Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 3064
______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 septembre 2015


RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) (1)
sur
les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements

ET PRÉSENTÉ PAR

Mmes Monique RABIN et Catherine VAUTRIN

Députées

——

MM. Olivier CARRÉ et Alain CLAEYS

Présidents.

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’évaluation et de contrôle est composée de : MM. Olivier Carré, Alain Claeys, présidents, M. Gilles Carrez, président de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, MM. Christophe Castaner, Charles de Courson, Marc Francina, Jean-Pierre Gorges, Laurent Grandguillaume, Jérôme Lambert, Hervé Mariton, Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, MM. Pascal Terrasse, Philippe Vigier, Éric Woerth.

SOMMAIRE

___

Pages

introduction 5

PremiÈre partie : le réseau des chambres de commerce et d’industrie 7

I. des institutions locales anciennes et indépendantes 7

A. La constitution progressive du réseau des CCI 7

1. Les chambres de commerce sont nées de la volonté de centres urbains d’encourager le développement de leur activité économique 7

2. L’établissement progressif d’un réseau s’appuyant sur l’échelon régional 7

3. Les évolutions législatives en cours pour renforcer les relations entre les différents échelons du réseau 11

a. Un projet de loi rétablissant les dispositions de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques 11

b. Les effets attendus de la révision de la carte régionale 11

4. Les relations du réseau avec les autres acteurs publics 17

a. Les relations avec la tutelle doivent être restaurées 17

b. La coordination des actions avec les collectivités territoriales pour une meilleure articulation des services en faveur du développement économique des territoires 17

B. Une modernisation progressive du réseau par les mutualisations 17

II. une baisse des recettes affectées qui doit inciter le réseau À poursuivre son processus de modernisation 19

A. la baisse des recettes affectées rend nécessaire une meilleure maîtrise des dépenses engagées par le réseau 19

1. La répartition des différentes sources de financement des CCI 19

2. Le chiffre d’affaires des CCI constitue leur première ressource 21

3. La taxe pour frais de chambre, principale ressource publique des chambres, a été fortement réduite au cours des dernières années 21

a. Rappel de la composition de la taxe pour frais de chambre 21

b. Une taxe pour frais de chambre très dynamique, excédant les besoins des chambres 21

c. Des mesures d’économies prises entre 2013 et 2015 modifiant durablement les conditions de financement du réseau 23

d. Des modalités de prélèvements contestées par les chambres en 2015 25

4. L’impact sur l’activité et les moyens des CCI de la baisse de la taxe pour frais de chambre et des fonds de roulement 25

a. Les effets des mesures d’économies sur la situation financière des chambres 25

b. Les effets des mesures d’économies sur les dépenses d’investissement 27

c. Les effets des mesures d’économies sur les dépenses de personnel 27

d. Les effets des mesures d’économies sur les entreprises 29

B. la baisse des recettes affectées doit inciter le réseau à mieux définir ses missions 29

1. Une définition plus précise des missions des CCI par la loi du 23 juillet 2010 29

a. Les principes encadrant l’activité des chambres 29

b. La liste des principales activités des chambres 29

2. La diversité des missions des CCI et les modalités de leur financement 29

a. La mission de représentation des entreprises auprès des pouvoirs publics 31

b. La mission d’accompagnement des entreprises 31

c. La mission d’appui aux territoires et de gestion d’équipements 33

d. La mission Formation et emploi 35

3. L’affectation d’une partie de la taxe pour frais de chambres à des activités marchandes fait débat 35

4. La nécessité de redéfinir les priorités des CCI 35

C. la répartition de l’offre de services sur le territoire fait apparaître l’hétérogénéité du réseau 37

deuxième PARTIE : le réseau des chambres de métiers et de l’ARTISANAT 43

Iun réseau en voie de réorganisation 43

D. des chambres spécifiques à l’artisanat et aux métiers 43

1. Un réseau qui permet de prendre en compte les particularités de ses ressortissants 43

2. Un réseau relativement homogène 43

3. Un réseau qui s’est développé à partir de l’échelon départemental 43

E. les premiers acquis de la mise en œuvre de la réforme du rÉseau 45

1. La concentration juridique des chambres s’est opérée selon des modèles de gouvernance plus ou moins intégrés 45

a. La loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires ouvrait une option entre trois modèles de gouvernance 45

b. Le réseau s’est montré réticent à l’adoption du modèle de gouvernance le plus intégré 45

2. Le processus de mutualisation engagé est encore imparfait 47

a. Une mutualisation variable selon les territoires 47

b. Des retards dans la mutualisation au niveau national 47

c. La première évaluation des effets de la mutualisation 48

III. dÉterminer une trajectoire de financement compatible avec les missions prioritaires du réseau 48

A. une situation financiÈre qui se dÉgrade depuis 2009 48

1. Des résultats d’exploitation en baisse tendancielle 48

a. Un bénéfice en réduction 48

b. Des fonds de roulement de niveaux très variables 49

2. Des facteurs de fragilité 49

a. Un modèle de financement dépendant des subventions 49

b. Des charges – personnels, centres de formation des apprentis, effet du régime de l’auto-entrepreneur – qui augmentent plus vite que les produits 50

3. Le tassement des ressources procurées par la taxe pour frais de chambre 51

a. Après une évolution dynamique, la taxe ne permet plus d’assurer l’équilibre financier du réseau 51

b. La fixation du niveau de plafonnement par la loi de finances pour 2015 a pris en compte la situation du réseau 51

c. Le prélèvement sur les fonds de roulement des chambres pour contribuer à la mise en place du fonds de financement et d’accompagnement 52

B. les voies d’UN FINANCEMENT SOUTENABLE 55

1. Poursuivre la dynamique de mutualisation et de restructuration sous l’impulsion de l’APCMA 55

a. Les économies attendues 55

b. Des efforts de mutualisation à approfondir 55

c. Une régionalisation à mener à son terme en l’articulant avec la réforme territoriale 55

d. Les règles du fonds de financement et d’accompagnement à revoir 55

e. La tutelle de l’État à renforcer 55

2. Recentrer les missions du réseau autour de l’accompagnement des petites entreprises et de la formation 57

a. Des missions qui ont évolué pour s’adapter à la demande des entreprises 57

b. Donner plus de cohérence et de visibilité à l’accompagnement des entreprises en complémentarité avec les autres acteurs 57

c. Intégrer le réseau à la stratégie nationale de relance de l’apprentissage 57

troisième PARTIE : les chambres d’agriculture 59

Iun rÉseau AUTONOME qui a seulement amorcé sa rÉorganisation 59

C. des missions qui se sont diversifiÉes 59

1. Des chambres consulaires proches des exploitants agricoles 59

2. Un réseau caractérisé par la grande autonomie de l’échelon départemental 59

a. La grande hétérogénéité des chambres d’agriculture 59

b. Des chambres départementales bénéficiant d’une autonomie financière et fiscale 59

c. Des chambres régionales et la tête de réseau limitées à un rôle de coordination 59

3. Des missions qui se sont diversifiées 59

a. La représentation des intérêts du monde agricole 59

b. Les missions de service public 61

c. Le développement agricole 61

D. les limites D’une rÉorganisation largement laissée à l’initiative du rÉseau 61

1. Les orientations du processus de mutualisation et de réorganisation posées par le législateur 61

a. Les lignes directrices 61

b. Une réforme conceptuellement admise par le réseau 61

2. Une mise en œuvre globalement décevante et inégale selon les territoires 61

a. Les freins à la réorganisation 61

b. Une mutualisation des moyens a minima 61

c. Un regroupement des chambres insuffisant 61

IV. UNE situation financière FAVORABLE mais CONTRASTÉE 63

A. DES RÉSULTATS VARIABLES SELON LES CHAMBRES 63

1. Des résultats globaux excédentaires en dépit d’une baisse depuis 2011 63

2. Des fonds de roulement en diminution relative 63

B. UNE PROGRESSION PLUS RAPIDE DES DÉPENSES QUE DES RECETTES 63

1. Une baisse prévisible des recettes 63

a. Une contraction du produit global de la taxe pour frais de chambre 63

b. Une évolution différenciée des autres recettes 65

c. Une baisse des ressources attendue à court terme 65

d. Les conséquences de la diminution des ressources 67

2. Des dépenses en hausse tendancielle 67

a. La rigidité des dépenses de personnels 67

b. Les autres dépenses de fonctionnement en augmentation 69

V. LES VOIES D’un financement pÉrenne adaptÉ aux missions DU RÉSEAU 69

A. Passer à une autre étape de la réorganisation du réseau 69

1. En fixer les modalités par voie législative 69

2. Mettre l’échelon régional au centre du réseau 69

B. Rechercher de nouvelles recettes et sources d’économies 71

C. Mettre en œuvre une péréquation efficace 71

D. Engager la réflexion sur de nouvelles modalités de financement du réseau 73

E. Redéfinir la mission de développement agricole 73

quatriÈme PARTIE : dÉpasser les clivages entre les trois rÉseaux 75

Ides REDONDANCES identifiées et des coopérations relevant d’initiatives locales 75

F. un socle COMMUN DE MISSIONS 75

1. L’accompagnement des entreprises et la formation 75

2. Les aides à l’exportation : un exemple d’atomisation des actions 75

G. des partenariats entre réseaux insuffisants 75

VI. améliorer la TRANSVERSALITÉ entre les réseaux 75

A. mutualiser les moyens 75

B. repenser le partage des missions en direction des entreprises 75

1. Une politique rationnelle de partenariat fondée sur le principe de subsidiarité d’intervention 75

2. L’intégration des stratégies économiques au niveau régional 75

C. COORDONNER les actions de formation 77

D. régler la question des doubles ressortissants 77

Les propositions de la mission d’évaluation et de contrôle 79

Examen en commission 83

annexe 1 : la situation financière des CCI en 2014 87

annexe 2 : évolution de la TFC des CCI entre 2013 et 2015 191

annexe 3 : évolution des fonds de roulement des CCI entre 2013 et 2015 227

annexe 4 : questionnaire transmis aux réseaux consulaires 289

annexe 5 : Liste des personnes auditionnÉes et comptes rendus des auditions 295

INTRODUCTION

Les réseaux consulaires ont connu de nombreuses réformes au cours de la dernière décennie initiées, pour certaines, par les réseaux eux-mêmes de manière à suivre l’évolution des besoins de leurs ressortissants et, pour d’autres, à la suite de dispositions législatives touchant à leur gouvernance et à leur financement.

Ces réformes ont donné lieu à de nombreux débats et publications qui ont confirmé le rôle des chambres consulaires auprès des acteurs économiques et des pouvoirs publics. À titre d’exemple, le rapport de MM. Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat sur la mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relative aux chambres de commerce et d’industrie (1) a permis de dresser un premier bilan de la régionalisation progressive de ce réseau.

Par ailleurs, les chambres consulaires ont été associées à l’important effort de maîtrise des dépenses publiques demandé à l’ensemble des acteurs de la sphère publique par le biais de prélèvements opérés sur leurs fonds de roulement et la baisse de la taxe pour frais de chambre.

Cet effort s’est traduit par une accélération des mutualisations de certaines fonctions et par une réflexion sur les missions prioritaires des chambres et les attentes de leurs ressortissants.

Dans ce contexte, les rapporteures de la présente mission d’évaluation et de contrôle ont souhaité présenter une situation actualisée des trois réseaux consulaires (soit les chambres de commerce et d’industrie – CCI, les chambres des métiers et de l’artisanat – CMA et les chambres d’agriculture – CA). Pour chacun d’entre eux, le rapport aborde d’une part les réformes en cours en matière de gouvernance et, d’autre part, l’adéquation de leur financement aux missions qui leur sont confiées.

Ce rapport devrait ainsi permettre d’éclairer les prochains débats parlementaires qui auront lieu sur ces questions.

PREMIÈRE PARTIE : LE RÉSEAU DES CHAMBRES DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE

Les CCI se sont engagées dans un ensemble de réformes visant, d’une part, à rationaliser l’organisation de leur réseau en application des lois du 2 août 2005 et du 23 juillet 2010 et, d’autre part, à adapter leurs services aux besoins des entreprises par le biais de réformes internes.

Cette démarche, que les rapporteures ne peuvent qu’encourager, est toutefois récente et l’enjeu pour les chambres est désormais d’assurer la mise en place d’un réseau performant et adapté aux besoins constatés sur le territoire.

Par ailleurs, les efforts financiers demandés aux chambres depuis 2013, après une période d’évolution continue de leurs ressources, doivent être réalisés de manière coordonnée (certaines chambres ayant déjà mis en œuvre des réformes permettant d’envisager des économies à moyen terme) et reposer sur la définition d’un avenir commun, notamment au travers de la mise en œuvre du projet « CCI de demain ».

Cette évolution, condition du maintien d’un réseau dynamique, en phase avec les besoins des entreprises, ne peut se faire sans les territoires et, en premier lieu, les régions et les métropoles qui jouent un rôle moteur en matière de soutien à l’économie et à l’aménagement des territoires.

I. DES INSTITUTIONS LOCALES ANCIENNES ET INDÉPENDANTES

A. LA CONSTITUTION PROGRESSIVE DU RÉSEAU DES CCI

1. Les chambres de commerce sont nées de la volonté de centres urbains d’encourager le développement de leur activité économique

L’histoire des chambres de commerce et d’industrie permet d’expliquer certaines de leurs caractéristiques :

– créées à l’initiative de centres urbains pour répondre à des besoins locaux, elles ont chacune une identité propre et ont défini leurs missions en conséquence ;

– reconnues comme établissements publics à compter du XIXe siècle, elles bénéficient néanmoins d’une grande autonomie par rapport à leur tutelle ;

– la constitution légale d’un véritable réseau est relativement récente puisqu’elle a été rendue possible par la loi de 2005.

Rappel historique

– XVIIe siècle : les premières institutions sont créées dès 1599 à Marseille et dès 1601 à Paris et Rouen. Elles ont pour objectif d’encourager l’activité économique de ces centres urbains et de représenter les intérêts du commerce auprès des pouvoirs publics ;

– XVIIIe siècle : la plupart des grands centres urbains se dotent progressivement de « chambres de commerce » ;

– Décret des 27 septembre et 16 octobre 1791 : suppression des chambres au cours de la révolution française, rétablies en 1802 ;

– Ordonnance du 16 juin 1832 : extension de leur compétence et introduction du principe de l’élection de leurs représentants ;

– Décret du 3 septembre 1851 : qualification d’établissements d’utilité publique ;

– 28 octobre 1885 : reconnaissance par la Cour de cassation de leur qualité d’établissement public en raison du lien qui les attache à l’organisation administrative ;

– Loi du 9 avril 1898 : définition du fonctionnement et des missions des chambres de commerce et d’industrie (représentation des intérêts commerciaux et industriels des entreprises situées dans leur circonscription, élection des membres des CCI, mode de financement) ;

– Décret du 28 septembre 1938 : introduction des premières chambres régionales, instituées sous leur forme actuelle par le décret n° 64-1199 du 4 décembre 1964 ;

– Loi n° 52-1311 des 10 et 12 décembre 1952 : établissement d’un statut du personnel administratif des chambres ;

– Décret n° 64-1200 du 4 décembre 1964 : création de l’Assemblée permanente des chambres de commerce et d’industrie afin de représenter l’institution consulaire au plan national et international et d’effectuer, la synthèse des positions défendues par les chambres ;

– Décret n° 72-950 du 3 octobre 1972 : création des groupements interconsulaires dont la vocation est de défendre les intérêts de plusieurs chambres ;

– Loi n° 87-550 du 16 juillet 1987 relative aux juridictions commerciales et au mode d’élection des délégués consulaires et des membres des CCI, modifiée par la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de l’environnement économique et social ;

– Décret n° 91-739 du 18 juillet 1991 relatif aux chambres de commerce et d’industrie, aux chambres régionales de commerce et d’industrie, à l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) et aux groupements interconsulaires, modifié par le décret n° 2004-576 du 21 juin 2004 ;

– Ordonnance n° 2003-1067 du 12 novembre 2003 : modification des règles encadrant les élections des CCI. Le nouveau dispositif prévoit notamment que leurs membres sont élus tous les cinq ans dans le cadre d’un renouvellement complet ;

– Ordonnance n° 2004-328 du 15 avril 2004 : modification de certaines règles applicables à l’élection des délégués consulaires ;

– Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises : réécriture du titre Ier du livre VII du code de commerce afin de clarifier les missions des chambres par échelon territorial et rationaliser l’organisation consulaire ;

– Décret n° 2007-574 du 19 avril 2007 : affirmation de l’autonomie des chambres (« la tutelle administrative et financière de l’État sur les établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie s’exerce dans le respect de leur autonomie, en tenant compte du caractère électif de la désignation des dirigeants des établissements du réseau consulaire et de la libre représentation des intérêts du commerce et de l’industrie et des services »).

– Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services : définition précise des missions des chambres, réforme des modalités de leur financement, mise en œuvre d’une réforme territoriale incitant à la régionalisation et à la mutualisation de certaines fonctions ;

– Décret n° 2014-1333 du 5 novembre 2014 relatif aux conventions d’objectifs et de moyens conclues entre les chambres de commerce et d’industrie de région et l’État et entre la chambre de commerce et d’industrie de Mayotte et l’État : précision sur le contenu des conventions d’objectifs et de moyens (COM) devant être conclues entre les CCIR et le préfet de région, conformément à la loi de 2010. Les COM fixent les objectifs des chambres pour cinq années et établissent des indicateurs d’activité et de performance permettant d’assurer leur suivi ;

Tout au long de leur histoire, les chambres de commerce sont parvenues à conserver leur statut particulier de corps intermédiaire entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques de la sphère privée. Ce sont des établissements publics administratifs, placés sous la tutelle de l’État, et administrés par des dirigeants d’entreprise élus (2). Elles bénéficient à ce titre d’une autonomie, encadrée par la loi, que le législateur a préservée lors des dernières réformes du réseau.

2. L’établissement progressif d’un réseau s’appuyant sur l’échelon régional

La composition du réseau des CCI

Aux termes de l’article L. 710–1 du code de commerce, le réseau des CCI est composé de CCI France, des chambres de commerce et d’industrie de région (CCIR), des chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT), des chambres de commerce et d’industrie départementales d’Île-de-France, ainsi que des groupements inter-consulaires que peuvent former plusieurs chambres entre elles.

