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N° 763

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 février 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

déposé
en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

par le COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES
sur l’évaluation des dispositifs publics d’aide à la création d’entreprises

et présenté

PAR MM. Jean-Charles TAUGOURDEAU et Fabrice VERDIER

Députés.

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INTRODUCTION 9

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS 15

PREMIÈRE PARTIE : LA PROMOTION DE LA CRÉATION D’ENTREPRISES, UNE POLITIQUE PUBLIQUE QUI RESTE À DÉFINIR 21

I.– LA CRÉATION D’ENTREPRISES EN FRANCE : DES CHIFFRES GLOBALEMENT FAVORABLES MAIS QUI MASQUENT CERTAINES FRAGILITÉS 21

A.– LE NOMBRE DE CRÉATIONS D’ENTREPRISES EST ÉLEVÉ 21

1. Quantitativement, les chiffres sont satisfaisants depuis 2003 21

2. Les résultats français se situent dans la moyenne européenne 22

B.– CES CHIFFRES FAVORABLES SE CONJUGUENT AVEC CERTAINES FRAGILITÉS PRÉOCCUPANTES 22

1. Les Français créent-ils des entreprises sans salariés ? 22

2. Les facteurs de pérennité des entreprises créées 23

II.– LES AIDES À LA CRÉATION D’ENTREPRISES SONT PROTÉIFORMES ET MISES EN PLACE PAR DES ACTEURS NOMBREUX ET DIVERS 23

A.– LES AIDES PUBLIQUES CONSTITUENT UN ENSEMBLE DISPARATE DE DISPOSITIFS 23

1. Les aides qui bénéficient directement aux entrepreneurs 24

a) Les exonérations et les subventions 24

b) Les prêts, avances remboursables et garanties 25

c) L’investissement dans le capital des entreprises 26

2. Les aides indirectes relèvent principalement de l’accompagnement des créateurs et de la stimulation de l’esprit d’entreprise 27

a) L’accompagnement des porteurs de projet et des créateurs 27

b) La stimulation de l’esprit d’entreprise et de la culture entrepreneuriale dans la population 27

B.– LE FINANCEMENT DES AIDES PUBLIQUES À LA CRÉATION D’ENTREPRISES REPRÉSENTE UNE DÉPENSE ANNUELLE D’ENVIRON 2,7 MILLIARDS D’EUROS 28

1. Un coût difficilement évaluable 28

2. Ces dépenses sont principalement financées par les régimes de sécurité sociale et d’assurance chômage et, dans une moindre mesure, par l’État et les collectivités locales 29

C.– UN FOISONNEMENT D’ACTEURS DONT LA COORDINATION S’AVÈRE DIFFICILE 29

III.– DES OBJECTIFS AMBIGUS QUE REFLÈTE UN PILOTAGE ÉTATIQUE ÉCLATÉ 31

A.– TROIS OBJECTIFS PAS NÉCESSAIREMENT COMPATIBLES : LUTTER CONTRE LE CHÔMAGE, DÉVELOPPER UN TERRITOIRE ET PROMOUVOIR L’INNOVATION 31

1. Un grand nombre de dispositifs servant trois objectifs différents 31

2. Les dispositifs d’aide à la création d’entreprises ne constituent pas une politique publique au sens strict 32

B.– AU NIVEAU DE L’ÉTAT, LE PILOTAGE ET LE SUIVI DES DISPOSITIFS FAVORISANT LA CRÉATION D’ENTREPRISES SONT TRÈS ÉCLATÉS 33

1. La politique d’aide à la création d’entreprises ne fait pas l’objet d’un pilotage unique au sein des administrations centrales de l’État 33

2. Le suivi en lois de finances des dispositifs d’aides à la création d’entreprises est ventilé entre onze programmes différents 34

DEUXIÈME PARTIE : ADAPTER LES AIDES À LA CRÉATION D’ENTREPRISES POUR AMÉLIORER LEUR EFFICIENCE 36

I.– LES PORTEURS DE PROJET ET LES CRÉATEURS D’ENTREPRISE DOIVENT FAIRE L’OBJET D’UN ACCOMPAGNEMENT RENFORCÉ, ENRICHI ET PROLONGÉ 36

A.– RENFORCER L’ACCOMPAGNEMENT 37

1. Rendre l’accompagnement obligatoire 37

2. Renforcer la qualité des prestations d’accompagnement 38

a) Mieux utiliser la « Charte qualité » 38

b) Améliorer la formation des acteurs de l’accompagnement 38

c) Reconnaître les efforts d’accompagnement réalisés dans le cadre du bénévolat 39

3. Personnaliser davantage l’accompagnement 39

a) Utiliser les nouvelles technologies pour toucher un nouveau public 39

b) Créer une procédure du bilan de compétences spécifique aux porteurs de projet et créateurs d’entreprise 40

4. Enrichir le contenu de l’accompagnement, particulièrement dans ses dimensions de formation aux techniques commerciales et à la gestion des ressources humaines 41

B.– PROLONGER L’ACCOMPAGNEMENT DE L’ENTREPRENEUR LORS DES PREMIÈRES ANNÉES DE LA VIE DE L’ENTREPRISE 41

C.– MIEUX FINANCER L’ACCOMPAGNEMENT 42

II.– SIMPLIFIER LES AIDES POUR AMELIORER LE SERVICE AUX ENTREPRENEURS 43

A.– UNE COMPLEXITÉ INCONTESTABLE QUI NUIT AUX INSTANCES DE PILOTAGE, AUX OPÉRATEURS COMME AUX ENTREPRENEURS 43

B.– LES PISTES DE SIMPLIFICATION POUR UNE LISIBILITÉ ACCRUE 44

III.– L’ÉVALUATION NÉCESSAIRE DES « AIDES DE GUICHET » À L’EFFICACITÉ INCERTAINE 45

A.– UN MANQUE PRÉOCCUPANT DE SUIVI ET D’ÉVALUATION 45

1. Une évaluation inexistante de certains dispositifs pourtant très coûteux 45

2. L’efficacité de l’Accre doit être relativisée 45

B.– RÉORIENTER LES AIDES VERS LES PORTEURS DE PROJET ACTUELLEMENT LES MOINS AIDÉS 46

1. Le déséquilibre constaté en matière de répartition des aides entre les différentes catégories d’entrepreneurs 46

2. Réorienter les aides vers des projets plutôt que vers des statuts 46

IV.– PRIVILÉGIER LES OUTILS LES PLUS EFFICACES 47

A.– L’EFFICACITÉ DES PRÊTS D’HONNEUR ET DES GARANTIES BANCAIRES INCITE À LES UTILISER DAVANTAGE 47

B.– LE DISPOSITIF NACRE ET LE PRÊT À LA CRÉATION D’ENTREPRISE D’OSÉO DOIVENT FAIRE L’OBJET D’UNE RÉFLEXION SPÉCIFIQUE 49

1. Le dispositif Nacre : des avantages théoriques, mais une mise en application problématique 49

a) Les caractéristiques de Nacre 49

b) Le dispositif comporte des avantages théoriques certains 49

c) Une application décevante incite à formuler des propositions de réforme 50

d) Consacrer les crédits finançant Nacre aux prêts d’honneur et à des prestations d’accompagnement renforcées 51

2. Les conditions d’octroi du prêt à la création d’entreprise (PCE) octroyé par Oséo doivent être réaménagées 51

a) Les caractéristiques du PCE 51

b) Une suppression qui permettrait de simplifier le paysage des aides à la création d’entreprises 52

V.– RENFORCER LE FINANCEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES PAR L’OUTIL FISCAL 52

A.– LE BILAN FAVORABLE DES INTERVENTIONS EN CAPITAL ET DE L’ACTION D’OSÉO 53

B.– INFLUER SUR LES MODALITÉS D’ALLOCATION DE L’ÉPARGNE PLACÉE SOUS LA FORME DE L’ASSURANCE-VIE 53

C.– ACCROÎTRE LA VISIBILITÉ DES INVESTISSEURS DE LONG TERME GRÂCE À LA STABILITÉ DES DISPOSITIFS INCITATIFS FISCAUX 55

VI.– STIMULER ET ENTRETENIR L’ESPRIT D’ENTREPRISE 55

A.– LE POIDS DES FACTEURS CULTURELS N’EST PAS À NÉGLIGER 56

1. Le développement de l’esprit d’entreprise renvoie à des thématiques plus larges 56

2. Donner l’envie d’entreprendre 56

a) La nécessité d’agir sur les facteurs culturels 56

b) Les pouvoirs publics ont un rôle indispensable à jouer 57

B.– MENER UNE ACTION DE SENSIBILISATION À L’ENTREPRENEURIAT LA PLUS PRÉCOCE POSSIBLE, EN CIBLANT TOUS LES ÉLÈVES DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET LES ÉTUDIANTS 58

C.– ALLÉGER LE POIDS DES NORMES ET LE CONTRÔLE DE LEUR APPLICATION PAR LES ADMINISTRATIONS DÉCONCENTRÉES 59

TROISIÈME PARTIE : RÉNOVER LA GOUVERNANCE, ACCOMPAGNER LA RÉGIONALISATION 61

I.– DÉFINIR UNE STRATÉGIE NATIONALE DE CRÉATION D’ENTREPRISES ET DES OUTILS DE PILOTAGE ADAPTÉS 61

A.– LA NÉCESSITÉ DE DÉFINIR LE RÔLE ET LA STRATÉGIE DE L’ÉTAT 61

1. La création d’entreprises au cœur de plusieurs politiques publiques 61

2. Le rôle de l’État : corriger les faiblesses de la création d’entreprises sans se substituer à l’initiative privée 62

B.– UNE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE INDISPENSABLE, COMPTE TENU DES TROIS OBJECTIFS DE LA CRÉATION D’ENTREPRISE 63

1. L’échec patent de la coordination entre les acteurs de l’emploi et ceux de l’économie 63

2. Les questions soulevées par la réunion des opérateurs financeurs de la croissance des entreprises au sein de la Banque publique d’investissement 65

C.– DES OUTILS DE PILOTAGE AUJOURD’HUI INSUFFISANTS, UNE ÉVALUATION À ENCOURAGER 66

1. L’impossibilité de recenser les aides dispensées par les collectivités territoriales 66

2. Des dispositifs insuffisamment évalués 68

3. Des données transversales qui justifieraient une meilleure information du Parlement 69

II.– ACCOMPAGNER LA RÉGIONALISATION DES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE 69

A.– UNE DÉCENTRALISATION INACHEVÉE, SOURCE D’INEFFICACITÉ 69

1. L’État reste très présent dans les territoires, au contraire de ce qui se fait dans d’autres pays 69

2. L’État pourrait privilégier le contrat pour mieux coordonner les acteurs intervenant sur un territoire tout en leur laissant l’autonomie nécessaire 70

3. Le mythe du guichet unique 71

B.– LE MONDE DE L’INITIATIVE ÉCONOMIQUE : UN SYSTÈME EN RÉSEAU À ANIMER PAR CONTRATS ET CONVENTIONS 72

1. Des accords pour encourager et préserver les bonnes pratiques territoriales 72

2. Les enjeux de l’animation du monde de l’initiative économique 73

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 75

EXAMEN PAR LE COMITÉ 93

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 107

COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES SUR L’ÉVALUATION DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN À LA CRÉATION D’ENTREPRISES 111

INTRODUCTION

Favoriser la création d’entreprise constitue, pour les pouvoirs publics, un objectif général de nature à susciter un large consensus. En effet, la promotion de la création d’entreprise s’impose comme une politique publique justifiée par ses nombreux effets positifs attendus.

Ces conséquences bénéfiques concernent d’abord l’entrepreneur. Celui-ci, créant son propre emploi, percevant une rémunération tirée de son activité, est susceptible de connaître un développement personnel associé à l’indépendance procurée par ce statut. L’Insee indique ainsi qu’en 2009, parmi les créateurs toujours en activité, plus de huit sur dix se disent satisfaits, voire très satisfaits de leur entreprise créée trois ans auparavant (1). Dans le meilleur des cas, la création d’entreprise peut même tenir lieu d’ascenseur social, fonction que notre système éducatif peine à assurer aujourd’hui.

L’impact positif de ces nouvelles activités revêt également une dimension plus collective. La création d’entreprise peut en effet renforcer la cohésion sociale, particulièrement dans le périmètre d’un territoire ou d’un bassin d’emploi. Elle est source de valeur ajoutée et peut susciter des embauches supplémentaires. Ces nouvelles activités peuvent conduire à injecter de l’innovation dans le système économique et, le cas échéant, contribuer positivement au commerce extérieur grâce à des exportations supplémentaires.

Les enquêtes d’opinion montrent que, à rebours des idées reçues, beaucoup de Français souhaitent créer leur entreprise. Pourtant, même si les chiffres relatifs aux créations sont assez satisfaisants, peu de personnes passent à l’acte. Il y a donc dans ce domaine un potentiel important de croissance. C’est dans ce cadre que doit intervenir l’action publique : sans se substituer à l’initiative privée, il lui revient d’encourager et faciliter l’action des porteurs de projet, des créateurs et des entrepreneurs, de manière à ce que la richesse ainsi créée bénéficie in fine à tous.

Ces considérations ont incité le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale (CEC) à engager l’évaluation des aides publiques à la création d’entreprise. Il est en effet tout à fait justifié de se pencher sur les efforts des pouvoirs publics visant à soutenir et faciliter la création d’entreprise, et d’apprécier l’efficacité de chaque dispositif mis en œuvre, notamment au regard de son coût pour les finances publiques.

Pour réaliser cette évaluation, le CEC a décidé de recourir à l’assistance de la Cour des comptes. En application de l’article 47-2 de la Constitution (2) et de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières (3), le Comité peut en effet demander à la Cour des comptes de lui remettre des rapports d’évaluation de politique publique. La Cour a ainsi mené, à la demande du CEC, des travaux sur la médecine scolaire (4) puis sur l’hébergement d’urgence (5). La Cour a également remis en décembre 2012 un rapport au CEC sur la politique de lutte contre le tabagisme.

Sous la précédente législature, lors de la réunion du Comité tenue le 30 juin 2011, sous la proposition du président de l’Assemblée nationale et président du CEC, M. Bernard Accoyer, le Comité a demandé à la Cour de lui prêter assistance sur le sujet de l’évaluation des « politiques publiques de soutien à l’emploi ». Il était convenu que ce sujet, jugé trop large, devait être par la suite précisé après discussion avec des magistrats de la Cour. Le choix et le périmètre de ce thème d’évaluation ont donc par la suite fait l’objet d’une coopération entre des membres du Comité et des magistrats de la Cour.

Le Président de l’Assemblée nationale, président du CEC, à la suite de la réunion du Comité du 30 juin 2011, a finalement saisi la Cour par un courrier en date du 18 juillet 2011 afin qu’elle procède à l’évaluation « des dispositifs de l’État en faveur de la création d’entreprise ». Le Premier président de la Cour a accepté cette demande par un courrier en date du 8 décembre 2011. Le Comité a formellement inscrit « l’évaluation des politiques publiques en faveur de la création d’entreprise » à son programme de travail lors de sa réunion du jeudi 16 février 2012, qui était sa dernière réunion tenue sous la treizième législature. La programmation de ces travaux, dont la date de restitution prévisionnelle se situait peu après l’ouverture de la quatorzième législature, était supposée faciliter la reprise des travaux du Comité.

Le Premier président a soumis au Président du CEC un certain nombre de propositions de méthode. Il suggérait notamment que l’étude, initialement limitée aux dispositifs d’État, soit élargie aux dispositifs mis en place par les collectivités territoriales. Un courrier de M. Bernard Accoyer en date du 22 février 2012 a marqué l’accord du CEC quant aux suggestions formulées par la Cour des comptes.

L’envoi d’une substantielle note de cadrage au CEC (6) a permis aux membres du Comité de prendre connaissance du cadre général du programme de l’évaluation des dispositifs d’aide à la création d’entreprise. Jusqu’à l’automne 2012, la Cour a mené ses investigations, en mettant en place une formation inter juridictions permettant d’associer des magistrats de quatre chambres différentes de la Cour ainsi que des magistrats des chambres régionales des comptes.

Les rapporteurs, l’un membre de la majorité (7) et de la commission des affaires économiques, l’autre membre de l’opposition (8) et de la commission des affaires culturelles, ont été désignés par le Comité lors de sa réunion du 18 octobre dernier. Une réunion avec les magistrats, alors que la Cour avait pratiquement terminé l’évaluation, a permis aux rapporteurs de prendre connaissance des premières conclusions de la Cour.

Le rapport remis par la Cour des comptes se trouve en annexe au présent rapport. Résultat de près de douze mois d’investigations coordonnées efficacement par la deuxième chambre de la Cour, ces quatre tomes constituent désormais la référence en matière de dispositifs publics relatifs à la création d’entreprise. Les rapporteurs souhaitent saluer la qualité des travaux menés par la Cour, véritable « somme » en la matière, même si ses rédacteurs prennent soin de noter qu’il n’a pas été possible de faire preuve d’exhaustivité sur ce sujet. Les rapporteurs soulignent notamment la mise en place par la Cour de trois outils innovants, qui lui ont permis de répondre de manière pertinente à la demande d’évaluation formulée par le Comité :

– la constitution d’un comité consultatif associant « les utilisateurs », « les tiers impliqués » et « les responsables de dispositifs »,

– la tenue de tables rondes permettant de recueillir l’avis de créateurs d’entreprise ;

– la réalisation de deux sondages, l’un sur l’esprit d’entreprise chez les jeunes diplômés, et l’autre sur les conséquences d’un échec dans le processus de création d’entreprise.

Il faut également souligner la qualité des développements issus des travaux des chambres régionales, qui permettent de disposer d’une appréciation de la situation au plus près des expériences territoriales, et le cas échéant, de mettre en évidence les bonnes pratiques mises en œuvre par les collectivités, particulièrement en Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Lorraine.

Les rapporteurs, en revanche, émettent quelques doutes sur l’utilité opérationnelle de la comparaison internationale que contient le rapport de la Cour. Malgré la qualité du travail effectué par la Direction générale du Trésor, les profondes différences institutionnelles, juridiques et économiques entre les pays étudiés rendent difficile l’exploitation des résultats de l’exercice comparatiste.

Les rapporteurs souhaitent également, à ce stade, formuler une remarque de méthode relative au champ de l’évaluation.

Comme l’indiquent les magistrats financiers, l’évaluation exige de ne pas s’arrêter aux chiffres « bruts » du nombre de créations d’entreprise. Il s’agit plutôt de procéder à une analyse permettant de retrouver le nombre d’emplois créés ainsi que la valeur ajoutée ainsi générée par ces nouvelles entreprises, puis de rapporter ces effets bénéfiques aux dépenses publiques engagées pour les produire. Il aurait été ainsi intéressant de comparer le coût des aides avec le « coût » du nombre de chômeurs évités. L’étude que la Cour a menée ne l’a pas conduite à retrouver ces données, ce qui, il est vrai, aurait nécessité des études micro-économiques approfondies qui ne rentraient pas nécessairement dans le cadre temporel de l’évaluation demandée par le Comité. Ces chiffres auraient néanmoins permis de procéder à une première mesure de l’efficience des dispositifs étudiés, afin d’apporter des éléments de réponse à cette question fondamentale : s’agissant des dispositifs d’aide à la création d’entreprise, quelle a été l’augmentation de richesses induite par un euro d’argent public dépensé ?

La majeure partie des aides publiques est financée par des prélèvements obligatoires. Il serait donc intéressant de retrouver l’impact sur l’économie des prélèvements finançant les aides considérées, de les rapprocher des effets bénéfiques mentionnés supra, afin d’évaluer complètement l’effet de ces aides sur la richesse nationale. De telles évaluations nécessiteraient de nombreuses études supplémentaires, dont les résultats dépendent étroitement des hypothèses adoptées.

*

Compte tenu de la qualité des travaux menés par la Cour, de leur durée et des outils utilisés, les rapporteurs ont estimé qu’il n’était guère pertinent de tenter de refaire ce qui avait déjà été réalisé par les magistrats financiers. Les rapporteurs ont donc choisi de se focaliser sur l’essentiel : l’évaluation des dispositifs et l’examen du positionnement des différents acteurs. Le présent rapport a ainsi pour objectif d’apporter un éclairage parlementaire sur les thématiques qui ont particulièrement intéressé les rapporteurs.

Deux déplacements ont été réalisés, le premier à Alès (Gard), afin de se rendre à Innov’up, l’incubateur d’entreprise de l’École des Mines d’Alès, le second à Orly et Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) afin d’examiner les conditions de la création d’entreprise par des demandeurs d’emploi. Si les personnes rencontrées lors de ces deux déplacements n’étaient pas représentatives de toutes les problématiques de la création d’entreprise, ces deux déplacements se sont néanmoins révélés riches d’enseignements.

Les rapporteurs ont également souhaité entendre les principaux acteurs des dispositifs de création d’entreprise. À cette fin, trois tables rondes, dont la composition figure en annexe, ont été organisées : une table ronde sur le thème de la création d’entreprise et des demandeurs d’emploi, une table ronde sur la création d’entreprises innovantes et enfin une table ronde sur l’accompagnement des porteurs de projet et des créateurs d’entreprise. Cette configuration, mêlant acteurs de terrain, représentants institutionnels et entrepreneurs, a donné lieu à des débats instructifs et dynamiques, qui ont permis d’enrichir la réflexion des rapporteurs.

Les rapporteurs ont précisément délimité le champ de l’évaluation, ne retenant que les aides spécifiques à la création d’entreprise. Cela les a conduits à écarter du périmètre de l’étude les aides générales aux entreprises ainsi que les aides à la transmission ou à la reprise d’entreprise (9). De même, les rapporteurs n’ont pas retenu dans le périmètre d’évaluation les aides ciblées, que ce ciblage soit territorial, sectoriel ou juridique. Le sujet de l’évaluation du statut d’auto-entrepreneur a été écarté du champ des travaux des rapporteurs, la Cour ne l’ayant également pas retenu comme sujet d’étude. En effet, ce dispositif est assez récent ; de plus, la mesure précise de son impact aurait exigé de mener des investigations longues et spécifiques, qui n’entraient pas nécessairement dans le cadre de la présente évaluation. Les conséquences de la création du statut de l’auto-entrepreneur sur les statistiques relatives à la création d’entreprise ne doivent cependant pas être sous-estimées.

En revanche, la période relative à la « création d’entreprise » a été comprise dans son sens le plus large, c’est à dire du stade de la formalisation de l’idée préalable jusqu’à trois années après la date de création stricto sensu. Cette acception large a permis de prendre en compte à la fois toutes les préoccupations des créateurs d’entreprise et l’étendue des interventions publiques.

En termes méthodologiques, l’évaluation des effets des dispositifs d’aide est particulièrement complexe. Leurs impacts respectifs résultent en effet, pour une large part, des conséquences de plusieurs politiques économiques, alors même que créer une entreprise relève par essence d’une initiative privée. La possibilité pour un entrepreneur de cumuler plusieurs aides renforce la difficulté à retrouver l’impact spécifique de chaque dispositif. L’augmentation du taux de pérennité (10), qui est pourtant un indicateur assez fiable d’efficacité, est ainsi difficilement imputable à un dispositif unique. Enfin, il est à souligner que certains entrepreneurs ne font pas appel à des aides : 50 % des entreprises sont créées sans recourir à une aide publique.

Après un rapide état des lieux de la création d’entreprise en France, la première partie du présent rapport dresse les grandes lignes des dispositifs de soutien à la création d’entreprise et les ambiguïtés qui s’y attachent. La deuxième partie concerne plus précisément les dispositifs d’aide, en mettant en évidence la nécessité de renforcer les dispositifs d’accompagnement à la création d’entreprise. Enfin, la troisième partie fait le point sur les acteurs des dispositifs, notamment à l’échelon local, en donnant des éclairages sur des propositions de nature à améliorer significativement la gouvernance d’ensemble du système.

Le Gouvernement a lancé le 14 janvier dernier « Les assises de l’entrepreneuriat ». Après le « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » mis en place en novembre dernier, ces assises ont pour objectif déclaré « de faire de la France un pays plus accueillant pour les entrepreneurs ». Les rapporteurs saluent cette initiative, dont les résultats, attendus au printemps, prendront la forme d’un « programme national » décidé par le Gouvernement. Ils souhaitent que le présent rapport contribue à alimenter la réflexion des personnalités engagées dans ce processus, permettant au Gouvernement de prendre les décisions pertinentes afin d’améliorer l’efficacité de l’ensemble des dispositifs d’aide à la création d’entreprise.

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

A.– ADAPTER LES AIDES À LA CRÉATION D’ENTREPRISE POUR AMÉLIORER LEUR EFFICIENCE

1. Renforcer l’accompagnement

Proposition n° 1

Rendre l’accompagnement obligatoire, en subordonnant le bénéfice de tout avantage public au suivi d’un accompagnement par le porteur de projet ou créateur d’entreprise.

Proposition n° 2

Utiliser davantage la Charte nationale qualité élaborée par le Conseil national de la création d’entreprise, en faisant du respect de cette charte une condition au versement de fonds publics à un opérateur, qu’il soit public ou privé.

Proposition n° 3

Renforcer la formation des personnes chargées de délivrer les prestations d’accompagnement, qu’elles travaillent au sein de réseaux associatifs ou dans des organismes publics.

Proposition n° 4

Instituer un « certificat d’accompagnant volontaire de la création d’entreprise », élaboré par les réseaux concernés.

Proposition n° 5

Adapter les outils de l’accompagnement aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, afin notamment de répondre aux aspirations et aux modes de travail des jeunes entrepreneurs.

Proposition n° 6

Mettre en place une procédure formalisée et financée de « bilan de compétences » au bénéfice des porteurs de projet et des créateurs d’entreprise.

Proposition n° 7

Étendre l’accompagnement des chefs d’entreprise récemment créée aux formations aux métiers commerciaux et à la gestion des ressources humaines.

2. Prolonger l’accompagnement de l’entrepreneur lors des premières années de la vie de l’entreprise

Proposition n° 8

Prolonger la durée de certains dispositifs d’accompagnement, le cas échéant en mettant en place des incitations financières au bénéfice des créateurs acceptant d’être accompagnés dans la durée.

3. Mieux financer l’accompagnement

Proposition n° 9

Affecter une partie des fonds de la formation professionnelle au financement des prestations d’accompagnement de la création d’entreprise et publier rapidement les dispositions réglementaires correspondantes.

4. Simplifier les aides pour améliorer le service aux entrepreneurs

Proposition n° 10

Harmoniser les conditions d’exonération fiscale et sociale des différentes aides pendant la première année d’existence de l’entreprise, et prévoir une diminution progressive de ces exonérations après la première année.

5. Réorienter les aides vers les porteurs de projet actuellement les moins aidés

Proposition n° 11

Inciter les partenaires sociaux à adopter une « logique de projet » plutôt qu’une « logique de statut », en réallouant une partie du montant des aides au bénéfice de créateurs non demandeurs d’emploi et des créateurs d’entreprise non innovante.

6. Privilégier les outils les plus efficaces

Proposition n° 12

Privilégier l’utilisation des prêts, des avances remboursables et des garanties, en diminuant le recours aux subventions.

Proposition n° 13

Transférer les crédits affectés au dispositif Nacre vers le financement des prêts d’honneur et des prestations d’accompagnement.

Proposition n° 14

Recentrer les conditions d’attribution du prêt à la création d’entreprise afin qu’il cible mieux les créateurs d’entreprise qui rencontrent des difficultés à accéder au crédit et à l’octroi de garanties bancaires.

7. Renforcer le financement des entreprises innovantes par l’outil fiscal

Proposition n° 15

Favoriser, grâce à l’outil fiscal, l’utilisation d’une partie des fonds déposés sur les livrets d’assurance-vie en faveur du financement de la création d’entreprises innovantes.

Proposition n° 16

Stabiliser le régime fiscal de la création d’entreprise.

8. Stimuler et entretenir l’esprit d’entreprise

Proposition n° 17

Lancer une campagne spécifique d’information et de promotion de la création d’entreprise, le cas échéant en utilisant les antennes des radios et des télévisions publiques.

Proposition n° 18

Étendre l’expérience des « pôles entrepreneuriat étudiants » à l’ensemble des universités et des IUT, ainsi qu’aux apprentis.

Proposition n° 19

Renforcer les actions de sensibilisation menées dans l’enseignement secondaire, notamment les « mini-entreprises » ou la « semaine École-Entreprise », et étudier la possibilité de créer une option au baccalauréat axée sur les projets de création d’entreprise.

Proposition n° 20

Réduire les normes imposées aux créateurs d’entreprise et réorienter l’action des services déconcentrés de l’État d’une logique de contrôle vers une logique d’accompagnement.

B.– RÉNOVER LA GOUVERNANCE, ACCOMPAGNER LA RÉGIONALISATION

1. Définir une stratégie nationale de création d’entreprise et des outils de pilotage adaptés

Proposition n° 21

Définir une stratégie nationale pour la création d’entreprise en organisant une conférence des financeurs des aides versées.

Proposition n° 22

Réunir, au sein de la Banque publique d’investissement, les dispositifs en faveur de la création et la reprise d’entreprise, de la croissance et de l’innovation, ainsi que ceux dédiés à l’export, de façon à former une « chaîne de la croissance ».

Proposition n° 23

Nommer un délégué interministériel à la création d’entreprise chargé notamment :

– d’organiser le dialogue entre l’État, ses opérateurs, les collectivités territoriales, les chambres consulaires et les partenaires sociaux, afin de garantir en particulier la cohérence entre les dispositifs à vocation sociale et ceux destinés à promouvoir l’innovation et le renouvellement du tissu économique ;

– de diligenter des études d’impact des dispositifs ainsi que des évaluations sur les pratiques observées dans les territoires, et d’informer les porteurs de projets sur la création d’entreprise en France, grâce au concours de l’Agence pour la création d’entreprises (APCE) ;

– de promouvoir la création d’entreprise en France, notamment auprès des jeunes, en lien avec les ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Proposition n° 24

Modifier l’article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales pour identifier spécifiquement les aides à la création d’entreprise dans le bilan, réalisé par les régions, des aides allouées par les collectivités territoriales en matière de développement économique.

Proposition n° 25

Charger l’Insee et l’Agence pour la création d’entreprise (APCE) de diligenter des études d’impact des dispositifs d’aide à la création d’entreprise, sous l’autorité du délégué interministériel.

