : « les salariés associatifs sont très investis dans leur travail et la démotivation évoquée tout à l’heure n’est pas toujours le fait du salarié mais provient d’une perte de sens et de la difficulté que rencontrent les associations à mettre en œuvre leur projet. Certains salariés ne voient plus l’intérêt de continuer à travailler dans le monde associatif puisqu’ils y retrouvent tant de travers du secteur privé » (375).

En effet, le monde associatif n’est pas un continent isolé, préservé par essence des contradictions et des conflits liés au travail. « Le cadre associatif, a expliqué Mme Sabine Morel, directrice d’AMELY Médiation et administratrice du Réseau national d'accès au droit et à la médiation (RENADEM), est pris entre l’objet associatif – la cause à défendre – et l’obligation de respecter et de faire respecter le droit du travail » (376). Diagnostic repris presque mot pour mot par M. Matthieu Hély, qui a déclaré que l’« un des enjeux centraux du dialogue social interne au monde associatif réside dans l’articulation entre la cause que servent les entreprises associatives et l’organisation du travail qu’elles déploient pour servir cette cause dans les conditions les plus efficaces possible. Je voudrais souligner la contradiction qu’il peut y avoir entre la cause et le travail.

« Dans un premier temps, ce qui est dénoncé à la fois par les employeurs et les salariés, la cause peut jouer contre le travail. Le brouillage des frontières fait que le temps de travail n’est pas respecté, qu’il n’y a pas de négociation sociale ni de représentation collective des salariés et que les normes du travail ne sont pas appliquées, au nom de la cause. Les dérives de ce type sont dénoncées par les deux parties. Ces dérives ne concernent pas seulement le travail salarié. Je pourrais citer l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation de 2002 au sujet des bénévoles de la Croix-Rouge, qui a requalifié une activité bénévole en contrat de travail.

« À l’inverse, il y a des cas où le travail peut jouer contre la cause. Si la rationalisation de l’organisation du travail associatif est plutôt une bonne chose
– car c’est la reconnaissance du fait que l’activité relève du travail, et dans certains cas, cela la protège –, on peut se demander si le travail associatif est rationalisable sur le même mode que les pratiques du secteur concurrentiel
 » (377).

M. Hély a souligné combien ce débat est central pour le travail associatif, car l’enjeu « est de redéfinir la sphère du travail non marchand en termes de statut. Quel statut donne-t-on au travail non marchand ? Et quel mode de valorisation ? […] La participation bénévole, du point de vue comptable, fait l’objet d’une valorisation. Pourquoi s’arrêter à la valorisation de la participation bénévole, en termes d’utilité sociale apportée à la société ? […] Cet enjeu est central, à la fois pour les employeurs puisque c’est un moyen de se différencier du patronat traditionnel, mais aussi pour les salariés à qui cela éviterait d’être réduits au rôle de variables d’ajustement des politiques publiques » (378).

Aux yeux de votre rapporteure, il revient aux instances dirigeantes des associations de se saisir de ces sujets majeurs et de réfléchir de la manière la plus approfondie à la façon dont elles peuvent, au vu de leur projet associatif et du contexte au sein duquel elles évoluent, rendre effectivement compatibles le travail et la cause. Se trouve ainsi posée la question de la capacité des instances dirigeantes à faire face à leurs responsabilités.

Un large consensus est apparu sur le fait qu’« une association dotée d’une bonne gouvernance a beaucoup moins de mal à faire face à ses difficultés » (379).

Il faut, en particulier, « quitter ce modèle de l’homme providentiel qui serait à chercher au dehors, un modèle repris de l’entreprise […]. Le renouvellement de la direction de l’association doit s’appuyer sur ses ressources internes », a indiqué M. Dominique Thierry, président de France Bénévolat (380). Or la gouvernance associative « n’est souvent pas assez collégiale. Des dirigeants d’associations viennent nous demander de leur trouver des successeurs, comme s’il existait un vivier externe. Nous les appelons à reformuler leur projet associatif et à repenser leur gouvernance dans une logique plus collégiale, à déléguer davantage de responsabilités de façon que le président soit un primus inter pares, qui ne s’occupe pas personnellement de tout » (381).

La capacité du conseil d’administration est, en l’espèce, déterminante. Cette capacité doit être entendue au sens large. Les associations sont d’abord confrontées au défi du rajeunissement de leurs administrateurs, comme l’a expliqué M. Yves-Jean Dupuis : « la gouvernance de nos organisations est assurée par des bénévoles, qui y consacrent une grande partie de leur temps. Ce sont des “passeurs” : ils sont là pour assurer la pérennité d’une association, voire pour accroître son activité, puis ils passent le témoin pour que la structure puisse continuer à vivre. Dans le secteur associatif, certaines structures existent depuis plusieurs dizaines d’années, voire depuis quelques siècles, elles font partie de l’histoire de la France. Mais, en raison des difficultés financières et des responsabilités importantes qui pèsent sur nos organisations, nous avons de plus en plus de mal à attirer de jeunes administrateurs, de sorte que 70 % de ceux qui sont en place ont plus de soixante ans, 72 % d’entre eux s’étant engagés depuis plus de cinq ans et presque tous étant des retraités. La difficulté de renouveler cette gouvernance vieillissante est grave pour l’avenir : si nous n’en triomphons pas, nous risquons de voir bien des associations péricliter demain. Bien sûr, nous travaillons en interne pour essayer de mobiliser et d’attirer des jeunes, mais ce n’est pas facile » (382).

Elles doivent aussi veiller à ce qu’il n’y ait pas d’interférences entre les fonctions exercées en leur sein par leurs administrateurs et celles qu’ils peuvent avoir par ailleurs dans d’autres instances, notamment s’ils sont élus locaux. Même si M. Gérard Terrien a indiqué qu’il y a de moins en moins d’associations démembrements de collectivités territoriales, la souplesse du schéma associatif est telle que l’on voit encore trop souvent des élus locaux siéger es qualités dans des associations, soit que celles-ci espèrent consolider ainsi un partenariat avec la collectivité concernée, soit que cette dernière y voit le moyen d’exercer un pouvoir sur l’association. Ce genre d’ambiguïtés ne sert guère la cause associative.

Dans la même perspective, votre rapporteure tient à signaler l’initiative prise par le Comité de la charte, qui a fait entrer à son conseil d’administration des personnalités qualifiées extérieures aux associations fondatrices du Comité. En effet, « du fait de la complexité croissante des contrôles à effectuer pour garantir la transparence, il nous faut veiller à la fois à la compétence de nos dirigeants et à leur indépendance. […] Nous avons revu notre projet associatif en conséquence, afin d’éviter que quiconque ne se sente lésé. Cette évolution était inéluctable », a expliqué Mme Agnès de Fleurieu, vice-présidente du Comité de la Charte (383).

Compétence et indépendance sont indispensables pour assurer une gouvernance de qualité. Plusieurs interlocuteurs de la commission ont souligné qu’elles n’y suffisent pas. Pour eux, les associations doivent faire une plus large place aux publics qu’elles accompagnent et inscrire le pilotage du projet associatif dans une démarche similaire à celle souvent retenue pour les actions de terrain, telle que l’a dessinée en quelques mots M. Pierre-Yves Madignier, président du mouvement ATD Quart Monde : « toutes nos actions sont construites par des personnes très pauvres pour des personnes très pauvres » (384). Réussir le projet associatif, c’est aussi ouvrir les associations à ceux qui « savent des choses que personne d’autre ne sait » (385).

À cet égard, les esprits évoluent et les choses bougent. Rappelant que le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté en décembre 2012 par le Gouvernement fixe notamment comme priorité la participation des usagers et des personnes accompagnées aux instances de décision, M. Florent Gueguen, directeur de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), a informé la commission d’enquête que « la FNARS plaide, avec d’autres associations, pour une implication beaucoup plus forte dans cette gouvernance des personnes que nous accompagnons. […] Nous avons engagé des actions visant à faire entrer des personnes accompagnées dans les conseils d’administration. C’est le cas à la FNARS et chez un grand nombre de nos adhérents, soucieux de reconnaître plus fortement l’expertise des personnes qui bénéficient de nos prestations » (386). Cette démarche devrait être très largement étendue.

Le tableau d’ensemble qui se dessine à l’issue des travaux de la commission montre le rôle essentiel que doit jouer le conseil d’administration. Cette instance, qui cristallise la raison d’être de l’association – puisque, n’étant pas fondée sur une mise en commun de capitaux mais de personnes, il ne peut y avoir de représentants d’actionnaires –, doit être à la hauteur des défis qui l’attendent, que ce soit dans une association moyenne « de terrain » ou dans une tête de réseau. Bien souvent, d’ailleurs, celles-ci répondent aux impulsions venues de la direction générale plus qu’à celles des administrateurs issus du réseau. C’est pourquoi la formation des administrateurs est un enjeu majeur pour le monde associatif, et votre rapporteure ne peut qu’adhérer au constat fait devant la commission par M. Hugues Sibille, qui déclarait : « les associations qui résistent le mieux, comme l’AVISE a pu le constater, sont celles qui ont la gouvernance la plus solide, ce qui suppose un bon conseil d’administration composé de personnes compétentes capables de piloter un modèle économique tel que je l’ai défini et, pour les associations employeuses, une bonne articulation entre le conseil d’administration, l’équipe technique et la direction. Il me semble que cette dimension n’est pas assez prise en compte, notamment pour ce qui est de la formation des administrateurs. Il n’y a pas d’équivalent du magnifique travail qu’a mené Daniel Lebègue avec l’Institut français des administrateurs » (387).

Les pouvoirs publics peuvent apporter une contribution à l’entreprise de rénovation interne de la gouvernance associative, en œuvrant à renforcer les compétences des administrateurs en poste ou à venir – « compétences » devant ici s’entendre comme l’ensemble des qualités nécessaires au pilotage d’un projet associatif et non pas comme un ensemble de savoirs managériaux mimant ceux nécessaires à la vie des entreprises.

Recommandation Créer un Institut des administrateurs associatifs

CHAPITRE CONCLUSIF

FAIRE VIVRE LA CHARTE D’ENGAGEMENTS RÉCIPROQUES

Arrivant avec l’ensemble des membres de la commission d’enquête à l’issue de ces quelques mois d’intenses travaux, et au moment où s’achève la rédaction du présent rapport, qui tente de brosser la synthèse la plus objective possible des informations recueillies auprès des personnes auditionnées, votre rapporteure doit faire état d’un sentiment paradoxal.

D’une part, les échanges de vue approfondis et passionnants qui ont rythmé les auditions montrent que tous les intervenants sont pleinement mobilisés pour répondre aux défis auxquels est confronté le monde associatif, notamment dans le contexte de crise qui prévaut depuis plusieurs années. Cela ne signifie pas pour autant que les identités de chacun ou les intérêts propres à chaque institution se sont tout d’un coup effacés : l’État ne va pas transformer subitement sa politique budgétaire ; il ne faut pas s’attendre à une réduction drastique de la commande publique ; les réticences de certains au développement des ressources propres et du mécénat d’entreprise ne vont pas disparaître dans un grand soir consensuel des modèles socio-économiques associatifs, etc. Mais, semble-t-il, chacun a pu prendre conscience que l’urgence impose de faire bouger les lignes et de sortir des attitudes convenues.

D’autre part, le tableau qui a été présenté des difficultés associatives et des pistes évoquées comme moyen de les surmonter laisse un certain goût de « déjà vu ». Si l’on prenait la peine de compiler les rapports consacrés aux associations
– émanant des administrations, du monde associatif, du Parlement, etc. – parus depuis une quinzaine d’années, il est très probable que la nouveauté du présent rapport deviendrait très relative. Pourquoi donc l’histoire paraît-elle bégayer ? Qu’est-ce qui, dans les relations entre la puissance publique et les associations, semble empêcher les bonnes volontés de donner tout leur sens à des mots comme « simplification » ou « partenariat » ?

Nous voulons malgré tout croire que la séquence actuelle en direction du monde associatif (Grande cause nationale, loi ESS, Charte d’engagements) et les différents rapports convergents donneront à nos travaux un écho plus significatif.

Le travail accompli – et unanimement salué – pour préparer la loi sur l’économie sociale et solidaire montre pourtant qu’il est possible d’avancer de concert pour dessiner des perspectives ambitieuses et leur donner de la substance. Car, finalement, que souhaite le monde associatif, si ce n’est trouver chez ses interlocuteurs publics une capacité d’écoute, une volonté de cohérence, un soutien actif et respectueux de la liberté associative, etc. ? Que souhaite la puissance publique – État et collectivités territoriales – si ce n’est trouver chez ses interlocuteurs associatifs une capacité à rester à l’écoute des besoins sociaux, une volonté de préserver le fondement du projet associatif – la non lucrativité –, de s’engager sur des objectifs, de faire vivre en interne la démocratie sociale, etc. ?

Toutes ces attentes ont d’ores et déjà été exprimées clairement et rassemblées dans un document qui reste peut-être insuffisamment connu : la Charte d’engagements réciproques entre l’État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales. Signée en février 2014 entre ces « trois » partenaires (388), elle fait suite à une Charte similaire signée en 2001, à l’occasion du centenaire de la loi. Le principal atout de la Charte actuelle par rapport à son aînée : elle fait place aux collectivités territoriales. Toutefois, il semble, que pour l’heure, ce document peine à s’affirmer malgré un potentiel unanimement reconnu. Étrangement, il n’a que rarement été évoqué dans les auditions de la commission d’enquête.

Votre rapporteure appelle donc l’ensemble des partenaires de la Charte à se saisir de celle-ci et à s’approprier ses éléments – même si la réforme territoriale en cours offre à ce jour encore un contexte très incertain. Grâce à la Charte, une puissante dynamique collective peut s’amorcer rapidement et se développer sur le long terme. En témoigne le fait que, dès après 2001, et alors même que seul l’État avait signé la précédente Charte, plusieurs collectivités territoriales se sont engagées de leur propre chef dans des chartes locales avec le secteur associatif de leur ressort : une dizaine de régions, moins d’une dizaine de villes.

