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N° 1237

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juillet 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur l’élevage laitier et allaitant

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Germinal PEIRO et Alain MARC

Députés.

——

La mission d’information sur la filière bovine et la production laitière en France est composée de : M. Germinal Peiro, M. Alain Marc, Mme Annick Le Loch, M. Dominique Potier, Mme Brigitte Allain et M. Thierry Benoit.

INTRODUCTION 7

I.— DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES ET CONJONCTURELLES 9

A.— LA CRISE DE L’ÉLEVAGE, UNE PROBLÉMATIQUE POUR LA VITALITÉ DES TERRITOIRES 9

1. Des conditions de vie difficiles 9

2. Un arbitrage de plus en plus difficile entre élevage et céréales 10

3. Une population vieillissante 11

4. Une crise de l’élevage en France problématique dans les zones à fort handicap naturel 12

B.— LA HAUSSE DU COURS DES MATIÈRES PREMIÈRES ENGENDRE UNE HAUSSE DES COÛTS DE PRODUCTION QUI N’EST PAS RÉPERCUTÉE À TOUS LES NIVEAUX DE LA FILIÈRE 12

1. La hausse et la volatilité du cours des matières premières 12

2. Une hausse des coûts de production 13

3. Une hausse et une volatilité des cours des matières premières agricoles qui ne sont pas entièrement répercutées au long de la chaîne de valeur 14

C.— LE LAIT : LA FIN D’UN CADRE RÉGLEMENTAIRE QUI TERRITORIALISAIT LA PRODUCTION 18

1. Le système des quotas a permis de territorialiser la production 18

2. Les quotas n’ont pas empêché une concentration de l’élevage, qui risque encore de s’accentuer avec la fin de ce système 20

D.— LA VIANDE, UNE DÉCAPITALISATION INQUIÉTANTE 22

1. L’importance du troupeau allaitant français 22

2. Une production haut de gamme et peu d’activités d’engraissement 24

II.— D’INDÉNIABLES OPPORTUNITÉS QUI DOIVENT ÊTRE EXPLOITÉES 25

A.— LA DEMANDE DES CONSOMMATEURS POUR DES PRODUITS TRACÉS ET DE QUALITÉ 25

1. Un étiquetage obligatoire des produits transformés à base de bœuf 25

2. Une politique de la qualité 27

3. Favoriser les circuits de proximité 29

B.— DES MARCHÉS EN CROISSANCE 30

1. Des marchés en croissance 30

a) Le lait 30

b) La viande bovine 32

2. Des opportunités pour la filière française 33

a) La viande 33

b) Le lait 33

III.— LES CONDITIONS DE LA REPRISE 37

A.— L’AMÉLIORATION DES RAPPORTS PRODUCTEURS – FOURNISSEURS – DISTRIBUTEURS 37

1. La table ronde fournisseur distributeurs, une aide bienvenue mais ponctuelle 37

2. L’innovation du projet de loi relatif à la consommation, la clause de renégociation en cas de volatilité des matières premières 37

3. Le fonds de solidarité céréaliers- éleveurs, une péréquation intéressante 39

4. La contractualisation, un outil de régulation 39

B.— L’APRÈS QUOTAS LAITIERS 40

1. Le mini-paquet lait, une première étape 40

2. La concertation européenne sur l’après-quotas doit permettre de définir un cadre permettant de réguler le secteur laitier 41

C.— LA PAC APRÈS 2013 ET LA RÉFLEXION SUR LA PAC APRÈS 2020 42

1.  Un premier pilier qui prend en compte les besoins de l’élevage 42

a) Un niveau élevé d’aides couplées est indispensable 42

b) La surprime aux cinquante premiers hectares et une pente de convergence des aides à l’hectare plus douce 43

2. L’importance du second pilier pour les zones défavorisées 43

3. Un système d’aides contracycliques doit être étudié dans le cadre de la réforme de la PAC après 2020 45

D.— UNE MEILLEURE AUTONOMIE DES EXPLOITATIONS 47

1. Une meilleure efficience énergétique 47

2. L’autonomie protéique et fourragère 48

E.— UN CHOC DE SIMPLIFICATION AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ 49

1. Les tests ESB 49

2. Les installations classées 49

3. L’obligation de démédullation des carcasses bovines avant fente 49

CONCLUSION 51

EXAMEN DU RAPPORT 53

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 73

Mesdames, Messieurs,

L’avenir de l’élevage bovin revêt un caractère stratégique pour l’économie et l’emploi, ainsi que pour l’aménagement et la vitalité des territoires ruraux.

L’élevage de ruminants est présent dans plus d’une exploitation sur deux et dans 95 % des cantons de l’hexagone. Avec près de 19 millions de têtes – dont 7,3 millions de vaches laitières et allaitantes, la France dispose du cheptel bovin le plus important d’Europe, caractérisé par une grande diversité de races.

La balance commerciale de la filière est largement excédentaire et les opportunités à l’export n’ont jamais été aussi nombreuses, du fait de l’ouverture de nouveaux marchés sur le pourtour de la Méditerranée et de la forte baisse des exportations des pays d’Amérique du Sud.

L’élevage bovin est un métier de passion. Il fait vivre plus de 71 000 éleveurs laitiers et 60 000 éleveurs allaitants (1).

Pourtant, les éleveurs sont confrontés à de nombreuses difficultés, tant conjoncturelles que structurelles. Les conséquences sont dramatiques. On assiste à un accroissement des arrêts d’activité, entraînant des problématiques d’emploi et d’activité économique sur les territoires. En dix ans, le pays a par exemple perdu 40 % de ses producteurs laitiers.

Les revenus des éleveurs sont parmi les plus bas du secteur agricole, surtout s’agissant de l’élevage allaitant. Il est donc essentiel de leur assurer une juste rémunération, qui soit en rapport avec les astreintes et les contraintes inhérentes à leur métier.

Maintenir la production française dans sa diversité et ses garanties de qualité et de traçabilité doit demeurer une préoccupation permanente. Plusieurs réflexions ont donc orienté la démarche de vos rapporteurs : comment éviter une végétalisation de la France au cours de la prochaine décennie qui aurait des conséquences dramatiques pour l’équilibre des territoires? Comment favoriser le maintien des exploitations d’élevages sur les territoires ? Comment assurer une juste rémunération aux éleveurs et des conditions de vie décentes ?

I.— DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES ET CONJONCTURELLES

A.— LA CRISE DE L’ÉLEVAGE, UNE PROBLÉMATIQUE POUR LA VITALITÉ DES TERRITOIRES

1. Des conditions de vie difficiles

Le revenu moyen des agriculteurs français s’élève en 2012 à 36 500 euros. Cette moyenne cache des différences très importantes selon les filières. Ainsi, le revenu moyen des céréaliers a franchi la barre des 72 000 euros, tandis que le revenu des éleveurs bovins viande est de 15 400 euros (2). Bien que les prix de la viande restent fermes, les exploitants sont confrontés à la hausse du coût de l’alimentation animale et en particulier à l’envolée des prix des tourteaux. Les revenus des éleveurs laitiers sont de 26 500 euros.

En outre, dans l’élevage laitier la durée de travail est de 3 600 heures par an contre 800 heures pour un exploitant de grande culture. Les vaches laitières sont traites deux fois par jour, tous les jours de la semaine. Il est donc très difficile pour un éleveur de s’absenter, y compris pour un simple week-end, de son exploitation. Cela n’est pas sans incidence sur la vie privée des éleveurs, dont le conjoint ou la conjointe possède de plus en plus souvent un emploi à l’extérieur. Les formes sociétaires offrent à cet égard une organisation du travail plus souple.

Pour faciliter les conditions de travail, les éleveurs doivent bénéficier d’une politique forte de modernisation des bâtiments et des équipements, telle que le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE).

Vos rapporteurs estiment par ailleurs indispensables de conserver, voire de développer, le crédit d’impôt remplacement. Le crédit d’impôt pour congés, reconduit depuis 2006, accorde aux exploitants agricoles dont la présence quotidienne est indispensable tout au long de l’année, une aide financière pour leur remplacement pendant deux semaines au maximum. L’Assemblée nationale a adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 le 15 novembre 2012, un amendement qui reconduit le crédit d’impôt remplacement jusqu’en 2016.

2. Un arbitrage de plus en plus difficile entre élevage et céréales

L’astreinte conjuguée à la pénibilité explique que certains préfèrent se concentrer sur la culture de céréales ou jeter l’éponge. Le nombre d’éleveurs de vaches laitières baisse ainsi de 4 à 5 % par an.

Dans les zones à fort potentiel pédoclimatique, la conversion d’exploitation en grandes cultures, plus rémunératrices et moins astreignantes, est déjà une réalité tangible.

Dans les zones à forte activité économique, si l’élevage est menacé, c’est plutôt par les alternatives offertes en matière d’utilisation des sols, que ce soient pour l’artificialisation ou l’urbanisation des sols.

Or, ces alternatives signifient toujours un arrêt irréversible de l’élevage. Elles présentent en outre des risques en termes d’emplois, d’équilibre écologique, de fertilité organique et de capacité productive.

3. Une population vieillissante

D’après les données fournies par l’Institut de l’élevage, en 2012, 50 % des éleveurs bovins ont plus de 50 ans.

La transmission des exploitations est particulièrement difficile dans un contexte de dégradation de la rémunération des investissements et des conditions de travail pénibles.

À revenu espéré comparable, le capital mis en œuvre dans les systèmes d’élevages bovins allaitant est le double du capital nécessaire en grandes cultures. En production laitière, ce capital est aussi 1,5 fois supérieur au capital engagé en grandes cultures. L’installation et la transmission des exploitations s’en trouvent rendues encore plus difficiles.

On recense aujourd’hui 75 000 exploitations laitières. Selon les travaux démographiques réalisés par l’Institut de l’élevage, le nombre d’exploitations laitières présentes en 2035 devrait se situer dans la fourchette de 20 000 à 35 000, en fonction de la politique d’installation et de reprise qui sera suivie au cours des prochaines années.

4. Une crise de l’élevage en France problématique dans les zones à fort handicap naturel

L’élevage contribue à l’identité des territoires, au maintien d’une vie sociale active et donc à l’attrait touristique des campagnes.

Les personnes auditionnées par vos rapporteurs ont indiqué qu’un emploi d’éleveur crée sept emplois induits dans l’économie, contre deux seulement pour les grandes cultures. Il existe donc un indéniable enjeu à maintenir et développer l’élevage sur l’ensemble du territoire.

Comme l’a indiqué la Confédération nationale de l’élevage dans son rapport : « L’élevage ruminant s’est historiquement développé et conserve une place particulièrement importante, dans les zones difficiles, telles que l’on en trouve dans toutes les régions, sur des terres mal adaptées à la mécanisation des cultures ou peu fertiles (pentues, humides, caillouteuses) où pousse naturellement une végétation que seuls les ruminants sont capables de digérer efficacement. Il a ainsi permis le développement et le maintien d’une activité économique dans des régions défavorisées en générant des emplois, une vie sociale et des produits à forte typicité. Cet effet positif sur l’animation de la vie économique et sociale est essentiel dans des zones à faible densité de population tendant à la déprise (3). » La Confédération nationale de l’élevage pointe donc le risque de délitement du tissu social dans les zones les moins productives si l’élevage y était abandonné.

En outre, dans la plupart des régions de montagne, le troupeau laitier est le principal utilisateur des prairies. Il permet de maintenir des paysages ouverts et habités, favorables au tourisme, à la biodiversité et à l’environnement. Le tourisme rural représente près de 180 000 emplois. 

B.— LA HAUSSE DU COURS DES MATIÈRES PREMIÈRES ENGENDRE UNE HAUSSE DES COÛTS DE PRODUCTION QUI N’EST PAS RÉPERCUTÉE À TOUS LES NIVEAUX DE LA FILIÈRE

1. La hausse et la volatilité du cours des matières premières

L’augmentation de la population mondiale et surtout, l’élévation du niveau de vie dans les pays émergents ont engendré une hausse importante et durable de la demande en produits agricoles, et par voie de conséquence, du prix de ces produits. La production mondiale de céréales, en revanche, croît désormais moins vite que la consommation, ce qui conduit à une réduction des stocks mondiaux depuis les années 2000, et donc à des tensions sur le marché et les prix.

Le moindre incident climatique réduisant les perspectives de récolte dans une région du monde a donc un effet immédiat sur les prix mondiaux, en raison de réserves plus limitées que par le passé.

En 2010, une canicule a frappé plusieurs États producteurs et provoqué la plus forte hausse des cours de céréales que le monde avait connue depuis 1973. Pour sa part, le Canada souffrait de fortes inondations. Au final, les seules difficultés climatiques, exerçant une pression déjà forte due à une baisse des stocks mondiaux, ont poussé la tonne de blé à la hausse, celle-ci cotant à Euronext à 223,50 euros la tonne début août 2010 contre 130 euros seulement début juillet, soit une hausse de 71 % en un mois (4) !

À ces facteurs climatiques s’ajoutent parfois les décisions politiques de certains gouvernements de limiter voire arrêter leurs exportations pour protéger leur marché intérieur des risques d’inflation. Le Gouvernement russe a décidé en 2010 de suspendre toute exportation de céréales entre le 15 août et le 31 décembre. Cette décision a provoqué de vives tensions sur les cours, qui ont été d’autant plus importantes que, dans le même temps, l’Argentine imposait des quotas à l’exportation, pesant également sur l’offre.

Les investisseurs financiers qui ont pris position ces dernières années sur le marché des matières premières alimentaires ne sont pas les déclencheurs de la volatilité des marchés, mais ils en amplifient les effets, à la hausse comme à la baisse. Dans un rapport paru en juillet 2011, le groupe d’experts de haut niveau du Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale identifiait ainsi la régulation de la spéculation sur les marchés à terme comme l’une des solutions pour réduire la volatilité des prix alimentaires(5). Il invitait notamment les gouvernements à l’adoption d’une « approche de précaution », notamment à travers une réglementation plus stricte de la spéculation indiquant que « les marchés à terme jouent un rôle central dans la formation des prix alimentaires internationaux et dans la sécurité alimentaire de trop de personnes pour que leur régulation ne soit dictée que par des considérations financières ».

2. Une hausse des coûts de production

Comme l’a indiqué à vos rapporteurs, la Fédération nationale bovine (FNB) (6) les coûts de production ont fortement augmenté en 2012 pour les éleveurs allaitant, se situant plus de 30 % au-dessus de l’année de référence, 2005. La progression est notamment liée aux postes d’achat pour l’alimentation du bétail, directement corrélée aux prix des céréales et des tourteaux de soja.

La hausse du coût alimentaire

Le Centre d’économie rurale (CER France) a toutefois fait remarquer lors de son audition que des écarts significatifs de compétitivité existent entre les exploitations. Ainsi, il relève des écarts de 45 euros/1 000 litres sur le coût alimentaire, et entre 60 et 100 euros/1 000 litres au niveau de la marge (selon les régions et les systèmes). Or ces écarts tendent à se creuser lorsque les cours des matières premières agricoles sont haussiers. Ils notent notamment que « les meilleurs subissent la conjoncture, mais demeurent toujours rentables, tandis que pour les moins performants, l’excédent brut d’exploitation peine à couvrir les annuités quelle que soit la conjoncture » (7).

3. Une hausse et une volatilité des cours des matières premières agricoles qui ne sont pas entièrement répercutées au long de la chaîne de valeur

Le secteur laitier se caractérise par une forte rigidité de la demande
– peu sensible aux variations de prix – et de l’offre de court terme – liée au cycle de production. De même, le fort impact des coûts des intrants entraîne une rigidité des coûts de production.

Ces rigidités participent, selon les experts, à la volatilité des prix des produits réalisés sur les excédents de stocks – beurre et poudre de lait – qui constituent la variable d’ajustement.

Quand les cours des matières premières agricoles augmentent et que les éleveurs ne peuvent les répercuter sur le prix du lait ou de la viande, cela engendre un effet ciseau, qui entraîne une compression insupportable des marges des éleveurs.

Ainsi, le prix du lait en 2012 se situe dans une moyenne haute par rapport aux prix des dix dernières années. Le problème réside essentiellement dans l’absence de répercussion des hausses des prix tout au long de la filière.

Il en va de même s’agissant de l’élevage allaitant. La progression des cours des gros bovins finis n’a pas permis de rattraper la hausse des charges. D’après la FNB, l’indicateur du coût de production se situe à + 58 % par rapport à son niveau de référence de 2005, tandis que les cours des bovins maigres n’ont progressé que de l’ordre de 10 % par rapport à 2010. La FNB estime que par rapport à l’explosion des coûts de production, les cours moyens des bovins finis devraient se situer à environ 4,70 euros par kg carcasse, payé au producteur, alors que la cotation à l’entrée de l’abattoir est de 4 euros.

De fait, il existe une dissymétrie des rapports de force économique dans les filières agro-alimentaires. La production agricole est dispersée face aux quelques transformateurs et distributeurs. L’existence de pouvoirs de négociation inégaux a un impact sur la transmission des variations de prix le long des chaînes de valeur. Ce problème de transmission imparfaite des prix est d’autant plus important quand ces marchés sont confrontés à une forte volatilité.

