N° 667
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 février 2013.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 631), REJETÉ PAR LE SÉNAT, relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral,
PAR Mme Pascale CROZON,
Députée.
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La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Catherine Coutelle, présidente ; Mme Conchita Lacuey, Mme Monique Orphé, M. Christophe Sirugue, Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-présidents ; Mme Edith Gueugneau, Mme Cécile Untermaier, secrétaires ; Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, Mme Marie-George Buffet, Mme Pascale Crozon, M. Sébastien Denaja, Mme Sophie Dessus, Mme Marianne Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Martine Faure, M. Guy Geoffroy, Mme Claude Greff, Mme Françoise Guégot, M. Guénhaël Huet, Mme Valérie Lacroute, Mme Sonia Lagarde, M. Serge Letchimy, Mme Geneviève Levy, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Jacques Moignard, Mme Dominique Nachury, Mme Ségolène Neuville, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, Mme Josette Pons, Mme Catherine Quéré, Mme Barbara Romagnan, M. Philippe Vitel.
INTRODUCTION 5
I.– LA PARITÉ EN POLITIQUE : UN OBJECTIF CONSTITUTIONNEL DEPUIS 1999 7
A. LA MISE EN œUVRE DE LA PARITÉ EN POLITIQUE REPOSE PRINCIPALEMENT SUR LES MODES DE SCRUTIN 7
B. L’ÉVOLUTION DE LA REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS LES DIFFÉRENTES ÉLECTIONS DEPUIS 2000 9
1. Les conseils municipaux : une présence paritaire des femmes dans les communes de plus de 3 500 habitants grâce à des dispositions strictes 9
2. Les conseils généraux : un bastion masculin traditionnel appelant une rénovation du mode d’élection 10
3. Les élections législatives : la lenteur des progrès appelle une réforme du mode de scrutin 11
II.– UNE NOUVELLE ÉTAPE VERS LA PARITÉ 13
A. ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES : VERS UNE PARITÉ FORMELLE GARANTIE 13
1. L’abrogation du conseiller territorial : le retour au scrutin de liste proportionnel pour les conseils régionaux 13
2. L’abrogation du conseiller territorial : la création des binômes pour les conseils départementaux 13
3. Un mode de scrutin original qui pose des questions nouvelles 14
4. Binôme asymétrique ou partage à égalité du pouvoir ? 16
5. Quelles solutions alternatives aurait-on pu retenir ? 16
6. L’établissement de la parité doit être assuré dans l’exécutif du conseil départemental aussi 17
B. LES ÉLECTIONS MUNICIPALES : L’ABAISSEMENT DU SEUIL DE LA REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE 18
1. Faut-il conserver un seuil pour la représentation proportionnelle ? 18
2. Il convient d’assurer la parité dans les exécutifs des conseils municipaux dès le début du mandat et pendant sa durée 20
3. L’accession des femmes à la fonction de maire et de premier adjoint 20
C. LA MISE EN œUVRE DE LA PARITÉ DANS LES INTERCOMMUNALITÉS 21
TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 25
RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION 33
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 35
ANNEXE : SAISINE PAR LA COMMISSION DES LOIS 37
MESDAMES, MESSIEURS,
Le présent projet de loi (n°631) relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, aujourd’hui soumis à notre Assemblée, comporte des dispositions fondamentales pour l’instauration d’une parité réelle entre les femmes et les hommes dans les assemblées territoriales.
Ce texte fait suite aux travaux de la commission ad hoc créée au mois de juillet 2012 à l’initiative du président de la République et présidée par l’ancien premier ministre, M. Lionel Jospin. Chargée de proposer des réformes en vue de « la rénovation et de la déontologie de la vie publique », cette commission a remis son rapport au mois de novembre 2012. Plusieurs de ses propositions concernaient directement la participation des femmes à la vie publique de notre pays ou bien avaient un impact sur elle.
Elles sont aujourd’hui reprises dans le présent projet de loi, qui traduit ainsi l’un des engagements pris par le président de la République lors de sa campagne électorale, à savoir « renforcer la parité politique et le partage du pouvoir de décision dans toutes les sphères ». L’engagement en faveur de la parité politique faisait partie de ses 40 engagements pour l’égalité hommes-femmes ; il s’est aussi manifesté dès le 15 mai dernier par la nomination, pour la première fois dans notre histoire, d’un gouvernement paritaire.
Le texte a été déposé le 28 novembre 2012 sur le bureau du Sénat, qui l’a rejeté. L’Assemblée nationale est donc aujourd’hui appelée à en débattre dans sa version initiale telle que présentée par le Gouvernement.
La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a toujours été un lieu de promotion de la parité politique. Elle n’a pas cessé de participer aux travaux de l’Assemblée nationale depuis sa création en 1999, et ce dès l’année 2000, année de l’adoption de la loi tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. C’est pourquoi elle a décidé de se saisir du présent projet de loi et ainsi apporter sa contribution au débat, par ce rapport mais aussi par les amendements qui seront déposés par plusieurs de ses membres dans le but de conférer une plus grande efficacité à certaines des dispositions proposées
Dans son ensemble, le projet de loi qui nous est soumis constitue un progrès incontestable vers la parité formelle et vers une vie politique renouvelée et modernisée, même si certaines dispositions font débat.
Car si le combat pour la parité dans la vie politique française est déjà ancien, ses résultats sont très loin d’être probants et la France n’apparaît pas comme un modèle en la matière.
En septembre 2012, en France, le chef de l’État, le chef du gouvernement, les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, 90 % des maires, 73 % des députés sont des hommes. Notre pays est situé, en 2012, au 37ème rang mondial, selon le classement de l’Union interparlementaire (UIP) et de la Fondation Robert Schuman, pour ce qui concerne la présence des femmes au Parlement, ce qui a déjà constitué un grand progrès par rapport à une époque pas si lointaine où la France se classait au 69ème rang.
La Délégation a décidé de se saisir de quatre articles du projet de loi : les articles 2, 14, 16 et 20. Ces dispositions portent respectivement sur l’institution d’un scrutin binominal pour les élections départementales, les modalités d’élection de l’instance exécutive du conseil départemental, le mode de scrutin pour l’élection des conseillers municipaux et les modalités d’élection des membres des établissements publics de coopération intercommunale (les EPCI).
Avant d’examiner les dispositions du texte qui vont ainsi conduire la France à franchir une importante étape sur le chemin de la parité, la rapporteure rappellera le contexte dans lequel elles s’inscrivent.
I.– LA PARITÉ EN POLITIQUE : UN OBJECTIF CONSTITUTIONNEL DEPUIS 1999
L’accès des femmes à la citoyenneté et à la parité est un combat difficile en France, et notre pays est en ce domaine loin d’être un modèle : les Françaises ont dû attendre jusqu’au 21 avril 1944 pour voir le Comité français de Libération nationale leur accorder le droit de vote et l’éligibilité, 96 ans après l’instauration du suffrage « universel » masculin. L’émancipation au regard des droits civils et civiques a aussi été tardive en France, et, pour ce qui est de la participation à la vie politique, le combat reste pleinement d’actualité.
A. LA MISE EN œUVRE DE LA PARITÉ EN POLITIQUE REPOSE PRINCIPALEMENT SUR LES MODES DE SCRUTIN
Il convient de situer le présent projet de loi dans l’évolution législative intervenue en matière de parité sous la Ve République. Nous verrons ensuite que, si les textes ont pu sembler constituer des étapes importantes, ils n’ont été efficaces que dans les cas où leur application a été réellement contraignante.
L’idée d’un quota de candidatures féminines aux élections est évoquée dans les années 1980 : Mme Monique Pelletier, ministre déléguée chargée de la famille et de la condition féminine, élabore un projet visant à leur réserver 20 % de candidatures aux femmes ; puis Mme Yvette Roudy, qui fut, faut-il le rappeler, la première ministre aux droits des femmes, apporte son soutien, en 1982 à un amendement de la députée Mme Gisèle Halimi, limitant à 75 % la proportion de personnes du même sexe figurant sur une liste électorale en vue des élections municipales.
Mais cette disposition a été censurée par une décision du Conseil constitutionnel, intervenue le 18 novembre 1982, estimant que le principe d’égalité devant la loi des citoyens prévu à l’article 1er de la Constitution « s’oppose à toute division par catégories des électeurs et des éligibles ». Cette décision applicable à tout suffrage politique restera longtemps un obstacle à toute nouvelle initiative en faveur d’un quota de femmes.
Aussi, en 1997, dans sa déclaration de politique générale, le premier ministre, M. Lionel Jospin, s’engageait à réformer la Constitution pour y inscrire la parité. C’est ainsi que la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a pour effet de compléter l’article 3 de la Constitution par la disposition suivante : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». L’article 4 ajoute que les partis politiques « contribuent à la mise en œuvre » de ce principe. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ce principe d’égal accès figure à l’article 1er de la Constitution.