Aujourd’hui, avec la Charte de 2014, un espace est ouvert pour aller beaucoup plus loin. L’État doit mobiliser ses services et les parlementaires doivent devenir des ambassadeurs de la Charte dans les territoires. Pour leur part, les collectivités doivent s’impliquer dans toute leur diversité et s’attacher à décliner les principes généraux de la Charte nationale en fonction des spécificités locales et des objectifs propres à chaque territoire. Les associations, enfin, doivent s’atteler à leur rénovation interne, notamment pour ajuster leur gouvernance et revivifier l’engagement des adhérents dans un processus démocratique totalement assumé, nécessaire à la vitalité républicaine !

RECOMMANDATIONS

1.  Conforter la place des associations dans la cité

• Faire de la reconnaissance d’utilité publique un véritable label de qualité de l’action associative

• Mettre en place le « tronc commun d’agrément », en étudiant son éventuelle articulation avec les capacités reconnues aux associations d’intérêt général par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association

• Intégrer à la formation initiale et continue des fonctionnaires de l’État et des fonctionnaires territoriaux des modules d’immersion et de découverte de la vie associative

• Saisir le HCVA d’une demande d’avis sur les moyens de renforcer la visibilité du monde associatif dans les établissements d’enseignement et d’y développer l’apprentissage de la vie associative

• Lancer tous les 3 ans une campagne nationale pour promouvoir auprès des Français le don associatif

• Saisir le HCVA d’une demande d’avis sur le poids des normes juridiques et techniques opposables aux associations et sur les moyens d’en atténuer la portée

• Mettre en œuvre les recommandations du rapport « Simplifications pour les associations » de M. Yves Blein, député, au Premier ministre, en fixant comme objectifs prioritaires :

– le rapprochement des greffes des préfectures et des services dédiés au conseil et à l’accompagnement

– l’harmonisation des dossiers de financement et des exigences en matière de pièces justificatives entre les différentes collectivités publiques, avec pour objectif final la mise au point d’un « dossier unique »

– l’incitation à la mise en place de « conférences de financeurs »

– la dématérialisation des demandes de financements dans le cadre d’un processus progressif et partagé entre les représentants de tous les acteurs concernés

• Saisir le HCVA d’une demande d’avis sur le contrôle et l’évaluation de l’action associative

• Actualiser la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010 en explicitant très clairement les possibilités offertes en matière de subvention et en affichant le caractère subsidiaire de la commande publique

• Compléter la circulaire actualisée par des guides et des conventions types destinés notamment aux petites associations et aux petites communes

• Pour toute mesure législative ou réglementaire instaurant ou modifiant un dispositif de solvabilisation de la demande des ménages en services, procéder à une étude d’impact de ses effets sur le secteur associatif

• Inviter les organisations représentatives des collectivités territoriales à sensibiliser leurs membres au risque que peuvent représenter les offres commerciales incluant un volet qui relève manifestement du domaine non lucratif

• Appuyer le projet de construction d’une « révision associative » engagé par le Mouvement associatif

• Veiller à ce que les services de l’État ne négligent pas les souplesses explicitement offertes par le droit actuel en matière d’octroi de subventions aux têtes de réseau

• Confier aux têtes de réseau le pilotage de certains dispositifs de soutien au tissu associatif

• Lancer une révision des conventions d’objectifs conclues entre l’État et les têtes de réseau pour préciser les engagements que celles-ci devraient prendre en matière de services rendus à leurs membres

• Flécher une partie des fonds de la BPI destinés à l’ESS vers des plans de restructuration et de modernisation spécifiques aux têtes de réseau

• Étudier, en liaison avec le Mouvement associatif, les instruments juridiques qui pourraient être offerts aux associations en vue de développer des services communs

• Inviter les collectivités publiques à ne conditionner l’octroi de subventions à la mutualisation des moyens qu’à l’issue d’un examen partagé des risques et des bénéfices attendus avec les associations concernées

• Créer un Institut des administrateurs associatifs

2.  Sécuriser le financement des associations

• Élaborer un dispositif fiscal mettant fin à l’avantage concurrentiel dont bénéficie le secteur lucratif dans certains secteurs au détriment du secteur associatif

• Mettre à profit le débat parlementaire pour réécrire l’article 28 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République afin de conforter le financement du monde associatif dans sa diversité

• Simplifier les dossiers de demande auprès du Fonds social européen, raccourcir les délais de paiement et réduire les contrôles au strict nécessaire

• Mettre en place un fonds de soutien à la trésorerie des associations

• Généraliser le versement, au moins partiel, des subventions publiques le plus tôt possible dans l’année afin de limiter les difficultés de trésorerie des associations

• Permettre aux associations de dégager des « excédents raisonnables » en vue de constituer des fonds propres

• Stabiliser le cadre fiscal des dons des particuliers

• Harmoniser et sécuriser la délivrance des rescrits fiscaux

• Mieux faire connaître les avantages liés aux dons sur successions

• Adapter le cadre de l’appel à la générosité du public aux nouvelles technologies

• Autoriser et promouvoir les dons par SMS

• Élargir à l’ensemble des produits transformés la défiscalisation des dons agricoles

• Stabiliser le cadre fiscal du mécénat d’entreprise et le rendre plus accessible aux PME

• Supprimer le critère de publicité dans la règle des 4 P

• Relever le seuil actuel de non-lucrativité ou fixer un seuil en pourcentage des activités

• Accompagner et encadrer le développement de la finance participative en prenant en compte la spécificité associative

3.  Soutenir l’emploi et le bénévolat

• Créer un « congé pour l’exercice de responsabilités associatives » de douze jours pour les bénévoles participant aux instances dirigeantes d’associations d’intérêt général

• Soutenir le développement et la professionnalisation des centres de ressources et d’information des bénévoles

• Ouvrir le financement des fonds de formation des dirigeants bénévoles aux acteurs publics comme privés

• Assouplir le dispositif de pré-majorité associative pour les mineurs de quinze ans et ouvrir aux mineurs de douze ans la possibilité, avec l’accord préalable de leurs représentants légaux, de créer et de réaliser certains actes de gestion courante d’une association

• Développer le dispositif local d’accompagnement

• Promouvoir de façon plus active le dispositif de groupement d’employeurs auprès des associations

• Inciter les jeunes à s’engager auprès d’associations dès l’école et tout au long de leur parcours scolaire et universitaire

• Poursuivre la montée en charge du service civique pour atteindre l’objectif de 100 000 jeunes volontaires en 2017

• Créer un congé d’engagement bénévole de six à douze jours pour favoriser le bénévolat des actifs

• Communiquer de façon plus large auprès des entreprises et des salariés sur le mécénat de compétences

• Renforcer les moyens dont bénéficie le FDVA, notamment par le biais d’une communication plus large auprès des acteurs privés

• Promouvoir de façon plus active le volontariat associatif auprès des associations

• Adapter les conditions d’octroi de la médaille de la jeunesse et des sports aux jeunes bénévoles

• Clarifier le cadre dans lequel un demandeur d’emploi peut être bénévole au sein d’une association

• Adapter la composition des jurys de validation des acquis de l’expérience aux demandes émanant de bénévoles

4.  Améliorer la connaissance du monde associatif

• Poursuivre le rapprochement entre les répertoires SIRENE et RNA avec pour objectif final un numéro d’identité unique

• Poursuivre l’enrichissement du jaune budgétaire en développant les analyses transversales

• Développer des indicateurs locaux de vitalité associative

• Confier à l’État la gestion d’un répertoire des associations fondé sur les réalisations actuelles de Fédération ASSO 1901

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du jeudi 20 novembre 2014, la commission d’enquête a procédé à l’examen du rapport.

M. le président Alain Bocquet. Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner et approuver le rapport établi par Mme Françoise Dumas. Si j’en juge par l’état d’esprit qui a animé l’ensemble des participants pendant toute la durée des travaux de la commission d’enquête, l’approbation ne devrait guère poser de problème…

Je rappelle que notre réunion n’a pas pour but de discuter d’amendements au rapport : nous avons à le prendre tel quel, en bloc. Lors de notre réunion du 22 octobre dernier, chacun a pu exprimer ses idées et faire valoir ses centres d’intérêt, dont la rapporteure a tenu le plus grand compte.

Je dois cependant vous indiquer que notre rapporteure a apporté, avec mon plein accord, quelques compléments au texte qui a été mis en consultation. Il s’agissait d’introduire des références à des personnes auditionnées qui – nous nous en sommes aperçus à la relecture – n’avaient pas été citées : neuf paragraphes ont donc été ajoutés, aux pages 52, 55, 60, 85, 87, 90, 93 et 120. Bien évidemment, le sens du texte n’en a aucunement été altéré.

Je vous rappelle également que je remettrai officiellement le rapport au président Bartolone, à 11 heures, dans le Salon des Stucs de l’Hôtel de Lassay. L’ensemble des membres de la commission est invité à participer à cette présentation, à laquelle la presse a été conviée.

Je rappelle enfin que le délai pour déposer des contributions au nom des groupes politiques court jusqu’à demain, 17 heures. Il va de soi que les groupes sont libres de déterminer s’il est opportun ou non de déposer une contribution. La logique veut qu’une contribution tende à se démarquer des grandes options qui structurent un rapport, à manifester un désaccord fondamental. Je vous livre donc mon sentiment : il me semble que nous sommes tous tendus vers un même objectif et que déposer une contribution de groupe serait quelque peu contradictoire avec la façon dont nous avons travaillé et le consensus qui nous a animés. Mais – je le répète – la liberté prévaudra !

Dans le bref laps de temps dévolu à notre commission, nous avons bien et beaucoup travaillé. La commission a organisé 28 auditions – souvent sous forme de table ronde –, où elle a entendu 97 personnes. La rapporteure a organisé 6 entretiens ouverts à tous les membres de la commission, au cours desquels 14 personnes ont été entendues. La commission a effectué un déplacement dans le Gard, avec 5 tables rondes qui ont permis d’entendre 69 personnes ; quatre de ces tables rondes ont réuni des panels d’associations (accès aux droits et citoyenneté, politique de la ville, environnement, insertion économique) ; une table ronde a rassemblé des élus du conseil général du Gard et de la ville de Nîmes ; un déjeuner de travail avec les services de l’État a été organisé par le préfet du Gard.

Au total, 180 personnes ont été entendues.

Je me félicite également de la forte implication de nombreux membres de la commission, qui ont souhaité effectuer dans leur circonscription, auprès du tissu associatif local, un travail de consultation et d’écoute similaire à celui que la commission plénière réalisait à Paris. Des initiatives diverses ont été portées à ma connaissance : réunions publiques, mise en place d’un forum sur un site Internet, etc. Les contributions reçues dans ce cadre, issues du terrain, ont nourri les réflexions de la commission d’enquête à travers les interventions de ses membres pendant les auditions : j’y vois la preuve que le travail parlementaire sait innover et qu’il est particulièrement pertinent lorsqu’il parvient à mettre en résonance directe les initiatives locales et le travail parisien.

Je remercie chaleureusement les administrateurs de l’Assemblée de l’aide précieuse qu’ils nous ont apportée tout au long de nos travaux.

Je donne maintenant la parole à notre rapporteure qui va nous présenter les grandes lignes de son rapport.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les membres de la commission pour leur implication dans ces travaux. Vos questions et vos interventions ont considérablement enrichi nos auditions. Je me réjouis aussi de l’excellent état d’esprit dans lequel chacun d’entre nous a abordé cette commission pendant les six mois qui viennent de s’écouler : cela nous a permis de travailler de façon très efficace.

Quelques mots, tout d’abord, pour rappeler les grands principes qui ont guidé les choix que le président et moi-même avons faits.

Il fallait, bien sûr, accorder une place déterminante à la parole des associations elles-mêmes. Cela a été le sens des nombreuses tables rondes sectorielles : « Culture », « Sport », « Associations caritatives », « Éducation populaire », « Associations de consommateurs », etc. Leurs contenus se sont très souvent recoupés, signe que les difficultés des associations sont largement partagées, même si ces difficultés ont été éclairées à chaque fois en fonction des spécificités du secteur concerné. Tout cela nous a permis d’avoir un panorama très vivant et très concret du monde des associations.

Il fallait aussi tenir compte de la diversité du monde associatif. Cela aurait été une erreur de faire comme si seules les grandes associations nationales existaient, ou comme si seules les « têtes de réseau » avaient un message à faire passer. Évidemment, il était difficile d’échapper à ces interlocuteurs dans le cadre des auditions plénières à l’Assemblée. Mais je me suis efforcée de diversifier les points de vue, en veillant à ce que les « petites » associations ne soient pas oubliées dans le rapport. Notre déplacement dans le Gard avait justement cet objectif. Et les contacts que vous avez eus, dans vos circonscriptions, contribuent également à ce que notre vision ne soit pas marquée par un « biais parisien ».

Nous avons voulu, en outre, rester en cohérence avec d’autres travaux d’origine parlementaire. Je pense, par exemple, au rapport de notre collègue Yves Blein sur la simplification administrative au profit des associations, remis au Premier ministre il y a trois semaines, et au rapport sur l’impact du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, remis par nos collègues Yves Blein, Laurent Grandguillaume, Jérôme Guedj et Régis Juanico au Premier ministre en décembre 2013. Je crois pouvoir dire que nous nous rejoignons très largement dans les domaines où nos travaux se recoupaient.

S’agissant du rapport, que vous avez pu consulter depuis mardi après-midi, il s’efforce de répondre le plus exactement possible au mandat de la commission d’enquête, à savoir faire un constat très objectif et le plus précis possible des difficultés que connaît le monde associatif, et proposer des réponses qui ne soient pas des vœux pieux.

Je ne m’étendrai pas sur le premier chapitre, qui dresse un portrait du monde associatif, dont les grands traits sont bien connus : plus de 70 000 créations d’associations chaque année depuis 2002-2003, près de 1,3 million d’associations en activité, même si l’on a du mal à connaître précisément le nombre de celles qui sont « mises en sommeil ». Le poids économique du secteur est important – peut-être en a-t-il surpris plus d’un –, puisque le budget annuel total des associations atteint 85 milliards d’euros, soit 3,2 % du PIB.