En outre, comme l’a rappelé l’association des producteurs de lait indépendants (APLI) lors de son audition par vos rapporteurs, « contrairement à un céréalier par exemple, c’est la nature même du lait, produit périssable et non stockable qui fragilise la position de l’éleveur dans la chaîne de la filière ». Une analyse de juillet 2009 du Centre études et prospectives du ministère de l’agriculture confirme les contraintes liées aux spécificités du lait pour les producteurs : « Les caractéristiques du lait, produit périssable et pondéreux, composé à 90 % d’eau, induisent des contraintes pour sa collecte. Elle doit être fréquente et régulière, sous un délai maximal de 72 heures. De ce fait, la première transformation ne peut être réalisée à une distance trop lointaine du lieu de production (la transformation du lait au sein des exploitations ne concerne que 2 % de la production). Ainsi, à l’exception de quelques rares zones où la densité laitière est importante, il n’existe bien souvent qu’une usine de transformation qui collecte la production de l’ensemble du bassin de production environnant. Cette contrainte imposée par la nature du produit rend quasiment impossible la mise en place d’un marché concurrentiel entre la production et la première transformation. Elle place chaque producteur devant le risque d’être évincé de la collecte de son « unique » client. En outre, à l’instar de la plupart des autres filières, les producteurs restent largement atomisés face à une industrie laitière de plus en plus concentrée. En France, on comptait 82 600 livreurs de lait en 2008. Face à eux, les 4 premières entreprises laitières françaises représentaient près de 41,1 % de la collecte et les 9 premières 50,4 %. Les relations entre les producteurs et la première transformation relèvent donc davantage d’un schéma du marché captif que de la concurrence pure et parfaite. Cet état de fait n’est pas sans conséquence sur la formation du prix payé aux producteurs. Cette question ne concerne bien évidemment pas les structures de transformation coopératives contrôlées par les producteurs eux-mêmes. Il apparaît même que la coopération, via le développement ou la prise de contrôle d’outils de transformation, a historiquement constitué la principale alternative à cette défaillance de marché. Les coopératives laitières danoises et néerlandaises sont à ce titre exemplaires : que ce soit Arla Foods pour les premiers ou Friesland-Campina pour les seconds, dans les deux cas un groupe coopératif est en situation de quasi-monopole à l’échelle nationale » (8)

Il faut toutefois noter que le rapport 2012 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, présenté en novembre 2012 a pour la première fois fait apparaître les marges nettes de la grande distribution et qu’il a montré une grande variabilité de la marge nette en fonction du rayon. Cette marge est par exemple négative de 1,90 euro pour le rayon boucherie.

Observatoire des prix et des marges, 2012

En fait, on observe en France une faible répercussion des hausses et des baisses de prix aux consommateurs, ce qui explique les compressions des marges des différents acteurs de la chaîne de valeur quand les cours sont hauts.

En Allemagne au contraire, les prix de détail pour le lait liquide, le beurre et les produits ultra frais ont fortement augmenté depuis l’été 2012.

Évolution des prix sur le marché de détail en Allemagne

CNIEL

Vos rapporteurs ne plaident pas pour une forte augmentation des prix alors que le pouvoir d’achat des consommateurs est très contraint. Néanmoins, ils estiment qu’il faut trouver un équilibre, un juste prix, qui permette à chacun de pouvoir vivre décemment de son travail. Ils estiment qu’une stagnation des prix du lait ou de la viande alors que les coûts de production des éleveurs augmentent dévalorise leur travail.

C.— LE LAIT : LA FIN D’UN CADRE RÉGLEMENTAIRE QUI TERRITORIALISAIT LA PRODUCTION

L’économie laitière (9)

– une présence sur tout le territoire avec des systèmes de production diversifiés ;

– 48 000 exploitations spécialisées et 24 milliards de litres collectés (2e producteur européen) ;

– un revenu longtemps stable autour de 20 000 euros, devenu volatil depuis 2006 ;

– un revenu plutôt faible des éleveurs par rapport à leurs principaux concurrents européens où la moyenne des revenus s’établit à près de 40 000 euros ;

– 1 000 entreprises, dont 260 coopératives, fabriquent des produits laitiers et emploient 51 000 salariés ;

– la balance commerciale des produits laitiers est excédentaire de 3,8 milliards d’euros en 2012.

1. Le système des quotas a permis de territorialiser la production

Après les crises de surproduction, le secteur laitier a été encadré au niveau européen par les quotas laitiers en 1984 et des instruments de soutien des prix à la production.

Les quotas, en répartissant les droits à produire entre les pays, et en les fixant au sol, notamment en France compte tenu du lien fort entre quotas et foncier, ont permis de préserver une répartition géographique équilibrée de la production, alors que l’évolution antérieure avait tendance à déplacer les capacités de production vers le Nord de l’Europe et plus largement vers le littoral de la mer du Nord et de la Manche. Ces régions présentent en effet des éléments de compétitivité déterminants :

– la présence des grands ports d’importations de céréales et de soja,

– le potentiel industriel,

En outre, elles sont soumises à des contraintes pédoclimatiques qui rendent difficiles les conversions vers d’autres productions.

Le lait était en revanche menacé dans les régions de montagne à plus fortes contraintes. C’est la raison pour laquelle des politiques spécifiques appliquées aux zones de montagne, en particulier l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), ont été mises en place afin de permettre le maintien de cette activité dans certaines zones à fortes contraintes.

Cette territorialisation des productions ne s’est pas traduite par une homogénéisation des structures ni des systèmes de production entre pays. Aujourd’hui, d’importantes divergences existent dans la dimension des exploitations entre l’Europe du Nord et celle du Sud. A cet égard, la France se situe dans une position médiane, avec un quota moyen de 350 000 litres de lait par éleveur.

Pour autant, comme le souligne la CNE dans son rapport, « La supériorité de tel ou tel système de production, structure par pays, n’est absolument pas avérée. La seule démonstration faite tourne autour d’un avantage coût, lié à la productivité du travail pour un prix du lait donné, et ceci jusqu’à un certain seuil : autour des 300 000 litres de lait par travailleur et par an, dans les systèmes de plaine. En deçà les exploitations peuvent être confrontées à de lourdes charges fixées à l’unité produite (travail et capital). Au-delà les charges liées à la capitalisation et l’endettement qui s’en suit, peuvent rendre les systèmes extrêmement sensibles et vulnérables aux variations de prix et coûts des intrants, comme le montrent les résultats économiques particulièrement désastreux des exploitations danoises en période d’effondrement des prix du lait. »

2. Les quotas n’ont pas empêché une concentration de l’élevage, qui risque encore de s’accentuer avec la fin de ce système

En France, un important mouvement de concentration s’est enclenché depuis 1984 et s’est accentué depuis les années 2000. Le nombre d’exploitations laitière est ainsi passé de 71 000 en 2000 à 47 000 en 2011. En moyenne les exploitations possède désormais 52 vaches laitières en 2011, contre 38 vaches laitières en 2000.

Agreste, CNIEL

Le cheptel laitier, lui, ne cesse de diminuer, de 13 % entre 2000 et 2011. Cette baisse du cheptel est toutefois largement compensée par une hausse des rendements.

La majorité des exploitations laitières se situe dans le « croissant laitier » qui s’étend de la Bretagne à l’Auvergne en passant par la Normandie, le Nord-Pas-de-Calais, la Champagne-Ardenne, l’Alsace-Lorraine, la Franche-Comté et la partie nord de la région Rhône-Alpes. Le CER France a pointé l’existence de quatre bassins laitiers en France, héritage de la politique des quotas à la française aux caractéristiques et résultats très différents.

CER France

Les exploitations laitières ont réalisé un effort d’investissement continu depuis dix ans, notamment dans le matériel et les bâtiments d’élevage. Ces investissements ont entraîné une nette progression du taux d’endettement et des annuités. Cette exigence de remboursement, dans un contexte de plus en plus volatil, fragilise les trésoreries, au point d’entraîner des arrêts d’exploitations.

Évolution de la capacité d’autofinancement

CER France

Surtout, la fin des quotas en 2015 et la réforme de la PAC en cours participent à un climat d’incertitudes quant à l’avenir de la filière laitière. La restructuration des outils industriels permise par la fin des quotas et donc de la gestion des volumes au niveau départemental pourrait entraîner une spécialisation dans la production laitière dans certaines régions et une forte déprise dans les zones intermédiaires de montagne.

D.— LA VIANDE, UNE DÉCAPITALISATION INQUIÉTANTE

1. L’importance du troupeau allaitant français

La France détient le plus gros cheptel reproducteur bovin de l’Union européenne, avec 4 100 000 vaches allaitantes et 3 600 000 vaches laitières, soit 34 % des vaches allaitantes, et 22 % des vaches de l’UE. Elle est néanmoins devenue importatrice nette de viande bovine depuis les années 2000 au niveau européen (10).

Échanges intra communautaires de viande bovine en 2011

FranceAgriMer

L’élevage allaitant est majoritairement présent dans les zones intermédiaires et les zones de montagne. Trois espaces assurent la majeure partie de la production : la périphérie du bassin laitier breton ; le bassin charolais et le bassin limousin. L’élevage allaitant est également présent en Lorraine et dans les contreforts du massif pyrénéen.

De même que pour le cheptel laitier, un mouvement de concentration est à l’œuvre depuis plusieurs dizaines d’années. La taille moyenne des troupeaux s’accroît régulièrement, passant de 26 vaches allaitantes en 2000 à 34 vaches en 2010.

En ce qui concerne le cheptel allaitant, une diminution est également en cours depuis 2010, qui s’est accentuée avec la sécheresse du printemps 2011. D’une part les prairies ne suffisaient plus à l’alimentation des bovins mis à l’herbe et, d’autre part, la pousse sur les prairies destinées au fauchage a été insuffisante, entraînant un déficit de stocks de fourrages futurs. Les abattages de gros bovins marquent une tendance à la baisse sur une longue période, dans le sillage de la baisse du cheptel. Les abattages de jeunes bovins ont également diminué sur cette période en raison d’une production en baisse en 2011 mais aussi de l’augmentation des exportations en vif, notamment vers la Turquie.

Les viandes produites à partir du troupeau de vaches allaitantes représentent aujourd’hui 58 % du total des viandes produites en France. Ce chiffre s’élevait à 52 % au milieu des années 1990. Le reste de la production est assuré par l’abattage des vaches laitières de réforme. L’importance des apports sur le marché des vaches de réforme pèse sur le marché de la viande bovine issue de races à viande. Ainsi, en 2009, lorsque le prix du lait était faible, les éleveurs se sont séparés de manière anticipée des vaches les plus âgées, les moins productives, et ceci a pesé à la baisse sur les prix de la viande bovine issue du cheptel allaitant.

2. Une production haut de gamme et peu d’activités d’engraissement

La production française de viande bovine ne correspond pas à la consommation domestique. Ainsi, on assiste à des importations de femelles et à l’export de jeunes bovins et de génisses. La production française a renforcé son potentiel et sa spécificité qui consiste à faire naître des animaux.

Malgré l’exportation d’un grand nombre de broutards, 65 % des tonnages de viande produits en France correspondent à des produits du troupeau allaitant, et donc à des viandes dites de haut de gamme, issues de carcasses bien conformées.

Or ces caractéristiques ne sont pas nécessairement en harmonie, en termes de prix, avec les attentes exprimées par la grande distribution, qui elle-même assure 62 % de la consommation totale. Les caractéristiques de ces viandes issues du troupeau allaitant ont notamment de grandes difficultés à correspondre aux exigences de prix exprimées par la restauration collective de type scolaire et institutionnelle.

La production de viande bovine française se trouve ainsi prise en tenaille entre une réponse à des attentes qualitatives et des exigences de prix.

Cette situation est aggravée par la distorsion de concurrence qui existe avec l’Allemagne, où le recours massif à une main-d’œuvre étrangère à bas coût par les industries de l’abattage et de la transformation leur permet de réaliser un gain de 9 centimes par kilo équivalent de carcasse par rapport à la France (11).

La relance de l’engraissement des jeunes bovins est une piste régulièrement explorée pour améliorer la situation des éleveurs. Elle est défendue notamment par les jeunes agriculteurs.

Cette relance de l’engraissement répond à une volonté de rapatrier la valeur ajoutée sur le territoire national.

Dans une étude datant de 2008 portant sur l’avenir de l’engraissement des jeunes bovins en France, l’Office de l’élevage (12) identifiait les facteurs clefs de succès de projets de renforcement de l’engraissement :

La première difficulté tient aux besoins de trésorerie des exploitants. L’engraissement allonge en effet le délai de présence des animaux sur l’exploitation : au lieu de vendre des broutards entre 8 et 12 mois, l’éleveur doit les garder une année de plus.

La deuxième difficulté tient à la nécessité d’adapter les bâtiments d’élevage à la nouvelle capacité de l’exploitation, ce qui suppose de nouveaux investissements.

La troisième difficulté consiste à disposer de plus d’alimentation animale ce qui se heurte à une insuffisante production de protéagineux, rendant nécessaire l’importation de tourteaux de colza, riches en protéines.

La quatrième difficulté tient à la concentration des risques économiques sur l’éleveur  puisque l’engraissement expose davantage l’éleveur aux aléas de la conjoncture, qu’ils soient climatiques ou économiques.

II.— D’INDÉNIABLES OPPORTUNITÉS QUI DOIVENT ÊTRE EXPLOITÉES

A.— LA DEMANDE DES CONSOMMATEURS POUR DES PRODUITS TRACÉS ET DE QUALITÉ

1. Un étiquetage obligatoire des produits transformés à base de bœuf

Depuis la crise de la vache folle, l’étiquetage de l’origine de la viande bovine fraîche, c’est-à-dire non transformée, est obligatoire en vertu des règlements (CE) 820/97 et 1 760/2000 (13).

L’information du consommateur, en particulier par l’étiquetage des viandes, résulte de trois règlements européens.

Cadre réglementaire actuel de l’Union en matière d’information du consommateur

– Le règlement (CE) n° 178/2002 sur les principes généraux de la législation alimentaire et de la sécurité des denrées alimentaires, qui dispose que la législation alimentaire doit permettre aux consommateurs de choisir leurs denrées en connaissance de cause et doit empêcher toute pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur. Ce règlement prévoit aussi qu’il appartient aux exploitants de s’assurer qu’ils répondent aux exigences applicables de la législation alimentaire et qu’il incombe aux États membres de garantir l’application de cette législation ainsi que de contrôler et de vérifier que les exigences ad hoc sont respectées à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution ;

– la directive 2000/13/CE sur l’étiquetage des denrées alimentaires, qui prévoit que celui-ci ne doit pas être de nature à induire le consommateur en erreur et que tous les ingrédients doivent figurer sur l’étiquette des denrées alimentaires préemballées destinées au consommateur final ;

– le règlement (CE) n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires ; ce règlement, qui n’est pas encore entré en vigueur, remplace un certain nombre d’actes antérieurs, dont la directive 2000/13/CE. Il introduit l’obligation d’indiquer le pays d’origine à partir du 31 décembre 2013 pour les viandes fraîches des espèces porcine, ovine, caprine et de volailles (pour l’espèce bovine, cette obligation a été introduite dans un règlement séparé à la suite de la crise de l’ESB). Ces dispositions ne s’appliquent pas, cependant, à la viande en tant qu’ingrédient dans les produits transformés.

En vertu de ces règlements, la Commission doit présenter un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l’indication obligatoire des pays d’origine et du lieu de provenance pour la viande utilisée en tant qu’ingrédient. Ce rapport est attendu au plus tard le 13 décembre 2013. L’amélioration de l’information du consommateur était donc envisagée avant le scandale dit de la « viande de cheval ». L’actualité a cependant transformé cette éventualité en impératif.

Le scandale de la viande de cheval

Le 15 janvier 2013, l’autorité irlandaise de sécurité des aliments a annoncé avoir découvert de l’ADN de cheval dans un certain nombre de steaks hachés de bœuf vendus dans de grandes chaînes de supermarchés. Début février, d’autres cas de viande de cheval détectée dans des produits dont l’étiquette indiquait la présence de viande de bœuf ont été signalés au Royaume-Uni puis en France. Plusieurs analyses ont donc été effectuées pour vérifier, dans toute l’Union, le contenu exact des produits à base de viande transformée. De la viande de cheval a été décelée dans un large éventail de denrées alimentaires.

La présence illégale de viande de cheval dans les denrées alimentaires a soulevé d’autres questions liées à la sécurité alimentaire. Un sujet a notamment suscité des inquiétudes : la présence éventuelle de traces de phénylbutazone dans la chaîne alimentaire, soupçons qui se sont avérés dans au moins un cas en France. La phénylbutazone est un anti-inflammatoire vétérinaire administré aux chevaux, qui présente cependant des risques potentiellement graves (quoique rares) pour la santé des personnes. En vertu de la législation de l’Union, les chevaux auxquels ce médicament a été administré doivent être exclus définitivement de la chaîne alimentaire. Pour faire face à cette situation, il a été décidé de procéder à des analyses sur des viandes et des produits à base de viande dans l’ensemble de l’Union, à la suite de propositions formulées par la Commission et après consultation des États membres au sein des comités de réglementation concernés.

En effet, le scandale de la viande de cheval, et la chute impressionnante des ventes de tous les produits transformés à base de bœuf ont montré que les Français sont toujours plus exigeants sur la sécurité et sur la qualité des produits. Comme l’a indiqué Interbev lors de son audition, que les Français s’approvisionnent auprès d’une chaîne alimentaire devenue complexe ou qu’ils privilégient les circuits courts et un approvisionnement de proximité, tous ont besoin des mêmes sécurités. Leur demande se diversifie et ils sont aussi de plus en plus attentifs aux conditions de production.

Vos rapporteurs estiment impératif que la Commission accélère la remise de ce rapport, première étape nécessaire avant la présentation d’une proposition législative.

Il convient d’autoriser au plus vite l’étiquetage « viande bovine française » (VBF) pour l’ensemble des produits, nés, élevés, abattus et transformés en France.

2. Une politique de la qualité

Le lait destiné aux fabrications de produits appellation d’origine contrôlée (AOC) et le lait bio, même plus chers, résistent mieux que le lait conventionnel quand les prix se contractent. En Allemagne, par exemple, le prix du lait bio a chuté de 22 % en 2009 contre 40 % pour le marché conventionnel.

Lors de son audition par vos rapporteurs, Mme Massat, présidente de l’association nationale des élus de la montagne (ANEM), a fait observer que l’on constate invariablement que les exploitations laitières de montagne en appellation d’origine protégée (AOP) ou indication géographique protégée (IGP) résistent mieux aux crises. Ainsi, l’Institut de l’élevage relève qu’en Franche-Comté, le prix du lait a continué à augmenter (plus 20 euros par 1 000 litres en 2010), passant la barre des 40 000 euros de revenu par unité de main-d’œuvre. Ces types de production sont loin d’être marginaux puisque le lait sous AOP-IGP concerne 10 % de la production totale de lait mais 30 % du lait de montagne.

