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N° 2551

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 février 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur l’investissement étranger en France

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Philippe KEMEL,

Député

——

La mission d’information sur l’investissement étranger en France est composée de : M. François Scellier, président, M. Philippe Kemel, rapporteur ; Mme Marie-Louise Fort, M. Paul Giacobbi, M. Joël Giraud, Mme Chantal Guittet, Mme Pascal Got, et M. Jean-Marie Tetart, membres.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : DES RÉSULTATS FRANÇAIS STABLES CARACTÉRISTIQUES D’UNE ÉCONOMIE À MATURITÉ DE L’ÉCONOMIE-MONDE 11

A. UNE DIVERSITÉ DE DÉFINITIONS ET D’APPROCHES QUI PERMET DE CERNER LA CONTRIBUTION DES IDE À L’ÉCONOMIE RÉELLE 11

B. UNE STABILITÉ DU STOCK LIÉE AU CARACTÈRE MATURE DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE, ET UNE POSITION QUI RESTE SOLIDE PARMI LES PAYS EUROPÉENS 18

C. DES ATOUTS OBJECTIFS ET ATTESTÉS QUI EXPLIQUENT L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE 22

DEUXIÈME PARTIE : LE RÔLE MOTEUR DES IDE DANS LE SYSTÈME DE PRODUCTION DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE 35

A. UNE RÉELLE NÉCESSITÉ POUR LA FRANCE D’APPRIVOISER LA MONDIALISATION POUR ATTIRER DE NOUVEAUX IDE DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL DE CONCURRENCE EXACERBÉE 35

B. DES MARGES DE MANœUVRE LIMITÉES MAIS RÉELLES POUR AGIR ET ACCUEILLIR LES IDE VERTUEUX DONT LA FRANCE A BESOIN 37

C. DES « PARTICULARISMES » VERTUEUX MAIS AUSSI NÉFASTES QUI PLAIDENT POUR UNE POLITIQUE DE PRÉCAUTION 47

TROISIÈME PARTIE : LES GRANDES DIRECTIONS D’UNE POLITIQUE À CONDUIRE AVEC DÉTERMINATION 53

A. AGIR AU PLAN NATIONAL PAR UNE COMMUNICATION RENFORCÉE VERS LES PORTEURS D’IDE, UNE MOBILISATION TERRITORIALE TOURNÉE VERS L’INNOVATION, UNE SOLLICITATION PLUS PERFORMANTE DE L’ÉPARGNE 53

B. AGIR AU PLAN INTERNATIONAL DANS LE BUT DE MIEUX S’INSÉRER DANS LES CHAÎNES DE VALEURS MONDIALES ET DE S’OUVRIR AUX PAYS ÉMERGENTS 64

C. UNE PRÉSENCE ENCORE LIMITÉE DES INVESTISSEURS DES PAYS ÉMERGENTS DANS L’ÉCONOMIE FRANÇAISE 69

D. PROTÉGER CERTAINS INTÉRÊTS STRATÉGIQUES 84

E. LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN œUVRE UNE POLITIQUE EUROPÉENNE PLUS DYNAMIQUE : PEUT-ELLE D’AILLEURS PORTER UNE POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE GRÂCE AUX FLUX D’IDE ? 92

CONCLUSION 95

EXAMEN EN COMMISSION 97

RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 127

ANNEXES 131

CONTRIBUTION ÉCRITE DE IKEA FRANCE 145

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 149

INTRODUCTION

Les IDE (investissements directs étrangers) constituent un facteur essentiel de vitalité économique pour un pays et aussi pour de nombreuses régions et territoires. De longue date, les études économiques montrent un lien évident entre les IDE et la croissance économique enregistrée par un pays ou une zone économique destinataire, principalement sous l’effet du développement d’activités nouvellement implantées.

Aujourd’hui, un consensus paraît établi sur une insuffisance de l’investissement dans l’Union européenne, récemment évaluée par l’Institut allemand pour la recherche économique (DIW) à plus de 200 milliards d’euros, soit 2 % du PIB de la zone euro. Cette insuffisance est en partie à l’origine de la faiblesse de la croissance dans l’Union européenne qui enregistre un retard par rapport aux autres zones économiques mondiales. Les investissements directs étrangers ne pourront, à eux seuls, régler ce problème de déficit de croissance. Mais leur apport peut constituer un facteur déterminant de création de richesses et avoir des effets vertueux, en soutenant l’innovation donc en confortant l’emploi. Ce raisonnement est valable pour la majorité des pays européens, et particulièrement pour la France.

Dans des économies matures comme le sont l’économie française et les économies de ses principaux partenaires européens, les IDE présentent un caractère structurel. La question des IDE s’inscrit ainsi dans le prolongement naturel de l’échange international au sens large, une notion distincte de celle plus restrictive du commerce extérieur. Les IDE sont l’expression de la maturité économique de ces pays. Ils servent principalement de porte d’entrée au marché de l’Union européenne pour les pays tiers. Avec la montée des économies émergentes, la part de l’Europe comme destination d’investissement tend certes à diminuer, en termes relatifs, mais l’impact des IDE « entrants » et sortants » du continent demeure néanmoins déterminant dans l’économie mondiale et les IDE peuvent générer un effet multiplicateur de croissance au sein de ce qui constitue toujours le premier marché unifié au niveau mondial.

Dans une économie globalisée, les IDE ont connu un essor tout particulier à partir du milieu des années 1980. Au cours des trois décennies précédentes, le taux de croissance en valeur des IDE était demeuré inférieur à celui du commerce mondial (exportations de biens et services), en dépit d’une certaine progression à partir des années soixante-dix. Mais de 1985 à 1990, les flux d’IDE « entrants » ou « sortants », au niveau mondial, ont quadruplé en valeur passant ainsi de 50 à 200 milliards de dollars courants. Une véritable explosion a caractérisé leur évolution postérieure, puisque les flux « entrants » atteignaient 1 400 milliards de dollars en 2000. Ce mouvement de hausse n’a été démenti qu’à deux reprises depuis lors : au cours de la période 2000-2003 avec l’éclatement de la bulle internet puis en 2008 et 2009 en conséquence directe de la crise financière dite des subprimes née aux États-Unis.

La reprise d’une croissance soutenue des IDE s’inscrit au cœur des prévisions de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui estime le montant mondial des IDE voisin de 1 800 milliards de dollars à l’horizon 2015-2016, après avoir constaté une progression globale de 9 % en 2013 pour un montant supérieur à 1 450 milliards. Pendant longtemps, les économies européennes ont représenté la première destination des IDE en recueillant le tiers des IDE mondiaux « entrants », du moins jusqu’aux années 2007-2008 qui semblent avoir marqué un pic. Depuis lors, une redistribution a été constatée d’abord au bénéfice des économies émergentes (principalement d’Asie en développement) ou en transition et même, depuis peu, au bénéfice de certains pays africains qui enregistrent une croissance économique soutenue.

Pour sa part, la Chine va jouer un rôle moteur dans cette redistribution des IDE : après avoir connu une croissance quasi exponentielle des IDE « entrants » avec l’implantation par milliers d’entreprises étrangères, ce pays est en passe de devenir l’un des principaux investisseurs mondiaux hors de ses frontières. En effet, les montants de ses IDE « sortants » devraient rattraper dans les prochaines années celui de ses IDE « entrants ».

En moins d’une décennie, la part des IDE à destination des États-Unis et des pays de l’Union européenne est d’ailleurs passée de 50 % du total en 2005 à 30 % au terme de l’année 2013, alors que l’ensemble « États-Unis-UE » représente 45 % du PIB mondial. Au sein des différents pays de l’Union européenne, 63 % des IDE « entrants » ont pour origine d’autres pays membres mais les États-Unis, la Suisse et le Japon comptent toujours parmi les premiers pays investisseurs directs dans l’UE, notamment en France. Il convient toutefois de ne pas considérer les pays de l’UE ou les membres de la zone euro comme formant un simple bloc en matière d’IDE. Chacune des économies européennes a des caractéristiques particulières pour l’accueil comme pour la production de ses IDE.

Par exemple, en termes de stocks d’IDE ayant pour origine les États-Unis, les Pays-Bas représentent la première économie européenne de destination avec un total estimé par la CNUCED de 625 milliards d’euros au terme de l’année 2012, suivis par le Royaume-Uni, le Luxembourg et l’Irlande, alors que le stock des IDE américains en Allemagne s’élevait seulement à 121 milliards de dollars. En outre, une grande volatilité caractérise les destinations de nouveaux IDE d’une année à l’autre. En Allemagne, par exemple, l’année 2012 s’était caractérisée par un niveau exceptionnellement bas des IDE à destination de l’ensemble des secteurs de son économie. Pour sa part, la France avait connu une situation comparable au cours de l’année 2010.

Les différentes études consacrées aux flux d’IDE au niveau mondial, aboutissent à la constatation d’une croissance globale qui se conjugue cependant avec une progression de leur dispersion relative et l’existence de profondes disparités même entre des pays comparables quant au degré de développement de leur économie.

Les données statistiques disponibles sur les IDE ont des origines multiples. Elles reposent sur des bases conventionnelles qui rendent difficiles les comparaisons entre les principales zones économiques mondiales et entre leurs pays d’appartenance. Ces statistiques portent en effet sur des montants annuellement constatés en termes de flux ou de stocks et exprimés en valeur courante du dollar ou de l’euro. D’autres données ne concernent que le nombre des projets d’IDE effectivement réalisés ou simplement annoncés (les écarts pouvant être importants entre ces deux situations), voire le nombre d’emplois créés ou sauvegardés sous l’effet des IDE. Il en est de même des différents classements relatifs à la plus ou moins forte « attractivité » des pays ou des grandes métropoles, une thématique abondamment commentée par la presse. En fait, la notion d’attractivité demeure assez floue, d’autant qu’elle est souvent établie sur le fondement d’enquêtes d’opinion réalisées auprès de « décideurs ».Une autre difficulté existe au sein même de l’Union européenne et de la zone euro. S’agissant de la capacité à accueillir des IDE, les comparaisons entre pays membres y sont en effet faussées du fait de fortes divergences dans le traitement des investissements étrangers, notamment du point de vue juridique et fiscal. Le Luxembourg et l’Irlande pratiquent un dumping fiscal qui leur confère une position éminemment favorable de « plateformes à IDE ». D’autres États disposent également d’atouts spécifiques pour capter une part importante des IDE « entrants » dans l’Union. C’est le cas des Pays Bas et particulièrement du Royaume Uni, ce pays ayant adopté avec constance, depuis trente ans, une politique délibérément favorable aux IDE en valorisant notamment le rôle de la City qui est de très loin la première place financière européenne. La France maintient néanmoins une tradition d’accueil des investissements directs étrangers. Quelque 20 000 entreprises sont ainsi contrôlées par des groupes ou des intérêts étrangers. Elles emploient environ 12 % des salariés.

Selon les statistiques de la balance des paiements de la Banque de France, les flux « entrants » d’IDE, au terme de l’année 2013, sont stables et même en légère progression. Leurs montants s’élevaient à 12,7 milliards d’euros contre 12,3 milliards l’année précédente. Ce résultat diffère sensiblement de celui produit par la CNUCED, au titre du rapport que cette institution consacre chaque année aux IDE dans le monde, qui est nettement inférieur ; une divergence qui s’explique principalement par une appréciation fondamentalement distincte des mouvements financiers entre les maisons mères et leurs filiales françaises. Sur une plus longue période, les statistiques de la Banque de France révèlent néanmoins une tendance à la baisse des IDE au cours des dernières années.

En effet, à l’exception de l’année 2010, les IDE « entrants » en France dépassaient annuellement 20 milliards d’euros en 2008 et 2009 puis en 2011. Les bénéfices des groupes étrangers qui sont réinvestis en France et les montants relatifs aux fusions-acquisitions sont cependant demeurés à des niveaux élevés au cours des deux dernières années.

Le gouvernement a conscience de l’importance des investissements directs étrangers pour notre économie. Il s’est assigné un objectif ambitieux pour atteindre, en 2017, le seuil des 1 000 projets d’implantations ou de reprises d’activité ayant un impact sur l’emploi, alors que depuis la crise financière internationale des années 2007 et 2008, la moyenne annuelle des projets d’IDE accueillis s’est établie à environ 700 projets correspondant à 25 000 voire 30 000 emplois, selon les années. En outre, l’objectif gouvernemental vise à faire passer de 150 à 300 le nombre des nouvelles entreprises qui, chaque année, investiront en France.

Les responsables de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) ont d’ailleurs indiqué à la mission d’information qu’au cours des dix dernières années, plus de 450 reprises d’entreprises en difficulté avaient été le fait d’IDE pour environ 70 000 emplois ainsi sauvegardés ou créés. À lui seul, ce chiffre traduit bien l’importance des objectifs annoncés.

L’époque où l’exportation des capitaux pouvait être perçue comme une manifestation d’impérialisme économique semble révolue, d’autant que les activités concernées par les IDE ont aujourd’hui très largement débordé les secteurs des matières premières ou des ressources rares. Quels que soient les systèmes politiques en vigueur, les économies mondiales sont à présent et dans leur ensemble en concurrence pour l’accueil des investissements étrangers. Des pays qui comptaient parmi les plus « fermés » de la planète ont procédé à des dérégulations dans de nombreux secteurs de leur économie pour précisément donner toute leur place aux IDE. Si une accélération de ce mouvement semble inéluctable, de nouvelles règles de filtrage doivent néanmoins se substituer aux anciennes pratiques de contrôle pour satisfaire des impératifs de souveraineté dans les secteurs les plus sensibles comme, par exemple, l’énergie ou les technologies de pointe.

À cet égard, le phénomène de démantèlement des tarifs douaniers et les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) soulèvent toujours des questions insuffisamment résolues. De même, les négociations en cours entre l’Union européenne et les États-Unis sur le projet de traité de Partenariat transatlantique (TTIP ou Transatlantic Trade and Investment Partnership) ne peuvent ignorer les législations nationales, spécialement au titre des mécanismes envisagés pour le règlement des différends entre les États et les investisseurs étrangers.

Pour la France, l’objectif doit être de construire une indépendance nationale dans des cadres d’échanges permanents avec l’« économie monde ». Une telle ambition n’est en rien contradictoire. La modernisation de l’économie française passe par une amélioration de la gestion des conditions de son attractivité. En ce sens notre capacité solidement ancrée d’accueil des IDE constitue un atout exceptionnel. Le stock des IDE « entrants » en France forme un socle qui continue à structurer notre économie. Il est créateur de richesses. Sur cette base, il est essentiel d’engager des politiques visant l’émergence dans les territoires de nouveaux facteurs d’attractivité, en créant ainsi un effet d’atmosphère favorable aux investisseurs de long terme donc à des flux nouveaux d’IDE. Cet apport, notamment dans de nouvelles activités, viendra renforcer le stock des IDE et consolidera le tissu économique. Tel est le fil directeur que votre rapporteur a tenu à privilégier dans ses analyses à partir d’un constat sur la réalité des IDE dans le contexte particulier d’économies matures qui caractérise les principaux pays européens.

Notre tradition manufacturière mais aussi nos atouts dans l’économie du numérique fortement encouragée par le gouvernement, la qualité de notre main-d’œuvre sont les facteurs-clés de la réussite. En tout état de cause, il n’existe aucune fatalité qui justifierait une appréciation « décliniste » de la situation. Ce rapport entend modestement contribuer à donner une plus juste image de notre pays, trop souvent perçu comme insuffisamment « économique », à l’étranger mais aussi en France.

PREMIÈRE PARTIE : DES RÉSULTATS FRANÇAIS STABLES CARACTÉRISTIQUES D’UNE ÉCONOMIE À MATURITÉ DE L’ÉCONOMIE-MONDE

Dans les économies dites « à maturité », on observe une stabilisation du stock d’IDE. Au sein de l’espace économique européen, constitué principalement de pays à maturité, les IDE occupent une multitude de lieux et entrent dans la constitution de chaînes de valeur qui irriguent l’ensemble des activités industrielles ou de services, privés ou publics. La structuration solide des économies européennes est un facteur explicatif de la forte présence des IDE, et à l’inverse, les IDE contribuent à la consolidation de cette structuration. C’est l’EFFET INDUCTEUR des IDE.

Dans ce contexte, et quelles que soient la définition et l’approche retenues pour les définir, la relative stabilité des IDE en France ne représente ni un handicap, ni un indicateur inquiétant pour l’avenir. C’est une caractéristique liée à la maturité de l’économie française, qui, par ailleurs, en souligne une autre : l’indépendance nationale.

A. UNE DIVERSITÉ DE DÉFINITIONS ET D’APPROCHES QUI PERMET DE CERNER LA CONTRIBUTION DES IDE À L’ÉCONOMIE RÉELLE

La presse économique, les publications d’institutions publiques mais aussi de cabinets d’expertise ou de veille économique diffusent régulièrement des éléments statistiques sur les volumes d’IDE (ou FDI en anglais) constatés par pays ou par grandes zones économiques. Il s’agit de présentations qui généralement synthétisent les IDE « entrants » ou « sortants » en termes de flux mais qui fournissent également des données en termes de stocks. De ces publications résulte un véritable foisonnement des sources documentaires qui rend les comparaisons difficiles dans la durée et entre pays car les définitions relatives aux IDE demeurent insuffisamment harmonisées. Tel est le cas, par exemple, de l’éventuelle prise en compte des prises de participations boursières dans des groupes cotés, qui sont ou ne sont pas classées au titre des IDE en fonction des pourcentages de détention concernés par ces types d’opérations.

Sur ce même sujet, des interrogations peuvent aussi être posées s’agissant du caractère durable ou non d’un investissement boursier d’origine étrangère donc de sa contribution à l’économie réelle ou à l’économie spéculative.

Pour sa part l’AFII, l’Agence française pour les investissements internationaux (auditions de MM. David Appia et Serge Boscher, président et directeur général puis de Mme Sylvie Montout, économiste, des 10 décembre 2013 et 10 juin 2014) ne comptabilise que les opérations concernant des investissements d’origine étrangère et créatrices d’emplois. Le « Bilan France », établi par l’AFII depuis 1993, ne recense que les projets fermes et créateurs d’au moins 10 emplois, à l’exception des primo-implantations d’investisseurs non européens ou de certains projets à forte valeur ajoutée (recherche et innovation, ingénierie, services spécifiques aux entreprises etc.) pris en compte dès le premier emploi. Cette perception de l’AFII s’avère pragmatique. Elle porte essentiellement sur les créations d’activités (généralement considérées comme « le cœur des IDE »), les extensions (qui témoignent d’une réaffirmation de la confiance des investisseurs dans le « site France ») et aussi sur les reprises d’entités en difficulté mais ne prend pas en compte les augmentations de capital. Au total, les projets de création et d’extension d’activités représentent plus des deux tiers des IDE réalisés en France.

L’AFII comptabilise non seulement les emplois créés mais aussi les emplois sauvegardés ou « maintenus » (en projection sur trois ans) en conséquence directe d’investissements étrangers. Alors que la plupart des recensements effectués en Europe ne se concentrent que sur les seules données annoncées au démarrage de projets d’investissement dont la réalisation n’est pas systématiquement vérifiée par la suite, la méthode retenue par l’AFII assure une meilleure lisibilité car elle vise plus le créateur d’emplois durables que l’investisseur d’opportunité. Elle diffère fondamentalement de l’approche traditionnelle des banques centrales qui intègrent les IDE dans la balance des paiements au titre des stocks et flux d’investissements directs, y compris les flux dits « intragroupes » (entre une maison mère située à l’étranger et sa ou ses filiales) qui traduisent simplement le dynamisme des relations entre sociétés-sœurs.

La méthodologie de l’AFII a inspiré la démarche du cabinet privé de veille économique et de conseil Trendeo dont la mission a auditionné le fondateur et gérant, M. David Cousquer (audition du 24 juin 2014). Depuis juillet 2009, Trendeo recense toutes les créations et suppressions d’au moins cinq emplois dans le cadre de l’Observatoire de l’investissement créé en son sein.

Les recensements d’IDE réalisés par différentes institutions publiques comme par des cabinets privés sont le plus fréquemment exprimés en termes de nombre de projets auxquels sont associées des données sur les emplois créés et, le cas échéant, sauvegardés du fait de ces opérations. Chaque recenseur met en œuvre des moyens et une méthode qui lui sont particuliers. La collecte de l’information peut même avoir pour source un dispositif d’alerte qui se prétend la plus systématique possible à partir des opérations annoncées par la presse. La CNUCED, un organe de l’ONU, mentionne d’ailleurs le journal Financial Times dans l’annexe méthodologique très détaillée de son rapport annuel comme l’une de ses sources concernant les créations d’activité (« grenfields ») résultant d’IDE. S’agissant des emplois, les chiffres diffèrent donc sensiblement en fonction du mode plus ou moins empirique de collecte de l’information et notamment de la pertinence de leur rattachement sectoriel. Un projet annoncé et assorti d’un calendrier de départ concernant sa réalisation peut subir un report, dériver voire s’engluer et aboutir à un résultat plus ou moins éloigné de la prévision initiale. Certaines corrections restent toutefois possibles au titre des années ultérieures. Cette diversité des approches explique pourquoi les différentes statistiques (en projets ou en emplois) dont il est fait état dans le présent rapport peuvent varier pour une même année, selon les organismes ou cabinets d’experts. Une partie des différences peut s’expliquer par la nature des projets retenus ou exclus de la collecte statistique (hôtellerie, restauration, distribution, etc.). L’important est que chaque émetteur précise clairement la méthodologie retenue dont les modes de mise en œuvre doivent demeurer stables, année après année, afin de bâtir des séries statistiques cohérentes.

La Banque de France entend toutefois rechercher une approche dite « en base nette ». À partir de la présentation de la balance des paiements de 2013, ses services ont adopté une nouvelle méthodologie préconisée par le Fonds monétaire international (FMI : Sixième manuel de la balance des paiements /BPM6). Cette approche a notamment pour conséquence d’affiner la prise en compte des prêts et emprunts transfrontaliers intragroupes dans le montant des IDE, en fonction du « principe directionnel étendu ».

La méthodologie révisée par le FMI devrait d’ailleurs être prochainement adoptée par l’ensemble des pays de l’Union européenne. Elle clarifie certaines situations en cherchant à calculer un solde entre les prêts et les emprunts au sein d’un même groupe afin d’évaluer l’apport exact d’un investissement direct : le sens d’un prêt intragroupe étant ainsi déterminé par le pays de résidence de la structure de tête du groupe. Par exemple, si une entreprise française acquiert une participation au capital d’une entreprise allemande (pour une valeur de 200) et que l’une des filiales de celle-ci consent un prêt à l’entreprise française (pour une valeur de 100), on ne comptabilisera pas de flux d’IDE en France mais seulement un flux net d’investissement français à l’étranger pour 100.

Dans son bulletin du 1er trimestre 2013 (N° 191, page 25), la Banque de France précise cependant qu’une proportion non négligeable des IDE qu’elle comptabilise à destination de la France peut avoir pour origine des groupes français : « Depuis 2005, les investissements directs en capital ou sous forme de bénéfices réinvestis des sociétés étrangères filiales de groupes français sont compris entre 2 et 6 milliards par an et représentent près de 17 % du total des flux nets cumulés […]. Ces investissements peuvent être classés en deux catégories. D’une part, les investissements de fonds de private equity (PAI Partners, AXA Private Equity…), de groupes financiers (Bolloré, Eurazeo, Wendel, Financière Marc Ladreit de la Charrière…) et de holdings familiales sont souvent effectués via des véhicules d’acquisition localisés au Luxembourg et aux Pays-Bas, probablement pour des raisons fiscales et/ou financières. D’autre part, des investissements de nature plus industrielle sont effectués par des branches étrangères de groupes français à qui sont parfois dévolues certaines activités du groupe. Par exemple, Merial (États-Unis) représente le pôle alimentation animale de Sanofi-Aventis et Electrabel (Belgique) coiffe les activités de production d’énergie de l’ensemble du groupe GDF-Suez ».

Dans ce même document, la Banque de France avertit également les utilisateurs de ses statistiques de possibles imprécisions concernant l’affectation de certains investissements du fait de l’utilisation fréquente de structures de transit des fonds dans des pays comme le Luxembourg, les Pays-Bas ou la Belgique (rôle des sociétés-écrans impliquées dans une chaine de transactions internationales). Ainsi un investissement étranger pourrait être classé au titre d’un pays de provenance qui n’est précisément pas celui du donneur d’ordre. La réallocation géographique d’un investissement visant à prendre en compte l’« investisseur ultime » est un objectif du FMI et de la Banque de France dont la réalisation souffre nécessairement d’imperfections. La mesure dite « en investisseur ultime » est désormais effectuée par la Banque de France pour les stocks d’IDE (mais pas pour les flux). Mais l’Allemagne et le Royaume-Uni ne publient pas, à ce jour, une statistique des IDE en fonction d’une ventilation géographique qui tiendrait compte de l’« investisseur ultime », en termes de flux ou de stocks. Cette différence de traitement ne simplifie évidemment pas les comparaisons entre pays.

Au titre des différentes méthodes servant à comptabiliser avec la meilleure certitude un investissement direct étranger, il sera intéressant de constater comment seront prises en compte certaines opérations importantes et récemment intervenues. Il en est ainsi du partenariat conclu en mars 2014 avec pour conséquence l’entrée au capital de PSA Peugeot Citroën du groupe chinois Dongfeng. Au terme de l’opération Dongfeng détient 14 % du capital, un niveau identique aux participations respectives de la famille fondatrice et de l’État. L’opération prenant la forme d’augmentations de capital réservées par souscription d’actions nouvelles, sa traduction est essentiellement financière et n’emporte a priori aucune création d’emplois en France, du moins à court terme. Dans l’optique statistique de la Banque de France, le financement apporté par Dongfeng sera néanmoins comptabilisé au titre d’un flux « entrant » qui vise une opération sur titres. Mais il en ira différemment pour l’AFII.

En revanche, le rachat par General Electric d’activités dans l’énergie et les réseaux d’Alstom (juin 2014) prendra la forme d’alliances à parité (50/50) dans plusieurs sociétés, assorties d’un droit de regard spécifique pour l’État, notamment dans les domaines de la sécurité et des technologies nucléaires. L’opération prévoit la création de 1 000 emplois nouveaux. L’engagement pris par General Electric doit être suivi par un auditeur indépendant et prévoit même des pénalités si l’objectif n’était pas atteint. Dans ces conditions, l’opération qui se veut créatrice d’emplois pourrait sans doute être retenue par l’AFII au titre de son recensement des investissements étrangers, bien qu’il semble que la filiale française du conglomérat américain assumera une partie de l’opération d’un point de vue financier.

En effet, l’AFII comptabilise, chaque année, les seules créations nettes d’emplois dans son « Bilan France » sur les IDE, mais pas les opérations purement financières ou boursières. En sont également exclus les emplois intérimaires ou saisonniers, les emplois apportés à un site par transfert d’activité d’une entreprise à l’intérieur du territoire français du fait d’un regroupement ou d’une restructuration et les franchises quand les franchisés sont français.

La question des franchisés n’est d’ailleurs pas anecdotique. Selon le classement des investisseurs étrangers en France établi par Trendeo, on constate que les groupes américains Mc Donald’s, Yum ! Brands (propriétaire des chaînes « Pizza Hut » et « KFC ») ou encore Doctor’s Associates (« Subway ») occupent respectivement les première, deuxième et quatrième places en termes de créations d’emplois d’origine étrangère, avec un peu plus de 18 000 créations nettes en France, de 2009 à juin 2014. Or, les implantations de ces groupes de restauration rapide sont, soit en totalité, soit en partie, créées et gérées par des franchisés français.

Pour sa part, le groupe suédois IKEA s’inscrit à la troisième place (2 861 créations nettes au cours de la période considérée). Le constructeur automobile japonais Toyota n’est qu’en dixième position pour les créations d’emplois depuis mi-2009 (1 283 créations), mais, surtout, il est le seul industriel présent parmi les quinze premières places du classement établi par Trendeo !

Les recensements de ce cabinet, assez largement confirmés par les enquêtes trimestrielles « emploi » de l’INSEE, démontrent une certaine vitalité de l’investissement et de la création d’emplois d’origine étrangère mais qui ne paraît principalement être le fait que de quelques secteurs. Outre la restauration rapide, les services d’expertise (groupe Accenture) et la distribution (Kingfisher plc avec les enseignes « Castorama », « Brico Dépôt »et le rachat récent de « M. Bricolage » ou encore les groupes allemands Metro AG et Lidl) sont les premiers acteurs. Bien qu’importante, leur contribution n’est cependant pas décisive si l’on considère les quelque 25 000 emplois perdus ou supprimés depuis 2009 par les groupes étrangers présents en France, selon les données recueillies par Trendeo.

D’autres définitions et approches statistiques existent.

Les organismes internationaux (FMI et Banque mondiale, OCDE, Eurostat, voire l’OMC par ses publications et bases de données sur le suivi du commerce mondial etc.) produisent régulièrement des statistiques permettant certaines comparaisons. Pour établir leurs séries statistiques, ces organisations sont toutefois tributaires de la disponibilité des données qui, dans chaque pays, sont rassemblées par les instituts et les services gouvernementaux qui adoptent des méthodologies sensiblement différentes. Postérieurement à cette collecte, les traitements visant à harmoniser ces données reposent nécessairement sur des dispositifs conventionnels qui aboutissent à des différences voire à de réelles divergences entre les organisations concernant les résultats publiés et commentés. Les productions des institutions intergouvernementales sont surtout utiles pour percevoir les évolutions tendancielles, spécialement en termes de stocks, entre les grandes zones économiques mondiales.

Ainsi, leurs statistiques constatent à présent une baisse relative des IDE « entrants » dans les pays développés, conjuguée à une croissance globale des IDE à destination des économies en développement qui s’agrègent progressivement, et pour certaines d’entre elles rapidement, aux chaînes de valeur mondiales (CVM).

La Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) fait cependant état, depuis 2012, d’un ralentissement de la croissance des IDE à destination de l’Asie en développement et, en particulier, de la Chine. En fait, les données des grandes organisations internationales s’avèrent mal adaptées pour mesurer, pays par pays, les flux d’investissements directement créateurs de capacités productives donc d’emplois qui sont par nature volatils. Elles intègrent massivement d’autres opérations que les investissements physiques comme les rapatriements de bénéfices ou les transferts de trésoreries et ne tiennent pas compte de certains investissements qui ne sont pas financés au travers d’un flux d’IDE mais, par exemple, au moyen d’une levée de fonds sur le marché local.

Ainsi, la CNUCED retient dans ses statistiques sur les IDE une compilation de tous les prêts « intra-groupes », ce qui ne simplifie pas les comparaisons dans la durée car ces éléments revêtent une importance éminemment variable d’une année à l’autre.

Dès la publication des résultats provisoires sur les IDE « entrants » en France (tels que présentés par la CNUCED, en janvier 2014, et qui faisaient état d’un recul important), la direction générale du Trésor a tenu à rappeler, d’une part, que les flux d’IDE « entrants » en France sont des flux volatils, avec des variations annuelles comprises entre – 75 % et + 659 % depuis 1999, et, d’autre part, à titre de comparaison, l’écart était de 41 % en 2011 et de 58 % en 2012 entre les montants d’IDE présentés par la CNUCED en janvier et ceux de ses rapports annuels définitifs publiés en juin.

Il convient donc de se garder lors de la publication de telle ou telle statistique de conclure hâtivement à un « effondrement » voire à un « retrait » des investissements étrangers.

Le juste regard doit se porter sur le cumul de la création de valeur relevant des investissements directs étrangers au cours d’une période suffisamment longue, le caractère durable des emplois initialement créés ou sauvegardés et leur éventuelle croissance, le développement spatial et qualitatif des implantations ou des extensions d’entreprises ainsi que leurs capacités à irriguer le tissu industriel et commercial en agrégeant progressivement l’activité de PME et PMI locales.

Différentes définitions conventionnelles des investissements directs étrangers (IDE).

INSEE (au titre de comptabilité nationale) : « Investissement qu’une unité institutionnelle résidente d’une économie effectue dans le but d’acquérir un intérêt durable dans une unité institutionnelle résidente d’une autre économie et d’exercer, dans le cadre d’une relation à long terme, une influence significative sur sa gestion. Par convention, une relation d’investissement direct est établie dès lors qu’un investisseur acquiert au moins 10 % du capital social (ou des droits de vote) de l’entreprise investie. Les investissements directs comprennent non seulement l’opération initiale qui établit la relation entre les deux unités mais également toutes les opérations financières ultérieures entre elles et entre les unités institutionnelles apparentées qu’elles soient ou non constituées en sociétés ». (Source : TEF - Tableau de l’économie française ; édition 2014, page 142).

La direction générale du Trésor fait sienne cette définition de l’INSEE sur les IDE en précisant que les prises de participation par des entités économiques étrangères peuvent prendre différentes formes, les principales étant : des créations de sociétés ou d’établissements nouveaux (investissements dits« greenfields »), des acquisitions et fusions, des réinvestissements dans les filiales étrangères des bénéfices que celles-ci réalisent (« bénéfices réinvestis » qu’il convient de prendre en compte à hauteur de la cote part du capital social détenu par un investisseur étranger).)

Autres définitions :

Agence française pour les investissements internationaux (AFII) :« La nationalité d’un investissement est déterminée à partir de celle de la société-mère. L’investissement est réputé d’origine étrangère si la société est détenue à plus de 50 % par des capitaux étrangers. Dans le cas d’une répartition distincte du capital, les emplois sont attribués à chaque pays au prorata de la part de ses ressortissants.

Dans le cas d’un capital émietté : si plus de 50 % du capital sont détenus par des actionnaires d’un même pays, les emplois sont attribués à ce dernier ; dans le cas opposé, l’origine d’un investissement est définie en fonction de l’actionnaire majoritaire, des membres du conseil (« board members ») et du centre de décision. Par exception dans le cas d’une « joint-venture franco-étrangère », les emplois correspondants sont décomptés au prorata de la participation étrangère dans l’investissement ». (Définition de l’investissement d’origine étrangère précisée dans le rapport annuel 2013 de l’AFII, page 123)

Union européenne (Eurostat) : « Des investissements internationaux qui reflètent l’intention, pour une entité résidente dans une économie, d’acquérir un intérêt durable dans une entreprise opérant dans une autre économie. L’intérêt durable implique l’existence de relations à long terme entre l’investisseur direct et l’entreprise, ainsi qu’un niveau significatif d’influence de l’investisseur sur la gestion de l’entreprise.

Formellement, cet intérêt est considéré comme acquis dès lors que l’investisseur possède 10 % ou plus des voix au conseil d’administration (pour une entreprise constituée en société) ou l’équivalent (pour toute autre entreprise). Les flux d’IDE incluent les bénéfices réinvestis ».

OCDE (définition originelle) : « L’IDE est une activité par laquelle un investisseur résidant dans un pays obtient un intérêt durable et une influence significative dans la gestion d’une entité résidant dans un autre pays. Cette opération peut consister à créer une entreprise entièrement nouvelle (investissement de création) ou, plus généralement, à modifier le statut de propriété des entreprises existantes (par le biais de fusions et d’acquisitions). Sont également définis comme des investissements directs étrangers d’autres types de transactions financières entre des entreprises apparentées, notamment le réinvestissement des bénéfices de l’entreprise ayant obtenu l’IDE, ou d’autres transferts en capital. L’activité ans le domaine de l’IDE peut être mesurée de deux façons différentes : les flux et stocks d’investissements financiers, et l’activité « réelle » des filiales étrangères dans les pays d’accueil ». (Les informations sur l’activité des filiales étrangères étant recueillies par le biais d’enquêtes nationales sur différents aspects de l’activité des entreprises et compilées par l’OCDE).

OCDE (définition révisée) : « L’investissement direct est un investissement transnational effectué par le résident d’une économie (« l’investisseur direct ») afin d’établir un intérêt durable dans une entreprise (« l’entreprise d’investissement direct »). L’investisseur est motivé par la volonté d’établir, avec l’entreprise, une relation stratégique durable afin d’exercer une influence significative sur sa gestion. L’existence d’un « intérêt durable » est établie dès lors que l’investisseur détient au moins 10 % des droits de vote de l’entreprise d’investissement direct. L’investissement direct peut également permettre à l’investisseur d’accéder à l’économie de résidence de l’entreprise d’investissement direct, ce qui pourrait lui être impossible en d’autres circonstances. L’investissement direct n’a donc pas les mêmes finalités que l’investissement de portefeuille, l’investisseur de portefeuille ne cherchant généralement pas à influer sur la gestion de l’entreprise ».

On distingue généralement trois grandes catégories d’IDE :

– Les investissements en capital social : ce poste recouvre les prises de participation de plus de 10 % dans les sociétés. Il comprend également les augmentations de capital et les dotations de succursales. Il inclut également les investissements immobiliers à vocation professionnelle.

– Les bénéfices non distribués : il s’agit de la partie non distribuée et mise en réserve des résultats opérationnels courants des filiales et des autres participations à l’étranger. Sa prise en compte s’effectue à hauteur de la quote-part du capital social détenu par l’investisseur.

– Les « autres opérations » ou « prêts entre affiliés » : il s’agit des prêts entre investisseurs directs et les entreprises dans lesquelles ils ont investi et des prêts entre entreprises appartenant à un même groupe mais situées dans des pays différents, même lorsqu’elles n’ont pas de lien en capital social. Toutes les opérations de prêts ne sont toutefois pas retracées dans la balance des paiements : malgré les recommandations du FMI, les prêts obligataires et les crédits commerciaux sont en général retracés au sein des investissements de portefeuille et des crédits commerciaux donc dans d’autres rubriques que celle des « investissements directs étrangers ». Pour leur part, les revenus des IDE sont enregistrés dans un autre poste de la balance des paiements, au sein des transactions courantes.

B. UNE STABILITÉ DU STOCK LIÉE AU CARACTÈRE MATURE DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE, ET UNE POSITION QUI RESTE SOLIDE PARMI LES PAYS EUROPÉENS

L’affirmation selon laquelle il serait constaté une baisse tendancielle des IDE à destination de la France doit être relativisée : a priori, le bilan 2013 établi par l’AFII reste honorable.

La situation française n’est certainement pas aussi grave que la CNUCED le prétend au travers de la publication de son dernier rapport qui souligne d’ailleurs, pour l’année 2013 et au niveau mondial, un regain de croissance des IDE en valeur (+ 9 % par rapport à l’année précédente) qui ont atteint un niveau global de 1 450 milliards de dollars. La CNUCED entrevoit une perspective de 1 800 milliards de dollars à l’horizon 2015-2016, en constatant que les économies en développement ou en transition (telle est encore la situation de la Fédération de Russie) attirent dorénavant près de 39 % des IDE « entrants » contre à peine 12 % au début de la décennie 2000.

S’agissant des pays européens le bilan est plus contrasté. Au total, la croissance globale des IDE aura été de 3 % en 2013. Elle s’est caractérisée par une disparité des situations entre les économies concernées, notamment au sein même de l’Union européenne, alors que près de 63 % des IDE « entrants » dans les économies relevant de l’UE proviennent de pays eux-mêmes membres de l’UE. À cet égard, les pays ayant enregistré la plus forte progression des IDE « entrants » au cours de l’année 2013 sont l’Allemagne (26,7 milliards de dollars) et l’Espagne (39,1 milliards de dollars), alors que la France aurait connu, selon les statistiques de la CNUCED, une très forte décrue en ce domaine avec 4,85 milliards de dollars de flux d’IDE « entrants » en 2013 contre 25,08 milliards l’année précédente.

Notre pays serait ainsi sorti du « TOP 20 », c’est-à-dire du classement mondial des vingt premières économies accueillant les IDE, alors qu’il occupait encore le 16e rang en 2012. Dans son rapport annuel 2014 (« World Investment Report », page 78), la CNUCED explique pour partie ce « déclin » en faisant état de l’importance des retraits de fonds opérés par les groupes multinationaux à partir de leurs filiales françaises au cours de l’année 2013 (- 14 milliards de dollars), alors que les prêts intragroupes les concernant étaient encore positifs de 5 milliards de dollars en 2012.

Or, les statistiques de la Banque de France ne confirment absolument pas le constat de la CNUCED. Pour 2013, son rapport annuel sur la balance des paiements et les positions extérieures de la France fait état d’un montant d’investissement direct étranger en France (IDEF) de 12,7 milliards d’euros contre 12,3 puis 24,1 milliards d’euros en 2012 et 2011 (Tableaux statistiques complémentaires figurant en annexe). Une légère croissance est même constatée pour la dernière année comptabilisée, bien que sur le long terme la Banque de France relève une tendance à la décrue des investissements directs français à l’étranger, depuis 2009, accompagnée d’une tendance également baissière, certes moins marquée, des investissements directs étrangers en France.

Pour une part, cette divergence peut probablement s’expliquer par la mise en œuvre par la Banque de France, dès l’année 2013, de la règle dite « du principe directionnel étendu » telle que prônée par le FMI, alors que la CNUCED reste tributaire pour sa collecte statistique des sources nationales particulières qui majoritairement ne relèvent pas encore de cette méthodologie. La direction générale du Trésor a d’ailleurs tenu à rappeler que la baisse des IDE « entrants » telle que constatée par la CNUCED « porte à près de 90 % sur des prêts intragroupes et non sur le « cœur » des IDE que sont les investissements en capital social. Or, si ces opérations financières internes aux groupes multinationaux ne sont pas étrangères aux conditions d’attractivité, notamment fiscales, elles reflètent aussi la structure interne de ces groupes et leur politique de gestion financière ».

Au total, les emplois créés ou sauvegardés se maintiennent de même que les IDE en capital social (13,4 milliards d’euros en 2013) et la Banque de France constate une certaine stabilité des flux financiers globaux. La France compte parmi les premiers pays au monde pour la détention d’IDE en termes de stocks.