C’est pourquoi votre Rapporteure se réjouit que le présent projet de loi ne se contente plus de « favoriser », mais ait pour objectif de « garantir » l’égal accès des femmes et des hommes à certains mandats électoraux. Cette évolution sémantique est importante – la Délégation aux droits des femmes y est attachée et la proposera certainement à nouveau lors de la prochaine révision constitutionnelle.
La révision constitutionnelle de 1999 a permis l’adoption, avec le soutien majoritaire des principales forces politiques, de la loi du 6 juin 2000 relative à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, dite « loi sur la parité ».
Cette loi oblige les partis à présenter, dans tous les scrutins de liste, une moitié de candidats de chaque sexe à l’unité près, à peine d’irrecevabilité de la liste. Sont concernées les élections européennes, sénatoriales dans les départements ayant trois sièges ou plus, régionales et municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus.
Pour les scrutins de liste à un tour, c’est-à-dire les élections européennes et sénatoriales, la loi a imposé une stricte obligation d’alternance homme/femme du début à la fin de la liste. Pour les municipales et les régionales, elle a prévu l’obligation d’alternance par tranche de six candidats.
À la différence des élections au scrutin de liste, où le dépôt des listes de candidatures est refusé si les listes ne sont pas paritaires (à une unité près), pour les élections législatives, la loi du 6 juin 2000 a prévu une retenue sur la première fraction de la dotation financière publique pour les partis ou groupements politiques dont l’écart entre les candidats de chaque sexe au niveau national dépassera 2 %, modifiant en cela la loi n°88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie publique. Plus l’écart entre la parité et la composition effective de la liste est grand, plus la dotation est réduite.
Ensuite, la loi du 11 avril 2003 instaure l’alternance stricte entre femmes et hommes pour les listes des élections régionales et la confirme pour les élections européennes.
Cependant, ces lois n’ont pas évoqué l’élection au conseil général, ni la représentation dans les structures intercommunales pas plus que la composition des exécutifs municipaux et régionaux.
C’est la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives qui aura ensuite pour objet de remédier à certaines de ces lacunes et faiblesses. Ce texte a un impact sur trois niveaux d’administration territoriale :
– en augmentant le montant de la pénalité financière encourue par les partis politiques qui ne respectent pas la parité des investitures lors des élections législatives (passant de 50 % à 75 % de l’écart à la moyenne sur la première fraction). Cette modification ne rendra cependant pas la pénalité totalement dissuasive ;
– en contraignant les candidats et candidates aux élections cantonales à avoir un suppléant de l’autre sexe ;
– en imposant l’alternance stricte femmes-hommes dans la composition des listes électorales dans les communes de plus de 3 500 habitants ;
– en introduisant une obligation de parité dans les exécutifs régionaux et dans les exécutifs municipaux, toujours au-dessus de 3 500 habitants.
Cette loi répondait à de grandes attentes, ainsi que l’exprimait Mme Véronique Neiertz dans son discours à l’Assemblée nationale le 11 mars 1997 : « L’éviction des femmes de la représentation politique et de la conduite de l’État, en France, fragilise la démocratie ; elle fragilise la République ; elle facilite les dérives vers d’autres systèmes de légitimation : ce fameux élitisme républicain, celui du rang, celui du sang, en tout cas celui du sexe masculin ».
Ces lois ont eu pour conséquence un certain nombre d’avancées très positives, sans réussir pourtant à instaurer la parité dans les faits.
Pour clore ce développement, il convient de mentionner la deuxième loi constitutionnelle intervenue en matière de parité, celle du 23 juillet 2008, qui prévoit que la loi doit favoriser l’égal accès des femmes et des hommes « aux responsabilités professionnelles et sociales », ce qui représente bien sûr l’autre « chantier » du combat pour l’égalité.
B. L’ÉVOLUTION DE LA REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS LES DIFFÉRENTES ÉLECTIONS DEPUIS 2000
La loi du 6 juin 2000 dite « loi sur la parité » a eu des conséquences très différentes selon les enceintes représentatives.
1. Les conseils municipaux : une présence paritaire des femmes dans les communes de plus de 3 500 habitants grâce à des dispositions strictes
Pour les élections municipales, le scrutin est proportionnel dans les communes de 3 500 habitants et plus (loi du 19 novembre 1982). Dans ces communes, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours selon un système mixte combinant scrutin majoritaire et scrutin proportionnel. Pour chacun des deux tours, seuls participent à la distribution des sièges les listes qui ont recueilli au moins 5 % des suffrages. L’équilibre recherché par la loi est considéré comme atteint, permettant à la fois la représentation des minorités et l’émergence de majorités municipales de gestion.
La loi du 6 juin 2000 a initié le principe d’un égal accès des femmes et des hommes au mandat municipal. Sur chaque liste, l’écart entre le nombre de candidats des deux sexes ne peut être supérieur à un, et chaque groupe entier de six candidats dans l’ordre de présentation de la liste doit être paritaire. Puis la loi du 31 janvier 2007 a simplifié ce système, en instaurant la composition de listes de candidats alternant un homme et une femme pour chaque tour de scrutin. On se souvient que ces candidatures alternées avaient été légèrement tournées en dérision à l’époque sous le nom de listes « chabada » en référence au film de Claude Lelouch « Un homme et une femme ».
Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le système est différent : les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire de liste. Dans les communes les plus petites (moins de 2 500 habitants), les candidatures isolées sont permises et des listes incomplètes peuvent être déposées.
La progression du pourcentage de femmes élues dans les conseils municipaux a été constante et s’est accélérée grâce aux dispositions législatives contraignantes.
Les pourcentages d’élues en témoignent. Pour les communes de 3 500 habitants et plus, les conseils municipaux comptaient 21,7 % de femmes à la suite des élections de 1995. Après l’entrée en vigueur de la loi, les femmes sont présentes à hauteur de 48,5 % à la suite des élections municipales de 2008.
On note un effet d’entraînement dans les communes de moins de 3500 habitants, pourtant non concernées par la loi : les conseillères municipales représentaient 21,7 % des élus en 1995, puis 33 % en 2001, et enfin 32,2 % en 2008. Par contre, les maires femmes ne sont toujours que 14,2 % en 2008 contre 7,8 % en 1995.
ÉVOLUTION DE LA PART DE FEMMES ÉLUES AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES
Mandat électoral |
Date |
% |
Date |
% |
Communes de 3 500 habitants et plus |
1995 |
21,7 % |
2008 |
48,5 % |
Communes de moins de 3 500 habitants |
1995 |
21,7 % |
2008 |
32,2 % |
Source : Observatoire de la parité, 2012.
On sait combien ces évolutions n’ont pas été du goût de tous : les réactions dubitatives, souvent misogynes, qu’elles ont provoquées ont mis en évidence la difficulté du combat pour la parité mais elles n’ont pas entamé l’opiniâtreté du législateur.
2. Les conseils généraux : un bastion masculin traditionnel appelant une rénovation du mode d’élection
Les conseillers généraux sont actuellement élus dans le cadre d’un canton pour un mandat de six ans et renouvelés par moitié tous les trois ans. Chaque canton élit un conseiller général au scrutin majoritaire à deux tours. Pour être élu au premier tour, un candidat doit obtenir cumulativement la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits. Au second tour, qui a lieu une semaine plus tard, se présentent les candidats qui ont obtenu un nombre de voix au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits dans le canton. Ce seuil était fixé à 10 % avant la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Au second tour, la majorité relative est suffisante pour être proclamé élu. En cas d’égalité des suffrages obtenus, le plus âgé des candidats est élu.
Le principal atout de ce mode de scrutin est qu’il permet l’ancrage territorial des élus dans leur canton, ce qui est plus prégnant dans les zones rurales où l’élu établit une relation directe avec ses électeurs, moins dans les zones urbaines.
Le scrutin uninominal n’est pas favorable, en pratique, à l’établissement de la parité. En outre, le caractère contraignant introduit par la loi du 31 janvier 2007 ne s’applique ici qu’à la suppléance. Ce dispositif n’a eu pour effet que de reléguer les femmes à la fonction de suppléante, puisque 79,1 % des titulaires investis en 2008 furent des hommes. C’est bien pourquoi Mme Cécile Duflot avait relevé avec humour: « Quel est le féminin de candidat aux cantonales ? C’est suppléante. »
De fait, très peu de femmes sont élues aux conseils généraux. Ainsi, en 1998, les femmes ne représentaient que 8,6 % des élus (91,4 % pour les hommes). En 2001, cette proportion n’était toujours que de 9,8 %, en 2004, de 10,9 % et en 2008 de 13,1 %. En 2011, la proportion de femmes élues dans les conseils généraux n’est toujours que de 14 %.
ÉVOLUTION DE LA PART DE FEMMES ÉLUES AUX ÉLECTIONS CANTONALES
Mandat électoral ou fonction élective |
date |
% |
date |
% |
Cantonales |
2001 |
9,2 % |
2011 |
13,9 % |
Présidence de conseil général |
2001 |
1 % |
2011 |
5 % |
Source : Observatoire de la parité, 2012.
