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N
° 
2740

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 avril 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ.

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018
et le
programme national de réforme

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Valérie RABAULT

Rapporteure générale,

Députée.

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. LA TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DU DÉFICIT NOMINAL EST CONFORME AUX RECOMMANDATIONS DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE 9

A. LA CRÉDIBILITÉ DE LA FRANCE EST RENFORCÉE PAR LES ENGAGEMENTS PRIS PAR LE GOUVERNEMENT 9

1. Un objectif de déficit nominal inférieur à 3 % en 2017 9

2. Une amélioration de la trajectoire du déficit public qui nécessite de poursuivre les efforts engagés sur les dépenses publiques 12

B. LES PRÉVISIONS DU PROGRAMME DE STABILITÉ SUR LES RECETTES ET LES DÉPENSES PUBLIQUES DOIVENT PERMETTRE DE GARANTIR LE RESPECT DE LA TRAJECTOIRE DU DÉFICIT NOMINAL 15

1. La France et la zone euro connaissent depuis quelques mois une faible inflation, ce qui a une conséquence sur les équilibres budgétaires 15

2. En 2015, la faible inflation réduirait le plan initial d’économies de l’ordre de 4 milliards d’euros et pourrait aussi impacter le niveau des recettes publiques 17

a. La faible inflation réduirait de 4 milliards d’euros le plan initial d’économies prévu pour 2015 17

b. La faible inflation pourrait avoir un impact sur les recettes publiques à hauteur de 0,25 point de PIB 19

3. Les grands équilibres du programme de stabilité 2015-2018 tiennent compte des conséquences de la faible inflation 20

4. Une amélioration de la trajectoire des comptes publics qui repose depuis 2014 sur la maîtrise de la dépense publique 21

a. La prévision d’évolution des dépenses publiques 21

b. Les mesures proposées par le Gouvernement permettent de corriger l’impact de la faible inflation 24

5. Les recettes publiques ont une dynamique dépendant de la conjoncture économique. 28

a. La prévision d’évolution des recettes publiques 28

b. La montée en charge du Pacte de responsabilité et de solidarité réduira les prélèvements obligatoires 29

c. L’impact du faible niveau d’inflation n’est pas chiffré à ce stade sur les recettes 32

6. La sensibilité importante des dépenses et des recettes à l’inflation rend crucial un pilotage serré des finances publiques 32

7. La croissance reste un levier puissant pour assainir nos finances publiques 34

II. LA RECOMMANDATION DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE SUR LE DÉFICIT STRUCTUREL FRAGILISERAIT LA REPRISE DE NOTRE CROISSANCE ET LE GOUVERNEMENT A RAISON DE NE PAS VOULOIR LA METTRE EN œUVRE 36

A. LA DEMANDE DU CONSEIL SUR L’AJUSTEMENT STRUCTUREL 36

B. LA CALIBRATION DE L’EFFORT STRUCTUREL DEMANDÉ PAR LE CONSEIL REPOSE SUR DES HYPOTHÈSES QUI NE FONT PAS L’OBJET D’UN CONSENSUS 37

1. La croissance potentielle : un indicateur à utiliser avec précaution 37

2. Le Gouvernement a révisé son estimation de la croissance potentielle, qui dès lors n’est plus en ligne avec celle du Conseil 39

3. Le Gouvernement et le Conseil ayant des hypothèses différentes sur la croissance potentielle, il ne peut logiquement y avoir de convergence sur l’effort structurel à fournir 39

C. LA RECOMMANDATION DU CONSEIL POURRAIT SE TRADUIRE PAR UN RECUL DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE 40

1. Respecter la recommandation du Conseil se traduirait par 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur trois ans 40

2. Des mesures de cette ampleur auraient un impact négatif sur la croissance en France et en Europe 42

III. SOUTENIR LE REBOND DE CROISSANCE PASSE PAR UNE RELANCE DE L’INVESTISSEMENT 43

A. LE REBOND OBSERVÉ EST ENCORE FRAGILE DANS UN CONTEXTE D’INFLATION TRÈS FAIBLE 43

1. Des facteurs positifs à l’appui d’un léger rebond 43

2. Des facteurs de risque à prendre en compte 46

3. L’investissement, public comme privé, reste affecté par la crise 50

B. UN EFFORT EN INVESTISSEMENT PERMETTRAIT DE TRANSFORMER CE REBOND EN REPRISE DURABLE 51

1. Les composantes de la création de richesse en France 51

2. La consommation : un ingrédient et un résultat de la croissance 53

3. L’investissement : un facteur d’offre et de demande 54

a. Les initiatives internationales et européennes en faveur de l’investissement public 54

b. Les mesures prises au niveau national en faveur de l’investissement 57

C. LE PNR POURRAIT « LIBÉRER » DE LA CROISSANCE À HAUTEUR DE 4 POINTS DE PIB À HORIZON 2020 64

1. La Commission européenne a adressé sept recommandations spécifiques à la France 64

2. 4,2 points de PIB additionnels sont attendus de la mise en œuvre du PNR à horizon 2020, hors impact de son financement 65

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR L’AVIS DU HAUT CONSEIL RELATIF AUX PRÉVISIONS MACROÉCONOMIQUES ASSOCIÉES AU PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ 67

AUDITION DE MM. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES ET CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D’ÉTAT AU BUDGET, SUR LE PROGRAMME DE STABILITÉ 81

EXAMEN DU RAPPORT D’INFORMATION ET AUDITION DE MM. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES, EMMANUEL MACRON, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, ET CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D’ÉTAT AU BUDGET 95

ANNEXES 117

ANNEXE N° 1 : LES RÈGLES BUDGÉTAIRES EUROPÉENNES 117

ANNEXE N° 2 : LES RECETTES PUBLIQUES 125

ANNEXE N° 3 : LA DETTE PUBLIQUE 126

ANNEXE N° 4 : POINT D’ÉTAPE SUR L’EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL POUR L’EXERCICE 2015 128

INTRODUCTION

Depuis l’adoption du Pacte de stabilité et de croissance en 1997, constitué par l’ensemble des règlements européens qui organisent la coordination économique et budgétaire des États membres de la zone euro, le Gouvernement présente chaque année au Parlement, avant sa transmission à la Commission européenne, un programme de stabilité et de croissance, qui dessine la trajectoire de nos finances publiques fondée sur un scénario macroéconomique.

Le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 et le programme national de réforme qui l’accompagne ont été présentés en Conseil des ministres le 15 avril 2015. Ce même jour, le programme de stabilité a fait l’objet d’une présentation devant la commission des finances par le ministre des finances et des comptes publics et par secrétaire d’État chargé du budget ; le 22 avril, c’était au tour du programme national de réforme d’être présenté, devant la Commission, par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique (1).

Conformément à l’article 17 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement et a rendu un avis sur les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité, avis rendu public le 15 avril 2015 et présenté ce même jour devant la commission des finances par le président du Haut Conseil (2).

Publié à l’occasion de la présentation du programme de stabilité de la France pour les années 2015 à 2018, le présent rapport est le deuxième rapport d’information consacré par notre commission des finances, de manière spécifique, aux prévisions d’un tel programme, après celui présenté en 2013 (3). Il manifeste l’importance désormais reconnue à cet exercice de prévision et de programmation.

Ce dernier a en effet pris une importance croissante, à mesure que les États membres de l’Union européenne s’engageaient dans une coordination plus étroite de leurs politiques budgétaires, dans le cadre d’un calendrier commun. Il organise désormais l’échange d’informations entre la Commission européenne et les États membres et prévoit que le Conseil de l’Union européenne puisse émettre des recommandations sur leur plan budgétaire.

Le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 s’inscrit dans le contexte de la présentation récente, par le Conseil de l’Union européenne, d’une recommandation, visant à mettre fin à la situation de déficit excessif en France qui perdure depuis 2009 (4).

Cette recommandation comporte deux volets :

– une réduction du déficit nominal à laquelle le programme de stabilité du Gouvernement apporte une réponse crédible, conforme au scénario correctif recommandé. Par ce programme, le Gouvernement s’engage en effet à respecter la trajectoire recommandée de déficit public nominal et de le ramener ainsi sous la limite des 3 % du PIB en 2017.

L’effort budgétaire à réaliser pour parvenir à cet objectif repose principalement sur une maîtrise de la dépense publique en tendance grâce à la déclinaison d’un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur le triennal 2015-2017. Ce plan, présenté dans le programme de stabilité d’avril 2014, a fait l’objet de premières mesures d’ajustement pour prendre en compte une inflation plus faible qu’anticipée dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2015. Les prévisions d’inflation pour les années 2015 à 2017 ayant été à nouveau révisées à la baisse en janvier dernier, le présent programme de stabilité en tire les conséquences en proposant de nouvelles mesures d’économies permettant d’atteindre le niveau d’effort budgétaire nécessaire à la tenue de nos objectifs en matière de solde nominal. Ces mesures représentent 4 milliards d’euros en 2015 et 5 milliards d’euros en 2016. Elles ne compensent pas, à ce stade, les éventuels effets de la baisse des prévisions d’inflation sur les recettes publiques ;

– une réduction du déficit structurel de laquelle le programme de stabilité se distingue.

S’il était respecté sans nuance, l’effort structurel recommandé par la Commission et le Conseil fragiliserait en effet par trop la reprise de la croissance, dont les premiers signes sont aujourd’hui perceptibles. Cela risquerait d’impacter négativement de 0,2 point la croissance française et de 0,15 point la croissance européenne. Cette moindre croissance aurait aussi comme conséquence un impact négatif sur la réduction du déficit nominal, ce qui annihilerait une partie des efforts engagés.

Compte tenu des facteurs d’incertitude qui pèsent encore sur le retour de cette croissance, la Rapporteure générale juge nécessaire de conduire une politique volontariste d’investissement public pour convertir le léger rebond qui se fait jour en 2015 en reprise durable. À cet égard, les mesures prises récemment par le Gouvernement en faveur de l’investissement vont dans le bon sens et pourraient être utilement complétées.

I. LA TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DU DÉFICIT NOMINAL EST CONFORME AUX RECOMMANDATIONS DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE

A. LA CRÉDIBILITÉ DE LA FRANCE EST RENFORCÉE PAR LES ENGAGEMENTS PRIS PAR LE GOUVERNEMENT

1. Un objectif de déficit nominal inférieur à 3 % en 2017

La trajectoire des comptes publics proposée par le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018, adopté par le Conseil des ministres et présenté à la commission des finances le 15 avril dernier (5), poursuit un objectif principal : le retour du déficit public sous le seuil de 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017. Pour atteindre cet objectif, le déficit doit diminuer progressivement de 4 % en 2014 à 3,8 % en 2015 et 3,3 % en 2016.

Les conditions fixées par le Gouvernement pour y parvenir sont prudentes. Elles reposent sur un effort soutenu de maîtrise de la dépense des différents secteurs d’administrations publiques et sur le soutien à la reprise de l’activité, notamment par le biais de la mise en œuvre du Pacte de responsabilité et solidarité (6).

Pour rappel, ce dernier doit permettre de restaurer les marges des entreprises et d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages au travers notamment d’importantes baisses d’impôts. Les deux mesures les plus emblématiques de ce pacte consistent ainsi en l’introduction du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui permet aux entreprises de fortement diminuer le coût du travail et en la réforme du barème de l’impôt sur le revenu en faveur des ménages aux revenus modestes (7).

Ce pacte ainsi que d’autres mesures annoncées par le Gouvernement en faveur de la reprise de l’activité (8) contribuent, selon le Conseil de l’Union européenne dans sa recommandation du 10 mars dernier, « à la croissance économique et à la soutenabilité à long terme des finances publiques » (9).

Cette reconnaissance de la pertinence de la politique budgétaire défendue par le Gouvernement et sa majorité, qui consiste à conjuguer le nécessaire assainissement de nos finances publiques avec un fort soutien à la reprise économique, s’est traduite par l’octroi à la France d’un délai supplémentaire de deux années pour corriger le déséquilibre excessif de son déficit public. Comme le souligne le Conseil de l’Union européenne, dans sa recommandation précitée, « les engagements pris par les autorités françaises en ce qui concerne les réformes structurelles vont dans la bonne direction pour être considérées comme un facteur pertinent permettant à la France de bénéficier d’une prolongation de plus d’un an du délai pour la correction du déficit excessif ».

Ce délai supplémentaire était en effet essentiel pour permettre au Gouvernement de respecter ses engagements européens sans pour autant sacrifier la reprise économique.

L’allongement du délai accordé à la France pour mettre fin
à sa situation de déficit excessif

Pour rappel, le retour du déficit public sous le seuil des 3 % du PIB devait être atteint en 2015 selon la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 11 juin 2013 qui fixait pour cette même année un déficit public de 2,8 %.

Toutefois, la détérioration de la situation budgétaire de la France due à une position globale de l’économie plus dégradée qu’anticipé a justifié l’allongement du délai accordé à la France pour parvenir à cet objectif. Dans une communication du 13 janvier 2015, la Commission européenne a ainsi recommandé que la France puisse bénéficier de deux années supplémentaires pour corriger son déficit excessif, ce que le Conseil de l’Union européenne a validé dans sa recommandation du 10 mars.

Pour rappel, l’article 126, paragraphe 7, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, prévoit en effet que « lorsque le Conseil […] décide qu’il y a un déficit excessif, il adopte, sans délai injustifié, sur recommandation de la Commission, les recommandations qu’il adresse à l’État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné ».

La recommandation du Conseil de l’Union européenne fixe ainsi une nouvelle trajectoire de réduction du déficit nominal avec laquelle le présent programme est en ligne comme le montre le graphique suivant.

LES TRAJECTOIRES DE DÉFICIT PUBLIC DU PROGRAMME DE STABILITÉ
ET DE LA RECOMMANDATION DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE

(en % du PIB)

Source : programme de stabilité 2015-2018 et recommandation du Conseil de l’Union européenne du 10 mars 2015.

Deux principaux constats ressortent de ce graphique :

– cette nouvelle trajectoire est rendue possible par les efforts d’assainissement des finances publiques consentis depuis le début de la législature et dont les effets sont sensibles dès 2013 (réduction du déficit de 0,7 point entre 2012 et 2013) ;

– elle est un peu plus ambitieuse que la recommandation du Conseil sur la période 2015-2017 grâce à une exécution en 2014 meilleure qu’attendue et à l’application de l’intégralité du plan d’économies de 50 milliards d’euros sur cette période, présenté dans le programme de stabilité d’avril 2014.

Par ailleurs, cette nouvelle trajectoire semble plus sécurisée que celle adoptée en loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (10) (LPFP 2014-2019). En effet, si l’objectif inscrit en LPFP de parvenir à un solde public de 2,7 % en 2017 est maintenu par le programme de stabilité, l’effort pour y parvenir est davantage lissé sur la période 2015-2017, ce qui devrait en faciliter le respect.

LES TRAJECTOIRES DE DÉFICIT PUBLIC DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2014 À 2019 ET DU PROGRAMME DE STABILITÉ 2015-2018

(en % du PIB)

Source : programme de stabilité 2015-2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

2. Une amélioration de la trajectoire du déficit public qui nécessite de poursuivre les efforts engagés sur les dépenses publiques

En premier lieu, l’amélioration de la trajectoire de déficit pour la période 2015-2017 tient à une exécution meilleure que prévu en 2014. Le déficit au titre de cet exercice s’établit à 4 % du PIB (après 4,1 % en 2013) au lieu des 4,4 % prévus en LPFP 2014-2019. Le déficit devrait ainsi atteindre, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 84,8 milliards d’euros, soit un montant inférieur de 9 milliards d’euros aux prévisions retenues à l’automne dernier.

En second lieu, l’amélioration de la trajectoire de déficit découle de la poursuite d’efforts importants de maîtrise de la dépense des administrations publiques qui se traduit par la baisse de leur part respective dans le déficit, en point de PIB.

PRÉVISIONS DE SOLDE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en % du PIB)

Note de lecture : organismes divers d’administration centrale (ODAC) ; administrations de sécurité sociale (ASSO) ; administrations publiques locales (APUL).

Source : programme de stabilité 2015-2018.

Cette baisse est plus ou moins marquée selon le secteur d’administration publique considéré, les administrations publiques centrales et de sécurité sociale étant les plus fortement sollicitées par l’effort de réduction des dépenses.

PART DES DIFFÉRENTS SECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE
DANS L’EFFORT DE RÉDUCTION DU SOLDE PUBLIC

Administration publique

2014
(en % de PIB)

2017
(en % de PIB)

Effort
(en point de PIB)

État

− 3,5

− 2,8

0,7

ODAC

0,1

0

− 0,1

APUL

− 0,2

− 0,1

0,1

ASSO

− 0,4

0,3

0,7

Effort total

− 4

− 2,7*

1,4

* Après prise en compte des arrondis.

Source : programme de stabilité 2015-2018, calculs de la commission des finances.

Le solde des administrations centrales qui regroupent l’État et les organismes divers d’administration centrale passerait de 3,3 % du PIB en 2014 à 2,8 % du PIB en 2017, soit une amélioration de 0,6 point de PIB

Cette amélioration est liée à :

– la baisse en valeur des dépenses de l’État, hors charge de la dette, pensions et concours financiers aux collectivités territoriales, qui résulterait, selon le Gouvernement, « pour l’essentiel de gains d’efficience (mutualisation accrue sur les achats et les systèmes d’information, réduction des dépenses de fonctionnement de l’État, recentrage des interventions et stabilité du point d’indice des fonctionnaires) » (11) ;

– la baisse des dépenses de fonctionnement et d’intervention des opérateurs.

Par ailleurs, afin d’assurer la mise en œuvre du plan d’économies de 50 milliards d’euros (présenté ci-après) dans un contexte de plus faible inflation qu’anticipé en 2014, de nouvelles mesures d’économies porteront sur l’État et les opérateurs à hauteur de 1,2 milliard d’euros en 2015 et 2016.

Le solde des administrations de sécurité sociale s’améliorerait également de 0,7 point de PIB entre 2014 et 2017, passant d’un déficit de 0,4 % de PIB à un excédent de 0,3 % de PIB.

Cette amélioration résulterait :

– des effets de la reprise de l’activité ;

– des économies prévues dans le cadre de la LPFP 2014-2019 sur l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ou attendues des accords sur l’assurance chômage et les retraites complémentaires entre les partenaires sociaux, de la réforme des retraites et de mesures relatives à la gestion des organismes de protection sociale.

Ces économies seraient également complétées, à hauteur de 1 milliard d’euros, par de nouvelles mesures annoncées dans le présent programme de stabilité pour 2015 et 2,2 milliards d’euros en 2016 (présentées ci-après) pour prendre en compte la révision des prévisions d’inflation.

Le solde des administrations publiques locales se stabiliserait à 0,1 % de PIB sur la période 2015-2017 notamment du fait de la mise en œuvre des mesures de réduction annuelle des dotations de l’État

La réduction des dotations de l’État fixée à 3,4 milliards d’euros en 2015 (après une première baisse de 1,5 milliard d’euros en 2014, partiellement compensée par des transferts de recettes) puis à 3,7 milliards d’euros en 2016 et 2017 en application du plan d’économies de 50 milliards d’euros serait complétée en 2016 par un effort supplémentaire sur la dépense des collectivités territoriales de 1,2 milliard d’euros afin de compenser les effets de la faible inflation.

Le plan d’économies et les mesures complémentaires évoquées pour la période 2015-2017 sont précisés ci-après dans le développement consacré à l’évolution des dépenses publiques.

B. LES PRÉVISIONS DU PROGRAMME DE STABILITÉ SUR LES RECETTES ET LES DÉPENSES PUBLIQUES DOIVENT PERMETTRE DE GARANTIR LE RESPECT DE LA TRAJECTOIRE DU DÉFICIT NOMINAL

1. La France et la zone euro connaissent depuis quelques mois une faible inflation, ce qui a une conséquence sur les équilibres budgétaires

Depuis vingt-quatre mois, la France et la zone euro connaissent une inflation particulièrement faible, y compris hors prix de l’énergie.

Le taux d’inflation annuel de la zone euro est estimé à – 0,3 % en février 2015 par Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, en hausse par rapport à janvier où il était de – 0,6 %. L’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) hors énergie est estimé à 0,6 % seulement, comme le montre le graphique et le tableau suivants.

TAUX D’INFLATION DANS LA ZONE EURO EN 2015

(en pourcentage)

Source : Eurostat, février 2015.

TAUX D’INFLATION ANNUEL ET DE SES COMPOSANTES DANS LA ZONE EURO

(en pourcentage)

 

Poids (‰)2015

Fév. 2014

Sept. 2014

Oct. 2014

Nov. 2014

Déc. 2014

Jan. 2015

Fév. 2015

Ensemble de l’IPCH

1 000,0

0,7

0,3

0,4

0,3

– 0,2

– 0,6p

0,3e

Ensemble hors :

               

> énergie

893,9p

1,1

0,7

0,7

0,6

0,6

0,4p

0,6e

> énergie, aliments non transformés

819,4p

1,1

0,8

0,7

0,7

0,7

0,6p

0,6e

> énergie, alimentation, alcool & tabac

697,3p

1,0

0,8

0,7

0,7

0,7

0,6p

0,6e

Alimentation, boissons alcoolisées et tabac

196,6p

1,5

0,3

0,5

0,5

0,0

– 0,1p

0,5e

> aliments transformés y compris alcool et tabac

122,1p

1,8

1,0

0,8

0,6

0,5

0,4p

0,5e

> aliments non transformés

74,5p

0,9

– 0,9

0,0

0,2

– 1,0

– 0,8p

0,5e

Énergie

106,1p

– 2,3

– 2,3

– 2,0

– 2,6

– 6,3

– 9,3p

– 7,9e

Biens industriels hors énergie

262,6p

0,4

0,2

– 0,1

– 0,1

0,0

– 0,1p

– 0,2e

Services

434,7p

1,3

1,1

1,2

1,2

1,2

1,0p

1,1e

e = estimation p = provisoire

Source : Eurostat (février 2015).

En France, le ralentissement de l’inflation en 2015, qui devrait être nulle au lieu des + 0,9 % prévu en loi de finances initiale pour 2015, et sa reprise progressive en 2016 et 2017 limitent le rendement de certaines mesures d’économies et, par conséquent, le niveau d’effort consenti par les différents secteurs d’administrations publiques.

ÉVOLUTION DE L’INFLATION DEPUIS 2013 ET PRÉVISIONS POUR LES ANNÉES 2015-2017

Source : programme de stabilité 2015-2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

En effet, la baisse de l’inflation a des conséquences multiples :

– elle est favorable globalement au pouvoir d’achat des ménages qui paient moins cher un bien donné ;

– elle peut modifier les équilibres budgétaires, notamment les composantes budgétaires directement liées à l’inflation. Ainsi, une économie en dépenses consistant en un gel de prestations se voit mécaniquement réduite du fait de la faible inflation. Or, dans le plan d’économies de 50 milliards d’euros, une partie des économies prévues reposait sur des gels de prestations.

2. En 2015, la faible inflation réduirait le plan initial d’économies de l’ordre de 4 milliards d’euros et pourrait aussi impacter le niveau des recettes publiques

a. La faible inflation réduirait de 4 milliards d’euros le plan initial d’économies prévu pour 2015

La trajectoire de la dépense publique en valeur retenue par le présent programme de stabilité découle de la mise en œuvre du plan d’économies de 50 milliards d’euros présenté par le programme de stabilité d’avril 2014, de la révision à la baisse de l’inflation pour les années 2015 à 2017 et des nouvelles mesures d’économies annoncées pour compenser cette moindre inflation.

Pour rappel, ce plan de 50 milliards d’euros sur la croissance tendancielle de la dépense publique pour les années 2015 à 2017, décliné dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019, doit permettre à la fois de redresser la trajectoire des finances publiques et de dégager des marges de manœuvre pour financer le soutien de l’activité au travers de mesures en faveur de l’investissement et de la reprise de l’emploi.

Le tableau suivant rappelle la répartition des mesures d’économies entre les différents secteurs d’administration publique.

OBJECTIFS D’ÉCONOMIES À RÉALISER SUR LA CROISSANCE TENDANCIELLE
DE LA DÉPENSE POUR LA PÉRIODE 2015-2017

(en milliards d’euros)

Administration publique

2015

2015-2017

État et agences

7,7

19

Collectivités locales

3,7

11

Protection sociale

9,6

20

Dont dépenses d’assurance maladie

3,2

10

Dont autres dépenses de protection sociale

6,4

10

Total

21

50

Source : projet de loi de finances pour 2015.

L’effort à réaliser en 2015 a été détaillé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2015 (12).

La déclinaison des efforts à réaliser en 2016 et 2017 devrait également être précisée dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale relatifs à ces années. Le présent programme de stabilité n’apporte pas de précision sur la nature des économies envisagées, mais confirme le volume d’efforts à réaliser par les différents secteurs d’administration publique.

Par ailleurs, pour respecter l’intégralité de ce plan d’économies, il tire les conséquences du fort ralentissement de l’inflation en 2015 et 2016 sur le rendement de certaines mesures d’économies.

EFFET DE LA FAIBLE INFLATION SUR LE PLAN D’ÉCONOMIES
DE 50 MILLIARDS D’EUROS

(en pourcentage)

Année

Plan d’économies initial
(en tendance)

Montant des économies sur la dépense tendancielle annulées par la faible inflation

2015

21

4

2016

15

5

2017

14

Total

50

Source : programme de stabilité.

b. La faible inflation pourrait avoir un impact sur les recettes publiques à hauteur de 0,25 point de PIB

Dans le tableau ci-dessous est résumé de manière schématique l’impact d’un faible niveau d’inflation.

EFFETS DE L’INFLATION EN FONCTION DE LA NATURE DES RECETTES

Effet neutre

Effet à la hausse

Effet à la baisse

TICPE

Droits de mutation

Impôts locaux

Éventuellement : impôt sur les entreprises

TVA

Cotisations sociales

L’impact de l’inflation sur les recettes publiques dépend, en effet, de l’origine de la faible inflation.

Certains prélèvements obligatoires ne sont pas affectés par l’évolution des prix à la consommation : ainsi le produit de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques dépend du volume consommé ; de même, le produit des droits de mutation dépend des prix des actifs (immobiliers ou valeurs mobilières) qui peuvent évoluer à court terme différemment des prix à la consommation ; enfin, l’assiette de certains impôts est revalorisée forfaitairement (impôts fonciers locaux).

L’impact de la moindre inflation sur les autres prélèvements obligatoires est variable. D’un côté, la moindre inflation tend à limiter le dynamisme de la consommation en valeur et de la masse salariale et donc les recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les cotisations sociales. De l’autre, cette moindre inflation peut soutenir le produit de certains impôts. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, la baisse des prix du pétrole aurait pour effet d’accroître le bénéfice fiscal des entreprises et donc le produit d’impôt sur les sociétés attendu. Mais le résultat combiné de ces phénomènes sur l’ensemble des recettes publiques sera vraisemblablement négatif.

Selon la Cour des comptes, « la baisse de 0,7 point de l’inflation prévue entre le programme de stabilité et le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014 a entraîné une diminution d’environ 4 milliards d’euros (0,2 point de PIB) du rendement des prélèvements obligatoires en 2014 » (13).

Sous réserve des effets de la reprise de l’activité sur le niveau des recettes publiques, l’effet d’une inflation plus faible de 0,9 point de PIB par rapport à la prévision sur le montant des recettes publiques peut être estimé à 5,1 milliards d’euros, soit 0,25 point de PIB. Toutefois, cette première estimation doit être considérée avec précaution.

À ce stade, le Gouvernement estime que les recettes de TVA pourraient être réduites d’1,1 milliard d’euros (0,8 point) et les cotisations sociales d’1,9 milliard d’euros (0,6 point).

3. Les grands équilibres du programme de stabilité 2015-2018 tiennent compte des conséquences de la faible inflation

Le Gouvernement souligne ainsi qu’« à titre d’exemple, certaines réformes prises en compte dans les économies pour 2015 auront un rendement plus faible que prévu : c’est le cas pour les mesures concernant les modalités de revalorisation des retraites de base et complémentaire. Ces pertes doivent donc être compensées pour atteindre les objectifs fixés en loi de programmation. En outre, ces économies sont évaluées en écart à une évolution tendancielle, elle-même sensible à l’inflation. Aussi sans mesure de correction, le ralentissement des prix de l’énergie, et plus généralement de l’inflation, offre des gains de " pouvoir d’achat " aux administrations, à l’instar des ménages ». Une plus faible inflation dégrade également les prévisions de recettes publiques.

Le tableau suivant présente une synthèse des prévisions de recettes et de dépenses publiques proposées par le programme de stabilité 2015-2018 (Pstab). Il recense également les mesures d’économies supplémentaires annoncées pour compenser l’impact de la faible inflation sur la trajectoire des finances publiques. Ces différents éléments sont présentés dans les développements suivants.

TABLEAU SYNTHÉTIQUE DES PRÉVISIONS DU PROGRAMME DE STABILITÉ 2015-2018

Principaux agrégats budgétaires*

 

2013

(exécution)

2014

(exécution)

2015

(prévision)

2015

(prévision)

2016

(prévision)

2017

(prévision)

LPFP

Pstab

Déficit nominal en Md€

86,4

84,8

89

82

73

60

PIB en Md€

2 114

2 145

2 166

2 166

2 199

2 230

Déficit nominal exprimé en % du PIB

– 4,1 %

– 4 %

– 4,1 %

– 3,8 %

– 3,3 %

– 2,7 %

Recettes totales en Md€

1 121

1 142

Non précisé

1 150

1 163

1 177

Recettes totales exprimées en % de PIB

52,9 %

53,2 %

Non précisé

53,1 %

52,9 %

52,8 %

Dépenses totales en Md€

1 207

1 227

1 250

1 230

1 235

1 242

Dépenses totales exprimées
en
% de PIB

57 %

57,2 %

57,7 %

56,8 %

56,2 %

55,7 %

Dette publique en Md€

1 953,3

2 037,8

2 103

2 086

2 133

2 161

Dette publique

92,3 %

95 %

97,1 %

96,3 %

97 %

96,9 %

Mesures annoncées par le Pstab 2015-2018**

 

2013

(exécution)

2014

(exécution)

2015

(prévision)

2016

(prévision)

2017

(prévision)

Correction des prévisions d’inflation par des mesures supplémentaires en Md€

   

4

5

Non précisé

Corrections exprimées
en % de PIB

   

0,2

0,23

 

Nouvelles dépenses annoncées depuis janvier 2015 ayant fait l’objet d’un chiffrage en Md€

   

1,3***

   

Mesures de réduction des dépenses prises depuis janvier 2015

   

0,9 ****

   

(*) Calculs réalisés sur la base de l’hypothèse de croissance du PIB retenue par le programme de stabilité 2015-2018.

(**) Calculs réalisés sur la base des annonces du programme de stabilité et des annonces réalisées depuis janvier 2015 par le Gouvernement.

(***) Voir tableau récapitulatif des principales mesures annoncées depuis janvier 2015 en page 26.

(****) Soit 300 millions d’euros annulés par le décret d’avance n° 2015-402 du 9 avril 2015, 150 millions d’euros d’autofinancement au titre du plan de lutte contre le terrorisme sur les crédits du ministère de la défense et 470 millions d’euros de « surgel » sur les crédits du budget général.

Source : commission des finances.

4. Une amélioration de la trajectoire des comptes publics qui repose depuis 2014 sur la maîtrise de la dépense publique

a. La prévision d’évolution des dépenses publiques

Depuis la loi de finances initiale pour 2014, l’effort d’assainissement des finances publiques repose en totalité sur la maîtrise de la dépense publique comme l’illustrent les graphiques suivants.

Un ralentissement important de la croissance de la dépense publique depuis 2012

Le graphique ci-dessous présente l’évolution de l’ensemble des dépenses publiques entre 2002 et 2017, comprenant celles de l’État, des administrations de sécurité sociale et des collectivités locales.

Pour les années de 2002 à 2014, il reprend les dépenses en exécution publiées par l’INSEE.

Pour les années 2015 à 2017, il s’appuie sur les prévisions d’évolution de la dépense publique présentées par le présent programme de stabilité.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE SUR LA PÉRIODE 2002-2017

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances.

À sa lecture, on observe que :

– sur la période 2002-2007, la dépense publique a augmenté chaque année de 37 milliards d’euros, soit une augmentation de 6 milliards d’euros pour la dépense des administrations centrales, de 19 milliards d’euros pour les dépenses de sécurité sociale et de 11 milliards d’euros pour la dépense locale ;

– sur la période 2007-2012, elle a augmenté de 34 milliards d’euros par an, répartis entre 10 milliards d’euros pour la dépense des administrations centrales, 17 milliards d’euros pour les dépenses de sécurité sociale et 6 milliards d’euros pour la dépense locale ;

– sur la période 2012-2014, cette progression annuelle ralentit à 21 milliards d’euros par an, dont 3 milliards d’euros pour les dépenses des administrations centrales, 13 milliards d’euros pour les dépenses de sécurité sociale et 5 milliards d’euros pour les dépenses des collectivités territoriales ;

– sur la période 2015-2017, cette progression annuelle serait de 14 milliards d’euros par an, soit une quasi stabilité pour les administrations centrales, 9 milliards d’euros pour la sécurité sociale et 4 milliards d’euros pour les collectivités territoriales.

Cette baisse de la croissance de la dépense publique est sensible en valeur et en volume

Le graphique suivant illustre la baisse de la dépense publique en valeur, soit non corrigée de l’inflation et appréciée en euros courants, sur la période 2007-2017. Il permet de constater que si un effort de baisse a été entrepris par la précédente majorité, les mesures adoptées depuis l’automne 2013 ont permis d’aboutir à des niveaux de croissance de la dépense historiquement bas, notamment en 2014, dans un contexte d’inflation faible.

Cette faible inflation justifie par ailleurs l’accentuation de l’effort sur la dépense en valeur proposée par le présent programme de stabilité par rapport à la trajectoire de baisse fixée initialement par la loi de programmation 2014-2019.