Source : Rapport annuel 2013, Investissements étrangers créateurs d’emplois en France, AFII.

Cette donnée est essentielle et permet de mieux comprendre l’apport des IDE dans une économie mature comme l’est l’économie française. Le stock des IDE s’élevait pour la France à 1 081 milliards de dollars, au terme de l’année 2013, selon les chiffres communiqués à la mission d’information par la direction générale du Trésor. Les pays à l’origine de ce stock restent très majoritairement nos partenaires de l’Union européenne et les grandes économies avancés avec, en premier lieu, les États-Unis qui détiennent à eux seuls 17,2 % de ce stock. Les actifs ainsi capitalisés consolident une partie importante de notre tissu économique et, dans de nombreux secteurs, suscitent un effet inducteur de croissance. D’un point de vue sectoriel, près des deux tiers du stock des IDE concernent les services (finance/assurance et immobilier, à titre principal), la part de l’industrie s’établit à 26 % de ce stock avec 147 milliards d’euros pour les seules industries manufacturières. Globalement, le poids des IDE est d’ailleurs important au regard de la taille de l’économie française, il dépasse le poids moyen constaté pour l’ensemble des pays de l’OCDE : en effet, le stock des IDE rapporté au PIB atteint 38,2 % contre 29,2 % en Allemagne et 19,5 % en Italie. La part des économies émergentes, bien qu’en progression, atteint à peine 5 % de ce stock. Notre capacité à attirer plus massivement les IDE des économies émergentes ou en transition constitue un des enjeux majeur de la compétitivité, une orientation qu’il conviendrait assurément de mieux soutenir.

L’attractivité d’une économie ne peut toutefois se résumer aux constatations annuelles des flux d’IDE enregistrés. Au regard des chiffres précités, la position de la France demeure solide parmi les pays européens. À l’évidence, il ressort de l’analyse statistique sur les IDE qu’une distinction fondamentale doit être établie entre les données structurelles (analyse en termes de stocks) et les données conjoncturelles (caractérisées par l’évolution des flux annuels).

En effet, le poids du stock des IDE accueillis en France démontre le caractère déterminant de ce facteur dans l’orientation et l’organisation de nos activités productives.

La France occupe le 4ème rang mondial parmi les pays détenteurs d’un stock d’IDE et s’inscrit ainsi à la deuxième place des pays européens, derrière le Royaume-Uni, mais assez loin devant l’Allemagne qui n’occupe que le 7ème rang mondial. Les documents de la direction du Trésor, annexés au présent rapport en pages 139 à 142, illustrent la position de l’économie française en ce domaine, en termes quantitatifs mais aussi pour les apports en termes d’emplois, de dynamique sectorielle et de commerce extérieur.

Le facteur « stock » d’IDE est créateur de richesses. Il a continué à structurer notre économie, notamment au cours de la dernière décennie. En témoigne une évolution plus marquée vers les services à haute valeur ajoutée qu’à destination des industries plus traditionnelles. Il convient cependant de se garder d’un pessimisme excessif quant au risque d’une inéluctable désindustrialisation car une industrie d’un type nouveau émerge. Elle retient particulièrement l’attention des investisseurs étrangers prompts à s’associer avec les start up françaises les plus innovantes mais aussi à en prendre le contrôle par le rachat des participations de leurs fondateurs ou développeurs. Ce phénomène est, par certains aspects, positif. Il doit néanmoins appeler les pouvoirs publics à la vigilance car il deviendrait préoccupant que nos « pépites » participent de ce fait insuffisamment à la construction d’une Nouvelle France industrielle.

À cet égard, la consolidation dans nos territoires d’écosystèmes les plus favorables au développement de nouvelles activités de cette nature doit constituer un objectif permanent de la politique économique et recevoir le soutien sans faille des élus comme des acteurs économiques et sociaux.

Source : Rapport annuel 2013, Investissements étrangers créateurs d’emplois en France, AFII.

C. DES ATOUTS OBJECTIFS ET ATTESTÉS QUI EXPLIQUENT L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE

Si les définitions théoriques voire des approches plus pragmatiques de la notion d’IDE s’avèrent complexes et appellent nombre de précisions, la notion d’attractivité rapportée à une économie donnée reste au moins aussi difficile à cerner, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de comparer des atouts comme des faiblesses au niveau international.

Il n’en demeure pas moins que la France dispose d’atouts pour attirer les IDE. Il lui revient de mieux les valoriser. Par exemple, les entreprises innovantes à vocation internationale aiment s’agréger à des ensembles d’excellence (pôles de compétitivité, clusters etc.), un phénomène confirmé de longue date à l’exemple du développement de la technopole de Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes), conçue en 1969, il y a plus de quarante ans. Un groupe mondial comme Toyota y a installé un de ses centres de design dans lequel de futurs modèles sont étudiés, y compris pour des marchés extra-européens.

Pour sa part, l’équipementier chinois des télécommunications, Huawei, vient de créer un centre de R&D à Sophia Antipolis en complément de son pôle de R&D d’Île-de-France afin de porter ses effectifs de développement à quelque 200 salariés en France dont une centaine d’ingénieurs à Sophia-Antipolis. Par cet investissement complémentaire, ce groupe chinois, qui consacre 14 % de son chiffre d’affaires à la R&D, supplée ainsi des compétences récemment perdues à la suite du départ de l’américain Texas Instruments jusqu’alors établi sur ce site. Huawei travaille en étroite concertation avec l’AFII et projette un plan d’investissement de 1,5 milliard d’euros pour les cinq années à venir.

Le crédit d’impôt recherche : un dispositif plébiscité par les entreprises.

Selon les données de l’OCDE, la France se situe toujours au-dessus de la moyenne des pays de l’Union européenne s’agissant de l’effort des entreprises en matière de R&D (1,44 % du PIB contre 1,2 % en moyenne), mais assez loin de la Suède (2,34 %) et de l’Allemagne (1,94 %).

La France maintient néanmoins un des plus hauts niveaux d’aides publiques à l’innovation : cet effort dépassait 6 milliards d’euros en 2012 (le crédit d’impôt-recherche ou CIR représentant au moins les trois quarts de ce montant). Un tel engagement constitue un puissant appel aux investissements étrangers, spécialement pour conserver et développer des centres de recherche en France. M. François Quentin, président de Huawei France a clairement exprimé devant la mission le souhait que le mécanisme du CIR soit stabilisé dans le temps, pour ne pas dire « permanisé » voire « sanctuarisé ». Par ailleurs, les responsables de l’AFII ont indiqué que les filiales françaises de groupes étrangers assument 29 % des dépenses de R&D. À cet égard, la contribution des IDE peut être décisive pour que soit atteint l’objectif européen de réindustrialisation qui s’articule avec un objectif de dépenses de R&D portées à 3 % du PIB européen global.

Toutefois, l’OCDE souligne que l’économie française s’est, hors aéronautique, progressivement spécialisée dans des activités (luxe, construction et travaux publics, agroalimentaire) plutôt moins génératrices de R&D que d’autres. Néanmoins, le secteur industriel français conserve un effet d’entraînement essentiel sur le reste de l’économie. Un nouvel « impératif industriel » doit constituer un objectif majeur. Telle est l’ambition des 34 plans arrêtés dans des secteurs ciblés qui ont été lancés par le ministre en charge du redressement productif. Ces plans qui vont bénéficier d’une partie des dotations du Programme des investissements d’avenir, visent délibérément à réindustrialiser l’économie française. À l’été 2014, leurs feuilles de route pour une Nouvelle France industrielle étaient prêtes. Elles ont été élaborées après une large concertation, notamment avec les collectivités territoriales.

Le rôle de plus en plus déterminant des agences de développement dans les territoires.

L’AFII a initié, il y a cinq ans, la conclusion de conventions de partenariat avec les agences régionales de développement. Depuis la signature de ces conventions, des agences ont disparu, certains conseils régionaux ayant souhaité reprendre en direct leurs attributions. D’autres agences ont fusionné avec des organismes également chargés de la promotion territoriale ou de l’innovation.

Si les dispositifs et les moyens diffèrent sensiblement au niveau de chaque région, ce qui peut troubler la perception première d’interlocuteurs étrangers, le cadre régional est néanmoins le mieux adapté pour fédérer des ambitions locales ou sectorielles. La valorisation de l’attractivité régionale permet de mieux cibler les atouts locaux tant pour les premières implantations, les extensions de sites ou les reprises d’activités.

Au cours de son audition par la mission, M. Pierre de Saintignon, Premier vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais chargé du développement économique, des nouvelles technologies et de la formation permanente, a cependant émis des réserves sur l’action de l’AFII, en regrettant que le taux de concrétisation des projets adressés par l’AFII soit, concernant sa région, inférieur à 2 %. Toutefois, le dynamisme du Nord-Pas-de-Calais ne s’est pas démenti puisque les investissements étrangers y représentent quelque 1 500 établissements employant plus de 90 000 salariés. L’attractivité de la région reste forte : avec plus de 55 000 emplois créés au cours des vingt dernières années, elle est la troisième destination régionale des IDE, derrière l’Île-de-France et Rhône-Alpes mais devant PACA et Midi-Pyrénées. En fait, la région a pris en main cette question en créant Nord France Invest, une agence de développement économique qui fonde ses actions dans le cadre d’un réseau rassemblant quatorze opérateurs locaux et notamment les chambres de commerce et les services « Économie » des principales agglomérations. Le mode de fonctionnement du réseau est régi par une Charte de partenariat pluriannuelle. L’objectif qui s’inscrit en cohérence avec le Schéma régional de développement économique (SRDE) vise à mailler l’ensemble de la région, sans doublons entre les différents acteurs. Deux axes sont privilégiés : d’une part, il s’agit de planifier de la manière la plus cohérente possible les actions de prospection internationale qui seront conduites par les membres du réseau et, d’autre part, d’élaborer les « offres » transmises aux prospects étrangers. À cet égard, Nord France Invest valorise la présentation de ses actions en utilisant les réseaux sociaux sur Internet.

L’ingénierie et l’articulation entre le niveau régional et les acteurs locaux, telles que mises en œuvre en Nord-Pas-de-Calais, sont régulièrement citées comme des références à l’échelle nationale. En témoignent de récents succès dans les secteurs du numérique et des éco-activités.

En dépit d’un bilan qu’ils jugent assez peu favorable de la coopération jusqu’à présent entretenue avec l’AFII, MM. Pierre de Saintignon et Yann Pitollet, directeur général de Nord France Invest, ne récusent pas toute coopération sur le volet « Attractivité » avec la structure qui résultera de la fusion entre Ubifrance et l’AFII, en souhaitant même une intensification des relations au travers de l’organisation de séminaires destinés aux investisseurs étrangers, de voyages de presse dans la région, de conférences à l’étranger etc. Mais, à l’expérience, l’identification des projets et les termes du dialogue à établir avec des investisseurs potentiels, leur semblent devoir être prioritairement traités par les acteurs les plus proches du terrain.

Deux succès industriels récents illustrent la qualité des démarches entreprises dès lors que l’on constate une forte implication des acteurs locaux, comme c’est notamment le cas en Alsace et dans le Nord-Pas-de-Calais.

Le premier concerne un projet gagné par la France auprès du groupe américain de l’agroalimentaire Mars. La mission a d’ailleurs auditionné la direction française de l’entreprise Mars Food France. Notre pays était en compétition avec la Pologne pour recevoir un investissement d’extension de capacités, car l’entreprise disposait déjà d’un centre de production de sa branche « Chocolats » dans chaque pays. Après une étude approfondie, Mars a retenu l’usine d’Haguenau, en dépit d’un coût de main-d’œuvre plus élevé. C’est une forte mobilisation au niveau local, notamment de la part des salariés après une concertation conduite par la direction française sur la structure des coûts et les processs, qui a permis ce succès. Les capacités de modernisation et de productivité de l’usine ont ainsi été démontrées, y compris pour réduire l’empreinte carbone (réduction de 60 % des émissions de gaz à effets de serre), ce site de fabrication se voulant exemplaire en ce domaine.

Le second exemple est le renforcement de la présence en France de Kubota Corporation, un important constructeur japonais de tracteurs. Après l’identification de ce projet et un long processus d’analyse, la concurrence de l’Allemagne puis des Pays-Bas (ce pays avait initialement les faveurs de Kubota) a pu être contrée afin de créer 140 emplois sur le site de Dunkerque (Nord) au titre d’un investissement de quelque 40 millions d’euros.

Ces résultats montrent qu’il n’y a aucune de fatalité à perdre des emplois, notamment industriels. L’activité créatrice peut se développer dans les territoires qui assument des efforts en faveur de la modernisation des outils de production et, plus généralement, de l’environnement économique. Tous les interlocuteurs qui ont relaté à la mission une expérience réussie concernant une nouvelle installation ou une extension de capacités sur un site existant ont souligné l’importance de l’écoute et de l’accompagnement de la part des élus et des administrations (préfets et sous-préfets, conseils régionaux, services déconcentrés de l’État). L’implication, au niveau local, de ces responsables a grandement permis de dépasser la complexité de certaines procédures administratives car ils ont un rôle essentiel de « facilitateurs ».

La mission d’information a également reçu Mme Audrey Larderet, directrice des financements, investissements internationaux et partenariats de l’Entreprise Rhône-Alpes International (ERAI) et Mme Myriam Debes, responsable de son service des investissements.

L’ERAI, association de la loi de 1901, a été créée en 1987 afin de remédier à un déficit d’accompagnement des entreprises sur la scène internationale. Elle compte 150 collaborateurs, à Lyon et à l’étranger et 20 pays sont liés avec cette région par des accords de coopération institutionnelle. Depuis dix ans, elle accompagne les entreprises françaises désireuses de s’installer à l’étranger et elle identifie et accompagne les investisseurs potentiels dans la région Rhône-Alpes.

L’accompagnement des entreprises qui souhaitent se développer à l’international a lieu à la fois au plan national grâce à l’action d’Ubifrance, notamment par la réalisation d’études de marché et l’offre d’un continuum de services aux entreprises intéressées, ainsi qu’au niveau régional. ERAI a développé un incubateur au service des entreprises françaises désireuses de s’implanter à l’étranger. Étant donné la difficulté de la démarche pour certaines d’entre elles, une aide s’avère nécessaire : ainsi la société reste présente au sein de l’incubateur pendant un ou deux ans avant de créer sa filiale ; les chambres de commerce et d’industries proposent également des soutiens de ce type. Avant cette étape, il peut être envisagé d’externaliser des forces en installant un chargé d’affaires à l’étranger.

S’agissant de l’identification des investisseurs potentiels, un autre pan d’activité de la structure, ERAI travaille également en partenariat avec Ubifrance, au niveau national. La coopération internationale est le facteur clé du développement à l’étranger : ERAI participe, en outre, aux salons internationaux pour identifier les entreprises étrangères porteuses d’un projet. Elle est le vecteur d’une nécessaire diplomatie économique sur la scène internationale, comme en témoigne sa coopération avec Shanghai, où elle a mis en place une équipe d’une trentaine de personnes.

Pour la promotion de l’attractivité du territoire, ERAI a un statut de correspondant officiel de l’AFII, à laquelle elle est d’ailleurs liée par une convention renouvelable tous les six ans (jusqu’en 2020 pour celle en cours) qui définit leurs objectifs communs ainsi que les modalités de leur partenariat et elle joue le rôle de relais pour le Comité d’orientation de partenariat économique (COSPE) entre l’AFII et les agences régionales de développement économique. Les interlocutrices du rapporteur ont jugé bonnes les relations avec l’AFII. Toutefois, la convention devra être revue à la lumière de la fusion avec Ubifrance, en veillant à la rationalisation des actions dans un contexte susceptible d’encourir un risque de diminution des moyens. ERAI travaille avec l’ensemble des acteurs territoriaux, en privilégiant la dimension sectorielle. L’objectif est de d’accompagner l’investisseur de manière opérationnelle. Attirer les entreprises étrangères suppose une démarche « pro-active » en fonction de la chaîne de valeur de la région et du chaînon manquant. Celui-ci est identifié en lien avec les pôles de compétitivité et les clusters, ce qui permet ensuite l’action de prospection. La prospection en propre telle que menée par ERAI lui permet d’avoir la maîtrise de ses choix et d’écarter notamment les investissements de type LBO (Leverage buy out). En outre, les échanges menés avec les autres régions permettent de connaître éventuellement leur avis négatif sur un projet d’investissement dont elles auraient été saisies.

ERAI oriente plus particulièrement son action sur le couple « secteur/marché » afin d’apprécier l’élément paraissant le plus performant, notamment au titre du plan régional d’internationalisation des entreprises. Chaque région a une stratégie appelée à prendre en compte les 34 plans de reconquête industrielle car la stratégie établie tant au niveau européen que national se décline ensuite au niveau régional.

Elle accompagne ensuite les entreprises à chaque étape de leur implantation, en les conseillant au mieux sur les compétences du territoire. Elle les met en relation non seulement avec les pôles de compétitivité et les clusters régionaux qui ont aussi un rôle à jouer à ce stade, mais aussi avec l’ensemble des acteurs qui peuvent être concernés. ERAI a notamment créé deux clubs d’affaires, l’un de 50 membres rassemblant les entreprises canadiennes, l’autre de 100 membres pour les entreprises japonaises, afin de les conseiller dans leur implantation, ce qui est d’autant plus important si le siège européen est prévu à Lyon. Enfin, elle collabore avec les agences de développement économique afin d’identifier les sites d’excellence et l’offre immobilière.

ERAI collabore, en outre, avec des agences d’autres régions, organise des réunions mensuelles, ainsi que des rencontres sur le thème de l’attractivité, en particulier dans le cadre de forums annuels des agences régionales de développement, notamment pour attirer les entreprises étrangères, dont le dernier s’est déroulé à Lyon. De nouvelles réflexions devront accompagner la réforme territoriale avec la diminution du nombre des régions. La complémentarité entre les régions s’achève lors du choix final de l’implantation et fait alors place à la concurrence. ERAI a ainsi permis la création de quelque 4 000 emplois en 2013 ; si le nombre de projets menés à bien a décru, ils ont été plus créateurs d’emplois et plus riches en valeur ajoutée que précédemment.

Des réflexions sont en cours. Un travail sur l’échange des savoir-faire a été mis en œuvre. Il s’agit pour ERAI de trouver de la cohérence entre des métiers très différents, tels que la promotion de l’attractivité du territoire et l’aide à l’implantation à l’étranger : il a été décidé de mettre l’accent sur l’aspect sectoriel, qui est le lien entre les deux. ERAI s’est déclaré prêt à contribuer à des études qui pourraient être menées au niveau national ; d’ailleurs des groupes de travail ont été constitués par l’AFII. La nouvelle agence qui englobera les activités de l’AFII aura donc vocation à accompagner mais aussi à structurer les démarches régionales.

À la lumière de ses rencontres avec des acteurs locaux représentatifs, votre rapporteur estime que les formations pour les métiers de l’attractivité, dont les structures régionales ont un besoin croissant, doivent etre développées – ce type de formation est en particulier dispensé dans les mastères « Affaires internationales ».

La qualité des infrastructures françaises à juste titre fréquemment soulignée.

Il s’agit d’un atout qui bénéficie à l’ensemble des acteurs économiques et qui s’avère tout fait déterminant pour des investissements étrangers. Le niveau et l’adaptation des réseaux routiers, ferroviaires comme des complexes aéroportuaires mais aussi portuaires supposent de très lourds investissements auxquels il importe de consacrer une permanence de l’effort pour offrir le meilleur maillage logistique. S’agissant des transports collectifs, l’amélioration de leur fluidité apporte une amélioration de la qualité de vie des usagers donc au bénéfice des salariés pour leurs déplacements « domicile-travail », mais il convient aussi de ne pas oublier l’impact positif de cet apport en termes de compétitivité économique.

Plus généralement, M. le professeur Yves Crozet, spécialiste des études relatives aux infrastructures et ancien directeur du Laboratoire d’économie des transports (LET) a particulièrement insisté devant la mission sur l’importance du mix entre les infrastructures de transport et les services qui leur sont liés, un facteur très positif concernant nos plateformes logistiques routières (en nombre comme en qualité) mais moins évident dans d’autres domaines. La qualité et le coût d’usage du fret ferroviaire, de la voie d’eau et de nos ports appellent en effet une intensification des soutiens au demeurant « payants » à terme. À l’image du développement du site aéroportuaire de Roissy qui, par exemple, bénéficie de la présence de sociétés internationales de la livraison express (FedEx, UPS, DHL etc.) qui ont choisi d’y implanter des plateformes à vocation européenne en créant des emplois pour des opérations de groupage et de dégroupage. En outre, la récente décision gouvernementale visant à relancer la liaison fluviale Seine-Nord (entre Compiègne et Arras) va évidemment dans le bon sens. Mais il convient d’engager un redressement significatif sur certains des aspects du fret ferroviaire en conservant des sillons correspondant aux besoins des industriels et aussi en participant au financement de la régénération d’embranchements menant aux usines, ce à quoi RFF s’est montré réticent, comme l’ont indiqué des interlocuteurs de la mission, en soulignant que des pays voisins faisaient plus et mieux en ce domaine.

Votre rapporteur considère que le facteur « logistique » qui structure la chaine de valeur et constitue un élément clé de la circulation du capital productif ne saurait être sous-estimé en tant que facteur déterminant de la compétitivité, au motif qu’il est couramment admis, de manière sans doute un peu trop optimiste, que la France a de longue date acquis un avantage supposé définitif grâce à ses infrastructures de transports.

À l’occasion de leur audition par la mission, le 16 septembre 2014, les dirigeants de Toyota France ont notamment indiqué que pour la production d’un modèle comme la Yaris à l’usine d’Onnaing-Valenciennes, les coûts logistiques pèsent quasiment autant que les coûts salariaux du fait des schémas d’organisation et de production les plus modernes. Cette réalité de l’industrie d’aujourd’hui, encore souvent méconnue, mérite d’être considérée avec attention.

Les objectifs fixés par le Gouvernement en matière d’IDE sont atteignables mais à la condition toutefois de lutter contre certains préjugés ou idées reçues tenaces. L’opinion française émet d’ailleurs des appréciations critiques sur le contexte économique français que les entreprises étrangères ne partagent pas forcément.

Nombreux sont, en effet, les rapports, les études, voire les sondages réalisés auprès de décideurs qui donnent lieu, plusieurs fois par an, à des publications assez largement commentées par la presse. Différents classements par pays mais aussi par grandes métropoles sont ainsi diffusés. Les plus importants cabinets de conseil tiennent à apporter une contribution en la matière ; le thème de l’attractivité paraissant même pour certains constituer un « produit d’appel » ou de communication censé valoriser leur savoir-faire. De tels travaux par nature macroéconomiques et fondés sur la production d’indicateurs globaux ne sont pas pour autant inutiles. Mais les champs d’investigation et les méthodologies retenus diffèrent trop pour qu’il soit possible d’en tirer des conclusions assurément certaines à court et moyen termes.

En fait, beaucoup des travaux ainsi conduits s’attachent à considérer une notion assez générale donc imprécise, celle du « climat des affaires », plutôt qu’à mesurer les déterminants objectifs de l’attractivité d’un territoire dans sa pleine dimension économique et sociale.

Une approche micro économique de l’attractivité pourrait sans doute être retenue en comparant les taux de rentabilité à moyen et long termes d’activités étroitement comparables pour un investissement donné et quantifié en considérant les différents sites potentiellement retenus.

Il s’agit là de travaux qui supposent une évaluation la plus fine possible des conditions concrètes de fonctionnement de chaque projet. Une telle démarche rencontre cependant des difficultés de réalisation puis d’interprétation comme l’avait indiqué, il y quelques années, M. Fabrice Hatem dans une étude pour l’AFII : « Cet exercice présente l’avantage de prendre en compte de manière très précise et réaliste les conditions concrètes de l’investissement et d’exploitation d’un projet donné. Par contre, il a l’inconvénient symétrique de ne pas aboutir directement à un diagnostic général sur l’attractivité territoriale, puisque seuls des cas particuliers sont étudiés. Cette limite peut cependant être surmontée en évaluant les conditions de rentabilité d’un panel de projets individuels suffisamment large et représentatif. On utilise pour cela des bases de données détaillant les principaux coûts en fonction des lieux de localisation potentiels afin d’évaluer, à travers un business plan stylisé, la rentabilité escomptée de chaque projet pour chacun des différents sites en compétition. Les résultats ainsi obtenus peuvent être éventuellement agrégés pour obtenir les classements des différents territoires et/ou sites d’accueil potentiel en fonction de la rentabilité escomptée en moyenne pour l’ensemble des projets considérés ».

Force et de constater que la méthode, qui d’ailleurs ne concerne pas exclusivement les investissements internationaux, repose sur des postulats pouvant être contestés et qu’elle sous-tend, par bien des aspects, un travail de construction théorique (modélisation) dont certains éléments s’apparentent plus à des données conventionnelles que véritablement objectives donc incontestables.

Quoi qu’il en soit, votre rapporteur a retenu, sans prétendre à l’exhaustivité au regard de la multiplicité de l’information disponible, différents indicateurs dont il lui a paru possible d’apprécier les grands traits d’évolution dans le temps.

En premier lieu, il convient de considérer la série de données analysées par le cabinet E Y (ex Ernst &Young) au travers de son « Baromètre de l’attractivité » qui repose sur un sondage réalisé par l’institut CSA (2) mais qui permet d’entrevoir les lignes de forces et de faiblesses du « site France ». D’autant qu’E Y tient compte de certains éléments collectés par des entités publiques comme l’AFII et Bpifrance. De plus, E Y recense tous les projets d’IDE (« European Investment Monitor » ou « EIM ») sur l’ensemble du territoire européen, un travail qui permet des comparaisons sur une période longue.

Dans ses conclusions, le Baromètre 2014 d’E Y constate une certaine érosion de l’attractivité de la France et pose une question essentielle : «… la France peut-elle se contenter d’un rang qui ne la positionne ni dans le camp des gagnants ni dans le camp des perdants ? ».

En effet, la France semble en position plus défensive qu’offensive, en faisant surtout valoir ses capacités de résilience, au point que l’étude d’E Y parle d’une « économie airbag » qui caractériserait notre pays.

Plus généralement, les statistiques pour l’année 2013 confirment que les IDE repartent effectivement à la hausse dans le monde (après un net creux au plus fort de la crise financière) avec cependant une notable redistribution des masses d’IDE entre grandes zones économiques. Si les pays de l’Union européenne ont quelque peu profité de cette relance des IDE, il est exact qu’en termes de flux, la France semble décrocher en 2013, par rapport au Royaume-Uni, à l’Espagne et à l’Allemagne, un pays qui avait enregistré, en 2012, un résultat anormalement faible pour ses IDE « entrants » (13,2 milliards de dollars contre 59,3 l’année précédente et 26,7 en 2013). Selon les sources et les grilles de lecture, certains éléments d’optimisme demeurent néanmoins.

En se gardant de focaliser l’attention sur des fluctuations ou des ressauts purement circonstanciels d’une année à l’autre (une volatilité fortement médiatisée mais qui concerne régulièrement tous les grands pays), la France reste en effet dans le peloton de tête. Elle demeurerait même la première destination en Europe pour les investissements étrangers industriels. Toutefois, cette donnée qui résulte du « Baromètre de l’attractivité de la France » publié par E Y doit être relativisée. Ce Baromètre a en effet recensé 166 projets relatifs à des IDE à vocation industrielle pour l’année 2013, enregistrant ainsi une progression par rapport à l’année précédente qui ne comptait que 127 projets de cette nature. Cette apparente première place dans l’industrie n’est cependant pas génératrice d’autant d’emplois que dans d’autres pays. Car en occupant le premier rang en termes de projets, la France est pourtant distancée, selon E Y, par sept pays européens en termes de créations d’emplois industriels résultant d’IDE !

Avec une huitième place correspondant néanmoins à 4 806 emplois créés, la France ne peut donc être véritablement considérée en tant que premier pays destinataire des IDE à vocation industrielle en Europe.

Le Baromètre d’E Y confirme que la France conserve néanmoins la troisième place européenne pour le nombre total de projets d’implantations nouvelles et d’extensions avec 514 projets au total (+ 43 projets par rapport à 2012) mais ne fait que juste rattraper le niveau atteint en 2010, sans toutefois retrouver la deuxième place des destinations européennes qu’elle avait occupée jusqu’à cette date, car l’écart se creuse effectivement avec le Royaume Uni (799 projets au total, + 15 %) de même qu’avec l’Allemagne (701 projets,
+ 12 %). Vis-à-vis des pays émergents (BRIC), avec 19 projets d’implantation en 2013, la France est très loin de l’Allemagne (107 projets ayant cette origine) et du Royaume-Uni (87 projets).

Avec 127 projets à destination de la France comptabilisés par E Y ou 149 recensés par l’AFII, les États-Unis représentent toujours le quart ou un peu moins de 20 % des IDE « entrants » à caractère industriel ou commercial. Selon EY, les implantations et extensions d’activité d’origine externe ont concerné, pour 2013, un total de 14 122 emplois (+ 3 500 par rapport à 2012). Ce chiffre doit être rapporté aux résultats globalement constatés à l’échelle du continent (42 pays européens sont pris en compte par E Y). Au titre d’une année 2013 pouvant être qualifiée de favorable aux investissements étrangers à destination de l’Europe, 3 955 projets ont été globalement recensés, ils ont concerné près de 165 000 emplois.

Source : E Y, « Baromètre de l’attractivité de la France » 2014, page 4.

Pour sa part, le cabinet international de conseil en stratégie, A T Kearney, publie le Foreign Direct Investment Index présenté en tant que Baromètre annuel de comparaison entre les pays les plus propices à l’accueil d’IDE dans les trois années à venir.

Cet autre Baromètre résulte de l’opinion de 300 dirigeants d’entreprises répartis entre 26 pays. Au titre de son dernier rapport (« Ready for Takeoff » publié en juin 2014), A T Kearney insiste sur une « remontée » de la France qui pour la première fois depuis 2005, s’inscrit dans le « Top 10 » mondial des pays considérés parmi les plus favorables aux IDE. Avec cette dixième place (12e en 2013 et 17e en 2012), la France paraît ainsi améliorer sa position parmi les pays européens, après le Royaume-Uni au quatrième rang et l’Allemagne à la sixième position mais devant la Suisse (14e), la Suède (16e), l’Espagne (18e) et l’Italie (20e). Selon A T Kearney, notre pays occupe même le 7e rang pour les investissements directs des secteurs de l’industrie légère et la 8e position s’agissant des services non financiers.

Les trois premiers pays dans le classement d’A T Kearney sont les États-Unis, la Chine et le Canada ; en 2013, la Chine a perdu au bénéfice des États-Unis la première place qu’elle avait occupée de 2002 à 2012.

Le classement établi par A T Kearney semble rétrospectivement validé puisque depuis l’origine (1997), les dix premiers pays ont attiré chaque année 50 % ou plus des investissements directs étrangers mondiaux dans les douze mois ayant suivi la publication. Pour A T Kearney (page 17 du rapport 2014) : « La France retrouve sa place dans le Top 10 cette année, alors que le pays engage un effort de réforme ambitieux mais politiquement difficile pour renforcer sa compétitivité, notamment en améliorant l’efficacité de la dépense publique, la prise en compte des impératifs de coûts par le système de santé et en simplifiant les processus administratifs ».

Source : Document de Synthèse (page 3) du Bilan 2013 des investissements étrangers créateurs d’emploi. AFII.

DEUXIÈME PARTIE : LE RÔLE MOTEUR DES IDE DANS LE SYSTÈME DE PRODUCTION DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

Les flux « sortants » sont une des marques de compétitivité de notre économie, et les flux « entrants », une des marques de son attractivité. Ces derniers ont un impact profond sur le territoire, et les opérations d’accueil des IDE revêtent un caractère stratégique. Des organisations (AFII, Ubifrance…) et des institutions territoriales qui les portent, dépendent les conditions de réussite des flux, c’est-à-dire leur impact positif sur l’économie réelle en termes de production de richesse et de création d’emplois durables. Dans ces opérations d’accueil, les régions jouent un rôle de premier plan.

Les IDE réussis sont ceux dont les investisseurs s’appuient sur un puissant triptyque MÉTIERS / VALEURS / AMBITIONS et qui rencontrent un territoire porteur du même triptyque. Les valeurs qui soutiennent les flux doivent bénéficier d’une « atmosphère positive », pouvoir espérer trouver un territoire de projet, tel qu’on peut l’identifier, par exemple, dans les « pôles de compétitivité ». Ce soin apporté aux conditions d’accueil permet de distinguer les flux « prédateurs » (principalement financiers et à court terme) des flux « vertueux », et de faire en sorte que les IDE jouent un rôle moteur dans le système de production de l’économie française. Dans un contexte d’incertitude et de risque, où les marges de manœuvre pour agir sont limitées mais pas inexistantes, l’« IDE réel » trouve sa pertinence dans l’économie réelle, et sa légitimité dans un EFFET MULTIPLICATEUR qui contribue à la transformation comme à la réindustrialisation du pays. C’est ainsi que l’on peut envisager un prolongement et une traduction opérationnelle du décret N° 2014-479 du 24 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable.

A. UNE RÉELLE NÉCESSITÉ POUR LA FRANCE D’APPRIVOISER LA MONDIALISATION POUR ATTIRER DE NOUVEAUX IDE DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL DE CONCURRENCE EXACERBÉE

Force est de constater que les investissements étrangers, qu’ils soient minoritaires ou non, sont d’une importance quasi vitale pour les groupes du CAC 40 qui, il est vrai, réalisent près de 70 % de leurs activités et comptent également les deux tiers de leurs salariés hors de France. Ainsi, la part du capital des principaux groupes du CAC 40 détenue par des intérêts étrangers s’élevait à 46,7 %, à la fin 2013 (niveau atteint en excluant ArcelorMittal, Airbus Group, Gemalto et Solvay).

Cette montée des intérêts étrangers est en progression rapide : la « part étrangère » était de 41,9 % au terme de l’année 2010.

Elle est principalement le fait d’investisseurs institutionnels mais aussi de « hedge funds ». La part de détention des non-résidents s’élève d’ailleurs à près de 30 % pour l’ensemble des quelque 850 sociétés françaises cotées.

Certes, les fonds souverains (Sovereign wealth funds ou SWFs) et les fonds de pensions sont apparemment encore peu actifs pour acquérir « en direct » ou créer des entreprises en France. Mais au regard du poids qu’ils ont désormais atteint dans le capital des sociétés françaises cotées, leur influence pourrait s’avérer importante dans les stratégies de certains groupes concernant leurs choix d’implantation ou d’extension d’activités donc susceptibles d’avoir des conséquences sur des sites français et parfois à leurs dépens ; ce phénomène qui sous-tend la question des grands arbitrages industriels appelle une réflexion approfondie et des études économiques restent sans doute à conduire sur ce thème.

La CNUCED recense 73 fonds souverains. Selon les statistiques de l’institution, ils n’auraient participé en 2012 qu’à hauteur de 20 milliards de dollars aux IDE, alors que les actifs combinés dans le monde de ces fonds sont évalués à au moins 5 500 milliards de dollars, ce qui représente une réserve considérable de croissance. La CNUCED souhaiterait la voir employée dans des pays en développement plutôt que dans des économies développées auxquelles plus de 70 % des IDE de ces fonds sont encore destinés, tout en la réorientant vers la production alors qu’ils privilégient les secteurs financiers (en s’associant souvent à des structures de private équity) de même que l’immobilier ou les services.

Le poids des intérêts étrangers dans le capital des grands groupes français accroit sans doute leur vulnérabilité aux « raids » ou plus exactement aux « campagnes » des fonds dits activistes nord-américains ou européens (le plus actif en Europe est le fonds d’origine suédoise Cevian Capital). Ces fonds activistes, qu’il convient de distinguer des fonds souverains, relèvent de la catégorie des investisseurs de la gestion alternative. Ils ciblent des sociétés dont ils estiment le parcours boursier en situation de sous-performance pour prendre des participations minoritaires leur permettant d’agir. Sans rechercher à prendre le contrôle des sociétés visées donc en ne se plaçant pas dans l’optique d’une OPA, les fonds activistes font pression sur les sociétés cibles pour qu’elles fusionnent, cèdent des filiales ou encore changent leur direction afin d’améliorer rapidement la performance du titre. Ces fonds ont pour but de créer de la valeur à très court terme mais en fait déstabilisent profondément les groupes qui sont l’objet de leur activisme. Après qu’ils aient pris leurs bénéfices en vendant des participations au moment le plus opportun, leurs passages laissent fréquemment les groupes concernés dans des situations difficiles qui, en réalité, se caractérisent par une destruction de valeur à long terme. Depuis deux ans, on assiste à une montée en puissance de ces fonds activistes. En 2013, les entreprises françaises ont représenté la deuxième cible européenne de ces fonds, après les entreprises du Royaume-Uni, selon une récente étude de la banque JP Morgan.

Une double problématique peut par ailleurs être posée : sur les éventuels transferts des centres de décision qui risquent d’induire une délocalisation des stratégies voire des délocalisations encore plus massives et aussi sur le rachat des fleurons technologiques, ce qui met notamment en cause la question de la sauvegarde des brevets.

À cet égard, l’inquiétude des salariés peut être renforcée par les transferts « spontanés » d’états-majors de grands groupes français internationalisés, un mouvement amorcé par le PDG de Schneider Electric, installé à Hongkong depuis 2011, d’ailleurs suivi par le N° 2 du groupe installé à Londres au cours de l’année 2014. Un seul des quinze membres de la direction générale de cette entreprise du CAC 40 resterait à Paris après ce dernier départ (3! La confirmation de cette inclinaison au point de devenir une tendance pourrait générer, à tout le moins, le risque d’une certaine distanciation dans la prise de décision des managements.

B. DES MARGES DE MANœUVRE LIMITÉES MAIS RÉELLES POUR AGIR ET ACCUEILLIR LES IDE VERTUEUX DONT LA FRANCE A BESOIN

Comme tous les pays développés, la France est contrainte d’agir dans un cadre désormais bien circonscrit par ses engagements internationaux (OCDE, OMC) et de principes comme la liberté de circulation des capitaux mais aussi les règles de la concurrence telles qu’énoncées et interprétées par l’Union européenne. Il n’en existe pas moins un fort besoin structurel en investissements étrangers, dès lors que l’épargne française reste insuffisamment orientée vers l’industrie et le développement des nouvelles technologies.

Le renforcement des règles prudentielles assignées au secteur financier, postérieurement à la crise ouverte en 2007, a eu un effet cumulatif. Il a sans doute accentué la tendance à la frilosité des grands acteurs financiers à l’égard de l’investissement productif. En exigeant un renforcement des fonds propres des banques et des compagnies d’assurances, les nouvelles réglementations prudentielles (Bâle III et Solvabilité II) restreignent nécessairement leur rôle traditionnel de pourvoyeur de capital investissement. Cet effet induit aurait-il été plus puissant en France que dans des pays comparables et même voisins ? La question mérite d’être posée.

Toutefois certains grands investisseurs, tels que les fonds souverains, qui recouraient principalement aux banques anglo-saxonnes (dont ils avaient parfois pris des participations à leur capital), ont subi des revers et sont à la recherche d’autres modes d’intermédiation et de pénétration des marchés. Un « créneau » permettant de prendre le relais s’est ainsi ouvert pour de nouveaux partenariats de long terme notamment avec des institutions comme la Caisse des dépôts dont l’activité repose sur des fonds propres solides.

Combiné à la crise des financements partiellement surmontée par une réflexion sur le drainage de l’épargne et le recours aux fonds souverains, le processus de désindustrialisation du pays et d’une partie de l’Europe est une donnée structurelle à prendre en compte.

Ce processus frappe la France depuis près de trois décennies. Une accélération du phénomène est même constatée. Il est probable que les IDE ne pourront, à eux seuls, redresser la situation et engager un rattrapage significatif vis-à-vis de pays comparables.

Les activités industrielles représentent désormais environ 12 % du PIB contre près de 22 % en Allemagne. En Europe, ce niveau place désormais notre pays derrière l’Italie ou l’Espagne et, depuis 2009, le Royaume-Uni, un pays qui semble connaître une renaissance industrielle, il est vrai après avoir subi un effondrement de certaines activités. L’amélioration permanente de la capacité d’accueil aux investissements étrangers est un objectif délibérément assumé par le gouvernement britannique. Le succès s’est notamment révélé dans l’industrie automobile redevenue créatrice d’emplois alors qu’il n’existe plus aucun grand constructeur véritablement national (implantations de Toyota et de Nissan, rachat de Rover par BMW et des « fleurons » Jaguar et Land Rover par le groupe indien Tata Motors).

Le Royaume-Uni bénéficie de façon durable d’une tendance favorable : sur une période de 6 ans (de 2004 à 2009), les IDE « entrants » dans ce pays, ont été systématiquement plus élevés que ceux constatés pour la France mais également pour l’Allemagne. L’agence gouvernementale UK Trade & Investment (UKTI) dont la mission est d’aider les entreprises à s’implanter au Royaume-Uni, a publié des résultats très positifs pour la période de mars 2013 à mars 2014. En incluant les joint-ventures, les IDE ont, au cours des douze mois, assuré la création de 66 390 emplois (soit + 12 % par rapport à la précédente période comparable) et ont permis d’en sauvegarder 44 971 autres, soit 111 361 emplois au total. Les investissements s’orientent d’abord vers les industries de pointe et les nouvelles technologies, puis vers l’énergie et la finance. Sur cette période récente d’une année complète, les pays qui ont conduit le plus grand nombre de projets d’investissement au Royaume-Uni sont les États-Unis (23 424 emplois créés) puis le Japon (3 040 emplois créés) immédiatement suivi par la France qui occupe désormais le troisième rang des pays investisseurs outre-Manche avec 110 projets (+ 18 %) représentant 4 813 postes créés, soit, au cours d’une année, soit plus d’emplois créés que le Japon.

