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N° 1218

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2013

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION

sur la gestion des matières et déchets radioactifs

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Christophe BOUILLON

et Julien AUBERT

Députés.

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I.— LES DÉCHETS RADIOACTIFS : ÉTAT DES LIEUX DE LA PROBLÉMATIQUE EN FRANCE 9

A.— UNE APPELLATION COMMUNE POUR DES RÉALITÉS HÉTÉROGÈNES 9

1. Les critères de classification conventionnels : le niveau d’activité et la durée de vie 10

2. Un niveau de dangerosité fortement dépendant du niveau d’activité 15

B.— LES DÉCHETS RADIOACTIFS EN FRANCE EN 2010 : LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE L’INVENTAIRE NATIONAL 17

1. Le stock actuel de déchets et de matières radioactifs 19

2. Des perspectives à moyen terme liées à l’évolution de la structure du bouquet énergétique 21

C.— UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL COMPLEXE, MARQUÉ PAR LA PRÉSENCE D’ACTEURS MULTIPLES 23

1. Le Parlement 24

a) Les instruments internationaux et européens applicables en matière de déchets radioactifs 24

b) Le droit français des déchets radioactifs, au confluent de législations multiples 27

c) Le cycle nucléaire, objet de travaux réguliers et approfondis de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques 29

2. Les producteurs de déchets radioactifs 31

a) Les secteurs économiques producteurs de déchets 31

b) Le cycle du combustible nucléaire dans le cadre de la production d’électricité 33

3. L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs 35

4. Les organismes ou institutions chargés de la régulation et du contrôle 41

a) La direction générale de la prévention des risques du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie 41

b) L’Autorité de sûreté nucléaire 42

c) L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire 45

d) Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire 46

5. Les organisations non gouvernementales 47

6. Les commissions locales d’information 49

II.— LE STOCKAGE GÉOLOGIQUE PROFOND DES DÉCHETS MA-VL ET HA : UNE SOLUTION DE RAISON 53

A.— LES EXEMPLES INTERNATIONAUX 53

1. Les recommandations des organismes internationaux en matière de gestion à long terme des déchets radioactifs 53

2. Les solutions adoptées à l’étranger : revue de quelques exemples 57

B.— LES OPTIONS ALTERNATIVES AU STOCKAGE 59

1. Le rejet des déchets radioactifs en mer ou dans l’espace 59

2. L’entreposage en subsurface 62

3. Les recherches sur la séparation–transmutation 63

C.— LE CHOIX DE LA FRANCE : DE LA LOI DE 1991 AU DÉBAT SUR LA CONSTRUCTION DE CIGÉO 65

1. Les choix du législateur en 1991 et 2006 65

2. La construction du laboratoire de Bure et les résultats des recherches 68

3. Le projet de Centre industriel de stockage géologique 71

4. Le débat actuel sur Cigéo et les étapes ultérieures 75

III.— UN ENSEMBLE DE QUESTIONS EN SUSPENS 81

A.— LE PROJET CIGÉO : MAÎTRISER LES COÛTS, ASSURER UNE RÉVERSIBILITÉ RÉALISTE, S’INSCRIRE DANS UN PROJET TERRITORIAL STRUCTURANT 81

1. Une évaluation des coûts complexe, marquée par de nombreuses incertitudes et des risques de dérive 81

2. Définir et mettre en œuvre une conception réaliste de la réversibilité 85

3. Inscrire le projet Cigéo dans un projet territorial mobilisateur et structurant 89

B.— QUELLE GOUVERNANCE ET QUELLES MISSIONS POUR L’ANDRA ? 96

1. L’indépendance, condition de la transparence, de la sécurité et de la crédibilité 96

2. La consolidation des missions dans le cadre du contrat d’objectifs 2013–2016 98

3. Le déploiement vers de nouveaux métiers 99

C.— LE DÉCHET RADIOACTIF : UNE CATÉGORIE HÉTÉROGÈNE À REVISITER 100

1. La question des déchets sans filières 100

2. La gestion des déchets historiques et des stériles miniers 103

a) La gestion des déchets historiques 103

b) La question des stériles miniers et des résidus de traitement 107

3. L’opportunité d’une réflexion responsable sur l’introduction de seuils de dangerosité 109

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION 113

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 129

MESDAMES, MESSIEURS,

Le présent rapport constitue l’aboutissement des travaux de la mission d’information sur la gestion des déchets radioactifs, dont la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de notre Assemblée avait décidé la création lors de sa réunion du 18 juillet 2012.

Au cours des derniers mois, vos rapporteurs ont eu des entretiens longs et approfondis avec tous les acteurs de ce domaine, qu’il s’agisse du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie (direction générale de la prévention des risques), de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire ou de la filière nucléaire prise dans son ensemble – de la recherche à la production de déchets, en passant par leur transport (Électricité de France, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, AREVA, SNCF).

Ils ont eu à cœur d’écouter avec attention les remarques, critiques et objections présentées par des associations comme l’Association nationale des comités et commissions locales d’information, France Nature Environnement, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité ou Robin des bois. Ils ont voulu visiter sur place les installations de plusieurs opérateurs et rencontrer leurs responsables, leurs chercheurs et leurs techniciens, qu’il s’agisse des centres de stockage de l’Aube et du laboratoire de Bure, des centres de recherche de Cadarache et Marcoule ou de l’usine de traitement du combustible usé de la Hague.

Ils ont enfin estimé souhaitable de se rendre à Stockholm ainsi que sur les sites nucléaires de Forsmark et Oskarshamn, dans la mesure où la Suède, engagée dans des choix techniques assez différents de ceux de la France, se situe parmi les pays ayant porté le plus loin les réflexions et réalisations en matière de stockage géologique profond.

Il existe d’ores et déjà, sur ce sujet passionnant et passionnel des déchets radioactifs, une masse d’écrits considérables, depuis les publications de l’Agence internationale de l’énergie atomique et de l’Agence pour l’énergie nucléaire, agence spécialisée de l’Organisation de coopération et de développement économiques, jusqu’aux contributions associatives locales, en passant par la volumineuse littérature scientifique et technique issue de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Au sein du Parlement même, les rapports nombreux et fournis de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques attestent de la constance de l’attention accordée à un sujet complexe, au confluent d’enjeux techniques, financiers et sociaux.

Désireux de ne pas alourdir leur propos par des développements qui ne seraient que la compilation d’écrits aisément disponibles et dont les références seront citées dans le cours du présent rapport, vos rapporteurs ont donc fait le choix d’un rapport synthétique autant qu’engagé. Ils ambitionnent en effet de porter dans le débat public une voix marquée aux deux sceaux du développement durable et de la raison.

Porter la voix du développement durable répond au souhait que, dans des débats légitimement dominés par des considérations techniques et de sûreté, les questions du développement durable et de la soutenabilité à long terme ne soient pas absentes.

Porter la voix de la raison vise à rappeler une vérité d’évidence, que d’aucuns oublient parfois : les déchets nucléaires sont, pour l’essentiel, le produit de choix énergétiques structurants opérés au cours des soixante dernières années et qu’aucune alternance politique depuis le Général de Gaulle n’a remis en cause. Ces déchets existent déjà pour partie et leur volume, leur radioactivité et leur radiotoxicité sont mesurables, connus et prévisibles : fût-il possible, l’arrêt immédiat de l’ensemble des centrales nucléaires en exploitation n’aurait pour incidence principale que l’anticipation du flux de leur production. Sous cet angle particulier, la question des déchets nucléaires, d’une part, et celle de la part de l’électricité d’origine nucléaire dans le mix énergétique français à un horizon pluridécennal, d’autre part, sont bien disjointes et conditionner la réflexion sur le traitement de déchets déjà existants à des engagements préalables sur la décroissance de cette part est une position que vos rapporteurs jugent critiquable. De leur point de vue, le choix du courage est au contraire celui de solutions qui, dans l’état de nos connaissances, présentent pour les générations futures les caractéristiques de pérennité et de sécurité les plus élevées possibles.

I.— LES DÉCHETS RADIOACTIFS : ÉTAT DES LIEUX
DE LA PROBLÉMATIQUE EN FRANCE

Passée dans le langage courant, l’expression « déchets radioactifs » recouvre pourtant des réalités très différentes et désigne des substances de dangerosité très variable, dont l’inventaire publié en 2012 par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs permet de prendre la pleine mesure. Leur gestion s’opère dans le cadre d’un système institutionnel complexe, faisant intervenir des acteurs multiples.

A.— UNE APPELLATION COMMUNE POUR DES RÉALITÉS HÉTÉROGÈNES

Les principales définitions aujourd’hui applicables ont été posées par l’article 5 de la loi n° 2006–739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs (ci–après dénommée, « loi du 28 juin 2006 »), dont les dispositions sont désormais codifiées à l’article L. 542–1–1 du code de l’environnement. On appelle donc :

– « substance radioactive » : une substance qui contient des radionucléides, naturels ou artificiels, dont l’activité ou la concentration justifie un contrôle de radioprotection ;

– « matière radioactive » : une substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement. Dans le cadre du processus de production d’électricité, par exemple, le combustible usé contient encore des matières qui peuvent être utilisées et, en France, celui-ci est traité pour en extraire le plutonium et l’uranium ;

– « déchets radioactifs » : des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée ;

– « déchets radioactifs ultimes » : des déchets radioactifs qui ne peuvent plus être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux.

En application de la directive 96/29/Euratom du 13 mai 1996 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants, de nombreux pays retiennent une approche fondée sur la libération, ouvrant donc la possibilité de la sortie d’un matériau du domaine réglementé : ces pays mettent en œuvre des « seuils de libération » exprimés en activité massique (Becquerels par gramme ou Bq/g), soit universels (quels que soient le matériau, son origine et sa destination), soit dépendants du matériau, de son origine et de sa destination.

En France, s’agissant des activités nucléaires relevant du régime des installations nucléaires de base et des installations nucléaires de base secrètes, tout déchet contaminé, activé ou susceptible de l’être, doit faire l’objet d’une gestion spécifique et renforcée, qui inclut notamment le stockage des déchets ultimes dans un centre dédié aux déchets radioactifs. (1) La réglementation française présente donc la spécificité de ne pas prévoir la libération des déchets de très faible activité.

Pour les autres activités nucléaires, la justification ou non d’un contrôle de radioprotection est appréciée conformément aux dispositions prévues par le code de la santé publique en tenant compte des trois principes fondamentaux de la radioprotection – la justification, l’optimisation et la limitation des doses de rayonnement – et du fait que la somme des doses efficaces dues aux activités nucléaires reçues par toute personne du public ne doit pas dépasser 1 millisievert (mSv) par an : ainsi, lorsqu’il peut être démontré par une étude d’acceptabilité relative à l’impact radiologique associé à leur prise en charge qu’un contrôle de radioprotection n’est pas justifié, le déchet peut alors, sous certaines conditions, être accepté dans des installations de stockage conventionnelles. (2)

1. Les critères de classification conventionnels : le niveau d’activité et la durée de vie

La classification des déchets radioactifs diffère d’un pays à l’autre. Si certains pays ont opté pour une classification par filières de production, d’autres privilégient un classement des déchets en fonction de leur caractère exothermique (c’est–à–dire en fonction du dégagement de chaleur créé).

En France, la classification est principalement établie sur la base du croisement de deux critères, tenant respectivement à l’intensité de la radioactivité, qui conditionne l’importance des protections à mettre en place pour bien gérer les déchets, et la période radioactive des produits contenus, qui définit leur durée de nuisance potentielle. (3)

● Classification selon le niveau de radioactivité. Le niveau de radioactivité, qui s’exprime habituellement en becquerels par gramme (Bq/g), correspond à la quantité de rayonnement émis par les radionucléides. On distingue quatre niveaux de radioactivité :

– Très faible activité (TFA) : activité inférieure à cent becquerels par gramme (< 102 Bq/g) ;

– Faible activité (FA) : activité approximativement comprise entre cent et cent mille becquerels par gramme (de 102 à 105 Bq/g) ;

– Moyenne activité (MA) : activité approximativement comprise entre cent mille et cent millions de becquerels par gramme (de 105 à 108 Bq/g) ;

– Haute activité (HA) : activité supérieure au milliard de becquerels par gramme (> 109 Bq/g).

● Classification selon la période radioactive. Il s’agit de la période, exprimée en années, jours, minutes ou secondes, au terme de laquelle l’activité d’un radionucléide est divisée par deux (demi–vie). On classe conventionnellement les déchets en trois catégories selon ce critère :

– Vie très courte (VTC) : déchet radioactif contenant essentiellement des radionucléides dont la période radioactive est inférieure à cent jours. Les isotopes 131 de l’iode, 133 du xénon et 169 de l’erbium sont des exemples de radionucléides de période inférieure à cent jours. (4) C’est également le cas de l’isotope 15 de l’oxygène (2,02 minutes) et de l’isotope 11 du carbone (20,4 minutes), utilisés en imagerie médicale, ou encore de l’isotope 123 de l’iode (13,2 heures) et de l’isotope 201 du thallium (3,04 jours), utilisés en médecine nucléaire ;

– Vie courte (VC) : déchet radioactif dont la radioactivité provient principalement de radionucléides dont la période radioactive est supérieure ou égale à cent jours et inférieure ou égale à trente–et–un ans, à l’instar des isotopes 137 du césium, 60 du cobalt et 90 du strontium. Le césium 137, dont la période est de 30,2 ans, est notamment utilisé en curiethérapie ;

– Vie longue (VL) : déchet radioactif contenant en quantité importante des radionucléides dont la période radioactive est supérieure à trente–et–un ans, comme l’isotope 241 de l’américium, l’isotope 14 du carbone ou l’isotope 129 de l’iode. Le carbone 14 (5 730 ans) est utilisé pour la datation, alors que l’uranium 235 (704 millions d’années), l’uranium 238 (4,47 milliards d’années) et le plutonium 239 (24 100 années) sont au cœur de l’industrie nucléaire et de défense.

Le croisement des critères de radioactivité et de demi–vie aboutirait donc théoriquement à douze cas distincts. En pratique, la gestion pérenne des déchets étant au cœur des préoccupations, la typologie utilisée par les professionnels de ce secteur (pouvoirs publics, institutions de recherche, producteurs et gestionnaires de matières et de déchets) s’appuie sur les six filières de gestion suivantes :

– les déchets à vie très courte (VTC) : résultant essentiellement des applications médicales de la radioactivité (diagnostic ou traitement), ces déchets sont gérés par décroissance radioactive, dans des conditions fixées par la décision n° 2008-DC-0095 de l’Autorité de sûreté nucléaire (homologuée par un arrêté du 23 juillet 2008). Ils ont ensuite vocation à rejoindre des filières non spécifiquement autorisées pour les déchets radioactifs ;

– les déchets de très faible activité (TFA) : ils sont majoritairement issus de l’exploitationet du démantèlement des centrales nucléaires, des installations du cycle du combustible et des centres de recherche. Ils proviennent également d’industries classiques utilisant des matériaux naturellement radioactifs (chimie, métallurgie, production d’énergie, etc.). Certains déchets TFA sont issus de l’assainissement et de la réhabilitation d’anciens sites pollués par la radioactivité. Ils se présentent généralement sous la forme de déchets inertes (béton, gravats, terre, etc.) ou de déchets métalliques ;

– les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) : ils sont essentiellement issus de l’exploitation (traitement d’effluents liquides ou gazeux), de la maintenance (vêtements, outils, gants, filtres, etc.) et du démantèlement des centrales nucléaires, des installations du cycle du combustible et des centres de recherche et, pour une faible partie, des activités du secteur médical ;

– les déchets de faible activité à vie longue (FA–VL) : il s’agit principalement des déchets de graphite et des déchets radifères. Les premiers proviennent de l’exploitation (« chemises » qui entouraient le combustible) et du démantèlement (empilements, protections biologiques, etc.) des réacteurs de la filière « Uranium naturel–graphite–gaz » (UNGG) et contiennent des radionucléides à vie longue comme le carbone 14. Les seconds sont en majorité issus d’activités industrielles non nucléaires, comme le traitement de minéraux contenant des terres rares. Cette catégorie FA-VL comprend également d’autres types de déchets, tels que certains colis de bitume anciens, des résidus de traitement de conversion de l’uranium issus de l’usine Comurhex située à Malvési, etc. ;

– les déchets de moyenne activité à vie longue (MA–VL) : ils sont principalement issus des combustibles usés après traitement et des activités d’exploitation et de maintenance des usines de traitement du combustible. Il s’agit des déchets de structure, des coques et embouts constituant la gaine du combustible nucléaire, conditionnés dans des colis de déchets cimentés ou compactés, ainsi que de déchets technologiques (outils usagés, équipements, etc.) ou encore de déchets issus du traitement des effluents, comme les boues bitumées ;

– les déchets de haute activité (HA) : ils sont principalement constitués des colis de déchets vitrifiés issus des combustibles usés après traitement. Ces colis de déchets concentrent la grande majorité des radionucléides, qu’il s’agisse des produits de fission (césium 134 et 137, strontium 90) ou des actinides mineurs (curium 244 ou américium 241).

Les catégories de déchets françaises sont très proches de celles utilisées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). (5) Elles ont conduit à la mise en place de filières de gestion spécifiques, dont certaines existent déjà alors que d’autres sont encore en devenir.

Solutions de gestion développées dans le cadre
du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
pour les différentes catégories de déchets

Activité

Période

Durée de vie très courte (< 100 jours)

Durée de vie courte [VC] (≤ 31 ans)

Durée de vie longue [VL] (> 31 ans)

Très faible [TFA]
(< 10² Bq/g)

Gestion par décroissance radioactive

Stockage dédié en surface
Filières de recyclage

Faible [FA]
(de 102 à 105 Bq/g)

Stockage de surface (Centre de stockage de l’Aube) (1)

Stockage dédié en subsurface (à l’étude)

Moyenne [MA]
(de 105 à 108 Bq/g)

Filière à l’étude (2)

Haute [HA]
(> 109 Bq/g)

Filière à l’étude (2)

(1) Sauf certains déchets tritiés et certaines sources scellées

(2) Filière à l’étude dans le cadre de l’article 3 de la loi du 28 juin 2006

Deux groupes de travail, présidés par un représentant du ministre chargé de l’énergie, ont été constitués en 2010. Ils visent, d’une part, à définir des modalités de gestion adaptées aux particularités physico–chimiques des déchets actuellement sans filière de gestion (6) et, d’autre part, à mieux optimiser la répartition des flux de déchets radioactifs entre les filières de gestion existantes ou en projet, en tenant compte des risques liés à chaque type de déchet (7) : vos rapporteurs reviendront plus longuement sur ces deux sujets dans la troisième partie du présent rapport.

Classifications des déchets radioactifs : les exemples étrangers

Deux types d’approche existent pour arrêter une classification des déchets radioactifs : une approche par filière de gestion des déchets et une approche par filière de production des déchets – cette dernière approche étant en partie héritée de la construction historique de la radioprotection, généralement bâtie par filière de production.

Dans le cadre de la première approche (filière de gestion), la classification à l’étranger combine souvent – comme en France – les paramètres d’activité et de durée de vie des radioéléments constituant les déchets. C’est le cas, par exemple, en Belgique ou en Espagne.

La classification des déchets repose parfois uniquement sur l’activité. Au Canada, il n’existe ainsi que deux grandes catégories (FMA et HA + combustibles usés), si l’on excepte la gestion spécifique des déchets issus des mines. Aux Pays-Bas, la classification comporte un plus grand nombre de catégories, mais aucune distinction n’est faite entre les déchets à vie courte et à vie longue : il n’y a, en conséquence, pas de projet de stockage en surface.

D’autres classifications, conduisant à des catégories qualitativement comparables mais avec des seuils quantitativement distincts, existent : l’Allemagne fonde, par exemple, sa propre classification prioritairement sur le caractère exothermique des déchets.

Dans les pays ayant adopté la seconde approche (filière de production), la classification est plus complexe, avec des filières spécifiques à certains types de déchets et combinant activité et durée de vie : c’est le cas des États-Unis, du Japon et de la Suède. Enfin, une catégorie est parfois ajoutée pour les déchets en provenance des hôpitaux, universités, etc., à l’instar de la Finlande.

Certaines catégories en usage peuvent correspondre à des spécificités nationales : c’est le cas en Belgique (traitement de 50 % des sources de radium utilisées dans le monde) ou au Canada (importantes mines d’uranium).

Source : Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2013–2015, p. 181.

2. Un niveau de dangerosité fortement dépendant du niveau d’activité

Qu’ils soient le fait de particules chargées, par exemple un électron (rayonnement bêta) ou un noyau d’hélium (rayonnement alpha), ou de photons du rayonnement électromagnétique (rayons X ou rayons gamma), les rayonnements ionisants interagissent avec les atomes et les molécules constitutifs des cellules de la matière vivante et les transforment chimiquement. Parmi les lésions ainsi créées, les plus importantes concernent l’ADN des cellules et ces lésions ne sont pas fondamentalement différentes de celles provoquées par certaines substances chimiques toxiques, exogènes ou endogènes (résultant du métabolisme cellulaire).

Lorsqu’elles ne sont pas réparées par les cellules elles–mêmes, ces lésions peuvent conduire à la mort cellulaire et à l’apparition d’effets sanitaires dès lors que le tissu ne peut plus assurer ses fonctions biologiques naturelles. Ces conséquences sont connues de longue date, puisque les premiers effets ont été observés dès la découverte des rayons X par Röntgen (1895). Elles dépendent du type de tissus exposés et apparaissent de façon certaine dès que la quantité de rayonnements absorbée dépasse un certain niveau de dose. Parmi ces effets, on peut citer l’érythème, la radiodermite, la radionécrose et la cataracte.

Par ailleurs, les effets sont d’autant plus importants que la dose de rayonnements reçue par le tissu est elle–même importante.

Les cellules peuvent aussi réparer, mais de façon imparfaite ou erronée, les lésions ainsi provoquées. Parmi les lésions qui peuvent subsister, celles de l’ADN revêtent un caractère particulier car les anomalies résiduelles d’ordre génétique peuvent être transmises par divisions cellulaires successives à de nouvelles cellules. Une mutation génétique est encore loin d’une transformation en cellule cancéreuse mais la lésion due aux rayonnements ionisants peut constituer une première étape vers la cancérisation.

Échelle d’exposition aux rayonnements ionisants

ttp://upload.ouestfrance.fr/ouest-france.fr/jpg/RADIOACTIVITE.jpg

Source : Journal Ouest-France, 24 mars 2011

La suspicion d’un lien de causalité entre une exposition aux rayonnements ionisants et la survenue d’un cancer remonte au début du XXe siècle (observation d’un cancer de la peau sur une radiodermite). Depuis, plusieurs types de cancer ont été observés en milieu professionnel, dont certains types de leucémie, des cancers broncho–pulmonaires (par inhalation de radon) et des sarcomes osseux. Hors du domaine professionnel, le suivi d’une cohorte d’environ 85 000 personnes irradiées à Hiroshima et Nagasaki a permis de mesurer la morbidité et la mortalité par cancer après exposition aux rayonnements ionisants. D’autres travaux épidémiologiques ont mis en évidence, chez les patients traités par radiothérapie, une augmentation statistiquement significative des cancers (effets secondaires) imputables aux rayonnements ionisants. Quant à l’accident survenu à la centrale de Tchernobyl, il est à l’origine, dans les régions proches du site, d’un nombre anormalement élevé cancers de la thyroïde de l’enfant, du fait des iodes radioactifs rejetés.

Établis au plan international, les objectifs sanitaires de la radioprotection visent donc à réduire la probabilité d’apparition de cancers liés à une exposition aux rayonnements ionisants, aussi appelés cancers radio–induits.

B.— LES DÉCHETS RADIOACTIFS EN FRANCE EN 2010 : LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE L’INVENTAIRE NATIONAL

L’article 14 de la loi du 28 juin 2006 précitée a confié à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), établissement public industriel et commercial, la responsabilité « d’établir, de mettre à jour tous les trois ans et de publier l’inventaire des matières et déchets radioactifs présents en France ainsi que leur localisation sur le territoire national » (article L. 542–12, al. 1er et 2 du code de l’environnement).

Pour donner un ordre de grandeur, les déchets radioactifs sont aujourd’hui produits en France à hauteur de 2 kg par an et par habitant, contre 2 500 kg de déchets industriels et 100 kg de déchets chimiques et toxiques. Sur cette masse, les déchets de haute activité ne représentent qu’une dizaine de grammes.

L’édition 2012 de l’Inventaire national détaille les stocks de déchets radioactifs entreposés ou stockés à la fin 2010, leur localisation et leur répartition par catégorie, secteur économique et détenteur. Cette édition présente également les prévisions de production de déchets à la fin 2020, à la fin 2030 ainsi qu’à l’issue de la durée de vie des installations existantes ou autorisées, selon deux scenarii énergétiques volontairement contrastés.

Évolution du volume des déchets radioactifs en France

(en équivalent m3 conditionnés)

 

Volumes 2007

Volumes 2010

Volumes 2020

Volumes 2030

Écart 2010/2007

% volume total (2010)

TFA

231 688

360 000

762 000

1 300 000

130 000

27

FMA–VC

792 695

830 000

1 000 000

1 200 000

37 000

63

FA–VL

82 536

87 000

89 000

133 000

4 500

7

MA–VL  

41 757

40 000

45 000

49 000

– 2 000

3

HA

2 293

2 700

4 000

5 300

400

0,2

Total général   

1 152 533

1 319 700

≈ 1 900 000

≈ 2 700 000

169 900

≈ 2 700 000

Source : ANDRA, Inventaire national des matières et déchets radioactifs 2012

1. Le stock actuel de déchets et de matières radioactifs

Stock de déchets radioactifs. – Le tableau ci-après récapitule les stocks à la fin 2010 et les prévisions à la fin 2020 et la fin 2030 de déchets radioactifs pour chaque catégorie. Les prévisions prises en compte pour ces bilans reposent sur l’estimation des déchets produits aux dates considérées par les installations en exploitation ou dont la création a été autorisée, et destinés à être pris en charge dans les centres de stockage de l’ANDRA. Elles ne tiennent pas compte des déchets déjà produits par l’usine de conversion Comurhex de Malvesi, dont la filière de gestion à long terme est en cours d’étude, ni des déchets ayant fait l’objet de modes de gestion historiques (8).

Vos rapporteurs consacreront quelques développements ci-dessous à ces déchets qui suscitent des inquiétudes récurrentes et légitimes des associations de riverains et qui restent comme le reliquat d’une période où la France ne s’était pas encore dotée d’un cadre juridique précis, mis en œuvre par des opérateurs soumis à un contrôle rigoureux (cf. § 2 du C du III du présent rapport).

Les quantités de déchets radioactifs sont évaluées en mètres cubes « équivalent conditionné », c’est-à-dire le volume du déchet une fois celui-ci conditionné en colis primaire.

On constate que plus d’une moitié des déchets (63 %) est aujourd’hui constituée de déchets à faible et moyenne activité à vie courte. Si l’on y ajoute les déchets à très faible activité, ce sont donc au total 90 % des déchets radioactifs qui ne demandent que des mesures de protection limitées, voire symboliques. Pour trois catégories de déchets en revanche, représentant environ 10 % du volume total, des mesures de radioprotection plus substantielles sont nécessaires (déchets FA–VL, MA–VL et HA).

Les prévisions pour 2020 et 2030 ont été élaborées sur la base de la politique énergétique de la France, telle qu’elle était définie avant la transition énergétique annoncée par le Président de la République. Elles n’intègrent notamment pas la fermeture annoncée de la centrale de Fessenheim. Dans le cas d’une fermeture anticipée, qui n’aurait globalement qu’un impact marginal, les prévisions fournies à l’ANDRA par les producteurs de déchets devraient être ajustées pour tenir compte du flux correspondant de déchets d’exploitation et de maintenance, mais les prévisions pour 2020 et 2030 intègrent déjà les déchets liés au démantèlement engagés respectivement en 2020 et en 2030.

À l’horizon 2020, l’ANDRA estime que le stock de déchets radioactifs avoisinera les deux millions de mètres de cubes, soit une progression de 44 % par rapport à 2010. La croissance du stock de déchets à très faible activité, notamment liée au démantèlement, explique, à elle seule, environ 70 % de cette progression globale.

À l’horizon 2030, l’ANDRA envisage un stock de déchets à gérer supérieur au double du stock actuel (2,7 millions de m3, contre 1,3 million de m3 en 2010). Les plus fortes progressions viennent des déchets TFA (+ 261,1 %) et HA (+ 96,3 %), la croissance du volume des déchets FMA–VC (+ 44,6 %), FA–VL (+ 52,9 %) et MA–VL (+ 22,5 %) apparaissant plus modérée.

Cette progression massive du stock de déchets très faiblement actifs constitue l’un des enseignements–clés de l’Inventaire national 2012. S’il est globalement difficile de faire des prévisions pour ce type de déchets, car les chantiers de démantèlement sont complexes et souvent retardés pour des raisons techniques ou juridiques, il apparaît néanmoins évident que la question de la construction d’un nouveau centre de stockage, notamment dédié aux déchets de démantèlement, se trouve d’ores et déjà posée.

L’Inventaire national montre également que l’essentiel de la dangerosité se concentre dans des déchets ne représentant qu’un faible volume global : les déchets de haute activité, s’ils ne représentent que 0,2 % du volume total comme indiqué sur la figure ci-dessus, concentrent en revanche 96 % de la radioactivité totale.

Source : ANDRA

Stock de matières radioactives. – Pour ce qui concerne les matières radioactives, dont on rappelle qu’elles se distinguent des déchets par le fait que leur utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement, le tableau ci-dessous présente les quantités déclarées à la fin de 2010 et les prévisions à fin 2020 et fin 2030.

matières radioactives : quantités déclarées à fin 2010
et prévisions à fin 2020 et fin 2030

Matière

2010

2020

2030

Uranium naturel (tML)*

15 913

25 013

28 013

Uranium enrichi (tML)

2 954

2 344

2 764

Uranium appauvri (tML)

271 481

345 275

454 275

Uranium de traitement (tML)

24 100

40 020

40 020

Combustibles en cours d’utilisation (tML)

4 932

5 120

4 320

Combustibles usés (tML)

13 929

15 251

18 362

Plutonium

80

55

53

Thorium (t)

9 407

9 334

9 224

MES (t)

23 454

MES : Matières en suspension, sous-produits du traitement des terres rares contenant du thorium

* tML : tonne de métal lourd (tonne d’uranium ou de plutonium contenu dans le combustible avant irradiation)

Source : Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2013-2015, p. 15

Pour l’essentiel, ces matières sont donc constituées d’uranium appauvri (271 481 tonnes à la fin 2010), dont les volumes devraient croître de 67,3 % dans les vingt prochaines années. Viennent ensuite les matières en suspension, appelées à être progressivement éliminées, l’uranium de traitement (24 100 tonnes) et l’uranium naturel (15 913 tonnes).

2. Des perspectives à moyen terme liées à l’évolution de la structure du bouquet énergétique

L’Inventaire national donne également une vision prospective des déchets et des matières qui seraient produits par l’ensemble des installations jusqu’à leur fin de vie. Ces quantités sont présentées suivant deux scenarii de politique électronucléaire volontairement contrastés, l’activité des secteurs économiques autres que l’électronucléaire étant supposée identique dans les deux scenarii.

Le scénario 1 envisage la poursuite de la production d’électricité d’origine nucléaire ainsi que de la stratégie actuelle en matière de traitement de combustible usé. Il repose sur l’hypothèse d’une durée de fonctionnement de cinquante ans pour l’ensemble des réacteurs. La totalité des combustibles consommés par les réacteurs autorisés à fin 2010 est ainsi supposée être traitée pour séparer les matières (uranium, plutonium) des déchets ultimes. Aucun combustible usé n’est alors stocké directement et la totalité du plutonium extrait des combustibles usés est supposée recyclée, dans le parc actuel ou dans un parc futur. Compte tenu du nombre de réacteurs aujourd’hui autorisés à utiliser du combustible MOX (22 réacteurs à fin 2012), le parc électronucléaire actuel permettra la valorisation de plutonium séparé jusque vers 2029. Au-delà, le rythme de traitement des combustibles usés, et donc de la production de plutonium dépendra directement du rythme du déploiement des nouveaux réacteurs qui le consommeront.

Le scénario 2 suppose le non-renouvellement du parc existant, entraînant l’arrêt du traitement du combustible usé avant l’arrêt des réacteurs afin de ne pas produire de plutonium séparé. La durée de fonctionnement des réacteurs est supposée être de quarante ans.

Dans ce scénario, le recyclage du plutonium est limité à la fabrication du combustible MOX nécessaire au fonctionnement des réacteurs aujourd’hui autorisés à utiliser ce type de combustible. Au vu des dates d’arrêt de ces réacteurs, leur fonctionnement ne nécessite plus de séparer le plutonium par traitement des combustibles usés au-delà de 2019. Dans ce scénario, environ vingt-huit mille tonnes de combustibles usés, UOX, MOX et combustibles issus de réacteurs de type à neutrons rapides deviennent des déchets et doivent être stockés, dans les mêmes conditions que les déchets HA.

Le tableau ci-après donne l’estimation des déchets produits dans les deux scenarii envisagés.

Scénario de poursuite de la production électronucléaire : estimation des déchets en m3 équivalent conditionné

 

Scénario de non-renouvellement de la production électronucléaire : estimation des déchets en m3 équivalent conditionné

Catégorie

Poursuite de la production électronucléaire

 

Catégorie

Non-renouvellement
de la production électronucléaire

HA

10 000

 

HA

CU UOX

≈ 50 000 assemblages*

MA–VL

70 000

 

CU RNR

≈ 1 000 assemblages*

FA–VL

165 000

 

CU MOX

≈ 6 000 assemblages*

FMA–VC

1 600 000

 

Déchets vitrifiés

3 500

TFA

2 000 000

 

MA–VL

 

59 000

     

FA–VL

 

165 000

     

FMA–VC

 

1 500 000

     

TFA

 

1 900 000

Source : Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2013-2015

* le volume non conditionné d’un assemblage est d’environ 0,2 m3

Dans le cadre du débat actuel sur la transition énergétique, qui pourrait se conclure par une loi de programmation énergétique au premier semestre de 2014, ces tableaux apportent un certain nombre d’enseignements. Ils montrent notamment que le choix de privilégier le scénario 1 ou le scénario 2 serait, d’une part, sans conséquence sur le volume de déchets FA–VL produits à terme et, d’autre part, d’une incidence limitée pour ce qui concerne les déchets FMA–VC et les déchets TFA. Les conséquences sur le stock de déchets à haute activité (HA) du choix opéré sont, en revanche, beaucoup plus significatives : dans l’hypothèse d’une poursuite de la production électronucléaire, le volume de tels déchets serait, à terme, de l’ordre de 10 000 mètres-cubes équivalent conditionné alors que dans celle d’un non-renouvellement, les assemblages combustibles et les déchets vitrifiés représenteraient un volume approchant les 95 000 mètres-cubes équivalent conditionné. L’arrêt de la production électronucléaire et du traitement du combustible usé se traduirait donc par la nécessité de gérer un volume moindre de déchets HA et de déchets MA–VL, mais à devoir opérer le stockage des combustibles usés.

