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N° 240

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le  2 octobre 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative
au fonctionnement des assemblées parlementaires

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX OUTRE-MER (1)

sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer (n° 233),

PAR m. Jean-Claude FRUTEAU

Député.

——

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation aux Outre-mer :

M. Jean-Claude Fruteau, président ; Mme Catherine Beaubatie, Mme Huguette Bello, Mme Chantal Berthelot, Mme Sonia Lagarde, vice-présidentes ; Mme Brigitte Allain, M. Dominique Bussereau, Mme Annick Girardin, M. Bernard Lesterlin, secrétaires ; M. Ibrahim Aboubacar, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Jean-Jacques Bridey, M. Ary Chalus, M. Alain Chrétien, M. Édouard Courtial, Mme Florence Delaunay, M. René Dosière, Mme Sophie Errante, M. Georges Fenech, Mme Marie-Louise Fort, M. Édouard Fritch, M. Hervé Gaymard, M. Daniel Gibbes, M. Philippe Gomes, Mme Geneviève Gosselin, M. Philippe Gosselin, M. Mathieu Hanotin, M. Philippe Houillon, M. Guénhaël Huet, Mme Monique Iborra, M. Éric Jalton, M. Serge Janquin, M. François-Michel Lambert, M. Guillaume Larrivé, M. Patrick Lebreton, M. Gilbert Le Bris, M. Patrick Lemasle, M. Bruno Le Roux, M. Michel Lesage, M. Serge Letchimy, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Thierry Mariani, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Hervé Mariton, M. Olivier Marleix, M. Jean-Philippe Nilor, M. Patrick Ollier, Mme Monique Orphe, M. Pascal Popelin, M. Didier Quentin, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Boinali Said, M. François Scellier, M. Gabriel Serville, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Gérard Terrier, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Hélène Vainqueur-Christophe , M. David Vergé, M. Jean Jacques Vlody.

INTRODUCTION 7

I. LE PHÉNOMÈNE DE LA « VIE CHÈRE » : UN FLÉAU QUI CARACTÉRISE LES ÉCONOMIES ULTRAMARINES 9

A. L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION NE CESSE D’ÉVOLUER DANS LES DÉPARTEMENTS ET LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER DEPUIS AU MOINS 10 ANS 9

B. LES REVENUS MOYENS DES RÉSIDENTS SONT INFÉRIEURS À CEUX DE LA MÉTROPOLE 11

C. DE NOMBREUX FACTEURS EXPLIQUENT L’IMPORTANCE DES PRIX PRATIQUÉS OUTRE-MER 12

1. Le poids des produits importés dans les économies ultramarines 12

2. Un nombre restreint d’opérateurs économiques 13

3. Une spécificité ultramarine : l’importateur-grossiste 14

4. Le coût élevé des communications téléphoniques sur le réseau mobile 14

II. POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER, LE PROJET DE LOI PRÉVOIT DE NOUVEAUX OUTILS DE RÉGULATION, AINSI QUE DES MESURES SPÉCIFIQUES 17

A. UNE DÉMARCHE DU GOUVERNEMENT QUI CHERCHE À S’INSCRIRE AU PLUS PRÈS DES RÉALITÉS DES DÉPARTEMENTS ET DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER 17

B. LES DISPOSITIFS INSTITUANT LES NOUVEAUX OUTILS DE RÉGULATION ÉCONOMIQUE 20

1. Les dispositifs permettant de lever les obstacles à la concurrence 20

a) La possibilité pour l’État d’organiser les marchés de gros 20

b) L’interdiction dans les contrats commerciaux des clauses prévoyant des droits exclusifs d’importation 24

c) La possibilité pour les départements et les collectivités d’outre-mer de saisir l’Autorité de la Concurrence 25

d) L’abaissement du seuil pour le contrôle des concentrations dans le commerce de détail 25

e) Le pouvoir d’injonction structurelle confié à l’Autorité de la Concurrence en matière de grande distribution 26

2. La diminution du coût de l’itinérance en matière de téléphonie mobile 27

C. LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI 30

1. La suppression de l’obligation de cofinancement par les collectivités territoriales d’outre-mer pour les projets dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage (article 8) 30

2. L’homologation des peines d’emprisonnement prévues dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française (article 10) 31

3. L’habilitation donnée au Gouvernement pour modifier par ordonnance la législation en vigueur à Mayotte (article 9) 31

4. La ratification de vingt-six ordonnances concernant Mayotte et les COM (article 11) 32

D. LES APPORTS DU SÉNAT SUR LES DIFFÉRENTS ARTICLES DU PROJET DE LOI 35

1. Une nouvelle rédaction des premiers articles du premier chapitre du projet 35

2. Des conditions d’exercice plus précises pour l’injonction structurelle 36

3. Le « bouclier qualité prix » 36

4. Une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance certaines mesures sociales pour Saint-Pierre-et-Miquelon 37

5. La demande d’une étude en vue de faciliter les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d’outre-mer et ceux des États voisins 37

6. La création d’un comité de suivi afin d’évaluer l’application de la loi 37

7. Les autres modifications 37

III. D’AUTRES AVANCÉES SUR LE TEXTE SONT ENCORE POSSIBLES 39

A. PRENDRE DES DISPOSITIONS POUR AMÉLIORER PRIORITAIREMENT LE FONCTIONNEMENT DES MARCHÉS DE GROS DES PRODUITS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ 39

B. PRÉVOIR UNE AMENDE EN CAS D’ABSENCE DE MISE EN CONFORMITÉ DES ACCORDS COMMERCIAUX EN COURS PRÉVOYANT UNE CLAUSE D’EXCLUSIVITÉ D’IMPORTATION 39

C. AMÉLIORER L’INFORMATION DES CONSOMMATEURS EN CAS D’INJONCTION DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE SUR LE FONCTIONNEMENT DES MARCHÉS DE GROS 40

D. AMÉLIORER L’INFORMATION DES USAGERS SUR LE COÛT DE L’ITINÉRANCE 41

E. FAIRE BAISSER LE PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ À WALLIS-ET-FUTUNA 42

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 43

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 65

MESDAMES, MESSIEURS,

La Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale a été créée le 17 juillet 2012 par la Conférence des Présidents. Elle a tenu sa réunion constitutive le 25 juillet 2012.

Par un hasard de calendrier – mais aussi parce que les départements et les collectivités d’outre-mer rencontrent actuellement de nombreuses difficultés, notamment économiques et sociales, et que le Gouvernement sait que ces dernières doivent faire l’objet de réponses urgentes – la première réunion de la Délégation, le 25 septembre 2012, a coïncidé avec un premier examen par ses membres des principales orientations du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, plus communément appelé projet de loi destiné à lutter contre la « vie chère ».

La cherté de la vie est un problème réel et grave dans les départements et les collectivités d’outre-mer. En termes de calcul indiciaire, comme on le verra dans le corps du présent rapport, le glissement des prix annuels outre-mer se situe souvent à plus d’un point au-dessus de l’inflation annuelle, calculée de manière équivalente, en métropole. D’autre part, certains produits peuvent atteindre un prix qui s’élève à plus de 40 ou de 50 % par rapport à celui des produits équivalents dans l’hexagone.

Des manifestations ont d’ailleurs lieu régulièrement outre-mer pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur ces phénomènes : en 2009, dans tous les DOM sauf Mayotte ; en 2011, à Mayotte et, début 2012, à La Réunion.

Face à cette situation, il fallait donc prendre des mesures volontaristes. Il fallait donner des moyens au Gouvernement pour intervenir directement dans l’organisation des marchés de gros et de détail, étant entendu que le blocage des prix ne peut pas constituer une solution pérenne.

Ces mesures de régulation figurent aujourd’hui dans le texte du projet de loi, dont elles constituent l’objet principal, et il faut s’en réjouir.

Ces mesures sont indispensables car il faut bien convenir du fait qu’en eux-mêmes – l’expérience le montre malheureusement – les marchés ultramarins ne se régulent pas seuls au bénéfice des consommateurs, comme le voudraient pourtant les théories bien connues des économistes « classiques ». Lorsque les marchés outre-mer trouvent leur équilibre, celui-ci se réalise à un prix très élevé. Cela est dû à des phénomènes structurels que nous analyserons dans la première partie du présent rapport.

Lors de l’examen du projet de loi, le Sénat a apporté un certain nombre de modifications qui en améliorent sensiblement l’économie. Toutefois, d’autres dispositions paraissent encore envisageables pour le compléter. Ces modifications possibles seront présentées à la fin du présent rapport.

Par ailleurs, le projet de loi ne se contente pas d’introduire de nouveaux instruments de régulation dans les marchés pour combattre la « vie chère ».

Il aborde d’autres questions très importantes pour la vie administrative, économique ou sociale dans les pays ultramarins : le coût du « roaming » ou de l’itinérance téléphonique dans le domaine de la téléphonie mobile ; la question du financement des investissements par les collectivités territoriales d’outre-mer dans le cas des projets, cofinancés avec l’État, où celles-ci disposent de la maîtrise d’ouvrage ; l’homologation des peines privatives de liberté prévues par les lois de pays ou par la réglementation locale en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ; la poursuite de la départementalisation à Mayotte ; et, enfin, la validation d’un certain nombre d’ordonnances, prises sur le fondement de l’article 38 ou de l’article 74-1 de la Constitution et visant principalement les COM.

Nous ajouterons nous-mêmes, dans la troisième partie du rapport, une autre préoccupation que nous voudrions voir prise en compte, à terme, par le Gouvernement : la baisse du coût de l’électricité dans les îles Wallis-et-Futuna.

Au total, la présentation du présent rapport s’articulera de la manière suivante :

- Dans une première partie, nous examinerons le phénomène de la « vie chère » dans les départements et les collectivités d’outre-mer. Il s’agit d’un véritable fléau, lié, pour sa plus grande part, aux particularités des marchés locaux et qui érode, depuis maintenant de nombreuses années, le pouvoir d’achat des résidents.

- Dans une seconde partie, nous verrons que, pour améliorer les conditions de vie outre-mer, le projet de loi prévoit de nouveaux outils de régulation, ainsi que des mesures spécifiques.

- Enfin, dans une troisième partie, nous montrerons que d’autres avancées sur le texte sont encore possibles, tant pour améliorer son dispositif que pour prendre en compte certaines questions qu’il ne vise pas directement.

*

* *

I. LE PHÉNOMÈNE DE LA « VIE CHÈRE » : UN FLÉAU QUI CARACTÉRISE LES ÉCONOMIES ULTRAMARINES

Aujourd’hui, tous les observateurs s’accordent à reconnaître que les prix qui sont pratiqués dans les différentes économies des départements et des collectivités d’outre-mer sont très élevés. Ces prix élevés contribuent à la dégradation du pouvoir d’achat des résidents et ils rendent les économies plus vulnérables. Ils sont à l’origine de mouvements sociaux réguliers : ainsi, en 2009, dans les quatre DOM et, plus récemment, en 2011, à Mayotte et, au début de l’année 2012, à La Réunion. Résoudre le problème de la « vie chère » constitue donc un véritable enjeu pour les départements et les collectivités d’outre-mer. Mais il ne s’agit pas là, néanmoins, d’une entreprise aisée car les facteurs, expliquant le niveau élevé des prix, sont nombreux et ils sont très intriqués.

Le rapporteur donnera d’abord quelques chiffres permettant de bien prendre la mesure du phénomène de la « vie chère », puis il s’efforcera de montrer que le système des prix élevés a des origines multiples.

A. L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION NE CESSE D’ÉVOLUER DANS LES DÉPARTEMENTS ET LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER DEPUIS AU MOINS 10 ANS

Pour prendre la mesure de la « vie chère » dans les départements et les collectivités d’outre-mer, il est possible de se reporter à l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPC), telle qu’elle figure dans l’étude d’impact associée au projet de loi faisant l’objet du présent rapport.

 

Base 100

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Métropole

1998

102,2

103,9

105,9

108,1

110,4

112,4

114,2

115,9

119,2

119,3

121,1

123,7

Guadeloupe

1998

100,4

103,0

105,4

107,5

109,0

112,5

114,8

116,3

118,9

119,2

122,5

125,6

Guyane

1998

101,6

103,2

104,8

106,9

108,1

109,9

112,2

116,0

120,1

120,9

121,1

123,6

La Réunion

1998

105,3

108,0

109,3

111,1

113,5

116,4

116,4

118,0

121,5

122,1

124,0

127,0

Martinique

1998

101,4

103,5

105,7

107,9

110,1

112,8

115,5

118,3

121,6

121,2

123,1

126,3

Mayotte

2006

           

98,0

100,8

106,2

109,0

110,5

114,1

Nouvelle-Calédonie

2010

83,3

85,2

86,7

87,7

88,4

89,5

92,2

93,1

95,8

96,7

99,3

101,7

Polynésie française

2007

89,0

89,8

92,4

92,8

93,2

94,1

96,7

98,7

101,8

102,0

103,3

105,2

Wallis-et-Futuna

2008

               

100,8

100,7

104,0

107,8

Saint-Pierre-et-Miquelon

2008
2009
2010

               

100,7

101,6

102,0

103,1

Source : Insee, Isee, Ispf.

Si l’on se rapporte au tableau ci-dessus, on peut voir que les prix IPC des départements et des collectivités d’outre-mer sont comparés à ceux de la métropole.

Les enseignements que l’on peut tirer de cette comparaison sont les suivants :

- Pour les DOM (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique), les prix à la consommation, depuis l’année 2007, sont clairement plus élevés qu’en métropole. Seul Mayotte échappe à ce phénomène, les prix, après une forte hausse sur la période 1998-2003 (+ 27 %), semblant converger, notamment depuis 2010, à un niveau proche de l’indice de la métropole.

- On doit noter, par ailleurs, que pour certains produits, et tout particulièrement les produits importés, les écarts de prix en magasin avec la métropole peuvent être spécialement plus élevés que la tendance indiquée par le tableau. C’est ainsi que, dans son avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009, l’Autorité de la Concurrence (ADLC) indique que, selon des relevés effectués sur un échantillon de 100 produits importés de la métropole dans les DOM, sauf Mayotte, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassaient 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés.

- Pour les COM (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon), l’indice des prix à la consommation apparaît moins élevé que celui de la métropole. Toutefois, il convient de relever que, dans les collectivités d’outre-mer, bon nombre de prix sont en partie réglementés. Il s’agit, en règle générale, des prix des produits énergétiques et de ceux des produits de première nécessité ou de grande consommation. Cela ne signifie donc pas que les prix sont naturellement moins élevés. Par ailleurs, même dans le cadre d’une économie partiellement administrée, on constate une certaine inflation. Ainsi, dans le tableau considéré, on peut voir que les prix à la consommation augmentent, chaque année, de un à deux points en fonction des collectivités concernées (voire même de trois points, pour l’année 2011, s’agissant de Wallis et Futuna).

L’ensemble de ces facteurs pose donc bien un problème très réel de pouvoir d’achat pour les ménages au sein des départements et des collectivités d’outre-mer.

B. LES REVENUS MOYENS DES RÉSIDENTS SONT INFÉRIEURS À CEUX DE LA MÉTROPOLE

Ce problème du pouvoir d’achat des ménages se trouve aggravé par le fait que, dans les DOM, selon une étude réalisée par l’INSEE en 2010 et rapportée par l’étude d’impact associée au projet de loi, les revenus médians des ménages d’outre-mer sont inférieurs de 38 % à ceux des ménages de métropole. Ils atteignent 9 552 € dans les DOM (hors Mayotte) contre 15 372 € en métropole.

D’autre part, les données des services fiscaux publiées en 2009 montrent un poids élevé des foyers fiscaux à revenus très faibles dans les DOM. En effet, la moitié des foyers fiscaux des DOM déclarent, pour l’année 2008, un revenu annuel inférieur ou égal à 9 000 €, contre environ un quart des foyers fiscaux pour la métropole.

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

DOM

Métropole

0 € à 9 000 €

51,8 %

47 %

53 %

50,5 %

50,2 %

24,2 %

Source :DGFIP, in Rapports annuels IEDOM 2010

Une analyse similaire peut être tenue pour certains COM en fonction des chiffres disponibles, par exemple la Nouvelle-Calédonie ou Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pour la Nouvelle-Calédonie, les chiffres tendent à montrer que les inégalités peuvent paraître deux fois plus fortes qu’en métropole. Ainsi, le rapport inter-décile, établi par l’administration fiscale et qui mesure l’écart entre les revenus des plus riches et les revenus des plus modestes, ressort à 7,9 contre 3,6 en métropole.

Par ailleurs, le taux de pauvreté atteint 17 % de la population. Il est plus élevé qu’en métropole (13 %).

À Saint-Pierre-et-Miquelon, de même, on semble noter un certain appauvrissement des ménages : 15,5 % des foyers ont déclaré, en 2011, un revenu net global inférieur à 8 000 € contre 14,8 % l’année précédente. À l’inverse, la part des foyers fiscaux ayant un revenu net global supérieur à 42 000 € est en léger recul : elle représente 12,5 % du total des déclarations en 2011 contre 13,2 % en 2010.

Au total, l’observateur économique se trouve ainsi confronté à un véritable phénomène de « ciseaux ». D’une part, le revenu des ressortissants des départements et des collectivités d’outre-mer est, en moyenne, très inférieur à ce qu’il est en métropole et, d’autre part, l’inflation – qui, elle, tend à être plus importante qu’au niveau national – vient encore rogner le pouvoir d’achat. Il n’est donc pas étonnant que cette situation génère parfois des tensions explosives.

C. DE NOMBREUX FACTEURS EXPLIQUENT L’IMPORTANCE DES PRIX PRATIQUÉS OUTRE-MER

Il convient maintenant, bien évidemment, de s’interroger sur les causes de la « vie chère », c’est-à-dire sur les facteurs qui permettent d’expliquer l’importance du niveau des prix pratiqués en outre-mer. À cet égard, il convient d’observer que ces facteurs sont relativement nombreux. Par suite, les mécanismes de formation des prix dans les économies ultramarines, et plus généralement le phénomène de la « vie chère », sont bien des questions liées à des phénomènes structurels.

1. Le poids des produits importés dans les économies ultramarines

Les économies ultramarines, tant celles des DOM que celles des COM, se caractérisent par un faible niveau d’exportation et par une forte dépendance de l’extérieur, en particulier de la métropole. D’où l’importance des produits importés dans la structure de la consommation des ménages.