Même si entre 2000 et 2007, la part relative de l’industrie dans la valeur ajoutée (à prix constants) a augmenté de 4 % aux États-Unis et de 6 % en Allemagne, il convient néanmoins de ne pas se limiter à des comparaisons trop globales qui porteraient exclusivement, pays par pays, sur les parts respectives de l’industrie dans les PIB marchands. Plusieurs critères essentiels doivent être retenus pour affiner les comparaisons.

Il en est ainsi de la capacité exportatrice des principaux secteurs-clés, des gains de productivité constatés au sein de chaque branche manufacturière, de la part des ressources énergétiques et de leurs coûts d’accès pour chaque activité concernée, du degré d’innovation dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’offre produits », de la participation des secteurs du numérique et des services directement associés, de la modernisation de l’appareil de production et notamment la progression de la robotique dans les process.

Sur ce point, le retard français par rapport à l’Allemagne serait à nuancer à la lecture d’une étude récente (juillet 2014). Alors que les chiffres globaux (162 000 robots en Allemagne contre 34 000 environ en France), sont souvent avancés pour illustrer un sous-investissement chronique donc défavorable à nos industries, le cabinet Roland Berger précise quelque peu cette différence au travers de données sectorielles. Le taux de robotisation (nombre de robots installés pour 10 000 salariés) est effectivement de 89 en France contre 125 outre-Rhin. Mais les écarts varient selon les secteurs. Dans l’automobile, le taux pour 10 000 salariés est de 755 robots installés dans les usines allemandes et de 695 en France, soit une différence relativement faible de 9 %, alors que pour les industries agroalimentaires et des métaux, les écarts atteignent respectivement 55 % et 85 % en défaveur de la France.

Une étude récente du Conseil d’analyse économique (« Pas d’industrie, pas d’avenir ? » ; juin 2014) montre que la nature des activités industrielles a été profondément modifiée puisqu’elle intègre désormais de plus en plus de services : de la conception d’un produit au marketing le concernant. L’industrie nouvelle conserve fréquemment la propriété industrielle sur une production qu’elle peut donner à faire à d’autres intervenants tout en développant ses aptitudes à conforter ultérieurement ses droits sur cette production.

Un fort volontarisme doit demeurer si l’on souhaite mettre en œuvre une politique industrielle dont la concrétisation s’effectuera selon un nouveau maillage sectoriel et territorial qui, sauf quelques exceptions, ne relèvera plus exactement de la mystique de l’implantation de grandes usines qui a prévalu, pendant des années. Un objectif qui a longtemps été l’une des missions premières de la Datar mais son action a été réorientée vers d’autres politiques.

Au cours de son audition, M. Cousquer (cabinet Trendeo) a clairement exprimé ses doutes sur l’hypothèse de voir régulièrement se renouveler des implantations totalement nouvelles et aussi importantes, dans le secteur emblématique de l’automobile, que l’usine de Hambach (Moselle) dans laquelle Daimler Benz a concentré la production de la gamme Smart et l’usine Toyota d’Onnaing-Valenciennes (Nord) qui vise une production de 220 000 véhicules pour l’année 2014. Les décisions d’implantation sur ces deux sites rassemblant respectivement 1500 et 4000 salariés (auxquels s’ajoutent au moins 800 emplois d’équipementiers dans la région Nord-Pas de Calais) remontent effectivement à plus de quinze ans.

Leur développement a été grandement bénéfique pour les territoires concernés mais aussi pour l’activité automobile dans son ensemble. D’ailleurs, Renault a en effet décidé de se rapprocher de Smart afin de définir une nouvelle génération de petits modèles. Les activités françaises de Toyota pourraient même, pour une part, bénéficier d’une nouvelle coopération sur les « véhicules verts » conclue avec le groupe allemand BMW qui a toutefois rompu un précédent accord avec PSA concernant ce domaine.

La production à Onnaing du modèle Yaris est à plus d’un titre exemplaire. Destiné principalement aux marchés français et européen, ce véhicule, qui compte une version en faisant la première citadine « full hybrid » au monde, intègre nettement plus de 50 % de ses composants fabriqués en France (il s’agit d’ailleurs du premier modèle labellisé « Origine France garantie »). La Yaris est désormais exportée sur le continent nord-américain à partir de ce site. Cette nouvelle destination représente déjà près d’un mois de production. L’exportation outre-Atlantique a nécessité des investissements supplémentaires afin d’adapter le modèle aux normes américaines. Toyota qui, depuis, 2001, a investi 1,1 milliard d’euros dans cette usine, a su importer en France sa culture industrielle, tout en l’adaptant quelque peu de façon judicieuse, notamment en formant ses opérateurs et en intégrant progressivement les intérimaires, tout en portant un soin particulier à responsabiliser l’ensemble de ses salariés.

– Une perte d’attractivité serait, en effet, dangereuse compte tenu du rôle des IDE dans l’économie française, en termes de croissance et d’emplois. L’INSEE recense plus de 20 000 filiales de groupes étrangers qui représentent près de 1,9 million d’emplois, soit presque 12 % de l’emploi total, hors agriculture et secteurs financiers ou administratifs, soit 1 salarié sur 7.

- Au total, les emplois salariés dépendant de groupes américains s’élèvent à 440 000 en France, ceux de groupes allemands à plus de 300 000 et à 200 000 pour les groupes dépendant du Royaume-Uni comme c’est également le cas des Pays-Bas, alors que les filiales italiennes suisses et belges comptent pour chacune des trois catégories environ 100 000 salariés et 50 000 pour les filiales de groupes espagnols.

– Dans neuf régions, les entreprises sous contrôle étranger réalisent, à elles seules, plus de la moitié (Alsace) ou plus du tiers du chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière (Bourgogne, Centre, Haute-Normandie, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes). Dans quelques situations, il serait même possible de parler d’une dépendance, certes favorable, aux IDE. L’exemple de l’Alsace est tout fait révélateur, y compris pour ce qui concerne les activités commerciales qui représentent 36 % du chiffre d’affaires régional.

– Au cours de ses rencontres avec des entrepreneurs ayant réussi leur implantation en France, votre rapporteur a acquis la conviction que la qualité des équipes locales à la tête des usines est un élément déterminant pour crédibiliser une implantation ou un type d’activité productive vis-à-vis des dirigeants et des actionnaires de groupes étrangers à vocation multinationale.

– Ce rapport témoigne que l’on constate fréquemment, en France, une forte implication et un sens élevé des responsabilités de la part des directions et de l’encadrement français de ces groupes ainsi qu’une réelle capacité à se mobiliser de la part des salariés, notamment lorsqu’il faut démontrer l’opportunité d’un nouvel investissement de capacités sur un site existant. Dans ces conditions, le maintien et l’amélioration de l’attractivité de nos territoires sont des enjeux majeurs pour lesquels il revient de relever certains défis de compétitivité.

Le coût salarial unitaire : meilleur indicateur de compétitivité que le taux de rémunération horaire.

Le coût salarial unitaire (CSU) est un indicateur consistant à rapporter, en termes nominaux, les coûts salariaux, y compris les cotisations sociales des employeurs, aux quantités produites de valeur ajoutée ou à une production sectorielle globale.

L’INSEE et la direction générale du Trésor soulignent l’intérêt de cet indicateur qui tient compte de l’efficience du travail, contrairement au seul énoncé comparatif du coût horaire « chargé », même si les comparaisons des CSU entre pays doivent être considérées avec précaution en fonction des capacités d’exportation et des diversifications sectorielles qui caractérisent chaque économie. Concernant la France, les CSU ont été moins dynamiques dans l’industrie que dans les services marchands dont les gains de productivité sont pourtant généralement plus faibles. En fait, depuis la récession amorcée en 2008, les différents pays européens ont connu des évolutions contrastées de leurs CSU. Pour les entreprises françaises, la compression des marges a permis un maintien relatif de leur « compétitivité-prix » qui s’est d’ailleurs réalisé dans un contexte défavorable d’appréciation de l’euro. Les gains de productivité dans l’industrie manufacturière française sont donc nécessairement appelés à jouer un rôle pivot sur le niveau des CSU, alors qu’en Allemagne ce niveau avait préalablement enregistré une baisse sensible du fait des gains de productivité plus importants dans les principaux secteurs de son industrie.

Le Pacte de compétitivité et de solidarité qui complète certaines mesures déjà progressivement mises en œuvre par le gouvernement (en particulier, le CICE) doit précisément rétablir une quasi équivalence entre les CSU français et allemands, un mouvement qui semble même être dorénavant bien amorcé. Cette tendance est à distinguer de celle observée pour l’Espagne qui, après une longue période de dérapage à la hausse des salaires, a effectivement fait baisser ses CSU dans la période de crise aiguë qu’elle a traversée mais principalement sous les effets des destructions massives d’emplois et d’un profond affaiblissement affectant certains des secteurs de son économie.

Source : Rapport annuel 2013, Investissements étrangers créateurs d’emplois en France, AFII.

Source : Rapport annuel 2013, Investissements étrangers créateurs d’emplois en France, AFII.

Enfin, les mouvements de sièges sociaux et les investissements prédateurs réalisés pour profiter d’opportunités fiscales, constituent une dimension néfaste des IDE qu’il convient également de prendre en compte dans une analyse du rôle moteur de ceux-ci dans l’économie française, et dans la réflexion à mener sur la gouvernance politique et coordonnée.

Le transfert en Suisse du siège social du groupe cimentier constitué après la fusion entre l’entreprise française Lafarge et le groupe helvétique Holcim en est l’illustration la plus récente concernant une opération de rapprochement importante qui a été conclue au cours de l’année 2014. Au titre de la fusion projetée mais cependant inaboutie entre Publicis et l’agence américaine Omnicom, les deux parties avaient prévu d’implanter aux Pays-Bas le siège d’un ensemble qui aurait dû constituer un acteur de rang mondial.

Dans un contexte de véritable « guerre économique », l’implantation des quartiers généraux, c’est-à-dire des centres de décision dont la caractéristique est dorénavant celle d’une réelle mobilité, constitue un enjeu décisif. Cet enjeu dépasse le seul objectif comptable des emplois concernés. Il est même devenu largement indépendant de la qualité et de la dimension du marché intérieur d’un pays donné. Mais contrairement à certaines idées, d’un point de vue strictement fiscal, une partie de la base imposable de l’activité demeure néanmoins en France et, d’ailleurs, au moment du transfert vers l’étranger d’un siège social, l’impôt à payer sur les plus-values latentes peut être élevé.

Il convient donc pour les pouvoirs publics de mieux analyser dans les détails, l’ensemble des motifs qui justifient pour des groupes puissants le transfert ou les changements d’implantation de leur siège. Or, la France connaît effectivement un essoufflement en ce domaine : l’AFII n’a recensé que 5 implantations de quartiers généraux européens en 2013 contre 12 en 2012 et 20 en 2011. Le déterminant fiscal du phénomène restant sans doute un des facteurs les plus décisifs, l’Inspection générale des finances a été saisie d’une étude sur ce point qui appelle, certes, une réflexion prospective mais aussi des propositions concrètes. À cet égard, on ne peut que regretter que l’AFII ne semble pas en capacité de recenser les départs ou les transferts de quartiers généraux à partir de la France et d’analyser, dans chaque cas, les principales causes.

Une récente étude de la Chambre de commerce et d’industrie Paris Ile-de-France montre que deux éléments nouveaux doivent également être considérés au titre des facteurs qui peuvent expliquer une fuite voire un morcellement des centres de décision. Avec les technologies de l’information, le développement de nouveaux outils de communication a pu conduire à un certain degré de démantèlement de chaines de valeurs dans l’entreprise. Par ailleurs, la généralisation des organisations matricielles par fonction et par pays a favorisé l’éclatement géographique de certains comités exécutifs et l’installation de cadres dirigeants hors des bases traditionnelles de leur entreprise.

En matière de restructuration, les enseignements du passé justifient une vigilance de la part des pouvoirs publics. Des fermetures de sites industriels et les pertes d’emplois consécutives ont généré une culture de la méfiance et même de la défiance à l’égard des IDE dont on mesure aujourd’hui les traductions politiques.

Certaines implantations étrangères avaient suscité de grands espoirs au cours des décennies 1980 et 1990, plus particulièrement dans des régions confrontées à un défi de reconversion industrielle.

La désillusion aura été la plus forte avec le conglomérat (chaebol) sud-coréen Daewoo créant puis fermant brutalement trois usines en Lorraine, alors qu’il avait initialement annoncé faire de ses nouvelles implantations la tête de pont de son activité en Europe. Ce groupe reste un contre-exemple absolu car il avait capté d’importantes primes et aides publiques en contrepartie de ses installations. Pour sa part, le géant japonais Sony a également fermé, en 2009, une usine à Pontonx-sur-Adour (Landes) puis cédé à un repreneur sa dernière implantation française de Ribeauvillé en Alsace, non sans avoir préalablement réduit son effectif.

Les malversations ou simplement les erreurs de stratégie n’incombent évidemment pas aux seuls patrons étrangers. La défiance à l’égard des éventuels « chasseurs de primes » ne peut donc se limiter à l’examen de projets d’origine étrangère. Quelques « patrons voyous » existent pourtant. Leurs manœuvres peuvent d’autant moins être contrées et sanctionnées lorsqu’ils savent se protéger des conséquences de leurs actes au-delà de nos frontières.

On citera ainsi l’abandon pur et simple, en 2003, de l’usine Metaleurop de Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), une fonderie de zinc et de plomb qui employait 850 salariés. Ce site avait été racheté par Glencore, une nébuleuse multinationale des matières premières dirigée depuis la Suisse par le milliardaire Marc Rich, qui, sans préavis et en méconnaissant toutes les obligations sociales, a laissé en déshérence une usine nécessairement polluée par des dizaines d’années d’activité industrielle non sans avoir dépecé préalablement certaines parties rentables qui dépendaient de l’entité Metaleurop. Les collectivités territoriales ont lourdement subi les conséquences de cette opération scandaleuse.

Au cours de la décennie 2000, le Nord-Pas-de-Calais a payé un lourd tribut face à l’apprêtée d’autres repreneurs ou encore de fonds d’investissement étrangers. Votre rapporteur peut en témoigner au sein même de sa circonscription avec les contre exemples absolus ayant concerné les usines Samsonite et Sublistatic. Le premier de ses sinistres concerne le bagagiste américain qui avait cédé, en 2005, son usine d’Hénin-Beaumont à des repreneurs malhonnêtes, d’ailleurs condamnés en justice. Le plan de reprise prévoyait un engagement de Samsonite pour la réorientation de l’activité du site et des aides. Les dispositions initialement prévues non jamais été mises en œuvre jusqu’à la fermeture de l’usine. Les anciens salariés tentent aujourd’hui d’obtenir une légitime réparation en justice auprès de Bain Capital, principal actionnaire de Samsonite. Concernant le site de l’entreprise Sublistatic, un leader mondial de l’impression de textiles, des fonds prédateurs ont démantelé la société, à partir de 2007, en vidant l’usine de ses personnels et de ses machines.

Autre exemple, celui du groupe Ascométal qui compte 1 800 salariés et six usines spécialisées dans les aciers longs spéciaux, notamment destinés à l’automobile. Initialement acquis par le sidérurgiste italien Lucchini, ce groupe a été revendu, en 2011, au fonds spéculatif Apollo Global Management coté à Wall Street, qui a financé son acquisition au travers de prêts souscrits auprès de banques américaines (Bank of America et Morgan Stanley), selon des montages ayant eu pour effet d’endetter Ascométal au-delà de ses capacités et de l’amener à déposer son bilan. Le gouvernement a dû intervenir dans l’urgence, en mai 2014, pour bâtir une solution française qui devrait être confortée par Bpifrance.

La prise de contrôle du groupe Arcelor par Mittal Steel, en 2006 a également illustré les difficultés des pouvoirs publics à faire valoir ultérieurement les intérêts industriels de la France, notamment face à la décision de fermeture des hauts fourneaux du site de Florange, un conflit qui a néanmoins abouti, le 30 novembre 2012, à un protocole d’accord résultant de la détermination du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Pour sa part, le groupe centenaire Péchiney a fait l’objet d’un véritable démantèlement postérieurement à sa privatisation qui a notamment eu pour effet de faire passer la production française d’aluminium primaire sous le contrôle du groupe canadien Alcan puis, à partir de 2007, du géant minier anglo-australien Rio Tinto qui a assez rapidement décidé de se désengager de cette activité. Là encore, l’État a dû intervenir en trouvant un repreneur allemand, le groupe Trimet. Avec l’entrée conjointe d’EDF au capital, le repreneur a relancé l’activité de l’usine de Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) et a garanti la pérennité de l’important centre de recherche existant sur ce site, en contrant les tentatives de captation des technologies d’excellence qui y sont développées, d’ailleurs largement mises en œuvre par l’ensemble de la filière de l’aluminium au niveau mondial.

L’influence voire l’intrusion des intérêts étrangers dans le paysage industriel ne saurait évidemment être présentée sous un seul aspect du risque et de son potentiel le plus négatif. De nombreux exemples positifs existent, y compris dans des secteurs que d’aucuns baptisent improprement de « vieilles industries ». Les responsables de l’AFII ont d’ailleurs tenu à souligner devant la mission le petit nombre d’entreprises susceptibles d’être qualifiées de « prédatrices », notamment lorsqu’il s’agit de reprises d’activités en difficulté. Les IDE apportent une réelle contribution au développement des territoires dont ils renforcent le tissu entrepreneurial. Les entreprises étrangères sont nombreuses parmi les entreprises de plus de 5000 salariés (28 % du total) et les ETI (30 %) (4). Fortement exportatrices, elles ont compté pour 31 % des exportations en 2012.

Mais des aléas liés aux stratégies de grands groupes multinationaux parmi les plus prospères peuvent néanmoins perturber des situations jusqu’alors présentées comme des succès en matière d’IDE.

Il en est ainsi de la reprise d’un site sidérurgique lorrain à Hayange-Nilvange par le groupe indien Tata Steel qui a su développer une production de rails de grande longueur (y compris pour les LGV), une activité exportatrice à forte valeur ajoutée. Or, Tata Steel projetterait de céder cette activité au financier américain Gary Klesch dont la réputation est particulièrement entachée en France après sa gestion de l’entreprise chimique Kem One qui a nécessité, à la fin de l’année 2013, l’intervention des pouvoirs publics dans le cadre d’un plan de sauvetage.

Un exemple positif concerne le secteur de l’aluminium qui regroupe différentes filières dans lesquelles la France est historiquement à la pointe de l’excellence. Les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité de ne pas « laisser filer » des spécialités de haute technologie indispensables à d’autres secteurs comme l’aéronautique. Des activités de transformation qui relevaient de l’ancien groupe Péchiney ont pu être rassemblées au sein d’une nouvelle société Constellium, initialement contrôlée par le fonds américain Apollo. Le gouvernement a réagi en 2013 et 2014 afin que le Fonds stratégique d’investissement (FSI) puis, à présent, Bpifrance renforcent leur participation pour en devenir les premiers actionnaires.

C. DES « PARTICULARISMES » VERTUEUX MAIS AUSSI NÉFASTES QUI PLAIDENT POUR UNE POLITIQUE DE PRÉCAUTION

Au-delà de la question stratégique des transferts de centres de décision et de la délocalisation des stratégies, se pose la question de la mobilité et l’exigence accrue des capitaux en termes de rentabilité, ainsi que celle des paradis fiscaux pudiquement appelés « particularismes », et qui faussent les règles de concurrence, y compris entre pays de l’Union Européenne.

Le capital est par nature le plus mobile de tous les facteurs de production.

Dans une économie globalisée, peut-on échapper tant soit peu au « diktat » d’actionnaires avides de dividendes ? Ces derniers mettent les différentes économies en concurrence, y compris au sein de l’Union européenne.

Un véritable dumping fiscal est mis en œuvre par le Luxembourg et mais aussi par l’Irlande, un pays qui a su ainsi attirer les grands groupes américains des industries de l’informatique et du numérique (implantations de HP, Yahoo, Google, Microsoft ou encore de la société Apple qui, à elle seule, y emploie plus de 4 000 salariés) voire un dumping social comme c’est même le cas de l’Allemagne pour certaines activités, dans les transformations agroalimentaires en particulier.

À l’égard de l’Irlande, la Commission européenne a tardivement lancé une enquête relative à son régime de taxation des grands groupes étrangers au motif qu’il constituerait, dans les faits, une aide d’État illégale. Ainsi, Apple ne serait imposé sur ses bénéfices qu’à hauteur de 2 %, au titre d’un « arrangement spécial » avec le gouvernement irlandais, conclu à son installation dans les années quatre-vingt-dix et prorogé depuis lors. Cette mansuétude fiscale est à comparer avec le taux officiel irlandais de l’impôt sur les sociétés qui est en moyenne de 12,5 %, d’ailleurs l’un des moins élevé en Europe. En fait, il reste à préciser jusqu’à quel point certains pays membres de l’Union européenne peuvent continuer à privilégier ce que l’on nomme le « tax rulling », une pratique permettant à un investisseur étranger de demander à l’avance la façon dont son activité sera fiscalement traitée par le pays d’accueil. Il semble également avéré que le Luxembourg a concédé un statut fiscal très favorable au géant de la distribution en ligne Amazon. Dans une perspective d’optimisation fiscale, de grandes entreprises multinationales savent, en effet, négocier un régime de taxation « adapté » mais aussi dérogatoire à l’excès.

Selon la CNUCED, les revenus liés aux IDE progressent fortement depuis 2011-2012 (après un repli en 2008 et 2009, au creux de la crise financière mondiale) pour atteindre 1 500 milliards de dollars pour un stock mondial d’IDE évalué à 21 000 milliards de dollars en 2012 : « Les taux de rendement de l’IDE sont de 7 % à l’échelle mondiale, et sont plus élevés aussi bien dans les pays en développement (8 %) et les pays en transition (13 %) que dans les pays développés (5 %). Sur le total des revenus de l’IDE, environ 500 milliards de dollars sont restés dans les pays hôtes, et environ 1000 milliards ont été rapatriés dans les pays d’origine ou d’autres pays (ce qui a représenté en moyenne 3,4 % des paiements courants). C’est dans le cas des pays en développement que la part non rapatriée des revenus de l’IDE est la plus élevée ; atteignant 40 %, elle représente une part importante de financement par l’IDE. Néanmoins toutes ces ressources ne sont pas transformées en dépenses d’investissement ; l’enjeu pour les pays d’accueil est de savoir comment orienter les bénéfices non rapatriés dans des investissements productifs » (5).

La Banque de France mentionne toutefois (Bulletin du 1er trimestre 2013, N° 191, page 28) une baisse du rendement de la plupart des IDE en France : « De 2006 à 2011, le rendement apparent des investissements étrangers en France a atteint 6,1 % en moyenne et a varié entre 3,8 % et 8,6 % selon l’année (tous secteurs hors biens immobiliers et investissements directs de groupes français). Parti d’un niveau supérieur à 8 % en 2006 et 2007, il a accusé une forte baisse en 2008 qui s’est prolongée en 2009. Il a rebondi en 2010 mais à 5,9 % il reste loin à la fois des taux de 2006 et 2007 et du taux de rendement global des investissements directs français à l’étranger (7,6 % en 2010) ».

Les experts de la Banque de France précisant en conclusion : « En l’état actuel de nos connaissances et à partir du seul examen des données d’investissements directs, il est difficile de déterminer si cet affaiblissement du taux de rendement des investissements directs étrangers en France peut être mis en relation avec le resserrement du taux de marge des entreprises non financières identifié par l’INSEE ou s’il tient à des facteurs financiers (augmentation des intérêts et autres charges financières) qui pourraient toucher davantage les filiales d’entreprises étrangères que les autres sociétés résidentes ».

Cette observation peut effectivement être mise en perspective avec les objectifs gouvernementaux de voir se redresser les taux de marge des entreprises françaises, notamment industrielles, par rapport à leurs homologues de pays voisins et comparables.

La question des rendements est directement connectée à celle des « particularismes » évoqués plus haut.

Eurostat livre, chaque année, une statistique qui démontre qu’à lui seul le Luxembourg concentre une part très importante des IDE « sortants » de l’Union européenne vers les pays tiers (110 milliards d’euros en 2011 sur les quelque 370 milliards des flux « sortants » de l’UE à 27), suivi par le Royaume-Uni (89 milliards), l’Allemagne (34 milliards) et la France (21 milliards). Les résultats provisoires d’Eurostat (juin 2014) qui concernent l’Union à 28, non seulement confirment ce point mais traduisent une accentuation de tendance pour 2013 puisque les flux d’IDE « sortants » à partir du Luxembourg et à destination des pays tiers se sont élevés à 212,5 milliards d’euros sur un total de 341,4 milliards pour l’UE à 28, alors que 240,1 milliards des flux d’IDE « entrants » dans l’UE transitaient par le Luxembourg sur un total de 327 milliards d’investissements extra-européens et notamment en provenance des États-Unis, pays qui est de très loin le principal investisseur direct au sein de l’Union européenne. À l’évidence le rôle de « plateformes de transit » du Luxembourg, mais aussi dans une certaine mesure du Royaume-Uni, s’explique par l’importance des activités d’intermédiation financière dans ces pays, donc de l’attrait de leur place bancaire respective. Concernant le Luxembourg, l’importance des flux constatés d’IDE pourrait s’expliquer en partie, mais en partie seulement, par l’existence dans ce pays des sièges de grandes institutions internationales comme la Banque européenne d’investissement (BEI).

En outre, les données collectées par Eurostat montrent également le rôle des centres financiers off shore (« centres financiers extraterritoriaux » ou « offshore financial centres », selon les terminologies retenues par la CNUCED) qui depuis longtemps recueillent une part importante des flux d’investissements « sortants » et « entrants » de l’Union européenne (respectivement 103 et 45 milliards d’euros en 2009). Ces centres relèvent toujours d’une quarantaine de pays ou territoires, pour certains européens (Liechtenstein, îles de Man et anglo-normandes, Gibraltar, Andorre), d’Amérique centrale et des Caraïbes (Panama, îles Caïmans, îles Vierges britanniques, Bermudes, Bahamas) ou encore qui dépendent de places comme Bahreïn, Singapour et Hong Kong. En 2013, des désinvestissements massifs ont cependant concerné les flux « entrants » dans l’UE (– 41 milliards d’euros) à partir des centres off-shore, alors que 30,2 milliards d’IDE « sortants » de la zone euro transitaient encore par ces places au cours de l’année (contre 103 milliards en 2009). Mais est-il normal que les îles Vierges, un territoire d’outre-mer du Royaume-Uni qui ne compte que 25 000 habitants, puisse s’ériger au 5e rang des pays destinataires d’IDE et au 10e rang pour les IDE « sortants », selon le classement mondial de la CNUCED pour l’année 2012, en devançant ainsi largement des pays comme la France, l’Italie mais aussi l’Inde et la Corée du Sud ?

Si la lutte contre les zones autorisant les opérations les plus opaques donc contre les paradis fiscaux, initiée dans le cadre du G20 et de l’OCDE, semble commencer à porter ses fruits, une intensification de l’effort dans ces directions n’en demeure pas moins indispensable. Dans un récent rapport (« Spillover in international corporate taxation » ; juin 2014), le FMI constate : « Les chiffres agrégés des positions d’investissement des pays restent fortement marqués par des considérations fiscales ».

Par ailleurs, l’Union européenne a récemment adopté des principes forts en matière de régulation bancaire et, concernant plus particulièrement la France, la qualité du système de supervision de ses banques était reconnue de longue date ; il s’agit d’autant de points positifs qui constituent des facteurs de sécurité pour les investisseurs étrangers.

En revanche, de nouvelles distorsions de concurrence restent susceptibles d’avoir des impacts négatifs comme l’instauration par une dizaine de pays européens d’une taxe sur les activités financières dite TTF (au demeurant modeste) mais rejetée par le gouvernement britannique. Ce projet conçu dans le cadre de l’Eurogroupe devrait connaitre un commencement de mise en œuvre au 1er janvier 2016. En l’état actuel, il en résulterait un désavantage pour les places financières de Paris mais aussi de Francfort par rapport à la City de Londres déjà surpuissante.

L’appréciation des impacts économiques et sociaux des flux et des stocks d’IDE est ainsi rendue difficile du fait de l’existence de fortes disparités de situation. La question de la répartition des IDE entre pays reste pour partie indissociable des principaux enjeux de l’harmonisation fiscale et sociale au sein même de l’Union européenne. Au total, la France peut néanmoins prétendre valoriser certains de ses atouts comme la productivité horaire élevée de ses salariés, ses ressources en matière d’innovation, ses coûts d’accès à l’énergie ou encore le bon niveau de ses infrastructures, sans oublier sa position géographique au cœur de la partie la plus dynamique du marché européen, mais à la condition que certaines règles du jeu soient claires.

Si la stabilité et la lisibilité des règles fiscales sont des conditions déterminantes pour attirer des investissements d’entreprises étrangères ayant des stratégies de long terme, les responsables de l’AFII ont aussi souligné devant la mission, l’existence en France d’un taux facial d’impôt sur les sociétés qui peut fausser l’appréciation de certains investisseurs potentiels en matière de compétitivité.

Certains pays ont bien compris les effets de cette perception du taux facial : le Canada et le Royaume-Uni ont su engager des trajectoires de baisse de ces taux faciaux. Un débat est d’ailleurs engagé sur ce point aux États-Unis. En l’état actuel, certains des taux « affichés » par le système fiscal français, bien qu’ils s’avèrent souvent différents des taux effectifs à acquitter, peuvent pénaliser notre pays au regard de l’investissement d’origine externe. Des classements internationaux qui retiennent l’attention des décideurs placent ainsi la France dans les plus mauvais rangs des grands pays. Tel est le cas du Tax misery index du magazine économique américain Forbes ou encore d’une étude annuelle du cabinet Pricewaterhouse Coopers (PwC) dont les méthodologies peuvent cependant être contestées puisqu’elles consistent essentiellement à compiler, pays par pays, les taux marginaux des impôts et taxes susceptibles de concerner l’activité et le revenu.

À l’évidence, l’amélioration du « climat fiscal », un objectif aux déterminants autant psychologiques que techniques, est devenue un des enjeux essentiels de la compétitivité internationale.

TROISIÈME PARTIE : LES GRANDES DIRECTIONS D’UNE POLITIQUE À CONDUIRE AVEC DÉTERMINATION

A. AGIR AU PLAN NATIONAL PAR UNE COMMUNICATION RENFORCÉE VERS LES PORTEURS D’IDE, UNE MOBILISATION TERRITORIALE TOURNÉE VERS L’INNOVATION, UNE SOLLICITATION PLUS PERFORMANTE DE L’ÉPARGNE

Un effort sur la lisibilité des actions doit être soutenu dans le temps. L’émergence de la « Marque France » au travers de la fusion entre deux structures existantes (Ubifrance et l’AFII), qui interviendra au début de l’année 2015 avec la création d’un nouvel établissement public à caractère industriel et commercial (épic). Cette fusion, pour laquelle le label « Business France » semble retenue, peut d’abord contribuer à instaurer une meilleure communication internationale notamment par des campagnes mieux ciblées : l’image de la France reste encore insuffisamment « économique » à l’étranger. Un rapprochement de cette nature a donc du sens. La fusion poursuit un objectif de simplification car il concerne deux organismes très proches qui, par exemple, doivent chacun nouer des relations étroites avec les collectivités territoriales ou encore les pôles de compétitivité.

Il existe toutefois un risque de dilution des compétences tout à fait spécifiques acquises par une petite structure réactive comme l’AFII, dans un ensemble au sein duquel la nouvelle Ubifrance disposerait de moyens beaucoup plus importants pour l’aide aux entreprises exportatrices. La fusion doit se traduire par une juste mutualisation de certaines actions au titre d’un partenariat équilibré. La structure définitive devra conserver le caractère originel d’administration de mission qui était propre à l’AFII, depuis sa création, tout en la dotant des moyens matériels et des compétences professionnelles adaptés à ce qu’il lui revient prioritairement de faire : chaque année, l’AFII établit environ 5 500 contacts avec des entreprises étrangères. En 2012, le Royaume-Uni a finalisé une réforme de même nature : l’agence UKTI est à la fois en charge de la promotion des exportations et de l’accompagnement des investissements étrangers. Cette agence compte toutefois un effectif cinq fois plus important que la nouvelle entité française correspondante. Pour leur part, l’Allemagne s’appuie sur le potentiel de ses puissantes chambres de commerce alors que la Suisse a su développer des outils de prospection efficaces à l’étranger.

Plus généralement, il convient d’agir contre l’instabilité juridique et fiscale. Particulièrement volatils les IDE sont, à l’évidence, sensibles aux situations de ce type. Il reste possible d’établir un environnement favorable à l’investissement privé, tout évitant de multiplier à l’excès des politiques « micros spécifiques » par trop dispersées.

Pour les territoires et plus particulièrement les grands ensembles régionaux et les métropoles, l’attractivité économique est un facteur essentiel de différentiation. Deux notions-clés font référence à l’attractivité territoriale.

Comme le fait l’INSEE, une distinction s’impose. Il convient en effet de préciser deux notions différentes, pour autant non antagonistes : attractivité productive et attractivité résidentielle.

L’attractivité productive est la capacité d’un territoire à attirer des activités nouvelles et des facteurs de production. Elle est généralement mesurée par l’apport d’emplois créés par des centres de décision extérieurs au territoire (apports exogènes). L’attractivité résidentielle se constate par la capacité d’un territoire à attirer des revenus. Ainsi les revenus disponibles localement sont en partie importés par la présence temporaire (situation de certaines zones touristiques) ou l’installation durable d’agents économiques extérieurs dont les dépenses et les investissements peuvent constituer un moteur essentiel de l’économie locale.

Hormis la première couronne de la région Île-de-France et quelques métropoles, où les arrivées d’emplois et de résidents se cumulent, des zones d’emplois attractives pour la sphère productive peuvent présenter une faible attractivité résidentielle quand elles ne souffrent pas d’un certain déficit d’image, souvent infondé, s’agissant de régions en mutation qui cherchent à dépasser le déclin d’anciennes activités. En revanche, l’attractivité économique et attractivité résidentielle restent l’une et l’autre élevées dans des zones qui bénéficient d’une forte spécialisation dans les technologies de pointe. De nouveaux arrivants (entreprises et salariés qualifiés) s’agrègent plus naturellement en leur sein. Tel est le cas de certaines villes de la région Midi-Pyrénées, en premier lieu, la métropole de Toulouse, pour les activités aéronautiques et spatiales.

L’attractivité de Paris et de sa région peut sembler solidement établie.

Les classements les plus récents confirment la place de la région parmi les grandes métropoles mondiales (« villes monde », selon la terminologie employée par certains géographes). Différents classements, le plus souvent établis à partir d’enquêtes d’opinion de chefs d’entreprise et de « décideurs », montrent le caractère économiquement attractif de Paris et de son environnement.

Il en est ainsi du récent classement (juillet 2014) publié par le cabinet KPMG avec l’institut OpinionWay, pour le compte de l’association des grandes entreprises françaises « Paris-Île-de France capitale économique » (PIDFCE).

En interrogeant 511 dirigeants de groupes représentatifs des principales régions économiques du monde, cette étude, conduite depuis quatre années, aboutit à un excellent résultat puisque Paris et sa région progressent et se hissent au troisième rang, après New York et Londres, les deux pôles à vocation mondiale les plus attractifs, en devançant des métropoles asiatiques comme Singapour, Tokyo, Shanghai, Hong Kong ou encore Dubaï au Moyen-Orient.

Il convient cependant de noter que Paris et l’Île de France ne s’inscrivent au premier rang pour aucun des critères retenus mais se situent toujours dans « une bonne moyenne », ce qui justifie leur classement en laissant cependant entrevoir des marges de progression concernant chaque thématique !

Ce classement a été confirmé un mois plus tard (août 2014) par une étude réalisée par le magazine économique américain Forbes qui met l’accent sur l’influence des métropoles pour attirer les capitaux étrangers sur des projets nouveaux, y compris au moyen de l’installation de sièges sociaux. Huit critères étant retenus (montants des investissements directs étrangers, concentration des sièges sociaux des grandes entreprises mondiales, types d’activités dominantes, développement des liaisons et des transports, forces de production, services financiers, technologies et médias, diversité), Paris et son environnement occupent la troisième place mondiale derrière Londres et New York dans cet ordre. Mais dans ses commentaires Forbes considère que Paris « est bien en dessous de Londres et New York sur la plupart des critères » en ajoutant «… son avenir et celui de l’Europe ne sont pas prometteurs au vu de la relative stagnation économique européenne ».

Le magazine Forbes a recensé, d’après les sources du Financial Times FDI Intelligence Service, 129 investissements directs étrangers concernant de nouvelles installations à Paris, par an et en moyenne sur les cinq dernières années. Il en a recensé sur les mêmes bases, 328 pour Londres et 143 pour New York. Selon Forbes, Londres compte plus de 320 sièges sociaux des 2000 plus grandes entreprises mondiales contre 143 pour New York et 60 pour Paris.

Le projet du Grand Paris doit tenir compte de ces données.

En élargissant le cadre de programmation urbanistique et économique à un espace plus vaste, ce projet s’adapte à une réalité mondiale comme c’est le cas aux États-Unis où le cadre territorial de programmation de la Côte Est porte sur une zone englobant New York, Washington et Boston. Une des perspectives du Grand Paris intègre d’ailleurs son extension à un axe « Paris/Paris La Défense, Rouen, Le Havre », initialement dénommé « Seine Métropole ».

Si la situation relative de l’actuelle région Île-de-France, ne correspond évidemment plus à ce que décrivait le géographe Jean-François Gravier dans son livre de 1947 « Paris et le désert français », il convient néanmoins à toujours veiller au juste équilibre des besoins et des ressources entre la région capitale et les autres régions. La réforme territoriale mise en œuvre par le gouvernement doit constituer une opportunité majeure pour agir en ce sens, avec l’émergence de grandes régions aux modes de gouvernance mieux appropriés.

Plus généralement, l’attractivité territoriale reste une notion complexe.

Dans de nombreuses situations, le processus de décision d’une entreprise pour investir à l’étranger ne résulte d’ailleurs pas principalement d’une compétition explicite entre pays, régions ou infra régions. Cela est souvent le cas pour l’acquisition d’une entreprise ou l’implantation d’un réseau de distribution destiné à desservir un marché local. Tous les territoires ne sont pas en concurrence permanente et dans tous les secteurs pour attirer les investisseurs étrangers dont les choix de localisation restent fréquemment déterminés par des opportunités ou des potentialités, indépendamment de la concurrence d’autres territoires et de critères supposés représentatifs d’un facteur « qualité-prix ».

Dans ce contexte, les pays ou les régions les plus dynamiques conservent néanmoins de sérieux avantages de départ.

Il convient aussi de rappeler que dans les situations de rachats ou de reprises de l’intégralité d’une entreprise par un investisseur étranger, donc de l’ensemble de ses sites existants, le choix des localisations n’ayant pas appartenu à l’acquéreur, il pourra se monter ultérieurement sélectif en fermant ou en revendant telle ou telle implantation dans des conditions qui souvent aggravent l’incertitude des salariés postérieurement au rachat.

Au-delà des conceptions macroéconomiques et microéconomiques de l’attractivité, certains économistes privilégient une approche qualifiée de « méso-économique » qui vise à mettre en évidence les atouts d’un territoire pour une activité donnée. Cette approche dépasse la valorisation des seuls critères dits « prérequis » donc considérés comme indispensables pour commencer à étudier la valeur d’implantation d’un site (stabilité du « climat » politique et social, garanties des droits de la propriété, y compris intellectuelle, autant de notions-clés en termes d’image, comme l’est également la qualité environnementale et culturelle etc.). L’objectif est de recenser et de quantifier le plus grand nombre possible des autres facteurs susceptibles d’être mis en œuvre pour développer une activité donnée (centres de recherche, instituts de formation, infrastructures dédiées, réseaux de coopération, offres immobilières, aides financières directes ou indirectes etc.). À partir de critères discriminants, la méthode aboutit à hiérarchiser des sites qui, au départ, présentent des caractéristiques apparemment proches afin d’« étalonner » les candidatures ainsi placées en concurrence. Elle peut permettre aussi aux décideurs publics locaux de définir des axes de priorité pour corriger certains points de faiblesses.

La conception dite « méso-économique » par les effets positifs d’agglomération qu’elle met en évidence est, en premier lieu, favorable aux clusters et aux pôles de spécialité existants. Les fondements théoriques de cette approche résultent des travaux de l’école dite de la « Nouvelle économie géographique » mais aussi de l’économiste Alfred Marshall sur la notion d’« atmosphère industrielle » notamment complétée par Michael Porter qui a privilégié les études de cas aux approches théoriques plus formalisées.

Toutefois, les projets d’implantations industrielles restent inévitablement soumis à certains aléas de nature politique. En témoignent, les batailles « projet contre projet » qui peuvent parfois s’avérer contre-productives en termes d’image et/ou de stratégie industrielle.

On rappellera, qu’au début des années soixante-dix, un conflit très médiatique avait opposé le Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, et Jean-Jacques Servan-Schreiber (alors député de Nancy) pour obtenir des dirigeants américains de Ford, la création d’une usine qui sera finalement inaugurée en 1973 à Blanquefort près de Bordeaux.

L’importance des actions de terrain, au plus près des territoires, pour rééquilibrer les IDE.