CNIEL

En France, le lait bio reste une production relativement marginale (1,9 % de la collecte), contrairement à certains pays de l’Union européenne. L’Allemagne, le Danemark et l’Autriche produisent à eux seuls la moitié de la production européenne (2,5 millions de litres en 2008, ce qui représente jusqu’à 10 % de la collecte de lait en Autriche) (14). En 2008, le lait bio représentait en France 5 % de la consommation de lait liquide. 30 % de la consommation française est importée, ce qui montre que le marché existe et qu’il se développe.

Les mêmes constats s’appliquent à la viande bovine. Il existe 21 IGP en viande bovine, selon l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). La qualité peut aussi être attestée par le label, du type « label rouge », qui garantit le respect par le producteur d’un cahier des charges exigeant.

Vos rapporteurs estiment en conséquence que l’encouragement à la valorisation du lait et de la viande en produits certifiés doit constituer donc un objectif prioritaire comme réponse à la disparition des quotas, en particulier dans les zones difficiles, où les coûts de collecte sont plus élevés.

3. Favoriser les circuits de proximité

Selon le ministère de l’agriculture, est considéré comme circuit court un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire.

L’ANEM estime que les circuits courts de type AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) correspondent à un débouché en pleine expansion qu’il faudrait accentuer dans le secteur des produits laitiers, en ce qu’ils apportent satisfaction à la fois au consommateur et au producteur ; ce que résumait assez bien un exposant au Salon de l’agriculture : « en montagne, le reblochon acheté 3,60 euros chez le producteur est vendu 16 à 18 euros en grande surface et jusqu’à 24 euros en crémerie. Si je le vends 11,50 euros, tout le monde s’y retrouve » (15).

Le lait liquide ne voyage pas ou très peu. Cette contrainte commerciale peut aussi se transformer en atout lorsque le lait est valorisé comme un produit de proximité. Comme l’indiquait le rapport du sénateur M. Jean Bizet, la valorisation locale peut se faire de façon implicite, comme c’est le cas au Royaume-Uni, qui a pour caractéristique d’être un pays gros consommateur de lait frais pasteurisé et par conséquent à durée de conservation courte (16). Le lait consommé au Royaume-Uni est donc par nécessité un lait produit localement. Il en va de même en Autriche.

Ce même rapport montrait que la valorisation peut aussi être explicite comme c’est le cas chez certaines grandes enseignes commerciales qui vendent du « lait de montagne » ou bien encore en Alsace, où, avec l’appui des autorités locales, les laiteries ont proposé du « lait d’Alsace ». Cette initiative rencontrerait un succès certain. Dans le même ordre d’idée, il faut citer l’expérience des « tanks » de distribution directe, sortes de distributeurs automatiques de lait, qui permettent de livrer du lait frais pasteurisé, sans intermédiaire, ni conditionnement (17).

Un nouveau débouché doit également s’ouvrir en priorité à la filière viande française : celui de la restauration collective. En effet, alors même que les enjeux politiques d’une relocalisation de l’approvisionnement de la restauration collective sont nombreux, 80 % de la viande consommée en restauration collective est issue de l’importation (18), malgré l’engagement de certaines enseignes comme McDonald’s, qui s’approvisionnent en viande hachée sur le marché français.

Pour favoriser l’approvisionnement de la restauration collective via les circuits courts, le code des marchés publics a été modifié par décret le 25 août 2011. Il donne la possibilité aux acheteurs de « retenir parmi les critères de choix de l’offre économiquement la plus avantageuse, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture.» La notion de circuits courts ne désigne donc pas une préférence locale, ce qui serait contraire aux règles européennes de la commande publique, mais un mode de distribution. La Commission des affaires économiques a auditionné le 20 février 2013 le président du Conseil général du Gers de l’époque, M. Philippe Martin, qui a mis en place une opération intéressante visant à servir depuis le 1er  janvier 2009, des repas de saison, biologiques, labellisés et locaux dans les restaurants scolaires des 19 collèges du Gers.

Vos rapporteurs suggèrent de développer les circuits courts et les filières de qualité au sein de la restauration hors foyers, notamment en utilisant la possibilité ouverte par le décret du 25 août 2011.

B.— DES MARCHÉS EN CROISSANCE

1. Des marchés en croissance

En moyenne, à l’échelle mondiale, sont consommés, par habitant et par an, 100 litres de lait ou équivalents et 42 kg de viande, dont 9 kilos de viande bovine. Cette consommation est très inégalement répartie. Les Français consomment par exemple 300 litres équivalents de lait et 24 kilos de viande bovine.

Le niveau de la consommation de protéines animales atteint en France et dans les pays développés n’est pas nécessairement généralisable, mais les experts misent sur une forte croissance de la demande mondiale et sur le maintien d’un haut niveau d’exigence qualitative. La progression de la consommation des protéines d’origine animale sur la planète a d’ailleurs été forte cette dernière décennie : entre 2 et 3 % par an, en lait comme en viande. Selon la FAO et l’OCDE, la croissance devrait être la même, voire supérieure à l’horizon 2020. Dans les pays émergent, à faible diversification alimentaire, l’augmentation de la consommation de produits laitiers et de viande suit l’augmentation du pouvoir d’achat et l’émergence des classes moyennes. 

a) Le lait

La production mondiale de lait, de l’ordre de 440 millions de tonnes en 2010, progresse régulièrement, approximativement à la même vitesse que la population mondiale. L’Union européenne est le principal producteur avec 135 millions de tonnes, devant les États-Unis – 88 millions de tonnes – et l’Inde – 50 millions. La France et l’Allemagne sont les deux grandes industries laitières de l’UE.

Les échanges sont en croissance en volume et en valeur. Ils sont réalisés essentiellement sous la forme de trois types de produits :

– les fromages et les poudres grasses, pour à la fois la matière grasse et la matière protéique du lait ;

– le beurre pour la matière grasse ;

– la poudre de lait écrémé pour la protéine.

La CNE a souligné que « Les poudres grasses ou écrémées sont largement produites pour les échanges internationaux, puisque pour ces produits les échanges portent sur une très forte proportion de la production mondiale (respectivement 50 et 40 %). En revanche, en beurre et fromages, le commerce international ne porte que sur 10 % des volumes produits. L’Europe et les États-Unis, grands producteurs de fromages produisent d’abord pour leur marché intérieur. De même pour ce qui concerne la production beurre de l’Europe et de l’Inde. Il n’en demeure pas moins que l’Europe a pu exporter des volumes plus importants de fromages ces dernières années, en répondant à une demande de nouveaux consommateurs à bon pouvoir d’achat dans les pays en croissance. De nouveaux marchés s’ouvrent, y compris sur des produits industriels de qualité porteurs de valeur ajoutée : ainsi du marché des poudres infantiles en Chine.19 »

CNE

b) La viande bovine

Au cours des années 2000, la consommation mondiale globale de viandes a progressé au rythme annuel de 2,3 % pour atteindre 286 millions de tonnes en 2010. Elle correspond à une consommation de 42 kg équivalent carcasse par habitant. L’OCDE et la FAO prévoient pour la décennie à venir que la consommation mondiale de viande continuera d’enregistrer l’un des taux les plus élevés de croissance parmi les principales denrées agricoles. Il est estimé à 1,5 % pour la viande bovine. Ces deux organisations prévoient également la poursuite de la forte tendance à la hausse des prix de la viande bovine sur le marché mondial.

Cette dynamique se traduit par un resserrement des prix mondiaux, ce qui constitue une véritable rupture. Ce mouvement est enclenché depuis 2009 avec une forte hausse des prix chez les trois principaux exportateurs mondiaux : Brésil, Australie, États-Unis. En deux ans, les prix brésiliens ont doublé pour se rapprocher des prix européens fin 2010.

Dans son rapport daté de 2012 sur l’analyse stratégique de la filière de la viande bovine, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) souligne que « les pays du Moyen-Orient et du Maghreb constituent des cibles privilégiées, compte tenu de leur proximité et de leur appartenance à la zone de chalandise naturelle de l’Europe ». Ces pays vont sensiblement augmenter leurs importations dans les années à venir, offrant une véritable opportunité pour la filière française.

2. Des opportunités pour la filière française

a) La viande

La France, forte de son troupeau allaitant, est sans doute l’un des pays européens les mieux placés pour bénéficier des opportunités offertes par le marché mondial.

Si du fait de la baisse structurelle de la production liée à la baisse du cheptel laitier, la filière viande est déficitaire depuis 2003 en termes de volume, elle est largement excédentaire s’agissant des races à viande. Ce résultat est directement lié aux exportations d’animaux maigres mais aussi de jeunes bovins, à forte valeur ajoutée. Près d’un tiers des veaux nés du cheptel allaitant français sont exportés, principalement vers l’Italie et l’Espagne, et plus récemment, vers les pays tiers.

La FNB estime que pour conforter la production de la filière, il est indispensable de renforcer les moyens engagés pour rechercher et développer ces nouveaux débouchés. Elle suggère en conséquence d’amplifier l’action du GEF (groupement export France) créé en 2011 par la filière bovine.

Vos rapporteurs sont convaincus qu’il est également important de maintenir la mobilisation active des services de l’État pour obtenir la négociation des certificats sanitaires indispensables à l’ouverture des marchés, et entreprendre les démarches diplomatiques essentielles pour les relations commerciales au plan mondial.

b) Le lait

L’Europe du Nord et particulièrement la France disposent des meilleurs atouts pour l’après quotas en raison de leur savoir-faire, de leurs potentiels humains et pédoclimatiques, et de leurs outils industriels.

Le solde commercial des produits laitiers constitue le troisième excédent agroalimentaire français, en augmentation régulière.

Les fromages assurent 1,5 milliard d’euros des 3,7 milliards d’euros du solde positif du commerce extérieur devant les produits frais qui représentent le deuxième poste positif, avec près de 450 millions d’euros, et les laits écrémés. L’Allemagne, la Pologne, l’Espagne et la Grande-Bretagne sont les principaux partenaires de la France.

Au début des années 2000, le lait français n’était pas compétitif sur le marché mondial, ce qui explique que les exportations françaises sont destinées à 75 % à l’UE. L’écart de compétitivité avec l’Océanie s’est néanmoins sensiblement resserré depuis 2006, ce qui explique qu’on observe ces dernières années une nette progression des exportations françaises vers les pays tiers.

En 2011, les exportations de la France vers l’UE et le reste du monde se sont élevées à 10,2 milliards de litres équivalents de lait, soit 42,5 % de la collecte, alors que les importations ont été de 5,2 milliards de litres. 

Service économique du CNIEL, juin 2013

Le « mix produits » de la France compte une part importante de produits industriels (30 % des fabrications, contre 20 % en Allemagne), dont la valorisation est en lien direct avec les marchés mondiaux. Les autres produits fabriqués sont des produits de grande consommation à forte valeur ajoutée (lait, yaourt, fromages).

Le paradoxe français est d’avoir historiquement des entreprises nationales puissantes sur le plan mondial, très implantées industriellement sur les différents continents, innovantes en termes de produits qui dégagent de la valeur ajoutée, mais qui se sont peu positionnées sur les segments des poudres et des fromages standard qui s’échangent le plus sur le marché mondial. Les personnes auditionnées par vos rapporteurs ont néanmoins indiqué que la France développe ces activités de poudres, à très haute valeur ajoutée, notamment à destination du lait infantile.

Eurostat/CNIEL

Dans ce contexte général de demande soutenue, vos rapporteurs estiment que la formation d’un groupement d’intérêt économique en charge de la promotion des produits laitiers et de la recherche de nouveaux marchés permettrait de dynamiser plus encore les exportations françaises. 20

III.— LES CONDITIONS DE LA REPRISE

A.— L’AMÉLIORATION DES RAPPORTS PRODUCTEURS – FOURNISSEURS – DISTRIBUTEURS

1. La table ronde fournisseur distributeurs, une aide bienvenue mais ponctuelle

La table ronde organisée par le médiateur des relations commerciales agricoles le 8 avril 2013 est intervenue dans un contexte tendu, celui du ciseau insoutenable de l’augmentation des charges et de l’insuffisante répercussion à la hausse des prix de vente du lait. Pour leur part, les transformateurs dénoncent des négociations avec les distributeurs de plus en plus tendues au fil des années.

Le médiateur des relations commerciales agricoles a néanmoins pu proposer le 26 avril à l’ensemble des intervenants de la filière laitière un dispositif permettant de financer un relèvement immédiat de 25 euros du prix payé aux producteurs laitiers pour 1 000 litres de lait collectés.

Au 1er juin, les distributeurs ont accepté une hausse des prix payés aux industriels de 3 centimes le litre de lait de consommation et de 2 centimes le litre de lait intégré aux produits transformés, en fonction de coefficients techniques de transformation. Les producteurs devraient en échange s’engager à ne pas perturber l’activité des distributeurs et des industriels pendant la durée de l’accord.

Globalement les hausses envisagées par le dispositif du médiateur correspondraient à une enveloppe de l’ordre de 300 millions d’euros.

Il s’agit d’une solution utile et bienvenue pour les producteurs mais ponctuelle, qui ne résout pas les problèmes de fond de la filière.

2. L’innovation du projet de loi relatif à la consommation, la clause de renégociation en cas de volatilité des matières premières

L’accord, signé sur la base du volontariat en présence du ministre de l’agriculture le 3 mai 2011, entre treize organisations professionnelles représentant agriculteurs, industriels et secteur de la distribution et qui prévoit la réouverture des négociations commerciales entre ces différents partenaires lorsque les prix de l’alimentation animale dépassent un certain niveau, à la hausse comme à la baisse est peut-être une piste intéressante pour limiter l’impact négatif de l’augmentation du coût des matières premières sur les éleveurs.

Il faut pour cela que les prix de l’alimentation animale soit de plus ou moins 10 % par rapport au même mois de l’année précédente et pendant trois mois consécutifs. Par ailleurs, l’évolution de la part du coût de l’alimentation dans le prix à la production doit se situer à plus ou moins 10 %, au-delà ou en deçà d’une référence préétablie. Un corridor de prix est alors défini de manière à lisser l’impact de la volatilité des cours des matières premières agricoles au profit des filières des viandes bovine, avicole et porcine.

Cet accord dont le champ d’application est restreint repose néanmoins sur une base volontaire.

Le projet de loi relatif à la consommation qui a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 2 juillet 2013 prévoit donc une clause de renégociation en cas de fortes variations des prix des matières premières agricoles.

Comme l’a indiqué notre collègue Mme Annick Le Loch, rapporteure de ce texte s’agissant des aspects relatifs à la loi de modernisation de l’économie : « Le nouvel article L. 441-8 du code de commerce est fondamental et répond parfaitement aux inquiétudes que les producteurs de fruits et légumes notamment (mais la situation des éleveurs et des producteurs de produits d’origine animale, comme le lait, a également pu être affectée) ont pu manifester au cours des années récentes. (…) Afin d’éviter toute dérive lors de la réouverture des négociations, il est également prévu que la clause de renégociation fasse référence à « un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires », définis par exemple par FranceAgriMer, l’Observatoire de formation des prix et des marges ou tout autre structure comparable. L’objectivité des indices ainsi définis devrait permettre aux différents acteurs de pouvoir négocier en toute transparence, sur des bases non sujettes à caution. Afin de garantir que ces négociations soient menées de bonne foi, il est par ailleurs précisé qu’un compte rendu doit être établi afin d’en retracer les étapes et les points de vue, celui-ci pouvant s’avérer particulièrement utile, notamment pour permettre aux autorités compétentes voire au juge d’apprécier le caractère sincère et constructif des discussions ainsi menées. »

Les contrats tripartites entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs

Système U a convenu en 2010 un accord tripartite avec le groupement de producteurs Biolait et la laiterie de Saint-Denis de L’Hôtel. « Nous nous engagions pour la première fois sur une marque de lait bio de production française. Pour sécuriser les producteurs sur le prix, et en même temps inciter à la conversion un certain nombre d’éleveurs du conventionnel vers le bio, nous avons voulu prévoir dans nos contrats 3 centimes d’euros supplémentaires, orientés directement vers les producteurs. » Le mécanisme a si bien fonctionné qu’en trois ans, Biolait, au départ surtout localisé dans le Grand Ouest et désormais sur toute la France, est passé de 700 à 1 200 producteurs. Aujourd’hui, le nombre d’éleveurs étant jugé suffisant pour remplir les demandes de volume, l’accord qui visait à aider à la conversion ne va pas être reconduit. Le prix payé au producteur lui devrait être maintenu : il est fixé à 43 centimes d’euros le litre, contre 31,5 centimes dans le conventionnel (21).

Vos rapporteurs saluent l’introduction de cette clause de renégociation dans le droit français.

3. Le fonds de solidarité céréaliers- éleveurs, une péréquation intéressante

Suite à la hausse des cours constatée au printemps 2012, un regroupement de producteurs de céréales et d’oléagineux, l’ORAMA fédérant trois associations spécialisées dépendant du syndicat majoritaire au sein des chambres d’agriculture (l’AGPB, l’Association Générale des Producteurs de Blé, l’AGPM, l’Association Générale des Producteurs de Maïs et la FOP, Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux) a proposé le 30 août 2012 de mettre en place un fonds professionnel de modernisation céréalier-éleveur de 100 millions d’euros en faveur des éleveurs. Le président de la FNSEA, M. Xavier Beulin a expliqué avoir « soutenu l'initiative d'Orama sur le fonds de solidarité céréaliers-éleveurs, a-t-il rappelé. Face à la faible mobilisation autour de la mise en place d'une contribution volontaire pour alimenter ce fonds, et devant notre refus d'une taxe, nous proposons la mise en place d'une CVO (contribution volontaire obligatoire) qui sera modulée et modulable. Ce fonds devrait voir le jour dès 2013. »22

Selon ses promoteurs, ce fonds serait destiné à financer des mesures structurelles de soutien – investissements dans la rénovation des bâtiments, développement de la méthanisation ou du photovoltaïque sur les exploitations – aux filières d’élevage les plus touchées par la hausse des prix selon des modalités qui seraient définies ultérieurement par les céréaliers et les éleveurs. Cette proposition a suscité de vives réactions.