TAUX DE CROISSANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN VALEUR DE 2007 À 2017,
HORS CRÉDITS D’IMPÔT

Source : programme de stabilité 2015-2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

De manière plus détaillée, en 2014, la dépense publique en valeur, hors crédits d’impôt, a ralenti fortement, passant de + 1,9 % à + 0,9 % (au lieu de + 1,4 % en LPFP 2014-2019) du fait de :

– la sous-exécution de la norme en valeur de la dépense de l’État, des économies sur les comptes spéciaux, les pensions et la charge des intérêts de la dette ;

– la sous-exécution de l’ONDAM pour 300 millions d’euros, les effets du gel des pensions complémentaires et de la nouvelle convention Unédic ainsi que d’autres mesures d’économies adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ;

– la baisse des dépenses d’investissement local liée au cycle électoral.

En 2015, la dépense en valeur serait stable du fait du déploiement du premier volet du plan d’économies de 50 milliards d’euros, d’une inflation nulle et de mesures d’économies complémentaires annoncées par le présent programme de stabilité afin de compenser les effets de cette baisse de l’inflation sur l’effort de maîtrise de la dépense en valeur.

En 2016, la dépense en valeur augmenterait faiblement (+ 0,2 point), dans un contexte d’inflation plus soutenue (1 %) et de poursuite du plan d’économies.

En 2017, la reprise de l’inflation (1,4 %) entraînerait l’accroissement progressif de la dépense en valeur (+ 0,7 point) sans toutefois remettre en question la trajectoire des finances publiques présentée dans le présent programme de stabilité.

L’évolution de la croissance en volume, soit de la dépense corrigée de l’inflation et appréciée en euros courants, témoigne à la fois de l’effort réalisé sur la dépense en valeur et d’un contexte économique plus favorable se traduisant par des taux d’intérêt historiquement bas qui permettent d’alléger la charge de la dette publique.

TAUX DE CROISSANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN VOLUME DE 2007 À 2017,
HORS CRÉDITS D’IMPÔT

Source : programme de stabilité 2015-2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

b. Les mesures proposées par le Gouvernement permettent de corriger l’impact de la faible inflation

Afin de maintenir l’effort initialement prévu par la LPFP et de garantir ainsi la tenue de la trajectoire du solde public, le programme de stabilité annonce de nouvelles économies permettant de respecter le plan de 50 milliards d’euros introduit en 2014. Ces économies, ajoutées à la constatation d’un meilleur rendement sur certaines recettes, représentent un effort supplémentaire de 4 milliards d’euros en 2015 et de 5 milliards d’euros en 2016.

MESURES PROPOSÉES PAR LE GOUVERNEMENT

(en milliards d’euros)

Année

Plan d’économies de la LPFP 2014-2019

(en tendance)

Montant des économies sur la dépense tendancielle annulées par la faible inflation

Nouvelles mesures annoncées pour compenser les effets de l’inflation sur la trajectoire des finances publiques

Coût des nouvelles mesures annoncées depuis janvier 2015

Économies réalisées pour financer les mesures annoncées depuis janvier 2015

Total des économies restant à réaliser en 2015 pour tenir la trajectoire des finances publiques

2015

21

4

4

1,3

0,9*

0,4**

2016

15

5

5

2017

14

Total

50

* Soit 300 millions d’euros annulés par le décret d’avance n° 2015-402 du 9 avril 2015, 150 millions d’euros d’autofinancement au titre du plan de lutte contre le terrorisme sur les crédits du ministère de la défense et 470 millions d’euros de « surgel » sur les crédits du budget général.

** À la date de la publication du présent rapport, seul le plan annoncé par le Gouvernement en faveur de l’investissement et de l’activité n’a pas fait l’objet d’un financement explicite.

Source : commission des finances.

NOUVELLES MESURES D’ÉCONOMIES ANNONCÉES
DANS LE PROGRAMME DE STABILITÉ 2015-2018

(en milliards d’euros)

Mesures

2015

2016

Administrations centrales

1,2

1,6

Dont État

0,7*

n.c

Dont ODAC

0,5

n.c

APUL

0

1,2

ASSO

1

2,2

Dette publique

1,2

Économies totales

3,4

5

Rendement supplémentaire issu de la déconcentration du STDR*

0,4

Rendement supplémentaire des dividendes reçus par l’État

0,2

Recettes totales

0,6

TOTAL

4

5

* Un décret d’annulation doit être pris avant juin prochain pour annuler des crédits sur le budget de l’État à hauteur de 700 millions d’euros.

** Service de traitement des déclarations rectificatives.

Source : programme de stabilité 2015-2018.

Ces mesures d’ajustement permettent également de garantir la trajectoire de baisse de la dépense publique rapportée au PIB fixée par la LPFP 2014-2019.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

(en % du PIB)

Source : programme de stabilité 2015-2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

TRAJECTOIRE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

(en % du PIB)

Texte

Agrégat

2014

2015

2016

2017

LPFP 2014-2019

Dépense publique, hors crédits d’impôt

56,5

56,1

55,4

54,5

Évolution annuelle

 

− 0,4

− 0,7

− 0,9

Dépense publique, y compris crédits d’impôt

57,7

57,5

56,9

56

Évolution annuelle

 

− 0,2

− 0,6

− 0,9

Pstab 2015-2018

Dépense publique, hors crédits d’impôt

56

55,4

54,7

54,2

Évolution annuelle

 

− 0,6

− 0,7

− 0,5

Dépense publique, y compris crédits d’impôt

57,2

56,8

56,2

55,7

Évolution annuelle

 

− 0,4

− 0,6

− 0,5

Par ailleurs, depuis le début de l’exercice 2015, de nouvelles économies ont été annoncées pour couvrir, d’une part, des dépenses qui ne pouvaient être anticipées en loi de finances initiale (à l’instar du plan de lutte contre le terrorisme) et, d’autre part, le financement de mesures prioritaires pour le Gouvernement et sa majorité en faveur de l’investissement et de l’emploi.

RÉCAPITULATIF DES PRINCIPALES MESURES ANNONCÉES DEPUIS JANVIER 2015

Mesures annoncées

Date de l’annonce

Coût estimé pour 2015

Mesures de financement

Plan numérique et plan de mobilisation pour les valeurs de la République à l’école

6 novembre 2014

90 millions d’euros

Redéploiement de crédits

Plan de lutte contre le terrorisme

21 janvier 2015

400 millions d’euros

– décret d’avance du 25 mars : 250 millions d’euros

– redéploiement de crédits au sein de la mission Défense : 150 millions d’euros

Renforcement du service civique

5 février 2015

60 millions d’euros

décret d’avance du 25 mars : 60 millions d’euros

Mesures en faveur de l’emploi

5 mars 2015

250 millions d’euros

Redéploiement de crédits

Plan en faveur de l’investissement et de l’activité

8 avril 2015

400 millions d’euros

(sur 2,5 milliards d’euros pour la période 2015-2017)

Non précisé

Déclinaison du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale :

– augmentation des prestations sociales pour les familles nombreuses et les parents isolés ;

23 mars 2015

Non précisé

Non précisé

Éventuelle création de sociétés de projets pour la réalisation d’investissements militaires

En cours de validation

100 millions d’euros*

Non précisé

(*) En retenant l’hypothèse de frais annuels de 5 % pour une dépense totale de 2,2 milliards d’euros.

Source : commission des finances.

À la date de la rédaction du présent rapport, les principales mesures de financement des nouvelles dépenses annoncées ont consisté en l’annulation de crédits sur le budget général de l’État par le biais du décret d’avance du 9 avril 2015 (401,1 millions d’euros en autorisations d’engagement – AE – et 308,3 millions d’euros en crédits de paiement – CP), de différents mouvements de crédits et dans la mise en œuvre d’un « surgel » d’un montant de 340,5 millions d’euros en AE et de 468,8 millions d’euros en CP portant le montant total de la réserve de précaution de 9,4 milliards d’euros en AE à 9,8 milliards d’euros et de 8,3 milliards d’euros en CP à 8,8 milliards d’euros. La répartition de la réserve de précaution et de ce « surgel » entre les programmes du budget général de l’État est présentée en annexe au présent rapport.

Selon les informations dont dispose la Rapporteure générale, un décret d’annulation de crédits devrait également être pris avant le mois de juin de manière à assurer que ces nouvelles dépenses n’aient pas d’effet sur la trajectoire des finances publiques présentée par le présent programme de stabilité.

5. Les recettes publiques ont une dynamique dépendant de la conjoncture économique.

a. La prévision d’évolution des recettes publiques

Le respect du déficit nominal sera essentiellement assuré par la maîtrise des dépenses. En effet, hors mesures nouvelles, la dynamique des recettes fiscales a été ralentie par la conjoncture, comme l’indique le graphique ci-dessous.

ÉVOLUTION DES RECETTES PUBLIQUES DEPUIS 2002

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances, à partir des données INSEE et du programme de stabilité 2015-2018.

À sa lecture, on observe que :

– sur la période 2002-2007, les recettes publiques ont augmenté de 40 milliards d’euros par an, soit + 12 milliards d’euros pour l’État, + 18 milliards d’euros pour la sécurité sociale et + 9 milliards d’euros pour les collectivités territoriales ;

– sur la période 2007-2012, les recettes publiques ont augmenté de 27 milliards d’euros par an, soit + 4 milliards d’euros pour l’État, + 15 milliards d’euros pour la sécurité sociale et + 7,7 milliards d’euros pour les collectivités territoriales ;

– sur la période 2012–2014, cette progression annuelle accélère de nouveau à + 31 milliards d’euros par an, dont + 14 milliards d’euros pour l’État, + 14 milliards d’euros pour les dépenses de sécurité sociale et + 3 milliards d’euros pour les dépenses des collectivités territoriales.

b. La montée en charge du Pacte de responsabilité et de solidarité réduira les prélèvements obligatoires

Après une progression continue entre 2009 et 2013, le taux de prélèvements obligatoires se stabilise à 44,7 % en 2014 et amorcera une décrue du fait de la montée en charge des mesures en faveur des entreprises et des ménages pour s’établir à 44,2 % en 2017.

LA DÉCRUE DU TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DÈS 2015

(en pourcentage)

Source : programme de stabilité 2015-2018.

Annoncé en janvier 2014, le Pacte de responsabilité et de solidarité organise une baisse ciblée des prélèvements obligatoires. Une grande partie de ces mesures sont entrées en vigueur en 2015.

CALENDRIER DE MISE EN œUVRE DU PACTE DE RESPONSABILITÉ ET DE SOLIDARITÉ
ET DU PLAN D’ÉCONOMIES SUR LA PÉRIODE 2014 À 2017

(en milliards d’euros)

Mesure

2014

2015

2016

2017

Coût des mesures nouvelles du PRS année par année

1,25

9,3

8

6,1

 

Pacte de responsabilité : nouvelles mesures entreprises

0

6,5

8

6,1

Allégements de cotisations patronales entre 1 et 1,6 SMIC au 1er janvier 2015

 

4,5

   

Allégements de cotisations patronales entre 1,6 et 3,5 SMIC au 1er janvier 2016

   

4,5

 

Allégements de cotisations en faveur des indépendants au 1er janvier 2015

 

1

   

Abattement de la C3S à compter du 1er janvier 2015, abattement complémentaire et suppression de cette contribution en 2017

 

1

1

3,6

Suppression en 2016 de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés

   

2,5

 

Diminution du taux d’impôt sur les sociétés à compter de 2017 pour atteindre 28 % en 2020

     

2,5

Total cumulé mesures entreprises

0

6,5

14,5

20,6

Pacte de solidarité : nouvelles mesures ménages (1)

1,25

2,8

0

0

Mesure bas du barème de l’impôt sur le revenu à effet 2014

1,25

     

Mesure bas du barème de l’impôt sur le revenu pérenne (3)

 

2,8

   

Total cumulé mesures ménages

1,25

4,05

4,05

4,05

TOTAL cumulé PRS hors CICE (2)

1,25

10,55

18,55

24,65

CICE

6,5

10,9

18

20

TOTAL cumulé PRS (y compris CICE) (2)

7,75

21,45

36,55 (4)

44,65 (4)

(1) La mesure d’allégement de cotisations salariales entre 1 et 1,3 SMIC à compter du 1er janvier 2015 a été censurée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-698 DC du 6 août 2014.

(2) Coût brut, c’est-à-dire sans prise en compte de l’augmentation des recettes d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu générée par l’allégement des coûts de production résultant des mesures considérées.

(3) S’agissant de la mesure pérenne sur le bas du barème de l’impôt sur le revenu réalisée en loi de finances pour 2015, le coût total du dispositif s’établit à 3,2 milliards d’euros, dont 485 millions d’euros au titre de l’indexation du barème. Il ne semble pas pertinent d’inclure l’indexation du barème sur l’inflation au titre de l’année 2014 dans l’enveloppe du Pacte de responsabilité et de solidarité.

(4) Sous réserve d’un coût annuel du CICE conforme aux prévisions.

Source : commission des finances.

Les nouvelles mesures décidées pour 2015, dans le cadre de la loi de finances pour 2015 et de la seconde loi de finances rectificative pour 2014, permettent ainsi une réduction de la charge fiscale des entreprises à hauteur de 9,7 milliards d’euros pour 2015 et 5,9 milliards d’euros pour 2016.

PRINCIPALES NOUVELLES MESURES FISCALES RELATIVES AUX ENTREPRISES EN 2015 D’APRÈS LE PROGRAMME DE STABILITÉ ET LEUR EFFET SUR LES RECETTES

(en milliards d’euros)

Mesures

2014

2015

2016

Non-déductibilité du résultat de certaines taxes (risque systémique, locaux à usage de bureaux)

0,4

0,3

Relèvement de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) de 2 centimes

– 0,5

0

Lutte contre la fraude (prix de transfert et TVA)

0,4

0,1

Taxe sur les surfaces commerciales

0,2

 

Incidence des allégements de cotisations patronales et de la suppression de la C3S sur l’impôt sur les sociétés et sur l’impôt sur le revenu

0,8

2,3

Suppression de la contribution exceptionnelle à l’IS*

− 2,4

Allégement de cotisations patronales : incidence sur le FNAL*

− 0,3

Allégement de cotisations patronales

− 5,3

− 4,6

Suppression de la C3S*

− 1,0

− 1,0

CICE (dont imputation sur les acomptes)

− 6,5

− 4,4

− 0,6

Total

− 6,5

− 9,7

− 5,9

(*) FNAL : Fonds national d’aide au logement. IS : impôt sur les sociétés. C3S : contribution sociale de solidarité des sociétés.

Source : programme de stabilité 2015-2018.

Dans le même temps, la charge fiscale des ménages commencera à baisser d’environ 1,4 milliard d’euros en 2014, 2,1 milliard d’euros en 2015 et 1,1 milliard d’euros en 2016. Les efforts sont principalement orientés vers les ménages modestes.

PRINCIPALES NOUVELLES MESURES FISCALES RELATIVES AUX MÉNAGES EN 2015 D’APRÈS LE PROGRAMME DE STABILITÉ ET LEUR EFFET SUR LES RECETTES

(en milliards d’euros)

Mesures

2014

2015

2016

Baisse de l’impôt sur le revenu des ménages à revenus modestes et moyens

− 2,8

Relèvement de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) de 2 centimes

– 0,26

0

Mise en place d’un crédit d’impôt pour la transition énergétique

− 0,2

− 0,5

Autres mesures d’État (dont investissement locatif et prêt à taux zéro − PTZ)

− 0,1

− 0,1

− 0,4

Réduction exceptionnelle de l’impôt sur le revenu

− 1,3

1,3

 

Suppression de la prime pour l’emploi

2

Total

− 1,4

− 2,1

− 1,1

Source : programme de stabilité 2015-2018.

Le programme de stabilité prévoit également une baisse des décaissements liés aux contentieux fiscaux en fin de période. En 2015 et 2016, les différents contentieux européens devraient encore peser lourdement sur les recettes, même si plusieurs décisions juridictionnelles sont en définitive relativement favorables à la France. Le nouveau contentieux dit « de Ruyter », du nom du premier requérant, aura néanmoins un impact négatif dès 2015 (14).

CONSÉQUENCES DES CONTENTIEUX « DE MASSE » SUR LES RECETTES

(en milliards d’euros)

Contentieux

2014

2015

2016

Contentieux précompte

− 0,4

− 0,5

Contentieux OPCVM

− 0,5

− 1,5

0,3

Contentieux « de Ruyter »

− 0,1

− 0,3

Total

− 0,5

− 2,0

− 0,5

Source : programme de stabilité 2015-2018.

La Cour de justice de l’Union européenne a en effet jugé que les personnes qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale d’un autre État ne peuvent être assujetties en France à des prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine de source étrangère compte tenu de l’affectation de ces prélèvements au financement de la protection sociale française.

c. L’impact du faible niveau d’inflation n’est pas chiffré à ce stade sur les recettes

Comme indiqué précédemment, un faible niveau d’inflation a un impact « positif » sur certaines recettes (dans le sens où il les augmente), « négatif » sur d’autres et enfin parfois « neutre ».

Du fait de la diversité des situations, l’impact de la faible inflation n’est, à ce stade, pas pris en compte. Il sera ajusté au fil de l’année.

6. La sensibilité importante des dépenses et des recettes à l’inflation rend crucial un pilotage serré des finances publiques

Le Gouvernement a fixé une prévision de réduction du déficit public crédible en l’état du contexte macroéconomique et des efforts réalisés ou prévus sur la dépense publique.

Deux aléas peuvent toutefois peser sur cette prévision : une dégradation de la position de l’économie et l’annonce de mesures nouvelles non gagées par des économies supplémentaires.

Le Gouvernement semble toutefois, au travers de ce programme de stabilité, s’engager à corriger systématiquement toute dégradation des prévisions économiques ou toute nouvelle dépense par la réalisation d’une économie supplémentaire.

Une part importante de ces économies résulte toutefois de décisions de nature réglementaire prises dans le cadre de la gestion par les administrations publiques des ressources dont elles disposent.

La Rapporteure générale souhaite souligner la nécessité d’un suivi attentif par le Parlement des annonces réalisées par le Gouvernement et des modalités de leur financement. Ce suivi permettra de préparer dans de bonnes conditions l’examen des prochains textes financiers qui en tireront les conséquences.

Pour rappel, le Parlement a déjà adopté à plusieurs reprises des mesures d’économies supplémentaires permettant d’assurer la trajectoire des finances publiques comme le souligne la chronique suivante.

CORRECTIONS APPORTÉES À LA TRAJECTOIRE DES FINANCES PUBLIQUES




















7. La croissance reste un levier puissant pour assainir nos finances publiques

Au-delà des mesures d’économies présentées, l’amélioration de la trajectoire des finances publiques repose sur la mise en œuvre d’une politique budgétaire favorable à la reprise de l’activité.

Le Gouvernement retient approximativement qu’un point de croissance supplémentaire permet de réduire le déficit public de 0,5 point. Si l’on retient cette convention, il semble au moins aussi efficace pour rétablir notre trajectoire de déficit public de soutenir la croissance que de réduire les dépenses publiques (cette réduction pouvant par ailleurs avoir un effet négatif sur l’investissement public et l’activité économique).

SENSIBILITÉ DU DÉFICIT À LA CROISSANCE

Par ailleurs, les simulations suivantes permettent d’apprécier les effets de prévisions de croissance inférieures à celles retenues par le Gouvernement sur la trajectoire d’amélioration du déficit nominal entre 2015 et 2017.

SENSIBILITÉ DE LA TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC
AUX HYPOTHÈSES DE CROISSANCE

Prévisions du programme de stabilité 2015-2018

(en %)

Agrégat

2014

2015

2016

2017

Croissance du PIB en volume

0,4

1,0

1,5

1,5

Solde nominal

– 4,0

– 3,8

– 3,3

– 2,7

Avec une hypothèse de croissance inférieure d’½ point de PIB

Agrégat

2014

2015

2016

2017

Croissance du PIB en volume

0,4

0,5

1,0

1,0

Solde nominal

– 4,0

– 4,0

– 3,8

– 3,5

Par conséquent, le Gouvernement a fait le choix de préserver la reprise de la croissance en retenant une trajectoire de solde structurel adaptée à cet objectif, qui diffère toutefois de celle recommandée par le Conseil de l’Union européenne.

II. LA RECOMMANDATION DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE SUR LE DÉFICIT STRUCTUREL FRAGILISERAIT LA REPRISE DE NOTRE CROISSANCE ET LE GOUVERNEMENT A RAISON DE NE PAS VOULOIR LA METTRE EN œUVRE

A. LA DEMANDE DU CONSEIL SUR L’AJUSTEMENT STRUCTUREL

En vertu des règles de coordination économique et budgétaire européenne (15), la Commission européenne a rendu, le 28 novembre 2014, un avis indiquant que le plan budgétaire de la France présentait un risque de non-conformité. D’après les prévisions de l’automne 2014 des services de la Commission, le déficit nominal devait en effet se creuser en 2014 pour atteindre 4,4 % du PIB et, ce qui était légèrement supérieur à l’objectif fixé dans le projet de plan budgétaire, à 4,5 % en 2015. Cela correspondait à une amélioration du solde structurel de 0,3 point de pourcentage du PIB en 2014 et de 0,1 point de pourcentage en 2015.

Toutefois, comme rappelé précédemment, les services de la Commission ont réévalué, en mars 2015, leurs prévisions de croissance et de déficit pour la France. Le déficit nominal pour 2014, publié par l’INSEE fin mars, ne serait plus de 4,4 % mais de 4,3 % du PIB. Le déficit prévu pour 2015 est conforme aux prévisions du Gouvernement : 4,0 % du PIB. Le 10 mars 2015, le Conseil de l’Union européenne a donc accordé à la France un délai supplémentaire de deux ans pour revenir sous le seuil des 3 % du PIB pour son déficit public, sous réserve que la France présente un plan d’économies supplémentaires de 4 milliards d’euros avant mai 2015 pour atteindre un ajustement structurel de 0,5 %, soit 0,2 point de plus que les prévisions présentées en loi de finances initiale. Selon le présent programme de stabilité, le Gouvernement tiendra cet engagement et atteindra un niveau de déficit public de 2,7 % du PIB en 2017.

Le Gouvernement s’écarte cependant de la recommandation du Conseil s’agissant du rythme de réduction du déficit structurel.

ÉCART ENTRE LA RECOMMANDATION DU CONSEIL DU 10 MARS 2015
ET LE PROGRAMME DE STABILITÉ 2015-2018

(en pourcentage du PIB)

Trajectoire

2014

2015

2016

2017

Trajectoire d’ajustement structurel recommandée par le Conseil

0,4

0,5

0,8

0,9

Trajectoire d’ajustement structurel proposé dans le programme de stabilité

0,4

0,5

0,5

0,5

Source : programme de stabilité 2015-2018.

Le Pacte de stabilité et de croissance, renforcé par plusieurs règlements depuis 2011, impose aux États membres dont le déficit public est supérieur à 3 % du PIB un rythme de réduction annuel du déficit structurel de 0,5 % du PIB au minimum et un rythme encore supérieur si la dette publique est supérieure à 60 % du PIB. Pour autant, la Rapporteure générale estime que le Gouvernement est fondé à s’en tenir à un ajustement structurel de 0,5 % dès lors qu’il respecte ses engagements sur le déficit nominal.

B. LA CALIBRATION DE L’EFFORT STRUCTUREL DEMANDÉ PAR LE CONSEIL REPOSE SUR DES HYPOTHÈSES QUI NE FONT PAS L’OBJET D’UN CONSENSUS

1. La croissance potentielle : un indicateur à utiliser avec précaution

Si l’on observe désormais un consensus assez nourri autour des projections de croissance pour 2015, il n’en est pas de même pour l’indicateur de croissance potentielle utilisé pour calibrer l’effort structurel qui est demandé aux différents États européens.

En effet, la croissance potentielle, comme le PIB potentiel, sont des notions complexes car « non observables ». Le PIB potentiel est le niveau de PIB qui pourrait être atteint si toutes les ressources productives étaient utilisées à plein régime, dans un contexte d’inflation stable. Ce concept donne lieu à une importante littérature dans le monde économique, l’ensemble des experts s’accordant pour constater qu’il s’agit d’un indicateur à manier avec précaution du fait des marges d’erreur possible.

La Commission révise ses estimations de croissance potentielle à chaque exercice de prévisions. Ainsi, la croissance potentielle utilisée par la Commission pour établir sa recommandation de mars 2015 est celle de ses prévisions économiques d’hiver (janvier 2015). Ces estimations sont notamment plus basses de 0,1 point en 2015, 0,2 point en 2016 et 0,1 point en 2017 que ses estimations du printemps 2014 qui avaient servi à l’établissement de la loi de programmation des finances publiques 2014-2019.

LES PRÉVISIONS SUCCESSIVES DE CROISSANCE POTENTIELLE
DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Source : Commission européenne : prévisions économiques d’hiver 2013, 2014 et 2015 ; prévisions économiques de printemps 2013 et 2014.

Cette méthodologie interroge du fait des risques de conduite pro-cyclique de la politique économique qu’elle induit, en cela qu’elle peut appeler des efforts complémentaires lorsque, à la faveur d’un ralentissement des perspectives de croissance de court terme, l’estimation de la croissance potentielle est revue à la baisse. Ce point a été souligné au sein du groupe de travail sur l’écart de production (Output Gap Working Group – OGWG) qui réunit des experts de la Commission et des États membres.

À l’initiative de nombreux pays européens, dont la France, le groupe de travail sur l’écart de production a été mandaté pour réfléchir aux voies d’amélioration de la méthode commune actuelle. Il s’agit aussi d’étudier la prise en compte des réformes structurelles dans la méthode d’estimation de la croissance potentielle et de l’écart de production. Cette méthode repose en effet essentiellement sur les séries macroéconomiques passées et sur les prévisions de court terme (deux ans) des prévisions de la Commission puis sur des méthodes d’extrapolation. Ainsi, une réforme structurelle dont l’impact sur la croissance est progressif n’est pas nécessairement prise en compte entièrement dans les estimations de croissance potentielle.

En outre, les estimations du PIB potentiel pour une année donnée ne sont pas stables dans le temps ; elles varient en fonction de la lecture du cycle économique qui est faite a posteriori. Ainsi, il est possible qu’en année n + 1, la Commission européenne estime qu’un État avait un déficit structurel plus élevé que prévu en année n puis, qu’en n + 2, la révision de son estimation du PIB potentiel pour l’année n l’amène à considérer qu’au contraire, il respectait sa trajectoire cette même année n.

Ces calculs reposent sur de nombreuses conventions et sont, dès lors, fréquemment contestés par différents économistes. C’est pourquoi les règlements européens imposent à la Commission de rendre publique la méthode de calcul de ces projections (article 5 du règlement (CE) n° 1466/97, paragraphe 1, alinéa 8) et aux États membres de présenter les hypothèses qui sous-tendent une évaluation alternative.

2. Le Gouvernement a révisé son estimation de la croissance potentielle, qui dès lors n’est plus en ligne avec celle du Conseil

À l’occasion de ce programme de stabilité, le Gouvernement a réévalué le niveau de croissance potentielle de la France.

LES PRÉVISIONS SUCCESSIVES DE CROISSANCE POTENTIELLE DU GOUVERNEMENT

Source : documents cités.

Ce niveau de 1,5 % de croissance potentielle correspond par ailleurs à celui qui avait été suggéré au cours des débats sur le projet de loi de finances rectificative de juin 2014 par la commission des finances. Cette réévaluation correspond à une lecture plus appropriée de la crise actuelle et traduit également l’effet des réformes conduites par le Gouvernement.

3. Le Gouvernement et le Conseil ayant des hypothèses différentes sur la croissance potentielle, il ne peut logiquement y avoir de convergence sur l’effort structurel à fournir

L’effort structurel demandé par le Conseil repose sur une croissance potentielle de 1 %. Or, plus la croissance potentielle est faible, plus la part du déficit structurel dans le déficit nominal est importante (le déficit nominal étant la somme du déficit structurel et du déficit conjoncturel) ; autrement dit plus l’effort structurel à fournir est important.

La divergence sur l’effort structurel demandé tient avant tout à la divergence qui existe entre l’appréciation par le Gouvernement et celle par le Conseil de la croissance potentielle de la France.

La Rapporteure générale estime pour sa part que le niveau de croissance potentielle adopté par le Gouvernement est plus en ligne à la fois avec les estimations de plusieurs économistes, instituts et organismes publics (16) et les mesures structurelles mises en œuvre par la France pour son économie.

C. LA RECOMMANDATION DU CONSEIL POURRAIT SE TRADUIRE PAR UN RECUL DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE

1. Respecter la recommandation du Conseil se traduirait par 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur trois ans

Pour respecter la trajectoire recommandée en matière de déficit structurel, le Conseil recommande « des mesures supplémentaires de 0,2 % du PIB en 2015, de 1,2 % du PIB en 2016 et de 1,3 % du PIB en 2017 sur la base des prévisions étendues de l’hiver 2015 des services de la Commission (17)».

Comme le montre le tableau suivant, respecter cette recommandation imposerait de réaliser 20 milliards d’euros d’effort supplémentaire sur le triennal.

EFFORTS SUPPLÉMENTAIRES À CONSENTIR POUR RESPECTER LA RECOMMANDATION DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE DU 10 MARS 2015

 

2014

2015

2016

Ajustement structurel à atteindre

en % du PIB, d’après le programme de stabilité

0,5

0,5

0,5

Traduction de cet objectif en réduction de dépenses par rapport à la « tendance »

en milliards d’euros

21

15

14

Ajustement structurel à atteindre
en % du PIB, selon le Conseil

0,5

0,8

0,9

Traduction de cet objectif en réduction de dépenses par rapport à la « tendance »

en milliards d’euros

21

25

25

Réduction supplémentaire de dépenses à réaliser pour atteindre l’objectif du programme de stabilité

en milliards d’euros

4

5

Non précisé

Réduction supplémentaire de dépenses à réaliser pour atteindre l’objectif du Conseil

en milliards d’euros

0

10

10

Source : commission des finances.

● Pour 2015, le plan d’économies de 50 milliards d’euros adopté en LPFP 2014-2019 prévoit une diminution en tendance de la dépense publique à hauteur de 21 milliards d’euros pour assurer la trajectoire de réduction du déficit nominal. Cette trajectoire repose également sur un ajustement structurel pour 2015 de 0,5 % du PIB qui correspond à la recommandation du Conseil. Par conséquent, au-delà des mesures prises à hauteur de 4 milliards d’euros pour compenser les effets de la baisse de l’inflation sur ces 21 milliards d’euros d’économies, aucun effort supplémentaire n’est à réaliser.

● Pour 2016, le plan d’économies prévoit un effort en économies de 15 milliards d’euros pour assurer la trajectoire de solde nominal et un ajustement structurel de 0,5 % du PIB. Cet objectif sera atteint grâce à des mesures d’économies supplémentaires de 5 milliards d’euros pour compenser les effets d’une inflation plus basse qu’anticipé. Pour atteindre l’objectif d’ajustement structurel de 0,8 % du PIB recommandé par le Conseil, il faudrait, en revanche, réaliser 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

● En 2017, le plan d’économies prévoit une diminution de la dépense publique en tendance de 14 milliards d’euros et un objectif d’ajustement structurel identique à 2015 et 2016, soit 0,5 % du PIB. Pour atteindre l’objectif d’ajustement structurel de 0,9 % du PIB recommandé par le Conseil, il faudrait, là encore, réaliser 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

2. Des mesures de cette ampleur auraient un impact négatif sur la croissance en France et en Europe

Ces économies supplémentaires pourraient mettre en péril la fragile reprise de la croissance en limitant fortement les marges de manœuvre pour l’investissement public.

La question de l’impact des investissements publics sur la croissance est ancienne. Au regard de plusieurs études, il est désormais admis que les investissements publics, notamment en infrastructures, peuvent être considérés à la fois comme un facteur de la demande et un levier de renforcement du potentiel productif de l’économie. Les infrastructures publiques peuvent avoir un effet sur la productivité des facteurs de production. En augmentant le rendement du capital, elles peuvent encourager également les investissements privés.

Certes, à court terme, les investissements publics peuvent provoquer des effets d’éviction, soit parce qu’ils détournent des capitaux qui auraient été consacrés à des investissements privés, soit parce qu’ils créent une tension à la hausse sur les taux d’intérêt. Dans le contexte actuel d’investissement privé atone et de faibles taux d’intérêt, ce risque paraît cependant limité.

Le multiplicateur budgétaire est l’outil traditionnellement utilisé pour décrire l’impact de la dépense publique sur la croissance. Avant la crise, la valeur usuelle du multiplicateur d’investissement public était évaluée entre 0 et 2. Autrement dit, au maximum, un euro dépensé par l’État entraînerait deux euros supplémentaires de PIB.

En l’occurrence, la direction générale du Trésor estime qu’une réduction des dépenses de 10 milliards d’euros (soit 0,5 point de PIB) se traduirait par une moindre activité de 0,4 à 0,6 point au bout de 2 ans, selon le type de dépenses réduites (prestations sociales, consommations publiques ou investissement public).

Dans ces conditions, un effort supplémentaire sur le déficit structurel serait susceptible de pénaliser fortement la croissance et donc, in fine, d’empêcher le redressement des finances publiques auquel le Gouvernement s’est engagé.

Comme l’ont rappelé MM. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, le 15 avril 2015, devant la commission des finances, la France représente 21 % du PIB de la zone euro. L’effet récessif d’une contraction des dépenses d’investissement en France aurait des effets délétères sur l’ensemble des États membres de l’Union européenne. D’après la direction générale du Trésor, une consolidation budgétaire de 10 milliards d’euros en France réduirait le PIB de la zone euro de 0,1 à 0,15 point sur deux ans (18).

III. SOUTENIR LE REBOND DE CROISSANCE PASSE PAR UNE RELANCE DE L’INVESTISSEMENT

Tenir ses engagements en matière de déficit n’est que le premier volet de la stratégie du Gouvernement. Le soutien à la croissance et l’emploi est aussi une nécessité pour retrouver des marges de manœuvre et effectivement réduire la dette publique.

A. LE REBOND OBSERVÉ EST ENCORE FRAGILE DANS UN CONTEXTE D’INFLATION TRÈS FAIBLE

Bien que l’ensemble des prévisionnistes anticipe une reprise en 2015, les prévisions de croissance du Gouvernement restent prudentes pour tenir compte des incertitudes qui entourent ce début de reprise.