Au total, le réseau national se compose ainsi de 162 chambres et d’une tête de réseau.

UN RÉSEAU NATIONAL DE 162 CCI

 

Métropole

Outre-mer

CCIR

22

(1)

CCIT

123

-

CCI départementales d’Île de France

6

-

CCI des collectivités d’outre-mer

 

6

Total

151

11

(1) Les CCIR en outre-mer ont les mêmes attributions que les CCIT de métropole.

Par ailleurs, ce maillage territorial est complété par environ 240 antennes locales qui constituent autant de « points de contacts » des CCIT sur leur circonscription pour assurer aux entreprises un service de proximité et bénéficier en retour d’une connaissance fine des différents bassins d’emplois.

À ce réseau national s’ajoutent 112 chambres françaises de commerce et d’industrie à l’étranger (CCIFE), présentes dans 82 pays.

La structuration du réseau des CCI par les lois de 2005 et de 2010

La loi du 2 août 2005 a posé les jalons nécessaires à la constitution d’un réseau consulaire par le biais de :

– la reconnaissance formelle du rôle prépondérant des chambres régionales en matière de représentation des entreprises de leur circonscription auprès des pouvoirs publics (elles sont ainsi consultées par le conseil régional sur le schéma régional de développement économique – SRDE et sont associées à l’élaboration du schéma régional d’aménagement et de développement du territoire – SRADT et du plan régional de développement des formations professionnelles) ;

– la mise à la charge de ces mêmes chambres régionales de l’organisation de leur réseau dans le cadre de l’élaboration de schémas directeurs et schémas sectoriels (en cohérence avec le SRDE) ;

– la création d’une tête de réseau chargée de représenter les chambres au niveau national et international, et de l’animer (APCCI, devenue CCI France (3)).

Ces avancées ont été renforcées par la loi du 23 juillet 2010 qui a permis aux CCI qui le souhaitaient d’approfondir le processus de régionalisation.

Les dispositions de cette loi ont été présentées de façon détaillée dans le rapport de nos collègues sénateurs, MM. Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat (4) de juillet 2014.

Ils soulignent à ce titre que la réforme a permis :

– la mise en œuvre d’une régionalisation à la carte, laissant la latitude nécessaire aux chambres pour organiser entre elles les rapprochements qu’elles considèrent adaptés à leur mode de fonctionnement et aux besoins de leurs territoires ;

– l’attribution de compétences propres aux CCIR, notamment en matière de soutien et d’encadrement des CCIT ;

– la conclusion de COM entre les CCIR et l’État en vue de coordonner les stratégies régionales et les politiques nationales déclinées au niveau régional, sous la responsabilité du préfet (5) ;

– le transfert aux CCIR de la compétence en matière de collecte et de répartition de la taxe pour frais de chambre (TFC), ainsi que l’affirmation d’un principe de solidarité financière régionale (6) ;

– l’affirmation d’un objectif général de mutualisation de certaines fonctions (cf. infra).

Cette loi a ainsi permis aux territoires qui le souhaitaient de s’engager dans une régionalisation plus aboutie, sans toutefois remettre en question le rôle des CCIT, chambres de proximité, qui est défendu par le réseau.

Le réseau actuel s’articule ainsi autour d’un échelon territorial opérationnel, d’un échelon régional organisationnel et d’un échelon national animateur.

Le rôle de CCI France et la question de son financement

Au-delà de ses missions de représentation du réseau auprès des instances nationales et internationales, le rôle d’animation confié à CCI France la conduit à :

– élaborer une stratégie nationale pour le réseau ;

– adopter des normes d’intervention et garantir leur respect (7) ;

– conduire des projets de portée nationale ;

– apporter un soutien technique aux chambres, notamment en matière de communication institutionnelle ;

– passer des marchés publics pour le compte du réseau sous la forme de centrale d’achat ;

– jouer un rôle en matière de questions sociales (notamment dans le cadre de la gestion des personnels) ;

– coordonner les actions en faveur du développement des activités économiques à l’international, en relation avec les chambres françaises à l’étranger ;

– réaliser des missions d’audit et, le cas échéant, mettre en place une instance de conciliation pour régler à leur demande les litiges entre CCI.

Dans le cadre de ses missions, CCI France a ainsi pu mettre en œuvre une stratégie commune au travers de :

– la conclusion avec l’État d’un contrat d’objectifs et de performance (COP) et d’un pacte de confiance le 28 mai 2013. Ces deux documents fixent les objectifs des CCI en matière de mutualisation de leurs services, de simplification des démarches des entreprises et d’une meilleure coordination avec les collectivités territoriales. L’État, quant à lui, s’engage notamment à assurer une visibilité sur les ressources fiscales affectées aux chambres ;

– l’adoption du projet de modernisation du réseau, intitulé « CCI de demain », par son Assemblée générale le 2 décembre 2014 qui repose notamment sur une dématérialisation progressive des services aux entreprises ;

– une feuille de route pour préparer le réseau à l’application de la nouvelle carte territoriale.

Par ailleurs, les pratiques au sein des chambres ont été harmonisées par :

– l’élaboration d’un règlement intérieur-type pour le fonctionnement des CCIR et des CCIT ;

– l’élaboration d’un règlement intérieur modèle, établi en juillet 2012, pour accompagner le transfert des personnels des CCIT aux CCIR au 1er janvier 2013 ;

– la définition de normes budgétaires et comptables communes, notamment dans le cadre de l’introduction d’une comptabilité analytique unique pour l’ensemble du réseau et d’un outil de collecte et de traitement des données (dit le « Cube ») ;

– la définition de normes métiers (dans le cadre des activités liées aux CFE, aux contrats d’apprentissage, à la création d’entreprise et au développement international) ;

– la conduite de négociations sociales sur la modernisation du statut du personnel (notamment au travers de la mise en œuvre du Plan emploi consulaire – cf. infra) ;

– la mise en place d’un système d’information sur les ressources humaines (SIRH).

L’énumération synthétique des projets conduits à l’échelle du réseau par CCI France témoigne de l’évolution du rôle de la tête de réseau depuis la loi du 23 juillet 2010 qui, avec l’appui des chambres, a pu engager un processus de modernisation.

Cette évolution a été soulignée par les chambres régionales et territoriales au cours des auditions menées dans le cadre de la mission. S’inspirant des meilleures pratiques, CCI France occupe une fonction d’animation du réseau consistant à définir les grandes orientations à poursuivre. Ceci permet de donner davantage de cohérence et de visibilité aux actions menées par les chambres, celles-ci demeurant les entités responsables de la définition des stratégies locales et de leur déclinaison opérationnelle.

En conséquence, si les missions conférées par la loi à CCI France sont nombreuses, elles sont exercées dans le respect de l’autonomie des chambres et, lorsque cela est possible, en appliquant un principe de subsidiarité au profit des chambres de région.

À titre d’exemple, alors que CCI France a la faculté de conduire des audits de sa propre initiative, ou à la demande d’une chambre, pour s’assurer du respect des normes qu’elle édicte, ce sont les CCIR qui lui fournissent les informations dont elle dispose sur le réseau. Il faut d’ailleurs noter que cette faculté n’a jamais été utilisée. De la même façon, alors que la loi prévoit la possibilité de mettre en place une instance de conciliation pour régler les litiges existant entre certaines chambres, aucune d’entre elle n’a jamais souhaité y recourir. La revendication par les chambres de leur autonomie, constatée à tous les échelons, limite ainsi l’exercice concret des prérogatives accordées par la loi à CCI France.

Au regard de ces éléments, les rapporteures recommandent de renforcer la conduite de projets communs entre CCI France et les chambres, favorisant la remontée d’expérience et la modernisation du réseau (comme dans le cadre de « CCI de demain ») et mettre en place des audits précis sur des sujets d’intérêt propres au réseau.

Au cours des auditions réalisées par la mission, la question du financement de CCI France a également été évoquée à de nombreuses reprises.

Le financement de CCI France est en effet constitué de contributions obligatoires de la part des CCIR : le projet de budget est soumis à une commission des finances, puis voté poste par poste par l’assemblée générale. Il est ensuite précompté aux CCIR, qui acquittent ainsi leur contribution nationale. Ce budget s’élève en 2015 à 23,3 millions d’euros, soit 0,8 % du budget de l’ensemble du réseau. Ce mode de financement fait de CCI France la seule tête de réseau à ne pas avoir de financement propre et cette caractéristique a été présentée, au cours des auditions, comme un potentiel facteur de faiblesse pour la tête de réseau qui doit renégocier chaque année son budget.

En outre, son montant est relativement faible au regard de celui des autres têtes de réseaux consulaires (31,2 millions d’euros pour APCA en 2015, soit 4 % du budget du réseau des chambres d’agriculture et 20,1 millions d’euros pour l’APCMA en 2013, soit 2,5 % du budget du réseau des CMA).

Au regard des enjeux actuels auxquels est confronté le réseau (régionalisation et mutualisation des services, diminution des ressources fiscales, etc.), les rapporteures reconnaissent la nécessité pour les chambres de disposer d’une tête de réseau capable d’engager l’ensemble des chambres dans un processus de réforme. Elles considèrent toutefois que le montant du budget de CCI France ne peut être augmenté dans le contexte d’économies actuel, d’autant que des financements particuliers peuvent être adoptés en assemblée générale pour assurer la réaliser de projets nationaux.

La Rapporteure de la commission des Finances considère cependant que la position de la tête de réseau pourrait être renforcée par l’octroi d’un financement propre, d’un montant équivalent à celui actuellement attribué à CCI France. Ce financement reposerait sur une quote-part de la TFC qui lui serait affectée.

Le rôle des CCIR

Comme évoqué précédemment, les CCIR ont vu leur rôle évoluer à la suite de l’adoption des lois de 2005 et 2010.

Au-delà de leur mission consultative, elles sont en charge de soutenir et d’encadrer les activités des CCIT par :

– la définition d’une stratégie régionale (adoptée à la majorité des deux tiers) ;

– l’établissement d’un schéma directeur régional (qui définit le nombre et la circonscription des CCIT sur leur territoire, ainsi que la viabilité économique et l’utilité pour leurs ressortissants de ces chambres) et de schémas sectoriels (destinés à encadrer les projets des CCIT dans certains domaines d’activité) ;

– l’élaboration d’un schéma régional en matière de formation professionnelle, en cohérence avec le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle, qui a vocation à être décliné par les CCIT en fonction des spécificités locales. Elles peuvent dans le cadre de cette mission créer et gérer des écoles d’enseignement supérieur ainsi que des établissements de formation initiale et continue dans le respect du droit à la concurrence et sous réserve de la tenue d’une comptabilité analytique ;

– la répartition de la ressource fiscale selon des critères prenant en compte les caractéristiques des différentes chambres de leur région appréciées au travers d’un indice de pesée économique ;

– le recrutement et la gestion du personnel statutaire, dont le personnel mis à la disposition des CCIT ;

– des fonctions d’appui et de soutien (service de paie, service de comptabilité, outils informatiques, conseil juridique, etc.) ;

– une politique régionale de communication ;

– la passation de marchés communs ;

– la maîtrise d’ouvrage de tout projet d’infrastructure ou d’équipement.

Si la diversité de ces missions laisse la possibilité aux CCIR de définir une stratégie régionale, il semble toutefois que l’élaboration des schémas directeurs et sectoriels se limite, dans de nombreux cas, à la production de documents peu normatifs.

Ce constat tient à la fois à la relation entre les CCIR et les CCIT qui favorise une certaine souplesse d’organisation (8) et à l’absence d’un encadrement réglementaire précis sur le contenu de ces schémas. Par conséquent, ceux-ci ne permettent pas, dans certaines régions, de garantir une véritable coordination entre les chambres.

Par ailleurs, le processus de régionalisation mis en œuvre par la loi du 23 juillet 2010 favorise les initiatives locales. Par conséquent, le rôle des CCIR est très hétérogène selon les régions, en fonction de leur histoire et des relations entretenues entre les différentes chambres situées sur leur territoire. À titre d’exemple, la CCIR Nord de France a fusionné avec les autres chambres de sa circonscription dans un même établissement public, tandis que dans d’autres régions, la chambre régionale a peu d’informations sur les activités des CCIT de sa circonscription et les mutualisations sont limitées.

À ce titre, le retard pris dans la conclusion des conventions d’objectifs et de moyens (COM) avec l’État, lié à la publication tardive du décret d’application de l’article 9 de la loi du 23 juillet 2010 (9), a également contribué à ralentir le processus de régionalisation du réseau des CCI.

Le rôle des CCIT

Les CCIT se voient, quant à elles, reconnaître :

– un droit d’expérimentation en cohérence avec la stratégie régionale adoptée par la CCIR de rattachement ;

– une fonction de représentation territoriale ;

– la possibilité de créer et de gérer des CFE (elles constituent par ailleurs l’autorité compétente en matière de guichet unique) ;

– en cas de délégation par les CCI de région, la possibilité de recruter les agents de droit public sous statut nécessaires au bon accomplissement de leurs missions opérationnelles ;

– la possibilité de recruter les agents de droit privé et, le cas échéant, de droit public nécessaires au bon accomplissement de leurs services publics industriels et commerciaux, notamment en matière d’infrastructures portuaires et aéroportuaires.

Les rapporteures ont pu constater, au cours des auditions, l’importance de l’échelon territorial pour le réseau des CCI. À plusieurs reprises, il a en effet été fait mention de leur rôle moteur dans la mise en œuvre et le suivi de projets innovants, adaptés aux besoins constatés localement.

3. Les évolutions législatives en cours pour renforcer les relations entre les différents échelons du réseau

a. Un projet de loi rétablissant les dispositions de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Si les lois de 2005 et de 2010 ont permis de clarifier les relations entre les différents échelons du réseau des CCI et entre ces échelons et l’État, force est de constater que des améliorations restent souhaitables.

Celles-ci, présentées au cours des auditions réalisées par la mission, devraient notamment porter sur l’élaboration de documents collectifs plus précis, mais également plus contraignants (ce qui suppose une concertation de qualité en amont pour en assurer l’acceptabilité par l’ensemble des parties).

En ce sens, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait permis l’adoption de plusieurs dispositions, recueillant l’accord du réseau. Ces dispositions ont toutefois été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 au motif qu’elles ne présentaient pas de lien avec les dispositions initiales du projet de loi et, qu’en conséquence, leur adoption était contraire à l’article 45 de la Constitution. Pour permettre l’application rapide de ces mesures attendues par le réseau, le Gouvernement s’est engagé à les reprendre dans un projet de loi spécifique qui devrait être examiné au cours de l’automne.

Pour rappel, l’article 300 de la loi pour la croissance introduisait un nouveau document contraignant, le schéma régional d’organisation des missions arrêté par les CCIR. Celui-ci doit compléter les schémas sectoriels, non contraignants, qui encadrent les activités des CCIT. Par ailleurs, cet article prévoyait que les CCIR peuvent assurer toute mission d’appui ou de soutien aux CCIT (un décret devant préciser la portée de cette mesure).

L’article 301 assurait aux schémas directeurs, établis par les CCIR pour définir le nombre et la circonscription des CCI sur leur territoire, une valeur obligatoire.

Il introduisait également la possibilité pour une CCIR de décider de :

– la réunion de deux CCI en une seule chambre, dans le cadre du schéma directeur (un tel rapprochement étant actuellement conditionné par l’accord des chambres concernées) ;

– sa fusion avec une CCI située dans sa circonscription ;

– la transformation d’une CCIT en CCI locale, ne disposant pas du statut d’établissement public.

L’article 302 supprimait le plafond de sièges dont peut disposer une CCI au sein d’une CCIR, actuellement fixé à 40 %. La répartition des sièges devait ainsi traduire le juste poids économique des chambres et éviter le blocage de certains projets.

L’article 303 introduisait une dérogation temporaire aux règles encadrant l’élection des membres d’une CCIR, afin de permettre aux chambres ayant fusionné ou qui étaient sur le point de fusionner, de rapprocher leurs assemblées générales pour constituer une assemblée générale unique jusqu’aux élections de 2016.

Enfin, l’article 304 prévoyait que les CCIR devaient adopter leurs schémas directeurs avant le 31 octobre 2015, afin de préparer la modification de la carte régionale, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016. En effet, ces schémas tiendront compte des regroupements de CCI découlant de la révision de la carte régionale.

Ces mesures vont dans le sens d’une accélération de la régionalisation et de la rationalisation de la carte consulaire. Par conséquent, les rapporteures encouragent le Gouvernement à déposer dans les meilleurs délais un nouveau projet de loi permettant leur adoption.

b. Les effets attendus de la révision de la carte régionale

La modification de la carte régionale par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, créant 13 régions métropolitaines, se traduira par la substitution de 13 CCIR aux 22 actuelles, conformément à l’article L711-6 du code de commerce qui prévoit que « la circonscription de la chambre de commerce et d’industrie de région est la région ».

Ces fusions de CCIR, induites par les nouvelles délimitations régionales, interviendront lors des prochaines élections consulaires.

Les rapporteures insistent sur la nécessité d’éviter que cette réforme ne se traduise par l’introduction d’un nouvel échelon de chambres, et recommande donc que les nouvelles chambres régionales se substituent aux CCIR actuelles, et que, par conséquent, les circonscriptions des chambres territoriales soient redéfinies. L’assemblée générale de CCI France du 24 février 2015 a ainsi approuvé le principe d’un regroupement des CCIT « pour mieux peser au niveau régional ».

Ces regroupements devront se baser sur l’existence de bassins économiques ou d’emploi et assurer aux CCIT une taille critique permettant de garantir leur efficacité (au moins 10 000 ressortissants). Par ailleurs dans le cadre des bassins métropolitains, les CCI ajusteront leurs compétences en fonction des prérogatives exercées par les métropoles en matière économique.

Conformément à ces orientations, de nombreux rapprochements de CCI sont en cours et devraient conduire le réseau à ne compter plus que 80 à 90 CCIT en 2017 (soit une diminution de moitié par rapport au réseau actuel).

La fusion entre les chambres départementales ou infra-départementales (10) doit se poursuivre afin de rationaliser la carte territoriale. Ces fusions doivent reposer sur la définition par les acteurs locaux d’un maillage pertinent au regard de l’activité économique des territoires.

Elles ne doivent ainsi pas empêcher le maintien d’une offre de proximité à destination des entreprises qui peut être assurée par le maintien ou la création de points de contact.