Si le principe d’une solidarité des céréaliers envers les éleveurs mérite d’être étudié et salué, il conviendra d’examiner avec la plus grande vigilance les modalités de mise en œuvre de ce fonds.

4. La contractualisation, un outil de régulation

Le rapport du CGAAER de juillet 2012 sur la contractualisation a permis de mesurer les premiers effets de l’article 12 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010, et des décrets du 30 décembre 2010 qui ont rendu obligatoire la contractualisation dans le secteur du lait de vache et celui des fruits et légumes.

Ce rapport ne remet pas en cause le principe de la contractualisation comme outil de régulation de la filière. Ses auteurs estiment que la contractualisation et les organisations de producteurs ont amélioré les rapports de force entre producteurs et industriels, « apportant une assurance supérieure à celle que l’on pouvait attendre des contrats tacites non écrits existants jusqu’alors». Le rapport souligne que le contrat est « d’abord un instrument dans la négociation », mais qu’il ne peut se substituer à la totalité des instruments de gestion des marchés.

Il propose que la contractualisation soit également appliquée à la viande bovine. Interbev a proposé un accord-cadre sur la contractualisation en filière bovine tenant compte des coûts de production. L’accord-cadre offre la possibilité aux abatteurs et aux éleveurs de passer des contrats. Aujourd’hui 15 à 20 % des bovins français sont sous contrats. Interbev se fixe comme objectif 30 % en trois à cinq ans.

Vos rapporteurs estiment également que la contractualisation est l’un des outils permettant de réguler la filière laitière. En cela, ils plaident pour l’extension de la contractualisation à la filière de la viande bovine.

B.— L’APRÈS QUOTAS LAITIERS

1. Le mini-paquet lait, une première étape

C’est dans le contexte globalement favorable à une application stricte des règles de concurrence, qu’est intervenu le « mini-paquet lait », le 14 mars 2012. Le secteur laitier sortait alors de la crise particulièrement grave de 2009. Le règlement (UE) n° 261/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 relatif aux relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers a introduit des modifications substantielles au règlement OCM unique qui régit l’organisation du secteur  en reconnaissant :

– le rôle des OP et de leurs associations dans le secteur du lait et des produits laitiers ;

– la qualité des OP pour négocier les prix et les volumes, sous certaines conditions, avec les transformateurs. Il s’agit, en quelque sorte, d’une autorisation explicite, bien que sous conditions, des ententes dans ce secteur. Le règlement précise les conditions de négociation des contrats par les OP au nom des producteurs de lait. Trois conditions doivent être réunies : il faut que le volume de lait cru faisant l’objet de ces négociations n’excède pas 3,5 % de la production totale de l’Union, 33 % de la production nationale de l’État membre dans lequel est produit le lait cru et 33 % de la production nationale de l’État membre où est livré le lait cru. Cette limite de 3,5 % de la production correspond de facto à la production d’un grand bassin laitier ou à la part de la production nationale dans la production européenne d’un grand producteur.

Ainsi, l’objet de ces OP dépasse celui des regroupements actuels. Une OP reconnue pourra négocier le contrat de vente avec l’industriel transformateur au nom des agriculteurs qui en sont membres, qu’il y ait, ou non, transfert de propriété du lait.

Les États membres peuvent également reconnaître les organisations interprofessionnelles qui « (...) c) mènent une ou plusieurs activités suivantes (...) i) amélioration de la connaissance et de la transparence de la production et du marché, au moyen, notamment, de la publication de données statistiques relatives aux prix, aux volumes et à la durée des contrats précédemment conclus pour la livraison de lait cru, ainsi que de la réalisation d’études sur les perspectives d’évolution du marché au niveau régional, national ou international ».

S’agissant des prix du lait, depuis 1997, le Centre National Interprofessionnel de l’Économie Laitière (CNIEL) communiquait des recommandations de prix trimestrielles, non obligatoires mais qui servaient de référence au niveau des centres régionaux, les CRIEL, et des acteurs de la filière (éleveurs et fabricants). Cette pratique a été condamnée et a été abandonnée. Elle a été remplacée par un dispositif plus neutre d’indices de tendances dont la légalité a été assise par un amendement à la loi de finances pour 2009.

Même si le règlement ne traite pas de l’ensemble des difficultés du secteur laitier – il n’aborde notamment pas la question de la régulation – vos rapporteurs se réjouissent de ce premier pas et de l’évolution de la Commission européenne, qui reconnaît désormais la nécessité d’adapter le droit de la concurrence aux spécificités du secteur laitier.

2. La concertation européenne sur l’après-quotas doit permettre de définir un cadre permettant de réguler le secteur laitier

L’Union européenne aura besoin d’un cadre efficace pour « réguler » le secteur laitier après la fin des quotas, a estimé le commissaire européen à l’agriculture Dacian Ciolos le 21 janvier.

Il a rappelé que le paquet lait n’est une  « première étape ». Il a également souligné la nécessité de disposer d’outils pour faire face aux crises sévères qui menacent tous les producteurs de lait, même ceux qui sont parfaitement compétitifs dans des conditions de marché normales.

Le deuxième défi majeur de l’après-quotas est d’assurer la durabilité de la production laitière y compris sur le plan territorial. Le commissaire européen a souligné qu’il faut tenir compte non seulement de la compétitivité telle qu’elle est actuellement mais aussi des coûts environnementaux et de la durabilité à long terme des systèmes de production intensifs. Ces dernières années, on a vu l’impact négatif d’une hausse des prix des aliments pour animaux sur les exploitations laitières intensives.

Une grande conférence sur l’après-quotas doit se tenir en septembre 2013 pour examiner les pistes d’évolutions.

En lien avec l’avis du 30 mai 2013 du comité des régions, vos rapporteurs demandent des études complémentaires urgentes pour évaluer les impacts territoriaux de la suppression des quotas. Ils considèrent qu’un système efficace de gestion de crise doit faire preuve d’une bonne réactivité, qu’il est nécessaire pour cela de centraliser l’information nationale et européenne des livraisons par exploitation sur plusieurs années, de définir l’état de crise via les prix de référence et les marges, ce qui suppose une gestion directe via une Agence européenne de régulation.

C.— LA PAC APRÈS 2013 ET LA RÉFLEXION SUR LA PAC APRÈS 2020

1.  Un premier pilier qui prend en compte les besoins de l’élevage

a) Un niveau élevé d’aides couplées est indispensable

Dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC) après 2013, le couplage à la vache allaitante reste une aide indispensable pour les producteurs de viande bovine. La France doit pouvoir mobiliser une enveloppe couplée suffisante, et la compléter par une prime nationale comme actuellement. L’aide actuelle correspond à 150 euros de prime européenne par tête, à laquelle s’ajoute une prime nationale supplémentaire de 50 euros.

La FNB estime qu’une hausse de l’aide vache allaitante à 300 euros par tête est indispensable pour conforter le secteur, maintenir la production et améliorer le revenu des producteurs. Pour primer l’ensemble des vaches allaitantes présentes en France, de l’ordre de 4 millions de têtes, l’enveloppe doit être de 1 200 millions d’euros, soit 16 % de couplage pour cette mesure, indépendamment des autres mesures de couplage.

Niveau actuel des crédits de la « prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes » (PMTVA)

– Enveloppe européenne 525 millions d’euros (150 euros par tête)

– Enveloppe de crédits nationaux 160 millions d’euros (50 euros par tête pour les 40 premières, 26 euros au-delà)

À l’issue des trilogues entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen, le taux de couplage a été porté à 13 % contre 10 % actuellement. Une possibilité supplémentaire de 2 % a été obtenue pour la production de protéines végétales, qui permettra de soutenir le développement de l’autonomie fourragère protéique de l’élevage.

Vos rapporteurs saluent cette grande avancée, favorable aux élevages allaitants.

b) La surprime aux cinquante premiers hectares et une pente de convergence des aides à l’hectare plus douce

La convergence des aides directes, telle que proposée par la Commission européenne dans le cadre de la réforme de la PAC, consiste à rapprocher le montant de l’aide à l’hectare, aujourd’hui fondé sur des références historiques et de ce fait différent suivant les types de production, vers une valeur commune correspondant à la moyenne nationale. La Commission propose que la convergence à un paiement de base soit uniforme à l’échelle de la région ou de l’État en 2019 et que dès 2014, au minimum 40 % des paiements de base soient uniformisés.

S’agissant de la France, ce scénario bénéficierait surtout aux élevages extensifs et pénaliserait l’élevage maïs qu’il soit lait ou viande. Il impacterait peu la situation des producteurs en grandes cultures car leur montant d’aide moyen à l’hectare actuel n’est que légèrement supérieur à la moyenne. L’évolution des aides serait la suivante :

– diminution de 15 % pour les grandes cultures ;

– diminution de 15 % pour l’élevage bovins lait, et de 31 % pour l’élevage bovins lait maïs ;

– augmentation de 14 % pour l’élevage bovins viande, et de 19 % pour l’élevage bovins viande à l’herbe ;

– diminution de 10 % pour la polyculture-élevage.

Tant le Conseil que le Parlement européen se sont accordés sur le principe d’une convergence plus lente afin de préserver l’équilibre économique des différents types de production. Vos rapporteurs soutiennent activement ce choix.

En outre, à l’initiative de la France et de son ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll, a été introduite dans la position du Conseil du 19 mars un innovant « paiement de redistribution » facultatif qui permettra aux États membres d’accorder un complément en plus du paiement de base pour les premiers hectares de chaque exploitation et, ainsi, de tenir compte de la plus forte intensité de main-d’œuvre qui caractérise les petites exploitations. La surprime aux 50 premiers hectares permettra d’atténuer l’effet de la convergence sur les élevages intensifs.

2. L’importance du second pilier pour les zones défavorisées

Le régime de soutien aux zones agricoles défavorisées est compris dans l’axe 2 de la politique de développement rural pour 2007-2013. Le règlement (CE) 1257/1999 détermine trois catégories de zones agricoles défavorisées (ZAD) :

– les zones de montagne sont les zones handicapées par une période de végétation sensiblement raccourcie en raison de l’altitude, par de fortes pentes à une altitude moindre, ou par la combinaison de ces deux facteurs ;

– les zones défavorisées « intermédiaires» (23) qui présentent l’ensemble des handicaps suivants : mauvaise productivité de la terre, production sensiblement inférieure à la moyenne en raison de cette faible productivité du milieu naturel et faible densité ou tendance à la régression d’une population qui dépend de manière prépondérante de l’activité agricole ;

– les zones affectées par des handicaps spécifiques sont des zones où le maintien de l’activité agricole est nécessaire afin d’assurer la conservation ou l’amélioration de l’environnement, d’entretenir l’espace naturel, de préserver le potentiel touristique ou de protéger les espaces côtiers.

Pour la période 2007-2013, 12,6 milliards d’euros ont été consacrés à ces aides, soit environ 14 % du financement total par le FEADER. Ces crédits ont principalement financé l’attribution de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Cette indemnité est accordée pour une surface maximum de 50 hectares, avec une surprime de 50 % pour les 25 premiers hectares. Elle pourrait servir de modèle à la surprime aux premiers hectares pour les aides directes du premier pilier.

Le plafond de l’ICNH sera augmenté dans le cadre de la nouvelle PAC, ce qui constitue une très bonne nouvelle pour les éleveurs de montagne.

Montant des ICHN

 

Aide actuelle en France
(niveau moyen)

Plafond proposé
dans la PAC 2014-2020

Zone Montagne

160 euros par ha

300 euros par ha (ou 450 euros dans proposition Parlement européen)

Zone Défavorisée Simple

25 à 50 euros par ha

250 euros par ha

La prime herbagère agroenvironnementale (PHAE) est un dispositif dont l’objectif est de favoriser la biodiversité sur les exploitations herbagères. L’objectif est de stabiliser les surfaces en herbe, en particulier dans les zones menacées de déprise agricole et d’y maintenir des pratiques respectueuses de l’environnement via des engagements pris sur cinq ans en contrepartie d’une rémunération. Le dispositif s’appuie sur un chargement limité, sur la présence d’éléments de biodiversité et sur une gestion économe en intrants. Plusieurs personnes auditionnées par vos rapporteurs ont estimé que cette aide était tellement contraignante qu’ils préfèreraient y renoncer.

3. Un système d’aides contracycliques doit être étudié dans le cadre de la réforme de la PAC après 2020

Mme Aurélie Trouvé, économiste et spécialiste du secteur laitier a souligné qu’en matière de régulation laitière, l’Union européenne était beaucoup plus libérale que les États-Unis : « Les États-Unis prennent le chemin inverse de celui suivi par l’Europe. Ils encadrent leur marché laitier sans aucun complexe. La Suisse a supprimé les quotas et mis en place une contractualisation avec les éleveurs. On peut parler d’échec. Si on ne fait rien, on aura une nouvelle crise du lait. On risque d’assister en France à un déménagement du territoire et à la concentration des élevages dans les régions les plus favorables à cette production (24). »

Le futur Farm Bill (25)

Si le futur Farm Bill n’est pas encore arrêté, les discussions témoignent d’ores et déjà d’une volonté affirmée de renforcer encore l’orientation anticyclique de la politique agricole américaine. C’est ce que traduit le vote de la future loi-cadre le 21 juin dernier au Sénat qui prévoit la suppression totale des aides directes découplées, à l’instar de ce qu’avait proposé la Maison Blanche dans un souci d’économies budgétaires. Ces aides, versées indépendamment des prix, des rendements, des revenus et de la production agricoles, sont en effet devenues difficilement justifiables pour le gouvernement et les congressmen, d’autant plus dans un contexte où les revenus agricoles ont atteint des niveaux records.

Le vote du Sénat témoigne aussi d’une volonté de renforcer les dispositifs assurantiels, déjà particulièrement développés aux États-Unis, tout en cherchant à améliorer leur articulation avec les autres soutiens à caractère anticyclique. L’arsenal assurantiel existant est en effet globalement reconduit, tandis que de nouveaux programmes sont proposés (notamment pour le coton ou l’arachide) et de nouveaux enjeux pris en compte (subvention additionnelle pour les agriculteurs récemment installés, meilleure prise en compte des spécificités des productions biologiques). Le Sénat propose également un nouveau dispositif additionnel de soutien, de type assurantiel, qui permettrait à un exploitant de compléter la prise en charge de ses risques en bénéficiant d’indemnités supplémentaires couvrant une partie de la franchise imposée par l’assureur. Versée en cas de pertes significatives au niveau du comté et non au niveau individuel, cette forme de couverture additionnelle, Supplemental Coverage Option (SCO), serait même subventionnée à 70 % (contre 62 % en moyenne pour les dispositifs existants). Plusieurs programmes nouveaux seraient également mis à l’étude ou expérimentés, tels une assurance sur indice climatique ou encore une assurance sur le revenu global des exploitations. Sans toutefois les remettre en cause, l’administration Obama proposait plusieurs ajustements significatifs destinés à améliorer l’efficience de ces programmes, considérés comme particulièrement coûteux, promettant une économie de plus de 8 milliards de dollars sur 10 ans. Le Sénat a choisi une autre voie, refusant de fragiliser ce qui devient de facto la clé de voûte de la protection contre la variabilité intra-annuelle. Toutefois, en vue d’assurer une meilleure cohérence entre les différents dispositifs, le Sénat a introduit deux inflexions pour ces programmes assurantiels. Il s’agit, d’une part, d’une certaine dégressivité des soutiens, avec un taux de subvention des primes d’assurance réduit (de 15 points), dès lors que le produit brut de l’exploitation dépasse le seuil de 750 000 $. D’autre part, la perception des soutiens serait soumise à une conditionnalité environnementale, par la mise en œuvre de programmes de « conservation » environnementale. Parallèlement, le Sénat propose de fusionner plusieurs aides anticycliques existantes, dont les paiements contracycliques et le dispositif ACRE (Average Crop Revenue Election), qui avait été initié lors du précédent Farm Bill. Un nouveau dispositif viendrait les remplacer, ARC (Agriculture Risk Coverage), qui reprendrait le principe d’une aide compensant, pour partie, une baisse du chiffre d’affaires interannuel des différentes cultures couvertes, en complément des dispositifs assurantiels qui couvrent uniquement les pertes intra-annuelles. De loin l’innovation la plus coûteuse du projet sénatorial, ce nouvel outil se verrait doté d’un budget de plus de 28 milliards de dollars. En termes d’articulation entre programmes, les niveaux de franchises pris en charge par le dispositif SCO tiendraient compte de la souscription à ce programme ARC afin d’éviter les doubles paiements. Le vote du Sénat témoigne par ailleurs d’une volonté d’intervention renforcée et innovante pour le secteur laitier. Les producteurs bénéficieraient d’un nouveau dispositif d’aides anticycliques composé de deux niveaux : un paiement de base, couvrant un niveau minimal de marge (différence entre la valeur de la production de lait et le coût de l’alimentation des vaches laitières) ; et un paiement complémentaire, pour ceux désirant une couverture supérieure de leur marge, avec possibilité de choisir le niveau de marge sécurisé et le volume de production couvert (entre 25 % et 90 % de la production).

Ce programme anticyclique serait conditionné à la participation à un programme de stabilisation du marché des produits laitiers. En cas de baisse des prix et des marges, les producteurs seraient incités à réduire leur production par rapport à une référence évolutive dans le temps (moyenne des 3 mois précédant la date d’activation du programme ou, au choix du producteur, de la production du mois de l’année n - 1 par rapport à la date d’activation du programme). Concrètement, à mesure que les marges baissent, les producteurs ne seraient plus payés sur les volumes dépassant entre 92 % et 98 % de leur référence selon l’intensité des déséquilibres. Les laiteries qui transformeront néanmoins ces volumes surnuméraires seraient alors tenues de reverser les montants correspondants à l’État fédéral, afin d’être utilisés pour dynamiser la consommation de produits laitiers. Le programme serait désactivé en cas de remontée des marges ou des prix des produits laitiers.