C.— UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL COMPLEXE, MARQUÉ PAR LA PRÉSENCE D’ACTEURS MULTIPLES

La gestion des matières et déchets radioactifs s’intègre aujourd’hui dans un système complexe, caractérisé par une multiplicité d’acteurs aux compétences et aux moyens différenciés : aux pouvoirs publics (Parlement, Gouvernement), s’ajoutent en effet les producteurs de matières et de déchets, l’établissement public chargé de leur gestion à long terme, les instances de contrôle, d’expertise et de régulation, mais également la société civile, dans le cadre d’organisations non gouvernementales ou de commissions locales d’information.

1. Le Parlement

Le Parlement est un acteur essentiel de la politique française de gestion des matières et déchets radioactifs, puisqu’il lui revient de définir, dans des contextes international et européen évolutifs, le cadre législatif applicable à ces activités. Au titre de sa mission de contrôle de l’action du Gouvernement, il a également manifesté un intérêt suivi pour l’ensemble de ces sujets.

a) Les instruments internationaux et européens applicables en matière de déchets radioactifs

Les instruments internationaux et européens applicables en matière de déchets radioactifs sont nombreux, qu’il s’agisse du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (1957), de la convention commune inspirée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (1997) ou de plusieurs directives récentes (2006, 2011).

Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique du 25 mars 1957. – Initialement créé pour coordonner les programmes de recherche des États membres en vue d’une utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom), signé le 25 mars 1957, contribue à la mise en commun des connaissances, des infrastructures et du financement de l’énergie nucléaire.

Le traité Euratom aborde la question des déchets radioactifs dans son article 37. Chaque État membre est ainsi tenu de fournir à la Commission européenne les données générales de tout projet de rejets d’effluents radioactifs sous n’importe quelle forme, afin d’être en mesure de savoir si la concrétisation de ce projet est susceptible d’entraîner une contamination des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre. La Commission dispose alors de six mois pour rendre un avis, après consultation d’un groupe d’experts scientifiques.

Convention commune du 5 septembre 1997. – La gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs posant des problèmes de sûreté à l’échelle planétaire, l’Agence internationale de l’énergie atomique a élaboré un instrument visant à prévenir la survenue d’accidents susceptibles d’avoir des conséquences radiologiques.

La « Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs », dite « Convention commune », a été signée à Vienne le 5 septembre 1997, pour une entrée en vigueur le 18 juin 2001. La France a signé cette convention commune, dont l’approbation a été autorisée par la loi n° 2000-174 du 2 mars 2000. (9)

Pour garantir un niveau de sûreté aussi élevé que possible à l’échelle mondiale, la convention commune invite chaque État partie à bâtir un cadre réglementaire national relatif à la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (article 19) et à désigner un organisme de réglementation, responsable de la mise en œuvre de ce cadre (article 20).

Excluant de son champ d’application le combustible et les déchets provenant de programmes militaires ou de défense, la convention réserve un traitement distinct – dans le cadre d’un schéma global commun – à la gestion des combustibles usés et à celle des déchets radioactifs. Elle aborde ainsi, successivement, un ensemble de prescriptions générales de sûreté, le sort des installations existantes, le choix du site des installations de gestion en projet, la conception et la construction de ces installations, l’évaluation de leur sûreté, leur exploitation et les mesures institutionnelles à mettre en place après la fermeture d’un stockage.(10)

Afin de suivre la mise en œuvre de la convention commune, des réunions sont organisées entre les parties au moins tous les trois ans (article 30). Les autorités nationales sont chargées d’élaborer des rapports nationaux, démontrant le respect des dispositions de la convention. Ces rapports sont examinés par les autres parties lors de réunions plénières (peer review), avant l’approbation d’un rapport de synthèse (article 34).(11)

Directive du 20 novembre 2006. – Les transferts de déchets radioactifs et de combustibles usés sont régis par la directive 2006/117/Euratom du 20 novembre 2006, qu’ils soient destinés au stockage ou au retraitement (JOUE, L 335, 5 décembre 2006).

Directive du 19 juillet 2011. – La directive 2011/70/Euratom du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs (JOUE, L 199, 2 août 2011) s’applique à toutes les étapes de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs (de la production au stockage), lorsqu’ils résultent d’activités civiles.(12)

Ses principales dispositions, très manifestement inspirées par les législations françaises de 1991 et 2006, sont les suivantes :

– l’exportation de déchets vers des pays tiers n’est autorisée que dans des conditions très strictes et contraignantes : le pays concerné doit disposer d’un centre de stockage définitif en activité à la date d’expédition des déchets ;

– si des déchets radioactifs ou du combustible usé sont transférés, en vue d’un traitement ou d’un retraitement, vers un État membre ou un État tiers, la responsabilité en dernier ressort du stockage sûr et responsable de ces substances, y compris de tout déchet créé en tant que sous-produit, continue à incomber à l’État à partir duquel les substances radioactives ont été transférées ;

– les États membres doivent établir un cadre national législatif, réglementaire et organisationnel pour la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, qui attribue les responsabilités et prévoit la coordination entre les organismes compétents et dont la directive définit expressément le contenu ;

– la responsabilité première de la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs incombe au titulaire d’une autorisation, sous le contrôle de son autorité de réglementation compétente ;

– les travailleurs et la population doivent être dûment informés en matière de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs et la population doit avoir la possibilité de participer effectivement aux processus de décision ;

– les États membres sont tenus d’établir des programmes nationaux. Ces programmes doivent notamment contenir un inventaire de tous les combustibles usés et des déchets radioactifs, ainsi que des estimations relatives aux quantités futures, y compris celles résultant d’opérations de démantèlement. L’inventaire indique clairement la localisation et la quantité de déchets radioactifs et de combustible usé, conformément à la classification appropriée. Les programmes doivent également présenter les concepts, les plans et les solutions techniques en matière de gestion du combustible usé et des déchets, depuis la production jusqu’au stockage, et être mis à jour régulièrement.

Les États membres doivent transposer cette directive avant le 23 août 2013 et notifier, pour la première fois, le contenu de leur programme national au plus tard le 23 août 2015. Il leur appartient également d’organiser périodiquement, tous les dix ans au moins, des autoévaluations de leur cadre national, de leur autorité de réglementation compétente, ainsi que de leur programme national et de sa mise en œuvre.

b) Le droit français des déchets radioactifs, au confluent de législations multiples

Les difficultés de la gestion juridique des déchets radioactifs résident principalement dans leur dualité. En tant que déchets, ils sont en effet régis par les principes figurant dans le code de l’environnement. Mais leur nature particulière, comme leur origine prédominante, les soumet également à des obligations venant du droit nucléaire et du droit de la santé publique.

Dispositions issues du droit de l’environnement. – Même s’il présente des singularités du fait des risques qu’il génère, un déchet radioactif est un déchet : il répond à la définition du déchet fixée à l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, à savoir toute substance ou tout objet – ou, plus généralement, tout bien meuble – dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire. Sa gestion doit donc respecter les grands principes de la gestion des déchets, énoncés notamment à l’article L. 541-1 du code de l’environnement :

– prévenir ou réduire la production et la nocivité des déchets ;

– mettre en œuvre une hiérarchie des modes de traitement, consistant à privilégier, dans l’ordre, la préparation en vue de la réutilisation, le recyclage, toute autre valorisation (notamment énergétique), l’élimination ;

– assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement ;

– organiser le transport des déchets et le limiter en distance et en volume ;

– assurer l’information du public sur les effets, pour l’environnement et la santé publique, des opérations de production et de gestion des déchets, ainsi que sur les mesures destinées à en prévenir ou à en compenser les effets préjudiciables.

Dans ce cadre, la loi du 28 juin 2006, dont la plupart des dispositions sont aujourd’hui codifiées au chapitre II du titre IV du livre V du code de l’environnement, établit un ensemble de règles destinées à gouverner la gestion des déchets radioactifs :

– cette gestion doit être assurée dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l’environnement (article L. 542-1) ;

– la recherche et la mise en œuvre des moyens nécessaires à la mise en sécurité définitive des déchets radioactifs doivent être entreprises afin de prévenir ou de limiter les charges qui seront supportées par les générations futures (même article) ;

– les producteurs de combustibles usés et de déchets radioactifs sont responsables de ces substances, sans préjudice de la responsabilité de leurs détenteurs en tant que responsables d’activités nucléaires (même article) ;

– la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs doit être recherchée notamment par le traitement des combustibles usés et le traitement et le conditionnement des déchets radioactifs (article L. 542-1-2 du code de l’environnement) ;

– les matières radioactives en attente de traitement et les déchets radioactifs ultimes en attente d’un stockage doivent être entreposés dans des installations spécialement aménagées à cet usage (même article) ;

– après entreposage, les déchets radioactifs ultimes qui ne peuvent, pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection, être stockés en surface ou en faible profondeur, doivent fait l’objet d’un stockage en couche géologique profonde (même article) ;

– le stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l’étranger est interdit (même article).

Les producteurs et détenteurs de déchets radioactifs ont la responsabilité d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion.

Dispositions issues du droit de la santé publique. – Les dispositions issues du droit de l’environnement, qui constituent l’essentiel de la réglementation applicable aux déchets radioactifs, sont complétées par une série de dispositions issues du droit de la santé publique. À ce titre, il faut notamment rappeler que :

– le code de la santé publique consacre une série de dispositions à l’encadrement des activités comportant un risque d’exposition des personnes aux rayonnements ionisants (articles L. 1333-1 à L. 1333-20 et articles R. 1333-1 à R. 1333-93), qui sont soumises à déclaration ou à autorisation (sauf si elles sont autorisées au titre d’autres réglementations spécifiques) ;

– dans le cadre des activités nucléaires déclarées ou autorisées au titre du code de la santé publique, tout projet de rejet de déchets contaminés par des radionucléides – ou susceptibles de l’être du fait d’une activité nucléaire - doit faire l’objet d’un examen et d’une approbation, en fonction du risque d’exposition encouru. La gestion de ces déchets prend en compte les caractéristiques et les quantités de radionucléides détenus et éliminés, ainsi que les exutoires retenus pour leur élimination (article R. 1333-12).

Dispositions issues du droit nucléaire. – La loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (ci-après dénommée, « loi TSN »), désormais codifiée aux livres Ier et V du code de l’environnement par l’ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012, a fixé le régime général applicable aux installations nucléaires de base (INB). Elle précise, dans son article 28, que « les installations, répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d'État, de préparation, d'enrichissement, de fabrication, de traitement ou d'entreposage de combustibles nucléaires ou de traitement, d'entreposage ou de stockage de déchets radioactifs » constituent de telles installations nucléaires de base et sont, comme telles, soumises aux règles y afférentes (article L. 593-2 du code de l’environnement). (13)

Les INB de stockage des déchets radioactifs sont donc des INB classiques, sauf pour ce qui concerne la mise à l’arrêt de l’installation. Les INB de stockage ne peuvent en effet être totalement démantelées, puisque les alvéoles de déchets demeureront.

L’arrêt définitif et le passage en phase de surveillance d’une telle INB sont subordonnés à une autorisation. La demande d’autorisation comporte les dispositions relatives à l’arrêt définitif, ainsi qu’à l’entretien et à la surveillance du site permettant, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, de prévenir ou de limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement (article L. 593-30 du code de l’environnement). L’autorisation est délivrée par décret pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et après enquête publique et elle fixe les types d’opérations à la charge de l’exploitant après l’arrête définitif (article L. 593-31). Pour l’application du décret d’autorisation, l’Autorité de sûreté doit notamment préciser, s’il y a lieu, les prescriptions relatives aux prélèvements d’eau de l’installation, aux rejets de celle-ci dans l’environnement et aux substances radioactives issues de l’installation (article L. 593-32).

c) Le cycle nucléaire, objet de travaux réguliers et approfondis de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Composé à parité de dix–huit députés et dix–huit sénateurs et seul organe permanent commun aux deux Chambres, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), a pour mission d’éclairer l’action du Parlement en matière scientifique et technologique. Assisté par un conseil scientifique formé de personnalités choisies en raison de leurs compétences, il recueille des informations, met en œuvre des programmes d’études et procède à des évaluations.

Depuis sa création par la loi n° 83–609 du 8 juillet 1983, l’Office parlementaire a publié de nombreux rapports sur le secteur nucléaire, couvrant tant l’amont que l’aval de la filière.

Principaux rapports de l’OPECST relatifs aux déchets radioactifs

Au cours des vingt-cinq dernières années, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a publié dix rapports sur la question spécifique des déchets radioactifs, c'est-à-dire en moyenne un tous les trois ans :

– rapport n° 1839 de M. Christian Bataille sur la gestion des déchets nucléaires à haute activité (14 décembre 1990) ;

– rapport n° 2624 de M. Jean–Yves Le Déaut sur la gestion des déchets très faiblement radioactifs (22 avril 1992) ;

– rapport n° 2689 de M. Christian Bataille sur l’évolution de la recherche sur la gestion des déchets nucléaires à haute activité, tome I : les déchets civils (27 mars 1996) ;

– rapport n° 541 de M. Christian Bataille sur l’évolution de la recherche sur la gestion des déchets nucléaires à haute activité, tome II : les déchets militaires (15 décembre 1997) ;

– rapport n° 978 de MM. Christian Bataille et Robert Galley sur l’aval du cycle nucléaire, tome I : Étude générale (11 juin 1998) ;

– rapport n° 2257 de Mme Michèle Rivasi sur les conséquences des installations de stockage de déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement (17 mars 2000) ;

– rapport n° 3101 de M. Christian Bataille sur les possibilités d’entreposage à long terme des combustibles nucléaires irradiés (30 mai 2001) ;

– rapport n° 2159 de MM. Christian Bataille et Claude Birraux sur l’état d’avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs (16 mars 2005) ;

– rapport n° 3793 de MM. Christian Bataille et Claude Birraux sur l’évaluation du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs [PNG–MDR] (6 avril 2007) ;

– rapport n° 3108 de MM. Christian Bataille et Claude Birraux sur l’évaluation du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2010–2012 (19 janvier 2011).

Le dernier rapport publié par l’Office parlementaire sur la question des déchets nucléaires (n° 3108), intitulé Déchets nucléaires : se méfier du paradoxe de la tranquillité, dressait un bilan contrasté de la mise en œuvre du dispositif de gestion des déchets nucléaires résultant des lois du 30 décembre 1991 et des 13 et 28 juin 2006 : s’il le qualifiait de « plutôt encourageant », eu égard au fait que « les institutions prévues, dont le groupe de travail PNGMDR, fonctionnent de manière correcte, et le dialogue avec les associations, à travers les travaux du HCTSIN notamment, s’enrichit et s’approfondit », il mettait néanmoins en garde contre le « paradoxe de la tranquillité ».(14)

Les rapporteurs regrettaient notamment que « l’amélioration du contexte (…) amène [les acteurs industriels], au nom de la rentabilité à court terme, à remettre en cause la conduite par l’ANDRA du projet de stockage géologique, ou la pertinence de la réduction de l’activité des déchets par transmutation. » Ils ajoutaient que « les tensions internes à la filière nucléaire […] confirment d’une autre manière leur recentrage sur des préoccupations de courte vue. Ce faisant, ils risquent de remettre en cause toute la crédibilité du dispositif. »

Vos rapporteurs auront l’occasion, dans la troisième partie du présent rapport, de souligner qu’ils partagent pleinement ce constat et que l’indépendance de l’ANDRA vis-à-vis des producteurs constitue à leurs yeux un élément décisif de la crédibilité de l’établissement public, qui ne saurait donc être remis en cause.

2. Les producteurs de déchets radioactifs

Conformément à l’article L. 542–1 du code de l’environnement, les producteurs de déchets radioactifs sont responsables de la bonne gestion de leurs déchets avant leur évacuation vers un exutoire définitif. Il leur appartient notamment de trier et définir les modes de traitement et de conditionnement de ces déchets, afin de réduire leur quantité et leur nocivité. Ils doivent également assurer l’entreposage des déchets qui n’ont pas d’exutoire définitif et ils sont responsables du transport des déchets conditionnés jusqu’aux centres de stockage de l’ANDRA.

Pour certains producteurs qui ne disposent pas des moyens adéquats du fait du faible volume de déchets qu’ils génèrent – par exemple, certains laboratoires universitaires ou les établissements de soins (hôpitaux) – l’ANDRA assure elle-même la collecte, le traitement, le conditionnement et l’entreposage provisoire de ces déchets.

a) Les secteurs économiques producteurs de déchets

La production et la détention des déchets radioactifs concernent cinq secteurs économiques :

– le secteur électronucléaire : il comprend principalement les centrales nucléaires de production d’électricité, ainsi que les usines dédiées à la fabrication et au traitement du combustible nucléaire (extraction et traitement du minerai d’uranium, conversion chimique des concentrés d’uranium, enrichissement et fabrication du combustible, traitement du combustible usé et recyclage) ;

– le secteur de la recherche : il englobe notamment la recherche dans le domaine du nucléaire civil (notamment, les activités de recherche du CEA), les laboratoires de recherche médicale, de physique des particules, d’agronomie, de chimie, etc. ;

– le secteur de la défense : il s’agit principalement des activités liées à la force de dissuasion, dont la propulsion nucléaire de certains navires ou sous–marins, ainsi que des activités de recherche associées ;

– le secteur industriel non électronucléaire : ce secteur comprend notamment l’extraction de terres rares, la fabrication de sources scellées mais aussi diverses applications comme le contrôle de soudure, la stérilisation de matériel médical, la stérilisation et la conservation de produits alimentaires, etc. ;

– le secteur médical : il s’agit des activités thérapeutiques, de diagnostic et de recherche.

Les contributions respectives de chacun de ces secteurs aux stocks de déchets à la fin 2010, hors déchets « historiques » et déchets déjà produits de l’usine Comurhex de Malvési, sont présentées dans le schéma ci-dessous. Pour ce qui concerne le secteur de la recherche, à l’origine de 26 % des volumes des déchets, 95 % des volumes sont issus du secteur de la recherche du CEA et 5 % des autres organismes de recherche (CNRS, universités, etc.).

Source : ANDRA

On mentionne, pour mémoire, que les particuliers peuvent également se trouver producteurs de déchets radioactifs, lorsqu’ils se trouvent détenteurs et souhaitent se dessaisir d’objets historiques, tels de vieux paratonnerres, des tubes de « Tho-radia, le rouge à lèvres sain » vanté par un magazine féminin de 1937 ou encore ces « fontaines à radium » très prisées au début du siècle dernier et qui permettaient d’agrémenter son bain d’un peu de radium…

b) Le cycle du combustible nucléaire dans le cadre de la production d’électricité

Pour l’intelligibilité du propos d’ensemble, vos rapporteurs estiment qu’il n’est pas inutile de rappeler quelques données sur le cycle du combustible nucléaire français, constitué de l’ensemble des étapes industrielles suivies par l’uranium : ce cycle comprend l’achat d’uranium naturel, la conversion, l’enrichissement, la fabrication de l’assemblage de combustible, le chargement du combustible en réacteur, le traitement du combustible usé et enfin l’entreposage des déchets, dans l’attente d’un stockage définitif en profondeur.

De l’extraction du minerai d’uranium à la fabrication des assemblages de combustible. – Extrait de gisements exploités dans des mines souterraines ou à ciel ouvert, l’uranium naturel se compose d’uranium 238 et d’uranium 235 (à hauteur de 0,7 %). Seul l’uranium 235 peut être utilisé comme combustible dans les réacteurs actuels. Une fois l’uranium brut extrait, il fait donc l’objet d’un triple traitement chimique :

– purification puis concentration, sous forme d’une poudre jaune appelée « yellow cake » : mille tonnes de minerai permettent ainsi d’obtenir de 1,5 à 10 tonnes de yellow cake, contenant 75 % d’uranium ;

– fluoration, qui purifie l’uranium et le transforme en cristaux d’hexafluorure d’uranium (UF6) ;

– enrichissement, qui vise à accroître la proportion d’uranium 235 dans l’uranium utilisé dans la centrale. Cette opération entraîne inversement la production d’un uranium dit « appauvri », dont la teneur en uranium 235 est plus basse que celle de l’uranium naturel. (15)

L’uranium enrichi est ensuite transformé sous forme de pastilles (sept grammes, pour environ un centimètre de diamètre et de hauteur), empilées dans des tubes en alliage de zirconium pour former des crayons. Ces crayons sont insérés dans des grilles de maintien afin de former un assemblage combustible d’environ quatre mètres de haut, destiné à être placé verticalement dans le cœur du réacteur (264 crayons par assemblage combustible). Le cœur d’un réacteur de 900 MW est ainsi constitué de 157 assemblages de combustible, il en faut 193 pour un réacteur de 1 300 MW et 205 pour un réacteur de 1 450 MW.

En pratique, les 58 réacteurs des 19 centrales nucléaires françaises d’EDF, qui consomment au total environ 1 200 tonnes de combustible par an, fonctionnent avec différents types de combustibles :

– le combustible UO2 ou UNE (de l’ordre de 1 000 tonnes consommées par an), qui est fabriqué à partir de l’uranium naturel directement issu de l’extraction minière, converti puis enrichi selon les procédés décrits précédemment ;

– le combustible MOX (environ 120 tonnes par an) : le MOX (mixed oxyde) est un combustible fabriqué à partir du plutonium issu du retraitement du combustible usé – dix tonnes de plutonium sont produits par le retraitement d’environ mille tonnes de combustible usé par an – et de l’uranium appauvri issu de l’étape d’enrichissement de l’uranium. Ce combustible est fabriqué par l’usine Melox appartenant au groupe AREVA, située dans le Gard, et son utilisation est autorisée pour vingt-deux réacteurs du parc en exploitation. (16) L’utilisation du MOX permet aujourd’hui d’économiser les ressources en uranium naturel, puisque cent-vingt tonnes de MOX permettent de remplacer environ cent-vingt tonnes d’uranium naturel (soit mille tonnes de réserve de minerai) ;

– le combustible URE (80 tonnes par an environ), qui est issu du recyclage du combustible usé et ré-enrichi pour servir à nouveau de combustible.

La gestion du combustible usé. – Après trois à quatre cycles d’utilisation, les assemblages de combustible usé sont déchargés du réacteur et entreposés pendant un à deux ans dans la piscine de désactivation du bâtiment combustible de la centrale nucléaire. Ce délai permet la baisse de la radioactivité des assemblages et leur refroidissement, afin d’en faciliter le transport vers une usine de traitement.

À l’usine de traitement d’AREVA à la Hague (Basse-Normandie), le combustible usé est entreposé durant une dizaine d’années en piscine, afin que son niveau de radioactivité et sa température continuent de diminuer. Après cette période d’entreposage, les crayons de combustible usés sont cisaillés en petits morceaux et dissous dans des solutions acides. Cette technique permet de séparer les déchets de haute activité à vie longue (produits de fission et éléments chimiques produits lors de la réaction nucléaire), de la matière valorisable composée de plutonium et d’uranium recyclable, soit 96 % du combustible usé. (17)

Dans l’attente d’une solution définitive, les déchets radioactifs issus du traitement du combustible usé sont vitrifiés et entreposés dans des installations conçues à cet effet dans l’usine AREVA de la Hague, où ils poursuivent leur refroidissement et leur décroissance radioactive.

3. L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs

Établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle des ministères chargés de l’énergie, de l’environnement et de la recherche, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) a été créée par la loi n° 91–1381 du 30 décembre 1991.

Missions de l’ANDRA. – L’ANDRA est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs. Ses missions, qui ont été confirmées, précisées et élargies par la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, sont multiples et aujourd’hui codifiées à l’article L. 542–12 du code de l’environnement :

– établir et publier tous les trois ans l’inventaire des matières et déchets radioactifs présents sur le territoire national ;

– réaliser ou faire réaliser, conformément au plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, des recherches et études sur l’entreposage et le stockage en couche géologique profonde et assurer leur coordination ;

– contribuer à l’évaluation des coûts afférents à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue ;

– prévoir, dans le respect des règles de sûreté nucléaire, les spécifications pour le stockage des déchets radioactifs et donner un avis aux autorités compétentes sur les spécifications pour le conditionnement des déchets ;

– concevoir, implanter, réaliser et assurer la gestion de centres d’entreposage ou de centres de stockage de déchets radioactifs, compte tenu des perspectives à long terme de production et de gestion de ces déchets ;

– assurer la collecte, le transport et la prise en charge de déchets radioactifs et la remise en état de sites de pollution radioactive, sur demande et aux frais de leurs responsables, ou sur réquisition publique lorsque les responsables de ces déchets et/ou de ces sites sont défaillants ;

– mettre à la disposition du public des informations relatives à la gestion des déchets radioactifs et participer à la diffusion de la culture scientifique et technologique dans ce domaine ;

– diffuser à l’étranger son savoir–faire.

Financement de l’ANDRA. – Le financement de l’ANDRA provient des producteurs de déchets radioactifs et de subventions publiques, pour un total de ressources évalué à 259,5 millions d’euros en 2013 (contre 235,2 millions d'euros et 191,8 millions d'euros en 2012 et 2011, respectivement)

Les producteurs de déchets radioactifs (EDF, AREVA, CEA, hôpitaux, centres de recherche, etc.) rémunèrent l’ANDRA dans le cadre de contrats commerciaux, souscrits pour l’enlèvement de leurs déchets et l’exploitation et la surveillance des centres où ils seront stockés. Ils sont également assujettis à une taxe pour les recherches et études sur l’entreposage et le stockage des déchets HA et MA–VL (96,6 millions d'euros en 2013) : cette taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base, dite « taxe de recherche », est collectée par l’Autorité de sûreté nucléaire et versée sur le fonds « Recherche » géré par l’Agence.

Par ailleurs, l’État accorde une subvention à l’Agence pour la réalisation de ses missions d’intérêt général : réalisation et publication de l’inventaire national des matières et déchets radioactifs présents en France, collecte et prise en charge d’objets radioactifs à usage familial et assainissement de sites pollués par la radioactivité lorsque les responsables sont défaillants.

Le graphique ci-dessous présente l’évolution de ces composantes au cours des cinq dernières années, ainsi que les montants inscrits au budget initial 2013.

Pour l’année 2013, les deux principales ressources de l’ANDRA demeurent donc, pour un montant presque identique, la taxe « Recherche » (96,6 millions d’euros, soit 37,2 % du total des produits) et les ressources commerciales (96,2 millions d’euros, soit 37,1 %). Les produits calculés (23,4 % du total) incluent les reports de la taxe recherche et des subventions DGEC/direction générale de la Prévention des risques, les reprises de provisions et la reprise au résultat du financement des immobilisations, au même rythme que les amortissements. Quant aux subventions au titre des missions d’intérêt général, elles ne représentent qu’une fraction minime (2,3 %) des recettes de l’agence.

Centres de stockage gérés par l’ANDRA. – L’ANDRA gère aujourd’hui trois centres de stockage, relevant de la catégorie des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou de celle des installations nucléaires de base (INB).

Centre de stockage des déchets radioactifs de très faible activité. – Exploité par l’ANDRA sur la commune de Morvilliers (Aube) depuis août 2003, le Centre de stockage des déchets radioactifs de très faible activité (CSTFA) – appelé également Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (CIRES) – ouvre une superficie de 45 hectares et est destiné à accueillir 650 000 mètres-cubes de déchets provenant, pour l’essentiel, du démantèlement des installations nucléaires de base. Il se compose de quatre zones : l’aire de stockage, l’aire de dépôt des terres, le bassin d’orage et la zone industrielle.

Le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2013-2015 indique que 203 435 m3 de déchets TFA y étaient déjà stockés à la fin de 2011, soit environ 30 % de la capacité totale du centre.

Le principe de stockage mis en œuvre pour les déchets TFA consiste à les isoler de la biosphère. En fonction de leur nature, les déchets TFA sont au préalable conditionnés dans des « big–bags », essentiellement pour faciliter leur manutention, ou dans des casiers métalliques. Ces déchets sont stockés dans des alvéoles creusées dans l’argile, dont le fond est aménagé pour recueillir d’éventuelles eaux infiltrées, pendant toute la durée du stockage. Ils sont ainsi isolés de l’environnement par un dispositif comprenant :

– une membrane synthétique entourant les déchets, associée à un système de contrôle ;

– une épaisse couche d’argile sous et sur les flancs des alvéoles de stockage ;

– une couverture, elle-même en argile, est disposée au-dessus des déchets.

Pendant l’exploitation et dans le but d’isoler les déchets des eaux de pluie, la mise en place des déchets se déroule à l’abri de ces eaux grâce à des toits démontables, appelés « batibulles ».

Sur un plan juridique et du fait de la faible activité globale qu’il est autorisé à stocker à l’issue de sa période d’exploitation de trente ans, le CSTFA relève de la catégorie des installations classées. Son exploitation par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs a été autorisée par l’arrêté n° 02-3138A du préfet de l’Aube en date du 9 août 2002, qui régit les travaux préliminaires, les conditions d’exploitation des installations, la prévention de la pollution de l’eau et l’air, la prévention du bruit et des vibrations, les déchets d’exploitation, la prévention des risques et la sécurité.

Afin de pouvoir prendre en charge des déchets TFA de diverses origines, le CSTFA est autorisé au titre de plusieurs rubriques de la nomenclature ICPE.

Stockage et entreposage : deux concepts distincts

La loi du 28 juin 2006 définit le stockage de déchets radioactifs comme « l’opération consistant à placer ces substances dans une installation spécialement aménagée pour les conserver de façon potentiellement définitive dans le respect des principes énoncés à l’article L. 542-1 du code de l’environnement ». Elle précise que le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est « le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité ».

La directive européenne du 19 juillet 2011 définit le stockage comme « le dépôt de combustible usé ou de déchets radioactifs dans une installation sans intention de retrait ultérieur ». Elle rejoint la définition du stockage définitif donnée par l’Agence Internationale de l’énergie Atomique, à savoir « la mise en place de déchets radioactifs dans une installation ou un emplacement sans intention de les récupérer ».

La notion de stockage se distingue de celle d’entreposage par son caractère potentiellement définitif et par l’absence d’intention de récupérer les déchets stockés. La loi du 28 juin 2006 définit en effet l’entreposage de matières ou de déchets radioactifs comme « l’opération consistant à placer ces substances à titre temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur à cet effet, dans l’attente de les récupérer ».

Dans la directive européenne du 19 juillet 2011, l’entreposage est défini comme « le maintien de combustible usé ou de déchets radioactifs dans une installation, avec intention de retrait ultérieur ». De façon similaire, l’Agence internationale de l’énergie atomique entend par entreposage « la conservation de déchets radioactifs dans une installation ou un emplacement avec l’intention de les récupérer. »

Centre de stockage des déchets radioactifs de faible et moyenne activités à vie courte. – Le Centre de stockage de la Manche (CSM), premier centre français de stockage de déchets radioactifs de faible et moyenne activité, a vu le jour après la publication du décret du 19 juin 1969 autorisant le CEA à apporter une modification aux installations du centre de la Hague (Manche), par la création d’une installation pour le stockage de déchets radioactifs solides.

D’une superficie d’environ quinze hectares et jouxtant l’actuel établissement d’AREVA à la Hague, le CSM stocke 527 225 m3 de colis de déchets dans ses ouvrages. Son exploitation a officiellement été confiée à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs par un décret du 24 mars 1995. Sa fermeture, après vingt-cinq années d’exploitation, puis sa couverture ont marqué le passage du centre en phase de surveillance, pendant au moins trois cents ans. Ce passage a été encadré par le décret n° 2003-30 du 10 janvier 2003 pour les dispositions concernant la surveillance de l’installation nucléaire de base et de son environnement, ainsi que par un arrêté du même jour pour la gestion de ses rejets gazeux et liquides.

Centre de stockage des déchets radioactifs de faible et moyenne activité à vie courte (CSFMA) - Également appelé centre de l’Aube (CSA), il a pris la suite du CSM. Conçu, construit et exploité par l’ANDRA depuis 1992, il accueille tous les déchets FMA–VC produits en France, avec une capacité de stockage de 1 000 000 m3 de colis de déchets radioactifs. À la fin de 2011, 255 143 m3 de déchets FMA–VC (25,5 % de la capacité totale autorisée) y étaient déjà stockés.

Le CSFMA couvre une superficie de 95 hectares, dont une trentaine sont réservés au stockage proprement dit. Figurent également dans le périmètre de l’installation un réseau de collecte des eaux et un bassin d’orage, un bâtiment d’entreposage des colis de déchets, un atelier de conditionnement des déchets (compactage et injection de béton) ainsi que des laboratoires de surveillance radiologique du site et de son environnement.

La sûreté du stockage est assurée par un concept multibarrières, en considérant qu’un colis de déchets FMA–VC est composé de 15 à 20 % de déchets radioactifs et de 80 à 85 % d’enrobage :

– les déchets sont placés dans des colis, qui constituent la première barrière confinant la radioactivité ;

– les colis de déchets sont placés pour stockage, et après conditionnement, dans des cases de grandes dimensions (24 × 21 × 8 mètres), ou « barrières ouvragées », qui constituent la deuxième barrière. Le déchargement des colis de déchets est effectué par un pont roulant, abrité par un toit mobile qui couvre la case en cours de remplissage et le camion. Toute la procédure de stockage est automatisée. Une fois la case remplie, les colis sont bloqués entre eux par du béton ou du sable. Les cases sont ensuite fermées par une dalle de béton et recouvertes d’une couche de plastique imperméable qui assure leur étanchéité, avant la pose de la couverture finale, à l’issue de la phase d’exploitation ;

– le centre a été construit dans un milieu argileux très favorable, qui constitue la troisième barrière.

Le cycle de vie du CSFMA, identifié comme l’installation nucléaire de base n° 149, comprend trois étapes principales :

– une période d’exploitation, pendant laquelle le centre accueille des déchets pour stockage et qui n’est pas limitée dans le temps (comme pour le CSTFA) ;

– une période de surveillance, d’une durée maximale de trois cents ans, qui doit permettre la décroissance radioactive des radionucléides de période courte ou moyenne jusqu’à un niveau ne présentant plus de risque radiologique significatif ;

– au-delà, les terrains occupés par le centre doivent pouvoir être utilisés sans restriction de nature radiologique.

4. Les organismes ou institutions chargés de la régulation et du contrôle

La régulation et le contrôle du secteur des déchets radioactifs sont aujourd’hui partagés entre différents acteurs : s’il appartient aux pouvoirs publics de définir les axes structurants de la politique nationale, un rôle central se trouve néanmoins dévolu à l’Autorité de sûreté, qui peut éventuellement s’appuyer sur l’expertise de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Instance de concertation et de débat, le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire complète le dispositif.

a) La direction générale de la prévention des risques du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie

Au sein du Gouvernement, les compétences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection sont confiées à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui est alors placée sous l’autorité conjointe des ministres chargés de l’environnement, de l’industrie et de la santé (article 8 du décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 portant organisation de l’administration centrale du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire).

Il revient à la Mission de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (MSNR), placée au sein de la direction générale de la Prévention des risques, de « [proposer], en liaison avec l’Autorité de sûreté nucléaire, la politique du Gouvernement en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, à l’exclusion des activités et installations intéressant la défense, et de la protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants » et de suivre pour le compte des ministres chargés de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, les activités de l’Autorité de sûreté nucléaire (article 8.1.3 de l’arrêté du 9 juillet 2008 portant organisation de l’administration centrale du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire [NOR : DEVK0815773A]).