Lors de son audition, le président de CCI France, M. André Marcon, indiquait ainsi : « Dès la prochaine mandature, fin 2016, nos chambres de commerce et d’industrie régionales (CCIR) correspondront aux nouvelles régions. Des dizaines de CCI devraient fusionner par décision des élus sans pour autant renoncer à l’exigence d’un service de proximité pour les entreprises, qui est inscrit dans notre ADN. »

Le tableau ci-dessous récapitule l’ensemble des mouvements de fusion qu’a connu le réseau depuis 1997 ainsi que ceux prévus d’ici à 2017.

LES FUSIONS AU SEIN DU RÉSEAU DES CCI DE 1997 À 2017

Année (décret)

Région

Anciennes CCI

Nouvelle CCI créée

1997

CHAMPAGNE-ARDENNE

Sedan

Charleville-Mézières

CCI des Ardennes

2000

MIDI-PYRÉNÉES

Castres

Mazamet

CCI de Castres-Mazamet

2001

BOURGOGNE

Vesoul

Gray

CCI de la Haute-Saône

2003

LORRAINE

Saint-Dié

Épinal

CCI des Vosges

2004

BOURGOGNE

Auxerre

Sens

CCI de l’Yonne

AQUITAINE

Bergerac

Périgueux

CCI de la Dordogne

Ile-De-France

Melun

Meaux

CCI de Seine-et-Marne

2007

PICARDIE

Abbeville

Le Tréport (Haute-Normandie)

CCI Littoral Normand-Picard

HAUTE-NORMANDIE

Fécamp

Bolbec

CCI de Fécamp-Bolbec

PAYS DE LA LOIRE

Angers

Saumur

Cholet

CCI du Maine-et-Loire

NORD-PAS-DE-CALAIS

Lille

Armentières

Douai

Saint-Omer – Saint-Pol

CCI Grand-Lille

2008

BRETAGNE

Pays de Saint-Malo

Pays de Fougères

CCI de Saint-Malo-Fougères

2009

AUVERGNE

Ambert

Clermont-Ferrand

Riom

Thiers

CCI du Puy-de-Dôme

Arndt de Brioude

Le Puy-Yssingeaux

CCI de la Haute-Loire

BOURGOGNE

Dijon

Beaune

CCI de la Côte-D’Or

LIMOUSIN

Pays de Brive

Tulle-Ussel

CCI de la Corrèze

MIDI-PYRENEES

Rodez-Villefranche-Espalion

Millau Sud Aveyron

CCI de l’Aveyron

Castres-Mazamet

Albi

CCI du Tarn

NORD-PAS-DE-CALAIS

Arras

Béthune

Arndt de Lens

CCI de l’Artois

2009

NORD-PAS-DE-CALAIS

Valenciennois

Cambrésis

Arndt d’Avesnes-sur-Helpe

CCI Grand-Hainaut (2011)

PAYS DE LA LOIRE

Nantes

Saint-Nazaire

CCI de Nantes-Saint-Nazaire

2010

DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

Basse-Terre

Pointe-à-Pitre

CCI des Îles de Guadeloupe

NORD-PAS-DE-CALAIS

Calais

Dunkerque

Boulogne-sur-Mer Côte d’Opale

CCI de la Côte d’Opale

PICARDIE

Amiens

Péronne

CCI d’Amiens-Picardie

RHÔNE-ALPES

Nord Ardèche (Annonay)

Ardèche méridionale (Aubenas)

CCI de l’Ardèche

 

ILE-DE-FRANCE (installation en 2013)

Versailles

Paris

CCIR Paris Ile-de-France

Projets 2016-2017

NORMANDIE

Dieppe

Rouen

Elbeuf

CCI de Seine Mer Normandie

Alençon

Eure

CCI Portes de Normandie

Le Havre

Fécamp-Bolbec

Pays d’Auge

CCI Seine Estuaire

Cherbourg-Cotentin

Centre et sud Manche

Flers-Argentan

CCI Ouest Normandie

POITOU-CHARENTES

La Rochelle

Rochefort

CCI Charente Maritime

Cognac

Angoulême

CCI Charente

AUVERGNE

RHÔNE-ALPES

Moulins-Vichy

Montluçon

Lyon

Saint-Étienne

Roanne

CCI Allier

CCI du Grand Lyon

Source : CCI France

Pour rappel, le rapport commandé par le Gouvernement dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP) à l’inspection générale des finances (IGF), au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) et à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) relatif au cadre d’action et au financement des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat de mai 2014, qui n’a pas été rendu public, recommandait la création d’un établissement public unique par région pour les CCI à l’horizon 2017.

La mise en œuvre d’une régionalisation totale du réseau des CCI, sur l’exemple de la CCIR Nord de France, repose sur la fusion de l’ensemble des chambres d’une région en un établissement public administratif unique et le maintien de délégations locales assurant un service de proximité.

Une telle réforme nécessite une préparation et une coordination importante de l’ensemble des acteurs dont les conditions ne semblent pas réunies à ce jour. Toutefois, à plus long terme, cette simplification de la carte consulaire aurait l’avantage de permettre d’importantes mutualisations, de simplifier la gouvernance, sans remettre pour autant en question l’implantation locale de chambres de proximité (qui n’auraient toutefois pas de personnalité morale).

4. Les relations du réseau avec les autres acteurs publics

a. Les relations avec la tutelle doivent être restaurées

Les limites de la tutelle

Les CCI sont des établissements publics administratifs de l’État (11) qui se distinguent par plusieurs caractéristiques :

– elles sont dirigées par des élus professionnels mais emploient des agents publics ;

– elles sont soumises à un contrôle de légalité par leur autorité de tutelle (l’État au travers de la Direction générale des entreprises – DGE – pour CCI France et les préfets de région pour les CCIR et les CCIT) (12). Il n’y a donc pas de contrôle en opportunité ou de dialogue de gestion, comme cela est le cas pour les opérateurs de l’État. Toutefois, la DGE est plus généralement en charge du suivi, de l’orientation et du développement des actions menées par le réseau des CCI dans l’ensemble des domaines relevant de leurs missions ;

– elles n’ont ni commissaire du gouvernement, ni comptable public.

De nombreux actes ne sont exécutoires qu’après leur approbation par la tutelle (budget, recours à l’emprunt, etc.) et cette dernière peut placer, sous certaines conditions, les chambres sous une « tutelle renforcée » en cas de difficultés financières significatives, de prises de risques excessives ou de dysfonctionnements graves.

Toutefois, les récents travaux relatifs au réseau des CCI (13) ainsi que les auditions réalisées par la mission témoignent des difficultés rencontrées par la tutelle pour exercer ses prérogatives. À titre d’exemple, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, certaines chambres ont ainsi refusé de transmettre aux préfets les éléments budgétaires nécessaires à la répartition entre les chambres du prélèvement sur fonds de roulement que prévoyait ce texte, malgré la contrainte réglementaire de transmission des comptes à la tutelle (14).

Au cours de l’audition des membres du cabinet de la précédente Secrétaire d’État chargée du commerce, Madame Carole Delga, il a ainsi été indiqué que « des dizaines de solutions » ont été envisagées pour répartir le prélèvement, mais que « malheureusement (le Gouvernement n’a) pas pu en discuter avec les CCI l’an dernier car elles étaient arc-boutées contre le principe du prélèvement et son montant global. Au vu de la fermeté du Gouvernement sur le montant global, elles ont refusé de travailler sur la répartition. (Celui-ci n’a) pas eu connaissance des positions des chambres sur les modalités (prévues), ni de leurs propositions. Le Gouvernement a donc travaillé avec la commission des finances, notamment la Rapporteure générale, ainsi qu’avec les parlementaires intéressés. »

Le président de CCI France, M. André Marcon a, quant à lui, rappelé que le réseau avait « plaidé pour une baisse normale et équitable de (ses) ressources, qui pèse moins sur (ses) actions au service des entreprises, et n’obère pas totalement les investissements dans les territoires » et que « l’Assemblée nationale semble avoir partagé (les) convictions (du réseau), puisqu’elle a voté à deux reprises – en première et en deuxième lecture – une baisse maîtrisée des ressources des CCI, mais le Gouvernement a refusé tout compromis, préférant passer en force»

Les travaux de la mission ont confirmé l’absence de dialogue constructif entre les chambres et leur tutelle au cours de l’automne. Au travers de la diminution des ressources des CCI, la tutelle souhaitait en effet contraindre le réseau à repenser ses modalités de fonctionnement et d’exercice de ses missions. Le rôle de la tutelle est plus étendu que le contrôle de légalité, même si elle se doit de respecter l’autonomie des chambres.

Afin d’éviter pour l’avenir ces dissensions, les rapporteures considèrent qu’il convient de restaurer les relations entre la tutelle et le réseau.

Elles soulignent la nécessité pour la tutelle de mieux connaître la situation financière des chambres ainsi que leurs initiatives locales. À ce titre, cette dernière n’avait, au cours des débats parlementaires, qu’une connaissance très approximative des investissements engagés par les chambres alors que cette information était déterminante pour la bonne appréhension du niveau de fonds de roulement disponible.

Elles insistent donc sur la nécessité d’utiliser les outils de comptabilité analytique et de suivi de la performance (indicateurs) mis en œuvre par le réseau pour enrichir les échanges d’informations avec la tutelle en amont des discussions budgétaires.

Cet évènement ne doit cependant pas masquer une perception positive du rôle que peut jouer la tutelle : les chambres régionales et territoriales auditionnées par la mission ont mentionné à plusieurs reprises la nécessité de renforcer leurs liens avec les autorités de tutelle dans l’accompagnement de leurs missions (notamment, en soutien à certaines expérimentations locales) et dans leurs relations avec les collectivités territoriales.

Dans ce contexte, la conclusion de contrats et conventions permettant aux deux parties de s’engager l’une envers l’autre sur des objectifs précis semble constituer un outil pertinent pour restaurer durablement leurs relations.

La conclusion d’un contrat d’objectifs et de performance entre le réseau des CCI et l’État

Le contrat d’objectifs et de performance (COP) signé le 28 mai 2013 (15) entre l’État et le réseau des CCI repose sur l’engagement de ces dernières de développer sept axes prioritaires (permettant notamment d’améliorer leur efficience par la mutualisation de certains services, de mieux gérer les personnels, de créer un choc de simplification en faveur des entreprises, d’engager un processus de contractualisation accrue avec les collectivités territoriales, etc.). En contrepartie, l’État confirme notamment le rôle de corps intermédiaire des CCI et garantit une visibilité sur les ressources fiscales qui leur sont affectées au titre du développement des entreprises.

Par ailleurs, le COP, pour être pleinement opérationnel, s’appuie sur la conclusion de conventions d’objectifs et de moyens entre les CCIR et l’État. Or, celles-ci sont toujours en cours de signature du fait de l’important retard pris dans la publication du décret nécessaire à leur mise en œuvre (comme rappelé précédemment, ce décret a en effet été publié en novembre 2014, soit un an et demi après la signature du COP).

Le COP introduit de nouveaux indicateurs d’activité, applicables depuis le 1er janvier 2014 collectés avec les comptes exécutés de 2014 que les CCI déposent dans le « Cube » à l’été 2015. Ces indicateurs sont présentés infra.

À la date de la rédaction du présent rapport, aucun élément de bilan de ce COP n’a été réalisé par les acteurs concernés. Il apparaît toutefois que les mesures d’économies adoptées en lois de finances pour 2014 et 2015 ont été perçues par le réseau comme une remise en cause de l’engagement pris par l’État sur la visibilité de son financement. Les rapporteures encouragent donc les autorités de tutelle et les chambres à mettre en œuvre dans leur intégralité les engagements pris dans le cadre du COP et à faire preuve de davantage de transparence et de réactivité pour restaurer un dialogue constructif.

La conclusion de conventions d’objectifs et de moyens entre l’État et les CCIR

Les conventions d’objectifs et de moyens (COM) conclues au niveau régional doivent comporter des objectifs opérationnels quantifiés nécessaires à la mise en œuvre des orientations définies par le COP. Elles sont donc essentielles au renforcement des liens entre les chambres et leur tutelle.

Selon les informations transmises par CCI France à la MEC, onze régions ont signé une convention d’objectifs et de moyens : l’Alsace, l’Aquitaine, la Bretagne, la Champagne-Ardenne, le Limousin, Midi-Pyrénées, Nord-de-France, les Pays-de-la-Loire, la Picardie, le Poitou-Charentes et la Réunion.

Dans six régions, les conventions d’objectifs et de moyens sont prévues ou en cours de signature : le Centre, la Franche-Comté, le Languedoc-Roussillon, la Lorraine, Rhône-Alpes et la Guadeloupe.

En Normandie, la convention d’objectifs et de moyens sera conclue à l’issue de la fusion des deux régions actuelles (Basse et Haute Normandie), conformément aux recommandations de la tutelle régionale. La région Paris/Ile-de-France est, quant à elle, selon CCI France, dans l’attente de la parution de l’arrêté prévu à l’article R.711-40-3 relatif aux indicateurs d’activité et de performance.

Les rapporteures saluent les conventionnements en cours avec l’État qui permettront de préciser le rôle des chambres dans la mise en œuvre des politiques publiques en faveur du développement économique et de l’aménagement du territoire, tout en permettant le suivi.

Elles considèrent en ce sens que :

– les conventions signées doivent valoir engagement dans la durée de la part de leurs signataires ;

– leurs dispositions doivent être précises et contenir des objectifs quantifiables ;

– les mesures de performances mises en place par CCI France doivent continuer d’être enrichies pour devenir un véritable outil de gestion et permettre un véritable reporting à la tutelle.

Par ailleurs, les rapporteures encouragent les tutelles à recenser les bonnes pratiques mises en œuvre par les chambres, notamment en matière de mutualisation des services entre les chambres et les collectivités territoriales de leur circonscription. La réalisation d’un bilan annuel de la mise en œuvre des COM serait également utile pour l’ensemble des acteurs.

b. La coordination des actions avec les collectivités territoriales pour une meilleure articulation des services en faveur du développement économique des territoires

Si les CCI sont des acteurs reconnus en matière d’accompagnement des entreprises et de formation, d’autres acteurs locaux ont des compétences similaires (au premier titre desquels les régions et les métropoles chargées de l’aménagement économique des territoires (16)). En l’absence de coordination entre ces acteurs, des situations de doublons et de concurrence peuvent apparaître et nuire à la visibilité et à l’efficacité des politiques publiques en ces domaines.

Les CCI soulignent ainsi la création « dans toutes les régions, et à toutes échelles géographiques, de nombreuses structures. Il s’agit essentiellement d’agence de développement économique et de comités/agences du tourisme. » (17) Pour éviter ces doublons, les partenariats avec les collectivités territoriales doivent être renforcés.

Selon CCI France, près de 1 900 conventions et contrats existent entre les CCI et les collectivités territoriales. Au niveau des régions, en charge du développement économique et de la formation, les conventions-cadre entre les conseils régionaux et les CCI se multiplient.

Par ailleurs, deux tiers des CCIR auraient conclu une convention avec leurs conseils régionaux sur des thématiques spécifiques (développement économique, formation, etc.). Si les conventions thématiques sont majoritaires, la tendance observée par CCI France est également au développement de conventions-cadre : six ont déjà été signées (Bourgogne, Franche-Comté, Réunion, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes) et trois sont en cours d’élaboration (Centre, Ile-de-France, Pays-de-la-Loire).

Le rapprochement des acteurs en charge d’animer la vie économique d’une même région doit être encouragé et les conventions-cadres entre les CCIR et les régions généralisées. Ces conventions devraient être également déclinées à des niveaux infrarégionaux (par exemple, au niveau des métropoles et des bassins de vie).

Par ailleurs, la répartition des compétences entre les différents acteurs locaux selon les besoins constatés sur les territoires devrait être clarifiée par les dispositions du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, en cours d’examen par le Parlement. Ce projet prévoit en effet l’introduction d’un nouvel outil de planification et d’orientation, le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), opposable aux collectivités territoriales et aux chambres consulaires situées dans la région. Les CCI seront consultées lors de son élaboration.

Enfin, des initiatives locales de mutualisation des services proposés aux entreprises peuvent être rappelées à titre d’exemple de bonnes pratiques mises en œuvre par les territoires :

– en Lorraine, un centre de ressources régional à gouvernance partagée a été mis en place entre la collectivité et les chambres consulaires (CCI et CMA) ;

– dans le Loiret, le département, la CCI du Loiret, l’agence de développement économique, la communauté d’agglomération Orléans-Val de Loire et l’Union des entreprises du Loiret ont pris l’initiative de créer une marque « Loire & Orléans », puis ont mis en œuvre un guichet unique pour les entreprises sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) portant le nom de Loire&Orléans Éco après l’identification de « doublons » notamment en matière de d’animation territoriale, d’aménagement de zones ou d’intelligence économique ;

– à l’échelon infra-départemental, des Maisons de la création et de la transmission d’entreprises, qui regroupent l’ensemble des réseaux d’accompagnement des créateurs d’entreprise, ont été créées à Châteaubriant, Ancenis, Saint-Nazaire et Nantes en collaboration avec les collectivités, notamment les communautés de communes.

B. UNE MODERNISATION PROGRESSIVE DU RÉSEAU PAR LES MUTUALISATIONS

Une enquête menée par CCI France auprès des 22 régions métropolitaines a permis d’identifier huit fonctions support mutualisées représentant, pour les CCIR qui ont pu les chiffrer, 31 millions d’euros d’économies estimées sur 2015 (en flux annuels). Le montant définitif de ces économies sera probablement plus élevé.

Comme l’ont souligné les membres du cabinet de la précédente Secrétaire d’État chargée du commerce, Madame Carole Delga, lors de leur audition « la mutualisation a vocation désormais à s’étendre à l’ensemble des fonctions support – budgétaire, financière, comptable, marchés publics, communication – qui représentent une charge considérable pour les CCI et constituent une source d’économies potentielles. » À titre d’exemple, le ministère a exprimé le souhait que « la compétence de gestion des ressources humaines (…) soit exercée par une seule entité au niveau régional. »

M. Jean Vaylet, président de la CCI de Grenoble, a indiqué, dans le même sens, qu’« en région Rhône-Alpes, pour financer la diminution des recettes fiscales, (les CCI ont) commencé par mutualiser les fonctions supports, ce qui a permis de réaliser une économie de 20 % », en soulignant toutefois qu’il ne serait pas possible d’aller plus loin sans une diminution des prestations et des offres de services.