L’objectif premier est de créer des écosystèmes crédibles aux yeux d’éventuels investisseurs.

Certaines interventions plus formelles que réellement consistantes peuvent toutefois relever d’un marketing territorial qui appartient plus au domaine de la communication institutionnelle qu’à celui d’une véritable politique économique qui suppose des actions intelligemment ciblées et conduites dans la durée. Mais, plus concrètement, préciser et amplifier le rôle des régions c’est, par exemple, associer l’appareil de formation professionnelle, public ou privé, dès le commencement de l’examen d’un projet d’implantation ou de reprise d’une entreprise.

Sur ce point, il sera évidemment judicieux de faire rencontrer à un candidat investisseur, dès la conception de son projet, les responsables de l’Éducation nationale, de l’Université et des organisations consulaires afin que ceux-ci répondent à ses interrogations et puissent, le cas échéant, manifester une réactivité rassurante quant à l’adaptation de leurs offres aux qualifications et aux profils attendus.

Le nombre des emplois créés ou sauvegardés par un IDE reste le critère déterminant pour des territoires très touchés par le chômage et notamment ceux qui ont à faire face à des reconversions industrielles. Il en ira différemment pour des régions économiquement plus prospères ou proches du plein emploi. À cet égard, les comparaisons entre États ou entre régions doivent retenir des données de base essentielles comme la démographie et la structure particulière à la demande d’emplois. Par exemple, pour des pays comme la Suède ou le Danemark, l’objectif de renforcement des capacités locales d’innovation sera prioritaire par rapport au critère des emplois créés par des investisseurs étrangers.

Dans la compétition engagée au niveau des territoires, il convient de convaincre chaque investisseur potentiel du « bon choix » de son éventuelle implantation. Un effet d’atmosphère favorable à l’investissement constituera un élément de crédibilité tout à fait déterminant. À cet égard, la qualité des premiers contacts, certes prospectifs, peut s’avérer décisive : l’AFII met en avant ses capacités de détection et d’approche des nouveaux projets d’investissement, un savoir-faire développé au travers de ses réseaux. L’agence accompagne ainsi, chaque année, environ 500 entreprises pour visiter des sites et rencontrer les élus.

Source : Rapport annuel 2013, Investissements étrangers créateurs d’emplois en France, AFII.

Source : Rapport annuel 2013, Investissements étrangers créateurs d’emplois en France, AFII.

Une solide articulation entre l’action à l’étranger et le travail de terrain en France est l’élément-clé pour faire avancer des projets.

Plus généralement, la question de l’attractivité ne se réduit pas à la plus ou moins grande capacité d’accueil et sur une période donnée de quelques entreprises étrangères.

Au niveau national comme pour chaque grande région, l’attractivité n’est qu’une des composantes de la compétitivité économique. Elle dépend fortement de différents facteurs qualitatifs mais aussi culturels : un marché intérieur dynamique et ouvert sur le monde ou, à tout le moins sur de vastes zones économiques d’échanges, une implication sans faille des collectivités territoriales, un environnement administratif et fiscal réactif, compréhensible et stable, sans oublier le coût réel du foncier pour les implantations industrielles, la qualité des infrastructures de transport et de communication et le développement des services qui leur sont liés, la formation des salariés et leur disponibilité (notamment afin de dépasser des préventions voire des suspicions a priori qui seraient liées à l’idée de voir leur devenir dépendre de « patrons étrangers » donc supposés lointains).

Traiter le problème récurrent du financement des entreprises

Ce problème renvoie à des difficultés structurelles. Certaines sont identifiées de longue date. Une des plus graves difficultés est de faire croître, dans de bonnes conditions, des PME pourtant dynamiques, d’autant que notre pays ne dispose pas d’une base suffisante d’investisseurs domestiques en capital. À cet égard, l’« actionnariat populaire » présenté comme l’un des objectifs prioritaires des privatisations lancées à partir de 1986 n’a pas connu un succès durable. Par ailleurs, le nombre des entreprises exportatrices est de 310 000 en Allemagne, de 208 000 en Italie et seulement de 120 000 en France dont trop peu de PME.

L’insuffisance de sources de financement stables et de long terme reste un problème.

Dans ces conditions, une meilleure mobilisation de l’épargne actuellement concentrée au sein d’entités publiques est une des solutions. Certes, la création, à l’automne 2008, du Fonds stratégique d’investissement (FSI), a répondu utilement à une partie des besoins, notamment pour certaines PME dynamiques et en croissance, comme le prouve d’ailleurs un premier bilan de l’activité de la Banque publique d’investissement (Bpifrance) qui lui a succédé. En réactivant le Fonds de développement économique et social (FDES), le gouvernement a aussi entendu apporter une autre réponse. Elle ne peut cependant « cibler » que quelques situations d’urgence voire certains cas marginaux d’entreprises en quête de financement. D’ailleurs ce fonds à présent dénommé « Fonds de résistance » (ex-FDES) ne peut, au mieux, être doté de 400 à 500 millions d’euros par an sur crédits budgétaires, des montants représentant moins de 1 % des besoins de financement des ETI. En outre, parmi les « grands institutionnels » français, les compagnies d’assurances ont des portefeuilles d’actions modestes qui ne représentent que 6 à 7 % du total de leurs actifs.

L’insuffisance des sources privées de financement à long terme expose inévitablement nos entreprises à rechercher des partenaires étrangers, ce qui suppose une nécessité fréquente de leur ouvrir des participations en capital.

Au regard de la réticence trop souvent marquée par le secteur financier français pour soutenir l’investissement productif, y compris lorsqu’il s’agit d’accompagner le financement de grands investissements étrangers, la Caisse des dépôts (CDC) peut toutefois jouer un rôle majeur.

Depuis quelques années, le groupe de la CDC noue des relations sur la base de protocoles d’accord, désormais conclus par une filiale, CDC International, afin de créer des structures paritaires d’investissement avec de grands fonds étrangers. Tel a été le cas avec un organisme d’État, le Fonds russe des investissements directs (RDFI), pour aboutir à la création, en novembre 2013, du Fonds d’investissement franco-russe (RFIF). Ce fonds vise à intensifier la coopération économique et financière entre les deux pays afin de drainer des investissements dans des secteurs et classes d’actifs diversifiés mais générateurs de croissance. La mission a d’ailleurs rencontré, le 17 juin 2014, M. Kirill Dmitriev, le directeur général de RDIF, à l’occasion de l’audition de M. Vladimir Yakounine, le président de Russian Railways (RZD), la société nationale des chemins de fer russes. Cette compagnie publique a acquis en 2013 pour quelque 800 millions d’euros, l’entreprise de logistique Gefco qui appartenait au groupe PSA.

Dans le même esprit, la Caisse des dépôts a créé un fonds commun avec le Qatar plutôt destiné à soutenir des PME en croissance, puis, en mars 2014, un autre fonds, initialement doté de 300 millions d’euros, avec Mubadala, le fonds souverain d’Abou Dhabi. Plus récemment encore (juin 2014), la CDC vient de signer un protocole d’accord visant à mettre en place un véhicule commun d’investissement avec Kingdom Holding Company (KHC), une structure saoudienne dirigée par Son Altesse royale le prince Al Waleed qui est un important investisseur en Europe et notamment en France, pays dans lequel il a déjà investi dans le secteur du tourisme et des loisirs (Disneyland Paris et hôtellerie de luxe). De telles démarches sont trop récentes pour en dresser un premier bilan. Elles visent toutefois à attirer durablement en France des investisseurs disposant de moyens importants tout en recherchant à promouvoir le développement de sociétés françaises à l’étranger dans le cadre de coopérations d’affaires approfondies. La question des investissements étrangers en France reste ainsi indissociable des enjeux du développement international des entreprises françaises, dans l’industrie comme dans les services.

En outre, on rappellera qu’au titre de ses analyses sur les IDE pour les années 2011 et 2012, la Banque de France soulignait que des pays comme «… le Koweït, ou plus récemment le Qatar, privilégient les investissements de portefeuille et pèsent d’un poids modeste dans les statistiques de stocks d’investissements directs malgré le nombre et l’ampleur de leurs récentes opérations en France ». Il est également avéré que des ressortissants de ces pays investissement massivement, souvent à titre privé, dans des biens immobiliers professionnels ou de prestige, tout spécialement en Grande Bretagne et en France.

Mais il ne faut pas oublier que la France a constamment maintenu une très ancienne tradition d’accueil et d’implantation de grandes entreprises étrangères : dans leur communication, des groupes comme Siemens, General Electric ou encore IBM revendiquent souvent leur longue présence dans notre pays, parfois même plus que centenaire, comme c’est le cas de Siemens. Au fil du temps, ces grands groupes y ont d’ailleurs largement « francisés » leurs implantations industrielles, leurs directions générales et les réseaux commerciaux qui en dépendent.

Un signal a été exprimé par un Manifeste émanant de 50 dirigeants de filiales de groupes étrangers (représentant, en fait, 53 sociétés) et publié, le 19 décembre 2013, par le quotidien Les Échos.

Une telle interpellation par voie de presse entendait souligner différents points présentés comme caractéristiques de l’économie française et qui seraient désormais susceptibles de constituer, dans une économie mondialisée, des obstacles au développement de nouveaux investissements, dès lors que ces dirigeants de filiales d’entreprises multinationales estiment qu’il leur devient plus difficile d’en convaincre les sièges mondiaux des groupes concernés donc leurs principaux actionnaires.

En fait, les observations ainsi exprimées n’étaient en rien exceptionnelles ou surprenantes de la part d’entrepreneurs confrontés à la concurrence internationale, qu’elles émanent de patrons d’entreprises purement françaises ou contrôlées de l’étranger. Ces observations portaient essentiellement sur la complexité de certaines procédures ou normes administratives, l’instabilité de dispositifs fiscaux et la réglementation du travail. Ce Manifeste patronal a cependant été suivi d’une invitation lancée à 34 patrons de grandes entreprises multinationales pour participer à une réunion de travail présidée par le Président de la République. Cette réunion s’est tenue au Palais de à l’Élysée, le 17 février 2014.

Au titre des décisions arrêtées à cette occasion, on citera la volonté de conférer un caractère permanent à un Conseil stratégique de l’attractivité. Une nouvelle réunion ayant été programmée, elle s’est tenue, à huis clos, au Palais de l’Elysée, le dimanche 19 octobre, avec vingt-cinq dirigeants de grands groupes multinationaux. Cette voie mérite une attention particulière car elle organise, au plus haut niveau de l’État, un espace d’écoute ouvert aux milieux patronaux étrangers et aux fonds souverains dont l’intérêt pour investir en France n’est manifestement pas démenti. L’objectif gouvernemental est de garantir un cadre de stabilité et de référence aux investisseurs potentiels, au rythme d’un agenda de prises de décision. Il est prévu que cette instance compte notamment parmi ses membres une vingtaine de dirigeants de groupes internationaux afin qu’ils formulent des propositions susceptibles d’améliorer l’attractivité économique de la France. Les processus de réflexion envisagés dans ce cadre pourront ainsi étroitement contribuer à la démarche de simplification administrative déjà engagée par le gouvernement.

Il a été également évoqué que ce conseil aura pour mission d’approfondir la question des conditions d’accueil des étudiants étrangers en France qui demeurent, à ce jour, assez peu satisfaisantes, et aussi de mettre en place un passeport « Talent », c’est-à-dire d’accélérer la délivrance de visas aux salariés des groupes investisseurs. Peut-être conviendrait-il aussi d’ouvrir plus largement le Conseil stratégique à des entrepreneurs de secteurs dynamiques mais ne relevant pas de très grands groupes ainsi qu’à des économistes. Votre rapporteur souligne l’opportunité d’une telle décision, en souhaitant toutefois que la composition comme les contours de l’action attendue de ce futur Conseil soient mieux précisés.

Les signataires du Manifeste de décembre 2013 rappelaient qu’ils sont à la tête d’entreprises réalisant plus de 100 milliards de chiffres d’affaires et qui emploient environ 150 000 salariés en France.

B. AGIR AU PLAN INTERNATIONAL DANS LE BUT DE MIEUX S’INSÉRER DANS LES CHAÎNES DE VALEURS MONDIALES ET DE S’OUVRIR AUX PAYS ÉMERGENTS

Près des deux-tiers du commerce mondial concernent des biens intermédiaires et des services qui sont intégrés à divers stades aux processus de productions destinées à la consommation finale. Un morcellement du processus productif qui se conjugue à une dispersion internationale des tâches et des activités a conduit à l’apparition de systèmes de production transnationaux que d’aucuns qualifient, sans doute hâtivement, de « sans frontières ». Il s’agit de chaînes séquentielles ou encore de réseaux complexes, de niveau mondial ou régional, appelés chaînes de valeur mondiale (CVM). Déjà très présentes voire dominantes dans certains secteurs (matériels électroniques grand public, textile/habillement, automobile etc.), les chaînes de valeur mondiale gagnent progressivement la quasi-totalité des activités, dans l’industrie mais également dans les services et, en premier lieu, les services associés à la production.

Les grandes sociétés transnationales coordonnent les chaînes de valeur au sein d’espaces plus ou moins larges et au travers de réseaux complexes de fournisseurs et de partenaires.

Les modes de gouvernance vont du contrôle direct de filiales étrangères aux relations commerciales et de productions traditionnelles sans participation au capital. Pour les entreprises à vocation internationale, le choix de la localisation d’un investissement comme le choix de partenaires (investir où et avec qui ?) dépendent de nombreux facteurs particuliers à chaque activité ou segment de marché. On constate généralement une forte corrélation positive entre la participation aux chaînes de valeur mondiale ou régionale et la croissance économique donc la création d’emplois. Toutefois la valeur ajoutée directement liée à un IDE inscrit dans une chaine de valeur mondiale ou régionale peut localement fluctuer, d’une part, en fonction des mécanismes de prix de cession internes consentis à ses filiales par un groupe, d’autre part, en fonction des volumes concernés par le rapatriement des revenus de l’IDE.

Si la France a vocation à intégrer, notamment au travers de ses PME insuffisamment internationalisées, les chaînes de valeur mondiale existantes, elle doit aussi être en mesure de susciter la création de nouvelles chaînes de valeur pour lesquelles le rôle de ses entreprises, la diffusion de leur technologie et leur capacité d’innovation peuvent lui conférer des positions de leader.

La recherche des IDE en provenance d’Asie et des pays émergents est un autre défi à relever. Il suppose d’adopter des approches mieux ciblées. La France dispose de marges pour attirer les capitaux asiatiques et, plus généralement, des pays émergents, même si cette orientation peut parfois soulever des problèmes politiques.

Par exemple, la Chine reste un investisseur prudent avec qui il convient de renforcer les flux d’investissements directs. Le nombre des entreprises chinoises en France ne dépasse pas 200 pour seulement 13 000 emplois. Au total, le stock d’IDE chinois s’élevait seulement à 1,3 milliard d’euros (61e rang), selon les statistiques de la Banque de France au 31 décembre 2012. En 2013, l’AFII a comptabilisé 16 primo implantations en France (contre 8 en 2011 et 10 en 2012) sur un total recensé de 33 projets d’IDE chinois créateurs de 653 emplois. Près de la moitié des localisations d’investissement est concentrée en Île-de-France. Toutefois, 75 % des investissements étrangers dans le secteur des opérateurs télécoms sont chinois. Mais un des autres domaines d’investissement des entreprises chinoises relève désormais des activités agroalimentaires. À cet égard, la mission d’information a auditionné, le 3 juin 2014, M. Christian Mazuray, président de Synutra France International, un groupe spécialisé dans la nutrition infantile et qui commercialise ses produits en Chine sous la marque Schengyuan.

En 2008, la Chine a connu une grave crise sanitaire concernant du lait maternisé. La France a alors paru apte à sécuriser et satisfaire une partie des besoins (le marché chinois de la diététique infantile représentant près de 50 % du marché mondial) du fait de la traçabilité de sa production et de la qualité de ses contrôles. Dans un secteur laitier confronté à la libération des quotas, il est indispensable de rechercher des débouchés réguliers et non plus des opérations ponctuelles sur les excédents à destination de pays tiers. Ainsi, le groupe Synutraa décidé de construire, à Carhaix en Bretagne, une usine destinée à produire de la poudre de lait exportée vers la Chine. Il s’agit d’un investissement supérieur à 100 millions d’euros. La matière première sera fournie par les producteurs de lait ayant conclu un partenariat avec Synutra. En outre, la coopérative Sodiaal a prévu d’investir à Carhaix dans une unité de déminéralisation du lactosérum utilisé dans la composition du lait infantile. L’usine Synutra, opérationnelle au second semestre 2015, sera l’entière propriété du groupe chinois ; son financement étant d’ailleurs assuré par des banques chinoises. Il s’agit d’un exemple qui pourrait connaître des prolongements entre sociétés françaises et chinoises dans d’autres activités agroalimentaires.

L’audition de M. Mazuray a été révélatrice de la détermination et des efforts préalables à un tel partenariat. M. Christian Mazuray a notamment souligné qu’il convenait de nouer, dans le cadre de toute démarche entrepreneuriale, des liens durables avec la Chine afin de connaître le mode de fonctionnement de ses décideurs économiques mais aussi de ses responsables politiques qui ont souvent une bonne image des produits français et, plus généralement, de la France.

Il ressort de l’audition que les partenaires chinois ont avant tout besoin de trouver des interlocuteurs de confiance et capables de justifier du bien fondé d’un possible investissement. Il convient également de recruter de façon pérenne des collaborateurs chinois de qualité ; la Chine ayant d’ailleurs comme stratégie d’envoyer se former à l’étranger les meilleurs de ses étudiants et l’État chinois s’appuie souvent sur d’anciens étudiants pour réaliser des IDE. M. Christian Mazuray a indiqué qu’il revenait aussi aux entreprises françaises d’intégrer leurs propres interprètes chinois, ce qui n’est que trop rarement le cas. Plus généralement, il ne semble pas que les systèmes fiscal ou social de la France posent problème aux investisseurs chinois qui cependant, comme beaucoup d’autres entrepreneurs, seraient sensibles à la réduction de certains coûts administratifs résultant de procédures qui peuvent leur paraitre complexes.

Si la Chine reste un pays majeur en tant que destination des IDE (124 milliards de dollars investis en 2013), sa capacité d’investissement à l’étranger ne cesse de croître elle atteint 101 milliards de dollars pour cette même année 2013 (+ 15 %), hors capacités propres à la place de Hong Kong : la CNUCED estime ainsi que les flux « sortants » de Chine pourraient même dépasser les flux « entrants » à l’horizon 2015-2016, une tendance favorisée par une politique de dérégulation progressive du contrôle des mouvements de capitaux des entreprises chinoises. Le fonds souverain chinois China Investissement corporation et sa filiale CIC International disposeraient au total de quelque 800 milliards de dollars. Ce fonds occuperait le 3eou le 4e rang des grands fonds mondiaux, en bénéficiant d’une partie des réserves de change du pays et du très fort soutien du système bancaire national. La sécurisation des approvisionnements en matières premières et ressources alimentaires est l’une des orientations prioritairement assignées à ce fonds par le gouvernement chinois. L’accroissement des échanges franco-chinois reste donc un objectif majeur. Il peut être en partie le fait d’autres fonds spécialisés. Avec le soutien de Bpifrance et de la China Development Bank, le fonds d’investissement Cathay Capital, créé en 2007, vient récemment de lever 500 millions d’euros dans le but d’investir dans des entreprises de taille moyenne des deux pays.

Plus généralement, il convient de s’appuyer sur les IDE solidement ancrés en France pour faire venir leurs sous-traitants, en capitalisant sur la bonne image que les IDE déjà installés ont de la France.

Un autre défi d’importance est de susciter la création de nouvelles chaînes de valeur mondiale.

Il importe aussi de mieux valoriser nos relations avec l’Afrique. Les derniers rapports de la CNUCED montrent que les IDE à destination de certains pays de ce continent sont en réelle progression (les IDE s’orientant naturellement vers certaines poches de croissance), notamment à partir de la Chine qui y aspire à une domination économique mais aussi de la Malaisie ou de l’Inde et, s’agissant des IDE internes au continent, de l’Afrique du Sud, du Nigéria, de l’Angola et du Maroc. Les États-Unis semblent déterminés à contrer l’influence grandissante de la Chine ; en témoigne le récent sommet USA-Afrique tenu à Washington en août 2014 qui a débouché sur l’annonce d’un programme d’investissements américains de 33 milliards de dollars (aides publiques et investissements privés) à destination du continent. L’Afrique est d’ailleurs la deuxième région au monde en termes de croissance : six des dix pays qui affichent les taux de croissance les plus élevés au monde sont africains. Le FMI projette d’ailleurs un taux de croissance régional de 5,8 % en 2015. Alors que les IDE concernaient traditionnellement les industries extractives (Angola, Mauritanie, Mozambique, République du Congo etc.), la CNUCED observe désormais une croissance de leurs flux dans la réalisation d’infrastructures mais aussi la production manufacturière pour la consommation finale et les services, une tendance qui résulte de profondes évolutions démographiques et économiques (émergence d’une classe moyenne accédant à de nouveaux modes de consommation). Entre 2008 et 2012, la part de ces deux secteurs d’activité dans la valeur des projets africains d’investissement de création de capacités est passée de 7 % à 23 % du total.

À cet égard, la théorie des co-localisations, notamment développée par le professeur Mouhoub El Mouhoud (Paris-Dauphine/CNRS), mérite de retenir l’attention. Il s’agit plus exactement de co-productions ou de co-traitances qui se distinguent fondamentalement des processus de délocalisations verticales, telles que largement mises en œuvre dans des secteurs comme le textile-habillement, et qui ont eu pour conséquences d’irrémédiables pertes d’emplois dans des pays comme la France et une paupérisation des qualifications dans les pays d’accueil.

Un IDE « sortant » de France vers une économie en développement peut poursuivre d’autres objectifs que l’unique réduction des coûts de production, lorsqu’il s’agit de faire fabriquer des composants industriels à forte valeur ajoutée par une main-d’œuvre, certes moins onéreuse, mais bénéficiaire de nouvelles qualifications. Dans un premier temps, l’entreprise considérée comme commanditaire substitue effectivement des travailleurs étrangers à sa production d’origine. Néanmoins, des effets de compensation peuvent assez rapidement avoir un impact positif sur sa compétitivité « coûts » et « hors coûts » donc susceptible de lui faire gagner des parts de marché, d’entrevoir de nouveaux investissements, eux-mêmes créateurs nets d’emplois.

Concernant le ou les pays exécutants, le bénéfice est une professionnalisation des salariés conjuguée à une montée en gamme de filières locales jusqu’alors exclusivement cantonnées à des productions massives de faible qualité comme des assemblages de base. C’est dans cet esprit de professionnalisation partenariale que Renault a créé une nouvelle usine à proximité de Tanger au Maroc. Il est trop tôt pour connaître la validité d’un tel schéma. Un regard attentif sur l’évolution des capacités de production et des emplois dans les usines françaises du groupe démontrera ou non le bien-fondé de ce choix.

Plus généralement, il convient de dépasser la simple relation de sous-traitance, comme le démontre une récente étude de l’INSEE selon laquelle une entreprise française sur cinq (comptant plus de 50 salariés) externalise au moins une de ses fonctions à l’étranger, encore majoritairement en Europe mais aussi en Chine qui représente 17 % de nos sous-traitants et, cela est moins connu, en Afrique qui en regroupe déjà 15 %. En outre, quelques entreprises du continent africain commencent à prendre des positions transnationales.

À titre exemple, on mentionnera la reprise, au début de l’année 2014, des usines françaises (1 800 salariés) du groupe d’électroménager Fagor-Brandt par le conglomérat industriel privé algérien Cevital, après la défaillance de la coopérative espagnole Mondragon qui en était propriétaire. Cet investissement est évalué à 200 millions d’euros. La France doit donner une nouvelle dynamique à ses initiatives d’investissement, particulièrement dans l’espace méditerranéen. D’ailleurs, la CNUCED promeut la création de chaînes de valeur régionale fondées sur ce que cette organisation nomme des « pactes de développement industriel régional » dont l’émergence et la consolidation supposent, selon cette institution,« un travail de partenariat entre pays de la région considérée, entre pays et organisations internationales, et entre secteur public et secteur privé » (6).

Les investissements directs étrangers sur notre sol proviennent encore pour leur très grande majorité de nos partenaires économiques traditionnels : pays européens, États-Unis, Japon, etc. Mais la rapidité avec laquelle émergent de nouvelles puissances économiques est telle que cette situation est vouée à évoluer.

Les futurs investisseurs internationaux sont là et la France se trouve en concurrence, notamment avec ses principaux voisins européens, pour les accueillir.

C. UNE PRÉSENCE ENCORE LIMITÉE DES INVESTISSEURS DES PAYS ÉMERGENTS DANS L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

Le tableau qui suit montre l’évolution du poids économique relatif, mesuré par la part du PIB mondial qu’ils représentent, des principaux pays ou « blocs » :

PARTS DANS LE PIB MONDIAL (DOLLARS COURANTS)

(en %)

 

1993

2003

2013

2018 (estimation)

États-Unis

26,7

29,7

21,9

21,6

Union européenne

29,9

30,4

23,2

20,2

Japon

17,7

11,5

6,9

6,1

États-Unis + UE + Japon

74,2

71,6

52,1

47,9

G7

67,9

63,8

45,9

42,6

Chine

2,5

4,4

12,2

15,3

Brésil

1,8

1,5

3,3

3,5

Inde

1,1

1,6

2,7

3

Russie

0,7

1,1

3

3,3

BRIC

6,1

8,6

21,1

25,1

Source : élaboré à partir des données du FMI.

On peut d’abord observer que l’évolution qui aboutit à la remise en cause de la prépondérance économique des pays développés « traditionnels » est rapide.

En vingt ans, de 1993 à 2013, le poids dans l’économie mondiale de la « triade : États-Unis-UE-Japon » est passé de 74 % à 52 %.

Dans le même temps, celui des quatre « BRIC » – Brésil, Russie, Inde et Chine – est passé de 6 % à 21 % et devrait même atteindre 25 % en 2018, principalement du fait de la croissance chinoise.

Il est possible de faire le même type de constat en prenant pour indicateur les réserves de change qui rendent largement compte des excédents économiques accumulés par les pays et permettent d’apprécier leur capacité à investir à l’étranger.

RÉSERVES INTERNATIONALES : DIX PREMIERS PAYS EN 2012
(AU SENS DE LA BANQUE MONDIALE, EN MILLIARDS DE DOLLARS)

Chine (y c. Hong Kong et Macao)

3 721

Japon

1 268

Arabie saoudite

674

États-Unis

574

Russie

538

Suisse

531

Brésil

373

Corée du Sud

328

Inde

300

Singapour

266

Source : base statistique FMI-Banque mondiale.

La prise en compte des réserves de change confirme la montée en puissance des économies émergentes (au premier chef celle de la Chine) et des pays pétroliers. Seuls trois pays du « vieux monde industriel » (Japon, États-Unis et Suisse) figurent parmi les dix premiers détenteurs de ces réserves, selon les statistiques de la Banque mondiale (7). On y trouve en revanche les quatre « BRIC » et l’Arabie Saoudite, qui dispute à la Russie le premier rang mondial des exportateurs de pétrole.

La montée des « fonds souverains » est un autre indicateur du basculement en cours de la richesse et de la puissance économique. Les membres de la mission ont rencontré M. Laurent Vigier, qui dirige CDC International, une filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) plus spécialement dédiée aux partenariats avec les grands investisseurs internationaux. M. Laurent Vigier a mis en lumière l’enjeu que représentent les fonds souverains, soulignant la rapidité de leur montée en puissance. Si le premier acteur de cette nature est sans doute historiquement celui créé par le Koweït en 1953, ces fonds se sont multipliés après la crise financière de 1998. C’est d’ailleurs à cette époque que la Malaisie a décidé de refuser de se soumettre au FMI et de constituer ainsi, d’abord pour assurer son indépendance par rapport à cette institution, une sorte de « réserve de secours ».

Les fonds souverains qui sont depuis devenus un paradigme pour les pays émergents, émanent de pays structurellement excédentaires ou pétroliers  (un tiers environ des encours étant concentré en Asie et un autre tiers au Moyen-Orient). Surtout, en seulement dix ans, leurs encours globaux seraient passés de 1 500 milliards de dollars à 5 400 milliards fin 2012 et sans doute 6 000 milliards à court terme !

La rapidité de la croissance des actifs des fonds souverains rend compte de la conjonction de deux faits : l’accumulation d’excédents et de réserves financières par certains pays émergents ; la décision, récente, de ne pas les conserver uniquement en réserves monétaires ou en placements sûrs, tels que les titres souverains des grands pays occidentaux, mais de se tourner désormais vers des actifs plus diversifiés.

Comme n’importe quel investisseur, les fonds souverains cherchent naturellement la rentabilité. Leur stratégie est toutefois marquée par des caractéristiques qui en font potentiellement des investisseurs « intéressants » :

– disposant de moyens considérables et le plus souvent en constante augmentation, ils ont un souci permanent de déployer leur capital, d’où une recherche de diversification des actifs, qui les a conduits à se lancer dans l’investissement direct dans des entreprises non cotées. Les actifs de cette nature détenus par des fonds souverains seraient actuellement d’environ 150 milliards de dollars, contre 4 milliards en 2004 ! Sur ces 150 milliards, 43 % seraient investis en Europe contre 14 % aux États-Unis ;

– ils s’inscrivent généralement dans une logique de long terme car n’ayant pas de passif – pas de déposants, d’assurés, de clients… à rembourser le cas échéant, ils ne sont pas soumis à des réglementations prudentielles limitant leur possibilité de placements « à risques » et peu liquides, ce que sont par définition les investissements en fonds propres, en particulier dans des entreprises non cotées et en croissance.

Les fonds souverains chinois.

La Chine étant de loin la première économie émergente, les structures de type « fonds souverain » mises en place par ce pays méritent une attention particulière.

● La structure qui répond le plus exactement à la définition d’un fonds souverain est la China Investment Corporation (CIC), qui a été créée pour accroître le rendement des énormes réserves de change du pays. Fin 2011, la CIC gérait 482 milliards de dollars d’actifs. L’allocation de ses actifs internationaux est en évolution rapide : fin 2011, la part des avoirs en actions était tombée à 25 %, contre 43 % d’avoirs plus « risqués » (parts de sociétés non cotées, private equity, hedge funds). La CIC a mis en place un partenariat avec GDF-Suez au titre duquel elle a acquis 30 % de sa filiale Exploration et production international SA pour 3,15 milliards de dollars.

● Un fonds national de sécurité sociale, assimilable à un fonds de réserve, a été mis en place. Autorisé à placer jusqu’à 20 % de ses avoirs à l’étranger, cet organisme a des moyens en croissance très rapide, puisque ses actifs devraient passer de 138 milliards de dollars (2011) à 250 milliards, au terme de l’année 2015 ; 6 % de ceux-ci étant placés en actions étrangères.

● La China Development Bank (CDB) est plutôt une banque publique d’investissement. Elle mérite toutefois d’être mentionnée compte tenu de ses moyens (près de 1100 milliards de dollars d’actifs mi-2012) et parce qu’elle est le véhicule principal pour la création de fonds bilatéraux d’investissement. En 2012, un fonds d’investissement commun dans les PME a ainsi été créé avec la Caisse des dépôts.

La présence croissante des investisseurs en provenance des pays émergents sur notre sol est en général perçue lorsque se réalisent des opérations « voyantes » parce qu’elles concernent des entreprises de prestige qui symbolisent la permanence de traditions et une certaine excellence économique française : palaces parisiens, grands domaines du vignoble bordelais…voire certains clubs professionnels de football.

Cependant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt :

– certes, les pays émergents ne représentent encore qu’une petite part des investissements étrangers en France ;

– mais leurs investissements, bien qu’encore limités, sont d’ores et déjà assez largement diversifiés.

On constate néanmoins depuis quelques années, en France, une certaine montée en puissance des investisseurs des pays émergents.

Le tableau ci-après permet d’évaluer le poids comparé des différents pays d’origine dans le stock d’IDE en France :

LES PRINCIPAUX PAYS D’ORIGINE « ULTIME » DES IDE EN FRANCE EN STOCK
(AU 31 DÉCEMBRE 2011 ET EN VALEUR COMPTABLE)

Pays d’origine

Stock estimé d’investissements en France en milliards d’euros

Part du stock total d’IDE en France (en %)

États-Unis

92,8

22,3

Royaume-Uni

60,3

14,5

Allemagne

58,8

14,2

Luxembourg

34,3

8,3

Suisse

33

8

Pays-Bas

31,6

7,6

Belgique

23,1

5,6

Italie

17,4

4,2

Espagne

12,2

2,9

Japon

7,1

1,7

Irlande

4,8

1,2

Danemark

4,7

1,1

Suède

4,6

1,1

Autriche

2,8

0,7

Chine

2,6

0,6

Source : Banque de France, « Stock d’investissements directs étrangers en France au 31 décembre 2011 », par Bruno Terrien.

Cette montée en puissance n’est pas encore visible en termes de stocks.

Les pays industrialisés – et en premier lieu, d’une part les États-Unis, d’autre part nos principaux voisins européens – détiennent encore la quasi-totalité des IDE en France : le premier pays émergent, la Chine, arrive à la 15ème place, avec seulement 0,6 % du stock total d’IDE en France, après 14 pays développés dont les IDE cumulés représentent plus de 93 % de ce stock total. Trois pays continuent à être à l’origine de plus de la moitié des IDE en France : les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

On pourrait être tenté de penser que cette situation résulte de l’histoire, la mesure des stocks prenant en compte des investissements qui peuvent être anciens, mais l’analyse des flux sur des années récentes ne dément pas le constat. Le tableau suivant permet, dans une certaine mesure, de comparer les flux d’IDE à destination des trois principaux pays européens.

LES ZONES GÉOGRAPHIQUES D’ORIGINE DES FLUX NETS D’IDE CUMULÉS SUR 2010-2012
EN FRANCE, ALLEMAGNE ET ROYAUME-UNI

Zone d’origine des IDE (1re contrepartie)

En milliards d’euros

En % du total

France

Allemagne

Royaume-Uni

France

Allemagne

Royaume-Uni

Union européenne

30,1

46,2

34,2

62

55

30

Autres pays industrialisés

14,8

21,8

64,5

30

26

56

– dont États-Unis

4,3

14,4

55,6

9

17

49

Reste du monde

4

15,7

15,8

8

19

14

– dont Chine (y compris Hong Kong)

0,4

1,2

6,7

1

1

6

– dont Inde

- 0.1

0,2

1

-

-

1

– dont Russie

1,2

0,6

0,2

2

1

-

TOTAL

48,9

83,7

114,5

100

100

100

Source : à partir de données publiées par la Banque de France.

Il convient donc de faire preuve de prudence dans les conclusions que l’on peut tirer de ces statistiques du fait de problèmes d’homogénéité (il subsiste des différences méthodologiques dans le décompte entre les pays considérés). Par ailleurs, l’analyse des flux par année montre de très importantes fluctuations : la prise en compte de trois années cumulées permet d’en atténuer l’incidence, mais peut-être pas d’en assurer un complet « lissage » statistique. Sous ces réserves, outre le constat général de flux d’IDE nettement plus élevés, sur la période 2010-2012, vers le Royaume-Uni et l’Allemagne qu’à destination de la France, il est possible de faire les observations suivantes :

– dans ces trois pays, les flux d’IDE ont continué, dans ces années récentes, à provenir principalement des autres pays industrialisés, avec une différence cependant entre le Royaume-Uni, où ces flux proviennent d’abord (pour la moitié du total) des États-Unis, et l’Allemagne et la France, pour lesquelles l’Europe reste la provenance dominante ;

– la part du « reste du monde », donc des pays émergents, reste donc minoritaire pour ce qui est de l’origine des flux d’IDE vers les trois pays européens, mais avec cependant un poids plus important en Allemagne et au Royaume-Uni (ce « reste du monde » serait à l’origine de respectivement 19 % et 14 % des IDE) qu’en France (où ce taux serait de 8 % seulement). Globalement, au long des trois années retenues, les flux nets d’IDE du « reste du monde » auraient été quatre fois plus faibles vers la France (4 milliards d’euros) que vers chacun de ses deux voisins européens (l’un et l’autre accueillant pour près de 16 milliards d’euros d’IDE venant des émergents).

On peut croiser cette analyse fondée sur les flux d’IDE tels que mesurés par la Banque de France, avec celle de l’AFII, qui repose sur un décompte de décisions d’investissement (en intégrant de surcroît un champ plus restreint puisque ne sont pris en compte que les investissements qui créent ou préservent des emplois). Le tableau suivant permet de quantifier, en cumul sur quelques années, les origines de ces décisions d’investissement :

NOMBRE DE DÉCISIONS D’INVESTISSEMENTS CRÉATEURS D’EMPLOI EN FRANCE SUR LA PÉRIODE 2007-2013 (QUINZE PREMIERS PAYS D’ORIGINE)

Pays d’origine

Nombre de décisions d’investissement

Part du total des décisions (en %)

États-Unis

927

19,5

Allemagne

809

17

Italie

363

7,6

Royaume-Uni

336

7,1

Suisse

242

5,1

Japon

228

4,8

Belgique

227

4,8

Espagne

222

4,7

Chine (y c. Hong Kong)

217

4,6

Pays-Bas

181

3,8

Suède

173

3,6

Canada

142

3

Autriche

89

1,9

Inde

68

1,4

Danemark

60

1,3

Source : tableau établi à partir des données des rapports annuels de l’AFII.

Sur plus de 4 700 décisions d’investissement étranger créatrices d’emplois recensées de 2007 à 2013 par l’AFII, plus de 4 000, soit 85 %, proviennent des treize pays développés « traditionnels » qui figurent parmi ces quinze premiers pays d’origine des investissements en France.

Seuls deux pays émergents figurent parmi ces quinze premiers pays investisseurs : la Chine, au 9ème rang avec presque 5 % des décisions d’investissement sur la période, et l’Inde, au 14ème rang.

Il est à noter que ce qui vaut pour l’ensemble de la période 2007-2013 reste valable si l’on considère seulement les toutes dernières années : en 2013 encore, les États-Unis et l’Allemagne sont restés les deux premiers pays d’origine des décisions d’investissement étranger créatrices d’emplois en France (un tiers de ces décisions à eux deux) ; la même année, la part de la Chine, premier des pays émergents, dans le total de ces décisions était toujours proche de 5 %.

La situation évolue donc lentement. L’AFII relève dans son rapport pour 2013 que « les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) sont à l’origine de 8 % de l’ensemble des projets décidés en 2013, comme en 2012, contre 6 % en 2011 et 1,5 % en 2003 ». La part globale de l’ensemble des pays émergents dans ces projets serait quant à elle de 11 %. « La présence des BRIC en France se stabilise depuis 2010, mais la nature des activités évolue. On observe en effet, une progression des investissements décidés par leurs entreprises dans les fonctions production et recherche et développement, qui représentent respectivement 25 % et 18 % des investissements des BRIC en France ».

La prédominance du monde développé « traditionnel » se retrouve, réciproquement, dans la géographie des investissements directs des entreprises françaises à l’étranger, mais dans une moindre mesure : en stocks, ces investissements restent principalement localisés aux États-Unis (19 % du stock fin 2011) et en Europe ; la première « localisation émergente » n’arrivant qu’en 10e position. Il s’agit du Brésil, avec 25 milliards d’euros d’investissements français en stock, au terme de l’année 2011, soit moins de 3 % du stock d’IDE des entreprises françaises, qui devance la Chine (21 milliards, y compris Hong-Kong) et la Russie (7 milliards fin 2011) (8).

On le voit, les pays émergents ne représentent encore qu’une part secondaire des investissements français à l’étranger, mais qui sont cependant beaucoup plus significatifs que les investissements en provenance des mêmes pays sur notre sol. Cette situation rend sans doute compte du moindre degré d’internationalisation des entreprises des pays émergents et sans doute aussi d’un différentiel de profitabilité et d’attractivité.

Les investissements en provenance des pays émergents : en voie de diversification mais susceptibles d’être associés à des enjeux politiques.

L’analyse des investissements effectués par quelques-uns des principaux pays émergents sur notre sol montre une large diversification des modes d’investissement, des secteurs concernés et des motivations des investisseurs. Le développement de ces investissements amène parfois à des interrogations sur les enjeux politiques – et donc les « problèmes » potentiels – qu’ils représentent. Ce type d’enjeux est effectivement parfois présent, mais le plus souvent les investissements issus des pays émergents en sont dépourvus.

● L’exemple des investissements chinois.

On compterait en France environ 200 filiales d’entreprises chinoises, qui y emploieraient environ 7 000 salariés, auxquelles on peut ajouter environ 70 entreprises hongkongaises, qui représenteraient également près de 7 000 emplois (il ne faut cependant pas oublier, bien qu’ils ne soient pas pris en compte dans ces chiffres, les nombreux entrepreneurs individuels de nationalité ou d’origine chinoise qui sont établis, en particulier en Île-de-France).

La pénétration du marché européen, voire africain et moyen-oriental, est apparemment l’objectif le plus fréquent des investisseurs chinois en France, qui y créent d’abord des bureaux commerciaux, non sans avoir préalablement et prioritairement cherché une implantation au Royaume-Uni, voire en Allemagne car notre pays représente souvent leur « troisième choix ». Mais d’autres objectifs sont également poursuivis, notamment l’acquisition de technologies ou de savoir-faire.