À ce titre, en liaison avec ladite autorité et sous réserve des attributions de celle-ci, la mission de la sûreté nucléaire et de la radioprotection :

– prépare, le cas échéant en liaison avec les administrations concernées, tous textes législatifs ou réglementaires, toutes décisions ou homologations, toutes mesures relevant de la compétence des ministres chargés de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, notamment ceux prévus par la loi TSN ;

– contribue, en liaison avec les services du ministère en charge de la sécurité civile, à l’élaboration de l’organisation nationale de crise, en cas d’accident sur une installation nucléaire ou sur un transport de matières radioactives ou, plus généralement, d’accident de nature à porter atteinte à la santé des personnes par exposition aux rayonnements ionisants, survenant en France ou susceptible d’affecter le territoire français ;

– assiste les ministres chargés de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dans leurs actions d’information et de communication sur les sujets se rapportant à la sûreté nucléaire et à la radioprotection ;

– contribue à la préparation des positions françaises en vue des discussions internationales et communautaires.

La Mission exerce la tutelle de l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire.

Elle dispose, notamment auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire, des informations utiles à la connaissance du domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, y compris en matière de travaux de recherche et de développement, et peut faire réaliser toutes études utiles dans ce domaine.

Par ailleurs, au titre de la législation des installations classées pour l’environnement (ICPE), elle suit les questions de radioactivité concernant les ICPE et propose les mesures et réglementations dans ce domaine. En liaison avec l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs et la direction générale de l’énergie et du climat, elle propose les priorités d’intervention de l’État en matière de réhabilitation des sites pollués orphelins radioactifs.

b) L’Autorité de sûreté nucléaire

Autorité administrative indépendante créée par la loi TSN, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) assure, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement des risques liés à l’utilisation du nucléaire civil. (18)

Missions de l’ASN. – Les missions de l’ASN se déploient autour de trois axes principaux : la réglementation, le contrôle et l’information du public. (19)

La réglementation. – En matière réglementaire, l’ASN a pour missions principales, d’une part, de donner son avis au Gouvernement sur les projets de décrets et d’arrêtés ministériels et, d’autre part, de prendre les décisions réglementaires à caractère technique nécessaires pour préciser les modalités d’application de ces décrets et arrêtés (exception faite de ceux ayant trait à la médecine du travail).

Dans le domaine des installations nucléaires de base (INB), comme des réacteurs ou certains centres de stockage de déchets radioactifs (20), l’Autorité de sûreté nucléaire peut émettre des avis sur la création d’une telle installation, la fin de son autorisation ou encore son arrêt définitif et le passage en phase de surveillance. Elle est également conduite à fixer, en application du décret d’autorisation de création d’une INB, les prescriptions qu’elle estime nécessaire pour assurer la sécurité et la santé publiques ainsi que la protection de l’environnement. Ces prescriptions s’appliquent aussi bien à la conception, qu’à la construction et l’exploitation de l’installation.

L’Autorité de sûreté autorise la mise en service de l’installation. Inversement, en cas de risques graves et imminents, elle peut suspendre, à titre provisoire et conservatoire, le fonctionnement d’une telle installation. (21)

Pour ce qui concerne la réglementation relative au transport de matières radioactives, l’Autorité reçoit des expéditeurs les notifications relatives au transport de telles substances selon les prescriptions de la réglementation.

Le contrôle. – En matière de contrôle, l’ASN est chargée de vérifier le respect des exigences applicables aux installations ou activités entrant dans son champ de compétence : il lui appartient donc de s’assurer que tout utilisateur de rayonnements ionisants, tout exploitant d’installation nucléaire ou tout expéditeur de matières radioactives exerce pleinement sa responsabilité et ses obligations en matière de radioprotection ou de sûreté nucléaire.

Dans le cas particulier d’une installation nucléaire, l’Autorité de sûreté peut exercer son contrôle sur tout ou partie de l’installation, ainsi qu’à toutes les étapes de sa vie, de sa conception à son démantèlement, en passant par sa construction, son exploitation et sa mise à l’arrêt définitif. (22)

L’ASN dispose par ailleurs de pouvoirs d’injonction et de sanction adaptés, lui permettant d’imposer à l’exploitant d’une installation ou à la personne responsable de l’activité concernée le respect des conditions qu’elle estime nécessaires à la poursuite de l’activité en cause.

L’information du public. – En matière d’information, l’ASN est chargée de participer à l’information du public, y compris en cas de situation d’urgence.

Elle rend compte de son activité, de ses missions et de l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France dans le cadre de son rapport annuel, qui est transmis au Président de la République, au Parlement et au Gouvernement.

Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. – L’article L. 542-1-2 du code de l’environnement, issu de la loi du 28 juin 2006, prévoit qu’un Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) dresse le bilan des modes de gestion existants des matières et des déchets radioactifs, recense les besoins prévisibles d’installations d’entreposage ou de stockage, précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d’entreposage et, pour les déchets radioactifs qui ne font pas encore l’objet d’un mode de gestion définitif, détermine les objectifs à atteindre.

Ce plan triennal, dont l’élaboration est confiée à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et à l’Autorité de sûreté nucléaire, organise la mise en œuvre des recherches et études sur la gestion des matières et des déchets radioactifs en fixant des échéances pour la mise en œuvre de nouveaux modes de gestion, la création d’installations ou la modification des installations existantes de nature à répondre aux besoins et aux objectifs définis.

c) L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Créé par l’article 5 de la loi n° 2001–398 du 9 mai 2001, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, du ministère du Redressement productif, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du ministère de la Défense et du ministère des Affaires sociales et de la santé. Dans le domaine de la sûreté nucléaire, il constitue le principal appui technique de l’Autorité de sûreté.

Le champ de compétences de l’IRSN couvre l’ensemble des risques liés aux rayonnements ionisants, utilisés dans l’industrie ou la médecine, ou encore les rayonnements naturels. Plus précisément et conformément aux dispositions de l’article 1er du décret n° 2002-254 du 22 février 2002, il exerce ses missions d’expertise et de recherche dans les domaines suivants : sûreté nucléaire, sûreté des transports de matières radioactives et fissiles, protection de l’homme et de l’environnement contre les rayonnements ionisants, protection et contrôle des matières nucléaires, protection des installations nucléaires et des transports de matières radioactives et fissiles contre les actes de malveillance.

Dans le cadre des responsabilités qui lui reviennent, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire :

– réalise des expertises, des recherches et des travaux, notamment d’analyses, de mesures ou de dosages, pour des organismes publics ou privés, français ou étrangers ;

– définit des programmes de recherches, menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche français ou étrangers, en vue de maintenir et développer les compétences nécessaires à l’expertise dans ses domaines d’activité ;

– contribue à la formation en radioprotection des professionnels de santé et des personnes professionnellement exposées ;

– apporte un appui technique à la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense et aux autorités et services de l’État qui en font la demande ;

– propose à la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ou au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense, en cas d’incident ou d’accident impliquant des sources de rayonnements ionisants, des mesures d’ordre technique, sanitaire et médical propres à assurer la protection de la population, des travailleurs et de l’environnement et à rétablir la sécurité des installations ;

– participe à la veille permanente en matière de radioprotection, notamment en concourant à la surveillance radiologique de l’environnement et en assurant la gestion et l’exploitation des données dosimétriques concernant les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants et la gestion de l’inventaire des sources de rayonnements ionisants.

L’effectif global de l’IRSN, au 31 décembre 2012, était de l’ordre de 1 700 agents, dont environ quatre cents se consacrent à l’appui technique de l’ASN. À cette date, le budget global de l’Institut s’élevait à 212 millions d’euros, dont 84 millions d’euros consacrés à l’action d’appui technique à l’ASN. (23)

Une convention-cadre a été signée entre l’Autorité de sûreté et l’IRSN, qui définit les principes gouvernant l’appui technique fourni par l’Institut à l’ASN. Cette convention est précisée chaque année par un protocole, qui recense les actions à réaliser par l’Institut en appui à l’Autorité de sûreté.

Les auditions auxquelles ils ont procédé ont donné à vos rapporteurs le sentiment que la répartition des compétences et des activités entre les différents acteurs n’était pas toujours d’une lisibilité parfaite, pouvant même aboutir à certains chevauchements.

d) Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire

Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) a été créé par les articles 23 à 27 de la loi TSN, aujourd’hui codifiés aux articles L. 125-34 à L. 125-40 du code de l’environnement.

Le HCTISN est composé de membres nommés pour six ans, répartis en sept collèges : un collège de parlementaires (deux députés, deux sénateurs), un collège de représentants des commissions locales d’information, un collège de représentants d’associations de protection de l’environnement, un collège de représentants des exploitants d’activités nucléaires, un collège de représentants d’organisations syndicales de salariés représentatives, un collège de personnalités qualifiées (dont trois désignées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, une par l’Académie des sciences et une par l’Académie des sciences morales et politiques) et un collège de représentants des autorités de contrôle (Autorité de sûreté nucléaire, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et autres services de l’État concernés). En dehors du collège des parlementaires, tous les collèges comptent six membres. (24)

Aux termes de l’article L. 125-34 précité, le Haut Comité est « une instance d’information, de concertation et de débat » sur les risques liés aux activités nucléaires et l’impact de ces activités sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur la sécurité nucléaire. À ce titre, il peut émettre un avis sur toute question dans ces domaines, ainsi que sur les contrôles et l’information qui s’y rapportent.

Il peut également se saisir de toute question relative à l’accessibilité de l’information en matière de sécurité nucléaire et proposer toute mesure de nature à garantir ou à améliorer la transparence définie à l’article L. 125-12 du code de l’environnement.

Il peut enfin être saisi par le ministre chargé de la sûreté nucléaire, par les présidents des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, par le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, par les présidents des commissions locales d’information ou par les exploitants d’installations nucléaires de base de toute question relative à l’information concernant la sécurité nucléaire et son contrôle.

Le code de l’environnement prévoit, de surcroît, que le Haut Comité devra organiser périodiquement « des concertations et des débats concernant la gestion durable des matières et des déchets nucléaires radioactifs » (article L. 125-35, al. 2).

5. Les organisations non gouvernementales

S’il existe des écologistes favorables au nucléaire (25) et des sociétés savantes comme la Société française d’énergie nucléaire, dont l’objet est de « favoriser le progrès des sciences et technologies nucléaires », il n’en reste pas moins que l’opposition au « nucléaire » au sens large, c’est-à-dire aux usages civils et militaires de l’énergie nucléaire, constitue un élément véritablement matriciel des organisations non gouvernementales, au-delà de l’immense diversité qui les caractérise et alors même que tout oppose, dans les objectifs, les méthodes et les moyens, les grandes organisations mondiales, partenaires de négociation institutionnalisés (Greenpeace, WWF), et les petites associations de terrain, regroupements informels et parfois temporaires de citoyens opposés à un projet particulier.

Avec des nuances significatives tenant à leur histoire propre (capacité à développer une expertise technique), à leur positionnement politique (proximité avec les mouvements anticapitalistes et altermondialistes) et aux circonstances locales, ces associations déploient leur opposition de principe au nucléaire selon trois axes principaux :

– sur un plan scientifique, le manque de sûreté des réacteurs et les risques pour l’environnement et la santé, en raison des retombées radioactives, seraient mal maîtrisés, sous-estimés et parfois délibérément occultés ;

– sur un plan économique, le programme nucléaire absorberait des financements considérables, à l’instar du surgénérateur Superphénix, de l’EPR ou encore des travaux sur les réacteurs à neutrons rapides de quatrième génération, le plus souvent largement subventionnés par le Gouvernement et opérés au détriment de l’investissement et de la recherche dans les énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, biomassse, hydrolien, etc.) ;

– sur un plan politique, l’exportation de l’énergie nucléaire et des technologies y afférentes favorisent la prolifération nucléaire, notamment auprès des dictatures, sans que le traité de non-prolifération ait démontré sa capacité à constituer un obstacle efficace à une telle prolifération.

Au confluent du débat sur la transition énergétique, qui devrait se conclure par la présentation d’une loi de programmation à l’horizon de 2014, et du débat public sur l’opportunité d’implanter un centre de stockage de déchets radioactifs MA–VL et HA en Meuse/Haute-Marne, ces associations viennent donc porter un discours très critique, s’appuyant souvent sur des arguments précis et pertinents, mais relevant parfois de l’opposition militante et de la posture politique.

Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont rencontré le réseau Sortir du nucléaire  et la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité [CRIIRAD] (13 novembre 2012) ainsi que France Nature Environnement et les Amis de la terre (5 février 2013). (26) Pour ce qui concerne la gestion à long terme des déchets radioactifs, ces associations mettent en avant un ensemble de positions et d’arguments comparables, que vos rapporteurs estiment pouvoir résumer de la manière suivante :

– l’arrêt du nucléaire – ou un calendrier précis, contraignant, rapide et irrévocable de sortie du nucléaire – constitue un préalable irréfragable à toute réflexion sur les modalités de traitement des déchets existants ;

– le seul fait de rechercher une solution de gestion pour les déchets radioactifs constitue, par lui-même, un moyen de pérenniser le recours à l’énergie nucléaire et le fait de trouver un site de stockage permet de légitimer rétrospectivement l’intégralité du programme électronucléaire ;

– le dimensionnement d’un éventuel site de stockage ne pourrait être calculé précisément qu’une fois l’ensemble des installations productrices de déchets arrêtées et en cours de démantèlement : le débat actuel sur un centre de stockage en Meuse/Haute-Marne est donc prématuré ;

– les risques d’altération des colis stockés, du fait des effluents, et les risques d’incendie ou d’explosion au sein des installations sont minorés par les experts de l’ANDRA ;

– la réversibilité est une notion vide, dépourvue de contenu, inventée pour vaincre les réticences des parlementaires et des populations concernées ;

– le coût d’un centre de stockage est considérable et très incertain, puisque les évaluations présentées par les pouvoirs publics sont comprises entre 15 et 35 milliards d’euros.

6. Les commissions locales d’information

En application d’une circulaire du Premier ministre Pierre Mauroy en date du 15 décembre 1981, des commissions locales d’information (CLI) ont été mises en place dans les années quatre-vingt autour de la plupart des installations nucléaires, à l’initiative des conseils généraux.

La loi du 13 juin 2006, complétée par le décret n° 2008-251 du 12 mars 2008, a conforté l’existence des CLI en leur donnant un statut législatif. L’article 22 de la loi a ainsi prévu la création d’une CLI auprès de chaque installation nucléaire de base, une CLI pouvant être commune à plusieurs installations proches. La mission des CLI est définie comme une mission générale de suivi, d’information et de concertation en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection et d’impact des activités nucléaires sur les personnes et l’environnement, pour ce qui concerne les installations du site. (27)

La loi a confirmé que la création de la CLI incombait au président du Conseil général et a dressé la liste des différentes catégories de membres qui la composent : représentants des conseils généraux, des conseils municipaux ou des assemblées délibérantes des groupements de communes et des conseils régionaux intéressés, membres du Parlement élus dans le département, représentants d’associations de protection de l’environnement, des intérêts économiques et d’organisations syndicales de salariés représentatives et des professions médicales, ainsi que personnalités qualifiées. Les représentants des services de l’État, dont ceux de l’Autorité de sûreté nucléaire, et ceux de l’exploitant participent de plein droit avec voix consultative aux travaux de la CLI. (28)

La CLI reçoit les informations nécessaires à sa mission de la part de l’exploitant, de l’ASN et des autres services de l’État. Elle peut faire réaliser des expertises ou faire procéder à des mesures relatives aux rejets de l’installation dans l’environnement.

Les CLI sont financées par les collectivités territoriales et par l’Autorité de sûreté nucléaire. En 2012, l’ASN a décidé d’accroître de deux tiers son soutien aux CLI et à leur fédération en y consacrant environ un million d’euros. L’ASN sollicite depuis plusieurs années le Gouvernement pour que soit mis en œuvre le dispositif, prévu par la loi du 13 juin 2006, d’abondement du budget de la dizaine de CLI à statut associatif par un prélèvement sur la taxe INB, mais cette disposition n’a pas encore été mise en place.

En septembre 2000 et afin de fédérer les expériences et les attentes des CLI existantes ou assimilées et de mieux relayer leurs voix auprès des instances nationales et internationales, celles-ci se regroupent au sein de l’Association nationale des commissions locales d’information (ANCLI). Quelques années plus tard et en conformité avec les dispositions de la loi de 2006 précitée, l’Association s’élargit à l’ensemble des comités et commissions locales d’information (ANCCLI).

On compte aujourd’hui trente–quatre CLI – y compris le comité local d’information et de suivi (CLIS) du laboratoire souterrain de Bure, créé en application de la loi du 30 décembre 1991 (article L. 542-13 du code de l’environnement). S’y ajoutent les commissions d’information créées respectivement par arrêté du ministre de la défense ou du ministre chargé de l’industrie pour les sites d’exploitation des installations nucléaires de base secrètes et pour les lieux habituels de stationnement des navires militaires à propulsion nucléaire (articles R. 1333-38 et R. 1333-39 du code de la défense).

L’audition de Mme Monique Sené, présidente de l’ANCCLI (15 novembre 2012), a démontré qu’incontestablement, le bon fonctionnement des CLI contribue à la sûreté par l’interpellation régulière des responsables et qu’il est un élément important de la démocratie écologique.

Il faut se féliciter de ce que l’Autorité de sûreté nucléaire invite régulièrement, avec l’accord des exploitants, des représentants de CLI à participer à ses inspections et qu’une circulaire de celle-ci aux exploitants d’INB, diffusée à la fin 2007, incitait déjà ces exploitants à faciliter l’accès des CLI, le plus en amont possible, aux dossiers des procédures dans lesquelles l’avis de la CLI sera requis – de manière à ce que celle-ci dispose de suffisamment de temps pour produire un avis étayé.

Il n’en paraît pas moins souhaitable à vos rapporteurs que le droit d’accès des commissions à l’information, parfois contesté, soit réaffirmé et que leurs moyens soient consolidés afin de mieux asseoir leur capacité d’analyse et d’expertise critiques. Alors que la taxe sur les INB rapporte de l’ordre de six cents millions d’euros par an, l’ANCCLI a exprimé le souhait que les commissions locales puissent bénéficier du reversement de 1 % de ce montant, afin de pouvoir garantir leur fonctionnement en se dotant d’un chargé de mission et d’un secrétariat permanents – une proposition dont vos rapporteurs apprécient différemment l’opportunité.

II.— LE STOCKAGE GÉOLOGIQUE PROFOND DES DÉCHETS MA-VL ET HA : UNE SOLUTION DE RAISON

La recherche de solutions durables de gestion pour les déchets MA–VL et HA constitue la question la plus complexe qui soit aujourd’hui posée, puisqu’elle confronte les responsables politiques à une série de décisions dont les conséquences s’inscriront dans une durée supérieure à celle de plusieurs centaines de générations. Une durée si longue, en vérité, que le référentiel n’en est plus donné par l’expérience humaine, mais par l’écoulement du temps géologique.

Un consensus international se dégage néanmoins autour du stockage géologique profond comme solution de référence pour ces déchets et, de fait, les options alternatives ne paraissent pas à la hauteur des enjeux de pérennité et de sûreté requis. Ce consensus est porté tant par les instances de réflexion internationales, que par les États eux-mêmes, dans le cadre des politiques qu’ils mettent en œuvre au plan national.

Dans le cadre d’une réflexion inscrite dans la durée, la France s’est également engagée dans cette voie et devra opérer, dans les années à venir, une série de choix structurants.

A.— LES EXEMPLES INTERNATIONAUX

Les réflexions conduites dans le cadre des instances multilatérales compétentes en matière d’énergie nucléaire font apparaître un consensus des experts sur les modalités les plus appropriées de gestion à long terme des déchets radioactifs. Parallèlement et selon des rythmes qui leur sont propres, de nombreux États s’engagent dans la voie du stockage géologique profond.

1. Les recommandations des organismes internationaux en matière de gestion à long terme des déchets radioactifs

Les réflexions des organismes internationaux en matière de gestion à long terme des déchets radioactifs, qu’il s’agisse de l’Agence internationale de l’énergie atomique (2003), de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (2008) ou de l’Union européenne (2011), convergent pour considérer que le stockage géologique profond constitue la meilleure solution aujourd’hui disponible.

Recommandations de l’Agence internationale de l’énergie atomique. – L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a pris position en 2003 sur la question de la gestion à long terme des déchets radioactifs, dans le cadre d’un document intitulé « The Long Term Storage of Radioactive Waste : Safety and Sustainability. A Position Paper of International Experts »(29) Les experts sollicités se sont interrogés sur les modalités d’une gestion durable de ces déchets, c’est-à-dire une gestion qui ne soit pas à l’origine de charges disproportionnées pour les générations futures.

Comparant l’entreposage à long terme et le stockage géologique profond, ils dressent la liste des éléments à prendre en considération pour assurer la sûreté et la soutenabilité des installations et pèsent leurs avantages et leurs inconvénients respectifs :

– l’entreposage des déchets a fait la preuve de sa sûreté sur plusieurs décennies et peut être considéré comme une solution sûre, aussi longtemps néanmoins que la surveillance et l’entretien sont assurés. Inversement, le stockage profond garantit une sûreté à long terme sans surveillance ni entretien ;

– l’entretien d’une installation est plus aisé en surface qu’en sous-sol, mais la maintenance d’une telle installation de surface nécessite la présence et l’activité continues, sur place, d’autorités et d’institutions – ce que rien ne garantit à très longue échéance ;

– la récupération des colis entreposés est plus aisée en surface qu’en profondeur, mais des techniques existent pour mettre en place une installation de stockage profond qui garantisse également la possibilité de récupérer les colis de déchets pendant une longue période ;

– le stockage des matières et déchets dangereux en profondeur est un élément de sécurité, puisque la possibilité d’intrusions et d’actions malveillantes est réduite ;

– les installations de stockage se caractérisent par des investissements élevés de départ et des coûts d’exploitation réduits (voire nuls), alors que les installations d’entreposage conduisent à des investissements plus limités, mais à des coûts d’exploitation substantiels ;

– les populations intéressées sont plus hostiles aux installations de stockage qu’aux installations d’entreposage ;

– l’entreposage à long terme nécessite un transfert continu d’information aux générations futures.

Les experts écartent de leur raisonnement la proposition consistant à différer toute action jusqu’à ce qu’une solution scientifique préférable soit trouvée. Ils estiment en effet qu’après plusieurs décennies de recherche sur le stockage des déchets radioactifs, « le stockage géologique est la seule approche qui ait acquis une large crédibilité au sein de la communauté scientifique » et « qu’il est hautement improbable qu’aucune idée complètement neuve apparaisse ».

Mettant en définitive l’ensemble des arguments en balance, tant au plan technique qu’aux plans social et financier, ils concluent que « pour les déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, le consensus international des experts en matière de gestion des déchets estime qu’une installation technique à grande profondeur – stockage géologique – est la meilleure solution qui soit actuellement disponible dans un horizon prévisible »(30)

Déclaration de l’Agence de l’énergie nucléaire. – Le Comité de la gestion des déchets radioactifs (Radioactive Waste Management Committee, RWMC) de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques a publié en 2008 une déclaration collective intitulée « Progresser sur la voie du stockage géologique des déchets radioactifs »(31)

S’interrogeant sur le point de savoir si le stockage en formation géologique est une solution adaptée pour les déchets de haute activité et à vie longue, les experts proposent les éléments de réponse suivants :

– les déchets les plus dangereux et à vie longue, comme le combustible nucléaire usé et les déchets de haute activité issus de son retraitement, doivent être confinés et isolés de l’homme et de l’environnement pendant des dizaines de milliers d’années ;

– quel que soit l’avenir de l’énergie nucléaire dans les différents pays, il est communément admis qu’il est nécessaire d’œuvrer pour des solutions sûres et acceptables visant à stocker les déchets de haute activité et à vie longue déjà produits ou qui seront produits dans le cadre des pratiques actuelles ;

– le stockage géologique assure une protection d’un niveau et d’une durée exceptionnels vis-à-vis des déchets de haute activité et à vie longue. Le confinement des déchets est fondé sur la capacité du milieu géologique local et des ouvrages de stockage à remplir des fonctions de sûreté spécifiques, et ce, de manière complémentaire. Ces composants jouent alors des rôles de barrières multiples ;

– un large consensus scientifique se dégage parmi les experts du monde entier sur la faisabilité technique du stockage. Ce consensus s’appuie a) sur la quantité considérable de données expérimentales acquises sur les différentes formations géologiques et sur les matériaux d’ingénierie étudiés, ces données ayant été obtenues à partir de travaux de reconnaissance géologique menés depuis la surface ainsi que dans les installations de recherche et de démonstration en souterrain, b) sur l’état de l’art des techniques de modélisation, c) sur l’expérience acquise de l’exploitation de stockages souterrains d’autres catégories de déchets, ainsi que d) sur les avancées en matière d’évaluation de la sûreté des projets de stockages géologiques.

– l’éventail de milieux géologiques qui permet de réaliser le stockage est large, dès lors que le site est soigneusement sélectionné et que la conception, l’architecture de l’installation et les barrières ouvragées y sont adaptées pour satisfaire l’ensemble des fonctions requises.

Directive de l’Union européenne sur la gestion responsable du combustible et des déchets radioactifs. – La directive européenne 2011/70/Euratom ayant pour objectif d’établir un cadre communautaire garantissant « la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs afin d’éviter d’imposer aux générations futures des contraintes excessives », la question de la gestion à long terme des déchets radioactifs s’y trouve mentionnée dans deux considérants.

Le considérant 21 rappelle que les déchets radioactifs, y compris le combustible usé considéré comme déchet, doivent être confinés et isolés durablement des êtres humains et de la biosphère. Du fait de leur nature spécifique, à savoir de leur teneur en radionucléides, il est impératif de prendre des dispositions afin de protéger l’environnement et la santé humaine contre les dangers résultant des rayonnements ionisants, y compris de mettre en place un stockage dans des installations appropriées qui serviront d’emplacement final. Dès lors, « l’entreposage de déchets radioactifs, y compris à long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage. »

Le considérant 23 porte plus spécifiquement sur le stockage des déchets radioactifs. Pour ce qui concerne le stockage des déchets radioactifs de faible et de moyenne activité, la solution traditionnellement retenue est le stockage en surface. Pour ce qui concerne les déchets de haute activité et le combustible usé considéré comme déchet, « il est communément admis que sur le plan technique, le stockage en couche géologique profonde constitue, actuellement, la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion [de ces déchets]. » Tout en conservant la responsabilité de leurs politiques respectives en matière de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs de faible, moyenne ou haute activité, « les États membres devraient prévoir la planification et la mise en œuvre de solutions de stockage dans leurs politiques nationales. » Étant donné que le processus de mise en place d’installations de stockage s’étendra sur plusieurs décennies, « de nombreux programmes reconnaissent la nécessité d’être flexible et adaptable, par exemple pour intégrer de nouvelles connaissances sur l’état des sites ou une éventuelle évolution des systèmes de stockage (…) : à cette fin, la réversibilité et la récupérabilité en tant qu’éléments d’exploitation et de conception peuvent servir à orienter la mise au point technique d’un système de stockage. Toutefois, ces éléments ne pourraient remplacer une installation de stockage bien conçue et destinée à être fermée, le cas échéant. »

2. Les solutions adoptées à l’étranger : revue de quelques exemples

En matière de gestion des déchets à haute activité, la plupart des pays s’orientent vers un stockage en couche géologique profonde. Ces pays se trouvent néanmoins à des stades très différents du processus de sélection du site et de construction de leurs futures installations.

La Finlande et la Suède sont les deux pays qui ont poussé le plus avant leurs réflexions en ce sens, puisqu’elles ont déjà sélectionné les sites d’Olkiluoto et d’Osthammar, respectivement, qu’elles abordent la phase de demande d’autorisation de construction et que la mise en service de leur centre de stockage est prévue entre 2020 et 2025.

En Finlande, les opérations de creusement du laboratoire souterrain d’Onkalo, visant à caractériser le milieu granitique souterrain en vue de la réalisation du stockage, avaient atteint la profondeur de référence de 420 m à l’été 2010. Plusieurs essais in situ sont, depuis, en cours de réalisation, afin d’examiner les caractéristiques géologiques du massif : ils comprennent notamment des études des propriétés hydrologiques, de rétention et de comportement mécanique des roches, ainsi que l’analyse des transformations géochimiques susceptibles de se produire. Selon les informations publiées, les essais d’un pilote de fabrication des matériaux de confinement et de mise en place des colis ont d’ores et déjà commencé.

En Suède, où vos rapporteurs se sont rendus du 21 au 24 mai 2013, un site a été sélectionné en juin 2009, à l’issue de plusieurs années d’études et d’investigations détaillées et d’un important programme d’expérimentation au laboratoire d’Äspö (proche du site non retenu d’Oskarshamn). Une demande d’autorisation pour la construction d’un stockage géologique de combustibles usés a été déposée en mars 2011. S’il est autorisé, le stockage de combustibles sera construit à environ 500 m de profondeur, dans une roche granitique. Sa construction devrait débuter en 2015 et se poursuivre jusqu’au commencement des années 2020. (32)

Aux États-Unis, après que le site de Yucca Mountain eut été retenu en 2002, la direction de la gestion des déchets radioactifs civils (Office of Civilian Radioactive Waste Management) du ministère de l’Énergie (Department of Energy) a déposé une demande d’autorisation de construction du stockage en juin 2008. Le dossier ayant été jugé conforme, son instruction a été acceptée par l’autorité de sûreté (Nuclear Regulatory Commission). Devant la difficulté à faire émerger un consensus bipartisan sur ce dossier, l’administration Obama a estimé que le site Yucca Mountain ne pourrait constituer une option réalisable pour le stockage à long terme des combustibles usés. Depuis 2009, la phase de préparation du stockage n’est donc plus financée et l’instruction de la demande d’autorisation de création est suspendue. (33)

La Blue Ribbon Commission, créée en janvier 2010 pour examiner toutes les options stratégiques possibles concernant la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs de haute activité, a remis son rapport le 26 janvier 2012. Elle y réaffirme que la solution de référence doit être le stockage géologique, recommande la mise en place d’un organisme en charge du stockage des déchets radioactifs et souligne l’importance qui s’attache à l’acceptation des installations par les populations locales.

De nombreux autres pays se sont engagés dans des démarches d’identification de site et d’approfondissement des recherches, avec des calendriers souvent assez imprécis. Le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2013-2015 dresse l’état des lieux suivants (p. 186 et suivantes) :

– Au Japon, le processus de sélection d’un site de stockage pour les déchets vitrifiés a été lancé, avec l’objectif d’une mise en service des installations vers 2035. Après qu’un premier appel à candidatures n’eut pas donné de résultats, une nouvelle campagne d’information a été engagée en 2009, en préparation du lancement d’un nouveau dispositif d’appel à candidatures ;

– l’Allemagne s’est fixé un objectif de début d’exploitation de son centre de stockage géologique aux alentours de 2030 et 2040. Après l’expiration en 2010 du moratoire concernant le stockage de Gorleben, le travail d’exploration souterraine du dôme de sel a repris, en lien avec une analyse de sûreté approfondie. La conformité de Gorleben avec les normes internationales de sûreté les plus récentes doit notamment être examinée par un groupe d’experts internationaux dans le courant de l’année 2013 ;

– la Belgique et le Canada, où un processus progressif associant l’ensemble des parties prenantes a été mis en place, ont choisi de se concentrer sur les recherches sur le stockage géologique et de repousser la sélection d’un site à une date ultérieure ;

– au Royaume-Uni, le gouvernement a demandé à la Nuclear Decommissionning Authority d’étudier la possibilité d’accélérer le programme de réalisation d’un stockage géologique, afin de permettre l’exploitation de ce stockage dès 2029 (au lieu de 2040 comme initialement prévu) ;

– les Pays-Bas ont construit un entreposage de longue durée (de l’ordre du siècle), le stockage géologique devant être étudié d’ici là ;

– en Espagne, la mise en service d’une installation de stockage des combustibles usés, des déchets de haute activité et de certains déchets de moyenne activité, est envisagée à l’horizon de 2050. Le site de Villar de Carias, situé dans la province de Cuenca à environ 130 km au sud-est de Madrid, a été choisi en 2011 pour accueillir un centre d’entreposage de combustibles usés et de déchets HA. La politique de gestion des déchets radioactifs devrait être précisée dans le prochain plan général de gestion des déchets radioactifs.

B.— LES OPTIONS ALTERNATIVES AU STOCKAGE

Des solutions alternatives au stockage ont été recherchées. Alors que l’option du rejet des déchets radioactifs en mer ou dans l’espace paraît aujourd’hui définitivement abandonnée, du fait des problèmes d’acceptabilité, de sûreté et de coût soulevés, certains défendent la solution de l’entreposage en subsurface. Pour ce qui concerne la séparation–transmutation, les travaux de recherche ne semblent pas pouvoir être aisément convertis en processus techniques industrialisables.

1. Le rejet des déchets radioactifs en mer ou dans l’espace

Rejet des déchets radioactifs en mer. – L’évacuation en mer constitue, depuis toujours, un moyen sommaire de gestion de tous types de déchets et les déchets radioactifs n’ont pas fait exception à cette règle. La solution de l’immersion simple de ces déchets, c’est-à-dire leur dépôt sur les fonds marins, sans enfouissement et après conditionnement pour les plus actifs d’entre eux, a été considérée, dans l’après-guerre, comme sûre par la communauté scientifique, car la dilution et la durée présumée d’isolement apportées par le milieu marin étaient suffisantes.

Cette pratique a donc été mise en œuvre par de nombreux pays pendant plus de quatre décennies, à partir de 1946. Au début des années soixante, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a recommandé que ces immersions aient lieu dans des sites spécialement désignés par une autorité compétente, qui assurerait également le contrôle des opérations. A partir de 1967, l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE, qui ne comptait alors comme membres que des pays européens, a commencé à coordonner les collectes de déchets entre les États européens candidats, en vue d’optimiser les opérations d’immersion.

Les déchets radioactifs qui ont fait l’objet d’immersions se présentent sous plusieurs formes :

– des déchets liquides, directement évacués en mer sur des sites dédiés ou mis en conteneurs, mais non solidifiés ;

– des déchets solides non conditionnés ou, pour la plupart, emballés, généralement dans des fûts métalliques et après incorporation dans une matrice de béton ou de bitume conformément aux recommandations de l’AIEA ;

– des éléments d’installations nucléaires, comme des cuves de réacteurs nucléaires, contenant éventuellement du combustible, provenant des États-Unis ou de l’ex-Union soviétique.

Entre 1946 – date de la première opération d’immersion réalisée par les États-Unis dans le Pacifique Nord-Est, à quelque quatre-vingt kilomètres au large de la côte de Californie – et 1982 – date de la dernière opération d’immersion (hors ex-Union soviétique), réalisée dans l’Atlantique, à environ 550 kilomètres au large du plateau continental européen, sous l’égide de l’Agence pour l’énergie nucléaire – quatorze pays ont procédé à des immersions dans plus de quatre-vingt sites du Pacifique et de l’Atlantique (et de ses mers adjacentes). L’activité totale des déchets immergés était d’environ 85 000 térabecquerels à la date de leur immersion et la carte ci-dessous recense les différents sites utilisés.

Les opinions publiques et certains partis politiques se sont néanmoins montrés de plus en plus préoccupés par les risques éventuels pour la santé humaine et l’environnement qu’implique l’évacuation en mer des déchets radioactifs :

– la Convention de Londres de 1972, reconnue comme le principal dispositif international de contrôle de l’immersion de déchets dans la mer, a interdit, dès son entrée en vigueur en 1975, l’immersion de déchets fortement radioactifs et a exigé une autorisation spéciale pour immerger les déchets faiblement radioactifs ;

– un moratoire volontaire sur l’immersion de ces déchets a été adopté en 1983, dans l’attente d’un examen global de la question ;

– à l’issue de cet examen, auquel a largement contribué l’AIEA, les parties signataires de la Convention ont décidé en 1993 d’interdire l’immersion de tout type de déchets radioactifs dans la mer, en précisant toutefois que cette décision ne se fondait pas sur des considérations scientifiques et techniques, mais plutôt sur des critères moraux, sociaux et politiques.