M. Olivier Rocaboy, directeur de cabinet du président de la CCI Nantes Saint-Nazaire, indiquait également que « la CCI de Nantes Saint-Nazaire gère par exemple les ressources humaines et les systèmes d’information pour la région. Aujourd’hui, les fonctions supports représentent 13 à 14 % du budget des CCI des Pays de la Loire ce qui signifie qu’on ne peut plus attendre que des gains minimes de ce côté. En conséquence, toute nouvelle baisse des ressources se traduira par un recul de l’activité opérationnelle des chambres. »

Si les mutualisations permettent de réaliser des économies non négligeables, le montant de ces dernières apparaît toutefois limité au regard des charges de fonctionnement incompressibles, à activité constante, des chambres. À ce stade, quatre principaux domaines de mutualisation ont été mis en œuvre : les ressources humaines et services de paie, les achats et marchés publics, les systèmes d’information et la comptabilité.

VENTILATION DES ÉCONOMIES OBTENUES PAR LES MUTUALISATIONS MISES EN œUVRE

(en milliers d’euros)

Fonctions mutualisées

Nombre de régions concernées sur 2015

Estimations des économies réalisées sur 2015
- en flux annuels

Ressources humaines / Paie

21

5 249

Achats / marchés publics

15

5 638

Systèmes d’Information / informatique

15

1 222

Finances / comptabilité

12

3 439

Juridique

8

403

Communication

7

1 251

Immobilier / moyens généraux / logistique

3

7 475

Vie institutionnelle

1

1 279

Toutes fonctions support *

 

5 430

TOTAL

 

31 386

Note méthodologique : ces données sont déclaratives et les estimations non exhaustives. Elles ne recouvrent que les fonctions support mutualisées.

(*) Cette ligne regroupe les estimations globalisées (c’est-à-dire non détaillées) des économies indiquées pour plusieurs fonctions support mutualisées.

Source : CCI France, avril 2015.

Au titre des années précédentes, le rapport IGF–CGEIET–IGAS précité donnait les exemples suivants :

Source : Rapport IGF–CGEIET–IGAS, mai 2014.

Au regard de ces premiers chiffrages encourageants, il pourrait être mis en place un fonds de modernisation qui aurait un caractère incitatif, en aidant les CCI s’engageant dans ces processus de mutualisation à disposer de moyens supplémentaires pour les mener à bien.

II. UNE BAISSE DES RECETTES AFFECTÉES QUI DOIT INCITER LE RÉSEAU À POURSUIVRE SON PROCESSUS DE MODERNISATION

La mission de contrôle et d’évaluation a constaté au cours des auditions le souhait des CCI d’adapter leurs missions aux besoins constatés sur leur territoire ainsi que leur volonté d’accroître leur visibilité auprès des entreprises. En effet, si le rôle institutionnel du réseau est bien établi auprès des pouvoirs publics, ces dernières n’ont pas toujours suffisamment connaissance des services proposés par les chambres.

Cette dynamique d’adaptation du réseau est aussi celle portée par le projet « CCI de demain », adopté par l’Assemblée générale de CCI-France, le 2 décembre 2014, qui a pour objet de recentrer l’action des chambres sur les services rendus aux entreprises, notamment en matière de transition énergétique, de transition écologique et de développement numérique.

Toutefois, depuis 2013, le contexte financier dans lequel ces réformes sont progressivement mises en œuvre a fortement évolué.

Les mesures d’économies adoptées en loi de finances pour 2014 et en loi de finances pour 2015 ont eu des effets sur l’activité des chambres encore difficiles à appréhender dans leur globalité, mais qui doivent les conduire à une réflexion sur les moyens alloués à leurs différentes missions.

Cet effort d’économie est appelé à se poursuivre, l’article 15 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fixant une trajectoire de réduction du montant des taxes affectées pour la période 2015-2017. Ainsi, une nouvelle mesure de baisse du plafonnement de la taxe pour frais de chambre devrait être proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2016.

A. LA BAISSE DES RECETTES AFFECTÉES REND NÉCESSAIRE UNE MEILLEURE MAÎTRISE DES DÉPENSES ENGAGÉES PAR LE RÉSEAU

1. La répartition des différentes sources de financement des CCI

L’article 710-1 du code de commerce prévoit que les CCI bénéficient des impositions de toute nature qui leur sont affectées par la loi. Elles représentent le tiers de leurs ressources totales.

En complément à ces ressources, ce même article prévoit que les CCI peuvent assurer le financement de leur activité par :

– la vente ou la rémunération d’activités et de services ;

– les dividendes et autres produits des participations qu’elles détiennent dans leurs filiales ;

– les subventions, dons ou legs qui leur sont consentis ;

– toute autre ressource légale entrant dans leur spécialité.

Le tableau suivant permet de constater que les principales ressources perçues par les CCI proviennent d’abord de leurs activités marchandes au travers de leur chiffre d’affaires (36 %), puis de la taxe pour frais de chambre - TFC (33 %) ainsi que de la taxe d’apprentissage (18) et des subventions reçues (13 %).

RÉPARTITION DES RESSOURCES DES CCI PAR TYPE DE RESSOURCES

(en milliers d’euros)

Produits

2011 - BE

2012 - BE

2013 - BE

2014 – BE (estimé)

2015 – BP

TFC nette

1 273 786

1 383 021

1 370 175

1 065 933

1 003 370

Chiffre d’affaires

1 629 124

1 612 560

1 496 331

1 408 891

1 337 106

Taxes d’apprentissage et subventions reçues

510 053

519 444

490 599

490 787

453 089

Reprises sur amortissement et provisions

108 848

122 352

129 002

46 408

44 362

Transfert de charges

35 340

37 279

562 472

n.c

n.c

Autres produits

34 168

25 334

23 610

n.c

n.c

Produits d’exploitation

3 591 319

3 699 988

4 072 188

n.c

n.c

Produits financiers

76 582

102 393

132 368

55 513

43 936

Produits exceptionnels

221 869

156 023

189 793

165 446

155 944

Total produits

3 889 770

3 958 404

4 394 349

3 232 978

3 037 807

BE = Budget exécuté

BP = Budget provisoire

Source : CCI France, avril 2015

2. Le chiffre d’affaires des CCI constitue leur première ressource

Le chiffre d’affaires des CCI provient de la vente de biens et services dans des secteurs divers. Il illustre en cela la diversité et le dynamisme des missions à la charge de ce réseau.

En 2013, les principaux secteurs d’activité concernés étaient :

– la formation pour 34 % ;

– l’exploitation des ports pour 20 % ;

– l’exploitation des aéroports pour 19 % ;

– le service budgétaire général (principalement l’appui aux entreprises) pour 17 % ;

– les autres services pour 10 %.

La baisse du chiffre d’affaires constatée au cours des dernières années serait principalement liée à des modifications de périmètre (19) et, dans une moindre mesure, à la dégradation du contexte économique (cf. infra).

ÉVOLUTION DU CHIFFRE D’AFFAIRES DES CCI SUR 10 ANS

(en millions d’euros)

Source : CCI France.

3. La taxe pour frais de chambre, principale ressource publique des chambres, a été fortement réduite au cours des dernières années

Le fort dynamisme de la TFC au cours de la dernière décennie dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint a conduit à l’adoption de plusieurs mesures de réduction de cette ressource entre 2013 et 2015.

Ces mesures, qui ont permis de diminuer les montants de taxe dus par les entreprises, ont eu pour effet de contraindre davantage les dépenses engagées par les CCI en 2014 et 2015, notamment en matière d’investissement. Les données relatives à ces deux années, présentées dans les développements suivants sont toutefois prévisionnelles. Elles sont issues principalement des réponses adressées par CCI France aux rapporteures dans le cadre de leurs travaux.

a. Rappel de la composition de la taxe pour frais de chambre

À la suite de la réforme de la taxe professionnelle sur laquelle était assise la taxe pour frais de chambre (taxe additionnelle à la taxe professionnelle - TATP), l’article 1600 du code général des impôts a été modifié pour asseoir les ressources fiscales affectées aux CCI sur deux nouvelles contributions dont le rendement devait garantir un produit global équivalent à celui de la TATP. En 2010, ce rendement devait ainsi atteindre :

– 40 % du produit de la TATP pour la nouvelle taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA–CFE) ;

– 60 % du produit de la TATP pour la nouvelle taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA–CVAE).

Toutefois, cet objectif de stabilisation des recettes affectées n’a pas été tenu, notamment du fait de l’important dynamisme de l’assiette de la TA–CVAE.

Pour mémoire, le produit de la TA–CFE est réparti, après déduction du prélèvement France Télécom (représentant 30 millions d’euros (20)), et dans les limites du plafonnement de cette taxe prévu par l’article 46 de la loi de finances pour 2012 (21), entre les chambres par les CCIR au prorata de l’assiette de cotisation foncière constatée sur leur territoire.

Le produit de la TA–CVAE est, quant à lui, affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région (FFCCIR) également dans la limite de son plafonnement. La répartition de son produit entre les CCIR est par la suite déterminée conformément à l’article 1600 du code général des impôts (en fonction d’un coefficient d’équilibrage et proportionnellement à la valeur ajoutée imposée dans les communes de leur circonscription retenue pour la détermination de la CVAE).

b. Une taxe pour frais de chambre très dynamique, excédant les besoins des chambres

La taxe pour frais de chambre a augmenté en moyenne de 19 % entre 2002 et 2012 en euros constants

Deux rapports majeurs ont permis de disposer d’un bilan actualisé de l’évolution des ressources des CCI sur la période récente :

– le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires du 4 juillet 2013 intitulé La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes ;

– le rapport IGF–CGEIET–IGAS de mai 2014 précédemment mentionné.

Ces rapports dressent le constat que :

– la TFC versée aux CCI a augmenté de 19 % entre 2002 et 2012 en euros constants (soit + 22,5 millions d’euros en moyenne par an). Elle est ainsi passée, au cours de ces dix années, de 1 185 millions d’euros par an à 1 413 millions d’euros ;

– le niveau de TFC nécessaire pour couvrir les besoins du réseau à activité inchangée entre 2007 et 2012 représentait 1 120 millions d’euros annuels, soit un montant inférieur de 200 millions d’euros à celui effectivement versé au cours de cette période ;

– cette augmentation a permis aux CCI de bénéficier d’une « situation financière confortable » (22), de diminuer leur niveau d’endettement (– 45 % entre 2002 et 2014), tout en poursuivant un programme d’investissement ambitieux (fin 2013, 1,6 milliard d’euros d’investissement étaient projetés pour la période 2014-2017) ;

– cette tendance a été remise en cause entre 2013 et 2014 par les premières mesures de plafonnement des taxes affectées et de prélèvement sur les fonds de roulement des chambres. La TFC collectée en 2014 a en effet été ramenée à 1 295 millions d’euros pour 1 268 millions d’euros versés aux CCI après écrêtement au profit du budget de l’État et y compris prélèvement France Télécom (soit + 4 % par rapport à 2010, en euros courants) ;

Les rapporteures rappellent, à la suite des auteurs de ces études, que ces analyses quantitatives ne permettent pas de présumer de la qualité des choix de gestion et des dépenses engagées pendant cette période par les chambres. Sur la dernière décennie, l’augmentation de la taxe pour frais de chambre s’est en effet accompagnée du développement de nouvelles activités et, pour certaines chambres, d’un effort de productivité.

Elles soulignent également que :

– depuis la réforme de 2010, les chambres se sont engagées dans un processus de modernisation de leur action, impliquant une augmentation de certaines dépenses à court terme. Il est par conséquent délicat de proposer des analyses à activité inchangée ;

– l’augmentation constatée de la TFC affectée aux CCI au cours des dernières années s’inscrit dans une augmentation plus globale des taxes affectées (par exemple, les taxes affectées aux agences de l’État et aux agences locales augmentent respectivement de 33 % et 43 % entre 2007 et 2013).

Au-delà de ces remarques, le dynamisme de la TFC a toutefois participé à la constitution de fonds de roulement importants et à la faible maîtrise de certaines dépenses (notamment de fonctionnement), dans un contexte économique contraint pour les administrations publiques, mais également pour les entreprises redevables de la taxe.

Le dynamisme des recettes fiscales a permis la constitution d’importants fonds de roulement

Dans son rapport sur la fiscalité affectée de juillet 2013, le Conseil des prélèvements obligatoires souligne que le caractère excédentaire des recettes perçues par les CCI au regard des besoins de leur activité a entraîné la constitution d’importants fonds de roulement. Elle souligne ainsi qu’en 2011 :

« – les CCI territoriales ont un fonds de roulement moyen de 221 jours d’activité, soit 7 mois d’activité ;

– les CCI régionales ont un fonds de roulement moyen de 194 jours d’activité, soit plus de 6 mois d’activité ;

– toutes catégories confondues, 98 chambres, soit 64 % des 153 structures, ont un fonds de roulement supérieur à 150 jours d’activité, dont 39 chambres avec un fonds de roulement excédant 300 jours d’activité, ce qui correspond à près de 10 mois d’activité ».

RÉPARTITION DES CCI EN FONCTION DE LEURS FONDS DE ROULEMENT EN 2011

(en nombre de jours d’activité)

Source : Rapport du CPO sur la fiscalité affectée de juillet 2013, sur la base des données transmises par la direction du budget et la DGE.

Cette analyse a été confirmée par la mission IGF–CGEIET–IGAS de mai 2014 qui concluait sur la base de données transmises par CCI France que fin 2012, le fonds de roulement net disponible couvrait plus de 200 jours de charges décaissables non exceptionnelles, après déduction des fonds de roulement liés aux concessions (23).

DÉCOMPOSITION DU FONDS DE ROULEMENT DES CCI FIN 2012

 

2012

Fonds de roulement brut en 2012

2 055

dont provisions pour dépréciation

85

Fonds de roulement net

1 970

dont reliquats d’emprunts

17

dont stocks

119

Fonds de roulement net hors reliquats d’emprunts et stocks

1 833

dont fonds de roulement des concessions

449

Fonds de roulement net disponible

1 384

dont provisions pour engagements sociaux*

338

(*) Les CCI contestent la prise en compte dans leur fonds de roulement des provisions pour engagements sociaux pour lesquelles elles sont leur propre assureur au motif que ces montants sont susceptibles d’être décaissés en cas d’externalisation de l’assurance sociale à un régime de sécurité sociale. La mission au contraire considère que ces provisions constituent des ressources de long terme entrant dans le passif permanent des chambres.

Source : CCI France.

Face à ces constats, le législateur a adopté un certain nombre de mesures visant, dans un premier temps, à mieux encadrer l’évolution de la taxe affectée aux CCI, puis, dans un second temps, à les associer à l’effort de baisse de la dépense publique, qui porte sur l’ensemble de la sphère publique.

c. Des mesures d’économies prises entre 2013 et 2015 modifiant durablement les conditions de financement du réseau

Les mesures proposées entre 2013 et 2015 pour encadrer le rendement de la TFC s’inscrivent dans la continuité de mesures prises dès 2011 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui prévoyaient une baisse du taux de la TA–CVAE au titre des années 2011 (– 4 %), 2012 (– 8 %) et 2013 (- 15 %), sans toutefois parvenir à en stabiliser le rendement.

Loi de finances initiale pour 2013 : plafonnement de la taxe pour frais de chambre

L’article 39 de la loi de finances initiale pour 2013 (LFI 2013) a plafonné les deux taxes additionnelles constitutives de la TFC (24) à hauteur de :

– 819 millions d’euros pour la TA–CVAE ;

– 549 millions d’euros pour la TA–CFE.

Par conséquent, le montant maximum de la taxe affectée aux CCI représentait 1 368 millions d’euros 2013, pour une exécution de 1 417 millions d’euros (soit 866 millions d’euros au titre de la TA–CVAE et 551 millions d’euros au titre de la TA–CFE). L’écart constaté de 49 millions d’euros a été reversé au budget de l’État.

Le schéma suivant récapitule ces mouvements.

IMPACT DES MESURES PRISES EN LFI 2013











Loi de finances initiale pour 2014 : baisse de 100 millions d’euros du plafonnement de la TA–CVAE et prélèvement de 170 millions d’euros sur les fonds de roulement

L’article 51 de la LFI pour 2014 a établi des règles pérennes de fixation des taux des deux taxes additionnelles visant à ajuster leur rendement aux besoins des CCI et non plus au rendement de l’ancienne TA–TP :

– aux termes de l’article 1600 du code général des impôts, les CCIR votent chaque année, depuis 2014, le taux de la TA-CFE applicable dans leur circonscription. Ce taux ne peut excéder le taux de l’année précédente. Cette limitation est conforme à la logique défendue par la réforme des réseaux consulaires de 2010 selon laquelle la liberté de taux laissée aux CCIR ne peut avoir pour effet que d’abaisser la pression fiscale sur les entreprises de leur circonscription ;

– le taux de la TA-CVAE est fixé, quant à lui, au niveau national à 6,304 % pour 2013 et de 5,59 % pour 2014.

Cette diminution de taux entre 2013 et 2014 visait à restituer aux entreprises l’intégralité de la baisse de 100 millions d’euros du plafonnement de la TA-CVAE, également adoptée en LFI 2014.

Le principe d’une restitution des gains liés à la baisse du plafonnement de la TA-CVAE aux entreprises a été inscrit dans la loi à cette occasion : à compter de 2015, en cas de nouvelle baisse du plafond, le taux de la TA–CVAE est ajusté automatiquement. La baisse du plafond de la TA– CVAE se traduit donc par une baisse à due concurrence de l’imposition des entreprises concernées (25).

Par ailleurs, la LFI 2014 a prévu l’application d’un prélèvement de 170 millions d’euros sur les recettes affectées en 2014 au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région (FFCCIR).

Ce prélèvement a été perçu sur les flux de TA–CVAE versés aux CCIR en cours d’année par le biais de ce fonds (26) : les montants de taxe notifiés aux chambres par l’administration fiscale étaient ainsi nets de ce prélèvement, ce qui a contraint les CCI à puiser dans leur fonds de roulement pour combler le manque à gagner.

Cette mesure présentée comme une réduction du fonds de roulement des chambres, correspond donc, en pratique, a un prélèvement ponctuel sur les recettes affectées aux chambres en 2014 (alors que la baisse de leur plafond constitue une mesure de diminution pérenne de leurs recettes).