Par ailleurs, en 2011, on dénombrait, sur cent départements, cinq femmes seulement présidant un conseil général.
« S’il est vrai, comme le disait Gambetta, que la « République se gagne dans les mairies et les cantons », alors les femmes ne sont pas prêtes encore d’accéder au pouvoir à parité. Il s’en faut même de beaucoup. » observe la professeure Mme Mariette Sineau, politologue citée par l’Observatoire de la parité.
3. Les élections législatives : la lenteur des progrès appelle une réforme du mode de scrutin
La parité incitative mise en place par la loi du 6 juin 2000 pour les élections législatives, modifiée par la loi du 31 janvier 2007 instaurant la retenue sur les dotations financières des partis, a eu certains effets, mais encore incomplets.
Il a été constaté, lors des élections législatives de 2002 et de 2007, que les candidatures féminines étaient beaucoup plus nombreuses : la part des femmes candidates était inférieure au quart en 1997, et elle est passée à 39 % en 2002 et à 41,6 % en 2007. Cependant la proportion de femmes élues députées est restée bien en deçà, passant de 11 % en 1997, à 12,3 % en 2002 et à 18,5 % en 2007.
Ce n’est qu’en 2012 que la part de femmes élues a augmenté sensiblement pour atteindre 26,9 %, progression qui s’explique notamment par les règles instaurées au sein du Parti socialiste et à Europe Écologie-Les Verts, davantage que par les effets de la loi.
Les analyses des résultats du scrutin ont expliqué ces résultats décevants par la volonté des partis représentés au Parlement de réinvestir des « sortants », afin d’accroître leurs chances de remporter des sièges. La logique paritaire se heurte donc pour ce scrutin au système uninominal, d’une part, au cumul des mandats, d’autre part, qui favorise les « notables », rendant doublement difficile l’accès des femmes aux fonctions électives. En effet, en mai 2012, plus de 80% des députés élus sont en situation de cumul.
*
* *
En conclusion de ce chapitre, il faut souligner que la féminisation des assemblées élues suite aux contraintes paritaires ne signifie pas un égal partage du pouvoir, ainsi que le note Mme Réjane Sénac, politiste, dans un article récemment publié par la Documentation française (1). Citant les chiffres de l’Observatoire de la parité, elle rappelle les données suivantes qu’il convient de garder à l’esprit : en 2011, 95 % des présidents de conseils généraux, 92,8 % des présidents d’intercommunalités, 92,3 % des présidents de régions et 86,2 % des maires sont des hommes.
En imposant la parité des exécutifs régionaux et municipaux, la loi de 2007 a constitué indubitablement une avancée mais un long chemin restait à parcourir. C’est tout l’enjeu du présent projet de loi que d’apporter une parité effective dans les départements, dans les communes de moins de 3 500 habitants, dans les établissements publics de coopération intercommunale et au sein de leurs exécutifs.
II.– UNE NOUVELLE ÉTAPE VERS LA PARITÉ
A. ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES : VERS UNE PARITÉ FORMELLE GARANTIE
Le projet de loi soumis à l’examen de notre Assemblée comporte une réforme essentielle du mode d’élection des conseillers généraux, dont l’appellation est modifiée en conseillers départementaux. Le conseil général deviendrait conseil départemental, ces deux modifications intervenant dans le but de clarifier le lien entre l’élu et la collectivité territoriale représentée.
1. L’abrogation du conseiller territorial : le retour au scrutin de liste proportionnel pour les conseils régionaux
On mentionnera tout d’abord le préalable de l’abrogation du conseiller territorial, réalisée par l’adoption par l’Assemblée nationale, le 19 novembre dernier, d’une proposition de loi d’origine sénatoriale adoptée le 16 novembre 2011. Ce système, dont la création avait été votée par la majorité précédente dans le cadre d’une réforme des collectivités territoriales, est donc supprimé, et le présent projet de loi le confirme dans son article 25, ce qui satisfait l’une des trente recommandations de l’Observatoire de la parité présentées en septembre 2012 sous le titre « La parité, c’est maintenant ».
La disparition de l’éphémère conseiller territorial a pour effet de revenir, pour les élections régionales, au scrutin de liste à deux tours proportionnel mais avec prime majoritaire, qui a toujours permis une représentation satisfaisante des femmes dans les conseils régionaux. On soulignera ici que les femmes représentaient presque la moitié des conseils régionaux en 2010 : 48 % des élus.
2. L’abrogation du conseiller territorial : la création des binômes pour les conseils départementaux
L’innovation majeure portée par le projet de loi est l’introduction, par son article 2, d’un nouveau mode de scrutin pour l’élection des conseillers départementaux : il s’agit de l’élection d’un binôme de candidats de sexes différents, un homme et une femme, au conseil départemental, avec une solidarité entre les deux candidatures, l’élection d’un membre entraînant automatiquement l’élection de l’autre. C’est pourquoi il s’agit d’un scrutin binominal (l’électeur élit deux conseillers départementaux).
Mme Armelle Danet, présidente de l’association « Elles aussi », auditionnée par la Délégation, a apporté son soutien à cet aspect du projet de loi, qui garantira un résultat paritaire tout en préservant l’ancrage territorial. L’association s’était d’ailleurs prononcée dès 2007 en faveur du binôme, prônant même son extension aux élections législatives.
Mme Françoise Gaspard, sociologue, ancienne députée, auditionnée par la Délégation, a souligné qu’elle a proposé ce mode de scrutin dès les années 1990, alors que la question se posait pour les élections législatives. Elle avait utilisé le terme binominal et proposé que les circonscriptions soient divisées par deux.
La solidarité des candidatures prendrait fin après l’élection : chaque candidat élu exercera son mandat indépendamment de l’autre. Chaque candidat aura un remplaçant de même sexe afin de garantir le maintien de la parité du binôme, en cas de remplacement en cours de mandat.
Les conseillers départementaux seront élus pour une durée de six ans et renouvelés intégralement tous les six ans, on soulignera qu’il s’agit de l’une des recommandations de l’Observatoire de la parité.
Enfin, le projet de loi prévoit le renouvellement de l’ensemble des conseils départementaux en mars 2015 en même temps que celui des conseils régionaux.
Ce nouveau mode de scrutin est sans équivalent dans aucun autre pays, car aucun pays n’a instauré, dans sa codification électorale, de scrutin binomial c’est-à-dire reposant sur un suffrage unique exprimé par un électeur pour désigner deux représentants ayant la qualité de titulaires.
Le professeur Denys Pouillard, auditionné par la Délégation, a expliqué à cet égard que l’exemple du Pays de Galles, cité parfois comme référence, est selon lui différent. En effet, le scrutin adopté au Pays de Galles et également en Écosse s’analyse comme un système mixte majoritaire uninominal avec compensation proportionnelle. L’électeur y dispose de deux voix : l’une pour élire un député (uninominal majoritaire) et non deux, l’autre pour choisir les quatre ou huit représentants régionaux (proportionnelle). Et si l’Assemblée galloise est paritaire, ce n’est pas tant en raison du mode de scrutin qu’en raison des choix de candidats effectués par les partis politiques.
3. Un mode de scrutin original qui pose des questions nouvelles
Dans le projet de loi, le canton – subdivision du département – est conservé en tant que circonscription électorale de référence pour l’élection des conseillers départementaux, dans le but de préserver la proximité de l’élu avec ses électeurs.
Afin de ne pas augmenter le nombre des conseillers généraux, l’introduction du binôme aura pour corollaire la modification de la carte cantonale : le Gouvernement a indiqué que le nombre des cantons devra être divisé par deux, dans le respect des principes édictés par la jurisprudence du Conseil d’État.
Votre Rapporteure se doit de mentionner que deux questions se posent quant à la mise en œuvre du binôme.
La première concerne la base juridique de la refonte de la carte cantonale, et la cohérence entre les cartes des différents niveaux d’administration décentralisée.
Afin de ne pas augmenter le nombre des conseillers généraux, l’introduction du binôme aura pour corollaire la modification de la carte cantonale : le Gouvernement a indiqué que le nombre des cantons devra être divisé par deux, dans le respect des principes édictés par la jurisprudence du Conseil d’État.
À ce sujet, le professeur Denys Pouillard s’interroge sur le caractère adéquat d’un décret pour une modification aussi importante de la carte cantonale : selon lui, elle relèverait de la loi, dans la mesure où l’ordonnance de 1945 qui prévoit la modification des cantons par le biais du décret avait été prise dans un cadre précis concernant le cas de modifications territoriales limitées.
Il conviendrait selon lui de créer une commission consultative dont la représentativité serait plurielle, ainsi que cela a été fait pour la révision constitutionnelle de 2008 relative aux élections législatives, pour proposer un redécoupage des cantons ; ceux-ci représentent une géographie tant physique qu’humaine, correspondant notamment à des bassins d’emploi, qui appelle une réflexion dégagée de tout caractère partisan.