L’accès à la technologie est, en effet, un déterminant essentiel des décisions d’investissement à l’étranger de groupes industriels chinois. Cette orientation a évidemment été à l’origine, en 2010, du rachat par Geely du constructeur automobile suédois Volvo Cars. Moins spectaculaire mais tout aussi stratégique aura été l’acquisition, en 2011, de l’usine de tracteurs Mc Cormick (groupe Argo) de Saint-Dizier (Haute-Marne) par le constructeur de matériels agricoles YTO Group qui a ainsi accédé au savoir-faire d’un site industriel spécialisé dans les systèmes de transmission les plus modernes pour cette catégorie d’engins.

Il est intéressant d’observer que les entreprises chinoises privilégient tout à la fois les centres de décision (39 % des décisions d’investissement) et les unités de production (23 %). Les projets chinois représentent environ 7 % de l’ensemble des centres de décision créés chaque année par l’investissement étranger en 2010-2012, soit le double de la part de la Chine dans l’ensemble des décisions d’investissement étranger. Ces centres de décision chinois correspondent pour la plupart à des primo-implantations. Elles ouvrent ainsi des perspectives à de nouveaux investissements. Certaines entreprises chinoises qui s’étaient d’abord implantées en France pour y vendre leurs produits ont décidé d’y étendre leurs activités. Par exemple, l’équipementier de télécommunications Huawei, présent en France depuis 2003 et qui emploie déjà 650 personnes, a créé plusieurs centres de R&D. Il convient de souligner que cette multinationale chinoise privée réalise déjà 70 % de son chiffre d’affaires hors de Chine. Son concurrent ZTE, ou encore Lenovo, qui opère dans l’informatique, ont d’ailleurs établi leur siège européen en région parisienne. Pour sa part, Huawei a clairement annoncé son objectif d’accroitre sensiblement et pour l’ensemble du groupe ses achats auprès de fournisseur français, cette entreprise étant déjà un client important de STMicroelectronics.

Dans les activités de production, les investissements chinois prennent souvent la forme de reprise de sociétés ou sites existants, notamment des PME en difficulté mais dotées d’un savoir-faire. On recense une quinzaine d’opérations de cette nature, tels que la reprise du tunnelier NFM par Northern Heavy Industries, qui a permis de sauvegarder 240 emplois, ou des moteurs Baudoin par Weichei Power. Souvent, les équipes de direction françaises ont été maintenues en place. Quant aux opérations concernant des entreprises plus importantes, l’une des plus significatives a été réalisée par le groupe Bluestar, qui emploie plus de 2 000 personnes en France après le rachat de l’entreprise de nutrition animale Adisseo et de l’activité silicone de Rhodia.

M. Christian Mazuray, qui dirige la société Synutra France International, chargée de livrer pour le groupe chinois Synutra une nouvelle usine française de poudre de lait pour la diététique infantile a bien précisé que sa production sera intégralement destinée au marché chinois. L’usine, en cours de construction, sera opérationnelle au cours de l’année 2015. Cette opération est particulièrement intéressante pour plusieurs raisons :

– il s’agit d’un cas, encore rare, d’investissement physique ex nihilo chinois dans l’industrie (plutôt qu’un rachat de site ou d’entreprise) dont les enjeux économiques sont importants ;

– il s’agit d’un investissement dépassant la centaine de millions d’euros avec la perspective de 260 emplois directs, sans compter les quelque 700 éleveurs qui fourniront le lait – et pourront donc conforter et même augmenter leur production dans le difficile contexte sectoriel créé par la fin des quotas laitiers ;

– l’objectif de l’investisseur n’est donc pas de pénétrer le marché français mais de s’assurer une source d’approvisionnement dans une optique à la fois quantitative et qualitative. Produire en France est pour l’investisseur non seulement un moyen d’accéder à une ressource abondante, mais aussi de garantir la traçabilité et la qualité de ses produits (en conséquence, les consommateurs chinois acceptent d’ailleurs de payer plus cher les produits laitiers importés) ;

– du point de vue français, c’est donc un flux nouveau et régulier d’exportation qui sera créé, avec une sécurisation des débouchés pour les éleveurs et une montée en gamme en valeur ajoutée.

Enfin, on constate dorénavant l’intérêt de groupes chinois pour prendre pied dans des secteurs qui semblaient jusqu’alors extérieurs au cœur de cible de leurs investissements à l’étranger.

Des exemples récents en témoignent. Dans le cadre d’une ouverture partielle du capital de l’aéroport de Toulouse (le sixième aéroport français), un bloc de 49,9 % a été acquis par un groupement composé de Shandong Hi-Speed Group et de Friedman Pacific Asset Management qui s’est avéré le « mieux disant » en termes de prix et qui, en outre, projette de dynamiser le trafic aérien sur cette plateforme en visant la création d’un véritable hub. Une redistribution partielle de ce bloc de participation est toutefois envisagée par les acquéreurs chinois qui se sont déclarés prêts à en rétrocéder une partie à d’autres partenaires industriels. Pour crédibiliser son business plan, ce groupement s’est assuré le soutien technique de la société d’ingénierie d’origine canadienne SNC Lavalin qui dispose d’une expertise établie dans la gestion des infrastructures aéroportuaires puisqu’elle gère déjà des aéroports régionaux français pour le compte de collectivités territoriales. Il s’agit pour les investisseurs chinois de prendre pied dans un secteur-clé qui pourrait naturellement déboucher sur d’autres activités importantes, notamment logistiques. À certains égards, cette acquisition peut être comparée à un autre projet dont l’avancée reste néanmoins plus lente, à savoir la création d’une plate-forme logistique géante à partir de l’ancienne base aérienne de Châteauroux. Ce projet baptisé « EuroSity » est conduit par le conglomérat chinois Beijing Capital Group. Cette société compte notamment un important pôle de promotion immobilière d’entreprises parmi ses activités. Ses dirigeants ont récemment réaffirmé qu’« EuroSity » représenterait 2 milliards d’euros d’investissements dans les cinq à dix années à venir.

De grandes sociétés des secteurs de l’hôtellerie et du tourisme font dorénavant l’objet d’une attention toute particulière de la part de groupes chinois. Accor, le N°1 européen du secteur, vient de conclure un partenariat stratégique de long terme avec un des principaux acteurs de l’hôtellerie en Chine, le groupe Huazhu, pour développer son réseau en Asie, un partenariat aboutissant à des participations croisées : Accor doit prendre une participation au capital de son partenaire chinois qui, pour sa part, deviendrait actionnaire à hauteur de 10 % du pôle « luxe et haut de gamme » en Chine du groupe français. On rappellera par ailleurs que le Club Méditerranée est lié depuis 2010 au groupe chinois Fosun qui, après une OPA face à des intérêts majoritairement italiens, vient de prendre le contrôle de l’entreprise française. En outre, le groupe Pierre et Vacances a également annoncé il y a peu un rapprochement stratégique avec le promoteur chinois Beijing Capital Land dans le but de développer en Chine des sites directement inspirés du concept de ses Center parcs.

Qu’elles donnent lieu ou pas à des participations directes en capital, ces opérations révèlent l’impressionnante croissance des activités touristiques et des services qui leur sont liés à partir de la Chine mais aussi à l’intérieur de ce pays. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, les Chinois sont désormais les premiers touristes au monde : presque 100 millions d’entre eux ont voyagé à l’étranger en 2013 en dépensant près de 100 milliards hors de leurs frontières. Une étude d’Oxford Economics commandée par Amadeus affirme même que les dépenses touristiques chinoises pourraient être multipliées par dix avant la fin de la présente décennie ! Cette perspective serait à l’origine de ce que l’on pourrait considérer être une véritable offensive chinoise dans les secteurs de l’hôtellerie et du touristique.

Les premières semaines de l’année 2015 confirment cette orientation avec l’annonce par le groupe chinois Jin Jiang International de son intérêt pour racheter au fonds américain Starwood Capital, sa filiale française Louvre Hôtel Group qui contrôle les marques Campanile, Kyriad et Tulip. Le montant de cette opération s’élèverait à plus de 1,2 milliards d’euros.

Le savoir-faire français et la place occupée dans le monde par des groupes français de ses secteurs ont tout à gagner d’une forte implication sur ce marché « hors normes ».

● L’exemple des investissements russes.

Une quarantaine d’entreprises russes seraient présentes en France (selon certaines typologies l’économie de la Fédération de Russie relèverait plutôt de la catégorie des économies « en transition » qu’à proprement parler « émergentes »), où elles emploieraient plus de 5 000 personnes. La France apparaît comme le quatrième pays européen de destination des investissements russes (après l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suisse).

Un très gros projet d’investissement russe semble actuellement en cours de finalisation – le tour de table financier serait bouclé selon ses promoteurs : la construction dans le quartier de La Défense des deux tours Hermitage Plaza, qui seraient hautes de 320 mètres, pour plus de 2 milliards d’euros et plusieurs milliers d’emplois induits. L’opération la plus significative a été le rachat, il y a un peu plus d’un an, pour 800 millions d’euros, de 75 % de l’entreprise de logistique Gefco par le groupe RZD – l’homologue russe de la SNCF. Cette opération répond, comme tout investissement, à des considérations d’opportunité et de rentabilité – le groupe PSA, propriétaire de Gefco, cherchait des fonds car il traversait une des périodes les plus critiques de son histoire et parce que Gefco est une entreprise bénéficiaire. La cession par PSA au conglomérat indien Mahindra &Mahindra de la majorité du capital de Peugeot Scooters relève d’un schéma qui n’est sans doute pas tout à fait comparable car la filiale « scooters », beaucoup trop petite par rapport à la concurrence, reste déficitaire pour PSA qui a aussi une claire volonté de recentrage sur son cœur de métier de constructeur automobile.

Cependant dans l’opération ayant concerné Gefco, l’objectif principal semble avoir été l’accès au savoir-faire d’une entreprise européenne de logistique, une nécessité dans l’immense espace russe encore doté de certaines infrastructures obsolètes, en dépit d’efforts de modernisation. Pour Gefco, ce changement de propriétaire a permis l’ouverture de nouveaux marchés : selon le président de l’entreprise, la Russie et les pays voisins représenteraient maintenant le dixième du chiffre d’affaires, avec de réelles perspectives de développement. Enfin, il y a eu de fortes considérations politiques. Le président de RZD, M. Vladimir Yakounine n’a pas caché leur importance à la mission. Il a expliqué que RZD est une entreprise publique et que l’opération a donc été autorisée voire diligentée par le gouvernement russe. L’accès à ce savoir-faire logistique sert un dessein géopolitique : ériger la Russie, au cœur de l’Eurasie, en espace de transit principal entre l’Europe et l’Asie orientale. Enfin, ces considérations politiques entraînant une réticence de plusieurs entreprises européennes à s’allier à RZD, il est possible que le rachat de Gefco ait été, dans une certaine mesure, un choix par défaut.

Plus généralement et contrairement à ce que l’on perçoit s’agissant des investissements directs chinois, certains objectifs des investissements russes à l’étranger semblent avoir des visées au moins autant « géopolitiques » que strictement économiques.

Le contexte politique actuel peut, en effet, donner à penser que des tentatives plus ou moins abouties de déstabilisation sectorielle comptent parmi les finalités prioritaires, notamment vis-à-vis de « partenaires » de l’Union européenne. Il est à souhaiter que certains faits ne constituent pas une réalité durable.

● Les investissements brésiliens.

Les investissements brésiliens en France ont jusqu’à présent été modestes, mais un projet beaucoup plus significatif pourrait se réaliser dans les années qui viennent : la construction, par le groupe World Trade Center, d’un centre international de conférences proche de l’aéroport de Roissy, auquel seraient associés trois halls d’exposition et sept hôtels. Ce projet, d’un montant de 650 millions d’euros, créerait 2 500 emplois pérennes (hors construction). Les travaux devraient commencer à la fin de 2014.

Ce tour d’horizon portant sur des investissements en provenance de quelques grandes économies émergentes et à destination de la France montre un véritable enjeu stratégique. Ces investissements correspondent souvent à des primo-implantations en France comme en Europe, les stratégies d’internationalisation des entreprises en cause en étant à leur début. Qu’une grande entreprise chinoise choisisse d’établir son siège européen en France ou dans un autre pays européen n’est évidemment pas anodin.

Notre politique économique doit désormais prioritairement intégrer l’objectif de renforcement des partenariats d’investissement avec les pays émergents.

Dans son avis budgétaire pour 2014 sur les crédits du commerce extérieur (9), notre collègue Mme Seybah Dagoma a publié des données particulièrement intéressantes sur la répartition géographique des agents des deux réseaux qui, au sein ou auprès de nos ambassades, ont pour mission de promouvoir l’investissement en France : l’AFII, dont c’est la mission principale, et les services économiques extérieurs rattachés à la direction générale du Trésor, lesquels ont plutôt en charge les aspects plus « régaliens » des questions économiques mais qui peuvent être amenés à faciliter les opérations d’investisseurs étrangers. Les graphiques de la page suivante présentent cette répartition.

LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES AGENTS DE L’AFII À L’ÉTRANGER
(SEPTEMBRE 2013)

Source : graphique élaboré à partir de données de l’AFII. Avis budgétaire pour 2014 sur le commerce extérieur de Mme Seybah Dagoma, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 1431 – tome VI.

LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES AGENTS DES SERVICES ÉCONOMIQUES CHARGÉS DE L’APPUI AUX ENTREPRISES ET AUX GRANDS PROJETS (FIN 2012)

Source : graphique élaboré à partir de données de la direction générale du Trésor. Avis budgétaire pour 2014 sur le commerce extérieur de Mme Seybah Dagoma, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 1431 – tome VI.

Notre diplomatie économique s’est engagée, depuis deux ans, sur la voie d’un redéploiement plus marqué de ses objectifs vers le « monde émergent ». Ses réseaux restent néanmoins largement orientés vers nos partenaires économiques traditionnels que sont les pays industrialisés.

C’est effectivement le cas de l’AFII. Hors d’Europe occidentale, l’agence n’est présente directement (elle peut aussi être présente indirectement en étant représentée par des agents des services économiques) que dans un nombre limité de pays : Canada, États-Unis, Brésil, Russie, Turquie, Israël, Émirats Arabes Unis, Inde, Singapour, Chine, Corée du Sud et Japon. L’AFII n’a donc d’antennes que dans une poignée de pays émergents, les plus grands ou les plus riches. Or, s’il est vrai que la grande majorité des IDE en France viennent encore de nos partenaires traditionnels, cette situation est vouée à évoluer. Le réseau de la direction générale du Trésor a traditionnellement un déploiement plus large : le graphique de la page précédente révèle une répartition géographique plus équilibrée. Par ailleurs, la fusion entre l’AFII et Ubifrance, devrait favoriser une meilleure présence mondiale de nos « ambassadeurs de l’investissement », le réseau actuel d’Ubifrance, plus développé, étant déjà déployé dans une soixantaine de pays, dont un certain nombre de pays émergents.

Il n’empêche que l’effort de redéploiement des réseaux économiques vers les pays émergents doit sans nul doute être accentué.

C’est là que se trouvent les investisseurs de demain ; ces investisseurs, étant au début de leur processus d’internationalisation, n’ont souvent qu’une idée vague et éventuellement fausse des opportunités offertes par la France et peuvent donc être sensibles à de bonnes campagnes d’information. Ils ont généralement, pour la même raison, un besoin plus grand d’accompagnement administratif.

Signalons aussi l’existence du fonds franco-chinois créé par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le groupe CDC a engagé depuis 2007 une politique active en direction d’investisseurs chinois. La China Development Bank (CDB) a rejoint le club des investisseurs de long terme créé en 2009. Ce partenariat multilatéral est complété par un accord bilatéral à visée opérationnelle, qui crée un fonds « PME » franco-chinois parfaitement paritaire (75 millions d’euros chacun) dont la gestion a été confiée à une société privée. Un accord-cadre de partenariat avec la CDB a été signé à l’occasion de la visite du Président en Chine avec trois axes : le développement urbain durable ; l’établissement d’une présence commerciale de la CDB en France, avec une ligne de prêt en renminbi qui pourrait éventuellement être commercialisée via la Bpifrance pour les PME françaises allant vers le marché chinois ; le financement des infrastructures et du Grand Paris, pour lequel la Chine montre un certain intérêt. La CDC est, par exemple, en train de travailler avec la CDB sur une opération dans le Val-de-Marne, avec 3 000 emplois à la clé. Cet exemple montre que la coopération entre les institutions financières françaises et chinoises, qui est un élément de sécurité pour les investisseurs chinois, fonctionne. Ce message est important aussi pour positionner la France comme destination privilégiée.

D. PROTÉGER CERTAINS INTÉRÊTS STRATÉGIQUES

De nombreux pays mènent des politiques poursuivant un objectif de souveraineté

Dans son rapport de 2014 sur l’investissement dans le monde, la CNUCED a constaté qu’au moins 59 pays ou territoires avaient adopté, en 2013, 87 mesures ayant une influence majeure sur les investissements étrangers (10). Une majorité de ces mesures a concerné la libération et la promotion de l’investissement dans diverses branches d’activité. Les privatisations et la création de zones économiques spéciales (« special economic zones » ou SEZ, sortes de zones franches réservées aux investissements étrangers sur lesquelles des pays comme Myanmar ou Cuba fondent des espoirs et qui intéressent particulièrement un pays comme le Japon) constituent des éléments-clés de cette évolution. Mais, parallèlement, les réglementations à visées plus ou moins restrictives qui concernent les IDE, bien qu’en diminution sur le long terme, ont représenté 27 % des mesures adoptées. Ce chiffre est en rapport avec les constatations de l’OCDE qui a évalué à quelque 30 % ce type de mesures parmi celles ayant concerné les nouvelles dispositions relatives aux investissements pour l’année considérée.

Depuis 2012, la CNUCED constate un ajustement des politiques industrielles conduites par les gouvernements. En dépit d’efforts en matière de libération de l’investissement, ils ont néanmoins durci les procédures de surveillance et de sélection en portant «…une très grande attention aux fusions-acquisitions internationales. Des politiques restrictives de l’investissement ont été appliquées à des industries stratégiques […] En général, les gouvernements sont devenus plus sélectifs quant au niveau de participation d’investisseurs étrangers dans différentes branches ou industries nationales ».

Une évaluation attentive montre que les gouvernements sont fréquemment amenés à récuser certaines opérations. La CNUCED a analysé 211 des plus grandes opérations de fusions-acquisitions internationales (d’une valeur unitaire de 500 millions de dollars et plus) non réalisées entre 2008 et 2012. L’ensemble de ces opérations non abouties représentait une valeur globale brute de 265 milliards de dollars. Le constat est que l’échec peut naturellement résulter de raisons strictement économiques ou commerciales, mais qu’il a aussi pour origine, dans un nombre significatif de cas, des motifs réglementaires nationaux, des problèmes de concurrence, des critères de sécurité nationale voire des oppositions de nature politique. Les secteurs de l’énergie et des activités extractives ont plus particulièrement été concernés par des non réalisations de cette nature.

Un pays aussi puissant que la Chine sait jouer de tous les registres de protection. Il a ainsi bloqué, en juillet 2014, la mise en œuvre d’une alliance commerciale et opérationnelle dite P3 conclue entre des grands armateurs européens (le français CMA CGM, l’italo-suisse MSC et le danois Maersk) à laquelle les autorités de la concurrence américaine et européenne avaient donné un feu vert. Par ailleurs, les autorités chinoises viennent d’engager des procédures visant près de 1000 entreprises étrangères (équipementiers et constructeurs de l’automobile) au motif de niveaux considérés trop élevés des marges qu’elles réalisent en Chine, pays dans lequel elles ont créé de nombreuses implantations industrielles. Cette action fait suite à d’autres mesures de nature comparables vis-à-vis d’entreprises installées en Chine dans des secteurs comme la pharmacie, l’agroalimentaire et l’informatique. Il convient certes de distinguer dans de telles interventions entre ce qui relève d’une préoccupation tenant à la loyauté des affaires et ce qui ne serait qu’une pure intimidation, une perception rendue difficile du fait de l’opacité des procédures mises en œuvre par les pouvoirs publics chinois.

D’autres pays sont intervenus pour durcir leur réglementation mais sur des fondements juridiques bien plus transparents et qui, généralement, assurent un strict encadrement aux délais réservés à l’intervention publique.

Ainsi, le Canada a révisé récemment l’Investment Canada Act afin de conférer un plus large pouvoir d’appréciation au ministre de l’industrie concernant les rachats d’entreprises par des intérêts étrangers, sur la base d’une analyse relative au « bénéfice net » pour le pays.

Concernant les États-Unis qui demeurent le premier acteur mondial pour l’émission et la réception d’IDE, le programme gouvernemental Select USA vise certes à faciliter l’installation de groupes étrangers, notamment dans l’industrie, mais laisse néanmoins ouverts aux autorités fédérales comme aux États membres de l’Union, des cadres propices à une vigilance particulière concernant des projets d’investissement dans certains secteurs-clés ou sensibles.

Par ailleurs, dans son rapport de 2014 sur les IDE dans le monde, la CNUCED évoque à plusieurs reprises les conséquences a priori favorables au développement des investissements directs étrangers de l’entrée en vigueur du Traité de partenariat atlantique (TTPP, ex-TAFTA). Cette instance spécialisée des Nations-Unies se garde toutefois de prendre parti sur les modalités d’un éventuel accord entre les États-Unis et l’Union européenne (le projet de traité étant toujours en cours de négociation). Une même problématique est posée dans le cadre de la ratification à venir du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada dit CETA (Canada / EU Trade Agreement) dont les négociations sont terminées depuis peu. En tout état de cause, il paraît difficilement acceptable de laisser s’imposer des normes et pratiques du droit nord-américain en matière de règlement des différends. Ce point est un enjeu majeur dont l’importance mériterait d’être perçue par l’ensemble des pays européens.

En effet, les négociateurs américains tentent de faire prévaloir une conception très extensive des droits de leurs entreprises multinationales concernant les investissements à l’étranger. Dans un tel cadre, ces entreprises bénéficieraient de la plus forte des protections en obtenant la garantie que le cadre réglementaire de leur activité dans un pays tiers restera conforme aux prévisions et business plans définis par elles au moment de leur investissement. Certains juristes anglo-saxons ont même théorisé ce point en estimant que les pouvoirs publics du pays d’accueil sont dépossédés de la faculté de modifier ultérieurement le cadre réglementaire d’activité. Ils considèrent ainsi qu’un État qui manquerait à cette obligation pratiquerait une sorte d’« expropriation indirecte » ouvrant droit à des dédommagements. Cette vision reste inacceptable car elle méconnaît un des fondements essentiels de la souveraineté nationale.

Comment accepter qu’un État puisse de la sorte s’exposer à de lourdes condamnations, principalement arbitrales, au seul motif qu’il ferait perdre de la valeur à un investissement d’origine étrangère (sur la seule base d’un potentiel de gains) du fait d’une modification de sa législation, y compris lorsque cette même législation (donc non discriminatoire) s’appliquerait également à ses entreprises locales ? S’il demeure important pour tout pays de faire prévaloir des objectifs de lisibilité et de stabilité de sa législation, notamment fiscale, un abandon de souveraineté aussi massif peut-il néanmoins être admis dans les secteurs accueillant des IDE d’origine nord-américaine ? Deux perceptions du droit international des affaires s’opposent dans le cadre des grandes négociations commerciales en cours.

La France doit naturellement conserver certains pouvoirs de contrôle.

L’époque n’est évidemment plus celle dans laquelle chaque État disposait d’un complet pouvoir de récusation par un contrôle a priori et systématique sur toutes les entrées ou sorties de capitaux dépassant certains montants. Cette surveillance permanente relevait des mécanismes anciens du contrôle des changes. Or, le développement des échanges et nos engagements à l’échelle européenne comme au titre de traités bilatéraux ou multilatéraux ont définitivement « neutralisé » un tel degré d’intervention administrative.

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, les investissements directs relèvent de la politique commerciale commune qui promeut la libre circulation des capitaux. En droit, la Commission européenne et ses services disposent ainsi de la compétence la plus large.

Néanmoins, les États membres peuvent continuer à exercer un certain pouvoir d’appréciation concernant des situations particulières, sous réserve du contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Ce pouvoir propre, qui reste exceptionnel, résulte d’un Règlement du Conseil N° 139/2004 du 20 juin 2004 qui autorise les gouvernements, s’agissant notamment des opérations de concentration d’entreprises à prendre «… des mesures appropriées pour assurer la protection d’intérêts légitimes ». La France a été, un temps, dépourvue des outils appropriés.

En effet, les modalités des contrôles et les pratiques mises en œuvre, traditionnellement fondées sur des impératifs de sauvegarde de l’ordre public ou encore de la sécurité nationale, sont entrées en contradiction avec les orientations du droit européen, même si la jurisprudence française avait de longue date su définir les contours des notions invoquées. Cette divergence avait été mise en exergue par des décisions de la Cour de justice européenne, concernant des personnes ou entités n’appartenant pas à l’Union ou ne participant pas à l’Espace économique européen. Elle a abouti à l’élaboration de deux textes réglementaires dans le but de préciser et de mieux encadrer un régime d’autorisation : le décret n° 2003-196 du 7 mars 2003 rapidement modifié par le décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005. Les dispositions de ces textes relèvent d’un chapitre de la partie réglementaire du code monétaire et financier (« Investissements étrangers soumis à autorisation préalable » ; section I : « Dispositions relatives aux investissements étrangers en provenance de pays tiers »).

Ces dispositions ont fait l’objet d’une actualisation récente. Une dernière réforme conduite au moyen du décret N° 2014-479 du 14 mai 2014 (abusivement dénommé décret Alstom) a précisé la nature et le champ des activités soumises à autorisation. Cette réforme est effectivement intervenue à l’occasion du rachat par General Electric d’une partie des activités d’Alstom, opération au cours de laquelle le gouvernement avait sollicité du groupe allemand Siemens la présentation d’une offre subsidiaire. Mais l’actualisation réglementaire ainsi énoncée concerne toutefois des activités ou des secteurs plus étendus et, à juste titre, considérés comme essentiels à la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public ou de sécurité publique et de défense nationale.

Ce texte s’inscrit donc dans le cadre d’intervention consenti, par exception, aux États membres par l’Union européenne. Le décret vise les personnes physiques non ressortissantes d’un des États membres de l’Union européenne et les entreprises dont le siège social ne se situe pas dans l’un de ces mêmes États, dès lors que les investissements qu’elles projettent auraient pour effet la prise de contrôle intégrale ou partielle d’une des branches d’activité listées ou le franchissement du seuil de détention de 33,33 % du capital ou des droits de vote d’une entreprise relevant de leurs activités (11). Les ajouts du nouveau décret concernent principalement l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’approvisionnement des principales sources d’énergie, l’exploitation des réseaux les concernant mais aussi l’approvisionnement en eau et les réseaux et services de transport ou de communications électroniques et portent également sur le respect de normes édictées dans l’intérêt de la santé publique.

Le décret vise aussi la protection des établissements, installations ou ouvrages « d’importance vitale » au sens des articles L.1332-1 et L.1332-2 du code de la défense. En pratique, tout investisseur extra communautaire projetant un investissement majeur en France peut préalablement interroger l’administration au moyen d’une procédure de rescrit aux fins de savoir si l’investissement visé relève ou pas de la procédure d’autorisation.

La publication du décret du 14 mai 2014 a ouvert un débat sur le bien-fondé de ce que d’aucuns ont perçu comme une réactivation de mesures parfois hâtivement qualifiées de protectionnistes voire de « colbertistes ». Ce débat a débordé de son cadre strictement juridique au point de se confondre, au travers d’appréciations plus ou moins positives, avec le thème plus général du patriotisme économique. Des économistes comme M. Patrick Artus ont exprimé la crainte qu’une vision excessive du patriotisme économique n’aboutisse à des impasses (source : article de La Tribune du 23 juin 2014).

Certains commentateurs ont critiqué également ces nouvelles dispositions au motif qu’elles émettraient un signal négatif envoyé à des pays comme les États-Unis, le Japon, la Chine, la Corée du Sud ou encore la Russie dont les grandes entreprises disposent d’importantes capacités d’investissement. Des réactions évidemment excessives ont même été jusqu’à parler d’un « krach de réputation » dont la France pourrait avoir à souffrir. Une position délibérément fermée ou trop fréquemment suspicieuse à l’égard des investissements étrangers pourrait effectivement entraîner des mesures symétriques de la part de pays qui estimeraient que leurs implantations ou acquisitions posent, en France, des problèmes trop complexes voire sont rendues quasiment impossibles dans certains secteurs.

Tel n’est assurément pas l’objectif du décret du 14 mai 2014. Ce texte n’entend nullement exclure les entreprises françaises du mouvement mondial de consolidation voire de constitution de grands groupes internationaux.

En tout état de cause, de nombreux pays disposent d’un arsenal de mesures non pas délibérément protectionnistes mais qui, à l’évidence, visent à protéger des activités ou des savoir-faire considérés comme tout à fait importants du point de vue national. À cet égard, les opinions publiques partagent souvent l’ambition des gouvernements. La recherche au bénéfice des consommateurs d’un équilibre de la concurrence entre opérateurs de téléphonie mobile illustre assez bien ce point dans presque tous les pays développés.

Les gouvernements sont ainsi fréquemment amenés à actualiser les armes juridiques à leur disposition. Le domaine sensible des offres publiques achats (OPA) est un bon exemple de cette préoccupation d’adapter les réglementations en vigueur aux pratiques des grands groupes multinationaux maîtrisant rapidement les évolutions des marchés qui permettent une sophistication toujours plus grande des montages financiers.

Ainsi, certaines dispositions récemment adoptées dans le cadre de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle dite loi Florange ont complété les obligations à la charge des entreprises qui lancent une OPA sur une société française, d’abord au bénéfice des salariés au travers de l’information des comités d’entreprise mais aussi au bénéfice des actionnaires auxquels sont attribués des droits de vote double en cas d’OPA dès lors qu’ils détiennent leurs actions à titre nominatif depuis au moins deux années.

Pour autant, il ne s’agit pas d’une préoccupation exclusivement française. D’autres pays européens ont également agi. Le Royaume-Uni, au demeurant réputé très libéral, s’est également récemment saisi de cette question.

Le ministre des entreprises du gouvernement Cameron, M. Vince Cable, a déclaré qu’il conviendrait d’obliger les acquéreurs d’entreprises britanniques à prendre des engagements fermes sur l’emploi, l’investissement et la recherche, en envisageant même des pénalités financières dans les cas de manquement. Ce débat sur les OPA d’origine étrangère a été relancé au Royaume-Uni lorsque le géant américain de la pharmacie Pfizer a tenté de prendre le contrôle de son concurrent britannique AstraZeneca. Cette tentative a échoué mais les pouvoirs publics et l’opinion gardaient en mémoire les engagements non tenus au sujet de la sauvegarde de sites industriels britanniques, par le groupe américain de l’agroalimentaire Kraft, pourtant exprimés lors de l’acquisition de l’entreprise Cadbury en 2010.

Par ailleurs, en Allemagne, les grands groupes sont souvent puissamment protégés de toute tentative d’OPA non sollicitées en raison de la structure juridique qui encadre une part essentielle de leur capital au moyen d’un régime particulier de fondations, sans oublier les détentions significatives d’actions par les Lander ou des établissements financiers publics.

En outre, une loi du 6 mai 2004 prévoit que lorsqu’un investisseur étranger envisage d’acquérir plus de 25 % du capital d’une entreprise allemande en risquant ainsi d’affecter « l’ordre public et la sécurité », l’opération peut être déclarée (de façon optionnelle) au ministère en charge de l’économie et de la technologie. Dans l’hypothèse où l’investisseur n’a pas effectué cette déclaration, le ministère dispose de trois mois après la prise effective de participation pour examiner l’investissement en question. À partir du moment où une procédure d’examen est lancée, il lui est possible, le cas échéant, de s’opposer à cette participation, au cours d’une période de deux mois. Le ministère de l’économie doit également, dans le cadre de l’enquête, saisir les autres ministères éventuellement intéressés. Toute décision de refus d’un investissement doit d’ailleurs être arrêtée en conseil des ministres.

En Italie, le ministère de l’économie et des finances peut s’opposer à toute entrée au capital supérieure à 20 % ou encore à la conclusion de certains pactes entre actionnaires voire exiger la nomination d’un administrateur spécial sans droit de vote, si les intérêts vitaux de l’État sont en cause, et enfin refuser les changements de gouvernance d’une entreprise-cible. Il est également arrivé que le gouvernement italien cherche à bloquer certains investissements étrangers en limitant les droits de vote des investisseurs étrangers ou en invoquant un principe de non réciprocité. Les secteurs considérés ainsi comme « stratégiques » sont : les industries de défense, l’énergie, les transports, les télécommunications et divers services d’intérêt général. En s’inspirant de la loi Florange, le gouvernement Renzi vient de décider d’ouvrir plus largement aux sociétés la possibilité de créer des actions à droit de vote double par l’adoption en assemblée générale d’une résolution en ce sens à la majorité simple, alors que les nouvelles dispositions françaises prévoient une majorité des deux tiers.

Le Royaume-Uni ne dispose cependant pas d’une législation ayant pour seul objet les investissements d’origine étrangère, à l’exception d’une disposition de l’Industry Act de 1975 qui confère au gouvernement le droit de bloquer l’acquisition par des non-britanniques d’« entreprises manufacturières importantes ». Cette disposition n’a cependant jamais été mise en œuvre. Mais dans le cadre des privatisations du gouvernement Thatcher au début des années quatre-vingt, les golden shares, comme d’ailleurs les actions spécifiques qui en étaient directement inspirées et retenues pour certaines privatisations françaises ultérieures, ont conféré au gouvernement un pouvoir de récusation sur toute entrée non souhaitée au capital d’entreprises considérées comme « stratégiques ».

D’autres dispositions, encore plus générales, existent dans les pays européens, sans présenter un caractère discriminatoire puisqu’elles s’appliquent aux nationaux comme aux étrangers. Il en est ainsi des obligations de déclaration de franchissement des seuils de détention du capital (à la hausse comme à la baisse) dans les sociétés cotées en bourse.

En fait, les dispositifs en vigueur visent avant tout à laisser aux pouvoirs publics un cadre d’intervention d’ultime recours dans des situations susceptibles de mettre en péril l’équilibre d’un secteur.

À cet égard, le décret dit Alstom du 14 mai 2014 n’a pas un caractère exceptionnel voire même spécifique par rapport aux moyens qui peuvent être mis en œuvre dans la plupart des pays. Le cadre juridique défini par le décret relève exclusivement du pouvoir étatique au titre d’une procédure principalement instruite et diligentée par des services du ministère de l’économie. La compétence des services ayant cette attribution n’est pas en cause. Cependant, il conviendrait non seulement d’associer mais d’intégrer la région concernée dans la phase d’examen d’une situation « critique » éligible à cette procédure. Le niveau régional est mieux à même de rassembler toutes les informations sur la pleine dimension économique et sociale d’une opération projetée ou dans le cadre d’un suivi d’une opération en cours de réalisation. Dans les situations de reprises d’activités ou pour certaines fusions-acquisitions, une extension de la vigilance aux modalités juridiques mises en œuvre comme aux dispositions particulières à leur financement devrait pouvoir s’exercer au moyen d’analyses préalables.

À l’expérience, des reprises d’activités se sont en effet révélées dommageables à l’entreprise-cible, une ou deux années après le bouclage de l’opération et parfois de façon irrémédiable, du fait de montages juridico-financiers complexes, en tout cas inappropriés au regard du potentiel de résultats de l’activité reprise. Tel a été trop fréquemment le cas de financements par effet de levier avec des taux et des niveaux d’endettement rapidement insupportables, spécialement dans certaines configurations de reprises d’entreprises au travers de LBO (Leverage buy out). Une amélioration du dispositif de contrôle, qui aurait ainsi pour première étape une veille de terrain donc par des acteurs locaux, parait constituer un objectif réaliste.

E. LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN œUVRE UNE POLITIQUE EUROPÉENNE PLUS DYNAMIQUE : PEUT-ELLE D’AILLEURS PORTER UNE POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE GRÂCE AUX FLUX D’IDE ?

À propos du rôle de l’Union européenne dans le domaine des IDE, la mission a également reçu M. Miek Van der Wee, chef d’unité en charge des aides à finalité régionale à la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne (DG Comp.) et M. Koen Van de Casteele, chef d’unité plus particulièrement en charge de la politique des aides d’État au sein de cette même direction générale. Les IDE restent très importants dans l’Union européenne, même s’ils sont actuellement en décroissance, comme c’est le cas dans d’autres zones économiques, par exemple aux États-Unis – les BRICS continuant d’en recevoir beaucoup. C’est l’Union européenne qui accorde le plus de subsides par rapport au reste du monde. Par ailleurs, en son sein, un grand nombre d’IDE proviennent d’autres États membres.

La règle est que l’Union européenne accorde les mêmes aides à une entreprise s’implantant sur son territoire, qu’il s’agisse d’une entreprise européenne ou d’une entreprise ayant son siège ailleurs dans le monde, une entreprise chinoise, par exemple, pour des raisons d’équité. L’autre objectif est l’efficacité de l’économie européenne.

Les aides d’État ne sont qu’un élément relativement mineur dans la décision d’implantation, pour laquelle d’autres facteurs (les infrastructures, la main-d’œuvre, la qualité de vie, le niveau de l’euro, l’efficacité de l’administration nationale et régional etc.) jouent un rôle important. Les tarifs douaniers, en raison de niveaux peu élevés, ne figurent pas parmi les causes de la décision, sauf éventuellement dans des secteurs très particuliers. Les règles techniques en revanche, sont prises en compte, car elles sont un obstacle plus important.

L’Europe reste une destination intéressante donc encore souvent privilégiée par les investisseurs. Selon une enquête d’Ernst & Young (E Y), conduite au plan mondial, 40 % des grandes entreprises choisissent de s’implanter en Europe, en raison de l’attractivité de son marché intérieur.

Votre rapporteur s’est interrogé sur la politique européenne vis-à-vis des régions, donc en matière d’aménagement du territoire. Si au sein de l’Union européenne, la politique d’aides est codifiée, les mêmes règles s’appliquent à tous les IDE ; toutefois, il existe des dérogations pour aider les régions les plus défavorisées qui ont le plus besoin d’assistance : les taux des aides sont dans ces cas plus élevés. Ces dérogations sont toutefois strictement encadrées, afin de sauvegarder l’intégrité du marché intérieur et de ne pas donner lieu à une course aux subsides que les pays ou régions les plus pauvres perdront, faute d’agents compétents et en assez grand nombre.

S’ajoutent à ces aides des subsides de l’État membre. Le Traité interdit le principe même des aides d’État, mais certaines sont néanmoins autorisées mais dans des cas exceptionnels qui répondent à l’intérêt commun. En effet, l’analyse de l’Union européenne repose sur l’effet incitatif du projet d’implantation, qui est un critère fondamental : par exemple, l’objectif est de stimuler la recherche. Elle repose également sur les impacts au titre du développement régional. Des critères ont donc été développés sur ces bases.

Le cadre des aides de l’Union européenne s’applique aux aides versées par les États membres et par les régions. L’Union européenne affirme vouloir appliquer les mêmes méthodes d’examen sur la base de mêmes critères tant pour l’attribution de ses aides, au travers les fonds structurels, que pour ce qui concerne les aides d’État ou des régions. Dans un souci de simplification, les États-membres ne doivent plus informer de façon systématique la Commission, sauf pour des cas très spécifiques ou des montants importants.

La politique d’aide de l’Union européenne se veut très transparente. Selon les vœux des services de la Commission européenne, il serait souhaitable que les États-membres soutiennent cette politique pour l’exporter afin que les autres pays aient le même objectif. Sans parler d’angélisme, il semble qu’un tel objectif de diffusion des grands idéaux économiques européens ne rencontre pas le succès ainsi escompté dans les autres zones économiques mondiales.

Par ailleurs, pour votre rapporteur, la diversité des règles fiscales ou sociales pose un réel problème, pouvant conduire à des rentes. Une harmonisation reste indispensable afin de véritablement unifier le marché intérieur de l’Union européenne dans un sens sans doute différent de celui auquel se référèrent les grandes directions de la Commission (DG Comp, DG Trade ou DG Entreprises). Plus précisément, leurs services se réclament avec constance de l’existence de ce marché unifié en traquant toute discrimination à l’égard d’entreprises européennes ou de pays tiers mais en ne prenant que trop rarement en considération les distorsions de concurrence, pour certaines abusives, qui existent et se sont encore développées au cours des dernières années à l’initiative d’États-membres comme l’Irlande, le Luxembourg ou les Pays-Bas.

La Commission contrôle les positions abusives. Selon les statistiques communiquées à la mission, elle a toutefois interdit très peu de rachats d’actifs : depuis 1989, 22 interdictions sur quelque 5000 fusions examinées ; même si pour certaines opérations réalisées, des conditions ont été imposées. Cette statistique doit être considérée non sans précaution car nos interlocuteurs européens n’ont pas caché que certains projets de fusions ou d’acquisitions ont pu rester lettre morte, leurs instigateurs ayant pu être dissuadés d’aller plus loin à la seule idée de notifier l’opération qu’ils avaient conçue.

En fait, du côté de la Commission, une certaine forme de prudence est néanmoins de mise, en raison des risques de rétorsion, car les entreprises européennes opérant hors de l’Union sont plus nombreuses que les entreprises non européennes s’y implantant et les revenus des investissements qui viennent en Europe sont supérieurs à ceux qui partent d’Europe. La Commission, pour faciliter ces investissements, prône le respect d’un cadre sûr, et non l’application de décisions au cas par cas. De surcroit, déterminer la nationalité des entreprises venant s’implanter en Europe n’est pas toujours aisé.