Par ailleurs, le prélèvement ne s’est appliqué qu’aux CCIR comprenant plus d’une CCIT dans leur circonscription, ce qui a pour effet d’exclure les chambres ultramarines du champ du prélèvement.

Le schéma ci-dessous rappelle les mouvements opérés.


IMPACT DES MESURES PRISES EN LFI 2014









Loi de finances initiale pour 2015 : baisse de 213 millions d’euros du plafonnement de la TA-CVAE et prélèvement de 500 millions d’euros sur les fonds de roulement

L’article 33 de la LFI 2015 a conduit à abaisser une nouvelle fois le plafond de la TA–CVAE de 719 millions d’euros à 506 millions d’euros (soit
– 213 millions d’euros). Depuis 2013, la TA–CVAE affectée aux CCI a ainsi été réduite de manière pérenne de 38 % et la TFC globale de 23 %.

Les tableaux suivants récapitulent ces baisses successives.

PLAFONNEMENT DES TAXES AFFECTÉES AUX CCI

(en milliers d’euros)

 

2013

2014

 

Plafond LFI 2013

Exécution

écrêtement

Plafond LFI 2014

Exécution

écrêtement

TA-CVAE

819 000

865 983

47 000

719 000

745 900

26 900

TA-CFE

549 000

551 000

2 000

549 000

549 000

0

Total

1 368 000

1 413 353

49 000

1 268 000

1 294 900

26 900

 

2015

 

Plafond LFI 2015

Écrêtement prévisionnel

TA-CVAE

506 117

0

TA-CFE

549 000

0

Total

1 055 117

0

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Cette baisse s’est traduite par l’application d’un taux de TA–CVAE de 3,9 % au lieu de 5,6 %, allégeant d’autant la contribution des entreprises.

Fonctionnement du mécanisme d’ajustement automatique du taux de TA– CVAE

en cas d’abaissement du plafond de la TA-CVAE

La baisse du plafond pour 2015 du niveau de la TA-CVAE affecté aux CCIR de 213 millions d’euros entraîne le recalcul suivant du taux national 2015 de TA-CVAE :

Taux TA-CVAEN = Taux TA-CVAEN-1 x (plafond LFIN / produits TA-CVAE par les CCIR en N-1)

Taux TA-CVAE2015 = Taux TA-CVAE2014 x (plafond LFI2015 / produits TA-CVAE par les CCIR en 2014)

                  = 5,59 % x (719 – 213 / 719) = 3,9 % (soit – 1,69 % par rapport au Taux TA-CVAE2014).

Ainsi, sur une hypothèse d’assiette de TA-CVAE 2015 (27) de 12,6 milliards d’euros (niveau 2012), l’effort supplémentaire demandé au réseau des CCIR appliqué à leur ressource de TA-CVAE se traduit par :

– une perception par les CCIR d’un niveau de ressources fiscales de TA-CVAE minoré de 213 millions d’euros ;

– un allégement automatique équivalent pour les entreprises de leur charge fiscale au titre de la TA-CVAE (12 600 x 0,0169 ≈ 213 millions d’euros).

Par ailleurs, un nouveau prélèvement de 500 millions d’euros au profit du budget de l’État a été décidé sur les recettes de TA–CVAE affectées au FFCCIR.

Pour garantir à ce fonds le niveau de recettes qui doit lui revenir selon la loi (soit 506 millions d’euros après baisse du plafonnement) malgré ce prélèvement, il est prévu que les CCIR disposant de plus de 120 jours de fonds de roulement – à l’exception des chambres ultramarines – s’acquittent de 500 millions d’euros à son profit.

La contribution de chacune des chambres concernées a été fixée dans un tableau (reproduit en annexe) à proportion, d’une part, de leur fonds de roulement (pour un montant total de 350 millions d’euros) et, d’autre part, de leur pesée économique (pour un montant total de 150 millions d’euros).

La modulation de ces deux critères, introduite par l’Assemblée nationale au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2015 (PLF 2015) doit permettre une meilleure prise en compte des capacités contributives des chambres à ce prélèvement.

D’autres améliorations substantielles ont été apportées par le Parlement au dispositif initial présenté par le Gouvernement :

– l’année de référence prise en compte pour apprécier le nombre de jours de fonds de roulement disponibles a été actualisée. Il s’agit désormais de l’année 2013 au lieu de celle de 2012 ;

– les éléments à déduire des fonds de roulement pris en compte pour l’application du prélèvement ont été complétés : à l’exclusion des charges liées aux ports, aéroports et ponts gérés par les chambres s’est ajoutée celle des montants affectés en 2014 et en 2015 à des investissements en faveur des centres d’apprentissage ou de formation en alternance, ayant fait l’objet d’un cofinancement dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir (PIA).

Cette dernière mesure, restrictive au regard de l’ensemble des investissements engagés par les CCI, a été adoptée à défaut de disposer d’une liste exhaustive et fiable de ces derniers. Les rapporteures soulignent que cette absence de connaissance précise de la situation financière des chambres au moment de la répartition entre elles de l’effort d’économies à réaliser explique les difficultés que connaissent actuellement certaines chambres.

Toutefois, elles soulignent à cet égard que les chambres n’ont contribué que tardivement à améliorer cette connaissance, à la suite de sollicitations répétées de leur tutelle et que cette situation a contrarié l’adoption de certaines initiatives parlementaires, notamment en faveur des investissements engagés (cf. infra).

Le schéma ci-dessous présente ces mouvements.

IMPACT DES MESURES PRISES EN LFI 2015











d. Des modalités de prélèvements contestées par les chambres en 2015

Par ailleurs, les rapporteures soulignent que la façon dont le prélèvement a été opéré en 2015 diffère de celle retenue en 2014 sur plusieurs points :

– au lieu d’effectuer le prélèvement sur les recettes de TA–CVAE transitant par le FFCCIR vers les CCIR comme cela avait été le cas en 2014, la logique retenue a conduit à sécuriser la créance de l’État sur les chambres en conditionnant les versements de TA–CVAE au versement préalable par les CCI concernées des 500 millions d’euros de prélèvement prévu en faveur du FFCCIR ;

– le règlement de ce prélèvement ayant été reporté du 15 mars au 15 mai dernier, il en est résulté en début d’année un blocage des versements de TA-CVAE pour l’ensemble des chambres (même celles non visées par le prélèvement), ce qui a pu mettre certaines d’entre elles dans une situation financière délicate.

Le Gouvernement a donc procédé au cas par cas au versement d’avances équivalentes au montant de la TA–CVAE perçu en 2014 lorsque la situation financière des chambres l’exigeait.

Si les rapporteures s’accordent pour reconnaître à l’État la nécessité de garantir la créance qu’il détient sur les chambres au titre de 2015, elles regrettent que ce choix de perception ait conduit à la dégradation de la situation financière de certaines chambres en début d’année, et notamment de chambres non concernées par le prélèvement.

À la date de la rédaction de ce rapport, les versements de TA–CVAE ont été régularisés en grande partie, les chambres ayant reversé au FFCCIR près de 420 millions d’euros, une incertitude demeurant sur les montants restants à verser (dont une partie fait l’objet de recours). (28) En cas de non-recouvrement de ces montants, le réseau tout entier serait pénalisé.

Par conséquent, dans l’hypothèse où de nouveaux prélèvements seraient envisagés au cours des années à venir, elles recommandent de s’en tenir à la méthode de perception employée en 2014 reposant sur le versement par le FFCCIR aux chambres d’une taxe nette du prélèvement ou sur l’émission de rôles de perception net de la taxe à verser, selon que les chambres sont créditrices ou débitrices nettes de l’État.

ÉTAT DES PRÉLÈVEMENTS ET REVERSEMENTS DÉBUT JUILLET 2015

Recouvrements des titres de perception :

420 millions d’euros (84 % des sommes dues)

– 86 chambres ont acquitté l’intégralité des sommes dues (390 millions d’euros)

– 22 chambres ont versé de premières échéances (31 millions d’euros)

Montant restant à recouvrir :

– dont échéances à venir :

– dont recours contentieux :

80 millions d’euros

– 25 millions d’euros

– 55 millions d’euros

– 22 chambres 

– 10 à 12 chambres

Reversements de TA-CVAE

Premier versement (3 juillet 2015) de 305,5 millions d’euros*

Versement aux seules chambres ayant acquitté leur prélèvement

(*) Un second versement devrait intervenir en septembre.

Source : CCI France

4. L’impact sur l’activité et les moyens des CCI de la baisse de la taxe pour frais de chambre et des fonds de roulement

Lors de l’examen des dispositions de la LFI pour 2015, les commissaires des finances de l’Assemblée nationale ont souhaité être informés précisément des conséquences sur l’activité des chambres des mesures d’économies prévues. (29)

C’est ainsi qu’a été adopté une disposition demandant au Gouvernement de remettre au Parlement avant le 1er juillet 2015 un rapport « relatif à l’impact des réductions de ressources fiscales affectées aux chambres de commerce et d’industrie de 2014 à 2017 sur leur fonctionnement, la qualité des services rendus aux entreprises et l’investissement en faveur de la formation des jeunes et du développement des territoires. Ce rapport rend également compte de l’opportunité de mettre en place un fonds de péréquation entre les chambres de commerce et d’industrie territoriales en faveur de celles situées en zones hyper-rurales. »

Le Contrôle général économique et financier a débuté ses travaux et ce rapport devrait être transmis au Parlement en septembre. Dans l’attente de ce rapport, les rapporteures proposent toutefois de dresser un premier bilan des mesures adoptées et de leurs effets sur l’activité des chambres.

a. Les effets des mesures d’économies sur la situation financière des chambres

Les mesures adoptées ont réduit sensiblement la TFC affectée aux chambres. Celle-ci baisse ainsi de 12 % en valeur entre 2010 et 2015, comme l’illustre le graphique suivant.

ÉVOLUTION DE LA TAXE POUR FRAIS DE CHAMBRE DEPUIS SA RÉFORME EN 2010

(en millions d’euros)

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances y compris prélèvement France Télécom

ÉVOLUTION DU RENDEMENT DE LA TAXE POUR FRAIS DE CHAMBRE

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

TA-CFE

-

517

535

547

549

549

TA-CVAE

-

777

859

866

746

506

Total

1 196

1 294

1 394

1 413

1 295

1 055

Total après écrêtement au profit du budget général

1 368

1 268

1 055

Variation n/n-1

+ 8,2 %

+ 7,7 %

– 1,9 %

– 7,3 %

– 17 %

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

La prise en compte de l’ensemble des ressources du réseau permet toutefois de nuancer l’impact des mesures adoptées au cours des dernières années sur les produits d’exploitation globaux des chambres. En effet, le graphique ci-dessous permet de constater que si la taxe pour frais de chambre a diminué de 12 % entre 2010 et 2015, sur la même période les produits d’exploitation des chambres ont diminué de 22 %, soit d’un niveau équivalent à la diminution du chiffre d’affaires (liée principalement à des modifications de périmètre). La baisse des ressources du réseau tient donc à un ensemble de facteurs, au sein desquels les économies demandées aux chambres ont joué un rôle important.

ÉVOLUTION DES RESSOURCES DES CCI SUR 10 ANS

(en millions d’euros)

Note méthodologique : le montant de TFC communiqué par CCI France pour l’année 2014 est net du prélèvement de 170 millions d’euros opéré sur la TA-CVAE versée aux chambres au titre de la réduction de leur fonds de roulement. Les modalités de prélèvements ayant été différentes en 2015, le montant de TFC présenté ne prend pas en compte les 500 millions d’euros prélevés sur les CCI au titre de leur fonds de roulement cette même année. Les données prévisionnelles pour 2014 et 2015 n’incluent pas la Guyane, Mayotte et les COM.

Source : CCI France.

Le fonds de roulement net disponible des chambres a, quant à lui, été réduit de 66 % entre 2010 et 2015 selon les premières estimations disponibles, sans que cette réduction puisse être imputée en totalité aux prélèvements adoptés en 2014 et 2015. La baisse des fonds de roulement entre 2013 et 2014, de 930 millions d’euros, prend ainsi en compte :

– les mesures adoptées en PLF 2014, soit 100 millions d’euros de baisse du plafond de la TA-CVAE et 170 millions d’euros de prélèvement sur le fonds de roulement ;

– la mesure de prélèvement sur fonds de roulement adoptée en PLF 2015 pour un montant de 500 millions d’euros (ce prélèvement ayant été inscrit en charges à payer dans les comptes de 2014).

– 160 millions d’euros imputables à d’autres mesures, dont un moindre recours à l’endettement pour financer des investissements et un report de ce financement sur les fonds de roulement (estimé à 60 millions d’euros).

L’annexe 3 du présent rapport présente l’évolution du fonds de roulement de chacune des chambres.

ÉVOLUTION DU FONDS DE ROULEMENT DES CHAMBRES ENTRE 2006 ET 2015

(en milliers d’euros)

Source : CCI France.

ÉVOLUTION DU FONDS DE ROULEMENT DES CHAMBRES DE 2010 À 2015

(en milliers d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014 (p)

2015 (p)

Fonds de roulement brut

2 002

1 935

2 055

1 976

1 047

801

– provisions pour dépréciation

102

93

85

83

73

76

Fonds de roulement net

1 899

1 842

1 970

1 893

975

726

– reliquats d’emprunts

6

9

17

13

17

4

– stocks

105

113

119

120

128

126

Fonds de roulement net disponible

1 788

1 720

1 833

1 760

830

600

Source : CCI France.

Un effort doit être consenti pour diminuer les dépenses publiques et il est légitime d’y associer les chambres dont les ressources avaient augmenté sur la période récente. Toutefois, l’effort réalisé par les chambres entre 2013 et 2015 ayant été important au regard de leurs ressources disponibles, les rapporteures préconisent :

– de conditionner toute nouvelle mesure d’économies à la conduite d’un dialogue constructif avec les chambres qui permettent d’identifier des orientations consensuelles ;

– de ne pas opérer de nouveau prélèvement sur le fonds de roulement des chambres au titre des prochaines années. En contrepartie, de nouveaux engagements pourraient être pris par le réseau en matière de poursuite de la rationalisation de la carte territoriale et de la mutualisation des moyens ;

– de fixer une trajectoire pluriannuelle d’économies prenant en compte les conclusions d’une revue des dépenses réalisées par le réseau lui-même qui dispose d’un outil de pilotage de la gestion des chambres très performant.

Par ailleurs, la rapporteure de la commission des Finances recommande de limiter toute nouvelle baisse sur les recettes affectées au strict respect de la trajectoire de baisse globale des plafonds des taxes affectées prévues par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 – afin de limiter les risques de suppression de postes et d’activité au sein des chambres – et transférer le montant de la baisse à un fonds de modernisation et de péréquation en faveur du réseau qui pourrait être géré par CCI France. Ce fonds pourrait constituer une incitation à promouvoir davantage les réformes au sein du réseau.

La rapporteure de la commission des Affaires économiques souhaite, quant à elle, que soit stoppée toute nouvelle baisse des recettes affectées au réseau.

L’annonce d’un nouvel effort demandé aux chambres de commerce et d’industrie en PLF 2016

Le Gouvernement a annoncé dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques (30) que « les chambres de commerce et d’industrie (CCI) continueront à contribuer au redressement des comptes publics, à travers la baisse du plafond des taxes qui leur sont affectées. »

Selon les dernières informations dont disposent les rapporteures, cette baisse serait de 150 millions d’euros. Aucun prélèvement sur le fonds de roulement des chambres n’est prévu. Les rapporteures regrettent le caractère tardif de cette annonce pour préparer le réseau à ce nouvel effort et soulignent la nécessité de donner davantage de visibilité aux chambres quant à l’évolution de leurs ressources.

Une annexe au présent rapport présente l’évolution de la TFC pour chacune des chambres entre 2013 et 2015.

b. Les effets des mesures d’économies sur les dépenses d’investissement

Comme rappelé précédemment, à l’automne 2014, à défaut de disposer d’une liste exhaustive et fiable des investissements engagés par les chambres en 2014, seuls certains investissements bénéficiant d’un financement au titre des investissements d’avenir ont été écartés pour évaluer le fonds de roulement à retenir pour répartir le prélèvement de 500 millions d’euros.

Cette appréciation restrictive des investissements engagés par les chambres et l’importance des mesures d’économies adoptée aurait conduit, selon CCI France, à l’annulation d’ici la fin 2015 de 349 millions d’euros d’investissements programmés ou engagés.

Le graphique ci-dessous permet de constater que cette annulation concerne pour près de 50 % des investissements dans le secteur de la formation et de l’emploi, principalement liées à des travaux immobiliers dans les centres de formation existants ou à la construction de nouveaux centres.

INVESTISSEMENTS ABANDONNÉS PAR LE RÉSEAU

(en millions d’euros)

Source : CCI France, mars 2015.

Par région, les investissements annulés se répartissent comme suit.

ANNULATION DES INVESTISSEMENTS PRÉVUS PAR RÉGION

(en euros)

Source : CCI France, mars 2015.

Le volume de ces annulations tient également à l’importance des projets lancés en 2014 et 2015. Le rapport IGF–CGEIET–IGAS relevait à ce titre que « les investissements prévus pour 2014 sont 29 % plus élevés que la moyenne des investissements réalisés sur la période 2002-2012, atteignant 605 millions d’euros au lieu de 470 millions d’euros en moyenne annuelle sur cette période » et ce, « en dépit de l’annonce d’une contrainte budgétaire renforcée ».

c. Les effets des mesures d’économies sur les dépenses de personnel

Les dépenses de personnel des CCI

Les principales remarques du rapport IGF–CGEIET–IGAS sur les dépenses de personnel portent sur :

– l’augmentation de 21 % de la masse salariale entre 2002 (1,4 milliard d’euros) et 2012 (1,7 milliard d’euros) alors que les effectifs diminuaient de 10 % au cours de cette même période en équivalents temps plein. Toutefois, deux périodes distinctes sont à prendre en compte : une première période de forte hausse entre 2002 à 2008 et une seconde période de stabilisation de la masse salariale de 2009 à 2014, liée notamment à l’effet du gel du point d’indice et à la réduction des effectifs ;

– les fortes disparités salariales selon les territoires, liées notamment à la diversité des activités exercées par les CCI et à l’absence de règles communes au réseau assurant une rémunération équivalente à poste égal entre les différentes chambres. Lors de leur audition, les services de la Direction générale des entreprises (DGE) ont ainsi souligné que « les écarts de rémunération atteignent parfois 30 % pour une même profession. La revalorisation minimale du taux indemnitaire, qui correspond à 0,1 % de la masse salariale, votée par la commission paritaire nationale constitue un plancher : chaque président de CCI dispose d’une large marge de manœuvre et il en résulte quelques écarts en matière d’équilibre de rémunérations » ;

– les nombreux départs en retraite qui devraient avoir lieu au cours des prochaines années.