Il est fréquemment avancé que le monde associatif est mal connu, mais ce n’est pas vraiment le cas. Les sources d’information sont nombreuses, mais il est très étonnant que les administrations publiques ne soient pas de « bons » producteurs d’informations : l’essentiel de la connaissance vient de quelques universitaires ou de chercheurs regroupés en association. Il est pourtant important de bien connaître le tissu associatif car cela permettrait, par exemple, de développer des indicateurs locaux de la vitalité associative, qui pourraient être valorisés au titre de l’attractivité des territoires ou guider tel ou tel exercice de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales. Une recommandation a été formulée en ce sens.

Les deux chapitres suivants du rapport nous font entrer dans le « cœur » du sujet.

Le chapitre II, consacré aux perspectives financières, fait état de l’inquiétude qui commence à saisir de nombreux acteurs. Il ne faut pas se voiler la face : la situation financière des associations est de plus en plus tendue et les situations de cessation de paiement se font plus nombreuses. La menace est particulièrement forte pour les associations « moyennes », c’est-à-dire celles qui ont des salariés et un budget de quelques dizaines de milliers d’euros.

Quelles sont les tendances lourdes ?

En matière de financements publics, d’abord.

L’effort de l’État se transforme : les dépenses ne progressent plus, mais l’effort fiscal augmente sensiblement – avec 2,4 milliards d’euros prévus pour 2015. Certaines questions ont été soulevées de façon récurrente.

L’exclusion des associations du bénéfice du CICE, d’abord, qui nous empêche de dynamiser le formidable réservoir d’emplois qu’est le monde associatif. Cette situation crée en outre un désavantage concurrentiel, surtout dans les domaines où le secteur privé lucratif s’est positionné. Il faudra prendre les décisions nécessaires pour revenir à l’équilibre antérieur.

Une seconde question a concerné la modification récente du régime du versement transport, qui a fait naître chez de nombreuses associations la crainte d’un prochain assujettissement. Le Gouvernement rendra bientôt un rapport sur cette question, qui devra être réglée dans le collectif de fin d’année.

Une autre question a porté sur la disponibilité des financements confiés à la BPI. Un montant de 500 millions d’euros a été annoncé. Le ministre Patrick Kanner a indiqué que les dispositifs seraient mis en place d’ici à la fin de l’année.

Quant aux collectivités territoriales, elles sont devenues les principaux financeurs publics des associations. À cet égard, la réforme territoriale, dont nous débattons actuellement, suscite l’inquiétude. Le thème des « financements croisés » est revenu à maintes reprises dans les débats : d’un côté, ces financements engendrent une complexité pour les associations, mais, de l’autre, ils assurent une certaine indépendance qui n’existerait pas si l’association était financée par un seul niveau de collectivité. La suppression de la clause de compétence générale inquiète les acteurs, car les départements et les régions financent souvent des associations qui ne sont pas directement dans leur champ de compétence « naturel ». Qu’en sera-t-il demain ? De plus, certains domaines, comme l’éducation populaire, pourraient échapper complètement à un soutien local. Plusieurs options ont été avancées, comme faire de la « vie associative » une compétence partagée ou étendre la liste des compétences que le projet de loi indique d’ores et déjà comme partagées. Le débat parlementaire devra veiller à ce que la diversité du monde associatif soit confortée.

S’agissant des fonds européens, notamment le Fonds social européen (FSE), nous n’avons entendu qu’un seul discours : celui d’une complexité et d’un contrôle excessifs, ce qui amène de plus en plus souvent les associations à ne plus solliciter de financements européens. C’est tout de même paradoxal, et il faudra que les régions s’attellent à simplifier tout cela !

Le rapport évoque enfin les difficultés de trésorerie, de plus en plus menaçantes. Les subventions sont versées trop tardivement et les financeurs publics ont l’habitude de « raboter » leurs concours lorsque les associations font apparaître un excédent. Il faut renverser ces logiques, en permettant notamment aux associations de dégager des « excédents raisonnables » qui leur permettront de renforcer leurs fonds propres.

En matière de financements privés, ensuite.

Nous devons tout d’abord entendre l’appel à la stabilité des dispositifs fiscaux qui confortent la générosité des particuliers et le mécénat des entreprises ; celui-ci devrait être facilité pour les PME, qui pourront ainsi plus aisément contribuer au développement associatif local. La mise en œuvre de techniques innovantes pour faire appel à la générosité publique, par exemple pour les dons par SMS, se heurte à certains freins, qu’il faudra lever. Au chapitre de l’innovation, certains fondent de grands espoirs sur le financement participatif, d’autres y voient une sorte de miroir aux alouettes. Le développement de la finance participative paraît être une tendance de fond, mais elle devra prendre en compte la spécificité associative.

De nombreuses personnes auditionnées ont regretté l’épée de Damoclès fiscale qui pèse sur le développement des ressources propres, en particulier les ventes aux usagers, puisque au-delà de 60 000 euros de ventes, les associations se voient assujetties aux impôts commerciaux. Les règles fiscales devraient être assouplies pour apporter un ballon d’oxygène aux associations qui souhaitent développer leurs ressources propres : la question du relèvement du seuil de lucrativité est ainsi posée.

Le chapitre III, consacré aux ressources humaines, évoque la situation des dirigeants bénévoles, des éventuels salariés et des bénévoles de terrain. Les auditions ont révélé que chacun des acteurs de l’association souffre en réalité des mêmes évolutions : la complexité administrative de la gestion associative les détourne de leur projet initial ; il leur est difficile, voire impossible, de se former et de se professionnaliser, faute de fonds ; et la crise économique crée des incertitudes, ce qui limite les recrutements et freine l’engagement.

Dans un tel contexte, les dirigeants associatifs bénévoles peinent à trouver des successeurs disponibles, volontaires et compétents, et sont parfois obligés de rester de longues années à la tête de leur association. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que la création d’un véritable congé pour la prise de responsabilités associatives peut encourager les actifs à faire un premier pas dans la gestion associative et, à terme, à prendre de réelles responsabilités au sein de l’association. Dans le même ordre d’idées, il me semble aujourd’hui nécessaire d’ouvrir les associations aux jeunes, pour qu’ils soient en mesure de prendre la relève.

Pour ce qui est des salariés, il existe des dispositifs, comme le « dispositif local d’accompagnement » (DLA), qui fonctionnent bien et qui doivent être développés. D’autres dispositifs existent, afin de faciliter la vie des associations employeurs, comme le chèque emploi associatif ou les groupements d’employeurs : il faut les faire mieux connaître, car ils sont aujourd’hui clairement sous-utilisés.

Quant au bénévolat, dans lequel réside la valeur ajoutée des associations, des mesures doivent être prises très rapidement. À l’intention des jeunes, d’abord. Jean-Pierre Allossery sera d’accord avec moi : c’est dès l’enfance qu’il faut agir et promouvoir l’engagement associatif. À destination des actifs, ensuite : il faut créer un congé d’engagement associatif, mais aussi développer le mécénat de compétences, qui profite aux entreprises, aux associations et aux salariés bénévoles. Les demandeurs d’emploi et les inactifs ne doivent pas être oubliés : chaque pan de la population doit être incité, par des moyens spécifiques, à s’engager dans l’action associative. Il faut aussi consolider la place des bénévoles déjà actifs, en les formant et en leur permettant d’accéder plus facilement à la validation des acquis de l’expérience (VAE).

Le dernier chapitre du rapport s’intéresse à « l’économie politique » du monde associatif. Dans un premier temps, il explore le terrain des relations entre la puissance publique et les associations. Trois idées forces se dégagent.

Les associations doivent obtenir une meilleure reconnaissance. Cela concerne, bien sûr, les modes officiels que sont la reconnaissance d’utilité publique et les agréments ministériels. En particulier, il faudrait recentrer la première sur sa vocation réelle : être un label de qualité de l’action associative. La reconnaissance passe, surtout, par un autre regard sur le monde associatif. Les administrations connaissent mal ce secteur, ses objectifs et ses contraintes ; les fonctionnaires devraient donc être formés aux réalités associatives. Le monde associatif devrait aussi bénéficier d’une meilleure visibilité dans les médias et d’une plus forte présence à l’école pour ouvrir nos enfants au fait associatif dès leur plus jeune âge.

Sur la simplification, il était difficile d’aller plus loin que notre collègue Yves Blein. Le discours de nos interlocuteurs était de toute façon suffisamment éclairant sur la nécessité d’avancer rapidement dans quelques directions : réduire la complexité des dossiers de financement, aller vers une plus grande dématérialisation, conçue avec les futurs utilisateurs, alléger les contrôles et évaluer l’action associative en accordant une plus large place aux critères qualitatifs, etc. Les recommandations reflètent ces éléments exprimés de façon assez unanime, et il faut s’orienter peu à peu vers le « dossier unique ».

La commission a également été spectatrice du procès de la commande publique. Les arguments ont été répétés à l’envi : les associations deviennent de simples prestataires, elles se trouvent dans une situation de concurrence généralisée, avec le secteur privé lucratif mais aussi entre associations, elles perdent leur capacité d’innovation, elles voient leurs budgets fragilisés car la commande publique ne finance pas les frais de structure, etc. Le rapport veut faire passer le message que la subvention a toute sa place dans la gamme des financements publics et qu’elle n’est pas plus risquée au plan juridique que la commande publique – loin de là… On est ici confronté à un problème de pratiques inadéquates plutôt qu’à un problème de droit inadapté. Il faut donc clarifier le droit existant, en actualisant la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010, et assortir celle-ci de guides et de documents types, car les petites associations doivent aussi y trouver leur compte.

Le dernier chapitre du rapport évoque, dans un second temps, les mutations en cours du monde associatif. La puissance publique doit s’y associer, mais c’est clairement le secteur associatif qui « a la main ». Il doit veiller à ce que les associations qui veulent entrer en économie, ou qui y sont contraintes par la concurrence croissante du secteur lucratif, ne perdent pas de vue le projet associatif.

Dans ce processus de rénovation interne, l’État ne peut jouer que le rôle de facilitateur vis-à-vis des têtes de réseau, pour conforter la construction du tissu associatif local.

Pour conclure, il me paraît nécessaire d’insister sur deux outils très importants dont nous disposons. D’une part, la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS), évoquée à plusieurs reprises dans le rapport, même si elle ne concerne pas le seul secteur associatif. Les pouvoirs publics doivent appliquer rapidement cette loi dans son intégralité, et je retiens du déplacement à Nîmes que les acteurs associatifs eux-mêmes affirment qu’ils doivent s’en saisir pour changer leur pratique. D’autre part, la Charte d’engagements réciproques entre l’État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales. Il s’agit d’un bel outil qui mérite d’être mieux connu – peu de personnes l’ont spontanément évoqué devant la commission – et, surtout, d’être décliné par le plus grand nombre de collectivités. En traduisant toutes les attentes des associations, mais aussi celles de l’État et des collectivités territoriales, ce texte est un levier politique qu’il nous faut actionner sans tarder.

M. Frédéric Reiss. Nous avons été heureux de participer à cette commission d’enquête, dont je tiens à saluer l’excellent travail. Malgré quelques réserves, je voterai ce rapport, car un grand nombre de mesures vont dans le bon sens.

Comme l’a souligné madame la rapporteure, il est important de mettre en œuvre les recommandations du rapport Blein, en fixant comme objectifs le dossier unique et la dématérialisation des demandes de financements. Les guides et les conventions types venant compléter la circulaire actualisée de 2010 constitueraient également des avancées majeures.

Au titre des instruments juridiques, le développement des services communs est une excellente chose. Je pense aux banques de ressources.

Par contre, la création d’un Institut des administrateurs associatifs nous laisse dubitatifs, car il existe un Haut conseil à la vie associative (HCVA). En outre, les avis sur les normes juridiques et techniques opposables aux associations ne devraient pas devenir des facteurs de blocage.

J’avoue également être perplexe sur certaines recommandations, parfois très pointues, notamment celle rédigée ainsi : « Pour toute mesure législative ou réglementaire instaurant ou modifiant un dispositif de solvabilisation de la demande des ménages en services, procéder à une étude d’impact de ses effets sur le secteur associatif ». L’intention est bonne, mais la loi ESS aura elle-même un impact sur les comportements associatifs.

Nous sommes également réservés sur le congé d’engagement de six à douze jours fractionnable. Même s’il s’agit d’une bonne mesure, son application nécessitera des précautions pour éviter les abus, sachant qu’un grand nombre d’associations comportent des salariés.

Toutes les mesures pour les jeunes, le service civique, l’incitation à s’engager dès l’école, etc., vont dans le bon sens.

Enfin, la mesure consistant à établir la compatibilité de l’activité bénévole avec la recherche active d’un emploi me semble primordiale. On connaît les difficultés qui existent vis-à-vis de Pôle emploi. Un certain nombre de personnes remettent le pied à l’étrier grâce à la vie associative, et il faut veiller à ce qu’elles ne soient pas découragées à s’engager.

M. Martial Saddier. Le monde associatif n’a pas à prouver ce qu’il apporte à notre pays. Je m’associe au travail de cette commission d’enquête, dont je voterai le rapport car les mesures vont indéniablement dans le bon sens. Par contre, le groupe UMP sera probablement amené à déposer une contribution car certaines mesures mériteraient une expertise complémentaire.

Le rapport préconise la création d’un Institut des administrateurs associatifs. Or, à l’heure où l’argent public se fait rare, la création de structures nouvelles n’est pas vraiment dans l’air du temps, contrairement à la rationalisation, à la mutualisation, aux efforts d’économies. L’enfer est pavé de bonnes intentions : les instituts ont une capacité à s’autoalimenter et à convaincre de la nécessité qu’ils ressentent de grossir et d’absorber des budgets.