Le calendrier se resserre pour le futur Farm Bill, la majorité des dispositions actuelles arrivant à échéance le 30 septembre. La Chambre des représentants étant à majorité républicaine, on peut s’attendre à une forte pression sur le budget agricole et alimentaire dans la mesure où le chiffrage des impacts budgétaires de la version émanant du Sénat conduirait à une quasi-stagnation par rapport au niveau actuel. C’est d’ailleurs ce dont témoigne déjà le vote en commission agricole de la Chambre du 12 juillet. S’il confirme les orientations émanant du Sénat, d’importantes réductions pour les programmes alimentaires sont aussi proposées. Les interférences probables avec la campagne présidentielle américaine pourraient également conduire au statu quo avec, à défaut d’accord, la prorogation du Farm Bill actuel au moins pour une année. Toutefois, bien que non terminées, les discussions confirment d’ores et déjà les options actées précédemment, à savoir une reconfiguration des soutiens au secteur agricole autour d’une orientation résolument anticyclique. Et elles soulignent également que les contraintes OMC, qui poussent au contraire à davantage de découplage, ne constituent pas un élément déterminant de l’évolution de la politique agricole américaine.

Vos rapporteurs plaident pour que dès à présent une réflexion soit engagée sur la pertinence d’introduire une part de contracyclicité dans l’attribution des aides dans le cadre de la réforme de la PAC après 2013. Il est en effet incompréhensible aux yeux de l’opinion publique que des aides publiques soient attribuées en 2013 aux agriculteurs céréaliers alors que leurs revenus connaissent des sommets.

D.— UNE MEILLEURE AUTONOMIE DES EXPLOITATIONS

1. Une meilleure efficience énergétique

La perspective de tension durable sur les prix de l’énergie doit inciter le secteur de l’élevage à une meilleure efficience énergétique.

Déjà pratiquée dans d’autres pays européens comme l’Allemagne, la méthanisation constitue une voie de valorisation des effluents d’élevage alternative à l’épandage direct. La LMAP a encouragé sans réel succès la création d’unités de méthanisation collective, dont la production est assimilée à un produit agricole du point de vue fiscal et social. La France ne compte qu’une dizaine d’unités de méthanisation opérationnelles, contre près de 6 000 en Allemagne.

La méthanisation produit du biogaz, qui peut soit être utilisé comme tel soit être transformé en électricité. L’unité de méthanisation produit également un digestat, qui peut être utilisé comme engrais organique et intégré dans le plan d’épandage et qui présente une meilleure valeur agronomique que les effluents bruts.

Le retard français s’explique notamment par la faiblesse des tarifs de rachat de l’électricité produite à partir du biogaz. Il s’explique également par l’importance de l’investissement que représente l’installation d’une unité de méthanisation. L’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie estime ces coûts à 5 000 euros le kW pour une installation de 100 kW, soit un investissement de 500 000 euros, sans compter les investissements de raccordement au réseau électrique existant, qui peuvent être élevés.

Le 29 mars 2013 Mme Delphine Batho, alors ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ont présenté le plan « Énergie Méthanisation Autonomie Azote » (EMAA). Ce plan vise à développer un modèle français de la méthanisation agricole, privilégiant des installations collectives, des circuits d’approvisionnement courts et des technologies et savoir-faire français. L’objectif du Gouvernement est de développer en France, à l’horizon 2020, 1 000 méthaniseurs à la ferme.

Le plan prévoit notamment :

– le lancement, en 2013, d’un appel à projets « gestion collective et intégrée de l’azote » ;

– l’optimisation du tarif d’achat pour l’électricité produite à partir de biogaz pour favoriser les projets de méthanisation collective à la ferme ;

– la simplification des procédures administratives pour le développement des projets de méthanisation ;

– un meilleur accompagnement des porteurs de projets ;

– des efforts de structuration de la filière, dans le cadre d’un projet présenté au Programme investissement d’avenir pour créer une filière nationale dans le domaine des équipements de méthanisation et dans le domaine de la valorisation des digestats.

2. L’autonomie protéique et fourragère

Plusieurs rapports récents – celui du CNE, celui de Mme Marion Guillou remis en juin 2013 au ministère de l’agriculture – ont mis en exergue l’importance de l’autonomie alimentaire pour les élevages.

En effet, l’alimentation est le premier poste de charges dans les coûts de production.

Les exploitations françaises en élevage allaitant et laitier sont globalement autonomes en fourrages mais sont plus ou moins dépendantes des aliments concentrés achetés (7 à 22 % de la ration). Les fourrages occupent près de 15 millions d’hectares de SAU, dont 80 % en prairie.

La production fourragère est directement impactée par le changement climatique, notamment par les sécheresses de plus en plus fréquentes.

Il faut souligner à cet égard l’intérêt agronomique et économique des systèmes de polyculture élevage.

Le rapport Guillou identifie un certain nombre de pistes d’amélioration : « i) l’accroissement de la part du pâturage dans l’alimentation des troupeaux via l’amélioration de la gestion des surfaces pâturées (aujourd’hui très souvent sous-exploitées) et l’extension des périodes de pâturage en intersaison ; ii) les évolutions des techniques d’élevage pour en particulier mieux caler les phases de besoins élevés des animaux avec les périodes de disponibilité en ressources fourragères de qualité ; iii) une légère extensification (diminution du nombre d’animaux par hectare) permettant d’accroître la part des fourrages dans l’alimentation du bétail et de dégager des marges de sécurité, ces deux dimensions n’étant pas incompatibles avec un maintien, voire une augmentation, des résultats économiques ; iv) l’amélioration de la qualité des fourrages conservés pour limiter le recours aux concentrés achetés en dehors de l’exploitation ; v) la recherche d’une meilleure complémentarité entre le maïs et l’herbe dans les zones où les deux cultures peuvent cohabiter ; et vi) l’utilisation accrue des légumineuses de façon à réaliser des économies de tourteaux d’oléagineux utilisés en alimentation du bétail et des économies d’azote de synthèse sur les productions végétales. »  (26)

E.— UN CHOC DE SIMPLIFICATION AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ

Au cours des auditions qu’ils ont menées, vos rapporteurs ont identifié plusieurs mesures de simplification qui pourraient être utilement mise en œuvre.

1. Les tests ESB

Par la décision 2009/719/CE la Commission européenne autorise à partir du 1er janvier 2013 certains États membres à déroger à l’obligation de dépister systématiquement tous les bovins sains abattus de plus de 72 mois.

Le ministère de l’agriculture estime le coût des tests pour la seule partie publique à plus de 7 millions d’euros par an. Aucun cas n’a été détecté en abattoir depuis 2010.

L’ANSES ayant émis un avis favorable le 11 mars 2003 à cette suppression, vos rapporteurs estiment qu’il convient de profiter de cette dérogation.

2. Les installations classées

Pour maîtriser les coûts de production, vos rapporteurs sont convaincus qu’il faut, sans évidemment sacrifier les objectifs sanitaires et environnementaux, lever certaines contraintes qui pèsent sur les exploitations.

La Fédération nationale bovine a ainsi fait part de son étonnement devant la persistance de normes plus sévères en France qu’en Allemagne, en matière d’exploitations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Alors que les textes européens ne l’imposent pas, la France a ainsi mis en place un seuil d’entrée dans le régime d’autorisation des ICPE en élevage bovin à 50 vaches laitières et 100 vaches allaitantes, faisant peser sur tout projet d’agrandissement d’élevage un risque de refus, au terme de procédures longues et coûteuses.

3. L’obligation de démédullation des carcasses bovines avant fente

Par dérogation au principe de saisie des trois carcasses collatérales à la carcasse testée positif à l’ESB, la France a décidé de rendre obligatoire la technique de l’aspiration de la moelle épinière avant la fente de la carcasse. Cependant, ce dispositif est délicat et cher à exploiter. Il nécessite des équipements, des consommables et surtout du personnel car il n’est pas automatisable. Cette estimation donne un coût d’exploitation de la démédullation situé entre 2,30 euros/tec et 10 euros/tec. En extrapolant ces coûts au tonnage abattu au niveau national, le coût de cette mesure serait estimé à plus de 6 millions d’euros par an.

Il est largement supérieur à ce que coûterait le dispositif de destruction des carcasses édicté par le règlement (CE) 999/2001 sachant qu’aucun cas d’ESB n’a été recensé en France depuis 2010 et qu’en 2011, sur les 1 632 372 prélèvements réalisés à l’abattoir et à l’équarrissage seuls 20 ont donné lieu à un résultat non négatif.

CONCLUSION

La situation de l’élevage bovin laitier et allaitant en France nécessite une mobilisation sans précédent. C’est un véritable cri d’alarme qu’ont passé nombre des personnes auditionnées par vos rapporteurs.

Les difficultés conjoncturelles et structurelles rencontrées par nos éleveurs ne sont pourtant pas irrémédiables. L’élevage a un avenir en France. De nombreuses opportunités existent et peuvent être développées.

Vos rapporteurs plaident donc pour :

- Une politique forte de modernisation des bâtiments et des équipements, telle que le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE). Vos rapporteurs estiment par ailleurs indispensables de conserver, voire de développer, le crédit d’impôt remplacement ;

- Un juste prix, qui permette à chacun de pouvoir vivre décemment de son travail. Ils estiment qu’une stagnation des prix du lait ou de la viande alors que les coûts de production des éleveurs augmentent dévalorise leur travail ;

- Un étiquetage « viande bovine française » (VBF) pour l’ensemble des produits, nés, élevés, abattus et transformés en France. Cet étiquetage nécessite une modification de la réglementation européenne ;

- L’encouragement à la valorisation du lait et de la viande en produits certifiés comme réponse à la disparition des quotas, en particulier dans les zones difficiles, où les coûts de collecte sont plus élevés ;

- Le développement des circuits courts et les filières de qualité au sein de la restauration hors foyers, notamment en utilisant la possibilité ouverte par le décret du 25 août 2011 ;

- Le maintien de la mobilisation active des services de l’État pour obtenir la négociation des certificats sanitaires indispensables à l’ouverture des marchés, et entreprendre les démarches diplomatiques essentielles pour les relations commerciales au plan mondial ;

- La constitution d’un groupement d’intérêt économique en charge de la promotion des produits laitiers et de la recherche de nouveaux marchés permettrait de dynamiser plus encore les exportations françaises ;

- Le lancement d’une grande réflexion sur la pertinence d’introduire une part de contracyclicité dans l’attribution des aides dans le cadre de la réforme de la PAC après 2013 ;

- L’extension de la contractualisation à la filière de la viande bovine. Vos rapporteurs estiment en effet que la contractualisation est l’un des outils permettant de réguler les filières ;

- Un choc de simplification en simplification des procédures administratives lourdes dans le respect des exigences environnementales.

Vos rapporteurs saluent :

- Le consensus, à l’issue des trilogues entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen sur la réforme de la PAC, sur un taux de couplage 13 % contre 10 % actuellement. Une possibilité supplémentaire de 2 % a été obtenue pour la production de protéines végétales, qui permettra de soutenir le développement de l’autonomie fourragère protéique de l’élevage ;

- Le relèvement du plafond de l’ICNH, ce qui constitue une très bonne nouvelle pour les éleveurs de montagne ;

- L’adoption à l’Assemblée Nationale en première lecture du projet de loi relatif à la consommation qui instaure une clause de renégociation en cas de forte volatilité des coûts des matières premières agricoles ;

- Le plan « Énergie Méthanisation Autonomie Azote » (EMAA) lancé par M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ont présenté. Ce plan vise à développer un modèle français de la méthanisation agricole, privilégiant des installations collectives, des circuits d’approvisionnement courts et des technologies et savoir-faire français.

EXAMEN DU RAPPORT

Lors de sa réunion du 10 juillet 2013, la commission a examiné le rapport de la mission d’information sur la filière bovine et la production laitière en France présenté par MM. Germinal Peiro et Alain Marc, rapporteurs.

M. le président Brottes. Nous examinons aujourd'hui les conclusions du rapport de MM. Peiro et Marc sur la filière bovine et la production laitière en France.

M. Alain Marc, rapporteur. L’avenir de l’élevage bovin revêt un caractère stratégique pour l’économie, l’emploi, l’aménagement et la vitalité des territoires ruraux.

Ainsi, dans la plupart des régions de montagne, le troupeau laitier est le principal utilisateur des prairies. Il permet de maintenir des paysages ouverts et habités, favorables au tourisme, à la biodiversité et à l’environnement.

Pourtant l’élevage connaît une crise profonde. Les éleveurs sont confrontés à de nombreuses difficultés, tant conjoncturelles que structurelles.

Des difficultés conjoncturelles d’abord, car quand les cours des matières premières agricoles augmentent et que les éleveurs ne peuvent les répercuter sur le prix du lait ou de la viande, cela engendre un effet ciseau, qui entraîne une compression insupportable des marges des éleveurs.

Ainsi, le prix du lait en 2012 se situe dans une moyenne haute par rapport aux prix des dix dernières années. Le problème réside essentiellement dans l’absence de répercussion des hausses des prix tout au long de la filière. En fait, on observe en France une faible répercussion des hausses et des baisses de prix aux consommateurs, ce qui explique les compressions des marges des différents acteurs de la chaîne de valeur quand les cours sont hauts.

En Allemagne au contraire, les prix de détail pour le lait liquide, le beurre et les produits ultra frais ont fortement augmenté depuis l’été 2012.

L’élevage connaît aussi des difficultés structurelles. L’astreinte conjuguée à la pénibilité explique que certains préfèrent se concentrer sur la culture de céréales ou jeter l’éponge. Le nombre d’éleveurs de vaches laitières baisse ainsi de 4 à 5 % par an.

Dans les zones à fort potentiel pédoclimatique, la conversion d’exploitation en grandes cultures, plus rémunératrices et moins astreignantes, est déjà une réalité tangible.

Dans les zones à forte activité économique, si l’élevage est menacé, c’est plutôt par les alternatives offertes en matière d’utilisation des sols, que ce soient pour l’artificialisation ou l’urbanisation des sols.

Or, ces alternatives signifient toujours un arrêt irréversible de l’élevage. Elles présentent en outre des risques en termes d’emplois, d’équilibre écologique, de fertilité organique et de capacité productive

Il est donc essentiel d’assurer aux éleveurs une juste rémunération, qui soit en rapport avec les astreintes et les contraintes inhérentes à leur métier.

Plusieurs réflexions ont orienté la démarche de vos rapporteurs : comment éviter une végétalisation de la France au cours de la prochaine décennie qui aurait des conséquences dramatiques pour l’équilibre des territoires ? Comment favoriser le maintien des exploitations d’élevages sur les territoires ? Comment assurer une juste rémunération aux éleveurs et des conditions de vie décentes ?

La mission d’information était composée, outre de ses deux rapporteurs, Germinal Peiro et moi-même, de Mme Annick Le Loch, M. Dominique Potier, Mme Brigitte Allain et de M. Thierry Benoit.

Nous avons rencontré une soixantaine de personnes, d’horizons très différents, syndicats, experts et personnalités qualifiées, organismes publics, entreprises, association d’élus (Mme Massat), coopératives.

Notre but était d’établir un panorama aussi complet que possible de l’état des filières bovines laitière et allaitante, de recueillir des propositions opérationnelles pour améliorer de façon concrète et immédiate la vie des éleveurs, d’étudier sur le temps long, quels ajustement structurels peuvent permettre à ces filières d’excellence de se développer en France, et à l’étranger.

M. Germinal Peiro, rapporteur. C’est un véritable cri d’alarme qu’ont poussé nombre des personnes auditionnées par vos rapporteurs. La situation de l’élevage bovin laitier et allaitant en France nécessite une mobilisation sans précédent. Il est nécessaire de réorienter les politiques publiques. L’élevage est présent dans près d’une exploitation sur deux, et dans 95 % des cantons, autant dire sur tout le territoire. Il fait vivre près de 70 000 éleveurs laitiers et 60 000 éleveurs en viande bovine.

Les difficultés conjoncturelles et structurelles rencontrées par nos éleveurs ne sont pourtant pas irrémédiables. L’élevage a un avenir en France. De nombreuses opportunités existent et peuvent être développées. La croissance mondiale est importante et pérenne. Pour la satisfaire, encore faut-il que nos éleveurs ne jettent pas l’éponge.

Nous tenons à cet égard, avec Alain Marc, à saluer un certain nombre de mesures récentes qui vont dans le bon sens pour nos éleveurs :

Le rééquilibrage dans l’attribution des aides PAC, en faveur de l’élevage. Ainsi, un consensus a été trouvé, à l’issue des trilogues entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen sur la réforme de la PAC, sur un taux de couplage 13 % contre 10 % actuellement. Une possibilité supplémentaire de 2 % a par ailleurs été obtenue pour la production de protéines végétales, qui permettra de soutenir le développement de l’autonomie fourragère protéique de l’élevage. Nous saluons également la surprime aux cinquante premiers hectares, qui va avantager globalement l’élevage, car les premiers hectares sont les plus intensifs en emploi. Cela ne veut pas dire que la PAC est désormais contre les autres types d’agriculture. Mais les chiffres sont parlants : un céréalier a gagné en 2011 72 000 euros, contre 26 500 euros pour un éleveur laitier et 15000 euros pour un éleveur en viande bovine. Le temps de travail est également très déséquilibré selon les filières. Il y a donc une menace sur l’élevage pour des raisons non seulement économiques, mais également sociales et sociétales.