Si l’on analyse finement le mécanisme de fixation des prix des produits importés, comme s’est efforcé de le faire, par exemple, pour les DOM, un économiste comme M. Richard Crestor (1), on peut s’apercevoir que ces derniers sont fonction de six variables : le prix d’achat en métropole ; le coût du fret en amont ; le coût du fret en aval (comme le volume du chargement des navires de retour des départements ou des collectivités d’outre-mer à destination de la métropole est souvent peu significatif, les compagnies maritimes répercutent cette moindre rentabilité sur leurs tarifs) ; l’octroi de mer ; la marge des différents opérateurs et, enfin, la TVA.

Cette « cascade » de paramètres n’est pas sans conséquence et elle contribue au renchérissement du prix de vente : ainsi, la base d’imposition à la TVA du produit importé inclut l’octroi de mer ; d’autre part, le fret est calculé sur le poids du produit et non sur son prix d’achat, si bien que le taux de fret exprimé en fonction du prix d’achat du produit importé peut atteindre un niveau très élevé, supérieur à 50 %, pour les produits de faible valeur au kg. Enfin, il y a la question des marges qui peuvent atteindre 10 à 15 %. De la sorte, si l’on considère par exemple un tonnage important de produits agroalimentaires importés, l’effet cumulé des coûts de transport et de l’octroi de mer peut conduire à un coefficient de surcoût très élevé, supérieur à 1,50. Si l’on ajoute les marges, les prix de vente explosent.

De ce point de vue, la solution pourrait être de diversifier certains approvisionnements et de faire en sorte que les départements et les collectivités d’outre-mer s’ouvrent davantage en direction de leur environnement immédiat. En revanche, la solution d’une baisse de l’octroi de mer ne serait pas opportune car elle se traduirait automatiquement par une diminution des recettes des collectivités.

2. Un nombre restreint d’opérateurs économiques

Les économies ultramarines présentent également la caractéristique de ne voir figurer sur leurs marchés – quel que soit le domaine considéré : production, importation, commerce, grande distribution… – qu’un nombre très restreint d’opérateurs. Cela est dû, en général, à l’insuffisance de la demande intérieure, non seulement du point de vue des quantités consommées mais également du point de vue du revenu disponible, demande intérieure qui parvient, dès lors, très difficilement à créer les conditions permettant aux entreprises locales d’atteindre une taille minimale optimale pour réaliser leurs activités.

Cette situation a pour effet d’aboutir, dans les départements ou les collectivités d’outre-mer, à des concentrations très significatives de capitaux pour un secteur de l’économie donné, et, compte tenu de cette concentration financière, à des monopoles de fait ou à des oligopoles, qu’ils prennent la forme de cartels ou de simples arrangements collusifs(2).

C’est ainsi que les oligopoles ou les monopoles dominent les marchés dans de nombreux domaines : commerce agroalimentaire, distribution du carburant, importation de ciment, de bitume, de pièces détachées, etc.

Au-delà des marchés intérieurs, cette concentration est également présente au niveau des entreprises de transport de fret maritime.

Ainsi, dans son avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 précité, l’Autorité de la Concurrence (ADLC) constate qu’en ce domaine, les lignes Europe du Nord-Antilles et la ligne Europe-Réunion sont les seules sur lesquelles opèrent plusieurs concurrents. Les lignes Méditerranée-Antilles et Europe-Guyane sont gérées en monopole de fait à la suite d’un accord passé entre CMA-CGM et MARFRET.

Il est vrai que ces deux dernières lignes, comme on l’a dit plus haut, sont confrontées à la faiblesse de la demande : les volumes transportés sont faibles à l’aller et quasi inexistants au retour.

Au total, il convient d’observer que les situations d’oligopoles ou de monopoles – même si l’on comprend leur cause principale qui est la faiblesse du marché – ne sont pas très satisfaisantes pour les consommateurs. Elles sont génératrices de hausses des prix puisque, par construction, il n’y a plus de concurrence.

Elles ont donc toute leur part dans l’explication de la « vie chère » et il pourrait être bienvenu de restreindre de telles pratiques, notamment les monopoles de fait, en s’attachant à susciter les conditions d’une véritable concurrence, chaque fois que cela sera possible.

3. Une spécificité ultramarine : l’importateur-grossiste

La présence fréquente d’un importateur-grossiste dans la chaîne de l’approvisionnement, entre le producteur, le transporteur et le distributeur, est une spécificité des marchés ultramarins. Il s’agit d’un agent économique dont le rôle est d’atténuer les difficultés qui existent, outre-mer, à garantir la bonne fin des commandes effectuées en très petites quantités. En mutualisant les commandes, ce dernier garantit un approvisionnement régulier et limite au maximum les risques de rupture de stocks.

Le problème est que l’importateur-grossiste s’identifie également à un intermédiaire supplémentaire sur les marchés et qu’il réalise lui aussi des marges. Il contribue donc à la « vie chère », alors que, paradoxalement, sa présence devrait avoir un effet bénéfique sur les coûts d’approvisionnement (en facilitant les économies d’échelle dans les commandes).

À cela s’ajoute le fait que, parfois, l’importateur-grossiste peut être aussi un distributeur de marques. En ce cas, sa présence a pour corollaire la constitution d’exclusivités territoriales de marques. Bien entendu, ce phénomène n’est pas sans lien sur les prix, car l’exclusivité de marque présente un coût élevé, sans compter les marges prélevées par l’opérateur intermédiaire.

Enfin, ces agents de marques peuvent être affiliés à des groupes détenteurs de franchises d’enseignes de la grande distribution. De même, comme précédemment, cette situation n’est pas neutre sur les prix. Les franchiseurs imposent des prix qui sont amplifiés par la marge des franchisés.

Au total, dans tous ces cas de figure, les distributeurs ultramarins ne peuvent arbitrer qu’entre un nombre restreint de fournisseurs. Les consommateurs, pour leur part, placés en bout de chaîne, sont confrontés à des prix élevés.

Il est donc indispensable que les pouvoirs publics puissent se doter d’instruments leur permettant d’intervenir et de mieux organiser les marchés de gros afin de mettre fin aux excès les plus criants. C’est d’ailleurs là l’objet de l’article 1er du projet de loi.

4. Le coût élevé des communications téléphoniques sur le réseau mobile

Un dernier point, très emblématique de la « vie chère » en outre-mer, est le coût actuel des communications téléphoniques passées sur le réseau mobile, depuis ou vers les territoires ultramarins. Celles-ci, en effet, relèvent d’un tarif majoré incluant le « roaming » ou encore « l’itinérance téléphonique », de telle sorte qu’une bonne partie du pouvoir d’achat des résidents outre-mer – ou des personnes habitant les départements et les collectivités d’outre-mer et se trouvant en métropole – est aujourd’hui absorbée par les frais de leurs communications téléphoniques.

Techniquement, le « roaming » s’analyse comme étant la faculté, pour un utilisateur de téléphone portable, d’utiliser différents réseaux de téléphonie au fur et à mesure de ses besoins, quelle que soit la distance de l’appel. Cette fonctionnalité est indispensable chaque fois qu’un utilisateur veut communiquer avec un point qui est hors de portée de son réseau. Le téléphone portable passe automatiquement sur le réseau d’un autre opérateur, de telle sorte qu’il n’y a aucune discontinuité dans la communication. Ce système joue évidemment un rôle essentiel pour les communications à l’étranger et outre-mer.

En pratique, les opérateurs doivent s’associer les uns avec les autres pour aménager cette itinérance. C’est le cas aussi outre-mer où des accords sont passés entre les opérateurs métropolitains (principalement Orange et SFR) et les opérateurs locaux (y compris si les opérateurs locaux sont des filiales des opérateurs nationaux).

L’association a des coûts pour chaque opérateur et ces coûts sont répercutés sur le client avec une marge. Pour éviter que les tarifs liés au « roaming » ne s’emballent, ces derniers, depuis le 17 décembre 2007, sont soumis à un plafond.

Ce plafond a été fixé par le règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007 qui assimile les territoires ultramarins à des pays étrangers. Le plafond devrait donc être celui retenu pour l’itinérance internationale mais, en fait, la Fédération Française des Télécoms a accepté d’appliquer les tarifs de l’itinérance communautaire, dans le cadre d’un accord amiable. Le plafond est donc actuellement le plafond communautaire et il s’élève à 35 centimes d’euro par minute.

Cette somme reste évidemment très élevée et il serait très souhaitable qu’elle puisse diminuer.

Le projet de loi prévoit une disposition – sur laquelle nous reviendrons dans la troisième partie du présent rapport – qui cherche à atteindre cet objectif.

La disposition vise le règlement européen (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012, applicable à partir du 1er juillet 2012, règlement qui concerne l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union et qui remplace le règlement de 2007.

Ce règlement témoigne de la volonté de l’Union européenne d’imposer une baisse du prix du « roaming » dans les années qui viennent. Ce dernier serait ainsi fixé à 17 centimes d’euro la minute d’ici à 2013-2014.

En principe, ce règlement ne concerne pas les communications entre la métropole et les pays ultramarins, ou communications « intra-nationales », mais seulement les communications entre les États membres de l’Union européenne, c’est-à-dire seulement les communications « transnationales ».

Cependant, le dispositif du projet de loi prévoit que les obligations issues du règlement européen de 2012 s’imposent aux opérateurs de téléphonie s’agissant des communications avec l’outre-mer. Avec ce dispositif, il est donc prévu, à court terme, de faire baisser le tarif de l’itinérance de l’outre-mer.

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* *

Au total, comme on peut le voir, les causes de la « vie chère » sont nombreuses et très complexes outre-mer. D’autre part, les prix élevés ont des conséquences désastreuses pour les ressortissants des pays ultramarins. Il était donc indispensable – et urgent – d’y porter remède. Tel est l’objet du présent projet de loi et c’est le contenu de ce projet que le rapporteur va maintenant examiner.

II. POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER, LE PROJET DE LOI PRÉVOIT DE NOUVEAUX OUTILS DE RÉGULATION, AINSI QUE DES MESURES SPÉCIFIQUES

Dans le contexte d’une économie ultramarine très fragilisée, marquée par la faiblesse de l’activité industrielle et commerciale, par un taux de chômage élevé et surtout par une hausse des prix très préoccupante, et face à l’attente légitime des habitants des départements et des collectivités d’outre-mer de voir enfin imposer un terme à la « vie chère », le présent projet de loi s’articule autour de deux chapitres distincts : le premier met en place des outils d’intervention destinés à améliorer le fonctionnement des différents marchés et à lever les obstacles à la concurrence ; et le second comporte un certain nombre de mesures, de nature assez diverse, destinées, tant à faciliter les opérations d’investissement pour les projets dont les collectivités territoriales d’outre-mer assurent la maîtrise d’ouvrage, qu’à faire avancer le droit ou à améliorer la gouvernance dans certains pays ultramarins (Mayotte, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française), ou encore à améliorer le fonctionnement des départements et des collectivités d’outre-mer d’un point de vue administratif, économique ou social (ratification de 26 ordonnances, dont 15 concernent la départementalisation à Mayotte).

Dans le cadre de l’examen de ce texte, le rapporteur indiquera, tout d’abord, en quoi, selon lui, le projet de loi témoigne d’une démarche gouvernementale visant, de manière pragmatique, à s’inscrire au plus près des réalités des départements et des collectivités d’outre-mer.

Il examinera ensuite successivement les deux chapitres du texte, c’est-à-dire, d’une part, les dispositifs instituant les nouveaux outils de régulation économique et, d’autre part, les dispositions spécifiques.

Enfin, il étudiera les apports effectués sur les différents articles du projet par le Sénat qui a, en effet, été saisi, en première instance, de ce texte, déposé sur le bureau du Président du Sénat le 5 septembre 2012.

A. UNE DÉMARCHE DU GOUVERNEMENT QUI CHERCHE À S’INSCRIRE AU PLUS PRÈS DES RÉALITÉS DES DÉPARTEMENTS ET DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER

Incontestablement, le présent projet de loi reflète une démarche du gouvernement qui se veut des plus pragmatiques et qui vise, plutôt qu’à procéder à des réglementations générales a priori, à adapter l’action administrative aux réalités du terrain.

S’agissant de la lutte contre la cherté de la vie, le Gouvernement n’a pas entendu promouvoir un nouveau système d’encadrement des prix pour l’imposer là où il n’était pas appliqué (les DOM) et pour l’amplifier là où il était déjà partiellement en vigueur (les COM).

Il a plutôt cherché à élaborer un ensemble de moyens juridiques permettant, au coup par coup, de restaurer les conditions de la concurrence sur les différents marchés, en fonction des particularités de chacun des pays d’outre-mer.

En effet, il convient d’observer que la réglementation des prix, dans un contexte international caractérisé par le libéralisme et par la déréglementation, est tout de même un instrument qui doit être utilisé avec précaution.

Les mesures qui relèvent de l’économie administrée sont en effet toujours accueillies avec réticence par les institutions de l’Union européenne. Et, de même, l’Autorité de la Concurrence (ADLC), dans son avis 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les DOM, a rappelé que la réglementation des prix doit demeurer une mesure exceptionnelle, décidée vis-à-vis de secteurs clairement identifiés et visant des problèmes de tarification ou d’approvisionnement précis.

D’autre part, le blocage des prix ne constitue jamais une solution durable pour lutter contre l’inflation. Il s’agit d’une solution temporaire qui ne s’attaque pas aux questions de fond – précisément celles qui consistent à rechercher les causes de la « vie chère » –, qui n’incite pas à procéder à des réformes dans le système de la production ou de la distribution, mais qui permet bien souvent à certaines rentes de prospérer à l’abri de l’encadrement tarifaire, alors que celui-ci était précisément destiné à les combattre.

Le projet de loi a donc opté pour la mise à disposition des décideurs d’outils de régulation permettant d’agir en amont sur les marchés et sur la chaîne de formation des prix, plutôt qu’en aval sur les prix eux-mêmes.

Une fois ces instruments mis à disposition, il incombera aux mêmes décideurs d’appliquer ces outils, de manière sélective, aux différents marchés.

De ce point de vue, il y a deux idées sous-jacentes dans le premier chapitre du projet de loi :

- D’une part, si l’on arrive à maîtriser correctement les conditions d’exercice des marchés de gros, les prix baisseront nécessairement car les détaillants auront plus de facilités à se ravitailler et ils favoriseront les solutions les moins onéreuses (articles 1 et 2 du projet de loi).

- D’autre part, si l’on arrive à aiguiser suffisamment la concurrence dans le secteur de la grande distribution, les prix baisseront également. Plus les distributeurs seront en concurrence entre eux et plus ils mettront les fournisseurs en compétition, qu’ils soient industriels ou intermédiaires grossistes. Dans ce contexte, de même, les solutions les moins onéreuses l’emporteront (articles 4 et 5 du projet de loi).

Au total – et c’est en cela que le texte est pragmatique – on change bien de paradigme : l’action gouvernementale ne cherche pas à réglementer, de manière générale et indistincte, tous les prix ; elle s’efforce, en analysant les caractéristiques de chaque situation, avec les outils dont elle s’est dotée, de restaurer les conditions de la concurrence.

S’agissant des mesures spécifiques contenues dans le deuxième chapitre du projet de loi, on notera que, derrière la grande diversité des mesures énoncées, il est possible de constater un souci indéniable d’efficacité de la part du Gouvernement, en fonction des situations propres à chaque pays d’outre-mer.

Ces mesures spécifiques peuvent être divisées en six grandes rubriques :

- Suppression de l’obligation de cofinancement par les collectivités territoriales d’outre-mer pour les projets réalisés en liaison avec l’État et dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage (article 8 du projet de loi).

- Habilitation donnée au Gouvernement pour modifier par ordonnances la législation applicable à Mayotte, en vue de compléter le processus de départementalisation et d’appliquer également certaines mesures liées à la réglementation européenne (article 9 du projet de loi).

- Homologation des peines d’emprisonnement prévues comme sanctions à certaines infractions édictées dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, par le biais des lois de pays ou des délibérations des instances locales, dans les domaines relevant de la compétence de ces collectivités (article 10 du projet de loi).

- Ratification de 11 ordonnances publiées, concernant différents aspects de la vie administrative, économique et sociale à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Martin (pour deux d’entre elles) ; dans différents COM (pour 8 d’entre elles) et dans tous les COM (pour l’une d’entre elles relative à la stratégie nationale pour la mer et le littoral). (Article 11, section I et II du projet de loi).

- Ratification de 15 autres ordonnances publiées concernant la départementalisation de Mayotte (article 11, section III du projet de loi).

- Modification du code de la construction et de l’habitation (substitution de références pour tenir compte de la refonte du code du travail à Mayotte). (Article 11, section IV du projet de loi).

L’ensemble de ces dispositions montre, à l’évidence, la volonté du Gouvernement de suivre au plus près la réalité des départements et des collectivités d’outre-mer, secteur par secteur et territoire par territoire, sans chercher à appliquer des solutions uniformes. D’où la multiplicité des mesures présentées dans le second chapitre du projet de loi.

B. LES DISPOSITIFS INSTITUANT LES NOUVEAUX OUTILS DE RÉGULATION ÉCONOMIQUE

Si l’on en revient maintenant à l’étude du premier chapitre du projet de loi, il est possible d’observer que celui-ci prévoit, dans le cadre des nouveaux outils qu’il institue afin de réguler l’économie outre-mer, d’une part, des dispositifs permettant de lever les obstacles à la concurrence sur les différents marchés des pays ultramarins et, d’autre part, des dispositions particulières pour diminuer le coût de l’itinérance en matière de téléphonie mobile.

1. Les dispositifs permettant de lever les obstacles à la concurrence

Comme il a été indiqué précédemment, les dispositifs visant à l’organisation des marchés établis par le présent projet de loi concernent à la fois les marchés de gros et les marchés liés à la grande distribution. Dans les deux cas, le texte donne de nouveaux pouvoirs à l’Autorité de la Concurrence pour mettre fin aux pratiques anti-concurrentielles.

Les instruments d’incitation et d’orientation retenus par le texte peuvent être classés en cinq grands thèmes.

a) La possibilité pour l’État d’organiser les marchés de gros

L’article 1er du projet de loi autorise l’État à prendre par décret, pour les départements et les collectivités d’outre-mer, et s’agissant des différents secteurs des marchés de gros, des mesures d’organisation de ces marchés, s’il s’avère que ces derniers présentent des limitations dans le libre jeu de la concurrence, du fait des conditions d’approvisionnement ou du fait de leur structure même (cas des monopoles, des quasi-monopoles ou des oligopoles collusifs).