Les informations transmises par CCI France à la mission confirment que l’évolution des frais de personnel a diminué en valeur au cours des dernières années (– 13,6 %) alors que leur part dans les charges du réseau demeurait stable (autour de 45 %).

ÉVOLUTION DES FRAIS DE PERSONNEL

(en millions d’euros)

Données prévisionnelles pour 2014 et 2015, hors Guyane, Mayotte et COM.

Source : CCI France

Les auditions réalisées par la mission ont permis de constater certaines difficultés de gestion des personnels, liées notamment à la spécificité de leur statut et au fonctionnement des commissions paritaires nationales. Il semble également que les niveaux de certaines rémunérations ne tiennent pas compte des efforts d’économies à engager.

Par conséquent, les rapporteures souhaiteraient que la tutelle réalise un rapport détaillé sur la situation des personnels des CCI et propose, en concertation avec les chambres, des pistes de réformes permettant de répondre à ces difficultés.

La délicate appréhension des conséquences des mesures d’économies sur l’emploi

Les rapporteures soulignent la difficulté de distinguer les mesures salariales consécutives aux baisses de ressources décidées en 2014 et 2015 des mesures résultant d’autres facteurs.

Lors des auditions réalisées par la mission, de nombreuses chambres ont présenté les suppressions de postes envisagées (31) en 2015 comme la résultante des mesures d’économies adoptées en LFI pour 2015. Au-delà de ces mesures d’économies qui impactent nécessairement la politique salariale des chambres, des choix stratégiques ou résultant de la mutualisation de certaines fonctions peuvent également conduire à des réductions d’effectifs.

Les syndicats des salariés auditionnés par la mission ont, à ce sujet, souhaité plus de transparence dans les chiffres annoncés et la présentation d’une stratégie d’ensemble sur l’évolution de l’emploi au sein du réseau.

Le lancement du Plan emploi consulaire

L’adoption du Plan emploi consulaire en commission paritaire nationale du 25 novembre 2014 vise d’une part, à mieux accompagner les salariés du réseau tout au long de leur parcours professionnel et, d’autre part, à introduire des modifications au statut du personnel afin :

– d’introduire la possibilité de mettre fin d’un commun accord à la relation de travail ;

– de modifier la procédure de licenciement pour suppression de poste ;

– d’accorder un congé de transition préalable au départ en retraite ;

– de mettre en œuvre les outils assurant une mobilité interne (diffusion des offres de postes, priorité aux candidatures internes, etc.).

Ces dispositions doivent permettre de permettre des départs volontaires.

Selon les informations transmises par CCI France, les conséquences financières de la mise en œuvre de ce plan adopté en fin d’année 2014 transparaissent peu dans les premiers éléments financiers disponibles.

À la clôture de ce plan le 30 juin dernier, les premières données prévisionnelles pour l’ensemble du réseau faisaient état de :

– environ 500 congés de transition (pour un coût moyen par congé de 130 000 euros) ;

– environ 1 000 cessations de la relation de travail d’un commun accord (pour coût moyen par cessation de 60 000 euros).

Le coût des 1 500 départs volontaires enregistrés atteindrait ainsi 130 millions d’euros, ce qui représente près de 19 jours de fonds de roulement pour le réseau.

Au regard des spécificités du statut du personnel des CCI et des difficultés en matière de gestion des ressources humaines qu’il connaît et qui ont été rappelées au cours des auditions, les rapporteures demandent au Gouvernement qu’une étude précise soit réalisée par les autorités de tutelle de manière à dresser un bilan de la situation actuelle (en termes d’effectifs et de masse salariale) et d’identifier les évolutions en cours (notamment, les départs volontaires et licenciements prévus) et les besoins pour l’avenir. La tutelle a un rôle à jouer en matière d’accompagnement des réformes engagées par le réseau, et a fortiori quand la question de l’évolution des emplois au sein du réseau est en jeu.

d. Les effets des mesures d’économies sur les entreprises

Les effets sur les entreprises sont aussi difficiles à appréhender. Toutefois, deux premiers constats peuvent d’ores et déjà être dressés :

– la contribution à la TFC aura baissé de 380 millions d’euros entre 2013 et 2015. Le montant moyen de TFC acquitté par les entreprises étant de 500 euros (230 euros pour les PME et moins de 100 euros pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 500 000 euros qui sont exonérées de TA–CVAE), l’économie annuelle moyenne qu’elles réaliseront à compter de 2015 est de 150 euros ;

– la remise en question de certains investissements ou la réduction de certains services peut avoir un impact négatif sur leur activité. En effet, les mesures adoptées auront nécessairement un effet sur les activités des chambres, et notamment sur celles dépendant le plus de la TFC, dont l’accompagnement des entreprises.

B. LA BAISSE DES RECETTES AFFECTÉES DOIT INCITER LE RÉSEAU À MIEUX DÉFINIR SES MISSIONS

1. Une définition plus précise des missions des CCI par la loi du 23 juillet 2010

La loi du 23 juillet 2010 a permis de définir les missions des chambres de commerce avec davantage de précision.

En effet, au lieu de retenir une définition synthétique des missions exercées par les chambres (réparties entre des « missions de service public, des missions d’intérêt général et, (à l’initiative des chambres), des missions d’intérêt collectif », telle que la prévoyait la rédaction alors en vigueur de l’article L. 710-1 du code de commerce, cet article a été réécrit (32) de manière à présenter une liste non exhaustive des grandes catégories de missions pouvant être exercées.

a. Les principes encadrant l’activité des chambres

L’article L. 710-1 rappelle que les CCI ont, en leur qualité de corps intermédiaire de l’État, une fonction de représentation des intérêts de l’industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères et qu’elles exercent à ce titre, leurs activités aux côtés des organisations professionnelles ou interprofessionnelles et des collectivités territoriales.

Ces activités ont pour objet de contribuer au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement des territoires ainsi qu’au soutien des entreprises et de leurs associations.

b. La liste des principales activités des chambres

À ce titre, chaque CCI peut assurer, dans le cadre des schémas sectoriels qui lui sont applicables :

1° les missions d’intérêt général qui lui sont confiées par les lois et les règlements ;

2° les missions d’appui, d’accompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d’entreprises et des entreprises ;

3° une mission d’appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l’exportation de leur production, en partenariat avec l’Agence française pour le développement international des entreprises ;

4° une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d’enseignement qu’elle gère ou finance ;

5° une mission de création et de gestion d’équipements, en particulier portuaires et aéroportuaires ;

6° les missions de nature marchande qui lui ont été confiées par une personne publique ;

7° toute mission d’expertise, de consultation ou toute étude demandée par les pouvoirs publics sur une question relevant de l’industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l’aménagement du territoire.

L’introduction de cette liste indicative dans le code de commerce poursuivait trois objectifs :

– clarifier les dispositions législatives en vigueur au motif qu’« il était impossible de comprendre l’ensemble et la diversité des missions effectuées par les chambres de commerce et d’industrie sous une seule formulation sauf à susciter confusion et scepticisme » ;

– promouvoir l’action des CCI en rappelant « de la façon la plus claire possible quelles sont les missions qui leur incombent » ;

– « rappeler dans un même mouvement les grandes tâches des chambres de commerce et d’industrie quel que soit le niveau considéré (que l’on prenne l’échelon national, régional ou territorial) » afin de permettre « au réseau de s’organiser avec une plus grande efficacité pour répondre, au cas par cas et afin de tenir compte tant des stratégies développées au niveau régional que des spécificités locales, aux diverses sollicitations dont il fait l’objet » (33).

Pour les CCI, l’ensemble des missions énoncées à l’article L. 710-1 précité constitue un tout indissociable, qui permettrait de les qualifier toutes d’intérêt général. Si cette interprétation prête à débat, notamment auprès des services de l’État, la lettre de la loi distinguant expressément les missions d’intérêt général (1°) des autres missions (2° à 7°), elle reflète une réalité de terrain : chaque CCI, dans le cadre des schémas d’intervention qui lui sont applicables, exerce un certain nombre de missions dont le périmètre est défini par les besoins constatés sur son territoire en vue de contribuer à son développement économique.

La présentation des différentes missions retenues par la nomenclature analytique mise en œuvre par le réseau des CCI et de leur financement permet d’appréhender plus précisément la conception qu’ont les CCI de l’étendue de leur mission d’intérêt général.

2. La diversité des missions des CCI et les modalités de leur financement

Le réseau des CCI s’est doté d’une comptabilité analytique, dite « norme 4.9 », permettant de rendre compte de l’ensemble de ses actions dans un cadre commun décliné par missions et programmes.

Ces missions sont regroupées en quatre grands items :

– l’appui aux entreprises (constituée de neuf programmes) ;

– la formation et l’emploi (constituée de sept programmes) ;

– l’appui aux territoires et la gestion d’équipements (constituée de 10 programmes) ;

– la représentation des entreprises auprès des pouvoirs publics (constituée de trois programmes).

La répartition des ressources entre ces missions illustre l’importance des activités marchandes relevant de la formation et de la gestion de concessions. Ces deux missions représentent, en effet, 90 % du produit d’exploitation (hors TFC) du réseau et occupent 40 % de ses effectifs. Elles concentrent également 87 % des investissements.

Les missions plus traditionnelles d’accompagnement des entreprises et de représentation auprès des pouvoirs publics sont au contraire très dépendantes des ressources publiques (à hauteur réciproquement de 80 % et de 95 %). Elles mobilisent un tiers des effectifs.

Le tableau suivant détaille cette répartition.

RÉPARTITION DES RESSOURCES ET DES EFFECTIFS PAR MISSIONS ESTIMÉE POUR 2014

Budget
exécuté 2014
par missions

TFC

TFC
(%)

Dépendance à la TFC
(Couverture des coûts
d’exploitation par la TF
C)

Produits d’exploitation

Produits d’exploitation
(%)

Investissements

Investissements
(%)

Effectifs

(ETP)

Effectifs
(%)

Appui aux entreprises

692

64 %

80 %

178

10 %

60

13 %

5 733

33 %

Formation / emploi

290

27 %

25 %

884

50 %

107

24 %

7 018

40 %

Appui aux territoires / gestion d’équipements

62

6 %

10 %

713

40 %

283

63 %

4 398

25 %

Représentation des entreprises auprès des pouvoirs publics

36

3 %

95 %

2

0 %

1,00

0 %

256

1 %

TOTAUX

1 080

100 %

40 %

1 777

100 %

451

100 %

17 405

100 %

Opérations significatives non reventilables

– 45

 

 

13

 

124

 

129

 

Source : CCI France, données prévisionnelles.

a. La mission de représentation des entreprises auprès des pouvoirs publics

La représentation des intérêts des entreprises constitue la mission historique des chambres qui se manifeste notamment au travers de l’élection de leurs membres par les entreprises de leur circonscription. Chaque entreprise vote dans sa catégorie (commerciale, industrielle ou de service) ou, le cas échéant, dans sa sous-catégorie (définie en fonction de la taille de l’entreprise).

Les conditions d’exercice de cette mission ont été profondément modifiées par l’importance prise par d’autres acteurs en matière de développement économique des territoires (principalement les collectivités territoriales, mais également la Banque publique d’investissement Bpifrance, Business France, les chambres des métiers et de l’artisanat, etc.).

Par ailleurs, la faiblesse de la participation aux élections consulaires, si elle ne concerne pas uniquement les CCI, peut contribuer à affaiblir cette mission de représentation. Le taux de participation moyen aux élections des CCI a atteint ainsi 17 % en 2010, avec de fortes disparités régionales (de 6 % à 59 %).

Toutefois, les chambres demeurent les principales représentantes des entreprises et sont associées à l’élaboration de nombreux documents-cadre en matière de développement économique (par exemple, pour les SRDEII introduits par la loi NOTRe ou pour les documents d’urbanisme).

Elles peuvent également être sollicitées pour toute mission d’expertise, de consultation ou étude demandée par les pouvoirs publics.

L’indicateur d’activité mis en œuvre pour le suivi de cette mission repose sur le nombre d’avis donnés par le réseau dans le cadre de sa mission consultative territoriale.

INDICATEUR RELATIF À LA REPRÉSENTATION DES ENTREPRISES EN 2014

Programmes

Indicateurs d’activité

BE 2013

BR 2014

Mission consultative territoriale

Nombre d’avis

4 148

3 998

Source : CCI France.

La répartition des ressources affectées à cette mission est la suivante.

FINANCEMENT ET MOYENS DE LA MISSION REPRÉSENTATION DES ENTREPRISES

(en milliers d’euros)

2014 - Budget Rectificatif

TFC affectée

Produits d’exploitation

Coûts d’exploitation

Effectifs (ETP)

Investissements

Représentation des entreprises auprès des pouvoirs publics

36 628

2 358

38 589

258

1 261

Source : CCI France, données provisoires pour 2014.

Source : CCI France, données provisoires pour 2014.

Le graphique ci-dessus permet de constater l’importance des ressources publiques affectées cette mission. Les coûts d’exploitation sont constitués principalement de frais de personnel.

b. La mission d’accompagnement des entreprises

À ce titre, les CCI encouragent le développement de l’activité des entreprises situées sur leur territoire par le biais de :

– la mise à disposition d’une information complète sur les différents secteurs d’activité, les projets et partenariats innovants en cours, etc. ;

– la création et la gestion des centres de formalité des entreprises (CFE), à la charge des CCIT ;

– la conduite d’expérimentations dans le cadre de la stratégie régionale ;

– le soutien à la création, reprise ou transmission d’entreprises ;

– la valorisation de certains secteurs d’activités (tourisme, nouvelles technologies, industrie et développement durable notamment) ;

– le développement international (notamment par le biais de la mise à disposition des entreprises de 400 conseillers à l’international et d’un réseau de 135 CCI internationales).

À ce titre, les rapporteures souhaiteraient présenter quelques pratiques particulièrement innovantes témoignant du dynamisme du réseau CCI en matière d’accompagnement des entreprises et de soutien au développement économique :

– la mise en place d’un site « Les-aides.fr », porté par la CCI d’Amiens, qui présente l’ensemble des aides existantes pour les entreprises à chaque phase de leur développement ;

– le lancement d’un portail PME en Pays de la Loire avec le Conseil régional qui constitue un outil de recherche assistée de dispositifs d’appui et de financement pour ces entreprises ;

– la création d’un institut du mentorat entrepreneurial par la CCIR Ile de France qui permet d’assurer un accompagnement individuel et collectif aux PME et de sécuriser leur croissance par le transfert d’expérience d’entrepreneur à entrepreneur ;

– l’introduction d’une plate-forme de financement des entreprises, « Kiosk to invest », portée par la CCI de Caen ;

– l’introduction d’un espace de travail mettant à disposition des entrepreneurs des services et machines, le « BerryLab36 » dans l’Indre ;

– le lancement d’une plate-forme internet visant à créer des synergies au service de l’économie circulaire, appelée « Act’IF », portée par la CCI Montauban.

Les indicateurs suivants permettent d’apprécier le volume d’activité des chambres au titre de cette mission.

LES INDICATEURS RELATIFS À L’ACCOMPAGNEMENT DES ENTREPRISES

Programmes

Indicateurs d’activité

BE 2013

BR 2014

Formalités / CFE

Nombre total de formalités CFE

874 561

881 400

Nombre de créations

180 089

182 051

Nombre de formalités internationales

1 172 279

1 181 592

Nombre de contrats apprentissage enregistrés

139 161

133 165

Création transmission reprise

Nombre de participants à l’information collective

123 712

127 916

Nombre de porteurs de projets et de cédants accompagnés ou formés

149 437

131 273

Nombre d’entreprises hébergées

950

853

Développement international

Nombre entreprises sensibilisées

60 564

54 453

Nombre entreprises accompagnées

25 312

24 699

Innovation, intelligence économique

Nombre entreprises sensibilisées dans l’innovation

47 675

57 402

Nombre entreprises accompagnées dans l’innovation

12 916

8 996

Nombre entreprises sensibilisées pour l’intelligence économique

21 337

13 616

Nombre entreprises accompagnées pour l’intelligence économique

3 636

3 617

Développement durable / environnement

Nombre entreprises sensibilisées

36 065

41 332

Nombre entreprises accompagnées

13 365

12 042

Autre accompagnement individuel de l’entreprise

Nombre d’entreprises accompagnées

149 741

143 674

Information économique

 

 

Nombre de fichiers vendus

12 912

11 387

Nombre d’études

2 936

3 184

Nombre de consultations / visites sur les sites web d’information économique de la CCI

18 015 223

19 204 000

Collecte et gestion de la taxe d’apprentissage

Nombre de dossiers traités

329 214

335 792

Montant total collecté (en milliers d’euros)

1 184 614

1 184 424

Source : CCI France

Le tableau suivant rappelle, quant à lui, les modalités de financement et les moyens mis au service de cette mission. Il permet de constater la forte dépendance à la TFC de cette mission et d’importants coûts d’exploitation, liés notamment aux frais de personnel.

FINANCEMENT ET MOYENS DE LA MISSION APPUI AUX ENTREPRISES

(en milliers d’euros)

2014 - Budget Rectificatif

TFC affectée

Produits d’exploitation

Coûts d’exploitation

Effectifs (ETP)

Investissements

Appui aux entreprises

699 649

178 406

877 451

5 806

61 220

Source : CCI France, données provisoires pour 2014.

Source : CCI France, données provisoires pour 2014.

c. La mission d’appui aux territoires et de gestion d’équipements

Sur le territoire métropolitain, les CCI gèrent ou sont associées à la gestion de 625 équipements dont :

– 198 biens immobiliers d’entreprises et pépinières (32 %) ;

– 152 ports et 25 criées (28 %) ;

– 68 aéroports ou aérodromes (11 %) ;

– 59 zones d’activité (9 %) ;

– 23 entrepôts et silos (4 %) ;

– 21 infrastructures de transports (3 %) ;

– 20 palais des congrès et parcs des expositions (3 %)

– 12 parcs de stationnement (2 %) ;

– des équipements divers (8 %).