Votre rapporteur considère également que la notion de politique industrielle doit réellement être prise en compte au niveau européen, les partenariats avec des entreprises non européennes pouvant d’ailleurs avoir pour effet de mieux structurer une activité. La réponse de la Commission est de renforcer la concurrence, qui serait la meilleure façon pour les entreprises de se préparer au plan mondial. En outre, la flexibilité des règles qu’elle met en œuvre donnerait beaucoup de possibilités aux États-membres pour mener à bien une politique industrielle. À ce jour, ces affirmations ne sont pas évidentes.

La philosophie de la Commission est de soutenir des secteurs d’activité plus que des entreprises spécifiques ou des activités déterminées, comme la recherche et développement. Elle sanctionne, à ce titre, les cartels et les positions dominantes susceptibles de nuire à la compétitivité de l’Union européenne.

L’existence d’investissements vertueux ne doit néanmoins pas faire oublier les opérations purement financières dont l’objectif est souvent de démanteler les entreprises pour en revendre les actifs, sans rien apporter à l’économie réelle. Les acquisitions par certains fonds d’investissement qui ne recherchent que la rentabilité ont un effet dévastateur, ce qui a justifié le décret du 14 mai 2014 pris à l’initiative M. Arnaud Montebourg afin de soumettre certains investissements étrangers à autorisation préalable. Dans cet esprit, votre rapporteur souhaiterait que les montages juridiques accompagnant les projets soient également examinés plus systématiquement au niveau des États-membres car il lui a été confirmé que ce point pourtant essentiel n’entrait pas dans les critères d’examen des services de la Commission européenne.

En principe, si le projet ne comporte pas d’investissement réel, et donc pas d’effet incitatif, il ne sera pas autorisé par la Commission européenne mais aucune pénalité n’est prévue. La Commission européenne examine, en cas de fusion, l’impact en résultant sur le marché ; l’État membre peut prendre en compte certains éléments, qui sont limités, par exemple l’atteinte à la sécurité nationale. Elle a également, lors des processus d’examen, le souci de la réciprocité.

CONCLUSION

Nos territoires, en fonction de leur histoire industrielle mais aussi de leur positionnement géographique et de leur démographie, disposent d’indéniables atouts pour accueillir des investissements productifs d’origine étrangère. De nombreux groupes étrangers ont d’ailleurs construit de solides bases industrielles et commerciales à partir d’une première implantation en France. Ils ont ainsi créé, au-delà du marché national, de nouveaux flux d’exportations. Notre mission d’information a rencontré certains de ces investisseurs exemplaires dont il a été possible de rendre compte des succès.

La situation s’est cependant profondément transformée au cours des dernières années. Il convient aujourd’hui de repenser les termes de la compétitivité dans une économie ouverte et dans laquelle les concurrents de la France sont d’abord des pays voisins ayant des niveaux de développement comparables. Les nouvelles activités industrielles et les services qui leur sont liés participent dorénavant à des chaînes de valeur à vocation transnationale. Nos entreprises auxquelles il revient d’être les partenaires des investisseurs étrangers dans nos territoires doivent impérativement mieux s’agréger à ces chaînes de valeur. Il convient également que des secteurs de l’économie française suscitent la création de nouvelles chaînes de valeur à vocation internationale, notamment avec des économies dites « émergentes ».

Dans des économies matures, comme le sont les principales économies des pays de l’Union européenne, le ralentissement désormais constaté des IDE « entrants » ne constitue pas pour autant un handicap de croissance. Les nouveaux flux d’IDE ont changé de nature. Ils contribuent à la transformation de l’économie en développant des sphères d’activité nouvelles, plus diversifiées, dans lesquelles les services à haute valeur ajoutée tiennent une place plus importante et désormais décisive dans le contexte de l’économie mondiale. Cet apport complète le socle constitué par le stock des IDE, particulièrement important en France puisqu’il représente plus de 1800 milliards de dollars. Ce socle contribue toujours à structurer notre économie. L’agrégation de ces nouveaux IDE n’est aucunement en contradiction avec ce phénomène car, dans une bonne mesure, elle permet de faire évoluer des pans entiers de l’appareil productif vers une Nouvelle économie industrielle encore plus ouverte sur l’échange de biens physiques mais aussi de process et de capacités d’innovation. Une plus large ouverture sur l’« économie monde » est un des défis essentiels d’attractivité et de compétitivité qu’il revient de relever.

Cette donnée a constitué le fil directeur des analyses de votre rapporteur.

Il s’agit de prendre en compte une conception globale. Cette conception repose sur des chaines de valeur transnationales au sein desquelles les entreprises françaises doivent arrêter des stratégies qui, certes, peuvent mettre en cause leur manière de produire mais qui supposent avant tout des choix sur les axes de production et les spécialisations qu’elles entendent privilégier pour l’avenir.

Pour atteindre un tel objectif, le développement de partenariats d’affaires croisés reste l’une des conditions à satisfaire. Un mouvement est d’ores et déjà engagé en ce sens avec des pays comme la Chine ou l’Inde. Mais il est aussi nécessaire avec d’autres « grands émergents » qui disposent de ressources d’investissement parfois considérables. La rencontre entre nos savoir faire et de telles capacités financières externes mérite d’etre mieux valorisée.

Il reste également à poursuivre l’adaptation de nos structures d’accompagnent, tant au niveau national que dans les régions qui constituent le niveau le mieux adapté pour promouvoir cette politique. La fusion réalisée entre Ubifrance et l’AFII doit participer de façon déterminante à la coordination et à la clarification des actions.

Pour autant, notre indépendance nationale ne saurait être affectée par un engagement collectif sur la voie d’une mondialisation intelligente et même vertueuse. Il est en effet légitime de sauvegarder des intérêts vitaux dans des secteurs-clés comme, par exemple, l’énergie, les réseaux et la santé publique. Cette préoccupation se traduit au niveau national par l’existence de dispositions d’examen préalable de certains projets, d’ailleurs utilement précisées par le décret du 14 mai 2014. Ce filtrage doit évidemment porter sur la nature des activités concernées mais aussi sur les modalités de financement mises en œuvre par un éventuel repreneur et, bien entendu, sur les conséquences sociales d’une opération. Les manques sont plus flagrants au niveau européen. Le besoin d’une claire régulation est encore insuffisamment satisfait par l’Union européenne qui n’a pas su construire une véritable doctrine concernant ses relations économiques avec l’extérieur. Les procédures d’examen des acquisitions d’entreprises par des investisseurs de pays tiers, des attributions d’aides publiques ou encore des concentrations reposent sur des postulats parfois peu réalistes. Il est également regrettable que l’Europe n’ait jamais véritablement défini les grandes lignes d’une politique industrielle commune et que des distorsions de nature fiscale et sociale restent très importantes entre pays membres. Il en résulte une concurrence intra-européenne souvent stérile qui, dans certains cas, porte même atteinte à la crédibilité internationale de l’Union européenne.

Sur la base d’un bilan non exhaustif mais que votre rapporteur a voulu le plus concret possible, les recommandations du présent rapport ont pour ambition d’éclairer les voies et moyens d’une politique visant à adapter nos objectifs de croissance et nos structures en fonction d’une mondialisation raisonnée.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de leur réunion commune du 18 novembre 2014, les commissions des affaires étrangères et des affaires économiques ont examiné les travaux de la mission d’information sur les investissements étrangers en France sur le rapport de M. Philippe Kemel.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je vous rappelle que notre Commission a rendu son avis, le 5 novembre dernier, sur la nomination de M. Nicolas Grivel en qualité de directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Le dépouillement du vote a donné le résultat suivant : 45 votants, 31 pour, 1 contre, 13 bulletins blancs et nuls. Quant à la Commission des affaires économiques du Sénat, elle a également approuvé cette nomination.

Par ailleurs, notre Commission s’est saisie pour avis de deux textes :

– le projet de loi de finances rectificative pour 2004 (n° 2353). Cette saisine est partielle et concerne uniquement les articles 9, 16 et 22 relatifs au logement. Par conséquent, je vous propose la nomination de M. François Pupponi comme rapporteur pour avis ;

– la proposition de loi constitutionnelle de MM. Éric Woerth et Damien Abad visant à instaurer un principe d’innovation responsable (n° 2293), qui sera inscrite à l’ordre du jour de la journée de séance réservée à l’UMP le 4 décembre prochain. Je vous propose la nomination de M. Philippe Kemel comme rapporteur pour avis.

De plus, deux missions d’information internes à notre Commission ont été créées : l’une sur la filière « bois », à l’initiative de M. Damien Abad ; l’autre sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, à l’initiative de Mme Brigitte Allain.

Enfin, la Commission participera avec la Commission du développement durable à la mission d’information commune sur la Banque publique d’investissement (BPI).

Nous abordons maintenant l’étude du rapport de la mission d’information sur les investissements directs étrangers en France.

M. François Scellier, président de la mission d’information. Au terme des travaux de la mission d’information sur les investissements étrangers, je voudrais en dire quelques mots. Le champ de la mission était très vaste, et si nous nous sommes un peu interrogés, au début, sur les orientations à prendre, les auditions ont permis d’aboutir à plusieurs constats intéressants.

Nous avons pu rencontrer près de cinquante personnes, venant d’horizons très divers : les « institutionnels », tels que l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), la Banque de France, la Banque publique d’investissement (BPI), la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ; la direction des entreprises et de l’économie internationale du ministère des affaires étrangères, la direction générale du Trésor, etc., mais aussi des cabinets spécialisés comme Ernst & Young ou Trendeo, des économistes comme Mme Sylvie Montout et M. Yves Crozet, ainsi que des représentants des investisseurs étrangers eux-mêmes.

De toutes ces personnes dont le métier est de dénombrer les investissements étrangers, nous avons appris qu’il est difficile de les identifier et de les quantifier, a fortiori d’analyser scientifiquement ce qui les détermine. Cela relativise, nous semble-t-il, les chiffres et les classements qui font régulièrement les gros titres de la presse économique. Il est essentiel, pour le moins, d’analyser ces chiffres sur le moyen terme, car les fluctuations annuelles sont assez erratiques.

Nos échanges les plus intéressants sont probablement ceux que nous avons eus en direct avec les investisseurs étrangers, très variés, qu’il nous a été donné de rencontrer, qu’il s’agisse des représentants de la compagnie des chemins de fer de Russie, de la multinationale américaine Mars, de Toyota ou encore d’entreprises chinoises telles que Huawei, dans le domaine électronique, et Synutra, dans celui, plus inattendu, des laits maternisés pour bébés. Certaines de ces entreprises, je pense à Toyota et Mars, apparaissent comme exemplaires, car leur présence en France est ancienne, voire très ancienne.

Il s’agit d’investisseurs dont la présence est très utile pour notre économie et qui, de manière générale, croient en la France, puisqu’ils y sont fortement implantés. Pourtant, quand on demande à certains d’entre eux, qui sont là parfois depuis des décennies, s’ils referaient le même choix aujourd’hui, leur réponse, hélas, est souvent négative. Ils évoquent naturellement, pour expliquer cette position, les coûts salariaux et le niveau des charges, mais l’élément qui revient le plus souvent dans leur discours, critique, sur notre pays, est la complexité du système administratif et des réglementations, ainsi que leur instabilité.

Le rapport définitif de la mission fera certainement des recommandations utiles sur l’ouverture aux investissements étrangers et la manière de les attirer, mais je ne crois pas que ce soient des mesures spécifiques qui présentent la plus grande utilité. La principale conclusion, en effet, que je tire de nos travaux, c’est que les facteurs qui découragent parfois les investisseurs étrangers sont les mêmes qui nuisent à la compétitivité de nos propres entreprises. Ce que nous devons d’abord faire, c’est améliorer la compétitivité de toutes les entreprises implantées chez nous, qu’elles soient françaises ou étrangères, en leur imposant des charges et des règles moins lourdes, moins complexes et plus stables. Nous le savons tous depuis longtemps, il reste à passer aux actes.

Je signale enfin que mon attention, au cours du séjour de deux semaines que je viens d’effectuer en Asie, a été particulièrement appelée sur la perception qu’ont les Chinois et les Japonais des questions de sécurité dans notre pays, s’agissant particulièrement des touristes. Nous devons y être très attentifs, car le tourisme est un élément important de notre attractivité, et si ces bruits, trop souvent fondés malheureusement, continuaient à se propager en Asie, ils auraient des répercussions négatives sur la venue des touristes asiatiques en France.

Mme Odile Saugues, vice-présidente de la commission des affaires étrangères. Elizabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires européennes, représente cette semaine notre assemblée à l’Assemblée générale des Nations unies et m’a donc demandé de la suppléer.

La mission d’information sur les investissements étrangers que nous avons constituée avec la Commission des affaires économiques est arrivée au terme de ses travaux et nous présente aujourd’hui, si j’ai bien compris, un rapport d’étape qui doit précéder l’examen, dans quelques semaines, du rapport définitif. J’espère que nous pourrons disposer rapidement de ce document, car le sujet est important. Notre Commission est en effet de plus en plus souvent confrontée à des questions concernant les investissements étrangers, sous l’effet de plusieurs facteurs.

Tout, d’abord, ces investissements ne cessent d’augmenter, et leur poids dans notre économie de s’alourdir. Environ 30 % du chiffre d’affaires de l’industrie française est ainsi assuré par des entreprises étrangères ou sous contrôle étranger. Il est donc légitime qu’une question comme celle de l’inclusion de clauses d’arbitrage international privé dans les accords commerciaux internationaux soit considérée comme centrale. Il y a quelques semaines, notre Commission des affaires étrangères a entendu le secrétaire d’État au commerce extérieur, M. Matthias Fekl, sur ce sujet diplomatique majeur, qui devra être tranché sans tarder dans le cadre des accords de partenariat avec le Canada et les États-Unis.

Une deuxième raison pour laquelle la question des investissements étrangers est déterminante est la situation de notre économie, qui justifie que Laurent Fabius donne la priorité à la diplomatie économique.

Enfin, ces investissements proviennent de pays de plus en plus variés, et il en est de même en sens inverse. Longtemps, les flux croisés d’investissement ont concerné essentiellement les pays industrialisés traditionnels, mais nos entreprises sont désormais de plus en plus présentes dans les économies émergentes, et réciproquement. Il en résulte notamment que les enjeux politiques se mêlent de façon croissante aux enjeux économiques. Il est clair, par exemple, qu’il y a des interférences entre la crise ukrainienne, la question des sanctions, et les intérêts des entreprises françaises et russes. Il est clair également que, lorsqu’une entreprise chinoise rachète une entreprise française, nous devons nous poser la question de la protection de nos brevets et de nos savoir-faire.

Pour toutes ces raisons, j’espère que le rapport de la mission nous donnera des pistes pour trouver le bon équilibre entre la nécessité d’attirer et de bien accueillir les investissements étrangers et le légitime souci que nous avons de préserver notre souveraineté, notre modèle social, contre les risques d’interférences politiques et les dérives de certains investisseurs, qu’il s’agisse de fonds prédateurs ou de pays surtout intéressés à capter nos technologies.

M. Philippe Kemel, rapporteur. Le président de la mission vient de rappeler l’ensemble des auditions auxquelles nous avons procédé et le contexte dans lequel le rapport avait été demandé, à un moment où nombre d’observateurs pointaient un certain reflux des investissements étrangers en France, rendant nécessaire de vérifier l’existence de ce phénomène et d’en cerner les causes éventuelles.

L’ensemble des auditions auxquelles nous avons procédé montre que les investissements directs étrangers (IDE) se sont surtout développés parallèlement à l’essor des échanges commerciaux internationaux, et selon une logique propre aux systèmes de production qui, plutôt que d’exporter ou d’importer de la marchandise, se sont mis progressivement à exporter machines et outils – ce que l’on appelle les facteurs de production. C’est à partir des années 1980, notamment entre 1985 et 1990, que les flux d’investissements étrangers entrants et sortants ont quadruplé en valeur, passant de 50 à 200 milliards de dollars courants, et cette évolution n’a pas cessé jusqu’à ce jour, à l’exception de deux périodes de crise : 2000-2003 et 2008-2009. On sait qu’il y a investissement étranger dans un pays lorsqu’il y a une logique d’approche commerciale, lorsque la présence d’un facteur de production est susceptible de conférer un avantage compétitif à la firme, ou lorsque celle-ci doit adapter le système de production aux contingences locales.

La logique des IDE relève, pour la France comme pour l’Europe occidentale et pour les États-Unis et pour l’Europe, de ce que l’on peut appeler la maturité économique. Le « stock » accumulé des investissements étrangers en France détermine une partie de son système productif, particulièrement dans l’industrie, où l’on estime qu’ils représentent 30 % de l’activité. L’évolution récente vers une économie-monde fait cependant que de plus en plus de pays émergents, notamment asiatiques, arrivent à leur tour à maturité, si bien que le poids relatif des États-Unis et de l’Europe dans le total des IDE tend à diminuer, même si les résultats français sont stables en valeur absolue.

Il existe une multitude de définitions et d’approches permettant d’estimer la contribution des IDE à l’économie réelle. Ces définitions varient fortement selon les organismes, les uns s’intéressant surtout aux flux de capitaux, les autres aux flux, nettement plus faibles – de l’ordre de 10 % du total – qui alimentent directement l’économie réelle. Pour notre part, nous avons retenu la seconde option, partagée notamment par l’Association française de finance (AFFI) et par la direction générale du Trésor, et considéré les opérations en termes de valeur, de production industrielle et de nombre d’emplois générés, plutôt que, par exemple, les mouvements de capitaux ou les mouvements financiers en provenance des fonds souverains. Il peut s’agir de prises de participations ou de créations de site ex nihilo, comme dans le cas de Mars ou de Toyota.

Parmi les pays européens, la France est incontestablement l’un de ceux qui attirent ce type d’investissement. Son système productif est davantage tourné vers les services, la logistique, l’activité bancaire, tandis que la part de l’industrie a fortement diminué au cours des dernières années a fortement diminué, jusqu’à ne plus représenter aujourd’hui que 13 à 14 % du PIB. Or, il n’y a d’attraction des IDE que dans les secteurs où nous existons et sommes compétitifs : Toyota investit en France parce qu’il y a une industrie automobile qui dispose d’un réseau de développement européen, Mars, parce qu’il existe une industrie agroalimentaire. Ce sont donc les conditions mêmes de notre système productif qui font notre attractivité.

Nous avons aussi des atouts objectifs : notre situation géographique privilégiée en Europe, notre vitalité démographique, la qualité de notre cadre de vie, de nos infrastructures, de notre système éducatif, universitaire et de recherche, la productivité de notre main-d’œuvre – dont on aurait tort de ne considérer que le coût. Quant à notre environnement juridique et fiscal, dont le président Brottes a souligné qu’il pourrait être amené à évoluer, une constante demeure, que toutes les personnes auditionnées ont mentionné comme un élément déterminant de l’attractivité de la France : le crédit d’impôt recherche (CIR).

Il existe donc incontestablement un environnement favorable, fondé sur les atouts de la France et sur la substance de l’économie française – et c’est pourquoi, dès lors que celle-ci a perdu de la richesse en termes de production réelle, elle a du même coup de sa capacité d’attraction, qu’il s’agit aujourd’hui de reconquérir, en analysant le type d’investissements étrangers dont nous avons besoin. Nous pouvons distinguer entre trois catégories.

La première est celle des investissements « vertueux », tels ceux de Mars ou de Toyota – mais ce ne sont pas les seuls exemples. Vertueux, ils l’ont été parce que les valeurs et le métier de l’investisseur ont rencontré ceux du territoire. Ainsi, lorsque Toyota vient à Valencienne, l’entreprise, qui apporte sa culture japonaise des « flux tendus » et a un réel projet de long terme, sait nouer de bonnes relations de dialogue avec les représentants des salariés comme avec les élus de la ville – dont Jean-Louis Borloo est alors le maire. Il en a été de même pour Mars : le partage du projet économique avec les salariés et le soutien inconditionnel du territoire donnent des résultats particulièrement positifs.

Il existe, inversement, des investissements destructeurs d’activité, voire prédateurs, dont le but ultime est de phagocyter la substance de l’entreprise, dans une logique de pure rentabilité financière. Nombre d’opérations de leverage buy-out (LBO), par exemple, visent en fait à racheter les actifs pour les revendre ensuite, ce qui peut être très déstabilisant pour le territoire.

Enfin, les start-up constituent une troisième catégorie d’investissement, qui s’appuie sur la recherche. Cependant, ces entreprises n’ont souvent pas les moyens de développer leur activité en France et le font donc à l’extérieur, de sorte qu’il n’y a pas d’effet d’entraînement sur l’économie réelle.

C’est l’ensemble de ces éléments qui servira de base au rapport dont nous allons maintenant discuter les éléments. Il nous faudra pour cela dire quelle vision nous avons de l’avenir de notre système productif, à travers les trente-quatre plans industriels, le développement de notre innovation, la stabilité de notre système fiscal et les signaux que nous adressons à l’extérieur. Notre indépendance nationale repose sur la maîtrise de certains secteurs essentiels pour notre production de valeur ajoutée, pour la création d’emplois, d’activités et de richesses.

M. Hervé Pellois. La diversité des classements internationaux ne rend pas facile de se faire une idée claire de l’attractivité de la France aux yeux des investisseurs internationaux. La CNUCED, par exemple, tient un discours très différent de celui de l’AFII, et l’on ne sait trop à qui se fier pour déterminer quels sont les bons critères.

La fusion de l’AFII et d’Ubifrance, qui sera effective en 2015, pour but de renforcer l’attractivité du territoire. Permettra-t-elle d’attirer d’avantage d’IDE ? Comment l’action de la nouvelle entité s’articulera-t-elle avec les outils dont disposent, à l’étranger, les chambres de commerce et d’industrie (CCI) ou les conseils régionaux ?

Mme Laure de La Raudière. Cette mission est très importante, car il est bon d’avoir une vision objective de ce que pensent les étrangers de notre pays. Ils n’ont ni notre histoire, ni notre culture, ni notre fonctionnement, et nous comparent avec les autres pays, évaluent nos forces et nos faiblesses. Les grands groupes qui se sont installés récemment en France – vous avez cité Toyota et Mars, monsieur le rapporteur, mais j’aimerais citer aussi Microsoft et Google sont venus pour notre personnel qualifié et pour le crédit d’impôt recherche (CIR). Ils ne créent en France qu’un petit nombre d’emplois ultra-qualifiés, et ne paient guère d’impôts chez nous. Il faudrait que nous puissions déterminer quelle est la part des investissements directs étrangers qui ne sont motivés que par l’optimisation fiscale et la perspective de bénéficier d’un personnel hautement qualifier dont ils n’ont pas eu à financer la formation. Je ne veux pas remettre en cause le CIR, mais que faut-il faire pour que ces investissements se transforment en emplois en France ? Beaucoup nous disent que notre instabilité fiscale et réglementaire, incomparablement plus grande qu’en Allemagne ou en Grande-Bretagne, est un frein considérable, et que notre droit social est beaucoup plus compliqué. Pourriez-vous étudier la question en vous appuyant sur des exemples concrets, micro-économiques, plutôt que sur des généralités macro-économiques, de façon à nous permettre de formuler des propositions précises ?

M. Michel Destot. Je voudrais suggérer que l’on cherche à discerner, parmi les différents territoires français, ceux qui sont les plus performants et les plus attractifs pour les IDE, au vu de critères comme l’environnement scientifique – recherche, innovation, technologie –, mais aussi social et sociétal : la cité scolaire internationale de Grenoble, par exemple a constitué un levier d’attractivité extrêmement puissant.

Je voudrais également savoir comment trier parmi les IDE, afin de nous prémunir contre les investissements purement spéculatifs ou opportunistes. Avons-nous des chiffres à ce sujet, et pouvons-nous mettre en place des barrières ?

Mme Michèle Bonneton. On a beaucoup insisté, de façon générale, sur la compétitivité au cours de ces dernières années. Or le rapport de l’AFII montre que le niveau de formation, la qualité de la recherche et des infrastructures comptent parmi les critères décisifs de choix aux yeux des investisseurs étrangers France, et l’environnement administratif est par ailleurs décrit comme bon par les entreprises qui s’y installent. Bref, au-delà du discours traditionnel sur le déclin de la France, on constate que ce sont les « fondamentaux » de notre pacte républicain – éducation, aménagement du territoire, services publics de qualité – qui confèrent à notre pays son principal avantage comparatif « hors coûts ». Ne pensez-vous pas que c’est précisément là-dessus que nous devons faire porter nos efforts ?

Par ailleurs, la baisse de l’euro devrait redonner de la vigueur à nos industries exportatrices. Comment faire en sorte que cela bénéficie aux investissements étrangers en France ? De nouveaux facteurs apparaissent, tel le niveau de couverture numérique à très haut débit ou la capacité d’innovation, qui sont autant de défis pour notre économie et pour les pouvoirs publics. Comment la France est-elle perçue par les entreprises étrangères dans ces domaines, et quelles sont les perspectives ?

Enfin, on constate souvent que les banques ne soutiennent pas assez nos entreprises, ce qui a notamment pour effet de faciliter leur rachat par des investisseurs étrangers et d’aggraver notre dépendance vis-à-vis des capitaux étrangers. Quelles mesures vous sembleraient nécessaires pour modifier cet état de fait ?

M. le président François Brottes. Il est vrai que la vulnérabilité de nos entreprises aux offres publiques d’achat (OPA) constitue un sujet de préoccupation, même si nous avons récemment voté un texte qui confère le vote double aux actionnaires de plus long terme. C’est une question qu’il faudra traiter dans le rapport.

M. Jean-Claude Mathis. J’ai été alerté en entendant le président de la mission dire que les touristes asiatiques craignaient pour leur sécurité. Le rapport préconisera-t-il des mesures susceptibles de les rassurer ? Il serait très regrettable que nous perdions pour cette raison plusieurs millions de visiteurs.

Vous insistez surtout, monsieur le rapporteur, sur les investissements étrangers en France, mais il est également vital que nos entreprises investissent à l’étranger, afin de faire partie de chaînes de valeur à vocation mondiale, gage de notre compétitivité. C’est ce que fait Renault, d’ailleurs, en s’installant au Maroc tandis que Toyota s’est installé en France.

M. Jean-Pierre Le Roch. Sur la base du décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, le ministre de l’économie a accordé son autorisation, le 5 novembre dernier, à General Electric pour la réalisation de son projet d’investissement avec Alstom et la création d’une alliance industrielle dans le secteur de l’énergie. Monsieur le rapporteur, vous soulignez dans votre document d’étape la nécessité de mettre en place des règles de filtrage, voire de contrôle, afin de préserver notre souveraineté et notre compétitivité face aux IDE opportunistes. Pensez-vous que ce décret soit suffisant, ou proposerez-vous de nouvelles dispositions pour protéger au mieux ce secteur stratégique ?

Par ailleurs, le débat public vire bien souvent au French bashing, alors qu’un récent rapport de la Banque mondiale et le tableau de bord publié hier par l’AFII s’accordent à montrer les nombreux atouts de la France et la progression de son attractivité. Pensez-vous que des efforts de communication soient nécessaires ?

M. Jean-Claude Guibal. Votre document d’étape, monsieur le rapporteur, s’intéresse-t-il aux prises de participation étrangères dans le capital des entreprises françaises, notamment celles du CAC 40, et à leur montant ?

M. Gwenegan Bui. S’agissant des risques pour la sécurité des touristes chinois et japonais, qu’a évoqués le président Scellier, le rapport d’information de Michel Destot publié l’an dernier par la Commission des affaires étrangères y a consacré quelques développements, suite à quoi les ministères de l’intérieur et des affaires étrangères ont joint leurs efforts pour résoudre le problème, important car des montants non négligeables de devises étrangères sont en jeu.

Comme l’a souligné notre rapporteur, les IDE sont utiles au développement de notre économie, mais ne sont pas sans poser problème à certains égards. Je souhaite notamment savoir quelles préconisations seront faites pour protéger nos intérêts stratégiques, non seulement a priori, mais aussi dans la durée : je pense notamment au risque de perte de brevets, ou d’imbrication trop forte des économies dans certains secteurs, qui pourrait menacer notre souveraineté.

M. Patrick Balkany. Je suis maire d’une petite commune de la région parisienne comptant, pour 65 000 habitants, 65 000 emplois répartis sur un peu plus de 7 000 entreprises. Je connais bien les chefs d’entreprise, puisque je les côtoie depuis trente ans, et je sais que tous, français comme étrangers, ont à peu près les mêmes préoccupations. Je les entends souvent affirmer que, dans l’Europe et le monde concurrentiels où nous vivons, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie ou la Belgique sont plus attractifs que notre pays, qui présente une forte incertitude fiscale et juridique – le code du travail, en particulier, leur semble parfois bien compliqué. Le rapporteur a-t-il prévu des solutions visant à améliorer notre situation face à la concurrence ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Vous avez parlé tout à l’heure du crédit d’impôt recherche, monsieur le rapporteur. En l’état actuel de vos travaux, disposez-vous de suffisamment de recul pour savoir si le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le Pacte de responsabilité et de solidarité sont susceptibles de constituer des éléments favorisant les investissements étrangers dans notre pays ?

Mme Frédérique Massat. Je dirai tout d’abord que la question des investissements étrangers est essentielle, et qu’elle nécessite de s’interroger sur l’aménagement territorial, car les investissements s’effectuent de manière inégale sur notre territoire – je pense notamment aux zones de montagne.

Pouvez-vous d’ores et déjà nous indiquer combien d’emplois les investissements étrangers représentent actuellement en France ? Quels effets les 34 plans de relance de la Nouvelle France industrielle, décidés il y a un peu plus d’un an, peuvent-ils avoir sur les investissements étrangers ? Peut-on, inversement, évaluer l’effet que pourrait avoir la suppression du CIR ? Enfin, j’ai bien compris que les outils à mettre en place seront abordés dans la deuxième partie du rapport, mais je vois que le plan du document mentionne la possibilité de protéger certains intérêts stratégiques : pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ?

Mme Françoise Imbert. Je souhaite évoquer la privatisation de l’aéroport de Toulouse Blagnac, au sujet de laquelle l’État va prendre sa décision très prochainement. Cette acquisition porte sur un domaine stratégique qui a prouvé sa rentabilité, à savoir un aéroport où s’exercent des activités aéronautiques françaises et européennes. Certains des dossiers de candidature à la reprise de la plate-forme aéroportuaire et des activités qui en dépendent émanent de pays étrangers. Comment examiner au mieux la validité et la qualité des investissements étrangers, en gardant à l’esprit l’intérêt d’une région et l’avenir d’un site industriel majeur ?

Mme Monique Rabin. En tant que rapporteure spéciale pour le commerce extérieur, je voudrais d’abord dire que j’attends beaucoup de votre rapport, tant attractivité et commerce extérieur sont liés – j’en veux pour preuve la fusion prochaine de l’AFII et d’Ubifrance, qui constitue à mon sens une excellente initiative – à mettre à l’actif du ministère des affaires étrangères, notamment.

Premièrement, votre rapport pourrait-il nous éclairer une bonne fois pour toutes sur le sens de la notion d’attractivité ? Selon que l’on se réfère aux études de l’AFII, de la CNUCED, ou de consultants privés tels Ernst & Young, cette notion semble avoir une définition différente, ce qui peut susciter une inutile anxiété.

Deuxièmement, j’ai cru comprendre que vous accordiez une grande importance à la communication en matière de fiscalité. Certes, la notion de stabilité est importante, mais je pense que le CICE et le CIR sont maintenant bien connus en dehors de nos frontières, et qu’il conviendrait désormais d’insister également sur l’action menée par Thierry Mandon en matière de simplification.

Troisièmement, en ce qui concerne les facteurs déterminants qui font qu’une entreprise étrangère décide de venir s’installer sur notre sol, pouvez-vous nous préciser où en sont les travaux menés par Arnaud Montebourg, qui voulait mettre en avant les éléments relevant de la compétitivité hors coût, c’est-à-dire d’ordre structurel – notamment les services publics et les infrastructures ? Une étude du cabinet KPMG indique que les choix concurrentiels sont très importants et que, de ce point de vue, la France peut se prévaloir d’une productivité horaire très intéressante : est-il possible de faire valoir cet atout ?

Quatrièmement, enfin, je considère que l’aménagement du territoire est très important, et que les efforts individuels accomplis par telle ou telle ville française pour attirer des investissements étrangers n’ont de sens que s’ils tiennent compte de cet aspect. Comment la nouvelle agence formée par la fusion de l’AFII et d’Ubifrance va-t-elle décider de proposer tel ou tel investissement à telle ou telle région ? La question est d’importance, surtout quand on sait que l’installation d’une entreprise étrangère sur le sol français a pour effet d’en attirer d’autres. La notion de péréquation économique entre les régions prend ici tout son sens.

M. le président François Brottes. Malheureusement, dans la réalité, les choses ne se passent pas toujours aussi simplement qu’on le souhaiterait.

Pour ma part, je déplore que les multiples structures locales, régionales et nationales, ayant pour objet de rechercher des investisseurs étrangers, ne soient pas toujours en adéquation avec l’offre et la demande. Ainsi certaines de ces structures renoncent-elles d’emblée à ce que leur action porte sur certaines régions du monde au motif que leur programme n’a pas vocation à cela, alors même qu’il y aurait quelque chose à faire – je précise que je ne parle pas d’Ubifrance.

Par ailleurs, alors que la France possède le deuxième domaine maritime mondial, notamment grâce à ses territoires d’outre-mer, je me demande si ce facteur d’attractivité est utilisé à sa juste valeur, et j’espère que vous aurez la possibilité d’intégrer cette préoccupation au rapport que vous devez rendre le 10 décembre prochain.

M. Jean-Paul Bacquet. Je m’étonne que le projet de rapport qui nous est présenté aujourd’hui parle si peu de l’AFII et des agences régionales de développement (ARD). Très souvent, les IDE impliquent une intervention de l’AFII, qui passe ensuite le relais aux ARD. Disposez-vous d’éléments relatifs à l’efficacité des deux structures ? En d’autres termes, considérez-vous que l’AFII constitue un moyen performant d’attirer les entreprises, et que les ARD jouent leur rôle de manière satisfaisante ?

Par ailleurs, disposez-vous d’éléments statistiques portant non sur l’attractivité d’une région par rapport à une autre, mais sur l’efficacité de l’implantation dans telle ou telle région – car attirer une entreprise est une chose, faire en sorte qu’elle s’installe et réussisse en est une autre ? De ce point de vue, j’espère que la fusion entre l’AFII et Ubifrance apportera une plus grande efficacité.

Il existe dans chaque région une multitude de structures parallèles ayant vocation à agir en faveur du commerce extérieur ou en direction des entreprises, et présentant des coûts de fonctionnement sans rapport avec leur efficacité. Ainsi, je sais qu’une région française a fait l’acquisition d’un bureau sur la Cinquième Avenue, à New York, où personne ne vient jamais : c’est une simple vitrine. Avez-vous des éléments d’information à nous communiquer au sujet de l’efficacité et de la rentabilité des structures parallèles ?

M. le président François Brottes. Au vu du nombre de questions qu’elle suscite, il est à craindre que la présentation de votre rapport intermédiaire – qui, au demeurant, s’inspire d’une excellente idée – n’ait pour conséquence de vous obliger à ajouter plusieurs tomes à votre rapport définitif, monsieur le rapporteur…

M. le rapporteur. Je répondrai aux questions qui m’ont été posées en les regroupant par thèmes.

Pour ce qui est des environnements, le rapport n’ignore pas que la France est composée de territoires hétérogènes et que chaque région présente une attractivité particulière – on sait, par exemple, que la région de Grenoble constitue un environnement spécifiquement dédié à la recherche – s’expliquant par l’histoire de son développement, par le niveau de ce développement et par le fait que l’attractivité provient de la structure même de l’organisation productive – qui diffère selon chaque territoire. Les futures régions ayant vocation à assumer la compétence économique, nous devons nous interroger sur la meilleure manière de coordonner les attributions de l’État et celles des régions en vue soit d’investir en dehors de nos frontières, soit de recevoir les investissements étrangers. Pierre de Saintignon, vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais, nous a exposé comment les choses se passaient dans sa région, et nous nous efforcerons de compléter son point de vue par celui des responsables d’autres régions dans le rapport définitif.

La distinction entre investissements vertueux et investissements prédateurs est essentielle, et c’est de ce point de vue que l’analyse du projet d’investissement étranger en France en termes de valeurs, de métiers et de stratégie à long terme prend tout son sens. Bien souvent, la forme juridique que l’investisseur étranger choisit de revêtir laisse présager de ce que va être l’investissement sur le long terme : nonobstant l’influence des logiques de marché, cette forme juridique permet de savoir si l’on est plutôt en présence d’un investissement destiné à l’économie réelle, à la production d’une vraie valeur ajoutée, ou plutôt face à un investissement spéculatif. Je précise que les investissements de nature spéculative restent très minoritaires, puisqu’ils ne représentent que 5 % ou 6 % du nombre total d’opérations effectuées.

Pour ce qui est de la stabilité, c’est surtout lors du choix de l’investissement, dans la volonté des investisseurs de bénéficier d’un environnement et d’un accompagnement exempts de complexité administrative, qu’elle a toute son importance. Il nous a été dit à plusieurs reprises que, sur ce point, notre pays souffrait d’une trop grande complexité, à tel point qu’il est communément admis que certaines affaires mettent cinq fois plus de temps à se régler en France qu’en Allemagne ! Cela dit, les investisseurs étrangers établis en France depuis plusieurs années finissent par s’habituer à notre manière d’organiser la vie économique, et nous n’avons recueilli aucune critique relative au taux d’impôt sur les sociétés, par exemple : l’environnement fiscal semble donc être globalement perçu comme stable. Il ne nous a pas non plus été fait de remarques au sujet du CICE et du Pacte de responsabilité et de compétitivité, ce qui semble montrer qu’il faut toujours un certain temps avant que les mesures mises en œuvre par l’État deviennent une réalité tangible pour les acteurs économiques – ainsi, je ne pense pas que les entreprises françaises, et encore moins les entreprises étrangères, aient vraiment connaissance des mesures d’allégement de charges entrant en vigueur au 1er janvier 2015.

La question du niveau de l’euro et du rôle des banques n’ayant jamais été évoquée au cours des auditions, je ne pense pas qu’elle constitue une difficulté pour l’investissement.

Pour ce qui est de la part des investissements étrangers dans la capitalisation boursière totale du CAC40, elle serait actuellement de 46 %.

Les emplois générés par les investissements étrangers en France se trouvent essentiellement dans le secteur industriel. La France est la première destination en Europe pour les investissements étrangers industriels créateurs d’emplois, et se situe au quatrième rang mondial du stock des investissements directs étrangers. Les 20 000 entreprises internationales implantées dans notre pays représentent deux millions d’emplois en France, ce qui montre bien toute l’importance des investissements étrangers dans l’économie réelle de notre pays, et doit nous faire prendre conscience de la nécessité de mettre en œuvre une stratégie de reconquête industrielle tenant compte des capitaux provenant de l’extérieur, qui peuvent jouer un effet de levier déterminant – étant précisé qu’ils doivent être mis en œuvre dans des conditions préservant notre indépendance nationale.

M. Michel Destot. Comment peut-on lutter contre les IDE spéculatives et opportunistes ?

M. le rapporteur. Une veille exercée par l’agence ayant vocation à se substituer à l’AFII et Ubifrance, et portant sur la nature même des investissements, sur la pertinence du projet et la qualité du futur actionnaire – indépendamment du territoire où ils sont réalisés – doit permettre d’éliminer au moins 90 % des investissements à caractère spéculatif, du moins peut-on l’espérer.

M. le président François Brottes. Nous ne devons jamais perdre de vue qu’il y a, dans toute opération d’investissement, un facteur humain comportant une part intrinsèquement irrationnelle – ainsi un certain nombre de décideurs néo-zélandais ont-ils retrouvé le chemin de la France avec fierté au moment des cérémonies de commémoration organisées pour le centième anniversaire du début de la Première Guerre mondiale.

M. François Scellier, président de la mission d’information. Je voudrais insister sur le savoir-faire indispensable lorsqu’on veut approcher des investisseurs étrangers : l’aspect culturel est déterminant, et l’on n’aborde pas un investisseur asiatique de la même manière qu’un investisseur nord-américain. Si la société Kubota, dont les services administratifs sont actuellement basés dans mon département – le Val-d’Oise –, vient de décider de procéder à des investissements industriels à Dunkerque, il ne faut pas oublier que c’est le résultat d’un travail de fond basé sur la convivialité, effectué durant plusieurs années et incluant plusieurs visites de notre part à Osaka, avant que les responsables de cette société ne se décident à poser un premier pied en France. C’est la preuve qu’en matière d’investissement étranger, un travail effectué localement peut avoir des conséquences très importantes, fût-ce quelques années plus tard, pour l’ensemble de notre pays.

M. Jean-Paul Bacquet. Ce qui vient d’être dit est tout à fait exact, ce qui m’amène à souligner à quel point il est important que la majorité des personnels des agences pour les investissements étrangers basés en dehors de nos frontières soient des personnels locaux : c’est le meilleur moyen pour ces agences de s’intégrer et de faire comprendre à l’étranger la conception française de l’entreprise.

Deux questions se posent : premièrement, comment se fait le relais avec les ARD, qui ne s’inscrivent pas obligatoirement dans la même logique ? Deuxièmement, quel sera le rôle de l’État dans le cadre de la future régionalisation : va-t-il sous-traiter ses attributions aux régions et en quelque sorte démissionner, ce qui serait la pire des choses, ou va-t-il assumer sa fonction régalienne en matière d’aménagement du territoire et d’attractivité ? Lorsque j’ai posé la question à Emmanuel Macron en commission élargie, il y a quelques semaines, il m’a répondu – sur un ton laissant supposer qu’il avait été piqué que l’on puisse en douter – que l’État ne démissionnerait pas, et je ne demande pas mieux que de le croire.