Il conviendra en tout cas de prendre en considération, lors de la refonte de la carte électorale cantonale, la logique à apporter entre la circonscription électorale du député et celle du conseiller départemental. Il est par ailleurs probable que la carte des coopérations intercommunales ne corresponde pas aux précédentes, puisque son origine « fonctionnelle » répond à une logique différente. Le Gouvernement devra, s’il redéfinit la base des circonscriptions législatives, s’efforcer d’établir une lisibilité suffisante pour les différents territoires et circonscriptions dans lesquels s’inscrit la vie des citoyens.
La seconde question concerne l’individualisation du vote de l’électeur et du représentant au sein de l’assemblée à laquelle il a été élu. L’un des juristes auditionnés par la Délégation a développé une interrogation quant au principe d’individualisation qui lie l’électeur à son représentant par « l’état de procuration » (2).
4. Binôme asymétrique ou partage à égalité du pouvoir ?
Pour certains analystes du projet comme Mme Réjane Sénac, chercheuse en sciences politiques attentive aux questions de parité, auditionnée par la Délégation, le scrutin binominal n’empêche pas la survivance du scrutin uninominal au sens où l’on conserverait une logique de fief avec une « prime » au notable local et une personnification des choix. Les femmes continueront d’être investies sur des critères différents de ceux des hommes et selon une logique de complémentarité (ouverture à la société civile notamment) et non une logique de partage du pouvoir. Sous couvert d’égalité quantitative, on reproduirait la complémentarité des sexes et le non-partage du pouvoir. Le binôme serait « tiré » par le candidat homme sortant, et la candidature féminine resterait plus ou moins considérée comme une candidature « suppléante ». Mme Sénac y voit une « révolution conservatrice », reproduisant les complémentarités habituelles.
Votre Rapporteure ne partage pas cette position : si cette « asymétrie » ne peut être exclue lors de la première campagne électorale, étant donné que très peu de femmes pourront s’y présenter en qualité de « sortantes », elle sera vite effacée par la suite, lorsque les femmes élues auront établi un lien avec leurs électeurs et lorsque le réel partage des tâches dans la fonction représentative sera établi, ce dont on a aucune raison de douter.
Pour favoriser autant que possible la symétrie au sein du binôme, et éviter de donner le sentiment, localement, qu’une candidature féminine a été « accolée », comme certains l’ont dénoncé, à une candidature masculine, il importe que les noms des candidats du binôme soient bien présentés par ordre alphabétique dans les documents de propagande, ainsi que sur les bulletins de vote. Bien que cette précision soit d’ordre réglementaire, votre Rapporteure tenait à l’exprimer ici.
5. Quelles solutions alternatives aurait-on pu retenir ?
Une autre hypothèse évoquée était celle du cadre uninominal conservé, en édictant la règle selon laquelle la parité des investitures est obligatoire au niveau du département, parité constatée au moment de leur dépôt.
Une autre solution, défendue par plusieurs députés et sénateurs, aurait été le scrutin de liste sur le modèle de celui en vigueur pour les élections régionales, l’organisation de listes infra départementales répondant pleinement à l’exigence paritaire.
En effet, le scrutin de liste s’est révélé efficace pour en finir avec certains archaïsmes de la vie politique. C'est le cas pour les assemblées régionales, pour la délégation française du Parlement Européen ou encore pour les conseils municipaux des grandes villes, qui sont aujourd’hui paritaires.
L’exercice citoyen de la démocratie serait facilité par la lisibilité et la simplicité de scrutins identiques pour les élections départementales et régionales, et davantage encore si l’on généralisait ce scrutin de liste à l’ensemble des communes.
Le scrutin de liste est aussi le mode d’élection qui correspond à la défense d’un projet politique pour un territoire.
On pourrait toutefois objecter que cette solution priverait l’électeur du lien de proximité avec son élu au conseil départemental, réalité dans la plupart des régions hors les zones urbaines.
Une autre proposition avait été avancée par les juristes Guy Carcassonne et Dominique Chagnollaud : le scrutin mixte garantissant la parité politique. Il s’agissait d’un mode de scrutin inspiré du scrutin régional et du scrutin municipal, « soit un mode de scrutin dans lequel on pourrait élire de manière distincte les conseillers départementaux ruraux et les conseillers départementaux urbains, les premiers au scrutin majoritaire et les seconds au scrutin à la proportionnelle. Une variante de cette proposition a été décrite par le professeur Denys Pouillard, auditionné par la Délégation : il s’agirait de faire élire des conseillers départementaux dans un cadre plus large au sein du département, celui des arrondissements avec un regroupement de certains d’entre eux pour permettre un scrutin proportionnel. Cette proposition s’inscrit en fait dans une réforme plus large des intercommunalités et même dans le cadre d’une prochaine loi de décentralisation.
Votre Rapporteure considère néanmoins que la solution choisie par le Gouvernement présente de nombreux avantages : elle est claire et facilement appropriable par le citoyen, elle présente une efficacité certaine, elle entraîne une réelle évolution des mentalités et du partage à égalité du pouvoir entre femmes et hommes à l’échelon départemental. Il conviendra d’en faire l’évaluation trois ans après son entrée en application, soit après les élections de mars 2015.
6. L’établissement de la parité doit être assuré dans l’exécutif du conseil départemental aussi
Le projet de loi adapte, de manière logique, les règles actuellement applicables à l’élection et au mandat des conseillers généraux au binôme de conseillers départementaux : déclaration des candidatures, conditions de remplacement, élection des membres de la commission permanente et désignation des vice-présidents du conseil de département.
Concernant ce dernier point, l’article 14 du projet de loi modifie les règles de l’élection de la commission permanente du conseil départemental et des vice-présidents, dans le but de faire enfin progresser la parité au sein de l’exécutif de cette collectivité territoriale.
Ainsi, chaque liste de candidats à la commission permanente sera composée d’un homme et d’une femme en alternance. Néanmoins, s’il n’y a pas un nombre suffisant de membres de chaque sexe, la liste peut être complétée par des candidats de même sexe. Les vice-présidents seront élus au scrutin de liste et l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne pourra être supérieur à un.
Ce dispositif reprend les dispositions adoptées en 2007 pour les conseils régionaux qui ont témoigné de leur efficacité.
Néanmoins, la dérogation prévue à la dernière phrase de l’alinéa 3 vient contourner et affaiblir la portée de l’obligation de parité établie par cet alinéa.
Votre Rapporteure estime que l’hypothèse d’un manque de candidatures féminines en vue de former la liste candidate à la commission permanente est peu probable, sauf à décourager les candidatures féminines ou à laisser perdurer une forme d’autocensure.
C’est pourquoi plusieurs membres de la Délégation ont déposé un amendement visant à établir l’obligation pour tous les groupes de conseillers de présenter une liste de candidats paritaire en vue de l’élection de la commission permanente.
B. LES ÉLECTIONS MUNICIPALES : L’ABAISSEMENT DU SEUIL DE LA REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE
Le présent projet de loi prévoit, dans son article 16, d’abaisser le seuil d’application de la représentation proportionnelle pour l’élection des conseillers municipaux, aux communes comptant 1 000 habitants au lieu de 3 500 aujourd’hui, toujours dans l’objectif d’améliorer la représentation des femmes au sein des conseils municipaux.
En proposant un seuil fixé à 1000 habitants, le gouvernement prévoit l’extension de ce mode de scrutin à 6 550 communes supplémentaires ; 16 000 nouvelles conseillères siégeraient alors dans les assemblées municipales qui compteraient au total 87 000 élues, selon les données présentées dans l’étude d’impact jointe au projet de loi.
Le scrutin majoritaire resterait donc applicable aux seules communes de moins de 1 000 habitants ; y seront permises les candidatures isolées, les listes incomplètes et le panachage, ceci afin de faciliter l’élection des conseillers municipaux.
1. Faut-il conserver un seuil pour la représentation proportionnelle ?
Le gouvernement justifie son choix en observant dans l’étude d’impact que le scrutin de liste apparaît « peu adapté aux plus petites communes. En effet, les exigences qu’il comporte (obligation de dépôt des candidatures, dépôt de listes complètes, absence de panachage) pourraient être en effet complexes à mettre en œuvre. »
On rappellera que le précédent gouvernement avait proposé, dans le projet de loi n°61 (2009-2010), d’abaisser le seuil de la proportionnelle à 500 habitants.
Si le principe d’abaisser le seuil de la proportionnelle est généralement incontesté dans l’optique d’une parité plus aboutie au niveau des municipalités, le seuil d’application fait, quant à lui, l’objet de discussions, comme l’ont montré les débats tenus lors des États généraux de la démocratie territoriale, organisés au Sénat les 4 et 5 octobre derniers. Les réponses au questionnaire diffusé par le Sénat à cette occasion montrent que 57 % des répondants sont favorables à un abaissement du seuil en dessous de 1 500 habitants et 30 % se prononcent pour un maintien de celui-ci à 3 500 habitants.