La prise en charge par les CCI de ces équipements découle fréquemment, selon CCI France, d’une demande de la part des collectivités territoriales. Ces investissements peuvent en effet représenter une charge selon le secteur d’activité concerné et l’état de l’équipement en question.

Le mode de gestion de ces équipements relève à 86 % d’un mode de gestion public, sous la forme de délégation de service public (notamment pour les ports – 92 % et les aéroports – 57 %), ou d’une gestion directe par les chambres, propriétaires de l’équipement (principalement pour l’immobilier d’entreprise
– 67 % et les zones d’activité – 68 %).

La gestion privée des équipements est donc limitée.

Plusieurs raisons sont avancées par les CCI pour justifier le financement d’une partie de ces activités par des ressources publiques :

– par convention, les CCI peuvent couvrir un déficit conjoncturel ou structurel constaté pour un équipement, après accord de leur tutelle et de l’autorité délégante sous certaines conditions ;

– les activités économiques des chambres exercées dans le cadre de leurs missions d’intérêt général fixées par la loi peuvent bénéficier de ressources publiques (TFC et subvention) dans le respect des dispositions communautaires relatives aux services d’intérêt économique général (SIEG) ;

– les CCI gestionnaires d’aéroports peuvent leur octroyer des subventions dans le respect de la règlementation européenne.

Si les rapporteures s’accordent à reconnaître le rôle essentiel joué par les CCI en matière de gestion d’équipement en lieu et place d’acteurs locaux ou privés qui n’en auraient pas seuls les moyens, elles soulignent que, dans un contexte financier plus contraint, les chambres devraient être plus sélectives au regard des équipements à financer et notamment appuyer cette sélection sur l’efficacité économique des équipements pris en charge et les caractéristiques du bassin d’emploi concerné.

Le tableau suivant présente les indicateurs associés à cette mission.

INDICATEURS RELATIFS À LA MISSION
APPUI DES TERRITOIRES ET GESTION D’ÉQUIPEMENTS

Programmes

Indicateurs d’activité

BE 2013

BR 2014

Ports de commerce

Trafic total marchandises

88 942 488

88 295 654

Nombre de véhicules de transport de marchandises

2 497 673

2 536 434

Nombre de passagers

20 622 348

21 697 539

Ports de plaisance

Nombre de contrats abonnés

10 997

13 342

Nombre de passages

83 477

104 610

Ports de pêche

Tonnage de poisson débarqué

135 603

172 209

Aéroports

Nombre de passagers

16 085 653

17 225 536

Trafic fret et poste avionnés

95 193

97 778

Palais des congrès et parcs d’exposition

Nombre de visiteurs

1 239 002

1 667 253

Nombre de journées congressistes

161 975

103 955

Aménagement de zones d’activités

Nombre d’hectares commercialisés

101

97

Parcs de stationnement

Nombre d’abonnés annuels

1 255

3 753

Nombre de visiteurs

733 166

591 942

Source : CCI France.

Les financements et les moyens alloués à cette mission illustrent la nature principalement marchande des activités liées à cette mission par l’importance des produits d’exploitation qui lui sont liés et la part substantielle des investissements découlant de la gestion des équipements.

FINANCEMENT ET MOYENS DE LA MISSION
APPUI AUX TERRITOIRES ET GESTION D’ÉQUIPEMENTS

(en milliers d’euros)

2014 - Budget Rectificatif

TFC affectée

Produits d’exploitation

Coûts d’exploitation

Effectifs (ETP)

Investissements

Appui aux territoires / gestion d’équipements

64 387

728 985

660 561

4 603

272 971

Source : CCI France, données provisoires pour 2014.

Source : CCI France, données provisoires pour 2014.

d. La mission Formation et emploi

Le rôle des CCI en matière de formation s’est progressivement développé au cours des XIXe et XXe siècles, passant de la formation professionnelle, à l’apprentissage, puis à la formation initiale. Actuellement, les CCI forment environ 600 000 personnes chaque année.

L’activité des CCI en faveur de la formation et de l’emploi se décline dans plusieurs domaines :

– en matière de formation continue, 400 000 stagiaires sont accueillis chaque année dans 186 centres.

– par ailleurs, les CCI disposent de 142 centres de formation d’apprentis (CFA), dont 54 faisant l’objet d’une cogestion avec différents acteurs (CMA, universités, etc.). Ces centres forment 100 000 apprentis par an, soit 20 % des apprentis en France (34). Elles disposent également de 107 « points A », en faveur de l’alternance ;

– elles gèrent également plus de 150 écoles supérieures ;

– elles délivrent de nombreuses certifications professionnelles en étroite association avec la Commission nationale de la certification professionnelle.

INDICATEURS RELATIF À LA MISSION FORMATION ET EMPLOI

Programmes

Indicateurs d’activité

2013

2014

Apprentissage

Nombre d’apprentis au 01.01.N

48 401*

49 566*

Nombre d’apprentis au 31.12.N

48 218*

50 395*

Formation initiale hors apprentissage

Nombre d’étudiants formés au 01.01.N

27 821*

27 751*

Nombre d’étudiants formés au 31.12.N

28 000*

27 918*

Formation continue

Nombre d’heures stagiaires

13 143 750*

13 154 314*

Recherche Développement / Doctorat

 

Nombre de publications à comité lecture

462

504

Nombre de chaires

50

51

Orientation professionnelle

Nombre de visiteurs

238 295

291 156

Emploi

Nombre entreprises accompagnées

19 837

18 719

(*) Données limitées à la gestion en direct.

Source : CCI France, données provisoires pour 2014.

Cette mission est celle qui sollicite le plus de financement et de personnel. L’importance des coûts d’exploitation nécessite à ce titre de recourir pour partie à de la TFC. Par ailleurs, les investissements portent principalement sur des biens immobiliers (construction ou rénovation de centres de formation).

FINANCEMENT ET MOYENS DE LA MISSION FORMATION ET EMPLOI

(en milliers d’euros)

2014 - Budget Rectificatif

TFC affectée

Produits d’exploitation

Coûts d’exploitation

Effectifs (ETP)

Investissements

B. Formation / emploi

302 261

891 642

1 164 532

7 248

111 755

Source : CCI France, données provisoires pour 2014

Source : CCI France, données provisoires pour 2014.

3. L’affectation d’une partie de la taxe pour frais de chambres à des activités marchandes fait débat

Selon le rapport IGF–CGEIET–IGAS une partie de la TFC financerait des activités qui ne devraient pas faire l’objet d’un financement public. Les inspections soulignent à ce titre que :

– la distinction doit être faite entre d’une part, les missions d’intérêt général qui sont confiées aux CCI par les lois et les règlements et les missions de service public qu’elles sont libres d’exercer, et d’autre part, leurs activités marchandes ;

– cette distinction n’est pas appliquée par les CCI puisque des activités marchandes (regroupant notamment la formation continue et les concessions) déficitaires sont financées par le produit de la TFC. En 2014, le déficit budgétaire lié à des activités marchandes couvert par de l’affectation de TFC et par des prélèvements sur fonds de roulement aurait ainsi représenté 190 millions d’euros.

Comme évoqué précédemment, l’article L. 710-1 du code de commerce, révisé par la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, a proposé une définition plus précise des missions des CCI. Il distingue à ce titre les missions d’intérêt général confiées aux CCI par les lois et les règlements (1°) des autres missions remplies par les chambres (2° à 7°). Par ailleurs, il mentionne explicitement que les ressources publiques dont disposent les chambres ne peuvent pas financer des activités marchandes : en effet, les chambres doivent justifier au moyen d’une comptabilité analytique « que les ressources publiques ont été employées dans le respect des règles de concurrence nationales et communautaires et n’ont pas financé des activités marchandes ».

Toutefois, cet article ne permet pas de distinguer a priori les activités des CCI exercées dans le cadre d’une mission d’intérêt général ou de service public, de celles de nature marchande. Pour certaines missions (par exemple, l’appui à la création d’entreprises), la distinction entre les activités de service public (formalités administratives de création) et les activités marchandes (accompagnement du porteur de projet) n’est pas facile à opérer. Les CCI justifient l’affectation de TFC à l’ensemble de leurs missions par cette difficulté de financer différemment des actes complémentaires, parfois réalisés de manière simultanée.

Le contexte budgétaire actuel et les contraintes pesant sur les ressources publiques des chambres semblent pourtant rendre nécessaire une meilleure identification des missions ou actions pouvant bénéficier de ces ressources.

En ce sens, les dispositions réglementaires existantes pourraient être précisées. En l’état des textes, elles prévoient que :

– « les missions de représentation des intérêts de l’industrie, du commerce et des services et de consultation » exercées par les CCI « relèvent de l’intérêt général » (article D. 711-67-1), sans toutefois préciser si ces missions sont les seules à en relever ;

– « les missions obligatoires remplies par (les CCI) en vertu de dispositions législatives ou réglementaires et donnant lieu à des prestations et services rendus aux usagers » et « qui constituent des missions de service public administratif sont exercées à titre gratuit » (articles D. 711-67-2 et D. 711-67-3) ;

– « les prestations supplémentaires excédant l’exécution normale de ces services obligatoires peuvent faire l’objet d’une rémunération, dans les conditions suivantes :

« - la redevance est la contrepartie directe de la prestation ;

« - elle ne doit pas dépasser le coût du service ;

« - le contenu et la tarification de la prestation doivent être portés à la connaissance des usagers » (article D. 711-67-3).

Ces dispositions font apparaître deux grandes catégories :

– les missions obligatoires des CCI qui sont exercées à titre gratuit, ce qui justifie leur prise en charge par des ressources publiques ;

– les prestations supplémentaires réalisées au titre de ces mêmes missions qui peuvent être rémunérées sous certaines conditions.

Les autres activités exercées par les chambres devraient donc être considérées comme des activités marchandes.

Dans l’attente de précisions de nature législative ou réglementaire sur la notion d’activités marchandes, les rapporteures insistent sur la nécessité de mettre à la disposition des autorités de tutelle et de contrôle une comptabilité analytique détaillée permettant d’apprécier la répartition des différentes sources de financement aux missions des chambres. Elles encouragent également la tutelle à exploiter davantage les informations transmises par le réseau à ce sujet.

4. La nécessité de redéfinir les priorités des CCI

Les développements précédents témoignent de la diversité des missions dans lesquelles s’impliquent les CCI, seules ou en partenariat avec d’autres acteurs.

Les mesures prises pour clarifier leur rôle en fonction des besoins constatés dans les territoires au travers des schémas prescriptifs introduits par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ou de conventionnements plus systématiques avec les collectivités locales constituent une avancée réelle.

Toutefois, la situation financière des chambres et l’effort en économie qui leur a été demandé au cours des dernières années doit les conduire à prioriser l’affectation de leurs ressources en fonction des missions pour lesquelles elles sont les plus légitimes et les plus outillées pour agir.

À ce titre, les auditions réalisées par la mission n’ont pas permis de constater l’engagement du réseau dans une réflexion en ce sens, chaque chambre défendant le maintien de compétences développées dans des conditions de financement différentes de celles prévalant actuellement.

Sans remettre en question la qualité des services rendus par les chambres, une véritable réingénierie de leurs missions et des conditions dans lesquelles elles peuvent être exercées reste donc nécessaire.

Par exemple, en matière d’innovation, les chambres doivent s’appuyer davantage sur les acteurs nationaux et européens disposant des moyens les plus adaptés en termes de financement et d’expertise (opérateurs, Bpifrance, fonds européens, etc.) pour se concentrer sur l’accompagnement de projets concrets.

Dans ce contexte, les rapporteures suggèrent au réseau de mettre en place un groupe de travail sur la définition de ses missions prioritaires et leur évolution à moyen terme intégrant les conséquences du nouveau contexte financier et, sous réserve de ses conclusions, d’œuvrer à recentrer les missions des CCI sur l’accompagnement des entreprises et de leurs projets.

Par ailleurs, sans renoncer à exercer leurs missions, le rapprochement des CCI, des CMA et des services des collectivités territoriales concernés au sein de pôles d’activité régionaux ou infrarégionaux pourrait permettre d’envisager des gains d’efficience, comme cela a été précédemment rappelé. Il conviendrait pour cela de repenser le modèle territorial en privilégiant une approche par mission et projet, plutôt qu’une approche par entité. Dans cette perspective, les rapporteures souhaitent qu’à terme les différents schémas régionaux (et en premier lieu le SRDEII) reposent sur des audits précis des différentes compétences présentes sur le territoire.

C. LA RÉPARTITION DE L’OFFRE DE SERVICES SUR LE TERRITOIRE FAIT APPARAÎTRE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DU RÉSEAU

L’affectation des financements disponibles et des personnels aux différentes missions appréciée région par région illustre à la fois les caractéristiques propres à chacune des missions (certaines missions consomment plus de TFC que les autres missions, quelle que soit la région concernée), tout en laissant percevoir des distinctions importantes entre région, liées à l’adaptation des chambres aux besoins constatés localement.

Les tableaux synthétiques suivants, issus du Cube, permettent de dresser un premier état de ces différences régionales.

FINANCEMENT ET MOYENS RELATIFS À L’APPUI AUX ENTREPRISES

Régions

TFC affectée

Produits d’exploitation

Coûts d’exploitation

Investissements

Effectifs (ETP)

Nord de France

86 %

9 %

34 %

18 %

26 %

Lorraine

85 %

18 %

53 %

55 %

63 %

Franche-Comté

75 %

54 %

69 %

36 %

78 %

Bretagne

74 %

4 %

25 %

2 %

21 %

Limousin

74 %

23 %

46 %

7 %

45 %

Haute-Normandie

72 %

4 %

32 %

10 %

42 %

DOM

71 %

5 %

20 %

8 %

19 %

Centre

71 %

22 %

51 %

26 %

64 %

Bourgogne

70 %

17 %

43 %

13 %

43 %

Basse Normandie

70 %

5 %

26 %

8 %

25 %

Rhône-Alpes

69 %

16 %

38 %

24 %

39 %

Picardie

68 %

22 %

48 %

27 %

49 %

Corse

66 %

1 %

6 %

0 %

6 %

PACA

66 %

8 %

35 %

13 %

30 %

Champagne-Ardenne

65 %

11 %

36 %

5 %

72 %

auvergne

64 %

11 %

44 %

30 %

72 %

COM

64 %

97 %

67 %

63 %

62 %

Languedoc-Roussillon

63 %

14 %

39 %

14 %

37 %

aquitaine

63 %

8 %

28 %

5 %

28 %

Pays de la Loire

62 %

9 %

32 %

21 %

31 %

Midi-Pyrénées

62 %

10 %

32 %

28 %

42 %

Poitou-Charentes

60 %

9 %

32 %

17 %

31 %

alsace

60 %

12 %

37 %

28 %

40 %

Ile-de-France

46 %

11 %

26 %

18 %

28 %

Note méthodologique : ces pourcentages représentent la part de chacune des catégories proposée, allouée à la mission. À titre d’exemple, les CCI de la Lorraine ont alloué 85 % de leur TFC à leur mission d’appui aux entreprises.

Source : CCI France.

FINANCEMENT ET MOYENS RELATIFS À LA FORMATION ET L’EMPLOI

Régions

TFC affectée

Produits d’exploitation

Coûts d’exploitation

Investissements

Effectifs (ETP)

Ile-de-France

46 %

88 %

70 %

71 %

68 %

aquitaine

33 %

58 %

46 %

39 %

41 %

alsace

32 %

46 %

39 %

24 %

27 %

Poitou-Charentes

31 %

67 %

53 %

43 %

60 %

Pays de la Loire

29 %

60 %

48 %

37 %

48 %

Picardie

28 %

28 %

27 %

38 %

29 %

Midi-Pyrénées

28 %

79 %

59 %

36 %

50 %

Languedoc-Roussillon

25 %

58 %

43 %

67 %

51 %

PACA

24 %

39 %

33 %

32 %

37 %

Basse Normandie

23 %

37 %

36 %

28 %

43 %

auvergne

22 %

44 %

33 %

18 %

23 %

Haute-Normandie

21 %

21 %

27 %

15 %

32 %

Corse

21 %

4 %

6 %

0 %

4 %

Rhône-Alpes

20 %

69 %

49 %

26 %

49 %

Bourgogne

19 %

41 %

31 %

17 %

31 %

Centre

19 %

48 %

30 %

7 %

26 %

Franche-Comté

19 %

27 %

21 %

13 %

13 %

DOM

19 %

31 %

30 %

7 %

28 %

Champagne-Ardenne

18 %

21 %

26 %

0 %

9 %

COM

18 %

1 %

17 %

18 %

14 %

Bretagne

16 %

24 %

24 %

31 %

26 %

Lorraine

12 %

77 %

44 %

27 %

35 %

Limousin

10 %

27 %

19 %

93 %

14 %

Nord de France

8 %

15 %

15 %

4 %

14 %

Source : CCI France.

FINANCEMENT ET MOYENS RELATIFS À L’APPUI AUX TERRITOIRES ET À LA GESTION D’ÉQUIPEMENTS

Régions

TFC affectée

Produits d’exploitation

Coûts d’exploitation

Investissements

Effectifs (ETP)

Champagne-Ardenne

16 %

66 %

36 %

95 %

14 %

Limousin

15 %

51 %

34 %

0 %

40 %

Corse

13 %

95 %

88 %

100 %

90 %

auvergne

13 %

45 %

22 %

51 %

5 %

Bourgogne

10 %

42 %

25 %

71 %

26 %

Midi-Pyrénées

10 %

10 %

9 %

36 %

7 %

Languedoc-Roussillon

9 %

28 %

17 %

19 %

12 %

PACA

8 %

52 %

30 %

54 %

31 %

Rhône-Alpes

8 %

14 %

11 %

49 %

11 %

Bretagne

8 %

71 %

50 %

67 %

52 %

Poitou-Charentes

7 %

24 %

15 %

40 %

9 %

COM

7 %

1 %

6 %

8 %

9 %

Pays de la Loire

7 %

31 %

19 %

41 %

20 %

Centre

6 %

29 %

17 %

66 %

8 %

Basse Normandie

6 %

58 %

38 %

65 %

32 %

DOM

6 %

64 %

49 %

85 %

52 %

alsace

6 %

41 %

23 %

45 %

32 %

Nord de France

5 %

77 %

52 %

77 %

60 %

Haute-Normandie

5 %

74 %

40 %

75 %

26 %

Franche-Comté

4 %

19 %

9 %

51 %

7 %

Picardie

4 %

50 %

25 %

35 %

22 %

aquitaine

3 %

34 %

25 %

56 %

30 %

Lorraine

3 %

5 %

3 %

18 %

2 %

Ile-de-France

1 %

1 %

1 %

10 %

1 %

Source : CCI France.