Il ne semble naturellement ni possible, ni souhaitable de revenir sur cette interdiction, d’autant que les résultats de certaines campagnes d’exploration sous-marines – comme celle conduite par l’association Greenpeace, au début des années 2000, dans la fosse des Casquets utilisée par le Royaume-Uni et la Belgique – ont pu aboutir à des résultats inquiétants (dégradation de nombreux fûts).

Rejet des déchets radioactifs dans l’espace. – On mentionne également, pour mémoire, que l’envoi des déchets radioactifs de haute activité à vie longue dans l'espace est une possibilité parfois évoquée pour les éliminer de la biosphère.

Une série d’obstacles confèrent à cette solution un caractère très peu réaliste :

– le coût à la tonne serait prohibitif, puisque directement lié au coût unitaire d’un lanceur spatial ;

– les quantités susceptibles d’être mises en orbite solaire sont limitées par les capacités des lanceurs (une dizaine de tonnes pour un lanceur comme Ariane V) ;

– le risque de voir les colis de déchets retomber en cas d'incident n'est pas négligeable, sans parler de celui de voir la fusée exploser au lancement et porter les conteneurs à très forte température.

L'envoi de déchets dans l'espace, autour du Soleil, semble donc une perspective très hypothétique, du fait du coût et des risques d'une telle entreprise.

2. L’entreposage en subsurface

Cet axe de recherche a été confié au Commissariat à l’énergie atomique, qui a étudié l’entreposage de longue durée de la totalité des déchets MA–VL et HA. Cet axe de recherche couvrait aussi les combustibles usés dans une hypothèse de non traitement ou de traitement différé. L’objectif initial de l’étude était d’évaluer la faisabilité d’une durée d’exploitation des entreposages au-delà de la centaine d’années (jusqu’à trois cents ans) et de simplifier leur surveillance et leur maintenance, afin d’en réduire la charge sur le long terme et d’en accroître ainsi la pérennité.

Dans le prolongement de la loi du 30 décembre 1991, la puissance publique avait demandé que des options en surface et en sub-surface soient étudiées indépendamment du choix d’un site. Finalement, six architectures ont été développées par le CEA pour les déchets MA–VL, les déchets HA vitrifiés et les combustibles usés.

Le CEA et l’ANDRA ont réalisé une revue commune de l’ensemble du programme réalisé par le CEA, dans l’objectif de transférer dans les meilleures conditions et le plus complètement possible les connaissances issues de ces études menées jusqu’en 2005. Sur les différents thèmes, le CEA et l’ANDRA se sont attachés à mettre en évidence les besoins complémentaires qui existeraient dans le cadre de la consolidation du dossier d’un entrepôt de durée séculaire, durée correspondant à l’objectif des études de l’ANDRA dans une complémentarité avec le stockage.

Afin d’explorer la robustesse des concepts nouveaux d’entreposage dont il avait à évaluer la faisabilité, le CEA a été amené à prendre en compte, dans son analyse de risque, des scenarii accidentels avec des paramètres majorés par rapports aux règles habituelles applicables aux installations nucléaires de base. La durabilité des structures a été recherchée en recourant à des matériaux éprouvés, dont les mécanismes d’altération sont maîtrisés et prévisibles et en instaurant naturellement autour des colis de déchets, dans les alvéoles ou les fosses d’entreposage, des conditions hygrométriques et thermiques favorables.

Les recherches ont globalement montré les limites des concepts d’entreposage de longue durée étudiés. Vis-à-vis de la durabilité des installations, la Commission nationale d’évaluation a considéré en 2006 que la possibilité de prolonger au-delà d’un maximum de cent ans la période d’exploitation d’un entreposage n’était pas démontrée. Dans l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, entreposer des déchets sur plusieurs siècles imposerait donc un renouvellement périodique des installations.

Une autre limite concerne la passivité de l’installation. La sûreté de l’installation impliquera nécessairement une maintenance et une surveillance régulières. Si des structures d’entreposage en surface ou en sub-surface aussi passives que celles étudiées par le CEA étaient laissées en l’état, elles ne pourraient protéger durablement l’homme et l’environnement de la radioactivité des déchets.

Seules des installations de stockage dans une formation géologique appropriée, placées suffisamment à l’abri des évolutions naturelles et anthropiques et sous réserve qu’elles puissent être fermées, seront capables d’assurer la protection de l’homme et de l’environnement sans reposer à terme sur la capacité de la société à maintenir ou renouveler une installation industrielle sur de longues durées. Dans son avis sur les recherches rendu au Gouvernement le 1er février 2006, l’Autorité de sûreté nucléaire a considéré « que l’entreposage de longue durée ne peut pas constituer une solution définitive pour la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue » car il « suppose le maintien d'un contrôle de la part de la société et leur reprise par les générations futures, ce qui semble difficile à garantir sur des périodes de plusieurs centaines d'années ».

3. Les recherches sur la séparation–transmutation

La séparation-transmutation a pour objectif de retirer des déchets ultimes les actinides mineurs, principaux contributeurs à la radio-toxicité à long terme et à la charge thermique résiduelle après période de décroissance.

Dans le cadre des études qu’il a menées au cours de la période 2010-2012, un premier ensemble de conclusions a pu être dégagé par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (34) :

– la transmutation de l’américium et du curium permettrait de réduire la radiotoxicité à long terme des déchets ultimes jusqu’à un facteur 100 à un horizon compris entre mille et dix mille ans, sans toutefois apporter de gain relatif à l’impact radiologique du stockage. En effet, l’ANDRA a mis en évidence que la forte rétention dans les argilites du callovo-oxfordien confinait ces radionucléides dans un champ proche et que le flux d’activité associé aux actinides mineurs sortant de la formation hôte était négligeable ;

– la transmutation du seul américium présenterait une incidence limitée sur la toxicité à long terme, mais permettrait de réduire l’emprise du stockage de l’ordre d’un facteur 2 à 5 (la réduction d’un facteur 5 nécessiterait un entreposage préalable de cent vingt ans) pour les seuls déchets HA ;

– la transmutation des actinides mineurs n’a de sens que si l’on met en œuvre un multirecyclage du plutonium ;

– la transmutation n’est efficace que si elle conduit à la fission des actinides : en ce sens, les systèmes à neutrons rapides sont les plus appropriés.

La transmutation demeure une opération complexe, puisqu’elle nécessite d’abord la récupération des éléments d’intérêt (séparation des actinides mineurs), avant que n’intervienne leur recyclage en réacteur pour les fissionner, diverses options étant envisageables à ce titre. Si les recherches menées par le CEA ont permis de valider, sur des combustibles réels et à l’échelle du laboratoire, des procédés de séparation des actinides mineurs et certains dispositifs de transmutation, il semble néanmoins que ces concepts restent à consolider et qu’ils nécessiteraient, avant industrialisation, des expérimentations à plus grande échelle.

La mise en œuvre ne pourrait, en toute hypothèse, intervenir qu’avec le déploiement de systèmes à neutrons rapides dans le parc. Le déploiement d’une telle stratégie, tant au niveau du réacteur qu’au plan du cycle, devrait naturellement être replacé dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la structure du mix énergétique français et son évolution souhaitable pour les années à venir.

En toute hypothèse et en l’état des connaissances actuelles, une récupération à des fins de transmutation des actinides mineurs piégés dans les déchets vitrifiés ne paraît pas envisageable : la mise en œuvre de l’option de transmutation ne supprime donc pas le besoin d’un stockage géologique pour les déchets ultimes existants.

Selon le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2013-2015, les objectifs des recherches pour les trois années à venir seront essentiellement :

– de consolider les concepts de séparation mis au point pour la récupération des actinides mineurs ;

– de poursuivre le développement des procédés de fabrication des combustibles chargés en actinides mineurs ;

– de poursuivre les irradiations expérimentales relatives aux divers concepts envisagés pour la transmutation des actinides mineurs, et de préciser les possibilités de démonstration dans le prototype ASTRID ainsi que dans l’installation MYRRHA;

– d’affiner les évaluations technico-économiques selon divers scénarios de déploiement ;

– de poursuivre la recherche amont, exploratoire ou fondamentale dans le domaine.

C.— LE CHOIX DE LA FRANCE : DE LA LOI DE 1991 AU DÉBAT SUR LA CONSTRUCTION DE CIGÉO

En France, la question des modalités de gestion des déchets a été posée presque concomitamment à la mise en place de la filière nucléaire. Le législateur a inscrit sa réflexion dans la durée, définissant des orientations en 1991 et tirant, quinze ans plus tard, les enseignements des recherches entreprises. Les travaux conduits par l’ANDRA dans son laboratoire de Bure ont confirmé la faisabilité d’un centre industriel de stockage géologique, dont l’opportunité de la création se trouve aujourd’hui mise au débat.

1. Les choix du législateur en 1991 et 2006

Le choix de la solution du stockage géologique profond comme solution de référence est le produit d’une réflexion inscrite dans la durée, associant étroitement le Parlement, les experts scientifiques et la société civile.

Les dispositions de la loi du 30 décembre 1991. – Les premières orientations des recherches à mener sur la gestion des déchets à haute activité et à vie longue ont été fixées il y plus de vingt ans, dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991, dite « loi Bataille ».

À l’époque, le législateur avait demandé aux institutions compétentes d’approfondir leurs recherches selon trois axes principaux :

– la séparation et la transmutation des radionucléides à vie longue présents dans les déchets (cf. § 3 supra) ;

– l’entreposage de longue durée : les recherches, menées par le CEA, avaient pour objectif d’étudier des concepts d’installations d’entreposage, en surface ou à faible profondeur, conçues pour des durées longues (de l’ordre de trois cents ans) ;

– le stockage profond : cet axe de recherche a été confié à l’ANDRA, qui a été chargée d’identifier des sites géologiques favorables à l’implantation d’un centre de stockage profond et d’en étudier la sûreté et la faisabilité.

La loi avait prévu quinze années de recherche afin que chaque axe puisse faire l’objet d’une proposition étayée aux plans scientifique et technique : un nouveau « rendez-vous » devant le Parlement était donc fixé à l’horizon de l’année 2006.

Les conclusions des études réalisées par le CEA et l’ANDRA. – En 2005, le CEA et l’ANDRA ont remis à l’État les résultats des recherches menées sur les trois axes précités et l’Autorité de sûreté nucléaire a publié, le 1er février 2006, un Avis sur les recherches relatives à la gestion des déchets à haute activité et à vie longue (HAVL) menées dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991.

Pour ce qui concerne la séparation-transmutation, les analyses du CEA de l’époque montraient que cette technique ne supprimait pas la nécessité d’un stockage profond, car elle ne serait applicable qu’à certains radionucléides contenus dans les déchets — à savoir, ceux de la famille de l’uranium, également appelés « actinides mineurs » (américium, curium, neptunium). Par ailleurs, les installations nucléaires nécessaires à la mise en œuvre d’une telle technique produiraient elles-mêmes des déchets qui nécessiteraient aussi d’être stockés en profondeur pour des raisons de sûreté.

Pour ce qui concerne l’option d’un entreposage de longue durée, le CEA a conclu que les concepts d’installations étudiés présentaient une robustesse particulière aux aléas externes, techniques ou sociétaux, mais nécessitaient une surveillance et un contrôle pendant toute leur durée de vie pour garantir la possibilité de récupérer les colis de déchets entreposés. En effet, quels que soient les concepts, il reste indispensable de reprendre les colis de déchets lorsque les entrepôts ont atteint leur fin de vie, de les reconditionner (éventuellement) et de construire de nouveaux entrepôts.

Après analyse de ces résultats, l’Autorité de sûreté nucléaire a estimé que l’entreposage de longue durée ne constituait pas une solution définitive, car il supposait de maintenir un contrôle de la part de la société et de prévoir la reprise des déchets par les générations futures, ce qui semble difficile à garantir sur des périodes de plusieurs centaines d’années.

S’appuyant sur l’ensemble de ses recherches, réalisées notamment lors de campagnes de reconnaissance géologique et dans son laboratoire souterrain situé à Bure, l’ANDRA a considéré que la couche d’argile sur le site étudié en Meuse/Haute-Marne présentait toutes les caractéristiques favorables pour accueillir un stockage profond de déchets radioactifs, sûr à long terme. Ces résultats, ainsi que les orientations techniques pour la conception et le fonctionnement du futur stockage, ont été évalués par la Commission nationale d’évaluation mise en place par le Parlement et l’Autorité de sûreté nucléaire. À la demande du Gouvernement, les travaux de l’ANDRA ont également fait l’objet d’une revue par un groupe international d’experts. Ces évaluations ont confirmé les conclusions sur la faisabilité et la sûreté d’un stockage profond sur le site étudié.

Le débat public de 2005-2006. – Les résultats des recherches menées dans le cadre de la loi de 1991 ont fait l’objet d’un débat public national sur la politique de gestion des déchets radioactifs, qui s’est ouvert à la fin de 2005 et clos au début de l’année 2006.

Organisé par la Commission nationale du débat public à la demande des ministères en charge de l’environnement et de l’industrie, ce débat a réuni trois mille participants dans le cadre de treize réunions publiques, afin d’établir un dialogue sur les différentes voies de gestion étudiées.

Le compte rendu du débat a fait émerger deux options, le stockage et l’entreposage, doublées d’un choix éthique : « faire confiance à la géologie ou à la société » :

– la première option retient le stockage géologique comme solution de référence, en tenant compte de l’exigence de réversibilité ;

– la seconde option consiste à mettre en place un « double programme d’essais in situ » – l’un à Bure pour le stockage géologique, l’autre sur un site à déterminer pour l’entreposage de longue durée – et à renvoyer la décision autour de 2020.

La loi du 28 juin 2006. – Dans le souci de mettre en sécurité, à titre définitif, les déchets radioactifs et de limiter les charges qui seront supportées par les générations futures, la loi du 28 juin 2006 entérine le choix du stockage profond réversible pour la gestion à long terme des déchets MA–VL et HA et fixe des échéances pour sa mise en œuvre.

L’ANDRA est chargée de poursuivre les études et les recherches afin de concevoir et d’implanter un centre de stockage profond, de telle sorte que la demande d’autorisation puisse être instruite en 2015 et que, sous réserve de cette autorisation, la mise en service puisse être engagée en 2025.

Le Parlement demande alors que ce stockage soit réversible pour une durée d’au moins cent ans, les conditions de cette réversibilité relevant d’une future loi qui devra être votée avant que le stockage ne puisse être autorisé.

La loi de 2006 décide également de poursuivre les études sur la séparation/transmutation, qui doivent être conduites en lien avec celles menées sur les futures générations de réacteurs nucléaires et sur les réacteurs pilotés par accélérateur, dédiés à la transmutation des déchets.

Pour ce qui concerne l’entreposage, les études et les recherches sont réorientées vers des études appliquées visant à l’extension d’installations existantes ou la création de nouvelles installations. La loi charge l’ANDRA de piloter ces études et d’en assurer la coordination, avec celles sur le stockage profond dans une optique de complémentarité. (35)

2. La construction du laboratoire de Bure et les résultats des recherches

Le choix de la Meuse/Haute-Marne pour l’implantation d’un laboratoire souterrain. – La loi du 30 décembre 1991 prévoyait la création de laboratoires souterrains pour étudier des formations géologiques profondes potentiellement favorables au stockage. À la fin de 1992, une mission de concertation a donc été lancée pour identifier des sites où pourraient être implantés ces laboratoires.

Au terme de la mission, quatre sites ayant manifesté leur intérêt ont été retenus sur la base de critères géologiques : trois disposaient d’une couche argileuse (dans le Gard, la Meuse et la Haute-Marne), un se situait dans un massif granitique (dans la Vienne). L’ANDRA a été autorisée par le Gouvernement à y mener des investigations géologiques, après consultation des collectivités locales qui se sont prononcées en faveur du projet (communes situées à proximité et conseils généraux).

En 1996, l’ANDRA a déposé trois demandes de création de laboratoires souterrains. Les études et sondages préliminaires ont montré que la géologie des sites de la Meuse et de la Haute-Marne, désormais fusionnés en une seule zone en raison de la continuité de la couche argileuse étudiée, était particulièrement favorable. Le site étudié dans la Vienne n’a pas abouti à un consensus scientifique sur la possibilité d’y réaliser un stockage sûr. Pour ce qui concernait le Gard, le site présentait une difficulté liée à son évolution géodynamique à long terme et une forte opposition locale a fini par conduire à l’abandon du projet.

En 1998, le Gouvernement a donc décidé la construction d’un laboratoire souterrain en Meuse/Haute-Marne et la poursuite des études pour trouver un site dans une roche granitique, différent de celui étudié dans la Vienne.

Les travaux de construction du Laboratoire souterrain ont débuté en 2000 dans la commune de Bure, en parallèle des reconnaissances géologiques que l’ANDRA a continué de mener localement. Au cours de cette même année, la recherche d’un site dans une roche granitique a été abandonnée, la mission de concertation n’ayant pas abouti. (36)

La couche de roche argileuse sur laquelle se concentrent les études a été atteinte en 2004 par les puits du Laboratoire souterrain.

Un milieu géologique favorable. – Le site se situe dans la partie Est du bassin de Paris, qui constitue un domaine géologiquement simple, avec une succession de couches de calcaires, de marnes et de roches argileuses qui se sont déposées au fond d’anciens océans. Il ne semble pas exister de ressource naturelle majeure à l’aplomb de la zone étudiée pour le stockage profond. (37) De surcroit, le bassin de Paris est une zone géologique très stable, caractérisée par une très faible sismicité.

La couche argileuse étudiée par l’ANDRA en Meuse/Haute-Marne s’est déposée il y a environ cent soixante millions d’années. Elle est homogène sur une grande surface et son épaisseur est importante (plus de cent trente mètres). Aucune faille affectant cette couche n’a été mise en évidence sur la zone étudiée : les seules failles connues des géologues sont situées hors de cette zone (faille de la Marne, failles de Poissons/Roche-Betaincourt, fossé de Gondrecourt). Cette roche argileuse possède des propriétés qui permettent le confinement à long terme des radionucléides contenus dans les déchets :

– sa très faible perméabilité limite les circulations d’eau à travers la couche. La migration des éléments chimiques solubles se fait très lentement par diffusion (déplacement des éléments dans l’eau) ;

– les capacités de confinement tiennent à la nature argileuse de la roche, qui est constituée d’empilements de feuillets entre lesquels les radionucléides peuvent se fixer.

Les couches géologiques situées au-dessus et en dessous de la couche d’argile sont également peu perméables. Du fait de ces faibles perméabilités, les écoulements d’eau y sont donc très lents.

Le choix de l’argile est une spécificité française, puisque les pays les plus avancés en matière de recherche de site de stockage géologique profond ont souvent retenu des milieux granitiques. Ces milieux présentent en effet des qualités particulières de stabilité dimensionnelle, mais aussi des inconvénients en termes de confinement des effluents. Le choix de la France est donc susceptible d’influer sur la capacité de notre pays à exporter à l’étranger son savoir-faire dans ce domaine.

Les recherches réalisées à Bure. – Les recherches réalisées par l’ANDRA, depuis plus de vingt ans désormais, dans le laboratoire souterrain de Bure répondaient à de multiples finalités :

– disposer d’une connaissance détaillée du milieu géologique (géométrie, structuration, stabilité, homogénéité, continuité, etc.) afin de pouvoir le caractériser finement ;

– définir les modalités de stockage des déchets : colisages, matériaux utilisés, répartition des colis dans les alvéoles, etc. ;

– déterminer le comportement du stockage au cours de son exploitation et après sa fermeture, c’est-à-dire identifier et quantifier les processus thermiques (échauffement de la roche par les colis de déchets), mécaniques (endommagement et convergence du massif rocheux), hydrauliques (mouvements des fluides) et chimiques (altération des matériaux et interactions avec les déchets) qui se dérouleront dans les centaines et milliers d’années suivant l’ouverture du stockage ;

– dimensionner les ouvrages pour en assurer la sûreté en exploitation et préserver le milieu géologique ;

– tester les solutions industrielles qui pourraient être utilisées pour construire, exploiter et fermer le stockage (essais de réalisation de conteneurs et d’alvéoles de stockage, tests de manutention des colis, de moyens de surveillance et de fermeture du stockage, etc.) ;

– assurer le suivi de l’exploitation et fournir les éléments pour la réversibilité.

Sans entrer dans le détail de ces études scientifiques multiples, il convient de retenir qu’elles ont principalement porté sur :

– le contenu détaillé, chimique et radiologique, des colis de déchets ;

– les paramètres fondamentaux concernant les radionucléides (solubilité) et les matériaux du stockage, pour ensuite en évaluer le comportement en conditions de stockage ;

– les propriétés du milieu géologique (perméabilité, composition des eaux contenues dans les pores, conductivité thermique, etc.) acquises à différentes échelles (du centimètre à la dizaine de mètres) pour vérifier sa capacité à accueillir un stockage et à limiter les transferts de la radioactivité ;

– les processus de transfert des éléments dans les matériaux, le milieu géologique ou la biosphère tels que la diffusion et la convection pour déterminer de quelle façon, en quelle quantité et sur quelles échelles de temps et d’espace se déplacent les éléments dans le milieu géologique ;

– la dynamique des phénomènes géologiques comme l’érosion ou les circulations hydrogéologiques dans les couches du bassin de Paris, pour s’assurer de la stabilité du stockage sur de longues échelles de temps.

3. Le projet de Centre industriel de stockage géologique

S’il est autorisé, le « Centre industriel de stockage géologique » (Cigéo) sera composé d’installations de surface, où seront notamment réceptionnés, contrôlés et préparés les colis de déchets, d’une installation souterraine dans laquelle seront stockés les déchets, et d’infrastructures de liaison qui relieront l’installation souterraine à la surface.

Le stockage sera exploité pendant plus de cent ans et construit de manière progressive au fur et à mesure des besoins. Pour garantir son rôle et assurer le confinement des déchets sur de très longues périodes de temps sans nécessiter d’actions humaines, les ouvrages de Cigéo sont ensuite appelés à être progressivement refermés.

L’organisation de Cigéo. – Cigéo sera une installation nucléaire de base composée d’installations de surface, réparties sur deux sites, de puits et de descenderies et d’une installation souterraine. (38)

Installation souterraine. Située à environ cinq cents mètres de profondeur, l’installation souterraine de Cigéo est appelée à se développer au fur et à mesure de l’exploitation. Elle se composera de zones de stockage pour les déchets HA et de zones de stockage pour les déchets MA–VL, de galeries de liaison et d’installations techniques. Au terme de la centaine d’années d’exploitation, cette installation représentera une surface d’environ 15 km².

Les déchets seront stockés, au moyen de dispositifs robotisés, dans des tunnels horizontaux appelés « alvéoles », creusés au cœur de la couche d’argile. Les déchets HA seront stockés dans des alvéoles d’une centaine de mètres de longueur et d’environ 70 cm de diamètre revêtus d’un chemisage métallique. Les déchets MA–VL seront stockés dans des alvéoles de stockage horizontales de quelques centaines de mètres de longueur et d’une dizaine de mètres de diamètre.

Les zones de stockage seront conçues de façon modulaire pour permettre la construction progressive des tunnels dans lesquels seront stockés les déchets.

Infrastructures de liaison. Deux types d’infrastructures serviront à relier les installations de surface de Cigéo à l’installation souterraine. Les puits verticaux seront utilisés pour le transfert du personnel, des engins de chantier, des matériaux et la ventilation des ouvrages souterrains.

Le transfert des colis de déchets se fera par une rampe d’accès, appelée « descenderie », au moyen d’un funiculaire.

Installations de surface. – Les installations de surface de Cigéo seront réparties sur deux sites, dits « zone descenderies » et « zone puits », distants de quelques kilomètres.

Les installations de la « zone descenderies » serviront notamment à la réception, au contrôle et à la préparation des colis de déchets avant leur transfert dans l’installation souterraine par une descenderie. D’une surface d’environ deux cents hectares, cette zone sera composée :

– d’un secteur nucléaire regroupant les installations nécessaires à la réception et au contrôle des colis, à leur conditionnement en colis de stockage et à leur regroupement avant leur transfert vers les alvéoles de stockage ;

– d’un espace pour implanter un futur terminal ferroviaire, si ce mode de transport jusqu’à Cigéo est retenu ;

– des équipements nécessaires au fonctionnement des installations : postes électriques, bassins permettant la récupération et le traitement des eaux de pluie, station d’épuration, etc. ;

– d’une zone dédiée aux travaux de chantier et à la maintenance des installations ;

– de bâtiments d’accueil pour les visiteurs et de zones de vie pour les travailleurs.

Les installations de la « zone puits » seront situées à environ cinq kilomètres de la première zone et serviront essentiellement aux travaux de creusement et de construction des ouvrages souterrains. D’une surface d’environ 110 hectares (hors verses à déblais), cette zone sera située à la verticale de l’installation souterraine et composée :

– d’un secteur dédié aux travaux souterrains ;

– d’un secteur nucléaire qui regroupera les ateliers de maintenance et les différents puits permettant le transfert du personnel et la ventilation de l’installation souterraine ;

– des équipements nécessaires au fonctionnement des installations : postes électriques, bassins permettant la récupération et le traitement des eaux de pluie, station d’épuration, etc.

Les déblais issus du creusement de l’installation souterraine seront stockés à proximité de cette zone et feraient l’objet d’un traitement paysager. Ces verses à déblais seront réalisées progressivement, sur une emprise estimée à terme de l’ordre de 130 hectares. (39)

Construction, exploitation et fermeture de Cigéo. – L’ANDRA prévoit de construire le dispositif de stockage de manière très progressive, la construction de l’installation souterraine se faisant au fur et à mesure des besoins, par tranches successives et les zones en construction étant physiquement séparées des zones en exploitation.

Les déchets seront conditionnés et les colis seront produits sous la responsabilité des producteurs. Un colis ne pourra être accepté qu’après un processus permettant de s’assurer du respect des critères techniques définis par l’ANDRA pour la sûreté du stockage et approuvés par l’Autorité de sûreté nucléaire : les producteurs devront ainsi soumettre à l’ANDRA une demande d’acceptation, dans laquelle ils apporteront la démonstration que les colis de déchets respectent ces critères techniques. Après accord de l’ANDRA, les colis pourront ensuite être expédiés vers Cigéo.

À leur réception sur le site, les colis seront accueillis dans des bâtiments où ils seront retirés des emballages de transport et contrôlés (non-contamination, débit de dose, etc.). Ces bâtiments serviront également à gérer les flux de colis avant leur transfert dans l’installation souterraine.

Les colis de déchets seront placés dans des conteneurs de stockage, certains colis de déchets livrés par les producteurs pouvant être directement prêts pour le stockage. Les colis de stockage seront ensuite placés dans une hotte, qui sera chargée sur un funiculaire, lequel descendra les colis de stockage jusqu’aux alvéoles.

Après que la hotte de transfert se sera appareillée à la porte de l’alvéole de manière à assurer une étanchéité lors de son ouverture, le dispositif de manutention prendra en charge le colis pour le placer dans l’alvéole.

L’inventaire retenu par l’ANDRA pour la conception de Cigéo, dit « inventaire de référence de Cigéo », correspond aux déchets MA–VL et HA issus du fonctionnement et du démantèlement des installations nucléaires, y compris de recherche, passées ou autorisées au 31 décembre 2010 ou sur le point de l’être (ITER). Pour l’essentiel des volumes, il s’agit donc du parc actuel de centrales électronucléaires (y compris l’EPR de Flamanville).

Inventaire de référence de Cigéo

(en mètres cubes)

   

Existants au 31.12.2010

Prévision de production future

TOTAL

Déchets MA–VL

Déchets de structure de combustibles usés

5 600

7 800

13 400

Déchets d’exploitation et de démantèlement

34 100

22 500

56 600

Dont déchets bitumés

10 100

200

10 300

Dont déchets de démantèlement à produire

12 500

12 500

Total MA–VL

≈ 40 000

≈ 30 000

≈ 70 000

Déchets HA

Déchets vitrifiés

2 650

7 350

10 000

Combustibles usés du réacteur EL4 (Brennilis)

27

27

Sources scellées usagées

30

30

Total HA

≈ 2 700

≈ 7 300

≈ 10 000

 

TOTAL HA et MA–VL

≈ 42 700

≈ 37 300

≈ 80 000

Source : HCTISN

Note : les volumes mentionnés sont des volumes (m3) de colis primaires (déchets conditionnés, mais devant ensuite être placés dans des suremballages propres à Cigéo). Ils incluent des marges d’incertitude lorsque les quantités ne sont pas connues avec une totale précision (marges variables en fonction des déchets).

Pour garantir le confinement des déchets sur de très longues périodes de temps sans nécessiter d’actions humaines, les ouvrages souterrains de Cigéo devront être refermés.

La fermeture du stockage se fera de manière progressive, selon un processus décisionnel qui devrait être défini dans la future loi fixant les conditions de réversibilité du stockage. L’installation souterraine sera refermée zone après zone :

– obturation des alvéoles de stockage ;

– construction de scellements (ouvrage en argile gonflante destiné à donner une bonne imperméabilité aux galeries remblayées) et remblaiement des galeries d’accès aux alvéoles puis des galeries principales ;

– remblaiement et scellement des puits et des descenderies.

Le remblaiement des ouvrages se fera grâce aux déblais argileux excavés au moment du creusement du stockage et conservés en surface. Les scellements seront constitués d’argile gonflante et de béton afin de limiter les circulations d’eau à long terme dans les galeries et les liaisons surface-fond.

En parallèle de la fermeture de l’installation, souterraine, les installations de surface seront démantelées.

Impact radiologique de Cigéo. – Il faut distinguer selon qu’on se situe pendant la période d’exploitation du centre ou après la fermeture du stockage.

Pendant la phase d’exploitation, l’ANDRA estime que Cigéo ne serait à l’origine que de très faibles quantités de rejets, car les colis de déchets reçus sur le Centre ne contiendront pas de liquides et peu de radionucléides gazeux.

La quasi-totalité des rejets proviendra des émanations de gaz radioactifs (carbone 14, tritium, krypton 85, etc.) de certains colis de déchets MA–VL. Ces gaz seront canalisés, mesurés et contrôlés avant d’être dispersés et dilués dans l’air, dans le respect de limites qu’il appartiendra à l’Autorité de sûreté nucléaire de préciser. Sur la base d’hypothèses qualifiées de « pessimistes » par l’ANDRA, celle-ci évalue l’impact des rejets à environ 0,01 millisievert par an (msv/an) à proximité du centre, soit très largement inférieur à la norme réglementaire (1 mSv/an) et à l’impact de la radioactivité naturelle (2,4 mSv/an en moyenne en France).

Pour ce qui concerne l’impact à long terme du stockage, les travaux de recherche conduits par l’ANDRA concluent que le stockage n’aurait pas d’impact avant 100 000 ans et que celui-ci serait de l’ordre de 0,01 millisievert en évolution normale. En situation dégradée (intrusion humaine, défaut d’un composant du stockage, etc.), ces études montrent que l’impact du stockage resterait inférieur à 0,25 millisievert.

4. Le débat actuel sur Cigéo et les étapes ultérieures

La loi du 28 juin 2006 avait organisé une procédure spécifique, dérogatoire aux règles applicables aux autres installations nucléaires de base et d’une complexité certaine, pour la création de Cigéo (article L. 542-10-1 du code de l’environnement). Après qu’un débat public aura été organisé, le dossier de demande d’autorisation déposé par l’ANDRA en 2015 devra, en effet, faire l’objet d’un avis de la Commission nationale d’évaluation, de l’Autorité de sûreté nucléaire et des collectivités territoriales ainsi que d’une évaluation par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Une loi sera ensuite votée afin de fixer les conditions de réversibilité, sur le fondement de laquelle l’ANDRA devra compléter son dossier pour justifier de sa conformité à celle-ci. L’évaluation par l’ASN se poursuivra et une autre enquête publique aura lieu, avant que le décret d’autorisation puisse être signé.

Le décret d’autorisation du stockage, dernière étape d’un processus d’une durée d’au moins trois ans, fixera l’inventaire des déchets destinés au stockage dans Cigéo et définira les jalons d’évaluation permettant d’accompagner le développement progressif de l’installation, conformément à la logique de réversibilité.

L’organisation du débat public sur Cigéo. – Le débat public organisé sur le fondement de l’article L. 542-10-1, alinéa 4 du code de l’environnement précité, doit notamment permettre à l’ANDRA, maître d’ouvrage, de présenter les avancées du projet depuis 2006, en particulier les aspects liés à la conception industrielle de Cigéo, sa sûreté, sa réversibilité, son implantation, sa surveillance.

La Commission nationale du débat public a donc été saisie par l’ANDRA, le 10 octobre 2012, d’une demande d’organisation d’un tel débat et a examiné cette demande lors de sa réunion du 7 novembre 2012. Elle a ensuite désigné M. Claude Bernet aux fonctions de président de la commission particulière du débat public, que vos rapporteurs ont auditionné le 12 mars 2013.

Il a été décidé que le débat public, auquel l’accès est facilité par la mise en place d’un site Internet dédié (http://www.debatpublic-cigeo.org) se tiendrait du 15 mai 2013 au 31 juillet 2013 et du 1er septembre 2013 au 15 octobre 2013.

Certaines associations ont appelé au boycott de ce débat. France Nature Environnement a ainsi dénoncé « une décision en contradiction avec le débat sur la transition énergétique » et demandé le report du débat, tandis que Greenpeace a suspendu sa participation, après la publication d’un rapport qui révélerait une pollution de la nappe phréatique en provenance du centre de stockage de déchets nucléaires de la Manche. Le réseau Sortir du nucléaire dénonce, quant à lui, ce qu’il considère comme une « mascarade ». Dans ce contexte, de nombreux incidents, parfois violents, ont émaillé le début de la concertation, empêchant la tenue des réunions publiques prévues à Bure (23 mai 2013) et Bar-le-Duc (17 juin) et entraînant le report d’autres réunions à une date ultérieure.

Vos rapporteurs ne peuvent que condamner de tels comportements, le débat public sur les grands projets ayant un impact sur l’environnement et l’aménagement du territoire étant un droit établi et protégé par la loi. Ce droit résulte d’engagements internationaux pris par la France (convention d’Aarhus du 25 juin 1998) et il constitue, à l’évidence, un progrès démocratique considérable. S’opposer physiquement et quels qu’en soient les motifs, à l’exercice de ce droit revient donc à porter atteinte à une liberté fondamentale.

Au-delà du jeu trouble de certains acteurs, qui dénoncent l’insuffisance de la concertation puis s’emploient à en paralyser les instances, pour en démontrer enfin l’inanité, les difficultés rencontrées invitent à réfléchir à la méthode elle-même et aux limites d’une concertation structurée autour d’une succession de réunions publiques communales. L’expérience suédoise montre au contraire que l’acceptation des projets par les populations locales suppose que des réponses précises et pertinentes puissent être apportées à toutes les interrogations, des plus futiles aux plus importantes, des plus contingentes aux plus fondamentales, et que ce dialogue étroit ne peut s’établir que dans des cercles eux-mêmes étroits (communautés professionnelles, familiales, associatives ou sportives, paroisses, écoles, etc.).