Les associations sont confrontées à la réforme territoriale, à la pénurie d’argent public, à la difficulté de trouver des partenaires privés. Pour autant, les collectivités territoriales et les partenaires privés évoluent dans le même contexte économique, extrêmement difficile, que les associations. La limite entre secteur lucratif et secteur associatif, notamment en matière d’accompagnement fiscal, est un sujet extrêmement sensible. À cet égard, il me semble difficile, à terme, de traiter de la même manière une entreprise du secteur lucratif et une association dont le fondement est la loi de 1901.

Le rapport préconise également la création de congés. Or les entreprises survivent dans un contexte européen et mondial, et la mesure risque de charger un peu plus la barque, même si je reconnais, pour m’être engagé personnellement dans ma circonscription, que ce sont très souvent les mêmes – présidents, vice-présidents, trésoriers, secrétaires – qui portent leur association depuis des années, faute de volontaires pour remplir ces fonctions.

Enfin, le rapport recommande d’assouplir le dispositif de pré-majorité associative, pour l’abaisser à douze ans. L’intention est louable, car une vraie demande s’exprime, comme je peux le constater depuis quinze ans dans la ville dont je suis maire. Néanmoins, se posent la question de la responsabilité et celle de la possible manipulation des mineurs par des adultes.

M. Régis Juanico. Je remercie toutes les personnes qui ont participé à ce travail collectif d’une grande richesse.

Nous partageons le constat selon lequel la vie associative en France
– enviée par d’autres pays – est un bien précieux qui doit être préservé. Le rapport a le mérite de décrire non seulement les difficultés du monde associatif, mais aussi de démontrer le dynamisme de ce secteur.

Il rappelle, en effet, que plus de 71 000 associations ont été créées entre septembre 2013 et août 2014, niveau proche du record de 2008 avec 73 000 créations d’associations.

Il souligne, ensuite, le poids économique du secteur, avec 1,8 million de salariés en 2012, mais surtout une progression de l’emploi associatif par rapport à l’emploi privé de près de 25 % entre 2000 et 2010. Même si la légère régression observée depuis appelle à la vigilance.

Le rapport présente, en outre, des tableaux qui montrent que les dépenses fiscales au titre des dons effectués par les particuliers et les entreprises sont passées de 900 millions d’euros en 2005 à environ 2,5 milliards d’euros en 2015, soit une progression de près de 60 % de la générosité publique. Ainsi, les réductions d’impôt constituent une réponse apportée par les pouvoirs publics aux difficultés de financement auxquelles sont confrontées les associations.

Même si elles n’appellent pas le même degré d’expertise, toutes les propositions formulées dans ce rapport recueillent mon approbation. Celui-ci s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des autres rapports, celui d’Yves Blein sur la simplification, celui que j’ai rédigé avec mes collègues Guedj, Grandguillaume et Blein sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, mais aussi le rapport d’information de Pierre Morange en 2008 sur la gouvernance et le financement des structures associatives. De ce travail global, nous gagnerions à constituer une sorte de comité de suivi commun, car plusieurs propositions se recoupent, en particulier celle sur le dossier unique de financement et la dématérialisation. De la même manière, nous pourrions ajouter à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République comme compétence partagée le financement de la vie associative, au même titre que le sport, la culture et le tourisme.

Au titre de la simplification, nous créerons sans doute à l’horizon 2015 une autorité administrative indépendante dite de « simplification » qui pourrait regrouper le conseil de la simplification pour les entreprises et le conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales. Le Haut conseil à la vie associative pourrait jouer un rôle d’alerte sur l’impact des textes réglementaires ou législatifs qui touchent de près ou de loin à la vie associative, en particulier sur le poids des normes juridiques susceptibles d’être adoptées par le Parlement.

Sur la fiscalité, le rapport est parfaitement clair sur la problématique du CICE, mais aussi sur le versement transport, pour lequel j’espère que nous trouverons une rédaction dans le deuxième projet de loi de finances rectificatives pour 2014. Les seuils de lucrativité n’ont pas été relevés par l’amendement adopté au projet de loi de finances pour 2015, mais ils ont été indexés sur l’inflation, pour la première fois à partir de l’an prochain ; ils augmenteront donc très légèrement chaque année. Je ne sais pas si nous pourrons aller plus loin. Quant à la notion d’« excédents raisonnables », nous nous sommes heurtés à des arguments juridiques très forts dans le cadre de la loi ESS ; il nous faudra y revenir pour trouver une traduction législative.

Je me réjouis de la reconnaissance de l’engagement associatif et du bénévolat. Cela devra nous amener à proposer un texte sur le congé d’engagement bénévole et l’exercice des responsabilités associatives. En réponse à Frédéric Reiss et Martial Saddier, je dirai que le pacte de responsabilité doit s’appliquer dans les deux sens : les salariés, eux aussi, doivent se voir reconnaître des droits, a fortiori si ceux-ci profitent à la vie associative.

Enfin, les recommandations sur la pré-majorité associative et le volontariat associatif des jeunes sont très intéressantes. Le Président de la République a fixé un objectif de 100 000 volontaires pour le service civique en 2017, tout en souhaitant une réflexion sur un service universel de quelques mois sous forme d’engagement associatif des jeunes. À nous de réfléchir à cette piste sur le volontariat associatif pour les moins de vingt-cinq ans – celui des plus de vingt-cinq ans faisant l’objet d’une disposition dans la loi ESS.

M. Jean-René Marsac. À mon tour, je tiens à féliciter madame la rapporteure et monsieur le président pour la qualité de leur rapport.

Le rapport propose de saisir le Haut conseil à la vie associative de divers sujets. Encore faut-il savoir comment les avis de ce Haut conseil sont eux-mêmes pris en compte, car l’on sait que nombre d’avis structurés, construits de manière démocratique, participative, par diverses instances ne sont pas suivis d’effet. Il faudrait donc savoir quels maillons permettraient un suivi du travail parlementaire.

Le rapport propose également la création d’un congé pour l’exercice de responsabilités associatives. C’est une piste intéressante. Il faut vraiment se mobiliser d’urgence autour de ces processus que sont le service civique, le travail avec les établissements scolaires, etc. qui peuvent permettre d’assurer la relève des dirigeants associatifs tant dans les petites que dans les grandes associations.

Le rapport évoque la vie fédérative, mais peut-être pas suffisamment. Cette interface est nécessaire si l’on veut la co-construction des politiques publiques entre les collectivités territoriales, l’État et les associations.

Ces dernières années, on a peut-être un peu technicisé l’accompagnement des associations. Le DLA est un bon dispositif ; j’y ai contribué il y a une dizaine d’années. C’est une approche technicienne, qui est nécessaire ; elle peut aussi travailler sur le projet associatif, même si, quelquefois, on voit plutôt les DLA pointer vers des aspects plus précis, plus gestionnaires. Si l’on veut que la vie associative garde son rôle d’interface et de dialogue entre la société civile et la puissance publique, il faut que la dimension stratégique et politique des associations, y compris de leurs fédérations, soit clairement affirmée. Or je ne suis pas certain que ce soit cette orientation qui soit retenue aujourd’hui.

Le rapport considère que les fonctionnaires et les élus doivent s’imprégner de la culture associative et que des modules d’immersion et de découverte de la vie associative devraient être intégrés à la formation initiale et continue des fonctionnaires de l’État et territoriaux. Je pense que le rapport de la commission d’enquête contribuera fortement à faire connaître la culture associative. Encore faut-il savoir comment assurer le « service après-vente » de ce rapport, de façon qu’il continue à nourrir le débat public. Peut-être pourrait-on le porter collectivement, comme on l’a fait pendant la durée de la commission d’enquête, c’est-à-dire travailler à la fois au sein du Parlement et sur le terrain pour continuer de faire évoluer le regard que l’on porte sur le monde associatif et travailler avec lui.

Je ne reviendrai pas sur les problèmes fiscaux, sur le CICE, sur les distorsions de concurrence qui sont de plus en plus prégnantes dans les secteurs où les associations opèrent avec le secteur lucratif. Cette concurrence est normale, saine. On a dit que les associations ont parfois des difficultés à se considérer comme des acteurs économiques ; il faut qu’elles acceptent d’entrer dans cette logique de concurrence et qu’elles mettent en avant la valeur ajoutée qu’elles apportent par rapport à un système lucratif. Il faut qu’elles rappellent que leur objectif n’est pas la rentabilité du capital et qu’il y a une co-construction avec les citoyens. S’agissant des services aux personnes, les clients sont en même temps des acteurs de la vie associative. C’est un point très important, qu’une société lucrative ne peut pas apporter.

Hier matin, le groupe d’études « Économie sociale et solidaire », que je préside, a rencontré les représentants de la Caisse des dépôts et consignations et de la BPI. Cet échange a montré qu’il reste encore du travail à faire en matière de financements innovants. Je ne sais pas comment l’Assemblée nationale peut se saisir de cette question majeure, mais sachant qu’elle est déjà évoquée dans la loi ESS et dans nombre de rapports qui ont été faits ces derniers temps sur ce sujet, le travail devrait se poursuivre.

Le dernier point que je souhaite évoquer concerne les demandeurs d’emploi. Les cadres qui ont eu des responsabilités importantes au sein d’une entreprise et qui, à cinquante ou cinquante-cinq ans, sont au chômage et ne parviennent pas à retrouver du travail constituent une énergie disponible, ils ont des compétences mobilisables. L’investissement associatif, la prise de responsabilités associatives doivent être intégrés dans un parcours d’insertion et acceptés par Pôle Emploi. Certains proposent des dispositifs d’insertion parfois complexes, très administrés, qui ne correspondent pas aux motivations des personnes, alors que l’on dispose là d’une ressource humaine considérable, capable de se mobiliser pour le secteur associatif.

M. Yannick Favennec. Je voudrais tout d’abord vous faire part de la satisfaction du groupe UDI d’avoir pu participer aux travaux de cette commission d’enquête et insister sur la qualité des auditions qui ont été menées et les rencontres sur le terrain. Je tiens à féliciter madame la rapporteure et monsieur le président ainsi que les administrateurs qui ont contribué à la rédaction de ce rapport.

Le groupe UDI considère que ce rapport va dans le bon sens et qu’il propose de bonnes mesures, même si elles sont parfois très générales et qu’elles manquent de précision. Je suis convaincu que la mesure phare qui sera reprise par les médias et le monde associatif concerne le congé d’engagement, qui constitue une marque de reconnaissance. Mais je suis un peu dubitatif quant à sa mise en œuvre. Le principe est bon, mais il faudra être vigilant sur la façon dont cette mesure sera appliquée et perçue par le monde de l’entreprise. Je ne peux pas m’empêcher d’établir un parallèle avec les difficultés que rencontrent les sapeurs-pompiers volontaires, notamment dans les territoires ruraux, les entreprises hésitant à les recruter pour toutes les raisons que l’on imagine. Il ne faudrait pas que le congé d’engagement constitue un frein à l’embauche de responsables associatifs ou à la promotion au sein de l’entreprise. Aussi, la mise en œuvre de cette mesure requiert-elle une expertise approfondie, comme l’ont dit certains de mes collègues, et il faudra sans doute dresser un bilan de son application, si tant est qu’elle se concrétise.

Comme vient de le dire Jean-René Marsac, le « service après-vente » de ce rapport est très important. Comment seront mises en œuvre ses différentes recommandations, et dans quel délai ? Le monde associatif a besoin rapidement de réponses, notamment en ce qui concerne le renouvellement de ses dirigeants.

Le rapport prévoit d’ouvrir aux mineurs de douze ans la possibilité de créer et de réaliser certains actes de gestion courante d’une association. Douze ans, c’est peut-être un peu tôt. Je ne suis pas certain que l’on soit capable d’assumer ce genre de responsabilité à cet âge.

J’espère que ce rapport ne finira pas au fond d’un tiroir, comme ce fut le destin de nombre de rapports parlementaires.

M. Jean-Noël Carpentier. Monsieur le président, nous avons bien fait de créer une commission d’enquête sur le monde associatif. Je tenais à saluer votre initiative en la matière et à remercier notre rapporteure ainsi que l’administration, qui est toujours formidable.

Nous avons bien fait, car le monde associatif est depuis longtemps une « pépite » pour la nation, et plus encore en temps de crise, lorsque la vie est difficile, lorsque les liens sociaux se distendent, lorsqu’on a l’impression que l’individualisme submerge tout. Ce rapport montre qu’il y a des facteurs d’optimisme, il donne un sens à la société d’aujourd’hui. L’économie, ce n’est pas simplement les déficits et les comptes publics – même si c’est important. C’est aussi un engagement humain, du dynamisme. Ce rapport s’inscrit pleinement dans la continuité de la loi ESS.

Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP votera ce rapport avec enthousiasme.

La première recommandation de ce rapport est de conforter la place des associations dans la cité. Cela montre bien qu’il y a des fondements auxquels il ne faut pas toucher.

Les associations ont évoqué les lourdeurs administratives, leurs difficultés de trésorerie et ont insisté sur la reconnaissance du monde associatif. Les propositions que nous faisons permettent de répondre à quelques-unes de leurs demandes, parfois très concrètes.

J’aurais souhaité que le rapport prête une attention toute particulière aux toutes petites associations qui font un maillage dans nos quartiers, dans nos communes. Elles jouent un rôle important dans la vie locale. Parfois, elles ne demandent pas de subventions. À nous de leur démontrer que ce rapport les concerne également.

On s’est demandé s’il fallait ou non élaborer un statut du bénévole. Je crois que l’on a maintenant dépassé ce débat. La proposition qui consiste à créer un congé d’engagement de six jours est très importante et va dans le sens de la reconnaissance du bénévolat. Certains diront peut-être que cette mesure va coûter cher, mais il faut savoir ce que l’on veut ! Les associations constituent-elles une plus-value pour notre société ? Si c’est le cas, les entreprises peuvent apporter leur contribution. On peut très bien imaginer que cette proposition s’intègre dans les contreparties du CICE…

Il faut vraiment insister sur la mobilisation des collectivités territoriales en faveur du monde associatif. Elles le font déjà puisque ce sont elles qui sont aux premières loges, mais il faut leur rappeler que les associations sont un pilier fondamental de la gestion publique. Tout cela doit se faire, bien sûr, dans le respect de l’identité des uns et des autres.