Proposition n° 26

Créer, en annexe au projet de loi de finances, un document de politique transversale (DPT) sur le financement de l’économie, définissant des objectifs et des indicateurs de performance et retraçant les moyens consacrés aux différents dispositifs et comprenant une partie dédiée au soutien public à la création d’entreprise.

2. Accompagner la régionalisation des politiques de développement économique

Proposition n° 27

Charger les préfets de région de veiller à la cohérence des différents dispositifs d’aide économique et à la coordination des directions régionales de Pôle Emploi, de la Banque publique d’investissement et des régions.

Proposition n° 28

Associer les directeurs régionaux de Pôle Emploi aux comités régionaux de la Banque publique d’investissement et améliorer la formation des conseillers de Pôle Emploi sur la création d’entreprise.

Proposition n° 29

Encourager les régions et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à conclure des accords-cadres sur les aides économiques, afin d’assurer la complémentarité des dispositifs dans les territoires et de rationaliser l’implantation des structures d’hébergement d’entreprises.

Proposition n° 30

Poursuivre la professionnalisation des réseaux d’accompagnement à la création d’entreprise par la signature de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.

PREMIÈRE PARTIE :
LA PROMOTION DE LA CRÉATION D’ENTREPRISES, UNE POLITIQUE PUBLIQUE QUI RESTE À DÉFINIR

Le rapport de la Cour des comptes rejoint les constatations qu’ont pu faire les rapporteurs lors de leurs déplacements et des auditions auxquelles ils ont pu procéder. Les chiffres « bruts » de créations d’entreprise en France, globalement satisfaisants, ne peuvent occulter certaines faiblesses d’ordre qualitatif préoccupantes. Les outils de promotion de la création d’entreprise, protéiformes et mis en place par des acteurs divers, ne peuvent remédier aux dysfonctionnements constatés, qui tiennent fondamentalement à l’absence d’une stratégie publique cohérente et d’un pilotage efficace.

I.– LA CRÉATION D’ENTREPRISES EN FRANCE : DES CHIFFRES GLOBALEMENT FAVORABLES MAIS QUI MASQUENT CERTAINES FRAGILITÉS

A.– LE NOMBRE DE CRÉATIONS D’ENTREPRISES EST ÉLEVÉ

Une première approche, assez imparfaite, consiste à se pencher sur le nombre « brut » de créations d’entreprise. L’interprétation de cette donnée doit néanmoins être tempérée par l’examen de critères et d’indicateurs plus qualitatifs afin d’apprécier le dynamisme de la création d’entreprise dans toutes ses dimensions.

1. Quantitativement, les chiffres sont satisfaisants depuis 2003

Au cours de l’année 2012, 549 975 entreprises ont été créées, contre 549 805 en 2011 (11). L’INSEE constate une croissance forte sur la période 2003 – 2008 (+ 7,5 % par an en moyenne), si bien qu’il est justifié d’évoquer une tendance de fond, voire, selon certains observateurs, un phénomène de société.

À partir de l’année 2009, le caractère favorable des chiffres doit cependant être nuancé par la profonde réforme qu’a introduite la création du statut d’auto-entrepreneur. Il est à noter que la majeure partie des entreprises sont créées dans le secteur des services (45,5 % contre 4,6 % dans le secteur industriel (12)).

Les dynamiques territoriales sont inégales, toutes les régions n’affichant pas un potentiel identique. Si le taux de densité de création (mesuré par le ratio nombre de créations d’entreprise/nombre d’habitants) est en moyenne de 79, il atteint 124 en PACA et 56 en Picardie. À ce stade, il n’est pas possible d’imputer formellement ces inégalités à des différences en matière d’aides à la création.

2. Les résultats français se situent dans la moyenne européenne

Jusqu’en 2009, selon les chiffres recensés par Eurostat (13), les résultats français en termes de nombre de créations d’entreprises sont dans la moyenne européenne. Les chiffres sont même plutôt favorables, comparés à nos voisins immédiats : en 2009, grâce aux auto-entrepreneurs, la France est en première position s’agissant du nombre de créations. Le taux de création (14) français est supérieur aux taux britannique et allemand.

Une des raisons à ce dynamisme réside dans la relative facilité à entreprendre en France. Même si cette affirmation va à l’encontre de certains préjugés, il est en effet assez facile, du moins théoriquement, de créer une entreprise en France. L’enquête annuelle menée par la Banque mondiale et intitulée Doing Business place la France dans une position relativement favorable (27ème, l’Allemagne atteignant le rang 106, le Royaume-Uni 20 et l’Italie 84), notamment en termes de capital social minimum exigé et en nombre de procédures. Ce résultat satisfaisant est notamment imputable aux nombreuses lois de simplification administrative adoptées ces dix dernières années.

Cette facilité est à ce point reconnue que certains intervenants ont estimé qu’il est devenu désormais « trop facile » de créer son entreprise, les difficultés préalables à la création étant supposées renforcer la détermination du créateur et décourager les dilettantes. Les témoignages communiqués aux rapporteurs indiquent cependant que le parcours de l’entrepreneur reste semé d’embûches.

B.– CES CHIFFRES FAVORABLES SE CONJUGUENT AVEC CERTAINES FRAGILITÉS PRÉOCCUPANTES

Si les résultats en termes de nombre d’entreprises créées sont assez satisfaisants, les caractéristiques des entités ainsi créées révèlent des fragilités, dont certaines spécifiques à la France.

1. Les Français créent-ils des entreprises sans salariés ?

Par rapport à nos partenaires européens, le problème de la France ne réside pas dans le nombre d’entreprises créées, mais plutôt dans le développement insuffisant des entreprises ainsi créées. Ainsi, il faut souligner que ces entreprises naissent avec un nombre très réduit de créations d’emplois salariés ; l’emploi créé est très majoritairement celui du chef d’entrepreneur.

Le rapport de la Cour évoque à cet égard des « entreprises sans salariés » : en 2011, seules 5,7 % des entreprises créées employaient au moins un salarié au moment de leur création. Par comparaison, en Allemagne (données 2010), environ 22 % des nouvelles entreprises embauchaient au moins une personne.

La France se caractérise donc par une forte proportion, parmi les entreprises créées, d’entreprises sans salariés. Selon une étude réalisée par l’APCE en 2005, sur la génération d’entreprises créées en 1998, seuls 4 % ont créé des emplois.

2. Les facteurs de pérennité des entreprises créées

Au-delà de la prise en compte de l’indicateur relatif au nombre de créations d’entreprise, il est essentiel de mesurer la solidité et le dynamisme des entreprises créées. Un indicateur pertinent est la pérennité moyenne des entreprises créées, notamment le taux de pérennité à trois ans : ce taux atteint 65,9 % pour les entreprises créées en 2006 (15), soit un taux stable par rapport à la cohorte des entreprises créées en 2002. Les taux de pérennité se situent plutôt dans la moyenne européenne, mais ils doivent être interprétés avec prudence (16).

Les études économiques recensées par le rapport de la Cour permettent de dresser la liste des facteurs qui sont associés à une augmentation de la pérennité d’une entreprise : le montant élevé du capital initial investi (17), la forme juridique de la société, le fait que le créateur diplômé soit de l’enseignement supérieur et, enfin, l’accompagnement de ce dernier.

II.– LES AIDES À LA CRÉATION D’ENTREPRISES SONT PROTÉIFORMES ET MISES EN PLACE PAR DES ACTEURS NOMBREUX ET DIVERS

Le rapport de la Cour des comptes procède à un recensement des dispositifs publics destinés à faciliter la création d’entreprise, sans pour autant faire preuve d’exhaustivité en raison de leur nombre élevé. Les développements ci-dessous visent à reprendre les principales conclusions des magistrats financiers, et le lecteur pourra se reporter au rapport de la Cour afin de prendre connaissance avec précision des caractéristiques de chaque dispositif concerné.

A.– LES AIDES PUBLIQUES CONSTITUENT UN ENSEMBLE DISPARATE DE DISPOSITIFS

Signe de l’hétérogénéité des actions considérées, le rapport de la Cour note qu’on peut classer les dispositifs publics facilitant la création d’entreprise suivant cinq critères :

– la forme de l’aide (aides directes et indirectes),

– la nature du soutien financier octroyé (subvention, prêt, garantie, exonération de cotisations sociales ou allègements fiscaux),

– la typologie des entreprises créées (innovante, technologique …),

– la typologie des entrepreneurs bénéficiant de ces aides (demandeur d’emploi, diplômé, allocataire de minima sociaux …),

– et, enfin, la phase du processus de création pendant laquelle l’aide est octroyée (projet, création stricto sensu, post-création …).

Le panorama dressé ci-dessous n’inclut que les aides mises en place par l’État et ses opérateurs, le rapport de la Cour comportant des éclairages intéressants sur la situation de quelques régions.

1. Les aides qui bénéficient directement aux entrepreneurs

Ces aides empruntent trois formes différentes. Pour rappel, ne sont évoquées ni les aides ciblées du type de celles bénéficiant aux zones franches urbaines ni les aides à caractère plus général (le crédit impôt recherche, par exemple).

a) Les exonérations et les subventions

– Les exonérations de cotisations sociales et les allègements fiscaux

L’aide la plus importante en termes financiers est l’aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprises (Accre), créée en 1979 et depuis souvent modifiée. Elle consiste en une exonération (plafonnée) de certaines cotisations sociales la première année d’activité (18). Initialement conçue pour les demandeurs d’emploi indemnisés, son bénéfice a été progressivement étendu à d’autres catégories, au risque de faire perdre au dispositif sa cohérence.

Le statut de la jeune entreprise innovante (JEI(19)) est un dispositif particulier d’exonération fiscale et sociale créé en 2004 et destiné à soutenir l’innovation. L’aide bénéficie, sous certaines conditions, aux petites entreprises (moins de 25 personnes) consacrant au moins 15 % de leur chiffre d’affaires à la R&D. Les fonds d’investissement de proximité (FIP), créés en 2003, sont des fonds permettant d’investir dans des PME locales (notamment dans des titres de sociétés de moins de 8 ans). Les placements correspondants ouvrent droit à des réductions d’impôt sur le revenu et d’ISF (impôt de solidarité sur la fortune).

L’aide aux salariés créateurs repreneurs d’entreprise (Ascre), qui permettait à un salarié de cumuler le bénéfice d’une exonération de cotisations sociales et la perception d’un salaire, a été supprimée par l’article 117 de la loi n° 2012-1509 de finances pour 2013 du 29 décembre 2012. Quant au régime de l’auto-entrepreneur, il ne rentre pas dans le champ de la présente évaluation.

– Les subventions

Une subvention particulièrement utilisée est l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (Arce), qui permet à un demandeur d’emploi, à la condition qu’il soit bénéficiaire de l’Accre (cf. supra), de percevoir en capital, en deux fois, le reliquat du montant de ses droits à indemnisation.

La réglementation permet de surcroît le cumul de perception, d’une part, d’indemnités versées aux demandeurs d’emploi (20) ou de minima sociaux (RSA(21) et ASS (22)), avec, d’autre part, les revenus issus de l’activité créée.

Des subventions sont également octroyées dans le cadre de concours, notamment le concours national d’aide à la création d’entreprise de technologies innovantes (23), piloté par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) et organisé par Oséo. Ce dernier opérateur dispose également d’un outil spécifique, l’aide à la création d’entreprise innovante (il s’agit d’une subvention d’un montant de 30 000 euros).

b) Les prêts, avances remboursables et garanties

Les outils des prêts et avances remboursables (24), ainsi que les garanties bancaires, sont des dispositifs assez souples et personnalisables, en général moins coûteux que les subventions (cf. infra). Ils sont supposés susciter un fort effet de levier en facilitant les cofinancements privés. Dans cette perspective, les investisseurs et les banques peuvent effectivement tirer avantage de la sélection des dossiers préalablement réalisée par les opérateurs publics ou associatifs.

– Les prêts et les avances remboursables

Il s’agit notamment des prêts d’honneur (prêts à taux zéro, sans garantie ni caution personnelle) délivrés par des réseaux associatifs comme Initiative France, le réseau Entreprendre ou l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie). Les financeurs des fonds de prêt sont l’État et les collectivités locales, le réseau de distribution pouvant être délégué aux réseaux bancaires. Inspiré des prêts d’honneur, le dispositif du nouvel accompagnement à la création et à la reprise d’entreprise (Nacre) sera examiné plus loin. Le microcrédit de l’Adie cible les personnes qui n’ont pas accès au crédit bancaire. Quant au prêt à la création d’entreprises (PCE) d’Oséo, il n’est accessible qu’aux très petites entreprises et vise à faciliter l’accès au crédit bancaire. Le prêt participatif d’amorçage (25(PPA) d’Oséo, supposé faciliter les levées de fonds auprès d’investisseurs privés, a bénéficié en 2011 à environ une centaine de PME innovantes. Ces prêts peuvent se cumuler. À noter qu’Oséo opère également par le biais des avances remboursables, notamment par deux programmes qui peuvent indirectement contribuer à faciliter les créations d’entreprises (les aides à l’innovation, pour un montant en 2009 de 411 millions d’euros, et le programme d’aide à l’innovation stratégique pour un montant total en 2009 de 140 millions d’euros).

– Malgré leur efficacité, les dépenses relatives aux garanties ne représentent qu’un montant marginal

Une garantie bancaire accordée par un organisme public comporte au moins trois effets positifs importants : induire un fort effet de levier vis-à-vis des débiteurs et investisseurs, diminuer les exigences en matière de caution et, enfin, permettre d’obtenir auprès des investisseurs privés des taux d’intérêt bonifiés. C’est notamment le cas des garanties dites « loi Galland » (26). Deux acteurs sont particulièrement actifs : France Active Garantie (issu du réseau de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), il gère une centaine de fonds pour un montant total de 13,4 millions d’euros) et Oséo (Fonds de garantie création (27)).

c) L’investissement dans le capital des entreprises

Les entreprises françaises se créent avec un capital initial relativement réduit par rapport aux situations que connaissent les pays voisins. Afin de remédier à cette carence, les organismes publics peuvent décider d’investir directement dans la société considérée via une participation au capital, intervention qui peut compléter le PPA. Cette activité de capital investissement (28) utilise les outils de financement dits « de haut de bilan », particulièrement des fonds d’amorçage (29) alimentés par des avances du Trésor et du Fonds national d’amorçage (FNA), doté théoriquement de 600 millions d’euros. L’opérateur CDC – Entreprises est très actif à travers des fonds spécialisés.

2. Les aides indirectes relèvent principalement de l’accompagnement des créateurs et de la stimulation de l’esprit d’entreprise

Selon la typologie retenue par la Cour des comptes, les dispositifs dits « indirects » soutiennent la création d’entreprise sans que les porteurs et les créateurs n’en tirent un bénéfice financier direct.

a) L’accompagnement des porteurs de projet et des créateurs

Il s’agit notamment des prestations de conseil, de formation et d’accompagnement délivrées par des organismes publics ou des acteurs privés ou associatifs, dont le coût de fonctionnement est partiellement ou totalement financé sur fonds publics. Les chambres consulaires comme les réseaux privés associatifs (30) sont très actifs en la matière.

Outre les prestations de service public ou payantes délivrées par les chambres consulaires (31), le dispositif emblématique est Nacre, dont les caractéristiques seront détaillées infra. Pôle emploi est très actif à travers ses services « ateliers création d’entreprise », le dispositif « objectif projet création ou reprise d’entreprise – OPCRE » et le processus d’évaluation préalable à la création d’entreprise (EPCE).

Peuvent également être classées dans cette catégorie les dépenses d’hébergement d’entreprises, qu’il s’agisse d’incubateurs ou de pépinières d’entreprises. Ce type d’intervention est généralement pris en charge par les collectivités locales et les réseaux consulaires.

b) La stimulation de l’esprit d’entreprise et de la culture entrepreneuriale dans la population

Les efforts visant à entretenir et renforcer la culture entrepreneuriale sont le fait de structures publiques, principalement le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) (32), et de quelques initiatives privées, généralement de nature associative. Le principal outil est le plan pour l’entrepreneuriat étudiant (PEE), lancé en 2009 et qui fonctionne concrètement depuis 2011. Il vise les diplômés de l’enseignement supérieur et le montant des dépenses engagées est modeste (1 million d’euros). Des actions similaires se développent au sein de l’enseignement scolaire. D’autres dispositifs existent, mais sont plus ponctuels, comme les juniors entreprises.

B.– LE FINANCEMENT DES AIDES PUBLIQUES À LA CRÉATION D’ENTREPRISES REPRÉSENTE UNE DÉPENSE ANNUELLE D’ENVIRON 2,7 MILLIARDS D’EUROS

1. Un coût difficilement évaluable

Il faut distinguer les coûts de gestion des dispositifs (coût de fonctionnement des structures publiques et privées lorsque ces dernières sont subventionnées) et les coûts correspondant au financement des actions (par exemple, l’octroi d’une subvention ou la dépense correspondant aux exonérations fiscales et sociales). Un financeur peut être appelé à abonder l’un ou l’autre de ces catégories, ou les deux.

Le rapport de la Cour insiste sur la difficulté à préciser le coût global des dispositifs publics d’aide à la création d’entreprise. Cette réserve n’est que le reflet des problèmes de pilotage et de gouvernance examinés plus loin. Une computation exhaustive et précise de la dépense publique s’avère en effet ardue en raison de quatre phénomènes :

– l’impossible recensement des actions diverses menées par les collectivités locales,

– la difficile distinction entre, d’une part, les aides à la création et, d’autre part, les dispositifs visant la reprise et la transmission d’entreprise,

– la difficulté à affecter précisément les montants correspondants aux exonérations d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) (33),

– et enfin les caractéristiques de certaines aides, qui ont vocation à être remboursées à terme par les entrepreneurs ou dont le caractère de dépense n’est pas certain (par exemple, la garantie publique d’un emprunt contracté par une personne privée).

La Cour souligne également que les coûts des exonérations de cotisations sociales (Accre (34)), de l’Arce (35) et des cumuls allocations/revenus d’activités, pourtant les plus élevés, ne peuvent pas être évalués avec précision, notamment lorsque les exonérations de cotisations sociales ne sont pas compensées par l’État.

Sous ces réserves, la Cour estime que les crédits publics destinés à promouvoir la création d’entreprise atteignent 2,653 milliards d’euros en 2011, dont 240 millions d’euros correspondent à des sommes investies sous forme de prêts ou de participations en capital, qui ont vocation à être remboursées. Il s’agit selon la Cour d’une estimation « minorée ». À titre de comparaison, les crédits de la mission Économie adoptés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013 atteignent 1,801 milliard d’euros. 80 % du total des dépenses publiques correspondent à des aides directes, les dépenses d’aides indirectes étant principalement constituées des incitations fiscales à l’investissement en capital risque.

2. Ces dépenses sont principalement financées par les régimes de sécurité sociale et d’assurance chômage et, dans une moindre mesure, par l’État et les collectivités locales

Près de la moitié du montant de dépenses cité supra, soit 1,2 milliard d’euros, correspond à des dépenses de subventions versées aux demandeurs d’emploi créateurs d’entreprise (l’Arce et la possibilité du cumul de l’Are avec les revenus tirés de l’activité de l’entreprise).

Le régime de l’assurance chômage (par le biais de l’Arce et du cumul allocations/revenus d’activité, à hauteur de 1,2 milliard d’euros) et les régimes de sécurité sociale (exonérations relatives au dispositif Accre, soit 245 millions d’euros) financent à hauteur de près de 1,5 milliard d’euros les aides à la création d’entreprise.

L’État, notamment par Oséo (38 millions d’euros), la Caisse des dépôts et consignations (138 millions d’euros) et les exonérations fiscales et sociales (359 millions d’euros), finance ces dépenses à hauteur d’environ 1,1 milliard d’euros.

Les collectivités locales, majoritairement les régions, contribuent à hauteur de 115 millions d’euros. Ce montant ne comprend pas les dépenses relatives aux aides uniquement financées par les collectivités locales (36), mais inclut, en revanche, les aides à la reprise et à la transmission des entreprises.

Les postes de dépenses ayant connu entre 2006 et 2011 la plus forte augmentation sont les exonérations (de 249 millions d’euros à 604 millions d’euros) et les subventions (de 411 millions d’euros à 1 261 millions d’euros), notamment en raison de la croissance du nombre de bénéficiaires de l’Accre (+ 120 % entre 2006 et 2011).

C.– UN FOISONNEMENT D’ACTEURS DONT LA COORDINATION S’AVÈRE DIFFICILE

L’État est loin d’être l’acteur principal de l’aide à la création d’entreprise.

La mise en œuvre des dispositifs repose sur de nombreux opérateurs publics. Peuvent d’abord être cités les deux opérateurs principaux du développement économique : la Caisse des dépôts et consignations (en particulier sa filiale CDC-Entreprises, qui assure des missions d’intérêt général en matière d’aide aux PME et notamment de soutien à la création d’entreprise) et Oséo, qui propose des solutions de financement pour les créateurs d’entreprises à potentiel. L’Agence pour la création d’entreprise (APCE), qui a le statut d’une association, vise à promouvoir l’entrepreneuriat et s’efforce de fournir aux créateurs toutes les informations dont ils pourraient avoir besoin.

Un autre opérateur essentiel est Pôle Emploi. Son réseau offre un conseil et un accompagnement de proximité aux demandeurs d’emploi porteurs de projet. Les universités et autres établissements d’enseignement supérieur, l’Éducation nationale, les centres de recherche sont aussi invités à contribuer à l’accompagnement des porteurs de projet ou à sensibiliser les jeunes ou les chercheurs à la création d’entreprise.

Dans les territoires, les services déconcentrés de l’État, en particulier les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dirrecte) sous l’autorité des préfets de région et des secrétariats généraux aux affaires régionales (Sgar), mettent en œuvre les dispositifs, en lien avec les collectivités territoriales. Celles-ci ont développé leurs propres palettes d’aides économiques, en particulier les régions et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ces dispositifs locaux se développent, notamment s’agissant de solutions d’hébergement pour les jeunes entreprises comme les pépinières ou les hôtels d’entreprises.

Le rôle des acteurs privés reste tout à fait déterminant. Les banques et autres établissements de crédit spécialisés, les fondations, les organismes de capital-risque, les clubs d’investisseurs mais aussi les investisseurs individuels sont les premiers pourvoyeurs de capitaux pour les jeunes entreprises. L’accompagnement des porteurs de projet est aussi assuré de longue date par le réseau consulaire (chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers et de l’artisanat, chambres de l’agriculture), par le secteur associatif (Réseau Entreprendre, France Active, l’Adie, les Boutiques de gestion, Initiative France ou encore Action’elles, spécialement dédié aux femmes) mais aussi par les experts comptables et les avocats.

La coordination de ces acteurs sur un même territoire est la condition indispensable d’une offre de services lisible et complète. Compte-tenu de la diversité des intervenants, la tâche est particulièrement difficile. De l’État, il est attendu qu’il coordonne ces différents acteurs et pallie les lacunes locales ou conjoncturelles de l’offre privée, mais aussi qu’il développe une véritable stratégie partenariale pour assurer, à plus long terme, la bonne couverture du territoire et des besoins. Comme on le verra ci-dessous, c’est loin d’être le cas.

III.– DES OBJECTIFS AMBIGUS QUE REFLÈTE UN PILOTAGE ÉTATIQUE ÉCLATÉ

Alors même que la notion de « politique publique de la création d’entreprise » reste très problématique et que les dispositifs en question relèvent d’objectifs finalement assez différents, le pilotage par l’État se révèle très dispersé.

A.– TROIS OBJECTIFS PAS NÉCESSAIREMENT COMPATIBLES : LUTTER CONTRE LE CHÔMAGE, DÉVELOPPER UN TERRITOIRE ET PROMOUVOIR L’INNOVATION

Généralement, créer une entreprise relève, par définition, d’une initiative privée. Cette décision s’inscrit pourtant dans un contexte macro-économique, national ou local, déterminé : une bonne conjoncture économique peut inciter à créer. L’enjeu des politiques publiques est donc de créer les conditions favorables à cette création. Le premier moyen est de créer un climat macro-économique général favorable, tâche rendue difficile par l’impact de la mondialisation. Le second moyen, examiné dans le cadre du présent rapport, est de mettre en place des dispositifs plus ciblés, à l’effet direct ou indirect, à destination des personnes souhaitant créer une entreprise. L’aménagement de ces dispositifs répond cependant à des logiques qui peuvent se révéler très différentes.

1. Un grand nombre de dispositifs servant trois objectifs différents

L’ambiguïté essentielle de la finalité des dispositifs d’aide à la création d’entreprise renvoie aux trois grands objectifs qu’ils poursuivent. Ces objectifs sont de nature différente, et ils ne sont pas nécessairement compatibles.

Cette ambiguïté permet de souligner que les dispositifs d’aide à la création d’entreprise sont également des « outils » d’autres politiques publiques : les pouvoirs publics facilitent la création d’une entreprise pour remédier à un problème ou une carence identifiés par l’État.

Les déplacements des rapporteurs, respectivement à Alès et à Orly, leur ont permis de prendre la mesure des différences d’approche.

Ainsi, en premier lieu (37), les politiques d’aide à la création d’entreprise relèvent d’un objectif « social » de lutte contre le chômage et l’exclusion : il s’agit de faciliter la création d’entreprise par les demandeurs d’emploi, les exclus et les allocataires de minima sociaux. Dans cette perspective, le but des dispositifs publics déployés se limite, au moins dans un premier temps, à ce que l’entreprise crée – au moins – un emploi, celui de son créateur.

Le deuxième objectif recherché relève plutôt de l’aménagement du territoire. Les pouvoirs publics, État et collectivités locales, souhaitent contribuer au dynamisme d’un bassin d’emploi ou d’un territoire grâce au renforcement du tissu entrepreneurial correspondant. L’idéal est de faciliter la création d’entreprises susceptibles de connaître un développement rapide, créant des emplois et pouvant devenir, à terme, des PME, voire des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Enfin, le troisième objectif recherché par les dispositifs publics de promotion de la création d’entreprise est de favoriser l’innovation, et principalement l’innovation technologique. Celle-ci permet en effet d’accroître le PIB de manière significative grâce aux gains de productivité qu’elle peut induire et aux nouveaux marchés qu’elle peut créer. Si l’innovation peut passer par l’accroissement des efforts de R&D des entreprises déjà existantes, cette augmentation connaît nécessairement des limites, et seule la création d’entités nouvelles et innovantes permet d’apporter de véritables ruptures technologiques.

Cette superposition de finalités explique, au moins en partie, le manque de lisibilité dénoncée par les acteurs de la création d’entreprise, et au premier chef par les « usagers » de ces dispositifs, les entrepreneurs. C’est en fait à l’aune de chaque objectif recherché que doit être évaluée l’efficacité de chaque dispositif. Le rapport de la Cour des comptes montre bien, à titre d’exemple, que certaines mesures, bien que considérées comme assez efficaces en termes de lutte contre le chômage (38), ne peuvent simultanément conduire à des créations d’entreprises porteuses d’innovation ou suffisamment solides ou pérennes pour revivifier un territoire.

2. Les dispositifs d’aide à la création d’entreprises ne constituent pas une politique publique au sens strict

Comme cela a été développé supra, favoriser la création d’entreprise ne relève pas d’une politique publique globale. La réflexion peut aller plus loin : par les très nombreuses formes qu’ils revêtent, par leurs caractéristiques très hétérogènes et leur pilotage divers, les dispositifs actuels de soutien à la création d’entreprise ne constituent une véritable politique publique. Ils s’analysent plutôt comme un ensemble de mesures assez disparates visant des catégories distinctes d’acteurs, se fondant, pour la majorité d’entre eux, sur des logiques de statut et non sur des logiques de projet, et intervenant à des moments distincts du processus de création.

Il n’est donc guère possible d’évoquer une « politique publique » de la création d’entreprise. Cette précision sémantique n’est pas sans importance, comme le montre le glissement opéré entre les termes de la réflexion initiale du CEC, qui évoque à l’été 2011 le lancement d’une évaluation de la « politique publique » de la création d’entreprise, et la lettre du Premier président de la Cour des comptes, en date du 8 décembre 2011, qui mentionne plutôt l’évaluation de « dispositifs ».

Ce statut flou de la politique visant à faciliter la création d’entreprise, l’ambiguïté de ses objectifs, le foisonnement des acteurs et la diversité des dispositifs l’ont privée, fort logiquement, d’une stratégie d’ensemble dont l’État aurait été le pilote.

B.– AU NIVEAU DE L’ÉTAT, LE PILOTAGE ET LE SUIVI DES DISPOSITIFS FAVORISANT LA CRÉATION D’ENTREPRISES SONT TRÈS ÉCLATÉS

La dispersion du suivi étatique des différents dispositifs de promotion de la création d’entreprise est forte. Cette gestion publique manque de transversalité et est dépourvue de responsable politique ou administratif unique. Ses caractéristiques tendent à montrer que favoriser la création d’entreprise ne constitue pas une priorité de politique publique.

1. La politique d’aide à la création d’entreprises ne fait pas l’objet d’un pilotage unique au sein des administrations centrales de l’État

Le décret n° 2012-773 du 24 mai 2012 relatif aux attributions du ministre du redressement productif précise que « Le ministre du redressement productif prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement en matière d'industrie, de petites et moyennes entreprises, d’artisanat, de commerce, de postes et communications électroniques, de services, de tourisme et d'innovation. (…). Il exerce la tutelle des établissements des réseaux des chambres de métiers et de l'artisanat et des chambres de commerce et d'industrie. Il exerce les attributions relatives à la création d'entreprises et à la simplification des formalités leur incombant. ».

Pourtant, reflet des trois différentes priorités identifiées supra, le pilotage des différents dispositifs correspondant à chaque finalité reste éclaté au niveau des administrations centrales de l’État. À cet égard, les principales directions concernées sont :

– s’agissant de l’objectif « social », la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), placée sous l’autorité du ministre du travail, de l’emploi et de la santé et du ministre chargé de l’apprentissage et de la formation professionnelle ;

– s’agissant de l’objectif relatif à l’aménagement du territoire, la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) placée sous l’autorité du ministre du redressement productif (39) et du ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme ;

– et enfin, s’agissant de la promotion de l’innovation, au sein du ministère de l’enseignement supérieur, de la direction générale pour la recherche et l’innovation (DGRI) et de la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGESIP).