Toujours s’agissant de la réforme de la PAC, le relèvement du plafond de l’ICNH indemnité compensatoire de handicap naturel, ce qui constitue une très bonne nouvelle pour les éleveurs de montagne ;

L’adoption à l’Assemblée Nationale en première lecture du projet de loi relatif à la consommation qui instaure une clause de renégociation en cas de forte volatilité des coûts des matières premières agricoles ; je tiens d’ailleurs à saluer tout particulièrement les rapporteurs de ce texte, Razzy Hammadi et Annick Le Loch

Le plan « Énergie Méthanisation Autonomie Azote » (EMAA) lancé par M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ont présenté. Ce plan vise à développer un modèle français de la méthanisation agricole, privilégiant des installations collectives, des circuits d’approvisionnement courts et des technologies et savoir-faire français.

Mais toutes ces mesures ne sont pas encore suffisante, vos rapporteurs plaident donc pour :

– Une politique forte de modernisation des bâtiments et des équipements, telle que le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE). Nous estimons par ailleurs indispensables de conserver, voire de développer, le crédit d’impôt remplacement ; nous serons donc très attentifs au projet de loi de finances pour 2014.

– Un juste prix, qui permette à chacun de pouvoir vivre décemment de son travail. Nous estimons qu’une stagnation des prix du lait ou de la viande alors que les coûts de production des éleveurs augmentent dévalorise leur travail. A cet égard, la récente médiation sur le prix du lait a porté ses fruits.

– Un étiquetage « viande bovine française » (VBF) pour l’ensemble des produits, nés, élevés, abattus et transformés en France. Cet étiquetage nécessite une modification de la réglementation européenne. Un rapport devait être remis en décembre 2013, il devrait en fait l’être dans les prochaines semaines. Nous avons eu des débats très vifs lors de la discussion du projet de loi relatif à la consommation. Il ne faut pas céder sur ce point. C’est ce que les consommateurs attendent.

– L’encouragement à la valorisation du lait et de la viande en produits certifiés comme réponse à la disparition des quotas, en particulier dans les zones difficiles, où les coûts de collecte sont plus élevés.

– Le développement des circuits courts et les filières de qualité au sein de la restauration hors foyers, notamment en utilisant la possibilité ouverte par le décret du 25 août 2011. 80 % de la restauration collective française est approvisionnée par de la viande bovine importée.

– Le maintien de la mobilisation active des services de l’État pour obtenir la négociation des certificats sanitaires indispensables à l’ouverture des marchés.

– La constitution d’un groupement d’intérêt économique en charge de la promotion des produits laitiers et de la recherche de nouveaux marchés permettrait de dynamiser plus encore les exportations françaises.

– Le lancement d’une grande réflexion sur la pertinence d’introduire une part de contracyclicité dans l’attribution des aides dans le cadre de la réforme de la PAC après 2020. M. Dacian Ciolos, que j’ai interrogé à ce sujet, a répété que ce système n’était pas compréhensible pour nos concitoyens.

– L’extension de la contractualisation à la filière de la viande bovine. Nous estimons en effet que la contractualisation est l’un des outils permettant de réguler les filières.

– Un choc de simplification en simplification des procédures administratives lourdes dans le respect des exigences environnementales.

M. le président François Brottes. Je vous remercie pour ces propositions concrètes, je donne maintenant la parole aux représentants des groupes politiques.

M. Dominique Potier. Je vous remercie pour la qualité du travail fourni et pour votre capacité à prendre de la hauteur par rapport au sujet et à présenter des propositions prospectives. En définitive, la question que vous posez au travers de ce rapport, qui rejoint celle au sujet de la forêt, est de savoir si nous devons nous résigner à être un pays exportateur de matières premières et importateur de produits finis ou si nous avons l’ambition, dans le cadre plus global du redressement productif, de continuer à produire de la valeur ajoutée, de l’emploi et des externalités environnementales favorables par une défense de l’élevage.

Nous sommes en effet un pays exportateur qui déménage sa production sur l’arc atlantique, selon une logique de ports, génératrice de diagonales arides pour des régions qui perdront de l’emploi, de la biodiversité et de la valeur ajoutée. Ce n’est pas le scénario que vous préconisez puisque vous évoquez des pistes de redressement réalistes. Votre diagnostic tient en quelques chiffres clés, 50 % des exploitations ont encore en leur sein des bovins, 50 % des éleveurs ont plus de cinquante ans et on constate 5 % de déprise annuelle. L’alerte est donc là et c’est ce qui ressort de ce rapport.

Je vous félicite d’avoir pris en compte les données sociaux-culturelles qui sont essentielles. Comme l’avait indiqué notre collègue Hervé Gaymard dans le cadre de la mission d’information sur la PAC, la question de l’élevage, et tout particulièrement celle de l’élevage de montagne, n’est pas qu’une question de revenu mais également une question de qualité de vie et de passion du métier. Vous avez eu raison de souligner l’importance de beaux outils de travail, d’une fierté du métier, d’une filière d’enseignement de grande qualité et de des services de remplacement qui apportent un minimum de vie sociale moderne aux jeunes qui entreprennent dans ce secteur de l’élevage que je connais très bien pour y avoir évolué vingt ans durant. Je suis favorable aux services de remplacement, à des plans de bâtiment dans les contrats de plan, à des budgets européens fléchés en la matière. J’aimerais toutefois attirer votre attention sur un point très précis, les groupements d’employeurs ont pour l’instant, pour des questions juridiques, été exclus du bénéfice du CICE. Il est fondamental de soutenir le maillage autour des éleveurs, notamment dans les régions où l’activité est très difficile.

Bien entendu le niveau des revenus compte également beaucoup pour l’attrait de ce métier. Sur ces questions macro-économiques vous avez pointé les avancées régulières conduites par ce gouvernement dont nous sommes fiers. Je pense notamment aux avancées portées par la rapporteure Annick Le Loch en matière de négociation avec la grande distribution dans le projet de loi sur la consommation et au combat mené par le ministre de l’agriculture dans le cadre de la PAC pour maintenir son budget et le réajuster. Je tiens à lui faire part du soutien de notre groupe dans le rééquilibrage à l’égard de l’élevage entre le premier et le deuxième pilier

Je souhaite insister sur plusieurs régulations à venir. La PAC 2020 devra aller plus loin dans le rééquilibrage vers l’élevage, les 9 centimes de différentiel sur l’abattage avec l’Allemagne qui mène une politique sociale délétère appellent une régulation sociale très forte sur les outils agro-alimentaires à l’échelle de l’Europe, pour les céréales la création d’un deuxième marché à destination de la consommation animale serait une avancée décisive à l’horizon de 2020. Je tiens à souligner les avancées en matière de lutte contre la spéculation des denrées alimentaires, qui amplifient les phénomènes de hausse des cours des denrées alimentaires, dans le cadre de la loi de régulation bancaire. Enfin, rien ne sera possible sans une politique d’installation qui freine les politiques d’agrandissement et qui empêchent les initiatives en matière de poly-culture-élevage en dressant des stratégies qui se traduisent par des situations d’appauvrissement.

M. Antoine Herth. Je tiens à mon tour à saluer la qualité de ce rapport qui pointe notamment la stabilité du revenu des éleveurs et la différence de coût de main d’œuvre avec nos voisins européens. Vous préconisez l’étiquetage des viandes bovines françaises, vous avez bien identifié le potentiel du marché à l’export vers la Chine et je vous rejoins dans l’idée qu’il convient de modifier la culture politique de l’Union européenne pour revenir sur la primauté des règles de la concurrence qui écrasent toutes les autres considérations.

Le rapport souligne, à raison, les problèmes qui peuvent survenir en lien avec la suppression des quotas en termes de déménagements des élevages sur le territoire national. Je vous rejoins également sur l’analyse du Farm bill  américain et sur la question des aides contra-cycliques qui sont demandées depuis des années par les céréaliers français. Vos propositions sur les effluents d’élevage vont dans le bon sens, il convient de réfléchir à la simplification des procédures en ce domaine. Enfin bravo pour vos propositions sur l’ESB qui sont très courageuses dans ce domaine politiquement et médiatiquement sensible.

Il existe en revanche un certain nombre de points sur lesquels je pense qu’il est encore nécessaire de travailler. Je regrette notamment les chiffres que vous avancez sur le temps de travail qui me semblent proche de la caricature, 3 600 heures par an pour l’élevage contre 800 pour les céréaliers : cela voudrait dire qu’un éleveur travaille onze heures par jour et un céréalier seulement deux ! Il y a désormais des réponses en matière d’élevage, les GAEC, les groupements d’employeurs, les CUMA et les robots de traite qui permettent d’avancer en matière de charge de travail. Il ne faut pas se tromper, lorsqu’un céréalier fait le tour de plaine pour observer ses cultures et essayer de réduire le nombre de traitements phytosanitaires, il travaille aussi ! Je pense qu’il faut s’en tenir aux données observables sans tomber dans la caricature.

Sur la question du revenu agricole vous avez abordé des pistes intéressantes. Je crois qu’il faut retenir que ce revenu est la différence entre les charges et les produits. Vos propositions sur les charges variables, sur l’autonomie alimentaire, sont particulièrement importantes. Je vous appelle en revanche à la prudence s’agissant des charges fixes et la modernisation des installations agricoles. En effet l’éleveur va souvent au-delà de la seule modernisation et anticipe une augmentation de son cheptel, ce qui peut le placer dans une situation délicate en cas de modification de la conjoncture. En ce qui concerne le chiffre d’affaire, je vous rejoins sur la nécessité de trouver des stabilisateurs sur le prix payé au producteur. La subvention ne résoudra pas tout. Il y a enfin un besoin de capitalisation dans le cheptel, c’est un investissement que l’éleveur retrouve au terme de sa carrière mais qui pèse sur les jeunes voulant s’installer. Enfin, je souligne l’absence de développements sur la prise en compte du risque, risque climatique bien sûr mais aussi risque sanitaire, qui fragilise bon nombre d’élevages. Je rejoins notre collègue Potier sur le fait que l’indicateur de bonne santé du secteur c’est celui de la capacité à l’installation des jeunes.

M. Thierry Benoit. Ce rapport ne peut que conforter les membres de la commission sur un certain nombre d’idées qui sont également celles des rapporteurs. Il convient de souligner les efforts considérables réalisés par les éleveurs français depuis de nombreuses années sur la qualité des produits mis sur le marché, qualité nutritive et qualité gustative. Les efforts en matière de qualité sanitaire, de sécurité alimentaire mais aussi en faveur de la reconquête de la qualité de l’eau et de la protection de l’environnement. Je trouve que ces différents éléments auraient pu être davantage mis en avant dans le rapport car ils ont incontestablement usés les agriculteurs. Il en va de même pour les contrôles des différentes administrations qui reposent trop souvent sur la suspicion à l’égard des agriculteurs et encore davantage des éleveurs. Nous devons modifier cette approche en renforçant la confiance à l’égard des agriculteurs.

Le rapport aurait pu être encore plus précis sur les orientations. Il en va ainsi d’une nécessaire harmonisation européenne sur les ICPE, il en va de même de la modernisation de notre parc de bâtiments, de la qualité environnementale et du bien-être animal. C’est également le cas en matière d’évaluation des politiques publiques, notamment en matière de ZES qu’il convient d’évaluer et de remettre au goût du jour car des progrès considérables ont été réalisés sur le terrain. En ce qui concerne l’étiquetage, nous avons eu un débat intéressant lors du débat sur le projet de loi consommation. L’étiquetage sur l’origine des produits et de la viande dans les plats préparés constitue un enjeu considérable.

J’insiste sur le sujet des contrôles qui sont bien entendus nécessaires mais qui doivent être effectués dans le respect des formes. En matière de simplification il faut désormais passer des paroles aux actes et l’harmonisation sur les ICPE participe à cette simplification. Il s’agit de mesures simples à prendre et qui ne coûtent pas.

La précédente majorité n’a pas osé aller suffisamment loin sur ces questions, notamment pour ne pas heurter les associations environnementales. L’actuel gouvernement va réussir à avancer dans la voie de l’harmonisation car nous qui sommes dans l’opposition souhaitons aller dans le même sens. Sur les questions européennes, l’actuel ministre de l’agriculture poursuit le travail initié par la précédente majorité, ce qui va dans le bon sens. Il faut également avoir à l’esprit le fait que les décisions agricoles sont des décisions transversales qui concernent tout autant les ministères de l’économie et de l’environnement. Il faut enfin que les décisions prises par le ministre soient relayées en région par les préfets et les services de l’État (DRAF, DSV) qui doivent appliquer ces mesures sans les interpréter selon leur propre appréciation.

Je soutiens donc ce rapport tout en indiquant qu’il était possible d’aller encore plus loin, sans dépenses supplémentaires.

M. André Chassaigne. C’est un excellent rapport, ce qui ne m’étonne pas compte tenu de la composition de la mission d’information. Je regrette que de notre groupe n’ait pas pu y participer en raison de la charge de travail de ses membres.

Il est urgent d’apporter des réponses concrètes à la crise de l’élevage car, comme celle d’autres professions, la souffrance des éleveurs est très forte. Sans ce type de réponses, quelle que soit la conjoncture, nous risquons une catastrophe économique.

Comme je l’ai déjà dit en séance dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la consommation, la modification de la réglementation européenne en matière d’étiquetage ne serait pas suffisante. Une volonté politique forte est nécessaire, sans quoi nous aggraverons le sentiment de rejet vis-à-vis de l’Europe.

Je suis favorable à votre proposition de développer les circuits courts et les filières de qualité au sein de la restauration hors foyers. Il convient pour cela de s’appuyer sur les bonnes pratiques au niveau local : le conseil général de la Drôme et celui du Puy de Dôme ont ainsi mis en œuvre des circuits courts pour la restauration collective dans les collèges, dans le respect du code des marchés publics.

Je regrette que les conséquences des accords commerciaux internationaux soient sous-estimées dans les conclusions du rapport. Vous ne mentionnez en effet que la négociation des certificats sanitaires, alors que la question des droits de douane est essentielle. L’accord entre l’Union européenne et le Canada qui doit être conclu prochainement aura inévitablement un effet sur les importations de viande bovine canadienne. Les États-Unis, dans les négociations qui se sont ouvertes avec l’Union européenne, ont une volonté très forte d’obtenir la fin de la protection de la viande française, ainsi que la modification des règles sanitaires.

Mme Jeanine Dubié. Je salue ce rapport de grande qualité, qui dresse un état des lieux complet du secteur et formule des propositions pour soutenir les filières. Le secteur du lait rencontre de graves difficultés mais il reste stratégique pour notre économie. Les difficultés s’expliquent par le manque de rentabilité en raison de l’absence de compensation par les prix de la hausse des coûts de production. Le relèvement de 25 euros du prix payé aux producteurs pour 1 000 litres de lait collectés proposé par le médiateur des relations commerciales agricoles et accepté par les distributeurs est une solution ponctuelle qui ne résout pas les problèmes structurels de la filière. Le partage de la valeur ajoutée est en effet très défavorable aux producteurs. Il est donc nécessaire de réformer la contractualisation mise en œuvre dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture du 27 juillet 2010. Le regroupement des producteurs au sein d’organisations de producteurs peut apporter une solution car il renforce leur poids dans les négociations. Le projet de loi sur la consommation permet un rééquilibrage et un meilleur encadrement des relations commerciales avec les distributeurs, grâce à l’affirmation de la primauté des conditions générales de vente dans les négociations, au renforcement de la transparence des contrats et à la clause de renégociation des prix.

Il conviendrait également de renforcer l’accompagnement technique des producteurs en matière d’alimentation et de génétique.

La réforme de la PAC et la fin des quotas laitiers sont sources d’incertitude pour la filière. Les producteurs craignent que la contractualisation avantage exclusivement les transformateurs, qui pourraient en outre être tentés de favoriser les excédents pour peser sur les prix. Ne serait-il pas souhaitable de créer une instance de régulation européenne qui évaluerait les quantités nécessaires en fonction de l’offre et de la demande ?

Par ailleurs, notre groupe soutient l’aide financière à la mise aux normes des bâtiments d’élevage, qui représente des investissements très lourds pour les éleveurs et n’est pas rentabilisée en raison du niveau insuffisant des prix.

Pour la filière bovine, l’objectif est le maintien des exploitations tout en assurant une juste rémunération des éleveurs. Faut-il accepter la concentration naturelle des producteurs dans un objectif de rentabilité ou aider les petits éleveurs qui produisent des externalités positives en matière d’activité économique, de tourisme, de paysage ? La réponse ne doit pas se limiter aux subventions car il est essentiel que les éleveurs soient rémunérés au juste prix, afin de prendre en compte la hausse des coûts de production. Il faut revaloriser les prix car les transformateurs et les distributeurs imposent un niveau trop bas. Le risque est celui d’une désaffection des agriculteurs et des jeunes pour les filières d’élevage.

Concernant l’étiquetage de l’origine nationale des viandes, nous sommes favorables à l’amendement qui avait été déposé par M. Germinal Peiro sur le projet de loi relatif à la consommation.

Les circuits courts, qui répondent à une demande des consommateurs, doivent en effet être développés mais cela suppose la présence d’abattoirs à proximité, ce qui peut poser problème en milieu rural. Dans ma circonscription, l’enseigne « Carré fermier » connaît un important succès dans le développement de circuits courts. Il convient d’encourager ce type d’initiatives et de les ouvrir aux filières de viande française pour la restauration collective.

Mme Brigitte Allain. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail et regrette de n’avoir pas pu participer davantage aux travaux de la mission d’information par manque de temps.

Les revenus moyens varient de 1 à 5 entre éleveurs et céréaliers. Les données sur le temps de travail des éleveurs citées dans le rapport correspondent à la réalité. Nous partageons tous l’objectif d’assurer un revenu suffisant aux éleveurs et de permettre le maintien des exploitations sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones de montagne ou les zones à handicap naturel. Le système des quotas laitiers n’était pas parfait mais il permettait de réguler le marché. La contractualisation ne permet pas d’assurer des revenus suffisants ni de réguler la production. La faiblesse des prix va entraîner un recul du nombre d’exploitations et de la production laitière. Alors que l’Union européenne a décidé de maintenir les droits de plantation de vignes, et que les États-Unis et le Canada disposent d’instruments de régulation de la production laitière, pourquoi l’Europe ne mettrait-elle pas en place un nouveau système d’autorisations ?