Par suite, l’article 1er du projet de loi ajoute au code de commerce un article L. 410-3 qui vient compléter les articles faisant partie des « Dispositions générales » au sein du livre quatre du code intitulé : « De la liberté des prix et de la concurrence ».

Cet article constitue, bien évidemment, une disposition essentielle dans l’optique du texte qui souhaite, comme on l’a dit plus haut, passer d’une régulation des marchés par le biais du contrôle des prix à une régulation des marchés par la levée des obstacles à la concurrence.

Composition et rôle de l’Autorité de la Concurrence

1/ Présentation

- L´Autorité de la Concurrence est une autorité administrative indépendante, spécialisée dans l´analyse et la régulation du fonctionnement de la concurrence sur les marchés, pour la sauvegarde de l´ordre public économique.

- Organisme administratif né en 2009 de la transformation du Conseil de la Concurrence, l’Autorité de la Concurrence agit au nom de l’État, sans pour autant relever de l’autorité du Gouvernement dans l’exercice de ses pouvoirs.

2/ Composition

L’Autorité est une institution collégiale composée de 17 membres nommés pour une durée de 5 ans par décret. Elle se compose :

- d’un président nommé en raison de ses compétences dans les domaines juridique et économique, après avis des commissions du Parlement compétentes en matière de concurrence.

- d’un collège comprenant également :

1) 6 membres ou anciens membres du Conseil d’État, de la Cour de Cassation, de la Cour des Comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires ;

2) 5 personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation ;

3) 5 personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l’artisanat, des services ou des professions libérales.

- 4 vice-présidents sont désignés parmi les membres du collège, dont au moins 2 parmi les personnalités mentionnées aux 2° et 3°.

3/ Missions

- 2 fonctions :

Fonction consultative : L’Autorité, qui dispose d’une compétence générale en matière de concurrence, peut se saisir de sa propre initiative ou être saisie de demandes d’avis sur toute question de concurrence, sur les projets de lois, sur les projets de textes réglementant les prix ou restreignant la concurrence.

Fonction décisionnelle : L’Autorité de la Concurrence dispose d’attributions dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles visant à les réprimer ou à corriger une situation.

Dans le cadre de sa fonction décisionnelle, l’Autorité de la Concurrence exerce un contrôle sur les concentrations d’entreprises. Une opération de concentration est réalisée lorsque deux entreprises antérieurement indépendantes fusionnent, lorsqu’elles créent une entreprise commune ou lorsqu’une entreprise prend le contrôle d’une ou plusieurs autres. Une fois l’opération notifiée à l’Autorité, cette dernière procède à un examen de l’opération, plus ou moins rapide selon la nature de l’opération et les difficultés qu’elle soulève.

Si elle ne pose pas de difficultés de concurrence particulières ou si les engagements présentés par les parties remédient aux problèmes constatés, l’opération peut donner lieu à une autorisation avec ou sans engagements au terme d’un examen rapide appelé phase 1.

Si un doute sérieux d’atteinte à la concurrence subsiste au terme de cette phase, l’Autorité ouvre une phase 2, afin de procéder à une analyse approfondie de l’opération. Elle examine notamment si l’opération est de nature à porter atteinte à la concurrence, en particulier par la création ou le renforcement d’une position dominante ou par la création ou le renforcement d’une puissance d’achat qui placeraient les fournisseurs en situation de dépendance économique. Elle examine également si l’opération est justifiée par des gains d’efficacité compensant les atteintes à la concurrence éventuellement constatées.

À l’issue de cet examen, l’Autorité rend une décision collégiale qui peut, soit autoriser l’opération sans conditions particulières, soit l’autoriser sous réserve d’engagements, soit l’interdire. Dans ce dernier cas, elle peut prononcer des injonctions structurelles En particulier, en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique par une entreprise ou un groupe d’entreprises, elle peut enjoindre, par décision motivée, à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s’est réalisée la concentration de la puissance économique qui a permis les abus. Si les entreprises mettent des obstacles au bon déroulement de l’instruction, l’Autorité peut enjoindre sous astreinte la production de pièces ou le déferrement à des convocations et sanctionner des oppositions à fonction.

Le dispositif établi par le nouvel article L. 410-3 du code de commerce est le suivant :

- Le Gouvernement a donc le droit de réglementer les marchés de gros par décrets.

- Il s’agit de décrets pris en Conseil d’État après consultation de l’Autorité de la Concurrence (ADLC).

- Le Gouvernement n’a pas retenu l’option consistant à ne pas préciser la nature des mesures pouvant être prises par l’État par décret, dans la mesure où la procédure – qui devenait alors un pouvoir discrétionnaire au sens du droit administratif – aurait pu être beaucoup trop générale.

- Il a été décidé, au contraire, de retenir une option encadrant le pouvoir réglementaire : il est donc possible au Gouvernement de prendre des décrets pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros mais seulement dans quatre domaines : l’accès aux marchés, la loyauté des transactions, les marges des opérateurs et la protection des consommateurs.

- Bien entendu, même si l’article L. 410-3 du code de commerce ne précise pas exactement le contenu possible des décrets, on peut supposer que ceux-ci seront destinés, avant tout, à faciliter l’accès des détaillants aux produits gérés par les grossistes. Les mesures édictées pourraient donc, en tout premier lieu, formuler des obligations d’accès aux produits, des obligations de commandes mutualisées, des obligations de non discrimination, d’information sur les marges, d’établissement de tarifs de référence, de séparation comptable de certaines activités, etc.

Pour ce qui concerne le respect de ces obligations et les sanctions possibles, le choix a été fait de rattacher le contrôle de ces règles à une procédure existante : celle du non-respect des injonctions prononcées par l’Autorité de la Concurrence (ADLC).

C’est la raison pour laquelle l’article 1er du projet de loi complète aussi l’article L. 462-6 du code de commerce, article qui définit, de manière générale, les compétences de l’Autorité en matière de pratiques anti-concurrentielles et qui vise également son pouvoir d’injonction et de sanction.

Les compléments apportés par le projet de loi à l’article L. 462-6 du code de commerce établissent le dispositif suivant :

- L’Autorité est saisie par le ministre chargé de l’Économie (conformément aux dispositions de l’article L. 462-5, section I, du code de commerce).

- Elle peut aussi être saisie (conformément aux dispositions de l’article L. 462-5, section II, du code de commerce) par les entreprises et par un certain nombre d’organismes visés à l’article L. 462-1 (2e alinéa) du même code « pour toute affaire qui concerne les intérêts dont ils ont la charge ».

- Ces organismes sont : les collectivités territoriales (dont, par conséquent, les exécutifs locaux des DOM et des COM), les organisations professionnelles et syndicales, les organisations de consommateurs agréées, les chambres d’agriculture, les chambres de métiers, les chambres de commerce et d’industrie et les six observatoires des prix et des revenus des DOM (y compris Mayotte) et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

- Après saisine, l’Autorité vérifie les faits et elle contrôle si le dispositif de régulation, tel qu’il est prévu par un ou plusieurs décrets pris au titre de l’article L.410-3 du code de commerce, est bien respecté.

- Si l’Autorité constate que le dispositif de régulation n’est pas respecté, elle enjoint à l’opérateur fautif, dans un premier temps, de se mettre en conformité avec ses obligations. La procédure d’injonction s’effectue conformément aux dispositions prévues à l’article L. 464-2 (section I, premier alinéa) du code de commerce.

- Si l’entreprise s’exécute, la procédure s’arrête. Si elle ne s’exécute pas, l’Autorité engage les procédures de droit commun de sanction du non respect des injonctions qu’elle prononce. Ces procédures sont contenues dans l’ensemble du dispositif de l’article L. 464-2 du code. Elles permettent à l’Autorité de la Concurrence de prononcer une sanction pécuniaire à l’égard de l’entreprise ou de lui infliger des astreintes.

- Par ailleurs, l’Autorité peut aussi prévoir la publication de la sanction pécuniaire qu’elle a prononcée. L’article L. 464-2 (cinquième alinéa) du code de commerce dispose en effet que « l’Autorité de la Concurrence peut ordonner la publication, la diffusion, l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise. Elle peut également ordonner l’insertion de la décision ou de l’extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l’exercice par les gérants, le conseil d’administration ou le directoire de l’entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée ».

À tous les stades, les entreprises bénéficient d’une procédure contradictoire et des voies de recours déjà prévues par les textes concernant l’instruction des affaires par l’Autorité de la Concurrence (ADLC).

b) L’interdiction dans les contrats commerciaux des clauses prévoyant des droits exclusifs d’importation

L’article 2 du présent projet de loi interdit, dans l’ensemble des départements et des collectivités d’outre-mer, les clauses des contrats commerciaux qui ont pour objet ou pour effet d’accorder des droits d’importation exclusifs à un opérateur, sauf lorsqu’elles sont justifiées par des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique au bénéfice des consommateurs.

À cet effet, l’article 2 complète l’article L. 420-5 du code de commerce qui prohibe les pratiques tendant à éliminer une entreprise ou l’un de ses produits d’un marché en suscitant des offres de prix ou des pratiques de prix de vente abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation ou de commercialisation (c’est la pratique du dumping).

Cette disposition est très importante car il convient de rappeler que, du fait de leur éloignement et de l’étroitesse de la demande, les marchés des territoires ultramarins sont souvent placés entre les mains d’un très petit nombre d’opérateurs. Ce phénomène est accentué par la particularité que constitue, outre-mer, la présence d’intermédiaires que l’on appelle les importateurs-grossistes et qui s’organisent en oligopoles. Dans ce contexte, les exclusivités d’importation, lorsqu’elles apparaissent dans tel ou tel secteur de l’économie, contribuent à faire basculer subitement le marché concerné de la situation d’oligopole à celle de monopole de fait. Elles peuvent donc avoir des effets particulièrement nocifs outre-mer.

En même temps, il convient d’observer que le texte conserve des lacunes dans la procédure à suivre – en cas de constatation d’une clause d’exclusivité d’importation dans un contrat – pour savoir si celle-ci est licite ou non, c’est-à-dire pour évaluer les « motifs objectifs tirés de l’efficacité économique au bénéfice des consommateurs ».

Si l’on comprend bien que ce sont les pouvoirs publics qui, dans l’économie du projet de loi, en dernière instance, constituent l’autorité répressive devant indiquer aux opérateurs si telle clause contractuelle d’exclusivité est valable ou ne l’est pas, le texte ne dit pas qui doit apprécier les motifs d’efficacité économique et éventuellement indiquer que l’exclusivité est dénuée de justification en ce domaine.

De la sorte, pour éviter que les pouvoirs publics ne se retrouvent, peu ou prou, dans une situation de confusion des genres, à la fois juges et exécuteurs de la décision, il pourrait être opportun de confier à une autorité indépendante, en l’occurrence l’Autorité de la Concurrence, le soin d’apprécier, en cas d’accords commerciaux litigieux, la réalité des faits, ainsi que les bénéfices réels et objectifs pour les consommateurs. Le Gouvernement se limiterait ensuite à tirer les conséquences de l’appréciation de l’Autorité de la Concurrence, en autorisant ou en interdisant la clause d’exclusivité.

Enfin, à l’étude de l’article 2, il convient de joindre celle de l’article 12 du présent projet de loi. Cet article renvoie en effet à l’article 2 en prévoyant que, pour les contrats en cours, les parties aux contrats auront un délai de quatre mois, à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’article L. 420-5 du code de commerce concernant les interdictions de clauses exclusives d’importation.

Ce dispositif n’est pas assorti d’une amende en cas de non-exécution. Il pourrait cependant être souhaitable d’en prévoir une pour le cas où certains contrats tarderaient à être mis à jour. Une recommandation en ce sens sera formulée par le rapporteur sur ce sujet dans la troisième partie du présent rapport.

c) La possibilité pour les départements et les collectivités d’outre-mer de saisir l’Autorité de la Concurrence

L’article 3 du projet de loi complète l’article L. 462-5 du code de commerce – article qui définit les organismes habilités à saisir l’Autorité de la Concurrence – par une disposition qui permet aux départements et aux collectivités d’outre-mer de saisir l’Autorité pour lutter contre les pratiques anti-concurrentielles dans leurs territoires respectifs.

Les DOM et les COM détenaient déjà ce pouvoir de saisine, comme on l’a vu plus haut, au titre de l’article L. 462-5, section II, du code, pour toutes les affaires dont elles ont la charge.

Cependant, l’article 3 du projet de loi étend le pouvoir de saisine des collectivités territoriales d’outre-mer à toutes les affaires qui seraient portées à leur connaissance, mettant en cause des pratiques de nature à altérer le jeu de la concurrence.

Le rapporteur se félicite de cette mesure qui permettra, notamment, à un certain nombre de petites entreprises locales, qui auraient été réticentes pour affronter directement des clients ou des fournisseurs puissants, ou qui n’auraient pas eu les moyens économiques pour soutenir un contentieux devant l’ADLC, d’utiliser le biais des collectivités territoriales pour dénoncer une pratique anti-concurrentielle.

d) L’abaissement du seuil pour le contrôle des concentrations dans le commerce de détail

Avec l’article 4, le projet de loi, après avoir étudié les problèmes liés au commerce de gros (qui font l’objet des articles 1 et 2), aborde les questions liées à la grande distribution qui feront l’objet du présent article, ainsi que de l’article 5.

L’article 4 du projet de loi modifie le troisième alinéa de la section III de l’article L. 430-2 du code de commerce.

Cet article donne la définition des opérations de concentration qui doivent être notifiées à l’Autorité de la Concurrence et qui supposent son accord, étant entendu que la section III de l’article concerne l’outre-mer et que le troisième alinéa concerne le commerce de détail.

La modification a pour effet d’abaisser à 5 M€ le seuil de 7,5 M€ prévu pour le contrôle des concentrations dans ce type de commerce.

Ce dispositif permet de mettre en cohérence les seuils retenus pour le contrôle des concentrations outre-mer et ceux retenus en métropole. En effet, en métropole, le rapport entre le secteur du commerce de détail et les secteurs de droit commun est de un à trois : 15 M€ pour 50 M€. Outre-mer, en revanche, le rapport n’est que de un à deux : 7,5 M€ pour 15 M€. Le passage de 7,5 à 5 M€ permet de conserver le même ratio de un à trois.

Surtout, il permet de contrôler les rachats de surfaces de vente comprises entre 600 et 1000 m², sur la base d’un chiffre d’affaires de 8 000 à 9 000 €/m², surfaces de vente qui jouent un rôle très important pour la concurrence outre-mer. 

e) Le pouvoir d’injonction structurelle confié à l’Autorité de la Concurrence en matière de grande distribution

L’article 5 du projet de loi constitue, tout comme l’article 1er, un dispositif très important dans l’économie du texte.

Cet article donne à l’Autorité de la Concurrence, pour tous les DOM et les COM, un pouvoir d’injonction structurelle en matière de grande distribution. L’Autorité dispose désormais du pouvoir de s’autosaisir, même sans infraction constatée, pour remettre en cause des positions dominantes d’entreprises ou de groupements d’entreprises dans le domaine du commerce de détail outre-mer. Plus particulièrement, elle a le pouvoir de prononcer des injonctions à l’égard de ces entreprises, ou de ces groupements d’entreprises, pour que les sociétés concernées modifient ou suppriment, dans un délai déterminé, tous les accords ou toutes les pratiques commerciales par lesquels elles ont contribué à créer une situation de position dominante, s’il s’avère, après examen, que celle-ci est particulièrement dommageable au regard de la concurrence.

Cet outil est intéressant, dans la mesure où il peut contribuer à remettre en cause des situations acquises. Dans les pays ultramarins, en effet, cette remise en cause est importante, sinon, compte tenu de l’étroitesse des marchés, il est quasiment impossible d’introduire de nouveaux compétiteurs.

À cette fin, l’article 5 du projet de loi crée un nouvel article dans le code de commerce, l’article L. 752-27 qui prolonge l’article L. 752-26 déjà existant.

L’article L. 752-26 prévoit des pouvoirs d’injonction et de sanction pour l’Autorité de la Concurrence en cas d’infraction liée à l’exploitation abusive d’une position dominante dans le commerce de détail. Les injonctions de l’Autorité peuvent être qualifiées d’injonctions « structurelles » car elles ont une influence sur la structure des opérateurs, mais elles ne peuvent être prises qu’en cas d’infraction. Le dispositif ne fonctionne donc qu’en cas de contentieux, par exemple lorsque l’Autorité est saisie par un intervenant extérieur, une entreprise le cas échéant.

L’article L. 752-27, pour sa part, prévoit une auto-saisine de plein droit de l’Autorité de la Concurrence, sans infraction, uniquement pour le cas des marchés de détail outre-mer. Dans cet article, le constat d’une infraction est remplacé par le simple constat d’une position dominante – même sans que la règle de droit ait été méconnue – se traduisant, par exemple, par des prix ou des marges abusives, ou encore par une limitation manifeste du libre jeu de la concurrence. L’article L. 752-27 constitue donc un très utile complément à l’article L. 752-26 du code de commerce. Spécialement tourné vers l’outre-mer, cet article permet en effet de réorganiser les marchés ultramarins, sans que l’Autorité soit dépendante d’une démarche contentieuse.

Le système établi par l’article L. 752-27 est le suivant :

- L’Autorité fait connaître ses « préoccupations de concurrence » aux entreprises.

- Celles-ci, dans un délai de deux mois, peuvent lui proposer des engagements (dans les mêmes conditions que ceux prévus par l’article L. 464-2 du code de commerce).

- Si les entreprises ne proposent pas d’engagements ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, l’Autorité peut, par une décision motivée, enjoindre aux entreprises de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s’est constituée la situation de position dominante qui limite le libre jeu de la concurrence.

- L’Autorité peut, dans les mêmes conditions, leur enjoindre de procéder à la cession de surfaces.

- Elle peut sanctionner le non-respect de ses injonctions selon la procédure habituelle prévue par l’article L. 464-2 du code de commerce.

2. La diminution du coût de l’itinérance en matière de téléphonie mobile

Comme on l’a vu dans la première partie du présent rapport, le coût de l’itinérance téléphonique est un problème très sensible pour tous les pays ultramarins.