DES PRÉVISIONS DE CROISSANCE PRUDENTES

(pourcentage du PIB)

Organisme de prévision

2015

2016

Gouvernement (Pstab)

1,0

1,5

Commission européenne

1,0

1,8

Fonds monétaire international (FMI)

1,2

1,5

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

1,1

1,7

Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

1,4

2,1

COE-Rexecode

1,2

1,6

Consensus des économistes

1,0

1,5

Sources : programme de stabilité 2015-2018, prévisions économiques d’hiver de la Commission européenne, World Economic Outlook 2015 du FMI (avril 2015), Études économiques de l’OCDE sur la France (mars 2015), Consensus Forecast (mars 2015).

1. Des facteurs positifs à l’appui d’un léger rebond

Plusieurs facteurs favorables expliquent le retour de l’activité en 2015. Si certains sont conjoncturels, d’autres sont directement liés aux mesures mises en œuvre par le Gouvernement ou soutenues par lui, dans le cadre des organisations internationales.

La consommation des ménages progresse de façon dynamique en lien avec la faiblesse de l’inflation, une baisse inédite des prix du pétrole mais aussi grâce à la baisse de l’impôt sur le revenu pour les ménages les plus modestes.

ÉVOLUTION DU POUVOIR D’ACHAT ET DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES
2015-2017

Source : programme de stabilité 2015-2018.

LES FACTEURS DE LA REPRISE DE LA CONSOMMATION

Chute du cours du pétrole

(en euros)

Source : Datastream, prévisions OFCE.

Baisse de l’indice des prix à la consommation (IPC)

Source : INSEE, prévisions du programme de stabilité.

Selon l’INSEE, beaucoup de conditions sont désormais réunies pour que l’investissement des entreprises accélère. D’abord, leur taux de marge se redresserait très nettement au premier semestre, grâce à la conjonction de trois facteurs : la montée en charge du CICE, la mise en œuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité et la poursuite de l’amélioration des termes de l’échange du fait de la baisse des prix des produits pétroliers. Ensuite, les entreprises bénéficient de conditions de financement bien plus accommodantes que les années passées. Enfin, les perspectives de demande interne et externe sont désormais plus favorables. Pourtant, les enquêtes de conjoncture, notamment dans le secteur des services, indiquent que les chefs d’entreprise resteraient encore attentistes et ne seraient guère enclins à accélérer de manière franche leur investissement (19).

LES FACTEURS DE LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ

Taux de change euro-dollar

Source : OFCE.

DES MARGES DE MANœUVRE BUDGÉTAIRES CONSACRÉES
AU RÉTABLISSEMENT DE L’ACTIVITÉ ET DE L’EMPLOI

Source : OFCE.

LE RÉTABLISSEMENT DES MARGES DES ENTREPRISES À PARTIR DE 2015

Source : INSEE, mars 2015.

Mais les prévisions de croissance à la hausse sont pour partie liées à des évolutions qui ne devraient pas se prolonger.

2. Des facteurs de risque à prendre en compte

Selon la plupart des prévisions, la baisse des prix du pétrole s’interromprait en 2015. Une correction rapide du cours du pétrole vers un prix plus cohérent avec ses fondamentaux n’est pas à exclure, selon l’OFCE.

ÉVOLUTION DU COURS DU BRENT ET DU TAUX DE CHANGE DEPUIS 1971

Source : FMI, Réserve fédérale, in Note de conjoncture, INSEE, mars 2015.

La faiblesse historique des taux d’intérêt en zone euro réduit la rentabilité des actifs. Dans leur recherche de meilleurs rendements, les gestionnaires d’actifs, que sont les compagnies d’assurances, les banques, ou encore les fonds de pension, pourraient réinvestir massivement hors zone euro, aux États-Unis, par exemple, en cas d’un resserrement monétaire faisant remonter les taux d’intérêt outre-Atlantique, ou dans des actifs plus risqués.

Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 13 avril 2015, le remarque et signale un accroissement des fragilités financières depuis 2014 : « La hausse des marchés boursiers a été rapide et massive aux États-Unis puis en Europe. Plusieurs indicateurs suggèrent que les marchés financiers peuvent désormais être à nouveau confrontés à des risques de caractère systémique. »

Parmi ces indicateurs, le Haut Conseil observe que le ratio qui rapporte l’indice boursier américain SP500 (20) aux profits enregistrés par ces entreprises, corrigé des variations du cycle économique, pourrait avoir atteint un pic (21).

ÉVOLUTION SUR LONGUE PÉRIODE DE L’INDICATEUR CAPE SP500

Source : site multpl.com.

En dépit d’une accélération de la demande mondiale, la croissance dans les pays émergents semble devoir rester modérée et avec elle, la demande adressée à la zone euro. À cette amélioration en demi-teinte s’ajoute une forte incertitude liée à la situation géopolitique.

LA DEMANDE MONDIALE ENTRE 2014 ET 2016

(pourcentage du PIB)

Zone géographique

Poids

Croissance

2014

2015

2016

Zone euro

15,5

0,8

1,6

2

Royaume-Uni

3,2

2,6

2,6

2

Europe

22,9

1,3

1,8

2

États-Unis

20,8

2,2

3,1

2,7

Japon

6,3

– 0,1

0,5

1,4

Pays développés

53,5

1,5

2,1

2,2

Russie

3,3

0,6

–3

–1

Chine

11,5

7,3

7,2

7

Autres Asie

13,2

4,6

5,3

5,4

Brésil

0,2

– 0,8

0,3

Amérique latine

8,7

1

0,5

1,4

Afrique (hors Afrique du Nord)

2,3

4,8

4,9

5,2

Moyen-Orient et Afrique du Nord

4,8

2,8

3,3

3,9

Monde

100

2,7

3

3,2

Source : FMI, OCDE, retraités par l’OFCE (avril 2015).

Selon l’OFCE, le risque déflationniste reste important en zone euro. Le chômage n’a pas encore amorcé une décrue qui serait, en tout état de cause, lente.

CHÔMAGE DANS LES PRINCIPAUX PAYS DE LA ZONE EURO

(en pourcentage de la population active)

Source : Eurostat, prévisions OFCE.

L’inflation, inférieure à 1,0 % depuis 2013, continue sa décrue. Mais surtout, les anticipations d’inflation par les ménages décrochent, ce qui n’est pas sans rappeler la situation du Japon.

INFLATION ET ANTICIPATIONS D’INFLATION DANS LA ZONE EURO

Source : OFCE.

Enfin, l’investissement reste à un niveau préoccupant en France comme dans le reste de l’Europe.

3. L’investissement, public comme privé, reste affecté par la crise

Comme l’illustre le graphique ci-dessous, l’investissement total (public et privé) est reparti dès 2011 aux États-Unis, confortant ainsi la reprise de croissance américaine, tandis qu’il n’a connu aucune amélioration en France.

COMPARAISON DES NIVEAUX D’INVESTISSEMENT AUX ÉTATS-UNIS, EN ALLEMAGNE,
EN FRANCE ET DANS LA ZONE EURO

Investissement public et privé ensemble

Source : Eurostat.

Jusqu’à fin 2013, l’investissement public s’est maintenu en France, mais a subi une baisse en 2014 (non représentée sur ce graphique) du fait du cycle électoral.

Source : France Stratégie.

L’investissement des sociétés privées non financières, n’a pas encore retrouvé son niveau de 2007, en dépit du plan de soutien via le CICE et le Pacte de responsabilité et de solidarité.

B. UN EFFORT EN INVESTISSEMENT PERMETTRAIT DE TRANSFORMER CE REBOND EN REPRISE DURABLE

1. Les composantes de la création de richesse en France

Les composantes de la création de richesse ne sont pas les mêmes, en France et en Allemagne. En France, la croissance est principalement tirée par la consommation intérieure tandis que le commerce extérieur joue un rôle primordial outre-Rhin. Schématiquement, les composantes de la croissance se répartissent, en France et en Allemagne, comme l’indique le tableau suivant.

Agrégat

France

Allemagne

Consommation intérieure

60 %

40 %

Investissement

20 %

20 %

Exportations

20 %

40 %

Source : estimations Rapporteure générale.

Cette répartition est visible par exemple dans les deux graphiques suivants qui comparent la contribution de chaque composante à la croissance dans les deux pays.

France-2014-T2-Contrib-cum-croissance

https://philippewaechter.files.wordpress.com/2014/10/allemagne-2014-t2-contrib-cum-croissance.png

2. La consommation : un ingrédient et un résultat de la croissance

La consommation des ménages, traditionnel moteur de l’économie française, s’est effondrée depuis la crise de 2008 à un niveau historiquement bas.

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES DEPUIS 1981 (*)

(en pourcentage)

(*) Comptes nationaux annuels base 2010 − Consommation finale effective − Ménages hors entrepreneurs individuels − Total des produits − Prix chaîné année de base (non équilibré)

Source : INSEE, septembre 2014.

Le redressement du pouvoir d’achat des ménages en 2014 est une bonne nouvelle mais il doit être conforté pour retrouver les niveaux de demande interne d’avant-crise.

ÉVOLUTION DU POUVOIR D’ACHAT DES MÉNAGES
2009-2014

(glissement annuel en pourcentage)



Source : INSEE, mars 2015.

3. L’investissement : un facteur d’offre et de demande

a. Les initiatives internationales et européennes en faveur de l’investissement public

La reconnaissance par le FMI de l’importance de l’investissement public à l’occasion de la publication des perspectives de l’économie mondiale d’avril 2015

À l’aide d’une approche statistique novatrice, qui s’intéresse à la causalité inverse entre l’investissement et la production, le FMI montre que l’investissement des entreprises s’est peu éloigné de ce que l’on pouvait attendre compte tenu de la faiblesse de l’activité économique.

ÉCART DE L’INVESTISSEMENT PAR RAPPORT AUX PRÉVISIONS
DU PRINTEMPS 2007

(en pourcentage)

Source : FMI, Perspectives de l’économie mondiale 2015.

Autrement dit, les entreprises ont réagi à l’essoufflement de leurs ventes − tant actuelles que prévues − en coupant dans leurs dépenses d’équipement. Selon le FMI, « lorsque l’on demande aux responsables des entreprises quelle est la principale difficulté à laquelle ils font face, ils répondent généralement que c’est essentiellement l’absence de demande de la part de leurs clients » (22).

Au-delà de ce schéma général, la faiblesse de l’investissement dans les pays de la zone euro s’explique par le fait que le coût des emprunts a fortement augmenté durant la crise des dettes souveraines de 2010-2011. L’effet des contraintes financières s’est ajouté à l’incertitude entourant les politiques économiques et à la faiblesse de production pour freiner durablement l’investissement des entreprises.

Les économistes du FMI concluent « qu’une action gouvernementale d’envergure visant à stimuler la production est nécessaire pour augmenter durablement l’investissement privé. Des politiques budgétaires et monétaires peuvent inciter les entreprises à investir, même si elles ont peu de chances de ramener l’investissement au niveau exact qu’il avait avant la crise. De nouveaux investissements publics dans les infrastructures pourraient aussi doper la demande à court terme et accroître l’offre à moyen terme, et ainsi attirer l’investissement privé dans les pays où les conditions sont favorables. Enfin, des réformes structurelles, visant notamment à relever le taux d’activité de la population, pourraient également améliorer les perspectives de production et encourager ainsi l’investissement privé ».

Dans ce contexte, plusieurs voix se sont élevées en Europe pour demander une action urgente en faveur de l’investissement. La présidence italienne de l’Union européenne (juillet-décembre 2014) en avait fait une priorité. La France et l’Italie ont fortement contribué à la mise en place du « plan Juncker » d’investissements stratégiques. Le président du Conseil italien, M. Matteo Renzi, plaide également pour une prise en compte différenciée des dépenses d’investissement dans le déficit public.

Le lancement du « plan Juncker » par la Commission européenne et les États membres

Annoncé le 15 juillet 2014 devant le Parlement européen par le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, le « plan Juncker » se compose de plusieurs mesures, dont la principale constitue une aide au financement de projets considérés comme stratégiques (23). À ce titre, 315 milliards d’euros sur les trois prochaines années sont répartis entre :

– des investissements de long terme pour 240 milliards d’euros, en faveur de nouvelles infrastructures, de l’éducation, de la recherche et de l’innovation, des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Pour rappel, ces investissements peuvent déjà bénéficier de financements de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de programmes de l’Union européenne comme le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) et Horizon 2020 (innovation, recherche et développement) ;

– un financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaires (ETI) pour 75 milliards d’euros en s’appuyant sur le Fonds européen d’investissement (FEI), créé en 1994 au sein du groupe BEI, par le biais de l’octroi d’une garantie à des prêteurs privés.

Sera institué un nouveau fonds, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), qui présentera des avantages comparatifs par rapport aux fonds existants :

– mise en œuvre de modalités de sélection rigoureuses des projets à financer ;

– nombreuses facilités de financement couvertes par la garantie de l’Union européenne (prêts, garanties, contre-garanties, rehaussement de crédit, apports en fonds propres, etc.).

Pour rappel, la France s’est engagée le 6 mars dernier à contribuer au FEIS à hauteur de 8 milliards d’euros par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts et des consignations et de Bpifrance.

D’autres mesures ont également été annoncées dans le cadre du plan Juncker :

– une réforme des fonds structurels et d’investissements, soit une enveloppe de 630 milliards d’euros entre 2014 et 2020 (dont 180 milliards de cofinancements nationaux) pour remplacer l’attribution de subventions classiques par des instruments financiers dont l’effet multiplicateur est avéré (prêts ou garanties) ;

– la mise en place de fonds européens d’investissements de long terme (FEILT) d’ici mi-2015 (proposition de règlement en cours d’adoption) ;

– une relance encadrée des marchés de titrisation ;

– une réflexion sur la mise en place d’une information normalisée sur les données de crédit des PME, pour mieux connaître leur situation financière et améliorer la planification des investissements ;

– une révision des réglementations pour limiter la charge administrative pesant sur les PME (à l’instar de la directive « Prospectus »).

EFFET ATTENDU DU « PLAN JUNCKER »

Source : communication de la Commission européenne, Un plan d’investissement pour l’Europe, 26 novembre 2014.

b. Les mesures prises au niveau national en faveur de l’investissement

Le Gouvernement a annoncé de nombreuses mesures au printemps 2014, dont le Pacte de responsabilité et de solidarité, précédemment présenté, comprenant un volet de mesures en faveur de la compétitivité des entreprises et un volet en faveur du pouvoir d’achat des ménages.

Dans l’attente des résultats définitifs relatifs à la reprise de l’investissement en 2014 et dans un contexte économique plus favorable en ce début d’année 2015, le Gouvernement a annoncé le 8 avril dernier un plan en faveur de l’investissement et de l’activité comprenant dix mesures, dont deux concernent les entreprises, trois les collectivités territoriales et cinq les ménages.

Le coût de ces mesures est estimé à 2,5 milliards d’euros pour les années 2015 à 2017.

La seule mesure de « suramortissement » qui constitue la principale mesure proposée représente elle-même 2,5 milliards d’euros au titre des années 2015 à 2019, dont 400 millions pour 2015 et 500 millions pour 2016.

Enfin, toutes les mesures proposées ne se traduiront pas par une dépense nouvelle puisque certaines seront financées sur crédits déjà disponibles, notamment sur les programmes d’investissements d’avenir ou des fonds de la Caisse des dépôts.

Ce plan vient compléter des mesures fiscales et réglementaires prises depuis le début de la législature.

Le plan en faveur de l’investissement et de l’activité

La baisse de l’investissement constatée dès l’an dernier a relancé le débat sur la nécessité d’une mesure fiscale ciblée sur les amortissements.

Le Sénat avait ainsi proposé, à l’occasion de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2014, de créer un amortissement dégressif amplifié spécifique aux PME pour les investissements réalisés jusqu’au 31 décembre 2016. Cette piste a été écartée. Mais la Rapporteure générale avait souligné, lors des débats devant notre Assemblée, que l’objectif poursuivi n’était pas inintéressant.

Le dispositif d’amortissement dégressif est, en effet, essentiellement concentré sur les investissements physiques du secteur industriel. Or, le secteur de l’industrie manufacturière est celui qui nécessite le plus une relance des investissements.

LISTE DES BIENS POUVANT FAIRE L’OBJET D’UN AMORTISSEMENT DÉGRESSIF

(article 22 de l’annexe II au code général des impôts)

• Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport

• Matériels de manutention

• Installations destinées à l’épuration des eaux et à l’assainissement de l’atmosphère

• Installations productrices de vapeur, chaleur ou énergie

• Installations de sécurité et installations à caractère médicosocial

• Machines de bureau, à l’exclusion des machines à écrire

• Matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique

• Installations de magasinage et de stockage sans que puissent y être compris les locaux servant à l’exercice de la profession

• Immeubles et matériels des entreprises hôtelières.

• Sont exclus du bénéfice de l’amortissement dégressif les biens qui étaient déjà usagés au moment de leur acquisition par l’entreprise ainsi que ceux dont la durée normale d’utilisation est inférieure à trois ans.

L’amortissement dégressif permet aux entreprises qui investissent de réaliser, au cours des premières années d’amortissement, un gain de trésorerie sur l’IS à payer supérieur à celui dont elles bénéficient avec l’amortissement linéaire.

LES DEUX MODALITÉS D’AMORTISSEMENT

L’amortissement est une charge déductible du résultat fiscal qui permet de déduire le coût d’acquisition d’un actif sur sa durée d’utilisation normale. Deux modalités d’amortissement sont admises fiscalement.

L’amortissement linéaire consiste à déduire chaque année un montant constant sur la durée d’utilisation de l’actif acquis. L’amortissement dégressif permet de déduire plus rapidement le coût d’acquisition de l’actif en procédant à des déductions plus fortes les premières années, selon des coefficients déterminés par le code général des impôts. C’est la raison pour laquelle on parle parfois d’« amortissement accéléré » pour désigner l’amortissement dégressif.

L’amortissement dégressif permet ainsi de réaliser un gain de trésorerie sur l’impôt sur les sociétés à payer sur les premières années d’utilisation du bien. Au final, l’entreprise ne réalise aucun gain d’IS sur la durée totale d’utilisation du bien.

Exemple : pour un amortissement d’un élément d’actif acquis 100 000 euros sur cinq ans, le gain d’impôt sur les sociétés les trois premières années est de 5 986,82 euros.

(en euros)

Année

Montant de

l’amortissement linéaire

Montant de l’amortissement dégressif selon le barème de droit commun actuellement en vigueur

Impact IS lié à l’amortissement dégressif

N

20 000

35 000

− 5 000

N + 1

20 000

22 750

− 916,66

N + 2

20 000

20 210,50

− 70,16

N + 3

20 000

11 019,75

+ 2 993,41

N + 4

20 000

11 019,75

+ 2 993,41

TOTAL

100 000

100 000

0

L’amplification temporaire de l’amortissement dégressif est donc une mesure pertinente pour faire face à un contexte macroéconomique de baisse de l’investissement, d’autant que les dernières données macroéconomiques ont montré que ce moteur de la croissance restait en panne.

Cette mesure a d’ailleurs été expérimentée à l’occasion de la crise financière de 2008. Les coefficients de dégressivité avaient été majorés pour les biens acquis entre le 4 décembre 2008 et le 31 décembre 2009 (article 29 de la loi de finances rectificative pour 2008).

Le Gouvernement a proposé d’aller encore plus loin en prévoyant un mécanisme temporaire de suramortissement de 40 % pour les biens qui entrent dans le champ d’application de l’amortissement dégressif, acquis entre le 15 avril 2015 et le 15 avril 2016.

Le Sénat a adopté ce dispositif, sur amendement du Gouvernement, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité.

Contrairement à une simple amplification de l’amortissement dégressif, le suramortissement adopté ne se limitera pas pour les entreprises à un gain de trésorerie. Il permettra de réaliser un gain net d’impôt sur les sociétés de l’ordre de 13 % du montant investi.

Le coût de la mesure a été évalué à 2,5 milliards d’euros sur cinq ans par le Gouvernement.

LE SURAMORTISSEMENT ANNONCÉ PAR LE GOUVERNEMENT PERMETTRA UN GAIN D’IMPÔT CORRESPONDANT À 13 % DU MONTANT INVESTI

Exemple : amortissement d’un élément d’actif acquis 100 000 euros sur cinq ans selon le barème dégressif général admis en fiscalité + le suramortissement de 40 %.

(en euros)

Année

Montant de l’amortissement dégressif

Montant du suramortissement

Total

N

35 000

8 000

43 000

N + 1

22 750

8 000

30 750

N + 2

20 210,50

8 000

28 210,50

N + 3

11 019,75

8 000

19 019,75

N + 4

11 019,75

8 000

19 019,75

TOTAL

100 000

40 000

140 000

L’entreprise peut intégrer dans son plan de financement de l’investissement un gain d’IS de 13 000 euros étalé sur cinq ans (un tiers de 40 000 euros). Une entreprise qui envisage un investissement est donc fortement incitée à le réaliser avant le 15 avril 2016.

Le champ d’application du suramortissement, tel qu’adopté au Sénat, est cependant moins large que celui de l’amortissement dégressif. Il n’est permis que pour les biens qui relèvent des catégories suivantes :

« 1° Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation ;

« 2° Matériels de manutention ;

« 3° Installations destinées à l’épuration des eaux et à l’assainissement de l’atmosphère ;

« 4° Installations productrices de vapeur, de chaleur ou d’énergie à l’exception des installations utilisées dans le cadre d’une activité de production d’énergie électrique bénéficiant de l’application d’un tarif réglementé d’achat de la production ;

« 5° Matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique. »

Le secteur médicosocial et le secteur hôtelier, éligibles à l’amortissement dégressif, ont donc été exclus de la mesure de suramortissement.

La Rapporteure générale approuve cette mesure de suramortissement car il est ciblé sur l’industrie et devrait inciter les entreprises à anticiper leurs investissements dans un contexte où la montée en puissance du CICE a permis une reconstitution de leurs marges.

En d’autres termes, il est important d’envoyer un signal fort à destination des entreprises pour que celles-ci orientent en direction de l’investissement les marges de manœuvre que le CICE a permis de dégager.

LES AUTRES MESURES PROPOSÉES PAR LE PLAN EN FAVEUR DE L’INVESTISSEMENT ET DE L’ACTIVITÉ

• l’enveloppe des prêts de développement (1) de Bpifrance sera majorée de 2,1 milliards d’euros. Elle passera ainsi de 5,9 milliards d’euros à 8 milliards d’euros ;

• le crédit d’impôt pour la transition énergétique est prolongé de fin 2015 à fin 2016 ;

• le budget de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) est abondé de 70 millions d’euros en 2015 (pour atteindre 536 millions d’euros) afin de financer un plus grand nombre de dossiers de rénovation énergétique ;

• des mesures devraient également être prises pour relancer l’éco-PTZ dont l’objet est de faciliter le financement de travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements.

• deux mesures principales devraient réorienter l’épargne privée vers l’investissement dans les entreprises :

– une réforme de l’assurance vie. Pour rappel, la dernière réforme de l’assurance vie date de la loi de finances rectificative pour 2013. Cette réforme prévoyait la création d’un contrat « euro-croissance » comprenant un compartiment investi sur un fonds diversifié permettant ainsi des investissements plus risqués, tout en garantissant le capital investi à l’échéance du contrat, ainsi qu’un contrat « vie-génération », destiné aux détenteurs de contrats importants, pour lesquels le respect d’un quota d’investissements risqués donne droit à un allégement des droits à acquitter lors de la transmission ;

– une réforme du plan d’épargne en actions PME (PEA-PME) introduit en loi de finances initiale pour 2014 ;

• la création d’un compte personnel d’activité ;

• le préfinancement par la Caisse des dépôts du remboursement de la TVA acquittée par les collectivités territoriales ;

• le renforcement des prêts super-bonifiés destinés aux collectivités territoriales ;

• la création de conférences régionales de l’investissement public.

(1)  Pour rappel, ces prêts ont une durée de sept ans (avec un différé de remboursement de deux ans) et sont octroyés sans prise de garantie sur l’entreprise. Ils doivent s’accompagner d’un financement bancaire complémentaire (il s’agit donc d’un mécanisme de cofinancement).

Rappel des principales mesures fiscales mises en œuvre ou soutenues par la présente législature pour soutenir l’investissement

Deux principales mesures peuvent être rappelées.

Le CICE est entré en vigueur le 1er janvier 2013 et a pour assiette la masse salariale brute des salariés rémunérés jusqu’à 2,5 SMIC.

Il monte progressivement en puissance sous l’effet de trois facteurs :

– tout d’abord, il existe un décalage d’une année entre la dépense salariale engagée et la constatation de la créance de CICE ;

– ensuite, le taux du CICE est passé de 4 % à 6 % à compter du 1er janvier 2014 ;

– enfin, le montant des créances restituées aux entreprises est également appelé à augmenter car la créance de CICE qui n’a pu être imputé sur un impôt positif n’est remboursée qu’après trois années de report ; seules certaines entreprises (PME, jeunes entreprises innovantes, entreprises nouvelles, entreprises en difficulté) peuvent obtenir une restitution immédiate du CICE.

En régime de croisière, le CICE va permettre de reconstituer les marges des entreprises de plus de 20 milliards d’euros par an, même si son coût budgétaire se limite, pour le moment, à 10 milliards d’euros au titre de l’année 2014.

Tout l’enjeu, désormais, est d’inciter les entreprises à utiliser ces nouvelles marges de manœuvre pour investir.

Des incitations fiscales en faveur de la recherche et de l’innovation sont disponibles à un niveau élevé, à l’instar :

– du maintien du crédit d’impôt recherche à un niveau élevé représente une aide à l’investissement de plus de 5 à 6 milliards d’euros supplémentaires ;

– de la création du crédit d’impôt innovation (CII) dont le coût est évalué à près de 200 millions d’euros.

Enfin, le dispositif « jeunes entreprises innovantes » (JEI) qui ouvre droit à plusieurs types d’exonérations fiscales et sociales a été renforcé et représente une dépense fiscale de 13 millions d’euros.

72 % DES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DES ENTREPRISES SONT ORIENTÉES
VERS LE SOUTIEN À L’INVESTISSEMENT, L’INNOVATION ET LA RECHERCHE

 

En millions d’euros

en 2014

Total des dépenses fiscales en faveur des entreprises au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés

21 694

dont CICE

10 000

dont CIR

5 340

dont CII

200

dont JEI

13

dont TOTAL CICE + CIR + CII + JEI

15 553

TOTAL CICE + CIR + CII + JEI / Total des dépenses fiscales en faveur des entreprises au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés

72 %

Source : projet de loi de finances pour 2015, Voies et moyens, tome II.

C. LE PNR POURRAIT « LIBÉRER » DE LA CROISSANCE À HAUTEUR DE 4 POINTS DE PIB À HORIZON 2020

1. La Commission européenne a adressé sept recommandations spécifiques à la France

Comme le prévoit désormais le calendrier de coordination économique et budgétaire européen, le programme de stabilité, qui présente les prévisions du Gouvernement en matière budgétaire, est présenté concomitamment au programme national de réforme (PNR). Ce dernier fait suite aux grandes orientations de politique économique des institutions européennes pour atteindre les objectifs prévus par la stratégie « Europe 2020 » (24) et répond aux recommandations spécifiquement adressées à la France.

LES SEPT RECOMMANDATIONS SPÉCIFIQUES
ADRESSÉES À LA FRANCE LE 8 JUILLET 2014

Renforcement de la stratégie budgétaire

Réduction du coût du travail

Simplification des règles administratives, fiscales et comptables des entreprises

Ouverture du marché des biens et services et des professions réglementées

Simplification du système fiscal et réduction des impôts pesant sur le travail

Amélioration du fonctionnement du marché du travail, dialogue social et formation

Modernisation de l’enseignement et de la formation professionnelle tout en soutenant l’accès pour les publics les plus vulnérables

2. 4,2 points de PIB additionnels sont attendus de la mise en œuvre du PNR à horizon 2020, hors impact de son financement

D’après le modèle MÉSANGE utilisé par la direction générale du Trésor, 4,2 points de PIB additionnels sont attendus de la mise en œuvre des mesures prévues par le programme national de réforme à horizon 2020.

IMPACT DES RÉFORMES RÉCAPITULÉES
DANS LE PROGRAMME NATIONAL DE RÉFORME 2015 À HORIZON 2020

Principaux domaines de réforme

Impact

Réforme territoriale

0,3 point de PIB

Coût du travail

1,3 / 1,7 point de PIB

Simplification et ouverture marchés biens et services

0,2 / 0,4 point de PIB

Transition énergétique

0,8 point de PIB

Innovation

0,5 point de PIB

Dialogue social

0,2 point de PIB

Accompagnement personnes éloignées emploi

0,1 / 0,15 point de PIB

Réforme de l’éducation

0,1 point de PIB

Source : programme national de réforme 2015.

Bien entendu, ces éléments doivent être considérés avec précaution. L’évaluation proposée dans le PNR est « brute », c’est-à-dire qu’elle ne semble pas intégrer le coût de financement de ces mesures.

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR L’AVIS DU HAUT CONSEIL RELATIF AUX PRÉVISIONS MACROÉCONOMIQUES ASSOCIÉES AU PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ

Lors de sa séance du 15 avril 2015 à 9 h 15, la Commission entend M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le Premier président, nous vous recevons aujourd’hui au titre de votre fonction de président du Haut Conseil des finances publiques afin que vous nous présentiez l’avis que ce dernier a rendu sur les prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

Je rappelle que, cette année, le programme de stabilité, que le Gouvernement doit communiquer aux autorités européennes d’ici à la fin du mois, ne fera pas l’objet d’un débat et d’un vote, contrairement à ce qui se produisait auparavant. Ce sujet a été encore abordé hier matin, au cours de la Conférence des présidents : le Gouvernement nous a confirmé qu’il ne souhaitait pas qu’un débat se tienne en séance. Nous sommes donc amenés à organiser, le mercredi 22 avril prochain, une réunion élargie de notre commission qui nous permettra d’entendre notre rapporteure générale, Valérie Rabault après qu’elle aura eu quelques jours pour mener un travail de fond sur le programme de stabilité. En effet, ce document, qui nous sera présenté ce matin, après le Conseil des ministres, par M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics et M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, n’est généralement pas d’une lecture très aisée. Les grandes qualités pédagogiques de notre rapporteure générale lui seront bien utiles pour nous permettre de comprendre les enjeux essentiels de ce document hermétique.

En principe, monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, vous ne vous prononcez aujourd’hui que sur des hypothèses macroéconomiques. L’avis que nous avons pu lire précise toutefois que le Haut Conseil a dû « tenir compte […] des éléments relatifs à la trajectoire de finances publiques ». Nous nous permettrons en conséquence de vous poser quelques questions qui pourraient se situer à la frontière du champ financier ou budgétaire.

J’indique que nous vous recevrons à nouveau, mais cette fois également en tant que Premier président de la Cour de comptes, le mercredi 27 mai prochain, concernant le projet de loi de règlement et la certification des comptes pour l’année 2014. Je vois que François Cornut-Gentille s’en réjouit. Je partage son sentiment : l’exécution budgétaire est encore plus importante que les prévisions. Nous prendrons le temps d’effectuer un travail approfondi.

M. Didier Migaud, président du Haut conseil des finances publiques. Je vous remercie d’avoir bien voulu m’inviter devant votre commission, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, afin que je vous présente les principales conclusions de l’avis relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

Je suis accompagné des membres du secrétariat permanent du Haut Conseil, François Monier, rapporteur général, Boris Melnoux-Eude, rapporteur général adjoint, Nathalie Georges et Annabelle Mourougane, rapporteurs.

C’est la troisième fois que le Haut Conseil est appelé à se prononcer sur le projet de programme de stabilité qui est adressé par la France au Conseil de l’Union européenne et à la Commission européenne. Comme vous le savez, l’avis du Haut Conseil, en application de l’article 17 de la loi organique du 17 décembre 2012, ne porte que sur les prévisions macroéconomiques sous-jacentes à la trajectoire de finances publiques jusqu’en 2018. S’il se prononce sur les seules prévisions macroéconomiques, le Haut Conseil ne peut toutefois ignorer les finances publiques, qui ont un impact sur la macroéconomie.

Avant d’en venir aux observations sur les prévisions du Gouvernement sur la période de programmation, je souhaiterais évoquer brièvement le contexte macroéconomique actuel. Ce contexte a sensiblement évolué depuis le dernier avis du Haut Conseil, conduisant la plupart des analystes à revoir à la hausse leurs prévisions de croissance.

Je rappelle à cet égard que le Haut Conseil ne produit pas lui-même de prévisions mais s’appuie sur celles d’un ensemble d’organismes comprenant les institutions internationales – Commission européenne, FMI, OCDE –, l’INSEE et des instituts de conjoncture.

Nous observons, comme l’ensemble des analystes, que le contexte macroéconomique actuel bénéficie d’une conjonction de facteurs qui devraient soutenir un rebond, en France et, plus largement, dans l’ensemble de la zone euro.

Deux moteurs principaux y contribuent. La baisse du prix du baril de pétrole, de près de 40 %, depuis un an, constitue un choc positif, à la fois de demande – en soutenant la consommation des ménages – et d’offre – via la baisse du coût des consommations intermédiaires des entreprises. La dépréciation de l’euro, d’environ 10 % en un an contre toutes les autres devises, contribue à améliorer la compétitivité-prix des exportations françaises même si elle ne garantit pas de gains de parts de marché par rapport aux autres pays de la zone euro qui en bénéficient également.

Ces deux chocs positifs conduisent le Haut Conseil à considérer que l’hypothèse d’une accélération de la croissance dès 2015, jugée incertaine à l’automne à l’occasion de l’avis sur le projet de loi de finances qui s’inscrivait dans un contexte très différent, est désormais étayée.