La réforme de la PAC vise à rééquilibrer les revenus et mieux répartir les aides entre les différents secteurs (producteurs de fruits et légumes, éleveurs) et pour les nouveaux États membres mais il est inacceptable que les aides soient actuellement distribuées de façon injuste.

Le projet de loi relatif à la consommation prévoit une clause révision des contrats en cas de hausse des prix des matières premières et un renforcement de la transparence et des contrôles mais est-ce suffisant ? La présence du médiateur des relations commerciales agricoles a eu un effet régulateur.

Tout l’enjeu est de remplacer les éleveurs qui vont prendre leur retraite dans les prochaines années, puisque 50 % d’entre eux sont âgés de plus de 50 ans. Dans une perspective d’avenir, il convient de développer l’agro-écologie et de favoriser l’autonomie protéique, grâce à un plan pour les protéines végétales tant dans le cadre de la PAC qu’au niveau national.

Compte tenu du niveau élevé des importations de viande en France, il faut se montrer particulièrement ambitieux pour les filières de l’élevage. Cette question devra être l’un des sujets essentiels du futur projet de loi d’avenir pour l’agriculture. Il conviendra notamment de développer les formations en agro-écologie (rotation des cultures, polyculture) et les filières de consommation locale, ce qui répond à une réelle demande de la société.

Mme Laure de la Raudière. Je félicite les rapporteurs pour leur excellent travail et les remercie d’avoir mis en avant cet important sujet. Nous devons en effet porter une attention particulière aux éleveurs.

Le rapport fait état des revenus moyens des céréaliers en 2012, année où le cours du blé a été particulièrement élevé (260 euros la tonne contre 100 à 130 euros en 2009). Il aurait été intéressant de procéder à un lissage dans le temps ou de citer les chiffres des années précédentes.

Je souhaiterais avoir l’avis des rapporteurs sur les possibilités de prévoir, dans le cadre de la PAC, des aides variables en fonction du cours des céréales, dans le contexte de forte volatilité des marchés.

Mme Annick Le Loch. Il s’agit d’un très bon rapport, qui propose des solutions efficaces. Nous avons aujourd’hui une obligation de résultat pour l’avenir de la filière et des producteurs.

Une juste rémunération des différents acteurs est nécessaire. L’accord du 3 mai 2011 entre agriculteurs, industriels et distributeurs sur la réouverture de négociations commerciales en cas de variations du prix de l’alimentation animale reposait sur le volontariat. Les industriels ont demandé leur part de la hausse des prix de 25 euros décidée récemment. En l’absence de solidarité des différents acteurs de la filière, les producteurs auront en effet des difficultés pour peser face aux distributeurs. Le projet de loi sur la consommation prévoit une clause de renégociation en cas de fortes variations des prix des matières premières agricoles. Il est prévu que la liste des secteurs concernés, qui inclura les produits laitiers, sera précisée par décret. Il est nécessaire que les éleveurs soient justement rétribués mais rien n’est garanti pour l’instant. La solidarité de la filière est nécessaire.

M. Jean-Claude Mathis. L’accord tripartite du 3 mai 2011 entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs prévoit la renégociation des prix des produits agricoles en cas de forte variation des coûts de revient, du fait notamment de l’alimentation des animaux. Cela n’empêche pas la grande distribution d’exercer une pression en vue de la baisse du prix du lait. Comment favoriser, selon vous, l’application effective de l’accord et faire en sorte que l’augmentation des coûts de production des éleveurs soit répercutée sur les prix de vente des distributeurs ? Par ailleurs, comment parvenir à imposer l’étiquetage de l’origine de la matière première, qui offrira aux consommateurs une information loyale tout en valorisant les efforts de traçabilité réalisés tout au long de la chaîne ?

Mme Frédérique Massat. Mon intervention portera sur l’élevage en zone de montagne, sujet sur lequel j’ai du reste été auditionnée par les rapporteurs au titre de l’association nationale des élus de la montagne. Cette audition a eu lieu au mois de mars dernier et des avancées au niveau européen sont intervenues depuis cette date. À la lecture du rapport, je comprends en quoi la convergence des aides risque de déséquilibrer les autres productions mais je tiens tout de même à relayer le souhait des éleveurs des zones de montagne d’une convergence plus rapide. J’insiste d’autant plus sur la nécessité de les sortir de la situation pénalisante actuelle que le secteur se trouve aujourd’hui dans une situation particulièrement difficile. Si demain il ne devait plus y avoir d’agriculture dans nos montagnes, l’entretien des paysages et la préservation de l’environnement seraient gravement remis en question. Il s’agit donc d’adapter les paiements de base aux spécificités de la montagne. Certes des avancées ont été réalisées, avec notamment le relèvement des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), mais demeure le problème de la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE), qui doit disparaître pour être précisément couplée aux ICHN. Les éleveurs vont-ils y trouver leur compte, telle est leur inquiétude aujourd’hui.

M. Daniel Fasquelle. Le cri d’alarme que nous pouvons tous pousser ce matin ne concerne pas seulement les zones de montagne. L’élevage laitier est en grande partie déstabilisé partout en France, je partage le diagnostic dressé par ce rapport, et il est donc urgent d’agir sur les aides ou encore sur la revalorisation des produits. À ce sujet, je regrette que dans le cadre du projet de loi sur la consommation, nous ne soyons pas allés jusqu’au bout de la volonté d’indiquer l’origine des produits dans les plats préparés. S’agissant des rémunérations annexes, il faut à tout prix faire avancer le dossier de la méthanisation. Les projets qui sont aujourd’hui portés sur le terrain n’arrivent en effet pas à aboutir. Je souhaite revenir aussi sur la question de la fiscalité et des charges sociales, et plus généralement sur le sujet de l’environnement législatif et réglementaire. Pouvons-nous tirer des enseignements auprès de nos partenaires européens, en particulier l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas ?

M. Hervé Pellois. Notre pays dispose de nombreux atouts, à condition de mieux les exploiter. Il sera notamment nécessaire de se battre sur la question des indications géographiques protégées (IGP) dans le cadre de la négociation de l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis. Je perçois par ailleurs une faiblesse à l’export du fait du trop grand nombre d’interlocuteurs et d’initiatives prises aujourd’hui, sans compter les races répertoriées et le nombre de labels. Chacun essaye de se positionner seul alors que nous devrions jouer groupés pour conforter nos points forts, comme par exemple notre avance en matière de génétique animale.

M. Dino Cinieri. Je tiens à saluer le travail réalisé par nos deux rapporteurs avant de les interroger sur deux points. Tout d’abord, pensez-vous nécessaire d’élaborer un nouveau système de régulation du marché du lait au sein de l’Union européenne. Dans un rapport publié à l’automne 2012, la Commission européenne a en effet confirmé la suppression d’ici à 2015 du système des quotas, qui avait pourtant permis depuis 1984 de limiter les distorsions de concurrence dans le secteur laitier. Ce même rapport ne laisse par ailleurs entrevoir aucune perspective de mise en place d’un nouveau système de régulation. Les effets risques d’être dévastateurs sur la production de lait en Europe, d’autant que les deux tiers de cette production proviennent de zones défavorisées ou de zones de montagne. Avez-vous imaginé des solutions permettant de pérenniser les zones d’élevage les moins compétitives et pour assurer un revenu stable aux producteurs laitiers français et européens ?

Hier, plus d’une centaine de producteurs laitiers de la Loire ont convergé vers l’usine de Lactalis à Andrézieux pour réclamer l’application des indicateurs économiques moyens, soit 345 € par tonne de lait en 2013. Lactalis, premier groupe mondial dans le secteur, propose un prix de 334 €, qui ne permet pas de compenser l’augmentation de 35 % du coût de l’alimentation des animaux. Comment faire en sorte que les industriels permettent aux producteurs de vivre décemment de leur travail ?

M. Frédéric Roig. Cet excellent rapport pointe la souffrance d’une filière, mais insiste également sur sa fonction sociale et économique, ainsi que son rôle dans l’aménagement du territoire et l’entretien des espaces. Les enjeux en matière de sécurité alimentaire ont également été mentionnés, ainsi que la question des circuits courts et de la vente directe. Un vrai potentiel de croissance existe ! Je tiens à souligner à cet effet l’intérêt du projet de plateforme de commercialisation Agrilocal, mené par le conseil général de la Drôme, dont nous nous inspirons également dans l’Hérault. Je souhaite évoquer le modèle économique des abattoirs de proximité, que la concentration du secteur tend à faire disparaître. Dans mon département, nous avons adossé un atelier de découpe à l’abattoir, ce qui permet d’équilibrer la rentabilité de l’ensemble. Une telle piste mériterait d’être approfondie, dans le prolongement de votre rapport.

M. Yves Nicolin. Ce rapport ne lève malheureusement pas les inquiétudes de la filière, qui sont aussi les nôtres. Nous traversons aujourd’hui une véritable crise de confiance qui met en péril le secteur et face à ce danger, les propositions que vous faites demeurent à mon sens un peu timides. Dans le domaine de la simplification, vous avez identifié de vrais sujets, je pense aux tests ESB et aux installations classées, mais si vous ne harcelez pas le ministère de l’agriculture pour que des mesures soient prises dans le sens que vous envisagez, je suis certain qu’il n’y aura aucune avancée. Ce travail constitue une base claire mais qui doit être consolidée. Une guérilla doit être menée auprès des autorités nationales et européennes par nos deux rapporteurs, avec l’appui du président de la Commission.

M. André Chassaigne. Je partage cette suggestion !

M. Jean Grellier. Avez-vous pu dresser un premier bilan de la mise en œuvre de la contractualisation par la loi de modernisation de l’agriculture et comment appréciez-vous le cas échéant le rapport de force entre les contractants ? Ce système pourrait-il être étendu à d’autres secteurs, comme la viande ?

S’agissant du secteur coopératif, la défiance des producteurs-sociétaires envers les coopératives se manifeste de plus en plus ouvertement. Dans ma région, le rachat de Bongrain par Terra Lacta suscite de vraies interrogations. J’avais déjà dénoncé, sous la précédente législature, la vente à des américains de Yoplait par le groupement coopératif Sodial. Au moment où d’importantes restructurations interviennent, qui éloignent les centres de décisions des producteurs, quelle vision portez-vous sur la gouvernance des coopératives ?

Enfin, s’agissant de la surprime sur les cinquante premiers hectares, que j’avais accueillie favorablement, des effets de seuil annuleraient son bénéfice. Pouvez-vous nous éclairer et le cas échéant nous rassurer sur ce point ?

M. Philippe Le Ray. Votre rapport est intéressant mais il faut employer des mots plus forts : nous assistons aujourd’hui à un véritable écroulement de l’élevage, qui se manifeste par une production en baisse et une diminution du nombre d’éleveurs. Il s’agit de métiers très exigeants en main d’œuvre, en technicité, en investissements, du fait aussi des obligations sanitaires.

La filière laitière, un peu d’ailleurs comme la filière porcine, se caractérise cependant par une véritable désorganisation et l’absence d’une stratégie claire pour faire face à l’avenir. La politique de l’après quotas est totalement improvisée de sorte qu’en l’absence de régulation, les prix se fixeront en fonction du marché.

Après une période particulièrement dure, les éleveurs n’attendent plus grand-chose, et surtout pas des mesures de bricolage. De ce point de vue, je ne trouve rien de probant dans le projet de loi sur la consommation. On ne voit rien venir non plus du côté de l’Europe et pourtant, cela fait trente ans que nous réclamons un plan protéines ! Le besoin d’une politique claire est urgent, les discours ne suffiront pas à inciter les jeunes à s’installer…

Mme Marie-Lou Marcel. Vous faites des suggestions concernant le développement des circuits courts. Des actions en ce sens ont été entreprises depuis longtemps par certaines collectivités, notamment la région Midi-Pyrénées. Comment concrètement aller plus loin ?

Un fonds de solidarité des céréaliers éleveurs à hauteur de cinq millions d’euros a été mis en place par Orama, qui fédère trois associations dépendantes du syndicat majoritaire. Ce fonds, qui pourrait être utilisé pour la rénovation des bâtiments ou la méthanisation, a suscité de vives réactions. Qui est chargé des modalités de sa mise en œuvre ? Ne constitue-t-il pas en quelque sorte une aumône des céréaliers vis-à-vis des autres agriculteurs ?

Enfin, sur la modernisation des bâtiments d’élevage, où en est-on de la fongibilité des aides entre régions, que j’avais évoquée dans mon avis budgétaire à l’automne dernier ?

M. Damien Abad. J’espère que votre rapport mettra un peu de baume au cœur des éleveurs, qui n’ont pas toujours le sentiment que le ministre fait tout son travail pour les soutenir… Je voudrais rappeler combien en l’état la loi sur la consommation est décevante au sujet de l’étiquetage. Un véritable effort doit être entrepris, au-delà des étiquettes politiques !

Sur la politique agricole commune, il reste aussi du travail à faire, d’autant qu’une question émerge, dont vous ne parlez pas dans le rapport, à savoir l’harmonisation européenne des normes sanitaires et sociales. Je voudrais souligner l’importance du travail du Parlement européen sur ces sujets.

Je rejoins votre préconisation concernant le développement des circuits courts et de proximité mais la question des modalités de leur promotion par les marchés publics reste entière. Je rejoins aussi ce qui a été dit sur les abattoirs de proximité, en lien direct avec la question des circuits courts.

Vous avez pointé à juste titre le problème du différentiel entre les laits bénéficiant ou pas d’une AOC. Dans mon territoire du Haut-Bugey, le lait produit dans le périmètre de l’AOC Comté se vend ainsi à un prix correct, contrairement au lait industriel qu’on trouve dans le sud du territoire.

Je souhaite enfin évoquer rapidement la question du fonds entre éleveurs et céréaliers – comment rendre ses obligations plus contraignantes ? –, les limites du principe de précaution, avec les tests ESB, et les retraites agricoles ! Ne les oubliez-pas !

Mme Michèle Bonneton. Merci pour ce rapport, très important. Effectivement, en France et en Europe, en particulier dans les pays voisins de la France, il est prévu que la demande, aussi bien en produits laitiers qu’en viande, augmente dans les années à venir. Or, le métier d’éleveur est très contraignant et mal rémunéré. Il est donc fondamental, pour nos territoires, qu’on encourage les éleveurs qui présentent souvent une diversification de l’agriculture très complémentaire avec les autres activités agricoles. Il est urgent d’améliorer leurs revenus et leurs conditions de vie. J’insisterai particulièrement sur la nécessité de développer les circuits courts, les abattoirs de proximité, dont un certain nombre sont menacés. J’ai bon espoir qu’on sauve le nôtre dans l’Isère. Mais on peut aussi aider à mettre en place des magasins de producteurs et favoriser, par l’intermédiaire des conseils généraux par exemple, ou d’autres collectivités locales, le développement de centrales d’achat locales. Ceci pourrait répondre au questionnement de M. Abad, d’ailleurs. Bien entendu, inclure dans les marchés publics des clauses spécifiques concernant les circuits courts, les produits locaux, serait très important.

Je voudrais insister tout particulièrement sur des réglementations qui changent très fréquemment, notamment en ce qui concerne les bâtiments, ce qui demande aux agriculteurs des investissements importants, même s’ils font souvent eux-mêmes beaucoup de travaux. Quels aides pourraient-ils recevoir dans le cadre de fonds spécifiques ?

M. François Sauvadet. Votre mission fait un certain nombre de constats et de suggestions, mais il faut désormais les porter rapidement auprès de la commission et du gouvernement, parce que le monde de l’élevage, qui souffre terriblement, attend des actes.

En premier lieu, sur la question des charges, je vous invite à prolonger le travail en allant voir ce qui se passe ailleurs (en Allemagne par exemple), notamment chez nos voisins, qui sont à la fois nos amis et nos concurrents directs.

Ensuite, les contraintes qui pèsent sur les élevages doivent faire l’objet de mises au point, sans désarmer sur l’aspect sanitaire. S’il s’agit de lever le pied sur ce plan, il ne faut le faire qu’au niveau européen. J’étais président de la commission d’enquête sur la vache folle et c’est un désastre dès lors qu’il y a une suspicion de risque sanitaire à juguler. Cela nécessite des moyens. Sur la tuberculose, par exemple, qui touche beaucoup certains secteurs, le gouvernement tarde à indemniser pour les troupeaux abattus au point qu’un certain nombre d’éleveurs envisagent de ne plus faire les prophylaxies, faute d’être soutenus ; il faut faire attention et le gouvernement doit réagir sur ce sujet !

Troisièmement, il faut identifier quelle viande est produite pour la valoriser au mieux. Ce travail, déjà engagé, doit être poursuivi, de manière très volontariste.

Enfin, faites très attention au sujet de la surprime à 50 hectares dans les zones d’élevage, notamment intermédiaires. Cela veut dire qu’on va supprimer un certain nombre d’élevages. Aujourd’hui, dans certaines régions, nous sommes en déprise de prés : des exploitants n’exploitent plus leurs prés. Faire une surprime, sans distinguer région par région, et alors qu’un exploitant ne peut aujourd’hui s’installer sur moins de 120 hectares, peut conduire à déstabiliser complétement des zones extensives.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je voudrais à mon tour, messieurs les rapporteurs, saluer votre travail de qualité sur ce secteur de l’élevage bovin, qui est stratégique pour l’économie et la vitalité des territoires ruraux. Le relèvement du plafond de l’ICHM est une bonne nouvelle, bien évidemment, pour les éleveurs de montagne, afin de leur permettre de maintenir leur capacité à investir. Concernant la modernisation des bâtiments, outre l’harmonisation européenne des normes, il faut veiller à ce que la règle des plafonds en matière de subventions ne pénalise pas les secteurs de montagne, où le coût de réhabilitation est plus élevé et souvent mal évalué. Or, sauf erreur de ma part, je n’ai pas vu cette question traitée dans votre rapport. Pouvez-vous m’en dire deux mots ?