La Cour relève l’absence de coordination régulière et systématique entre les directions citées plus haut (40). De fait, malgré la compétence générale attribuée au ministre du redressement productif, la cohérence de ces administrations reste encore difficile à trouver. Un pilotage interministériel est donc indispensable mais rendu difficile par les finalités distinctes de chaque dispositif. Les rapporteurs font sur ce point des propositions dans la troisième partie du présent rapport.

Cette dispersion met en évidence l’absence de transversalité et de lieu d’animation spécifique de la thématique globale de la création d’entreprise : chaque administration, dans une logique verticale, tend à poursuivre ses buts spécifiques. Il n’existe pas de pilote unique : aucun ministre ne peut, dans les faits, revendiquer la compétence exclusive d’une « politique publique » de la création d’entreprise, politique publique dont les contours et les principes stratégiques restent d’ailleurs à définir.

Les rapporteurs soulignent que cet éclatement est également susceptible de rendre moins facile la présentation au Parlement de l’action gouvernementale dans le domaine de la création d’entreprise, carence de nature à rendre son contrôle démocratique plus difficile.

2. Le suivi en lois de finances des dispositifs d’aides à la création d’entreprises est ventilé entre onze programmes différents

Comme l’indique le rapport de la Cour, la dispersion du pilotage est rendue plus problématique encore par la répartition du financement des aides à la création d’entreprise. Principalement constitué d’exonérations fiscales et sociales ou de dépenses de l’assurance chômage, l’essentiel de ce financement n’est en effet pas géré par les directions ministérielles évoquées plus haut. Cette caractéristique rend le pilotage fin de l’ensemble assez problématique : en raison des nombreuses possibilités de cumul, il est par exemple impossible, même en limitant l’analyse aux aides nationales, de connaître le nombre de créateurs qui ont bénéficié d’au moins une aide directe.

À l’ambiguïté des objectifs poursuivis par les dispositifs publics en faveur de la création d’entreprise correspond aussi la dispersion du suivi budgétaire de ce type d’actions. Comme le souligne la Cour des comptes, les dispositifs de promotion de la création d’entreprise font l’objet de onze programmes au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Les plus significatifs sont les programmes 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », 172 « Recherches scientifiques et technologies pluridisciplinaires » et 134 « Développement des entreprises et de l’emploi ». Ces programmes sont placés sous la responsabilité de trois ministères : économie, travail et emploi, recherche et enseignement supérieur, cette répartition correspondant aux trois finalités identifiées supra.

DEUXIÈME PARTIE :
ADAPTER LES AIDES À LA CRÉATION D’ENTREPRISES POUR AMÉLIORER LEUR EFFICIENCE

Les rapporteurs préconisent de faire évoluer les caractéristiques des dispositifs d’aide à la création d’entreprise. Ces préconisations, reflétant le caractère très divers des dispositifs considérés, sont d’ordre et de nature très divers. Il s’agit d’abord, principalement, de mettre l’accent sur l’accompagnement et de simplifier les dispositifs. Les ressources consacrées aux « aides de guichet » devraient être, au moins partiellement, réaffectées afin de mieux financer les outils efficaces que sont les prêts d’honneur ou à taux bonifié. Le dispositif Nacre fait l’objet d’une réflexion spécifique qui conclut à la nécessité d’une réforme profonde. En outre, la fiscalité doit être utilisée pour améliorer le financement des entreprises innovantes et, d’une manière plus générale, l’esprit d’entreprise doit être développé.

I.– LES PORTEURS DE PROJET ET LES CRÉATEURS D’ENTREPRISE DOIVENT FAIRE L’OBJET D’UN ACCOMPAGNEMENT RENFORCÉ, ENRICHI ET PROLONGÉ

Les effets négatifs de la solitude et de l’isolement des porteurs de projet et des créateurs d’entreprise ont souvent été évoqués par les interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs. Cet isolement est un facteur significatif d’échec. Les propos tenus et les témoignages recueillis lors de la table ronde consacrée à l’accompagnement des porteurs de projet et des créateurs d’entreprise ont permis de confirmer ce constat. Pour réussir, l’entrepreneur doit bâtir et cultiver un réseau : il est essentiel d’entretenir des relations suivies avec ses pairs et de pouvoir consulter, le cas échéant, des professionnels de l’accompagnement aptes à donner des conseils avisés. Pour certains participants à la table ronde précitée, inciter des personnes à créer une entreprise sans aménager simultanément l’accompagnement adéquat serait même « dangereux ». Les subventions dépourvues d’accompagnement seraient, compte tenu de ce facteur, au mieux inutiles, et au pire nocives, en incitant des personnes à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale sans le moindre appui, ce qui les conduirait inexorablement à l’échec.

Ce constat est corroboré par les données fournies par la Cour en ce qui concerne les résultats des entreprises accompagnées par les réseaux : ces entreprises créent en moyenne plus d’emplois et leur pérennité est prolongée. Il faut néanmoins nuancer ce constat. En effet, les entreprises accompagnées par les réseaux, parce qu’elles sont préalablement sélectionnées, peuvent présenter dès la formalisation du projet des caractéristiques favorables et leur créateur peut bénéficier dans certains cas d’un cumul de prestations d’accompagnement.

Selon le rapport de la Cour des comptes, les prestations d’accompagnement n’ont bénéficié qu’à 30 % des entreprises de la cohorte 2010 (41). S’il est à noter que la proportion d’entreprises accompagnées a augmenté ces dernières années – elle n’était que de 9 % en 2002 –, l’effort en la matière reste donc encore très insuffisant.

A.– RENFORCER L’ACCOMPAGNEMENT

1. Rendre l’accompagnement obligatoire

Selon les chiffres donnés par l’Adie, le coût moyen d’un accompagnement se monte à environ 1 600 euros. Cependant, les rapporteurs soulignent que cet accompagnement présente une vraie « rentabilité » en termes de dépenses publiques, notamment parce qu’il a une influence positive sur la pérennité des entreprises créées.

À ce titre, il est intéressant de citer les conclusions du rapport de l’inspection générale des Finances – IGF – (n° 2009-M-085-03) portant sur « Le microcrédit », un des outils des aides à la création d’entreprise comportant une part importante d’accompagnement. Le rapport soulignait la pérennité des entreprises créées dans le cadre du microcrédit professionnel, alors même que les publics cibles sont a priori les plus fragiles.

Selon le calcul de l’IGF, dans le cadre du microcrédit, les coûts pris en charge par la collectivité pour susciter ces créations d’emplois sont inférieurs aux dépenses engagées relatives au financement du statut de demandeur d’emploi ou d’allocataire du RSA : « le bénéfice moyen pour les finances publiques peut être estimé à 2 500 euros par dossier sur trois ans, soit au minimum 25 millions d’euros par an ».

Renforcer ces prestations d’accompagnement exige à la fois de mettre en place les outils, dispositifs et structures nécessaires à l’offre d’accompagnement, mais aussi de stimuler et de solvabiliser la demande d’accompagnement issue des entrepreneurs.

Les rapporteurs estiment donc que compte tenu de l’efficacité des processus d’accompagnement, il convient donc de rendre obligatoire ces prestations d’accompagnement, ou, au moins, d’inciter fortement les porteurs de projet à bénéficier de ces prestations.

Dans cette perspective, il faut étudier la possibilité de subordonner la perception de tout avantage public au suivi d’un accompagnement par le porteur/créateur, ou bien moduler le montant de cet avantage selon que l’accompagnement a été effectivement suivi. Cette recommandation vaut particulièrement pour les aides versées aux demandeurs d’emploi créateurs d’entreprises.

Les rapporteurs préconisent donc que l’État, les collectivités locales et les partenaires sociaux gestionnaires des régimes de sécurité sociale et d’assurance chômage modifient les conditions d’octroi des aides afin d’y inclure des prestations d’accompagnement. Les porteurs de projet et les créateurs devront suivre ces programmes d’accompagnement afin de bénéficier des aides correspondantes.

Proposition n° 1

Rendre l’accompagnement obligatoire, en subordonnant le bénéfice de tout avantage public au suivi d’un accompagnement par le porteur de projet ou créateur d’entreprise.

2. Renforcer la qualité des prestations d’accompagnement

Trois propositions des rapporteurs concernent l’amélioration nécessaire de la qualité des prestations d’accompagnement des entrepreneurs.

a) Mieux utiliser la « Charte qualité »

En premier lieu, il est à souligner qu’en 2011, les budgets de fonctionnement des réseaux d’accompagnement ont été financés à hauteur de 71 % par des crédits publics. Il est donc légitime que les pouvoirs publics exigent que les prestations délivrées respectent une qualité minimale. À cette fin, il conviendrait d’utiliser davantage la « Charte nationale qualité » élaborée en 2001 par le Conseil national de la création d’entreprise, charte actualisée en 2011 à la demande du ministre en charge des PME, par une instance animée par l’APCE.

Les rapporteurs proposent donc une utilisation accrue de cette charte dont, comme le préconise la Cour des comptes, le respect pourrait être une condition au versement de fonds publics à un opérateur, qu’il soit privé ou public.

Proposition n° 2

Utiliser davantage la Charte nationale qualité élaborée par le Conseil national de la création d’entreprise, en faisant du respect de cette charte une condition au versement de fonds publics à un opérateur, qu’il soit public ou privé.

b) Améliorer la formation des acteurs de l’accompagnement

Renforcer la qualité des prestations d’accompagnement nécessite aussi l’amélioration des qualifications des personnes travaillant au sein des structures d’accompagnement. Cet effort de formation ne doit pas être uniforme, mais prendre en compte les dynamiques et particularités locales. Il est sans doute nécessaire de viser spécifiquement les agents de Pôle Emploi, souvent les premiers contactés compte tenu de la proportion forte de demandeurs d’emploi parmi les créateurs.

Les rapporteurs préconisent donc de renforcer la formation des personnes chargées de délivrer les prestations d’accompagnement, qu’elles travaillent au sein de réseaux associatifs ou dans des organismes publics.

Proposition n° 3

Renforcer la formation des personnes chargées de délivrer les prestations d’accompagnement, qu’elles travaillent au sein de réseaux associatifs ou dans des organismes publics.

c) Reconnaître les efforts d’accompagnement réalisés dans le cadre du bénévolat

Les rapporteurs jugent nécessaire de reconnaître les efforts fournis par les personnes bénévoles travaillant dans les réseaux d’accompagnement. Sans l’aide fournie par ces volontaires, souvent très qualifiés, ces réseaux ne pourraient correctement fournir le soutien nécessaire aux porteurs de projet et aux créateurs.

Cette reconnaissance pourrait, par exemple, prendre la forme d’une initiative issue de tous les réseaux concernés et visant à créer un « certificat » de l’accompagnement volontaire des créateurs d’entreprise, quelle que soit la forme prise par cet accompagnement bénévole (mentorat, parrainage…). Cette action de reconnaissance officielle, commune aux réseaux concernés, pourrait constituer un facteur supplémentaire de motivation pour les accompagnants bénévoles.

Les rapporteurs suggèrent que les réseaux concernés, essentiellement associatifs, trouvent un accord sur la création d’un « certificat d’accompagnement volontaire de la création d’entreprise ».

Proposition n° 4

Instituer un « certificat d’accompagnant volontaire de la création d’entreprise », élaboré par les réseaux concernés.

3. Personnaliser davantage l’accompagnement

a) Utiliser les nouvelles technologies pour toucher un nouveau public

La table ronde sur l’accompagnement s’est révélée particulièrement intéressante. Elle a notamment mis en exergue la nécessité, pour les nombreux organismes chargés de l’accompagnement, de s’adapter aux rapides mutations de la société et notamment à l’usage des nouvelles technologies. Il est évident que ces organismes – et particulièrement les chambres consulaires – doivent trouver les moyens leur permettant de toucher un nouveau public, parfois plus jeune, sans que cette mutation exige nécessairement l’engagement de dépenses supplémentaires.

À cet effet, il est nécessaire que les organismes chargés de la détection des projets et de l’accompagnement des entrepreneurs adaptent leur mode d’intervention. Ils devraient sans doute utiliser davantage, par exemple, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, et en particulier les réseaux sociaux, afin de compléter leur couverture et de s’adapter aux nouveaux modes de communication des jeunes entrepreneurs.

L’accompagnement collectif, notamment par le biais de « clubs d’entrepreneurs », ou en liaison avec le développement d’espaces de travail partagés (coworking), pourrait ainsi être promu. De même, il faudra prendre en compte les nouvelles modalités de levée de fonds utilisant les outils que permet le web, notamment le financement communautaire (42).

Les rapporteurs recommandent d’adapter les outils de l’accompagnement à l’usage croissant des nouvelles technologies de l’information et de la communication, afin notamment de correspondre aux aspirations et aux modes de travail des jeunes entrepreneurs.

Proposition n° 5

Adapter les outils de l’accompagnement aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, afin notamment de répondre aux aspirations et aux modes de travail des jeunes entrepreneurs.

b) Créer une procédure du bilan de compétences spécifique aux porteurs de projet et créateurs d’entreprise

De plus, il serait opportun de s’inspirer de la procédure du bilan de compétences prévu par l’article L. 6313-10 (43) du code du travail pour en faire bénéficier les porteurs de projet. Cette proposition est ainsi formulée par l’ouvrage « Pensez à nous, les jeunes entreprises ! (44)», livre écrit par M. Alain Lebaube et M. Frédéric Cameo Ponz, président du réseau national des Boutiques de gestion. Ceux-ci, mettant en évidence l’intérêt que représente le bilan de compétences pour le salarié ou le demandeur d’emploi, suggèrent la création d’un « bilan de compétences entrepreneurial ».

Les rapporteurs proposent de réfléchir aux conditions de la mise en place d’une procédure formalisée et financée de « bilan de compétences » au bénéfice des porteurs de projet et des créateurs d’entreprise.

Proposition n° 6

Mettre en place une procédure formalisée et financée de « bilan de compétences » au bénéfice des porteurs de projet et des créateurs d’entreprise.

4. Enrichir le contenu de l’accompagnement, particulièrement dans ses dimensions de formation aux techniques commerciales et à la gestion des ressources humaines

Au cours de leurs déplacements, les rapporteurs ont noté combien les entrepreneurs, une fois leur entreprise créée, ont besoin d’un accompagnement personnalisé qui ne se limite pas aux domaines de la gestion comptable ou financière. C’est notamment l’un des enseignements de la visite à l’incubateur Innov’up de l’Écoles des Mines d’Alès (Gard).

Des créateurs peuvent en effet se révéler très performants dans l’élaboration d’une technologie et connaître quelques notions de gestion, mais peu sont au fait des techniques les plus efficaces en matière de développement commercial. De même, savoir gérer une équipe et maîtriser des rudiments de droit social ou de droit du travail deviennent rapidement des qualités indispensables. En particulier, recruter les personnes idoines exige des connaissances et des compétences particulières.

Une formation adaptée et un accompagnement structuré pourraient aider les chefs d’entreprise à créer un emploi supplémentaire et ainsi remédier aux faiblesses structurelles du tissu entrepreneurial français (cf. supra).

Il semble essentiel aux rapporteurs que les prestations d’accompagnement ne se limitent pas à la gestion financière ou comptable, mais s’étendent à d’autres domaines majeurs pour le développement d’une entreprise. Les rapporteurs proposent donc que l’accompagnement au bénéfice des chefs d’entreprise récemment créée soit étendu aux formations aux métiers commerciaux et à la gestion des ressources humaines.

Proposition n° 7

Etendre l’accompagnement des chefs d’entreprise récemment créée aux formations aux métiers commerciaux et à la gestion des ressources humaines.

B.– PROLONGER L’ACCOMPAGNEMENT DE L’ENTREPRENEUR LORS DES PREMIÈRES ANNÉES DE LA VIE DE L’ENTREPRISE

D’après les témoignages recueillis par les rapporteurs, nombreux sont les entrepreneurs qui, quelques mois après le démarrage de leur activité, renoncent volontairement à un développement ultérieur significatif de leur entreprise, notamment en évitant d’embaucher. Cela réduit les chances des TPE de devenir des PME, voire, à terme, des ETI (entreprises de taille intermédiaire). Certains créateurs allèguent les complexités administratives supplémentaires, notamment celles liées à l’embauche, d’autres évoquent les réserves suscitées par la perte du contrôle de l’entreprise en cas d’entrée d’autres associés au capital. Or un accompagnement adapté des créateurs d’entreprise peut jouer un rôle majeur en facilitant le passage de ces caps importants.

Les rapporteurs soulignent un des constats partagés lors des trois tables rondes et confirmés par les travaux de la Cour : la plupart des dispositifs d’aide, et plus précisément des dispositifs d’accompagnement, visent la phase précédant la création de l’entreprise, l’acte de création ou, moins fréquemment, les quelques mois qui suivent. Le système d’aides publiques semble ainsi très centré sur l’acte d’immatriculation de la société ou les mois précédents cette étape. Or cet acte, même fondateur, n’épuise pas le sujet de la création d’entreprise.

Compte tenu des caractéristiques de la plupart des entreprises créées en France (capital social réduit, absence de personne morale), les difficultés de gestion, dont les problèmes de trésorerie, surviennent généralement dans les trois premières années. Les entreprises innovantes, également, rencontrent régulièrement des difficultés à compléter les « tours de table » postérieurs à la création de la société. Les propos tenus lors des tables rondes ont notamment mis en évidence les difficultés qu’ont rencontrées les créateurs avec le Régime social des indépendants (RSI).

Les rapporteurs proposent donc de prolonger la durée de certains dispositifs d’accompagnement, le cas échéant en mettant en place des incitations financières au bénéfice des créateurs acceptant d’être accompagnés dans la durée.

Proposition n° 8

Prolonger la durée de certains dispositifs d’accompagnement, le cas échéant en mettant en place des incitations financières au bénéfice des créateurs acceptant d’être accompagnés dans la durée.

C.– MIEUX FINANCER L’ACCOMPAGNEMENT

Renforcer et prolonger l’accompagnement des porteurs de projet et des créateurs exigent qu’une réflexion soit entamée sur son financement. En effet, un accompagnement adapté peut implique des actions ciblées, voire personnalisées ; la généralisation de l’accompagnement et sa prolongation peuvent également susciter des dépenses publiques supplémentaires. Cela a un coût, qu’il convient de prendre en compte.

À cet égard, l’article premier de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises permet de diriger une partie des fonds de la formation professionnelle vers l’accompagnement des créateurs d’entreprise ; cependant, l’arrêté fixant la proportion de fonds affectés à cette mission n’a jamais été publié. Il importe que cette publication intervienne rapidement pour permettre d’augmenter les moyens alloués à l’accompagnement.

Proposition n° 9

Affecter une partie des fonds de la formation professionnelle au financement des prestations d’accompagnement de la création d’entreprise et publier rapidement les dispositions réglementaires correspondantes.

II.– SIMPLIFIER LES AIDES POUR AMELIORER LE SERVICE AUX ENTREPRENEURS

Les dispositifs d’aides publiques visant les porteurs de projet et les créateurs d’entreprises, nombreux, présentent une complexité incontestable, qui s’explique partiellement par la nécessité de s’adapter à toutes les situations. Des efforts de simplification sont donc nécessaires, d’une part pour mieux aider les personnes concernées, et d’autre part pour que la puissance publique pilote plus aisément l’ensemble de ces dispositifs.

A.– UNE COMPLEXITÉ INCONTESTABLE QUI NUIT AUX INSTANCES DE PILOTAGE, AUX OPÉRATEURS COMME AUX ENTREPRENEURS

Les rapporteurs, lors de leurs travaux, ont souvent entendu leurs interlocuteurs dénoncer la complexité des dispositifs d’aide et les nombreuses difficultés qu’elle engendre. Certains ont ainsi évoqué le « maquis des aides », leur lisibilité insuffisante, l’aspect « mille-feuilles » des dispositifs ou le « parcours du combattant » des porteurs de projet et des créateurs d’entreprise. Comme les rapporteurs l’ont constaté, des difficultés particulières peuvent en outre se poser dans des certaines professions réglementées qui multiplient les obstacles à la création d’entreprise (45).

Cette complexité, incontestable, est également bien mise en évidence par le rapport de la Cour des comptes. Les magistrats financiers appellent ainsi à une simplification des aides, notamment en supprimant certains dispositifs (par exemple, le statut de la jeune entreprise universitaire – JEU). Un premier pas vers la simplification du paysage a été réalisé par la suppression récente de l’exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d’entreprise – Ascre (cf. supra). Les motivations avancées par le Gouvernement pour justifier cette suppression ont été le faible recours au dispositif et la « concurrence » que représentait le statut d’auto-entrepreneur.

Les rapporteurs notent néanmoins que la complexité des dispositifs peut être, au moins partiellement, justifiée. En effet, la diversité des projets d’entreprises et, surtout, des profils des porteurs de projet et des créateurs impose souvent la mise en place de dispositifs ciblés, voire personnalisés, ce qui peut justifier, en partie, une complexité de gestion. Les rapporteurs soulignent d’ailleurs qu’en matière de simplification, des progrès importants ont été effectués ces dernières années, qu’il s’agisse de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises de 2005 (46) ou de la loi pour la modernisation de l’économie en 2008 (47) (avec notamment la création du statut de l’auto-entrepreneur). Malgré ces efforts, il ne fait pas de doute que les processus gagneraient à être encore simplifiés, afin que les porteurs de projet et les créateurs d’entreprise puissent rapidement prendre les initiatives nécessaires.

B.– LES PISTES DE SIMPLIFICATION POUR UNE LISIBILITÉ ACCRUE

Les rapporteurs estiment qu’il convient de mieux prendre en compte la diversité des projets et d’améliorer encore la lisibilité de l’offre de dispositifs de soutien. À cette fin, trois voies différentes pourraient être empruntées.

La première concerne le nombre de dispositifs : une condition à l’exigence de lisibilité accrue est de ne pas créer de nouvelle aide. Les dispositifs en vigueur sont finalement nombreux et conviennent à la majorité des situations recensées ; la problématique réside plutôt dans leur coordination insuffisante et dans leur pilotage déficient que dans une carence de l’action publique. En particulier, créer des dispositifs supplémentaires risque de déstabiliser les organismes d’accompagnement et les créateurs, sans que le bénéfice en termes de création d’entreprises soit avéré.

Le deuxième moyen consiste à réduire le nombre d’aides. Des dispositifs pourraient ainsi être supprimés : la Cour note ainsi que certaines régions ne distribuent plus de subventions et suggère qu’Oséo supprime de son catalogue la subvention à la création, qui n’est plus utilisée. Constatant le nombre de dispositifs existants et la diversité des populations-cibles, les rapporteurs proposent de ne pas créer de nouvelle aide.

Le troisième moyen est relatif aux conditions d’exonération fiscale et sociale. Afin d’éviter des distorsions imputables aux effets des divers dispositifs, la Cour recommande d’envisager une « unification des conditions fiscales et sociales de la première année d’existence d’une entreprise ». Les rapporteurs estiment cette recommandation intéressante, mais jugent indispensable de la compléter par une sortie progressive et pluriannuelle qui éviterait aux entrepreneurs un effet de seuil excessif à la fin de la première année d’activité de l’entreprise. Ils proposent donc d’harmoniser les conditions d’exonération fiscale et sociale des différents dispositifs pendant la première année d’existence de l’entreprise, et de mettre en place une diminution progressive de ces exonérations après la première année.

Proposition n° 10

Harmoniser les conditions d’exonération fiscale et sociale des différentes aides pendant la première année d’existence de l’entreprise, et prévoir une diminution progressive de ces exonérations après la première année.

III.– L’ÉVALUATION NÉCESSAIRE DES « AIDES DE GUICHET » À L’EFFICACITÉ INCERTAINE

Les « aides de guichet » désignent les dispositifs bénéficiant aux porteurs de projet et aux créateurs sans réelle considération du projet d’entreprise correspondant. Ces aides sont octroyées dès que le bénéficiaire réunit les conditions nécessaires. La majeure partie de ces aides, exonérations et subventions, bénéficie aux demandeurs d’emploi via l’Accre, l’Arce et la possibilité de cumuler les revenus d’activité avec certaines allocations. Le dispositif de la JEI est également concerné.

A.– UN MANQUE PRÉOCCUPANT DE SUIVI ET D’ÉVALUATION

1. Une évaluation inexistante de certains dispositifs pourtant très coûteux

Une des révélations les plus intéressantes du rapport de la Cour est que les coûts, l’impact et l’efficience de l’Accre et de l’Arce (cf. supra) n’ont pas fait l’objet d’une évaluation récente et complète. Les dépenses correspondantes atteignent pourtant des montants élevés. Cette considération vaut surtout pour l’Arce, gérée par l’Unedic, que le rapport de la Cour qualifie de « mesure guichet sans outil de pilotage ». Il est en particulier difficile de distinguer les bénéficiaires créateurs d’entreprises des bénéficiaires repreneurs d’activités préexistantes. La même remarque vaut pour les dispositifs permettant le cumul des revenus tirés de l’activité de l’entreprise avec certaines prestations, dont l’évaluation – et donc le pilotage – souffrent de carences préoccupantes. Le dispositif de la JEI a fait en revanche l’objet d’une évaluation poussée, réalisée par la DGCIS et par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et niches sociales : la première (menée en 2008) conclut que le dispositif permet bien d’accroître les dépenses de R&D, la seconde (en 2011) estime que les exonérations de cotisations sociales sont efficaces pour faciliter le recrutement de salariés ; le jugement sur l’utilité des mesures fiscales est plus nuancé.

2. L’efficacité de l’Accre doit être relativisée

Environ 70 % des chômeurs créateurs d’entreprise bénéficient de l’Accre. Il s’agit donc d’un dispositif massif. L’évaluation menée en 2008 par la Dares et l’Insee fait ressortir un impact positif sur le taux de survie des entreprises créées (48), sans qu’une incidence favorable sur les performances économiques de l’entreprise ou le nombre d’emplois créés soit identifiée.

De plus, la Cour souligne l’importance que continuent à revêtir les facteurs relatifs au profil initial des bénéficiaires et aux aspects juridiques de la création de l’entreprise considérée (entreprise unipersonnelle ou adoption de la forme juridique de la société). Selon l’étude de la Dares, l’impact de l’Accre serait « neutre » sur la décision de créer entreprise (c’est ce qu’affirment 42 % des créateurs sondés). En tout état de cause, ces études sont anciennes et exigeraient d’être actualisées, notamment pour mettre en évidence d’éventuels effets d’aubaine.

B.– RÉORIENTER LES AIDES VERS LES PORTEURS DE PROJET ACTUELLEMENT LES MOINS AIDÉS

1. Le déséquilibre constaté en matière de répartition des aides entre les différentes catégories d’entrepreneurs

Le rapport de la Cour souligne le poids financier prépondérant des aides de guichet bénéficiant aux demandeurs d’emploi. Les demandeurs d’emploi créateurs d’entreprise perçoivent environ 1,565 milliard d’euros d’aides, contre 267 millions d’euros pour les entreprises innovantes et 252 millions d’euros pour les entrepreneurs dits « classiques », ces derniers termes désignant les créateurs d’entreprises non innovantes ou qui ne sont pas demandeurs d’emploi.

Les travaux de la Cour mettent en évidence que ces aides financent proportionnellement davantage les projets des demandeurs d’emploi, et, dans une moindre mesure, les entreprises innovantes : les créateurs d’entreprises non innovantes ou qui ne sont pas demandeurs d’emploi bénéficient peu de ces aides. À titre d’illustration, le statut d’auto-entrepreneur, qui pourrait être utilisé par cette catégorie d’entrepreneurs, est limité par le plafond de chiffre d’affaires. De même, la subvention que constitue la dotation au titre du concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes ne peut, par définition, récompenser un projet d’innovation d’usage.

2. Réorienter les aides vers des projets plutôt que vers des statuts

Les rapporteurs proposent que les partenaires sociaux, gestionnaires de l’Unedic, modifient les conditions de versement de l’Arce ou les conditions du cumul de l’Are avec les revenus d’activité en développant des dispositifs valorisant les projets les plus aboutis, ou ceux qu’un accompagnement permettrait de développer jusqu’au succès. Il semble en effet nécessaire d’orienter le dispositif vers une logique de « projet accompagné » en abandonnant progressivement l’actuelle « logique de statut » qui ne permet pas d’inciter suffisamment les personnes concernées à construire un projet d’entrepris solide et cohérent. Le rapport de la Cour rappelle ainsi que l’Allemagne a récemment modifié un dispositif semblable à l’Arce en subordonnant son bénéfice à la validation du projet par la chambre de commerce.

La même réflexion vaut pour les gestionnaires des régimes de la sécurité sociale et l’Accre : il semble préférable, à terme, de n’accorder l’Accre qu’après une validation, sous des formes à définir, de la solidité du projet d’entreprise. Cette proposition s’articule avec les propositions listées supra et relatives au nécessaire renforcement de l’accompagnement des entrepreneurs.

Les rapporteurs souhaitent donc que les partenaires sociaux soient incités à adopter une « logique de projet » plutôt qu’une « logique de statut », en réallouant une partie du montant des aides au bénéfice de créateurs non demandeurs d’emploi et créateurs d’entreprise non innovante technologiquement, créateurs qui ne sont pas particulièrement aidés (le statut d’auto-entrepreneur est limité par le niveau maximal de chiffre d’affaires).

Proposition n° 11

Inciter les partenaires sociaux à adopter une « logique de projet » plutôt qu’une « logique de statut », en réallouant une partie du montant des aides au bénéfice de créateurs non demandeurs d’emploi et de créateurs d’entreprise non innovante.

IV.– PRIVILÉGIER LES OUTILS LES PLUS EFFICACES

Alors que l’impact des sommes importantes investies dans les aides de guichet exigerait d’être évalué avec précision (cf. supra), l’efficacité relativement élevée des outils des prêts est mise en évidence par le rapport de la Cour, qui isole cependant les cas particuliers de Nacre et du PCE d’Oséo.

A.– L’EFFICACITÉ DES PRÊTS D’HONNEUR ET DES GARANTIES BANCAIRES INCITE À LES UTILISER DAVANTAGE

Les prêts d’honneur (49) sont financés à hauteur de 41,2 millions d’euros par des fonds publics (État, opérateurs et collectivités locales). Comme le montre le rapport de la Cour, qui s’appuie sur des études et évaluations notamment menées par Oséo, l’impact des prêts d’honneur et des garanties bancaires est marqué par des effets de levier significatifs. Ce sont les outils a priori les plus efficients : le décaissement d’un euro public entraîne le décaissement de plus d’un euro privé – parfois dans des proportions de facteur sept (50).