Les contributions institutionnelles au débat public. – Les principaux acteurs ont apporté leurs contributions au débat public, qu’il s’agisse de l’ANDRA, de l’IRSN, de l’ASN, de la Commission nationale d’évaluation ou du HCTISN.

La contribution du maître d’ouvrage. – L’ANDRA, maître d’ouvrage du projet Cigéo, a versé au débat public un dossier complet, décrivant précisément la nature des déchets radioactifs HA et MA–VL, les raisons ayant conduit au choix d’un stockage géologique profond implanté en Meuse/Haute-Marne, les modalités de fonctionnement de Cigéo, les garanties de sûreté de l’installation, la gouvernance et la réversibilité, etc.

Le rapport de l’IRSN sur Cigéo (2013). Le rapport de l’IRSN n° 2013-00001 du 5 février 2013 sur l’examen des études remises depuis 2009 par l’ANDRA concernant le projet de centre industriel de stockage géologique Cigéo comprend trois volumes, consacrés respectivement au programme industriel de gestion des déchets, au modèle opérationnel de relâchement des combustibles usés et aux résultats de la campagne de sismique 3D de 2010.

L’avis de l’ASN sur Cigéo (2013). – Après avoir rendu public, le 12 février 2008, un guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde, l’Autorité de sûreté nucléaire a publié le 16 mai 2013 un avis n° 2013-AV-0179 sur les documents produits par l’ANDRA depuis 2009 relatifs au projet de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde.

L’ASN souligne, de manière générale, « la qualité des études et recherches menées par l’ANDRA depuis 2009, notamment dans le laboratoire souterrain de recherche de Bure » puis rappelle les principes concernant l’inventaire qu’elle retiendra dans le cadre de l’instruction d’un futur dossier de demande d’autorisation de création d’un stockage géologique profond, ainsi que pour d’éventuelles demandes de modifications au cours de l’exploitation du stockage :

– si une installation de stockage en couche géologique profonde est créée, seule sera autorisée l’admission des colis de déchets dont la sûreté de stockage aura été complètement démontrée ;

– si la création d’une installation de stockage géologique profond est autorisée, le décret d’autorisation devra comprendre un inventaire définissant en nature et en volume maximal les déchets pouvant y être stockés ;

– cet inventaire sera un élément essentiel du décret d’autorisation de création dont toute modification à la hausse constituerait une modification notable, soumise à une procédure complète d’autorisation sans préjudice d’un éventuel débat public ;

– les évolutions potentielles de l’inventaire doivent être présentées aux parties prenantes dans des hypothèses majorantes, en fonction des choix possibles en matière de politique énergétique, en particulier sur la question du stockage de combustibles usés.

Pour ce qui concerne l’ordonnancement de stockage des colis, l’ASN rappelle que cet ordonnancement « outre qu’il vise à répondre aux besoins des producteurs, doit aussi permettre d’acquérir l’expérience nécessaire pour évaluer et conforter les concepts de stockage retenus ; aussi, est-il essentiel, comme le prévoit l’ANDRA, qu’une phase de “montée en puissance” progressive de l’exploitation de l’installation de stockage géologique profond précède son exploitation courante, permettant ainsi d’acquérir un retour d’expérience suffisant sur le comportement géomécanique des alvéoles et d’éprouver les méthodes d’exploitation ».

Pour ce qui a trait à la configuration géologique du site pressenti, l’Autorité estime que « la sismique n’a pas révélé de structures rédhibitoires pour l’implantation d’un stockage définitif de déchets. Les incertitudes relevées, inévitables compte tenu de la complexité du traitement des données sismiques et de l’interprétation qui peut en être faite, ne mettent pas en cause la qualité des connaissances acquises au moyen de la campagne de sismique 3D de 2010, qui confirment le caractère favorable de la [Zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie] pour l’implantation d’un stockage géologique. »

S’agissant, en dernier lieu, du stockage direct de combustibles usés provenant des réacteurs de puissance, l’ASN rappelle que « le projet de stockage géologique profond est destiné à recevoir des déchets radioactifs. La politique énergétique française conduit à considérer que les combustibles usés, à l’exception de quelques combustibles spécifiques d’un volume limité, sont valorisables et ne sont donc pas qualifiés de déchets radioactifs. Ils ne sont par conséquent pas compris dans l’inventaire du projet de stockage géologique profond. » et demande que « dans une démarche de sûreté et de robustesse à l’égard des choix énergétiques futurs », l’ANDRA poursuive les études « sur les options techniques de conception qui seraient à mettre en œuvre pour le stockage direct éventuel de combustibles usés afin que, en cas d’autorisation de la création du stockage, la possibilité technique d’accueil de combustibles usés reste préservée ».

L’avis du HCTISN sur le débat public sur Cigéo (2013). – Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire a été saisi le 3 décembre 2012 par Mme Delphine Batho, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, d’une demande de rapport public « clarifiant et faisant un état des lieux objectif sur les questions suivantes : l’inventaire des déchets radioactifs pris en compte par le projet Cigéo, au regard des choix de politique énergétique ; la transparence du processus décisionnel ayant conduit à la définition du projet de centre (…), notamment par rapport aux autres solutions possibles pour la gestion des déchets de haute activité. »

Dans son rapport du 28 mars 2013, le Haut Comité estime que l’inventaire de référence de Cigéo retenu par l’ANDRA est « clairement défini », puisqu’il correspond aux déchets MA–VL et HA et issus du fonctionnement et du démantèlement des installations nucléaires passées ou autorisées au 31 décembre 2010 (y compris ITER et l’EPR de Flamanville), qu’il comporte en outre des « réserves » de capacité pour stocker notamment les déchets d’un deuxième EPR et certains déchets classés FA–VL (déchets bitumés, graphite, etc.) au cas où le centre de stockage FA–VL à l’étude ne permettrait pas de les accueillir40 et qu’il est construit sous l’hypothèse d’une durée de fonctionnement des réacteurs de cinquante ans et du recyclage complet in fine de tous leurs combustibles usés (y compris MOX et URE, qui ne sont pas encore recyclés à ce jour). Est exclu de l’inventaire de référence le plutonium issu du traitement des combustibles usés, car il est pour partie recyclé dans le parc actuel, et pour partie destiné à une éventuelle utilisation dans un futur parc de réacteurs.

Le Haut Comité souligne que, s’agissant des déchets qui seront effectivement produits et à stocker, ils dépendent peu de la politique de gestion exacte qui sera retenue pour le parc nucléaire actuel, sous réserve de la validité de l’hypothèse du recyclage complet des combustibles usés.

En revanche, une politique énergétique remettant en cause l’hypothèse du recyclage complet in fine de tous les combustibles usés du parc actuel aurait un fort impact sur la nature même des déchets à stocker, mais seulement vers la fin du siècle. Les études de l’ANDRA ont montré la faisabilité d’un stockage de combustibles usés non traités – les projets de stockages géologiques suédois et finlandais prévoient d’ailleurs un tel stockage – et l’ANDRA conçoit Cigéo de sorte qu’il n’y ait pas d’incompatibilité rédhibitoire du projet avec un tel stockage. Le centre n’en devrait pas moins être sensiblement adapté et son emprise augmentée (environ 25 km² au lieu de 15). En raison des temps de refroidissement des combustibles usés, ces adaptations interviendraient vers la fin du siècle, au moment de la réalisation des zones de stockage destinées à leur accueil.

Le tableau ci-dessous, qui reprend les chiffres donnés par l’ANDRA dans son dossier du maître d’ouvrage et selon différentes hypothèses de durée de fonctionnement des réacteurs (D), résume bien cet enjeu.

Évolution des volumes de déchets
selon deux scenarii de production électronucléaire

(en mètre-cubes)

 

Poursuite de l’industrie électronucléaire

Non-renouvellement de la production

Fin d’exploitation des installations existantes

D = 40 ans

D = 50 ans

D = 60 ans

HA

8 000

10 000

12 000

93 500*

MA–VL

67 500

70 000

72 500

59 000

TOTAL

75 500

80 000

84 500

152 500

* Dont environ 90 000 m3 de combustibles usés

On constate que la durée d’exploitation des installations de production électronucléaire a un impact, direct mais limité, sur le volume des déchets appelés à être stockés dans Cigéo : une augmentation de cette durée d’exploitation de dix ans se traduit par environ 6 % de déchets supplémentaires. Le non-renouvellement de la production et la fin du retraitement se traduiraient, quant à eux, par un doublement du volume de ces déchets (environ cent cinquante mille mètres-cubes de déchets à stocker, contre quatre-vingt mille mètres-cubes dans l’hypothèse médiane d’une durée de vie de cinquante ans).

III.— UN ENSEMBLE DE QUESTIONS EN SUSPENS

Les efforts contenus du législateur depuis 1991 ont permis d’améliorer très sensiblement le cadre juridique applicable aux déchets radioactifs. Avec la mise en place d’une agence publique chargée de la gestion de ces déchets, soumise aux contrôles réguliers de l’Autorité de sûreté, la France dispose aujourd’hui d’un système de gestion des déchets parmi les plus complets au monde, faisant l’objet de revues régulières dans le cadre des plans triennaux de gestion des matières et déchets radioactifs.

Un ensemble de questions n’en reste pas moins en suspens : outre la question de la création du centre industriel de stockage géologique, se posent celles des métiers et missions de l’ANDRA et du périmètre de la notion même de déchet.

A.— LE PROJET CIGÉO : MAÎTRISER LES COÛTS, ASSURER UNE RÉVERSIBILITÉ RÉALISTE, S’INSCRIRE DANS UN PROJET TERRITORIAL STRUCTURANT

La réalisation du projet Cigéo, si elle devait advenir, devrait s’inscrire dans une triple problématique de maîtrise des coûts, de réversibilité sûre et responsable et d’inscription dans un projet territorial structurant.

1. Une évaluation des coûts complexe, marquée par de nombreuses incertitudes et des risques de dérive

L’évaluation du coût du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) apparaît extrêmement complexe, mais le Parlement peut aujourd’hui s’appuyer sur le rapport très approfondi que la Cour des comptes a récemment consacré aux coûts de la filière électronucléaire (2012). (41)

Les premières évaluations (2003–2005). – La première évaluation du coût du stockage profond a été présentée par l’ANDRA en 2003. Sur la base des concepts techniques de l’époque et de trois scenarii, cette évaluation débouchait sur une fourchette de coûts comprise entre 16 et 55 milliards d’euros (base 2002) :

– le scénario S1a prenait pour hypothèses le retraitement de tous les combustibles usés (UNE, URE et MOX), le stockage des déchets ultimes issus du retraitement (actinides mineurs et produits de fission) et l’absence de tout stockage direct d’assemblages combustibles ;

– le scénario S1b prévoyait de ne retraiter que les seuls combustibles UNE et de stocker directement les autres combustibles usés ;

– le scénario S2 prévoyait un arrêt de tout retraitement en 2010, ce qui impliquait donc de stocker directement tous les assemblages de combustible usés, même à base d’uranium naturel.

(en milliards d’euros)

 

Hypothèse

Coût estimé (C)

S1a

Retraitement de tous les combustibles usés

15,9 < C < 24,3

S1b

Retraitement des seuls combustibles UNE

20,9 < C < 32,3

S2

Arrêt du retraitement

33,2 < C < 55,0

Cette première évaluation a servi de base à un chiffrage ajusté, réalisé deux ans plus tard par un groupe de travail réuni sous l’égide de la direction générale de l’énergie et des matières premières (DGEMP, actuelle DGEC) du ministère chargé de l’écologie et composé notamment de l’ANDRA et des principaux producteurs de déchets (EDF, AREVA, CEA). À partir de l’estimation basse du scénario S1a, des besoins exprimés par les producteurs et d’hypothèses sur les aléas (coûts et opportunités), le groupe de travail a abouti à une « fourchette raisonnable d’évaluation du coût d’un stockage » comprise entre 13,5 et 16,5 milliards d’euros (base 2002).

À l’intérieur de cette fourchette, les producteurs ont retenu un coût de référence de 14,1 milliards d’euros base 2003 (soit 16,5 milliards d’euros base 2010). C’est ce chiffrage de 2005, dit « scénario industriel 2005 » (SI 2005), qui sert aujourd’hui pour calculer les charges futures et les provisions pour stockage des déchets MA–VL et HA par les exploitants, en prenant en compte uniquement les déchets produits et engagés à la date du calcul. On notera, par parenthèse, que ce chiffre est inférieur à la fourchette basse du scénario le moins coûteux de l’ANDRA à la date considérée.

Les exploitants calculent ensuite leurs charges individuelles de gestion à long terme des déchets MA–VL et HA (c’est–à–dire le coût de stockage précité, augmenté du coût de transport des colis de déchets vers le centre de stockage) en distinguant coûts fixes et coûts variables : 

– les coûts fixes, indépendants des volumes engagés, sont répartis entre les producteurs de déchets selon une clé de répartition déterminée en 1999 pour le partage des coûts de recherche de l’ANDRA — à savoir 78 % pour EDF, 17 % pour le CEA et 5 % pour AREVA ;

– les coûts variables sont, quant à eux, spécifiques à chaque catégorie de déchets.

Le tableau ci–dessous, extrait du rapport de la Cour des comptes précité, présente les charges de gestion par exploitant à la date du 31 décembre 2010.

Charges de gestion à long terme des déchets MA–VL et HA et des combustibles usés au 31 décembre 2010

(en millions d’euros)

 

EDF

AREVA

CEA

TOTAL

Charges totales

19 791

1 069

1 555

22 415

dont stockage des déchets MA–VL et HA

12 507

942

1 355

14 804

dont stockage direct du combustible usé

5 257

5 257

dont transport

879

108

58

1 075

Principal producteur de déchets MA–VL et HA, EDF est logiquement le premier financeur du centre de stockage profond : la part d’EDF (19,8 milliards d’euros en base 2010) représente ainsi près de 90 % du total des charges. Le coût supporté par EDF en 2010 est donc supérieur à l’évaluation de 14,1 milliards d’euros (base 2003) retenue en 2005 pour le projet de stockage (soit 16,5 milliards d’euros en base 2010, avec une inflation à 2 % par an).

Du SI 2005 au SI 2009. – Avec des conceptions techniques inchangées, l’ANDRA a tout d’abord mis à jour la borne basse du chiffrage de 2005 (13,5 milliards d’euros en base 2002) à partir d’un inventaire MA–VL et HA actualisé, en considérant un allongement de la durée d’exploitation du centre (de 105 à 123 ans) et en retenant un taux d’inflation des coûts des travaux de près de 4 %, correspondant à l’évolution des indices INSEE sectoriels du bâtiment et des travaux publics. Elle aboutit ainsi à un coût total brut de 20,8 milliards d’euros en base 2010.

En 2009, la DGEC a réuni un nouveau groupe de travail pour réévaluer les coûts du stockage profond. Dans ce cadre et conformément à la législation, l’ANDRA a communiqué aux producteurs un nouveau dossier de conception et une nouvelle estimation (dite « SI 2009 ») du coût du stockage profond à 33,8 milliards d’euros en base 2008 (soit 35,9 milliards d’euros en base 2010).

Selon l’ANDRA, par rapport au concept de 2002 ayant abouti au chiffrage du SI 2005, le dossier 2009 intègre des évolutions techniques visant à mieux prendre en considération les impératifs de sûreté et de réversibilité et à tenir compte du retour d’expérience (cadence de creusement, fréquence des aléas, etc.).

Les concepts issus du dossier 2009 de l’ANDRA comprenant des options de conception, de sûreté et de réversibilité du stockage ont été soumis à l’ASN. En juin 2011, cette dernière a estimé sur cette base que la faisabilité du stockage était acquise, en termes de conditions de sûreté, de réversibilité et de maîtrise du risque incendie.

Les producteurs ont contesté cette évaluation réalisée par l’ANDRA en 2009 et présenté leur propre concept (dit « STI »), estimé à 14,4 milliards d’euros en base 2010. Ce concept, fondé sur un inventaire proche de celui du dossier 2009 de l’ANDRA utilisant des bases de coûts spécifiques, n’a pas été soumis à l’ASN ni validé par elle. Il n’a donc pas la même portée que le dossier et le chiffrage réalisés par l’ANDRA, notamment en termes de sécurité, de sûreté et de réversibilité.

Dans son dossier SI 2009 et de manière prudente, l’ANDRA n’intégrait dans son nouveau concept que les pistes d’optimisation examinées dans le cadre du groupe de travail DGEMP de 2005 et qui ont été validées par des expérimentations dans le laboratoire souterrain de Bure. Au–delà de ces optimisations prouvées, l’ANDRA n’a pas chiffré les autres risques et opportunités.

À l’inverse, le chiffrage STI des producteurs intègre toutes les optimisations techniques identifiées par le groupe de travail de 2005, ainsi que le retour d’expérience des trois exploitants nucléaires dans leurs métiers respectifs. Mais il ne prévoit pas non plus de marge pour couvrir les aléas de réalisation et les risques du projet.

Par ailleurs, les deux projets SI 2009 et STI reposent sur des concepts en partie différents :

– longueur des alvéoles pour les déchets à haute activité : 40 mètres pour l’ANDRA, le triple pour les producteurs ;

– architecture des galeries : galeries bitubes pour l’ANDRA, monotubes pour les producteurs, avec un impact sur la gestion du risque incendie et les volumes excavés ;

– méthode de creusement des galeries : progressif avec une machine à attaque ponctuelle pour l’ANDRA, creusement au tunnelier pour les producteurs, avec des incertitudes sur le comportement de l’argile ;

– architecture générale du site : compacte et avec des intersections à angles droits pour l’ANDRA, plus extensive pour les producteurs avec des galeries en virages larges et des puits éloignés ;

– orientation des alvéoles de stockage : selon les contraintes géomécaniques pour l’ANDRA, indifférente pour les producteurs.

L’écart entre les deux chiffrages concerne tant les coûts d’investissement (14,6 milliards d’euros contre 5,6 milliards d’euros) que les coûts d’exploitation (8,3 milliards d’euros contre 3,5 milliards d’euros), les frais administratifs et d’études (2,8 milliards d’euros contre 0,8 milliard d’euros) et les impôts, taxes et assurances (8,1 milliards d’euros contre 3,7 milliards d’euros).

D’après les producteurs, si le chiffrage de l’ANDRA (35,9 milliards d’euros en base 2010, hors coûts d’évacuation) devait in fine être retenu par l’autorité administrative, la provision (valeur actualisée) pour stockage profond d’EDF augmenterait de 4 milliards d’euros, celle du CEA de 0,7 milliard d’euros et celle d’AREVA de 0,5 milliard d’euros. (42)

2. Définir et mettre en œuvre une conception réaliste de la réversibilité

La loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs renvoyait à une loi ultérieure le soin de fixer les conditions de réversibilité du stockage géologique profond, l’autorisation de création d’une installation dédiée à cette fin ne pouvant être délivrée que si les conditions fixées par cette loi sont garanties et la réversibilité du stockage assurée pour au moins cent ans. La notion de réversibilité est donc une notion centrale du dispositif : son contenu a fait l’objet de réflexions internationales approfondies et tant son principe que sa durée avaient été au cœur des débats parlementaires en 1991.

Réversibilité et récupérabilité. – Dans le cadre du projet international « Reversibility and Retrievability » mené de 2007 à 2011, l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a établi des définitions et des éléments de méthode en matière de réversibilité. Elle distingue ainsi la « récupérabilité » de la « réversibilité ».

La récupérabilité désigne « la capacité à récupérer des déchets seuls ou sous forme de colis après leur mise en place dans un stockage, indépendamment de l’exercice effectif de cette capacité. Au cours de chaque phase du cycle de stockage, le retrait des déchets est facilité du fait de leur confinement (non-dispersion) et de leur conditionnement dans un volume restreint, caractéristique de tout stockage géologique. Dans un avenir lointain, les déchets seront toujours récupérables, même si les coûts et les efforts nécessaires augmenteront au fil du temps. La récupérabilité est donc plus une question de degré d’effort à consentir que de possibilité ou non de récupérer les déchets ».

La réversibilité désigne « la capacité à revenir sur des décisions prises lors de la mise en œuvre progressive d’un système de stockage, indépendamment de l’exercice effectif de cette capacité. Elle implique que le processus de mise en œuvre et les technologies soient suffisamment flexibles pour pouvoir si nécessaire, à tout moment au cours du programme, inverser ou modifier, sans effort démesuré, une ou plusieurs décisions prises antérieurement ».

L’échelle internationale de récupérabilité issue du projet de l’Agence pour l’énergie nucléaire offre un cadre pertinent pour caractériser les étapes du processus qui mène à la fermeture d’une installation de stockage.

Évolution de la facilité de retrait et de la passivité de l’installation en fonction du niveau dans l’échelle AEN

Source : AEN et Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2013–2015, p. 154

Le niveau 1 de l’échelle concerne l’entreposage des colis de déchets.

Au niveau 2, les déchets auront été transportés du lieu d’entreposage vers le site de stockage puis ils auront été transférés dans les ouvrages souterrains, ce qui peut nécessiter de les conditionner dans des conteneurs de stockage.

Au niveau 3, des barrières supplémentaires auront été installées au niveau des alvéoles de stockage afin de les obturer. Ces barrières assureront un découplage entre les alvéoles et les galeries d’accès. Généralement des remblais sont utilisés pour s’opposer aux déformations de la roche et/ou des scellements sont utilisés pour limiter la circulation d’eau et de gaz.

Au niveau 4, les galeries auront été remblayées et/ou scellées, ce qui peut correspondre à la fermeture de la zone de stockage dans laquelle se situera la galerie, voire à la fermeture de toute l’installation souterraine.

Au niveau 5, le stockage aura été fermé. L’accès depuis la surface aura été scellé et les installations de surface auront été démantelées.

Le niveau 6 désigne l’état final du stockage. Même si l’intégrité des colis de déchets ne peut plus être garantie, les déchets sont toujours confinés à l’intérieur de l’installation. La sûreté ne dépend plus d’une maintenance ou d’un suivi. Les mesures visant à garantir la conservation des connaissances et de la mémoire du site peuvent continuer.

Il ressort des propositions présentées par l’ANDRA dans le cadre du débat public en cours sur Cigéo que celle-ci doit s’entendre sur un plan technique aussi bien que décisionnel. Il convient également que son impact financier puisse être évalué.

La réversibilité comme récupérabilité technique. – L’ANDRA s’efforce de concevoir les installations de Cigéo de manière à permettre le maintien des options de gestion du stockage aussi ouvertes que possible, dans le respect des exigences de sûreté, de sécurité et de protection de l’environnement et en tenant compte des facteurs techniques et économiques, mais aussi de l’exploitation du retour d’expérience, pour une optimisation continue de la conception et de l’exploitation du stockage. Cela conduit à intégrer dès la conception :

– un développement progressif des installations du Centre par tranches successives : un « Schéma directeur de l’exploitation et de la fermeture » (SDEF) programmera les jalons prévisionnels de prise en charge de chaque type de colis de déchets, d’obturation de chaque type principal d’alvéole (passage au niveau 3 de l’échelle de récupérabilité), de remblayage et/ou de scellement des galeries d’accès (passage au niveau 4) et de fermeture définitive ;

– une flexibilité d’évolution de la conception permettant d’adapter les futures tranches à des évolutions éventuelles de caractéristiques de colis de déchets, d’exigences réglementaires ou à des progrès technologiques : le stockage sera réalisé par tranches successives et, à chaque tranche, les investissements seront limités aux besoins industriels de cette tranche, en évitant de préjuger des décisions ultérieures concernant les tranches suivantes ;

– une fermeture progressive comprenant la possibilité technique de temporiser chaque étape tout en préservant les fonctions de sûreté :

Les installations et les équipements étudiés au Laboratoire du Bure visent également à permettre le retrait des colis de déchets : pour les colis HA, par exemple, il est envisagé de faire appel à une chaîne pousseuse et un robot de manutention. La capacité à récupérer les colis repose ainsi sur la forme de la tête du colis, qui permet d’accrocher un moyen de préhension, sur le maintien de jeu autour du colis et sur des patins de glissement positionnés sur le colis pour éviter le collage par corrosion à l’échelle séculaire.

La réservibilité comme capacité à remettre en cause un processus décisionnel. – Afin de donner aux différents acteurs une visibilité sur les décisions jalonnant le processus de stockage après la mise en service de Cigéo, l’ANDRA propose de fonder la gouvernance du stockage sur le schéma directeur précédemment mentionné. Le SDEF identifie en effet les décisions structurantes de changement d’étape de l’échelle internationale de récupérabilité au cours de la période de réversibilité : accueil de nouveaux types de colis (passage du niveau 1 au niveau 2), en lien avec le développement progressif de l’installation souterraine ; début des opérations industrielles de fermeture (passage aux niveaux 3, 4 puis 5).

Conformément à l’article 28 de la loi du 13 juin 2006, l’exploitant d’une installation nucléaire de base doit procéder périodiquement au réexamen de la sûreté de son installation. Chaque réexamen doit permettre d’apprécier la situation de l’installation au regard des règles qui lui sont applicables et d’actualiser l’appréciation des risques ou inconvénients que l’installation présente pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques, la protection de la nature et de l’environnement, en tenant compte notamment de l’état de l’installation, de l’expérience acquise au cours de l’exploitation, de l’évolution des connaissances.

La réalisation progressive du stockage par tranches successives conduira donc l’ANDRA à effectuer, pour chaque tranche, des revues de projet aux différentes étapes d’enclenchement d’une nouvelle phase d’études et de travaux. Par ailleurs, la recherche continue d’améliorations en matière industrielle sur la période d’exploitation séculaire de Cigéo conduira aussi à réaliser périodiquement des revues d’exploitation au cours desquelles seront notamment examinés le bilan de l’exploitation passée, les besoins en maintenance, les opportunités technologiques, etc.

À ces rendez-vous techniques, l’ANDRA propose d’ajouter des revues plus générales en préalable aux décisions structurantes jalonnant le processus de stockage. Tout en bénéficiant des travaux menés dans le cadre des rendez-vous techniques, ces revues permettraient de recueillir plus largement l’avis des parties prenantes. Outre l’émission d’avis et de recommandations pour la prise de décision, ces revues conduiraient à réexaminer et mettre à jour le schéma directeur de l’exploitation et de la fermeture, concernant les dates de passage aux niveaux 3, 4 puis 5 ou la prise en charge de nouveaux types de colis. La future loi fixant les conditions de réversibilité pourrait définir les modalités de concertation des différents acteurs pour ces revues.

Dans le cadre de la montée en régime progressive de Cigéo, l’ANDRA propose que la première revue générale intervienne au terme des cinq premières années d’exploitation. Cette revue pourra notamment exprimer des recommandations relatives aux ouvrages témoins – en particulier, l’enclenchement de premières opérations d’obturation d’alvéoles témoins pourra être examiné – et à la mise à jour du programme de surveillance et d’observation ; elle pourra également dresser un premier bilan socio-économique.

Vos rapporteurs soutiennent la proposition de l’ANDRA que des revues générales soient ensuite planifiées selon une périodicité minimale, même en l’absence de jalon opérationnel marquant. Une périodicité d’une dizaine d’années apparaît, de ce point de vue, pertinente pour revisiter régulièrement les options de gestion du stockage retenues. Ce questionnement bénéficiera notamment des résultats acquis par l’observation du stockage sur une durée significative. À l’issue de chaque revue, l’échéance de la revue suivante pourrait être programmée.

3. Inscrire le projet Cigéo dans un projet territorial mobilisateur et structurant

Cadre actuel. – L’article L. 542-11 du code de l’environnement prévoit aujourd’hui que, dans tout département sur le territoire duquel est situé tout ou partie du périmètre d’un laboratoire souterrain ou d’un centre de stockage en couche géologique profonde, un groupement d’intérêt public est constitué en vue :

1° de gérer des équipements de nature à favoriser et à faciliter l’installation et l’exploitation du laboratoire ou du centre de stockage ;

2° de mener, dans les limites de son département, des actions d’aménagement du territoire et de développement économique, particulièrement dans la zone de proximité du laboratoire souterrain ou du centre de stockage dont le périmètre est défini par décret pris après consultation des conseils généraux concernés ;

3° de soutenir des actions de formation ainsi que des actions en faveur du développement, de la valorisation et de la diffusion de connaissances scientifiques et technologiques, notamment dans les domaines étudiés au sein du laboratoire souterrain et dans ceux des nouvelles technologies de l’énergie.

Outre l’État et le titulaire des autorisations prévues aux articles L. 542-7 ou L. 542-10-1 du même code (c’est-à-dire, en pratique, l’ANDRA), peuvent adhérer de plein droit au groupement d’intérêt public la région, le département, les communes ou leurs groupements en tout ou partie situés dans la zone de proximité.

Les membres de droit du groupement d’intérêt public peuvent décider l’adhésion en son sein de communes ou de leurs groupements situés dans le même département et hors de la zone de proximité, dans la mesure où lesdits communes ou groupements justifient d’être effectivement concernés par la vie quotidienne du laboratoire ou du centre de stockage.

Pour financer les actions visées aux 1° et 2° de l’article L. 542-11, le groupement bénéficie d’une partie du produit de la taxe additionnelle dite « d’accompagnement » à la taxe sur les installations nucléaires de base prévue au V de l’article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, à laquelle il peut, pour les exercices budgétaires des années 2007 à 2016, ajouter une fraction, dans la limite de 80 %, de la partie du produit de la taxe additionnelle dite de « diffusion technologique » à ladite taxe sur les installations nucléaires de base dont il bénéficie. Pour financer les actions visées au 3° du présent article, le groupement bénéficie d’une partie du produit de la taxe additionnelle dite de « diffusion technologique », à laquelle il peut, pour les exercices budgétaires des années 2007 à 2016, ajouter une fraction, dans la limite de 80 %, de la partie du produit de la taxe additionnelle dite « d’accompagnement ».

Après qu’un décret du 3 août 1999 eut autorisé l’ANDRA à installer et exploiter sur le territoire de la commune de Bure un laboratoire souterrain destiné à étudier les formations géologiques profondes où pourraient être stockés des déchets radioactifs, le groupement d’intérêt public (GIP) « Objectif Meuse » s’est constitué par une convention en date du 4 avril 2000, approuvée par arrêté interministériel du 25 mai 2000. (43)

Les dispositifs d’aide retenus, dans le cadre du programme annuel d’activités (PAA) du GIP, portent sur trois axes structurants. Ils visent, en premier lieu, à soutenir le développement économique et l’innovation – aides aux projets de développement et d’innovation des entreprises, aux zones d’activités économiques, aux projets de recherches, de transfert de technologies et de formations, etc. Ils ont également pour objectif de renforcer l’attractivité du territoire, notamment en zone de proximité – aides aux infrastructures de communication et de transport, aux projets d’habitat et d’urbanisme, aux projets offrant des services à la population, etc. Ils visent enfin à accompagner les collectivités dans leur démarche de développement durable (aides aux projets d’assainissement et de maîtrise de l’énergie).

Dans ce cadre, les bénéficiaires peuvent être des EPCI, des communes, des établissements publics, des entreprises, des associations, les chambres consulaires, etc. Les taux d’intervention du GIP sont variables en fonction des catégories de projets, des critères d’éligibilité définis et des règlements relatifs aux aides publiques en vigueur.

En 2011, date du dernier rapport d’activité publié du GIP, les aides accordées se sont établies à 36,8 millions d’euros, bénéficiant au développement économique et à l’emploi (25,9 %), aux services à la population (22,4 %), au développement durable (19 %), à l’habitat et l’urbanisme (17,8 %), à l’économie touristique (12,1 %), à la formation, la recherche et les transferts de technologie (1,4 %) et aux infrastructures de communication et de transport (1,4 % également). Ces aides se répartissaient dans des proportions comparables entre la zone de proximité (55 %) et la zone départementale (45 %).

Le graphique ci-dessous montre l’évolution des aides accordées dans le cadre du programme d’activité du groupement au cours des cinq dernières années disponibles (2007-2011).

Certaines associations dénoncent, en des termes feutrés (ANCCLI) ou beaucoup plus virulents (Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs), un système qui s’apparenterait, selon elles, à un véritable « achat des consciences ». Les aides, judicieusement distribuées à des acteurs bien implantés ou affectées à des activités ou services à forte visibilité, seraient en effet le prix à payer pour obtenir l’assentiment des populations locales à l’implantation d’une installation qui souillera le sous-sol profond de la Meuse et de la Haute-Marne pendant plusieurs centaines de générations humaines.

Vos rapporteurs ne partagent aucunement cette analyse et défendent un point de vue opposé. Ils pensent que ce système d’aides, même s’il peut être amélioré, doit au contraire être considérablement amplifié pour marquer la reconnaissance de la nation et suggèrent, dans ce cadre, la création d’une véritable « Zone d’intérêt national » dans ces territoires.

Vers la définition d’une « Zone d’intérêt national » en Meuse/Haute-Marne ? – Le choix de confier à l'énergie nucléaire civile un rôle structurant dans le bouquet énergétique français est le résultat de décisions nationales successives, que les alternances démocratiques et les majorités successives n'ont pas remises en cause. La gestion des déchets de cette industrie revêt donc le même caractère d'intérêt national que celui qui s'attache à la production d'électricité d'origine nucléaire et les populations qui acceptent d'accueillir ces déchets sur leur territoire sont en droit d'attendre une reconnaissance collective à la mesure de l'effort qu'elles consentent.

Vos rapporteurs estiment donc que la zone sur laquelle le futur centre de stockage géologique profond sera implanté, s'il en est ainsi décidé, devrait être déclarée « zone d'intérêt national » (ZIN).

Le caractère d'intérêt national de ce territoire serait reconnu par un texte spécifique, soumis au vote solennel du Parlement et placé au sommet de notre ordre juridique, de sorte qu'il serait totalement préservé des arbitrages, intérêts et décisions purement circonstanciels.

Il appartiendra à ce texte et à ses mesures d'application d'organiser l'effort que la nation dans son ensemble aura naturellement à cœur de consentir en faveur d'un territoire qui consent des efforts particuliers pour le service de l'intérêt général. Cet effort traduira la confiance collective nationale dans l'avenir de ce territoire et la volonté de réaffirmer sa place au cœur d'un avenir partagé.

C'est pourquoi, selon des modalités, un calendrier et des moyens qu'il appartiendra au Parlement de préciser, un investissement massif devrait y être réalisé en faveur notamment des institutions d'enseignement, du niveau scolaire au niveau universitaire, des établissements de recherche scientifique de rang européen ou mondial, mais aussi des infrastructures de communication (transports ferroviaires et routiers). Ces moyens permettront de considérablement renforcer l'attractivité économique du territoire et d'y attirer des entreprises, qui bénéficieront des conditions propres à assurer leur développement rapide.