Je suis tout à fait d’accord avec ceux qui estiment qu’un comité de suivi est nécessaire, mais je ne sais pas sous quelle forme. Cela nous permettrait peut-être de concrétiser rapidement certaines des propositions du rapport. Monsieur le président, peut-être pourrions-nous aussi déposer une proposition de loi collective.

M. Michel Lesage. À mon tour, je tiens à me réjouir du résultat de ce travail collectif et à remercier le président et la rapporteure de notre commission d’enquête pour la richesse de ce rapport. Le monde associatif constitue un enjeu important pour notre société et pour l’animation de nos territoires. Malheureusement, comme le montre le rapport, l’engagement citoyen régresse, alors qu’il constitue un élément fondamental.

Les enjeux sont bien précisés, notamment en termes de ressources humaines et de ressources financières. Personnellement, je trouve que certaines propositions sont intéressantes et pertinentes.

L’une des difficultés majeures du monde associatif est le renouvellement des responsables associatifs. Les élus locaux que nous sommes ou que nous avons été savent bien que c’est un enjeu important. Les associations doivent faire face, de plus en plus, à des problèmes juridiques de règles, de normes. Notre rapport indique que le rapport d’Yves Blein a fait des propositions intéressantes en matière de simplification. Il serait intéressant de se réapproprier ses réflexions pour essayer de les décliner concrètement.

Il faut favoriser l’engagement bénévole et citoyen. En la matière, se pose la question de la disponibilité. C’est la raison pour laquelle je trouve que la création d’un congé d’engagement pour l’exercice de responsabilités associatives est une bonne proposition. Le rapport propose nombre de dispositions à caractère national. Or, l’on sait que la richesse associative est sur les territoires. Comment favoriser l’engagement citoyen, notamment dans les grandes structures d’intérêt général, mais aussi, très concrètement, dans les associations locales qui font vivre et qui animent nos territoires ? Une déclinaison territoriale serait intéressante, même si l’on sait que c’est plus compliqué. Il convient que les parlementaires que nous sommes réfléchissent à la manière dont on peut démultiplier sur le terrain les actions que nous proposons au plan national.

L’engagement des jeunes est important. Assouplir le dispositif de pré-majorité associative pour les mineurs de quinze ans est une bonne proposition. Le rapport recommande également d’ouvrir à des mineurs de douze ans la possibilité de créer et de réaliser certains actes de gestion courante d’une association. Peut-être pourrait-on envisager la création de binômes adulte-jeune. Le bureau d’une association pourrait ainsi être constitué d’adultes et de mineurs. Il y a là une piste intéressante. J’ai essayé de le faire dans ma commune, mais ce n’est pas facile. En effet, comment inciter les associations à le faire ? Les juniors associations permettent à des jeunes de s’impliquer collectivement sur un projet ponctuel tout en ayant des assurances et des garanties juridiques. Cet outil existe déjà mais il est peu utilisé. Comment faire en sorte que les territoires, les acteurs de terrain, utilisent et mobilisent ces outils qui existent déjà, même si ceux-ci méritent d’être améliorés et perfectionnés ?

Le rapport recommande aussi de se saisir et de s’approprier davantage la Charte d’engagements réciproques entre l’État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales. Peut-être pourra-t-on par la suite préciser comment. L’idée me paraît intéressante, mais a-t-on diagnostiqué les raisons pour lesquelles elle n’est pas assez appropriée ? Comment lever les freins de sa sous-utilisation ? Il faudrait donc faire en sorte que cette charte soit mieux connue, en tout cas mieux utilisée au service du développement associatif.

J’ai parlé également de l’implication des jeunes. Le fonds d’aide à l’initiative des jeunes est un outil important. C’est sur le terrain que l’on peut agir. Des conseils généraux, par exemple, ont doublé le fonds que les collectivités mettaient en place pour aider les jeunes. Cela ne coûte pas très cher et permet d’aider un jeune ou un groupe de jeunes à monter des projets ponctuels. Ces fonds d’aide à l’initiative des jeunes concourent à la prise de responsabilités et à l’engagement citoyen. Comme ce sont généralement des projets ou des microprojets collectifs, on s’inscrit déjà dans la démarche de l’engagement bénévole pour une cause intéressante ou pour l’animation d’un territoire.

Je le répète, toutes les mesures proposées sont à caractère national. Il faudra voir comment les décliner dans les territoires et démultiplier toutes les bonnes. Reste à savoir comment assurer un suivi de ces propositions pour qu’elles deviennent opérationnelles, efficaces, et pour que nous puissions agir concrètement sur quelques points bien ciblés.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la rapporteure, je me joins à mes collègues pour vous remercier pour ce rapport et je tiens à féliciter les administrateurs de notre commission d’enquête.

Monsieur Favennec pense que la mesure phare qui sera retenue par les médias est la création du congé d’engagement. Pour ma part, j’espère que la proposition qui vise à mettre en place un fonds de soutien à la trésorerie des associations en lien avec la Caisse des dépôts et consignations recevra un écho tout aussi important et, surtout, qu’elle sera suivie d’effet. Il y a là un outil simple à mettre en place pour les associations qui rencontrent des difficultés. La Caisse des dépôts a la possibilité de le faire sans que cela ne lui pose des problèmes majeurs, tant financiers que techniques. Je me permets d’insister sur cette disposition, qui ne nécessite vraiment pas beaucoup d’éléments juridiques.

Le rapport apporte des données chiffrées, ce qui casse certaines idées reçues sur la place qu’occupent les très grandes associations. On voit bien que ce sont les associations de taille moyenne qui sont les partenaires quotidiens de nos concitoyens et de nos collectivités.

Peut-être n’ai-je pas assez insisté sur le fait que l’association reste un formidable creuset pour notre population. C’est en pratiquant des activités dans des associations que nos enfants côtoient d’autres enfants que ceux de l’école. Les associations permettent un brassage de population très bénéfique pour notre société. C’est un outil de cohésion sociale et de meilleure compréhension des cultures, de lutte contre les inégalités.

Faire participer un enfant dès qu’il le peut à la vie d’une association, lui accorder des responsabilités graduées, c’est lui donner, dans la durée, plus de chances de s’y intéresser toute sa vie. Je ne sais pas quel est l’âge de raison, quel âge il faut retenir. L’idée d’un binôme est très intéressante. C’est surtout une manière de le sensibiliser et, plus encore, peut-être, de sensibiliser ses parents. Combien de parents utilisent l’association seulement comme un « service public » ? Quand on assiste à des assemblées générales, à des lotos, à des repas, on s’aperçoit que ce sont toujours les mêmes parents qui sont impliqués, qui participent à ces moments de convivialité. On a peut-être là l’occasion d’élargir, par l’intermédiaire des enfants, le champ des adultes qui s’intéresseraient au monde associatif. Ce sont, en effet, très souvent les enfants qui sont les moteurs de nouvelles découvertes, dans la famille.

Il faut faire confiance aux jeunes et leur donner des responsabilités qui correspondent à leur âge. Les associer dès que possible à la vie associative constitue une très belle initiative.

M. Jean-René Marsac. Monsieur le président, j’aimerais avoir des précisions sur la proposition de création d’un Institut des administrateurs associatifs.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Il faut permettre aux administrateurs d’être formés, pour favoriser l’émergence de nouvelles responsabilités et les engager dans une démarche innovante. Lorsque la gouvernance est plus solide, il est plus facile de s’engager dans l’avenir et de susciter d’autres vocations pour renouveler les conseils d’administration.

Monsieur le président, je tenais à remercier les administrateurs pour leur très grande disponibilité et pour la qualité de leurs écrits. Je salue aussi l’ensemble de mes collègues pour leur implication. C’est une grande aventure que nous avons menée, les uns et les autres. Pour ma part, c’était une première en tant que députée. On sent bien, à travers vos réflexions, qu’il faut continuer à faire évoluer la vie associative à travers sa jeunesse. Des expériences ont déjà été menées par le Réseau national des juniors associations. C’est la raison pour laquelle nous avons retenu l’âge de douze ans. Mais, bien sûr, l’engagement d’un mineur doit se faire en fonction de ses capacités. En tout cas, tout ce qui permettra aux jeunes de participer très tôt à la vie citoyenne aura des effets par la suite. On voit que nombre de nos concitoyens regrettent la disparition du service militaire dans ce qu’il pouvait apporter en termes de cohésion sociale. En tout cas, il permettait aux jeunes de se rencontrer. Le fait d’impliquer les enfants très jeunes dans la associative est aussi un moyen de leur faire découvrir d’autres milieux sociaux, d’autres façons de vivre et de partager la citoyenneté.

Vous avez tous parlé du congé d’engagement. C’est une piste qu’il faudra suivre de très près. Vous avez également tous insisté sur la nécessité de suivre, d’une manière ou d’une autre, les recommandations du rapport. Des travaux de grande qualité ont été réalisés à quelques mois d’intervalle. Ils vont tous dans le même sens et ils doivent trouver une forme de déclinaison dans la loi ESS. Je vous propose d’assurer – de façon tout à fait informelle car on ne pourra pas faire autrement – un comité de suivi et d’évaluation de ces propositions. Cette petite cellule de veille permettrait d’avoir un regard sur l’actualité juridique qui se profile avec la réforme territoriale et la future loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, de voir comment sont déclinées les mesures de la loi ESS ainsi que les promesses du Président de la République et du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, celui-ci nous ayant affirmé que d’ici à la fin de l’année, il serait répondu à un certain nombre de nos attentes. Il nous faut donc peut-être organiser une petite cellule de veille entre nous. En tout cas, je crois beaucoup à ce travail de relais qui est aussi le reflet de la vie associative. Mettre en œuvre collectivement des initiatives qui permettent d’avancer et de proposer un avenir meilleur à nos concitoyens me paraît être une bonne idée.

M. le président Alain Bocquet. Mes chers collègues, il appartient maintenant aux parlementaires que vous êtes et à vos groupes respectifs d’essayer de faire vivre sur le terrain ce rapport parlementaire. Nous offrons au monde associatif un miroir dont il peut s’emparer, qu’il peut faire vivre et utiliser comme un moyen d’action, de revendication, le cas échéant, pour faire avancer le dossier. Une cellule de veille un peu informelle peut être utile. Elle nous permettrait de veiller au grain. Par ailleurs, vous savez qu’une commission d’enquête peut, dans l’année qui suit la remise de son rapport, demander qu’un débat soit organisé sur le sujet. Et un groupe peut toujours demander un débat.

Enfin, je dois vous dire le bonheur que j’ai eu de présider cette commission. Il y a encore quelques semaines, je doutais que nous soyons capables de faire des propositions, car nous en étions encore à poser le diagnostic. Les cinquante-cinq recommandations que nous faisons confortent les autres travaux parlementaires qui ont été réalisés sur le sujet. Comme l’a dit Jean-Noël Carpentier, on a bien fait de créer cette commission d’enquête !

Cela fait quelques années que je suis dans cette maison, mais, ayant présidé un groupe, j’ai dû m’occuper davantage de mes collègues députés
– surtout ceux qui sont turbulents – que du travail parlementaire. Après avoir été libéré de ma présidence, j’ai eu la chance de participer à une commission d’enquête sur la sidérurgie et à une autre sur l’industrie ferroviaire française. Je peux vous dire que c’est l’une des tâches de député qui me plaît le plus, qui est la plus enrichissante, la plus productive, et très gratifiante d’un point de vue intellectuel. Dans les trois cas, on a toujours abouti à un consensus. Je tiens à remercier tous mes collègues, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, d’avoir pu construire ce travail commun. Il nous appartient collectivement. À chacun de le faire vivre, en apportant sa contribution et ses nuances. En tout cas, j’ai bien compris que vous étiez tous d’accord pour l’adopter et je vous en remercie.

La commission d’enquête a adopté le rapport à l’unanimité.

CONTRIBUTION DES DÉPUTÉS UMP

Le Groupe UMP tient, en tout premier lieu, à féliciter la Rapporteure ainsi que le Président de la commission d’enquête pour l’ensemble et la qualité du travail effectué. Les députés UMP membres de la commission, ont d’ailleurs souhaité voter pour la publication du rapport. Ce travail revêt d’autant plus d’importance que l’on peut constater à quel point, en période de crise, la vie associative n’en devient que plus importante et dynamique. En témoigne la création de près de 71 500 associations entre septembre 2013 et août 2014.

Ils souhaitent néanmoins, à l’occasion de la présente contribution, exprimer un certain nombre de réserves.

Tout d’abord, le rapport recommande plusieurs mesures de simplifications de l’environnement juridique des associations. On peut citer notamment la volonté d’harmoniser les dossiers de financement sous la forme d’un « dossier unique » et dématérialisé, déjà recommandé par le rapport « Simplifications pour les associations » de M. Yves BLEIN, la mise en place de « conventions-types » à destination des petites associations, ou encore la saisine du Haut Conseil de la vie associative sur le poids des normes juridiques et techniques opposables aux associations. Il est évident qu’il faut permettre aux présidents d’associations de bénéficier du « choc de simplification » maintes fois revendiqué par un Gouvernement qui a par ailleurs tendance à s’inscrire dans l’inflation normative. Les associations couvrent des réalités très diverses et la mise en place d’outils juridiques permettant le développement de services communs ne pourra être qu’apprécié sur le terrain.

Toutefois, dans le cadre de l’ensemble de ces propositions « visant à conforter la place des associations dans la Cité », les députés UMP de la commission d’enquête sont très réservés sur la création d’un institut des administrateurs associatifs, dont l’utilité ne leur semble pas prouvée.

Ensuite, concernant le lien entre l’activité associative et le monde du travail, le Groupe UMP souhaite insister, comme la Rapporteure, sur la nécessité d’établir une complémentarité entre l’activité bénévole et la recherche active d’un emploi. La menace de radiation du demandeur d’emploi pour cause d’engagement associatif est contre-productive. Ces deux activités ne doivent en aucun cas s’exclure l’une l’autre, alors que l’engagement associatif d’un demandeur d’emploi peut précisément lui servir de tremplin pour renouer avec le monde du travail.