Ces outils mettent en œuvre des processus de sélection et d’accompagnement permettant aux créateurs de mettre au point un plan d’entreprise solide et cohérent. Ils sont de nature à favoriser la bancarisation, ce qui permet d’améliorer la pérennité des entreprises. L’augmentation du capital initial qu’ils facilitent permet de prolonger la pérennité des entreprises créées (51). La fréquence peu élevée des défauts de remboursement permet de diminuer le coût global des prêts pour la puissance publique. En outre, ces aides bénéficient à tous les créateurs, en évitant les biais observés supra en faveur de certaines catégories (demandeurs d’emplois ou entreprises innovantes). Ces outils sont d’ailleurs facilement modifiables suivant le profil des créateurs, ce qui permet aux opérateurs de s’adapter aux caractéristiques de chaque projet et donc d’atteindre une efficacité maximale.

S’agissant des garanties, le rapport de la Cour souligne que « les crédits publics qui financent des dispositifs de garantie [un peu plus de 13 millions d’euros en 2011] sont relativement limités alors que l’efficacité des dispositifs est très généralement reconnue par tous ». Ces garanties gérées par Oséo ou France active permettent d’accroître la pérennité des entreprises créées, alors même que les coûts correspondants sont assez réduits.

Les rapporteurs estiment en outre qu’il est fondamentalement légitime que les créateurs soient amenés à rembourser, s’ils le peuvent effectivement, les aides dont ils ont bénéficié lors de la construction de leur projet. Ces remboursements peuvent ainsi abonder les financements d’autres porteurs de projets, permettant ainsi d’engager un cycle vertueux.

Les rapporteurs estiment donc nécessaire de privilégier, dans l’action publique relative à la promotion de la création d’entreprise, l’utilisation des prêts, des avances remboursables et des garanties, en diminuant le recours aux subventions.

Les cas de Nacre et du prêt à la création d’entreprise d’Oséo font l’objet d’une étude à part (cf. infra).

Une conséquence de cette proposition, qui rejoint également la suggestion de simplifier les dispositifs d’aide à la création d’entreprise, consiste à supprimer les subventions versées par Oséo. Cette aide fait en effet double emploi avec le concours national d’aide à la création d’entreprises innovantes et son efficacité n’est pas avérée (la dépense 2011 se monte à 0,725 million d’euros et a bénéficié à environ 40 dossiers).

Proposition n° 12

Privilégier l’utilisation des prêts, des avances remboursables et des garanties, en diminuant le recours aux subventions.

B.– LE DISPOSITIF NACRE ET LE PRÊT À LA CRÉATION D’ENTREPRISE D’OSÉO DOIVENT FAIRE L’OBJET D’UNE RÉFLEXION SPÉCIFIQUE

Deux outils publics importants et emblématiques de l’aide à la création d’entreprise, le nouvel accompagnement à la création et à la reprise d’entreprise (Nacre) et le prêt à la création d’entreprise (PCE) accordé par Oséo, font l’objet de critiques assez sévères des magistrats de la Cour des comptes. Selon le rapport, d’autres outils sont autant ou plus efficaces, en permettant de mieux cibler les publics et de diminuer les coûts de gestion correspondants.

1. Le dispositif Nacre : des avantages théoriques, mais une mise en application problématique

a) Les caractéristiques de Nacre

Nacre fonctionne depuis 2009 : il consiste en l’octroi d’un prêt à taux zéro, prêt sans caution ni garantie personnelle et d’un montant maximal de 10 000 euros. La moyenne des prêts accordés se monte à 5 000 euros. Le prêt à taux zéro est accordé par des réseaux d’accompagnement des créateurs et d’autres structures intermédiaires sélectionnées par les Direccte. Le dispositif, qui s’adresse de manière très générale à toute personne « sans emploi ou rencontrant des difficultés pour s’insérer durablement dans l’emploi (52) », doit donner lieu à des prêts complémentaires. Tenant compte de la viabilité économique du projet, il est couplé avec un accompagnement en trois phases, visant notamment la période précédant la création et le développement de l’entreprise après sa création.

b) Le dispositif comporte des avantages théoriques certains

– Un accompagnement renforcé

Nacre, inspiré du mécanisme des prêts d’honneur, est la seule aide publique à la création d’entreprise qui combine le dispositif d’un prêt à taux zéro avec un accompagnement personnalisé au bénéfice du porteur de projet ou du créateur d’entreprise. Il permet de prendre en compte les insuffisances en matière d’accompagnement constatées lors de l’application des dispositifs EDEN et des chèques-conseil, outils auxquels Nacre a succédé. De surcroît, le dispositif, dans sa « phase III », permet un accompagnement post-création, caractéristique assez rare dans le paysage actuel des dispositifs d’aide à la création d’entreprises.

– Une appréciation de la viabilité du projet

Nacre repose sur l’appréciation économique d’un projet : il ne s’agit pas d’une « aide de guichet ». Le dispositif a en outre un effet de levier significatif en termes de co-financement bancaire (53) ; ses indicateurs d’efficacité, notamment le taux de transformation de projets en entreprises, sont assez satisfaisants.

c) Une application décevante incite à formuler des propositions de réforme

Le dispositif Nacre connaît pourtant plusieurs problèmes de mise en œuvre, incitant la DGEFP à lancer prochainement une évaluation spécifique de l’outil.

– Une gestion complexe et rendue difficile par le manque de crédits

Les prêts accordés au titre de Nacre sont alimentés par des fonds issus de la Caisse des dépôts (ressource issue des livrets de développement durable – LDD), l’organisme France Active Financement (FAFI) gérant la ressource pour le compte de la CDC. Un abondement du Fonds de cohésion sociale (FCS) complète les dotations. Quant aux prestations d’accompagnement développées au titre de Nacre, elles sont financées via une autre procédure impliquant les Dirrecte.

La gestion de Nacre est rendue particulièrement complexe par les particularités de l’outil qui s’articule en trois phases d’accompagnement, chacune pouvant faire l’objet d’un pilotage par un opérateur différent. De plus, cette dispersion entre opérateurs est susceptible d’empêcher les porteurs de projet d’identifier clairement les acteurs à l’œuvre et donc les bons interlocuteurs. Le nombre d’opérateurs labellisés, excessif, augmente les coûts de gestion du dispositif (15 millions d’euros). Celui-ci mobilise excessivement les ressources humaines des Dirrecte, qui, selon la Cour, ne peuvent dans ces conditions correctement piloter d’autres outils publics d’aide à la création d’entreprise.

Les crédits budgétaires correspondants ont connu une réduction dans le cadre de la programmation triennale des finances publiques 2011 – 2013 (de 40 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2009 à 25,1 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2012), ce qui a suscité une baisse du nombre d’entrées dans le dispositif. La DGEFP, afin de respecter l’enveloppe de crédits, a mis en place une « gestion mensualisée des entrées », ce qui, selon la Cour, a pu entraîner des ruptures de parcours pour certains porteurs de projet.

– Des objectifs initiaux non atteints

Les objectifs quantitatifs initiaux, fixés par la DGEFP (20 000 entreprises financées par an), n’ont pas été atteints par le dispositif, du fait notamment d’une insuffisance de crédits (cf. supra). De même, l’accompagnement post-création n’est pas systématique et le dispositif connaît un taux d’abandon assez élevé.

Initialement réservé aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires de minimas sociaux, le dispositif a été par la suite considérablement élargi. Or selon les analyses de la Cour, il ferait aujourd’hui « doublon » avec les prêts d’honneur du réseau Initiative France (54).

Nacre ferait en effet la preuve d’un ciblage inadapté. En raison d’une sélection excessive opérée par les réseaux d’accompagnement, soucieux de ne pas dégrader leurs indicateurs d’efficacité, Nacre ne bénéficie pas aux personnes les plus éloignées de l’emploi : seuls 9 % des bénéficiaires sont allocataires de minimas sociaux et seuls 6 % des plans de financement sont inférieurs à 10 000 euros. Le dispositif viendrait, de fait, abonder le plan de financement de créateurs qui auraient pu percevoir l’équivalent des fonds via d’autres voies.

Le rapport de la Cour comporte une illustration locale de ces dysfonctionnements. Dans la partie de ses travaux consacrés à la situation dans la région Nord-Pas-de-Calais, la Cour note en effet que les objectifs chiffrés sont trop élevés ; le dispositif conduit à ce que des prêts Nacre bénéficient à des créateurs qui ne sont pas ceux en ayant le plus besoin. Un des indices de ce décalage est le montant moyen des plans de financement, qui est assez élevé.

d) Consacrer les crédits finançant Nacre aux prêts d’honneur et à des prestations d’accompagnement renforcées

Les magistrats financiers s’interrogent sur l’intérêt du maintien du dispositif Nacre, en appelant à une analyse détaillée de l’impact du mécanisme par la DGEFP. Les rapporteurs partagent ces préoccupations, en soulignant néanmoins que le niveau global des aides aux créateurs d’entreprise doit rester constant.

Les rapporteurs suggèrent donc de transférer les crédits finançant Nacre pour abonder les ressources bénéficiant aux prêts d’honneur et aux prestations d’accompagnement renforcées (cf. supra). Le total des crédits publics abondant ces différents dispositifs ne devra pas diminuer : l’enjeu est de les orienter vers les dispositifs les plus efficients.

Proposition n° 13

Transférer les crédits affectés au dispositif Nacre vers le financement des prêts d’honneur et des prestations d’accompagnement.

2. Les conditions d’octroi du prêt à la création d’entreprise (PCE) octroyé par Oséo doivent être réaménagées

a) Les caractéristiques du PCE

Le PCE, prêt à l’entreprise et non à la personne, permet de subventionner les très petites entreprises, dont le plan de financement est inférieur à 45 000 euros. Son montant moyen est de 5 300 euros, et l’octroi de ce prêt, accordé sans caution ni garantie personnelle, est conditionné à un apport bancaire d’un montant identique. Géré par Oséo, ce prêt est distribué par les réseaux bancaires et les réseaux associatifs d’accompagnement. La dotation pour 2012 atteint 29 millions d’euros.

Selon les conclusions du rapport de la Cour des comptes, il n’a pas été fixé d’objectif quantitatif spécifique au dispositif. Il y a un faible effet de levier entre l’octroi du PCE et les prêts complémentaires associés (2,3). Le taux de pérennité à trois ans des entreprises ayant bénéficié d’un PCE est identique à celui des entreprises similaires bancarisées : le dispositif ne semble donc pas particulièrement favoriser une bancarisation accrue des bénéficiaires.

b) Une suppression qui permettrait de simplifier le paysage des aides à la création d’entreprises

Le rapport de la Cour estime nécessaire de mener des travaux supplémentaires afin de vérifier si des résultats similaires pourraient être obtenus par une augmentation du volume des prêts d’honneur ou des garanties bancaires.

Il conviendrait en effet de vérifier la justification du plafond du plan de financement à 45 000 euros et d’expliquer le fait que très peu de demandes de PCE sont finalement rejetées, ce qui, selon les magistrats financiers, « conduit à s’interroger sur le bon dimensionnement du dispositif ».

Les rapporteurs proposent donc d’étudier l’opportunité de supprimer le PCE d’Oséo, ce qui pourrait contribuer à simplifier le paysage des aides à la création d’entreprise. Les crédits correspondants devraient, dans ce cas, abonder les dispositifs jugés les plus efficaces, c'est-à-dire les prêts d’honneur et les garanties bancaires. À tout le moins, l’État devrait réexaminer les conditions d’attribution de l’aide afin que le dispositif cible mieux le public le plus approprié.

Proposition n° 14

Recentrer les conditions d’attribution du prêt à la création d’entreprise afin qu’il cible mieux les créateurs d’entreprise qui rencontrent des difficultés à accéder au crédit et à l’octroi de garanties bancaires.

V.– RENFORCER LE FINANCEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES PAR L’OUTIL FISCAL

Le financement de la création d’entreprise, et en particulier le financement des entreprises innovantes (55), exige des ressources souvent conséquentes et la mobilisation d’une épargne longue. Ce problème constitue l’un des handicaps majeurs de la création d’entreprise en France. Cette question, déjà bien documentée (56), revêt encore plus d’acuité depuis le déclenchement de la crise financière de 2008, l’augmentation générale des risques de défaut des organismes publics et privés, et le renforcement progressif des normes prudentielles applicables aux établissements bancaires (normes « Bâle II » et « Bâle III ») et aux entreprises d’assurance (norme « Solvabilité 2 »). Le paradoxe est que, malgré un taux d’épargne élevé des ménages, la France manque de capitaux privés investis dans la création d’entreprises innovantes. Il y a là un dysfonctionnement du marché, notamment dû aux différences d’informations dont disposent les investisseurs et les créateurs, dysfonctionnement que la puissance publique doit pallier.

Pour remédier à cette carence, en dehors de l’action de l’opérateur Oséo, l’action publique agit principalement par deux moyens : d’une part des interventions en « haut de bilan » (participations au capital) via des opérateurs publics et, d’autre part, l’outil de la fiscalité (57).

A.– LE BILAN FAVORABLE DES INTERVENTIONS EN CAPITAL ET DE L’ACTION D’OSÉO

La tenue de la table ronde consacrée à l’innovation comme la lecture du rapport de la Cour ont permis de constater que le travail d’Oséo et de CDC Entreprises, bras armés de l’État s’agissant du financement de l’innovation, était apprécié par les acteurs du secteur. En la matière, l’action publique doit définir le bon dosage : s’il faut effectivement sélectionner les entreprises, la difficulté à évaluer avec précision les potentiels des projets retenus incite à la prudence et à raisonner en termes de « vivier ».

Les interventions en capital des opérateurs publics ont notamment présenté une grande utilité en raison de leur caractère contra cyclique. Le rapport du Commissaire général à l’investissement, M. Louis Gallois, intitulé « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », relève ainsi que la collecte du capital investissement a régressé en 2011 (6,4 milliards d’euros levés contre 12,7 milliards en 2008). Ce contexte rend d’autant plus utiles les investissements des opérateurs publics et en particulier de CDC Entreprises. Les rapporteurs soulignent égaalement l’utilité du dispositif du Fonds national d’amorçage (FNA) lancé en 2011, même s’il est encore trop tôt pour lancer une évaluation formelle de l’impact de cet instrument.

B.– INFLUER SUR LES MODALITÉS D’ALLOCATION DE L’ÉPARGNE PLACÉE SOUS LA FORME DE L’ASSURANCE-VIE

L’insuffisance du financement des entreprises, particulièrement des entreprises innovantes, renvoie à des problématiques très larges, qu’il s’agisse de la fiscalité des différents placements d’épargne, de l’organisation des marchés boursiers français et européen ou du régime de taxation des plus-values de cession. Ces problématiques, malgré leur importance intrinsèque, dépassent le cadre du présent rapport. Quelques-unes constituent d’ailleurs l’un des objets de la mission récemment confiée par le Premier ministre aux députés Mme Karine Berger et M. Dominique Lefebvre sur le thème de l’épargne financière et du financement de l’économie réelle.

Cependant, le Gouvernement ayant lancé une vaste réforme du financement de l’économie (58), les rapporteurs souhaitent contribuer à la réflexion. Afin d’améliorer les conditions du financement des entreprises innovantes, il leur semble nécessaire de s’appuyer sur le fort taux d’épargne des ménages et, plus précisément, sur la part de cette épargne placée en produits d’assurance-vie.

Il s’agirait d’influer, en modulant leur taxation respective, sur l’allocation des fonds d’épargne placés en assurance-vie, de manière à rendre plus favorable l’investissement dans des actions que dans des placements obligataires. Cette proposition, dans son principe, rejoint notamment les conclusions du rapport précité de M. Louis Gallois.

Ce rapport relève en effet que les montants des actifs gérés par les sociétés d’assurance représentaient à la fin de l’année 2010 la somme de 1 680 milliards d’euros, dont seulement 5 % investis dans des sociétés non financières françaises. Le rapport préconise que les contrats dits en « unités de compte » (c’est-à-dire investis en actions) soient fiscalement avantagés par rapport aux contrats dits « en euros », qui consistent essentiellement en des placements de nature obligataire (59).

Ce même rapport recommande, d’une part, que les compagnies d’assurance soient incitées à investir une part de leurs actifs (de l’ordre de 2 %) dans des sociétés non cotées – proposition identique à celle formulée en 2011 par l’Association française des investisseurs pour la croissance (AFIC) – et, d’autre part, de mettre en place un plan d’épargne en actions (PEA) dédié aux PME. Les rapporteurs attirent l’attention du gouvernement sur l’intérêt de ces propositions.

Compte tenu de la faiblesse actuelle du niveau de l’investissement privé, l’utilisation d’une partie des fonds déposés sur les livrets d’assurance-vie à des fins de financement de la création d’entreprise innovante (capital-risque) devrait être fiscalement favorisée. Elle pourrait aussi faire l’objet d’un engagement de la part des gestionnaires des fonds d’assurance-vie.

Proposition n° 15

Favoriser, grâce à l’outil fiscal, l’utilisation d’une partie des fonds déposés sur les livrets d’assurance-vie en faveur du financement de la création d’entreprises innovantes.

C.– ACCROÎTRE LA VISIBILITÉ DES INVESTISSEURS DE LONG TERME GRÂCE À LA STABILITÉ DES DISPOSITIFS INCITATIFS FISCAUX

Comme l’ont montré les débats tenus lors des tables rondes consacrées à l’innovation et à l’accompagnement, les créateurs, les investisseurs comme les professionnels de l’accompagnement souhaitent une visibilité renforcée des conditions d’investissement dans ces entreprises. En particulier, l’investissement de l’épargne de long terme dans le capital d’entreprises, innovantes ou non, exige que soit stabilisé le cadre fiscal de cet investissement.

Il est donc recommandé d’éviter de modifier excessivement les dispositions fiscales applicables aux outils existants. Cette proposition issue des travaux de la Cour des comptes rejoint une des principales préconisations du rapport de M. Louis Gallois (il s’agit d’ailleurs, symboliquement, de la première proposition du rapport). Ainsi, en matière d’innovation, les rapporteurs estiment indispensable de ne plus modifier le statut fiscal de la jeune entreprise innovante - JEI.

Les rapporteurs jugent indispensable de ne pas modifier les conditions fiscales dans lesquelles s’opèrent les investissements de long terme dans les entreprises innovantes.

Proposition n° 16

Stabiliser le régime fiscal de la création d’entreprise.

VI.– STIMULER ET ENTRETENIR L’ESPRIT D’ENTREPRISE

L’une des contributions les plus intéressantes du rapport de la Cour réside dans la prise en compte de la dimension quasi-culturelle des conditions de la création d’entreprise. En effet, sans esprit d’entreprise, pas d’entrepreneur et pas de démarrage d’activité nouvelle. Cette nécessité de la promotion de la culture entrepreneuriale se révèle particulièrement importante chez les jeunes, qui représentent le potentiel de création d’entreprise de demain.

A.– LE POIDS DES FACTEURS CULTURELS N’EST PAS À NÉGLIGER

1. Le développement de l’esprit d’entreprise renvoie à des thématiques plus larges

Les rapporteurs considèrent que l’influence des mentalités et des représentations est loin d’être négligeable. Compte tenu du poids et de la prégnance des facteurs culturels, développer la culture d’entreprise dans un pays nécessite une politique de long terme et agissant par des leviers multiples.

Renforcer la culture entrepreneuriale renvoie d’abord aux pratiques pédagogiques, aux compétences des professeurs et, plus largement, au rôle de l’école. Selon beaucoup d’intervenants aux tables rondes, il ne fait pas de doute que l’Éducation nationale, dans son ensemble, pourrait renforcer sa culture économique afin de contribuer à l’effort de stimulation de la culture de la création d’entreprise chez les jeunes.

S’il est établi que la France dispose d’une culture scientifique reconnue, notamment en ce qui concerne la science fondamentale, un de ses points faibles réside dans l’insuffisant développement d’une culture de l’innovation parmi les entreprises. La France connaît une difficulté évidente à transférer des découvertes fondamentales en technologies de marché. Sur ce sujet, on pourra utilement se reporter au rapport précité de M. Louis Gallois, ainsi qu’au compte rendu des tables rondes tenues en 2011 et 2012 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et relatives à « L’innovation à l’épreuve des peurs et des risques ».

2. Donner l’envie d’entreprendre

a) La nécessité d’agir sur les facteurs culturels

Au cours des trois tables rondes tenues sur le sujet, les rapporteurs ont noté avec intérêt la récurrence des considérations relatives aux facteurs culturels de la création d’entreprise. Trois problématiques ont régulièrement alimenté les interventions :

– dans l’ensemble de la population, la nécessité de façonner et d’entretenir l’esprit d’entreprise ou, plus largement, la culture entrepreneuriale,

– l’importance d’insuffler le goût du risque, par exemple en reconnaissant qu’il existe des « échecs utiles », alors même que l’action publique se fonde plus sur un impératif de protection des personnes que de promotion du risque privé,

– et, enfin, l’utilité de mener un travail de sensibilisation précoce à l’entrepreneuriat au lycée et au collège.

Ces constats rejoignent ceux de la Cour. Le sondage très intéressant qu’elle a fait réaliser sur la culture entrepreneuriale parmi les jeunes diplômés montre ainsi que, parmi les étudiants sondés qui n’ont pas songé à créer leur entreprise, le premier motif avancé (à hauteur de 41 %) est la perception d’un risque excessif (60). Des remarques de même nature ont pu être formulées par M. Philippe Hayat, auteur du rapport « Pour un new deal entrepreneurial : créer des entreprises de croissance », rapport remis en octobre dernier à Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique.

Grâce au déplacement à Orly et à la tenue de la table ronde sur les demandeurs d’emploi et la création d’entreprise, les rapporteurs ont bien identifié le poids des représentations et des préjugés, le handicap qu’il peut constituer pour des populations défavorisées, et la nécessité de modifier ces mentalités. Ils souhaitent à cet égard rendre un hommage particulier aux réseaux associatifs. Leur action, fruit d’initiatives multiples et fondées largement sur le volontariat, parvient, progressivement, à insuffler l’esprit d’entreprise à tous, même aux personnes a priori les moins susceptibles de créer une entreprise.

b) Les pouvoirs publics ont un rôle indispensable à jouer

Soutenir la culture de l’esprit d’entreprise renvoie aussi à la parole des responsables politiques, dont les discours évoquent finalement peu la nécessité de stimuler l’entrepreneuriat ou, à l’inverse, peuvent renvoyer une image négative de l’entreprise. Le rapport précité de M. Louis Gallois est éclairant sur ce sujet : « Les chefs d’entreprises ont souvent le sentiment d’être "cloués au pilori" ; ils ont besoin d’être reconnus pour leur contribution au développement de l’économie. Ils veulent qu’on leur fasse confiance. Il appartient à l’État de créer cette confiance. »

À cet égard, l’action du gouvernement du Québec est souvent considérée comme exemplaire. Le ministère du développement économique, de l’innovation et de l’exportation y a développé une « Stratégie québécoise pour l’entrepreneuriat » en utilisant une formule évocatrice qui est autant destinée aux entrepreneurs qu’à la population : « Foncez, tout le Québec vous admire ». Cette politique passe notamment par le soutien à une émission de télévision impliquant des candidats entrepreneurs jugés par des hommes et des femmes d’affaires aguerris.

La France pourrait s’inspirer de cette politique en l’adaptant à ses particularités. Les rapporteurs ont ainsi noté avec intérêt la diffusion récente sur l’antenne de la radio publique France Info de deux chroniques intitulées « Les entrepreneurs du nouveau monde (61) » et « Une idée un boulot (62) ». Ils proposent ainsi de continuer à mobiliser les antennes du service public pour contribuer au changement des mentalités et, le cas échéant, susciter des vocations d’entrepreneurs.

Le langage et le discours des responsables publics doivent contribuer, de manière générale, à soutenir les initiatives en matière de création d’entreprise. Une campagne spécifique d’information d’encouragement pourrait être lancée, le cas échéant en utilisant les antennes des radios et des télévisions publiques.

Proposition n° 17

Lancer une campagne spécifique d’information et de promotion de la création d’entreprise, le cas échéant en utilisant les antennes des radios et des télévisions publiques.

B.– MENER UNE ACTION DE SENSIBILISATION À L’ENTREPRENEURIAT LA PLUS PRÉCOCE POSSIBLE, EN CIBLANT TOUS LES ÉLÈVES DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET LES ÉTUDIANTS

L’effort public pour stimuler la culture d’entreprise reste marginal : selon le rapport de la Cour, les dépenses engagées à ce titre en 2011 ne représentaient qu’un million d’euros. Le développement de la création d’entreprise exige des moyens plus importants.

Selon le sondage précité commandé par la Cour, seuls 22 % des étudiants sondés ont eu l’impression d’être encouragés à créer une entreprise. Ce taux est insuffisant.

Les rapporteurs recommandent de généraliser et de renforcer l’expérience des « pôles entrepreneuriat étudiants » (PEE). Cette excellente initiative, lancée en 2009, mériterait d’être dotée de moyens plus conséquents. Elle pourrait d’ailleurs être utilement étendue à d’autres populations, notamment les personnes suivant des formations techniques en universités et en IUT ainsi que les apprentis. Le cas échéant, il pourrait être intéressant de recourir au cofinancement via des actions adaptées de mécénat afin d’intensifier l’effort de sensibilisation des étudiants.

Proposition n° 18

Étendre l’expérience des « pôles entrepreneuriat étudiants » à l’ensemble des universités et des IUT, ainsi qu’aux apprentis.

L’encouragement de la culture entrepreneuriale nécessite d’agir de manière anticipée, avant l’enseignement supérieur, pour sensibiliser les élèves de l’enseignement secondaire, quel que soit le niveau ou la filière concernée (filière générale, technologique, professionnelle ou CAP).

Les rapporteurs proposent donc de renforcer les actions de sensibilisation menées dans l’enseignement secondaire, notamment les « mini-entreprises » ou la « semaine École-Entreprise ». Il serait également intéressant de réfléchir à la création d’une option au baccalauréat visant les projets de création d’entreprise, avec un contenu pédagogique à définir mais valorisant les compétences et les qualités nécessaires à la création d’une entreprise comme le travail en équipe ou la créativité.

Proposition n° 19

Renforcer les actions de sensibilisation menées dans l’enseignement secondaire, notamment les « mini-entreprises » ou la « semaine École-Entreprise », et étudier la possibilité de créer une option au baccalauréat axée sur les projets de création d’entreprise.

C.– ALLÉGER LE POIDS DES NORMES ET LE CONTRÔLE DE LEUR APPLICATION PAR LES ADMINISTRATIONS DÉCONCENTRÉES

Le développement de la culture d’entreprise passe également par une réflexion sur le poids des normes et du contrôle de leur application. Il serait inutile d’éveiller des vocations d’entrepreneurs pour, ensuite, les étouffer sous le poids de règles diverses. Ce constat de la nécessité d’un allègement des normes est établi et fait l’objet d’un large consensus.

Si le nombre de normes doit être diminué, le contrôle de leur respect doit également être adapté et modifié à l’aune de la nécessité d’encourager la création d’entreprise dans les territoires. À cet égard, il est essentiel que les administrations déconcentrées, particulièrement les Dirrecte et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), voient leurs compétences profondément redéfinies. Les interventions de ces directions sont en effet parfois ressenties comme inutilement tatillonnes par les créateurs d’entreprise. Elles contribuent souvent à entretenir un néfaste climat de soupçon vis-à-vis des entrepreneurs, alors même que la puissance publique devrait plutôt les encourager à prendre des risques (cfsupra). Il leur faut davantage aider la création d’entreprise plutôt que freiner les initiatives des porteurs de projet et des créateurs.

Il est nécessaire que les Dirrecte et les Dreal accompagnent davantage les entrepreneurs dans le respect des très nombreuses normes auxquelles ils sont soumis, plutôt que de s’inscrire immédiatement, dès le démarrage de l’activité considérée, voire avant la création de l’entreprise, dans une logique de contrôle.

Ces préconisations rejoignent les annonces du Gouvernement relatives à la réduction nécessaire du poids des normes, problème dorénavant considéré comme une priorité de politique publique, qu’il s’agisse des entreprises ou des collectivités territoriales. Des mesures de simplification en ce sens ont d’ailleurs été annoncées par le Premier ministre lors de la tenue du premier Comité interministériel de modernisation de l’action publique (Cimap) le 18 décembre dernier. Les rapporteurs suivront avec intérêt et vigilance l’application de ce plan, en particulier en évaluant son impact sur les créateurs d’entreprise.

Proposition n° 20

Réduire les normes imposées aux créateurs d’entreprise et réorienter l’action des services déconcentrés de l’État d’une logique de contrôle vers une logique d’accompagnement.

TROISIÈME PARTIE :
RÉNOVER LA GOUVERNANCE, ACCOMPAGNER LA RÉGIONALISATION

I.– DÉFINIR UNE STRATÉGIE NATIONALE DE CRÉATION D’ENTREPRISES ET DES OUTILS DE PILOTAGE ADAPTÉS

A.– LA NÉCESSITÉ DE DÉFINIR LE RÔLE ET LA STRATÉGIE DE L’ÉTAT

1. La création d’entreprises au cœur de plusieurs politiques publiques

Comme l’a montré la première partie du présent rapport, la création d’entreprise ne fait pas aujourd’hui l’objet d’une politique publique clairement identifiée mais concourt à la réalisation d’autres objectifs.

Les dispositifs de soutien à la création d’entreprise sont relativement anciens. Les premiers ont été développés par les pouvoirs publics après le premier choc pétrolier, pour aider les chômeurs à créer leur propre entreprise. Par la suite, la loi de finances pour 1998 et la loi sur l’innovation et la recherche du 12 juillet 1999 ont prévu diverses mesures destinées à favoriser la création d’entreprise par les chercheurs. Enfin, à partir des années 2000, de nombreuses mesures ont été adoptées pour simplifier la création d’entreprise « classique » et, depuis 2005, favoriser expressément la pérennité des entreprises créées.