L’article 6 du projet de loi s’attache à résoudre ce problème et à obtenir des diminutions tarifaires en modifiant l’article L. 34-10 du code des postes et des communications électroniques et en substituant, dans cet article, la référence du règlement européen (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 à celle du règlement européen (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007, règlement qui se trouve abrogé.

Les deux textes européens établissent un plafond pour les frais d’itinérance en matière de téléphonie mobile. Ce plafond s’élève actuellement à 35 centimes d’euro par minute et, compte tenu du texte européen du 13 juin 2012, il devrait être abaissé à 17 centimes d’euro la minute d’ici à 2013-2014.

À proprement parler, aucun des deux textes européens ne vise spécifiquement les départements et les collectivités d’outre-mer.

Cependant, l’article L. 34-10 du code des postes et des communications électroniques prévoit que les obligations nées du règlement européen de 2007 s’imposent aux opérateurs pour ce qui est des communications outre-mer.

En changeant la référence et en visant le règlement de 2012, l’article modifié garantit donc que les obligations nées de la réglementation européenne continueront de s’imposer aux opérateurs. Partant, il garantit aussi une baisse des prix de l’itinérance outre-mer puisque le plafond édicté par l’Union européenne est en baisse.

Par ailleurs, il convient de noter que la référence au règlement européen de 2012 – comme c’était le cas aussi pour le règlement européen de 2007 – sert de base légale pour les contrôles de l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP) qui est chargée de constater les infractions tarifaires et plus particulièrement les infractions à l’article L. 34-10.

Cette observation est particulièrement importante car on peut penser qu’après l’adoption et la promulgation de la loi, l’ARCEP, pendant quelque temps au moins, sera amenée à jouer un rôle essentiel dans la diminution du coût de l’itinérance outre-mer. Elle obligera en effet, par ses contrôles, les opérateurs à respecter le plafond.

Enfin, il convient également de relever que le ministère des Outre-mer s’efforce actuellement de conclure des accords avec les opérateurs afin d’obtenir, dès avant l’application de la loi, et peut-être à des tarifs inférieurs au plafond européen, une amélioration du coût de l’itinérance.

Toutes ces mesures devraient donc contribuer prochainement à une baisse significative du coût des communications téléphoniques outre-mer.

Toutefois, compte tenu de l’importance de ce problème pour les ressortissants d’outre-mer, votre rapporteur estime que l’on pourrait aussi améliorer l’information des usagers concernant leurs factures téléphoniques, en demandant aux opérateurs d’indiquer clairement sur ces factures le montant des frais qui sont prélevés mensuellement au titre de l’itinérance.

Cette question fera l’objet d’une recommandation dans la troisième partie du présent rapport.

L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ET DES POSTES (ARCEP)

ORIGINES

L’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) a été créée par la loi du 26 juillet 1996 pour préparer et accompagner l’ouverture à la concurrence du secteur et veiller à la fourniture et au financement du service universel des télécommunications. La loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales a depuis étendu la compétence de l’Autorité. C’est ainsi que l’ART est devenue l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes. Il ne sera mentionné ici que le seul secteur des communications. Les deux activités soulèvent néanmoins des problématiques communes. Dans les deux cas, l’ouverture à la concurrence de secteurs monopolistiques, présentant de fortes barrières à l’entrée sur le marché, a nécessité une régulation sectorielle, complémentaire au droit commun de la concurrence, pour permettre l’entrée de nouveaux acteurs. En outre, s’agissant de services dits universels, il s’agit d’assurer un équilibre entre la satisfaction des utilisateurs et le développement à long terme de la production et de l’emploi.

SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

MISSIONS DE L’ARCEP

1. Analyse des marchés et obligations. L’ARCEP veille à ce que la concurrence s’exerce sur les marchés identifiés par la Commission. Il lui appartient ensuite d’identifier les opérateurs puissants sur ces marchés et de leur imposer, parmi les obligations définies dans les directives communautaires, celles qui sont justifiées, proportionnées et fondées sur la nature du problème concurrentiel identifié.

2. Attribution et gestion des ressources rares. Depuis que les textes européens ont posé le régime d’autorisation générale, l’ARCEP n’instruit plus de demande d’autorisation individuelle. Elle demeure cependant compétente pour attribuer les ressources rares (fréquences, numéros nécessaires à l’activité) par l’intermédiaire d’une autorisation individuelle soumise au paiement d’une redevance.

3. Définition de la mission de service universel. L’ARCEP détermine les principes et méthodes du service universel ainsi que les montants des contributions au financement des obligations de service universel. Elle assure en outre la surveillance des mécanismes de financement.

4. Contrôle tarifaire. La régulation tarifaire peut être imposée à un opérateur au titre du service universel ou au titre de la situation concurrentielle du marché. Elle peut s’exercer selon différentes modalités (encadrement pluriannuel, plafonnement des prix, droit d’opposition motivé de l’ARCEP).

POUVOIRS DE L’ARCEP

1. Pouvoir de règlement des différends. La qualité d’opérateur de communications électroniques permet de saisir l’ARCEP afin qu’elle tranche, dans un délai de 4 mois, certains litiges survenus entre exploitants de réseaux ouverts au public ou fournisseurs de services de communications électroniques.

2. Pouvoir de sanction. L’ARCEP peut prononcer, à l’encontre des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de communications électroniques, l’une des sanctions prévues à l’article L. 36-11 du CPCE en cas de manquement aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en œuvre. Cette compétence peut être exercée à la demande d’un opérateur ou de toute personne physique ou morale concernée. L’ARCEP peut aussi déclencher d’office cette procédure. À défaut de respecter une mise en demeure, l’ARCEP est tenue de notifier à l’opérateur défaillant l’exposé des faits et griefs retenus contre lui.

MÉTHODES DE TRAVAIL ET CONTROLE DE L’ARCEP

MÉTHODES DE TRAVAIL

La visibilité que l’ARCEP apporte au marché passe par une concertation permanente. Celle-ci se traduit par la réunion périodique d’instances consultatives – la Commission consultative des réseaux et des services de communications électroniques, la Commission consultative des radiocommunications, le Comité de l’interconnexion et de l’accès. L’ARCEP organise également des auditions régulières, des rencontres et des consultations publiques notamment au travers d’appels à commentaires.

CONTROLE PESANT SUR L’ARCEP

1. Contrôle du Parlement. L’ARCEP remet chaque année un rapport public d’activité au Gouvernement et au Parlement. Le régulateur est entendu par les commissions permanentes du Parlement.

2. Contrôle du juge. Les décisions de l’ARCEP sont, selon les cas, susceptibles de recours devant la Cour d’appel de Paris (décisions de règlement de différends) ou le Conseil d’État (décisions de sanction et autres).

3. Contrôle de la Commission européenne. Les projets de décisions concernant l’analyse des marchés pertinents pour le secteur des télécommunications sont notifiés pour avis à la Commission européenne qui dispose d’un droit de veto sur la définition de ces marchés et la désignation des opérateurs puissants, et aux autres régulateurs européens.

En conclusion de l’examen des principales dispositions du chapitre premier du présent projet de loi, on soulignera que les instruments de régulation économique mis en place par le Gouvernement, dans la mesure où ils vont lui donner réellement les moyens d’organiser les marchés ultramarins, aussi bien de gros que de détail, répondent réellement aux attentes des ressortissants d’outre mer.

Ils concerneront tous les DOM et les COM, y compris Wallis-et-Futuna, étant entendu que l’article 7 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances, au titre de l’article 38 de la Constitution, toutes les mesures nécessaires, avec éventuellement les adaptations qui s’imposent, en vue d’étendre à cette collectivité territoriale les dispositions législatives du code de commerce non encore intégrées à sa règlementation depuis le 18 septembre 2000, mais qui sont pourtant indispensables à l’application du projet. Il s’agit des modifications du livre IV du code de commerce intervenues à la suite de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et créant l’Autorité de la Concurrence, en lui transférant les pouvoirs de l’ancien Conseil de la Concurrence. Cette extension permettra ainsi la pleine application à Wallis-et-Futuna des dispositions du premier chapitre du projet.

C. LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Les dispositions contenues dans le second chapitre du présent projet de loi, quoique très opérationnelles, sont de nature plus hétérogène que celles figurant dans le premier chapitre. Nous distinguerons quatre points qui correspondent aux articles 8, 9, 10 et 11 du projet.

1. La suppression de l’obligation de cofinancement par les collectivités territoriales d’outre-mer pour les projets dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage (article 8)

Le code général des collectivités territoriales dispose d’un article L. 1111-10 qui instaure le principe d’une participation minimale de 20 % des collectivités territoriales et de leurs groupements pour le financement, en liaison avec l’État, des projets dont ces instances assurent la maîtrise d’ouvrage.

Toutefois, la situation des collectivités ultramarines est fréquemment caractérisée par une insuffisance d’autofinancement de leurs investissements, allant même parfois jusqu’à une absence totale de capacité d’autofinancement, voire à des situations de déficit structurel.

En outre, les collectivités territoriales d’outre-mer exposent des besoins d’équipement supérieurs aux collectivités de métropole du fait de contraintes liées à l’environnement (contraintes climatiques, respect de normes antisismiques…) et du fait aussi de retards accumulés dans différents domaines (voierie, infrastructures nécessaires au tourisme, etc.).

La règle de participation minimale peut alors se révéler comme un obstacle à l’investissement.

L’article 8 du projet de loi prévoit donc d’excepter de l’application de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales les collectivités territoriales et les groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette dérogation ne concernera pas la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie pour lesquelles cette obligation d’un financement minimal n’est pas prévue par les lois organiques régissant leurs statuts.

Le dispositif ne fera pas obstacle à ce que les collectivités territoriales obtiennent des financements européens pour certains de leurs investissements.

2. L’homologation des peines d’emprisonnement prévues dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française (article 10)

L’article 10 du projet de loi tend à homologuer les peines d’emprisonnement prévues dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française, en application des dispositions de l’article 87 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et de l’article 20 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

En effet, les infractions que ces deux collectivités sont habilitées à créer, dans les matières relevant de leur compétence, par la réglementation qui leur est propre (lois de pays ou délibérations des instances locales), peuvent être assorties de peines d’emprisonnement, sous réserve de respecter la classification des délits et de ne pas excéder le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République.

Les lois organiques précitées, régissant les statuts des deux collectivités territoriales, subordonnent l’applicabilité de ces peines d’emprisonnement à leur homologation par la loi. Tel est donc l’objet de l’article 10.

3. L’habilitation donnée au Gouvernement pour modifier par ordonnance la législation en vigueur à Mayotte (article 9)

L’article 9 du présent projet de loi tient compte de la double accession de Mayotte, à la fois au statut de département, acquis en mars 2011, et à celui de région ultra-périphérique, défini par l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – ce dernier statut étant effectif pour Mayotte au 1er janvier 2014, à la suite de l’accord donné par le Conseil européen le 11 juillet 2012.

Ce double statut suppose, en effet, une poursuite de l’adaptation du droit à Mayotte, à la fois pour prolonger la départementalisation dans un certain nombre de domaines et pour mettre en conformité les normes applicables dans ce territoire avec la réglementation européenne.

L’article 9 du projet de loi prévoit donc de modifier diverses dispositions applicables à Mayotte par ordonnances. Il constitue une habilitation législative qui se conforme aux prescriptions de l’article 38 de la Constitution concernant la durée de l’habilitation et les domaines concernés.

Les délais fixés par l’article 9 pour la durée de l’habilitation et la ratification des ordonnances sont les suivants : les ordonnances devront être prises dans un délai de dix-huit mois après la promulgation de la présente loi ; le dépôt du projet de loi de ratification de chaque ordonnance devra intervenir dans un délai de six mois suivant la publication de l’ordonnance.

S’agissant des domaines concernés par l’habilitation, il est prévu que les ordonnances interviendront dans quatre secteurs :

- les dispositions de l’ordonnance n° 2003-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte ;

- les dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à l’adoption, à l’allocation personnalisée d’autonomie et à la prestation de compensation du handicap ;

- la législation relative à la couverture des risques vieillesse, maladie, maternité, invalidité et accidents du travail, aux prestations familiales ainsi qu’aux organismes compétents en la matière ;

- la législation du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

4. La ratification de vingt-six ordonnances concernant Mayotte et les COM (article 11)

L’article 11 du projet de loi prévoit la ratification, dans le respect des délais prévus, soit par l’article 74-1 (second alinéa) de la Constitution, soit par les différents textes d’habilitation, de vingt-six ordonnances, prises au titre de l’article 38 ou 74-1 (premier alinéa) de la Constitution et concernant les départements et les collectivités d’outre-mer.

Pour la présentation au Parlement des ordonnances à ratifier, l’article 11 du projet de loi se partage en trois sections distinctes (la quatrième section de l’article 11 concernant des changements de références dans le code de la construction et de l’habitation applicable à Mayotte pour tenir compte de la refonte du code du travail dans ce département, refonte intervenue après la mise en œuvre du code de la construction mais qui vise certains de ses articles).

La section I prévoit la ratification de cinq ordonnances prises sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution.

Il convient de rappeler que cet article ne vise que les collectivités d’outre-mer et qu’il précise que le Gouvernement, dans les domaines qui restent de la compétence de l’État, peut, par ordonnances, soit étendre aux COM des dispositions de nature législative en vigueur en métropole, soit adapter des dispositions de nature législative en vigueur dans les collectivités. Les ordonnances de l’article 74-1 doivent impérativement être ratifiées dans un délai de dix-huit mois suivant leur publication, sauf à devenir caduques.

S’agissant des cinq ordonnances prises au titre de l’article 74-1 de la Constitution, les textes concernés sont les suivants :

- l’ordonnance du 8 juillet 2011 relative à la répression du dopage en Nouvelle-Calédonie,

- l’ordonnance du 22 juillet 2011 relative à la mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin,

- l’ordonnance du 22 décembre 2011 portant adaptation du code monétaire et financier et du code des douanes à Saint-Barthélemy,

- l’ordonnance du 23 mars 2012 portant adaptation de l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna,

- l’ordonnance du 18 avril 2012 portant extension et adaptation à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie de dispositions du code de la santé publique.

La section II prévoit la ratification de six ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution à partir de diverses habilitations législatives.

Ces ordonnances prises au titre de l’article 38 de la Constitution sont les suivantes :

- l’ordonnance du 8 juillet 2011 relative à l’adaptation à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte de la loi du 28 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services,

- l’ordonnance du 22 juillet 2011 relative à la protection et à la mise en valeur des terres agricoles dans les départements d’outre-mer, dans le département de Mayotte et à Saint-Martin,

- l’ordonnance du 20 octobre 2011 portant extension et adaptation des dispositions relatives au crédit immobilier et au prêt viager hypothécaire en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et à la fourniture de services financiers à distance dans ces collectivités et à Wallis-et-Futuna,

- l’ordonnance du 15 décembre 2011 portant extension de la loi du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna (cette ordonnance, outre l’extension de la loi précitée, prévoyant aussi des dispositions législatives sur la profession d’avocat),

- l’ordonnance du 18 avril 2012 portant extension et adaptation à Wallis-et- Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française des dispositions de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique,

- l’ordonnance du 4 mai 2012 portant extension et adaptation de la stratégie nationale pour la mer et le littoral dans les COM.

Enfin, la section III concerne spécialement Mayotte. Elle prévoit la ratification de quinze ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution à partir d’une habilitation législative unique, l’article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte.

Ces ordonnances ont pour objet, dans le cadre du processus de départementalisation de Mayotte, de rapprocher, dans un certain nombre de domaines, les règles applicables dans ce nouveau département avec celles qui sont en vigueur en métropole ou dans les autres départements d’outre-mer. Les ordonnances, soit étendent la législation concernée dans une mesure et selon une progressivité adaptées aux caractéristiques et contraintes particulières à Mayotte, soit adaptent le contenu de cette législation à ces caractéristiques et contraintes particulières, soit procèdent aux deux opérations à la fois.

Ces quinze ordonnances concernent : le contrat unique d’insertion ; le revenu de solidarité active ; l’application du code général des collectivités territoriales ; la sécurité sociale ; l’aide juridique ; le service public de l’électricité ; l’adaptation du code de la construction et de l’habitation, ainsi que celle de diverses lois relatives au logement ; l’application du code de commerce ; le statut de la copropriété des immeubles bâtis ; l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et l’accélération des procédures d’indemnisation ; la réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; l’application du code de l’action sociale et des familles ; l’adaptation du code de l’urbanisme ; l’extension et l’adaptation du code du travail ; l’adaptation du code rural et de la pêche maritime ; et enfin l’extension de différentes mesures concernant la fonction publique.

L’ensemble de ces mesures doit permettre à Mayotte de disposer désormais d’un niveau de réglementation assez proche de celui de tous les autres départements d’outre-mer.

Le Sénat a examiné le texte au cours de la séance du 26 septembre 2012. Le rapporteur se propose de faire ici le point sur les modifications que les sénateurs ont apportées au texte initial.

D. LES APPORTS DU SÉNAT SUR LES DIFFÉRENTS ARTICLES DU PROJET DE LOI

Globalement, les apports du Sénat sur les différents articles du projet de loi sont les suivants :

1. Une nouvelle rédaction des premiers articles du premier chapitre du projet

Le Sénat a adopté une nouvelle rédaction pour les articles 1er, 2 et 3 du projet et a introduit un nouvel article 2 bis de conséquence.

À l’article 1er, la nouvelle rédaction permet de viser l’ensemble des étapes constitutives des marchés de gros, c’est-à-dire l’acheminement, le stockage et la distribution. Par ailleurs, le champ d’application des décrets en Conseil d’État a été étendu à la « gestion des facilités essentielles », ce qui permet de cibler notamment le marché des carburants.

D’autre part, le dispositif concernant les injonctions de l’Autorité de la concurrence n’est plus prévu à cet article. Il figure, en procédant par renvoi à l’article L. 464-2 du code de commerce, au cinquième alinéa de l’article 2 bis.

À l’article 2, la nouvelle rédaction permet :

- de viser les accords, et non les clauses des contrats commerciaux, ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation : beaucoup de pratiques d’exclusivité correspondent en effet à des situations de fait. L’article du code de commerce auquel est rattachée l’interdiction des clauses exclusives devient désormais l’article L. 420-2, au lieu de l’article L. 420-5 ;

- d’inverser la charge de la preuve : il reviendra à l’entreprise de justifier de l’intérêt d’une clause d’exclusivité pour le consommateur et non aux pouvoirs publics, comme c’était le cas dans la première rédaction du texte, de démontrer que l’exclusivité est dénuée de justification économique ;

- d’intégrer, par souci de clarification formelle, au dispositif de l’article 2 celui de l’article 12 (mise en conformité des accords) pour ne plus faire qu’un seul et même article.