À ces deux moteurs s’ajoutent d’autres paramètres de politique économique. Les effets de la politique de rachat d’actifs conduite par la Banque centrale européenne – BCE – depuis mars 2015 se feront surtout sentir via la dépréciation de l’euro, compte tenu du fait qu’il n’y a pas de problème d’accès au crédit pour la majorité des entreprises françaises. Le ralentissement du rythme d’ajustement budgétaire en zone euro, après trois années de consolidation budgétaire forte et simultanée, pèsera moins sur l’activité. Les baisses d’impôts et de cotisations pour les entreprises mises en œuvre dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – et du Pacte de responsabilité et de solidarité, contribuent à baisser le coût du travail, mais leurs pleins effets dépendent des comportements de marge des entreprises. Dans une moindre mesure, il faut aussi compter avec les plans de soutien à l’investissement, tant au niveau national, avec les mesures récemment annoncées, qu’au niveau européen, avec le plan Juncker, qui pourraient stimuler l’activité à moyen terme.

Même si c’est encore de façon timide, les enquêtes de conjoncture annoncent les premiers indices d’une reprise qui devrait d’abord passer par la consommation. Celle-ci a bénéficié, au cours des derniers mois, d’un regain de pouvoir d’achat lié notamment à la baisse des prix de l’énergie et d’une amélioration de la confiance des ménages. Je rappelle que la baisse du prix du baril de pétrole permet d’économiser 20 milliards d’euros dont environ 10 milliards au bénéfice des ménages et 10 milliards pour les entreprises.

S’agissant des entreprises, les carnets de commandes se remplissent progressivement, et le climat des affaires s’améliore, même si la tendance est plus marquée dans le commerce que dans l’industrie et les services. On n’observe pas, cependant, de reprise nette de la production à ce stade.

Si les ingrédients d’une reprise sont bien présents, des incertitudes demeurent sur l’ampleur de la reprise et sa pérennité.

D’une part, les effets pleins d’une baisse du prix du pétrole et celle du change peuvent mettre du temps à se faire sentir sur la production comme l’ont montré les épisodes de reprise passés. Ils dépendront en grande partie du comportement de marge des entreprises.

D’autre part, la durée de ces chocs est imprévisible, et leurs effets sont amenés à s’estomper.

Ensuite, il faut rappeler que les conséquences de l’assouplissement quantitatif
– Quantitative Easing – de la BCE sont encore mal connues, notamment sur l’inflation. À cet égard, les anticipations d’inflation à moyen terme sont inchangées autour de 1,8 % pour les prévisionnistes, mais elles sont nettement inférieures pour les investisseurs financiers.

Au-delà des incertitudes sur les facteurs conjoncturels et les mesures de politique économique soutenant la croissance, d’autres freins pourraient également brider la reprise de l’économie française. Nous pensons en particulier à la faiblesse persistante de l’investissement, qui menace à terme d’obsolescence les capacités industrielles, et aux difficultés que pourraient rencontrer les entreprises françaises face à la concurrence de certains pays européens où le coût du travail a fortement diminué au cours des dernières années.

Malgré les réserves que je viens de mentionner, nous sommes bien en présence de facteurs favorables à un rebond de la croissance. La question est maintenant de savoir si nous réussirons à transformer l’essai. S’agit-il alors d’une reprise durable dans laquelle l’impulsion initiale donnée par la baisse du prix du pétrole et la dépréciation de l’euro enclencherait d’autres moteurs, ou d’un rebond sans véritable reprise, sans lendemain, auquel cas l’économie française croîtrait durablement à des taux modérés ?

En définitive, nous pensons que le rebond prévu en 2015 ne se transformera en une reprise durable que si la demande intérieure et les exportations prennent le relais des stimuli extérieurs, ce qui suppose un redémarrage de l’investissement.

Notre analyse de la situation macroéconomique prend également en compte l’importance des risques financiers, qui se sont accrus depuis 2014. La hausse des marchés boursiers a été massive et rapide aux États-Unis puis en Europe, faisant craindre une correction brutale. Dans un environnement de taux historiquement bas, les acteurs de marché recherchent davantage de rendement pour résoudre leur déséquilibre bilanciel, altérant ainsi la perception et la représentation du risque et du prix des actifs. Du côté des marchés des devises, la poursuite de l’appréciation du dollar serait de nature à enrayer la croissance américaine en pénalisant les exportations et à accroître la vulnérabilité des économies émergentes dont beaucoup sont endettées en dollar. Ces facteurs sont très difficiles à quantifier et sont par conséquent très peu intégrés dans les exercices de prévision du Gouvernement comme dans ceux des organisations internationales. Mais il s’agit de risques qu’il faut garder à l’esprit.

Permettez-moi à présent de revenir plus en détail sur chacune des années de la prévision : 2015 et, ensemble, 2016, 2017 et 2018.

S’agissant de l’année 2015, le Haut Conseil considère que, compte tenu du contexte que je viens de décrire, la prévision de croissance du Gouvernement est désormais prudente.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement retenait une prévision de 1 %. Cette prévision avait été, en l’état des informations disponibles à l’époque, jugée « optimiste » par le Haut Conseil des finances publiques. Or, malgré les profondes évolutions constatées depuis l’automne, la prévision de croissance présentée dans le programme de stabilité est inchangée. Cela témoigne de la volonté de prudence du Gouvernement dans ce nouvel exercice de prévision sous-jacent à la trajectoire de finances publiques soumise aux autorités européennes. Le Haut Conseil ne peut que saluer cette démarche, qui est bienvenue.

La prévision de croissance présentée par le Gouvernement s’appuie sur une accélération de la consommation, soutenue par l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages, et sur une progression plus rapide des exportations.

Cette prévision est proche de celles retenues par la Commission européenne, les organisations internationales et le consensus des économistes, qui se situent toutes autour de 1 % voire au-dessus. Ce matin, le FMI a publié des nouvelles prévisions avec une croissance à 1,2 %. Dans un contexte favorable lié à la baisse du prix du pétrole et à la dépréciation du change, la prévision du Gouvernement est désormais – j’insiste sur ce « désormais » – jugée prudente par le Haut Conseil.

Les composantes de la demande qu’il a retenues sont cohérentes avec cette prévision de croissance. Le faible rythme d’évolution de l’investissement des entreprises est en ligne avec un lent redémarrage de l’activité. La révision à la baisse de la croissance du commerce mondial s’inscrit dans les tendances observées au second semestre 2014.

De même, le Haut Conseil estime que c’est à juste titre que les prévisions d’inflation et de masse salariale ont été revues à la baisse par rapport au projet de loi de finances pour 2015. Une inflation légèrement négative en moyenne annuelle en 2015 ne nous semble néanmoins pas être totalement exclue.

S’agissant des prévisions pour les années 2016 à 2018, le Haut Conseil considère que les prévisions de croissance sont prudentes et permettent d’assurer la crédibilité de la trajectoire nominale de finances publiques. Il formule cependant des réserves sur certains aspects du scénario.

Le Gouvernement retient une prévision de croissance annuelle de 1,5 % en 2016 et en 2017, puis de 1,75 % en 2018 qui serait notamment portée par un redémarrage modéré de l’investissement. Ces chiffres sont revus à la baisse par rapport à la loi de programmation : en recul de 0,2 point pour 2016, 0,4 point pour 2017 et 0,3 point pour 2018. À l’inverse, la croissance potentielle est revue à la hausse de 0,2 point dès 2016 par le Gouvernement afin, selon lui, d’y intégrer l’effet des réformes structurelles. Ce scénario de reprise durable mais modéré était déjà celui du Gouvernement dans les précédents exercices, mais il en présente cette fois une version prudente avec une croissance qui n’accélérerait que modérément en 2016, serait stable en 2017 puis un peu plus élevée en 2018. Ce scénario ne tient pas compte, par construction, des risques financiers qu’il faut pourtant bien avoir à l’esprit. Il repose sur une reprise de l’inflation dont le Haut Conseil estime qu’elle pourrait être plus tardive en raison d’un taux de chômage encore élevé et d’un besoin de reconstitution de marge peut-être pas encore entièrement satisfait.

S’il reconnaît la prudence de ce scénario, le Haut Conseil s’interroge toutefois sur la pertinence d’un écart entre la production effective et la production potentielle – ce que l’on appelle écart de production ou output gap – très creusé pendant près d’une décennie et qui ne se réduit pratiquement pas à l’horizon 2018 : – 3,5 % de 2015 à 2017 et – 3,2 % en 2018.

L’absence de fermeture de cet écart est le résultat du rapprochement d’hypothèses de croissance effective plutôt prudentes que je viens d’évoquer et d’estimations de croissance potentielle revues à la hausse à partir de 2016 de 0,2 point par an par rapport à la loi de programmation.

Ce scénario de maintien d’un écart de production aussi important pendant une si longue période ne nous semble pas cohérent avec l’accélération de l’investissement, de l’inflation et des salaires retenue par ailleurs dans le scénario du Gouvernement. Une hypothèse de croissance potentielle moins élevée aurait permis un début de fermeture de l’écart de production. Pour la même trajectoire de déficit nominal, elle aurait conduit à un ajustement structurel moins important.

Enfin, le Haut Conseil regrette que la croissance potentielle, dont l’estimation est entourée de fortes incertitudes – comme il a eu l’occasion de le rappeler dans son avis relatif au projet de loi de programmation – ait été révisée en décembre 2014, quelques mois seulement après l’adoption de cette loi. Le fait que le programme de stabilité révise la croissance potentielle arrêtée dans la loi de programmation, qui constitue la référence pour examiner le respect par le Gouvernement des objectifs de solde structurel, pose à cet égard un problème de principe. En effet, cette révision rend peu lisible le partage entre les composantes conjoncturelles et structurelles du solde public et rend difficile l’analyse de la politique budgétaire. Dans ces conditions, le Haut Conseil recommande que la croissance potentielle ne soit pas trop fréquemment révisée.

Rappelons que pour apprécier la cohérence des textes financiers avec les orientations annuelles de solde structurel, c’est la croissance potentielle présentée dans la dernière loi de programmation qui constitue la référence, en application des dispositions de la loi organique du 17 décembre 2012. Le Haut Conseil l’utilise dans ses avis sur les projets de loi de règlement, ce que nous ferons, à la fin du mois de mai, pour l’exercice 2014.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Je vous remercie d’avoir salué la prudence avec laquelle le Gouvernement a choisi l’ensemble des hypothèses macroéconomiques associées au programme de stabilité.

Vous relevez l’importance de l’écart entre la prévision de croissance et la croissance potentielle : je précise que cette différence n’a aucun impact sur le déficit nominal.

La Commission européenne dispose de ses propres estimations relatives à la croissance potentielle. Elles ne sont malheureusement pas très accessibles contrairement à ce qui se passe aux États-Unis où des données lisibles et accessibles à tous sont publiées sur un site internet. Quel écart avez-vous constaté entre ces estimations et celles du Gouvernement ? Que vous inspirent ces différences ?

L’avis du Haut Conseil évoque « des risques financiers importants ». Nous savons que, si la faiblesse des taux d’intérêt profite bien aux finances publiques, elle pousse les investisseurs à chercher des rendements élevés de façon parfois hasardeuse, ce qui est propice à l’éclosion de bulles. Votre position n’est-elle qu’un appel à la prudence fondé sur l’analyse ou avez-vous déjà enregistré certaines alertes ?

M. Dominique Lefebvre. Le caractère prudent des prévisions, que vous avez souligné, est en rupture avec des pratiques anciennes qui conduisaient souvent à présenter des textes sur le fondement d’hypothèses irréalistes, comme le montrent les travaux menés par la Cour des comptes depuis dix ans. Nous espérons évidemment que la situation sera meilleure demain. Les bénéfices que nous en tirerons devront prioritairement servir au désendettement du pays.

Le Haut Conseil semble considérer lui-même que les concepts de croissance potentielle et d’écart de production sont, en quelque sorte, aléatoires. Un problème de principe se pose en tout cas concernant leur utilisation, et je retiens qu’il serait préférable d’assurer en la matière une certaine stabilité. Le débat sous-jacent porte sur l’ampleur de l’effort structurel mais, comme vient de le dire notre rapporteure générale, le plus important est bien de nous situer sur une trajectoire de réduction du déficit nominal qui permette de sortir le plus rapidement possible de la procédure pour déficit excessif. Nous assumons pleinement le choix politique consistant à ne pas aller au-delà des mesures d’économies sur la dépense publique de 50 milliards d’euros – les modèles de la Commission européenne montrent d’ailleurs que ce serait pénalisant pour la croissance – nonobstant les discussions auxquelles peuvent se livrer les spécialistes sur le mode de calcul de la croissance potentielle et l’écart de production.

M. Hervé Mariton. Le Haut Conseil constate que les risques financiers sont difficilement évaluables. Est-il possible de mieux cerner ce sujet, notamment au travers de travaux scientifiques ?

L’analyse relative à l’écart de production et à la croissance potentielle ne conduit-elle pas finalement à considérer que ces concepts sont inopérants ? Je comprends que le Haut Conseil se prononce dans un cadre qui lui est imposé ; il pourrait cependant suggérer que d’autres critères soient utilisés.

M. le président Gilles Carrez. C’est certain !

M. Charles de Courson. Ce n’est pas moi qui dirai le contraire : je n’ai jamais cessé de défendre cette thèse.

Dans le style inimitable de la Cour des comptes, le Haut Conseil évoque une « croissance potentielle, dont l’estimation est entourée de fortes incertitudes ». Ces fortes incertitudes portent à mon sens sur le concept lui-même. S’il n’a plus beaucoup de sens, la distinction entre mesures conjoncturelles et mesures structurelles est remise en cause.

La croissance potentielle yoyote mais l’avis ne dit rien sur le taux retenu. Quel est-il ? La faiblesse de l’investissement pose un problème : en 2014, l’investissement des entreprises non financières croît de 0,7 % mais, en 2015, elle augmente seulement de 0,3 %. Comment justifier la reprise affichée pour les deux années suivantes, avec un taux de 3,3 %, alors que les taux de marge, qui sont les plus faibles d’Europe, n’augmentent pas sensiblement ? Je rappelle que nous avons six points d’écart en la matière par rapport à la moyenne européenne.

L’avis revient fréquemment sur la prudence dont fait preuve le Gouvernement dans le choix de ses hypothèses. Je ne saurais la lui reprocher car j’ai toujours plaidé en ce sens. Cela dit, avons-nous affaire à de la prudence ou à de la tactique politique ? Le Gouvernement ne devient-il pas subitement prudent, après avoir oublié de l’être pendant trois ans, parce qu’il espère que les résultats seront meilleurs que les prévisions et qu’il pourra s’en féliciter ? N’est-ce pas seulement un petit jeu politicien ? Qu’en pensez-vous ?

Mme Eva Sas. Le Haut Conseil estime que la croissance pour 2016 et 2017 dépendra de la reprise de l’investissement et de la demande intérieure. A-t-il réfléchi à la nature de l’investissement en question ? Son impact diffère selon les secteurs concernés, notamment pour ce qui concerne l’emploi ? Comment maintenir cet investissement, je pense notamment à l’investissement public qui subit les baisses actuelles des dotations aux collectivités locales ?

M. Pierre-Alain Muet. Le Haut Conseil considère à juste titre que l’écart de production reste élevé, mais cela s’explique par la surévaluation passée de la croissance potentielle. Quand les conjoncturistes la calculaient « à la main », ils traçaient une droite qui traversait leur graphique du cycle économique. Nous employons aujourd’hui des méthodes sophistiquées, mais nous ne sommes pas si éloignés des anciens calculs, au détail près que nous révisons beaucoup trop chaque année.

La zone euro a connu, depuis deux ans et demi, une récession d’une ampleur jamais atteinte, sinon dans les années 1930, dont les causes ont disparu avec les politiques d’austérité qui s’étaient multipliées : nous avons désormais des politiques budgétaires neutres et une politique monétaire fortement expansionniste. Nous devrions constater une croissance effective supérieure à la prévision du Gouvernement, ce qui réduira l’écart de production. Pour une fois, nous avons des chances d’avoir de bonnes nouvelles.

M. Olivier Carré. Comme Pierre-Alain Muet, je suis convaincu que la croissance réelle devrait, sauf accident, être supérieure à ce qui est prévu. Mais tout cela relève plus à mon sens d’un exercice de communication de la part du Gouvernement que des résultats d’une politique économique. À tel point que le Haut Conseil constate lui-même qu’une « sous-utilisation aussi importante et aussi durable des moyens de production ne s’accorde pas avec l’accélération de l’investissement, de l’inflation et des salaires retenue par ailleurs dans le scénario du Gouvernement ». D’un côté, lorsque le Gouvernement s’exprime pour la Commission européenne ou devant nous, il nous dit que tout va bien en annonçant que les efforts consentis sur le plan de la gestion portent leurs fruits et il cite la réduction du déficit structurel. D’un autre côté, il annonce, à l’intention de l’opinion publique, que les salaires continueront d’augmenter, et que la reprise est là grâce aux outils, comme le CICE, qu’il a mis en place pour soutenir l’économie. Avec de telles contradictions, il y a de quoi être un peu schizophrène.

En fait, les dépenses structurelles continuent de progresser. Il n’y a qu’à voir, en matière de dépenses publiques, l’évolution de la masse salariale qui, mois après mois, repart à la hausse, à un rythme largement supérieur à celui de l’inflation. Le Gouvernement ne s’en cache pas : les ministres annoncent même, les uns après les autres, qu’ils embauchent ici dix mille fonctionnaires supplémentaires, là cinq mille autres. La réalité des chiffres finit par parler.

Il faudrait tout de même finir par établir des étalons. Dans l’esprit qui a prévalu lors de la fondation du Haut Conseil, je ne trouve pas normal que le Gouvernement joue avec la notion de croissance structurelle. Elle devrait être déterminée par le Haut Conseil, « certifiée » par lui en quelque sorte, à partir des travaux des divers instituts et économistes
– je crois que c’est un peu le système retenu en Allemagne. Cette donnée est en effet cardinale pour observer toutes les autres évolutions, notamment celles des déficits.

M. Régis Juanico. Les hypothèses retenues pour la croissance sont de 1 % en 2015, 1,5 % en 2016 et 2017, et 1,75 % en 2018. Même si M. Sapin parle d’objectifs planchers, nous nous demandons si nous sommes condamnés à des taux limités entre 1 et 2 %, sachant que l’on nous répète que cela ne suffit pas pour créer de l’emploi. Pouvons-nous aller au-delà de ces prévisions ?

Vous expliquez que la reprise ne sera durable que si elle est soutenue par la demande intérieure et vous avez évoqué le rôle de l’investissement. Pensez-vous aussi que des mesures de soutien pourraient être prises en particulier en direction des ménages en termes de salaires et de pouvoir d’achat ?

M. Jérôme Chartier. Le président du Haut Conseil des finances publiques nous a indiqué qu’une croissance durable nécessitait une reprise de la demande intérieure et des exportations. Il me semble qu’il faut ajouter un ingrédient supplémentaire : les mesures que doit prendre le Gouvernement pour fluidifier le marché du travail sans lesquelles il n’y aura pas en France de croissance durable et véritable.

M. Christophe Caresche. L’introduction des notions de croissance potentielle et d’indicateurs structurels, qui figurent dans le traité budgétaire, constitue plutôt un progrès dans la mesure où elles permettent de tenir compte de la conjoncture. À l’évidence, c’est un plus par rapport à un indicateur purement nominal. Une divergence d’appréciation existe bien concernant la croissance potentielle entre la Commission européenne et la France, mais elle n’est pas nouvelle. La vision assez pessimiste de la Commission n’est pas vraiment partagée par notre pays, et cette différence d’analyse explique en partie les discussions en cours. Pour ma part, à l’instar de Pierre-Alain Muet, je ne suis pas certain que l’approche de la Commission européenne soit réaliste. Le débat existe ; la réalité tranchera

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous revenons en permanence au débat sur la croissance potentielle et la croissance structurelle. Nous n’en sortirons jamais ! Plutôt que de rendre notre politique économique et financière illisible, nous avons besoin d’indicateurs probants et constants.

L’avis du Haut Conseil évoque deux scenarii dont celui d’un rebond sans reprise dans lequel la demande interne, ne bénéficie plus « des stimuli du pétrole et du change ». La juxtaposition avec le scénario proposé par le Gouvernement, quelques lignes plus loin, montre à quel point sa réponse n’est pas à la hauteur de la situation que vous décrivez. Pour le Gouvernement, « l’emploi total augmenterait de 0,3 %, en raison d’un nouvel accroissement du nombre de contrats aidés ». On fabrique à nouveau du contrat aidé pour relancer l’emploi : je ne crois pas que cela soit la bonne solution.

M. Alain Fauré. Je suis surpris que, parmi les conditions favorables au rebond, vous ne citiez que des éléments extérieurs comme la baisse du dollar ou du pétrole, et jamais des outils mis en place par le Gouvernement comme le CICE, le Pacte de responsabilité ou les investissements dans divers domaines.

M. le président Gilles Carrez. Cela est explicitement cité dans l’avis du Haut Conseil.

M. Alain Fauré. Son président n’en a pas parlé, et je n’étais peut-être pas le seul à souhaiter que cela soit dit.

La baisse des prix du pétrole a permis aux ménages de bénéficier de 10 milliards d’euros. Pourquoi ce montant ne se retrouve-t-il pas dans leurs dépenses ? Vous souhaitez une relance de la consommation mais l’augmentation des salaires pourrait finalement se révéler contre-productive et ne pas favoriser la reprise ?

Mme Karine Berger. Vous avez eu raison de signaler que l’évaluation de la croissance potentielle faisait de nouveau l’objet de débats. Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, j’avais moi-même souhaité modifier l’évaluation du solde conjoncturel et du solde structurel proposée par le Gouvernement car je considérais que l’estimation de la croissance potentielle était trop faible – elle est à mon sens plus proche de 1,5 % que de 1 %. Votre avis donne cependant le sentiment qu’il pourrait exister un débat sur cette évaluation. Or le six pack et le two pack sont très clairs : la Commission européenne fixe la croissance potentielle, et le Gouvernement français n’a pas son avis à donner. Qu’est-ce qui vous amène à suggérer que la croissance potentielle révisée pourrait relever de la responsabilité du Gouvernement ?

Le Haut Conseil laisse par ailleurs entendre que l’ajustement budgétaire de 4 milliards d’euros annoncé par le Gouvernement n’aurait pas d’influence sur le scénario macroéconomique. Pourquoi considérer qu’un ajustement budgétaire, certes mesuré mais de 4 milliards tout de même, n’aurait pas d’effet sur le scénario macroéconomique ? L’économiste que je suis est un peu interloquée par cette formule car, à ma connaissance, tout ajustement budgétaire a un impact sur ce scénario.

L’avis du Haut Conseil écarte au stade actuel l’hypothèse selon laquelle nous pourrions être dans un scénario déflationniste. Vous considérez la baisse de l’euro et celle des prix du pétrole comme des signaux positifs, mais certains économistes suggèrent qu’elles dessinent un scénario de déflation parfaitement lisible aujourd’hui dans les bilans des banques allemandes ou françaises. Le Haut Conseil a-t-il lu les analyses de nombre d’économistes européens selon lesquels ces baisses nominales de prix ne sont pas des signaux de reprise mais des éléments déflationnistes ?

M. Razzy Hammadi. Quel est votre avis sur la nature de la politique de l’offre et notamment sur son ciblage ? Nous avons constaté que le CICE et le Pacte de responsabilité ne ciblaient pas forcément tous les objectifs retenus avec l’ensemble des masses allouées.

Le programme de stabilité s’intègre dans le semestre européen qui permet de coordonner les politiques budgétaires. Or, vous ne citez pas, par exemple, le plan Juncker, sur lequel nous avons rédigé un rapport, avec mon collègue Arnaud Richard, dans le cadre de la commission des affaires européennes de notre assemblée...

M. le président Gilles Carrez. Le plan Juncker est bien évoqué dans l’avis !

M. Razzy Hammadi. Certes, mais les conséquences de ce plan ne sont pas intégrées, notamment pour ce qui concerne l’écart de production.

L’euro et le pétrole sont souvent cités mais la question de l’inflation importée, notamment en cas d’une éventuelle remontée des taux aux États-Unis, est rarement abordée. Elle aurait un effet majeur sur les projections actuelles.

M. le président Gilles Carrez. Je me réjouis, comme plusieurs de mes collègues, que l’on insiste sur le solde nominal plutôt que sur le solde structurel. Nous avons vu toutes les difficultés rencontrées pour passer de la croissance effective à la croissance potentielle. Globalement, nous aurions bien besoin que le Haut Conseil nous apporte des outils méthodologiques plus fiables et qu’il fasse des choix.

Je pense en particulier à l’inflation que vous évoquez en parlant de la nécessité de trouver 4 milliards d’euros d’économies « structurelles » à la demande du Conseil de l’Union européenne du 10 mars dernier. Parce que nous calculons nos économies en tendance, et que nous avons surestimé l’inflation, il nous manque quelques milliards – par exemple au titre du blocage du point d’indice. Le Gouvernement proposera très probablement de parvenir à la somme de 4 milliards grâce aux économies sur les frais financiers. Pourtant il me semble que ce type d’économies fondées sur l’évolution des taux d’intérêt – qui pourraient parfaitement repartir à la hausse sous influence de la Réserve fédérale américaine, comme vient de le dire Razzy Hammadi – ne relève pas de la notion d’effort structurel. Il s’agit d’économies de constat. Aujourd’hui, on mélange allégrement le structurel et le nominal, et cette confusion finit par nuire à la clarté de l’avis du Haut Conseil. Comment ce dernier pourrait-il nous aider à apporter un peu de clarté là où le Gouvernement ne semble pas très enclin à en mettre ?

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Je ne referai pas l’historique des traités européens, mais si les concepts de croissance potentielle et de déficit structurel ont été imaginés, c’est aussi pour répondre à un certain nombre de préoccupations partagées par les responsables politiques quant aux interprétations à donner aux déficits réels ou nominaux. Parfois, estimaient-ils, des situations particulières pouvaient amener à ne pas raisonner seulement à partir du conjoncturel.

Nous partageons les préoccupations qui se sont exprimées concernant ces concepts et les parts respectives du conjoncturel et du structurel. Cela dit, comme votre rapporteure générale l’a souligné, la croissance potentielle n’a pas d’impact sur le déficit nominal. Les débats sur le partage entre conjoncturel et structurel permettent en tout cas aux économistes de s’en donner à cœur joie. Disons que les points de vue sont divers.

Pour ce qui concerne ce que j’aurais pu dire ou pas, et ce que l’avis peut contenir, je me permets de vous renvoyer à la source. J’ai par exemple clairement indiqué dans mon exposé liminaire que « les baisses d’impôts et de cotisations pour les entreprises mises en œuvre dans le cadre du CICE et du Pacte de responsabilité et de solidarité contribuent à baisser le coût du travail ». J’espère que cela donne satisfaction à M. Fauré. Quant à la lecture attentive de l’avis du Haut Conseil, elle rassurera M. Hammadi.

Pourquoi évoquons-nous les risques financiers ? Il est vrai que l’intégration de la sphère financière dans les prévisions macroéconomiques est très partielle, que ce soit dans le scénario du Gouvernement ou dans les hypothèses que retient la Commission européenne. Il faut cependant reconnaître que le Gouvernement intègre une remontée des taux courts de 0,1 % à 1,7 % entre 2015 et 2018, et des taux longs qui passeraient de 0,8 % à 3,3 %. Il n’intègre pas en revanche l’ensemble des risques financiers, ce que personne ne fait faute d’instruments adéquats. Ces risques sont néanmoins identifiés : le FMI évoque leur accroissement éventuel, et nous avons auditionné des économistes qui les mentionnent en se fondant sur la faiblesse des taux d’intérêt et la constitution de nouvelles bulles – certains n’écartent pas le risque systémique. Nous devons toutefois faire la part des choses : ces mêmes économistes, qui ont parfois échoué à anticiper la crise financière de 2008, sont sans doute extrêmement attentifs à l’ensemble des paramètres actuels, et ils ont tendance à insister sur ces risques. Leurs analyses sont néanmoins à prendre en considération car ce qui se passe sur les marchés financiers peut être facteur de risques.

En 2014, l’hypothèse de croissance potentielle du Gouvernement et de la Commission était de 1 %, chiffre qui se retrouvait dans la loi de programmation des finances publiques. En 2015, le Gouvernement a retenu l’hypothèse initiale de la Commission de 1,1 %, mais cette dernière a modifié sa prévision pour la fixer à 1 %. Pour 2016, l’estimation de la Commission est de 1,1 %, et celle du Gouvernement de 1,5 %, après qu’il l’a modifiée par rapport à la loi de programmation, qui la fixait à 1,3 %. Pour 2017, la Commission n’a pas de prévision et le Gouvernement prévoit une croissance potentielle de 1,5 %, qui se situerait à 1,4 % après 2017. Le Gouvernement se situe plutôt dans la fourchette haute des estimations de la croissance potentielle.

Mme Berger a rappelé qu’il appartenait à la Commission européenne d’apprécier la croissance potentielle ; il n’en demeure pas moins que de nombreux gouvernements avancent des estimations différentes. C’est le cas de la France. Le Haut Conseil considère que le concept de croissance potentielle peut être utile mais qu’il comporte beaucoup d’incertitudes, en particulier dans une période atypique de longue stagnation – notre PIB se situe à peine au-dessus de celui enregistré en 2007. Ces dernières années, les importantes révisions à la baisse de la croissance potentielle et de l’écart de production rendent l’utilisation du concept difficile. Nous avons commencé à travailler sur le sujet ; nous y reviendrons dans le cadre de l’avis que nous donnerons sur le projet de loi de programmation.

Le Haut Conseil ne prétend pas que le nouvel ajustement budgétaire de 4 milliards d’euros annoncé par le Gouvernement n’aura pas d’influence sur le scénario macroéconomique ; il dit qu’il ne devrait « guère » en avoir. Ce n’est pas pareil ! Le Haut Conseil se fonde sur la nature de cet ajustement qui, d’après ce qui a été annoncé par le Gouvernement, repose essentiellement sur des économies de constatation.

Monsieur Lefebvre, nous ne considérons pas que l’effort structurel ne sera pas celui qui est annoncé par le Gouvernement. Nous constatons seulement que ce dernier relève son estimation de l’effort structurel. Elle passe de 0,3 %, dans la loi de programmation, à 0,5 %, ce qui ne correspond pas à demande la Commission européenne, soit 0,8 %, et crée un débat avec elle. La hausse de l’effort structurel est liée la croissance potentielle mais aussi aux mesures complémentaires annoncées pour 2016.

M. Hervé Mariton. Comment joue la croissance potentielle ?

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Elle permet d’enregistrer un effort structurel de 0,1 point.

M. Hervé Mariton. Autrement dit, elle permet de parcourir la moitié du chemin !

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. La prudence du Gouvernement est-elle tactique ? Il ne m’appartient pas de porter une appréciation sur ce sujet.

Je confirme ce qui est écrit dans l’avis concernant l’écart de production. À partir du moment où l’on enregistre une certaine reprise, il peut paraître étonnant qu’il ne se réduise pas.

Il est difficile de savoir si le rebond actuel se transformera en reprise durable. En tout état de cause, nous disons que cela ne sera le cas que si des moteurs internes prennent le relais, et nous citons, à titre principal, l’investissement. Aujourd’hui, la reprise est portée par la consommation. La baisse du prix du pétrole, dont j’ai dit que l’impact pour les ménages s’élevait à 10 milliards d’euros, a des conséquences assez fortes sur la consommation. Pour que le rebond devienne reprise durable il faut que l’investissement reprenne...

Mme Marie-Christine Dalloz. Et aussi les exportations !

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. La question de la capacité des entreprises françaises à faire face à une demande accrue se pose alors. C’est tout le débat sur la compétitivité de notre économie.

La France est-elle condamnée à une faible croissance ? Elle ne l’est pas si des moteurs internes prennent le relais. De nombreux économistes estiment néanmoins que nous pouvons connaître une période longue de croissance molle tandis que d’autres pensent que le rebond sera plus important et durable. Pour le moment, tout cela doit être confirmé : nous ne disposons que de quelques signes d’un rebond.

Le Haut Conseil ne retient pas de schéma déflationniste. Il est vrai que la hausse des prix est négative sur un an. L’INSEE fait encore apparaître pour le mois dernier une diminution des prix sur un an de 0,1 %, soit une hausse par rapport au mois précédent, durant lequel cette diminution était de 0,2 %. Cependant ces données résultent essentiellement de l’impact direct de la baisse des prix pétroliers. Si l’on raisonne hors énergie, l’inflation sous-jacente reste légèrement positive : 0,2 % sur un an au mois de mars. Quant à l’augmentation nominale des salaires, elle est supérieure à 1 % – de 1,3 à 1,4 % en 2015-2016 – ce qui, d’une certaine façon, constitue un frein à une nouvelle baisse des prix. Le prix de la production nationale reste proche de 1 % en rythme annuel. Les anticipations d’inflation à long terme sont également positives du côté de la Commission européenne et de la BCE – cela dit, il est logique que la BCE anticipe une reprise de l’inflation si elle croit à sa propre politique – même si, de leur côté, les analystes financiers anticipent moins une accélération de l’inflation.

La baisse de l’euro contribuera sans doute aussi à augmenter l’inflation. On peut concevoir que les décisions prises par la BCE auront des conséquences de ce point de vue.

Dans le cadre du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, que je devrais pouvoir vous présenter dans la seconde quinzaine de juin, la Cour des comptes reviendra sur la question de l’investissement, notamment de l’investissement public.

M. Jean Lassalle. Après vous avoir attentivement écouté, monsieur Migaud, j’ai le sentiment que nous ne pouvons pas grand-chose à quoi que ce soit. Si j’ai bien compris, tout va mieux si le pétrole baisse mais tout peut se retourner à tout moment. Quelle est la marge d’action de la France aujourd’hui ?

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Les décisions politiques ont une influence sur le cours des événements. Les choses ne viennent pas du ciel ; tout est bien la conséquence de décisions humaines et politiques. Il ne faut pas démissionner !

Les élus ont raison de croire que l’action politique peut contribuer à améliorer les choses même s’il est vrai que le décideur politique n’est pas seul : les acteurs économiques jouent un rôle, et certaines décisions prises sur le plan financier peuvent peser. Évidemment, il y a aussi, en économie, une part subjective et irrationnelle.