M. le président François Brottes. Messieurs les rapporteurs, vous avez de nombreuses sollicitations, notamment à continuer le travail, beaucoup de félicitations pour un rapport de grande qualité qui balaie l’ensemble de la problématique, même si quelques points ont semble-t-il été oubliés, ce qui est tout à fait normal, vu que l’on manque toujours un peu de temps.

M. Alain Marc, rapporteur. J’ai bien noté que les aspects réglementaires et les contraintes qui pèsent sur les agriculteurs ont été évoqués plusieurs fois. Nous allons demander à l’exécutif qu’au niveau de l’administration départementale, notamment, les éleveurs n’aient pas l’impression de subir, à chaque fois que des gens se déplacent chez eux, un interrogatoire parfois très traumatisant. Il faudra bien que soit débrayée l’information à partir du ministère jusqu’au niveau local afin que l’on n’ait plus ce type de comportements de la part de certains contrôleurs, qui y vont parfois un petit peu trop fort.

Nous évoquons les installations classées. Il est complètement anormal que nous soyons soumis en France à ce type d’autorisations à installations classées pour des élevages à 50 vaches laitières, alors que, dans d’autres pays, c’est 100, ou plus. Il faut donc vraiment une harmonisation européenne. Nous allons bien évidemment le dire très très fortement.

Le maintien des abattoirs nécessitera une mission beaucoup plus précise, car nous avons reçu les représentants des abattoirs et cette question centrale est très difficile à traiter - suivant les espèces, très peu d’entre eux arrivent à l’équilibre économique.

La formation, qui n’a pas tellement été l’objet de nos auditions, est quand même très bien faite en France. Il y a eu certains soucis dans certains lycées et Michel Barnier nous a aidés, notamment à maintenir l’élevage ovin bio dans certaines zones. Les filières agricoles doivent sans arrêt être adaptées.

En ce qui concerne les écarts de prix, Laure de la Raudière nous a dit qu’en 2009 le prix des céréales était bas. C’était aussi le moment de la crise laitière, où le prix du lait était encore plus bas qu’il ne l’est aujourd’hui, ce qui nous a valu toutes ces manifestations au niveau national. Ce qui compte, c’est bien sûr le prix auquel sont rémunérés nos agriculteurs, mais aussi le prix des intrants, le prix des céréales. C’est l’écart entre les deux qui permet le revenu. Lorsqu’il y a un effet de ciseaux, malheureusement, comme aujourd’hui avec l’augmentation sans précédent de ces coûts-là, on assiste à une baisse sensible du revenu des agriculteurs.

Antoine Herth a évoqué ce que pourrait être la caricature du nombre d’heures travaillées si l’on comparait les éleveurs aux céréaliers. Les éleveurs sont à leur ferme 365 jours sur 365 et il est évident qu’à côté de ces problèmes conjoncturels de prix des intrants, il est bon de reconnaître la possibilité pour les éleveurs de partir en vacances grâce à la défiscalisation, ce qui n’était pas quelque chose d’assurée à un moment donné. Pour certains d’entre eux, c’était la première fois de leur vie, à quarante-cinq ans, qu’ils partaient en vacances. Cela ne leur était jamais arrivé auparavant. C’est donc quelque chose de très intéressant, qu’il faut continuer.

Je ne voudrais pas que les circuits courts relèvent en quelque sorte de "la tarte à la crème". C’est une niche très intéressante ; au niveau économique, le montant global de ce que pourraient représenter l’intégralité des circuits courts ne ferait toutefois que quelques pourcents de la production. Je suis d’accord qu’il faut les favoriser. Mais il ne faut sans doute pas en faire l’alpha et l’oméga de ce que doit être l’agriculture française dans l’avenir.

En ce qui concerne les exploitations et le groupement « export France » pour la viande, il y a effectivement des possibilités extrêmement intéressantes au niveau international. Il faudra de plus en plus de lait de vache et la demande mondiale de viande est présente. En revanche, le vrai problème est d’assurer nos exportations. Sur la poudre de lait, par exemple, nous avions connu du retard, que nous sommes progressivement en train de rattraper. Nous ne sommes pas très outillés à l’export pour conquérir certains marchés. Nos ambassades et nos services économiques à l’extérieur ne sont peut-être pas suffisamment structurés pour permettre à nos grandes coopératives d’exporter sur les marchés émergents, malgré leur regroupement. A l’intérieur de l’outil qui pourrait être un GIE constitué, nous pourrions avoir des outils bien meilleurs de façon à acquérir ces marchés – ce que d’autres font, notamment les Allemands et les pays de l’Europe du Nord.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Tout d’abord, je voudrais dire à M. Sauvadet que tout le monde attend des actes, et le Gouvernement français les a posés en défendant le budget de la PAC, ce qui a été salué par toutes les organisations syndicales, y compris celles qui n’avaient pas appelé à voter pour lui.

Les actes ont également été posés de manière partagée au niveau de la Commission, du Parlement et du Conseil européen, en augmentant la possibilité de recouplage des aides qui passe de 10 % à 13 %, – ce qui est très important –, et en offrant une marge de manœuvre de 2 % supplémentaire pour le plan « protéines végétales ».

Ce sont des avancées notables, mais il faut aussi aujourd’hui aussi poser des actes au niveau franco-français et c’est l’objet des scénarios que le ministre est en train de proposer aux représentants syndicaux depuis hier. En effet, selon le scénario, l’impact en faveur de l’élevage ne sera pas le même : quelle sera la part laissée au recouplage sur le 1er pilier, car il est possible d’atteindre 30 % ? Quel sera le choix sur la convergence ? A cet égard, il va falloir concilier les demandes des éleveurs extensifs et des zones de montagnes qui actuellement sont à moins de 200 € de droits à paiement unique aujourd’hui et qui souhaitent atteindre rapidement une moyenne de 270 €, avec celles d’autres zones qui sont à 350 € voire 400 € et qui craignent une perte de revenus. Il faut donc que des choix soient réalisés au niveau national. Nous aurons ainsi l’occasion de montrer qui défend véritablement l’élevage.

Concernant la surprime, il faut l’étudier de près pour l’élevage extensif car elle favorise aujourd’hui les exploitations jusqu’à 100 hectares, le point de bascule se faisant entre 90 et 100 hectares. Attention, il faut bien savoir que la surprime ne s‘applique pas à l’ensemble du droit à paiement unique moyen : la surprime est faite sur une partie de l’aide seulement.

La difficulté est de savoir comment on encourage l’emploi. Les 9 Md€ d’argent public versés annuellement à l’agriculture doivent être utilisés de la façon la plus efficace possible en terme d’emploi, d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement pour que la France reste un grand pays producteur, comme l’a affirmé le Gouvernement et le Président de la république.

Il est très difficile de trouver une formule qui aide l’emploi et la commission européenne l’a refusée. Au final la France n’aurait peut-être pas été gagnante en comparaison de pays comme la Roumanie ou la Bulgarie qui ont encore des millions d’agriculteurs avec de toutes petites exploitations. Supprimer les premiers hectares revient en réalité à aider l’emploi car les chiffres indiquent clairement que ce sont sur les exploitations d’élevage que se trouvent le plus grand nombre d’emplois.

C’est donc avec des outils franco-français que l’on va pouvoir aider l’élevage ou d’autres secteurs. Nous aurons ainsi l’occasion de montrer si l’élevage est véritablement une grande cause nationale dans notre pays et s’il existe une volonté nationale de le soutenir.

Je ne reviens pas sur l’aspect caricatural du rapport qui nous a été reproché, car ni Alain Marc ni moi-même n’avons voulu caricaturer les situations, mais c’est une évidence qu’un éleveur laitier doit procéder à deux traites quotidiennes alors qu’un maïsiculteur n’est pas obligé de vérifier son champ tous les jours de l’année. La question des revenus est également une évidence absolue, même s’il ne faut pas oublier qu’il y a 4 ou 5 ans, 1 500 tracteurs avaient envahi la place de la Nation à cause de la baisse des cours. La volatilité des prix peut donc toucher aussi le secteur des céréales. L’année 2013 étant annoncée comme une année record pour la production de céréales, on verra ses conséquences sur les prix, sachant aussi qu’il y a une demande croissante de céréales dans le monde.

Il ne faut pas oublier que la charge principale qui pèse sur le budget des exploitations d’élevage est celle liée à l’alimentation, elle-même liée au coût des céréales. Un transfert doit donc s’opérer. C’est ainsi que nous avançons l’idée, pour une autre PAC, d’aides contracycliques, qui seront une forme de régulation.

Au sujet des circuits courts, la France en est encore à la Préhistoire. Elle a intérêt à mettre en place un plan national de relocalisation des activités agricoles. J’y suis très attaché et défends cette idée depuis plusieurs années déjà car je crois à la proximité, à la traçabilité, au besoin des citoyens de consommer des produits qu’ils connaissent et qui représentent l’identité de leur territoire. La marge de manœuvre est énorme puisque 80 % de la viande consommée en restauration collective provient de l’importation. La France devrait parvenir à faire en sorte que les vaches charolaises de Bourgogne soient consommées sur leur territoire de production sans devoir faire appel à des vaches de réforme provenant des Pays Bas.

Comme il l’a déjà été souligné, l’un des coûts les plus importants pour les éleveurs est l’alimentation, et le plan « protéines végétales »est une bonne solution. Avec les 2 % que la PAC autorise aujourd’hui, il faut encourager la culture des féveroles, des pois, de la luzerne, etc… pour ne pas être totalement dépendant du soja OGM, venu notamment du Brésil.

Concernant l’après quotas, l’Union européenne a malheureusement démantelé le système de régulation des quotas mis en place en 1984. Pourtant, celui-ci a permis non seulement de maintenir une production laitière en France, mais surtout de la répartir sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, sans les quotas, le risque majeur en France réside dans la concentration de la production laitière.

Au sujet de l’étiquetage et de la traçabilité, nous sommes tous d’accord pour poursuivre les efforts.

En matière d’accords internationaux, que ce soit ceux de l’OMC ou la libéralisation des échanges entre les États-Unis et l’Union européenne, il faut être vigilant puisqu’à terme, avec la pression pour l’ouverture de nos marchés, nous serons forcés d’accepter les produits aux hormones et aux OGM que nous refusons encore aujourd’hui.

En conclusion, nous avons voulu, avec Alain Marc, pousser le cri d’alarme et poser des actes. S’il n’y a pas une meilleure répartition des aides de la PAC dans notre pays, l’élevage va quasiment disparaître dans beaucoup de régions, et cela ne va pas dans l’intérêt général de la France, qui consiste à maintenir une activité d’élevage répartie sur l’ensemble du territoire, créant des emplois et valorisant la production agricole : en matière de lait, la France est un des plus grands producteurs de fromage et de produits transformés et pour la filière « viande », il est aussi possible d’améliorer notre production.

Il faut garder à l’esprit que si la France connaît un succès touristique aussi important avec 83 millions de visiteurs en 2012, c’est grâce à son patrimoine historique, naturel mais aussi gastronomique, qui fait de la France un pays un peu à part dans le monde.

Monsieur le président Brottes. Merci pour ce travail d’une excellente qualité. Une audition spécifique sera organisée prochainement sur les abattoirs.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

26 mars 2013

Association nationale des élus de la montagne (ANEM)

Mme Frédérique Massat, présidente

M. Hervé Benoit, chargé de mission

Institut de l’élevage

M. Philippe Chotteau, chef du département économie

M. Christophe Perrot, chargé de mission Économie, élevage et territoire

Syndicat National de l’Industrie de la Nutrition Animale (SNIA)

M. François Cholat, vice-président

M. Stéphane Radet, directeur

2 avril 2013

Fédération nationale des exploitants d’abattoirs prestataires de service (FNEAP)

M. André Eloi, directeur

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)

M. Henri Brichart, vice-président

M. Antoine Suau, chargé de mission Économie

Mme Nadine Normand, chargée des Relations avec le Parlement

9 avril 2013

Fédération nationale des exploitants d’abattoirs prestataires de service (FNEAP)

M. André Eloi, directeur

Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)

M. Gilles Psalmon, directeur

Coordination rurale (CRUN)

M. François Lucas, vice-président de la CRUN

M. Michel Manoury, président de la section viande de la CRUN

Mme Véronique Le Floch, membre du conseil d’administration de l’Organisation des producteurs de lait (OPL)

Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD)

M. Mathieu Pecqueur, directeur Agriculture et qualité

M. Gérard Cladière, représentant de la FCD au sein d’Interbev,

M. Antoine Sauvagnargues, chargé de mission Affaires publiques

Confédération paysanne

M. Gérard Durand, Secrétaire national en charge du dossier élevage

M. Jean Guinand, en charge du dossier lait

M. Yves Sauvaget, responsable de la commission lait

M. Christian Drouin, responsable de la commission bovins viande

16 avril 2013

SODIAAL

M. Frédéric Chausson, directeur du développement coopératif

Fédération Nationale des Coopératives Laitières (FNCL)

M. Dominique Chargé, président

Mme Christèle Josse, directrice

Centre d’économie rurale

M. Philippe Boullet, directeur du développement

M. Alain Le Boulanger, spécialiste élevage, directeur des études économiques Cerfrance Normandie Maine, animateur du groupe veille économique filière lait du réseau Cerfrance

M. Jean-Marie Seronie, responsable de la veille économique

FranceAgriMer

M. Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur général adjoint

M. André Barlier, directeur des marchés, études et prospectives

M. Frédéric Douel, délégué de la filière lait

M. Michel Meunier, délégué de la filière viande

23 avril 2013

Ministère de l’agriculture

M. Jean-Guillaume Bretenoux, conseiller technique chargé des filières animales et agroalimentaires

M. Bruno Ferreira, conseiller technique chargé des questions de sécurité sanitaire et de l’alimentation

Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT)

Mme Véronique Borzeix, adjointe au sous-directeur produits et marchés

Coop de France

M. Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France et vice-président de la Coopérative agricole Lorraine (CAL)

M. Philippe Dumas, président de SICAREV, groupe coopératif en production bovine, porcine et abattage

M. Denis Gilliot, coordinateur filières au pôle animal

Mme Irène de Bretteville, chargée des relations parlementaires

Fédération nationale bovine (FNB)

M. Pierre Chevalier, président

M. Guy Hermouet, premier vice-président

M. Thierry Rapin, directeur

M. Jean-Pierre Fleury, secrétaire général

14 mai 2013

Association des producteurs de lait indépendants (APLI)

M. Paul de Montvalon, administrateur

Interprofession de la viande (Interbev)

M. Dominique Langlois, président

M. Marc Pagès, directeur général adjoint

M. Yves Berger, délégué général

Fédération nationale de l’industrie et des commerces en gros de viandes (FNICGV)

M. Hervé des Déserts, directeur général

M. Henri Demaegdt, président de la commission gros bovins

Mme Marine Colli, chargée des relations parlementaires

Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA)

M. Daniel Gremillet, président de la chambre d’agriculture des Vosges

28 mai 2013

LACTALIS

M. Michel Nalet, directeur des relations extérieures

Syndicat national de l’industrie des viandes (SNIV-SNCP)

M. Jean-Paul Bigard, président

M. Pierre Halliez, directeur général

Jeunes agriculteurs

M. Jérôme Chapon, vice-président en charge de l’économie,

Mme Suzanne Dalle, conseillère productions animales

M. Régis Rivailler, attaché de direction, conseiller parlementaire et affaires publiques

4 juin 2013

Observatoire des prix et des marges

M. Philippe Chalmin, président (PAS VENU, auditionné par téléphone ??)

Groupe Bongrain

M. Daniel Chevreul, directeur des approvisionnements laitiers

Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL)

M. Thierry Roquefeuil, président

M. Benoit Mangenot, directeur général

M. Benoit Rouyer, chef du service économie

Mme Marie-Pierre Vernhes, responsable de la communication institutionnelle

1 () Rapport de la confédération nationale de l’élevage, 2012.

2 () Ministère de l’agriculture, 12 décembre 2012.

3 () Ibid.

4 () Assemblée nationale, Rapport d’information n° 3863 : marché des matières premières : volatilité des prix, spéculation, régulation. Présidente : Mme Pascale Got. Rapporteurs : Mme Catherine Vautrin et M. François Loos.

5 () http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/hlpe/hlpe_documents/HLPE-Rapport-1-Volatilite-des-prix-et-securite-alimentaire-Juillet-2011.pdf

6 () FNB, rapport d’Assemblée Générale, 2013.

7 () Contribution du CER France.

8 () Centre études et prospectives du ministère de l’agriculture, analyse 11, juillet 2009.

9 () Chambres d’agriculture.

10 () Audition de la FNB.

11 () Institut de l’élevage.

12 () Aujourd’hui FranceAgriMer

13 () Règlements européens.

14 () Sénat, Jean Bizet, « Le prix du lait dans les États membres de l’Union européenne », 2009.

15 () Audition de l’ANEM.

16 () Sénat, Jean Bizet, « Le prix du lait dans les États membres de l’Union européenne », 2009.

17 () Ibid.

18 () Audition d’Interbev.

19 Rapport de la confédération nationale de l’élevage, 2012.

20 Proposition des chambres d’agriculture.

21 () Agrapresse, n° 3393, lundi 8 avril 2013.

22 http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/fonds-de-modernisation-cerealiers-eleveurs-une-contribution-volontaire-obligatoire-pour-l-alimenter-xavier-beulin-69040.html#8Tl09g6Q49Q1gyuy.99

23 () Voir l’encadré ci-après sur leur révision.

24 () Ouest France, « Anticiper de futures crises laitières », 14 décembre 2012

25 () Centre d’études et de prospective, n° 53, juin 2012, Marie Sophie Dedie et Pierre Claquin.

26 () Rapport de Mme Marion GUILLOU, mai 2013, sur l’agro-écologie à M. Stéphane LE FOLL, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.


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