L’article 2 bis est un article de conséquence : il regroupe l’ensemble des dispositions rendues nécessaires par coordination, compte tenu de la nouvelle rédaction des articles 1er et 2.

À noter cependant que l’article 2 bis prévoit aussi (dans son cinquième alinéa) la compétence de l’Autorité de la Concurrence pour juger de la validité des accords ou des contrats comportant une clause d’exclusivité. Le rapporteur se réjouit de cette mesure prise par le Sénat car il souhaitait lui-même l’instauration de ce dispositif (3).

À l’article 3, la nouvelle rédaction permet, outre le précédent dispositif – c’est-à-dire la saisine de l’Autorité de la Concurrence pour toute pratique anticoncurrentielle dont les collectivités territoriales pourraient avoir connaissance –, de donner la faculté à ces mêmes collectivités de saisir l’Autorité pour toute pratique contraire aux mesures de réglementation des marchés de gros.

2. Des conditions d’exercice plus précises pour l’injonction structurelle

Le mécanisme d’injonction structurelle, créé par l’article 5 du projet, a été modifié de la manière suivante :

- le critère de déclenchement de l’action de l’Autorité de la Concurrence a été précisé : seule une pratique effective en matière de prix ou de marges, en comparaison des moyennes observées pour les entreprises comparables du même secteur, pourra conduire à l’utilisation du pouvoir d’injonction structurelle ;

- la procédure pourra aboutir à la cession d’actifs et non pas seulement de surfaces commerciales ;

- les modalités de recours ont été clarifiées. Il est fait renvoi à l’article L. 464-8 du code de commerce qui indique que les parties en cause, après notification des décisions de l’Autorité de la Concurrence, peuvent saisir la Cour d’appel de Paris, puis la Cour de cassation.

3. Le « bouclier qualité prix »

Le nouvel article 6 bis prévoit deux types de dispositions :

- d’une part, la possibilité pour le Gouvernement de réglementer par décret en Conseil d’État, après consultation de l’Autorité de la Concurrence, le prix de vente, dans toutes les collectivités territoriales, des prix des produits de première nécessité ;

- d’autre part, la mise en place –  dans le cadre des dispositifs qui concernent également les observatoires des prix et des revenus – d’une négociation annuelle, entre le représentant de l’État au sein des collectivités territoriales d’outre-mer et les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail, en vue d’aboutir à un accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante. Si aucun accord n’est trouvé dans un délai d’un mois, le préfet pourra alors encadrer le prix global de la liste des produits concernés.

Ce dernier point traduit dans le domaine juridique l’engagement du Président de la République de mettre en place, par la négociation, un « bouclier qualité prix » pour l’outre-mer.

4. Une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance certaines mesures sociales pour Saint-Pierre-et-Miquelon

Le Sénat a introduit un nouvel article 7 bis qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, au titre de l’article 38 de la Constitution, certaines mesures sociales pour Saint-Pierre-et-Miquelon, à savoir l’extension et l’adaptation de la législation applicable en matière d’allocations logement et la modification des attributions et des compétences de la Caisse de prévoyance sociale (CPS).

5. La demande d’une étude en vue de faciliter les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d’outre-mer et ceux des États voisins

Le Sénat a introduit un article 7 bis A émettant le souhait que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er juin 2013, une étude proposant des dispositifs à prendre en vue de faciliter les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d’outre-mer et ceux des États voisins.

Il s’agit là d’un amendement très important. En effet, comme le rapporteur l’avait souligné dans la première partie du présent rapport (4), le coût élevé de la vie outre-mer est lié au poids des produits importés dans les économies locales. Il conviendrait que les collectivités d’outre-mer parviennent à s’ouvrir davantage aux pays qui, géographiquement, leur sont les plus proches, afin de diminuer les coûts de l’importation. Cela suppose, sans doute, de reconsidérer les tarifs douaniers.

6. La création d’un comité de suivi afin d’évaluer l’application de la loi

Le Sénat a créé un autre article 7 bis, le 7 bis B, en vue de créer un comité de suivi chargé d’évaluer l’application de la présente loi.

Ce comité comprend des représentants du Gouvernement, des parlementaires, des élus, des associations et des syndicats locaux.

Il transmet chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux.

7. Les autres modifications

Enfin le Sénat a introduit six modifications dans le dispositif du texte :

- un article 7 bis C indiquant que les conventions d’assistance mutuelle administrative internationale ratifiées par la France s’appliquent à la Polynésie française ;

- une précision au deuxième alinéa de l’article 9 indiquant que l’État est habilité à légiférer par ordonnance, s’agissant des conditions d’accueil et de séjour des étrangers à Mayotte, dans la perspective de la mise en œuvre d’un nouveau visa plus adapté aux contraintes de la pression migratoire ;

- une précision au sixième alinéa de l’article 10 indiquant qu’une homologation demandée par le Gouvernement, s’agissant des peines privatives de liberté en Nouvelle-Calédonie, concerne non seulement l’homologation de la loi de pays n° 2006-10 du 22 septembre 2006 sur le droit du travail, mais aussi un article d’ordonnance servant de fondement à cette loi de pays, à savoir l’article 127-1 de l’ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985;

- une adjonction à l’article 11 exceptant l’application de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française ;

- un article 11 bis qui prévoit que, dans les DOM, les registres du commerce et des sociétés sont tenus par les chambres de commerce et d’industrie ;

- et enfin un article 11 ter qui prévoit qu’à Saint-Barthélemy, le registre du commerce et des sociétés peut être tenu par la chambre économique multi-professionnelle.

III. D’AUTRES AVANCÉES SUR LE TEXTE SONT ENCORE POSSIBLES

À l’issue de l’examen des dispositions du projet de loi et des modifications apportées par le Sénat, il semble possible d’aller un peu plus loin sur certains points : la Délégation aux outre-mer formule cinq propositions qui lui paraissent tout à fait importantes.

A. PRENDRE DES DISPOSITIONS POUR AMÉLIORER PRIORITAIREMENT LE FONCTIONNEMENT DES MARCHÉS DE GROS DES PRODUITS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ

L’article 1er du projet de loi vise les contrôles qui sont susceptibles d’être exercés sur le fonctionnement des marchés de gros en général. Toutefois, compte tenu des situations d’extrême précarité qui peuvent exister dans les départements et les collectivités d’outre-mer, il paraît indispensable que le Gouvernement apporte, dès la promulgation du présent projet de loi, une attention soutenue aux marchés de gros des produits de première nécessité (le riz, l’huile, etc.).

L’Autorité de la Concurrence – dans le cadre de sa compétence générale de conseil du Gouvernement en matière de concurrence qu’elle tire de l’article L. 462-1 du code de commerce – pourrait apporter, en ce domaine, des éclairages précieux pour remédier aux dysfonctionnements les plus manifestes. Il pourrait donc être très utile qu’elle remette, dans les six mois suivant la date de publication de la présente loi, un rapport sur cette question au Gouvernement, afin de servir de base à son action future.

Proposition 1 : Il convient d’apporter une attention toute particulière aux dysfonctionnements des marchés de gros des produits de première nécessité. L’Autorité de la Concurrence pourrait remettre au Gouvernement un rapport sur cette question, dans les six mois suivant la date de publication de la présente loi.

B. PRÉVOIR UNE AMENDE EN CAS D’ABSENCE DE MISE EN CONFORMITÉ DES ACCORDS COMMERCIAUX EN COURS PRÉVOYANT UNE CLAUSE D’EXCLUSIVITÉ D’IMPORTATION

L’article 2 du projet de loi prévoit que les contrats ou les accords commerciaux en cours qui disposeraient de clauses d’exclusivité d’importation et qui ne seraient pas conformes à la réglementation édictée par le texte doivent être mis en conformité dans un délai de quatre mois à l’issue de la date de promulgation de la loi.

Il pourrait être utile qu’en cas de non respect de ces prescriptions, une amende puisse être infligée. L’Autorité de la Concurrence pourrait être chargée de cette sanction, dans les conditions prévues par l’article L. 464-2 du code de commerce.

Proposition 2 : Les contrats ou accords en cours qui ne seraient pas conformes aux dispositions de l’article L. 420-2-1 du code de commerce (clauses d’exclusivité d’importation) et qui n’auraient pas été mis en conformité dans les quatre mois qui suivent l’entrée en vigueur de la présente loi doivent donner lieu à une amende acquittée par les parties. L’Autorité de la Concurrence sera l’instance chargée d’infliger cette sanction, dans les conditions prévues par l’article L. 464-2 du code de commerce.

C. AMÉLIORER L’INFORMATION DES CONSOMMATEURS EN CAS D’INJONCTION DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE SUR LE FONCTIONNEMENT DES MARCHÉS DE GROS

L’article 1er du projet de loi dispose que le Gouvernement peut, au titre du nouvel article L. 410-3 du code de commerce qu’il institue, prendre des mesures de réorganisation des marchés de gros, en cas de dysfonctionnements criants en matière de concurrence.

Si les entreprises, après la publication par le Gouvernement des décrets permettant cette réorganisation, conservent des pratiques contraires à ces mesures, l’Autorité de la Concurrence, aux termes de l’article 2 bis du projet, peut leur enjoindre de mettre fin à ces pratiques, dans les conditions prévues par le premier alinéa de la section I de l’article L. 464-2 du même code.

Ces injonctions peuvent déboucher sur une sanction pécuniaire en application des articles L. 464-2 (deuxième alinéa et suivants) et L. 464-3 du code de commerce.

Toutefois, cette sanction pécuniaire n’a aucun caractère d’automaticité.

Il en va de même pour la publication de cette sanction pécuniaire, la possibilité de donner une publicité à la condamnation étant prévue par le cinquième alinéa de l’article L. 464-2 du code de commerce.

Or, il pourrait être très dissuasif – et par conséquent très utile pour lutter contre la « vie chère » – de prévoir que les textes des injonctions adressées aux entreprises par l’Autorité de la Concurrence, dans le cadre de la réglementation spécifique propre aux marchés de gros outre-mer, soient automatiquement publiés, aux frais des entreprises fautives, dans la presse quotidienne locale.

Cette obligation de publication serait elle-même assortie d’une amende en cas de non respect.

L’obligation de publication pourra être de nature à rendre les entreprises vertueuses en matière de concurrence, par crainte d’une mauvaise publicité pouvant affecter leur image commerciale.

D’autre part, si les consommateurs sont informés, ils pourront, pour des produits ou des gammes de produits qui ne font pas l’objet de monopoles, acheter en toute connaissance de cause et faire jouer la concurrence.

Proposition 3 : Les entreprises ou groupements d’entreprises ayant fait l’objet d’une injonction de l’Autorité de la Concurrence en raison de pratiques contraires aux mesures prises en application de l’article L. 410-3 du code de commerce doivent rendre publique cette injonction en la publiant dans la presse quotidienne locale. En cas de non exécution de cette publication, l’Autorité de la Concurrence peut prononcer à leur encontre une sanction pécuniaire dans les limites fixées par l’article L. 464-2 du code de commerce.

D. AMÉLIORER L’INFORMATION DES USAGERS SUR LE COÛT DE L’ITINÉRANCE

Les communications envoyées depuis les départements et les collectivités d’outre-mer en direction de la métropole ou depuis la métropole en direction des pays ultramarins font l’objet d’une surfacturation appelée « roaming » ou itinérance.

L’application du règlement (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union aura pour effet, à terme, de diminuer les tarifs de l’itinérance dans la mesure où ceux-ci sont plafonnés à 17 centimes d’euros à horizon de 2013-2014.

Néanmoins, les tarifs actuellement en vigueur restent élevés (35 centimes d’euro par minute).

Dans l’immédiat, il importe donc que les utilisateurs soient bien informés sur les coûts de leurs communications téléphoniques. Il importe aussi qu’ils puissent comparer les prix entre opérateurs et qu’ils puissent comparer l’évolution réelle des coûts au regard des engagements de baisse des prix ayant pu être annoncés parfois par certaines sociétés de téléphonie.

D’où la proposition suivante qui souhaite établir une obligation d’information sur les tarifs de l’itinérance en faveur des DOM (pour les COM, la diversité des situations, au regard des opérateurs, fait que la mesure proposée ne pourrait pas nécessairement être applicable à tous les territoires).

Proposition 4 : - Les opérateurs de téléphonie fixe et mobile opérant en France métropolitaine et ceux opérant dans les départements d’outre-mer devront informer chaque année les utilisateurs sur les tarifs d’itinérance applicables à leurs communications. Cette information s’effectuera à l’occasion de l’envoi d’une facture mensuelle.

- En cas de modification des tarifs d’itinérance intervenant en cours d’année, les opérateurs devront en informer les utilisateurs au cours des deux mois suivant l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs. Cette information s’effectuera également à l’occasion de l’envoi d’une facture mensuelle.

E. FAIRE BAISSER LE PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ À WALLIS-ET-FUTUNA

Le coût de l’électricité est extrêmement élevé dans les îles de Wallis-et-Futuna. Cette situation provient du fait que l’électricité est produite sur place à partir du pétrole. Par ailleurs, les îles de Wallis-et-Futuna ne bénéficient pas des transferts du Fonds national de péréquation institué par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz et alimenté par des prélèvements sur les recettes des organismes de distribution d’énergie électrique. De la sorte, le coût de l’électricité à Wallis-et-Futuna est six fois plus élevé que dans la métropole ou au sein des collectivités qui bénéficient du fonds de péréquation.

Du fait de cette situation, les difficultés sont très nombreuses à Wallis-et-Futuna :

- Tout d’abord, l’ensemble du tissu des PMI et PME répercute ces coûts élevés sur le prix des produits ou des services ;

- D’autre part, compte tenu du fait que 85 % des habitants des îles Wallis-et-Futuna ne disposent pas d’un revenu fixe, le nombre de foyers équipés d’un compteur électrique est très peu élevé : on dénombre moins de 4 000 utilisateurs pour une population totale de 13 445 habitants (au recensement de 2008).

- Enfin, cette situation est facteur d’une sorte de désertification : les ressortissants, jeunes et moins jeunes, partent s’établir en d’autres lieux, notamment en Nouvelle-Calédonie où la population issue des deux îles est 2,5 fois plus importante que celle de Wallis-et-Futuna elle-même.

Il serait donc souhaitable que le Gouvernement réglemente le secteur de l’électricité à Wallis-et-Futuna, comme cela a été fait à Mayotte avec l’adoption de l’ordonnance n° 2012-510 du 18 avril 2012 portant adaptation de la législation relative au service public de l’électricité dans le département de Mayotte, ordonnance dont le présent projet de loi prévoit la ratification.

Proposition 5 : Habiliter le Gouvernement, au titre de l’article 38 de la Constitution, à légiférer par ordonnance, dans les dix-huit mois suivant la publication de la présente loi, sur l’approvisionnement et le coût de l’électricité dans les îles de Wallis-et-Futuna.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux outre-mer s’est réunie le mardi 25 septembre 2012, puis le mardi 2 octobre 2012, pour examiner le projet de loi.

Compte rendu de la réunion du 25 septembre 2012

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver après l’interruption d’été.

J’ai souhaité que la Délégation se saisisse du texte, actuellement déposé au Sénat, relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer. J’ai saisi le Président de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale en ce sens, M. François Brottes. Celui-ci a apporté une réponse favorable à la saisine.

Je demande donc à la Délégation de bien vouloir me faire l’honneur de me désigner comme rapporteur.

M. Jean-Claude Fruteau, Président de la Délégation aux outre-mer, est désigné rapporteur à l’unanimité.

Je vous remercie vivement pour cette marque de confiance.

D’ores et déjà, je suis en mesure de donner à la Délégation les informations suivantes sur le texte :

- Les articles 1 et 2 visent le commerce de gros. Il est prévu que le Gouvernement pourra légiférer par décret, après avis de l’Autorité de la concurrence, pour règlementer les secteurs et tenter de ramener de bonnes pratiques concurrentielles. Les clauses exclusives d’importation seront interdites dans les contrats, sauf à ce qu’elles apportent des avantages objectifs certains en termes d’approvisionnement.

- L’article 3 permet aux collectivités territoriales d’outre-mer de saisir l’Autorité de la concurrence de toute pratique anticoncurrentielle constatée dans leurs territoires respectifs.

- L’article 4 vise la grande distribution. Il diminue les seuils de concentration en outre-mer, pour que l’Autorité de la concurrence puisse surveiller toutes les opérations de concentration des entreprises visant à permettre de dégager un chiffres d’affaires de 5 M€ et plus. L’Autorité de la concurrence pourra ainsi contrôler toutes les opérations aboutissant à créer des surfaces de vente supérieures à 600 m² (600 m² donnent un chiffre d’affaires de 5 M€, sur la base d’un chiffre d’affaires réaliste de 8 000 à 9 000 € le m²).

- L’article 5 confie à l’Autorité de la concurrence un pouvoir d’injonction structurelle en matière de grande distribution.

- L’article 6 s’efforce d’obtenir une diminution du coût de l’itinérance téléphonique en imposant que le coût de l’itinérance outre-mer soit aligné sur les plafonds prévus par la réglementation européenne.

- L’article 7 habilite le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires par ordonnances pour l’application de ces différents dispositifs à Wallis-et-Futuna.

- L’article 8 permet aux collectivités territoriales d’outre-mer de ne plus engager de financement minimal pour les projets cofinancés avec l’Etat pour lesquels elles disposent de la maîtrise d’ouvrage (jusqu’alors, le taux minimal de cofinancement était de 20%).

- L’article 9 autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour poursuivre la départementalisation à Mayotte.

- L’article 10 prévoit l’homologation des peines privatives de liberté prévues dans la réglementation locale de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.

- L’article 11 invite le Parlement à ratifier un certain nombre d’ordonnances d’extension et de transposition du droit national à Mayotte et aux COM.

- l’article 12, enfin, dispose que les contrats contenant des clauses exclusives d’importation disposent de quatre mois, à compter de l’adoption de la présente loi, pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation.