Programme annuel d’activités (PAA) 2011 – Récapitulatif des aides du GIP « Objectif Meuse »

Répartition par axe d’intervention

Nombre de dossiers

%

Montant de l’aide

%

Axe 1 – Développement économique et emploi

113

25,86 %

5 370 531,62 €

14,61 %

Axe 2 – Infrastructure de communication et de transport

6

1,37 %

2 002 671,80 €

5,45 %

Axe 3 – Développer une économie touristique

53

12,13 %

1 952 192,90 €

5,31 %

Axe 4 – Formation, recherche et développement, transfert de technologie

6

1,37 %

1 040 975,65 €

2,83 %

Axe 5 – Habitat et urbanisme

78

17,85 %

8 970 958,12 €

24,41 %

Axe 6 – Service à la population

98

22,43 %

8 843 218,69 €

24,06 %

Axe 7 – Développement durable et environnement

83

18,99 %

8 575 289,52 €

23,33 %

TOTAL GÉNÉRAL

437

100,00 %

36 755 838,30 €

100,00 %

         

Répartition par zone géographique

Nombre de dossiers

%

Montant de l’aide

%

Zone départementale

197

45,08 %

11 020 876,99 €

29,98 %

Zone de proximité (y compris ZPH) *

240

54,92 %

25 734 961,31 €

70,02 %

TOTAL GÉNÉRAL

437

100,00 %

36 755 838,30 €

100,00 %

         

Zone de proximité historique (seule)

77

17,62 %

12 546 180,20 €

34,13 %

         

Répartition par type de bénéficiaire

Nombre de dossiers

%

Montant de l’aide

%

Entreprises (crédits-baux, exploitations agricoles et SCI)

89

20,37 %

3 936 815,68 €

10,71 %

Conseil général de la Meuse

13

2,97 %

1 493 832,94 €

4,06 %

Communes

212

48,51 %

16 410 232,45 €

44,65 %

EPCI

62

14,19 %

8 146 795,50 €

22,16 %

EPIC, EPA, autres établissements publics

18

4,12 %

3 715 570,91 €

10,11 %

Associations

32

7,32 %

2 717 489,94 €

7,39 %

Organismes consulaires

11

2,52 %

335 100,88 €

0,91 %

TOTAL GÉNÉRAL

437

100,00 %

36 755 838,30 €

100,00 %

Répartition par taxe

Nombre de dossiers

%

Montant de l’aide

%

Engagements sur la taxe d’accompagnement

431

98,63 %

35 714 862,65 %

97,17 %

Engagement sur la taxe de diffusion technologique

6

1,37 %

1 040 675,65 %

2,83 %

TOTAL GÉNÉRAL

437

100,00 %

36 755 838,30 €

100,00 %

* hors dotations aux communes du rayon des 10 km et hors dotations aux EPCI de la ZP

Source : GIP « Objectif Meuse », Rapport d’activité 2011




Aides accordées par le GIP « Objectif Meuse » entre 2000 et le 11 février 2008

Répartition par axe d’intervention

Nombre de dossiers

%

Montant de l’aide

%

Axe 1 – Développement économique et emploi

374

25,78 %

5 647 681,03 €

9,83 %

Axe 2 – Soutenir le développement local

990

68,23 %

32 675 263,77 €

56,85 %

Axe 3 – Structure l’espace départemental

29

2,00 %

17 060 384,58 €

29,68 %

Axe 4 – Tourisme et notoriété

58

4,00 %

2 096 968,98 €

3,65 %

TOTAL GÉNÉRAL

1451

100,00 %

57 480 298,36 €

100,00 %

         

Répartition par zone géographique

Nombre de dossiers

%

Montant de l’aide

%

Zone départementale

257

17,71 %

46 143 527,29 €

80,28 %

Zone de proximité « dite historique »

1194

82,29 %

11 336 771, 07 €

19,72 %

TOTAL GÉNÉRAL

1451

100,00 %

57 480 298,36 €

100,00 %

Source : GIP « Objectif Meuse », Rapport d’activité 2011

B.— QUELLE GOUVERNANCE ET QUELLES MISSIONS POUR L’ANDRA ?

Le rôle central dévolu à l’ANDRA dans la structuration et la gestion des filières conduit naturellement à s’interroger sur les modalités de sa gouvernance et sur ses missions. Vos rapporteurs considèrent que sur son indépendance est un élément essentiel de sa crédibilité et que ses missions doivent être confortées, dans le cadre d’une vision plus globale de la filière nucléaire, de l’amont à l’aval.

1. L’indépendance, condition de la transparence, de la sécurité et de la crédibilité

Vos rapporteurs ont rappelé précédemment que le financement de l'ANDRA reposait aujourd'hui essentiellement sur les producteurs de déchets, soit dans le cadre des contrats commerciaux qu’ils souscrivent pour l'enlèvement et la gestion de leurs déchets, soit à travers la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base à laquelle ils sont assujettis.

Ces producteurs évoluent aujourd’hui dans un environnement économique doublement contraint :

– les tarifs réglementés de l’électricité et les modalités selon lesquelles ils sont revalorisés aboutissent à ne prendre en compte que partiellement l’évolution des charges réelles du service public (CSPE) (44) ;

– la mise à niveau de la sûreté du parc électronucléaire, imposée par l’Autorité de sûreté nucléaire, leur impose des charges d’investissement considérables. (45)

Dans ce contexte, la réévaluation des coûts de construction et d’exploitation de Cigéo a pu susciter des interrogations. Les financeurs se sont notamment inquiétés des risques de dérive technique et financière, alors même que des procédés et méthodes optimisés avaient pu, selon eux, faire la preuve de leur efficacité en milieu industriel.

Dans son rapport en date du 16 juin 2010 sur l’avenir de la filière française du nucléaire civil, dont seule la synthèse a été rendue publique, M. François Roussely estimait ainsi « indispensable que l’ANDRA définisse de façon urgente la planification opérationnelle fine de la préparation de l’échéance de 2015 concernant le centre de stockage profond (CSP) » et demandait instamment « que l’ANDRA associe d’urgence EDF, AREVA et le CEA à la définition optimisée du CSP et à sa réalisation. » Parallèlement, le président d’honneur EDF considérait qu’il convenait de « responsabiliser l’ASN » (sic), dont le rôle, dans la définition d’un cahier des charges « réaliste » de l’ouvrage, pouvait s’avérer crucial. Lors d’une audition organisée par l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques quelques semaines plus tard (7 juillet 2010), un représentant d’AREVA défendait une analyse similaire, estimant que «l’ANDRA ne disposant pas des compétences nécessaires, il convenait d’associer dès à présent les industriels du secteur au projet [de stockage] en écartant tout appel à des entreprises tierces au travers d’un appel d’offre ouvert».

Vos rapporteurs se félicitent naturellement de ce que la tension perceptible en 2010, imposant une véritable « médiation » conduite par la direction générale de l’énergie et du climat du ministère chargé de l’écologie si l’on en croit certains comptes rendus, se soit désormais apaisée et ait fait place à un climat plus serein. (46)

Ils estiment que les relations entre l’ANDRA et les producteurs de déchets doivent être gouvernés par le souci d’un travail en commun dans le respect de l’indépendance de chacun :

– dans le contexte économique difficile qui a été rappelé, le travail en commun doit conduire à essayer de valoriser au mieux les meilleures techniques disponibles, testées par les différents exploitants dans le cadre de leurs activités respectives, dans le respect d’une exigence globale de sûreté qui n’est pas négociable et dont l’ANDRA est comptable vis-à-vis de son autorité de tutelle ;

– l’indépendance de l’ANDRA vis-à-vis des producteurs de déchets ne saurait être remise en cause, si étroites que puissent être les relations financières des exploitants avec l’agence, car elle est une condition de la crédibilité de l’établissement public.

2. La consolidation des missions dans le cadre du contrat d’objectifs 2013–2016

Au cours des trois dernières années (2009-2012), le cadre dans lequel l’ANDRA est conduite à déployer ses activités a évolué de manière substantielle. Il suffit ici de rappeler que :

– toutes les activités liées au nucléaire ont été profondément marquées par la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi (11 mars 2011). Même si l’ANDRA n’a pas été directement concernée par les évaluations complémentaires de sûreté demandées aux exploitants nucléaires, il n’en demeure pas moins que les approches en matière de sûreté sont durablement et profondément modifiées pour tous les types d’installation nucléaire ;

– l’enjeu de la gestion des déchets radioactifs est de plus en plus nettement identifié comme une problématique-clé pour la durabilité d’une filière nucléaire, quels que soient les bouquets énergétiques futurs ;

– le stockage géologique est reconnu internationalement comme la solution de référence pour gérer en toute sûreté les déchets radioactifs de moyenne et haute activité à vie longue (directive 2011/70/ Euratom, travaux de la Blue Ribbon Commission, etc.) ;

– un « marché » autour des activités liées à la gestion des déchets radioactifs en amont du stockage émerge progressivement : d’une part, les activités de démantèlement se développent ; d’autre part, on voit apparaître des prestataires qui interviennent auprès des exploitants nucléaires pour la production, le traitement, et le conditionnement de leurs déchets radioactifs ; (47)

– les attentes en matière de concertation se développent : le HCTISN a publié le 17 octobre 2011 un rapport, qui dresse un retour d’expérience de l’échec de la recherche de site pour les déchets FA–VL (2009) et présente des recommandations pour la reprise d’un processus de recherche de site. Il insiste sur le rôle renforcé que l’État doit tenir dans une telle démarche, ainsi que sur la nécessaire concertation et association des territoires, suffisamment en amont de la démarche ;

– les objectifs de réduction des déficits publics imposent aux opérateurs de l’État des contraintes de moyens fortes, notamment la réduction de leurs effectifs et la baisse des dépenses de fonctionnement.

Dans ce contexte, vos rapporteurs soutiennent les orientations stratégiques du contrat d’objectifs État-ANDRA 2013-2016, qui se déploient selon trois axes principaux :

– en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, préparer les décisions et la construction pour les stockages des déchets MA–VL/HA et FA-VL. Cet axe stratégique reprend les objectifs fixés par la loi du 28 juin 2006, conformément à laquelle il appartient à l’ANDRA de concevoir les solutions de stockage qui permettront de garantir l’existence d’une filière de gestion pérenne et sûre pour tous les déchets radioactifs français ;

– dans le respect d’un haut niveau de sûreté, améliorer la satisfaction des clients de l’établissement vis-à-vis du stockage de leurs déchets radioactifs ultimes TFA et FMA–VC. Cet axe stratégique doit permettre à l’ANDRA de capitaliser sur son expérience industrielle dans le stockage des déchets radioactifs et de poursuivre l’amélioration du stockage, pour répondre toujours plus efficacement aux besoins de ses clients ;

– fournir et valoriser des solutions innovantes pour une gestion optimisée des déchets radioactifs. Cet axe stratégique se traduit par un positionnement de l’ANDRA non seulement sur le stockage des déchets, mais aussi sur la fourniture de solutions de gestions intégrées et/ou la participation à l’optimisation de la gestion des déchets en amont du stockage.

3. Le déploiement vers de nouveaux métiers

Les missions confiées à l’ANDRA par la loi de 2006 ne sauraient faire oublier que l’établissement a capitalisé des compétences, parfois uniques au monde, de nature à en faire un acteur majeur dans la gestion des déchets radioactifs en France et à l’international.

Dans le cadre de l’évaluation de l’ANDRA qu’elle a conduite en 2012, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) a estimé que l’ANDRA pouvait se prévaloir « du statut d’institut de recherche » et l’a notamment invitée à s’investir dans la définition et le pilotage de la stratégie française de recherche et développement en matière de déchets, en lien avec les acteurs de la filière nucléaire.

Il semble donc opportun que l’ANDRA puisse poursuivre le déploiement de ses actions en amont du stockage, notamment pour ce qui concerne le traitement et la caractérisation des déchets, avec pour objectif final d’identifier des solutions permettant une réduction du volume des déchets à stocker. La coopération avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives doit notamment permettre d’affiner les moyens de caractérisation des déchets, en appui aux activités liées à l’optimisation des filières des déchets de faible et très faible activité dans le cadre du démantèlement des installations nucléaires et du traitement des déchets associés.

Des actions de recherche pourraient, de même, porter sur les moyens d’optimisation des stockages, en examinant notamment la formulation des matériaux actuellement retenus (bétons) et en approfondissant la réflexion sur le développement de matériaux innovants (par exemple, en solution alternative à l’acier prévu dans certains composants de structure de Cigéo).

Au-delà de la France, vos rapporteurs estiment que l’ANDRA peut jouer un rôle essentiel dans l’effort national d’exportation du nucléaire civil, en lien avec les industriels EDF et AREVA, ainsi qu’avec sa tutelle pour les interventions institutionnelles. Dans le cadre de la présentation d’offres globales, couvrant tant l’amont que l’aval de la filière nucléaire, l’ANDRA dispose en effet d’une expertise internationalement reconnue pour la gestion des déchets d’origine non électronucléaire de faible activité massique et à vie longue, ainsi que pour celle des déchets générés par le démantèlement des installations nucléaires.

C.— LE DÉCHET RADIOACTIF : UNE CATÉGORIE HÉTÉROGÈNE À REVISITER

Vos rapporteurs estiment que la notion même de déchet radioactif doit être revisitée dans son contenu. Outre la question des déchets sans filières et celle des déchets historiques, il leur apparaît notamment opportun de s’interroger sur l’introduction d’un seuil de libération pour les déchets à très faible activité.

1. La question des déchets sans filières

Les travaux menés dans le cadre du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2010–2012 ont montré que la très grande majorité des déchets radioactifs dispose aujourd’hui d’une filière de gestion existante ou relève d’un projet de filière aujourd’hui à l’étude (déchets FA–VL et déchets MA–VL et HA).

Un groupe de travail spécialisé a néanmoins souligné que quatre familles de déchets ne disposent pas aujourd’hui de filière d’élimination et que ces familles nécessitent donc des programmes et actions spécifiques afin de les rendre compatibles avec des filières existantes ou à créer. Il s’agit des huiles et liquides organiques non incinérables compte tenu de leurs spécifications physico-chimiques et de leur activité, de certains déchets amiantés susceptibles de relâcher des fibres (amiante libre), des déchets contenant des composés du mercure potentiellement hydrosolubles et des aiguilles sodées (c'est-à-dire contenant du sodium) des barres de commande de Phénix et Superphénix.

Déchets problématiques identifiés dans le cadre du PNGMDR 2010-2012

Certains solvants et huiles usagés

Certains déchets amiantés

Déchets incinérables tritiés

Réflecteurs en béryllium irradiés

Fourchette absorbante du réacteur

Détecteurs BF3

Plomb irradié

Aluminium irradié

Cadmium irradié

Nitrate d’uranyle

Déchets avec de l’acide borique

Silice (ISOTOPCHIM) 14C

Boues d’épuration d’effluents

Cendres spéciales

Mercure contaminé

Châteaux de plomb

Déchets de cobalt

Déchets d’hafnium

Ampoule contenant de l’UF6

Distillats tritiés

NaK caloporteur

Porogène et lubrifiant

   

Déchets identifiés dans le cadre de recensement complémentaire

Matériaux réactifs avec le béton (aluminium, magnésium, etc.)

Batteries, piles et déchets d’équipements, électriques et électroniques

Aiguilles sodées des barres de commande de Phénix et Superphénix

 

Déchets sans filière définie

Solvants et huiles usagés. – Les déchets de type « huiles » ou « solvants usagés » sont en général traités par incinération. Tous ne répondent cependant pas aux spécifications d’acceptation de l’installation Centraco (Socodei) au regard de leur activité radiologique ou de leur composition chimique.

Pour ces déchets, les industriels producteurs sont donc conduits à développer des procédés spécifiques. Plusieurs voies font aujourd’hui l’objet de travaux et sont susceptibles d’être portées à l’échelle industrielle. Le CEA développe ainsi un procédé (DELOS) pour le traitement de lots homogènes de solvants non halogénés et autre procédé spécifique (IDHOL) adapté pour les solvants halogénés. Pour le traitement des mélanges huiles-solvants chlorés, AREVA étudie la voie du traitement bactériologique, mais l’entreprise semblerait ne pas disposer à ce jour d’éléments suffisants pour s’assurer de la destruction de certains composants des huiles.

Déchets amiantés. – Le risque de toxicité chimique de l’amiante libre conduit aujourd’hui à classer les déchets en contenant comme « sans filière ». Ce risque de toxicité est associé à la remise en suspension potentielle des fibres en conditions d’exploitation et dans le cadre des scenarii de sûreté des centres de stockage sur le long terme.

L’amiante libre est ainsi interdit dans les centres de stockage de l’Aube et nécessite donc la mise au point d’une solution de traitement qui permette son élimination sans risque. Des procédés ont été identifiés comme la cimentation, la destruction thermique ou la vitrification. Les études sur les procédés de traitement envisageables doivent encore être poursuivies afin de disposer des éléments techniques et économiques nécessaires au choix de la ou des filière(s) de traitement à privilégier.

Au Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage, les déchets contenant de l’amiante lié sont autorisés en stockage direct. De même, au centre de stockage de l’Aube, l’amiante lié est autorisé en stockage (et interdit dans l’atelier de compactage) pour un volume limité.

Mercure contaminé. – La toxicité portée par les déchets contenant du mercure est essentiellement liée à la toxicité chimique intrinsèque du mercure, aboutissant à leur classement comme déchets dangereux au titre de l’article R. 541-8 du code de l’environnement.

L’enjeu est donc de mettre au point des traitements de stabilisation physico-chimique permettant d’éviter toute volatilisation du mercure dans l’atmosphère ou sa lixiviation dans les sols. Les différents procédés s’orientent vers la stabilisation sous forme de sulfure mercurique, classé comme non dangereux, avec l’objectif de parvenir à la mise en place d’une installation à l’horizon 2014.

Aiguilles sodées des barres de commande de Phénix et Superphénix. – Les déchets nucléaires sodés constitués par les aiguilles des barres de commande de réacteur proviennent des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium : Rapsodie, Phénix et Superphénix. Ces aiguilles peuvent comporter du sodium en quantité variable et difficilement quantifiable de manière fiable.

Les risques induits par ces aiguilles sont liés à la réactivité du sodium au contact de l’eau, générant à la fois un dégagement de dihydrogène (gaz explosif), une production de soude et un dégagement thermique (source d’ignition) jusqu’à la consommation complète du sodium (potentiellement).

Afin de maîtriser ces risques, plusieurs dispositions sont actuellement envisagées pour limiter le dégagement d’hydrogène et la quantité de chaleur produits par la réaction sodium-eau. Ces dispositions ont pour objectifs soit d’éviter la réaction en gérant les sources de la réaction (désodage des déchets), soit de favoriser une cinétique lente de production (mise en œuvre de conditions physico-chimiques favorables à une telle cinétique, limitation des venues d’eau au niveau du déchet, du colis de stockage et/ou de l’alvéole).

Un groupe de travail composé de l’ANDRA, du CEA et d’EDF a engagé une réflexion sur cette problématique spécifique des déchets sodés, dans l’optique de leur prise en charge éventuelle en stockage géologique profond (Cigéo). (48)

2. La gestion des déchets historiques et des stériles miniers

Les entretiens de vos rapporteurs avec plusieurs associations et organisations non gouvernementales ont mis en évidence la question des déchets historiques et celle des stériles miniers, auxquelles elles portent une attention légitime et qui suscitent parfois l’inquiétude.

a) La gestion des déchets historiques

Certains déchets de très faible activité provenant d’installations nucléaires de base ou d’installations nucléaires de base secrètes ont pu, par le passé, faire l’objet d’un stockage sur – ou à proximité – des sites de production ou dans des installations de stockage de déchets conventionnels, lorsque le niveau d’activité des déchets était jugé suffisamment faible. Cette pratique a cessé après l’adoption de l’arrêté du 31 décembre 1999, désormais remplacé par l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base (entré en vigueur le 1er juillet dernier). Depuis cette date, les déchets produits dans les INB (ou les INBS) font l’objet de modalités de gestion spécifiques et d’un stockage au Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage de Morvilliers.

Les déchets à radioactivité naturelle renforcée provenant de l’industrie conventionnelle sont – ou ont été – déposés (stockage ou transit) à proximité des sites de production et, pour certains, valorisés dans le bâtiment et les travaux routiers. Ils ont également pu être stockés dans des installations de stockage de déchets conventionnels relevant de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement, sans que des modalités de gestion adaptées à la nature de ces déchets soient clairement mises en œuvre.

Les stockages de déchets pudiquement qualifiés « d’historiques » par le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs sont donc les lieux où se trouvent stockés des déchets qui ne sont pas sous la responsabilité de l’ANDRA et pour lesquels les producteurs ou détenteurs n’envisageaient pas, lors de leur dépôt, une gestion dans les filières externes existantes ou en projet dédiées à la gestion des déchets radioactifs (stockages dans des installations de stockage de déchets conventionnels ou à proximité d’INB et dépôts de déchets à radioactivité naturelle renforcée situés dans des installations qui ne relèvent pas de la réglementation des installations classées).

Stockages historiques de déchets dans les installations de stockage de déchets conventionnels. – Les déchets de très faible activité (TFA) qui ont pu être stockés dans des installations de stockage de déchets conventionnels sont essentiellement des boues, terres, résidus industriels, gravats et ferrailles provenant de certaines activités historiques de l’industrie conventionnelle ou de l’industrie nucléaire civile ou militaire.

La réglementation interdit le stockage de déchets radioactifs dans les installations de stockage de déchets non dangereux, les installations de stockage de déchets dangereux et les installations de stockage de déchets inertes depuis respectivement 1997, 1992 et 2004. Les contrôles réalisés préalablement à l’admission des déchets portent sur la vérification des critères fixés dans l’autorisation d’exploiter et les installations de stockage de déchets dangereux et non dangereux doivent disposer de moyens de détection de la radioactivité.

L’inventaire des déchets radioactifs publié en 2012 recense treize installations de stockage de déchets conventionnels ayant reçu des déchets radioactifs. Y sont recensées, par exemple, l’installation de stockage de Vif (38), qui a reçu les résidus de procédés de fabrication de l’usine de Cézus, l’installation de Menneville (62), où ont été stockés les résidus de transformation de phosphates ou les installations de Pontailler-sur-Saône (21) et Monteux (84), qui ont reçu respectivement des déchets provenant de boues d’épuration du centre d’études de Valduc et de la fabrication d’oxyde de zirconium. L’installation de Solérieux (26) contient des fluorines provenant de l’usine de Comurhex.

Des contrôles radiologiques sont menés sur des sites représentatifs et ceux ayant reçu le plus de déchets radioactifs font l’objet de mesures de surveillance, notamment un suivi radiologique des eaux souterraines.

Stockages historiques des déchets dans ou à proximité d’une installation nucléaire de base. – Dans le cadre du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2010-2012, AREVA, le CEA et EDF ont présenté un programme d’investigations afin de vérifier qu’il n’existait pas de stockages historiques de déchets, dans le périmètre des installations nucléaires de base (INB) ou des installations nucléaires de base secrètes (INBS), qui n’auraient pas été mentionnés lors des déclarations à l’ANDRA pour l’inventaire des matières et déchets radioactifs établi en 2009. Les méthodologies proposées par les exploitants reposaient sur un recensement à partir de la documentation relative à la gestion des déchets, des enquêtes historiques et de la surveillance (historique) de l’environnement, suivi d’une étape d’analyse et de mesures in situ si nécessaire, avant de définir une stratégie de gestion en cas de découverte de stockages historiques de déchets.

Ce programme a permis d’identifier les principaux sites de stockage historique de déchets : il s’agit notamment des buttes de Bugey et Pierrelatte, de la zone nord de Pierrelatte, de la zone d’entreposage de déchets inertes (ZEDI) sur le site de Cadarache, du bâtiment 133 sur le site de Saclay, du bassin bétonné de l’ancien pilote de dégainage de Marcoule, des puits d’expérimentations du polygone d’expérimentation de Moronvilliers ou encore des six premiers stockages de déchets conventionnels et de l’aire 45 de Valduc.

AREVA, le CEA et EDF indiquent qu’à ce jour, pour les cas de stockages historiques identifiés, aucune filière de gestion externe n’était envisagée en l’absence de marquage de l’environnement. Les stockages historiques considérés sont surveillés dans le cadre plus général des programmes de surveillance de l’environnement des sites et des dispositions permettant de conserver la mémoire de la présence de déchets – définition de servitudes spécifiques tenant compte de la nature de l’activité, de son historique et des éventuels risques résiduels – sont mises en œuvre, le cas échéant.

Certaines associations comme l’ANCCLI ou la CRIIRAD ont néanmoins particulièrement attiré l’attention de vos rapporteurs sur la situation des déchets contenus dans les bassins de Comurhex à Malvési. Cet établissement convertit depuis 1960 l’uranium naturel provenant des mines en tétrafluorure d’uranium (UF4). Les résidus et effluents issus du procédé sont gérés par lagunage après neutralisation à la chaux : décantation de la fraction solide (boues) dans les bassins de décantation B1 à B6 et évaporation naturelle et concentration de la fraction liquide (liquides nitratés) dans les bassins d’évaporation B7 à B12.

L’inventaire des déchets produits à Malvési fait état d’environ 280 000 m3 de boues produites depuis 1960 et entreposées dans deux bassins (B1 et B2), dont le remplissage est suspendu depuis l’affaissement de la digue Est des bassins en 2004. (49) Par ailleurs, l’activité de conversion de l’uranium génère chaque année de nouveaux déchets, qui pourraient représenter un volume de 200 à 300 000 m3 de boues supplémentaires à l’horizon 2050. (50) Cet ensemble de déchets présente une large gamme d’activités massiques, sensiblement inférieures à 100 Bq/g pour les mélanges boues/matériaux et au-delà de ce seuil (jusqu’à 500 Bq/g pour l’activité totale moyenne) pour les boues, actuellement présentes dans les bassins de décantation ou à produire par déshydratation.

Au total, c’est donc un volume proche du million de mètres-cube de déchets qui sera à gérer à terme. Outre la présence de radioactivité artificielle, les boues des bassins B1 et B2 sont marquées radiologiquement essentiellement par l’uranium mais aussi par le thorium, à des niveaux incompatibles avec les spécifications d’acceptation pour un stockage au Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage de l’ANDRA.

Dans le cadre du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2010-2012, l’entreprise a transmis fin 2011 un rapport d’étape portant sur une solution de gestion sûre à long et court terme des déchets entreposés sur le site et le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2013-2015 a demandé la présentation un calendrier des études et investigations à réaliser avant le 31 décembre 2013.

Stockages de déchets à radioactivité naturelle renforcée. – Plusieurs dizaines d’entreposages de déchets contenant de la radioactivité naturelle renforcée sont présents sur le territoire français. Il s’agit de déchets de phosphogypses provenant de la production d’engrais, de résidus de la production d’alumine et de cendres de charbon issues des centrales thermiques, pour certains encore valorisables. Par ailleurs, certains travaux d’aménagement urbains ont également utilisé par le passé des remblais de matériaux issus de l’industrie conventionnelle mais présentant de faibles activités radiologiques : c’est le cas des zones portuaires de La Rochelle, dont les installations ont été remblayées par des résidus provenant des activités historiques de production de terres rares à partir de minerai de monazite.

Un premier état des lieux de la situation de ces sites, complété par un inventaire des dépôts de cendres des centrales thermiques et de phosphogypses a été réalisé pour l’Autorité de sûreté nucléaire par l’association Robin des Bois en 2005 et 2009, dénombrant une cinquantaine de sites (46 sites de dépôts de cendres et 5 sites de dépôts de phosphogypses). Parmi les sites recensés, la plupart ne sont plus exploités et sont donc considérés comme des stockages historiques de déchets à radioactivité naturelle renforcée.

Un arrêté du 25 mai 2005 demande aux exploitants d’installations mettant en œuvre des matières premières contenant naturellement des radionucléides non utilisés en raison de leurs propriétés radioactives de réaliser une étude destinée à mesurer les expositions aux rayonnements ionisants d’origine naturelle et à évaluer les doses auxquelles la population et les travailleurs sont susceptibles d’être soumis. En 2007, EDF et E.ON France ont remis chacun une étude générique sur l’impact radiologique des sites de stockage des cendres de combustion des centrales thermiques, montrant aussi bien pour les populations que pour les travailleurs qu’aucune dose ne dépassait la limite de 1 mSv/an fixée à l’article R. 1333-826 du code de la santé publique pour l’exposition de la population.

Afin de confirmer les résultats des études génériques, les pouvoirs publics ont demandé aux exploitants actuels des centrales thermiques à charbon la réalisation de contrôles radiologiques autour des dépôts de cendres de combustion. Ces contrôles incluent la réalisation de deux campagnes de prélèvements d’eaux souterraines (l’une en période de hautes eaux et l’autre en période de basses eaux) représentatives d’un éventuel marquage par des radioéléments issus des entreposages de cendres de combustion des centrales thermiques sur les différents sites. Pour ce qui concerne la voie d’exposition atmosphérique, ce contrôle prévoit une analyse des envols de poussières pour les sites où ce risque est susceptible de se présenter.

Les campagnes de prélèvement sont en cours et les analyses portant sur les sites prioritaires montrent l’absence d’anomalie particulière.

b) La question des stériles miniers et des résidus de traitement

L’exploitation des mines d’uranium en France, entre 1948 et 2001, a conduit à la production d’environ 76 000 tonnes d’uranium. Les activités d’exploration, d’extraction et de traitement ont concerné environ deux cent cinquante sites, de dimension très variable et répartis sur vingt-cinq départements (de simples travaux de reconnaissance à des chantiers d’exploitation de grande ampleur). Le traitement des minerais a été effectué principalement dans huit usines. (51)

On peut distinguer deux catégories de produits issus de l’exploitation des mines d’uranium :

– les « stériles miniers », qui désignent les produits constitués des sols et roches excavés pour accéder aux minéralisations économiques. Le volume des stériles miniers extraits peut être évalué à 167 millions de tonnes ;

– les « résidus de traitement », qui désignent les produits restant après extraction de l’uranium contenu dans le minerai par traitement statique ou dynamique. Les résidus correspondent, de fait, à des déchets de procédé (au sens du code de l’environnement) et leur volume peut être évalué à 50 millions de tonnes.

Pour l’essentiel, les stériles sont restés sur leur site de production – en comblement des mines à ciel ouvert ou des ouvrages miniers souterrains, tels que les puits –, ont été utilisés pour des travaux de réaménagement en couverture des stockages de résidus ou ont été placés en tas sous forme de verses. Des stériles miniers de teneur inférieure à 100 parties par million (ppm) ont pu être utilisés comme matériaux de remblai, de terrassement ou en tant que soubassements routiers, sur des lieux situés à proximité des sites miniers.

Les résidus de traitement sont, quant à eux, stockés sur dix-sept sites et constituent des déchets de type TFA ou FA–VL. Le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs distingue deux types de résidus de traitement du minerai, caractérisés par des activités massiques plus ou moins élevées :

– les résidus de traitement de minerais à faible teneur moyenne (de l’ordre de 300 à 600 ppm d’uranium), avec une activité massique moyenne totale de 44 Bq/g (dont environ 4 Bq/g de radium 226). Ces résidus, représentant environ 20 millions de tonnes, sont stockés soit en verses, soit en mines à ciel ouvert, soit utilisés comme première couche de couverture des stockages de résidus de traitement ;

– les résidus de traitement de minerais à forte teneur moyenne (de l’ordre de 1 000 à 10 000 ppm d’uranium) avec une activité massique moyenne totale de 312 Bq/g (dont environ 29 Bq/g de radium 226). Ces résidus, avoisinant les 30 millions de tonnes, sont stockés dans d’anciennes mines à ciel ouvert ou dans des bassins fermés par une digue de ceinture.

Les sites de stockage des résidus de traitement miniers ont tous été installés à proximité des installations de traitement du minerai elles-mêmes. Ces stockages, d’une superficie comprise entre un et quelques dizaines d’hectares, renferment quelques milliers à plusieurs millions de tonnes de résidus.

Avec la fermeture progressive des sites d’extraction minière, une série d’actions ont été engagées par les pouvoirs publics en vue de définir et d’appliquer une doctrine uniforme en matière de réaménagement des stockages :

– en 1986, une note d’instruction technique relative aux installations de traitement des minerais d’uranium définit les modalités d’exploitation applicables à ces installations ;

– en 1993, le rapport Barthélémy–Combes élaboré à la demande du ministère chargé de l’environnement définit les objectifs et les conditions techniques de réaménagement des stockages ;

– en décembre 1998, l’Institut de protection et de sûreté nucléaire, prédécesseur de l’IRSN, élabore une doctrine de réaménagement des stockages de résidus ;

– en 2003, un rapport du Conseil supérieur d’hygiène publique de France reprend l’historique des sites de mines et émet des recommandations concernant la prise en charge d’études de santé des personnes vivant autour des sites miniers d’uranium ;

– en 2005, un groupe d’expertise pluraliste est créé avec pour mission « d’apporter un regard critique sur les diverses études techniques, environnementales et formuler des recommandations visant à réduire les impacts des sites miniers sur les populations et de l’environnement » et son rapport est remis en 2010.

Pour ce qui concerne les sites de stockage de stériles, les terrains ont pu parfois être réaménagés pour de nouveaux usages. À titre d’exemple, une mine à ciel ouvert ennoyée après arrêt de l’exploitation a été réaménagée en plan d’eau de loisirs.

S’agissant, en revanche, des sites de stockage de résidus, leur réaménagement a conduit à devoir mettre en place une couverture solide sur les résidus pour assurer une barrière de protection géomécanique et radiologique, afin de limiter les risques d’intrusion, d’érosion, de dispersion des produits stockés ainsi que ceux liés à l’exposition externe et interne (radon) des populations alentours.

Il n’en reste pas moins que l’accès à ces sites de stockage de résidus demeure interdit au public et que les associations écologiques y conduisent régulièrement des campagnes de mesure, dont les résultats démontrent parfois la nécessité de poursuivre le suivi par les anciens exploitants et les pouvoirs publics.

3. L’opportunité d’une réflexion responsable sur l’introduction de seuils de dangerosité

L’édition 2012 de l’inventaire national des déchets et matières radioactifs publié par l’ANDRA prévoit un volume total de déchets TFA avoisinant les 1 300 000 m3 à la fin 2030 – soit le double de la capacité de stockage autorisée du Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (CIRES) situé à Morvilliers (650 000 m3) – et supérieur à 1 900 000 m3 à la fin du démantèlement du parc électronucléaire actuel. Plus inquiétant encore, le retour d’expérience et les exigences réglementaires conduisent à réévaluer systématiquement à la hausse, à chaque inventaire national triennal, les évaluations prospectives du volume de déchets TFA des démantèlements futurs. (52) La réduction de la quantité de déchets TFA à prendre en charge dans les stockages, en lien avec la réduction des risques, durées et coûts à terminaison des démantèlements, est donc un enjeu national majeur.

Les principaux volumes de déchets TFA sont constitués de gravats, de terres polluées et de déchets métalliques, qui peuvent présenter un potentiel de recyclage non négligeable. Il s’agit, par exemple :

– de cent cinquante mille tonnes environ de déchets métalliques de l’usine d’enrichissement d’uranium « Georges Besse I » d’Eurodif à Pierrelatte ;

– des alliages Inconel à forte valeur ajoutée utilisés dans les générateurs de vapeur (100 t par générateur), qui pourraient être valorisés sous réserve de décontamination (technologie encore à développer) ; (53)

– de six mille à dix mille tonnes par an de ferrailles TFA (à rapprocher des trente à trente-cinq mille tonnes de déchets TFA stockés annuellement au CIRES par l’ANDRA).

Ainsi que vos rapporteurs l’ont précédemment rappelé, l’absence de « seuil de libération », pour les déchets ne contenant – ou susceptibles de ne contenir – que de très faibles quantités d’éléments radioactifs est une spécificité de la France. De tels seuils existent dans les autres pays étudiés par le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, tout en variant considérablement tant au niveau du seuil lui-même que du périmètre des déchets considérés. Il en résulte que la catégorie des déchets TFA existe rarement en tant que telle à l’étranger et ne correspond alors pas aux mêmes déchets qu’en France.