Il résulte de cette construction historique qu’il n’y a pas aujourd’hui de politique publique de la création d’entreprise en France mais des dispositifs qui concourent à trois objectifs distincts :

– la réduction du nombre de chômeurs en les encourageant à créer leur propre emploi ;

– le développement des entreprises innovantes, qui sont censées créer les emplois de demain ;

– le soutien au dynamisme du tissu économique et des territoires, à travers les TPE et PME.

Cette typologie se retrouve en filigrane dans l’organisation de l’État qui, sans vision d’ensemble, confie la création d’entreprise à trois ministères distincts : le ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social (DGEFP), le ministère de l’économie et des finances (DGCIS) et le ministère chargé de la recherche et de l’enseignement supérieur (DGRI et DGESIP) (63).

2. Le rôle de l’État : corriger les faiblesses de la création d’entreprises sans se substituer à l’initiative privée

Plusieurs éléments plaident aujourd’hui en faveur d’une réflexion sur le rôle de l’État et l’ébauche d’une stratégie nationale.

En premier lieu, les investigations menées par la Cour des comptes et les résultats d’une étude récente du Conseil d’analyse stratégique sur la création d’entreprise en France (64) montrent que le nombre de créations françaises est tout à fait dans la moyenne européenne (cf. la première partie du présent rapport). Aucun handicap particulier n’est donc à déplorer en la matière. En revanche, les écarts entre régions, la répartition entre secteurs – très déséquilibrée au profit des services – ou encore la petite taille des entreprises françaises sont des indicateurs, avec le niveau de diplôme des créateurs, sur lesquels devrait s’appuyer une réflexion sur les forces et faiblesses de la création d’entreprise en France et le rôle de l’État.

Sur ce dernier point, il convient de noter que la moitié des entreprises créées aujourd’hui le sont sans aides publiques et que plus de 70 % ne sont pas accompagnées par une structure spécialisée. L’État ne doit pas se substituer systématiquement au système bancaire ou aux réseaux associatifs ou consulaires, dont le travail remarquable doit être rappelé et salué. Il a en revanche vocation à intervenir pour corriger des insuffisances ou poursuivre des objectifs d’intérêt général. Il serait donc utile de définir des cibles, des objectifs et une stratégie : quelles sont les entreprises qui doivent être aidées par la collectivité et comment cette aide peut-elle être la plus efficace et efficiente possible, sans se substituer à l’offre du secteur privé ?

Enfin, l’ensemble formé par les dispositifs d’aide à la création d’entreprise, dont certains sont cumulables, est aujourd’hui complexe, difficile à évaluer et surtout de moins en moins lisible pour les créateurs.

L’absence de stratégie d’ensemble de la création d’entreprise a donc au moins trois conséquences négatives.

● L’efficacité des interventions publiques pourrait sans doute être considérablement augmentée par une évaluation régulière des dispositifs, qui n’est pas faite aujourd’hui.

● Le manque de coordination des différents dispositifs qui, bien qu’ils poursuivent des objectifs différents, ont des modalités voisines, augmente les risques d’effets d’éviction ou d’aubaine, ainsi que les risques de saupoudrage et d’inefficience, tous coûteux pour les finances publiques.

● L’empilement des dispositifs est à l’origine de ce que les créateurs d’entreprises décrivent volontiers comme « un maquis d’aides ».

Les rapporteurs préconisent donc une réflexion sur une stratégie nationale de la création d’entreprise, qui reconnaisse ses différentes composantes tout en définissant des objectifs communs, et qui s’inscrive plus globalement dans la politique économique nationale. Par le présent rapport, ils entendent d’ailleurs contribuer à cette définition.

De leurs investigations, il ressort qu’une conférence de financeurs des aides à la création d’entreprises serait une première étape nécessaire. Les organismes de sécurité sociale, Pôle Emploi et l’Unédic – autrement dit, les partenaires sociaux – sont à l’origine d’environ 56 % des dépenses publiques en faveur de la création d’entreprise en France. Quant aux collectivités territoriales, même si les montants investis sont plus modestes, leur intervention dans le développement économique et leur proximité avec les créateurs rendent leur participation essentielle.

Proposition n° 21

Définir une stratégie nationale pour la création d’entreprise en organisant une conférence des financeurs des aides versées.

B.– UNE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE INDISPENSABLE, COMPTE TENU DES TROIS OBJECTIFS DE LA CRÉATION D’ENTREPRISE

Compte-tenu des différents objectifs poursuivis par les dispositifs d’aide à la création d’entreprise, portés par trois ministères différents, éclatés au sein de dix programmes budgétaires, une coordination interministérielle apparaît indispensable.

1. L’échec patent de la coordination entre les acteurs de l’emploi et ceux de l’économie

La Cour des comptes a constaté le manque de coordination entre les services de l’emploi et ceux de l’économie à plusieurs niveaux.

Au niveau central, il n’existe pas de concertation systématique, régulière ou occasionnelle, entre les ministères chargés de l’emploi, de l’économie et de la recherche.

La DGEFP s’est apparemment focalisée sur le pilotage de Nacre, délaissant les dispositifs Accre et Arce. Aucun échange régulier n’a été instauré avec la direction de la sécurité sociale ou l’Acoss pour ce qui concerne l’Accre, ni avec Pôle Emploi et l’Unédic concernant l’Arce. Aucune coordination entre Pôle Emploi et son ministère de tutelle n’a permis de s’accorder sur des méthodes harmonisées de sélection des opérateurs chargés d’accompagner les créateurs d’entreprise (cf. infra).

Dans les services déconcentrés, la Cour des comptes pointe d’abord le caractère parfois artificiel ou inachevé du regroupement des services au sein des Dirrecte (65) : « il ne semble pas que le rapprochement entre les anciens services en charge de l’emploi et ceux chargés de l’économie dans une même direction régionale ait vraiment été accompagné de méthodes de travail transversales et d’un effort de coordination. » Les SGAR (66) et les préfets de région n’ont pas non plus de vision transversale en matière de création d’entreprise, qui n’est pas identifiée comme un axe stratégique en soi.

La mesure RGPP 95 (67), lancée en 2011, sous la forme d’une circulaire commune signée par la DGCIS et la DGEFP, avait pour objectif affiché de mieux coordonner le soutien à l’accompagnement apporté par Pôle Emploi et les Dirrecte mais aussi les autres opérateurs de l’État et les collectivités territoriales. Trois chantiers étaient définis dans la circulaire :

– le recensement précis des interventions financières et des objectifs en matière de création d’entreprise dans la région ;

– la définition d’une stratégie régionale afin d’optimiser les interventions publiques et d’arrêter une offre cohérente de prestations ;

– harmoniser les pratiques en mettant en place un dialogue de gestion annuel commun aux différents financeurs.

Selon la Cour des comptes, les services des Dirrecte considèrent que la mise en œuvre de cette mesure n’est plus prioritaire, compte-tenu de l’absence de relance de la DGEFP et de la DGCIS. La plupart des Dirrecte ont reconnu ne pas avoir connaissance de l’action de Pôle Emploi, ni des opérateurs avec lesquels il travaille. Enfin, début 2012, Pôle Emploi a lancé un appel d’offre en vue de sélectionner ses propres opérateurs, sur la base de critères qui lui sont spécifiques, et sans référence à la labellisation ou au conventionnement des opérateurs de Nacre, ni à la charte de qualité élaborée par l’Agence pour la création d’entreprises (APCE) et les réseaux d’accompagnement, sous la direction de la DGEFP et de la DGCIS.

L’existence de difficultés pratiques ou techniques, qui avaient manifestement été signalées lors des expérimentations qui ont précédé le lancement de la mesure RGPP 95, ne suffit pas à justifier l’absence de suivi ou de réorientation par le ministère de tutelle de ces différents chantiers. En tout état de cause, ces insuffisances conduisent à préconiser un renforcement de la coordination au niveau interministériel.

2. Les questions soulevées par la réunion des opérateurs financeurs de la croissance des entreprises au sein de la Banque publique d’investissement

Le regroupement au sein de la Banque publique d’investissement (BPI), des activités du Fonds stratégique d’investissement (FSI), d’Oséo et de la CDC Entreprises (68) devrait permettre de mieux intégrer les dispositifs. Ce nouvel outil, dont la vocation est d’être au plus près des territoires, répond au besoin régulièrement exprimé de voir se constituer une « chaîne de la croissance ».

La Cour des comptes a bien montré les atouts respectifs de la Caisse des dépôts et d’Oséo dans cette future organisation : la CDC apporte d’ores et déjà son soutien aux grands réseaux d’accompagnement, qu’elle a cherché à professionnaliser et à regrouper ; elle dispense des fonds propres sous la forme de prêts d’honneur ; elle participe aux actions destinées à développer le capital amorçage en France. Oséo apporte également des moyens financiers mais aussi, et surtout, une expertise permettant de détecter les projets à potentiel.

Les rapporteurs préconisent donc que l’offre de la BPI accompagne les créateurs d’entreprises dans leur projet, puis dans leur développement et enfin, dans une démarche d’internationalisation, en lien avec les réseaux d’aide à l’exportation.

Proposition n° 22

Réunir, au sein de la Banque publique d’investissement, les dispositifs en faveur de la création et la reprise d’entreprise, de la croissance et de l’innovation, ainsi que ceux dédiés à l’export, de façon à former une « chaîne de la croissance ».

Alors que se constitue ce grand pôle dédié à la croissance des jeunes entreprises, les rapporteurs attirent l’attention du Gouvernement sur le risque d’isolement des acteurs et des dispositifs en faveur des créateurs d’entreprises demandeurs d’emploi, qui souffrent déjà d’un manque de coordination.

Ces dispositifs représentent la majorité des dépenses en faveur de la création d’entreprise (56 %) et nombreux sont les porteurs de projets qui, quittant leur emploi pour créer leur entreprise, sont au chômage. D’après les derniers chiffres disponibles (2006), environ 41 % des créateurs d’entreprises bénéficient du statut de demandeur d’emploi.

La sécurité sociale, l’Unédic et Pôle Emploi sont aujourd’hui les principaux financeurs de l’aide à la création d’entreprise. C’est pourquoi les rapporteurs préconisent la désignation d’un délégué interministériel à la création d’entreprise chargé d’assurer une coordination étroite entre les différents financeurs. Celui-ci serait chargé d’assurer la coordination, aujourd’hui insuffisante, entre les directions d’administration centrale concernées par les aides à la création d’entreprise. Il aurait en outre la mission de favoriser le dialogue entre l’État, les collectivités territoriales, le réseau consulaire et les partenaires sociaux sur ce sujet.

Les possibilités de cumul, qui existent actuellement entre les dispositifs prévus pour les chômeurs – exonérations de charges sociales (Accre), versement d’une partie des droits à l’allocation chômage (Arce), prêts à taux zéro avec accompagnement (Nacre)… – avec les prêts d’honneur, le micro-crédit dispensé par l’Adie, doivent être prises en compte.

À cette fin, les rapporteurs préconisent de rattacher l’APCE au délégué interministériel à la création d’entreprise plutôt que de l’intégrer à la BPI. Ce rattachement est susceptible de dynamiser le pilotage de l’agence et de renforcer son rôle de coordonnateur, comme le préconise la Cour des comptes. En outre, ce positionnement lui permettra de remplir ses missions d’analyse et d’évaluation des dispositifs, qui devront être renforcées, ainsi que ses missions d’information du grand public sur les aides à la création d’entreprise.

Proposition n° 23

Nommer un délégué interministériel à la création d’entreprise chargé notamment :

– d’organiser le dialogue entre l’État, ses opérateurs, les collectivités territoriales, les chambres consulaires et les partenaires sociaux, afin de garantir en particulier la cohérence entre les dispositifs à vocation sociale et ceux destinés à promouvoir l’innovation et le renouvellement du tissu économique ;

– de diligenter des études d’impact des dispositifs ainsi que des évaluations sur les pratiques observées dans les territoires, et d’informer les porteurs de projets sur la création d’entreprise en France, grâce au concours de l’Agence pour la création d’entreprises (APCE) ;

– de promouvoir la création d’entreprise en France, notamment auprès des jeunes, en lien avec les ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

C.– DES OUTILS DE PILOTAGE AUJOURD’HUI INSUFFISANTS, UNE ÉVALUATION À ENCOURAGER

1. L’impossibilité de recenser les aides dispensées par les collectivités territoriales

La Cour des comptes évalue à 111 millions d’euros l’investissement des collectivités territoriales dans l’aide à la création d’entreprise, soit 4 % des dépenses nationales. Ce chiffrage résulte d’une extrapolation, à partir des montants consacrés à l’aide à la création d’entreprise dans un échantillon réduit de collectivités locales analysées par la Cour.

La Cour n’a pu faire un recensement exhaustif des interventions des collectivités territoriales. Ce recensement s’est heurté à de nombreuses difficultés, apparemment signalées lors de la tentative de mise en œuvre des chantiers de simplification de la DGCIS (mesure RGPP 95, mission « guichet unique » et programme « faciliter la vie de l’entrepreneur »).

L’aide à la création d’entreprise ne constitue pas une priorité ou un axe stratégique des contrats de projets État – Région (CPER), ni des schémas régionaux de développement économique (SRDE) élaborés par les régions. Ces derniers sont, pour la plupart, en cours de révision ou obsolètes, selon la Cour des comptes. Les collectivités donnent souvent la priorité au développement économique du territoire, plutôt qu’au soutien à la création d’entreprise. L’Association des départements de France (ADF) ne dispose pas non plus d’informations globales sur les dispositifs départementaux. En somme, les collectivités territoriales, à l’instar de l’État et de ses services déconcentrés, donnent plutôt la priorité au développement économique du territoire dans son ensemble.

En dépit de la portée apparemment limitée des aides des collectivités territoriales – seules 2 % des entreprises créées en 2004 auraient bénéficié d’une aide allouée par celles-ci –, les rapporteurs jugent nécessaire de renforcer l’information sur ces dispositifs. D’une part, le recensement des dispositifs est indispensable pour l’élaboration d’une vision stratégique d’ensemble et la constitution d’une offre cohérente et lisible sur le territoire. D’autre part, le rôle des collectivités territoriales en matière d’aide à la création d’entreprise pourrait être renforcé à l’avenir (cf. infra). D’ores et déjà, des initiatives communales se développent en matière d’hébergement des porteurs de projet et des jeunes entreprises (hôtels d’entreprises, pépinières, espaces de coworking).

L’obligation pour les régions d’élaborer annuellement un bilan des aides accordées en matière de développement économique par l’ensemble des collectivités, prévue par l’article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), ne permet pas non plus de faire ce recensement car ce bilan n’identifie pas toujours la création d’entreprise comme un axe de présentation. Les rapporteurs souhaitent que les aides à la création d’entreprise soient clairement identifiées.

Proposition n° 24

Modifier l’article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales pour identifier spécifiquement les aides à la création d’entreprise dans le bilan, réalisé par les régions, des aides allouées par les collectivités territoriales en matière de développement économique.

2. Des dispositifs insuffisamment évalués

Les travaux de la Cour des comptes se sont souvent heurtés au manque d’analyses disponibles. En tout état de cause, la mesure de l’impact des dispositifs est rendue difficile par le cumul des aides dont bénéficient la plupart des créateurs d’entreprise. Le contexte économique et financier national et local est évidemment un facteur déterminant. En outre, le suivi des indicateurs ne doit pas donner lieu à des conclusions hâtives : en particulier, il convient d’analyser de façon approfondie les causes et les effets de la mortalité des entreprises pour déterminer les cas dans lesquels celle-ci traduit un renouvellement bénéfique du tissu économique ou, au contraire, une atonie délétère.

En dépit de ces limites, la Cour des comptes souligne une grande méconnaissance du coût global des dispositifs et regrette qu’il n’y ait aucun système prévu pour regrouper les informations, ni aucun chiffrage global. Ainsi, concernant l’État, la Cour constate que les exonérations fiscales et sociales qui constituent les montants les plus importants sont souvent « oubliées » au profit d’interventions moins coûteuses comme le dispositif Nacre. Concernant les collectivités territoriales, les éléments chiffrés sont encore plus rares et disparates, et la réflexion sur l’efficacité des dispositifs est insuffisante dans la plupart des régions.

Les dispositifs Accre et Arce méritent une attention particulière. La Cour des comptes note que la part des chômeurs sur l’ensemble des créateurs n’est pas connue aujourd’hui. Le dernier chiffre disponible date de 2006 (41 %). En dépit de la multiplication par 2,4 du coût de l’Arce, cette mesure n’a fait l’objet d’aucune étude de l’Unédic, de Pôle Emploi ou de la DGEFP, qui la considèrent manifestement comme une modalité de versement des allocations de chômage sans prendre en compte son impact potentiel en termes économiques. La Cour des comptes relève que, concernant l’Accre (exonérations de charges sociales), le dispositif de recensement, d’évaluation et de suivi par la Dares a été remis en cause et ne permet plus une analyse aussi fine qu’elle a pu l’être.

En conclusion, les rapporteurs préconisent le lancement rapide d’évaluations sur les points suivants :

– le recours au statut de demandeur d’emploi par les créateurs d’entreprise et l’impact des subventions et aides destinées aux chômeurs et bénéficiaires de minima sociaux sur la création d’entreprise en France ;

– les conséquences de la mise en place du régime de l’auto-entrepreneur.

Ces études pourraient être menées par l’APCE et l’Insee sous l’égide du délégué interministériel à la création d’entreprise.

Proposition n° 25

Charger l’Insee et l’Agence pour la création d’entreprise (APCE) de diligenter des études d’impact des dispositifs d’aide à la création d’entreprise, sous l’autorité du délégué interministériel.

3. Des données transversales qui justifieraient une meilleure information du Parlement

Les dispositifs d’aide à la création d’entreprise sont nombreux et protéiformes : exonérations fiscales, subventions, prêts et avances remboursables, accompagnement, campagnes d’information, sensibilisation du public aux défis de l’entrepreneuriat, financement de réseaux d’accompagnement ou d’hébergement d’entreprise, etc. Répartis dans plus de dix programmes au sens de la LOLF, les crédits de l’aide à la création d’entreprise pourraient faire l’objet d’une meilleure présentation au Parlement.

Les rapporteurs préconisent la constitution d’un document de politique transversale (DPT) sur le financement de l’économie par les collectivités publiques, dont une partie serait explicitement consacrée au soutien public en faveur de la création d’entreprise. Un tel document devrait aussi rendre compte de l’effort financier des collectivités territoriales.

Proposition n° 26

Créer, en annexe au projet de loi de finances, un document de politique transversale (DPT) sur le financement de l’économie, définissant des objectifs et des indicateurs de performance et retraçant les moyens consacrés aux différents dispositifs et comprenant une partie dédiée au soutien public à la création d’entreprise.

II.– ACCOMPAGNER LA RÉGIONALISATION DES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

A.– UNE DÉCENTRALISATION INACHEVÉE, SOURCE D’INEFFICACITÉ

1. L’État reste très présent dans les territoires, au contraire de ce qui se fait dans d’autres pays

Les comparaisons internationales révèlent l’existence de différents modèles d’organisation des aides à la création d’entreprise, plus ou moins centralisés. En Belgique, chaque région possède en propre ses services de l’emploi, ses sociétés d’investissement, ses réseaux d’accompagnement. Seuls les régimes juridiques et les dépenses fiscales restent du ressort national. Mais du fait de cette régionalisation, il n’y a pas de pilotage global de la politique de création d’entreprise.

La France, comme l’Allemagne, la Suède ou les États-Unis, dispose d’un schéma de gouvernance mixte mais se singularise par l’absence de collaboration entre l’État et les collectivités territoriales et par la faiblesse du rôle de coordination des régions, en dépit de leur compétence en matière économique.

Si l’intervention de l’État se justifie par la recherche d’une plus grande égalité des territoires ou par la poursuite d’autres objectifs au niveau national, une plus grande autonomie régionale serait probablement bénéfique. Par un pilotage de proximité, les régions sont en effet mieux à même de garantir l’adéquation des dispositifs avec les besoins des porteurs de projet. Le maintien, aux côtés des régions, de dispositifs gérés par les services déconcentrés de l’État et les directions régionales de ses opérateurs – Nacre par les Dirrecte, Arce et Accre par Pôle Emploi – ne facilite pas l’affirmation par les régions de leur rôle de pilote et ne contribue pas à réduire le nombre de « guichets », ce qui permettrait pourtant de limiter les surcoûts et les doublons.

La réintégration des crédits Nacre dans les circuits habituels des prêts d’honneur et d’accompagnement préconisée par la Cour des comptes et les rapporteurs est notamment justifiée par ce constat.

2. L’État pourrait privilégier le contrat pour mieux coordonner les acteurs intervenant sur un territoire tout en leur laissant l’autonomie nécessaire

Paradoxalement, la présence des opérateurs de l’État et de ses services déconcentrés n’est pas synonyme d’une meilleure coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Selon la Cour des comptes, « l’absence totale de collaboration entre l’État et les collectivités locales sur ce sujet est fréquente. En général, aucune des deux parties n’a de connaissance précise des actions menées par l’autre, ni des financements réellement apportés. » La Cour relève que, dans certains cas, le conseil régional conteste la légitimité même de l’État à vouloir coordonner les financeurs des réseaux d’accompagnement de la création d’entreprise.

Cette situation est d’autant plus regrettable quand des initiatives régionales intéressantes existent. La région Midi-Pyrénées, dans le cadre de son plan « Entreprendre », a confié l’animation et le pilotage de ses politiques de développement à une agence régionale, sur la base d’une convention financière avec des objectifs chiffrés et un agenda. Cette région a fédéré les opérateurs régionaux du développement économique au sein du comité de pilotage du plan. Mais ne participent à ce comité ni l’État, ni Pôle Emploi.

Quelques exemples de bonne collaboration peuvent toutefois être signalés. Dans le Nord-Pas-de-Calais, en Picardie, et dans une moindre mesure en Lorraine, des réflexions stratégiques ont permis de renforcer la gouvernance et le pilotage stratégique du développement régional. Dans le Nord-Pas-de-Calais en particulier, une gouvernance structurée en trois niveau (stratégique, opérationnel, partenarial) organise désormais le réseau des intervenants en matière de création d’entreprise sur la base d’un plan stratégique global et de plans sectoriels. Cette action a fait la preuve de son efficacité et la région est désormais l’une des plus dynamiques en matière de création d’entreprise. Dans cette région comme en Lorraine, l’État se trouve désormais en retrait par rapport au conseil régional.

Ces bonnes pratiques incitent à mieux tenir compte à l’avenir des spécificités et des initiatives locales. Comme l’écrit la Cour des comptes, « il faut probablement accepter que le rôle de l’État, dans ces dispositifs régionaux structurés et ordonnés, ne soit pas forcément celui de l’animateur et du coordonnateur principal. » La mise en place de la BPI et le projet de loi de décentralisation, annoncé pour le printemps 2013, pourraient être l’occasion de renforcer le rôle des régions et des EPCI en matière économique. L’État pourrait alors continuer à faire valoir ses objectifs par le biais des contrats État – région. De façon plus générale, le contrat apparaît comme un outil efficace et souple pour organiser l’action coordonnée des différentes collectivités territoriales sur un territoire.

À court terme, il serait souhaitable que les préfets de région veillent de plus près à la cohérence des dispositifs et soient en mesure d’assurer la coopération entre les régions, les services de l’État et les antennes régionales de ses opérateurs. Dans le même esprit, l’association des directeurs régionaux de Pôle Emploi aux comités de pilotage de la BPI en région serait souhaitable, ainsi qu’une meilleure formation des conseillers de Pôle Emploi sur les actions menées par ses partenaires en matière de création d’entreprise.

Proposition n° 27

Charger les préfets de région de veiller à la cohérence des différents dispositifs d’aide économique et à la coordination des directions régionales de Pôle Emploi, de la Banque publique d’investissement et des régions.

Proposition n° 28

Associer les directeurs régionaux de Pôle Emploi aux comités régionaux de la Banque publique d’investissement et améliorer la formation des conseillers de Pôle Emploi sur la création d’entreprise.

3. Le mythe du guichet unique

Les créateurs d’entreprise évoquent volontiers un « maquis d’aides » pour désigner l’ensemble des dispositifs qui leur sont proposés. Un demandeur d’emploi ayant intégré le parcours « création d’entreprise » de Pôle Emploi peut être confronté à cinq interlocuteurs différents : le conseiller Pôle Emploi en charge du suivi de son dossier et de la procédure d’octroi de l’Arce ; un premier opérateur d’accompagnement si le porteur de projet a bénéficié de l’EPCE (69) prévue dans l’offre de services de Pôle Emploi ; le centre de formalités des entreprises pour le dépôt de la demande d’Accre ; un opérateur pour la phase 1 du dispositif Nacre et enfin un troisième opérateur d’accompagnement pour les phases 2 et 3.

En dépit de cette complexité, le regroupement des institutions dans une démarche de « guichet unique » n’est prôné par aucune partie prenante. Plusieurs intervenants ont alerté les rapporteurs, au cours des tables rondes, sur le « mythe » du guichet unique. Le rapprochement physique des services de l’État a en effet montré ses limites.

La Cour des comptes juge que cette démarche serait « peu réaliste », tant les porteurs de projet ont des besoins différents en termes de soutien financier et humain. L’idéal serait plutôt d’identifier les « menus » ou « parcours » à proposer à chaque type de créateur. Cela suppose une claire définition du rôle de chacun et un travail collectif d’identification des différents parcours. En Rhône-Alpes, par exemple, une charte signée par la région, les chambres consulaires, les réseaux de financement et d’accompagnement et par Pôle Emploi définit des objectifs et des méthodes communes. Elle permet d’éviter les doublons. Les chambres consulaires assurent une mission d’accueil et d’aiguillage.

B.– LE MONDE DE L’INITIATIVE ÉCONOMIQUE : UN SYSTÈME EN RÉSEAU À ANIMER PAR CONTRATS ET CONVENTIONS

1. Des accords pour encourager et préserver les bonnes pratiques territoriales

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs se sont vus présenter diverses bonnes pratiques territoriales. Si les régions sont les collectivités les plus actives en matière d’aides à la création d’entreprise, les départements, les communes et leurs groupements interviennent parfois en soutien de ces dispositifs. Les communes, en particulier, sont de plus en plus actives dans le domaine de l’hébergement des entreprises.

Les territoires qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux dans lesquels ces différentes initiatives sont coordonnées, par le biais de chartes communes ou de comités de pilotage conjoints.

La Cour des comptes regrette cependant que les conventions passées par certaines régions avec les autres collectivités – destinées à éviter le cofinancement de dispositifs concurrents et à fixer des référentiels communs – soient encore trop rares.

Les rapporteurs souhaitent que les bonnes pratiques observées dans certaines régions soient généralisées en encourageant les régions et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à conclure des accords-cadres sur les aides économiques et les structures d’hébergement d’entreprises, afin d’assurer la complémentarité des dispositifs dans les territoires.

Proposition n° 29

Encourager les régions et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à conclure des accords-cadres sur les aides économiques, afin d’assurer la complémentarité des dispositifs dans les territoires et de rationaliser l’implantation des structures d’hébergement d’entreprises.

2. Les enjeux de l’animation du monde de l’initiative économique

Comme en témoignent les différentes enquêtes menées par les magistrats des chambres régionales des comptes, l’animation du monde de l’initiative économique est un exercice délicat.

Par exemple, la Cour rapporte la tentative avortée, dans le Val-d’Oise, de mettre en place un système d’information commun à tous les réseaux d’accompagnement de porteurs de projet, appelé Créanet 95. Cette démarche ambitieuse, financée par le conseil général du Val-d’Oise, et portée par la chambre de commerce et d’industrie de Versailles, du Val-d’Oise et des Yvelines (CCIV), n’a pas prospéré en raison de la rivalité entre les différentes structures d’accompagnement. Il faut également souligner que cette initiative du conseil général ne s’inscrivait pas dans un projet régional plus vaste.

En tout état de cause, cette expérience montre qu’il existe une grande diversité d’ « écosystèmes » locaux, impliquant de façon variable les réseaux d’accompagnement d’importance nationale, des associations locales, les chambres consulaires, de grandes entreprises locales ou encore de jeunes chefs d’entreprise souhaitant partager leur expérience avec leurs pairs. Imposer un schéma uniforme sur tout le territoire national est illusoire et peut même être contreproductif. Il revient donc aux collectivités territoriales de garantir la complémentarité et la coopération de ces différents acteurs. À cette fin, la signature de conventions d’objectifs et de moyens est à même d’encourager la professionnalisation des acteurs.

La plupart des personnes entendues au cours des tables rondes, et en particulier les représentants des grands réseaux d’accompagnement, considèrent cette contractualisation comme un élément essentiel du pilotage par les résultats. Comme le soulignent les représentants des réseaux d’accompagnement des porteurs de projet, il est préférable de privilégier l’évaluation a posteriori plutôt qu’un empilement de normes a priori. La mise en place de contrats pluriannuels entre les collectivités publiques et les réseaux d’accompagnement, impliquant une évaluation des résultats, serait une source d’efficience et de sécurité pour les réseaux signataires.

Proposition n° 30

Poursuivre la professionnalisation des réseaux d’accompagnement à la création d’entreprise par la signature de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Au cours de sa séance du 14 février 2013, le Comité entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur l’évaluation des dispositifs publics d’aide à la création d’entreprises, réalisée par la Cour des comptes à la demande du Comité.

M. le président Claude Bartolone. À la suite de la demande d’assistance adressée en 2011 par le Comité d’évaluation et de contrôle à la Cour des comptes pour l’évaluation des dispositifs publics d’aide à la création d’entreprises, nous accueillons le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, pour qu’il nous présente la contribution de la Cour à cette évaluation. Je rappelle que nos deux rapporteurs sur ce thème sont MM. Jean-Charles Taugourdeau, pour l’opposition, et Fabrice Verdier, pour la majorité.

Monsieur le Premier président, vous avez la parole.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. C’est la quatrième fois que j’ai le plaisir de présenter devant le Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale un rapport d’évaluation produit à sa demande.

Pour cela, je suis accompagné de M. Gilles-Pierre Lévy, président de la deuxième chambre de la Cour et de la formation inter-juridictions qui a mené l’évaluation, de M. Jean-Marie Bertrand, président de chambre et rapporteur général du Comité du rapport public et des programmes, de Mme Michèle Pappalardo, conseillère maître et rapporteure générale de cette enquête, et de M. Olivier Mousson, conseiller maître et contre-rapporteur. Ils m’assisteront pour répondre à vos questions.