Ce texte, comme tous les textes, est bien sûr susceptible de comporter des améliorations et, au regard du dispositif que je viens de vous présenter, il sera naturellement possible de déposer des amendements. Nous sommes là pour avoir un échange de vues sur cette question. Ensuite, au cours de la seconde partie de notre réunion, nous examinerons également notre futur programme de travail.

Nous avons la chance de compter parmi nous les deux rapporteurs désignés pour assurer le suivi du texte en commission, Mme Ericka Bareigts pour la commission des Affaires économiques et M. Bernard Lesterlin pour la commission des Lois. Je leur donne la parole immédiatement.

Mme Ericka Bareigts. Je voudrais souligner l’importance et l’urgence de ce projet de loi.

Depuis maintenant plusieurs années, une souffrance s’est exprimée, parfois de manière violente, dans tous les départements et les territoires d’outre-mer autour de la problématique de la « vie chère ». En effet, la cherté de la vie que l’on constate dans nos pays érode les revenus disponibles des ménages et ralentit considérablement les économies locales. Le résultat en est que la production est limitée et que tous les indicateurs économiques et sociaux sont au rouge. Nos revenus sont inférieurs de 38 % au revenu médian national. Le PIB des territoires ultramarins est deux fois inférieur à celui de la nation. D’autre part, 52 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté.

Le calendrier d’adoption du projet de loi est très serré, mais les pays d’outre-mer attendent vraiment une initiative des pouvoirs publics, je dirais même en termes de survie. Car les minima sociaux, compte tenu de l’inflation, ne sont plus que des ressources érodées, permettant à peine de subsister. Je rappellerai que les prix de la santé, par exemple, ont augmenté de 20% en quelques années.

Face à cette situation, la démarche adoptée par le projet de loi est innovante. Jusqu’à présent, les pouvoirs publics prenaient des mesures au coup par coup, en fonction des territoires. Maintenant, avec le dispositif du projet de loi, on s’attaque aux racines du mal. On intervient directement en amont dans la chaîne de formation des prix.

La démarche est aussi ambitieuse : on pense modifier durablement et favorablement le système économique et social des départements et des collectivités d’outre-mer. Bien sûr, pour cela, il faudra du temps. Mais un mécanisme aura été initié, portant sur tous les périmètres de la vie chère.

M. Bernard Lesterlin. Avec ce projet de loi, nous nous trouvons en effet dans le cadre d’un calendrier contraint, contraint aussi bien par les délais imposés par le Gouvernement pour l’adoption du texte que par nos propres obligations. En même temps, il est vrai qu’il y a une forte urgence, cette urgence étant liée aux crises qui sont déjà intervenues outre-mer à cause de la vie chère.

La commission des Lois, saisie pour avis, est concernée par les articles 1 à 5 du projet et aussi par les articles plus particulièrement juridiques portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, notamment l’article 8 sur le financement des investissements des collectivités territoriales, l’article 10 sur l’homologation des lois de pays ou des délibérations locales concernant les peines privatives de liberté, et l’article 11 qui vise la ratification des ordonnances pour la poursuite de la départementalisation à Mayotte.

Au titre de la commission des Lois, je procéderai à des auditions le 1er et le 2 octobre. Le texte sera ensuite examiné par la commission des Lois le 3 octobre, qui se prononcera sur les amendements dont elle aura été saisie. À cette occasion, je pourrai être le relais de tous les membres de la Délégation pour tout ce qui aura trait aux articles du projet entrant dans le champ de la saisine de la commission.

Avec Mme Bareigts, nous serons très attentifs au contenu du texte adopté par le Sénat qui va, bien évidemment, modifier le projet de loi initial.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Je vais donner maintenant la parole aux membres de la Délégation pour qu’ils puissent faire part de leurs observations sur le texte.

M. David Vergé. Je voudrais attirer l’attention de la Délégation sur la situation de l’électricité dans les îles de Wallis-et-Futuna. Ces deux îles ne perçoivent pas les transferts du fonds national de péréquation institué en 1946 pour un certain nombre de collectivités tant métropolitaines qu’ultramarines. D’autre part, compte tenu de leur situation géographique, ces îles n’ont actuellement d’autres possibilités, pour produire de l’électricité, que de recourir au pétrole. Par suite, le coût de l’électricité à Wallis-et-Futuna est quatre fois plus élevé que dans toutes les autres collectivités territoriales. La conséquence en est que le nombre de foyers équipés d’un compteur électrique est à peine de 5 000 pour une population qui avoisine les 14 000 habitants. Les autres foyers n’ont pas l’électricité, ni même bien souvent l’eau courante. En effet, 85 % des habitants de Wallis-et-Futuna ne disposent pas de revenus fixes. Très fréquemment, la population survit donc en pratiquant le troc. Ces phénomènes sont dramatiques et il est indispensable d’assurer un minimum de dignité de vie aux ressortissants de ces îles. Telle est la raison pour laquelle, dans le cadre du projet de loi, je propose qu’un amendement soit déposé incitant le Gouvernement à agir sans tarder, par exemple par la voie d’une ordonnance, pour améliorer l’approvisionnement et le prix de l’électricité à Wallis.

Mme Florence Delaunay. Je m’interroge sur trois points concernant le projet de loi : les dispositions du premier chapitre ne s’appliquent-elles qu’à l’outre-mer ? La baisse du seuil des concentrations n’est-elle pas de nature à empêcher de nouveaux commerces de s’installer outre-mer ? L’injonction structurelle n’est-elle pas un peu dangereuse ?

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Je vous confirme que le texte ne s’applique qu’à l’outre-mer. La baisse du seuil des concentrations vise surtout les très grandes surfaces ; elle ne devrait pas avoir d’effets négatifs sur le commerce de détail quand ce dernier conserve des surfaces de vente de moins de 600 m². De même, l’injonction structurelle concerne les situations fortement dégradées du point de vue de la concurrence. Certes, ses conditions d’application pourraient être davantage précisées, mais elle ne peut pas porter préjudice au commerce de petite et de moyenne importance.

M. Serge Janquin. Je suis un élu métropolitain, mais je suis très sensible à la détresse exprimée par les départements et les collectivités d’outre-mer. Je suis tout à fait favorable aux dispositions de ce texte visant à agir sur le mécanisme de formation des prix et, après le vote du texte, je pense qu’il faudra surveiller avec attention les décrets d’application afin de s’assurer que le caractère « opérationnel » de la loi est bien conservé. Sur les dispositions de l’article 8, j’ai cependant une réserve. On sait bien qu’en matière d’investissements s’applique le vieil adage « qui paie commande ». Si les collectivités territoriales d’outre-mer ne participent plus du tout financièrement à la mise en place des projets qui les concernent, il est à craindre qu’à terme on n’assiste à une certaine dépossession de ces dernières au profit de l’État. Je serais donc plutôt favorable à ce que les collectivités conservent une participation obligatoire de 10%, sauf pour certaines charges spécifiquement définies : l’éducation, la formation, l’aménagement économique…

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Il y a là matière à un vrai débat et il s’agit, d’ailleurs, d’un débat nécessaire. Vous avez raison, M. Janquin, il faut impérativement éviter que les collectivités territoriales d’outre-mer ne soient dépossédées de la maîtrise de leurs projets. Mais, en même temps, il faut bien voir que nous sommes actuellement confrontés à une situation où la majeure partie d’entre elles ne dégage aucune marge d’autofinancement. Par suite, les projets marquent le pas et les collectivités ne reçoivent ni les financements de l’État, ni ceux de l’Union européenne.

M. Serge Letchimy. Je suis également tout à fait favorable à ce texte proposé par le Gouvernement. J’estime qu’il constitue un signe vraiment encourageant et qu’il manifeste le souci des pouvoirs publics d’aller de l’avant, dans l’intérêt de l’outre-mer.

Depuis 2009, on s’est aperçu qu’on vivait une situation de rupture dans le domaine de la concurrence. Les oligopoles et les monopoles se sont considérablement renforcés. Les économies ultramarines sont devenues des économies d’importation, presque des économies de comptoirs. Par ailleurs, le financement des économies des pays ultramarins est devenu tellement faible qu’on peut tout aussi bien dire qu’il est en panne.

Il fallait avoir une démarche volontariste pour sortir de cette impasse, ce qui justifie pleinement le projet de loi. Il ne faut pas dire que ce texte institue une police économique : il s’agit d’un projet de loi visant à la régulation des différents secteurs de la distribution, à sortir du protectionnisme et à relancer l’économie en maîtrisant les coûts. De même, il ne faut pas dire qu’il s’agit, par ce projet, de stigmatiser les grandes surfaces. La lutte contre les monopoles ne s’identifie pas au simple contrôle des enseignes.

Le texte, néanmoins, n’est qu’un premier pas. D’abord, l’importation massive est un schéma de consommation. Le poids des comportements est très important et, si l’on n’y prend pas garde, les habitudes anciennes peuvent faire disparaître toute la rigueur du projet de loi. D’autre part, le texte ne peut pas aller seul et, tout de suite, il lui faut des mesures d’accompagnement. Il faut décentraliser les approvisionnements. Il faut favoriser le développement local. Il faut aussi inciter les pouvoirs publics à proposer très vite au Parlement un projet de loi spécifique sur l’agriculture outre-mer.

Si l’on entre plus dans le détail du projet de loi, il apparaît que l’article 1er sur la réglementation du commerce de gros est très intéressant. Il faudrait qu’il contribue, notamment, à la maitrise du prix de l’essence, ce qui est loin d’être facile.

L’article 5 sur l’injonction structurelle dans le commerce de détail est aussi excellent. Il introduira de la rigueur dans l’organisation des marchés. Il faudrait juste bien vérifier qu’il n’y a pas de problème constitutionnel et qu’il ne porte pas atteinte de manière trop rigoureuse à la liberté du commerce et de l’industrie.

L’article 6 sur l’itinérance téléphonique me paraît également pertinent. L’itinérance est un vrai problème pour les budgets des ménages d’outre-mer.

Enfin, l’article 8 qui supprime les 20 % de cofinancement minimal pour les collectivités territoriales d’outre-mer est, lui aussi, très positif : il met fin à une grande difficulté, celle du manque d’autofinancement des collectivités. Jusqu’à présent, il a bien fallu reconnaître que la République manquait d’idées pour l’outre-mer. Introduire un financement à 100 % de l’État est une mesure de justice et aussi une mesure de relance. Elle contribuera à la relance des projets et de l’économie ultramarine.

M. Jean-Jacques Vlody. L’outre-mer constitue un ensemble de situations particulières. Le défi consiste à trouver un cadre commun où chacun puisse se retrouver. D’autre part, indépendamment de la question des statuts et de l’adaptation des règles de droit aux spécificités locales, de nombreux problèmes se font jour actuellement pour les territoires d’outre-mer, problèmes qui sont difficiles à résoudre pour huit situations différentes : le financement des collectivités, le prix de l’électricité, celui des carburants, la formation des prix, la question de l’agriculture… La Délégation aux outre-mer peut aider à définir des solutions. Mais comment va-t-on travailler ?

M. le Président Jean-Claude Fruteau. S’agissant de la méthodologie, je vous indique que la Délégation ne se substituera pas à une commission. Pour le reste, le travail de la Délégation sera un peu ce que l’on en fera. Il s’identifiera certainement à un rôle de lobbying. Nous saisirons le ministre de tout ce qui nous paraîtra important. En ce qui concerne la question de l’agriculture, je place d’ores et déjà ce sujet au nombre des thèmes de travail qui seront retenus par la Délégation.

M. Philippe Gomes. Dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, je voudrais faire du lobbying au nom de l’ensemble de mes collègues du Pacifique !

Nous venons de participer à la discussion de deux projets de loi : celui sur les emplois d’avenir et celui sur le logement social. Malheureusement, dans les deux cas, soit les COM ne sont pas concernés (le logement social), soit c’est le Pacifique qui est oublié (les emplois d’avenir). Nous voudrions bien voir s’inverser cette tendance, afin que, désormais, chaque projet de loi comporte des volets prenant en compte l’outre-mer, y compris le plus lointain.

En revanche, il convient de saluer la mesure qui a créé, au sein du cabinet de chaque ministère, un référent outre-mer. C’est une excellente initiative, même si sa mise en œuvre est actuellement « en rodage ».

Pour en revenir maintenant au projet de loi sur la « vie chère », le texte n’est pas applicable à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, sauf la disposition de l’article 10 sur les peines privatives de liberté. Les élus du Pacifique déposeront certainement un amendement technique sur cet article.

D’autre part, nous voudrions que les frais bancaires fassent l’objet d’un plafonnement. Les frais bancaires, en effet, sont en moyenne deux ou trois fois plus élevés outre-mer par rapport à leur niveau en métropole. Nous voudrions, par exemple, que les tarifs des douze opérations les plus classiques liées à un compte bancaire et définies dans le code monétaire et financier soient plafonnés, sur la base des tarifs bancaires pratiqués en métropole.

Enfin, nous souhaiterions déposer aussi un amendement qui prévoit que, pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, un opérateur possédant plus de 50 % de parts de marché a l’obligation de céder tout ou partie de ses surfaces de vente ou de ses actifs, afin d’éviter qu’il ne se retrouve en situation de position dominante.

M. Ibrahim Aboubacar. Je voudrais insister sur le fait qu’en dépit des difficultés éventuelles que pourrait poser l’application du projet de loi, quand ce dernier sera adopté, ou même la constitutionnalité de certaines mesures, ce texte est indispensable pour répondre à un certain nombre de problèmes, très sensibles, qui se posent dans les départements et les collectivités d’outre-mer, et tout particulièrement à Mayotte. Je rappellerai que, dans ce nouveau département, le prix de la bouteille de gaz, par exemple, jusqu’à la semaine dernière, s’élevait à 35 €. C’est une décision spécifique du Préfet qui vient de ramener ce prix à 26 €. Il s’agit là d’une situation très difficile à supporter pour tous les habitants du territoire et, si l’on ne veut pas voir le retour de la violence à Mayotte - nous sortons de 45 jours de grève – il convient d’apporter des solutions concrètes. De ce point de vue, le texte du Gouvernement apporte de la visibilité. On voit que les pouvoirs publics ne veulent pas rester seulement en position de spectateurs, comme c’était souvent le cas avant le changement de majorité au Parlement, mais qu’ils veulent se doter d’instruments pour agir.

Pour revenir à l’article 8 du projet de loi et à la suppression de l’obligation de cofinancement des investissements par les collectivités territoriales d’outre-mer, je pense qu’il s’agit d’une bonne mesure. À Mayotte, par exemple, le contrat de projet entre collectivités est devenu caduque, par suite du manque de financement local. Le plan de relance, qui était associé à la contractualisation, n’a pas pu entrer non plus en vigueur à cause de différents problèmes de nature juridique. Le projet de loi pourrait contribuer à débloquer les choses en ce domaine : en attendant le redressement espéré des collectivités territoriales d’outre-mer d’ici deux ans, l’article 8 permet de ne pas faire l’impasse sur les crédits nationaux, et même européens.

Enfin, l’article 9 du projet de loi, qui prévoit notamment l’extension par ordonnances à Mayotte, avec les aménagements nécessaires, des normes européennes en matière d’entrée et de séjour des étrangers devra donner lieu à une discussion précise.

Mme Ericka Bareigts. Pour répondre à M. Vlody, il me semble que le projet de loi est suffisamment simple, large et englobant pour avoir des implications dans chaque territoire. En plus, la loi s’appliquera à l’ensemble des filières. Elle peut même s’appliquer aux loyers : en effet, là comme ailleurs, on constate un surcoût de 20 % par rapport à la métropole.

Par ailleurs, ce projet de loi débute un processus et, en cela, il est capital : c’est le début de l’attention portée à l’outre-mer. Après ce texte, il y aura des mesures sur l’agriculture, qui est un secteur important outre-mer, et, je l’espère, sur la transition énergétique, qui est également un problème sensible pour les territoires ultramarins. C’est ainsi que la loi ouvre les marchés, mais qu’elle ouvre aussi une démarche qui va toucher de multiples secteurs.

M. Jean-Paul Tuaiva. Je souhaite confirmer, en tant qu’élu de la Polynésie française, les propos tenus par mes collègues de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. On a un peu l’impression qu’il y a deux outre-mer, et que le Pacifique a vraiment du mal à s’intégrer aux dispositifs prévus par les lois de la République. Par exemple, pour les emplois d’avenir, et aussi pour le recrutement de nouveaux postes d’enseignants, il est difficile de comprendre pourquoi les mesures prévues au niveau national ne s’appliquent pas à la Polynésie française. Nous allons d’ailleurs rencontrer le ministre de l’Économie et des Finances, M. Michel Sapin, pour évoquer avec lui ces deux questions.

S’agissant de la régulation économique, il s’agit d’une compétence attribuée, du fait du statut, aux délibérations locales et aux lois de pays ; cependant, dans notre démarche de mise en conformité, nous aurions certainement besoin d’une assistance technique pour accompagner la mise en place, localement, de tout ou partie des mesures.

Enfin, nous nous félicitons de la constitution de la Délégation. Nous souhaitons nous appuyer sur elle pour que, chaque fois qu’un sujet sera évoqué, elle en soit systématiquement saisie s’il y a des conséquences pour les collectivités que nous représentons.

M. Daniel Gibbes. Je suis tout à fait d’accord avec tout ce qui vient d’être dit et je félicite le Gouvernement d’avoir pris la décision de déposer ce projet de loi, même si la démarche, en vue de l’adopter, paraît un peu précipitée.

Pour la mise en œuvre des mesures de cette loi, après sa promulgation, je crains que ne surgissent des difficultés liées à l’autonomie des statuts des différentes collectivités d’outre-mer. Les collectivités d’outre-mer se trouvent, en effet, souvent placées face à une dichotomie : d’un côté, elles ont des dispositions statutaires et elles doivent passer par leur propre réglementation pour appliquer les textes nationaux. De la sorte, des blocages locaux peuvent parfois apparaître, dus à des questions juridiques ou à la spécificité des territoires. D’un autre côté, la solidarité nationale ne s’exerce que si les textes nationaux sont appliqués. Les problèmes statutaires peuvent ainsi s’avérer très délicats.

J’insiste sur l’importance des situations locales. Par exemple, si l’on applique le présent projet de loi à Saint-Martin, cela veut dire que tous les entrepreneurs vont partir s’installer dans la partie hollandaise de cette île. On ne gagnera rien à l’application du texte et la cherté de la vie ne fera que perdurer.