En revanche, si le Groupe UMP soutient également et totalement l’engagement bénévole des salariés, il souhaite exprimer une réserve sur la création d’un « congé pour l’exercice des responsabilités associatives » de douze jours à destination des bénévoles sous certaines conditions, au moment où, selon les déclarations de Monsieur le Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, le Gouvernement semble s’engager dans cette voie. Cette proposition part d’une bonne intention mais doit respecter la capacité de l’entreprise à accorder cette souplesse à son salarié et être assez encadrée pour ne pas donner lieu à d’éventuels abus.

Enfin, le Groupe UMP souhaiterait exprimer des réserves sur la façon dont le rapport entend favoriser l’engagement associatif des jeunes. Si l’assouplissement du dispositif de « pré-majorité » associative pour les jeunes de 15 ans est une bonne chose, il faut rester prudent sur la recommandation visant à ouvrir aux jeunes de 12 ans la possibilité d’accomplir certains actes courants de gestion. Les missions de trésorerie et les enjeux de financement doivent rester autant que possible du ressort des personnes majeures, eu égard au fait qu’ils engagent la responsabilité du Président de l’association.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
DANS LE CADRE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE

1.  Personnes auditionnées par la commission

3 juillet M. Jacques Malet, président, et Mme Cécile Bazin, directrice de l’association Recherches & Solidarités, auteurs de l’étude annuelle « La France associative en mouvement ».

3 juillet Mme Nadia Bellaoui, présidente, et Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif.

3 juillet Mme Viviane Tchernonog, chargée de recherche au CNRS, centre d’économie de la Sorbonne (Université Paris-1), et M. Jean-Pierre Vercamer, associé responsable du département Audit du secteur associatif (Deloitte), auteurs de l’étude « Les associations entre mutations et crise économique – État des difficultés ».

3 juillet Mme Joëlle Bottalico, vice-présidente du Haut Conseil pour la vie associative (HCVA), M. Thierry Guillois, membre du bureau du HCVA, et M. Michel de Tapol, président de la commission « Bénévolat » du HCVA.

3 septembre M. Gérard Terrien, président, et Mme Francine Dosseh, magistrate, de la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France.

3 septembre Audition sectorielle « Culture » :

• M. Alain de la Bretesche, président de la COFAC (Coordination des fédérations de culture et de communication), vice-président de la Fédération Patrimoine Environnement ;

• M. Jean-Michel Raingeard, vice-président de la COFAC, président de la Fédération Française des Sociétés d’Amis de Musées ;

• M. Vincent Niqueux, administrateur de la COFAC, directeur général de l’Union Nationale des Jeunesses Musicales de France ;

• M. Jean-Damien Terreaux, administrateur de la COFAC, directeur de la Fédération Française des Écoles de Cirque.

3 septembre M. Jean-Benoît Dujol, directeur de la DJEPVA (direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative).

3 septembre M. Patrick Audebert, chef du Bureau des associations et fondations (ministère de l’Intérieur).

4 septembre Table ronde sectorielle « Associations caritatives » :

• Mme Florence Delamoye, déléguée générale d’Emmaüs France ;

• Mme Hélène Beck, directrice Administration-Finances du Secours Catholique ;

• Mme Henriette Steinberg, secrétaire générale du conseil d’administration et secrétaire nationale du Secours populaire français, et M. Anthony Marque, secrétaire national du Secours populaire français ;

• M. Jean-Pierre Caillibot, délégué général adjoint des Petits Frères des Pauvres ;

• M. Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre ;

• M. Olivier Berthe, président des Restos du cœur ;

• M. Pierre-Yves Madignier, président du mouvement ATD Quart Monde.

9 septembre Mme Fabienne Rosenwald, directrice des statistiques d’entreprises de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) et M. Julien Deroyon, administrateur de l’INSEE ; M. Gilles Caillaud, président de Fédération ASSO 1901.

9 septembre Table ronde sectorielle « Médico-social – Solidarité » :

• M. Dominique Balmary, président de l’UNIOPSS (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) ;

• M. Florent Gueguen, directeur de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale), et M. Samuel Le Floch, chargé de mission ;

• M. Yves-Jean Dupuis, directeur général de la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne), et Mme Adeline Leberche, directrice du secteur médico-social ;

• Mme Marie Aboussa, directrice déléguée de la FEGAPEI (Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées), et M. Didier Arnal, directeur général adjoint ;

• M. Yves Verollet, délégué général de l’UNA (Union Nationale de l’Aide, des Soins et des Services aux Domiciles) et M. Nicolas Pailloux, conseiller Politiques publiques ;

• Mme Françoise Kbayaa, présidente adjointe de l’UNAPEI (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis), et M. Thierry Nouvel, directeur général.

9 septembre Table ronde « Associations d’élus » :

• Mme Corinne Bord, conseillère régionale d’Ile-de-France représentant l’ARF (Association des régions de France) ;

• M. Jean-Marie Darmian, membre du bureau de l’AMF (Association des maires de France).

23 septembre Table ronde sectorielle « Associations de consommateurs et usagers » :

• Mme Corinne Rinaldo, secrétaire confédérale de la CNL (Confédération nationale du Logement) ;

• M. Stéphane Pavlovic, directeur de la CGL (Confédération Générale du Logement) ;

• M. François Carlier, délégué général de la CLCV (Confédération Consommation, Logement et Cadre de Vie) ;

• M. Alain Bazot, président d’UFC-Que Choisir, et Mme Béatrice Delpech, UFC-Que Choisir.

23 septembre Table ronde sectorielle « Action Humanitaire » :

• M. Jean-Louis Vielajus, président de Coordination Sud ;

• M. Olivier Lebel, directeur général de Médecins du monde ;

• M. Pierre-Yves Crochet Damais, CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement) ;

• M. Aurélien Daunay, directeur des affaires financières d’ACTED (Agence d’aide à la coopération technique et au développement), et M. Adrien Tomarchio, directeur de la communication.

23 septembre Table ronde sectorielle « Sport » :

• M. Aymeric de Tilly, directeur-adjoint de la Ligue du football amateur (Fédération Française de football) ;

• M. Patrice Doctrinal, vice-président de la Fédération Française de rugby ;

• M. Christophe Zajac, directeur des affaires juridiques et institutionnelles de la Fédération Française de basket-ball ;

• M. Philippe Bana, directeur technique national, et Mme Cécile Mantel, directrice du service juridique de la Fédération Française de handball ;

• M. Patrick Andréani, délégué technique général de la Fédération française de gymnastique ;

• M. Bernard Amsalem, président de la Fédération Française d’athlétisme.

30 septembre Audition « Associations d’élus » : M. Jean-Pierre Hardy, directeur des politiques sociales de l’Assemblée des départements de France.

30 septembre Table ronde sectorielle « Santé – Prévention » :

• M. Jean-Pierre Gaspard, secrétaire général d’AFM-Téléthon (Association française contre les myopathies) ;

• M. Gérard Labat, membre du CISS (Collectif Interassociatif sur la Santé) et M. Gérard Raymond, administrateur du CISS ;

• M. Alain Legrand, directeur général d’AIDES, et Mme Sandra Giraudeau, directrice administrative et financière.

30 septembre Table ronde sectorielle « Éducation populaire » :

• Mme Françoise Doré, trésorière du CNAJEP (Comité pour les relations nationales et internationales des Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire) ;

• M. Jean-Luc Cazaillon, président du CAPE (Collectif des associations partenaires de l’école) et Mme Catherine Chabrun ;

• M. Karl Deschamps, secrétaire national délégué aux vacances à la Ligue de l’Enseignement ;

• M. Didier Jacquemain, délégué général de la Fédération nationale des Francas ;

• M. Jean-Pierre Ledey, président de Planète Sciences.

2 octobre Table ronde thématique « Modèle économique et financier » :

• Mme Sophie des Mazery, directrice de Finansol ;

• M. Yannick Blanc, président de La Fonda ;

• M. Gérard Leseul, responsable RSE et Relations institutionnelles et internationales du Crédit mutuel ;

• M. Christian Sautter, président de France Active ;

• M. Hugues Sibille, vice-président du Crédit coopératif.

7 octobre Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale (Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes et Ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique).

7 octobre Mme Françoise Sampermans, présidente de France Générosités, et Mme Gwenaëlle Dufour, directrice juridique et fiscale ; Mme Agnès de Fleurieu, vice-présidente du Comité de la Charte, et Mme Nathalie Blum, directrice générale.

7 octobre M. Jean-Luc Barçon-Maurin, chef du Service juridique de la fiscalité (Direction générale des finances publiques) et M. Stéphane Créange, chef du bureau B2 de la Direction de la législation fiscale.

7 octobre Table ronde thématique « Financement participatif » :

• M. Nicolas Lesur, président de Financement participatif France ;

• M. Mathieu Maire du Poset, directeur général adjoint d’Ulule ;

• M. François Desroziers, co-fondateur de Spear ;

• M. Ismaël Le Mouël, président de Hello Asso.

16 octobre Table ronde thématique « Bénévolat » :

• M. Dominique Thierry, président, et Mme Brigitte Duault, déléguée générale de France Bénévolat ;

• Mme Edith Archambault, universitaire.

16 octobre Table ronde thématique « Qualité de l’emploi associatif » :

• M. Sébastien Darrigrand, délégué général de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), et M. Hugues Vidor, vice-président chargé du dialogue social et de l’emploi ;

• M. Bernard Bazillon, vice-président de l’Institut des dirigeants d’associations et fondations (IDAF) ;

• M. Frédéric Amiel, secrétaire général de Syndicat ASSO, et M. Vincent Laurent, co-secrétaire ;

• M. Matthieu Hély, chercheur au CNRS et à l’université Paris 10-Nanterre.

16 octobre Table ronde thématique « Les administrations et l’emploi associatif » :

• Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ;

• M. Vincent Guérinet, directeur adjoint chargé des opérations à l’URSSAF Île-de-France ;

• M. Stéphane Hole, adjoint au directeur - recouvrement - contrôle et lutte contre la fraude, et Mme Evelyne Fleuret, sous directrice de la gestion et de la modernisation des comptes cotisants de l’Acoss.

23 octobre Audition sectorielle « Tourisme » : Mme Michèle Demessine, présidente de l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT), et M. Sylvain Crapez, délégué général.

13 novembre M. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports.

2.  Personnes entendues par la rapporteure

11 septembre M. Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France.

13 octobre M. Stéphane Mantion, directeur général de la Croix Rouge, Mme Annick Bourdil, directrice générale adjointe, et M. Frank Delaval, directeur de cabinet du président et du directeur général.

15 octobre M. Christophe Dupré, président du Comité national des Employeurs d’avenir (CNEA), et M. Franck Séguin, délégué général.

20 octobre M. Jocelyn Lauret, président de la Jeune chambre économique française (JCEF), et Mme Sophie Rémy, administratrice de la JCEF.

23 octobre M. Alain Tredez, président du Collectif des Associations citoyennes (CAC), M. Didier Minot, fondateur et administrateur du CAC, Mme Patricia Coler, déléguée générale de l’Union fédérale d’intervetion des Structures culturelles (UFISC), M. Daniel ROYER, membre de la coordination du CAC.

23 octobre Mmes Sabine Morel et Marianne Yvon, membres du conseil d’administration du réseau RENADEM (Réseau national d’accès au droit et à la médiation).

3.  Personnes entendues lors du déplacement de la commission d’enquête à Nîmes (6 octobre 2014)

Table ronde « Accès aux droits – Citoyenneté » :

• Maison des Adolescents du Gard : M. Christian Polge, président, M. Philippe Rigoulet, directeur

• Les Francas du Gard : M. David Dumas, président, M. Jérôme Abellaneda, directeur départemental

• Ligue de l’Enseignement du Gard : M. Pierre Laffon, secrétaire général

• Association des Paralysés de France : Mme Dolorès Orlay-Moureau, directrice

• CIMADE : Mme Patricia Seguy, Mme Françoise Broussous

• Ligue internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) : M. Philippe Mercier, membre du bureau, M. Jean-François Bloch, secrétaire général

• Ligue des Droits de l’Homme : Mme Françoise Akoum, Mme Evelyne Van Meesche

• Association protestante d’Assistance (APA) : M. Philippe Verseils, responsable Action sociale

• Union départementale des Associations Familiales UDAF30 : M. Lucien Bernard, président, Mme Véronique Palmer, directrice

• Centre d’Information départemental sur les Droits des Femmes (CIDFF) : Mme Béatrice Bertrand, directrice

• Union Régional Interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (URIOPSS) : M. Sébastien Pommier, administrateur, Mme Sylvie Chamvoux, directrice

• La CLEDE – Fédération nationale des associations de réadaptation sociale (FNARS) : Mme Roselyne Becue, administratrice, M. Michel Bouquet, directeur

Table ronde « Politique de la ville » :

• Maison de l’Accompagnement scolaire : Mme Amina Segueg-Benkhelouf, directrice

• Journal de Valdegour : M. Habib Mustapha, coordinateur

• Mille Couleurs : M. Jean Zaragozi, président, M. Raouf Azzouz, directeur

• Paseo : Mme Marie-Claire Bassot, coordinatrice, Mme Laurence Relin, coordinatrice et fondatrice

• Union pour une Citoyenneté des Deux Rives (UC2R) : M. Moncef Garrouri

• La Pléiade : Mme Souhila Sanchez, présidente, Mme Selma Ben Hadj Khelif, coordinatrice

• Quartier Libre : Mme Catherine Marmol, présidente, Mme Véronique Arché, directrice

• Ligue de l’Enseignement – Beaucaire : M. Thierry Koubi, président

• Réseau d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents (REAAP) : Mme Amal Couvreur, coordinatrice, M. Andrew Snitselaar, directeur général