L’Association des maires de France (AMF) préconise un seuil de 1 000 ou 1 500 habitants.
L’Association des maires ruraux de France (AMRF) demande la suppression de tout seuil ou son abaissement maximum. C’est aussi le point de vue de l’Association des communautés urbaines de France (ACUF) et de l’Assemblée des communautés de France (AdCF) pour qui, plus le seuil sera bas, mieux ce sera. Au contraire, la Fédération des villes moyennes de France (FVMF) est favorable à un relèvement de ce seuil pour éviter la politisation excessive des scrutins dans les petites communes.
Le professeur Denys Pouillard a souligné également le risque d’une politisation excessive dans les petites communes, alors que la recherche des intérêts locaux permet souvent une gestion équilibrée. Il propose de baisser le seuil à 2 000 ou 2 500 habitants. Le seuil de 2 500 habitants est aussi celui retenu par l’Observatoire de la parité dans l’une de ses recommandations.
Pour d’autres élues, telle Françoise Gatel, maire de Châteaugiron dans l’Ille-et-Vilaine, il n’y aurait pas d’inconvénient à instaurer le scrutin de liste dès le premier habitant, cela permettrait même de limiter le « tir aux pigeons » lié aux inimitiés personnelles. La crainte de ne pas trouver suffisamment de candidats pourrait trouver une solution dans la diminution du nombre de conseillers municipaux dans ces communes. L’AMRF a d’ailleurs proposé de diminuer de deux le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants.
La commission des lois du Sénat a adopté l’article 16 sans modification, conservant un seuil fixé à 1000 habitants qu’elle a considéré comme un étiage raisonnable.
Votre Rapporteure, comme de nombreux membres de la Délégation aux droits des femmes, est favorable à la suppression de tout seuil pour privilégier le scrutin de liste et garantir la parité dans toutes les communes, seul moyen selon elle de rénover fondamentalement la vie représentative locale en faisant entrer les femmes dans tous les conseils municipaux, là où aujourd’hui encore de nombreuses femmes « s’autocensurent » face aux responsabilités politiques.
C’est pourquoi votre Rapporteure a déposé un amendement à l’article 16 du projet de loi, prévoyant la suppression de tout seuil démographique pour l’élection des conseils municipaux au scrutin de liste.
Cet élargissement du scrutin de liste paritaire doit selon votre Rapporteure être complété par une autre disposition, qui permettrait d’assurer le maintien de la parité tout au long de la mandature.
En cas de remplacement d’un ou de plusieurs membres du conseil municipal en cours de mandat, il convient de garantir que l’équilibre entre les sexes sera préservé, en prévoyant que les sièges laissés vacants par des hommes soient pourvus par des hommes, et les sièges laissés vacants par des femmes le soient par des femmes.
Cet amendement participe à la logique de parité portée par le projet de loi qui a instauré par ailleurs la même règle concernant le remplacement des conseillers départementaux.
2. Il convient d’assurer la parité dans les exécutifs des conseils municipaux dès le début du mandat et pendant sa durée
Mais il convient d’aller au-delà et d’assurer que les exécutifs municipaux seront constitués de manière paritaire, y compris dans les petites communes.
Votre Rapporteure souhaite donc modifier l’article L.2122-7-2 du code général des collectivités territoriales pour rendre applicable à toutes les communes la disposition selon laquelle « les adjoints sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
Comme il a été souligné plus haut, il est important que les femmes soient enfin pleinement associées aux exécutifs locaux. L’évolution positive de leur participation au conseil municipal dans les communes de plus de 3500 habitants peut rendre optimiste quand à la généralisation de la parité : en 1995, on comptait 21,7 % de femmes adjointes au maire dans ces communes, et 49,2 % en 2008.
L’extension de la règle de parité aux exécutifs dans les petites communes paraît donc pleinement logique.
3. L’accession des femmes à la fonction de maire et de premier adjoint
Seules 9 % des villes de plus de 3500 habitants ont élu une femme maire. Sans restreindre la liberté du conseil municipal d’élire le maire sans distinction de sexe, il paraît souhaitable de prévoir une parité entre le maire et son premier adjoint. Compte tenu de l’usage qui désigne bien souvent le premier adjoint comme successeur naturel du maire en cas de vacance, cette mesure aurait pour effet indirect de favoriser l’élection future d’un nombre plus équilibré d’hommes et de femmes à la fonction de maire.
C’est pourquoi votre Rapporteure a déposé un amendement ayant pour objectif d’étendre l’usage de listes composées alternativement de candidats de chaque sexe, présidant à l’élection des conseillers municipaux, à l’élection des adjoints.
Il prévoit également, suivant les recommandations de l’Observatoire de la parité, que le premier adjoint doit être de sexe opposé à celui du maire.
Un problème peut se poser dans le cas où il est nécessaire de remplacer un adjoint, démissionnaire par exemple. L’article L.2122-7-2 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit les conditions d’élection des adjoints au maire, prévoit une obligation de parité de l’exécutif municipal. Cette obligation s’applique également dès lors que le conseil municipal procède au remplacement de deux adjoints ou plus. Toutefois, le dernier alinéa permet de déroger à cette règle en cas de remplacement d’un seul adjoint. Dans les faits, une commune peut donc successivement pourvoir aux remplacements de plusieurs femmes par autant d’hommes, et vice-versa.
Votre Rapporteure a souhaité supprimer cette possibilité dérogatoire afin de garantir tout au long du mandat, la parité de l’exécutif telle qu’elle a été mise en place lors de son installation. Elle a donc déposé un amendement visant à supprimer le dernier alinéa de l’article L.2122-7-2, ce qui mettrait fin à cette dérogation.
C. LA MISE EN œUVRE DE LA PARITÉ DANS LES INTERCOMMUNALITÉS
Si la commune demeure la collectivité de proximité pour les citoyens, le regroupement et la mise en commun des compétences et des équipements au niveau intercommunal se sont progressivement imposés aux communes au cours des vingt dernières années. La notion d’EPCI, ou établissements publics de coopération intercommunale, regroupe les syndicats de communes, les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles, les quatre dernières étant des EPCI à fiscalité propre.
En vertu de la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, les organes délibérants des EPCI sont composés de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres. La durée de leur mandat est la même que celle des conseillers municipaux.
En outre, la loi du 16 décembre 2010, dans son article 8, a prévu, à compter du prochain renouvellement des conseils municipaux en 2014, l’élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux dans le cadre de l’élection municipale. Ce « rattachement » avait été prévu afin d’éviter que les établissements intercommunaux ne constituent un niveau d’administration distinct, car il ne s’agit pas d’une nouvelle catégorie de collectivité territoriale.
Aujourd’hui, les EPCI possèdent souvent la réalité du pouvoir local au point d’être parfois l’échelon local le plus important ; on ne saurait donc les soustraire à la contrainte paritaire.
Pourtant, en 2000, l’Observatoire de la parité dénonçait l’exclusion des structures intercommunales du champ d’application de la loi du 6 juin 2000, tout en convenant que le mode de désignation des délégués aux structures intercommunales – un scrutin indirect au deuxième degré – ne permettait pas de contraindre à l’égale représentation des femmes et des hommes.
Et, de fait, l’entrée massive des femmes dans les conseils municipaux des communes de plus de 3500 habitants n’a pas eu de répercussions au sein des structures intercommunales, qui demeurent des bastions masculins.
Bien que les données manquent au plan national, l’Observatoire de la parité a recueilli des données locales qui démontrent une large sous-représentation des femmes au sein des assemblées communautaires. L’une des études réalisées par l’Observatoire de la parité, portant sur 30 départements, a montré que les femmes ne constitueraient que 21 à 24 % des délégués communautaires. Plus encore, la proportion de femmes présidentes d’EPCI chute dès lors qu’il s’agit d’une structure démographiquement importante : plus les enjeux politiques locaux sont importants, plus la présence féminine est faible.
Il convient donc de prévoir une obligation de parité dans les exécutifs des EPCI.
L’article 8 de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a introduit le principe novateur de l’élection au suffrage universel direct des délégués de communes pour renforcer leur légitimité démocratique. Cette réforme entrera en vigueur lors du prochain renouvellement des conseils municipaux prévu en 2014.
L’article 20 du présent projet de loi opère une distinction entre les communes régies par le scrutin proportionnel et les communes régies par le scrutin majoritaire quant au sort des délégués.
– Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les délégués sont élus en même temps que les conseillers municipaux et selon les mêmes règles : représentation proportionnelle à la plus forte moyenne après attribution de la prime majoritaire à la liste arrivée en tête.
Le projet de loi stipule que « les candidats au mandat de délégué communautaire et de conseiller municipal figureront sur une seule et même liste, les premiers de la liste ayant vocation à siéger au conseil municipal et au conseil communautaire, les suivants de liste ne siégeant qu’au conseil municipal de la commune ».
Cette disposition vise à favoriser la représentation équilibrée des deux sexes dans les intercommunalités par le double effet du fléchage et de l’abaissement du seuil de la proportionnelle.