M. Jean Lassalle. Vous m’avez rassuré !

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. J’en suis très heureux.

M. le président Gilles Carrez. Tout comme nous sommes heureux de vous avoir entendu ce matin, monsieur le Premier président. Nous vous remercions.

AUDITION DE MM. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES ET CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D’ÉTAT AU BUDGET, SUR LE PROGRAMME DE STABILITÉ

Lors de sa séance du 15 avril 2015 à 12 heures, la Commission entend M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics et M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

M. le président Gilles Carrez. Tout d’abord, un regret. Contrairement aux années précédentes, le programme de stabilité, qui vient d’être discuté ce matin en Conseil des ministres, ne donnera pas lieu cette année à un débat, ni à un vote, dans l’hémicycle. Ce regret est accentué par une annonce qui paraîtra tout à l’heure dans un journal de l’après-midi, selon laquelle il ne serait pas non plus présenté de collectif budgétaire de milieu d’année, alors même que tout un ensemble d’éléments plaident pour une révision budgétaire. Dès le mois de janvier, il a ainsi fallu dégager plus de un milliard d’euros de crédits supplémentaires pour des actions de lutte contre le terrorisme et l’extension du service civique. De même, le 10 mars, le Conseil de l’Union européenne a demandé à la France de dégager 4 milliards d’euros, en recettes ou en économies supplémentaires. Enfin, vous avez annoncé de nouvelles mesures fiscales en faveur des entreprises, dont une, qui pèsera dès l’exercice 2015, visant à améliorer le régime d’amortissement dégressif des acquisitions de biens industriels ; cette mesure serait intégrée, sans aucune étude d’impact, dans une loi autre qu’une loi de finances, au mépris des circulaires successives des Premiers ministres successifs.

L’an dernier, alors que la nécessité d’une révision budgétaire n’était pas si claire, le Premier ministre, lors du débat sur le programme de stabilité, nous avait indiqué que soumettre ce document à l’Assemblée était « un respect que nous devons au Parlement quand il s’agit de faire des choix qui engagent la France devant les Français, qui engagent aussi sa crédibilité devant l’Europe ». En outre, nous avons eu un collectif budgétaire l’an dernier. Pour quelles raisons faut-il attendre la présentation de la prochaine loi de finances initiale, à l’automne, pour savoir comment seront financées les dépenses supplémentaires, de quelle manière s’organisera la réponse à la demande de la Commission européenne, ainsi que les autres questions de fond ?

Je ne minore pas le rôle de la commission des finances, puisque, bien que nous soyons en vacances parlementaires la semaine prochaine, nous écouterons mercredi la présentation d’un rapport de notre rapporteure générale sur le programme de stabilité. J’espère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous serez présents pour répondre à nos questions. Le programme de stabilité est un document relativement hermétique et nous le découvrons à l’instant : il nous est donc un peu difficile de réagir maintenant. Nous serons plus à même de le faire la semaine prochaine. En revanche, nous comptons sur vous pour nous présenter ici de façon pédagogique ce document qui, comme le soulignait l’an dernier le Premier ministre, est d’une extrême importance pour notre pays.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je croirais, monsieur le président, me retrouver à l’époque où j’étais enfant de chœur et où je me faisais réprimander par le curé pour tous ceux qui étaient absents alors que j’étais là. Nous sommes heureux d’être à votre disposition dès la sortie du Conseil des ministres, de même que nous serons à votre disposition la semaine prochaine pour répondre à des questions plus approfondies.

Nous sommes à la date habituelle des engagements européens de coopération, d’information mutuelle, de solidarité visant à permettre à la Commission européenne et aux autres pays partageant la même monnaie de porter un jugement sur nos stratégies budgétaires et nos plans de réforme. À cette fin, deux documents seront communiqués à la Commission européenne et à l’ensemble de nos partenaires, et donneront lieu à un examen et à un avis de la Commission européenne, avant un vote du Conseil. Ces deux documents sont notre stratégie budgétaire, que nous allons vous présenter ici, et un plan national de réformes. Conformément à la décision prise par la Conférence des présidents de votre Assemblée, un débat aura lieu début mai dans l’hémicycle sur ces questions.

La première caractéristique du présent programme de stabilité est le retour à la croissance. C’est le sujet fondamental : une croissance supplémentaire permet de faire reculer le chômage, principale préoccupation de nos concitoyens. Nous apportons dans le programme de stabilité les éléments, déjà évoqués la semaine dernière, concernant les moteurs de cette croissance.

Un premier moteur s’est allumé : la consommation des ménages. Elle était déjà repartie en 2014 et la tendance se confirme en 2015. Certains phénomènes la soutiennent : une inflation nulle, des revenus qui continuent à augmenter à une vitesse supérieure à celle de l’inflation, des décisions de diminution des impôts – neuf millions de Français verront leurs impôts baisser cette année, ce qui soutiendra leur capacité de consommation. Il faut entretenir ce moteur.

Le deuxième moteur est celui des exportations. Sous l’effet d’un niveau de l’euro bien plus favorable, notre capacité à l’exportation s’est renforcée, de même que notre capacité à résister aux importations hors zone euro. En outre, la croissance est plus forte sur l’ensemble de la zone, notre principal partenaire. Ce moteur s’est également allumé et continuera de monter en puissance.

Le troisième moteur est celui de l’investissement, en particulier des entreprises. Des mesures ont été prises la semaine dernière. Le premier élément qui permettra aux entreprises d’investir est la reconstitution de leurs marges au niveau de 2010 ; ces marges parviendront au niveau de 2007 ou 2008 en 2016 et 2017. Sous-jacente à la croissance en 2015 et 2016 : une légère reprise de l’investissement, de 1,2 %, en 2015, et une plus forte reprise en 2016, de 4,6 %. C’est parfaitement en ligne avec ce qui se passe habituellement en période de reprise.

Nos hypothèses de croissance sont inchangées pour 2015, à 1 %, même si tout converge pour indiquer que la croissance pourrait être supérieure. Nous avons également décidé de faire des hypothèses extrêmement réalistes, prudentes en 2016 et 2017, de 1,5 % chacune de ces années. J’ai apprécié que le Haut Conseil des finances publiques déclare ce matin que nos hypothèses sur ces trois années sont prudentes ; c’est la première fois que cette institution porte un tel jugement. C’est un élément de crédibilité de notre démarche.

D’une stratégie de plafond, par laquelle on se fixe un objectif de croissance, que l’on avait tendance, les uns et les autres, à ne pas atteindre, nous passons à une stratégie de plancher. Nos hypothèses de croissance sont des hypothèses planchers : notre stratégie doit nous permettre d’aller au-delà. Ce n’est pas une vision pessimiste mais réaliste ; si la croissance est plus élevée, il sera plus agréable de répondre à la question de savoir que faire de la croissance supplémentaire plutôt qu’à celle de savoir ce qu’il faudra faire faute d’avoir atteint les objectifs de croissance que l’on s’était fixés.

Notre stratégie de réduction des déficits consiste, après une période d’explosion en 2009 et 2010, à les diminuer, non seulement pour respecter la règle des 3 %, mais surtout pour enrayer l’endettement de la France et retrouver des marges de manœuvre pour financer nos priorités. Nous proposons cette année un objectif de 3,8 % de déficit, alors que la Commission européenne recommandait 4 % ; nous proposons 3,3 % pour l’année prochaine, alors que la Commission européenne recommande 3,4 % ; et 2,7 % pour 2017 alors que la Commission européenne recommande 2,8 %. C’est une trajectoire quasi identique à celle que vous avez votée dans la loi de programmation des finances publiques en décembre dernier. Ce n’est donc pas parce que l’on nous aurait demandé de le faire que nous le faisons mais parce que nous l’avons décidé. Il se trouve que ce que nous avons décidé et les recommandations qui nous sont faites par le Conseil convergent, et c’est bien ainsi ; je préfère les convergences aux divergences. Mais nous appliquons nos décisions.

Notre plan de 50 milliards d’économies sur trois ans, 2015, 2016 et 2017, n’augmente pas l’effort demandé : c’est celui que vous avez voté. Certaines économies programmées ne se matérialisant pas du fait que nous passons d’une hypothèse d’inflation de 0,9 % à une inflation nulle, ces économies qui ont disparu doivent être compensées, en particulier par des mesures nouvelles à hauteur de 4 milliards cette année. Ce ne sont pas 4 milliards en plus des 21 milliards. Nous ne proposons rien d’autre que d’atteindre l’objectif que vous avez voté. Des mesures complémentaires devront être prises en 2016, dans le même état d’esprit.

Au-delà de la stratégie de croissance et de la réduction des déficits, la question des prélèvements obligatoires est également importante. Alors que 2014 a été l’année de la stabilité des prélèvements – les impôts n’ont pas augmenté par rapport à 2013 –, 2015 sera celle de la diminution des prélèvements par rapport au PIB, et nous continuerons en 2016 et 2017. C’est un engagement qui a été pris. La trajectoire que nous proposons est donc la fin des hausses d’impôts commencée en 2009 et conduite jusqu’en 2013, et, après la stabilité en 2014, la baisse dès cette année.

Un autre élément important en termes de crédibilité est le poids de la dette par rapport à la richesse nationale. Celui-ci n’a cessé d’augmenter ces dernières années, avec un ressaut considérable les années 2009, 2010 et 2011, par rapport à un PIB lui-même en difficulté. Après cette explosion, la dette a continué d’augmenter en 2012, 2013 et 2014. Elle continuera d’augmenter légèrement en 2015 mais se stabilisera en 2016 et diminuera en 2017. Puisque nous partons d’hypothèses de croissance très prudentes, toute croissance supplémentaire ferait diminuer le poids de la dette par rapport au PIB. Les symboliques 100 % de dette par rapport au PIB ne sont pas dans notre trajectoire, bien au contraire.

En quoi ce programme de stabilité est-il différent de la dernière recommandation de la Commission et du Conseil ? Il n’y a pas de différence sur le déficit ; à 0,1 ou 0,2 point près, nous sommes même légèrement en dessous du déficit recommandé. Il n’y en a pas non plus sur les dépenses. Nous avons cependant un point de différence sur l’effort structurel demandé par la Commission européenne en 2016 et 2017. En 2014, la Commission européenne craignait que nous n’ayons pas respecté nos engagements ; elle avait donc une vision critique de la situation. Au moment de sa première recommandation, elle pensait, comme nous d’ailleurs, que nous étions à un déficit de l’ordre de 4,3 % en 2014. Le déficit constaté a en fait été de 4 %. Ceux qui avaient des craintes sur l’exécution de 2014 sont donc aujourd’hui rassurés. Il n’y avait aucune raison de montrer la France du doigt, les obligations en termes d’effort structurel ont été acquittées.

La Commission européenne a considéré raisonnable de recommander 3 % en 2017, au lieu de 2015 initialement, mais elle a souhaité en contrepartie qu’un effort particulier soit déployé en 2016 et 2017 : 0,8 % d’effort structurel en 2016 et 0,9 % en 2017. Or nous avons regardé les choses de près. Si nous vous proposions un tel effort aujourd’hui, cela ne nous permettrait pas d’atteindre la cible plus facilement, au contraire, car cet effort supplémentaire, pour le plaisir du structurel, ferait chuter la croissance en dessous de 1 % et empêcherait la France de faire reculer le chômage et d’atteindre ses objectifs nominaux de déficit. C’est pourquoi nous vous proposons un effort structurel de 0,5 %, qui est déjà exigeant pour toutes les catégories des administrations publiques.

Il existe sur ce point une différence d’appréciation. Le programme de stabilité l’indique clairement : il constate les conséquences de la recommandation de la Commission européenne et propose une autre voie, celle que je vous viens de vous décrire. Je rassure ceux qui pensent qu’une attitude de dialogue est préférable : la Commission européenne ne découvrira pas aujourd’hui ce que nous proposons. J’ai déjà commencé à informer les commissaires concernés. Ils participent à cette réflexion car, au sein même de la Commission européenne, certains ont compris qu’il serait absurde de demander trop si c’est pour aboutir à une croissance plus faible.

La France représente 21 % du PIB de la zone euro ; c’est le deuxième plus haut PIB après l’Allemagne. Ce qui se passe dans notre pays concerne 100 % des autres pays. Diminuer la croissance de ces 21 %, à cause d’une trop grande rigidité, conduirait donc à une diminution de l’ensemble du socle de la zone euro.

Par ailleurs, quand on représente 21 % du PIB, on a aussi une responsabilité vis-à-vis des autres, et il faut que nous l’assumions. C’est ce que nous proposons avec ce programme de stabilité dont les grands équilibres sont fondés sur la réalité, la prudence, le dégagement de marges de manœuvre, une exigence de maîtrise de la dépense publique. Rien de ce qui sera proposé par ce Gouvernement n’entravera donc la reprise de l’activité. Nous devons au contraire prendre des décisions qui confortent et amplifient la reprise de la croissance, ce qui est le seul moyen de recréer des bases économiques, sociales et budgétaires à la fois solides et durables.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget. D’exécution à exécution, la dépense de l’État a diminué de 3,3 milliards d’euros en 2014. Les déficits sociaux ont également diminué. Nous pouvons donc faire des comparaisons sans rougir. Cette meilleure position par rapport à la recommandation de la Commission européenne nous permet d’aborder le présent programme de stabilité dans de bonnes conditions de crédibilité.

Des mesures sont nécessaires en 2015 parce que nous nous sommes engagés à réaliser 21 milliards d’économies et qu’il manque aujourd’hui 4 milliards, pour une raison très simple, c’est que l’absence d’inflation conduit à ce que les économies bâties sur une prévision de 0,9 % d’inflation – sous-indexation de certaines prestations, gel du point d’indice des fonctionnaires, et d’autres – ne produisent pas d’économies comptables. C’est pourquoi nous proposons 4 milliards de modifications en 2015.

Ce n’est pas un plan d’austérité, contrairement à ce que j’ai pu lire hier. Il s’agit tout d’abord de 1,2 milliard de moindre dépense sur la dette, ce qui ne changera pas la vie de nos concitoyens. Les 400 millions d’euros de recouvrement supplémentaire prévus sur le service de traitement des réclamations rectificatives – STDR – ne pèsent pas sur la situation des personnes en situation régulière vis-à-vis de l’impôt, et la reprise des sous-exécutions de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie – ONDAM – n’est pas non plus une mesure d’austérité.

Certaines mesures de dépenses seront probablement un peu plus difficiles à mettre en œuvre. Elles concernent l’État à hauteur de 700 millions d’euros : un décret d’annulation vous sera transmis, comme le précédent, probablement au début du mois de juin. Les dépenses de certains opérateurs ou agences de l’État seront réduites de 500 millions d’euros. Ces mesures, ainsi que 200 millions de dividendes supplémentaires attendus notamment du côté de la Banque de France, font 4 milliards d’euros.

Aucune mesure nouvelle n’est prévue en 2015 sur les collectivités territoriales. Les mesures les concernant sont connues depuis longtemps, bien avant les élections municipales. Les 3,66 milliards d’économies ayant été diminués d’une majoration de la dotation de solidarité rurale – DSR – et d’une modification sur le Fonds de compensation pour la TVA – FCTVA –, nous sommes donc plutôt aux alentours de 3,4 milliards. Cela reste important mais c’était connu. Les cris d’orfraie de ceux qui se sont engagés dans des campagnes municipales en affirmant qu’ils n’augmenteraient pas les impôts sont surprenants. L’augmentation de 0,9 % des bases d’imposition forfaitaires que le Parlement a décidée à la fin de l’année dernière permet de dégager 580 millions de recettes supplémentaires pour les collectivités territoriales, sans modification des taux d’imposition. Ceux qui prétendent réaliser 120 à 140 milliards d’économies en trois ans, tout en trouvant insupportable nos 3,4 milliards moins les 580 millions, devront démontrer comment ils entendent s’y prendre.

Je vous confirme que je serai là mercredi prochain pour répondre à vos questions.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Je suis parfaitement en ligne avec le fait que la préservation du rebond de la croissance est l’objectif prioritaire du Gouvernement. C’est certainement le levier le plus puissant pour améliorer la situation des comptes publics.

Vous avez expliqué que le programme de stabilité s’en tenait aux engagements votés par cette assemblée. La Commission européenne a une vue un peu différente sur le déficit non pas nominal mais structurel. Si une réduction supplémentaire de dépenses avait lieu, quel en serait l’impact sur la croissance économique ? Je sais que le modèle MÉSANGE, à Bercy, fonctionne bien. Quelle est la sensibilité de notre PIB à la baisse de la dépense publique ? Un tel calcul est-il connu de vos services ?

Ce matin, le président du Haut Conseil des finances publiques, M. Didier Migaud, que nous avons auditionné, a salué la prudence des paramètres sur lesquels repose ce programme de stabilité. Il en a mentionné un que vous n’avez pas abordé : les risques financiers. Comment les évaluez-vous et de quelle manière les avez-vous pris en considération ?

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Permettez-moi tout d’abord de vous interroger sur la procédure. L’Union européenne, en particulier dans ses procédures de coordination et de surveillance économiques, est déjà considérée comme opaque ; nos concitoyens éprouvent une certaine incompréhension, voire une certaine défiance. Cela indique, selon moi, la nécessité de mieux y associer les représentants du peuple et les partenaires sociaux. Alors que nous vous avons, avec Gilles Carrez, adressé un courrier commun demandant que les commissions des finances et des affaires européennes soient associées en amont aux concertations du Gouvernement avec la Commission européenne sur le programme de stabilité, nous n’avons à ce jour pas reçu de réponse. C’est dommage.

Le renforcement de la légitimité démocratique sera, me semble-t-il, une piste essentielle des propositions des quatre présidents relatives à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Comment entendez-vous mieux associer nos commissions à l’élaboration des programmes de stabilité et de réforme avant leur présentation devant le Parlement ? Pouvez-vous, par ailleurs, permettre aux parlementaires d’exercer leur droit d’amendement sur ces programmes lorsqu’un débat est organisé dans l’hémicycle ?

Sur le fond, le 26 février, la Commission européenne a redit que la situation économique de la France présentait des déséquilibres macroéconomiques excessifs et a ciblé, même si c’est sans le dire, le modèle français de protection des travailleurs. Est-ce seulement une impression de ma part, ou une dérégulation du travail est-elle toujours à l’ordre du jour de la Commission européenne ?

Enfin, pouvez-vous détailler un peu plus les économies prévues pour 2016 et 2017 ?

M. Olivier Faure. J’admire la complémentarité entre le cardinal Sapin et le gladiateur Eckert, qui ont anticipé, l’un et l’autre dans des exercices différents, les réactions à ce programme à la fois crédible, prudent et équilibré.

M. Michel Sapin a évoqué le différend qui l’oppose à la Commission européenne, ainsi qu’à l’UMP et à l’UDI : je crois comprendre que le président Carrez considère que les ajustements structurels ne sont pas assez rapides et préfère la trajectoire fixée par Bruxelles à celle du Gouvernement. Dans le dialogue que vous aurez avec la Commission européenne, quelle est votre capacité à faire entendre la voix de la France, à tenir sur ce que vous proposez ce matin ? De quelles études d’impact disposez-vous permettant de démontrer à l’Union européenne que les objectifs peuvent être atteints avec une politique différente ?

Enfin, un groupe de travail a été constitué concernant la taxe sur les transactions financières, groupe de travail qui réunit onze pays de l’Union. Pouvez-vous nous donner des éléments sur l’avancée du débat ?

M. Hervé Mariton. L’échange, tout à l’heure, avec le président du Haut Conseil des finances publiques a beaucoup porté sur la réévaluation de la croissance potentielle. L’écart entre ce qui est constaté dans notre pays et cette réévaluation n’est-il pas le constat de votre échec à porter notre économie au meilleur de ses talents ? Quelle est la source de cet échec ?

Il faut que les 4 milliards d’euros de mesures nouvelles que vous avez évoqués soient justifiés structurellement. Compte tenu de la manière dont ils se décomposent, s’agit-il vraiment de mesures d’économies structurelles ? Ces mesures ne paraissent pas reconductibles.

S’agissant de l’évolution de la fiscalité, notre collègue Karine Berger se demande si le programme de stabilité n’est pas trop perpendiculaire aux éléments économiques dans la motion signée par le Premier ministre. J’entends l’engagement du Gouvernement sur la stabilisation de la fiscalité. La question qui intéresse les contribuables, c’est de savoir si cette stabilité fiscale concernera chacun des ménages ou si le Gouvernement a en vue, par exemple par un énième retour du débat sur la CSG, des transferts significatifs de catégories de Français vers d’autres.

M. Charles de Courson. Je commence par vous féliciter d’être – après nous avoir trois années durant abreuvés d’hypothèses bien trop optimistes  devenus des gens prudents. Cette attitude n’est pas nécessairement privée de toute arrière-pensée politique, mais je ne vous le reproche pas.

Comment expliquez-vous l’écart croissant entre le déficit effectif et le déficit structurel ? Il était à 0,7 point en 2011, à 0,8 point en 2012, à 1,6 point en 2013, à 2 points en 2012, à 2,2 points en 2015 et en 2016. D’après la théorie des cycles, il devrait pourtant y avoir une inversion : en haut de cycle, le déficit effectif devrait être inférieur au déficit structurel. Or, l’écart s’accroît : mon hypothèse est que cette hausse provient du fait que vos prévisions de croissance sont encore trop élevées. Vous aviez fait des hypothèses de croissance de 2,5 %, de 3 % il y a trois ans, sur ces périodes ! Aujourd’hui, vous espérez une croissance de 1,5 % : ce chiffre n’est-il pas encore trop élevé ?

S’agissant des mesures complémentaires, votre dossier ne dit rien des 5 milliards d’euros en 2016, mais il donne quelques détails sur les 4 milliards de 2015. Cela permet de constater que les mesures que vous présentez ne sont pas structurelles, mais tout à fait conjoncturelles, à commencer par la baisse de 1,2 milliard de la charge de la dette ! Il en va de même pour les 400 millions de recettes supplémentaires du STDR, puisqu’une fois la vague de régularisations passée, les recettes reviendront à leur niveau ordinaire – avec certes quelques recettes supplémentaires correspondant aux montants rapatriés. Quant aux dividendes, c’est encore la même chose. Ces mesures sont donc conjoncturelles. Je suis également impatient de vous entendre commenter le milliard d’économies sur la santé et la protection sociale, ainsi celles attendues d’économie sur l’État et ses opérateurs, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, ainsi que sur les 5 milliards d’économies prévues en 2016.

Quant aux collectivités territoriales, vous écrivez que « les APUL [administrations publiques locales] devraient ralentir plus significativement leurs dépenses de fonctionnement ». Mais le Gouvernement, si j’ai bien compris, fait l’hypothèse d’une croissance nulle des dépenses des collectivités territoriales en 2015 – c’est indiqué, page 26. Je m’en étonne. Vous vous attendez, et je vous l’ai déjà fait remarquer, à un partage des 3,6 milliards d’économies sur la dotation globale de fonctionnement – DGF – entre la hausse des impôts, l’endettement supplémentaire, le décalage des investissements et, hélas ! fort peu de baisse de dépenses de fonctionnement. C’est d’autant plus vrai que vous contribuez à la hausse de ces dernières avec la réforme des rythmes scolaires : les TAP
– temps d’activités périscolaires – représentent quand même 700 à 800 millions supplémentaires, c’est-à-dire déjà 0,3 % d’augmentation des dépenses publiques locales ! Où est la cohérence de vos propositions sur les collectivités territoriales ?

M. Nicolas Sansu. Sur le fond, le programme de stabilité est dans la continuité de la politique que mène déjà le Gouvernement – vous le reconnaissez d’ailleurs. C’est un choix de contraction, ou à tout le moins de maintien, de la dépense publique ; or, vous savez notre préférence pour un assouplissement de cette politique, qui permettrait de relancer l’économie. Les questions qui viennent d’être posées sur la croissance sont pertinentes.

Il faut surtout nous interroger aujourd’hui, je crois, sur la croissance des inégalités : les inégalités peuvent s’accroître, et le nombre de chômeurs stagner, même si le PIB recommence à croître. Les recommandations de la Commission européenne, dont vous avez dit que vous ne souhaitiez pas les suivre, poussent fréquemment à une déréglementation, et menacent même parfois notre modèle social.

Nous ne réglerons pas les problèmes de la dette et du déficit sans modifier notre architecture fiscale. Je ne rappellerai pas ici le merveilleux rapport du président de notre commission, qui était alors rapporteur général, en 2010 : il montrait que la baisse des prélèvements sur les plus aisés avait accru considérablement le niveau de la dette entre 2000 et 2010. Nous devrions aussi nous poser la question du financement de la dette : faut-il, par exemple, aller sur les marchés financiers ou bien trouver d’autres voies ? Nous en reparlerons bientôt, puisque j’aurai l’occasion de présenter prochainement le rapport sur la proposition de résolution européenne relative à la dette souveraine des États de la zone euro, déposée par le groupe GDR.

Sur la forme, j’appuie ce qu’a dit la présidente Auroi : il existe un vrai problème de légitimité démocratique. Même les parlementaires européens ont déploré la faiblesse des liens entre le Parlement, la Commission et le Conseil sur ces questions de gouvernance économique : ces questions se posent pour l’ensemble du semestre européen, pour le programme de stabilité, pour l’encadrement budgétaire, qui repose sur un article du traité interprété de façon quelque peu baroque… Le président Carrez a raison : ces questions
– programme de stabilité, mais aussi stratégie nouvelle de la Banque centrale européenne par exemple – méritaient un débat en séance et un vote.

Enfin, je poserai une question ingénue. Je lis dans votre présentation du programme de stabilité que vous souhaitez conserver l’ensemble du Pacte de responsabilité, et donc des 41 milliards d’allégements de prélèvements pour les entreprises. Il en reste 15 à 16 milliards pour 2016. Mais j’ai cru lire aussi que le Premier ministre était signataire, et vous-mêmes aussi peut-être, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’un texte d’orientation politique qui proposerait de divertir tout ou partie de ces 15 milliards pour les consacrer au soutien à la demande. Ma question est sans perfidie : pouvez-vous nous expliquer comment s’articulent les orientations du parti majoritaire et celles de l’exécutif issu de ce parti ?

M. Pierre-Alain Muet. Le redémarrage de l’économie française, et européenne, se produit aujourd’hui après deux ans et demi d’une récession due aux politiques d’austérité : c’est la conséquence du fait qu’aujourd’hui, les politiques budgétaires de la zone euro sont globalement neutres, à quoi il faut ajouter une politique monétaire fortement expansionniste et la baisse du prix du pétrole. De façon assez traditionnelle, c’est la consommation qui repart en premier, parce que le pouvoir d’achat s’améliore ; l’investissement repartira également.

Sur ce dernier point, les documents que vous nous avez distribués montrent l’amélioration du taux de marge. C’est une condition nécessaire pour que l’investissement reprenne, mais pas suffisante : pour investir, il faut de la demande, et il faut aussi que les conditions financières le permettent. La meilleure façon d’avoir une reprise forte, c’est de mener une politique en direction des entreprises qui valorise fortement l’investissement : les allégements doivent stimuler directement l’investissement des entreprises – ce qui est le cas aujourd’hui avec le dispositif d’amortissement accéléré qui vient d’être annoncé, mais de façon relativement faible.

La reprise de l’investissement est, et de loin, la meilleure façon d’obtenir la croissance la plus forte possible : elle stimule immédiatement la demande, et à plus long terme accroît l’offre. C’est la seule grandeur économique qui ait ces deux effets. Si le Gouvernement agissait encore plus massivement selon la logique esquissée lors du dernier Conseil des ministres, si certains dispositifs déjà prévus – je pense à la réforme de la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – étaient utilisés plus efficacement pour conforter la reprise de l’investissement, nous pourrions, je pense, retrouver une croissance forte et réduire beaucoup plus rapidement l’écart entre production potentielle et production effective. Dans une reprise normale, les taux de croissance devraient être très supérieurs à la croissance potentielle. Il est donc aujourd’hui possible, je crois, de mener une politique qui permette une croissance forte.

Je terminerai en exprimant une légère inquiétude : l’inflation négative permet de redonner du pouvoir d’achat, ce qui est positif ; mais on peut aussi craindre une déflation du prix des actifs. Quelle est la position du Gouvernement ? Nous sommes passés très vite d’une vision très négative de la déflation à une vision positive. Quel équilibre trouver ?

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous nous présentez aujourd’hui un programme de stabilité, mais pas de programme de réforme : je le regrette. La France, vous l’avez dit, représente 21 % du PIB de la zone euro, mais cela n’interdit pas de regarder ce qui se fait dans les autres pays. Entre janvier 2014 et janvier 2015, le nombre de chômeurs a diminué de 896 000 dans la zone euro, alors qu’il a progressé de 160 000 dans notre pays : ce chiffre doit appeler notre attention.

Où en est votre réflexion sur les réformes structurelles ? L’Italie a mis en place un contrat de travail unique, l’Espagne a modifié son régime d’indemnités de licenciement, le Portugal a augmenté la durée du travail, l’Allemagne a accru la flexibilité du travail. Le prix du pétrole, le cours de l’euro, les taux d’intérêt nous sont favorables : il serait dommage que la France ne profite pas de cette situation pour mener des réformes fortes.

Quant aux mesures complémentaires que vous annoncez, ce sont toutes des recettes, mais aucune dépense n’est concernée. Je signale également que la baisse des taux d’intérêt sur la dette ne peut pas être considérée comme une mesure structurelle.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le ministre, vous annoncez une trajectoire légèrement plus favorable que celle prévue par la Commission européenne, en bénéficiant, certes, de facteurs exogènes. Dont acte : je ne peux que m’en féliciter. Vous introduisez un peu de flexibilité dans la rigueur budgétaire, pour stimuler la croissance.

Monsieur le secrétaire d’État, lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi de finances pour 2015, vous mettiez en avant 1,6 milliard d’économies résultant d’élément favorables de conjoncture – notamment la faible inflation – et vous insistiez sur l’émergence de recettes supplémentaires, dont une manne de 850 millions d’euros au titre de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales. Où en est-on aujourd’hui ? Confirmez-vous les chiffres donnés à l’époque ?

La modification de la parité entre euro et dollar entraîne aussi des conséquences négatives, notamment une hausse des prix du pétrole que nous achetons. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

Enfin, agir en faveur de l’investissement est une très bonne chose, comme l’a dit Pierre-Alain Muet. Les effets des amortissements supplémentaires que vous avez annoncés pour les entreprises ont-ils toutefois été bien chiffrés ? Sont-ils pris en compte ici ?

M. Razzy Hammadi. En tant que parlementaire, on ne peut que regretter le caractère restreint de notre débat. J’aurais ainsi aimé répondre à Hervé Mariton, qui s’interrogeait sur l’écart entre croissance réelle et croissance potentielle, qu’il faut bien attendre que les mesures soient mises en place et produisent leur plein effet…

Monsieur le ministre, nous aurons l’occasion de vous interroger à nouveau sur les perspectives ouvertes par ce programme. La pleine intégration du « plan Juncker » au programme de stabilité, par exemple, pourrait permettre d’entrer dans le débat plus vaste du semestre européen.

Ce programme est formulé de façon raisonnable, et il s’aventure loin dans le temps ; j’aimerais néanmoins plus de détails, notamment sur le risque d’une inflation importée, entraînée par une modification de la parité euro-dollar. Méfions de ce que nous dit la Réserve fédérale américaine !

Enfin, la mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – a estimé intéressant d’ouvrir une réflexion sur un éventuel basculement du CICE vers un allégement de cotisations sociales. Or, vous n’évoquez pas cette hypothèse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je regrette qu’aucun débat en séance publique ne soit prévu sur ce programme de stabilité. Un tel mépris du Parlement n’est pas acceptable.

En vous écoutant parler, monsieur le ministre, du retour de la croissance, de la reprise de la consommation, des revenus en augmentation, des baisses d’impôts, d’exportations qui vont s’améliorer fortement en 2015, je me demandais si nous avions face à nous un ministre de l’économie, ou bien Mme Irma !

Le rapport du Haut Conseil des finances publiques indique que seul le contexte favorable créé par les fortes baisses des cours du pétrole et de l’euro rend crédible votre prévision de croissance à 1 %. Vos prévisions ne se réaliseront donc que grâce à des facteurs exogènes !

La crédibilité, monsieur le ministre, cela ne se décrète pas : il faut montrer des éléments probants. D’exécution à exécution, on constate, dites-vous, une baisse des dépenses de l’État de 3 milliards d’euros. J’entends bien. Mais vous parlez de 21 milliards d’euros de réductions de dépenses en 2015, et vous avez déjà du mal à détailler la composition des 4 milliards d’économies demandés par la Commission européenne ! Vous comprendrez notre perplexité, encore redoublée quand vous comptabilisez comme mesure structurelle la baisse de 1,2 milliard d’euros sur les taux d’intérêt de la dette. Monsieur le ministre, vous dites ne pas vouloir faire d’effort supplémentaire pour le « plaisir du structurel ». Du coup, vous ne parlez qu’en tendance, ce qui provoque cet effet de flou. C’est pour cela que vous refusez le débat en séance publique !

M. le ministre. Madame la députée, je ne m’appelle pas, en effet, Irma Macron. C’est donc en tant que ministre des finances et des comptes publics que je vous réponds. Les sujets abordés sont très nombreux, et nous aurons l’occasion de débattre plus longuement la semaine prochaine. Emmanuel Macron sera d’ailleurs présent afin d’évoquer le programme national de réforme. Programme de stabilité et programme national de réforme vont de pair : l’un et l’autre visent à améliorer notre capacité de croissance.

S’agissant de la procédure, le texte présenté en Conseil des ministres ce matin est porté à votre connaissance quinze jours avant d’être communiqué à la Commission européenne. Nous sommes donc susceptibles de le modifier, de le faire évoluer en fonction des avis qui s’expriment et des débats qui se développent, et qui sont parfaitement légitimes, notamment au sein des parlements. Ce délai est une manière, qui n’est certes sans doute pas très satisfaisante dans l’absolu, de respecter les avis parlementaires et plus largement les avis citoyens sur ces sujets.