• Confédération Syndicale des Familles 30 : Mme Frédérique Saez , présidente

• Carrefour associatif : Mme Aline Gallice, Mme Françoise Leconte

• Confluence : Mme Ahlem Bengeloune, directrice

• ACEGAA : M. Daoud Belaroussi, directeur

• Agir Ensemble : Mme Kheira Ghezali

• Association Informatique sans Frontière : M. Kader Isoufou

• Feu Vert : Mme Danièle Cazès, présidente

Table ronde « Collectivités territoriales » :

• Ville de Nîmes : Mme Chantal Barbusse, adjointe au maire, déléguée à l'action sociale et aux jumelages ; M. Laurent Burgoa, adjoint au maire, délégué à la rénovation urbaine, au contrat de ville et aux centres sociaux

• Conseil général du Gard : M. Bernard Auzon Cape, conseiller général, délégué à la politique de la ville ; M. Samuel Dyens, directeur général adjoint chargé des fonctions juridiques ; Mme Annick Bourgouin, service Politiques contractuelles

Table ronde « Environnement » :

• Conservatoire des espaces naturels Languedoc Roussillon : M. Jacques Lepart, président, Mme Claudie Houssard, directrice

• Centre ornithologique du Gard : M. Jacques Pouly, président, M. Daniel Bizet, directeur

• Collectif des Garrigues : M. Alain Giacalone, vice-président, M. Manuel Ibanez, directeur

• Réseau d’Éducation à la Nature et à l’Environnement du Gard : Mme Stéphanie Guiné, directrice, M. Joël Dufour

• Christals – Les Petits Débrouillards : M. Gérard Théotime, directeur, M. Fabien Rey, coordinateur Gard

• École de l’ADN : Pr. Philippe Berta, président du conseil scientifique, Pr. Christian Siatka, directeur général

• Union des Comités de Quartiers Nîmes-Métropole : M. Jacques Denis, président

Table ronde « Insertion économique » :

• Collectif de l’Insertion par l’Activité économique : M. Serge De Albertis

• Collectif des présidents d’association d’insertion : M. Thierry Charvet

• Collectif gardois des associations solidaires : Mme Christine Thomé

Services de l’État :

• M. Didier Martin, préfet du Gard

• M. Denis Olagnon, secrétaire général

• Mme Isabelle Knowles, directrice départementale de la cohésion sociale, déléguée départementale à la vie associative

• M. Jean-Pierre Segonds, directeur départemental des territoires et de la mer, délégué-adjoint de l’ANRU pour le Gard

• Mme Yasmine Fontaine, déléguée du préfet pour les quartiers situés sur les communes de Saint-Gilles et Vauvert

• M. Richard Liger, directeur de l’Unité territoriale du Gard de la DIRECCTE (Direction des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi)

1 () Conseil national de l’information statistique, Rapport du groupe de travail « Connaissance des associations », n° 122, décembre 2010, p. 6.

2 () Recherches & Solidarités, La France associative en mouvement, 12ème édition, septembre 2014.

3 () Audition du 9 septembre 2014.

4 () Il ne s’agit que d’une estimation puisque nous ne disposons pas d’une connaissance statistique du budget des associations, en particulier de celles n’employant aucun salarié.

5 () V. Tchernonog, Le paysage associatif français, Juris éditions, 2013.

6 () Audition du 3 juillet 2014.

7 () Ce qui, compte tenu du nombre d’emplois à temps partiel ou d’emplois atypiques dans le secteur associatif, correspond à un peu plus de 1,5 million d’équivalents temps plein.

8 () Article 1er de la loi du 1er juillet 1901 : « L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. »

9 () Audition du 3 juillet 2014.

10 () Pour plus de détails, voir V. Tchernonog, Le Paysage associatif français, Juris éditions, 2013.

11 () Audition du 3 septembre 2014.

12 () Audition du 3 juillet 2014.

13 () Audition du 3 juillet 2014.

14 () Audition du 3 septembre 2014.

15 () Conseil national de l’information statistique, Rapport du groupe de travail « Connaissance des associations », n° 122, décembre 2010.

16 () Audition du 9 septembre 2014.

17 () V. Tchernonog, Le paysage associatif français, Juris éditions, 2013.

18 () La dernière édition de cette enquête a été rendue publique en septembre 2014.

19 () Audition du 9 septembre 2014.

20 () Audition du 9 septembre 2014.

21 () Y. Blein, Simplifications pour les associations, octobre 2014, p. 92.

22 () J. Stiglitz, A. Sen et J.-P. Fitoussi, Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, La Documentation Française, 2009, p. 13.

23 () V. Tchernonog, J.-P. Vercamer, Les associations entre mutations et crise économique – État des difficultés, Deloitte et Université Paris-1, octobre 2012.

24 () Audition du 2 octobre 2014.

25 () Recherches & Solidarités, La France associative en mouvement, 12ème édition, septembre 2014.

26 () Audition du 2 octobre 2014.

27 () Audition du 2 octobre 2014.

28 () Audition du 9 septembre 2014.

29 () Audition du 3 juillet 2014.

30 () Audition du 2 octobre 2014.

31 () Ibid.

32 () Audition du 3 septembre 2014.

33 () Audition du 30 septembre 2014.

34 () Voir en particulier p. 11.

35 () G. Bachelier, Les règles de territorialité du régime fiscal du mécénat, février 2013.

36 () Sachant que d’autres dépenses fiscales bénéficient aux associations ; votre rapporteure n’a pris en compte que les plus importantes.

37 () Sachant que cette dépense n’apparaît jamais dans les données recueillies par Mme Tchernonog puisque les associations répondantes ne bénéficient pas directement de cette dépense et ne peuvent donc en faire état dans leurs réponses au questionnaire.

38 () Y Blein, Simplifications pour les associations, octobre 2014, p. 25.

39 () Audition du 16 octobre 2014.

40 () Y. Blein, Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, Assemblée nationale, n° 2239, octobre 2014.

41 () Audition du 9 septembre 2014.

42 () Audition du 16 octobre 2014.

43 () Y. Blein, L. Grandguillaume, J. Guedj, R. Juanico, Impact de la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, décembre 2013.

44 () Ibid., p. 16.

45 () Ibid., p. 49.

46 () Bpifrance, Contribuer au financement de l’Économie Sociale et Solidaire : Renforcer l’existant, Approfondir les partenariats, Innover. Rapport d’étape à l’attention du Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation, mai 2013.

47 () Audition du 2 octobre 2014.

48 () Audition du 13 novembre 2014.

49 () Audition du 3 septembre 2014.

50 () Audition du 3 septembre 2014.

51 () Ibid.

52 () Ibid.

53 () Audition du 30 septembre 2014.

54 () Audition du 3 juillet 2014.

55 () Audition du 9 septembre 2014.

56 () Ibid.

57 () Audition du 3 juillet 2014.

58 () Audition du 9 septembre 2014.

59 () Projet portant nouvelle organisation territoriale de la République, présenté par Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, et M. André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme de l’État, p. 25.

60 () Audition du 30 septembre 2014.

61 () Audition du 30 septembre 2014.

62 () Y. Blein, Simplifications pour les associations, octobre 2014, p. 21.

63 () Audition du 9 septembre 2014.

64 () Audition du 3 juillet 2014.

65 () Audition du 3 juillet 2014.

66 () V. Tchernonog, J.-P. Vercamer, Les associations entre mutations et crise économique – État des difficultés, Deloitte et Université Paris-1, octobre 2012, p. 9.

67 () Audition du 16 octobre 2014.

68 () Audition du 7 octobre 2014.

69 () La Fonda, Le bénéfice associatif, c’est capital !, Note de propositions n° 2, octobre 2009.

70 () Ibid.

71 () Audition du 2 octobre 2014.

72 () Audition du 2 octobre 2014.

73 () M. Jean-Damien Terreaux, administrateur de la COFAC, directeur de la Fédération française des écoles de cirque, audition du 3 septembre 2014.

74 () Audition du 4 septembre 2014.

75 () G. Bachelier, op.cit.

76 () Recherches & Solidarités, La générosité des Français, 18ème édition, novembre 2013.

77 () Audition du 23 septembre 2014.

78 () Audition du 4 septembre 2014.

79 () Audition du 30 septembre 2014.

80 () Recherches & Solidarités, La générosité des Français, 18ème édition, novembre 2013, p. 20.

81 () Audition du 7 octobre 2014.

82 () Recherches & Solidarités, La générosité des Français, 18ème édition, novembre 2013, p. 29.

83 () HCVA, Rapport définitif du HCVA sur le financement privé du secteur associatif, mars 2014, p. 25.

84 () HCVA, op.cit., p. 26.

85 () Audition du 3 septembre 2014.

86 () Audition du 7 octobre 2014.

87 () G. Bachelier, op.cit.

88 () Audition du 7 octobre 2014.

89 () Audition du 7 octobre 2014.

90 () CerPhi, France Générosités, Association française des fundraisers, Crédit coopératif, Les financements innovants des associations et fondations : État des lieux et perspectives, décembre 2013, p. 8.

91 () Recherches & Solidarités, La générosité des Français, 18ème édition, novembre 2013, p. 31.

92 () HCVA, op.cit., p. 27.

93 () Audition du 7 octobre 2014.

94 () Audition du 4 septembre 2014.

95 () ADMICAL, Le mécénat d’entreprise en France, 2014.

96 () Votre rapporteure s’interroge néanmoins sur la mise en cohérence de cette baisse avec la hausse continue de la dépense fiscale : peut-être les entreprises connaissent-elles mieux le dispositif de défiscalisation et l’utilisent-elles plus efficacement.

97 () Audition du 30 septembre 2014.

98 () HCVA, op.cit., p. 45.

99 () M. Herbillon, Rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur les nouvelles formes de mécénat culturel, Assemblée nationale, n° 4358, février 2012.

100 () M. Marland-Militello, Livre blanc parlementaire. Libérer les générosités associatives, juin 2012.

101 () Audition du 23 septembre 2014.

102 () HCVA, op.cit., p. 9.

103 () Audition du 7 octobre 2014.

104 () Y. Blein, L. Grandguillaume, J. Guedj, R. Juanico, op.cit., p. 35.

105 () Y. Blein, L. Grandguillaume, J. Guedj, R. Juanico, op.cit., p. 50.

106 () Audition du 7 octobre 2014.

107 () Audition du 3 juillet 2014.

108 () Audition du 23 septembre 2014.

109 () Audition du 2 octobre 2014.

110 () Audition du 23 septembre 2014.

111 () Audition du 2 octobre 2014.

112 () Audition du 3 juillet 2014.

113 () Audition du 7 octobre 2014.

114 () Ibid.

115 () Audition du 7 octobre 2014.

116 () Audition du 3 juillet 2014.

117 () Audition du 7 octobre 2014.

118 () Audition du 3 juillet 2014.

119 () Audition du 3 septembre 2014.

120 () V. Tchernonog, J.-P. Vercamer, Les associations entre mutations et crise économique – État des difficultés, Deloitte et Université Paris-1, octobre 2012.

121 () Dans l’étude Les associations face à la conjoncture conduite par Recherches & Solidarités (janvier 2014), une proportion égale des associations (43 %) mentionne le renouvellement des dirigeants bénévoles et la situation financière comme sources de difficultés.

122 () V. Tchernonog, Le paysage associatif français, Juris éditions, 2013, p. 90.

123 () V. Tchernonog, op.cit., p. 83s.

124 () M. Tabariès, B. Laouisset, « Les présidents d’association en France : quels profils et quelles trajectoires ? », Stat-info n° 11–03, décembre 2011.

125 () Audition du 30 septembre 2014.

126 () Audition du 9 septembre 2014.

127 () Karl Deschamps, audition du 30 septembre 2014.

128 () HCVA, Avis du HCVA sur le congé d’engagement, novembre 2012, p. 8.

129 () Article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

130 () Audition du 13 novembre 2014.

131 () www.associations.gouv.fr.

132 () Audition du 3 septembre 2014.

133 () Loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels.

134 () Audition du 3 juillet 2014.

135 () ACOSS, ACOSS Stat n° 197, septembre 2014.

136 () Recherches & Solidarités, La France associative en mouvement, septembre 2014.

137 () Audition du 16 octobre 2014.

138 () V. Tchernonog, Le paysage associatif français, Juris édition, 2013.

139 () V. Tchernonog, op.cit., p. 121s.

140 () Audition du 16 octobre 2014.

141 () V. Tchernonog, op.cit., p. 119.

142 () Audition du 3 juillet 2014.

143 () V. Tchernonog, op.cit., p. 119.

144 () Ibid.

145 () V. Tchernonog, op.cit., p. 126.

146 () Audition du 3 septembre 2014.

147 () V. Tchernonog, audition du 3 juillet 2014.

148 () Audition du 9 septembre 2014.

149 () Audition du 16 octobre 2014.

150 () Audition du 16 octobre 2014.

151 () Audition du 16 octobre 2014.

152 () Enquête menée dans le cadre de l’étude « Mesure d’impacts du DLA 2013 » (novembre 2013), réalisée par l’Avise en partenariat avec le Centre de ressources DLA Financement.

153 () Audition du 13 novembre 2014.

154 () Audition du 16 octobre 2014.

155 () Table ronde avec un panel d’associations impliquées dans l’accès aux droits et la citoyenneté, Préfecture du Gard, 6 octobre 2014.

156 () Audition du 3 juillet 2014.

157 () Le salaire de référence considéré est, dans le premier cas, le salaire minimum interprofessionnel de croissance et, dans le second, le salaire moyen des salariés associatifs du même secteur.

158 () Audition du 4 septembre 2014.

159 () Audition du 16 octobre 2014.

160 () Audition du 9 septembre 2014.

161 () Audition du 9 septembre 2014.

162 () M. Febvre, L. Muller, « La vie associative en 2002. 12 millions de bénévoles », INSEE Première, n° 946, 2004.

163 () L. Prouteau, « Bénévolat : enquête sur la vie associative en France en 2010 : résultats préliminaires », Chiffres-clés, Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 2011.

164 () V. Tchernonog, op.cit., p. 59s.