M. le rapporteur. Pour notre part, nous avons bien l’intention de faire figurer dans notre rapport des propositions visant à éviter que l’État ne démissionne.

M. Jean-Paul Bacquet. L’excellent rapport de Michel Destot portant sur l’accord conclu entre la France et la Chine en matière fiscale fait apparaître qu’il y a plus de Français se rendant en Chine que l’inverse, et que le fait de multiplier par quatre ou cinq le nombre de touristes chinois en France se traduirait par une baisse de 30 % de notre déficit extérieur. Il y a là de quoi nous faire réfléchir, mes chers collègues, notamment quant à notre culture de l’accueil des touristes et des entreprises. Cela ne s’improvise pas, et il ne suffit pas de décider d’ouvrir un bureau dans telle ou telle ville étrangère : c’est un travail de fond, qui doit être effectué sur plusieurs années.

M. le président François Brottes. Pour conclure, je voudrais insister sur l’importance de nos expatriés, qui ne doit pas être négligée, car ils sont potentiellement amenés à jouer un rôle important de prescripteurs. Or, si la plupart d’entre eux sont pleins de bonne volonté, je ne suis pas certain que l’on dispose d’un réseau suffisamment étoffé pour leur permettre de jouer pleinement ce rôle, ce qui fait que nous sous-utilisons une ressource gratuite et qui pourrait être extrêmement utile.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai, nous ne savons pas tirer parti de notre diaspora, contrairement à certains de nos voisins européens – ainsi les Italiens se sont-ils fait une spécialité d’y recourir.

M. le président François Brottes. Les Allemands s’y entendent aussi.

Mme Monique Rabin. Les conseillers du commerce extérieurs sont sous-utilisés, eux aussi, et mériteraient qu’on leur accorde un peu plus d’attention.

M. le président François Brottes. C’est exact. Monsieur le président, Monsieurle rapporteur, nous vous remercions pour cette présentation intermédiaire, et vous donnons rendez-vous en début d’année prochaine pour votre rapport définitif.

Puis, au cours d’une réunion commune du 4 février 2015, les commissions des affaires étrangères et des affaires économiques ont examiné le rapport présenté par M. Philippe Kemel, rapporteur.

Mme Odile Saugues, vice-présidente de la commission des affaires étrangères. La mission d’information sur les investissements étrangers que nous avons constituée avec la commission des affaires économiques nous présente son rapport définitif. Je me félicite que nos deux commissions aient été associées dans ce travail, car, de plus en plus, les questions concernant les investissements étrangers sont au cœur des préoccupations de la commission des affaires étrangères.

D’abord, parce ces investissements ne cessent d’augmenter et pèsent de plus en plus dans nos économies. En France, 30 % du chiffre d’affaires de l’industrie est ainsi assuré par des entreprises étrangères ou contrôlées par de telles entreprises. Dans un tel contexte, il est légitime qu’une question comme celle de l’inclusion dans les accords commerciaux de clauses d’arbitrage international privé entre les investisseurs et les États soit centrale. Vous le savez, la question est posée dans le cadre des accords de partenariat avec le Canada et les États-Unis et nous avons donc eu en commission des affaires étrangères plusieurs débats sur ce point.

Par ailleurs, il faut voir que ces investissements proviennent ou sont destinés à des pays de plus en plus variés. Longtemps les flux croisés d’investissements étrangers ont concerné essentiellement les pays industrialisés traditionnels. Mais maintenant, nos entreprises sont de plus en plus présentes dans les économies émergentes et les investisseurs de ces pays commencent aussi à s’implanter chez nous. Cela a notamment pour conséquence que les enjeux politiques se mêlent de plus en plus aux enjeux économiques. Par exemple, il est clair qu’il y a des interférences entre la crise ukrainienne et les intérêts interpénétrés des entreprises françaises et russes, avec la question des sanctions. Il est clair aussi que, quand une entreprise chinoise rachète une entreprise française technologique, il faut se poser la question de la protection de nos brevets et de nos savoir-faire. Nous avons conduit en 2013 une mission d’information sur la Chine et naturellement les enjeux économiques étaient centraux dans ce rapport.

D’ailleurs, l’interpénétration des enjeux diplomatiques et économiques est maintenant clairement prise en compte par le Gouvernement, avec le concept de diplomatie économique et l’élargissement des missions de Laurent Fabius.

Le rapport de Philippe Kemel a l’avantage de nous proposer une large perspective sur l’investissement étranger en France, qu’il présente comme un phénomène naturel pour une économie mature, un phénomène ancien, massif et assez stable. Tout cela permet de dédramatiser une question sur laquelle les inquiétudes sont parfois très fortes et contradictoires, soit que l’on s’afflige d’une baisse des investissements étrangers, soit au contraire que l’on s’inquiète de telle ou telle prise de contrôle étrangère sur l’un de nos fleurons.

Je voudrais interroger le rapporteur sur deux points : pense-t-il que nous avons en France un bon équilibre entre notre ouverture internationale et la protection de nos intérêts nationaux, ou faut-il infléchir cet équilibre ? Sommes-nous assez ouverts aux investissements en provenance des pays émergents, domaine où la France semble un peu en retard sur certains de ses voisins européens ?

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Je tiens à excuser l’absence du président François Brottes et je remercie le président et le rapporteur de la mission d’information pour leur travail. Ils nous présentent leur rapport après la première réunion d’étape que nous avons eue en novembre.

M. François Scellier, président de la mission d’information. Au terme de la mission d’information, je souhaiterais revenir brièvement sur ses travaux. Les auditions que nous avons menées nous ont permis de rencontrer près de cinquante personnes venant d’horizons très divers : administrations, institutions diverses, cabinets spécialisé, économistes, représentants des investisseurs étrangers eux-mêmes. À la suite de notre réunion du 18 novembre, nous avons conduit quelques auditions complémentaires afin de mieux expertiser la dimension européenne et surtout la dimension territoriale de l’accueil des investissements étrangers. J’ai moi-même une certaine expérience de l’importance de cette dimension territoriale, car, comme le département du Val-d’Oise dont j’ai présidé le conseil général accueille l’aéroport de Roissy, nous recevons depuis 25 ans de très nombreuses délégations étrangères, que nous nous efforçons de convaincre d’investir chez nous ; non sans un certain succès, en particulier avec les entreprises japonaises dont plus de soixante se sont installées.

Le rapport de Philippe Kemel a le mérite de montrer que la notion d’investissement étranger est complexe. Il y a des problèmes de définition et donc de quantification, avec de plus d’importantes fluctuations d’une année sur l’autre. Il en ressort qu’il faut garder une certaine distance par rapport aux chiffres que l’on nous assène tous les ans : il ne faut ni hyper-réagir quand on nous annonce un effondrement des flux d’investissements en France, ni dans l’autre sens tirer une satisfaction excessive de chiffres plus positifs.

Mais je crois quand même que nous devons faire attention. La plupart des observateurs relèvent que, depuis la crise de 2008, l’Europe et sans doute plus particulièrement la France sont à la traîne dans les flux d’investissements étrangers ; l’Allemagne et la Grande-Bretagne obtiennent de meilleurs résultats que nous. Dans la compétition internationale, la France a des atouts – qualité des infrastructures, qui sont les meilleures du monde, système de formation, qualité de la main d’œuvre… –, mais aussi des points faibles. La première leçon que je tire de cette mission, c’est que ceux que mentionnent les investisseurs étrangers ne sont pas différents de ceux mis en avant par nos entreprises : coûts salariaux, niveau des charges, complexité du système administratif et de la fiscalité, lourdeur et instabilité des réglementations. Les représentants d’entreprises étrangères présentes depuis longtemps en France, avec des sites industriels et des réussites remarquables, comme Toyota ou Mars, ne nous l’ont pas caché : s’ils devaient investir à nouveau en France, ils se poseraient un certain nombre de questions.

Il est clair que les facteurs qui découragent parfois les investisseurs étrangers sont les mêmes qui nuisent à la compétitivité de nos entreprises. Ce que nous avons d’abord à faire, c’est améliorer la compétitivité des entreprises, qu’elles soient françaises ou étrangères implantées chez nous, en leur donnant des charges et des règles moins lourdes, moins complexes et plus stables. Il faut bien voir que certaines de nos particularités peuvent décourager les entreprises étrangères qui arrivent : par exemple, nous affichons des taux élevés d’impôt sur les entreprises et les investisseurs ne savent pas en arrivant, qu’en pratique, il existe divers mécanismes fiscaux qui font qu’en fin de compte le prélèvement est modéré.

Monsieur Philippe Kemel, Rapporteur. Notre objectif, avec le Président Scellier et l’ensemble des collègues qui ont participé à la mission, était de savoir s’il y avait des constantes et des données structurelles dans l’organisation des investissements en France. Nous avons commencé ce rapport à un moment où un certain nombre de médias indiquaient tantôt une croissance des IDE en France, tantôt une décroissance, lançant un message de dramatisation.

L’objectif des premières auditions a été de connaître l’outil de mesure de ces investissements, car étudier les IDE en France nécessite que nous soyons d’accord sur la définition. Chaque fois qu’il y a un flux financier en France provenant de l’extérieur, celui-ci peut être soit un flux qui ne se transforme pas en actif, soit un flux qui transforme en actif apportant de la création de richesse en termes de valeur ou d’emplois. La difficulté vient des flux financiers qui s’investissent dans des placements, ou dans des activités difficiles à cerner comme l’immobilier. Dans ce cas, il est difficile d’en appréhender pleinement la mesure et les effets. D’autant plus qu’un grand nombre de flux financiers venant de l’extérieur ont eu tendance à s’investir dans les sociétés du CAC 40 sous forme de prises de participation. Nous avons donc décidé dans cette mission de nous intéresser aux investissements qui étaient créateurs d’actifs, et porteurs de création de valeur et d’emplois. Plutôt que de raisonner sur les flux, nous avons pris en compte les stocks.

Nous nous sommes rendu compte que la France était un pays qui avait accueilli, et qui accueille, davantage d’IDE que les autres membres européens. Par rapport à la taille de l’économie française, ils représentent en termes de flux 1 800 Mds de dollars, pour un PIB de 2 100 Mds d’euros. Par rapport au stock de capital accumulé dans l’économie française, les IDE représentent un stock de 38 %, alors qu’il est de 29 % en Allemagne, et de 19 % en Italie. Il existe donc un stock important d’IDE en France.

Nous nous sommes ensuite interrogés sur ce qu’étaient ces investissements et ce qu’ils avaient apporté à l’économie française. Pour la plupart, ils ont été vertueux. Par exemple, Toyota, Mars Food et Ikea, qui sont désormais presque reconnus comme des marques françaises. Ils sont reconnus comme tels car initialement les investisseurs étaient porteurs d’un projet industriel et ils ont rencontré dans les territoires une culture industrielle. Une harmonie s’est faite entre le projet industriel et la culture industrielle du territoire. Évidemment, souvent un accompagnement des acteurs institutionnels a été nécessaire pour que l’investissement se réalise et s’accroisse. C’est le premier élément constaté. Ensuite, bien qu’au départ ces IDE fussent davantage industriels, on constate au fur et à mesure de l’adaptation de l’économie française à l’économie mondiale, un changement de la nature des investissements. C’est un deuxième élément que nous avons constaté.

Quelles sont les atouts de la France pour accueillir les IDE ?

Premièrement, ce sont les qualités de l’appareil productif français, la société française, et la qualification des salariés qui mènent et accompagnent les projets industriels.

Le deuxième atout est la capacité des territoires à les recevoir.

Le troisième est l’environnement juridique, social, fiscal. Cet environnement est-il un handicap ? Les personnes interrogées n’ont pas relevé de difficulté. Elles ont seulement exprimé leur souhait d’une lisibilité et d’une stabilité de cet environnement. Dans tous les cas – et c’est une différence que j’ai avec le Président – je n’ai pas entendu des investisseurs se plaindre d’un coût salarial trop élevé en France. Certes, il n’est pas le plus bas. Mais nous avons un taux de productivité en France qui est plus élevé qu’ailleurs. La valeur nominale et le taux de productivité nous donnent sur le fond une équivalence par rapport aux autres pays. L’instauration du CICE et, à partir du 1er janvier, la baisse significative des charges salariales sur les bas salaires devraient nous donner un avantage compétitif. Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche a été loué en permanence. Il est sans doute un avantage compétitif unique au monde, et c’est souvent parce que ce crédit d’impôt recherche existe que les entreprises viennent s’implanter dans nos territoires.

Quatrième atout, la qualité des infrastructures, du système logistique. Nous confondons souvent les infrastructures de transports et le système logistique. Or celui-ci a une organisation, un savoir-faire et des méthodes qui se sont développées depuis une dizaine d’années. Par exemple, quand le Président des chemins de fer russe s’intéresse à l’ancienne filière logistique de PSA, c’est-à-dire à GEFCO, c’est en raison de son savoir-faire logistique.

Dans l’ensemble des approches, nous avons constaté des investissements vertueux. Mais on relève aussi des actions prédatrices (par exemple, Ascométal racheté par le fond américain Apollo Global, Arcelor racheté par Mittal, Pechiney racheté par Alcan, Metaleurope racheté par Glencore) et nous connaissons les conséquences désastreuses de ces investissements. Cela doit nous servir de fil directeur pour définir ce qu’est la sauvegarde de l’indépendance nationale et des intérêts stratégiques. Au fur et à mesure de notre démarche, nous avons constaté un rôle important joué à la fois par les structures nationales (avant la fusion d’UbiFrance et de l’AFII en Business France) et par les structures régionales. Nous avons auditionné des représentants de la région Rhône-Alpes, du Nord-Pas-de-Calais, de PACA, et d’autres régions, ce qui nous a fait prendre conscience de leur rôle indispensable dans la construction de l’attractivité de la France. En effet, en mettant en avant leurs particularismes, leurs avantages compétitifs, ces régions jouent un rôle essentiel.

Il faut construire une politique des investissements dans notre pays, et pour cela, il faut une vision portée par la France. Désormais, le Ministère des Affaires étrangères s’investit dans une politique d’attractivité et d’échanges autour des investissements avec l’extérieur, et en outre, une coordination nationale est assurée par Business France. Mais nous avons vu que cela doit se faire aussi avec les régions, qui peuvent se positionner en « front office » de la démarche. En arrière-plan, se trouve la volonté du gouvernement de construire une politique générale de reconquête industrielle, avec 34 plans industriels et des filières stratégiques. Comment cette politique générale se combine-t-elle vis-à-vis de l’extérieur ? Par exemple, la région Rhône-Alpes a entretenu son savoir-faire et l’a développé en matière d’attractivité. D’ailleurs, dans nos recommandations, nous formulons l’idée de mettre en place des diplômes d’attractivité afin de former à ce nouvel outil.

Dans cette perspective, nous proposons que les régions jouent un rôle de « front office » et que tous les outils soient à leur disposition pour pouvoir construire l’attractivité. Cette construction doit être faite en liaison avec l’État-nation et avec Business France, dans le cadre des plans industriels et des filières stratégiques.

Après avoir exposé cette grille de lecture – qui nous a permis d’élaborer les différentes recommandations – je souhaiterais évoquer quelques points :

– Les start-ups. Elles existent et sont nombreuses en France, grâce au crédit d’Impôt recherche. Constituent-elles des produits attractifs pour les investissements étrangers ? Oui, mais bien souvent lorsqu’un investissement étranger concerne des start-ups, elles repartent et le savoir-faire repart alors à l’étranger. Nous devons nous pencher avec Business France, la BPI et l’ensemble du système bancaire français sur la question des financements afin que les start-ups restent en France.

– L’Europe. Nous avons rencontré les représentants de l’Union européenne qui appliquent la politique du grand marché. La vision européenne sur les investissements étrangers en France ou dans le reste de l’Europe n’est pas une vision de régulation mais un peu de sanction. La question des investissements étrangers est abordée sous l’angle de l’activité qui va en résulter et ses conséquences sur la concurrence au sein du marché européen. Il n’y a pas de véritable politique industrielle ou de politique d’attractivité construite par l’Union européenne.

– Les paradis fiscaux. Ils désorganisent les circuits financiers, portant une logique d’investissement prédateur plutôt que d’investissement vertueux.

– Les pays émergents. Des politiques particulières doivent être construites avec eux. Ils représentent forcément l’avenir, la diversité et la diversification de notre économie. Pour construire des liens avec ces zones , les relations internationales ont pleinement leur rôle à jouer. Cette construction doit être entreprise dans une optique d’indépendance nationale. L’indépendance nationale, c’est la vision d’avenir que nous pouvons avoir de notre système productif. Si nous avons une vision d’avenir et si nous sommes proactifs, alors nous conserverons notre indépendance nationale. Nous devons avoir les outils pour la protéger. Nous proposons notamment que le décret Montebourg sur les intérêts stratégiques soit un peu élargi. Nous devons avoir une vision de l’État en tenant compte des 34 secteurs industriels, de ces filières et notamment en liaison avec les régions. Aucune décision définitive d’accord ou de non accord de l’État ne doit se faire sans l’avis des régions. C’était hier une proposition d’amendement qui a été faite à la Commission des affaires économique pour la loi NOTRe.

L’ensemble de ces points guident nos recommandations, que nous examinerons tout à l’heure.

M. Jean-Paul Bacquet. Je félicite les auteurs du rapport – qui est excellent. Je vais citer quelques points qui me semblent importants. Tout d’abord, il existe un grand problème de lisibilité due l’existence de structures qui interviennent et qui se multiplient.

L’attractivité de la France ne peut exister que si nous croyons en notre pays et si nous arrêtons de faire du « bashing » permanent. Business France va dans le bon sens en essayant de changer l’image de la France à l’extérieur.

À propos de régions, nous constatons que lorsque l’AFII dirige une entreprise vers une région, c’est l’ARD se charge de la suite. Nous n’avons aucune notion de ce qui se passe entre l’AFII et la région. C’est un élément que nous ne contrôlons pas.

Le Conseil stratégique de l’attractivité est une nécessité absolue et on ne peut que s’en réjouir.

Quant aux exportations, il est difficile de les évaluer. Dans le cas d’une voiture fabriquée en Roumanie et réimportée en France, qu’est-ce qui est de l’exportation et qu’est-ce qui est de l’importation ? La lisibilité est difficile.

S’agissant de vos recommandations relatives au renforcement des moyens matériels et en personnel, je vous soutiens, le budget de Business France ne représente qu’un 1/3 tiers des moyens anglais et 1/5ème des moyens allemands.

Il y aura désormais deux représentants des régions au conseil d’administration. Je regrette cependant que le patronat n’y soit pas suffisamment représenté. Les représentants du MEDEF n’y sont plus et ils apportaient une compétence dans le précédent conseil.

Concernant les pays émergents, il faut y aller, c’est une évidence et nous avons besoin des missions économiques et des ambassadeurs. Je tiens à rappeler ce que j’ai dit à M. Laurent Fabius il y a 15 jours en rentrant du Tchad et du Niger. Au cours de ma visite, les deux ambassadeurs sur place m’ont affirmé que l’attractivité économique de ces pays n’était pas importante. Or, cela n’est pas vrai, la population dans ces pays va doubler dans les 15 ans qui viennent et la Chine et l’Allemagne s’y intéressent. J’ai demandé à M. Laurent Fabius d’étudier la question de l’attractivité de ces pays en liaison avec les ambassadeurs.

Je soutiens le cadre conventionnel entre la région et la nouvelle agence. Nous avons des résultats tout à fait probants en Midi-Pyrénées et en Corse. Concernant ERAI en Rhône- Alpes, il faut plus généralelment faire attention à ces structures parallèles qui se créent et qui ne font qu’un échelon supplémentaire.

À propos des financements, Bpifrance doit travailler en coordination permanente avec Business France ; c’est le rôle des chargés d’affaires internationaux.

Monsieur Eric Straumann. Vous évoquez dans votre rapport l’Alsace où plus de 50 % des activités sont réalisées par des filiales étrangères. C’est une situation particulière dans notre pays, car nous avons fait un long travail avec des agences d’attractivité locales, notamment envers les entreprises japonaises. C’est pour cette raison que je suis formellement opposé à vos recommandations n° 7 et 8. La région peut être effectivement un élément de « front office » pour l’attractivité, mais à condition que la circonférence de cette région soit pertinente. Comment voulez-vous vendre aux Japonais la Meuse, la Champagne, les Ardennes, les Vosges, et l’Alsace simultanément ? Cela serait compliqué. Hier, une majorité des collègues de la Commission des affaires économiques partageaient cette analyse. Donc, l’intervention de la région, oui, à condition que son périmètre soit pertinent, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Deuxièmement, il faut éviter le « french bashing ». Alcan vient de vendre à Constellium une usine dans ma circonscription. Or Constellium vient d’annoncer un investissement de 200M d’euros à Bischheim, ce qui est une belle opération. Pour cela, nous avions travaillé au plus près du territoire, au sein de la petite région Alsace, pour accueillir cet investissement.

Monsieur Paul Giacobbi. Je voudrais souligner l’excellence du rapport, notamment la rigueur de l’analyse dans la mesure de l’investissement en France et la critique faite aux informations qui années après années sont incohérentes – une année, les investissements progressent, une autre année, ils sont en baisse.

Je suis d’accord sur ce le fait que ce qui arrête l’investisseur étranger en France n’est jamais le niveau de salaire, mais l’instabilité de nos lois et le manque de flexibilité sur le marché du travail.

Par rapport aux années passées, on constate une évolution considérable de la part des pouvoirs publics sur l’attractivité française. C’est une excellente chose.

Un dernier point sur le « french bashing », nous sommes très critiques vis-à-vis de la France, mais il faut reconnaitre que pour faire de l’attractivité il faut renoncer au « world bashing ». Nous passons notre temps en France à critiquer le monde entier, parfois de manière absurde et infondée. Il faut être raisonnable vis-à-vis des gens que l’on veut accueillir. Il appartient aux pouvoirs publics d’y veiller.

Mme Michèle Bonneton. La France est attractive comme l’illustre le nombre des investissements directs étrangers (IDE), mais elle pâtit néanmoins du manque d’harmonisation sociale et fiscale en Europe. Quelles propositions comptez-vous faire pour favoriser cette harmonisation sociale et fiscale dans l’Union européenne et pour lutter contre les paradis fiscaux ?

L’attractivité de la France repose sur de nombreux facteurs. Quels sont ceux qu’il faudrait améliorer en priorité entre l’aménagement du territoire, les infrastructures, les services publics, la formation, la créativité et la productivité des personnels, l’accompagnement administratif ou la stabilité juridique nationale ?

Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche (CIR) est fortement apprécié comme j’ai pu le constater lors de ma participation à la commission d’enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes. Mais le CIR, qui coûte 5Mds d’euros par an, bien que constituant un appui important pour la recherche française, ne bénéficie pas toujours à la France. Quelles conditions pourrait-on modifier pour que les entreprises étrangères procèdent au développement des résultats de leur recherche sur notre territoire ?

Enfin, du point de vue législatif, aurez-vous des propositions concernant le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives, ainsi que sur les enjeux internes d’infrastructures ?

M. Jean-Claude Guibal. Je voudrais aborder deux points que je n’ai pas trouvés dans le rapport. D’une part, les investissements étrangers en France sont importants, mais quelle est la part des investissements français à l’étranger ? Comment se fait la balance entre ces deux flux ?

D’autre part, avez-vous constaté un lien entre la détention du capital et la stratégie des entreprises, au regard de critères de cohérence, de politique économique nationale, ou des intérêts généraux économiques de notre pays ?

M. Kléber Mesquida. Parmi les 21 recommandations ou commandements du rapport, je mettrai l’accent sur la formation à l’attractivité qui est fondamentale afin d’éviter le trop fréquent « nombrilisme français ». Par ailleurs, la douzième recommandation met la priorité sur la recherche d’investissements croisés par la nouvelle agence issue de la fusion d’Ubifrance et de l’AFII. Il faut trouver de nouvelles voies d’implantation en France, mais aussi renforcer les achats auprès des fournisseurs français. Aujourd’hui, la Coface, qui est incontournable pour obtenir l’assurance de prospection à l’export n’est pas adaptée, puisque j’ai été confronté à une attente de 16 mois dans ma circonscription pour obtenir un certificat de cette agence, qui est éloignée du terrain. Comment, dès lors, la nouvelle agence pourrait-elle apporter un gage pour les exportations, en remplacement de celui de la Coface, dès lors qu’elle semble plus à même de réaliser l’articulation avec les régions ? La facilitation de ces formalités d’export permettrait de renforcer l’attractivité de la France.

M. Jacques Myard. C’est un excellent rapport, mais il ne faut pas oublier que la France est en première position pour les exportations nettes en stocks de capitaux, devant les États-Unis. Pourquoi ces capitaux et l’épargne des Français -qui représentent 17 % du revenu national net-, partent-ils vers la Bulgarie ou la Roumanie ? Il est nécessaire de mettre en parallèle l’apport de capitaux étrangers à la France, mais aussi la fuite des capitaux français vers l’extérieur.

Par ailleurs, comment coordonner la politique industrielle française et l’aménagement du territoire ? Vous soulignez qu’il faut renforcer le rôle des régions en matière d’accueil des investissements, mais il y aura forcément un déséquilibre entre les territoires riches qui pourront attirer les IDE et les autres. II est nécessaire de coupler les deux aspects, et cela ne figure pas dans le rapport même si la proposition n° 14 s’en rapproche.

Enfin, les jeunes pousses nous échappent car elles sont pillées par les multinationales. Le problème est qu’il nous manque les moyens de contrôle et d’application de la réciprocité, comme en disposent tous les grands États étrangers. En conclusion, nous n’avons pas de politique industrielle ni de politique d’aménagement du territoire actuellement. Il faut donc absolument changer la cohérence et la politique économique de notre pays.

Mme Chantal Guittet. Les investissements étrangers apportent des retombées importantes en capitaux et d’emploi et la France est plutôt bien placée en matière d’attractivité des entreprises. Tout d’abord, vous encouragez la création d’une politique industrielle européenne. Mais cette politique industrielle, qui est par nature dirigée, ne serait-elle pas en contradiction avec les exigences du marché de libre concurrence européen ? En outre, les capitaux étrangers sont un avantage pour la France. Mais pour garder son attractivité, la France doit aussi renforcer le budget de la mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur (MIRES) concernant la recherche et l’innovation et inciter les entreprises à investir dans la recherche pour aboutir à des innovations attractives.

M. Pierre Lellouche. J’approuve la contractualisation avec les régions en matière économique et d’exportation, mais avec la réserve évoquée par Éric Straumann, car l’efficacité ne sera peut-être pas la même, en raison de la nouvelle taille des régions.

Je dénonce également la perte d’énergie et de temps que constitue la surprenante fusion entre Ubifrance et l’AFII qui correspondent à deux métiers complètement différents. Concernant les propositions du rapport, je placerais en première position les propositions n° 6 et n° 14 qui correspondent à la fiscalité et à la réflexion sur les critères de l’attractivité.

Enfin, il faut instaurer une réflexion d’ensemble pour créer un plan stratégique d’investissements étrangers, en lien avec la Banque publique d’investissement.

En conclusion, je suis sceptique sur deux aspects du rapport : les fonds d’investissement mixtes avec d’autres pays dont les exemples montrent qu’ils n’ont jamais fonctionné, et la création de la chambre de commerce franco-chinoise, car il n’y a aucun investissement chinois proprement dit en France, mais seulement des milliers de très petites entreprises. La Chine cherche des proies et non des lieux pour investir. C’est en ce sens que je redoute la situation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac où la Chine aura une vision très fine des tests d’Airbus alors que demain, elle sera notre compétiteur dans le domaine aéronautique. Enfin, en matière d’investissements, évitons absolument de recommencer les désastres industriels qui ont touché Péchiney, Arcelor-Mittal ou Alstom plus récemment.

M. Jean-Paul Dupré. Le rapport souligne les particularismes qui subsistent dans l’Union européenne avec l’absence d’harmonisation de la fiscalité et l’existence de paradis fiscaux, qui faussent les règles du jeu et nuisent aux IDE. Où en est la question de cette harmonisation fiscale et sociale au sein de l’Union européenne voire de la zone euro, souvent évoquée mais jamais engagée ?

M. Alain Suguenot. Les investissements directs à l’étranger en France ont diminué de 77 % en 2013 pour atteindre 5,7 Mds de dollars, alors que ce chiffre est en progression en Europe. Cette évolution est inquiétante et me conduit à revenir sur la question de la fiscalité. On parle de paradis fiscal mais rarement d’enfer fiscal. Or, la vérité est entre les deux : s’il existe des comportements de dumping fiscal de la part de certains pays, la France a un problème d’attractivité dans ce domaine. À l’instar de Pierre Lellouche, ce problème me paraît être le plus important et doit nous inciter à faire progresser l’idée de fiscalité européenne pour que nous puissions avoir, entre partenaires européens, les mêmes atouts. Vous avez parlé tout à l’heure des start-up. Il est essentiel de donner la priorité à ces pépites françaises. La France possède des créateurs à qui il manque souvent des financements au-delà du million d’euros. Or se pose aujourd’hui le problème de la spécialisation de l’épargne afin de l’orienter vers ces entreprises. La question de l’attractivité englobe cet aspect du financement. Un, deux ou trois millions d’euros, cela peut paraître minime par rapport aux grosses entreprises américaines, mais nos start-up en ont besoin. Enfin la question de la protection juridique me paraît fondamentale, protection sans laquelle ces entreprises ne pourront pas plus prospérer.

M. Hervé Pellois. Lors de la présentation de votre rapport d’étape, la question du formidable réseau d’expatriés français à l’étranger avait été mentionnée mais ne semble pas traitée dans le rapport final. Pourquoi ne pas avoir étudié cette question ? Par ailleurs, j’étais membre de la mission d’information sur la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025 à laquelle le Président de la République a annoncé être favorable. Pourquoi ne pas l’avoir évoquée dans votre rapport alors même qu’elle pourrait favoriser l’entrée d’investissements étrangers dans notre pays ?

M. Dino Cinieri. Il est souvent difficile de savoir quelle idée les investisseurs étrangers se font réellement de la France. La fusion de l’AFII et d’Ubifrance, effective en 2015, doit renforcer l’attractivité de la France. Permettra-t-elle d’attirer davantage d’IDE ? Comment la nouvelle entité va-t-elle s’articuler avec les outils dont disposent actuellement les chambres de commerce et d’industrie ou les conseils régionaux ? Par ailleurs que sont devenus les Ambassadeurs des régions lancés par le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius en 2012 ? Leur action a-t-elle été évaluée ? Seront-ils étendus à toutes les régions ?

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Je voudrais réagir aux propositions de nos rapporteurs, bien sûr en tant que parlementaire, mais aussi à la lumière de mon expérience passée d’investisseur ayant travaillé dans une société germano-américaine dans le domaine des énergies renouvelables. Cette société avait un projet d’investissement visant à créer 420 emplois nets. Pour implanter cet investissement, elle devait arbitrer entre la France et d’autres pays européens concurrents. Ce que je vais dire n’est pas très agréable mais reflète bien les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises étrangères lorsqu’elles veulent investir en France. Pour accueillir les entreprises, il faut d’abord les écouter et savoir lire leurs cahiers des charges, ce qui n’est pas toujours le cas. Du côté français, il faut aussi savoir jouer collectif, c’est-à-dire jouer France et non pas région contre région. J’entends l’appel lancé aux régions, mais s’il s’agit de voir les régions se concurrencer, à l’arrivée c’est la France qui perd. Par ailleurs, le colbertisme n’est pas compréhensible à l’étranger. Or il teinte toutes nos décisions. Ma société, dont le siège se trouvait dans l’Arizona, n’a jamais compris pourquoi on l’invitait ou au contraire on lui interdisait certains endroits pour l’implantation d’un site industriel. Enfin, si la France est attractive par le crédit impôt-recherche, elle est profondément dissuasive par l’illisibilité et l’instabilité de son régime fiscal et administratif. C’est tragique ! Quand vous construisez un projet d’investissement sur le long terme et qu’en parallèle le cadre fiscal change à chaque loi de finances, vous partez en courant ! Le projet que je portais mettait en concurrence la France avec l’Espagne et l’Italie. Je me suis battu en interne pour que notre pays s’impose et puisse accueillir ces 420 emplois nets et près du double en emplois indirects. Or si finalement notre pays n’a pas été retenu, c’est parce que le gouvernement avait changé le cadre fiscal de rachat de l’électricité solaire. N’oublions jamais cette idée : lorsqu’un investisseur part, il ne revient jamais !

M. Thierry Mariani. J’ai une question sur les titres de séjour. Ne faut-il pas envisager d’accompagner les candidats aux investissements en France pour l’obtention de titres de séjours ? Il existe bien des dispositifs du type « carte de séjour compétences et talents » mais la situation devient vraiment compliquée. Le ministère y répond mais ayons le courage de dire que les personnes qui viennent en France pour investir doivent être mieux traitées que les autres. Par ailleurs, je souscris à ce qui a été dit sur la nécessité de s’appuyer sur les réseaux d’expatriés et des chambres de commerce à l’étranger. Dans ma circonscription, les chambres de commerce de Chine ou de Singapour sont des véritables relais, avec des personnels qui sont présents depuis de nombreuses années. Cette remarque ne remet pas en cause le travail de l’AFII ou d’UbiFrance mais il convient véritablement d’intégrer ces réseaux dans notre réflexion sur le commerce extérieur. Enfin, contrairement aux critiques formulées par mes collègues de l’opposition sur la réforme de la carte régionale, cette dernière agrandit la taille de nos régions, ce qui est un avantage afin d’éviter le saupoudrage que l’on peut observer aujourd’hui.

Mme Marie-Lou Marcel. Comme vous le rappelez dans votre rapport, la notion d’attractivité du territoire demeure complexe. Vous soulignez l’importance de l’action de terrain au plus près des territoires, en particulier les efforts de marketing territorial qui associent les professionnels et l’appareil de formation professionnelle. Les rencontres entre l’Éducation nationale, les universités et les personnels consulaires sont primordiales pour mieux adapter les offres universitaires aux qualifications attendues. Vous évoquez également le problème récurrent du financement des entreprises. Je rejoins vos recommandations n° 7, 8 et 9 relatives à la nécessaire clarification des compétences poursuivie par la loi NOTRe, en particulier celle relative à la compétence exclusive des régions qui permettrait d’associer pour chaque projet d’investissement les acteurs les plus proches du territoire. Pourriez-vous préciser, dans votre recommandation n° 9, comment s’opère l’articulation entre les régions et l’association des régions pour la mise en œuvre des règles de protection ?

M. Jean-Pierre Le Roch. L’attractivité d’un pays renvoie à de nombreux déterminants : la qualité des infrastructures et des institutions, l’éducation et la formation qui jouent un rôle primordial. Aussi pensez-vous qu’il faut aller plus loin dans le soutien de l’innovation et de nos start-up ? Quel bilan tirez-vous des bénéfices du crédit impôt-recherche pour les entreprises ? Vous abordez la réforme territoriale en cours qui donne la compétence exclusive de la promotion économique des territoires aux régions en les associant au bloc communal, en particulier les métropoles. Pouvez-vous expliciter cette proposition ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Dans votre recommandation n° 15, vous proposez d’ajuster l’offre et la demande de formation au potentiel d’emplois. Pensez-vous qu’il serait nécessaire d’établir un état des lieux dès l’arrivée de l’entreprise sur le territoire pour ajuster réellement l’offre de formation aux besoins des entreprises ? L’idée est de limiter le nombre de formations ne débouchant sur aucun emploi. La recommandation n° 18 propose de développer les métiers de l’attractivité et de l’organisation logistique. Pouvez-vous préciser vos intentions, notamment en termes de formations universitaires ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’objectif de la fusion entre l’AFII et UbiFrance, effective depuis le 1er janvier 2015, réside dans le renforcement de l’attractivité de notre territoire. Cette fusion permettra-t-elle attirer davantage d’IDE ? Comment la nouvelle entité va-t-elle s’articuler concrètement avec les outils dont disposent les chambres de commerce et d’industrie et les conseils régionaux à l’étranger ? Cette question est la clé de la réussite du projet de fusion. Lors de la réunion du Conseil stratégique de l’attractivité le 19 octobre dernier, la présidente de l’AFII, Mme Muriel Pénicaud, a rappelé que la perception de la France est plus souvent négative que la réalité. Votre rapport confirme cette idée. Comment améliorer la communication de la France pour faire changer cette image négative ? Les IDE sont utiles au développement de l’économie dans nos territoires. Quelles sont vos préconisations pour protéger nos intérêts stratégiques, en particulier s’agissant du risque de perte de brevet ou d’imbrication trop forte des économies dans certains secteurs ?

M. François Scellier, Président de la mission d’information. Notre travail n’est bien entendu pas exhaustif et vos nombreuses remarques viennent utilement compléter les observations que nous faisons dans ce rapport. L’intervention la plus importante à mes yeux est celle du récit de notre collègue sur son expérience de tentative d’investissement en France. Il a rapporté de façon concrète ce qu’il y a lieu de changer dans notre comportement. Pour répondre aux nombreuses questions de nos collègues sur la compétence principale dévolue aux régions, je pense que cette réforme vise à une plus forte cohérence entre les régions. Actuellement, certaines régions, comme Nord-Pas-de-Calais ou Rhône-Alpes, sont très investies dans la diplomatie économique à la fois pour attirer des IDE et pour aider les petites et moyennes entreprises à exporter. Ce n’est pas le cas dans toutes les régions et cette réforme pourra les inciter à le faire. Il faut en tout cas favoriser les accords de terrain. L’exemple cité tout à l’heure de l’entreprise Mars est frappant. Le siège de l’entreprise avait initialement décidé de réaliser un projet d’extension en Pologne. Or c’est grâce à la mobilisation de tous les acteurs autour du site alsacien de Mars, qu’il s’agisse des dirigeants de Mars France, des élus locaux ou encore des services préfectoraux, que l’investissement a finalement été réalisé en France. Les dirigeants américains du groupe ont été convaincus par la cohérence du projet et la cohésion entre tous les acteurs. À ce titre, j’estime que le rapprochement entre les organismes et la création de Business France, que certains collègues ont critiquée, peut avoir des effets bénéfiques. Des critiques ont également été formulées quant aux capitaux français qui partaient à l’étranger. Dans l’exemple de la Chine, il apparaît certain qu’il faut parfois aller implanter une unité en Chine pour gagner des parts sur un marché en pleine expansion et pour encourager des investissements en retour.

M. Philippe Kemel, rapporteur. Mes réponses s’inscriront dans la continuité des propos de M. le président. En nous faisant part des difficultés rencontrées pour une seule implantation, notre collègue Pierre-Yves Le Borgn' illustre tous les obstacles que doivent franchir les investisseurs. Aujourd’hui, il nous faut donc simplifier les procédures, ce qui nécessite, contrairement à ce qui a été avancé par certains, je pense à M. Myard, de la coopération à tous les étages : département, région, État. Lorsque nos amis alsaciens soulignent que leur région dispose de nombreux savoir-faire, je les encourage à partager autant que possible, entre tous les échelons territoriaux. C’est le sens de nos recommandations relatives à la création de structures permettant aux acteurs de se rencontrer et de coopérer. Pour coopérer il faut avoir une ligne très claire, et nous préconisons de travailler en termes de filières, de chaînes de valeurs, conformément aux trente-quatre plans industriels, qui constituent une colonne vertébrale solide.

Oui, reconnaissons-le, il y a davantage d’investissements directs à l’étranger depuis la France vers l’étranger que l’inverse. Mais au lieu de blâmer, réfléchissons en termes de complémentarité. Si je prends l’exemple du groupe PSA, que je connais bien, je rappelle qu’il est présent en Chine car une partie de son capital a été exportée vers ce pays, via une alliance avec un investisseur chinois qui lui permet de vendre des voitures en Chine. Or, une partie du moteur de celles-ci est fabriquée par l’entreprise la Française de Mécanique, et 2 000 salariés du site de Douvrin, dans ma circonscription, ont l’assurance d’être employés durant plusieurs années grâce justement à cette coopération avec la Chine. À terme, du fait de l’évolution des technologies de motorisation par exemple, il y aura nécessairement des investissements en France. C’est ce type de raisonnement qui nous amène à recommander la création d’une chambre de commerce franco-chinoise. Ce n’est pas parce que les investissements directs d’origine chinoise visent aujourd’hui avant tout à rassembler les capitaux déjà présents sur notre territoire et que les niveaux ne sont pas si importants qu’il faut rejeter cette idée. Au contraire, une chambre de commerce franco-chinoise peut permettre de conforter ces investissements et de les rendre plus lisibles. Nous plaidons pour le renforcement de la coopération à tous les échelons afin de reconquérir du terrain dans un système industriel qui est forcément celui de l’économie-monde.

Il nous faut être plus efficients, et en attirant des investissements de l’extérieur tout en poursuivant les nôtres, nous construirons la chaîne de valeur et nous nous positionnerons sur les segments d’activité au plus fort retour sur investissement, ce qui nous permettra, in fine, de parvenir à un rééquilibrage entre les territoires. En effet, il s’agit d’une démarche globale qui touche tant à la politique d’aménagement du territoire qu’à celle de l’indépendance nationale. Au cœur de notre rapport il y a le message suivant : nous sommes passés d’un échange de marchandises à un échange de capitaux, et il faut agir pour que ce dernier ait un impact positif sur l’économie réelle. Pour ce faire, nous devons développer les outils de coopération et de protection pertinents – à ce titre, le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, dit décret « stratégique » pris par M. Arnaud Montebourg, présente un intérêt et nous pensons possible d’élargir son champ. Chers collègues, voilà la ligne de force de notre rapport, je vous remercie de vos interventions qui permettront de l’enrichir.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie Monsieur le rapporteur. Nous devons procéder maintenant à un double vote. J’interroge d’abord les membres de la commission des affaires économiques pour savoir s’ils autorisent la publication du rapport.