S’agissant de l’opposition entre la trajectoire recommandée par la Commission européenne et celle que nous proposons, nous ne cherchons pas le moins du monde à éluder le débat. Il a bien sûr déjà commencé avec les membres de la Commission, dans un esprit extrêmement positif : je suis très confiant, nous devrions aboutir. Les schémas des pages 5 et 6 montrent qu’en suivant la recommandation de la Commission, nous atteindrions en 2016 une croissance de 0,7 %, alors qu’avec notre trajectoire, nous prévoyons une croissance de 1,5 %. En 2017, ce serait 0,8 % au lieu de 1,5 %. Or, je rappelle que nos hypothèses ont été calculées de façon prudente. Vous le voyez, les conséquences du choix entre l’une ou l’autre trajectoire sont extrêmement fortes : derrière tout cela, il y a des milliards de mesures nouvelles à prendre – la Commission n’en impose pas le détail. Vous comprenez pourquoi nous vous proposons de suivre la trajectoire budgétaire que nous qualifions de « retenue ».

Madame la Rapporteure générale, vous évoquez la question des risques financiers. C’est un débat qui dépasse largement les limites du Haut Conseil des finances publiques, et même les frontières de notre pays. Je me rends demain aux États-Unis pour assister aux réunions de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale : il y a encore six mois, pour le FMI, le risque majeur pour l’économie mondiale, c’était – si l’on omet les problèmes géostratégiques, en Ukraine par exemple – une trop faible croissance en Europe. Aujourd’hui, l’activité reprend en Europe, et une autre inquiétude prend le relais : les politiques monétaires menées aux États-Unis et dans la zone euro ne créent-elles pas un risque financier, en injectant de grandes quantités de liquidités ? Ces politiques ont été utiles pour aider la croissance à reprendre, mais n’est-on pas en train de créer dans tel ou tel secteur une bulle qui, en crevant, aura des conséquences graves ? C’est une réflexion menée par ceux qui veulent à tout prix éviter de reproduire l’erreur commise collectivement avant 2008. L’un des éléments de cette réflexion, c’est bien sûr la régulation du secteur bancaire, mais aussi du shadow banking. Nous y travaillons, dans le cadre du G20 comme dans celui du FMI.

J’en viens à la question des 4 milliards. Christian Eckert y reviendra également. Mais je veux répondre à ceux qui estiment que la somme de 1,2 milliard – qui correspond à la baisse des taux d’intérêt – n’est pas une réduction de dépenses structurelles. Il ne s’agit pas là d’un taux d’intérêt d’une dette nouvelle, mais du résultat du refinancement de la dette du passé : si je voulais être un tout petit peu politicien, je soulignerais que nous refinançons ainsi la « dette Sarkozy » de 2009, 2010 et 2011. Les taux d’intérêt oscillaient alors entre 3,5 % et 4 % ; en 2015, nous nous ré-endettons au même niveau pour une durée similaire, mais avec une économie très substantielle, puisque les taux sont descendus à 0,5 %. Cette baisse est donc récurrente ; elle dure pendant toute la durée du remboursement de cette dette. Pour nous, comme pour les autorités européennes, il s’agit donc – contrairement à ce que beaucoup disent – d’une économie pérenne, considérée comme structurelle dans tous les pays.

Cette économie nous évite-t-elle de réduire les dépenses de nos services publics ? Non. Mais elle est néanmoins pérenne. L’an prochain, nous la retrouverons, et nous constaterons peut-être de nouvelles baisses, liées au refinancement d’autres dettes.

Nos calculs se fondent, je le souligne, sur des hypothèses de taux d’intérêt à dix ans bien supérieures à ce que nous constatons aujourd’hui. Comme sur l’inflation, où notre hypothèse est supérieure au chiffre qui fait aujourd’hui consensus, nous sommes extrêmement prudents. Nous constaterons donc peut-être une économie supplémentaire.

S’agissant de la croissance potentielle, je pourrais répondre à M. Mariton que si son critère pour juger de la réussite ou de l’échec d’une politique – atteindre le niveau de la croissance potentielle – était le bon, alors ce serait un formidable moyen de montrer l’échec du quinquennat précédent ! L’échec serait ainsi largement partagé entre les uns et les autres.

Ces questions de croissance potentielle, de déficit structurel, d’écarts de production… – dont je plaisante parfois en disant que je n’y comprends goutte – sont des sujets importants, auxquels des gens travaillent avec beaucoup de sérieux. La question de la croissance potentielle fait aujourd’hui, après la crise, dans les conditions nouvelles que nous connaissons, d’un vrai débat : je ne rencontre plus deux personnes qui me disent la même chose. À l’instar de certains parmi les plus sages de cette commission – je ne nomme personne, mais vous les reconnaîtrez – je préfère donc m’en tenir au critère du déficit. On peut l’appeler nominal si l’on veut. Mais enfin le déficit, je comprends exactement ce que c’est : c’est celui que je ne peux combler qu’en allant sur les marchés financiers pour emprunter de l’argent ! Et même si le taux d’intérêt n’est qu’à 0,43 % comme c’est le cas en ce moment, c’est toujours 0,43 % de trop, car ces intérêts devront être remboursés par les générations à venir. De plus, c’est bien une règle de déficit nominal qui est fixée par l’Union européenne. Si vous et nous avions au cours des dernières années respecté les déficits nominaux que nous nous étions fixés, personne ne nous poserait de questions abracadabrantesques sur la croissance potentielle et autres concepts économiques compliqués – même s’il est légitime, bien sûr, de s’intéresser à ces sujets de façon théorique, car ils ont aussi des conséquences pratiques.

Je m’intéresse donc au critère du déficit, en m’interrogeant sur les moyens d’accroître nos capacités de croissance.

J’en viens à l’investissement. Il a été beaucoup trop faible, ces dernières années, dans la zone euro en général, et en Allemagne en particulier – l’investissement est aujourd’hui beaucoup plus bas en zone euro qu’il ne l’était en 2007, et il est beaucoup plus bas en Allemagne qu’en France ! L’Allemagne peut sans doute être donnée en exemple pour l’état de ses finances publiques, mais certainement pas pour son niveau d’investissement, et les Allemands en sont d’ailleurs très conscients. Ce retard est gravissime, car pendant ce temps, d’autres continents ont, eux, investi très intelligemment, ont énormément modernisé, innové, formé, et pourraient bien, dans cinq ou dix ans, nous balayer. M. Muet a raison : la question de l’investissement – ne parlons pas ici de politique de l’offre, car c’est une catégorie compliquée – est décisive. L’investissement stimule la croissance tout de suite, et construit une nouvelle croissance pour plus tard.

Monsieur Muet, vous êtes intervenu avec intelligence et pertinence. En effet, les mesures décidées la semaine dernière visent à stimuler l’investissement, et pas n’importe lequel mais celui qui nous paraît le plus propre à transformer et à moderniser notre économie. Monsieur Sansu, vous m’interrogez sur l’avenir du Pacte de responsabilité. Je vous réponds sans cachotteries : nous avions décidé de mettre en place des mesures en faveur de l’offre pour 41 milliards d’euros. Le CICE monte en charge progressivement et atteindra son plafond en 2016. Nous avons aussi abaissé les cotisations salariales – baisse passée inaperçue car, si beaucoup d’entreprises souhaitent que cette baisse soit effective rapidement, peu expriment une ferme volonté de l’afficher sur les feuilles de paie... Il est dommage que les salariés ne soient pas informés que les cotisations ont baissé. Il y aura encore, de 2015 à 2017, de nouvelles diminutions de cotisations familiales, cette fois pour des salaires supérieurs à 1,6 SMIC et jusqu’à 3,5 SMIC. La C3S a déjà été partiellement supprimée ; nous entendons aller jusqu’à sa suppression totale en 2016-2017. Enfin, un « paquet IS » – impôt sur les sociétés – comprend la fin de la surcotisation d’IS pour les très grandes entreprises et l’amorce d’une diminution du taux de l’IS.

Le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause le volume global de mesures : c’est un point fondamental pour donner de la visibilité, pour aider les entreprises à prendre des décisions. Mais un débat a lieu par exemple, au sein du monde patronal même, sur l’opportunité d’agir plutôt sur la C3S ou plutôt sur l’IS, débat qui s’était d’ailleurs déjà amorcé lors de la discussion du Pacte de responsabilité. et que je comprends. Il n’y a pas d’urgence à trancher, et nous avons encore le temps de débattre d’ici à la préparation du projet de loi de finances pour 2016. Mais, je le répète, le Gouvernement souhaite conserver ce volume global de 41 milliards, et c’est ainsi que nous avons conçu ce programme de stabilité. Il faut continuer de redonner des marges aux entreprises – elles se sont déjà redressées, mais l’objectif est de revenir à leur niveau de 2007, car cela stimulera l’investissement.

M. le secrétaire d’État. Michel Sapin vient de faire une excellente démonstration sur la question des intérêts de la dette et du caractère pérenne de cette mesure. Je ferai la même sur les recettes liées au STDR. Celles-ci représentaient, en 2014, 2 milliards d’euros de recettes ; nous avions prévu 2,2 milliards en 2015, nous pensons aujourd’hui atteindre 2,6 milliards, car le flux de dossiers ne se tarit pas. Nous avons aujourd’hui plus de 37 000 dossiers, avec une moyenne de 900 000 euros d’avoirs déclarés par dossier. Nous avons décidé de décentraliser les dossiers les plus simples et les moins volumineux, afin d’accélérer leur traitement : nous n’avons traité que 5 000 à 6 000 des 37 000 dossiers déjà constitués. Vous avez également accepté de voter une disposition législative que nous avions proposée et qui contraint ceux qui ont déposé un dossier à le compléter et à payer les sommes exigées dans les six mois qui suivent le dépôt du dossier. Nous nous attendons donc à une accélération.

Il y aura donc des recettes pérennes, comme le montrent les chiffres que je viens d’énumérer : si même il n’arrivait plus aucun dossier – il en arrive actuellement 130 par semaine, nous en avons reçu 2 000 depuis le début de l’année – il nous faudrait plusieurs années pour les traiter tous définitivement, puisque certains sont complexes.

Un simple calcul montre aussi que ce sont ainsi quelque 30 milliards d’avoirs qui vont ainsi être révélés. Ces sommes produiront évidemment une nouvelle fiscalité.

Ce ne sont donc pas là des recettes conjoncturelles, même si elles ne dureront peut-être pas vingt ou vingt-cinq ans – quoique, après la Suisse, d’autres pays puissent être touchés eux aussi par une frénésie de repentance.

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* *

EXAMEN DU RAPPORT D’INFORMATION ET AUDITION DE MM. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES, EMMANUEL MACRON, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, ET CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D’ÉTAT AU BUDGET

Lors de sa séance du 22 avril 2015 à 11 heures 30, la Commission examine le rapport d’information sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 et le programme national de réforme (Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale) et entend MM. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, et Christian Eckert, secrétaire d’État au budget.

M. le président Gilles Carrez. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs les ministres. Nous allons traiter du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018, ainsi que du programme national de réforme, qui intéresse plus particulièrement M. Macron. La semaine dernière, nous avons auditionné M. Didier Migaud, qui a exposé l’avis du Haut Conseil des finances publiques relatif aux prévisions macroéconomiques. Puis vous nous avez fait, messieurs Sapin et Eckert, une première présentation du programme de stabilité.

Ainsi que chacun a pu le constater, ce programme est très complexe et d’une lecture aride. D’autre part, pour des raisons qui lui appartiennent, le Gouvernement n’organisera pas cette année de débat en séance publique sur ce programme. Il n’en a certes pas l’obligation, mais telle était pourtant la tradition depuis 2011 – et l’on sait l’importance des traditions dans notre pays. Il nous est donc apparu indispensable de réunir une nouvelle fois la Commission à ce sujet, en s’appuyant sur une étude approfondie réalisée par notre rapporteure générale, que je remercie. Ce travail est d’autant plus utile qu’il n’y aura pas non plus de collectif budgétaire de milieu d’année, ainsi que vous l’avez annoncé, monsieur Sapin. Il est très important que nous sachions exactement où nous en sommes dans l’exécution de la loi de finances pour 2015, ainsi que dans les prévisions pour cette même année, lesquelles ont été modifiées par une série de décisions : des exigences supplémentaires formulées par Bruxelles, l’annonce d’une baisse d’impôt et la nécessité de financer des dépenses nouvelles – le plan de lutte contre le terrorisme en particulier.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Il me revient de présenter, sur la base des documents qui nous ont été remis la semaine dernière, une analyse du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018. Je tiens à remercier vivement les administratrices et administrateurs du secrétariat de la commission des finances pour leur travail ainsi que les cabinets des ministres, qui nous ont communiqué toutes les informations que nous avons demandées.

M. Philippe Vigier et M. Olivier Carré. Pour une fois !

Mme la Rapporteure générale. Je n’ai pas dit cela… J’ai simplement indiqué que nous avions obtenu les éléments demandés, ce qui est très appréciable pour tous les membres de notre commission.

Je vais présenter une version synthétique du programme de stabilité, afin d’en dégager l’esprit général et les grandes lignes.

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Pour construire ce programme de stabilité, vous avez retenu, messieurs les ministres, des hypothèses prudentes, notamment en ce qui concerne la croissance et l’inflation, ainsi que le président du Haut Conseil des finances publiques l’a relevé. Le tableau ci-dessus montre par ailleurs que ce cadrage est en ligne avec les données produites par les différents organismes, qu’il s’agisse de l’Organisation de coopération et de développement économiques, du Fonds monétaire international ou de la Commission européenne. Le Haut Conseil a lui-même souligné l’absence de divergences concernant ces chiffres, ce qui n’était pas nécessairement le cas dans le passé.

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Si l’on s’intéresse à l’écart qui a pu exister chaque année, depuis 2008, entre la prévision de déficit public pour l’année suivante et le déficit constaté en exécution, on remarque sur le graphique ci-dessus que cet écart a tendance à se réduire à partir de 2012 et plus encore ces deux dernières années, ce qui montre que les prévisions sont désormais plus réalistes et plus sincères. Cet effort mérite d’être souligné, tant en termes de pilotage des finances publiques que de transparence à l’égard de la représentation nationale.

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Concernant le programme de stabilité, le Conseil de l’Union européenne a fixé deux objectifs à la France : l’un porte sur le déficit nominal, l’autre concerne l’effort structurel à réaliser chaque année. Les réponses apportées par le Gouvernement à ces deux demandes n’étant pas les mêmes, je les évoquerai séparément.

L’objectif de déficit public prévu dans le programme de stabilité – 3,8 % du PIB en 2015 ; 3,3 % en 2016 ; 2,7 % en 2017 – est en ligne avec ce que demande la Commission européenne. Pour y parvenir, nous devons réaliser des économies à hauteur de 21 milliards d’euros en 2015, de 15 milliards en 2016 et de 14 milliards en 2017. Du fait de la faiblesse de l’inflation, une part de ces économies va « disparaître » : 4 milliards d’euros en 2015 et 5 milliards en 2016, le chiffre n’étant pas encore précisé pour 2017. De plus, nous avons un certain nombre de dépenses supplémentaires à financer, notamment les surcoûts liés aux nouvelles mesures de sécurité prises depuis janvier dernier. Au début du mois de mars, notre commission s’est prononcée sur un décret d’avance de 300 millions d’euros, complété par l’annonce d’un « surgel » et de différents mouvements de crédits, ce qui permet de couvrir ces dépenses supplémentaires en majeure partie – seul le financement du plan d’investissement très récemment annoncé n’ayant pas été encore explicité. Au total, pour atteindre l’objectif de déficit nominal, nous devons réaliser une économie supplémentaire de 4,4 milliards d’euros en 2015.

Par conséquent, dans le programme de stabilité – dont l’objet est de fixer les grands objectifs, le détail des mesures étant plutôt renvoyé aux lois de finances –, vous proposez, messieurs les ministres, de nouvelles mesures pour 2015 : 700 millions d’euros d’économies supplémentaires sur les dépenses de l’État via un décret d’annulation que vous nous transmettrez d’ici le mois de juin et dont le contenu précis n’est pas encore connu ; 500 millions d’euros d’économies sur les dépenses des opérateurs de l’État et 1 milliard sur celles des administrations de sécurité sociale. Au sein de notre groupe, les gels des allocations ne sont pas considérés, de manière générale, comme étant la méthode la plus efficace de réaliser des économies, notamment du point de vue social. Mes collègues vous interrogeront probablement sur la nature des réductions de dépenses que vous envisagez.

Par ailleurs, du fait de la faiblesse des taux d’intérêt, l’État paiera 1,2 milliard d’euros de moins en 2015 pour le service de la dette de long terme, ce que l’on peut assimiler à une économie structurelle, même si ce point fera sans doute débat. Enfin, vous envisagez des recettes complémentaires : 400 millions d’euros via la lutte contre la fraude fiscale et 200 millions de dividendes additionnels reçus par l’État.

Les mesures que vous proposez pour l’année prochaine seront présentées dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Une question se pose concernant la baisse de l’inflation : celle-ci annule un certain nombre de réductions des dépenses, mais a-t-elle aussi un impact négatif sur les recettes ? Selon le rapport public annuel de 2015 de la Cour des comptes, l’inflation a des effets de trois types : neutre sur le rendement de certains prélèvements obligatoires, à la hausse - éventuellement – sur le rendement des impôts acquittés par les entreprises, à la baisse sur le rendement de la TVA et des cotisations sociales. Pour votre part, vous envisagez un effet globalement neutre sur les recettes, ce qui ne correspond pas exactement à l’analyse de la Cour des comptes, mais celle-ci s’est peut-être davantage penchée sur le produit de la TVA que sur celui des prélèvements acquittés par les entreprises. La question reste ouverte selon moi, même si l’on peut effectivement considérer que l’effet de la baisse de l’inflation est plus incertain sur les recettes que sur les réductions de dépenses. D’après les informations que vous nous avez transmises, les recettes de TVA pourraient toutefois être réduites de 1,1 milliard d’euros. Sans doute y aura-t-il des questions sur ce point également.

D’une manière globale, les mesures que vous proposez me semblent réalistes et réalisables, et devraient permettre d’atteindre l’objectif de réduction du déficit nominal recommandé par le Conseil de l’Union européenne.

S’agissant du deuxième objectif, qui concerne l’effort structurel, vous avez souligné, messieurs les ministres, nos divergences avec Bruxelles, et je vous rejoins pleinement sur ce point. Car réaliser ce que nous demande la Commission européenne reviendrait tout simplement à saborder notre soutien à la croissance économique, ce qui n’est nullement notre intention.

Rappelons le contexte : dans le programme de stabilité, vous avez arrêté un objectif de réduction du déficit structurel de 0,5 point de PIB par an entre 2015 et 2017, alors que la Commission européenne recommande une réduction de 0,8 et de 0,9 point pour 2016 et 2017. Avec le programme de stabilité, nous annonçons donc clairement que nous n’atteindrons pas ces chiffres en 2016 et en 2017.

La notion de déficit structurel, dont nous avons beaucoup discuté au sein de notre commission, est pertinente : elle permet de faire la part, au sein du déficit nominal, entre ce qui résulte de la conjoncture et ce qui tient, le cas échéant, à l’insuffisance des efforts fournis par un pays pour mobiliser tous ses facteurs de production. Toutefois, elle repose sur un indicateur qui n’est pas observable : la croissance potentielle. S’il n’y avait dans notre pays que cent usines fonctionnant à 80 % de leurs capacités, nous ferions l’hypothèse que ces usines fonctionnent à 100 % et nous en déduirions la croissance potentielle. Mais, bien entendu, les facteurs sont beaucoup plus complexes dans la réalité : il faut notamment tenir compte du secteur des services, des interactions et du rôle des exportations. On parvient certes à calculer une croissance potentielle, mais, personne ne l’ayant jamais observée, ce chiffre peut faire l’objet de divergences, et l’effort structurel qui nous est demandé sur cette base peut donc être, lui aussi, remis en question.

Depuis 2011, la Commission européenne situe régulièrement la croissance potentielle de la France autour de 1 %, ce qui est sans doute sous-évalué. Le Gouvernement a été amené à donner sa propre estimation à l’occasion des lois de programmation des finances publiques et des programmes de stabilité qui se sont succédé. Dans le présent programme, vous l’avez relevée à 1,5 %. C’est d’ailleurs à ce niveau que notre commission avait souhaité la fixer en juillet 2014 en adoptant un amendement au projet de loi de finances rectificative, qui n’avait finalement pas été retenu.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement avait également été adopté en séance publique, mais le Gouvernement a demandé une seconde délibération.

Mme la Rapporteure générale. C’est juste.

Plus la croissance potentielle est faible, plus la part du déficit structurel est importante. En revanche, cela ne change rien au déficit nominal. En évaluant la croissance potentielle de la France à 1 %, la Commission européenne estime donc que son déficit structurel est relativement élevé. Nous ne partageons pas cette vision : il nous paraît plus réaliste de retenir le chiffre de 1,5 %, tant au regard des estimations existantes que de l’abondante littérature publiée par les économistes sur le sujet. Selon moi, vous avez donc raison de ne pas suivre l’estimation de la Commission européenne en ce qui concerne le déficit structurel.

Nous proposons, je le rappelle, un effort structurel de 0,5 point de PIB pour chacune des trois années couvertes par le programme de stabilité, ce qui nécessite de réaliser des économies de 21 milliards d’euros en 2015, de 15 milliards en 2016 et de 14 milliards en 2017. Le Conseil de l’Union européenne demande, quant à lui, un effort structurel de 0,5 point de PIB en 2015 – comme nous –, de 0,8 point en 2016 et de 0,9 point en 2017. Cela impliquerait de prendre des mesures d’économies à hauteur de 25 milliards d’euros en 2016 et à nouveau en 2017, au lieu, respectivement, de 15 et de 14 milliards. Au total, la France devrait réaliser 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

Si nous nous conformions à ce que demande le Conseil de l’Union européenne en termes de réduction du déficit structurel, quelles pourraient en être les conséquences ? Premièrement, la France perdrait au minimum 0,2 point de croissance rien que sur l’année 2015 : la croissance serait de 0,8 % au lieu de 1 %.

Deuxièmement, d’après le modèle économétrique de simulation et d’analyse générale de l’économie – MÉSANGE – utilisé par le ministère chargé des finances, une réduction des dépenses de 10 milliards d’euros supplémentaires se traduirait par une activité moindre de 0,4 à 0,6 point de PIB au bout de deux ans.

Troisièmement, nous affaiblirions la zone euro dans son ensemble : elle perdrait entre 0,1 et 0,15 point de PIB sur deux ans.

Quatrièmement, faire baisser la croissance de 1 point reviendrait mécaniquement à augmenter le déficit nominal de 0,5 point de PIB, donc à contrarier en grande partie les efforts que nous aurions faits pour réduire ledit déficit. Il s’agit donc d’un cercle vicieux, dans lequel vous avez raison de ne pas vouloir nous entraîner.

M. Henri Emmanuelli. Il faut fuir le vice et rechercher la vertu !

Mme la Rapporteure générale. D’autre part, si nous voulons favoriser le rebond de croissance, il paraît indispensable de soutenir l’investissement.

Source : Eurostat

On constate sur le graphique ci-dessus, qui reprend les données de l’Office statistique de l’Union européenne, que l’investissement en France, privé et public, a chuté du fait de la crise, puis a atteint un palier, alors que, dès 2011, il est reparti à la hausse en Allemagne
– même si l’on constate une tendance à la baisse sur la fin de l’année 2013 – et aux États-Unis, ce qui a stimulé la croissance de ces deux pays. En dépit des efforts, notre capacité à investir stagne. Or, c’est la clé pour soutenir le rebond de croissance.

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Distinguons maintenant l’investissement privé et l’investissement public, avec ces deux graphiques issus des travaux du Commissariat général à la stratégie et à la prospective. En France, l’investissement des entreprises, hors sociétés financières, tourne autour de 60 milliards d’euros par an. On observe qu’il a stagné au cours des dernières années. Il faudrait qu’il soit plus soutenu pour accompagner le rebond de croissance. À l’étranger, c’est aux États-Unis que l’investissement privé a le plus repris.

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Quant à l’investissement public, il s’élève à environ 85 milliards d’euros par an en France et il est en grande partie le fait des collectivités territoriales – d’où nos débats sur ce point. Il est resté stable jusqu’à la fin de l’année 2013, puis a connu une petite baisse en 2014 du fait des élections locales. Tout l’enjeu de l’année 2015 est de soutenir le rebond de croissance via la reprise de l’investissement.

Concernant le programme national de réforme (PNR), la Commission européenne a adressé à la France sept recommandations, dont certaines ont déjà été mises en œuvre et d’autres sont en train de l’être. À cela s’ajoutent les huit objectifs que poursuit la France au titre de la stratégie « Europe 2020 ». Selon le chiffrage réalisé par le ministère de l’économie, 4,2 points de PIB en plus sont attendus de la mise en œuvre de l’ensemble du PNR à l’horizon 2020. Notons cependant qu’il s’agit d’un effet non pas net, mais brut, l’impact de leur financement n’ayant pas encore été pris en compte. Ainsi, les mesures visant à faire baisser le coût du travail devront être financées, par exemple, par une réduction des dépenses.

Je reviens pour finir sur la trajectoire des finances publiques, dont nous avons déjà eu l’occasion de discuter. En tendance, les dépenses publiques ont augmenté de 37 milliards d’euros par an entre 2002 et 2007, de 34,1 milliards par an entre 2007 et 2012 et de 21 milliards par an entre 2012 et 2014. L’objectif est de ramener ce chiffre à 14 milliards par an pour la période de 2015 à 2017, soit près de trois fois moins qu’auparavant. Ainsi, la progression des dépenses a été très fortement ralentie.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, madame la Rapporteure générale, de la qualité de votre travail et des nombreuses questions que vous soulevez.

Je souhaite revenir sur trois points. Premièrement, il y a quelques mois, dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 2015, un certain nombre de collègues socialistes emmenés par Karine Berger et soutenus par la Rapporteure générale avaient plaidé pour une révision à la hausse de la croissance potentielle. Le Gouvernement ne les avait pas écoutés alors, mais il leur donne aujourd’hui raison, puisqu’il relève la croissance potentielle de 0,2 point par an entre 2016 et 2018. Cela vous permet, messieurs les ministres, de majorer de manière un peu artificielle l’effort d’ajustement structurel réalisé par la France ; reste à savoir si les instances européennes seront sensibles à cette démonstration… Quels arguments avez-vous avancés à Bruxelles pour justifier ces chiffres ? Je rappelle que l’ajustement structurel des pays en procédure pour déficit excessif – ce qui est le cas de la France depuis un certain nombre d’années – doit être au minimum de 0,5 point de PIB par an.

Deuxièmement, comme vous, monsieur Sapin – c’est en tout cas ce que vous nous avez dit la semaine dernière –, je ne comprends pas grand-chose à la notion de solde structurel ! Aussi revenons-en au déficit nominal.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Maintenant, je comprends tout…

M. le président Gilles Carrez. Il se produit une chose extraordinaire qui nous interpelle tous : le chiffre magique de 50 milliards d’euros, avec une première tranche de 21 milliards en 2015, traverse les années et les décisions successives, alors qu’il a été calculé il y a un an et demi sur la base d’une inflation à 1,8 % ! Il a notamment survécu au fait que Bruxelles nous demande de réaliser 4 milliards d’économies supplémentaires et à la mesure que vous avez annoncée il y a quelques jours sur l’investissement des entreprises, au demeurant tout à fait justifiée mais qui va se traduire par une baisse de recettes fiscales. En d’autres termes, comment pouvez-vous justifier la pérennité de ce chiffre, alors que l’environnement a totalement changé, avec la baisse de l’inflation, les dépenses nouvelles, notamment pour financer le plan de lutte contre le terrorisme, et les dernières mesures fiscales ? Je ne comprends pas comment vous vous y prenez !

Troisièmement, ainsi que l’a relevé la Rapporteure générale, dont je partage largement le constat, nous avons un problème d’investissement. Au cours du débat sur le projet de loi de finances pour 2015, Henri Emmanuelli avait défendu un amendement visant à relancer l’investissement privé que nous avions tous jugé très intéressant. Cependant, vous ne lui donnez raison que très partiellement : la mesure permettant aux entreprises de sur-amortir leurs achats de biens industriels à hauteur de 140 % manque d’ambition.

D’autre part, monsieur Macron, le PNR ne prévoit aucune mesure concernant le bâtiment et les travaux publics (BTP), alors que l’investissement, notamment l’investissement public, est notoirement défaillant dans ce secteur. Au contraire, vous baissez massivement les dotations financières aux collectivités territoriales alors qu’elles réalisent 70 % des travaux publics. Et ce ne sont pas les toutes petites mesures relatives au Fonds de compensation pour la TVA qui suffiront pour améliorer les choses ! Je pensais que le PNR comporterait des mesures ciblées sur le secteur du BTP, au moins de nature non financière, telles que des allégements de normes ou une relance par des mécanismes d’emprunt. À quoi le « plan Juncker » sert-il donc ? Le PNR nous laisse sur notre faim s’agissant du BTP, alors que, dans un contexte plutôt porteur, il s’agit d’une question majeure et de l’un des rares leviers dont dispose la puissance publique pour influencer le cours des choses. Je trouve que vous manquez singulièrement d’ambition en la matière, monsieur Macron !

M. le ministre des finances et des comptes publics. Je répondrai avec plaisir à vos deux premières questions, monsieur le président. Je dispose de l’ensemble des réponses et vous sortirez de cette réunion rassuré… Je n’aime pas que vous soyez anxieux !

Pour relever les défis, nous avançons sur deux jambes : les mesures budgétaires et les réformes. Je laisse le ministre de l’économie vous exposer d’abord ce deuxième aspect de notre politique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Le PNR vise à répondre aux recommandations « pays » formulées par les instances européennes. Il s’agit d’un document récapitulatif qui n’a pas vocation à annoncer des réformes ou des mesures qui ne l’auraient pas déjà été par ailleurs. Cohérent et complémentaire avec les choix macroéconomiques qui ont été faits et avec l’ajustement budgétaire, ainsi que vient de l’indiquer Michel Sapin, ce programme vise à moderniser notre économie, en particulier à améliorer la croissance potentielle et à l’enrichir en emplois.

Le PNR comprend six volets. Le premier concerne la compétitivité-coût des entreprises. Les mesures prises dans ce domaine sont bien connues : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ainsi que le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui ont permis, dans un premier temps, de répondre à une situation d’urgence, puis de donner de la visibilité aux entreprises afin qu’elles puissent restaurer leurs marges et leur compétitivité-coût, préalable à l’amélioration de leur compétitivité hors coût.

Le deuxième volet du programme rassemble tout ce qui relève du renforcement de la compétitivité hors coût des entreprises, en particulier de la simplification des formalités administratives qui s’y rapportent. Plusieurs choses ont déjà été faites depuis la création du Conseil de simplification pour les entreprises, avec notamment une série de mesures annoncées, dont certaines sont en cours de transposition législative, dans le cadre de la loi de simplification de la vie des entreprises et de la loi pour la croissance et l’activité. Je veux rassurer M. le président sur un point : la loi pour la croissance et l’activité contient bien plusieurs dispositions de simplification réglementaire, des procédures et des autorisations, très attendues par le secteur du BTP.

Ce deuxième volet passe également par des mesures de numérisation accélérée de l’économie, qui seront proposées dans le cadre de la future loi sur le numérique.

Le troisième volet, complémentaire du deuxième, est celui du soutien à l’innovation : il n’y a pas de relance et de modernisation du tissu productif sans relance de l’investissement public et privé. Je ne reviens pas sur les annonces faites en matière d’investissement privé productif. On peut toujours considérer que l’annonce faite par le Premier ministre il y a quinze jours est trop timide ; je considère pour ma part qu’elle est ciblée, puisqu’elle concerne tout l’investissement productif hors immobilier – précisément ce dont notre pays a besoin, puisqu’il a un retard de 17 milliards d’euros dans ce domaine –, qu’elle est définie dans le temps et qu’elle présente une bonne visibilité, grâce à un vote au Sénat et à une instruction fiscale : tout cela permet d’avancer et d’accrocher l’ensemble des mesures d’investissement qui seront prises à la période du 15 avril 2015 au 15 avril 2016, afin de créer un effet de déclencheur.

Pour ce qui est du secteur du BTP, la dimension de l’investissement est importante. Pour commencer, les revenus fiscaux de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ont été sanctuarisés. Par ailleurs, nous avons débouclé la négociation avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes…

M. Henri Emmanuelli. Parlons-en !

M. le ministre de l’économie. On peut toujours décider de stopper tout investissement dans ce secteur, mais nous avons préféré instaurer des règles de clarification en matière de contrats, de tarification et de suivi des travaux qui n’existaient pas jusqu’alors, et seront transposées dans la loi, avec une autorité indépendante chargée de les surveiller. Il y aura également un rebasage, un engagement de 1 milliard d’euros des sociétés d’autoroute dans les infrastructures et les projets de transports via l’AFITF, ainsi qu’un engagement complémentaire d’investir 200 millions d’euros dans un fonds d’infrastructures – deux décisions très bonnes pour le secteur. Enfin, le débouclage du plan de relance permet, dès cette année, de lancer pour 3,2 milliards d’euros de travaux financés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, 80 % des travaux devant être faits dans les deux ans à venir.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget. Sans oublier le prolongement du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).

M. le ministre de l’économie. Effectivement, le prolongement du CITE au-delà de la période initialement prévue permettra aux artisans du bâtiment de disposer d’un soutien à l’activité. Ces mesures sont bienvenues et très attendues car le BTP n’est pas un secteur où tout va bien, et on peut s’attendre encore, dans les mois qui viennent, à des défaillances d’entreprises.

Le soutien à l’investissement et à l’innovation est aussi porté par les divers dispositifs publics que sont la Banque publique d’investissement (BPI), le deuxième volet du programme d’investissements d’avenir (PIA) ou les trente-quatre plans de la Nouvelle France Industrielle (NFI). Le « plan Juncker » participe de cette initiative ; nous nous sommes battus pour que sa composante en fonds propres soit plus large, et devons continuer à mener cette bataille. Aujourd’hui, 21 milliards d’euros en fonds propres sont mobilisés, ce qui permet d’accroître le guichet de la Banque européenne d’investissement (BEI). La France se mobilise pour présenter des projets, parmi lesquels on trouve beaucoup de projets d’infrastructures longs ayant vocation à émarger au guichet de la BEI en complément de ce que fait la Caisse des dépôts et consignations.