Vos rapporteurs estiment donc souhaitable que puisse aujourd’hui s’engager une réflexion prudente sur l’introduction d’un tel seuil en France. L’application d’un seuil de libération présente néanmoins des coûts et des risques induits, qu’il faut justement apprécier et qui conduisent à deux options possibles, selon que le déclassement des déchets aboutit à des circuits de traitement conventionnels (hypothèse de libération inconditionnelle) ou situés à l’intérieur de la filière nucléaire (hypothèse de libération conditionnelle).

Dans l’hypothèse de libération inconditionnelle, le constat de la non-contamination de certains déchets issus de la filière nucléaire aboutirait à leur déclassement en déchets conventionnels. Cette option n’apparaît ni possible, ni souhaitable pour au moins quatre raisons :

– une telle mesure se heurterait à la réticence, voire à l’hostilité, d’une fraction importante de l’opinion publique, à défaut d’efforts suffisants de pédagogie préalables ;

– la question de l’innocuité ou de la dangerosité d’une exposition aux « faibles doses » fait l’objet de recherches et le débat n’est pas tranché au plan scientifique ;

– les filières conventionnelles de traitement des déchets peuvent craindre que le recyclage de tels déchets, même très faiblement radioactifs, porte atteinte à l’image de leurs industries et de leurs entreprises, y compris auprès de leur clientèle étrangère – un risque que ne compensent vraisemblablement pas les gains économiques attendus de l’extension du gisement disponible ;

– en cas d’erreur d’orientation des flux de matières, c’est la crédibilité de l’ensemble de la chaîne de valeur située en aval qui se trouve fragilisée. Il existe plusieurs exemples de telles pertes de traçabilité, dont les plus graves ont été l’intégration de matériaux activés (cobalt 60) dans des chaînes de production de produits courants (lingots de métal recyclés, boutons d’ascenseurs) ;  (54)

Vos rapporteurs souhaitent donc plutôt que la réflexion puisse progresser dans le cadre de l’hypothèse d’une libération conditionnelle, c’est-à-dire d’une réutilisation sans contrainte au sein de la filière nucléaire de matières pour lesquelles la démonstration a été apportée qu’elles ne sont pas plus radioactives que la matière issue de filières conventionnelles (matériau neuf ou recyclé). Ces matières pourraient, par exemple, être le résultat d’opérations de récupération de déchets TFA métalliques qui, une fois contrôlés, pourraient être transformés en produits pour l’industrie nucléaire dans des installations dédiées.

Un tel système présenterait notamment pour avantage d’économiser ces ressources rares que sont certaines matières premières naturelles et le stockage de déchets ultimes dans une installation classée, tout en apportant des garanties contre les risques de pertes de contrôle et de traçabilité – puisque la réutilisation des matériaux s’effectuerait en circuit fermé, dans le périmètre de la seule filière nucléaire.

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 3 juillet 2013, la commission a procédé à l’examen du rapport sur la gestion des matières et déchets radioactifs.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Dès la mise en place de la Commission du développement durable, au début de la présente législature, celle-ci a décidé la création d’une mission d’information sur la gestion des matières et déchets radioactifs, dont les conclusions nous sont aujourd’hui présentées.

M. Christophe Bouillon, corapporteur. Cette mission d’information a été effectivement été créée le 18 juillet 2012 et a travaillé pendant plusieurs mois sur ce sujet complexe, à l’intersection de dimensions techniques, économiques et sociétales, avec le souci d’éviter les postures idéologiques. Ce souci était d’autant plus nécessaire que notre rapport est présenté dans un contexte complexe, alors que le débat sur la transition énergétique est engagé et que celui sur Cigéo traverse des turbulences.

On entend parfois que les déchets nucléaires seraient le « talon d’Achille » de la filière électronucléaire. Il est vrai que les Français, interrogés sur l’acceptabilité du nucléaire, mettent au premier rang de leurs préoccupations la sûreté des réacteurs et le devenir des déchets. Nous héritons des déchets de nos prédécesseurs et continuons nous-mêmes à en produire. Nous ne pouvons en revanche laisser aux générations futures le soin de les gérer : ces déchets existent, ce ne sont pas des déchets comme les autres et nous devons les prendre en charge.

Le législateur a donc précocement posé un certain nombre de principes et de règles du jeu, qui doivent permettre d’aborder aujourd’hui le sujet dans les meilleures conditions possibles, au regard notamment d’une exigence de sûreté qui n’est pas négociable.

La première question est celle de la définition et de la caractérisation de ces déchets. Ces déchets sont, d’une part, classés en fonction de leur niveau de rayonnement, de la très faible activité à la haute activité. Ils peuvent l’être, d’autre part, en fonction de leur période de demi-vie. Le croisement de ces principes de caractérisation permet de définir les filières de gestion de ces déchets, à savoir : les déchets à vie très courte, issus des applications médicales de la radioactivité ; les déchets à très faible activité ou TFA, qui sont des déchets inertes de type béton ou gravats ; les déchets à faible-moyenne activité et à vie courte ou FMA-VC, qui sont des déchets issus de l’exploitation et de la maintenance, comme des vêtements, outils, gants, filtres, etc. ; les déchets à faible activité et à vie longue ou FA-VL, comme les déchets de graphite issus de la filière UNGG, les déchets radifères, les colis de bitumes, certains résidus de l’usine Comurhex à Malvési, etc. ; les déchets à moyenne activité et à vie longue ou MA-VL, comme les déchets de structure des installations nucléaires ou les gaines de combustible, etc. ; les déchets à haute activité ou HA, qui comprennent les colis de déchets vitrifiés issus des combustibles, contenant les produits de fission et les actinides mineurs. Chaque déchet a donc sa filière, selon le principe « séparer et confiner, plutôt que diluer et disperser ».

Un rôle important est dévolu à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) qui, à partir de son inventaire triennal, doit évaluer le volume de ces déchets, en identifier l’origine et mettre en place les filières de gestion. Concrètement, les principaux volumes concernent les déchets de faible activité à vie courte et les moins conséquents, les déchets de haute activité. Afin de situer les ordres de grandeur, les stocks étaient de 360 000 mètres-cubes de déchets TFA en 2010 (27 % du total), 830 000 m3 de déchets FMA-VC (63 %), 87 000 m3 de déchets FA-VL (7 %), 40 000 m3 de déchets MA-VL (3 %) et 2 700 m3 de déchets HA. La radiotoxicité se concentre essentiellement dans les déchets HA : ceux-ci représentent en effet 0,2 % du volume total des déchets, mais totalisent 96 % de leur radioactivité. Ces déchets stockés font, pour la plupart d’entre eux, l’objet d’un traitement sous forme d’un compactage et/ou d’une vitrification.

Dans le cadre d’une réflexion prospective, l’ANDRA a étudié l’impact sur le stock et la composition des déchets de deux scénarios contrastés à échéance 2020-2030, en fonction du choix qui serait fait de poursuivre ou au contraire de cesser le traitement du combustible usé. Si ce traitement des combustibles et matières est interrompu, l’impact sur la quantité de déchets à stocker sera direct et substantiel – à travers notamment le dimensionnement d’une installation comme Cigéo.

Dans l’écosystème de la gestion des déchets nucléaires, le rôle de l’ANDRA apparait essentiel et ses moyens et son indépendance doivent être garantis, vis-à-vis notamment des producteurs de déchets. Il faut également mentionner le rôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, expert technique de l’ASN, du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire et de certains partenaires comme les commissions locales d’information.

La représentation nationale elle-même s’est investie très tôt sur ces sujets, à travers notamment la loi de 1991, dite « loi Bataille », qui définissait une série d’orientations et d’axes de recherche (séparation-transmutation, entreposage de long terme en subsurface et stockage géologique), et la loi de 2006, dite « loi Birraux », qui a fait du stockage géologique profond et réversible la solution de référence. Le Parlement aura de nouvelles occasions de revenir sur le sujet, dans le cadre du débat sur la transition énergétique – qui inclura un volet « déchets » – ou dans celui d’une loi à venir en 2015, qui aura à préciser les conditions de cette réversibilité.

Nous nous sommes également posé la question du seuil de libération. La France a fait le choix de n’en introduire aucun, ce qui aboutit à considérer que l’ensemble des déchets radioactifs, quel que soit leur niveau de radioactivité ou de radiotoxicité (à de très rares exceptions près), devaient faire l’objet d’une prise en charge en stockages séparés. Certains pays ont fait d’autres choix, introduisant donc un « seuil de libération » en-deçà duquel des matières très faiblement radioactives étaient autorisées à faire l’objet de traitements et de recyclages dans des filières conventionnelles. Nous estimons opportun de poser la question de l’introduction, en France, d’un seuil de libération conditionnelle, c'est-à-dire d’autoriser le traitement et le recyclage de certains déchets radioactifs – comme des aciers ou des métaux rares issus du démantèlement d’une installation – dans le cadre de cycles fermés, impérativement circonscrits à la seule filière nucléaire. Il y a là une question essentielle, au regard du volume des déchets, de sa croissance attendue et de cette ressource rare qu’est une capacité de stockage disponible.

M. Julien Aubert, corapporteur. Il en va des déchets radioactifs et du seuil de libération comme de l’impôt sur le revenu : une partie des contribuables doit-elle ne pas payer l’impôt et qu’advient-il du dernier décile, cette petite partie qui représente la majorité de l’impôt, c'est-à-dire de la radioactivité ? De quelles solutions disposons-nous pour ces déchets à haute activité ?

Notre déplacement en Suède nous a permis de nous rendre compte que nos voisins du nord considèrent le sujet de manière pragmatique et dépassionnée : les déchets sont là, ce sont nos déchets et il est de notre responsabilité de les gérer. Certains élus antinucléaires, que nous avons rencontrés, sont en faveur du stockage : les questions sont considérées de manière disjointe et il est clair, dans leur esprit, que rechercher des solutions de traitement des déchets ne vaut en aucune manière validation d’une politique énergétique.

La question du stockage des déchets HA est une question complexe. Les instances internationales, qu’il s’agisse de l’Agence internationale de l’énergie atomique ou de l’Agence de l’énergie nucléaire de l’OCDE, soutiennent la solution du stockage géologique profond comme seule solution sûre et pérenne. Plusieurs pays dotés d’une industrie nucléaire développée comme la Finlande ou la Suède ont également retenu cette option, d’autres États en sont encore à des réflexions préliminaires.

D’autres options existent-elles ? On pense à la solution de placer les déchets au fond des océans : cette solution a été utilisée entre 1946 et 1982, elle est aujourd’hui abandonnée du fait de l’impact désastreux sur l’environnement et de l’impossibilité d’assurer un quelconque suivi. Les attitudes des États vis-à-vis de la mer sont parfois ambiguës, les Suédois projetant par exemple de construire leur centre de stockage profond sous celle-ci et n’ignorant pas qu’à terme, les résidus risquent d’être captés et dilués par les eaux. Le rejet direct en mer est néanmoins interdit depuis 1993 et on n’imagine pas, à l’heure actuelle, de revenir sur cette interdiction.

Envoyer les déchets dans l’espace met en présence d’un problème économique, car le coût d’envoi à la tonne serait prohibitif.

Certaines organisations non gouvernementales défendent la solution de l’entreposage à long terme, en surface ou subsurface. Cette solution vise à ne pas engager les générations futures par des décisions malaisément réversibles et à maintenir la possibilité d’une surveillance directe des colis de déchets. Le problème est consubstantiel à la solution elle-même : il faudra assurer la surveillance, le suivi et l’entretien du site pendant des centaines et des milliers d’années, ce dont rien ne garantit la possibilité ou la certitude. Sur un plan plus philosophique, se trouve aussi posée la question de la relation des politiques publiques au temps : nous sommes en train de bâtir une réflexion sur un sujet plurimillénaire, qui échappe totalement au temps politique – voire à la conscience humaine.

Une dernière voie était constituée par les recherches sur la séparation-transmutation, c'est-à-dire la tentative de retirer des déchets les actinides mineurs, principaux contributeurs à la radiotoxicité. Les travaux tendent à montrer qu’il ne s’agit pas là d’une solution industriellement réaliste, à court et moyen termes, et que l’exploitation d’installations de séparation et de traitement des actinides mineurs serait par elle-même génératrice de nouveaux déchets, qu’il faudrait à leur tour traiter et enfouir. La question du stockage demeurerait donc posée.

Le législateur s’est saisi du sujet du stockage depuis vingt-cinq ans, dans le cadre de la loi Bataille de 1991, d’abord, puis dans celui de la loi Birraux de 2006. Cette dernière a fait du stockage géologique profond et réversible la solution de référence, dont le laboratoire du Bure et le projet Cigéo constituent les déclinaisons. Après qu’une série de travaux ont permis d’étudier la roche et les méthodes de creusement et de scellement, on imagine un système d’alvéoles en puits profond. La question du dimensionnement de l’installation se pose parallèlement au débat sur la transition énergétique : les simulations montrent qu’une prolongation de dix ans de la durée de vie des centrales ne se traduirait que par une augmentation de l’ordre de 6 % du volume des déchets à stocker dans Cigéo.

Un débat public sur Cigéo a été lancé, mais il rencontre de grandes difficultés du fait de la stratégie d’obstruction mise en œuvre par les adversaires du projet. Cette situation devrait nous conduire à nous interroger – j’exprime ici un point de vue purement personnel – sur la manière dont nous conduisons nos débats : alors que ceux-ci visent à faire émerger un consensus acceptable, on constate qu’en définitive certains s’emploient à créer le blocage et à empêcher la diffusion de l’information. L’exemple suédois est, de ce point de vue, riche d’enseignements : le débat y a duré dix ans et non six mois, avec le souci de convaincre les habitants un par un en leur faisant visiter les installations, en allant les rencontrer à leur domicile et en invitant les salariés du site à assurer sa promotion auprès de leur entourage.

Il existe une série de questions en suspens intéressant le projet Cigéo. La première est celle de son coût et de son financement. Le chiffrage initial s’établissait aux alentours de 15 milliards d'euros, il a depuis été réévalué à 35 milliards d'euros. Cette progression s’explique par le coût des études préliminaires – avec des sujets techniques, comme les modalités de creusement des tunnels – mais aussi par la prise en compte de coûts d’exploitation et de charges pluri-décennaux, qui ont été revus à la hausse. Ramené au prix du kilowattheure payé par le consommateur, l’incidence n’est pas très significative ; sur les comptes et les provisions d’EDF, l’impact est en revanche de 4 milliards d'euros… ce qui explique les tensions parfois perceptibles entre l’ANDRA et ses financeurs. On a d’ailleurs le sentiment que le choix implicite de la France, c’est aujourd’hui « ceinture et bretelles », afin de couvrir tous les risques, avérés, potentiels et hautement improbables. Cette attitude est extrêmement responsable au regard des enjeux de sûreté, mais elle représente un coût financier considérable. En voulant isoler tous les déchets, en se refusant à introduire un seuil de libération, en traitant de la même manière le déchet HA exposant à un risque mortel et les gravats issus de démantèlement ou la tenue du visiteur occasionnel, on apporte des solutions identiques à des problèmes différents. En toute hypothèse, il appartiendra au nouveau ministre de l’écologie, à l’automne prochain, d’arrêter le cadre du chiffrage financier.

Se pose également la question de la réversibilité. Cette réversibilité était un concept essentiel porté par la loi de 2006. De quoi s’agit-il exactement ? On pourrait penser qu’il s’agit de récupérer les déchets nucléaires afin de pouvoir ensuite les retraiter. Ces déchets étant en réalité vitrifiés, la réversibilité doit plutôt s’entendre comme la possibilité de récupérer les colis pour les stocker ailleurs : elle s’apparente donc à une forme de flexibilité dans le processus, pendant un siècle – car ce sera plus difficile au-delà, pour des raisons de sûreté. Il y a donc une dimension politique de la réversibilité : les déchets nucléaires sont et seront invisibles aux populations et il est donc important qu’elles puissent être assurées que, dans certaines limites, il sera possible d’aller rechercher les colis si nécessaire. Là encore, la question du coût spécifique de la réversibilité mérite d’être posée, notamment au regard de la proposition de l’ANDRA d’organiser des clauses de rendez-vous décennales à partir du lancement de Cigéo.

Mon collègue Christophe Bouillon et moi-même sommes enfin sensibles au fait que Cigéo, implanté sur une petite partie du territoire, serait le récipiendaire d’un bien collectif de la Nation – ces déchets nucléaires, que nous avons tous collectivement produits et dont les désagréments en termes d’image, de nuisances ou de voisinage ne seront subis que localement. Ceux qui accepteront l’installation Cigéo sur leur sol et dans leur sous-sol rendront un service d’intérêt national. Nous proposons donc de réfléchir à la création d’une « Zone d’intérêt national » en Meuse/Haute-Marne, qui serait bâtie sur le modèle des zones franches et ouvrirait droit à une série d’avantages – notamment, des avantages fiscaux. Le dispositif serait placé dans un cadre juridique extrêmement protégé sur le temps long et serait complété par un effort massif d’investissements d’avenir, de jeunesse et d’éducation.

Le rôle de l’ANDRA a été contesté par les producteurs de déchets et la question du chiffrage a tendu les relations entre les différents acteurs. Nous pensons que ce rôle doit être conforté et réaffirmé, car le stockage géologique profond concernera d’autres pays que la France à l’avenir – même si certains ont fait le choix du granite plutôt que de l’argile – et que le savoir-faire que l’ANDRA est en train de développer est susceptible d’être exporté et vendu. Il y aura là une forme de retour sur l’investissement consenti par notre pays au titre de Cigéo.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Je donne la parole aux représentants des groupes politiques.

M. Jean-Yves Caullet. Je salue la lucidité des propos de nos rapporteurs et la qualité de leur travail, et j’avais envie de vous dire, à titre liminaire : « Enfin, nous y voilà ! » Après quarante ans, il est établi que les déchets nucléaires constituent un vrai problème. Nous sommes devant cette réalité et, à l’image de nos amis suédois, face à nos responsabilités. La réalité technique est transparente et connue ; la réalité financière est en revanche plus incertaine car nous ne savons pas évaluer les conséquences de l’ensemble de ce problème…

Pensez-vous que l’expérience acquise par notre pays dans la gestion des déchets puisse lui permettre de développer une filière économique, d’apporter des solutions tout en assumant ses responsabilités envers les pays auprès desquels il a recommandé la filière nucléaire ? Est-ce qu’intérêt économique et principe de responsabilité pourraient se rejoindre ?

Quant au débat sur Cigéo, je relève qu’il a fallu plusieurs dizaines d’années pour accepter l’idée d’un démantèlement des centrales et de la gestion des déchets. Il faudra en conséquence garantir que la surveillance des déchets dans les années à venir se poursuive avec la même unanimité. Il faut éviter que la question de la responsabilité soit à nouveau posée dans dix ou vingt ans. Nous avons en charge cette responsabilité pour de très longues années ; il nous faut donc nous assurer que le contrôle démocratique du processus soit assuré aussi longtemps qu’on peut l’imaginer.

Je rappelle que le discours tenu aux populations qui accueillent les sites de stockage met en avant l’intérêt national. Je souscris volontiers à cette idée mais cette situation est également celle des populations vivant à proximité des centrales nucléaires. Il serait intéressant de tirer un bilan de la manne que ces populations ont reçue au nom de l’intérêt national.

Enfin, comme l’ont souligné nos rapporteurs, nous sommes tous interpellés par l’échelle de temps de la gestion des déchets, qui dépasse la durée qui nous sépare de l’apparition de l’être humain sur la planète. Notre responsabilité n’est pas simplement celle d’un moment, d’une représentation politique ou encore d’un État… C’est une responsabilité qui sera assumée par les générations qui nous succèderont. Nos rapporteurs ont-ils des idées sur ce point ?

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. La parole est à M. Bertrand Pancher, qui, je le rappelle, est élu de la circonscription où se situe le futur site de Cigéo.

M. Bertrand Pancher. J’associe à mes questions notre collègue Jean-Louis Dumont, député de la Meuse. Nos rapporteurs ont accompli un remarquable travail, qui ne remet pas en cause, mais au contraire conforte, la stratégie française de stockage et de traitement des déchets nucléaires. Je souligne également la qualité du travail de l’ANDRA, en formant des vœux pour le maintien de ses moyens humains et financiers. Il ne faudrait pas traiter cet organisme comme d’autres services de l’État, car l’essentiel de ses moyens provient des opérateurs eux-mêmes – à travers des contrats commerciaux et les recettes de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base (INB). Il convient de conforter l’indépendance de l’agence, dans un contexte où les producteurs de déchets nucléaires ont un intérêt objectif à tenter de diminuer le coût de traitement de ces déchets et préconisent donc des solutions rapides, moins onéreuses, mais qui posent des questions en termes de sûreté.

Vos réflexions sur l’introduction d’un seuil de libération conditionnelle et sur la récupération de certains matériaux de valeur dans le cadre du démantèlement d’une INB me semblent très pertinentes.

Vous soulignez également le consensus international sur le stockage des déchets à vie longue. Ce consensus est important, notamment pour les pays qui renoncent à l’énergie nucléaire et, en ce sens, peut-être pourriez-vous analyser la position de l’Allemagne, qui réfléchit également sur des types de stockage équivalents ?

Je terminerai par deux questions : d’une part, le CEA travaille-t-il réellement sur la transmutation ? D’autre part, comment améliorer la gouvernance nationale et locale de la surveillance des déchets ? Derrière cette question, se trouve naturellement celle de l’acceptabilité de cette politique.

Pour ma part, je souhaiterais transmettre votre rapport à la Commission nationale du débat public, dans le contexte des évènements fâcheux qui se sont récemment déroulés dans la Meuse. Alors que 80 % des personnes interrogées dans un récent sondage aspirent à un débat public ouvert sur le projet Cigéo, la représentante régionale d’Europe Écologie–Les Verts a été conspuée et empêchée de parler, alors même qu’elle venait expliquer pourquoi elle s’opposait à la tenue de ce débat : il y a là une logique qui m’échappe…

M. Martial Saddier. Je salue à mon tour la qualité du travail de nos rapporteurs qui sont – sans ironie – les témoins vivants de la qualité de la sûreté nucléaire en France. (Sourires) Je rappelle, notamment à notre collègue Jean-Yves Caullet, que le Parlement débat de cette question depuis 1991, avec ce que je qualifierais de « temps fort législatif » en 2006. L’installation Cigéo est une première mondiale, ce qui suscite naturellement des questions, seuls les États-Unis disposante d’une expérience partiellement comparable avec celle France, dans le cadre du traitement de leurs déchets radioactifs militaires.

Le véritable défi d’une politique de déchets est de les réduire. Telle est ma première interrogation, consistant à savoir s’il existe de telles perspectives… Je rappelle ensuite le soutien du groupe UMP à l’ANDRA. En 2006, c’est notre majorité qui avait voté la taxe additionnelle assise sur les producteurs pour assurer l’indépendance et le financement de cette agence. Les députés UMP y sont très attachés et souhaitent que cette indépendance soit sacralisée malgré le contexte budgétaire actuel…

Nos rapporteurs n’ont pas abordé les incidences de la prolongation de la durée d’activité de nos centrales nucléaires. Des précisions seraient sans doute utiles sur ce point. La difficile question de la réversibilité du stockage a été évoquée, elle a animé fortement nos débats en 2006, je n’y reviens donc pas…

Il reste à nous interroger sur la solidarité environnementale. Les communes qui acceptent de telles installations sur leur territoire le font pour toutes les autres et ce choix n’est jamais facile pour leurs élus locaux. C’est un véritable acte de solidarité. Pensez-vous que la solidarité envers les territoires qui accueillent ces infrastructures soit suffisamment forte ?

Mme Laurence Abeille. L’industrie nucléaire représente un terrible danger et ce rapport démontre de manière involontaire l’urgence de sortir du nucléaire. La question des déchets, traitée dans ce rapport, est centrale et s’ajoute aux risques inconsidérés que cette industrie fait courir à la population. En cinquante ans, notre pays a produit 33 000 tonnes de déchets radioactifs. Il s’agit de déchets dont nous ne savons que faire, ce qui est problématique car leur nocivité porte jusqu’à 4,5 milliards d’années, pour l’uranium 238. Où en sera alors l’Homo sapiens et par quelle créature aura-t-il été remplacé ?

La solution serait l’enfouissement en couche géologique profonde, mais cette solution est loin d’être optimale. En outre, nous n’arrivons pas à en discuter sérieusement car le débat public sur cette question – notamment celui sur Cigéo – est un simulacre qui entérine une décision déjà prise. Lorsque nous avons examiné le projet de loi sur la mise en œuvre de la participation du public au regard de l’article 7 de la Charte de l’Environnement, le groupe Écologiste a défendu l’idée qu’un débat public devait commencer bien en amont d’un projet, sans quoi il était inutile. Dans le cas de Cigéo, aucune solution alternative n’est proposée, ce qui montre le caractère artificiel de la concertation, alors que le pays s’interroge sur la manière de mettre en œuvre la transition énergétique.

Contrairement à ce qui est écrit dans ce rapport, notre groupe ne dissocie pas la gestion des déchets nucléaires et nos choix de production d’électricité. Et je note avec étonnement – en page 25 du projet de rapport – votre affirmation selon laquelle arrêter la production d’électricité d’origine nucléaire génèrerait davantage de déchets de haute activité que si l’on poursuivait dans cette voie. C’est un raisonnement curieux, qui induit qu’il faut plus de nucléaire pour avoir moins de déchets…

Mes questions portent sur les points suivants : quelles garanties avons-nous sur nos capacités à conserver en mémoire les emplacements où les déchets seront stockés, quand l’échelle de temps se compte en millions d’années ? De même, sommes-nous sûrs que les sites retenus ne subiront pas de modifications tectoniques ou hydrogéologiques, comme cela s’est produit en Allemagne avec le site d’enfouissement d’Asse ?

À notre sens, arrêter la production d’énergie nucléaire est le seul moyen de ne plus créer de déchets, d’autant que cette énergie n’est pas la moins coûteuse, contrairement à ce que l’on l’entend trop souvent, dès lors que l’on prend en compte les frais d’assurance en cas d’accident, le démantèlement des centrales, la gestion des déchets et leur enfouissement pendant des dizaines de milliers d’années. Dans un rapport de 2011, la Cour des comptes a conclu que le coût de la gestion des déchets n’est pas connu et qu’il est presque impossible de l’évaluer.

Je souhaiterais également des précisions sur le recours à des personnels de surveillance des sites. Une fois enfouis, il convient en effet de garder en mémoire la localisation des déchets, d’où la nécessité de conserver des personnels dans des stations de surface pendant des milliers d’années. Le coût en est colossal, mais il serait irresponsable de ne pas y recourir au regard des dangers.

Enfin, quel lien peut-on établir entre l’enfouissement des déchets à Bure et la saturation des capacités de stockage à la Hague ?

M. Jacques Krabal. Je salue également la qualité du travail des rapporteurs sur un sujet qui s’appuie essentiellement sur le projet Cigéo. Le MOX pourra-t-il être stocké à Cigéo, et dans quelles conditions ? S’agissant du dimensionnement de ce projet, je voudrais rappeler que le Conseil national de la transition énergétique a présenté quatre scenarii, allant de la sortie totale du nucléaire à des combinaisons variées entre énergies renouvelables et énergies traditionnelles. Dispose-t-on d’un calcul assez fin sur chaque scenario ?

Toujours sur le problème du stockage, vous indiquez dans votre rapport l’existence des déchets sans filière tels que l’amiante et le mercure. Quelles sont les capacités de stockage nécessaires et quelles sont les capacités de l’ANDRA ?

Concernant la réversibilité, je ne reviens pas sur ce principe, mais sa mise en œuvre exige, outre une qualité sûre, la récupérabilité et la flexibilité. Selon la commission nationale d’évaluation, à terme le stockage de déchets radioactifs a vocation à être fermé. Les dispositions favorables à la réversibilité ne compromettent-elles pas la sûreté, tant pendant l’exploitation qu’après la fermeture ? Quel est votre avis sur les propositions de l’ANDRA sur ce point ?

Vous exposez l’idée d’un seuil de libération pour les déchets à très faible activité. N’est-il pas plus judicieux de parler de recyclage de ces déchets ? Peut-on recycler les TFA dans des enveloppes de confinement ? A-t-on, là encore, une estimation du gain de place et une évaluation économique et financière ? Enfin, quelles sont les possibilités de traçabilité de ces déchets TFA ?

Depuis 1991 ont été organisés plusieurs débats au sein de l’Assemblée nationale : pourquoi n’y a-t-il pas eu de débat sur ce grand projet ?

Vous vous référez dans votre rapport au concept de « zone d’intérêt national » pour le site de Bure. C’est une excellente idée, qu’il faut approfondir. Mais il conviendrait de faire le bilan de ce qu’ont apporté les différentes entreprises économiques sur le territoire. Quand j’entends le président du conseil général de la Meuse, le questionnement est très fort : les élus et la population ont accepté des risques, mais les résultats ne semblent pas à la hauteur des engagements qui ont été pris à l’époque.

Enfin, je souscris tout à fait, puisque j’ai pu vous accompagner sur place à un moment très difficile en termes de conditions météorologiques, au soutien à apporter à l’ANDRA, qui a vocation, à travers un projet comme celui-ci, à apporter une vitrine européenne et mondiale en matière de sûreté.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. S’agissant du MOX, il est fabriqué comme combustible pour 22 réacteurs. Quand ces 22 réacteurs ne fonctionneront plus, on ne produira plus de MOX. Par conséquent la question du stockage du MOX par Cigéo ne se pose pas.

Mme Catherine Quéré. Je remercie également les rapporteurs pour ce rapport très intéressant. L’inventaire national des déchets et matières radioactives publié par l’ANDRA prévoit un volume total de déchets TFA d’environ 1,3 million de mètres-cube fin 2030, soit le double de la capacité autorisée au CIRES à Morvilliers, et ce chiffre fait l’objet d’une réévaluation à la hausse à chaque inventaire triennal. C’est assez effrayant ! Quand on sait que certains déchets ont une durée de vie de plus de cent mille ans, même si ce n’est pas l’objet de votre réflexion, ne sommes-nous pas inconséquents de continuer à développer des centrales nucléaires ? Non seulement il y a les risques de séismes et d’inondations – n’oublions ni Tchernobyl, ni Fukushima – mais nous laissons à nos descendants un héritage indigne et irresponsable et ce, pour presque l’éternité.

Êtes-vous sortis indemnes dans votre vision du nucléaire ? (Sourires)

M. Laurent Furst. J’ai l’impression que l’on raisonne dans un monde qui a fini d’évoluer et nous avons eu raison de choisir des rapporteurs jeunes (Sourires). Si l’on regarde cinquante ans en arrière, on voit qu’il y a eu des évolutions. Et si l’on se projette dans l’avenir, on peut avoir l’espoir que de nouvelles solutions apparaissent. On ne se situe pas dans une situation figée, qui n’évolue plus. Il ne s’agit que d’une étape.

Ce qui m’intéresse, c’est que l’on ait une solution de stockage assurant la sécurité de la population, réversible, mais aussi que l’on ait une connaissance de qui a été fait dans le passé pour l’enfouissement et pour ce qui a été mis en mer, que ce soit par notre pays ou par d’autres pays, et une connaissance de ce que font actuellement les autres pays sur cette problématique.

Je trouve moi aussi très intéressante l’idée d’une compensation à assurer aux territoires qui acceptent de régler un problème pour l’ensemble de la Nation. D’ailleurs cette question se pose sur d’autres sujets.

M. Philippe Noguès. Je prendrai comme exemple des difficultés que soulève le démantèlement, la centrale de Brennilis, qui a été mise en service en 1967 et arrêtée en 1985. Il s’agit d’une toute petite centrale – 70 mégawatts – et qui devait être la première en France à subir un démantèlement total. EDF et le CEA comptaient en faire, à cet égard, une vitrine de leur savoir-faire. Mais au vu de l’état d’avancement des opérations, on peut avoir des doutes. En 2005, vingt ans après la décision d’arrêter la centrale, on ne se trouvait encore que dans la phase 2. La phase 3, qui se déroule à l’intérieur de l’enceinte du réacteur, génère de nouvelles catégories de déchets, faiblement ou moyennement radioactifs mais à très longue durée de vie. Or nous venons d’apprendre que le permis de construire du centre de stockage du Bugey, dans l’Ain, a été annulé, entraînant le report du démantèlement de Brennilis. Nous nous trouvons donc avec 67 000 tonnes de déchets, dont 10 % de déchets radioactifs, dont on ne sait que faire. Qu’en sera-t-il dans l’avenir, pour démanteler des centrales beaucoup plus grandes ? Je me réjouis de voir que ce sujet est enfin pris au sérieux !

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. En ce qui concerne le problème du démantèlement, notre commission a auditionné hier M. Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN : il a indiqué que le temps qui s’écoulerait entre la date de la construction d’une centrale et la fin de son démantèlement serait de l’ordre d’un siècle. Par conséquent, si la durée de fonctionnement d’une centrale est prolongée jusqu’à 50 voire 60 ans, cela signifie que son démantèlement prendra environ 40 ans. L’exemple de Brennilis est effectivement inquiétant.

Je reviens sur le MOX : le MOX usé a effectivement vocation à être dans le projet Cigéo, mais pas le MOX utilisé dans 22 réacteurs actuellement.

M. Yannick Favennec. J’ai une question sur le mode de fonctionnement de la CNDP. Il y a une vingtaine d’années, la Mayenne avait été pressentie pour accueillir un centre d’enfouissement des déchets nucléaires. Devant les très vives réactions de la population, le projet a été abandonné. La CNDP n’existait pas à l’époque. Aujourd’hui, elle existe mais il semble qu’elle ne puisse pas fonctionner correctement.

J’ai vu aussi, dans mon département, lorsque le projet de ligne à très haute tension Cotentin-Maine a été présenté, les conditions dans lesquelles fonctionne la CNDP et ce qu’il ressortait des débats.

Faut-il maintenir cette institution ? Ou bien revoir son fonctionnement en la « délocalisant » en petites réunions locales sous une forme minimaliste, ou ne lui laisser que la compétence pour les débats régionaux et locaux tandis que les débats nationaux seraient confiés au Parlement, sur le modèle de l’OPECST ?

M. Guillaume Chevrollier. En matière de valorisation des déchets radioactifs, pour l’instant les pistes apparaissent fragiles, puisque les filières de recyclage du fer et du plomb ont été arrêtées. On parle de recyclage des gravats de très faible activité, et de l’incinération des déchets solides et des liquides aqueux et organiques : la France a-t-elle progressé sur ces pistes ? La valorisation des déchets est un sujet majeur dans un contexte de raréfaction des matières premières, et représente un acte fort dans la politique de développement durable.

M. Olivier Falorni. Je voudrais poser quelques questions sur Cigéo et le site de Bure : c’est, comme vous l’avez dit, un projet hors norme, de haute technicité. Le rapport de la Cour des comptes évalue son coût à 35 milliards d’euros sur 100 ans. Pouvez-vous nous en dire plus, comment ce chiffre est-il calculé et dans quelle mesure est-il appelé à évoluer ?

On constate que le débat public, qui débuté depuis quelques semaines, ne se passe pas bien, qu’il y a eu des débordements lors des deux premières réunions et que les suivantes ont été annulées. Quelles leçons faut-il en tirer ?

Les opposants parlent d’un degré d’incertitude trop important, de risques significatifs, d’une récupérabilité des colis à préciser. Une loi doit être votée avant 2016 sur la question de la réversibilité.

On a heureusement beaucoup progressé depuis le nuage de Tchernobyl, il faut le répéter, et pour Cigéo, compte tenu des dépenses déjà engagées, il faut être réaliste : il n’y aura probablement pas de retour en arrière. C’est ce qui nourrit l’angoisse des opposants.