– Dans les communes de moins de 1 000 habitants, pour lesquelles le mode de scrutin ne permet pas d’élire les délégués des communes au suffrage universel direct, les délégués seront désignés dans l’ordre du tableau établi lors de l’élection de la municipalité : le maire puis les adjoints puis les autres conseillers municipaux. Ce système permet de prendre en compte le choix des électeurs traduit dans l’établissement du tableau.
Les auditions organisées par le rapporteur du projet de loi au Sénat, M. Michel Delebarre, ont mis en évidence une opposition générale à la rigidité du fléchage mis en œuvre à l’article 20. Le bureau de l’AMF note que tel que le fléchage est organisé par le projet de loi, « ce seront, en principe, les élus de la municipalité, maire et adjoints traditionnellement premiers de liste, qui siégeront à l’intercommunalité ». C’est également la position de l’APVF.
Ce dernier dispositif n’est donc pas favorable à l’établissement de la parité dans ces structures.
La commission des lois du Sénat avait modifié cet article en proposant que les candidats communautaires puissent être désignés au-delà des premiers de la liste, selon un ordre encadré. Point important, la liste des candidats aux sièges de délégué communautaire serait composée alternativement d’un homme et d’une femme dans l’ordre de présentation de ces candidats sur la liste des candidats au conseil municipal. Toutefois, le projet de loi ayant été rejeté au Sénat, il nous appartient d’améliorer le projet de loi tel qu’il a été présenté par le Gouvernement.
Votre Rapporteure propose donc d’instaurer la parité au sein des bureaux des EPCI en modifiant les alinéas 1 et 2 de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, en les complétant par la phrase suivante : « L’écart entre les représentants des deux sexes au sein du bureau ne peut être supérieur à un ».
La Délégation aux droits des femmes, sous la présidence de Mme Catherine Coutelle, a examiné le présent rapport d’information, au cours de sa réunion du mardi 5 février 2013.
Mme la Présidente Catherine Coutelle. Le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral avait été déposé sur le bureau du Sénat le 28 novembre dernier. Comme vous le savez, le Sénat a rejeté ce texte le 18 janvier.
Il m’a paru important que la Délégation puisse présenter sa position sur ce projet de loi qui comporte plusieurs dispositions ayant un impact sur la parité. À mon initiative, nous avons demandé à M. Jean-Jacques Urvoas, président la commission des Lois, de nous saisir de plusieurs articles du projet, en application de l'article 6 septies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Mme Pascale Crozon a été désignée rapporteure pour information de la Délégation sur ce projet de loi et va nous présenter ses travaux. Je tiens à la féliciter pour avoir procédé à des auditions dans un délai très contraint, auditions qui nous permis d’entendre des analyses et avis divergents sur les dispositions présentées par le Gouvernement à l’examen du Parlement. Après son exposé, nous examinerons les recommandations qu’elle nous propose d’adopter.
Mme Pascale Crozon, rapporteure. Le projet de loi, dont le Gouvernement indique dans son exposé des motifs qu’il « poursuit l’objectif constitutionnel d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, en l’étendant aux effectifs des assemblées départementales et aux effectifs des conseils municipaux », comporte trois dispositions sur lesquelles notre délégation est fondée à émettre un avis : l'institution d'un scrutin binominal paritaire majoritaire aux élections départementales, l'abaissement de 3500 à 1000 habitants du seuil de la proportionnelle aux élections municipales, et le fléchage paritaire des candidats aux mandats de délégué communautaire.
Si la représentation des femmes a progressé dans toutes les assemblées depuis la réforme constitutionnelle de 1999, le rythme et l'ampleur de ce progrès varient considérablement selon le mode de scrutin retenu. Elles ne représentent en effet que 13,9 % des conseillers généraux, 26,6 % des députés, et 32,2 % des conseillers municipaux dans les communes de moins de 3500 habitants.
Ces chiffres contredisent l’existence « d’effets induits » découlant de la parité dans les assemblées régionales et municipales (dans les communes de plus de 3 500 habitants). Le seul levier ayant fait ses preuves pour améliorer significativement l'accès équilibré des femmes et des hommes aux mandats électifs est donc bien la contrainte paritaire pesant sur le mode de scrutin. Tel est aujourd'hui le choix du gouvernement, dont votre rapporteure ne peut que se féliciter.
J’évoquerai d’abord les dispositions concernant les élections municipales et communautaires. Il existe de fortes disparités entre les communes de plus de 3 500 habitants, qui élisent 48,5 % de conseillères municipales, et les communes de moins de 3 500 habitants, qui n'en élisent que 32,2 %. Je rappelle qu’il avait été envisagé lors de la précédente réforme territoriale d’abaisser le seuil de la proportionnelle à 500 habitants, solution soutenue par l’Association des maires de France, et qui n’a finalement pas été retenue. Le gouvernement a aujourd’hui retenu le seuil de 1 000 habitants, qui concernera 6 550 communes supplémentaires et permettra l'élection de 16 000 nouvelles conseillères municipales.
En accord avec la Présidente de notre délégation, je souhaite déposer un amendement pour supprimer tout seuil, ce qui permettrait d’établir la parité dans toutes les communes de France. Il s'agit de contester l'idée reçue selon laquelle les communes rurales seraient moins disposées que les autres à élire des femmes. J'attire par ailleurs votre attention sur le dépôt, par le rapporteur de la commission des lois, d'un amendement abaissant le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, qui lève l'objection de la difficulté de présenter des listes complètes.
Je souhaite par ailleurs que notre délégation prenne position pour le renforcement de l'obligation de parité des exécutifs municipaux, introduite par la loi du 31 janvier 2007. Je souhaite poser le principe selon lequel le maire et son premier adjoint sont de sexe opposé, afin de favoriser l’accès des femmes à la fonction de maire.
La même obligation de parité de l’exécutif doit être selon moi étendue aux établissements publics de coopération intercommunale, pour lesquels on peut regretter l’absence de statistiques, à l’image de l’opacité qui préside à leur organisation. L'élection des délégués communautaires au suffrage universel direct au moyen du fléchage des candidats sur les listes municipales est un progrès démocratique. Nous devons toutefois faire preuve de vigilance quant aux effets réels de ce mode de scrutin sur la parité, compte tenu du nombre de communes représentées et qui ont dans leur immense majorité un homme à leur tête.
Il faut aussi prêter attention à une conséquence paradoxale du fléchage : l’impact du suffrage universel et paritaire pourrait être moindre dans les intercommunalités les plus importantes, et dont les compétences sont les plus intégrées. Je m’interroge sur le projet de métropoles d’intérêt européen (qui concernera les agglomérations de Lille, Lyon et Marseille) qui auront pour conséquence la disparition du conseil départemental. Cette nécessaire modernisation ne doit pas se faire au détriment de la légitimité démocratique des élus ni de la parité.
J’en viens à l'instauration d'un scrutin binominal paritaire aux élections départementales. La réforme du mode de scrutin était rendue nécessaire par l'abrogation du conseiller territorial, création dont notre délégation, y compris sous la précédente majorité, avait souligné le risque au regard de la parité.
Le choix de ce nouveau mode de scrutin a fait débat, et je veux rappeler la contribution de notre Présidente Catherine Coutelle auprès de la commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique conduite par M. Lionel Jospin, contribution qui préconisait le scrutin de liste avec prime majoritaire au niveau de chaque arrondissement.
Le scrutin binominal paritaire est une innovation dont nous ne connaissons aucun précédent dans le monde, mais je souligne qu’il avait été proposé dès 1992 par Mme Françoise Gaspard et défendu en 2009 par la Délégation aux droits des femmes du Sénat. Il prévoit la candidature solidaire d'un binôme de candidats de sexe différent dans chaque canton, l'élection de l'un entraînant automatiquement l'élection de l'autre. La solidarité dure le temps des opérations électorales, étendue à la phase éventuelle de contentieux électoral. Ensuite chaque conseiller départemental exerce son mandat de manière indépendante, afin de ne pas mettre fin automatiquement au mandat de l’un des membres du binôme si l’autre n’est plus à même d’exercer son mandat. Deux suppléants sont élus en même temps que le binôme, de manière également paritaire, afin de garantir la parité en cours de mandat.
La politiste Réjane Sénac, auditionnée dans le cadre de la préparation de ce rapport, nous a alertés sur le risque de perpétuation d'une logique de fief, dans laquelle toute la légitimité politique continuerait d'être portée par le notable local, le plus souvent masculin, tandis que la femme lui apporterait des qualités complémentaires.
Ce risque m’apparaît sérieux pour les élections de 2015, où l'essentiel des sortants seront effectivement des hommes. Je souhaite que notre délégation recommande au Gouvernement de prendre toutes les mesures réglementaires de nature à garantir l'égalité de traitement entre les membres du binôme, notamment en matière de propagande officielle. Quoiqu’il en soit, le nouveau mode de scrutin empêchera dorénavant que 79 % des candidats titulaires soient à nouveau des hommes.