165 () Audition du 16 octobre 2014.

166 () V. Tchernonog, op.cit.

167 () Audition du 3 juillet 2014.

168 () Avis de M. Jean-Pierre Allossery fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, sur le projet de loi de finances pour 2015, p. 22.

169 () R. Sue, J.-M. Peter, Rapport de recherche. Intérêts d’être bénévole, Université Paris-Descartes, 2011.

170 () Audition du 3 juillet 2014.

171 () Audition du 16 octobre 2014.

172 () Audition du 3 juillet 2014.

173 () Audition du 4 septembre 2014.

174 () Audition du 4 septembre 2014.

175 () Mme Viviane Tchernonog, audition du 3 juillet 2014.

176 () Audition du 3 juillet 2014.

177 () Avis de M. Jean-Pierre Allossery fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, sur le projet de loi de finances pour 2015, p. 34.

178 () Audition du 3 juillet 2014.

179 () Cf. supra.

180 () Cf. supra.

181 () HCVA, Avis du HCVA sur le congé d’engagement, novembre 2012.

182 () Cf. supra.

183 () Source : site internet de la Fondation Orange.

184 () Audition du 23 septembre 2014.

185 () Audition du 3 juillet 2014.

186 () L’article 64 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire a modifié l’article L. 120-1 du code du service national pour modifier l’appellation du volontariat de service civique et l’étendre à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises.

187 () Décret n° 2013-1191 du 18 décembre 2013 modifiant le décret n° 69-942 du 14 octobre 1969 modifié relatif aux caractéristiques et aux modalités d'attribution de la médaille de la jeunesse et des sports.

188 () Cf. arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 décembre 2000, n° 01-16729.

189 () HCVA, Avis du HCVA relatif à la valorisation des acquis de l’expérience bénévole associative, novembre 2013, p. 4.

190 () Ibid., p. 8.

191 () Y. Blein, Simplifications pour les associations, octobre 2014, p. 126.

192 () Cf. arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 29 janvier 2002, n° 99-42697.

193 () Audition du 3 juillet 2014.

194 () Voir les résultats complets sur http://www.comitecharte.org/lobservatoire-de-la-confiance.

195 () Audition du 3 juillet 2014.

196 () Deux autres catégories complètent cette typologie : les associations de fait et les associations dites « sans les autres », qui poursuivent un objectif ne concernant que leurs adhérents. Pour la caractérisation de toutes ces catégories, se reporter à La France associative en mouvement, 11ème édition, septembre 2013, p. 8.

197 () Audition du 4 septembre 2014.

198 () Audition du 3 septembre 2014.

199 () Audition du 3 septembre 2014.

200 () Audition du 30 septembre 2014.

201 () Audition du 9 septembre 2014.

202 () Audition du 4 septembre 2014.

203 () Audition du 23 octobre 2014.

204 () Mme Florence Delamoye, audition du 4 septembre 2014.

205 () Mme Danielle Cazès (association Feu Vert), table ronde avec un panel d’associations impliquées dans la politique de la ville, Préfecture du Gard, 6 octobre 2014.

206 () Audition du 4 septembre 2014.

207 () Audition du 30 septembre 2014.

208 () Audition du 3 juillet 2014.

209 () Réserve faite des spécificités du droit local applicable en Alsace-Moselle.

210 () Voir par exemple Jean-Pierre Decool, « Des associations, en général… Vers une éthique sociétale », rapport au Premier ministre - Mission parlementaire auprès de Jean-François Lamour, Ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative, mai 2005, et Pierre Morange, Rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission sur la gouvernance et le financement des structures associatives, Assemblée nationale, n° 1134, octobre 2008.

211 () Audition du 3 juillet 2014.

212 () Audition du 3 septembre 2014.

213 () Les fonds de dotation ont été créés par l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

214 () Sous réserve qu’elles soient déclarées depuis 3 ans au moins.

215 () Celles-ci conservant en propre le bénéfice de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit.

216 () M. Patrick Audebert, audition du 3 septembre 2014.

217 () Ibid.

218 () On pourra se reporter, à cet égard, au rapport de l’Inspection générale de l’administration La tutelle administrative exercée sur les fondations et les associations reconnues d’utilité publique, n° 10-104-01, décembre 2010.

219 () Article L. 141-2 du code de l’environnement.

220 () Audition du 3 septembre 2014.

221 () Ibid.

222 () Table ronde avec un panel d’associations impliquées dans la protection de l’environnement, Préfecture du Gard, 6 octobre 2014.

223 () Audition du 9 septembre 2014.

224 () Audition du 2 octobre 2014.

225 () Courrier adressé à M. Alain Bocquet, président de la commission d’enquête, 12 septembre 2014.

226 () Audition du 23 octobre 2014.

227 () Entretien du 11 septembre 2014.

228 () Audition du 3 juillet 2014.

229 () Courrier adressé à M. Alain Bocquet, président de la commission d’enquête, 3 octobre 2014

230 () Ces lieux étant d’ailleurs accrus du fait de l’article 8 de la loi ESS.

231 () Audition du 4 septembre 2014.

232 () Audition du 23 septembre 2014.

233 () M. Bernard Amsalem, président de la Fédération française d’athlétisme, audition du 23 septembre 2014.

234 () Audition du 30 septembre 2014.

235 () Audition du 4 septembre 2014.

236 () Audition du 23 septembre 2014.

237 () Audition du 4 septembre 2014.

238 () Audition du 4 septembre 2014.

239 () Audition du 23 septembre 2014.

240 () Ibid.

241 () Audition du 23 septembre 2014.

242 () Audition du 23 octobre 2014.

243 () Audition du 9 septembre 2014.

244 () https://compteasso.service-public.fr/portail.

245 () Il serait d’ailleurs utile, à cet égard, de distinguer entre les pièces qu’il faudrait impérativement déposer avec la demande de financement et celles que l’association devrait simplement conserver par devers elle pour répondre à un contrôle ultérieur de l’autorité publique.

246 () Audition du 3 juillet 2014.

247 () Note communiquée à l’occasion de l’entretien du 23 octobre 2014.

248 () Audition du 4 septembre 2014.

249 () Audition du 3 septembre 2014.

250 () Ibid.

251 () Audition du 30 septembre 2014.

252 () Audition du 23 septembre 2014.

253 () Les informations présentées dans ces développements sont tirées de V. Tchernonog, Le Paysage associatif français, Juris éditions, 2013.

254 () Pour les subventions publiques, en revanche, les montants totaux sont passés de 26,3 milliards d’euros en 2005 à 21 milliards d’euros en 2011, donc une diminution non seulement en pourcentage mais aussi en valeur absolue.

255 () Audition du 3 septembre 2014.

256 () Audition du 30 septembre 2014.

257 () Ibid.

258 () Audition du 30 septembre 2014.

259 () Audition du 4 septembre 2014.

260 () Audition du 4 septembre 2014.

261 () Audition du 3 septembre 2014.

262 () Audition du 3 juillet 2014.

263 () Ibid.

264 () Audition du 30 septembre 2014.

265 () Audition du 9 septembre 2014.

266 () Si la subvention est par elle-même un acte unilatéral, elle est souvent conditionnée à la conclusion d’une convention, celle-ci devenant obligatoire lorsque le montant dépasse 23 000 euros.

267 () Audition du 9 septembre 2014.

268 () Audition du 30 septembre 2014.

269 () Entretien du 23 octobre 2014.

270 () Audition du 30 septembre 2014.

271 () Audition du 30 septembre 2014.

272 () Ibid.

273 () M. Thierry Nouvel, directeur général de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), audition du 9 septembre 2014.

274 () Audition du 9 septembre 2014.

275 () Audition du 23 septembre 2014.

276 () Ibid.

277 () M. Stéphane Pavlovic, audition du 23 septembre 2014.

278 () Audition du 30 septembre 2014.

279 () Audition du 3 septembre 2014.

280 () Audition du 3 septembre 2014.

281 () Audition du 3 juillet 2014.

282 () Audition du 16 octobre 2014.

283 () Audition du 30 septembre 2014.

284 () Audition du 3 juillet 2014.

285 () Audition du 4 septembre 2014.

286 () Ibid.

287 () Ibid.

288 () Message électronique du 26 octobre 2014.

289 () Courrier du 6 octobre 2014.

290 () Ibid.

291 () Audition du 9 septembre 2014.

292 () Entretien du 20 octobre 2014.

293 () Audition du 3 juillet 2014.

294 () Audition du 3 juillet 2014.

295 () Audition du 3 juillet 2014.

296 () Voir les passages de l’audition du 2 octobre 2014 déjà cités dans le chapitre II, p. 33.

297 () Audition du 9 septembre 2014.

298 () Audition du 2 octobre 2014.

299 () Audition du 16 octobre 2014.

300 () Ibid.

301 () Audition du 16 octobre 2014.

302 () Audition du 3 juillet 2014.

303 () Audition du 3 juillet 2014.

304 () Audition du 23 septembre 2014.

305 () Voir l’article 2.

306 () Audition du 3 juillet 2014.

307 () Audition du 2 octobre 2014.

308 () Audition du 4 septembre 2014.

309 () Audition du 3 juillet 2014.

310 () Audition du 23 septembre 2014.

311 () Quelles difficultés associatives, quelles propositions ?, note communiquée à l’occasion de l’entretien du 23 octobre 2014.

312 () Audition du 4 septembre 2014.

313 () Entretien du 23 octobre 2014.

314 () Mme Françoise Doré, trésorière du Comité pour les relations nationales et internationales des Associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP), audition du 30 septembre 2014.

315 () M. Alain Legrand, audition du 30 septembre 2014.

316 () Audition du 2 octobre 2014.

317 () Audition du 23 septembre 2014.

318 () Ibid.

319 () Réunion avec les services de l’État, Préfecture du Gard, 6 octobre 2014.

320 () Audition du 2 octobre 2014.

321 () Ibid.

322 () L’Avise est un centre de ressources et d’ingénierie créé en 2002 par la Caisse des Dépôts et des grands acteurs de l’économie sociale, qui agit pour agit pour favoriser l’émergence de nouvelles activités d’utilité sociale et pour consolider et développer les structures d’utilité sociale.

323 () Audition du 3 juillet 2014.

324 () Audition du 7 octobre 2014.

325 () M. Michel Caron, intervention au congrès de la FEGAPEI du 26 avril 2013, Chaîne d’Union, n° 164, juin 2013.

326 () Audition du 23 septembre 2014.

327 () Audition du 3 juillet 2014.

328 () Le régime de la révision coopérative a été redéfini par l’article 25 de la loi ESS.

329 () Audition du 30 septembre 2014.

330 () Audition du 23 septembre 2014.

331 () Audition du 30 septembre 2014.

332 () Voir respectivement l’audition du 3 juillet 2014 et Le Paysage associatif français, 2ème édition, Juris éditions, 2013, pp. 47s.

333 () Audition du 3 septembre 2014.

334 () Audition du 23 septembre 2014.

335 () Audition du 30 septembre 2014.

336 () Audition du 3 juillet 2014.

337 () Ibid.

338 () Audition du 3 septembre 2014.

339 () Audition du 30 septembre 2014.

340 () Audition du 7 octobre 2014.

341 () Audition du 3 juillet 2014.

342 () Audition du 23 septembre 2014.

343 () Audition du 30 septembre 2014.

344 () Audition du 3 septembre 2014.

345 () Audition du 23 septembre 2014.

346 () Ibid.

347 () Ibid.

348 () Audition du 23 septembre 2014.

349 () Ibid.

350 () Audition du 7 octobre 2014.

351 () Audition du 3 septembre 2014.

352 () Audition du 2 octobre 2014.

353 () Audition du 9 septembre 2014.

354 () Audition du 3 juillet 2014.

355 () Audition du 3 juillet 2014.

356 () M. Vincent Niqueux : « Paradoxalement, la musique est, dans le champ culturel, l’un des plus gros secteurs socio-économiques, mais aussi l’un des plus cloisonnés, des plus marqués par les images toutes faites sur le conservatoire, l’opéra, le théâtre, l’accès à la musique, le spectacle vivant. [Les] petites communes en milieu rural qui ont du mal à faire travailler ensemble leur école de musique, leur école primaire, leur centre de loisirs et leur festival » sont particulièrement sensibles à ce cloisonnement (audition du 3 septembre 2014).

357 () Audition du 23 septembre 2014.

358 () Audition du 4 septembre 2014.

359 () Audition du 9 septembre 2014.

360 () Audition du 2 octobre 2014.

361 () Audition du 23 septembre 2014.

362 () Audition du 23 septembre 2014.

363 () Audition du 4 septembre 2014.

364 () Ibid.

365 () Et celles qui complètent l’article 8 de la loi ESS.

366 () Table ronde avec un panel d’associations impliquées dans l’accès aux droits et la citoyenneté, Préfecture du Gard, 6 octobre 2014.

367 () Mme Nadia Bellaoui, audition du 3 juillet 2014.

368 () Ibid.

369 () M. Michel de Tapol, audition du 3 juillet 2014.

370 () Audition du 16 octobre 2014.

371 () Audition du 23 septembre 2014.

372 () Ibid.

373 () Ibid.

374 () ASSO est l’acronyme de « Action des Salariés du secteur asSOciatif ».

375 () Audition du 16 octobre 2014.

376 () Entretien du 23 octobre 2014.

377 () Audition du 16 octobre 2014.

378 () Ibid.

379 () Mme Nathalie Blum, directrice générale du Comité de la Charte, audition du 7 octobre 2014.

380 () Audition du 16 octobre 2014.

381 () Ibid.

382 () Audition du 9 septembre 2014. Des développements chiffrés ont été présentés dans le chapitre III.

383 () Audition du 7 octobre 2014.

384 () Audition du 4 septembre 2014.

385 () Ibid.

386 () Audition du 9 septembre 2014.

387 () Audition du 2 octobre 2014.

388 () Pour les collectivités territoriales, les organisations signataires sont l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de France, l’Association des maires des grandes villes de France et le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire.


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