Selon vous, si le laboratoire de Bure donnait des résultats laissant entrevoir des risques potentiels, dans quelle mesure pourrions-nous revenir sur ce choix ? Comment garantir l’indépendance totale des chercheurs qui travaillent dans ce laboratoire et l’indépendance des contrôles de l’Autorité de sûreté nucléaire ?

M. Jean-Pierre Vigier. Il y un an, notre commission confiait à nos collègues Julien Aubert et Christophe Bouillon une mission d’information sur la gestion des déchets radioactifs, qui demeure un sujet inquiétant, dans la mesure où plus la recherche progresse, plus apparaît flagrante la difficulté de s’en débarrasser définitivement. En effet, leur diversité de nature, de volume et de radioactivité rend l’exercice complexe et délicat. L’enfouissement, quelles que soient les techniques utilisées, comporte des risques de souillure des sols, des nappes phréatiques et des cultures. Des techniques nouvelles de traitement ou de valorisation pourraient-elles apporter des solutions inédites et opérationnelles, à court ou à moyen terme ?

M. David Douillet. Je pose le problème de la sécurité des déchets radioactifs, si d’aventure ces déchets venaient à tomber entre de mauvaises mains, désireuses de les utiliser à des fins agressives et destructrices. Toutes les mesures ont-elles été prises autour du ou des sites d’enfouissement concernés ? Ont-elles fait la preuve de leur efficacité, primordiale compte tenu de la nature de ces matières ? Leur financement a-t-il été sécurisé ?

Étant d’un optimisme affirmé, je pense que les progrès de la science dans les siècles à venir permettront de mettre au point des techniques de traitement et de valorisation de nos déchets radioactifs pour les réinsérer dans une chaîne de production d’énergie. Cette réversibilité est géniale. Malgré tout, quelles études, et avec quels budgets, ont d’ores et déjà été lancées afin de concevoir ces techniques ? Existe-t-il une démarche proactive en la matière, ce qui me paraît nécessaire compte tenu du caractère extrêmement nocif de nos déchets radioactifs ? Aujourd’hui, la seule solution reste en effet de les enfouir.

M. Jean-Luc Moudenc. Connaît-on la position du Gouvernement concernant le projet Cigéo et la programmation envisagée ? L’avenir de nos déchets radioactifs passe aujourd’hui par le stockage souterrain : existe-t-il en la matière une politique européenne ?

M. Yves Albarello. Je suis effaré par le chiffrage à 35 milliards d’euros du projet Cigéo : il est supérieur à celui du Grand Paris que nous avons évoqué ce matin ! Peut-on en savoir plus ?

Immerge-t-on encore des déchets radioactifs en mer ?

Vous avez évoqué la création d’une Zone d’intérêt national : cela me paraît une excellente proposition. Les villes qui accueillent des centres de stockage bénéficient-elles de retombées économiques et de quelle nature sont-elles ?

Avez-vous identifié, lors de vos visites de terrain, des risques potentiels ?

Enfin, des déchets radioactifs provenant de l’étranger bénéficient-ils d’un stockage sur le territoire national ?

M. Christophe Bouillon, corapporteur. Nous avons essayé, comme le général de Gaulle avec l’Orient, d’aborder ce sujet complexe avec quelques idées simples. (Sourires)

Les déchets radioactifs existent, quoi qu’on puisse par ailleurs porter comme jugement sur la filière nucléaire : leur traitement nous incombe. Il s’agit-là de notre responsabilité première, et je note que la représentation nationale en a pris conscience depuis de longues années maintenant. Il est faux d’affirmer que la question de la gestion des déchets vient d’être découverte. Il faut la replacer dans le contexte de la construction de la filière, avec la mise en exploitation de différents réacteurs, au long des années 1970 et 1980. La première loi de 1991 a été préparée par de longues discussions qui lui sont bien antérieures. Dans le même temps, le Commissariat à l’énergie atomique et d’autres organismes ont lancé des programmes de recherche sur la gestion des déchets, ce qui a d’ailleurs valu à la France de jouer en la matière un rôle de pionnière. Je pense notamment à la vitrification et au bitumage. Si notre pays a été très tôt en capacité de disposer d’un processus de retraitement des déchets issus du combustible usé, c’est notamment parce qu’en amont il avait lancé les programmes de recherche qui ont prouvé leur efficacité. La question des déchets a donc été inhérente au développement de cette filière.

S’agissant des déchets HA-VL, à haute activité et à vie longue, dont la décroissance s’étale parfois sur des millions d’années, je souhaite répondre aux interrogations de nos collègues sur la métaphore de la porte d’accès. À mon avis, il vaut mieux que cette porte soit la plus hermétiquement close et la plus confinée possible, bref qu’elle soit quasiment infranchissable, et qu’elle offre le maximum de barrières, plutôt qu’elle soit aisément fracturable. C’est d’ailleurs le débat qui a entouré au départ les deux options envisageables : l’entreposage en sub-surface ou l’enfouissement profond. Celui-ci, avec un maximum de confinement, dans une couche géologique offrant les caractéristiques d’une grande stabilité, sur une échelle temporelle de millions d’années, me paraît du point de vue de la sûreté plus satisfaisant que la première option en surface, qui n’offre pas des conditions optimales.

On pourrait regretter la lenteur du processus, avec ses différentes échéances : 1991, 2006, 2015, 2025... Mais le temps, comme celui que nous nous sommes donné pour notre rapport, est aussi le temps long nécessaire à l’exigence de la réflexion, de la transparence et de la participation démocratique. Personne ne peut se plaindre de l’existence de ces rendez-vous, ni de la possibilité d’explorer, entre les intervalles de temps qui les séparent, des voies nouvelles, qu’il s’agisse de la technique, des aspects sociétaux ou de la recherche, qui intègre désormais les questions relatives à la mémoire du site. Soit on souhaite traiter cette question des déchets radioactifs avec un très haut degré d’exigence et, dans ce cas, cela implique des moyens financiers conséquents et du temps ; soit on considère qu’il faut l’évacuer, la « mettre sous le tapis » en attendant qu’une solution crédible et alternative à l’enfouissement émerge. Notre sentiment est qu’étant donné encore une fois l’existence de ces déchets, nous nous devons de nous donner les moyens d’en assumer la responsabilité, notamment vis-à-vis des générations futures, et que l’enfouissement géologique profond constitue un moyen pertinent de l’assumer.

Bertrand Pancher a soulevé la question de la transmutation : le législateur, en 2006, a demandé la poursuite des recherches dans ce domaine. Il faut savoir que la transmutation implique le développement de la quatrième génération de réacteurs nucléaires, dite à neutrons rapides : nous aurons donc à traiter de ce dossier – et à faire un choix – lors du débat sur la transition énergétique.

Je salue la démarche de nos prédécesseurs, qui ont prévu des rendez-vous à intervalles réguliers, car elle permet systématiquement une consultation de la représentation nationale pour décider et orienter les choix de la nation en la matière, en fonction des réponses apportées, au fur et à mesure, par la recherche. Il s’agit là d’une dimension démocratique essentielle à mes yeux. Chaque rendez-vous permet aux élus de la nation de s’exprimer et de décider.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Même si j’entends ce que vient de dire Christophe Bouillon, je rappelle que la décision de construction du parc électronucléaire en général, et l’édification des EPR en particulier, s’est déroulée sans un seul débat au Parlement ni une seule estimation des besoins. Et par conséquent elle n’a pas fait l’objet d’un choix de l’Assemblée nationale ni du Sénat. Nous n’avons jamais été consultés.

M. Christophe Bouillon, corapporteur. J’évoquais la question des déchets nucléaires, non celle de la construction des centrales. S’agissant du lien entre réversibilité et sûreté, nous avons le sentiment d’un niveau d’exigence de sûreté aux niveaux des installations et des processus plus élevé en France qu’en Suède : le futur site suédois sera implanté dans des milieux géologiques humides, où l’eau ruisselle de partout, alors qu’il est envisagé d’opérer le stockage en France dans un milieu extrêmement sec et très confiné. Il s’agit là d’une option qui semble extrêmement maîtrisée, les colis étant recouverts de plusieurs couches isolantes. Une fois l’installation refermée, on entre dans une logique de défense passive : tout est organisé pour que la radiotoxicité ne rejoigne jamais la surface de la terre, y compris dans plusieurs milliers d’années – ou alors qu’elle ait décru jusqu’à un niveau comparable à celui de la radioactivité naturelle.

M. Julien Aubert, corapporteur. S’agissant du démantèlement des centrales, les enjeux principaux tiennent à l’existence d’entreposages, mais surtout de capacités disponibles de stockage de déchets à faible ou très faible activité : les centres existants approchent en effet, plus ou moins rapidement, de la saturation.

Le coût de Cigéo est une question complexe et sensible, puisque certaines estimations montent même jusqu’à 50 milliards d'euros ! Le véritable débat est donc de savoir jusqu’à quel niveau la France accepte de payer pour avoir plus de sécurité et à quel moment le point d’équilibre bascule entre des exigences de sûreté sans cesse réévaluées et l’inflation concomitante des coûts. Notre responsabilité consiste, en l’état actuel de nos connaissances techniques et scientifiques, à ce que nous léguions aux générations futures une question qui soit réglée. Pourra-t-on, dans deux mille ans, nous reprocher de n’avoir pas su imaginer une solution plus intelligente ou plus sécurisée ? Certes pas, pas plus qu’on ne reproche aux hommes du Moyen-Âge de ne pas avoir utilisé les antibiotiques pour lutter contre la peste !

Tout ceci a donc un coût et pose aussi la question du seuil de libération. L’idée n’est naturellement pas d’autoriser l’envoi sans contrôle de matériaux nucléaires usagés dans des circuits conventionnels, mais bien d’autoriser leur réutilisation dans des circuits fermés et destinés à réapprovisionner la filière nucléaire elle-même. Avec l’ouverture des frontières, il peut d’ailleurs très bien advenir que nous achetions des couverts d’importation, fabriqués à partir de métaux utilisés auparavant dans une installation nucléaire étrangère : à partir du moment où nous acceptons ce risque dans la vie courante, pourquoi ne pas autoriser la filière nucléaire à recycler pour elle-même des matériaux dont elle a besoin ?

S’agissant des retombées économiques et environnementales de Cigéo, la question est celle du pacte républicain : il ne s’agit pas de compensation, il s’agit de s’engager sur l’avenir des populations intéressées et de leurs territoires, dans le cadre d’un contrat de très long terme entre l’État, la Nation et le local.

——fpfp——

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Je sollicite votre approbation pour la publication du rapport d’information.

Mme Laurence Abeille. Au nom du groupe Écologiste, je souligne que notre accord quant à la publication du rapport ne vaut pas approbation de son contenu.

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a alors autorisé la publication du rapport de la mission d’information sur la gestion des matières et déchets radioactifs.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

– Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale

– M. Sébastien Farin, adjoint à la directrice de la communication

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, direction général de l’énergie et du climat (DGEC)

– M. Pierre-Franck Chevet, directeur général

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

– M. Pierre-Franck Chevet, président

– M. Jean-Christophe Niel, directeur général

– M. Alain Delmestre, directeur général adjoint

– Mme Lydie Evrard, directrice

– Mme Evangélia Petit, chef de bureau

Électricité de France (EDF)

– M. Sylvain Granger, directeur combustible nucléaire 

– M. Bertrand Le Thiec, directeur adjoint à la direction des affaires publiques

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaires (IRSN)

– M. Thierry Charles, directeur général adjoint chargé de la sûreté nucléaire

– M. Christophe Serres, chef du service d’expertise des déchets radioactifs et de la radioactivité naturelle

– Mme Audrey Lebeau-Livé, chargée des relations parlementaires

Cour des comptes

– Mme Michèle Pappalardo, conseillère maître de la 2ème chambre

– M. Antoine Imbert, auditeur

– M. Jean-Eudes Picard, auditeur

Réseau Sortir du nucléaire

– Mme Laura Hameaux, chargée de campagne

– M. Michel Marie, représentant du Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs (CEDRA) et d’une trentaine d’autres associations de lutte contre le nucléaire

Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD)

– M. Roland Desbordes, président

Association nationale des comités et commissions locales d’information sur le nucléaire (ANCCLI)

– Mme Monique Sené, vice-présidente

Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

– M. Bernard Boullis, directeur des programmes « aval du cycle »

– M. Philippe Guiberteau, directeur de l’assainissement et du démantèlement nucléaire

AREVA

– M. Christian Barandas, directeur industriel

– M. Jean-Michel Romary, directeur Matières et déchets radioactifs

– M. Guillaume Renaud, direction des affaires publiques

Haut comité pour la transparence et l’information de la sécurité nucléaire (HCTISN)

– M. Henri Revol, président

– M. Nicolas Chantrenne, secrétaire général

France Nature Environnement (FNE)

– Mme Maryse Arditi, pilote du réseau énergie

– M. Christian Schaible, coordinateur du réseau risques industriels

Les Amis de la Terre

– M. Claude Bascompte, président

Commission nationale du débat public (CNDP)

– M. Claude Bernet, président de la commission particulière du débat public sur Cigéo

SNCF 

– Mme Sophie Couëtoux, directrice générale déléguée de STSI (Société de Transports Spéciaux Industriels)

– M. Laurent Roque, directeur adjoint en charge des affaires publiques et des relations institutionnelles SNCF Geodis

– Mme Karine Grossetête, conseillère parlementaire

Personnalités qualifiées

– M. Christian Bataille, député, rapporteur de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

1 () Ce principe vaut pour tous les déchets, à l’exception des déchets gérés par décroissance radioactive.

2 () L’article R.1333-8 du code de la santé publique dispose que « la somme des doses efficaces reçues par toute personne n’appartenant pas aux catégories mentionnées à l’article R. 1333-9, du fait des activités nucléaires, ne doit pas dépasser 1 mSv/an. »

3 () Voir notamment le Vocabulaire de l’ingénierie nucléaire (NOR : CTNX1223304K), JORF, 3 juin 2012, p. 9542 et suiv. et le décret n° 2012–542 du 23 avril 2012 pris pour l’application de l’article L. 542–1–2 du code de l’environnement et établissant les prescriptions du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, art. 2 et ann., JORF, 24 avril 2012 p. 7283 et suiv.

4 () En physique nucléaire et en chimie, deux atomes sont dits « isotopes » si leurs noyaux ont un nombre de protons identique mais des nombres de neutrons différents. Un exemple très connu de couple d’isotopes est constitué par le carbone : le carbone est présent en grande majorité sous son isotope de poids atomique 12 ; on peut néanmoins trouver, en faible quantité, l’isotope de poids atomique 14 (le « carbone 14 »), qui est chimiquement strictement équivalent au carbone 12, mais qui est radioactif. Les neutrons supplémentaires du noyau rendent en effet l’atome instable : celui–ci se désintègre en donnant de l’azote et en émettant un rayonnement bêta.

5 () L’AIEA a publié fin 2009 une révision profonde de sa classification des déchets radioactifs, dont la précédente datait de 1994. Cette classification est utilisée par les pays membres pour la présentation internationale de leur gestion des déchets radioactifs et de leurs inventaires, comme par exemple dans la Net Enabled Waste Management Database (NEWMDB). L’Union européenne s’y réfère elle-même dans sa directive du 19 juillet 2011.

Le système de classification de 2009 introduit une nouvelle catégorie de déchets VLLW (Very Low Level Waste), correspondant aux TFA, et utilise les classes LLW (Low Level Waste), ILW (Intermediate Level Waste) et HLW (Hight Level Waste). Ces classes prennent en compte à la fois le niveau de radioactivité et la période des radioéléments contenus dans les déchets : le principe est que les déchets sont classés selon le degré de confinement et d’isolement nécessaire pour garantir la sûreté à long terme, compte tenu de leur nature et du risque qu’ils représentent.

6 () Les déchets sans filières, constitués principalement d’huiles, de liquides organiques, de mercure et de produits mercuriels et d’amiante, sont aujourd’hui entreposés sur les sites de production, dans l’attente d’une filière de gestion. Le PNGMDR 2013–2015 indique « qu’à fin 2010, 3 600 m3 de déchets radioactifs ne disposent pas de filière de gestion (existante ou en projet), soit parce qu’ils ne sont pas suffisamment caractérisés, soit parce qu’ils se présentent sous une forme chimique ou physique qui ne permet pas de les associer directement à une filière de gestion existante ou en projet. » (p. 13).

7 () Cf. art. 19 et 20 du décret n° 2012–542 du 23 avril 2012 précité.

8 () Il s’agit, en premier lieu, des résidus de traitement de minerais d’uranium qui sont stockés sur certains anciens sites miniers : l’Inventaire national recense ainsi vingt sites sur lesquels sont entreposés sur place et de façon définitive ces résidus. Il s’agit ensuite des déchets en « stockage in situ », qui ont été stockés par le passé à proximité d’installations nucléaires ou d’usines et prennent le plus souvent la forme de buttes, de remblais ou de lagunes. Il s’agit enfin des déchets immergés par la France en Atlantique Nord-Est en 1967 et 1969 et dans les eaux territoriales de la Polynésie française.

9 () La Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) a également adhéré à la convention commune, le 2 janvier 2006.

10 () Le déchet radioactif est défini comme une matière radioactive sous forme gazeuse, liquide ou solide et pour laquelle aucune utilisation ultérieure n’est prévue par la partie contractante (article 2 de la Convention commune).

11 () La quatrième réunion triennale d’examen de la Convention commune a eu lieu du 14 au 23 mai 2012 à Vienne et le rapport présenté par la France à cette occasion est disponible en téléchargement sur le site de l’Autorité de sûreté nucléaire.

12 () Elle ne s’applique notamment pas aux déchets des industries extractives qui sont susceptibles d’être radioactifs et qui entrent dans le champ d’application de la directive 2006/21/CE du 15 mars 2006 concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive.

13 () Le décret n° 2007-830 du 11 mai 2007 a énoncé les règles permettant de considérer une installation comme une INB. Celles-ci s’appuient sur le calcul d’un coefficient Q représentant l’activité totale des radionucléides présents dans l’installation (ou susceptibles de l’être), ainsi que de ceux qui, détenus par l’exploitant à proximité de l’installation, peuvent en modifier les risques ou les inconvénients : pour Q > 106 ou 109, selon les cas, l’installation est une INB ; en-deçà de ces seuils, les installations concernées seront soumises au code de l’environnement au titre des ICPE et/ou au code de la santé publique.

14 () Le « paradoxe de la tranquillité » est une expression que l’on doit à l’économiste américain Hyman Minsky. Ce dernier a développé dans les années soixante-dix l’idée selon laquelle les crises de surendettement se préparent lorsque tout va bien et que les agents économiques (entreprises, ménages, etc.) profitent de la croissance et des taux d’intérêt bas pour emprunter parfois au-delà du raisonnable. Mais lorsque les taux d’intérêt se retournent à la hausse, en particulier du fait du resserrement monétaire, l’endettement, qui paraissait soutenable compte tenu du niveau modéré des taux, devient insupportable et vire au surendettement.

15 () Cet uranium appauvri est, à l’heure actuelle, conservé pour être éventuellement réutilisé plus tard et, pour partie, réutilisé afin de fabriquer le combustible MOX.

16 () Les vingt-deux réacteurs autorisés à utiliser du MOX sont Tricastin 1 à 4, Dampierre 1 à 4, Gravelines 1 à 6, Saint Laurent 1 et 2, Blayais 1 et 2 et Chinon 1 à 4.

17 () Le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire examine cette question dans deux rapports récents, disponibles en téléchargement aux adresses réticulaires :

http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/hctisn_rapport_cycle_cle31BE65.pdf et

http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/Rapport_GT_Cigeo_vf_cle8a687d.pdf.

18 () En 1973, le contrôle de la sûreté nucléaire en France relevait du Service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN), rattaché au ministre chargé de l’industrie.

Ce service devient, en 1991, la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN), rattachée aux ministres chargés respectivement de l’industrie et de l’environnement. L’ASN est alors constituée, au niveau national, de la DSIN et, au niveau régional, des divisions des installations nucléaires (DIN), placées au sein des directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DREAL).

Le 22 février 2002, l’ASN voit son champ d’action étendu à la radioprotection. La Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) remplace alors la DSIN et les divisions de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DSNR) remplacent les DIN. L’ASN relevait depuis des ministres chargés respectivement de l’industrie, de l’environnement et de la santé.

La loi TSN a transformé le statut de l’ASN en lui conférant celui d’une Autorité administrative indépendante, désormais indépendante des ministres. L’ensemble des personnels et moyens de l’ex-DGSNR et des ex-DSNR sont désormais présents au sein de la nouvelle ASN.

19 () Sur le plan de la terminologie en usage, on rappelle que la « sûreté nucléaire » est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets.

La radioprotection est la protection contre les rayonnements ionisants, c’est-à-dire l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l’environnement.

Quant à la « sécurité nucléaire », elle comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance, ainsi que les actions de sécurité civile en cas d’accident.

20 () C’est notamment le cas, pour ce qui concerne l’ANDRA, du centre de stockage de la Manche à la Hague (INB n° 66) et du centre de stockage de l’Aube à Soulaines-Dhuys (INB n° 149).

21 () En septembre 2000, l’ASN avait ainsi mis la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly sous « surveillance renforcée » en raison d’un manque de rigueur dans son exploitation et d’une dégradation des relations humaines et sociales à l’origine de plusieurs incidents significatifs.

22 () Le contrôle des activités nucléaires exercé par l’ASN recouvre plusieurs aspects : examen et analyse de dossiers soumis par les exploitants, réunion technique, inspections, etc. Plus de 850 inspections sont ainsi réalisées chaque année dans les installations nucléaires et le transport de matières radioactives, auxquelles s’ajoutent plus de 1 150 inspections dans les secteurs médical, industriel et de la recherche.

23 () Les crédits de l’IRSN pour l’appui technique à l’ASN proviennent pour partie (46,4 millions d’euros) d’une subvention du budget général de l’État affectée à l’IRSN et inscrite dans l’action n° 11 «Recherche dans le domaine des risques » du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables » de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».

L’autre partie (37,6 millions d’euros) provient d’une contribution due par les exploitants nucléaires. Cette contribution a été mise en place dans le cadre de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010.

24 () Le Parlement est aujourd’hui représenté au Haut Comité à travers M. Henri Revol, sénateur honoraire, Président du Haut Comité, ainsi que M. Roland Courteau, sénateur (Aude), M. Claude de Ganay, député (Loiret), M. Bruno Sido, sénateur (Haute-Marne) et Mme Clotilde Valter, députée (Calvados).

25 () C’est le cas, par exemple, de l’Association des écologistes pour le nucléaire (APEN), qui considère que l’énergie nucléaire est, de loin, « la plus propre des énergies massivement disponibles aujourd’hui ».

26 () Une audition conjointe de Greenpeace et Robin des bois, prévue le 9 avril 2013, n’a pu se concrétiser.

27 () Il en résulte que, si tous les sites d’EDF disposent d’une CLI, certains sites qui emploient des produits radioactifs et constituent à ce titre des ICPE soumises à autorisation, ne font en revanche pas partie du périmètre de la loi du 13 juin 2006.

28 () De manière générale, la composition des CLI est — dans la limite des règles fixées par la loi — relativement souple. Cette composition cherche généralement à être représentative des associations locales de défense de l’environnement. Il faut néanmoins être conscient que la composition des CLI n’est pas toujours le reflet exact de l’ensemble des forces en présence : il arrive en effet que certaines associations refusent par principe de participer à des structures ou organes officiels, comme le réseau « Sortir du nucléaire » ; elles préfèrent rester des opposants externes, par peur d’être récupérées ou de servir de caution.

Par ailleurs, le nombre total de membres peut beaucoup varier d’une CLI à l’autre. Alors qu’il y a cent membres dans la CLI de Saclay, celle d’AREVA à la Hague n’en compte que quarante. Ce nombre semble dépendre de la densité de la population, mais également de l’intérêt que portent les élus locaux aux problématiques du nucléaire.

29 () Ce document est disponible en téléchargement à l’adresse réticulaire http://www-pub.iaea.org/MTCD/Publications/PDF/LTS-RW_web.pdf.

30 () Les auteurs du Position Paper disent exactement que « for high level and long lived radioactive waste, the consensus of the waste management experts internationally is that disposal in deep underground engineered facilities — geological disposal — is the best option that is currently available or likely to be available in the foreseeable future » (p. 1).

31 () Cette déclaration est disponible en téléchargement à l’adresse réticulaire http://www.oecd-nea.org/rwm/reports/2008/nea6434-declaration.pdf.

32 () Des développements plus détaillés figurent en annexe du présent rapport.

33 () L’ensemble de la problématique américaine a été bien exposée par M. Mark Gaffigan, Managing Director Natural Resources and Environment au United States Government Accountability Office, dans le cadre de son audition par la sous-commission de l’Environnement et de l’Économie (commission de l’Énergie et du Commerce) de la Chambre des représentants des États-Unis (1er juin 2011). Cf. « Nuclear Waste: Disposal Challenges and Lessons Learned from Yucca Mountain », disponible en téléchargement à l’adresse réticulaire http://www.gao.gov/assets/130/126337.pdf.

34 () Les développements ci-dessous s’appuient très largement sur le dossier remis par le CEA au Gouvernement, fin 2012, sur les perspectives industrielles de cette technique et le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2013-2015, p. 213 et suiv.

35 () L’ANDRA a dressé, à la fin de l’année 2012, un bilan des études et des recherches sur cet entreposage, disponible en téléchargement à l’adresse réticulaire http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/decisions/Rapport-2012-Andra-entreposage.pdf.

36 () L’ANDRA a toutefois poursuivi ses études et ses recherches sur le milieu granitique jusqu’en 2005, en s’appuyant notamment sur les travaux menés dans des laboratoires souterrains installés dans d’autres pays (Suède et Canada en particulier).

37 () Un forage effectué à deux mille mètres de profondeur a confirmé l’absence de ressource géothermique exceptionnelle à l’aplomb de la zone. Dans son rapport n°4 de juin 2010, la Commission nationale d’évaluation aboutit aux mêmes conclusions : « Le Trias dans la région de Bure ne représente pas une ressource géothermique potentielle attractive dans les conditions technologiques et économiques actuelles ».

38 () En 2012, plusieurs options techniques ont été étudiées par l’ANDRA avec sa maîtrise d’œuvre, le groupement Gaiya (Technip/Ingérop).

Cette esquisse industrielle fait l’objet en 2013 d’une revue d’experts et d’une évaluation par l’Autorité de sûreté nucléaire et par la Commission nationale d’évaluation. Les recommandations issues de ces évaluations, les pistes d’optimisation identifiées par l’ANDRA ainsi que les modifications éventuelles du projet à la suite du débat public seront prises en compte dans la phase suivante d’études, avant le dépôt de la demande d’autorisation de création.

La description technique que vos rapporteurs présentent s’appuie sur les options techniques privilégiées par l’ANDRA à ce stade des études.

39 () Les déblais de roche excavés lors du creusement de l’installation souterraine représenteraient, selon l’ANDRA, un volume de l’ordre de 10 millions de mètres cubes produits sur plus de 100 ans.

À titre de comparaison, le volume de déblais générés par le creusement de grands tunnels est du même ordre de grandeur, mais pour des chantiers réalisés sur une dizaine d’années – environ 7 millions de mètres cubes pour le tunnel sous la Manche, environ 15 millions de mètres cubes pour le futur tunnel de base de la liaison ferroviaire Lyon-turin.

40 Ces réserves sont les suivantes : – dans l’hypothèse de la construction d’un deuxième EPR : environ 200 m3 de déchets HA et 500 m3 de déchets MA–VL ; – pour des déchets FA–VL : environ 20 % du volume de déchets MAVL à stocker (dont ≈ 13 % pour les bitumes et ≈ 8 % pour les déchets issus des graphites).

41 () Ce rapport est disponible en téléchargement à l’adresse réticulaire http://www.ccomptes.fr/content/download/1794/17981/version/6/file/Rapport_thematique_filiere_electronucleaire.pdf. On se reportera plus particulièrement au § III du chapitre III, consacré à la gestion des déchets radioactifs (p. 132 et suiv.), dont les analyses inspirent largement les développements ci–dessous du présent rapport.

42 () L’ANDRA a mis en place en 2011 une organisation dédiée pour la phase de conception industrielle de Cigéo. L’Agence s’appuie sur des maîtrises d’œuvre spécialisées, en particulier le groupement Technip/Ingerop pour la maîtrise d’œuvre-système. Par ailleurs, un accord de coopération avec les producteurs de déchets (Areva NC, CEA et EDF) a été conclu pour les associer au processus de conception de Cigéo, tout en préservant l’indépendance de la maîtrise d’ouvrage du projet confiée par la loi à l’ANDRA.

Dans ce cadre, des revues de projet techniques sont organisées sous l’égide de l’État à la fin de chaque phase d’études, en complément des évaluations de sûreté et scientifiques. La revue organisée en 2011 a permis d’examiner les données d’entrée du projet et les flexibilités ouvertes pour aboutir aux choix industriels optimaux pour Cigéo. Une seconde revue en 2013 a permis de valider les choix de conception de l’ANDRA pour le passage en phase d’avant-projet et les pistes d’optimisation à étudier au cours de cette nouvelle phase.

Le contrat d’objectifs État-ANDRA 2013-2016 prévoit que l’Agence proposera une nouvelle évaluation des coûts de stockage en 2013. Cette évaluation des coûts prendra en compte les modifications éventuelles apportées au projet à la suite du débat public, ainsi que les résultats de l’analyse de la valeur qui sera menée sur le projet en 2013, avant le démarrage des études d’avant-projet.

43 () Conformément à sa convention constitutive, les membres du GIP sont aujourd’hui le conseil général de la Meuse, l’État, les douze groupements de communes qui appartiennent à la zone de proximité définie par le décret du 5 février 2007 (communautés de communes de Bar-le-Duc, du Centre Ornain, de la Haute-Saulx, du Pays de Commercy, du Pays de Revigny, de la Saulx et du Perthois, de Triaucourt-Vaubecourt, du Val des Couleurs, du Val d’Ornois, du canton de Void-Vacon, syndicat mixte du Haut Barrois et syndicat mixte du Pays Barrois), les quinze communes du département de la Meuse distantes de moins de dix kilomètres du laboratoire de Bure (Abainville, Baudignécourt, Biencourt-sur-Orge, Bonnet, Bure, Chassey-Beaupré, Couvertpuis, Dainville-Bertheléville, Gondrecourt-le-Château, Horville-en-Ornois, Houdelaincourt, Mandres-en-Barrois, Montiers-sur-Saulx, Ribeaucourt et Saint-Joire), le conseil régional de Lorraine, l’ANDRA, le groupe EDF SA, le Commissariat à l’énergie atomique, la société AREVA, la chambre de commerce et d’industrie de la Meuse, la chambre d’agriculture de la Meuse et la chambre des métiers de la Meuse.

44 () La Commission de régulation de l’énergie a ainsi estimé récemment que les tarifs de l'électricité en France, pour les ménages, devraient augmenter de 6,8 % à 9,6 % en 2013 pour couvrir les coûts d'EDF cette même année. Cette proposition n’a pas été acceptée par le Gouvernement, du fait des perspectives actuelles d’évolution du pouvoir d’achat des ménages.

45 () Lors de son audition par le conseil national du débat sur la transition énergétique, le 18 avril 2013, le président-directeur général d’EDF Henri Proglio a indiqué que l’exploitant se disposait à investir environ 55 milliards d'euros d'ici à la fin 2025 pour moderniser ses centrales et réacteurs nucléaires – un investissement estimé en 2010 à 35 milliards d'euros, revu sensiblement à la hausse après l'accident survenu à la centrale de Fukushima-Daiichi ( 2011).

46 () Cet épisode est raconté par S. Huet, « Déchets nucléaires: crise entre EDF, l'ANDRA et l'ASN », 24 février 2011 (http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2011/02/d%C3%A9chets-nucl%C3%A9aires-crise-entre-edf-landra-et-lasn.html, page consultée le 28 juin 2013).

47 () Veolia Environnement et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ont annoncé le 15 janvier 2013 avoir signé un accord stratégique dans l'assainissement et le démantèlement des installations nucléaires, un marché sur lequel Veolia, numéro un mondial de la gestion de l'eau et des déchets, souhaite se positionner.

L'accord conclu entre Veolia et le CEA prévoit une collaboration technologique, en particulier dans la cartographie radiologique des sites. Via sa filiale dédiée Asteralis, Veolia souhaite proposer des solutions industrielles adaptées à la réalisation des états des lieux des installations nucléaires, tout au long de leur démantèlement et une fois les opérations réalisées. Une première concrétisation de l'accord Veolia-CEA devrait se traduire par une collaboration sur deux opérations pilotes sur deux sites du CEA, à Cadarache (Bouches-du-Rhône) et Marcoule (Gard).

48 () Selon le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2013–2015, trois axes de recherche devront notamment faire l’objet d’une réflexion plus approfondie : la caractérisation de la réaction sodium/eau (liquide et vapeur d’eau) dans les conditions du stockage, dans l’objectif de définir un éventuel seuil d’acceptation d’une quantité limitée de sodium dans les colis de déchets ; la recherche de procédés permettant un désodage afin d’éliminer le sodium dans ces déchets ou, le cas échéant, d’en limiter la quantité ; la mise au point d’un conteneur étanche et durable, permettant de ralentir la réaction sodium/eau.

49 () Les anciens bassins B1 et B2 sont actuellement asséchés et leur situation administrative est en cours de régularisation, compte tenu de la présence de radioactivité artificielle à un niveau les soumettant au régime

50 () Afin d’optimiser les volumes, AREVA travaille actuellement sur un projet destiné à réduire le volume des déchets solides à entreposer : les boues de décantation seraient ainsi déshydratées (par filtration), pour obtenir une siccité (pourcentage massique de matière sèche) de l’ordre de 60 %.

51 () Tous ces sites sont décrits dans l’inventaire national des sites miniers d’uranium, dit « MIMAUSA », élaboré par l’IRSN à la demande du ministère chargé de l’environnement. Le premier inventaire a été publié en avril 2004. Il a été mis à jour en septembre 2007 et récemment complété par la mise en ligne d’une base de données cartographiques, qui répertorie des informations plus complètes.

52 () Le démantèlement des installations nucléaires de base (installations de recherche, réacteurs de puissance, cycle du combustible) engendre la majeure partie des déchets TFA français. Le volume de déchets de démantèlement de telles installations est évalué, en moyenne, à 100 000 m3 (hors assainissement des terrains), dont 20% de déchets radioactifs,

53 () Inconel est une appellation déposée par la société américaine Special Metals Corporation. La marque est utilisée comme préfixe pour une vingtaine d'alliages (Inconel 600, Inconel 625, Inconel 778, etc.), dont certains présentent des caractéristiques de résistance à la corrosion ou aux températures élevées recherchées par l'aéronautique, la marine ou les industries nucléaire et pétrolière.

54 () Inversement, la France n’est pas à l’abri de tels risques venant de l’extérieur. En effet, des déchets libérés à l’étranger peuvent revenir dans notre pays, par un circuit plus ou moins direct, tant sous forme de matière recyclable (ferrailles, lingots) que de produits finis (boutons d’ascenseurs, objets métalliques divers et courants : fers à béton, tôles, etc.). L’absence de seuil de libération en France permet donc, au minimum, de garantir que la filière nucléaire nationale ne peut être à l’origine de telles contaminations, ce qui constitue une sécurité pour cette industrie.


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