La Cour a mis en place de nouvelles procédures et méthodologies de travail pour conduire les évaluations de politiques publiques. Pour la rédaction de ce rapport, un comité consultatif a été constitué et régulièrement réuni tout au long des travaux ; il était formé de trois collèges, regroupant respectivement des représentants des entreprises, des acteurs responsables des dispositifs et des « tiers impliqués », c’est-à-dire divers intervenants dans la création d’entreprises qui ne sont pas directement chargés de la mise en œuvre des dispositifs. Trois tables rondes réunissant des créateurs d’entreprises ont été organisées, à Paris, à Lyon et à Arras, et deux sondages ont été réalisés, l’un auprès de 800 jeunes en fin d’études supérieures pour mesurer leur « culture entrepreneuriale », l’autre auprès de 800 personnes ayant créé une entreprise entre 2006 et 2009 et dont l’entreprise a depuis disparu, pour mesurer les causes et les conséquences de cette expérience. Le rapport a également été nourri de travaux spécifiques sur les principaux dispositifs, du contrôle de l’Agence pour la création d’entreprise (APCE), ainsi que des rapports des dix chambres régionales des comptes qui ont participé à l’enquête.

Les politiques publiques étant de plus en plus partagées, il est important que les évaluations appréhendent de façon globale les actions de l’État et celles des collectivités territoriales. De récentes dispositions législatives permettent à la Cour de mener ce type d’enquêtes avec le concours précieux des chambres régionales. La Cour a pleinement utilisé cette faculté et vous livre dans le présent rapport un tableau d’ensemble de l’action publique ; les dispositifs de soutien à la création d’entreprises étant nombreux, nous avons été amenés à nous interroger non seulement sur les dispositifs pris séparément, mais également sur l’efficacité, l’efficience et la cohérence de l’ensemble du système.

En outre, comme pour l’enquête sur la politique de lutte contre le tabagisme que nous vous avons présentée en décembre dernier, la Cour s’est attachée à prendre en compte la dimension internationale du sujet, grâce à une étude comparative des dispositifs publics d’aide à la création d’entreprises dans huit pays comparables au nôtre, que nous avons commandée à la direction générale du trésor.

Votre Comité a demandé à la Cour d’évaluer, non pas l’ensemble de la politique publique en faveur de la création d’entreprises, sujet trop vaste qui aurait impliqué une analyse de l’environnement économique, fiscal et social des jeunes entreprises, mais, plus précisément, les dispositifs en faveur de la création d’entreprises – exercice déjà complexe, eu égard au grand nombre de ces dispositifs et des acteurs qui en ont la charge, ainsi qu’à leur instabilité : l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprises (ACRE) a ainsi été réformée à vingt-cinq reprises depuis sa création en 1977.

Je présenterai dans un premier temps les trois principaux constats dressés par la Cour dans ce rapport.

Premier constat, la France souffre, non pas d’un déficit quantitatif de créations d’entreprises, mais d’une difficulté à rendre celles-ci pérennes et à les faire croître. Avec 550 000 entreprises créées en 2011, nous nous plaçons au premier rang européen en nombre de créations annuelles. Si l’institution en 2009 du régime des auto-entrepreneurs a conduit au quasi-doublement du rythme des créations, ce bond se situe dans le prolongement d’une dynamique très favorable depuis 2003, année de l’adoption de la loi pour l’initiative économique. Le régime des auto-entrepreneurs a stimulé la création d’entreprises, mais il a aussi eu des effets perturbateurs sur les statistiques, la moitié des auto-entreprises ne déclarant aucun chiffre d’affaires, et de nombreuses en ayant un très faible.

Avant la création du régime des auto-entrepreneurs, notre pays occupait le cinquième rang en nombre de créations d’entreprises par habitant, à un niveau très proche de celui de l’Allemagne ; il occupe désormais la première place. Selon l’OCDE, la France aurait en la matière relativement moins souffert de la crise que ses voisins, et le sondage réalisé à la demande de la Cour montre que les Français ont une forte envie d’entreprendre. En matière de création d’entreprises, la France souffre d’un problème non quantitatif, mais qualitatif.

Le rapport met en évidence trois faiblesses majeures. Les entreprises françaises nouvellement créées sont en général de petite taille, défaut renforcé par le régime de l’auto-entrepreneur ; ainsi, en 2011, seules 5,7 % d’entre elles avaient au moins un salarié, alors qu’en Allemagne, cette proportion dépassait les 22 %. Leurs moyens financiers sont limités ; on retrouve ce trait dans les pays voisins, le taux d’accès au financement bancaire étant cependant plus faible en France – 49 % – qu’en Allemagne – 60 %. Surtout, les entreprises ont une durée de vie courte : un tiers des entreprises disparaissent au bout de trois ans et la moitié au bout de cinq – le taux de pérennité variant fortement suivant le profil du créateur : les durées de vie des entreprises créées par des chômeurs, des jeunes de moins de trente ans et des personnes peu ou pas diplômées sont plus courtes. La création d’emploi salarié au bout de cinq ans est le fait d’un nombre restreint d’entreprises. La France se distingue de ses voisins par un enrichissement des entreprises en emplois plus lent et plus limité.

La création du régime de l’auto-entrepreneur a renforcé ces fragilités, qui sont peu compensées par les dispositifs publics : la moitié des créations d’entreprises s’effectuent sans recours à une aide publique et, dans deux cas sur trois, sans accompagnement.

Deuxième constat, les aides sont foisonnantes ; elles font intervenir, y compris au sein de l’État, une multiplicité d’acteurs ayant des objectifs différents, sans qu’une coordination minimale ne soit assurée. La liste des principaux dispositifs nationaux de soutien à la création d’entreprises, publiée en annexe du rapport, est impressionnante ; on peut y observer la variété des outils employés – subventions, exonérations, prêts, garanties, dispositifs d’accompagnement et d’hébergement, financement du capital-risque –, ainsi que le nombre d’acteurs qui en ont la charge.

Aucun recensement n’en a été réalisé car il n’existe pas de responsable jouant le rôle de coordonnateur. Trois ministères sont concernés, qui ont chacun des objectifs différents. Le ministère chargé de l’emploi vise à réduire le nombre de chômeurs, en incitant les demandeurs d’emploi à créer leur propre emploi ; les entreprises ainsi créées sont petites et ont pour la plupart une faible durée de vie. Le ministère chargé de la recherche favorise la création d’entreprises innovantes, valorisant la recherche publique. Le ministère chargé de l’économie, et plus précisément la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), cherche à soutenir le dynamisme du tissu économique et à assurer la relève des PME « classiques », sans que cela passe nécessairement par une forte croissance des entreprises.

L’action de l’État est éclatée entre une dizaine de programmes budgétaires, ce qui montre que la création d’entreprises apparaît le plus souvent comme un sous-produit d’autres politiques et comme un moyen d’atteindre d’autres objectifs, en particulier en matière d’emploi et de recherche. Cet éclatement n’est pas critiquable en soi, mais il appelle une vision transversale des moyens budgétaires, qui fait actuellement défaut.

En raison de la dispersion des acteurs, le coût global des actions menées est difficile à évaluer ; le flou concerne les petits dispositifs comme les grands. Par exemple, le coût et les bénéficiaires d’un dispositif aussi important que l’aide à la reprise et à la création d’entreprise (ARCE), financé par l’UNEDIC, sont mal connus. Les possibilités de cumul sont multiples et leurs effets peu analysés.

La Cour évalue le coût des dispositifs nationaux à 2,7 milliards d’euros en 2011, dont 240 millions consistent en des prêts et en des participations en capital ayant vocation à être récupérés. Une partie du financement, à hauteur de 110 millions d’euros, est assurée par les collectivités territoriales. S’y ajoutent les dispositifs mis en place par les collectivités locales, dont il n’existe à l’heure actuelle aucun recensement. En extrapolant à l’ensemble des régions métropolitaines les montants relevés dans les dix régions étudiées, la Cour évalue le coût de ces dispositifs d’initiative locale à quelque 150 millions d’euros par an. Au final, les aides à la création d’entreprises ne constituent pas, et de loin, les principales aides aux entreprises ; pour près de 1 milliard, sur un total de 3, elles correspondent à des versements anticipés d’allocations chômage afin que les demandeurs d’emploi puissent créer leur propre entreprise.

Troisième constat, les aides sont trop fortement concentrées sur les demandeurs d’emplois et l’accompagnement dans la durée de tous les entrepreneurs est insuffisant.

Ces défauts de gouvernance suscitent trois risques.

Le premier est une mauvaise allocation des moyens entre les publics, les territoires et les actions. La Cour relève que les moyens ne sont pas répartis de façon équilibrée entre les trois types de créateurs d’entreprise que sont les demandeurs d’emplois, les « innovateurs » liés au monde de la recherche et les entrepreneurs « classiques ». Les quatre cinquièmes des aides directes nationales, soit un peu plus de 1,6 milliard, sont destinées aux seuls demandeurs d’emploi ; il s’agit majoritairement d’aides « guichet », qui ne sont liées ni au potentiel de développement de l’entreprise, ni à la viabilité du projet. Un tel déséquilibre incite les créateurs d’entreprises à passer par le statut de demandeur d’emploi pour pouvoir bénéficier des aides. Il ne permet pas non plus de remédier aux carences de la création d’entreprises en France, ce qui supposerait de privilégier les entrepreneurs susceptibles de créer des entreprises pérennes et, à terme, créatrices d’emploi. Un rééquilibrage des moyens paraît donc nécessaire.

Le deuxième risque est que l’action publique apparaisse aux créateurs d’entreprises comme un millefeuille illisible, qui ne bénéficie qu’à une minorité. Seule la moitié d’entre eux utilise au moins un des dispositifs de soutien public ! Dans ce contexte, il est à craindre que les personnes voulant créer une entreprise n’effectuent des démarches inutiles ou qu’elles ne bénéficient pas des services auxquels elles ont droit, faute d’avoir pu identifier le bon interlocuteur.

Enfin, le troisième risque concerne l’efficience du dispositif, les coûts de gestion ne pouvant qu’être élevés lorsque les financements sont parcellisés et les responsabilités éclatées.

Sur la base de ces trois constats, la Cour appelle à une politique, d’une part, coordonnée, pilotée et simplifiée, d’autre part, davantage tournée vers l’accompagnement et la croissance des jeunes entreprises.

En premier lieu, il conviendrait de définir une stratégie d’ensemble pour la politique en faveur de la création d’entreprises. Il serait nécessaire de mieux prendre en compte les faiblesses des jeunes entreprises, de manière à faciliter leur accès au financement et à les aider à croître et à recruter. Une telle stratégie définirait les objectifs à atteindre dans ces différents domaines, préciserait les types de bénéficiaires attendus, détaillerait les dispositifs à mettre en œuvre et mesurerait les résultats obtenus.

Pour définir et mettre en œuvre cette stratégie, il serait utile de désigner un responsable de niveau interministériel, qui assumerait une partie des missions actuellement confiées à l’APCE, en particulier l’observation de la création d’entreprises, l’information et la coordination des acteurs de l’accompagnement. Une telle évolution impliquerait la restructuration de l’APCE – de toute façon nécessaire.

La Cour recommande également à l’État d’agir de manière plus déconcentrée, en s’appuyant davantage sur les préfets, qui seraient chargés de la coordination à l’échelon territorial, sous l’autorité du nouvel acteur interministériel et en partenariat avec les collectivités territoriales. La Cour a d’ailleurs relevé quelques exemples de coopération particulièrement efficace entre des collectivités particulièrement impliquées et l’État, notamment en Nord-Pas-de-Calais. Un rôle pilote devrait être reconnu à la région en la matière, ce qui suppose une clarification de la répartition des compétences entre les collectivités territoriales.

Le nombre des dispositifs de soutien devrait être réduit afin de simplifier et d’améliorer la lisibilité de la politique d’aide à la création d’entreprises. Chaque acteur devrait faire un effort en ce sens et le cofinancement de dispositifs pourrait être un facteur de simplification. Les stratégies nationales et régionales devraient en outre privilégier le point de vue de l’entrepreneur ; ainsi, les exonérations sociales et fiscales de la première année de création diffèrent suivant le statut du créateur d’entreprise, sans que cela soit justifié : un système unique et simplifié d’exonération devrait être instauré.

D’autre part, il conviendrait de privilégier les dispositifs qui s’adressent à tous les profils de créateurs, assurent leur accompagnement, permettent leur accès au financement et favorisent la croissance de l’entreprise. La plupart des dispositifs actuels étant centrés sur la seule phase de création, les entrepreneurs doivent souvent franchir seuls les étapes ultérieures, pourtant cruciales. Le rapport public thématique de juillet 2012 sur l’État et le financement de l’économie avait d’ailleurs souligné la difficulté des entreprises françaises à passer ces premières années, durant la phase dite « d’amorçage », en raison d’un accès insuffisant aux sources de financement. Les dispositifs publics visant à corriger cette faiblesse sont peu nombreux et relèvent d’un trop grand nombre d’acteurs ; en Allemagne, les entreprises sont davantage pérennes.

Dans le cadre de la stratégie nationale précédemment évoquée, il importerait de renforcer ces dispositifs, au détriment des aides « guichet » distribuées sans ciblage – telle l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE) ou l’aide à la reprise et à la création d’entreprise (ARCE) –, sur la base d’une identification des entreprises à potentiel de croissance, quel que soit le statut du porteur de projet. Priorité serait donnée à l’accompagnement et à l’accès aux financements, via des prêts d’honneur et des garanties de prêts bancaires.

L’accompagnement ne concerne actuellement que 10 à 30 % des créateurs d’entreprises ; il faudrait le développer, en veillant à la qualité des prestations et à la professionnalisation des équipes. Le dispositif d’accompagnement d’un créateur devrait être unique et bien identifié. La généralisation de l’accompagnement passe par une meilleure coordination entre financeur et opérateur, qui devrait être facilitée par des stratégies régionales, élaborées conjointement par les collectivités et l’État.

Les prêts d’honneur et les garanties de prêts bancaires facilitent l’accès au financement bancaire des nouvelles entreprises. Ils sont accessibles et s’adaptent à tous les types de créateurs. Ils ont un effet de levier pour l’accès au financement privé et à d’autres formes d’intervention publique : subventions, prises de participation. Les faibles résultats du nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprises (NACRE), qui accapare l’énergie des services déconcentrés de l’État pour des montants limités – 18 millions d’euros en 2011, contre 55 millions de prêts –, appellent une redéfinition de cet outil qui fait double emploi avec les prêts d’honneurs. Quant aux prêts à la création d’entreprise gérés par OSÉO, leurs conditions d’attribution devraient être réexaminées.

En définitive, le message central de la Cour est qu’il conviendrait de recentrer l’aide à la création d’entreprises sur les dispositifs qui affichent les meilleurs résultats en termes de création durable d’entreprises de croissance.

Je souhaiterais, pour conclure, élargir le propos à l’amont et l’aval de la création d’entreprises.

À l’amont, la Cour a constaté que la formation à la culture entrepreneuriale dans l’enseignement progressait ; cette tendance devrait être amplifiée, en particulier dans le supérieur : il s’agit d’un levier peu coûteux et susceptible de stimuler la création d’entreprises. En outre, le sondage commandé par la Cour montre qu’en matière de création d’entreprises, l’échec n’est pas nécessairement perçu de façon négative.

À l’aval, la croissance des entreprises pourrait être mieux assurée grâce au développement des fonds d’investissement en capital-risque. Il est frappant de constater que, parmi les quarante capitalisations les plus importantes, les entreprises créées il y a moins de vingt ans sont moins nombreuses en France que dans d’autres pays. Cela est dû à l’insuffisante attention accordée à la phase de croissance des entreprises.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Merci, monsieur le Premier président, pour la qualité de ce travail. En nous appuyant sur les initiatives que vous avez prises – deux sondages, des tables rondes –, nous avons pu, mon collègue Jean-Charles Taugourdeau et moi, mener parallèlement nos travaux sur ce sujet complexe. Notre objectif est clair : il s’agit de soutenir la création d’entreprises.

« Pour arroser quelques parterres de fleurs, on irrigue parfois tout un jardin », avez-vous dit il y a quelques jours, parlant de l’action publique, à l’occasion de la présentation du rapport public annuel pour 2013. En matière de création d’entreprises, il y a trois parterres à arroser : les demandeurs d’emploi, les entreprises innovantes, le tissu économique et territorial ; mais il existe plusieurs jardiniers – l’État, avec trois ministères concernés, les collectivités locales et les organismes consulaires – et une source de financement principale, les fonds de l’UNEDIC. Malheureusement, la moitié des fleurs n’en bénéficient pas, et beaucoup ne poussent pas beaucoup, voire disparaissent.

Nous sommes d’accord avec nombre de vos recommandations visant à améliorer la pérennité de nos entreprises et faire en sorte qu’elles créent plus d’emplois, mais nous souhaiterions vous poser quelques questions afin d’enrichir notre rapport.

La Cour des comptes propose de supprimer le dispositif NACRE et de transférer les crédits afférents aux prêts d’honneur. Concrètement, comment pourrait s’opérer ce transfert ? Si cette mesure était adoptée, tous les créateurs auraient-ils accès à un accompagnement ?

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. Monsieur le Premier président, votre allusion aux fleurs m’a touché tout particulièrement, puisque j’ai créé, fait croître et transmis une entreprise horticole !

Créer une entreprise est une chose, mais c’est bien souvent après que cela se corse ; on a besoin d’un accompagnement. On déplore qu’il n’y ait pas assez d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) en France, mais encore faudrait-il que les entreprises passent la phase d’amorçage : c’est au départ que la vie est la plus fragile.

La Cour des comptes déplore un manque de coordination entre l’État et les régions, qui confine parfois à la concurrence. L’État est-il trop présent ? Faut-il renforcer le rôle de pilote de la région ? Quelles sont les recommandations de la Cour pour parachever le processus de décentralisation ?

Faut-il privilégier les aides remboursables ? Que pense la Cour de la possibilité de demander un retour aux entreprises profitables, à prélever sur les dividendes ?

J’ai toujours été opposé aux subventions directes aux entreprises. Je pense que les aides doivent participer à la création et à la croissance de l’entreprise, mais, dès lors qu’on a la possibilité de prélever des dividendes, il serait normal de remettre au pot. Quant à l’attribution des aides elles-mêmes, peut-être le guichet unique est-il un doux rêve, mais un minimum de centralisation permettrait d’éviter les chevauchements.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Comment améliorer l’efficacité des aides aux entreprises sans les cibler sur les entreprises qui présentent, dès le stade du projet, de solides atouts ? Faut-il concentrer les aides sur les projets les plus prometteurs ou sur les publics les plus fragiles ? Est-il normal que les demandeurs d’emploi aient accès quasi automatiquement à ces aides ?

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. La Cour a fait réaliser un sondage intéressant sur la perception de l’échec en matière de création d’entreprises. Quelles conclusions en tirer en termes de politiques publiques ?

Le soutien à la création d’entreprises ne se réduit pas aux aspects financiers ; il suppose aussi un accompagnement et un assouplissement des normes. Il est absurde d’exiger qu’une entreprise qui n’a pas encore commencé à gagner un euro soit aux normes ! Les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) devraient accorder aux entreprises nouvellement créées un délai de quatre à cinq ans pour se mettre aux normes.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. La Cour des comptes fait état de l’insuffisance du rapprochement des services de l’emploi et de l’économie au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), illustrée par l’échec de la mesure « RGPP 95 ». Pourquoi, en dépit d’une circulaire commune de la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) et de la direction générale de la consommation, de l’industrie et des services (DGCIS), les préfets et les services déconcentrés n’ont-ils pas joué le jeu ? Comment expliquer que Pôle emploi et les DIRECCTE aient pu mener des démarches autonomes de contractualisation avec les associations d’aides aux créateurs d’entreprises, sur la base de critères distincts ? Qu’ont répondu les ministères de tutelle à la Cour ?

M. Didier Migaud. Comme je l’ai souligné en présentant notre rapport public annuel pour 2013, le mauvais ciblage des interventions publiques est, hélas, une constante ! C’est d’ailleurs ce qui nous rend optimistes sur notre capacité à freiner la dépense publique. Le problème de la France, c’est la multiplicité des acteurs et l’insuffisance du ciblage des dispositifs, tant au niveau de l’État que des collectivités territoriales.

Le défaut de coordination entre l’État et les régions ne provient pas d’une plus ou moins grande présence de l’un ou des autres. La Cour constate seulement que, dans de nombreux cas, chacun travaille de son côté, sans chercher à élaborer une stratégie commune ou à coordonner des actions qui concernent pourtant les mêmes acteurs.

Une dizaine de régions seulement ont été étudiées. Dans quelques-unes, comme le Nord-Pas-de-Calais ou la Lorraine, on a constaté l’existence d’une démarche commune, dont l’efficacité a été vérifiée : les dispositifs de soutien sont plus lisibles, les créateurs d’entreprises sont orientés plus vite et mieux vers ceux qui les concernent, les réseaux d’accompagnement sont plus efficaces et le financement des actions est mieux coordonné.

S’il souhaite continuer à agir en faveur de la création d’entreprises, l’État devrait déconcentrer davantage son action, de manière à ce qu’elle soit adaptée aux spécificités des territoires. Les préfets, notamment les préfets de région, pourraient jouer un rôle intéressant en la matière, dans la mesure où ils peuvent élaborer, avec les collectivités territoriales, des stratégies communes adaptées aux besoins régionaux. Si les services de l’État n’ont rien à négocier, qu’ils ne disposent d’aucune souplesse pour orienter les actions sur le terrain, les collectivités territoriales ne verront pas l’intérêt de négocier une stratégie commune.

L’une de nos recommandations est de reconnaître le rôle pilote de la région par rapport aux autres collectivités locales – ce qui renvoie au projet de réforme dont vous allez être saisis. Pour ce faire, la Cour appelle à une clarification de la répartition des compétences entre les collectivités territoriales.

Je ne suis pas sûr qu’il faille tirer du sondage que nous avons fait réaliser des conclusions en termes de politique publique. En revanche, ce sondage permet de combattre une idée fausse : à savoir, que l’échec – relativement fréquent – en matière de création d’entreprise aurait des conséquences négatives à terme, car il découragerait les créateurs potentiels. On constate en effet que, dans leur grande majorité, les créateurs d’une entreprise ayant par la suite disparu ne regrettent pas cette expérience, bien au contraire ; certains ont par la suite créé une nouvelle entreprise, beaucoup ont trouvé un emploi. Bref, le sondage enregistre un état d’esprit positif.

M. Gilles-Pierre Lévy, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes. Ce sondage est d’abord un outil de communication : il permet de signifier aux créateurs potentiels, et notamment aux jeunes, que si l’échec est possible, il ne s’agit en aucun cas d’une pénalisation définitive.

Les dispositifs NACRE et prêts d’honneur se ressemblent beaucoup, que ce soit par l’origine des crédits, qui proviennent en grande partie des fonds versés sur les livrets gérés par la Caisse des dépôts et consignations, ou par les destinataires ; ils comprennent à la fois des abondements de crédits et des accompagnements. Plutôt que d’ajouter un intervenant supplémentaire, autant consacrer cet argent au renforcement des réseaux existants ! Notre recommandation est de transférer les crédits au système des prêts d’honneur et aux réseaux d’accompagnement. Nous avons en effet constaté que les taux de réussite des entreprises suivies par des réseaux sont bien supérieurs à ceux des autres – avec peut-être le biais que les réseaux sélectionnent les meilleurs.

Mme Michèle Pappalardo, conseillère maître. Toutefois, cette réforme ne permettrait pas de proposer un accompagnement à tous les créateurs d’entreprises, dans la mesure où les crédits sont limités – 18 millions d’euros aujourd’hui pour NACRE. Si l’on veut accompagner un plus grand nombre de personnes, il faut revoir entièrement la question.

M. Gilles-Pierre Lévy. S’agissant des aides remboursables, le bon sens voudrait que, lorsqu’une entreprise fait des affaires, elle rembourse l’argent qui lui a été donné. Pour les prêts d’honneur, normalement, ce remboursement est automatique ; le tout est d’éviter qu’il ne coïncide avec le moment où l’entreprise change de braquet. Je ne pense pas qu’il existe de réponse parfaite. Si l’entreprise traverse une phase délicate, peut-être pourrait-on reporter le remboursement ou, mieux, le combiner avec une entrée de capital dans la phase d’amorçage, en provenance de capitaux-risqueurs, de la Caisse des dépôts ou de la Banque publique d’investissement (BPI).

Mme Michèle Pappalardo. Pour ce qui est de l’efficacité des aides, tout dépend de l’objectif. S’il s’agit de favoriser la création et le développement des entreprises, il convient de détecter, d’encourager et d’accompagner celles qui ont le plus fort potentiel de croissance. La concentration de l’aide sur les plus fragiles répond au contraire à un objectif social ; mais, même dans cette hypothèse, nous ne sommes pas convaincus qu’il s’agisse d’une bonne solution, car on risque d’inciter les gens à aller dans une impasse.

Le tout est de savoir sur ce que l’on entend par « les plus fragiles ». Par exemple, l’action de l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), qui vise les personnes les plus en difficulté mais pas forcément les projets les plus fragiles, est efficace, parce qu’elle passe par un accompagnement précis. Autant je ne pense pas qu’il faille systématiquement aider les projets les plus fragiles, autant on peut soutenir, dans une optique sociale, ceux de personnes en difficulté, même si leurs moyens sont nécessairement réduits et qu’ils se limitent à la création de leur propre emploi.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. Quand on contracte un prêt d’honneur, on certifie qu’on va tout faire pour le rembourser. Quant à l’avance remboursable, on sait bien qu’il faudra la rembourser un jour ; le problème est de savoir à quel moment. Il est vrai que chaque seuil peut être aussi difficile à franchir que l’étape de la création, et qu’il peut être compliqué de rembourser une aide quand on est en train de s’attaquer à la marche supérieure. La crise que nous traversons depuis 2009 nous donne une occasion historique de revisiter la fiscalité et la conception même de l’entreprise : s’agit-il d’un patrimoine familial ou d’un outil de travail ? Après tout, on pourrait admettre qu’une entreprise perçoive des aides publiques si elle réinvestit ses bénéfices et verse des salaires raisonnables à l’ensemble de son personnel, direction incluse. C’est quand elle commence à accorder des dividendes que cela fait problème ; elle en a parfaitement le droit, mais je trouverais normal qu’une entreprise qui a bénéficié d’une subvention remette au pot, par solidarité avec sa filière, ou parce qu’elle pourra avoir besoin de cet argent le jour où il lui faudra franchir un nouveau seuil, ou encore, l’activité appelant l’activité, pour permettre à d’autres de créer leur propre entreprise.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. En visitant l’incubateur d’entreprises Innov’up, à Alès, dans le Gard, nous avons constaté qu’un produit pouvait être de qualité, que le marché pouvait exister, mais qu’au bout de trois ou quatre ans celui qui avait été accompagné était obligé de se débrouiller tout seul, et qu’il rencontrait alors des difficultés pour lever des fonds. Au cours d’une des tables rondes que nous avons organisées, l’un des intervenants a regretté que l’on ne flèche pas une partie de l’épargne de l’assurance-vie vers le capital-risque, ce qui permettrait de soutenir le développement économique grâce à des projets innovants. Des entreprises rentables, qui disposent d’un marché et créent des emplois peuvent disparaître faute de financements sur deux à quatre ans : quel gâchis !

M. Régis Juanico. Vous dressez le constat que la création d’entreprises en France est un problème plus qualitatif que quantitatif. De fait, avec 550 000 entreprises créées en 2011, nous occupons l’une des premières places en Europe. Toutefois, cela est dû à la montée en puissance depuis 2008 du régime des auto-entrepreneurs, qui représente plus de 50 % des créations d’entreprises ; d’où un problème qualitatif, car ce régime ne favorise pas la pérennité et le développement des entreprises. D’autre part, si l’on considère le nombre de créations d’entreprises hors auto-entrepreneurs, on note une légère inflexion au cours de ces trois dernières années.

La Cour des comptes a-t-elle prévu une évaluation du régime des auto-entrepreneurs ? Ne faudrait-il pas encadrer ce statut, voire le limiter dans le temps ? Il constitue, pour beaucoup de nos concitoyens, un complément de revenus ou d’activités, voire, dans certains secteurs comme le bâtiment, une concurrence déloyale ; il a également des effets induits sur nos politiques publiques, notamment en matière de création d’entreprises.

Vous préconisez le renforcement du rôle de chef de file du développement économique de la région. Cela suppose que le préfet de région joue le rôle de développeur économique, ce qui n’est pas le cas partout ; en outre, d’autres acteurs, comme les intercommunalités ou les pôles métropolitains, viennent désormais concurrencer la région sur ces questions, et la BPI va proposer un « guichet unique » pour les PME, les PMI et les ETI, qui sera compétent sur la question, selon vous stratégique, de l’accompagnement. Comment concevez-vous l’articulation de ces trois acteurs que sont les services déconcentrés de l’État, la collectivité régionale et le guichet régional de la BPI ?

M. Pierre Morange. Permettez-moi, tout d’abord, de saluer le travail remarquable réalisé par la Cour des comptes et par nos rapporteurs.

Les constats portés par la Cour sur les défauts de coordination et de gouvernance sont malheureusement des constantes dans les différents domaines de l’activité humaine, et plus particulièrement dans notre cher pays…

S’agissant de la création d’entreprises, vous êtes-vous intéressés au mécanisme de la flexisécurité ? Un système analogue au « triangle d’or » danois ne permettrait-il pas, à travers une assurance professionnelle, d’apporter tout à la fois aux travailleurs de notre pays la sécurité qui leur est nécessaire et à nos entreprises une capacité d’adaptation aujourd’hui indispensable, constituant de ce fait un dispositif de soutien à la création qui compléterait utilement les mécanismes financiers évoqués ?