Au-delà, il me semble essentiel que notre délégation accorde sa confiance aux femmes. J'ai confiance dans leur capacité à prendre toute leur place dans l'exercice de leur mandat et à affirmer leur légitimité à l'occasion des élections suivantes. Cela passe aussi par la parité de l’exécutif départemental, prévue par le projet de loi, mais qui devrait être renforcée par l’exclusion de toute dérogation.
Surtout, je ne crois pas que nous puissions nous opposer à un mode de scrutin qui ne se contente plus de « favoriser », mais « garantit l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux », évolution sémantique à laquelle notre délégation est attachée et qu’elle défendra sans doute lors de la prochaine réforme constitutionnelle. Pour ces raisons, je vous demande de voter ce rapport et les recommandations qui vous sont soumises.
Un débat a suivi l’exposé de la Rapporteure.
Mme la Présidente Catherine Coutelle. Comme je l’ai effectivement fait connaître par une contribution à la « commission Jospin », je souhaite rappeler ici que je ne peux soutenir l’ensemble des dispositions du projet de loi qui est soumis à notre assemblée.
En total accord avec les objectifs du Président de la République sur le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, je souhaite préserver la proximité des élus départementaux avec leur territoire, et aboutir à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les conseils départementaux. Mais le projet de loi, tel qu’il a été déposé à l’Assemblée nationale, ne me paraît pas remplir ces deux conditions.
On ne compte actuellement que 14 % de femmes dans les assemblées départementales. C’est un triste palmarès pour ces « irréductibles bastions masculins ». Il est temps de faire souffler un grand vent de modernisme démocratique et politique, de parité et de renouvellement dans ces enceintes. Dans ce contexte, le projet de binôme « femme-homme » envisagé aujourd’hui me semble être une fausse bonne idée.
Précédemment, l’instauration de suppléants du sexe opposé pour chaque conseiller général n’avait rien changé. Bien peu d’hommes ont laissé la place à leur « remplaçante » lors des dernières élections. Aucune inflexion significative de la masculinité de ces assemblées n’a pu être constatée. Trois conseils généraux ne comptent même aucune femme parmi leurs membres !
Il faudrait aujourd’hui mettre en place un mode de scrutin ambitieux, répondant aux attentes en termes de représentativité et de parité pour les assemblées et leurs exécutifs, mais aussi un mode de scrutin capable de donner du sens au projet départemental.
Le scrutin binominal mixte signifie l’élection dans chaque canton (dont le nombre serait divisé par deux) d’un « binôme » constitué d’une femme et d’un homme. Certes, il y aurait un effet paritaire mécanique, mais l’idée que pour être élue, une femme doive nécessairement être « associée », « accolée », à un homme peut heurter.
Dans la situation actuelle, 86 % des conseillers généraux sont des hommes. Les binômes seront donc en grande majorité constitués d’hommes expérimentés, connus sur leurs cantons, « notabilisés », et de femmes nouvelles, probablement choisies par eux, tout comme leurs suppléantes jusqu’à présent, et qui seront élues pour le même mandat sur le même territoire. Il n’est pas impossible que, dans le cas d’accords entre partis, l’organisation majoritaire désigne un homme bien implanté, et laisse à son partenaire le soin de désigner une femme, immédiatement positionnée à l’arrière-plan.
Il y a donc fort à parier que ces femmes auront des difficultés pour être considérées à égalité avec leur binôme : qui fera les discours d’inauguration : celui qui connaît le maire de la commune depuis trente ans ou la « petite nouvelle » ? À qui les habitants s’adresseront-ils ? À qui les services du conseil départemental s’adresseront-ils ? Qui représentera le (ou la) président(e) dans le canton ?
Évidemment l’on peut toujours imaginer qu’à l’occasion de l’instauration de ce scrutin binominal, les représentations sexuées qui régissent la vie en société depuis des milliers d’années vont disparaître d’un coup, et que par la magie du binôme, les femmes vont devenir à la fois sûres d’elles-mêmes et de leur légitimité, tandis que les hommes auront à cœur de leur laisser une partie de leur pouvoir, par esprit de justice désintéressé… Il est toutefois permis d’en douter.
Selon toute vraisemblance, les femmes nouvellement élues avec ce système auront toutes les peines du monde à se débarrasser de leur « tuteur » encombrant, et à être reconnues pleinement. Pour beaucoup de femmes, l’obligation d’être accompagnée d’un homme pour avoir accès à un lieu, à une profession, à l’ouverture d’un compte en banque, rappelle encore beaucoup de mauvais souvenirs. Avec le binôme, nous voilà replongés cinquante ans en arrière. Ce n’est pas là l’esprit de la parité.
Le Président de la République a redit son souhait que la réforme favorise l’ancrage territorial et la parité. De mon point de vue, l’organisation de listes infra-départementales répondrait pleinement à ces deux exigences.
Le scrutin de liste s’est révélé efficace pour en finir avec certains archaïsmes de la vie politique. C’est le cas pour les assemblées régionales, pour les membres français du Parlement européen ou encore pour les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, qui sont aujourd’hui paritaires. Les Français souhaitent que l’on simplifie les modes de scrutin et que l’on n’augmente pas le nombre des élus. Or, au lieu de simplifier, rendre plus cohérent et donc plus compréhensible notre système politique, nous nous apprêtons à créer un nouveau mode de scrutin. Il n’est pas compréhensible que le scrutin de liste soit satisfaisant au niveau municipal, au niveau régional, mais pas au niveau intermédiaire.
L’exercice citoyen de la démocratie serait ainsi facilité par la lisibilité et la simplicité de scrutins identiques pour les élections départementales et régionales, et davantage encore si l’on généralisait ce scrutin de liste à l’ensemble des communes. Le scrutin de liste est aussi le mode d’élection qui correspond le mieux à la défense d’un projet politique pour un territoire et les décisions des conseillers départementaux valent bien pour le département tout entier.
L’égalité femmes-hommes est bien l’objectif mais le remède doit être le bon, et d’autres solutions auraient pu être choisies.
M. Sébastien Denaja, Mme Martine Faure et Mme Ségolène Neuville se déclarent favorables au scrutin proportionnel infra-départemental pour l’élection des conseillers départementaux et approuvent la position développée par la présidente Catherine Coutelle.
Mme Pascale Crozon, rapporteure. Je vais maintenant vous présenter les recommandations que je formule en conclusion de mon rapport.
J’ai souhaité en premier lieu que le scrutin binominal soit évalué trois ans après son entrée en vigueur et c’est l’objet de ma recommandation n°1. Consciente que le risque d’asymétrie entre les candidatures masculines et féminines existe, surtout pour le premier scrutin sous ce régime en 2015, j’ai souhaité que le gouvernement assure l’égalité de traitement des candidats par des mesures réglementaires (recommandation n°2). La troisième recommandation porte sur la parité dans les exécutifs des conseils départementaux et préconise des candidatures paritaires aux commissions permanentes ; cette recommandation fait aussi l’objet d’un amendement.
Pour les élections municipales, je propose la suppression de tout seuil pour l’application du scrutin proportionnel, car la parité doit être une réalité dans toutes les communes (recommandation n°4) et, logiquement, je fais une recommandation visant à ce que les exécutifs municipaux soient aussi constitués de manière paritaire (n°5). Je rappelle que le rapporteur de la commission des Lois a présenté un amendement visant à réduire le nombre des conseillers municipaux à sept dans les petites communes, ce qui facilitera la constitution des listes.
Il me semble nécessaire d’étendre à l’élection des adjoints l’usage de listes alternées homme femme et de prévoir que le premier adjoint soit de sexe opposé à celui du maire (recommandation n°6). En cas de remplacement d’un adjoint en cours de mandat, je recommande la suppression de toute possibilité de déroger à l’obligation paritaire (recommandation n°7). Je présenterai des amendements traduisant ces recommandations.
Enfin, la parité doit être promue au sein des bureaux des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui sont de plus en plus des lieux de pouvoir (recommandation n°8) ; cette recommandation sera aussi traduite par un amendement. Enfin, dans ma dernière recommandation j’ai souhaité que l’impact sur la parité du suffrage universel direct par fléchage dans les EPCI fasse l’objet d’une évaluation deux ou trois ans après son entrée en application.
Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci à notre rapporteure pour la qualité de son travail et ses recommandations très complètes quant à la mise en œuvre de la parité dans les différentes enceintes de la démocratie locale.
M. Sébastien Denaja. Il me semble qu’il faudrait faire le lien entre la recommandation n° 4 en faveur de la parité dans tous les conseils municipaux, y compris ceux des communes de moins de 3 500 habitants, donc, et la recommandation n° 8 visant l’instauration de la parité au sein des bureaux des EPCI. En effet, faute de parité dans les conseils municipaux des petites communes, il serait impossible d’avoir une représentation paritaire dans les EPCI.