Je me félicite de la création de la Délégation aux outre-mer qui pourra constituer, à l’avenir, un observatoire utile pour toutes les questions concernant les territoires ultramarins.

Immédiatement, je vois trois problèmes qui sont vraiment très prégnants outre-mer et dont la Délégation pourrait se saisir : la question de la continuité numérique, celle du renchérissement du coût des billets d’avion et celle des charges des entreprises. Sur ce dernier point, il faut observer qu’à Saint-Martin, par exemple, le salaire le plus bas, attribué dans la partie hollandaise de l’île, s’élève à 500 dollars mensuels. Les entreprises, du côté français, ne peuvent pas rivaliser.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Il est vrai qu’avec la mise en place de la Délégation aux outre-mer, nous souhaitons attirer l’attention des pouvoirs publics sur les spécificités des problèmes qui se posent dans les pays ultramarins. Il existe d’ailleurs – ne nous y trompons pas – des problèmes qui sont très difficiles à résoudre et il serait vain de prétendre avoir réponse à tout. Cette Délégation constituera le lieu où nous pourrons apprendre à connaître nos différentes réalités et à échanger aussi avec les élus de l’hexagone. Nos observations devront remonter, à mesure, au Gouvernement. Pour ma part, je m’y emploierai.

M. Bernard Lesterlin. Je m’attacherai aussi, au moins dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, à faire en sorte que nous nous comprenions tous.

L’objectif clairement affiché du texte, c’est de s’attaquer, enfin, aux causes structurelles de l’inflation outre-mer. Les phénomènes de structure sont en effet essentiels dans les économies ultramarines et c’est en les modifiant que l’on pourra aller de l’avant. C’est ainsi que notre collègue, M. Vergé, s’agissant de l’approvisionnement et du coût de l’électricité à Wallis-et-Futuna, en appelle à l’intervention du fonds national de péréquation créé par la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. Il est vrai que dans les îles de Wallis-et-Futuna, l’électricité est très chère et qu’il faudrait mettre fin à cette situation. En même temps, nous retrouvons là des problèmes objectifs : faut-il continuer à produire de l’électricité à Wallis comme on le fait aujourd’hui, c'est-à-dire exclusivement à base de pétrole ? Ne vaudrait-il pas mieux chercher à développer des énergies renouvelables telles que l’énergie solaire ou la méthanisation ? La question est posée.

Le problème de la téléphonie mobile est aussi une difficulté structurelle très réelle. M. Gibbes fait part de son inquiétude de voir partir les investisseurs de Saint-Martin et je le comprends. Mais à Wallis-et-Futuna, la situation est pire : il n’y a pas d’opérateur de téléphonie mobile et, par conséquent, les entreprises ne viennent pas. Il y a une disposition dans le projet de loi pour faire baisser les coûts des communications téléphoniques et j’estime que c’est une excellente chose que le projet puisse s’attaquer à ce problème de fond. Il est vrai, M. Gibbes, que les réponses du projet de loi ne constituent qu’un premier pas face à l’importance des problèmes à régler outre-mer, mais ce premier pas, il fallait le faire.

Enfin, je vous confirme, M. Gomes, que les cinq premiers articles du projet de loi ne concernent pas votre territoire, la Nouvelle-Calédonie, car celui-ci est compétent localement pour prendre toutes les décisions qui s’imposent en matière économique.

M. Philippe Gosselin. Les particularismes ne me posent pas problèmes et le lieu d’échange que va constituer la Délégation pour discuter de toutes ces situations me paraît plutôt bien approprié. Il faut, en effet, s’appuyer sur la Délégation pour que le réflexe de l’outre-mer soit bien pris en compte et que l’on n’oublie pas les pays ultramarins dans le cadre de discussions qui peuvent être plus générales. Il est vrai qu’avec le texte sur la « vie chère », on a un peu confondu vitesse et précipitation. Aussi, après l’examen de ce texte, il me paraîtrait utile que la Délégation puisse se livrer à des études, à la fois sereines et circonscrites dans le temps, et qu’elle puisse par là même contribuer à anticiper les problèmes. D’ailleurs, les problèmes des collectivités d’outre-mer, certes spécifiques, ne sont pas si éloignés, parfois, de ceux de certaines collectivités dans l’hexagone, je pense par exemple aux zones de montagne. Et je suis sûr que les solutions dégagées pour les unes pourraient servir aussi pour les autres, par exemple en ce qui concerne la continuité numérique.

M. Serge Letchimy. Je partage le point de vue qui a été exprimé tout à l’heure concernant la dichotomie qui existe outre-mer entre les questions institutionnelles et statutaires, d’une part, et la question de la solidarité nationale d’autre part. D’un côté, il faut être très attaché à l’autonomie des collectivités territoriales et au règlement local des problèmes, et je rappelle que je suis moi-même un élu autonomiste. De l’autre, l’accompagnement au développement est indispensable. Mais souvent celui-ci est lié à la mise en conformité des règles locales avec les normes nationales, ce qui n’est pas toujours possible. Nous serons toujours au cœur de cette dualité, de cette dialectique entre égalité des droits et droit à la différence.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Il est vrai que le cœur et la raison ne vont pas toujours de pair en politique. Cette question des rapports, souvent problématiques, entre la notion de différence dans les départements et les territoires d’outre-mer et celle de solidarité, notamment au niveau de la métropole, question soulignée aussi bien par M. Gibbes que par M. Letchimy, pourrait être un sujet de réflexion pour la Délégation. M. Letchimy, seriez-vous d’accord pour animer un groupe de travail autour de la thématique : « droit à la différence et égalité des droits » ?

M. Serge Letchimy. Tout à fait.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Cette suggestion est donc retenue. J’en viens maintenant, tout naturellement, à vous parler de notre futur programme de travail.

Je vous indique que vous recevrez demain, par voie électronique, la convocation pour notre réunion de mardi prochain 2 octobre.

Le rapport sur le projet de loi vous aura été adressé peu avant, par le même moyen, le jeudi 27 septembre, dans la journée. Il n’intégrera peut-être pas encore tous les apports du Sénat, surtout si ce dernier achève son examen du texte le vendredi 28 septembre dans la nuit. Le rapport qui vous sera adressé, le jeudi 27, sera donc corrigé, d’ici son examen le mardi 2 octobre, dans le cadre de la réunion de la Délégation, pour tenir compte des derniers ajustements apportés par le Sénat.

Les amendements éventuels devront être déposés lundi prochain, afin qu’ils puissent être examinés par la commission saisie au fond, c’est-à-dire la commission des Affaires économiques.

En ce qui concerne les thèmes de travail qui pourraient retenir notre attention dans les mois qui viennent, j’ai songé aux cinq sujets suivants :

Tout d’abord, je voudrais faire un point sur la défiscalisation outre-mer et sur tous les arguments qui pourraient militer pour son maintien. Selon les informations dont je dispose, le Gouvernement ne semble pas vouloir remettre en cause le maintien de la déduction fiscale plafonnée à 18 000 euros pour les investissements outre-mer, dans le cadre de la prochaine loi de finances initiale. Toutefois, je redoute que des amendements ne soient déposés pour y mettre fin et il faudrait que les membres de la Délégation disposent de toutes les informations utiles pour pouvoir s’y opposer au cours des discussions en séance publique. Cette déduction fiscale constitue en effet l’un des rares modes de financement des économies locales à l’heure actuelle.

D’autre part, je pense que la Délégation pourrait s’intéresser à une question soulevée à la fois par Mme Girardin et par M. Lebreton et qui est celle de la refonte ou de l’adaptation de certains dispositifs concernant la fonction publique outre-mer, notamment ceux permettant aux fonctionnaires ultramarins de se rendre dans l’hexagone, s’ils le souhaitent.

M. Bussereau a également manifesté son intérêt pour un travail sur les transports, aussi bien ceux qui desservent les territoires ultramarins que ceux qui permettent de se déplacer à l’intérieur des départements et des collectivités d’outre-mer.

Enfin, la Délégation pourrait travailler sur l’octroi de mer et, également, sur l’organisation commune du marché du sucre.

Mme Catherine Beaubatie. Il existe un problème migratoire très réel à Mayotte. Il en va de même en Guyane. Je pense que le problème des migrations doit être abordé par la Délégation.

M. Ibrahim Aboubacar. La question du logement outre-mer doit également être abordée et pas seulement sous l’angle de son financement. D’autre part, il faut aussi étudier la problématique du développement endogène, c'est-à-dire la question des échanges économiques entre grandes régions géographiques ou encore celle de l’insertion régionale des collectivités territoriales d’outre-mer.

M. Gilbert Le Bris. J’aimerais que l’on s’intéresse à la « maritimité » des départements et des collectivités d’outre-mer. Compte tenu de la très grande étendue des rivages côtiers dans notre pays, étendue liée aux territoires ultramarins qui font de la France la deuxième puissance mondiale en termes de façade maritime et de zone économique exclusive, il y a là de nombreuses possibilités de développement pour l’outre-mer et l’occasion de faire valoir des atouts forts. Cela permettrait aux collectivités d’outre-mer, comme on le dit dans le vocabulaire sportif, de jouer un jeu offensif, plutôt que défensif.

M. Philippe Gomes. Je partage beaucoup d’analyses qui viennent d’être exprimées. On a un peu l’impression que la République est actuellement en panne de projet pour ses territoires d’outre-mer. Il faut que l’espace non partisan que constitue la Délégation fasse la promotion de l’outre-mer, notamment à l’égard des décideurs politiques.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Il convient sans doute de nuancer ce dernier propos. Je rappelle que le Président de la République, M. François Hollande, a souscrit, au cours de sa campagne, trente engagements pour l’outre-mer. Le projet de loi, dont nous venons de débattre, s’inscrit dans le cadre des engagements 5, 6 et 7. Il est vrai qu’autrefois, on pouvait avoir le sentiment que rien n’était fait pour l’outre-mer ; mais aujourd’hui, les choses sont en train de changer, de nouveaux projets se dessinent.

Mme Florence Delaunay. La Délégation pourrait s’intéresser, dans le cadre de son programme de travail, à l’accès de la jeunesse ultramarine, tant à l’enseignement scolaire qu’à l’enseignement supérieur. On pourrait tirer un bilan et développer des propositions visant à faciliter l’insertion de ces jeunes en métropole, quand ils doivent s’y rendre pour suivre des enseignements, dans les premiers cycles universitaires par exemple. On pourrait favoriser les tutorats, les jumelages familiaux, la contractualisation entre collectivités, et beaucoup d’autres solutions innovantes.

M. Serge Letchimy. La question de la coopération inter-régions ou du « grand voisinage » est une question très importante. Le ministère des Affaires étrangères vient de réaliser, en ce domaine, des progrès significatifs, en obtenant de la communauté internationale que les pays ultramarins puissent siéger, es qualités, dans certains organismes internationaux, par exemple des organismes en lien avec l’Amérique latine. Cette initiative leur permettra d’accéder à d’intéressants lieux de débats, notamment pour tout ce qui touche à la production intégrée.

S’agissant des migrations, il est vrai que c’est une question forte dans le monde ultramarin : par exemple, il y a plus de 200 000 martiniquais qui résident en métropole. Il faut introduire de la continuité territoriale, en favorisant la contractualisation avec les régions et les départements.

Il ne faut pas non plus sous-estimer la question de la fracture numérique. Pour simplifier, je dirais qu’il est indispensable que l’outre-mer soit parfaitement connectée, afin qu’elle puisse s’embarquer dans les meilleures conditions sur la voie du développement économique.

Enfin, en toutes choses, je pense qu’il faut avoir une approche pragmatique et se livrer à des expérimentations sur le terrain.

M. Bernard Lesterlin. On pourrait élargir le thème qui a été proposé sur la jeunesse outre-mer. La jeunesse est très importante démographiquement et elle connaît des problèmes d’intégration, aussi bien localement qu’en métropole. On pourrait donc étudier aussi l’emploi et la formation professionnelle. À cet égard, il est vrai, comme on l’a rappelé, que le dispositif tout nouveau concernant les emplois d’avenir n’a pas encore fait l’objet de toutes les déclinaisons nécessaires pour son extension outre-mer. Mais il est vrai aussi qu’il faut un peu de temps en ce domaine. Il faut tenir compte de chaque spécificité, des mesures qui existent déjà localement, car il ne faut pas, comme l’on dit, qu’un dispositif tue l’autre.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Je vous remercie donc de me faire part, dans les jours qui viennent, de vos souhaits concernant votre participation ou votre contribution à une réflexion sur tel ou tel des sujets qui viennent d’être évoqués. Si deux ou trois parlementaires sont intéressés par un même sujet, il serait possible de créer des groupes de travail. Nous ferons le point au cours d’une prochaine réunion de la Délégation.

M. Ibrahim Aboubacar. Je suis volontaire pour participer à un groupe de travail sur la mer.

Mme Ericka Bareigts. Je suis d’accord pour participer, avec M. Letchimy, au groupe de travail sur « le droit à la différence et l’égalité des droits ».

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* *

Compte rendu de la réunion du 2 octobre 2012

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Mes chers collègues, notre ordre du jour nous conduit à reprendre l’examen du projet de loi sur la régulation économique outre-mer.

Vous avez tous reçu, par voie électronique, le projet de rapport, ainsi que les recommandations qu’il comporte.

Depuis notre dernière réunion du 25 septembre, le texte a été débattu par le Sénat et celui-ci l’a adopté au cours de sa réunion du 26 septembre 2012. Si vous le voulez bien, je vous donnerai quelques indications sur les apports du Sénat à ce texte ; ensuite, je vous ferai part des observations contenues dans le rapport ; enfin, nous ferons un tour de table.

Globalement, les apports du Sénat sur les différents articles du projet de loi sont les suivants :

Tout d’abord, le Sénat a élaboré une nouvelle rédaction des premiers articles du premier chapitre du projet

À l’article 1er, la nouvelle rédaction permet de viser l’ensemble des étapes constitutives des marchés de gros, c’est-à-dire l’acheminement, le stockage et la distribution. Par ailleurs, le champ d’application des décrets en Conseil d’État a été étendu à la « gestion des facilités essentielles », ce qui permet de cibler notamment le marché des carburants.

D’autre part, le dispositif concernant les injonctions de l’Autorité de la concurrence n’est plus prévu à cet article. Il figure, en procédant par renvoi, au sixième alinéa de l’article 2 bis.

À l’article 2, la nouvelle rédaction permet :

– de viser les accords, et non les clauses des contrats commerciaux, ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation. Beaucoup de pratiques d’exclusivité correspondent en effet à des situations de fait ;

– d’inverser la charge de la preuve : il reviendra à l’entreprise de justifier de l’intérêt d’une clause d’exclusivité pour le consommateur et non aux pouvoirs publics, comme c’était le cas dans la première rédaction du texte, de démontrer que l’exclusivité est dénuée de justification économique ;

– d’intégrer au dispositif celui de l’article 12 (mise en conformité des accords) pour ne plus faire qu’un seul et même article.

L’article 2 bis est un article de conséquence : il regroupe l’ensemble des dispositions rendues nécessaires par coordination, compte tenu de la nouvelle rédaction des articles 1er et 2.

À l’article 3, la nouvelle rédaction permet - outre la saisine de l’Autorité de la Concurrence pour toute pratique anticoncurrentielle dont les collectivités territoriales pourraient avoir connaissance - de donner la faculté à ces mêmes collectivités de saisir l’Autorité pour toute pratique contraire aux mesures de réglementation des marchés de gros.

D’autre part, le Sénat a apporté des précisions s’agissant du mécanisme d’injonction structurelle

Le mécanisme d’injonction structurelle, créé par l’article 5 du projet, a été modifié de la manière suivante :

– le critère de déclenchement de l’action de l’Autorité de la Concurrence a été précisé : seule une pratique effective en matière de prix ou de marges, en comparaison des moyennes observées pour les entreprises comparables du même secteur, pourra conduire à l’utilisation du pouvoir d’injonction structurelle ;

– la procédure pourra aboutir à la cession d’actifs et non pas seulement de surfaces commerciales ;

– les modalités de recours ont été clarifiées. Il est fait renvoi à l’article L. 464-8 du code de commerce qui indique que les parties en cause, après notification des décisions de l’Autorité de la Concurrence, peuvent saisir la Cour d’appel de Paris, puis la Cour de cassation.

Le Sénat a également introduit, à l’article 6 bis, le système du « bouclier qualité prix » qui prévoit deux types de dispositions :

- d’une part, la possibilité pour le Gouvernement de réglementer par décret en Conseil d’État, après consultation de l’Autorité de la Concurrence, le prix de vente, dans toutes les collectivités territoriales, des prix des produits de première nécessité ;

– d’autre part, la mise en place – dans le cadre des dispositifs qui concernent également les observatoires des prix et des revenus – d’une négociation annuelle, entre le représentant de l’État au sein des collectivités territoriales d’outre-mer et les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail, en vue d’aboutir à un accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante.

Ce dernier point traduit dans le domaine juridique l’engagement du Président de la République de mettre en place, par la négociation, un « bouclier qualité prix » pour l’outre-mer.

Enfin, le Sénat a introduit différents articles additionnels. Parmi ceux-ci, je signale, notamment, une disposition habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance certaines mesures sociales pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’article 7 bis, en effet, habilite le Gouvernement à prévoir par ordonnance, au titre de l’article 38 de la Constitution, l’extension et l’adaptation, à Saint-Pierre-et-Miquelon, de la législation applicable en matière d’allocations logement, ainsi que la modification des attributions et des compétences de la Caisse de prévoyance sociale (CPS).

Au regard de ce dispositif, c'est-à-dire du texte initial modifié par le Sénat comme je viens de vous l’exposer, j’ai formulé cinq recommandations dans le rapport :

– apporter une attention toute particulière aux dysfonctionnements des marchés de gros des produits de première nécessité,

– rendre publiques les injonctions faites aux entreprises, au titre de l’article 1 du projet de loi, par l’Autorité de la concurrence, en les publiant dans la presse quotidienne locale,

– prévoir une amende pour les contrats en cours disposant d’une clause d’exclusivité d’importation non valide et n’ayant pas été mis en conformité dans les quatre mois prévus par la loi,

– prévoir que les opérateurs de téléphonie opérant en France métropolitaine ou dans les départements d’outre-mer devront informer, chaque année, les utilisateurs des tarifs d’itinérance applicables à leurs communications.