M. le président Paul Giaccobi. J’interroge à mon tour les membres de la commission des affaires étrangères pour savoir s’ils autorisent la publication du rapport.

Les commissions autorisent la publication du rapport.

RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

Recommandation n° 1 : Définir un programme de travail au Conseil stratégique de l’attractivité dont le caractère permanent a été décidé par le Président de la République le 17 février 2014, en précisant préalablement sa composition qui doit être largement ouverte à des dirigeants de groupes étrangers présents en France ainsi qu’à des économistes. Les réflexions et propositions émises dans ce cadre pourraient notamment compléter le programme de simplification administrative et des normes déjà engagé par le gouvernement.

Recommandation n° 2 : Mener à bien la fusion entre l’AFII et Ubifrance en veillant à conserver les compétences développées par l’AFII pour la prospection et l’accompagnement des investisseurs étrangers. Cette fusion a effectivement du sens, à la condition que la France se dote de moyens en personnels et matériels comparables à ceux déployés par un pays comme le Royaume Uni, traditionnellement très actif dans la recherche d’investisseurs étrangers et la valorisation de l’attractivité de son territoire.

Recommandation n° 3 : Ouvrir le conseil d’administration de la nouvelle agence qui résultera de la fusion entre l’AFII et Ubifrance aux représentants des régions ainsi qu’à des acteurs représentatifs de l’économie de la connaissance et du numérique.

Recommandation n° 4 : Orienter de façon plus marquée en direction des pays émergents le réseau mis en place suite à la fusion « AFII-Ubifrance » et harmoniser son action avec le réseau international de la direction du Trésor.

Recommandation n° 5 : Généraliser un cadre conventionnel entre les régions et la nouvelle agence issue de la fusion d’Ubifrance et de l’AFII, afin d’éviter les doublons et d’assurer la mise en œuvre la plus efficace des actions décidées par les régions dans le cadre de leurs compétences en s’appuyant sur le professionnalisme du nouvel opérateur public national.

Recommandation n 6 : Garantir une stabilité des règles fiscales et des normes applicables aux entreprises : les stratégies de développement des entreprises se construisent sur le long terme et les conditions de l’attractivité ne peuvent relever de données à caractère conjoncturel.

Recommandation n° 7 : Dans l’objectif de clarification poursuivi par la réforme territoriale en cours, conférer explicitement aux régions les compétences visant à promouvoir et valoriser l’attractivité économique des territoires car il importe d’améliorer la lisibilité des actions à destination du potentiel d’investissement d’origine étrangère, en évitant les doublons voire les empiétements qui ne facilitent pas la perception de l’écosystème français par les entrepreneurs étrangers.

Recommandation n°°8 : Ériger les régions au titre d’un véritable front office dans les processus concourant à l’attractivité économique des territoires notamment en faveur de l’accueil d’investissements étrangers, tout en clarifiant et confortant leurs relations avec le niveau national dont le rôle doit être celui d’un back office garant de la cohérence des actions avec la politique économique telle que définie par l’État.

Recommandation n° 9 : Associer les régions à la mise en œuvre des règles de protection des intérêts nationaux en matière d’investissements étrangers en leur donnant la compétence d’émettre un avis sur les cas d’application du régime d’autorisation préalable prévu dans certains secteurs (dispositions du décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 étendues par le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014). Les territoires doivent être associés à l’appréciation de l’équilibre avantages/risques des investissements étrangers concernés par cette procédure.

Recommandation n° 10 : Dans la continuité de la mission de réflexion menée en 2013 sur la « Marque France » et des décisions prises lors du Comité interministériel de la modernisation de l’action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013, mettre en œuvre une politique concertée pour améliorer l’image internationale de la France, en particulier en matière économique. À l’instar des initiatives prises par des pays tels que le Royaume Uni, l’Italie ou la Suède, une telle action doit recevoir une forte impulsion politique, présenter un caractère interministériel donc fédérateur (un grand nombre de départements ministériels a vocation à être associés à sa conception puis à sa mise en œuvre) et être également soutenue par des acteurs privés, telles que des entreprises et des personnalités du monde de l’université, de la recherche et de la culture.

Recommandation n° 11 : Créer les conditions pour que l’économie française s’approprie mieux, d’un point de vue industriel et commercial, les innovations dont certains de ses acteurs sont souvent à l’origine des développements. Les fonds d’investissement spécialisés et les apporteurs de capitaux étrangers étant déjà très présents dans les tours de tables financiers des start up françaises les plus dynamiques, il convient non seulement de créer les conditions d’éclosion de nos start up mais aussi de favoriser des circuits de financement nationaux leur ouvrant des possibilités de relais de croissance.

Recommandation n° 12 : Développer les actions, notamment engagée par la Caisse des dépôts, afin de constituer des fonds d’investissement « mixtes » avec les principaux pays émergents pour faciliter les investissements croisés tout en développant des volumes d’affaires bilatéraux susceptibles d’ouvrir la voie à des implantations en France mais aussi de renforcer les achats auprès de fournisseurs français, notamment des PME, par des sociétés appartenant à des économies « émergentes » en voie internationalisation. Faire également de la recherche de ce type d’investissements, et pas seulement d’investissements physiques directs, une des priorités de la nouvelle agence issue de la fusion d’Ubifrance et de l’AFII. Il reste toutefois à donner une information régulière et plus précise au Parlement sur le bilan de ses fonds mixtes donc sur les projets ainsi mis en œuvre.

Recommandation n°°13°: Valoriser dans le cadre des 34 plans de la nouvelle politique industrielle, la création ou le renforcement de chaines de valeur transnationale au sein desquelles les entreprises françaises innovantes pourront nouer des partenariats d’investissements croisés.

Recommandation n° 14 : Conduire une réflexion plus approfondie puis engager un plan d’action afin de renforcer les facteurs d’attractivité de la France pour établir des sièges sociaux (notamment des états-majors européens) et des centres de décisions de groupes étrangers ; la mission ayant constaté un essoufflement des implantations de cette nature et même un phénomène de délocalisation ou de transfert de certains comités exécutifs de grands groupes internationalisés. Il convient d’abord de créer un dispositif de veille car l’absence de recensement annuel de ces départs ne facilite pas la compréhension d’une telle tendance. Il parait également important que des suites puissent être données, dans les meilleurs délais, aux conclusions du rapport demandé à l’Inspection générale des finances (mission en cours) sur ses différents déterminants.

Recommandation n° 15 : Associer, dès les premiers contacts avec un investisseur étranger, l’ensemble des dispositifs d’apprentissage et de formation relevant d’un territoire concerné par une éventuelle implantation ou reprise d’activité (Éducation nationale, Université, chambres consulaires, organisations professionnelles et syndicales et organismes de financement de la formation professionnelle, etc.) afin de démontrer leur réactivité aux besoins exprimés pour disposer de personnels qualifiés (en conversion ou par recrutement). Le cas échéant, engager des démarches partenariales, dès l’amorce d’un projet, notamment lorsque les formations demandées exigent une étroite coopération pour harmoniser les méthodes ou approches particulières à un groupe avec les capacités des filières de formation existantes.

Recommandation n° 16 : Intensifier, tant au niveau de l’Union européenne que de l’OCDE et du G20, la lutte contre les paradis fiscaux et les centres financiers offshore, tout en exigeant des mesures concrètes à l’égard de pays qui pratiquent un dumping fiscal ou offrent des conditions de transit opaques aux investissement étrangers. La mission considère que la France doit prendre des initiatives fortes à l’égard de pays qui ont acquis de la sorte des positions de « plateformes à IDE » comme le Luxembourg ou l’Irlande. Mais aussi du Royaume-Uni qui, par l’intermédiaire de la City, concentre de très importants flux d’investissements, en liaison avec certains territoires liés à ce pays (à l’exemple des îles anglo-normandes et plus encore des îles Vierges ou Caïman) et capte ainsi des montants élevés d’investissements étrangers « entrants » ou « sortants » de l’Union européenne.

Recommandation n° 17 : Maintenir un haut niveau de qualité aux infrastructures de transport, aux services logistiques qui leur sont liés et aux opérateurs. Au-delà des liaisons routières, autoroutières et aéroportuaires qui offrent un des meilleurs maillages européens, l’effort d’investissement doit être plus soutenu à destination du fret ferroviaire, de la voie d’eau et des grands ports maritimes. Deux priorités sont notamment à retenir : un meilleur soutien financier destiné à la création comme à la régénération des embranchements ferroviaires desservant les sites industriels (RFF ayant été jusqu’alors réticent à prendre en compte ce besoin) et une amélioration significative du réseau ferré environnant les sites portuaires (conditions d’accès à leur « hinterland »).

Recommandation n°18 : Développer les formations pour les métiers de l’attractivité et de l’organisation logistique dont les structures régionales ont un besoins croissant ; ces formations étant dispensées en particulier dans des mastères « Affaires internationales ».

Recommandation n° 19 : Poursuivre la politique de meilleur accueil des étudiants étrangers en France qui a été engagée depuis deux ans, afin qu’ils deviennent des ambassadeurs qualifiés et représentatifs de l’attractivité française dans leur pays d’origine ; la mission ayant constaté que de nombreux pays utilisent leurs compétences acquises à l’étranger pour expertiser puis mener à bien des projets d’implantation ou de reprise d’entreprises.

Recommandation n° 20 : Inciter les entreprises françaises à recruter leurs propres interprètes, plus spécialement en langue russe ou chinoise, ce qui n’est que trop rarement le cas même lorsque des entreprises aspirent à développer leurs activités avec des entreprises de pays où sont parlées ces langues.

Recommandation n° 21 : Créer une véritable Chambre de commerce franco-chinoise en France, alors qu’une structure de cette nature n’existe actuellement qu’en Chine.

ANNEXES

Une théorie générale des IDE confrontée à la multiplicité des stratégies d’entreprises

1) Que sont aujourd’hui les investissements directs étrangers ?

Les investissements directs étrangers sont les mouvements internationaux de capitaux réalisés en vue de créer, développer ou maintenir une filiale à l’étranger et/ou d’exercer le contrôle (ou une influence significative) sur la gestion d’une entreprise étrangère.

Élément moteur de la multinationalisation des entreprises, les IDE répondent à deux motivations principales :

– la réduction des coûts (exploitation à distance de ressources naturelles coûteuses, voire impossibles à transporter ; utilisation d’une main d’œuvre moins onéreuse, ce qui entraîne la crainte que les IDE puissent participer au mouvement de délocalisation ; optimisation fiscale),

– la conquête de nouveaux marchés difficiles à pénétrer par les seules exportations.

L’IDE se traduit non seulement par un transfert de fonds financiers, mais aussi en général par un transfert de technologie et de capital humain (personnels expatriés s’impliquant dans la production à l’étranger).

2) Les analyses successives

D’un point de vue historique, les approches visant à construire une théorie générale des IDE ont successivement exploré une grande diversité de champs d’analyse.

Les IDE ont été initialement perçus comme de simples mouvements de capitaux disponibles et à la recherche des meilleurs rendements. D’autres conceptions considéraient que dans une économie industrielle les IDE constituaient un instrument permettant d’exploiter à l’étranger les avantages monopolistiques d’une entreprise. Un autre concept a été celui de la théorie du cycle de vie des produits qui présentait les IDE comme une forme de prolongation d’activité concernant principalement des productions arrivées à maturité. Des approches plus récentes ont insisté sur les comportements à visées stratégiques d’entreprises affirmant leur vocation multinationale, en érigeant les IDE au rang de vecteur de diversification des risques.

Les explications énoncées à partir des années 1980 intègrent une plus grande diversité de facteurs. Ainsi, les volumes, la répartition géographique et la structuration internationale de l’activité dépendraient principalement des avantages spécifiques de l’entreprise considérée, justifiant ainsi ses choix de localisation.

Dans la pratique, les IDE obéissent à une diversité de paramètres dont l’importance peut fluctuer selon les périodes et les objectifs managériaux. Les IDE permettent un fractionnement visant une efficacité au sein de la chaine de valeur ajoutée et un renforcement de la division internationale du travail. En outre, les IDE peuvent contribuer à stabiliser la balance les paiements du fait de l’apport d’IDE « entrants ». Des pays industriels dont la population vieillit trouvent aussi la possibilité de participer à la croissance de pays « émergents » et d’entrevoir un rendement du capital supposé plus élevé que dans sur les marchés nationaux d’origine.

Mesurés par les statistiques issues de la balance des paiements, les IDE ont connu une très forte progression depuis le milieu des années 1980 et contribuent de façon déterminante à la mondialisation des économies. L’explosion des IDE a des causes multiples.

3) L’explosion des IDE depuis les années 1980

Les flux internationaux de capitaux ont explosé depuis les années 1980 grâce à la déréglementation qui a supprimé un certain nombre de restrictions aux flux entrants d’IDE : l’État tente d’attirer les investisseurs étrangers en mettant en valeur l’attractivité du territoire. Les privatisations avec le retrait de l’État de la sphère productive augmentent les IDE.

Les flux d’IDE ont continué à progresser de façon spectaculaire après 1985 avec l’essor des IDE européens (notamment allemands) et japonais, en raison de l’appréciation relativement au dollar du mark et du yen, ce qui est favorable à l’internationalisation des firmes allemandes et japonaises.

Cette explosion est également portée par l’essor des IDE dans le secteur des services.

4) Les facteurs des IDE

Une approche globale des facteurs explicatifs de l’investissement direct montre que la multinationalisation résulte d’une combinaison de trois éléments interdépendants :

la possession par l’entreprise d’actifs susceptibles d’être exploités de manière rentable à une échelle relativement large : la technologie, la capacité d’innover, les actifs incorporels exploitables à l’échelle mondiale (brevets, droits d’auteur, compétences, noms de marque, réseaux de commercialisation...).

l’existence d’un avantage à utiliser ces actifs pour produire dans plusieurs pays plutôt que d’exporter à partir d’une production dans le seul pays d’origine. Une présence physique sur les marchés étrangers est parfois nécessaire pour y être compétitif, ce qui est souvent le cas dans les activités de services. L’implantation à l’étranger peut aussi s’inscrire dans le cadre d’une division internationale du processus productif dans laquelle les différences des prix et des salaires jouent un rôle important. La délocalisation peut également répondre à une volonté de s’affranchir d’entraves au commerce ou permettre une meilleure adaptation au marché.

les avantages potentiels d’une « internalisation » de l’exploitation des actifs en raison de certaines formes de défaillance de marché : elle permet d’éviter les coûts associés aux transactions entre sociétés indépendantes, elle assure un meilleur contrôle sur l’utilisation des technologies.

Seules les entreprises les plus efficaces dans leur branche d’activité peuvent s’implanter à l’étranger.

5) Les IDE et la compétitivité des économies d’accueil

En tout état de cause, les IDE constituent un indicateur très imparfait du degré de compétitivité des économies d’accueil. En effet, la notion d’IDE regroupe des opérations de nature différente dont l’agrégation comptable ne renseigne pas véritablement sur l’attractivité réelle d’un pays ou d’un territoire. Il s’agit d’un concept financier qui ne pointe pas directement les implantations physiques et ne donne pas d’informations sur le caractère plus ou moins qualitatif d’un investissement et notamment sur son intensité innovatrice. Par exemple, une hausse soutenue des cours boursiers entrainera une forte progression de la valeur des rachats ou fusions transfrontalières d’entreprises. Sur une période donnée, la croissance constatée des IDE peut donc résulter principalement de l’évolution des marchés financiers.

Contrairement à ce que laissaient entendre les premières approches théoriques sur la primauté de la recherche de ressources rares et de débouchés nouveaux, la réalité de la nouvelle industrie et des services qui leur sont liés s’avère plus complexe. D’ailleurs, les pays développés visent encore prioritairement des pays à maturité économique comparable en matière d’IDE. Plus de 90 % des IDE concernant la France ont toujours pour origine ses partenaires traditionnels appartenant à l’OCDE. Une forte implication dans les chaines de valeur développées par ces pays participe à un mouvement positif d’échanges qui suppose un déplacement de certains facteurs de production et entretient la croissance, à la condition que les déterminants de la compétitivité puissent être sauvegardés.

6) La croissance des IDE en provenance des économies émergentes

Une lente évolution semble toutefois s’amorcer afin d’accueillir des IDE en provenance des principales économies émergentes. Ce mouvement, qui est encore loin de dessiner un rattrapage, doit d’être encouragé : l’intensification de partenariats croisés d’affaires (par exemple avec la Chine, la Russie, les pays du Golfe et également les fonds souverains) doit constituer une priorité.

Mais les flux d’IDE vers les pays émergents ont d’abord connu un essor considérable, leurs économies drainant de plus en plus de capitaux, dans le cadre d’une redistribution mondiale des activités productives. Selon le rapport des Nations unies concernant les flux d’IDE au premier semestre 2011, l’Asie du Sud-Est reste la zone la plus dynamique, dopée par les fusions-acquisitions au sein des deux poids lourds régionaux, Inde et Chine, qui enregistrent une augmentation de 20 % des IDE, la Chine battant même son record historique. L’Indonésie, la Malaise et Singapour affichent également de fortes hausses. En Amérique latine et dans les Caraïbes, les investissements directs étrangers ont augmenté de 5,1 %. En raison de son potentiel énergétique et agricole et de ses besoins en infrastructures, le Brésil reste le principal pôle d’attraction, représentant, avec 32 milliards de dollars investis, le tiers des IDE de la région. En Afrique, la hausse modérée de 4,5 % - 30,2 milliards de dollars – est due, à une forte reprise en Afrique du Sud. Les pays de l’Est deviennent également une nouvelle terre d’accueil attractive avec leur entrée dans l’Union européenne.

7) IDE et investissements de portefeuille

Les IDE sont distincts des investissements de portefeuille. Selon la Banque de France, les investissements directs sont des investissements internationaux par lesquels des entités résidentes d’une économie acquièrent ou ont acquis un intérêt durable dans une entité résidente d’une autre économie. La notion d’intérêt durable implique l’existence d’une relation à long terme entre l’investisseur direct et la société investie, ainsi que l’exercice d’une influence notable du premier sur la gestion de la seconde. L’investissement direct comprend à la fois l’opération initiale entre les deux entités et toutes les opérations financières ultérieures entre elles et entre les entreprises du même groupe international.

La notion d’intérêt durable permet de différencier les IDE des investissements de portefeuille. Ces derniers sont considérés comme des placements internationaux, alors que les IDE impliquent un pouvoir de décision de l’investisseur sur l’entreprise rachetée ou construite à l’étranger. La distinction fondamentale entre IDE et investissement de portefeuille a été introduite en 1960 par S. Hymer. Dans une thèse publiée en 1976 par le MIT, il met en évidence que ces deux types d’investissements internationaux répondent à des déterminants différents.

Ces investissements de portefeuille peuvent aujourd’hui donner lieu à des actions prédatrices, consistant à démanteler les actifs de l’entreprise achetée pour les revendre avec profit, mais sans bénéfice pour l’économie réelle.

8) les IDE et la sauvegarde de la sécurité nationale

La mise en place de restrictions aux IDE « entrants » afin de préserver l’indépendance nationale, est un processus qui a effectivement été réactivé par un grand nombre de pays. Ainsi, les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont modifié la perception de nombreux hommes politiques américains concernant le rôle et les risques des IDE « entrants ». Toutefois, le renforcement des règles de filtrage des IDE n’a pas fait perdre aux États-Unis leur rang de première destination d’accueil des IDE.

FLUX D’INVESTISSEMENTS DIRECTS FRANÇAIS À L’ÉTRANGER
PRÉSENTÉS SELON LA RÈGLE DU PRINCIPE DIRECTIONNEL ÉTENDUa)

(Ventilation par type d’opérations)

(en milliards d’euros)

a) Les chiffres sont affectés d’un signe correspondant à la méthodologie du 6e manuel de balance des paiements : les augmentations d’actifs et de passifs sont signées positivement, tandis que les réductions d’actifs comme de passifs sont signées négativement. En d’autres termes, un investissement français à l’étranger est affecté d’un signe positif car il conduit à une augmentation des avoirs français : un désinvestissement français à l’étranger est affecté d’un signe négatif car il conduit à une diminution des avoirs français. Les soldes sont présentés en termes de variation nette de la position extérieure : une augmentation de la position extérieure est signée positivement.

b) Fusions et acquisitions ayant donné lieu à une opération en capital social de plus de 150 millions d’euros enregistrée en balance des paiements.

c) Après reclassement des prêts entre sociétés sœurs selon la règle du principe directionnel étendu.

Note : En raison des arrondis, un agrégat peut ne pas être exactement égal au total de ses composantes.

(Source : Banque de France – Balance des paiements et position extérieure de la France – Rapport annuel 2013)

FLUX D’INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS EN FRANCE
PRÉSENTÉS SELON LA RÈGLE DU PRINCIPE DIRECTIONNEL ÉTENDU

(Ventilation par type d’opérations)

(en milliards d’euros)

a) Fusions et acquisitions ayant donné lieu à une opération en capital social de plus de 150 millions d’euros enregistrée en balance des paiements.

b) Après reclassement des prêts entre sociétés sœurs selon la règle du principe directionnel étendu.

Note : En raison des arrondis, un agrégat peut ne pas être exactement égal au total de ses composantes.

(Source : Banque de France – Balance des paiements et position extérieure de la France – Rapport annuel 2013)

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE SELON LE PREMIER PAYS DE CONTREPARTIE
DES FLUX D’INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS EN FRANCE a)

(en milliards d’euros)

a) Après reclassement des prêts entre sociétés sœurs selon la règle du principe directionnel étendu.

Note : Voir « définition des zones géographiques » dans l’annexe 1 du Rapport annuel 2013 de la balance des paiements et la position extérieure de la France.

(Source : Banque de France – Balance des paiements et position extérieure de la France – Rapport annuel 2013).

FLUX D’IDE (PAR GRANDES ÉCONOMIES)

(en millions de dollars)

Pays

IDE « entrants »

IDE « sortants « 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Autriche

6 858

9 303

840

10 618

3 939

11 083

29 452

10 006

9 994

21 878

17 059

13 940

Belgique

193 950

60 963

77 014

119 022

-30 261

-2 406

221 023

7 525

24 535

96 785

-17 443

-26 372

Danemark

1 824

3 917

-11 522

13 094

2 831

2 083

13 240

6 305

-124

12 610

7 976

9 170

France

64 184

24 215

33 628

38 547

25 086

4 875

155 047

107 136

64 575

59 552

37 195

-2 555

Allemagne

8 109

23 789

65 620

59 317

13 203

26 721

72 758

69 639

126 310

80 971

79 607

57 550

Grèce

4 499

2 436

330

1 143

1 740

2 567

2 418

2 055

1 558

1 772

677

-627

Irlande

-16 453

25 715

42 804

23 545

38 315

35 520

18 949

26 616

22 348

-1 165

18 519

22 852

Italie

-10 835

20 077

9 178

34 324

93

16 508

67 000

21 275

32 655

53 629

7 980

31 663

Luxembourg

16 853

19 314

39 731

18 116

9 527

30 075

14 809

1 522

21 226

7 750

3 063

21 626

Pays Bas

4 549

38 610

-7 324

21 047

9 706

24 389

68 334

34 471

68 341

39 502

267

37 432

Pologne

14 839

12 932

13 876

20 616

6 059

-6 038

4 414

4 699

7 226

8 155

727

-4 852

Portugal

4 665

2 706

2 646

11 150

8 995

3 114

2 741

816

-7 493

14 905

579

1 427

Espagne

76 993

10 407

39 873

28 379

25 696

39 167

74 717

13 070

37 844

41 164

-3 982

26 035

Suède

36 888

10 093

140

12 924

16 334

8 150

30 363

26 202

20 349

29 861

28 951

33 281

Royaume-Uni

89 026

76 301

49 617

51 137

45 796

37 101

183 153

39 287

39 416

106 673

34 955

19 440

Norvège

10 251

16 641

17 044

20 586

16 648

9 330

20 404

19 165

23 239

19 880

19 782

17 913

Suisse

15 212

28 891

35 145

26 590

10 238

-5 252

45 333

26 378

87 442

47 822

45 037

59 961

Canada

61 553

22 700

28 400

39 669

43 025

62 325

79 277

39 601

34 723

52 148

55 446

42 636

États-Unis

306 366

143 604

198 049

223 759

160 569

187 528

308 296

287 901

277 779

386 724

366 940

338 302

Israël

10 875

4 607

5 510

10 766

9 481

11 804

7 210

1 751

8 656

5 329

2 352

4 932

Japon

24 425

11 938

-1 252

-1 758

1 732

2 304

128 020

74 699

56 263

107 599

122 549

135 749

Chine

108 312

95 000

114 734

123 985

121 080

123 911

55 910

56 530

68 811

74 654

87 804

101 000

Hong Kong, (Chine)

67 035

54 274

82 708

96 125

74 888

76 633

57 099

57 940

98 414

95 885

88 118

91 530

Corée (République de)

11 188

9 022

9 497

9 773

9 496

12 221

19 633

17 436

28 280

29 705

30 632

29 172

Macao, (Chine)

2 591

852

2 831

726

3 437

2 331

-83

-11

-441

120

456

45

Taiwan

5 432

2 805

2 492

-1 957

3 207

3 688

10 287

5 877

11 574

12 766

13 137

14 344

Singapour

12 201

23 821

55 076

50 368

61 159

63 772

6 806

26 239

33 377

23 492

13 462

26 967

Inde

47 139

35 657

27 431

36 190

24 196

28 199

21 147

16 031

15 933

12 456

8 486

1 679

Iran

1 980

2 983

3 649

4 277

4 662

3 050

380

356

346

360

430

380

Qatar

3 779

8 125

4 670

-87

327

-840

3 658

3 215

1 863

6 027

1 840

8 021

Arabie Saoudite

39 456

36 458

29 233

16 308

12 182

9 298

3 498

2 177

3 907

3 430

4 402

4 943

Turquie

19 762

8 629

9 058

16 171

13 224

12 866

2 549

1 553

1 464

2 349

4 074

3 114

Émirats Arabes Unis

13 724

4 003

5 500

7 679

9 602

10 488

15 820

2 723

2 015

2 178

2 536

2 905

Argentine

9 726

4 017

11 333

10 720

12 116

9 082

1 391

712

965

1 488

1 052

1 225

Brésil

45 058

25 949

48 506

66 660

65 272

64 045

20 457

-10 084

11 588

-1 029

-2 821

-3 496

Chili

15 518

12 887

15 725

23 444

28 542

20 258

9 151

7 233

9 461

20 252

22 330

10 923

Colombie

10 596

7 137

6 746

13 405

15 529

16 772

2 486

3 348

6 893

8 304

-606

7 652

Uruguay

2 106

1 529

2 289

2 504

2 687

2 796

-11

16

-60

-7

-5

-16

Mexique

28 313

17 331

23 353

23 354

17 628

38 286

1 157

9 604

15 050

12 636

22 470

12 938

Kazakhstan

16 819

14 276

7 456

13 760

13 785

9 739

3 704

4 193

3 791

5 178

1 959

1 948

Fédération de Russie

74 783

36 583

43 168

55 084

50 588

79 262

55 663

43 281

52 616

66 851

48 822

94 907

Source : CNUCED, Rapport mondial sur l’investissement 2014.

POIDS EN EMPLOI SALARIÉ EN FRANCE DES FIRMES MULTINATIONALES (FMN) SELON LES SECTEURS D’ACTIVITÉ EN 2010

(en %)

CONTRIBUTION ÉCRITE DE IKEA FRANCE

Septembre 2014

IKEA est une entreprise d’origine suédoise spécialisée dans la conception et la vente de détail de mobilier et objets de décoration en kit. Avec près de 140 000 collaborateurs et 298 magasins en propre situés dans 26 pays, IKEA est un groupe mondial qui enregistre des ventes annuelles de plus de 27 milliards d’euros.

Implantée en France depuis 1981, l’entreprise emploie aujourd’hui plus de 10 000 collaborateurs répartis entre 30 magasins et plusieurs sites support. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 2,39 milliards d’euros en année fiscale 2013, ce qui fait de la France le 3e marché du groupe au niveau mondial, derrière l’Allemagne et les États-Unis.

I. IKEA FRANCE, UN ACTEUR ÉCONOMIQUE IMPORTANT QUI INVESTIT DE FAÇON CONTINUE EN FRANCE DEPUIS SON IMPLANTATION EN 1981

a.  Des investissements réguliers pour favoriser l’expansion du groupe et son indépendance énergétique

– IKEA a ouvert son 1er magasin en France en 1981. L’entreprise y compte aujourd’hui 30 magasins (entité Meubles IKEA France - voir carte en annexe), trois centres commerciaux (entité Inter IKEA Centre Groupe – IICG), deux dépôts centraux, un centre de distribution client et un centre « mixte » (dépôt central/distribution client), une usine de panneaux de particules, un centre de relation client HQE et un bureau dédié aux achats en Europe du Sud.

– Au cours des trois dernières années, IKEA a investi 175 millions d’euros en France, notamment pour l’ouverture de deux nouveaux magasins (Caen en 2011 et Clermont-Ferrand en août 2014, pour un peu plus de 100 millions d’euros au total) et la création d’un centre de relation client HQE à Evry-Lisses dans l’Essonne en 2012 (6,8 millions d’euros investis).

– Au niveau global, IKEA investit massivement pour assurer l’indépendance énergétique du groupe en 2020 (1,5 milliards d’euros d’ici à 2015). En France, ces investissements globaux se sont par exemple traduits par l’acquisition de 29 éoliennes en Picardie, dans le Centre et dans la Loire ou encore par l’installation de plus de 15 000 panneaux photovoltaïques sur son centre de distribution de Saint-Quentin-Fallavier, près de Lyon (7 millions d’euros investis à Saint-Quentin-Fallavier). Dans les années à venir, une dizaine de nouvelles installations sont envisagées, pour un budget de 3 à 4 millions d’euros. De façon générale, tous les nouveaux magasins seront équipés de panneaux photovoltaïques.

b.  Des milliers d’emplois créés sur l’ensemble du territoire

– IKEA emploie plus de 10 000 collaborateurs, toutes entités confondues, dont plus de la moitié ont été recrutés depuis 2005.

– IKEA recrute en moyenne 2 000 nouveaux collaborateurs chaque année (ouvertures de magasins, remplacements, etc.).

– Ventilation des emplois en 2014 ;

§ 30 magasins et un site d’e-commerce : 9300 emplois ;

§ Trois centres commerciaux (Villiers-sur-Marne, Reims et Avignon) réunissant 105 magasins : quelques dizaines d’emplois directs (gestion des centres) et 500 emplois indirects (boutiques) ;

§ Deux dépôts centraux (La Maxe dans la banlieue de Metz et Fos-sur-Mer), un centre de distribution clients (Châtres en Seine-et-Marne) et un centre « mixte » dépôt central/distribution client (Saint-Quentin-Fallavier à côté de Lyon) : 741 emplois ;

§ Une usine de panneaux de particules située à Lure (Haute-Saône) : 155 emplois ;

§ Un centre de relation client HQE à Evry-Lisses (Essonne) : 175 emplois ;

§ Un bureau dédié aux achats en Europe du Sud (jouets, papier, plastique, etc.) : 33 emplois.

c.  Des partenariats durables et de confiance noués avec des fournisseurs français

– IKEA collabore actuellement avec plusieurs fournisseurs français, parmi lesquels le fabricant de meubles en kit Alsapan et le spécialiste des arts de la table et de la verrerie ARC International.

– L’usine de panneaux de particules de Lure achète par ailleurs le bois nécessaire à sa production à des exploitations forestières voisines.

II. CONFIANT DANS LE POTENTIEL DU MARCHÉ FRANÇAIS, IKEA FRANCE PRÉVOIT DES INVESTISSEMENTS SIGNIFICATIFS DANS LES PROCHAINES ANNÉES POUR DÉVELOPPER SES ACTIVITÉS

a.  Vers l’ouverture de cinq nouveaux magasins d’ici 2016

– IKEA France devrait ouvrir cinq nouveaux magasins dans l’Hexagone d’ici 2016 : à Mulhouse et Bayonne dès 2015, puis à Nice, Orléans et Vénissieux. L’entreprise investira par ailleurs dans la rénovation de quatre magasins à Plaisir (Yvelines), Paris Nord 2, Montpellier et Vitrolles. IKEA France devrait ainsi investir 600 millions d’euros en France dans les trois prochaines années.

– Ces investissements devraient permettre la création de 1 200 nouveaux emplois directs et générer au moins autant d’emplois indirects.

– L’objectif du groupe étant de pouvoir compter 45 magasins en France en 2025 afin d’être à moins d’une heure de 80% des Français, IKEA France entend poursuivre sa politique d’expansion et donc d’investissement et d’embauches en France dans les années à venir.

b.  Un renforcement à prévoir des activités des autres entités de IKEA en France

– Trois projets de centres commerciaux sont en cours de développement par Inter IKEA Centre France (IICG), entité du groupe chargée de développer et d’exploiter des centres commerciaux installés à proximité immédiate d’un magasin IKEA. Le premier d’entre eux est situé à Bayonne ; couplé avec le magasin IKEA, ils représentent un investissement de plus de 200 millions d’euros pour la création de 1 100 emplois.

– Le groupe réfléchit par ailleurs à l’agrandissement de l’usine de panneaux de particules de Lure.

III. UN RETOUR D’EXPÉRIENCE RELATIVEMENT POSITIF SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS

a.  Les éléments favorables à l’investissement de IKEA en France

– Parmi les déterminants de l’investissement de IKEA en France figurent d’abord la situation géographique stratégique du pays au sein de l’Europe, qui facilite les approvisionnements et les échanges, la qualité de ses infrastructures et l’existence d’un environnement qualitatif (bon niveau de formation des collaborateurs, qualité de vie, infrastructures de transports de grande qualité, etc.).

– Le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi permet par ailleurs à IKEA de financer la mise en oeuvre d’un Accord sur le contrat de génération et la diversité des âges au sein de l’entreprise. 3 millions d’euros issus du CICE vont ainsi être utilisés dans les trois années à venir pour recruter au moins 250 personnes en contrat de génération et 150 en alternance, dont au moins 50% devraient être embauchées en CDI à l’issue de leur formation.

– Enfin, le montant raisonnable des prix du foncier favorise les projets d’ouverture de nouveaux magasins dans l’Hexagone, permettant in fine de continuer à créer de nouveaux emplois et de contribuer au tissu économique environnant.

b.  Quelques facteurs susceptibles d’être des freins à l’expansion

– Le coût du travail – élevé malgré le CICE -, l’existence de rigidités sur le marché du travail ainsi que le poids et la complexité du système de taxation français constituent des freins à la décision d’investir plus en France. Cependant, une initiative telle que le Pacte de responsabilité est un signal encourageant pour les investisseurs. La démarche de simplification engagée au début de l’année 2014 est également une avancée positive.

– IKEA rencontre par ailleurs des difficultés à trouver parmi les PME françaises des fournisseurs à même de pouvoir répondre à son cahier des charges et à des volumes de commande très importants. De fait, IKEA France souhaite collaborer plus avant avec des fournisseurs français mais se heurte à leur petite taille et à leur relatif isolement les uns des autres. C’est également le cas pour la filière bois française, aujourd’hui peu structurée.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 10 décembre 2013

● Agence française pour les investissements internationaux (AFII)

– M. David Appia, président ;

– M. Serge Boscher, directeur général ;

– M. Bertrand Buffon, chef de cabinet du président.

Mardi 14 janvier 2014

● Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)

– M. Sébastien Jean, directeur ;

– M. Farid Toubal, conseiller scientifique au CEPII et professeur à l’ENS Cachan.

Mardi 21 janvier 2014

● M. Marc Lhermitte, associé du Cabinet Ernst & Young Advisory (E Y) et rédacteur du Baromètre de l’attractivité de la France 2013.

Mardi 11 février 2014

● Banque de France

– M. Jacques Fournier, directeur général des statistiques ;

– Mme Véronique Bensaid, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur

Mardi 6 mai 2014

● BPIfrance

– M. Pascal Lagarde, directeur de la stratégie, des études et du développement ;

– Mme Isabelle Ginestet-Naudin, directrice des fonds sectoriels ;

– M. Daniel Balmisse, directeur exécutif en charge des Fonds de fonds ;

– M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles.

Mardi 13 mai 2014

● Groupe Caisse des Dépôts

– M. Laurent Vigier, président directeur général de CDC International ;

– Mme Florence Mangin, directrice des relations institutionnelles et de la coopération européenne et internationale ;

– Mme Détélina Duteil, chargée de relations institutionnelles à la direction des relations institutionnelles et de la coopération européenne et internationale.

Mardi 27 mai 2014

● Ministère des affaires étrangères

– M. Jacques Maire, directeur de la direction des entreprises et de l’économie internationale.

Mardi 3 juin 2014

● Entreprise d’origine chinoise SYNUTRA France International

– M. Christian Mazuray, président.

Mardi 10 juin 2014

● Mme Sylvie Montout, économiste, chef du pôle « Veille et analyse de l’environnement concurrentiel » à l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), rédactrice du chapitre « Les projets d’implantation d’origine étrangère en France » dans le rapport de 2010 du Conseil d’analyse économique intitulé « Investissement direct étranger et performance des entreprises ».

Mardi 17 juin 2014

● Entreprise RZD, Société nationale des chemins de fer russes

– M. Vladimir Yakounine, président ;

– M. Bernardo Sanchez-Incera, coprésident du Conseil pour la coopération économique France-Russie, directeur général délégué de la Société Générale ;

– M. Luc Nadal, directeur général de Gefco ;

– M. Aymerie Montesquiou d’Artagnan, sénateur du département du Gers ;

– M. Kirill Dmitriev, directeur général du Fond russe des investissements directs (FDFI) ;

– M. Vadim Mikhaylov, premier vice-président des Chemins de fer russes ;

– M. Arkadiy Dyakonov, représentant général des Chemins de fer russes en France ;

– M. Vladimir Bushuev, directeur du cabinet du président de RZD ;

– M. Konstantin Krivitrsky, sous-chef du Service du protocole ;

– Mme Anna Shchurova, assistante du cabinet du président ;

– M. Mikhail Treshchin, conseiller du président.

Mardi 24 juin 2014

● Cabinet d’expertise et de veille économique TRENDEO

– M. David Cousquer, fondateur-gérant.

Mardi 16 septembre 2014

● TOYOTA France

– M. Pascal Ruch, président ;

– M. Jean-Jacques Serraf, directeur marketing ;

– M. Sébastien Grellier, chef de département relations extérieures et environnement ;

– Mme Sophie Glémet, responsable « relations et communication institutionnelles ».

Mardi 7 octobre 2014

● Société MARS FOOD

– M. Patrick Gantier, directeur général de Mars Food France ;

– M. Denis Beaufils, directeur d’usine ;

– Mme Pascale Perez, directrice des affaires publiques.

Mardi 14 octobre 2014

● M. le Professeur Yves Crozet, professeur à l’université de Lyon, Institut d’études politiques (IEP), ancien directeur du Laboratoire d’économie des transports (LET).

● Huawei France

– M. François Quentin, président ;

– Mme Isabelle Leung, directrice des affaires publiques et de la communication.

Mardi 21 octobre 2014

● Direction générale du Trésor

– Mme Sandrine Duchêne, directrice générale adjointe ;

– M. Éric David, sous-directeur du financement international des entreprises ;

– M. Pierre Gaudin, responsable du pôle « commerce extérieur » ;

– M. Bruno Quille, adjoint au responsable du pôle « commerce extérieur ».

● Région Nord-Pas de Calais

– M. Pierre de Saintignon, premier vice-président de la région Nord Pas-de-Calais, chargé du développement économique, des nouvelles technologies et de la formation permanente ;

– M. Yann Pitollet, directeur général de l’Agence régionale de promotion économique Nord France Invest.

Mardi 9 décembre 2014

● Entreprise Rhône-Alpes International (ERAI).

– Mme Myriam Debes, responsable du service investissements ;

– Mme Audrey Larderet, directrice des financements, investissements internationaux et partenariats.

Mardi 20 janvier 2015

● Direction générale de la concurrence de la Commission européenne :

– M. Miek Van der Wee, chef d’unité en charge des aides régionales (Unité 03 : Politique et Support des cas aides d’État) ;

– M. Koen Van de Casteele, chef d’unité en charge de la politique des aides d’État.

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Pour le « Baromètre de l’attractivité de la France 2014 », l’institut CSA a interrogé par téléphone, du 3 au 18 février 2014, 206 dirigeants européens d’entreprises de 26 pays et en trois langues (Source : page 50 du document publié sous ce titre par E Y).

3 () Source : sur ce point, articles des quotidiens Le Monde (4 juin 2014) et Les Échos (31 juillet 2014).

4 () Au titre de la définition de l’Insee, les entreprises de taille intermédiaire ou ETI sont des entreprises employant entre 250 et 4999 salariés pour un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliard d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.

5 () Source : Rapport sur l’investissement dans le monde 2013 ; édition française page 9.

6 () Source : Rapport sur l’investissement dans le monde 2013 ; édition française pages 33 et 34.

7 () Qui ignorent un pays considéré comme un gros détenteur de réserves de change, qui n’apparaît donc pas dans le tableau : Taiwan, dont les réserves s’élèveraient à plus de 400 milliards de dollars.

8 () Source : Banque de France, « Stock d’investissements directs français à l’étranger au 31 décembre 2011 », par Bruno Terrien.

9 () Assemblée nationale, XIVème législature, n° 1431 – tome VI.

10 () World investment ; rapport 2014, page 106.

11 () Le décret concerne également les investissements de personnes physiques de nationalité française mais non résidentes en France.


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