Le quatrième volet est celui de la modernisation du marché des biens et services, qui est l’un des éléments de modernisation de notre économie, avec l’ouverture de plusieurs secteurs, qu’il s’agisse de celui des transports, de certaines professions réglementées, ou de mesures prises au sujet de l’artisanat et du commerce. Le Premier ministre annoncera au début du mois de juin, à l’occasion de la conférence économique et sociale, des mesures complémentaires pour les TPE et PME, ainsi que d’autres figurant dans la future loi sur le numérique – ce secteur étant l’un des leviers permettant d’ouvrir plusieurs autres secteurs, soit par simplification de la sur-réglementation existante, soit au moyen de la capture par les acteurs classiques.

Le cinquième volet est celui de la modernisation du marché du travail. La dynamique enclenchée depuis 2012 consiste à donner plus de place au dialogue social et à une déconcentration de la norme. Cela se fait grâce à l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, transcrit par la loi de sécurisation de l’emploi, qui fait actuellement l’objet d’une évaluation qui se terminera à la mi-mai et nous permettra d’aller sans doute plus loin en matière d’accords de maintien dans l’emploi dits « défensif » ; l’objet de cette évaluation est de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et les choses à améliorer. Un consensus est en train de se dégager avec l’ensemble des partenaires pour considérer qu’il faut faire sauter certains verrous qui ont bloqué cet instrument.

En complément de ce qui avait été fait pour le licenciement économique, la modernisation de la justice prud’homale permettra de donner plus de visibilité aux acteurs et de sécuriser les procédures en cas de licenciement individuel, et d’améliorer la fluidité du marché du travail.

Des mesures complémentaires ont été présentées ce matin par notre collègue François Rebsamen, qui contribuent également à moderniser le dialogue social, c’est-à-dire à simplifier les réunions multiples et à permettre, sur la base d’accords, de simplifier les structures existantes au sein de l’entreprise et d’aller dans le sens de la flexi-sécurité. Les deux prochains rendez-vous sur ce sujet sont, d’une part, le bilan que nous tirerons fin mai avec François Rebsamen de la loi de sécurisation de l’emploi, d’autre part, la conférence économique et sociale des TPE et PME annoncée par le Premier ministre, qui sera l’occasion d’annoncer de nouvelles mesures de simplification pour ces entreprises.

Enfin, le sixième volet est celui de la lutte contre les inégalités et de la préparation de l’avenir. Les éléments de modernisation de notre économie et d’effort en matière d’investissement sont complétés par les mesures visant à une croissance de long terme prises dans le cadre de la transition énergétique, de la formation professionnelle – avec notamment la loi de 2013 – et en matière d’éducation.

La philosophie d’ensemble de ce programme national de réforme et, plus largement, de l’action de réforme du Gouvernement, consiste en une approche progressive, continue, et comprenant encore des étapes à venir dans les prochains mois. Elle est définie comme étant large, c’est-à-dire touchant tous les secteurs. Notre conviction est qu’il ne suffit pas de se concentrer sur un dossier, par exemple la réforme du marché du travail : si les choses étaient aussi simples, cela se saurait, et nos prédécesseurs aussi s’en seraient aperçus ! En réalité, c’est bien une série de réformes, à la fois macroéconomiques et microéconomiques, et touchant plusieurs secteurs, qu’il faut mettre en œuvre : c’est la stratégie développée par le Gouvernement, qui a entrepris de moderniser plusieurs secteurs de l’économie, qu’il s’agisse du secteur des biens et services ou du marché du travail. Ces réformes, qui mettent du temps à avoir un impact en termes de croissance et d’emploi, doivent s’accompagner de réformes contracycliques de plus court terme – c’est le choix qui a été fait – qui visent à restaurer les marges et à accompagner l’investissement.

M. Hervé Mariton. Si l’on peut être d’accord avec le ministre pour considérer qu’un certain nombre de réformes, entreprises secteur par secteur et d’une ampleur modeste, peuvent avoir leur utilité, on peut également regretter que le Gouvernement n’ait pas été plus audacieux, surtout au regard de ses intentions initiales.

Pour ce qui est du PNR, le Gouvernement chiffre l’impact des réformes en points de croissance, mais j’aimerais savoir quel est le degré de solidité de ces prévisions. Ainsi, il est prévu 4,2 points de croissance répartis sur plusieurs secteurs, mais le document qui nous est présenté ne donne aucune justification de ces chiffres. Pouvez-vous nous expliquer, par exemple, comment on arrive à 0,8 point de PIB en matière de transition énergétique ? Comment la réforme de l’éducation peut-elle nous apporter 0,1 point de PIB ? Si MÉSANGE le dit… Le Gouvernement croit-il aux chiffres qu’il nous présente ? Quelles sont les hypothèses minimales et maximales ? Pour moi, présenter des chiffres n’a aucun sens s’ils ne présentent pas une certaine solidité.

M. Charles de Courson. Dans la présentation du programme de stabilité figurent les estimations de huit réformes, pour un total de 4,2 points de croissance à l’horizon 2020. Nul n’est besoin d’avoir fait Polytechnique pour diviser 4,2 points par 5 : cela fait un peu plus de 0,8 point. Autrement dit, la moitié de la croissance attendue serait donc liée à ces huit réformes. Or, ces 4,2 points sont calculés hors impact de leur financement.

Par ailleurs, il me semble que les estimations qui nous sont ici livrées présentent un caractère tout à fait surréaliste. Ainsi, la réforme territoriale est censée se traduire par un gain de 0,3 point de croissance. Mais de quelle réforme parle-t-on ? Y a-t-il encore quelqu’un pour penser que fusionner les régions sans avoir jamais réformé leur mode de financement peut produire de la croissance ? Franchement, on se demande bien d’où sort ce chiffre de 0,3 point !

Avec le deuxième exemple, on monte en gamme : la transition énergétique doit nous procurer 0,8 point de croissance. Ceux qui ont lu l’étude d’impact du projet de loi sur la transition énergétique en sont encore à se demander comment on va faire pour fermer un tiers des centrales nucléaires – il faut passer de 75 % à 50 % pour tenir la promesse présidentielle – tout en faisant en sorte d’assurer les besoins en électricité de nos concitoyens – qui vont s’accroître de 1 % – et quelles conséquences cela va avoir sur le prix de revient de l’électricité, donc sur les prix pour les consommateurs : même la ministre chargée du dossier est incapable de répondre à cette question. Il ne faut donc pas s’attendre à une croissance en la matière : les mesures prises ne vont pas se traduire par un plus, mais par un moins, puisqu’on va augmenter le prix de l’énergie.

Il est également prévu 0,1 point de croissance grâce à la réforme de l’éducation. Certes, l’éducation est l’un des plus importants facteurs de croissance, mais à long terme, très long terme, et certainement pas à court terme. Franchement, ce n’est pas sérieux de nous présenter de telles prévisions.

M. Olivier Carré. Pour ma part, je commencerai par féliciter notre rapporteure générale : c’est la première fois que l’on nous montre clairement, en commission des finances, le rapport entre des politiques de réformes structurelles et des questions conjoncturelles, notamment celle des déficits publics de long terme. Je me félicite de ce souci de cohérence dans la présentation en regrettant simplement que l’exercice n’ait pas porté sur des réformes intervenues avant 2012 et qui continuent à influer sur l’évolution de notre croissance et des comptes : cela nous aurait permis de mieux mesurer l’ensemble de l’effort accompli depuis plusieurs années.

En ce qui concerne la méthode, je m’étonne que l’on confonde les flux et les stocks. Quand on parle de croissance, il s’agit d’un flux. Or, le document de l’OCDE fait état des travaux qui vont être effectués dans le cadre des nouvelles métropoles, notamment celles de Paris, de Lyon et de Marseille, et mentionne les travaux qui vont être effectués chaque année pour un montant de l’ordre de 6 milliards d’euros. On confond donc les éléments de croissance structurelle et ceux qui viennent s’ajouter conjoncturellement, notamment des investissements « one shot », très ponctuels, même s’ils sont effectués plusieurs années de suite.

M. Éric Woerth. Pour moi, un programme de réforme ne doit pas consister uniquement en un programme de relance, même si on a parfois tendance à confondre les deux. Les mesures conjoncturelles que tout gouvernement peut être amené à prendre ne doivent pas être prises au détriment d’une réforme en profondeur. Afin de tenir compte de l’environnement économique, il serait intéressant de regarder les résultats des autres pays : ce qui m’intéresse, c’est que la France fasse mieux que les autres, qu’elle aille plus vite, qu’elle profite davantage du vent de croissance et des facteurs extérieurs positifs ; malheureusement, ce n’est pas le cas. Certes, nous frôlons la croissance, mais à un niveau très inférieur à celui des autres pays. Nous n’accomplissons donc aucun exploit : le seul véritable exploit, ce serait de faire mieux que les autres et, à mon sens, c’est cet objectif qui devrait inspirer les programmes de réformes.

La loi pour la croissance et l’activité qui porte votre nom, monsieur le ministre, n’est pas vraiment une loi sur la croissance, de même que la loi de M. Rebsamen n’est pas réellement une loi de réforme du marché du travail : ce sont tout au plus des lois d’aménagement. Il y a en la matière un écart criant entre les intentions affichées et la réalité de la loi, et c’est bien cela qui pose problème.

M. Yves Censi. Les 4,2 points de croissance promis sont répartis selon des items assez mystérieux. Je voulais profiter de la présence de M. Macron pour évoquer l’un d’entre eux, celui du dialogue social, dont il est attendu 0,2 point de PIB de croissance. Certes, la « loi Macron » contenait de multiples modifications en matière de licenciement, mais pouvez-vous nous apporter quelques précisions en la matière ?

M. le ministre de l’économie. Comme vous l’avez constaté, j’ai évité de vous assener des chiffres lors de mon exposé initial, car je suis très prudent en la matière : il est très difficile d’expliquer, toutes choses égales par ailleurs, des impacts en points de PIB à l’horizon 2020. Il est important de les avoir en tête, mais il faut aussi savoir relativiser. Précisons à ce propos qu’il ne s’agit pas d’éléments de croissance, mais de points de PIB additionnels.

Nous disposons de deux approches complémentaires. La première approche est celle faite sur la base du modèle MÉSANGE de Bercy, qui conduit à des évaluations en points de PIB brut à l’horizon 2020. « Brut », cela signifie qu’il faut prendre en compte le financement de ces mesures : or, celui-ci est parfois nul, comme c’est le cas pour la réforme territoriale, tandis que d’autres réformes nécessitent des financements, notamment en matière de compétitivité-coût du travail.

Le modèle MÉSANGE prévoyant des fiches techniques jointes au PNR, je suis tout à fait disposé à ce que l’on discute de chaque fiche individuellement : chacune d’entre elles couvre bien des éléments identifiés et elles sont toutes auditables. Pour en revenir à la question sur le dialogue social, l’impact en la matière a été identifié : il s’agit d’abord de modifications des comportements – en l’occurrence, une diminution de la conflictualité des plans sociaux – liées à la loi de sécurisation de l’emploi, une loi qui a assoupli les procédures, donné plus de visibilité sur les licenciements collectifs, encadré les procédures dans le temps et limité leur montant. La réforme des prud’hommes et celle de l’assurance chômage, la « loi Rebsamen » et l’atténuation des effets de seuil produiront également des effets qu’il est possible de modéliser, dans les limites que comporte un tel exercice : pour ma part, je suis toujours prudent quant à l’impact a priori de telle ou telle mesure. Quoi qu’il en soit, cette méthodologie est transparente, auditable par Bruxelles, et aboutit aux chiffrages qui vous ont été indiqués.

En complément, l’OCDE a fait de son côté un travail en octobre 2014, selon une méthodologie qui lui est propre, mais qui aboutit néanmoins à des chiffrages extrêmement convergents. Ainsi, l’OCDE prévoit 3,7 points de PIB à un horizon de dix ans, et chiffre également l’impact de la transition énergétique à 0,8 point. Cela n’a au demeurant rien d’étonnant, puisque cette loi va se traduire par des travaux, notamment le grand carénage du parc nucléaire, et par des éléments de relance à court terme – je pense au CITE et à la rénovation thermique, qui vont donner des motifs de satisfaction au secteur du BTP dans les mois à venir. Enfin, il ne faut pas raisonner comme si le prix du CO2 devait rester éternellement à zéro : ce n’est pas le cas et, pour tenir compte de l’évolution à venir dans ce domaine, des investissements sont à réaliser pour adapter notre organisation productive et notre capital productif.

À court et moyen terme, les impacts évalués par l’ensemble des modèles sont positifs, même si les chiffres, toujours pris toutes choses égales par ailleurs, doivent être relativisés. Il n’en demeure pas moins que deux approches complémentaires très différentes, car ne reposant pas sur les mêmes modèles, parviennent à des éléments de chiffrage bruts comparables, faisant apparaître que certaines réformes sont de nature à améliorer la croissance potentielle à l’horizon de cinq ou dix ans.

Pour ce qui est de la réforme territoriale, l’OCDE s’est concentrée, pour aboutir à sa prévision de 0,3 point de PIB, sur Paris et Aix. Ce sont les processus de métropolisation qui doivent produire des éléments de relance, notamment grâce à la suppression des financements croisés, jugés sous-efficients, et à la réduction du nombre d’acteurs. Là encore, tous ces éléments sources d’économies, mais aussi d’investissements, ont des effets économiques positifs chiffrables et modélisés.

J’en viens à la situation de la France par rapport aux autres pays. Notre pays se trouve dans une situation singulière car, si l’on observe le paysage européen, on peut distinguer trois situations. Premièrement, certains pays ont connu une crise très dure dans les années 1990, et y ont trouvé l’occasion de revoir en profondeur leur modèle économique et social : ce sont les pays scandinaves ; deuxièmement, on trouve des pays comme l’Allemagne, ayant fait le choix de se moderniser et de se réformer en profondeur dans un contexte de croissance et en négociant une relâche budgétaire ; troisièmement, enfin, certains pays ont subi la crise de plein fouet – beaucoup plus brutalement que nous – et en ont profité pour procéder, dans un contexte de consensus social, à des ajustements budgétaires et de réforme : c’est le cas de l’Espagne, de l’Irlande et du Royaume-Uni.

La France est un cas à part : elle n’a pas fait les réformes proprio motu et en temps voulu. La spécificité française commence au début des années 2000 par une série de choix imputables aussi bien à la droite qu’à la gauche – vous pouvez citer la réforme du temps de travail si vous voulez – et par des relâches budgétaires négociées sans procéder dans le même temps à des réformes structurelles. Aujourd’hui, nous nous trouvons donc placés face à l’obligation de procéder à des ajustements budgétaires et des réformes au pire moment, c’est-à-dire dans le contexte d’une croissance extrêmement plate et de taux qui, s’ils nous procurent une protection artificielle, agissent un peu à la manière de la morphine.

Dans ce contexte, nous avons le choix entre abandonner l’un des deux – les ajustements ou les réformes – ou, comme l’ont fait l’Espagne et l’Irlande quand elles étaient au fond du trou, ce qui n’est pas notre cas, taper très fort dans les deux domaines. Notre situation n’est pas si désespérée que celle qu’ont connue ces pays, car nous avons bénéficié d’amortisseurs de crise, et nous ne pouvons pas agir comme ils l’ont fait. Se concentrer uniquement sur la politique budgétaire sans rien moderniser constitue de notre point de vue un mauvais choix. Cela dit, compte tenu de notre place dans la zone euro et de l’instabilité de celle-ci depuis 2012, nous devons tenir un cap en la matière. Nous avons opté pour un cap médian, celui des 50 milliards d’euros que, bien sûr, certains vont trouver trop dur et les autres pas assez. En effet, ce cap ne permet pas une politique de relance conjoncturelle ; il est donc plutôt douloureux à court terme sur le plan économique – et sur le plan politique, cela n’aura échappé à personne –, mais il témoigne d’une politique de sérieux.

Quant à la politique de réforme qui doit être menée en parallèle, elle ne peut consister à casser tous les stabilisateurs en réformant de manière trop brutale, mais à avancer étape par étape de manière continue, afin de moderniser les différents marchés. Une partie des mesures à prendre relève de la relance, celle-ci étant cependant beaucoup plus timide que ce qui a été fait par le passé : ce n’est donc pas un plan de relance, mais un plan d’accompagnement conjoncturel lié à des problèmes identifiés et d’un plan de modernisation de l’économie consistant en un train continu de réformes menées depuis 2013 et ayant vocation à continuer au cours des années à venir. Notre choix politico-économique consiste à mener des réformes de manière continue, de façon progressive mais à bon rythme, sur l’ensemble des volets, compte tenu de la situation dans laquelle notre pays s’est mis il y a quinze ans. En résumé, nous ne venons pas de nulle part, et nous devons tenir compte de notre environnement.

M. Éric Woerth. N’oublions pas que les amortisseurs de crise sont également des amortisseurs de reprise. Il faut donc réformer, même quand c’est difficile. La France ne dispose pas des moyens économiques nécessaires pour procéder à une relance conjoncturelle forte, et vous n’avez pas les moyens politiques de procéder à une relance structurelle. Nous sommes donc coincés dans une sorte d’entre-deux qui nous empêche de courir aussi vite que les autres. Or, courir moins vite que les autres, c’est avoir moins de croissance qu’eux, et continuer à perdre sur tous les terrains : c’est là que se situe la fragilité majeure de la politique suivie actuellement, pour louables que soient les intentions de ceux qui la mènent.

M. Olivier Carré. Il a été dit que l’environnement conjoncturel était défavorable : non, il est aujourd’hui extrêmement favorable, comme il ne l’a jamais été depuis de très nombreuses années.

M. le ministre de l’économie. La conduite de réformes est, on le sait, antagoniste de l’ajustement budgétaire, et si la politique monétaire européenne est plus accommodante qu’elle ne l’a été, elle reste en retard de phase par rapport à celles des Américains, des Britanniques et des Japonais, encore plus accommodantes. Les réformes en vue de relancer l’économie n’interviennent généralement pas au moment du sérieux budgétaire. Notre choix n’a pas été d’être très – trop – raisonnables sur les mesures conjoncturelles mais, par contre, de mettre la pression sur nos partenaires européens et Bruxelles pour bénéficier d’un élément conjoncturel de relance. Le « plan Juncker » et les choix macroéconomiques allemands sont fondamentaux, car c’est ainsi que nous pourrons compenser notre ajustement en bénéficiant d’un stimulus budgétaire de court terme.

M. Hervé Mariton. Le programme de stabilité présente une très significative augmentation en volume de 0,9 % des dépenses publiques en 2015. Comment le ministre de l’économie qualifie-t-il ce contexte budgétaire ?

M. le ministre des finances. C’est un effort qui ne s’est jamais vu ! Comparez à ce que vous avez fait vous-mêmes !

M. Hervé Mariton. Reste que cette augmentation est contradictoire avec la présentation du ministre de l’économie. Si je ne suis pas certain qu’il y ait eu de consensus en Espagne ou au Royaume-Uni, ces pays ont néanmoins été capables de prendre certaines décisions budgétaires. Le Gouvernement prétend suivre un schéma différent, que M. Macron décrit comme étant équilibré, entre réformes structurelles et politique budgétaire. Ma remarque se borne à souligner que 0,9 % d’augmentation en volume, ce n’est pas rien, et que le choix du Gouvernement n’est pas si équilibré qu’il le dit.

M. Charles de Courson. C’est du laxisme atténué…

M. le président Gilles Carrez. Le ralentissement est indéniable ; reste que 0,9 %, c’est considérable.

M. le ministre de l’économie. Ces 0,9 % doivent être comparés à la trajectoire et à l’historique. Vous connaissez comme moi l’inertie de la dépense publique. Notre dynamique est une baisse de la dépense de l’État en valeur absolue. Par ailleurs, qui a eu les ONDAM historiquement les plus bas ? Il ne faut pas regarder ces 0,9 % de manière statique mais par rapport aux années précédentes. Si nos choix budgétaires sont moins drastiques que dans d’autres pays, c’est parce que ces pays, comme l’Espagne, ont subi des crises systémiques beaucoup plus dures. Le consensus économique et social est bien plus fort en Espagne, y compris pour des raisons culturelles : cette génération a connu l’anarchie, ce qui n’est pas le cas des Français. Nous ne pourrions faire en France ce qui a été fait en Espagne, c’est un fait anthropologico-politique, et cela vaut aussi pour l’Irlande. Nous avons mieux résisté à la crise mais nous repartons plus lentement.

En 2009, alors que l’Allemagne connaît une récession trois fois plus dure que nous, c’est la France qui décide d’engager une relance budgétaire. Demandez-vous qui a fait les mauvais choix ! Je pense que ce sont ceux qui n’ont pas engagé les réformes quand c’était possible au plan budgétaire, dans un environnement de croissance, qui sont à blâmer. Par la suite, le plan de relance à contre-cycle que notre pays a été le seul à conduire n’a donné aucun résultat, si ce n’est de financer des entreprises étrangères en « biberonnant » la consommation domestique et d’accroître notre déficit public.

Notre situation n’est certes pas pleinement satisfaisante, mais la martingale parfaite n’existe pas. La clé, c’est la constance, être capable de tenir une trajectoire de finances publiques et un plan de réformes sans faiblir.

M. le président Gilles Carrez. Pour en revenir au programme de stabilité, quelle est votre hypothèse tendancielle d’augmentation des dépenses publiques, monsieur le ministre des finances ?

M. Philippe Vigier. Je fais écho à cette question : avec toutes les modifications enregistrées, je suis surpris que le programme de stabilité maintienne le chiffre de 50 milliards. Il aurait fallu l’ajuster.

On annonce 1,2 milliard de diminution pour les collectivités territoriales pour 2016. Comment le Gouvernement est-il parvenu à ce chiffre ? Quelle proportion concernera les personnels de ces collectivités ?

J’ai comparé le présent programme de stabilité avec celui de la période 2014-2017. Comment expliquez-vous que ce dernier présentait une baisse des dépenses publiques en volume de 0,3 % alors que le présent programme présente une augmentation de 0,9 % ?

L’importante baisse des taux d’intérêt que nous connaissons permet incontestablement de réaliser des économies, mais le collectif budgétaire de l’an dernier avait déjà anticipé la diminution de la charge de la dette en 2015. N’y a-t-il pas chevauchement entre le vote de ce collectif et l’annonce que vous faites ?

Enfin, votre collègue ministre de l’intérieur a évoqué des prévisions de baisses d’investissement des collectivités territoriales de l’ordre de 10 % du fait de la très forte diminution des dotations prévues pour les années 2015, 2016 et 2017. Cela a-t-il été intégré dans les perspectives de croissance, sachant que l’investissement public des collectivités territoriales est un moteur de l’investissement global ?

M. Marc Goua. Je souhaite une explication de texte concernant l’économie sur les collectivités locales, qui s’ajoute aux autres restrictions intervenues depuis deux ans. Cette économie serait de 1,2 milliard « à condition que les hausses d’impôts restent modérées » : je ne comprends pas bien ce codicille… La majorité des dépenses des collectivités locales concernent les frais de personnel, et elles se retrouvent régulièrement à subir des revalorisations dont elles ne sont pas responsables. Comment économiserons-nous 1,2 milliard ?

M. Éric Alauzet. Je salue le fait que nous soyons enfin parvenus à l’objectivité des chiffres. Ce fut long et laborieux, mais nous y sommes. Il ne faudrait pas reprocher maintenant à présent au Gouvernement d’être trop pessimiste.

Confirmez-vous que la baisse des dépenses de l’État et de la protection sociale est en partie, comme dans le cas de certaines baisses mécaniques de prestations sociales ou de consommation énergétique, neutre, ou indolore, et sans impact sur le pouvoir d’achat ?

Alors que les recettes de la contribution climat-énergie étaient initialement prévues à quelque 4 milliards en 2016, elles sont chiffrées à moins de 2 milliards dans ce programme. Comment expliquez-vous un tel écart ?

Enfin, certaines associations de collectivités locales se sont inquiétées des 4 milliards d’économies supplémentaires, craignant qu’elles ne soient supportées par les collectivités, alors que, si je ne m’abuse, il n’en a jamais été question. Comment expliquer que ces associations se soient publiquement inquiétées ? Cela me semble assez incompréhensible.

M. Dominique Lefebvre. Le programme de stabilité et le plan national de réforme s’inscrivent dans la continuité de notre action. Personne n’a contesté la cohérence du dispositif, et pour cause : il est parfaitement cohérent et justifié, en particulier quant au niveau de l’ajustement budgétaire à opérer. Les déclarations de nos collègues de l’opposition, qui considèrent à la fois qu’il n’y a pas assez de réformes et pas assez d’ajustements budgétaires, sont pour le moins étonnantes. L’opposition souhaite, au fond, que le gouvernement français se conforme à la doxa de la Commission européenne, qui demande un ajustement structurel plus important ; encore faut-il l’assumer, et reconnaître clairement que cela se traduirait par moins de croissance et plus de chômage.

Le ministre de l’économie a été extrêmement limpide dans sa présentation du plan national de réforme. Ce n’est pas le bon moment pour des réformes d’ampleur et des politiques d’ajustements budgétaires drastiques, alors que, pendant dix ans, l’actuelle opposition n’a pas été capable d’adopter de telles politiques ni d’engager les réformes dont notre pays avait besoin ; le déficit structurel a au contraire augmenté de façon continue depuis 2006 et les entreprises françaises n’ont cessé, depuis 2008, de perdre en compétitivité et en marges. L’argument, systématiquement invoqué, selon lequel la majorité du quinquennat de Nicolas Sarkozy a subi de plein fouet la crise financière ne tient pas.

Le groupe socialiste appuie pleinement, après l’avoir votée, la stratégie gouvernementale du rythme des ajustements budgétaires, ainsi que son programme national de réforme qui, par alignements successifs, permet de déverrouiller les freins à la croissance de l’économie française.

Il faut, oui, soutenir la croissance mais les 1 000 milliards de dettes dont nous avons hérité de l’ancienne majorité ne nous en laissent pas les moyens. Au demeurant, même si nous avions ces moyens, un effort budgétaire, compte tenu de l’offre productive, ne serait d’ailleurs pas très efficace. C’est donc au niveau européen que cela doit se passer, et la mise en œuvre rapide des 315 milliards d’euros d’investissement du « plan Juncker » est à cet égard décisive. Nous aurons l’occasion d’en débattre, notamment le 6 mai dans l’hémicycle.

M. Charles de Courson. Je repose la question que je pose depuis des mois sans obtenir de réponse : quelle interprétation le Gouvernement donne-t-il de l’écart croissant entre le déficit effectif et le déficit structurel tel qu’il le calcule ? Par ailleurs, pourrions-nous avoir plus de détails sur les 4 milliards d’économies supplémentaires en 2015, et les 5 milliards prévus en 2016 ?

M. le ministre des finances. Notre travail lie la politique budgétaire et les réformes car notre responsabilité, celle qui n’a pas été assumée auparavant, est de réduire les déficits, dans des conditions qui ne soient pas incompatibles avec la reprise de l’activité économique que nous constatons, tout en engageant les réformes qui n’ont pas été menées par nos prédécesseurs. C’est ce que la Commission européenne nous demande : elle lie le programme de réforme à l’équilibre de l’ensemble, car elle sait que le programme national prépare de la croissance en plus pour demain et nous permet une trajectoire de finances publiques crédible, avec un retour progressif à l’équilibre budgétaire. Les deux sont intimement liés, et la solution n’est pas simple. Il était plus facile de faire, ou l’un, ou l’autre, dans une période de croissance ; malheureusement, cela n’a pas été fait, et cela renvoie à notre responsabilité politique.

Beaucoup d’entre vous demandent comment, dans le programme national de réforme, nous parvenons à des chiffres qui traduiraient du PIB en plus. Je me suis moi-même posé la question, et c’est ce qui m’a amené à m’adresser à l’OCDE. La quasi-totalité des chiffres figurant dans notre programme national de réforme ne sont pas calculés par nous-mêmes mais par l’OCDE. Certes, on peut tout autant les contester du point de vue intellectuel et méthodologique, me direz-vous ; mais nous avons tenu à « objectiver » ce travail en le confiant à une organisation indépendante, et c’est ce que nous avons transmis à la Commission, qui est très attentive à cet aspect des choses. Et d’après ces chiffres, qui restent évidemment contestables, dans le bon sens du terme, notre programme de réforme est porteur de croissance en plus dans les années à venir – quand on œuvre pour le bien public, on n’agit pas exclusivement en fonction des seuls calendriers électoraux.

En ce qui concerne le programme de stabilité, nous travaillons dans la continuité. Ce programme traduit, à 0,1 ou 0,2 % près, ce que vous avez vous-mêmes décidé dans la loi de programmation, à savoir une trajectoire de diminution des déficits publics. Il se trouve que c’est convergent avec ce que demandent la Commission et le Conseil européens. Tant mieux, mais c’est avant tout la continuité de nos propres décisions.

Nous mettons également en œuvre les 50 milliards d’économies, ce qui représente un effort gigantesque. M. Mariton nous reproche une augmentation de 0,9 % de la dépense publique en 2015, alors qu’un tel effort de maîtrise est sans exemple. En 2011, alors que notre pays n’était plus en crise, cette augmentation était de 2,5 %. Nous considérons que c’est par la maîtrise de la dépense publique que l’on peut financer tout à la fois la diminution du déficit, nos priorités ainsi que les baisses de cotisations et d’impôts demandés aux entreprises et aux ménages.

Les dépenses de la lutte contre le terrorisme en début d’année ont été immédiatement compensées. Ce qui a changé, c’est l’inflation. Nous tenons les 50 milliards mais, comme nous avons perdu entre 3 et 4 milliards en cours de route, nous proposons 4 milliards de mesures nouvelles. Nous adaptons notre programme d’économie à la période. Cette continuité donne une grande crédibilité à notre trajectoire.

Il n’y a pas la bonne et la mauvaise dépense publique, la bonne qui serait celle des collectivités locales et la mauvaise qui serait celle de l’État ou de la sécurité sociale. L’effort doit être partagé par tous. Sortir de ce raisonnement reviendrait à faire preuve ou d’une forme de faiblesse intellectuelle, ou d’hypocrisie. Cet effort doit porter sur le fonctionnement.

Il existe, s’agissant de la croissance potentielle, un désaccord. Suivre l’ajustement structurel voulu par la Commission européenne, comme le souhaite l’opposition, conduirait à moins de croissance et moins d’emplois – peut-être à court terme, certes, mais cela intéresse le chômeur de savoir ce qui se passera dans le mois ou l’année qui suit ! Nous ne le souhaitons pas et nous avons donc engagé un débat avec la Commission européenne. J’ai rencontré hier quelques commissaires, et pas ceux qui font preuve du plus de souplesse sur ces questions. La préconisation de la Commission européenne était fondée sur un déficit de 4,3 % de déficit en 2014. Dans la mesure où elle constate que la France, avec 4 % de déficit, a fait mieux que ses prévisions, elle considère que sa préconisation peut évoluer. Une telle évolution doit évidemment tenir compte des arguments que je viens de présenter. À quoi servirait-il d’en faire plus, si c’est pour casser la croissance et freiner le recul du chômage et le rééquilibrage de nos finances publiques ?

Je ne connais pas deux économistes qui soient strictement d’accord, même parmi ceux qui ont défendu un amendement l’an dernier, sur le niveau exact de la croissance potentielle. Je ne peux donc pas savoir précisément ce que doit être l’effort structurel. À ceux qui m’interrogent, avec une grande ténacité, sur le sujet, je réponds que l’effort structurel dépend de la croissance potentielle, qui dépend elle-même de l’ajustement intellectuel de chacun, et que j’en reviens donc à la donnée du déficit nominal. Ce faisant, je parle un langage européen, car ce que l’Europe nous demande, c’est de respecter notre déficit nominal. Mais comme ni les uns ni les autres n’ont jamais respecté les objectifs de déficit nominal, la Commission européenne est obligée de regarder sous le capot, c’est-à-dire d’examiner ces questions compliquées et objectivement difficiles à apprécier. Or, comme nous sommes sur une trajectoire profondément crédible et que nous atteindrons nos objectifs nominaux, elle est satisfaite.

M. le président Gilles Carrez. Nous verrons le verdict dans quelques semaines.

M. le ministre des finances. La Rapporteure générale a souligné le réalisme de nos hypothèses, qui est le meilleur moyen d’atteindre nos objectifs.

M. le secrétaire d’État au budget. Permettez-moi de revenir au préalable sur la distinction entre croissance potentielle et croissance constatée. Je rappelle que c’est pour une raison juridique que le Gouvernement s’est opposé à une modification du taux de croissance potentielle figurant dans l’article liminaire du projet de loi de finances rectificative pour 2014. En effet, si vous aviez adopté un article liminaire différent de celui qui avait été soumis au Haut Conseil des finances publiques, nous aurions pris le risque de voir le texte invalidé par le Conseil constitutionnel. Ce point peut être discuté, mais nous n’avons pas souhaité prendre ce risque. Pour le reste, tout a été dit sur la difficulté d’estimer de manière certaine la croissance potentielle.

Pour répondre à l’une de vos questions, monsieur le président, je précise que nous avons prévu une augmentation de la dépense publique de 0,9 % en 2015 et de 1,4 % pour l’ensemble des deux années 2016 et 2017. Il n’y aura donc pas d’augmentation en rythme de la dépense publique.

M. le président Gilles Carrez. En valeur ?

M. le secrétaire d’État au budget. Tout à fait, monsieur le président.

Je tiens également à souligner qu’en France, le niveau de l’investissement public est resté stable, contrairement à ce que l’on a observé dans d’autres pays ; c’est un élément important.

M. Charles de Courson. Jusqu’en 2013 !

M. le secrétaire d’État au budget. J’en viens aux mesures d’économies supplémentaires, qui obsèdent certains d’entre vous.