M. Jean-Christophe Fromantin. Merci à la Cour des comptes pour ce rapport.

Si l’on étudie l’histoire économique, on remarque que les entreprises françaises les plus compétitives et les plus rayonnantes dans le monde proviennent pour la plupart de l’artisanat. La conversion de l’artisanat vers l’industrie est un phénomène particulièrement intéressant, que l’on peut observer dans les filières de l’agroalimentaire et du luxe, ou dans le décolletage. La création d’une entreprise ne survient jamais ex nihilo : rares sont ceux qui décident à la sortie d’une université, d’une grande école ou d’une expérience de cadre de créer leur entreprise. Il existe dans la salaisonnerie des exemples célèbres, comme Fleury-Michon, de charcutiers devenus industriels parce qu’à un moment, un acteur extérieur, souvent un banquier, a su les convaincre qu’ils étaient en train de franchir un cap, et que, de gros artisans ou gros commerçants, ils pouvaient devenir petits entrepreneurs, avec une courbe d’apprentissage déjà acquise, grâce à des effets de levier financier et marketing. Avez-vous examiné cette question ?

Au cours d’une réunion consacrée il y a quelques semaines à Pôle emploi, les rapporteurs avaient noté un phénomène de reterritorialisation des politiques de l’emploi, dû à des différences de contexte économique. La coordination n’est pas un enjeu en soi : elle ne le devient qu’à partir du moment où l’on met en synergie des éléments comme l’emploi, le développement économique, l’aménagement du territoire et la formation. Celui qui aura la maîtrise de ces différents paramètres devra être le coordonnateur des politiques de développement économique, donc de création d’entreprises.

Enfin, pour résoudre le problème de l’articulation entre subventions, prêts et participations en capital, ne pourrait-on pas s’inspirer du mécanisme des options ? On peut en effet se demander dans quelle mesure une subvention ne pourrait pas être considérée comme une option : en cas de développement de l’entreprise et d’ouverture de son capital, le financeur public pourrait alors exercer son option et la subvention être transformée en capitaux propres – cela se pratique couramment dans les grandes entreprises.

Mme Marie-Lou Marcel. Nous avions émis de nombreuses critiques sur le régime de l’auto-entrepreneur. De fait, vous dites qu’il a bouleversé le paysage, que sa prise en compte perturbe les statistiques, que 55 % des auto-entreprises ne déclarent pas de chiffre d’affaires et que beaucoup ont un chiffre d’affaires très faible. On constate par ailleurs que les créations d’auto-entreprises ont diminué de 19 % en 2011, contre 2 % pour les entreprises « classiques ». Quelles sont vos préconisations pour le régime des auto-entrepreneurs ?

Vous évoquez des dispositifs complexes et déséquilibrés, un pilotage insuffisant, une gouvernance difficile. Pensez-vous que la création de la BPI va changer les choses ? Les régions seront-elles appelées à jouer un rôle pivot en matière de développement économique ? Certaines, comme la région Midi-Pyrénées, attribuent des contrats d’appui, avec un accompagnement sur deux ou trois ans, afin de favoriser la création et le développement des entreprises.

M. le président Claude Bartolone. Aux États-Unis, une grande partie des nouveaux emplois sont créés dans des entreprises de moins de cinq ans. Quel est en France l’impact de la création d’entreprises sur la création d’emplois, notamment par rapport aux autres formes d’aides existantes ?

Il semble exister une spécificité française : dans notre pays, les entreprises sont très rapidement rachetées par de grands groupes, ce qui nuit à l’innovation et, peut-être, à la croissance. A-t-on une idée plus précise de ce phénomène ?

M. Didier Migaud. Le régime de l’auto-entrepreneur n’étant pas le sujet de cette évaluation, nous n’avons pas étudié en détail le statut et ses conséquences. Il reste que les fragilités que nous avons relevées préexistaient à la mise en place de ce régime, même si celui-ci les a renforcées : les créations d’entreprises étaient déjà nombreuses, les entreprises avaient un taux de pérennité faible, créaient peu d’emplois et souffraient d’un manque d’accompagnement.

Il est vrai qu’en France, la création d’entreprise génère peu d’emplois. Il reste que cela permet à chacun de créer son propre emploi. En outre, cela dépend des secteurs.

La création de la BPI étant récente, il est trop tôt pour en analyser les conséquences.

M. Gilles-Pierre Lévy. En effet, nous ne savons pas encore comment son action se coordonnera avec celle des autres acteurs. En revanche, nous avons constaté l’existence de nombreuses initiatives, tant nationales que locales – au niveau de la région, mais aussi du département, de la communauté d’agglomérations et de la commune. De l’étude d’un échantillon de dix régions, nous retirons qu’à l’exception du département du Val-d’Oise, les meilleurs résultats sont obtenus au niveau régional – notamment dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie : on cherche à coordonner les dispositifs, à engager un dialogue entre les acteurs locaux de la création d’entreprises et à travailler avec les représentants de l’État.

J’en profite pour revenir sur une précédente question des rapporteurs. Le défaut de coordination observée au niveau des DIRECCTE résulte d’une absence de vision stratégique ; chaque service a son objectif – légitime –, sans qu’il y ait d’échanges entre eux. D’où notre recommandation : réaffirmer le rôle de coordonnateurs du préfet de région pour les services de l’État et de la région pour les collectivités, et faire en sorte que tous deux s’entendent sur une action commune ; nous suggérons l’élaboration d’un document stratégique commun pour chaque région.

Monsieur Morange, nous n’avons pas examiné la flexisécurité sous cet angle ; je serais pour ma part tenté de l’envisager comme un mécanisme de lutte contre le chômage – mais vous connaissez sans doute mieux le sujet que moi.

L’option est en effet une formule envisageable, monsieur Fromantin. Dans le secteur de la recherche, il existe des avances remboursables en cas de succès ; on peut imaginer que cela prenne la forme d’une option financière. Beaucoup d’entreprises de haute technologie rémunèrent d’ailleurs leurs salariés sous forme de stock-options.

Nous avons auditionné les représentants de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) et des chambres de commerce et de l’industrie, mais nous n’avons pas fait de réelle distinction entre artisanat et entreprise : une entreprise, au départ, a souvent une taille artisanale ; nous n’avons considéré que le critère de la création.

Monsieur le président, le phénomène de rachat des entreprises pose le problème des étapes successives de leur croissance et de leur pérennisation : pourquoi des entreprises préfèrent-elles être rachetées alors qu’elles sont encore petites, plutôt que d’ouvrir leur capital à des investisseurs et de continuer à croître ? Je n’ai pas de réponse ; sachant qu’il s’agit d’un métier difficile, il est probable que, dans un certain nombre de cas, le chef d’entreprise profite de cette occasion pour s’arrêter tout en récupérant de l’argent. Voilà pourquoi la Cour recommande de développer le capital-risque et le conseil.

Mme Michèle Pappalardo. Nous avons également constaté un déficit d’informations sur le sujet de la création d’entreprises. Ainsi, bien que nous nous soyons posé la question de son impact sur la création d’emplois, nous n’avons pas pu aller aussi loin que nous l’aurions souhaité dans l’analyse, faute de données. Nous recommandons donc de développer les études statistiques, afin de pouvoir mieux suivre l’évolution des entreprises et évaluer les dispositifs existants.

Sur un total de 2,7 milliards d’aides, les subventions stricto sensu ne représentent que 50 millions : c’est infime ! La catégorie « subventions et assimilé » inclut également les aides aux demandeurs d’emploi créateurs d’entreprise – qui ne sont pas des « subventions » au sens où vous l’entendez. Nous ne disposons pas d’informations sur le nombre de personnes passant par la case « chômage » pour obtenir ces aides.

Il faut aussi considérer que la gestion des avances remboursables est complexe et coûteuse en personnel, surtout si l’on prévoit ces remboursements à relativement long terme. Les montants en jeu doivent être suffisamment importants pour que cela en vaille la peine ; il est aussi envisageable de transformer les avances en options ou en capital-risque. Il reste que le recours à ce type d’outils doit rester limité afin d’éviter les problèmes de gestion.

Mme Marianne Dubois. Je souhaiterais apporter mon témoignage. Dans une entreprise de ma circonscription, d’anciens salariés ont souhaité reprendre une entreprise qui avait cessé toute activité depuis longtemps. Ils se sont heurtés à une jungle de dispositifs, ont eu affaire à des interlocuteurs différents, qui leur ont donné des réponses différentes. Heureusement qu’ils étaient trois et qu’ils se sont soutenus pour arriver à leurs fins !

Vous avez dit que cela marchait mieux lorsque le créateur était accompagné par des réseaux : je confirme que les couveuses et les pépinières d’entreprises aboutissent à de belles réussites.

M. Didier Migaud. Nous partageons votre constat, madame ! C’est pourquoi nous mettons en garde contre la multiplicité des acteurs et la complexité des dispositifs – qui résultent, entre autres, des dispositions que vous avez votées, auxquelles s’ajoutent les décisions du pouvoir réglementaire, les règlements européens et notre organisation politico-administrative…

M. le président Claude Bartolone. C’est à nos rapporteurs de jouer, maintenant ! On voit la complémentarité qui doit exister entre le travail de la Cour et celui de notre Comité. Il faudrait creuser certains points, comme le rôle de la BPI, celui de la région ou l’articulation entre les différents réseaux d’accompagnement : France Active, Initiative France, Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE). Quelle aide va à qui ? Un minimum de coordination serait nécessaire ! Aux rapporteurs de nous faire des propositions, tout en tenant compte des incitations à la modération du Premier président, en évitant de créer une « usine à gaz » pour le contrôle et en limitant la paperasserie.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Simplification, clarification, coordination : c’est en effet ce qui nous a été demandé par l’ensemble des acteurs.

Les réseaux ne sont pas en concurrence ; ils échangent et travaillent régulièrement ensemble. Peut-être ont-ils segmenté l’offre, mais les réponses différentes que l’on obtient auprès de la DIRECCTE ou de Pôle emploi compliquent les choses et peuvent décourager certains porteurs de projets. France Initiative nous a demandé davantage de visibilité, pour pouvoir travailler dans la durée.

On devrait réussir à renforcer la coordination tout en utilisant une formule plus souple que le guichet unique ; on pourrait ainsi organiser, sous la double autorité du préfet et du président de région, une conférence annuelle au cours de laquelle les différents acteurs se rencontreraient et fixeraient, à travers une contractualisation, des perspectives communes. À coûts constants, en jouant uniquement sur l’efficience de la dépense publique, il devrait être possible d’améliorer le dispositif et de répondre aux objectifs de création d’emplois.

M. le président Claude Bartolone. Si l’on veut répondre aux attentes du Premier président, à coûts constants, c’est encore trop !

M. Didier Migaud. Aux responsables politiques et au Gouvernement de définir les priorités : on peut faire davantage dans certains secteurs, et moins dans d’autres ! Il reste que certaines aides devraient être redéployées et qu’avec le même argent, on pourrait être beaucoup plus efficace par rapport aux objectifs fixés.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. D’autant plus que la question ne se réduit pas aux aides financières publiques ! Les entreprises – et les personnes travaillant à leur compte – nourrissent le système économique ; il s’agit d’un monde largement méconnu. Une entreprise a pour vocation de créer, non pas des emplois, mais de la richesse et du travail ; la création d’emploi n’est qu’une conséquence. Il faut donc libérer le travail. Le rapport Gallois estime d’ailleurs, à la page 20, que tout doit être fait pour simplifier les choses ; il préconise notamment de supprimer deux normes à chaque fois que l’on en édicte une nouvelle…

Monsieur le Premier président, nous travaillerons avec plaisir sur la base de votre rapport. Il est difficile de dissocier la création d’une entreprise de sa croissance et de sa transmission. Il serait par conséquent intéressant de prolonger cette évaluation par une étude des freins à la création d’emplois et par une autre sur la transmission des entreprises. Le système de la liquidation est terrible : quand une entreprise tombe aux mains d’un liquidateur qui la dépèce, il est impossible de la reprendre. C’est pourquoi je veux saluer l’action de l’agglomération d’Angers, qui a repris l’usine Technicolor et racheté son matériel ; cela va permettre de prouver qu’une entreprise peut repartir dès lors que l’on conserve les savoir-faire, le personnel et les ateliers !

Nous aborderons dans notre rapport la question de la BPI, qui peut jouer un rôle important en matière de médiation du crédit – certaines entreprises disparaissant à la suite d’une défection des banques.

M. le président Claude Bartolone. Monsieur le Premier président, monsieur Lévy, madame Pappalardo, je vous remercie. Il revient maintenant à nos rapporteurs de nous faire des propositions afin d’améliorer l’aide à la création d’entreprises. Le rapport de la Cour des comptes sera publié en annexe du rapport du CEC.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Lors de sa séance du 28 février 2013, le Comité examine le présent rapport.

Mme Martine Pinville, présidente. Mes chers collègues, je vous prie d’excuser le Président Claude Bartolone, qui m’a demandé de le suppléer à la présidence de cette réunion.

Nous examinerons tout d’abord le rapport d’évaluation des dispositifs d’aide à la création d’entreprises, présenté au nom du CEC par nos deux rapporteurs : Jean-Charles Taugourdeau, pour l’opposition, et Fabrice Verdier, pour la majorité. Je vous rappelle que cette évaluation a fait l’objet d’une demande d’assistance à la Cour des comptes et que son Premier président nous a présenté le rapport de la Cour le 14 février dernier.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. Merci, Madame la Présidente. Vous venez de le rappeler, notre rapport s’appuie sur les travaux des magistrats de la Cour des comptes. Alors que la première partie est consacrée aux constats, nous formulons dans une deuxième et une troisième parties deux séries de recommandations : les unes visent à rationaliser les dispositifs et à promouvoir les plus efficaces, les autres ont pour objet l’organisation des pouvoirs publics et les méthodes de coordination.

Contrairement à une idée reçue, les chiffres bruts de la création d’entreprises sont globalement satisfaisants dans notre pays : ils augmentent régulièrement depuis 2003 et fortement depuis 2009, année de la création du statut d’autoentrepreneur. Ce statut étant trop récent pour que des études économétriques sérieuses aient pu être menées, nous l’avons exclu du champ de notre étude.

Jusqu’en 2009, selon les chiffres recensés par Eurostat, les résultats français en termes de nombre de créations d’entreprises sont dans la moyenne européenne. Ces chiffres nous sont même plutôt favorables, comparés à nos voisins immédiats, puisque, en 2009, grâce aux autoentrepreneurs, la France était en première position s’agissant du nombre de créations.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Ces chiffres favorables se conjuguent avec des fragilités préoccupantes. Par rapport à nos partenaires européens, le problème de la France ne réside pas dans le nombre d’entreprises créées, mais dans l’insuffisance de leur développement.

Le rapport de la Cour évoque à cet égard des « entreprises sans salariés » : en 2011, seules 5,7 % des entreprises créées employaient au moins un salarié au moment de leur création, alors que, en Allemagne, environ 22 % des nouvelles entreprises embauchaient au moins une personne.

La faible croissance et le fort taux de mortalité des jeunes entreprises françaises s’expliquent notamment par le fait que les créateurs d’entreprise recourent trop peu à l’accompagnement d’une structure de conseil. Ce constat nous conduit à nous demander s’il y a aujourd’hui, dans notre pays, une politique publique de la création d’entreprises susceptible de répondre à ces difficultés et de corriger ces faiblesses. La réponse est négative. D’abord, il n’y a pas une politique publique unique de la création d’entreprises. Les dispositifs d’aide à la création d’entreprises résultent d’une construction historique. Les aides se sont empilées depuis les années 1970. Après le premier choc pétrolier, il s’agissait d’aider les chômeurs à créer leur propre entreprise ; à la fin des années 1990, on cherchait à favoriser la création d’entreprises par les chercheurs ; enfin, à partir des années 2000, ces dispositions visent à simplifier la création d’entreprises classique.

Cet empilement se reflète dans une organisation administrative dépourvue de vision d’ensemble, où la création d’entreprises relève de trois ministères distincts : économie, emploi, enseignement supérieur et recherche.

Les dispositifs à destination des chômeurs représentent la très grande majorité des dépenses en faveur de la création d’entreprises. Les aides à la création d’entreprises sont financées à 56 % par la sécurité sociale, l’UNEDIC et Pôle emploi.

Tout cela finit par constituer une offre pléthorique, dont le coût est difficilement mesurable.

La Cour des comptes relève que ces dispositifs sont parfois redondants.

Chacun d’entre eux est financé par un ou plusieurs acteurs : l’État, ses opérateurs – Oséo, la Caisse des dépôts et consignations –, les collectivités territoriales, Pôle emploi, l’UNEDIC, etc. Il est de ce fait très difficile de recenser et d’évaluer le coût des dispositifs. Ainsi, la Cour des comptes n’est pas parvenue à recenser l’intégralité des aides locales, les collectivités territoriales n’identifiant pas spécifiquement les aides à la création d’entreprises au sein de leurs dispositifs d’aide aux entreprises. Il en résulte un véritable « maquis » – mot fréquemment utilisé pendant nos auditions – d’intervenants et de financeurs : l’État, ses opérateurs, ses services déconcentrés, trois, voire quatre niveaux de collectivités territoriales. Les dispositifs financés par l’UNEDIC ou la sécurité sociale ont une gouvernance spécifique, associant les partenaires sociaux. La coordination de tous ces acteurs est largement perfectible.

Il ne faut pas oublier d’y ajouter les acteurs privés : les experts-comptables, les chambres consulaires, le secteur associatif, les investisseurs, les banques, qui ont besoin d’un environnement plus stable et plus lisible et de relations clarifiées avec les pouvoirs publics.

Cet éclatement de la gouvernance se traduit par l’existence de sept guichets différents. La Cour des comptes a même calculé qu’un demandeur d’emploi qui a intégré le parcours « création d’entreprises » de Pôle emploi peut être confronté jusqu’à cinq interlocuteurs différents dans le cadre de ses démarches pour obtenir l’aide à la reprise ou à la création d’entreprises (ARCE), l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE) et le nouvel accompagnement à la création ou la reprise d’entreprise (NACRE), sans prendre en compte les éventuelles démarches auprès d’opérateurs intervenant pour le compte de collectivités territoriales : le conseiller de Pôle emploi chargé du suivi de son dossier et de la procédure d’octroi de l’ARCE ; un premier opérateur d’accompagnement si le porteur de projet a bénéficié de l’évaluation préalable à la création d’entreprises (EPCE), prévue dans l’offre de services de Pôle emploi ; le centre de formalités des entreprises (CFE), pour le dépôt de la demande d’ACCRE ; un opérateur NACRE phase 1 ; et enfin un troisième opérateur d’accompagnement pour les phases 2 et 3 du dispositif NACRE. Voilà l’exemple d’un des parcours les plus simples qui attendent un demandeur d’emploi qui voudrait créer son entreprise.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. Ce constat nous a conduits à formuler une série de recommandations visant à rationaliser l’empilement des dispositifs destinés aux créateurs d’entreprises et à mettre l’accent sur les aides les plus efficaces. Il s’agit de généraliser un accompagnement renforcé, enrichi et prolongé.

Nous proposons d’abord de rendre l’accompagnement obligatoire pour les bénéficiaires d’aides publiques. En effet, les chefs d’entreprise que nous avons rencontrés ont souvent évoqué la solitude et l’isolement des porteurs de projet et des créateurs d’entreprise. Pour certains d’entre eux, inciter des personnes à créer une entreprise sans aménager simultanément un accompagnement adéquat serait même dangereux. Les subventions dépourvues d’accompagnement seraient au mieux inutiles, au pire nocives, en ce qu’elles inciteraient des personnes à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale sans le moindre appui, ce qui les conduirait inexorablement à l’échec.

Pour favoriser le développement des entreprises sur le long terme, nous proposons l’institution d’incitations financières au bénéfice des créateurs qui se font accompagner dans la durée, et d’une initiation aux métiers commerciaux et à la gestion des ressources humaines qui leur serait dispensée dès le début de leur activité, avant qu’ils ne soient absorbés par la gestion de leur entreprise. Ces compétences acquises devraient leur permettre d’envisager sereinement le recrutement de collaborateurs et le développement de l’entreprise.

On ne saurait généraliser l’accompagnement sans professionnaliser les associations qui en ont la charge. À cette fin, nous formulons quatre préconisations à leur adresse : utiliser davantage la Charte nationale de qualité élaborée par le Conseil national de la création d’entreprises ; renforcer la formation des personnes chargées de délivrer les prestations d’accompagnement ; instituer un certificat d’accompagnant volontaire de la création d’entreprises ; adapter les outils de l’accompagnement aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Nous demandons enfin que l’arrêté prévu par l’article 2 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, qui permet de consacrer une partie des fonds de la formation professionnelle à l’accompagnement des créateurs d’entreprises, soit enfin publié, pour permettre d’augmenter les moyens alloués à l’accompagnement.

Nous préconisons également de privilégier les prêts accompagnés plutôt que les « aides guichets ». Nous proposons, à l’instar de la Cour des comptes, de simplifier le paysage des aides à la création d’entreprises. Nous demandons que des études économétriques sur l’impact des dispositifs ARCE et ACCRE soient menées, afin d’évaluer les éventuels effets d’aubaine. Nous souhaitons que les partenaires sociaux réfléchissent au moyen de passer d’une logique de guichet à une logique de projet et d’allouer une partie des aides à des créateurs qui, s’ils ne sont pas demandeurs d’emploi, créent les emplois de demain.

La Cour des comptes propose la suppression de plusieurs dispositifs. En ce qui nous concerne, nous préconisons a minima de mieux les cibler : le prêt à la création d’entreprises d’Oséo gagnerait à être mieux adapté aux créateurs qui ont de vraies difficultés à accéder au crédit et aux garanties bancaires.

Enfin, nous proposons de réaffecter les crédits du dispositif NACRE. Il ne s’agit pas de renoncer au principe d’une telle mesure, mais simplement d’en réduire les frais de gestion en la regroupant avec les autres dispositifs de prêts accompagnés que sont les prêts d’honneur.

Sur le plan fiscal, la stabilité est notre premier objectif, seuls des dispositifs stables permettant aux investisseurs d’adapter leurs stratégies de long terme. Les engagements pris par le Gouvernement à la suite de la remise du rapport Gallois vont dans ce sens.

Nous reprenons à notre compte la proposition de la Cour des comptes d’harmoniser les conditions d’exonération fiscale et sociale des différentes aides pendant la première année d’existence de l’entreprise. Il faudra prévoir en outre une diminution progressive de ces exonérations pour éviter que de brutaux effets de seuils ne brisent dans son élan la jeune entreprise.

Nous nous félicitons enfin que le Premier ministre ait confié à Karine Berger et Dominique Lefebvre une mission sur l’épargne financière et le financement de l’économie réelle. Sur la base de nos investigations et des recommandations du « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française » de M. Louis Gallois, nous préconisons dès maintenant l’utilisation d’une partie des fonds déposés sur les livrets d’assurance-vie en faveur du financement de la création d’entreprises innovantes. Aujourd’hui, seuls 5 % des actifs gérés par les sociétés d’assurance sont investis dans des sociétés non financières françaises.

Nous insistons dans notre rapport sur la nécessité de donner l’envie d’entreprendre, et je pense que la création d’un statut d’autoentrepreneur était une première avancée en ce sens.

L’une des contributions les plus intéressantes du rapport de la Cour réside dans la prise en compte de la dimension culturelle des conditions de la création d’entreprises : sans esprit d’entreprise, pas d’entrepreneur et pas d’activité nouvelle, aurait pu dire M. de La Palice. Il est nécessaire de promouvoir la culture entrepreneuriale, particulièrement auprès des jeunes, qui représentent le potentiel de création d’entreprises de demain. Il est temps que les mentalités changent, qu’on cesse de considérer les échecs comme définitifs et qu’on donne le goût du risque aux porteurs de projets et aux jeunes. Nous ferions bien de nous inspirer des campagnes d’information et de promotion menées par d’autres pays – je pense à un slogan tel que « Foncez, tout le Québec vous admire ! ». Est-ce que nos entrepreneurs se sentent admirés ?

Afin que les entrepreneurs français se sentent estimés et accompagnés, nous proposons d’encourager les administrations à abandonner la logique du « tout-contrôle » au profit d’une culture de l’accompagnement, ce qui est un moyen de passer d’une société de défiance à une société de confiance. En somme, l’administration devrait aider l’entrepreneur à se mettre aux normes plutôt que de traquer la fraude. J’en profite pour mettre en garde le législateur que nous sommes : au moment où le scandale de la fraude dans la chaîne alimentaire va probablement nous conduire à légiférer afin d’assurer la traçabilité de la viande, nous devons faire attention de ne pas faire peser sur les petits producteurs des normes excessivement rigides.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Nous formulons également des propositions pour améliorer et clarifier la gouvernance, c’est-à-dire l’organisation des pouvoirs publics, leurs compétences respectives, mais aussi leurs modes de coordination.

Avant toute chose, il nous a paru urgent de définir une stratégie nationale de la création d’entreprises. Le manque de coordination de dispositifs qui, bien qu’ils poursuivent des objectifs différents, ont des modalités voisines, augmente les risques d’effets d’éviction ou d’aubaine, ainsi que ceux de saupoudrage et d’inefficience, tous coûteux pour les finances publiques.

La coordination est aujourd’hui tout à fait insuffisante entre les acteurs de l’emploi et ceux de l’économie. La Cour des comptes rapporte que la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) n’a instauré aucun échange régulier avec la direction de la sécurité sociale et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour ce qui concerne l’ACCRE, ni avec Pôle emploi et l’UNEDIC concernant l’ARCE. Autre exemple frappant de cette absence de coordination, Pôle emploi a lancé, au début de 2012, un appel d’offres en vue de sélectionner ses propres opérateurs, sur la base de critères qui lui sont spécifiques, et sans référence à la labellisation ou au conventionnement des opérateurs de NACRE, ni à la charte de qualité élaborée par l’Agence pour la création d’entreprises (APCE) et les réseaux d’accompagnement, sous la direction de la DGEFP et de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS).

C’est pourquoi nous préconisons de nommer un délégué interministériel – ou haut-commissaire – chargé d’organiser le dialogue entre ces différents acteurs. Nous souhaitons également un renforcement des outils de pilotage, notamment par la création d’un nouveau document budgétaire de politique transversale, comme il en existe déjà pour la politique de lutte contre le changement climatique ou l’outre-mer. Les parlementaires pourront ainsi prendre connaissance de l’ensemble des dépenses publiques en faveur des entreprises.

Il est également urgent d’achever la décentralisation, plutôt que de rester dans un entre-deux coûteux et inefficace. De trop nombreux acteurs interviennent aujourd’hui dans les territoires : les antennes de Pôle emploi, les services déconcentrés de l’État – en l’occurrence les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) –, et trois, voire quatre niveaux de collectivités territoriales. Retirer la gestion du dispositif NACRE aux DIRECCTE, c’est déjà un guichet de moins sur le terrain.

La présence des services déconcentrés n’améliore pas réellement la coordination entre l’État et les collectivités. Le recensement des aides régionales et la coordination entre services, prévus par la mesure numéro 95 de la révision générale des politiques publiques, ont échoué, faute d’une attention suffisante des ministères de tutelle.

C’est pourquoi, plutôt que l’institution d’un « guichet unique » au caractère quelque peu artificiel, nous proposons une démarche contractuelle entre l’État et les régions pour organiser les intervenants sur le terrain, permettre la remontée de l’information et faire respecter les objectifs nationaux.

En outre, nous proposons que la Banque publique d’investissement fédère non seulement les aides destinées à la création et à la reprise d’entreprise et celles destinées à l’innovation et au développement, mais aussi les aides à l’export, de façon à former une chaîne de la croissance. Dès lors, il nous paraît essentiel que les préfets de région s’assurent que la coordination avec Pôle emploi est effective. En effet, alors que la coordination de l’opérateur avec les autres acteurs laisse déjà à désirer, il importe que Pôle emploi ne soit pas marginalisé par ces évolutions.

De façon générale, le contrat nous semble l’outil à privilégier afin de formaliser les relations entre les différents acteurs. Des contrats de performance passés entre les différentes collectivités publiques garantissent l’autonomie de chacune d’entre elles. Ils permettent de préserver des formes d’organisation singulières, mais tout à fait pertinentes au niveau local, comme la Cour des comptes le souligne ou comme nous avons pu le constater lors de nos déplacements.

Le recours au secteur associatif constitue, pour la puissance publique, une garantie de souplesse et d’adaptabilité. La signature de contrats d’objectifs et de moyens est d’ores et déjà pratiquée par certains opérateurs, telle la CDC Entreprises, pour regrouper et professionnaliser les associations. La passation de contrats de financements pluriannuels, assortis d’indicateurs de performance, doit être encouragée.

Nous avons représenté dans un schéma la gouvernance telle que nous la souhaiterions. Sur le plan horizontal, les conférences doivent permettre la coordination des acteurs sur les sujets transversaux. Verticalement, les contrats permettent de clarifier les compétences et de garantir l’autonomie chère aux collectivités territoriales.

M. Jacques Myard. Voilà un excellent travail, qui donne à réfléchir sur un problème complexe et qui n’appelle pas une solution unique.

Vous n’avez cependant pas suffisamment souligné que nos entreprises souffrent d’abord d’un manque d’investissement. Quel que soit l’état d’un moteur, il ne peut pas fonctionner sans carburant. Or l’investissement dans les entreprises françaises ne progresse plus depuis 2000, notamment à cause de la fuite des capitaux hors de France, alors que, de 1995 à 2005, la France a été leader mondial de l’exportation nette de capitaux.

Deuxièmement, ce pays a besoin d’un véritable ministère de l’industrie, qui ne soit pas placé sous la tutelle de Bercy et soumis à sa vision strictement comptable des problèmes.

Troisièmement, nos ingénieurs et nos commerciaux doivent apprendre à créer des entreprises ensemble, dût-on les faire coucher dans les mêmes dortoirs quand ils sont étudiants, comme cela se fait aux États-Unis ! Il est par ailleurs regrettable que nos futurs ingénieurs n’apprennent pas ce qu’est la propriété intellectuelle, alors que celle-ci est devenue pour beaucoup de pays un moyen de protéger leurs marchés.

Je voudrais dire enfin que si, en France, une entreprise sur deux « va au tapis » dans les cinq ans suivant sa création, cette proportion s’élève à neuf sur dix aux États-Unis.

M. Laurent Furst. Le problème fondamental de notre économie réside dans la faiblesse structurelle du taux de marge de nos entreprises, qui ne leur permet pas d’investir. La comparaison avec l’Allemagne montre que cela est dû au niveau élevé des prélèvements fiscaux et sociaux dans notre pays.

Votre rapport dit l’essentiel. Il souligne combien la création d’entreprises est indispensable à la régénération de notre tissu économique et à son inscription dans le futur : il ne faut jamais oublier que toutes les multinationales sont nées dans un garage.