Mme Pascale Crozon. C’est certain. En fait, les plus petites communes n’ont souvent qu’un seul représentant, leur maire, qui est très souvent un homme, ce qui explique qu’environ 20 à 25 % seulement des délégués dans les EPCI soient des femmes.
Mme la Présidente Catherine Coutelle. Ce problème est difficile à résoudre car chaque commune désigne son délégué de son côté, sans se préoccuper de ce que font les autres communes. Le fléchage ne fera d’ailleurs que renforcer cette difficulté.
Mme Ségolène Neuville. Je m’interroge sur la rédaction de la recommandation n° 1 relative à l’évaluation du scrutin binominal après trois années de mise en œuvre. Je ne crois pas que ce mode de scrutin entraînera, à lui seul, une évolution des mentalités.
M. Sébastien Denaja. Ce mode de scrutin permettra nécessairement d’obtenir la parité au sein des conseils départementaux. Mais il serait en effet intéressant de savoir, à terme, dans quelle mesure il a contribué à un partage plus égalitaire du pouvoir entre les femmes et les hommes à l’échelon départemental.
Mme Ségolène Neuville. L’une des sous-parties du rapport de Mme Crozon a pour titre : « les élections législatives : le scrutin uninominal et le cumul des mandats expliquent la lenteur des progrès ». Je ne suis pas d’accord avec la seconde partie de ce diagnostic. Souvent, il n’y a qu’une seule candidate pour une élection que l’on croit perdue d’avance, et, si cette candidate a déjà un mandat, elle doit pouvoir se présenter car elle est souvent la seule à avoir une chance d’être élue, justement parce qu’elle a déjà fait ses preuves dans un autre mandat. Je souhaite donc que l’on ne soit pas aussi catégorique. Le cumul des mandats n’est pas forcément un obstacle à la parité.
Mme la Présidente Catherine Coutelle. De mon point de vue, il est évident que le fait qu’une même personne – un homme le plus souvent – exerce plusieurs mandats pendant de nombreuses années constitue un frein au renouvellement des élus en général et à l’accès des femmes aux mandats locaux. Ne serait-ce qu’en termes de places, le cumul a constitué une limitation jusqu’à présent.
Mme Ségolène Neuville. Je suis persuadée que, dans les circonscriptions difficiles, si le cumul est interdit, ce sera un homme du bord adverse qui sera élu, et pas une femme dépourvue de tout autre mandat.
M. Sébastien Denaja. Nous pouvons convenir que le cumul limite le renouvellement des élus en freinant l’accès aux mandats électifs d’autres catégories de personnes, les femmes, les candidats plus jeunes, les représentants de la diversité. Cela paraît constituer une donnée objective.
Mme Martine Faure. On a trop tendance à prendre prétexte de la prétendue absence de candidat connu pour soutenir la candidature de « cumulards » ! Pour qu’il y ait davantage de femmes élues députées, il faut leur réserver des circonscriptions gagnables, comme l’avait fait M. Lionel Jospin jadis, et cela avait permis de réels progrès.
Mme la Présidente Catherine Coutelle. Nous entrons là dans un autre débat, qui sera prochainement à notre ordre du jour. Pour ma part, je ne suis pas sûre que les « cumulards » soient mieux placés que d’autres pour gagner une élection.
Mme Pascale Crozon et moi-même avons travaillé à la rédaction d’amendements inspirés des recommandations que la rapporteure vient de vous présenter. Un certain nombre d’amendements a été déjà déposé pour être examinés par la commission des Lois ; nous n’avons pas encore décidé leur dépôt en vue de la séance publique.
La Délégation adopte le rapport de Mme Pascale Crozon et les recommandations suivantes :
RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION
Recommandation n°1 :
La solution retenue par le Gouvernement pour l’élection des conseillers départementaux – le scrutin binominal – assurera la parité dans ces enceintes. Il conviendra d’en faire l’évaluation trois ans après son entrée en application avec les élections de mars 2015, afin de constater si ce mode de scrutin a entraîné une réelle évolution des mentalités et un partage à égalité du pouvoir entre les femmes et les hommes à l’échelon départemental.
Recommandation n°2 :
Compte tenu du risque d'asymétrie des candidatures masculines et féminines, plus particulièrement liée à l'utilisation par les hommes du statut de "candidat sortant", à l'occasion des élections départementales de 2015, la Délégation invite le gouvernement à prendre toutes les mesures réglementaires permettant d'assurer l'égalité de traitement des candidats d'un même binôme. Il s'agit en particulier de veiller à l'équilibre des candidatures dans la propagande officielle : affiches, professions de foi, bulletins de vote.
Recommandation n°3 :
La parité dans les conseils départementaux doit impliquer l’égal accès des femmes aux exécutifs de ces conseils. Il convient donc d’instaurer une obligation pour tous les groupes de conseillers de présenter une liste de candidats paritaire en vue de l’élection de la commission permanente.
Recommandation n°4 :
La parité au sein des conseils municipaux doit s’imposer dans toutes les communes, seul moyen de rénover fondamentalement la vie représentative locale en impliquant largement les femmes dans les responsabilités locales.
La Délégation est en conséquence favorable à la suppression de tout seuil à l’article L.252 du code électoral, afin d’assurer l’élection de tous les conseils municipaux au scrutin de liste paritaire par alternance stricte.
Recommandation n°5 :
Les exécutifs municipaux doivent aussi être constitués de manière paritaire, y compris dans les petites communes.
Il convient pour cela de modifier l’article L.2122-7-2 du code général des collectivités territoriales afin d’étendre à toutes les communes l’élection des adjoints au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. En outre, sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.
Recommandation n°6 :
L’accès des femmes à la fonction de maire et de maire-adjoint est encore très limité. Cette situation pourrait évoluer en étendant à l’élection des adjoints l’usage de listes composées alternativement de candidats de chaque sexe, présidant pour l’élection des conseillers municipaux.
Il doit être prévu également que le premier adjoint est de sexe opposé à celui du maire.
Recommandation n°7 :
L’article L.2122-7-2 du code général des collectivités territoriales prévoit une obligation de parité au sein de l’exécutif municipal. Toutefois, en cas de remplacement en cours de mandat, l’obligation de parité demeure si deux adjoints doivent être remplacés, mais le dernier alinéa de cet article permet de déroger à la règle de parité si un seul adjoint doit être remplacé.
Il convient de supprimer cette possibilité dérogatoire afin de garantir, tout au long du mandat, la parité de l’exécutif telle qu’elle a été mise en place lors de son installation.
Recommandation n°8 :
Les femmes sont encore très minoritaires au sein des structures intercommunales. La Délégation souhaite l’instauration de la parité au sein des bureaux des EPCI. Celle-ci interviendrait en modifiant les alinéas 1 et 2 de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, en les complétant par la phrase suivante : « L’écart entre les représentants des deux sexes au sein du bureau ne peut être supérieur à un ».
Cette recommandation est liée à la recommandation n°4. Elle ne pourrait évidemment se concrétiser en l’absence de la parité dans tous les conseils municipaux préconisée plus haut.
Recommandation n°9 :
En l'absence de statistiques officielles sur la représentation des femmes dans les EPCI, la Délégation considère que l'impact sur la parité du suffrage universel par fléchage doit faire l'objet d'une évaluation trois ans après son entrée en application. Il convient en particulier d'en comparer les résultats selon le nombre d'habitants ou de communes membres de l'EPCI.
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE
• Mme Armelle Danet, Présidente de l’Association Elles aussi
• Mme Françoise Gaspard, sociologue, ancienne députée, membre de l’Association Demain la Parité et du réseau européen "Femmes dans la prise de décision", représentante de la France à la Commission de la femme à l’ONU
• M. Denys Pouillard, Président de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire
• Mme Caroline Ressot, Haut Conseil de l’égalité femmes-hommes, ancienne secrétaire générale de l’Observatoire de la parité
• Mme Réjane Sénac, politiste, chargée de recherche CNRS au centre de recherches politiques de Sciences-Po (CEVIPOF), membre du comité de pilotage du Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE).
ANNEXE : SAISINE PAR LA COMMISSION DES LOIS
1 () Femmes-hommes : penser l’égalité, sous la direction de Sandrine Dauphin et Réjane Sénac, La Documentation française, 2012.
2 () M Denys Pouillard s’interroge à cet égard sur le point de savoir si, en dehors du scrutin proportionnel adapté à la composition d’assemblées délibératives, on peut, dans un cadre majoritaire, considérer que la notion représentative peut être partagée de manière binominale pour exercer des fonctions confondues, ou communes.
Le principe de l’individualisation de la représentation lie l’électeur à son représentant par « l’état de procuration ». Lorsque la procuration s’adresse à deux personnes, il n’y aurait plus « procuration » mais contrat. Il n’y aurait plus d’individualisation du vote du représentant puisque les deux membres du binôme sont liés. Par rapport à l’assemblée délibérante, on pourrait ainsi se demander si les deux personnes votent par canton ou individuellement.