– faire en sorte que le coût de l’électricité puisse baisser sensiblement à Wallis-et-Futuna.

J’ai déposé, en mon nom, quatre amendements correspondant aux quatre premières recommandations pour qu’ils puissent être examinés par la commission des Affaires économiques, demain mercredi 3 octobre. Il faut espérer qu’ils pourront être intégrés au corps du projet de loi après son examen par la commission.

J’ai cosigné un cinquième amendement déposé par M. Vergé sur le prix de l’électricité à Wallis-et-Futuna.

Je vous propose maintenant de faire un tour de table, puis nous mettrons au vote le rapport et ses recommandations. Bien entendu, dans le cadre de ce tour de table, vous pourrez proposer d’autres recommandations qui pourront être intégrées dans le rapport, étant entendu que je vous laisserai le soin, alors, de déposer et de présenter les amendements correspondants en séance publique.

M. Serge Letchimy. Je souhaite apporter ici une information concernant le débat en séance publique. À la suite de la Conférence des Présidents de ce matin, le débat a été avancé d’une journée. Au lieu d’avoir lieu le mercredi 10 octobre, il débutera le mardi 9 octobre, après la fin de l’examen du projet de loi organique sur les finances publiques – c'est-à-dire dans la soirée, après 21h 30.

M. Serge Janquin. Ma question est relative à l’article 7 bis A du projet, article introduit par le Sénat. Cet article me semble intéressant car il prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er juin 2013, une étude proposant des dispositifs à prendre en vue de faciliter les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d’outre-mer et ceux des États voisins. Le Parlement sera-t-il associé à cette étude ?

M. Serge Letchimy. La question du commerce inter-régions que vise cet article est un enjeu considérable, un vrai enjeu de proximité. Le développement de ce commerce pourrait aboutir à créer des circuits d’approvisionnement courts aboutissant effectivement à des baisses de prix, par exemple pour les Caraïbes, s’ils parvenaient à établir des liens commerciaux durables avec les pays d’Amérique latine. Par contre, le problème majeur de la coopération inter-régions, c’est l’organisation entre les hommes. D’autre part, il faut aussi bien veiller à la question des transports.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Une fois le projet de loi adopté, il faudra voir comment nous pourrons être associés à l’étude et si la Délégation aux outre-mer peut être amenée à faire part de suggestions sur cette question.

M. Patrick Lebreton. Je souhaitais indiquer que le dispositif établi par l’article 6 bis du projet de loi me paraissait excellent. D’autre part, indépendamment des sujets traités par le texte, il me semble qu’il subsiste encore des situations de prix très élevés dans un certain nombre d’autres secteurs, comme la tarification bancaire ou le prix des liaisons aériennes. Je déposerai des amendements sur ces différentes questions en séance publique. Je ferai part aussi, tout à l’heure, au moment du vote sur le rapport, d’une proposition de recommandation sur ces sujets, afin qu’elle puisse être annexée avec les autres propositions.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Nous la prendrons en compte.

M. Jean-Jacques Vlody. Dans le cadre de la discussion en séance qui s’annonce, j’ai, moi aussi, deux points pour lesquels j’attache une importance toute particulière.

Il s’agit, tout d’abord, de la définition du seuil de concentration des entreprises, notamment dans le domaine de la grande distribution. À l’heure actuelle, le seuil de concentration à partir duquel s’exerce le contrôle de l’Autorité de la Concurrence est exprimé en termes de chiffres d’affaires. Il n’y a pas d’indication en termes de surfaces commerciales ou de parts de marché. Or, à la Réunion par exemple, une grande surface peut déjà avoir une situation de très gros monopole avec un taux de parts de marché de 20 %. Je déposerai donc un amendement prévoyant que si le taux de part de marché d’une enseigne ou d’une entreprise et de ses filiales est supérieur à 20 %, en ce cas, l’opération de concentration doit être notifiée à l’Autorité de la Concurrence.

D’autre part, je souhaiterais obtenir une plus grande transparence sur les marges bénéficiaires. Pour cela, je déposerai également un amendement rendant obligatoire l’affichage des marges au moment de la vente au détail, c'est-à-dire présentant le prix payé au producteur ou à l’intermédiaire grossiste. Cet amendement aura pour effet de contrebalancer une donnée de fait que l’on observe souvent sur les marchés d’outre-mer, à savoir que la production locale est fréquemment plus chère que les produits importés.

Enfin, s’agissant de l’article 7 bis A introduit par le Sénat, je voudrais faire la remarque suivante : il n’existe pas, en principe, pour les pays ultramarins d’interdiction de commercer avec les pays voisins, au moins si les produits proposés sont moins chers. C’est ainsi que, depuis toujours, l’île de la Réunion importe la carotte d’Australie ou l’ail de Chine… En revanche, il ne faudrait pas qu’à la faveur de l’étude demandée au Gouvernement, l’on en vienne à ouvrir largement les marchés ultra-périphériques à la concurrence internationale. Sinon, les conséquences économiques en seraient catastrophiques. Je pense, par exemple, à la transformation du blé en farine. Si l’on offrait, à la Réunion, de manière trop aisée, la possibilité de faire transformer le blé en farine à l’île Maurice, les industriels réunionnais seraient ruinés.

M. Ibrahim Aboubacar. La question du commerce inter-régions, comme celle de l’emploi outre-mer, sont deux questions sur lesquelles la Délégation pourra travailler au cours de cette législature. Pour notre part, à Mayotte, nous sommes assez favorables à l’ouverture de nos marchés au commerce avec les pays voisins.

Dans ce domaine, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres, il est à noter cependant que nous nous heurtons à des difficultés d’appréciation, liées à l’absence d’un appareil statistique fiable. En règle générale, en tant qu’élus de Mayotte, nous ne pouvons que déplorer le caractère incomplet des statistiques concernant les Comores.

M. Philippe Gomes. Je me propose également de déposer plusieurs amendements en séance publique.

Mes amendements concerneront le plafonnement des frais bancaires en Nouvelle-Calédonie ; l’extension et l’adaptation à la Nouvelle-Calédonie de la loi du 6 juillet 1989 qui régit les rapports entre les bailleurs et les locataires ; la mobilisation du foncier public pour le logement social et la concentration excessive dans les zones de chalandise.

Je souhaiterais que les trois premiers thèmes puissent faire l’objet de recommandations intégrées au rapport de la Délégation.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Je vous redonnerai la parole tout à l’heure au moment des votes.

M. Boinali Said. Je voudrais vous faire part de l’inquiétude des élus de Mayotte au regard des dispositions introduites par le Sénat au second alinéa de l’article 9 du projet de loi. Mayotte est confrontée à une forte immigration clandestine qui déstabilise les habitants. La population de Mayotte souhaiterait que les visas soient maintenus, alors que cet alinéa semble indiquer que les procédures pourraient être assouplies. Que faut-il penser ?

M. Serge Letchimy. Il faut supprimer, dans le second alinéa, toute la partie du texte qui suggère que l’ordonnance, pour laquelle l’article 9 demande une habilitation, pourrait mettre en œuvre une modification du régime des visas. À l’inverse, il faudrait que la nouvelle rédaction, se substituant à la précédente, affiche très clairement l’objectif souhaité de diminution des flux migratoires. L’idéal serait que l’amendement présentant cette double exigence soit présenté, en séance publique, par les députés de Mayotte.

M. Bernard Lesterlin. En tant que rapporteur pour avis de la commission des Lois, j’aurais une proposition alternative à formuler pour amender cette disposition issue des délibérations du Sénat.

Je porterai cette rédaction alternative devant la commission des Lois demain matin et, en fonction des votes de cette dernière, je présenterai l’avis de la commission des Lois devant la commission des Affaires économiques saisie au fond demain après-midi.

Tout d’abord, je ne suis pas certain que la rédaction votée par le Sénat induise nécessairement qu’il faille s’attendre à un assouplissement dans les conditions d’octroi des visas. Cependant, je suis bien évidemment d’accord pour introduire des modifications sur l’alinéa 2 de l’article 9, afin de répondre aux légitimes inquiétudes des élus de Mayotte.

Pour cette modification, il faudra tenir compte du fait que le domaine du visa relève absolument du pouvoir règlementaire. Il s’agit d’un domaine régi par arrêtés ministériels et par échanges de télégrammes diplomatiques.

Notre pouvoir de législateur est donc limité : nous pouvons, par exemple, donner une orientation au Gouvernement, mais nous ne devons pas tomber dans l’énoncé de mesures normatives qui seraient de nature réglementaire ; nous ne devons pas non plus, d’ailleurs, empiéter sur la compétence de l’exécutif à légiférer par ordonnances.

Je proposerais donc volontiers que l’on amende le texte issu du Sénat en indiquant que le dispositif gouvernemental qui sera arrêté par ordonnance devra « répondre au défi migratoire ». Le cas échéant, on pourra poser aussi des critères pour la délivrance des visas, par exemple des procédures de traçabilité.

On pourrait aussi, parallèlement, demander au Gouvernement de s’attacher à surveiller avec soin le bras de mer qui sépare Mayotte avec sa voisine comorienne, en recourant à des patrouilles mixtes de police maritime, à la fois comoriennes et françaises.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Il convient d’observer que la question des migrations est une question extrêmement sensible à Mayotte. Quelle que soit la rédaction retenue, tant dans les amendements que dans le projet de loi, il ne faudra pas qu’elle soit interprétée, en définitive, comme une suppression des visas d’entrée. Par ailleurs, il serait souhaitable que ce soit l’un de nos collègues de Mayotte qui porte l’amendement sur lequel pourrait se faire l’accord sur le dispositif à retenir.

M. Daniel Gibbes. Pour répondre à M. Vlody sur la question du commerce inter-régions, à ma connaissance, il est possible de distinguer au moins deux secteurs où les collectivités territoriales ne peuvent commercer librement avec les pays étrangers, même si les prix sont moins élevés qu’au niveau national ou local : il s’agit du secteur de la viande - si l’on ne peut pas établir la traçabilité des produits - et du secteur des hydrocarbures.

En ce qui concerne les amendements que je voudrais déposer sur le texte, ils sont de deux ordres.

Je voudrais d’abord excepter Saint-Martin de l’applicabilité des articles 1à 5 du projet de loi. En effet, nous avons de graves problèmes de concurrence avec la partie hollandaise de l’île et une applicabilité directe du texte aurait des effets économiques catastrophiques.

D’autre part, je voudrais étendre à Saint-Martin le bénéfice des dispositions prévues par l’article 11 ter du projet de loi à l’intention de l’île Saint-Barthélemy et qui concernent la tenue du registre du commerce et des sociétés, à titre dérogatoire, par la chambre d’économie multiprofessionnelle. Cette extension permettrait aux entreprises d’attendre moins longtemps l’accomplissement de certaines formalités actuellement confiées au greffe du tribunal mixte.

Je sollicite l’appui de la Délégation en vue d’obtenir une bonne fin pour ces amendements.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Comme vous le savez, M. Gibbes, la Délégation n’a pas de pouvoirs en ce domaine car elle n’est pas une commission.

M. Serge Letchimy. J’indique que, sur les articles 11 bis et 11 ter du projet de loi, on assiste à un important lobbying des greffiers parisiens qui sont hostiles aux transferts de compétences en direction des chambres de commerce.

M. Thierry Robert. Je partage le sentiment de M. Lebreton sur le coût exorbitant de certains tarifs bancaires dans les départements et les collectivités d’outre-mer et je déposerai également des amendements visant à les faire diminuer.

Mme Chantal Berthelot. En ce qui concerne les dispositifs de régulation économique établis par le premier chapitre du texte, j’ai, pour ma part, trois observations à formuler.

Tout d’abord, il me paraîtrait souhaitable que le préfet, dans le cadre du dispositif établi par l’article 6 bis du projet, c'est-à-dire lors des négociations annuelles visant à obtenir un accord de modération des prix, puisse consulter les associations familiales de consommateurs.

D’autre part, il serait intéressant que les observatoires des prix et des revenus (OPR) deviennent des observatoires « des prix, des marges et des revenus ». De la sorte, ces observatoires pourraient donner d’utiles informations aux décideurs et au public sur les mécanismes liés à la distribution et à la constitution des prix, notamment des prix de vente. Nous rejoignons là un peu ce que vous proposiez, M.Vlody, en parlant de l’affichage des marges.

Enfin, je souhaiterais que les OPR s’attachent à étudier tout particulièrement les prix des marchés de gros.

Mme Annick Girardin. Mon observation ne porte pas absolument sur le texte, elle porte plutôt sur la suite de nos travaux. Il serait intéressant que la Délégation puisse être informée du contenu des ordonnances pour lesquelles le projet de loi demande des habilitations. En effet, j’ai pu remarquer que, parfois, celles-ci ne sont jamais publiées ; ou alors, leur dispositif est sensiblement différent, tant de l’exposé des motifs que des souhaits formulés par le Parlement dans le cadre des débats en séance publique.

Mme Vainqueur-Christophe. Il faut effectivement vérifier la bonne application du texte. De ce point de vue, s’agissant du dispositif de régulation économique, je suis tout à fait d’accord avec la proposition de Mme Berthelot visant à transformer les observatoires des prix et des revenus (OPR) en observatoires  « des prix, des marges et des revenus », étant entendu que ces organismes pourraient avoir un rôle majeur dans la surveillance du tissu économique des collectivités territoriales d’outre-mer et donc dans le suivi de l’application de la loi. Par ailleurs, je pense qu’il serait bon également que ces observatoires comportent des représentants des associations de consommateurs.

M. le Président Jean-Claude Fruteau. Je vous propose maintenant de voter sur les recommandations puis le rapport.

M. Patrick Lebreton. M. le Président, je souhaiterais que l’on adjoigne au rapport la recommandation suivante : « Organiser la transparence et diminuer le coût des tarifs bancaires pratiqués dans les départements et les collectivités d’outre-mer. Organiser aussi la baisse des tarifs des liaisons aériennes desservant ces territoires. »

M. Philippe Gomes. Pour ma part, je souhaiterais que l’on adjoigne au rapport les trois recommandations suivantes :

- tout d’abord : « Prévoir que les tarifs bancaires pratiqués en Nouvelle-Calédonie, s’agissant des douze principaux services de base définis par le code monétaire et financier, feront l’objet par décret d’un prix plafond, établi par référence avec la moyenne des prix de ces mêmes services en métropole. »

- d’autre part : « Prévoir que la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs soit étendue et adaptée à la Nouvelle-Calédonie afin que les rapports entre les bailleurs et les locataires ne relèvent plus à titre principal, comme c’est le cas actuellement, de la loi du 1er avril 1926. »

- enfin : « Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour étendre à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française les dispositions prévues par le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social. »

M. le Président Jean-Claude Fruteau. En intégrant ces quatre recommandations au rapport, je mets l’ensemble des recommandations, ainsi que le rapport lui-même, aux voix.

M. Daniel Gibbes. Je tiens à indiquer que je m’abstiens, cette abstention n’étant pas tournée contre le rapport ; je souhaite par là éviter de donner le sentiment que j’approuve le texte du projet de loi, avant d’être fixé sur le sort des amendements concernant l’île de Saint-Martin que j’ai déposés pour l’examen en commission.

À l’issue de ce débat, la Délégation adopte le rapport et ses recommandations.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

1.  Il convient d’apporter une attention toute particulière aux dysfonctionnements des marchés de gros des produits de première nécessité. L’Autorité de la Concurrence pourrait remettre au Gouvernement un rapport sur cette question, dans les six mois suivant la date de publication de la présente loi.

2.  Les contrats ou accords en cours qui ne seraient pas conformes aux dispositions de l’article L. 420-2-1 du code de commerce (clauses d’exclusivité d’importation) et qui n’auraient pas été mis en conformité dans les quatre mois qui suivent l’entrée en vigueur de la présente loi doivent donner lieu à une amende acquittée par les parties. L’Autorité de la Concurrence sera l’instance chargée d’infliger cette sanction, dans les conditions prévues par l’article L. 464-2 du code de commerce.

3.  Les entreprises ou groupements d’entreprises ayant fait l’objet d’une injonction de l’Autorité de la Concurrence en raison de pratiques contraires aux mesures prises en application de l’article L. 410-3 du code de commerce doivent rendre publique cette injonction en la publiant dans la presse quotidienne locale. En cas de non exécution de cette publication, l’Autorité de la Concurrence peut prononcer à leur encontre une sanction pécuniaire dans les limites fixées par l’article L. 464-2 du code de commerce.

4.  Les opérateurs de téléphonie fixe et mobile opérant en France métropolitaine et ceux opérant dans les départements d’outre-mer devront informer chaque année les utilisateurs sur les tarifs d’itinérance applicables à leurs communications. Cette information s’effectuera à l’occasion de l’envoi d’une facture mensuelle.

En cas de modification des tarifs d’itinérance intervenant en cours d’année, les opérateurs devront en informer les utilisateurs au cours des deux mois suivant l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs. Cette information s’effectuera également à l’occasion de l’envoi d’une facture mensuelle.

5.  Il serait souhaitable d’habiliter le Gouvernement, au titre de l’article 38 de la Constitution, à légiférer par ordonnance sur l’approvisionnement et le coût de l’électricité dans les îles de Wallis-et-Futuna.

6. Il convient d’organiser la transparence et de diminuer les coûts des tarifs bancaires pratiqués dans les départements et les collectivités d’outre-mer. Il convient d’organiser aussi la baisse des tarifs des liaisons aériennes desservant ces territoires.

7. Les tarifs bancaires pratiqués en Nouvelle-Calédonie, s’agissant des douze principaux services de base définis par le code monétaire et financier, feront l’objet par décret d’un prix plafond, établi par référence avec la moyenne des prix de ces mêmes services en métropole.

8. Il convient de prévoir que la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs soit étendue et adaptée à la Nouvelle-Calédonie, afin que les rapports entre les bailleurs et les locataires ne relèvent plus à titre principal, comme c’est le cas actuellement, de la loi du 1er avril 1926.

9. Il convient enfin d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour étendre à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française les dispositions prévues par le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social.

1 () Cf. Richard Crestor : La formation du prix du produit importé dans les DOM – Étude théorique et conclusions pratiques – RC Éditions-2012 – www.rc-editions.com

2 () Cf. Étude d’impact associée au projet de loi p. 15 et OCDE : « Small economies and competition policy : a background paper » OECD Global Forum on Competition.

3 () Voir le présent rapport p. 24.

4 () Voir page 12.


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