Il a aussi le mérite de pointer la nécessité d’une évolution culturelle de notre pays : il faut que la société française apprenne à respecter et à encourager les créateurs d’entreprises et à leur reconnaître un droit à l’échec.

J’ai entendu un jour à la radio un journaliste affirmer qu’en fait de création d’entreprises, on créait beaucoup de baraques à frites en France : ce n’est pas ce type d’entreprises qui va permettre de régénérer notre tissu économique. Vous êtes-vous penchés sur les moyens d’inciter à la création d’entreprises dans les secteurs d’activité qui sont porteurs ?

Mme Claude Greff. Je voudrais remercier nos rapporteurs pour ce travail, qui explique d’une façon claire et concrète certains dysfonctionnements de notre société. Hélas, les solutions qu’ils proposent ne me semblent pas de nature à remédier aux difficultés rencontrées par nos entreprises.

Ainsi, l’institution d’un délégué interministériel à la création d’entreprises ne sera pas la solution à l’éclatement de la gouvernance. Elle ne ferait qu’ajouter une structure administrative supplémentaire, incapable de peser face aux ministères, contribuant à aggraver encore la complexité, à rebours de la simplification nécessaire au développement économique. S’il faut absolument une nouvelle structure, pourquoi ne pas créer plutôt un ministère ad hoc, avec des relais dans les régions, qui aurait la haute main sur l’ensemble des financements et des dispositifs d’accompagnement ?

Le statut d’autoentrepreneur, s’il n’a pas été la solution attendue, a du moins eu le mérite de révéler l’envie d’entreprendre des Français.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. S’agissant de l’investissement, monsieur Myard, il faudrait réfléchir à un dispositif dans lequel les entreprises seraient tenues de rembourser les aides à la création une fois qu’elles sont en capacité de distribuer des dividendes.

Prétendre qu’on crée surtout des friteries est un cliché facile, même s’il est vrai que le statut d’autoentrepreneur a plutôt favorisé ce type d’entreprises. On devrait obliger la presse à évoquer les réussites autant que les échecs !

On évoque toujours la solution d’un ministère de l’industrie, alors qu’il faudrait plutôt un ministère de l’entrepreneuriat. On oublie toujours qu’il y a aussi en France des entreprises agricoles. Celles-ci n’ont pas accès aux financements d’Oséo, par exemple, alors que les chefs de ces entreprises ont également besoin de garanties.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Votre souhait de ne pas séparer formation d’ingénieur et formation commerciale, monsieur Myard, est en partie satisfait par notre proposition n° 7 visant à étendre l’accompagnement des chefs d’entreprises récemment créées aux formations aux métiers commerciaux et à la gestion des ressources humaines » et par notre proposition n° 18 visant à étendre l’expérience des « pôles entrepreneuriat étudiant » à l’ensemble des universités et des IUT, ainsi qu’aux apprentis.

C’est aussi la raison pour laquelle nous proposons de rendre l’accompagnement obligatoire, en subordonnant le bénéfice de tout avantage public au suivi d’un accompagnement par le porteur de projet ou le créateur d’entreprise. Cet accompagnement doit permettre au créateur d’entreprise d’avoir une vue d’ensemble de sa future activité, intégrant les aspects commerciaux et les ressources humaines. En effet, ce n’est pas tant la création de l’entreprise qui pose problème que sa survie au-delà des cinq premières années. Il arrive même que des entreprises viables meurent, faute de capitaux propres, et c’est pourquoi nous proposons d’orienter les fonds déposés sur les livrets d’assurance-vie vers le financement de la création d’entreprises innovantes. La survie des entreprises nouvellement créées peut également être menacée par une forme de frilosité de leur créateur, qui ne sait pas recruter les bonnes personnes au bon moment. L’accompagnement que nous proposons vise à remédier à l’ensemble de ces difficultés.

Mme Laure de La Raudière. On a tendance à confondre deux types de créations d’entreprises, qui répondent à des motivations différentes. Dans certains cas, des personnes au chômage veulent exploiter une idée d’activité, sans nourrir pour autant une importante ambition de développement et donc de financement. Mais elles ont besoin d’acquérir rapidement une culture de gestion afin de ne pas, par exemple, être surprises, au bout de dix-huit mois ou de deux ans, par le paiement des charges sociales, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques. Ce profil correspond-il particulièrement, et pour quelle part, aux 50 % d’entreprises qui disparaissent dans leurs premières années ? Le dispositif mis en place en faveur des autoentrepreneurs pour le paiement mensuel ou trimestriel des charges sociales devrait être élargi à toutes les entreprises, quel que soit leur statut.

La deuxième catégorie de créations d’entreprises résulte d’idées innovantes portées par un jeune diplômé, qui n’entend pas rester seul et souhaite développer son activité à plus grande échelle, notamment en embauchant des salariés. Celui-ci n’a besoin ni des mêmes aides ni du même accompagnement que dans le cas précédent.

Un expert-comptable ne saura pas forcément appuyer également les deux types de création d’entreprises. Il faudrait donc essayer d’analyser plus finement encore la segmentation des motivations à l’origine de la création d’entreprises.

M. Jean-Christophe Fromantin. Il paraît en effet difficile d’appliquer le même dispositif à des parcours très différents, de celui du diplômé d’une grande école jusqu’à celui du jeune chômeur vivant dans une zone peu industrialisée. Il convient donc d’identifier cette diversité et de comprendre qu’il ne saurait exister de guichet unique pour tous ni de formules générales d’accompagnement systématique.

Il existe deux grandes familles de candidats : ceux qui ont un métier et doivent apprendre à gérer, ceux qui savent gérer et doivent apprendre un métier. Nos artisans passés à l’ère industrielle, notamment dans le secteur des salaisons, ont souvent éprouvé la difficulté d’intégrer à leur activité les méthodes de gestion, le changement de dimension de leur clientèle, les négociations avec la grande distribution.

Lorsqu’il s’agit d’apprendre la gestion et le développement « en marchant », de découvrir les techniques propres à un métier, on se heurte à des obstacles variés et on a donc besoin d’accompagnements différenciés.

Les échecs d’entreprise sont aujourd’hui trop lourdement pénalisés. S’il est normal d’éviter des aventures hasardeuses ou irresponsables, il faut aussi que le statut, notamment pénal, de l’entrepreneur n’empêche pas celui-ci, lorsqu’il est de bonne foi, de prendre les risques consubstantiels à l’économie de marché. Les modèles anglo-saxons sont beaucoup plus ouverts à cet égard. Un premier échec, surtout s’il est instructif, ne devrait pas s’opposer à ce que la même personne puisse tenter une deuxième fois sa chance, notamment auprès des financeurs.

Ce qu’on appelle le coworking, consistant à faire travailler de jeunes chefs d’entreprise dans une même salle commune, en open space, et non dans des petits bureaux cloisonnés comme ceux des pépinières d’entreprises, ne devrait-il pas être davantage encouragé ? Dans ma ville, 200 créateurs d’entreprise peuvent ainsi, dans un climat d’émulation, échanger des informations, s’entretenir mutuellement de leurs expériences et rencontrer des experts.

M. Christian Jacob. Parmi les principales causes de la disparition d’entreprises au cours de leurs cinq premières années d’existence, il faut bien sûr signaler l’insuffisance de l’accompagnement, mais aussi l’impossibilité de se constituer un fonds de roulement, ce qui entraîne des impayés de charges, interdit de réagir rapidement à un aléa du marché et fait basculer l’entreprise dans une spirale infernale. Or les aides publiques interviennent le plus souvent pour le financement d’investissements, mais rarement en faveur du fonds de roulement.

Il faut aussi évoquer le prélèvement des cotisations sociales en fonction des disponibilités de trésorerie. Trop souvent, la liquidation des dettes sociales se présente à un moment de faiblesse financière à court terme, ce qui provoque des difficultés qu’une prise en compte plus réaliste de la situation de l’entreprise permettrait de résoudre sans drame.

Enfin, je crois également à la vertu du partage des informations entre entreprises. Nous l’avons éprouvé dans le secteur agricole – qui, plus que tout autre, a réduit le nombre des entreprises en difficulté –, au travers de l’obligation d’études prévisionnelles assorties d’une validation, de la formation professionnelle et de la mutualisation des informations dans le cadre de groupements de développement. Les espaces de coworking pourraient apporter quelque chose de comparable au monde industriel et commercial. L’État n’a pas à se substituer aux entreprises, mais doit créer un cadre favorable à l’émergence des initiatives, notamment associatives, et à une meilleure collaboration avec les organismes consulaires. À cet égard, il serait souhaitable que les entreprises y trouvent des interlocuteurs économiques véritables plutôt que des techniciens ne parlant que du financement de leur institution.

Pour l’ensemble de ces questions, le présent rapport fournit une solide base de réflexion.

M. Dominique Lefebvre. Les problèmes diffèrent en fonction des besoins, selon qu’il s’agit d’un amorçage de quelques centaines de milliers d’euros ou d’un financement de plusieurs dizaines de millions d’euros pour accompagner la transformation d’une PME en entreprise de taille intermédiaire. Il faut en tout cas rétablir une certaine logique économique, qui – les auditions auxquelles Karine Berger et moi-même avons procédé l’ont révélé – fait encore défaut. Partout, nous avons senti une aversion générale pour le risque : ce ne sont pas seulement les ménages qui le refusent pour leur épargne, mais aussi les banquiers, les assurances-vie, les sociétés de gestion et même parfois les sociétés de capital investissement. La mobilisation de l’épargne exige que l’on examine a priori les perspectives de réussite et de rentabilité de l’entreprise au financement de laquelle on contribue.

Entre le rapport de la Cour des comptes et ce qu’en retient le présent rapport, je relève deux orientations essentielles : l’accompagnement et la gouvernance.

L’aide à la création d’entreprises recouvre des réalités hétéroclites. Quel rapport y a-t-il entre un jeune de quartier désirant créer son entreprise de bâtiment, un chômeur de quarante ans qui se met à son compte, un élève ingénieur travaillant dans une junior entreprise et un élève de dernière année d’école de commerce ? Une politique publique poursuivant plusieurs objectifs à la fois éprouve nécessairement des difficultés à centrer les mesures adaptées à chacun des dispositifs correspondants.

Pour éviter un taux d’échec trop important, il faut faire en sorte qu’aucun engagement ne soit pris à la légère. Tous les élus locaux sont confrontés au même problème : comment freiner des projets sans débouché économique prévisible ? Une bonne idée – et on nous en présente beaucoup – n’exclut d’ailleurs pas des défaillances ultérieures. Pour obtenir des taux de réussite plus importants, il convient de mieux sélectionner les projets, de les assortir d’un accompagnement, de préférer les prêts aux subventions. Il vaudrait mieux, pour cela, réduire le nombre d’actes de création d’entreprises.

Simplifier et unifier la gouvernance est une exigence qui ne saurait cependant préjuger du contenu du prochain projet de loi consacré à cette question. S’il est normal que l’État exerce une responsabilité stratégique, il n’a pas pour autant vocation à intervenir directement sur le terrain. Rien n’étant plus local que la création d’une entreprise, le renforcement du poids des régions en la matière passe par une contractualisation avec l’État, que décline ensuite une chaîne d’accords couvrant des périmètres plus restreints et associant d’autres acteurs, tels que les organismes consulaires et les réseaux associatifs. Pour autant, le souci de proximité ne doit pas aboutir à un désordre juridique provoqué par la confusion ou la juxtaposition des dispositifs, ou par des actions parallèles menées par les différents niveaux des collectivités locales, chacune voulant imprimer sa marque.

Il convient donc de bien distinguer l’échelon opérationnel, confié à des opérateurs locaux, et une contractualisation mettant chacun au niveau qui est le sien.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. Recentrons d’abord le débat : notre rapport concerne les aides publiques à la création d’entreprises, qui représentent environ 2,8 milliards d’euros, sans compter les aides induites et collatérales.

Créer une entreprise, ce n’est pas seulement tapoter sur le clavier de son ordinateur pour inscrire un nom au registre du commerce ou à la chambre des métiers. Les premières années qui suivent la naissance d’une entreprise sont précaires : une sur trois meurt au bout de trois ans et une sur deux au bout de cinq ans. Faut-il absolument définir avec précision ce qu’entend faire un porteur de projet ? Le plus difficile n’est pas forcément de créer une entreprise innovante, qui intéresse, aujourd’hui, nombre d’intervenants, mais d’ouvrir un salon de coiffure ou un atelier de menuiserie. Quand j’ai créé mon entreprise, les experts disaient que la production de plants potagers et de plantes aromatiques s’inscrivait dans un créneau trop étroit… Depuis, j’ai créé 140 équivalents temps plein !

L’accompagnement des entreprises ne réside pas seulement dans les aides publiques. Il consiste surtout à remplacer une logique de contrôle par un partenariat de confiance. J’ai entendu un jour le responsable d’une direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) déclarer à un chef d’entreprise qu’il n’était pas là pour l’aider, mais pour le contrôler et qu’il devait se mettre aux normes avant même de commencer à travailler. Mais avec quels moyens ? Ne vaudrait-il pas mieux désigner à l’entrepreneur un correspondant à la DREAL chargé de l’accompagner durant les cinq premières années et lui laisser une année de plus pour se plier aux normes ? L’accumulation des réglementations rend très difficile le choix d’un site industriel de production. On peut, demain, détruire l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, mais il sera beaucoup plus dur de trouver, en France, un site où reconstruire une telle usine ! D’une façon générale, il y a trop de freins à la création d’entreprises, et ils ne sont pas forcément tous financiers.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Voilà vingt ans que l’État n’a pas su concilier convenablement les trois objectifs qu’il s’est fixé : la création d’entreprises par les chômeurs, l’innovation et le développement du tissu économique local. En conséquence, les dispositifs en vigueur ne savent pas toujours s’adapter aux besoins.

Nous aurions pu, dans ce rapport, aller plus loin en ce qui concerne la gouvernance. C’est la région qui doit être chef de file, puisque le soutien et l’accompagnement ne peuvent que différer selon l’environnement régional : on ne crée pas une entreprise à proximité de la technopole de Grenoble comme au fin fond de la Lozère.

Cependant, nous avons ébauché quelques pistes complémentaires, comme le retrait du dispositif NACRE aux DIRECCTE : il fait doublon avec les prêts d’honneur de certains réseaux et la dispersion entre les opérateurs est si complexe qu’il mobilise 15 millions d’euros en frais de gestion.

Parvenir à ce que le préfet de région et le président du conseil régional réunissent deux fois par an les parties prenantes autour d’une table afin d’examiner l’offre de créateurs d’entreprises sur les bassins d’emplois correspondants et d’étudier les dispositifs propres à les accompagner constituerait donc un progrès certain et à moyens constants.

Les organismes consulaires devront également s’impliquer davantage auprès des régions, car leur participation et leur efficacité sont, comme l’a observé la Cour des comptes, très variables selon les territoires. Certaines chambres de commerce et de métiers ne pensent qu’à alimenter leur propre budget tandis que d’autres se préoccupent vraiment de l’intérêt des entreprises.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions et tables rondes

– M. Gilles-Pierre Levy, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, Mme Michèle Pappalardo, conseiller maître, et M. Olivier Mousson, conseiller maître (17 octobre 2012).

● Table ronde sur les demandeurs d’emploi et la création d’entreprise (27 novembre 2012) :

– Mme Catherine Barbaroux, présidente de l’Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE) ;

– M. Nicolas Briquet, créateur d’entreprise ;

– M. Didier Dugast, directeur de la Maison de l'emploi et de la formation (MDEF) de Sénart (Seine-et-Marne) ;

– M. Serge Lemaitre, adjoint au directeur général en charge des Opérations, directeur de la Sécurisation des parcours professionnels à Pôle emploi ;

– M. Christian Sautter, président de France active ;

– Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

● Table ronde sur les aides à la création d’entreprises et l’innovation (4 décembre 2012) :

– M. André Choulika, président directeur général du Groupe Cellectis et président de France Biotech ;

– Mme Annie Geay, directrice de l'Évaluation et des études, OSEO ;

– Mme Véronique Jacq, directrice déléguée, en charge de l’investissement numérique, CDC Entreprises ;

– M. Laurent Moquin, adjoint au chef du service de la compétitivité et du développement des PME, Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS, ministère du Redressement productif) ;

– Mme Frédérique Sachwald, adjointe au chef du service des entreprises du transfert de technologie et de l’action régionale, Direction générale pour la recherche et l’innovation (DGRI, ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche) ;

– M. Patrick Valverde, président de l’association Retis.

● Table ronde sur l’accompagnement des créateurs d’entreprises (11 décembre 2012) :

– M. Charles Beigbeder, président de la commission Entrepreneuriat du MEDEF ;

– M. Alain Belais, directeur général de l’Agence pour la création d’entreprises (APCE) ;

– M. Gonzague de Blignières, membre du Bureau national de Réseau Entreprendre, président de Réseau Entreprendre Île-de-France ;

– M. Frédéric Cameo Ponz, président de BGE (Boutiques de gestions) ;

– M. François Moutot, directeur général de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) ;

– M. Jean-Pierre Martin, président du réseau national de l’Union des couveuses d’entreprises ;

– M. Jean-Michel Pottier, chef d’entreprise, président de la commission formation de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ;

– Mme Sandrine Wehrli, directrice générale déléguée de CCI-France.

2. Déplacements des rapporteurs

● Visite de l’incubateur d’entreprises Innov’up, à Alès dans le Gard (9 novembre 2012) :

– M. Alain Dorison, directeur de l’École des mines d’Alès ;

–M. Michel Ferlut, directeur du développement économique de l’École des mines d’Alès ;

– M. Alix Reinhalter, directeur de l’incubateur ;

– M. Jean Turries, chargé d’affaires ;

– M. Jean-Marie Codol et Mme Moïra Chanzy, porteurs du projet B O T : conception d'un robot subaquatique destiné à l'inspection de barrages hydroélectriques ;

– M. Rémi Lazarewicz, porteur du projet COATIG : machine de fabrication directe (prototypage rapide) métallique par soudage à l'arc ;

– M. Lucien Zoromi et Mme Élodie Atger, porteurs du projet CZ 1 : outil nomade et automatisé d'accès à l’audio-description pour les déficients visuels ;

– M. Luc Perez, porteur du projet KIT DOME : conception et commercialisation de constructions modulables ;

– M. Razvan Garban, porteur du projet PHOTOCAT : mise au point puis commercialisation d’un produit destiné à l'assainissement de l'air par photocatalyse sans particules nanométriques ;

– M. Jean-François Bonvin, porteur du projet VISIODRONE : service de développement d'une plateforme permettant la prise de vue (notamment pour la thermographie des bâtiments).

● Visite de l’association « Espace pour entreprendre » (EPE), à Choisy-le-Roi dans le Val-de-Marne (13 novembre 2012) :

– M. Olivier Fage, président de l’association « Espace pour entreprendre » (EPE) ;

– M. Claude Sancho, trésorier et fondateur de l’association « Espace pour entreprendre » (EPE) ;

– Mme Véronique Sas, responsable du pôle Innovation sociale et programmes territoriaux du Département Développement économique et économie sociale de Caisse des dépôts et consignations ;

– Mme Amélie Pajot, chargée de projets création, reprise et développement des entreprises, Direction du développement économique et de l’emploi, Service Développement des entreprises et de l’emploi, du Conseil général du Val-de-Marne ;

– Mme Nadia El Massassi, salariée, en charge de la mission CitésLab à l’association « Espace pour entreprendre » (EPE) ;

– Mme Imen Dumay, porteur du projet « La maison DUMAY », projet d’épicerie fine biologique à Choisy-le-Roi ;

– Mme Sabrina Gomes, chef d’entreprise (IMMOBILIA – agence immobilière à Choisy-le-Roi) et M. Antonio Cabral, menuisier (entreprise CABRAL à Choisy-le-Roi) ;

– Mme Béatrice Collet, adjointe au maire de Villeneuve-le-Roi en charge du centre communal d’action sociale, de l’aide administrative, du suivi des associations caritatives, du pôle handicap et de l’emploi ;

– M. Patrice Simounet, président, et M. Pierre Capron, délégué général, Val-de-Marne actif pour l’initiative (VMAPI) ;

– Mme Agathe Laporte, déléguée Val-de-Marne, et Mme Marine Rosnel, conseillère crédit, association pour le Droit à l’initiation économique (ADIE) à Choisy-le-Roi ;

– M. Bernard Athea, adjoint au maire de Choisy-le-Roi en charge des affaires économiques, du commerce et de l’emploi, et Mme Céline Docet, responsable adjointe au service économique ;

– M. Abdelaziz Benammar, porteur de projet à Villeneuve-le-Roi sur le quartier Paul Bert en cours de projet ANRU : création d’un institut de beauté.

COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES
SUR L’ÉVALUATION DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN
À LA CRÉATION D’ENTREPRISES

Cette communication peut être consultée sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i0763.pdf

1 () Enquête SINE de l’INSEE sur les entreprises créées en 2006.

2 () Dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle de 2008 (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République).

3 () Tel que modifié par l’article 3 de la loi n° 2011-140 du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

4 () Rapport d'information fait au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la médecine scolaire (M. Gérard Gaudron et Mme Martine Pinville).

5 () Rapport d'information fait au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la politique de l’hébergement d’urgence (Mme Danièle Hoffman-Rispal et M. Arnaud Richard).

6 () Courrier du Premier président en date du 28 février 2012.

7 () Groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC).

8 () Union pour un mouvement populaire (UMP).

9 () Cette distinction n’a pas toujours été possible, certaines données agrégées ne faisant pas la part de chaque cible.

10 () La pérennité désigne le fait qu’une entreprise continue son activité après n années d’existence (le taux de pérennité rapportant cette donnée à un ensemble plus large d’entreprises créées au début de la période considérée). On retient généralement comme indicateurs la pérennité à trois et à cinq ans.

11 () Entreprises du secteur marchand hors secteur agricole.

12 () Source : APCE, chiffres 2011.

13 () Les définitions statistiques utilisées par Eurostat diffèrent légèrement de celles de l’INSEE.

14 () Défini par le ratio nouvelles entreprises créées en année n/stock total d’entreprises au 1er janvier de cette année n.

15 () Source INSEE (enquête « système d’information sur les nouvelles entreprises » - SINE).

16 () Les causes de la disparition d’une entreprise peuvent être multiples dans la mesure où une disparition ne signe pas nécessairement un échec.

17 () Dans 44 % des entreprises créées en 2010, le montant total des capitaux investis ne dépasse pas 8 000 euros.

18 () Ou trois années pour les chômeurs créateurs bénéficiant du régime microsocial (dont les auto-entrepreneurs).

19 () Un dispositif similaire a été créé en 2008 : la jeune entreprise universitaire.

20 () Allocation de retour à l’emploi (ARE), financée par le régime d’assurance-chômage.

21 () Revenu de solidarité active, financé par l’État et les départements.

22 () Allocation de solidarité spécifique, prise en charge par l’État via le Fonds de solidarité.

23 () Nombre de lauréats 2011 : environ 150.

24 () L’avance remboursable se distingue du prêt en ce que le remboursement du capital est lié au succès technique ou commercial du projet (une partie du capital peut rester exigible, même en cas d’échec). Ce mécanisme est supposé permettre de sanctionner les « entreprises opportunistes » tout en permettant à une entreprise de rebondir facilement en cas d’échec.

25 () L’amorçage désigne la période précédant le démarrage de l’entreprise et ses premiers mois de fonctionnement.

26 () Ces garanties sont financées par l’État (à travers le Fonds de cohésion sociale) et les collectivités locales ; elles s’adressent aux TPE et sont cumulables avec Nacre.

27 () Selon le rapport de la Cour, Oséo, questionné à ce sujet, n’a pas indiqué le montant de garanties gérées.

28 () Le rapport de la Cour distingue, suivant la phase de développement de l’entreprise considérée, le capital investissement, le capital-risque, le capital amorçage et le capital développement.

29 () Créés par la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche.

30 () Les principaux sont l’ADIE, France Active, Initiative France, Réseau Entreprendre et BGE.

31 () Dont le dispositif de formation « 5 jours pour entreprendre » offert par les chambres de commerce et d’industrie.

32 () Participent également la DGCIS et la CDC.

33 () L’investissement dans les Fonds d’investissement de proximité (FIP) ouvre droit à une réduction d’ISF mais les documents budgétaires ne permettent pas d’isoler le coût de la réduction d’ISF pour investissement dans les FIP du coût des autres exonérations d’ISF pour investissement dans les FCPI, dans des holdings ou dans les PME directement.

34 () Cette exonération entrée en vigueur avant la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 n’est pas compensée par l’État.

35 () La dépense relative à l’ARCE est de nature particulière : en effet, il est possible de considérer que les montants correspondants auraient été versés aux demandeurs d’emploi.

36 () La Cour ne dispose pas d’informations exhaustives sur les actions mises en place par les collectivités sans cofinancement de l’État ou d’un opérateur public.

37 () « Premier » en termes de fonds publics mobilisés.

38 () Même en cas d’échec, les données montrent que le taux de chômage des créateurs diminue après la création de l’entreprise.

39 () Le décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 relatif à la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services précise que « La direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services propose et met en œuvre les actions et les mesures, notamment financières, juridiques et scientifiques, propres à créer, sur le territoire national, un environnement favorable à la création et au développement des entreprises (…) ».

40 () Le rapport de la Cour indique néanmoins que la politique du développement de la culture entrepreneuriale (cf. infra) fait l’objet d’une coopération entre la DGCIS et les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

41 () Précision statistique : il s’agit de l’ensemble des entreprises créées en 2010 et étudiées par l’INSEE dans le cadre de l’enquête Système d'information sur les nouvelles entreprises - SINE.

42 () Le financement par la foule ou crowdfunding organise le financement de projets d’entreprises par collecte, généralement sur internet, de petites sommes investies par de nombreux particuliers.

43 () Article L. 6313-10 : « Les actions permettant de réaliser un bilan de compétences ont pour objet de permettre à des travailleurs d'analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation. Ce bilan ne peut être réalisé qu'avec le consentement du travailleur. Le refus d'un salarié d'y consentir ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Les informations demandées au bénéficiaire du bilan doivent présenter un lien direct et nécessaire avec son objet. Le bénéficiaire est tenu d'y répondre de bonne foi. Il est seul destinataire des résultats détaillés et d'un document de synthèse qui ne peuvent être communiqués à un tiers qu'avec son accord. Les personnes chargées de réaliser et de détenir les bilans sont soumises aux dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal en ce qui concerne les informations qu'elles détiennent à ce titre. »

44 () Edition Jacob Duvernet, 2012.

45 () C’est par exemple le cas des agents immobiliers, comme les rapporteurs l’ont constaté lors de leur déplacement dans le Val-de-Marne.

46 () Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

47 () Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

48 () Différentiel taux de survie des entreprises créées par des personnes bénéficiaires de l’ACCRE/taux de survie des entreprises créées par des personnes non titulaires de l’ACCRE.

49 () Trois réseaux concernés : Initiative France, ADIE et réseau Entreprendre.

50 () Dans le cas le plus favorable, une dépense publique d’un euro suscite des dépenses privées d’un montant sept fois supérieur.

51 () Le rapport de la Cour indique toutefois qu’il est difficile d’isoler spécifiquement l’impact favorable du prêt d’honneur, les créateurs cumulant souvent plusieurs aides.

52 () Loi n° 2009-1673 de finances initiale pour 2010 du 30 décembre 2009.

53 () Effet de levier de 7,1.

54 () Organisme qui distribue également des prêts Nacre.

55 () Les développements ci-dessous se concentrent sur le cas des entreprises innovantes technologiquement.

56 () Voir par exemple « La lettre Trésor-Eco » n° 102, mai 2012, publication de la Direction générale du Trésor, ou « Business angels et capital-risque en France : les enjeux fiscaux » (Conseil d’analyse stratégique, Note d'analyse 237 - Septembre 2011).

57 () À noter que le crédit impôt recherche, malgré son importance, n’est pas traité dans ce cadre car il ne correspond pas une aide à la création d’entreprise stricto sensu.

58 () Extrait du site web du site www.gouvernement.fr relatif à la mission confiée aux députés Berger et Lefebvre : « Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, a confié une mission sur la réforme de l’épargne financière aux députés Karine Berger et Dominique Lefebvre. Cette mission s’inscrit dans le cadre de la vaste réforme du financement de l’économie française entreprise par le Gouvernement afin de le rendre plus efficace et de le mettre au service de l’économie réelle. La création de la Banque publique d’investissement, la prochaine loi bancaire, mais également la réforme de l’épargne réglementée participent de cet objectif. »

59 () Un mécanisme de contrats d’assurance-vie, appelé « contrat NSK » et créé par la loi de finances pour 2005, permet de bénéficier d’une fiscalité avantageuse (exonération d’impôt sur le revenu au bout de 8 ans) si les fonds sont investis à hauteur de 5 % (au minimum) dans des sociétés non cotées et à hauteur de 10 % (minimum) dans des Fonds Communs de Placement dans l'Innovation (FCPI) ou dans des Fonds d'Investissement de Proximité (FIP). Cette formule n’a pas rencontré le succès escompté.

60 () Sur un échantillon sélectionnant des jeunes diplômés d’IUT, d’universités et de grandes écoles.

61 () « Portraits de nouveaux entrepreneurs dans l'univers de la High Tech » selon le site web de la radio.

62 () « Une idée, un boulot » dresse le portrait de nouveaux entrepreneurs qui ont créé leur société à partir d'une idée simple, sans financements importants, sans formation pointue » indique le site web de la radio.

63 () Dans l’ordre : direction générale de l’Emploi et de la Formation professionnelle, direction générale de la Compétitivité, de l'Industrie et des Services, direction générale de la Recherche et de l’Innovation, direction générale de l’Enseignement supérieur et de l’Insertion professionnelle.

64 () L’entrepreneuriat en France, Notes d’analyse n° 296 et 297 du Conseil d’analyse stratégique, octobre 2012.

65 () Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

66 () Secrétaire général pour les affaires régionales, sous l’autorité du préfet de région.

67 () RGPP : « révision générale des politiques publiques » menée en France de 2007 à 2012.

68 () Cf. première partie du présent rapport, sur les acteurs.

69 () EPCE : « évaluation préalable à la création ou reprise d’entreprise ».


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