Pour 2015, il a été indiqué que nous attendions 1,2 milliard d’euros d’économies
– supplémentaires, je le précise à l’attention de M. Vigier – sur la dette. D’aucuns estiment qu’il ne s’agit pas d’une mesure structurelle. Michel Sapin a pourtant déjà longuement expliqué ici même, la semaine dernière, que le remplacement d’obligations au taux de 3 % ou 4 % par des obligations à 0,3 % ou 0,4 % représentait bien une économie structurelle, dans la mesure où elle se prolonge au cours des années suivantes. De même, certains nous objectent que les 400 millions de recettes supplémentaires que nous attendons du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) ne sont pas structurelles. Or j’ai eu l’occasion de rappeler le nombre des dossiers traités chaque année et le produit escompté. J’ajoute que les avoirs révélés à l’occasion de ces déclarations entrent dans les assiettes d’impôt, au titre des revenus qu’ils peuvent produire ou de l’ISF, auquel ils sont souvent soumis compte tenu des montants en jeu.

S’agissant des 700 millions d’euros d’économies réalisées sur les dépenses de l’État, nous publierons avant la fin du mois de mai un décret, dont vous serez informés et dont vous aurez l’occasion de débattre – je suis prêt, si nécessaire, à venir en détailler la composition devant la commission.

En ce qui concerne les opérateurs de l’État, il s’agit de constater que l’exécution d’un certain nombre de programmes prend régulièrement du retard – je pense notamment aux PIA – et d’en tirer les conséquences budgétaires.

Enfin, en 2014, l’ONDAM a été sous-exécuté à hauteur de 300 millions d’euros ; nous avons repris cette sous-exécution en base, et nous travaillons avec le ministère des affaires sociales pour documenter une centaine de millions d’euros supplémentaires, que nous aurons l’occasion de détailler ultérieurement.

J’en viens maintenant aux 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires prévues pour 2016 – avec la prudence qui s’attache à tout exercice de prévision. Je veux répondre avec précision aux questions concernant le 1,2 milliard de moindres dépenses de fonctionnement que nous attendons des collectivités locales. Nous estimons que, grâce à la baisse du prix de l’énergie et à une moindre inflation, le pouvoir d’achat de ces dernières, comme celui de certains ministères, devrait augmenter, de sorte qu’il est possible, à volume de dépenses constant, de faire la même chose pour moins cher. Certes, nous avons prévu une légère reprise de l’inflation en 2016, mais, comme les hypothèses antérieures avaient été construites sur des taux d’inflation supérieurs, nous estimons que les collectivités locales pourront réaliser leurs opérations à un coût inférieur. Rapporté à l’ensemble des dépenses des collectivités territoriales, soit environ 250 milliards d’euros, ce montant de 1,2 milliard n’est pas considérable. En tout état de cause, il ne s’agit pas de restreindre davantage les dotations.

M. le président Gilles Carrez. Incluez-vous la masse salariale ?

M. le secrétaire d’État au budget. Sur ce point, vous avez souligné, à juste titre – et cela fait actuellement l’objet de travaux menés par les services du Premier ministre et les associations d’élus – que les dépenses en masse salariale ont été affectées l’année dernière par la revalorisation des catégories C et d’une partie des catégories B. Il est vrai que cette dépense « contraint » les collectivités territoriales, mais un certain nombre d’autres éléments de la masse salariale sont à leur main – et beaucoup le savent ici, puisque je constate que la plupart des élus encore présents à cette heure tardive sont aussi titulaires de mandats locaux.

M. Marc Goua. Ils sont plus résistants !

M. le secrétaire d’État au budget. Ils sont du reste souvent les plus assidus – j’ai récemment lu dans un grand journal du soir, dont un représentant observe nos travaux, un article fort intéressant à ce sujet. (Sourires.)

Un certain nombre d’éléments, disais-je, sont à la main des élus. J’en citerai deux : le régime indemnitaire, qui est encadré et plafonné, et les durées d’avancement, qui font actuellement l’objet de négociations, conduites par Marylise Lebranchu, en ce qui concerne la fonction publique d’État. Il est à noter que 98 % des fonctionnaires territoriaux avancent systématiquement à la durée minimale, ce qui soulève du reste la question de l’égalité des fonctionnaires d’État et des fonctionnaires territoriaux. C’est un point sur lequel nous serons bien amenés à revenir, car il est paradoxal que les rythmes d’avancement dans les différentes fonctions publiques ne soient pas soumis à des règles similaires. Je rappelle par ailleurs qu’en 2014, la masse salariale de la fonction publique territoriale a augmenté de 4 %, celle de la fonction publique d’État de 0,5 %. Une partie de cette augmentation est due, je l’ai reconnu, à la revalorisation de la catégorie C et d’une partie de la catégorie B.

M. Marc Goua. Ainsi qu’à la revalorisation de certaines cotisations sociales !

M. le secrétaire d’État au budget. Oui, mais cette revalorisation est également intervenue dans la fonction publique d’État, puisqu’il s’agit de poursuivre le rattrapage du taux de cotisation des retraites – de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) concernant la fonction publique territoriale. Certes, elles ne sont pas totalement comptabilisées de la même façon, mais cette revalorisation n’explique pas, loin s’en faut, la hausse de 4 % de la masse salariale.

Pourquoi avoir précisé que nous attendions 1,2 milliard d’euros d’économies supplémentaires réalisées sur les dépenses de fonctionnement, à condition que les hausses d’impôts locaux restent modérées ? Parce que si l’on ajoute une recette supplémentaire, il est bien évident que l’on aura tendance à la dépenser. Encore une fois, ce n’est pas ce que nous souhaitons. Nous voulons réduire la dépense publique quand cela est possible ou tout au moins ralentir son augmentation, et il convient que les collectivités territoriales y prennent leur part.

M. le ministre des finances. Je vous rappelle que nous nous retrouverons le 6 mai, pour un débat en séance publique !

M. Charles de Courson. Sans vote !

La Commission autorise la publication du rapport d’information de la Rapporteure générale sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 et le programme national de réforme.

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ANNEXES

ANNEXE N° 1 : LES RÈGLES BUDGÉTAIRES EUROPÉENNES

I. L’ADOPTION PROGRESSIVE D’UN CADRE EUROPÉEN DE COORDINATION BUDGÉTAIRE

L’adoption progressive d’un cadre de coordination budgétaire et économique européen trouve ses origines dans la volonté de plusieurs États membres de l’Union européenne d’adopter une monnaie unique : l’euro.

A.  1992–2005 : UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA CONJONCTURE

1.  La prohibition d’un déficit public supérieur à 3 % du PIB et d’une dette publique supérieure à 60 % du PIB

Le traité signé à Maastricht en 1992 a transformé significativement les Communautés économiques européennes en vue du passage à la monnaie unique. Il stipulait l’adoption d’un mécanisme de coordination des politiques économiques dans les traités, les « grandes orientations de politique économique » (ou « GOPE »), prévu par l’article 103 du traité instituant la Communauté européenne (TCE) ainsi qu’une prohibition des déficits excessifs évalués suivant deux critères, le déficit public nominal et la dette publique (article 104C TCE), dont les niveaux furent fixés respectivement à − 3,0 % du PIB et 60 % du PIB dans un protocole annexé.

Le traité d’Amsterdam a confirmé et renuméroté ces stipulations : les articles 103 et 104C TCE devinrent les articles 99 et 104 TCE. Un Pacte de stabilité et de croissance (PSC) prenant la forme de deux règlements y fut adjoint. Ainsi le règlement (CE) n° 1466/97 introduit, dès 1997, les programmes de stabilité et de convergence. Le règlement (CE) n° 1467/97 précisa la procédure de déficit excessif, les sanctions susceptibles d’être prises à l’encontre des États membres, ainsi que la définition de « circonstances exceptionnelles » qui pouvaient justifier un écart temporaire.

2.  L’introduction d’une notion de déficit structurel pour mieux tenir compte de la conjoncture et des besoins d’investissement public

En 2003, le PSC démontra ses limites alors que la France et l’Allemagne affichaient un déficit excessif. Le Conseil de l’Union européenne rejeta en effet les recommandations de la Commission européenne tendant à ce qu’il mette en demeure la France et l’Allemagne de réduire leur déficit excessif ; ce faisant, il adopta des « conclusions » non prévues par les textes, suspendant la procédure d’une manière imprévue juridiquement. Saisie, la Cour de justice des Communautés européenne donna raison au Conseil, sur le fait qu’il n’avait pas compétence liée pour mettre un pays en demeure de réduire son déficit, et à la Commission, sur le fait que le Conseil ne pouvait pas adopter des conclusions sans fondement textuel. Cette crise affaiblit le Pacte de stabilité et de croissance et rappela que l’Union européenne n’était pas une fédération puisque rien n’empêchait en pratique les États de décider d’appliquer ou non le PSC.

Le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 proposa alors un assouplissement du PSC. Les deux « ancrages nominaux du pacte » (3 % de déficit public, 60 % de dette publique) restèrent inchangés mais le Conseil européen proposa de mieux prendre en compte le cycle économique pour éviter des politiques pro–cycliques et tenir compte des besoins en investissement public.

Les propositions du Conseil furent traduites dans deux règlements modifiant le PSC de 1997 (25). Des objectifs de moyen terme différenciés, pour chaque État membre, furent désormais adoptés et revus tous les quatre ans. Pour tenir compte de la conjoncture et des besoins d’investissement public, la contrainte d’un déficit public nul fut assouplie au profit de l’introduction d’objectif de déficit structurel compris entre 0 ou un excédent et − 1 % du PIB. Le pacte rénové introduit également une obligation quant au rythme de réduction du déficit en termes structurels : 0,5 % du PIB par an minimum. Enfin, davantage de souplesse fut accordée pour les États membres mettant en place des réformes structurelles coûteuses à court terme mais génératrices d’économies à long terme (réformes des retraites, notamment).

B.  2007–2013 : UN RENFORCEMENT DES POUVOIRS D’APPRÉCIATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

1.  Le « Six–Pack » a renforcé les contraintes et les sanctions et donné davantage de pouvoirs d’appréciation à la Commission européenne

Le « Six–Pack » est un ensemble de cinq règlements et d’une directive (26). Comme l’indiquait la Commission européenne dans sa communication, le 29 septembre 2010, il s’agit du « plus important renforcement de la gouvernance de l’UE et de la zone euro depuis le lancement de l’union économique et monétaire ». Le « Six–Pack » permet un renforcement des sanctions des volets préventif et correctif par le seul droit dérivé.

Le « semestre européen », qui regroupe désormais les différents exercices de coordination économique et budgétaire, a été introduit par ce « Six–Pack ». Il prévoit un nouveau mécanisme d’alerte en cas de « déséquilibres macroéconomiques excessifs ».

Il a repris le principe de l’adoption d’objectifs budgétaires de moyen terme différenciés revus tous les trois ans, au lieu de quatre précédemment. Mais de nouvelles contraintes sur le rythme de correction des déficits ont été introduites de façon graduée :

– pour tous les États membres ayant un déficit excessif, la croissance des dépenses publiques doit être moindre que celle du PIB potentiel ;

– pour les États membres ayant un déficit excessif et dont la dette publique est supérieure à 60 % du PIB, le rythme de réduction du déficit structurel doit être supérieur à 0,5 % du PIB par an ;

– pour les États membres dont le déficit public est inférieur à 3 % mais dont la dette publique reste supérieure à 60 %, le rythme de réduction de la dette publique doit correspondre à une réduction d’un vingtième par an en moyenne sur trois ans de l’écart entre la part de la dette en pourcentage du PIB et la valeur de référence de 60 %.

Le régime de sanction pour déficit excessif a été significativement renforcé, avec un vote du Conseil à la « majorité qualifiée inversée ». Il faut désormais qu’une majorité qualifiée d’États membres se prononcent contre une recommandation ou une sanction présentée par la Commission pour que celle–ci soit abandonnée. Des sanctions peuvent également être infligées à un État membre reconnu en situation de déséquilibre macroéconomique excessif ne se soumettant pas aux recommandations de la Commission.

Des souplesses de procédures – l’adoucissement de certaines contraintes, des délais supplémentaires – sont susceptibles d’être accordées sur la base de critères variés, dont l’appréciation est laissée à la Commission ce qui lui donne, en pratique, un pouvoir important vis–à–vis des États membres.

2.  Le traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) n’a pas profondément modifié ce cadre

Le traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a été signé le 2 mars 2012 entre vingt–cinq États de l’Union (hors Royaume–Uni et République tchèque).

Son article 2 prévoit qu’il est interprété et appliqué conformément aux traités sur lesquels l’Union est fondée et qu’il ne permet pas de déroger au droit de l’Union. En outre, ce traité a une vocation transitoire puisque son article 16 prévoit que les États s’engagent à inscrire le contenu du TSCG dans le droit de l’Union dans un délai de cinq ans.

Les États signataires hors zone euro peuvent « faire leur marché » dans le traité. Ils ne prennent pas part au vote lorsqu’une procédure concerne un membre de la zone euro.

L’innovation principale réside dans l’abaissement du seuil d’objectif de moyen terme de solde structurel de − 1 % à − 0,5 %. Cette règle d’or doit être transposée en droit national. Un État partie au traité peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne si un État ne respecte pas cette obligation.

Le TSCG généralise le vote à « majorité qualifiée inversée » pour toutes les propositions ou recommandations de la Commission relative aux déficits excessifs, supprimant certains « points de fuite » du « Six–Pack ».

Il prévoit enfin une transmission des plans d’émission de dette à la Commission.

S’agissant de la gouvernance, l’article 13 prévoit la réunion d’une conférence interparlementaire réunissant les parlementaires nationaux concernés, dans une sorte de « COSAC des finances publiques » (27).

Les obligations relatives à la « règle d’or budgétaire » ont ensuite été précisées dans le « Two–Pack » (cf. infra).

Les stipulations du traité, d’effet direct en droit interne, ont toutefois fait l’objet de mesures de transposition dans la loi organique n° 2012–1403 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012.

3.  Le « Two–Pack » a organisé la surveillance renforcée des États membres qui sollicitent une aide multilatérale et mis en place un calendrier budgétaire commun

Le « Two–Pack » est composé de deux règlements (28).

Le règlement (UE) n° 473/2013 a achevé la rationalisation de la gouvernance en transformant le semestre européen en un cycle budgétaire annuel commun (cf. infra). Il a prévu l’obligation, pour les États membres, de se doter d’organismes indépendants chargés du suivi des règles budgétaires. Cette obligation a été transposée, en France, par la création du Haut Conseil des finances publiques chargé de rendre un avis sur le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement et de la cohérence des objectifs annuels et pluriannuels relatifs aux finances publiques.

Le règlement (UE) n° 472/2013 a organisé la surveillance renforcée des États membres qui sollicitent une aide multilatérale. Les obligations d’information des États membres suivis au titre de la surveillance renforcée, du fait de difficultés financières importantes et du recours au mécanisme européen de stabilité financière, fonds européen de stabilité financière ou au FMI, ont été renforcées. Plusieurs agences européennes sont désormais associées à la surveillance renforcée : le Comité économique et financier (qui réunit des représentants des ministères de l’économie et des finances des États membres ainsi qu’un représentant de la Banque centrale européenne − BCE), l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, l’Autorité européenne des marchés financiers, et le Comité européen du risque systémique.

I. LES RÈGLES ET LES PROCÉDURES DE COORDINATION ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNES

Il résulte des traités et du droit dérivé susmentionnés que les États membres de l’Union européenne coordonnent étroitement leurs politiques budgétaires et économiques suivant un calendrier budgétaire commun. Ils sont dotés d’organismes indépendants chargés du suivi des règles budgétaires.

A.  LES OBJECTIFS

Les États membres adoptent des objectifs budgétaires de moyen terme (OMT) différenciés, révisés tous les trois ans. L’objectif à moyen terme de solde structurel ne peut être supérieur à 0,5 % du PIB.

Les États membres dont le déficit public nominal est proche de l’équilibre ou en excédent et dont la dette publique est inférieure à 60 % du PIB respectent le PSC. Dans ces conditions, ils peuvent s’autoriser un déficit temporaire, notamment aux fins d’investissement public, sous réserve que le déficit structurel reste inférieur à 0,5 % du PIB.

Sont considérés comme connaissant un déficit public excessif les États membres dont le déficit public est supérieur à 3 % du PIB et ceux dont la dette publique excède 60 % du PIB.

Pour les États membres dont le déficit public est inférieur à 3 % du PIB mais dont la dette publique reste supérieure à 60 % du PIB, les règles européennes imposent un rythme de réduction de l’écart entre la valeur de la dette exprimée en pourcentage du PIB et la valeur de référence d’un vingtième par an en moyenne sur trois ans.

Pour les États membres dont le déficit public est supérieur à 3 % du PIB, les règles européennes imposent un rythme de réduction annuel du déficit structurel de 0,5 % du PIB au minimum et un rythme encore supérieur si la dette publique est supérieure à 60 % du PIB.

B.  UN CALENDRIER BUDGÉTAIRE COMMUN

Le règlement (UE) n° 473/2013 a complété le semestre européen par l’institution d’un calendrier budgétaire commun.

Janvier : publication par la Commission européenne de l’« enquête annuelle de croissance » (ou « AGS » – Annual Growth Survey).

Mars : adoption par le Conseil européen des « grandes orientations de politique économique » (GOPE) définies par le Conseil pour l’année en cours.

Avril : les États membres doivent envoyer un pré–projet de budget avec le programme de stabilité (Pstab) et le programme national de réforme (PNR, prévu depuis 2011, initialement dans le cadre de la stratégie Europe 2020) avant le 30 avril.

Mai : la Commission publie ses recommandations État membre par État membre.

Juin : les comités du Conseil (Comité de politique économique et Comité économique et financier pour la filière ECOFIN et le Comité des politiques sociales et le Comité pour l’emploi pour la filière EPSSCO) examinent les recommandations. Le Conseil européen les examine à la fois du mois de juin.

Juillet : le Conseil (en filière ECOFIN) adopte formellement des recommandations individuelles pour les vingt–huit États membres portant sur leur situation budgétaire et macroéconomique, après validation de ces recommandations par le Conseil européen fin juin.

Octobre : les États membres doivent envoyer à la Commission leur « plan budgétaire » (pour la France, son projet de loi de finances initiale), au plus tard le 15 octobre.

Novembre : la Commission donne un avis avant le 30 novembre et demande, le cas échéant, des modifications.

Décembre : l’État membre transmet sa loi de finances à la Commission avant le 31 décembre.

A.  DES OBLIGATIONS D’INFORMATIONS

Dans le cadre de la surveillance multilatérale et de la coordination économique budgétaire, les États membres doivent transmettre les informations nécessaires à l’évaluation, par la Commission, de la soutenabilité de leurs finances publiques, de leur endettement et de leur politique macroéconomique.

Le programme de stabilité fournit notamment les informations suivantes :

– l’objectif de moyen terme de l’État membre ;

– la trajectoire d’ajustement correspondante ;

– le cas échéant, la justification d’un écart par rapport à la trajectoire requise ;

– les principales hypothèses macroéconomiques et budgétaires ;

– des informations sur la cohérence du programme avec les grandes orientations de politique économique définies au niveau communautaire et le programme national de réforme ;

– des informations sur les passifs implicites liés au vieillissement et aux garanties publiques ;

– des informations détaillées sur l’évolution des recettes et des dépenses publiques et sur l’investissement public ;

– une évaluation quantitative des mesures envisagées ;

– une analyse de la sensibilité de la trajectoire à la conjoncture ;

– la mention de l’existence ou non d’un avis donné par le parlement national.

La Commission européenne peut réaliser des missions d’évaluation ou contrôles sur place dans les États membres en procédure de déficit excessif et en surveillance renforcée.

Les États membres ayant sollicité une aide multilatérale (Fonds européen de stabilité financière − FESF, Mécanisme européen de stabilité financière − MESF ou FMI) sont soumis à la procédure de surveillance renforcée qui prévoit des obligations d’information supérieure ainsi qu’une coopération étroite avec les institutions monétaires et financières internationales pertinentes (Commission européenne, BCE, FMI, notamment). Parmi les obligations d’information renforcée figurent notamment des informations désagrégées sur l’évolution de son système financier, y compris une analyse des résultats de tout test de résistance ou d’analyse de sensibilité réalisés.

B.  LA PROCÉDURE EN CAS DE DÉFICIT EXCESSIF

La notification d’un déficit excessif, les recommandations adressées aux États membres ainsi que les sanctions sont adoptées à majorité qualifiée inversée par le Conseil de l’Union européenne, sur proposition de la Commission.

Les recommandations de la Commission sont appuyées sur une évaluation globale, ce qui lui confère en pratique une large marge d’appréciation.

La procédure permet à la Commission d’alléger les contraintes, notamment de délais, pesant sur les États membres en déficit excessif en fonction des efforts consentis pour respecter leur trajectoire et de leur situation économique particulière.

Étape de la procédure

Règlement (CE) n° 1055/2005

Rapport de la Commission

 

ê

 

Avis du comité économique et financier

2 semaines

ê

 

Notification de la Commission au Conseil

 

ê

 

Recommandation du Conseil

dans un délai de 3 mois

ê

 

Délai pour que l’État membre engage une action suivie d’effets

5 mois

3 mois si la situation est grave

ê

 

Mise en demeure par le Conseil

dans un délai de 2 mois

ê

 

Première sanction

4 mois après la mise en demeure, sauf circonstances particulières, sauf si des recommandations révisées prolongent le délai d’un an

ê

 

Nouvelle sanction

Dans les 16 mois qui suivent la première notification au Conseil au maximum

ê

 

Intensification des sanctions

2 mois après la notification du nouveau déficit n+ 1

ê

 

Amende

2 ans

C.  LES SANCTIONS

Les sanctions résultant d’une procédure pour déficit excessif prennent la forme d’une amende imposée par le Conseil. Le montant de cette amende comprend :

– un élément fixe égal à 0,2 % du PIB ;

– un élément variable égal à un dixième de la différence entre le déficit (exprimé en pourcentage du PIB de l’année au cours de laquelle ce déficit a été jugé excessif) et la valeur de référence (3 %).

En outre, le Conseil peut décider de renforcer les sanctions au cours des années suivantes s’il constate que l’État membre n’a toujours pas pris les mesures appropriées pour réduire son déficit. Le montant total des amendes ne peut cependant pas excéder le plafond de 0,5 % du PIB.

Au contraire, le Conseil peut décider d’abroger tout ou partie des sanctions en fonction de l’importance des progrès réalisés par l’État membre concerné. Les amendes déjà infligées ne sont cependant pas remboursées à l’État membre concerné.

Des sanctions peuvent être infligées aux États membres qui ne se conformeraient pas aux recommandations du Conseil pour réduire des déséquilibres macroéconomiques :

– un dépôt portant intérêt s’élevant à 0,1 % du PIB ;

– une amende annuelle de même niveau.

Les sanctions sont réputées adoptées à moins que le Conseil ne s’y oppose à la majorité qualifiée (système dit « de la majorité qualifiée inversée »).

Type de sanction

Déséquilibres macroéconomiques

Volet préventif du PSC

Volet correctif du PSC

Sanction temporaire

Un dépôt portant intérêt s’élevant à 0,1 % du PIB

Dépôt portant intérêt s’élevant à 0,2 % du PIB constaté l’année précédente + 1/10e de la différence entre la valeur du déficit et la valeur de référence

Dépôt ne portant pas intérêt s’élevant à 0,2 % du PIB constaté l’année précédente + 1/10e de la différence entre la valeur du déficit et la valeur de référence

Amende

Amende annuelle de même niveau

Transformation du dépôt en amende

Transformation du dépôt en amende

ANNEXE N° 2 : LES RECETTES PUBLIQUES

ÉVOLUTION DU TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Taux de prélèvements obligatoires (% du PIB)

44,7

44,7

44,4

44,3

44,2

44,2

Élasticité des prélèvements obligatoires

0,2

0,6

0,8

1,0

1,0

1,0

Source : programme de stabilité 2015-2018.

ÉVOLUTION DES RECETTES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(points de PIB, y compris crédits d’impôt)

 

2013

2014

2015(p)

État

18,2

18,1

17,8

ODAC

3,9

4,1

3,9

APUL

11,5

11,5

11,4

ASSO

26,1

26,4

26,2

Source : exécution 2013 et 2014 ; programme de stabilité 2015-2018.

ÉVOLUTION DES RECETTES DE L’ÉTAT

(milliards d’euros)

 

2013

2014

2015(p)

Recettes fiscales nettes

284,0

274,3

278,1

Impôt sur le revenu

67,0

69,2

70,2

Impôt sur les sociétés

47,2

35,3

33,5

TVA

136,3

138,4

141,1

Autres (dont TICPE)

33,6

31,4

33,2

Recettes non fiscales

13,7

13,9

15,4

Source : exécution 2013 et 2014 ; programme de stabilité 2015-2018.

Note de lecture : à ce stade de l’année, les prévisions détaillées pour 2016 et 2017 de recettes par sous-secteur ou les prévisions de recettes fiscales nettes sont encore très largement conventionnelles.

ANNEXE N° 3 : LA DETTE PUBLIQUE

L’ÉVOLUTION DU RATIO D’ENDETTEMENT PUBLIC

(Points de PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

Ratio d’endettement au sens de Maastricht (1)

95,0

96,3

97,0

96,9

95,5

Ration d’endettement hors soutien financier aux États de la zone euro

91,8

93,3

94,0

94,1

92,7

  Croissance nominale du PIB (en %) (2) (3)n ≈ -(1)n-1 x (2)n

1,3

2,0

2,4

2,8

3,5

  Solde stabilisant le ratio d’endettement (hors flux de créances)

-1,2

-1,9

-2,2

-2,6

-3,2

  Solde effectif (4)

-4,0

-3,8

-3,3

-2,7

-1,9

Écart au solde stabilisant (5)=(3)-(4)

2,8

1,9

1,0

0,0

-1,3

Flux de créances (6)

0,0

-0,6

-0,4

-0,1

-0,1

Variation du ratio d’endettement (7)=(5)+(6)

2,7

1,3

0,7

0,0

-1,4

Source : programme de stabilité 2015-2018

LES PRÉVISIONS DE DETTE PUBLIQUE

(en % de PIB)

Source : programme de stabilité 2015-2018

L’ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA DETTE PUBLIQUE

(en % de PIB)

 

2014

2015

2016

2017

2018

Dette publique en % de PIB - Pstab

95

96,3

97

96,9

95,5

Dette publique en % de PIB - LPFP

95,2

97,1

97,7

97

95,1

Dette publique en % de PIB - recommandation du Conseil de l’UE

95,3

97,2

98,8

99,3

 

Source : programme de stabilité 2015-2018.

HYPOTHÈSES DE TAUX D’INTÉRÊT SUR LA PÉRIODE 2015-2017

Niveau de fin d’année (hypothèses)

2014

2015

2016

2017

2018

Taux courts (BTF 3 mois)

-0,01 %

-0,05 %

0,25 %

1,00 %

1,75 %

Taux longs (OAT 10 ans)

0,93 %

1,20 %

2,10 %

3,00 %

3,50 %

Source : programme de stabilité 2015-2018.

ANNEXE N° 4 : POINT D’ÉTAPE SUR L’EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL POUR L’EXERCICE 2015

EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL PAR MINISTÈRE À FIN AVRIL 2015

(en millions d’euros)

Par Ministère

LFI
AE

LFI
CP

Crédits disponibles à date
AE

Crédits disponibles à date
CP

Écart LFI/Crédits disponibles à date
AE

Écart LFI/Crédits disponibles à date
CP

Affaires étrangères

4 881,6

4 729,3

4 568,4

4 422,2

313,2

307,1

Affaires sociales et santé

16 919,2

16 915,1

15 677,9

15 646,2

1 241,3

1 268,9

Agriculture, agroalimentaire et forêt

4 811,2

4 629,4

4 585,5

4 399,4

225,7

230,0

Culture et communication

3 402,5

3 428,3

3 291,5

3 315,0

111,0

113,3

Défense

49 381,6

39 623,6

46 849,7

37 878,4

2 531,9

1 745,2

Écologie, développement durable et énergie

14 108,5

13 563,5

13 945,5

13 444,1

163,0

119,4

Économie et finances

64 419,0

61 568,4

63 487,0

60 927,8

932,0

640,6

Éducation nationale

64 946,3

65 026,3

64 461,8

64 535,9

484,5

490,4

Égalité des territoires et logement

14 174,7

13 857,2

12 361,6

12 069,6

1 813,0

1 787,6

Enseignement supérieur et recherche

22 907,3

22 990,5

22 283,1

22 269,8

624,3

720,7

Intérieur

21 948,4

22 056,9

21 637,0

21 644,0

311,4

412,9

Justice

9 194,6

7 894,2

8 927,3

7 731,0

267,3

163,2

Outre-mer

2 092,8

2 062,2

1 917,7

1 889,4

175,2

172,7

Redressement productif

829,9

877,7

765,7

809,7

64,2

68,0

Réforme de l’État, décentralisation et fonction publique

2 968,6

2 736,3

2 709,3

2 495,5

259,4

240,8

Services du Premier ministre

2 271,2

2 301,5

2 170,4

2 199,7

100,8

101,8

Sports, jeunesse, éducation populaire et vie associative

456,2

468,0

498,2

509,1

– 42,0

–  41,1

Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

11 949,6

11 367,6

11 085,8

10 578,3

863,8

789,3

Total général

311 663,2

296 095,9

301 223,4

286 765,1

10 439,8

9 330,8

             

Source : Gouvernement.

EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL PAR MISSION À FIN AVRIL 2015

(en millions d’euros)

Source : Gouvernement

1 () Voir compte rendu des réunions du 15 et du 22 avril 2015 dans le présent rapport, pages 65 et 93.

2 () Voir compte rendu, dans le présent rapport, de l’audition, le 15 avril 2015, de M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, page 65.

3 () M. Christian Eckert, Rapport d’information sur le programme de stabilité et de croissance présenté par le Gouvernement pour les années 2013 à 2017, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 944, 17 avril 2013.

4 () Recommandation n° 6704/15 du 10 mars 2015 visant à ce qu’il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6704-2015-INIT/fr/pdf.

5 () Voir compte rendu, dans le présent rapport, de l’audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, page 79.

6 () Ce pacte, présenté dans le programme de stabilité d’avril 2014, a été décliné dans la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014, la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances initiale pour 2015 et la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.

7 () Pour une présentation détaillée de l’état de mise en œuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité, se reporter au développement relatif aux recettes publiques.

8 () Notamment dans le cadre du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en cours de discussion ou du plan en faveur de l’investissement présenté par le Premier ministre le 8 avril dernier.

9 () Recommandation n° 6704/15 du 10 mars 2015 visant à ce qu’il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6704-2015-INIT/fr/pdf.

10 () Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

11 () Pour précision, l’économie que représente ce gel peut être estimée à 1,35 milliard d’euros par an pour une inflation moyenne sur la période 2015-2017 de 0,8 %.

12 () Pour une présentation exhaustive des informations disponibles sur l’effort consenti en 2015 par chacun des secteurs d’administrations publiques au titre des 21 millions d’économies à réaliser sur cet exercice, se reporter aux annexes dédiées du tome I du rapport 2260 de la Rapporteure générale sur le projet de loi de finances pour 2015, http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r2260-tI.asp.

13 () Rapport public annuel, Cour des comptes, février 2015.

14 () Cour de justice de l’Union européenne, 26 février 2015, Ministère de l’économie et des finances c./ M. Gérard de Ruyter, C-623/13.

15 () Voir l’annexe n° 1 du présent rapport.

16 () L’OCDE estimait en 2012 la croissance potentielle à moyen terme de la France à 1,8 % (http://www.oecd.org/fr/eco/perspectives/50381022.pdf) et en 2014 à 2,2 % (http://www.oecd.org/fr/economie/Perspectives-de-croissance.pdf).

17 () Recommandation n° 6704/15 du 10 mars 2015 visant à ce qu’il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6704-2015-INIT/fr/pdf.

18 () Estimation fournie par la direction générale du Trésor, sur la base des modèles MÉSANGE et QUEST.

19 () Note de conjoncture, mars 2015.

20 () Standard & Poor’s 500 est un indice basé sur 500 grandes sociétés cotées sur les bourses américaines. L’indice est possédé et géré par Standard & Poor’s, l’une des trois principales sociétés de notation financière.

21 () L’indicateur S&P500 CAPE (Cyclically-Adjusted Price-to-Earning Ratio) rapporte l’indice boursier S&P500 à la moyenne des profits des entreprises et le corrige du cycle économique. Il a été inventé par le prix Nobel d’économie (2013) Robert Schiller.

22 () Fonds monétaire international, Perspectives de l’économie mondiale 2015, chapitre 4, avril 2015.

23 () Les modalités de mise en œuvre de ce fonds ont été formalisées dans la proposition de règlement de Commission européenne n° 2015/0009 du 13 janvier 2015 et a fait l’objet d’une présentation exhaustive de (http://ec.europa.eu/priorities/jobs-growth-investment/plan/index_fr.htm).

24 () La stratégie Europe 2020 pour une croissance « intelligente, durable et inclusive » est une stratégie de coordination des politiques économiques au sein de l’Union européenne sur une période de dix ans. Elle succède à la stratégie de Lisbonne (2000-2010). Les objectifs portent sur le taux d’emploi de la population âgée de 20 à 64 ans, sur la part du PIB consacrée à la R&D, sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale, l’efficacité énergétique, le taux de décrochage scolaire, la proportion des 30 à 34 ans diplômés de l’enseignement supérieur, la réduction du nombre de personnes risquant de tomber dans la pauvreté ou l’exclusion.

25 () Le règlement (CE) n° 1055/2005 du 27 juin 2005 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 et le règlement (CE) n° 1056/2005 du 27 juin 2005 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97.

26 () Le règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro ; le règlement (UE) n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro ; le règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques ; le règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques ; le règlement (UE) n° 1177/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs ; la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

27 () Mme Nicole Bricq, Rapport fait sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012, Sénat, session ordinaire de 2011-2012, n° 390, 21 février 2012, page 79.

28 () Le règlement (UE) n° 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière et le règlement (UE) n° 473/2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro.


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