FINANCEMENT ET MOYENS RELATIFS À LA REPRÉSENTATION DES ENTREPRISES

Régions

TFC affectée

Produits d’exploitation

Coûts d’exploitation

Investissements

Effectifs (ETP)

COM

11,53 %

1,63 %

9,83 %

11,27 %

15,42 %

Ile-de-France

6,58 %

0,23 %

2,92 %

0,57 %

3,46 %

DOM

4,17 %

0,00 %

0,87 %

0,23 %

0,20 %

Rhône-Alpes

3,63 %

0,23 %

1,61 %

1,22 %

2,04 %

Centre

3,32 %

0,24 %

2,08 %

1,00 %

2,27 %

alsace

3,14 %

0,04 %

1,36 %

1,70 %

1,35 %

PACA

2,95 %

0,19 %

1,33 %

0,48 %

1,59 %

Languedoc-Roussillon

2,35 %

0,14 %

1,35 %

0,08 %

0,74 %

Pays de la Loire

2,31 %

0,00 %

1,05 %

0,68 %

1,33 %

Bretagne

2,26 %

0,08 %

0,67 %

0,05 %

0,63 %

Haute-Normandie

1,97 %

0,00 %

0,83 %

0,20 %

0,89 %

Franche-Comté

1,83 %

0,00 %

1,26 %

0,85 %

1,47 %

aquitaine

1,72 %

0,22 %

0,80 %

0,04 %

0,76 %

Poitou-Charentes

1,58 %

0,04 %

0,74 %

0,27 %

0,97 %

auvergne

1,35 %

0,00 %

0,81 %

0,42 %

0,58 %

Limousin

1,33 %

0,04 %

0,57 %

0,11 %

0,86 %

Champagne-Ardenne

1,23 %

1,77 %

1,59 %

0,00 %

4,83 %

Basse Normandie

0,82 %

0,07 %

0,32 %

0,02 %

0,17 %

Nord de France

0,74 %

0,00 %

0,24 %

0,01 %

0,08 %

Midi-Pyrénées

0,68 %

0,00 %

0,25 %

0,28 %

0,31 %

Picardie

0,40 %

0,00 %

0,22 %

0,00 %

0,29 %

Lorraine

0,27 %

0,00 %

0,13 %

0,08 %

0,17 %

Bourgogne

0,19 %

0,00 %

0,18 %

0,03 %

0,25 %

Corse

0,00 %

0,00 %

0,00 %

0,00 %

0,00 %

Source : CCI France.

Au regard de ces différences, les rapporteures soulignent l’importance que revêt la conclusion de conventions d’objectifs et de moyens (COM) entre chaque CCIR et l’État de manière à assurer davantage de visibilité aux CCI sur l’évolution de leurs ressources. À ce jour, seules 11 conventions ont en effet été conclues.

DEUXIÈME PARTIE : LE RÉSEAU DES CHAMBRES DE MÉTIERS ET DE L’ARTISANAT

La mise en place d’une représentation spécifique des métiers date de 1925. Les évaluations menées dans le cadre de la révision générale des finances publiques (RGPP) et de la modernisation de l’action publique (MAP) ont conduit à s’interroger sur le principe de l’autonomie et de l’indépendance du réseau des CMA par rapport à celui des CCI. En effet, leurs missions se rejoignent et l’existence d’un double réseau génère des inconvénients pour les entreprises (cumul des formalités et des contributions consulaires). Si le Premier ministre a exclu, par lettre en date du 4 mars 2014 adressée à chacun des présidents des têtes de réseau, toute perspective de fusion entre les deux réseaux, pour autant la légitimité de ce double réseau dépendra de la capacité des acteurs à se réorganiser et à dépasser les clivages pour une meilleure efficacité d’ensemble, dans le sens d’une simplification de la vie des entreprises.

Au cours des auditions de la mission, les rapporteures ont constaté que les problématiques relatives aux chambres de métiers et de l’artisanat et celles des CCI se posaient en termes sensiblement différents. Bien que les deux réseaux disposent de ressources issues de taxes pour frais de chambre, les CCI gèrent un budget de près de 4 milliards d’euros et comptent 30 000 collaborateurs quand les CMA gèrent un budget total de 750 millions d’euros avec 11 000 collaborateurs. Par ailleurs, le réseau des CMA apparaît plus homogène dans ses préoccupations et dans sa dynamique de réorganisation, en dépit de l’inévitable hétérogénéité des situations entre chambres qui découle de l’histoire, des implantations locales et du tissu des entreprises. Cette homogénéité explique pour partie que les réformes engagées depuis une décennie aient été le résultat d’une réflexion et d’une concertation menées sous l’égide de la tête de réseau. L’attachement aux particularités locales s’est traduit par le fait que le choix des modèles de gouvernance régionale a été laissé aux CMA, tant dans le cadre de la loi du 23 juillet 2010 que dans les amendements déposés par le Gouvernement au projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, afin d’articuler la réforme du réseau avec le passage de 22 à 13 régions.

Le réseau des CMA a engagé une concentration juridique de ses entités, tout en gardant une organisation administrative diverse et en maintenant une présence territoriale. La mutualisation des fonctions supports et opérationnelles a progressé, malgré des disparités entre régions. Il s’agit à présent d’approfondir mutualisation et régionalisation de la gouvernance.

Comme pour le réseau des CCI, la poursuite de ces deux objectifs devra tenir compte de :

– la nouvelle donne territoriale que constitue la réduction du nombre des régions ;

– la poursuite de la maîtrise des dépenses publiques, pour l’application des objectifs du plafonnement des taxes affectées pour les années 2015-2017 fixés par l’article 15 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

I UN RÉSEAU EN VOIE DE RÉORGANISATION

D. DES CHAMBRES SPÉCIFIQUES À L’ARTISANAT ET AUX MÉTIERS

1. Un réseau qui permet de prendre en compte les particularités de ses ressortissants

L’artisanat a été structuré, depuis le moyen âge, en corporations finalement dissoutes sous la Révolution par la loi Le Chapelier de 1791. Des groupements de métiers se constituèrent par la suite, comme la Chambre consultative des manufactures, fabriques, arts et métiers de Saint Quentin (en 1803). Les structures ayant préfiguré les chambres de métiers avaient pour objet de défendre les intérêts catégoriels des artisans qui n’étaient représentés dans aucune autre instance, et notamment pas au sein des chambres de commerce.

La loi du 26 juillet 1925 dite loi Courtier a institué les chambres de métiers afin de prendre en compte les spécificités de l’artisanat, comme cela l’a été commenté à l’époque : « Émancipés du salariat, élevés au petit patronat, les artisans restent cependant des travailleurs. Parce qu’ils se trouvent placés entre deux groupes auxquels ils ne peuvent que partiellement s’incorporer, ils ne sont protégés ni par l’un ni par l’autre, et c’est pour cela qu’ils ont besoin de chambres spéciales chargées de défendre leurs intérêts distincts » (35). La loi de 1925 traduisait aussi la volonté des pouvoirs publics de voir émerger une classe sociale artisanale qui pouvait apparaître comme un gage de stabilité politique. Il s’agissait en outre d’organiser l’apprentissage, confiée au réseau dès 1937. Le décret n° 2004-1164 du 2 novembre 2004 a complété la dénomination des chambres de métiers par celle de l’artisanat.

Les raisons qui ont conduit à l’instauration des CMA demeurent : l’artisanat conserve des spécificités autour des métiers, des compétences et de la qualification, ce qui a développé, selon M. Philippe Séguin, directeur régional du développement économique et territorial de la chambre de métiers et de l’artisanat de région des Pays-de-la-Loire, « un sentiment d’appartenance ».

L’artisanat se définit par une activité de production de biens et de services et l’appartenance à l’un des 250 métiers ou 514 activités de production de biens ou services répartis en quatre grands secteurs (bâtiment, alimentaire, fabrication et services). M. Philippe Séguin a ainsi souligné que le réseau reçoit des « personnes dont la culture est celle de la production mais beaucoup plus rarement celle de l’entreprise Le stage préparatoire à l’installation est en quelque sorte un sas qui permet aux artisans d’acquérir les informations nécessaires à la création d’une entreprise ».

Par ailleurs, le critère de taille – moins de 10 salariés – rend nécessaire l’accompagnement de l’entrepreneur aux différentes étapes du développement de son entreprise, dans la mesure où ces petites entreprises n’ont pas l’assise financière d’entreprises de plus grande taille, comme l’a rappelé M. Joël Fourny, président de la délégation Loire-Atlantique de la chambre de métiers et de l’artisanat de la région des Pays de la Loire : « Les ressortissants du réseau des CMA ont la particularité d’être des entreprises de petite taille… qui n’ont pas les compétences nécessaires pour leur permettre un développement cohérent, ni sur le volet économique, ni sur le volet formation ».

La gestion des entreprises artisanales présente également des spécificités, telle l’identité de personne entre celui qui détient le capital et celui qui dirige l’entreprise. En outre, l’apprentissage est un vecteur de transmission du savoir-faire, avec l’embauche d’un apprenti qui constitue un investissement pour l’artisan : il transmettra des compétences à un apprenti qui restera plusieurs années dans l’entreprise. Enfin, la relation de proximité avec la clientèle et le personnel est très présente.

Au cours de ces vingt dernières années, les CMA ont dû s’adapter aux mutations qu’a connues l’artisanat. Sous les effets combinés des évolutions technologiques, de la concurrence et de la formation initiale et continue, les petites entreprises se sont structurées et organisées : taille plus importante, adaptation des structures juridiques… La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat a renforcé cette tendance avec la possibilité de rester inscrit au répertoire des métiers au-delà de 10 salariés. L’arrivée de nouveaux profils de repreneurs et de créateurs dans l’artisanat, se réorientant après une expérience professionnelle, a également contribué à ces mutations de l’artisanat.

2. Un réseau relativement homogène

Avec environ 3,5 millions de personnes actives et 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires, les entreprises artisanales représentent une force économique qui recouvre 10 % de la population active, 10 % de la valeur ajoutée de l’ensemble des activités marchandes non agricoles et non financières et 10 % des exportations françaises.

Le million d’entrepreneurs inscrits au répertoire des métiers constituent une population relativement homogène. Cette homogénéité, rappelée lors des auditions de la mission, se retrouve au sein du réseau qui présente finalement peu de divergences d’intérêts. S’il existe des différences entre chambres - ainsi la chambre de métiers et de l’artisanat de Paris ou celle de Lyon sont plus importantes en termes de ressortissants ou de fonds de roulement –, les disparités dans la typologie des chambres sont moins nombreuses qu’au sein du réseau des CCI.

Même si la participation aux élections consulaires est faible et comparable à celle constatée dans le réseau des CCI – elle est de moins de 20 % dans les deux réseaux (36– , le réseau a pu contribuer à la maîtrise de certains mouvements de revendications catégorielles, jouant ainsi le rôle d’amortisseur qui est l’une des fonctions des corps intermédiaires, comme l’a souligné M. Paul-Henri Bard, secrétaire général de la chambre de métiers et de l’artisanat de région Franche-Comté : « Il s’agit d’un enjeu majeur de l’évolution en cours car la force de nos structures repose sur les élus. Nous avons entrepris ce travail depuis dix ans – il constitue d’ailleurs l’une des différences profondes entre les réseaux – et je constate qu’il a considérablement affaibli les mouvements contestataires et poujadistes de tous types. Nos élus ont joué un véritable rôle d’intermédiation : les artisans qui sont confrontés à des difficultés, tout en ayant du mal à s’adresser à l’administration ou au régime social des indépendants (RSI), vont facilement trouver leurs propres collègues ».

Le réseau a en outre contribué à donner au secteur de l’artisanat une bonne visibilité, en s’appuyant sur le Fonds national de promotion et de communication de l’artisanat (FNPCA) (37). La formule « L’artisanat, première entreprise de France » a été clairement perçue par le public et la campagne de 2014 mettant en avant « les bonnes raisons de choisir l’artisanat » s’adresse à la fois aux consommateurs et aux jeunes afin de les inciter à choisir l’artisanat comme orientation professionnelle.

3. Un réseau qui s’est développé à partir de l’échelon départemental

La mise en place du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat a été progressive : comptant 5 chambres en 1930, les chambres de métiers et de l’artisanat constituent aujourd’hui un ensemble de 98 entités.

À partir de 1925, le réseau s’est développé à l’échelon départemental. 80 chambres départementales ont été créées entre 1930 et 1939, puis le réseau départemental a continué de s’étendre jusqu’en 1975.

Si la loi de 1925 n’avait rien prévu s’agissant de l’échelon régional, on a assisté à partir de 1964 à son émergence. Le décret n° 64-1362 du 30 décembre 1964 a permis aux chambres départementales, dans la limite de chaque circonscription d’action régionale, de se regrouper en une « conférence régionale des métiers ». Composée des présidents et de deux membres par chambre de métiers concernée, cette conférence avait pour mission de délibérer sur les questions d’intérêt commun aux chambres qui la composent. Par ailleurs, le texte offrait la possibilité à plusieurs chambres de métiers départementales appartenant à la même circonscription d’action régionale de s’entendre pour organiser en commun un ou plusieurs services en en fixant, d’un commun accord, les modalités de gestion et de financement. Les chambres de métiers étant créées par décret, plusieurs chambres interdépartementales se constituèrent à la suite de la réorganisation de la région parisienne en 1964 : chambre interdépartementale de Paris dont le périmètre couvrait les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, chambre interdépartementale des Yvelines, de l’Essonne et du Val-d’Oise.

Le mouvement de régionalisation a été accentué par le décret n° 85-61205 du 13 novembre 1985 instituant les chambres régionales de métiers dont la mission, définie en termes relativement imprécis, consistait à « assurer la représentation de l’artisanat régional, faire des études et réunir des informations et les statistiques nécessaires, donner des avis et faire des propositions intéressant l’artisanat de la région ». Le décret n° 2004-1165 du 2 novembre 2004 a précisé le régime juridique des chambres régionales - établissements publics de l’État – ainsi que leurs missions.

La loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires a définitivement consacré le niveau régional comme niveau de gouvernance le plus pertinent.

Créations et modifications des chambres de niveau régional

Région

Date de création CRM (arrêtés)

Siège

Date de création CMAR

Texte de création des CMAR

ALSACE

       

AQUITAINE

3 juin 1986

Bordeaux

1er janvier 2011

Décret n° 2010-1621 du 23 décembre 2010

AUVERGNE

13 mars 1986

Clermont-Ferrand

   

BOURGOGNE

22 octobre 1986

Dijon

1er janvier 2011

Décret n° 2010-1062 du 6 septembre 2010

BRETAGNE

13 février 1986

Rennes

   

CENTRE

27 janvier 1987

Orléans

   

CHAMPAGNE-ARDENNE

2 décembre 1992

Châlons-sur-Marne

   

CORSE

31 décembre 1998

Ajaccio

   

FRANCHE-COMTÉ

30 janvier 1987

Besançon

1er janvier 2015

1er juillet 2015

Décret n° 2014-1432 du 1er décembre 2014 (38) modification en cours

LANGUEDOC-ROUSSILLON

20 avril 1989

Montpellier

   

LIMOUSIN

19 décembre 1985

Limoges

   

LORRAINE

Décret n° 92-1274 du 8 décembre 1992

Metz

   

MIDI-PYRÉNÉES

8 mai 1988

Toulouse

   

NORD-PAS-DE-CALAIS

13 août 1987

Lille

1er janvier 2011

Décret n° 2010-1063 du 6 septembre 2010

BASSE-NORMANDIE

31 juillet 1986

Caen

1er janvier 2011

Décret n° 2010-1622 du 23 décembre 2010

HAUTE-NORMANDIE

19 décembre 1985

Rouen

   

ILE-DE-FRANCE

18 mars 1998

Paris

   

PAYS-DE-LA-LOIRE

14 janvier 1986

Nantes

1er janvier 2015

Décret n° 014-1391 du 21 novembre 2014

PICARDIE

10 septembre 1986

Amiens

   

POITOU-CHARENTES

6 mai 1988

Poitiers

   

PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR

19 février 1988

Marseille

1er juillet 2015

Décret n° 2014-1433 du 1er décembre 2014

RHÔNE-ALPES

30 janvier 1987

Lyon

   
 

GUADELOUPE

   

1er janvier 2011

Décret n° 2010-1282 du 26 octobre 2010

GUYANE

   

1er janvier 2011

Décret n° 2010-1282 du 26 octobre 2010

MARTINIQUE

   

1er janvier 2011

Décret n° 2010-1282 du 26 octobre 2010

RÉUNION

   

1er janvier 2011

Décret n° 2010-1282 du 26 octobre 2010

MAYOTTE

   

31 mars 2011

Article 73 de la Constitution

À l’échelon national, le décret n° 66-137 du 7 mars 1966 a créé l’Assemblée permanente des chambres de métiers (APCMA), composée des présidents de chambres. Outre une mission de représentation auprès des pouvoirs publics, cette assemblée pouvait prêter « son concours aux chambres de métiers, notamment en créant et en gérant des œuvres et services communs dans le but d’aider et de coordonner leurs actions locales et régionales ».

E. LES PREMIERS ACQUIS DE LA MISE EN œUVRE DE LA RÉFORME DU RÉSEAU

Le réseau s’est engagé dans sa réorganisation dès 2005, la loi du 23 juillet 2010 et les mesures adoptées dans les récentes lois de finances ayant par la suite accéléré ce processus. Les restructurations doivent permettre au réseau de réaliser des économies en réduisant ses dépenses.

La contrainte budgétaire par la baisse des ressources fiscales constitue un levier pour la mise en œuvre des mesures de régionalisation et de mutualisation, afin de réduire les coûts de gestion les moins susceptibles d’obérer les actions en faveur de la compétitivité des entreprises.

1. La concentration juridique des chambres s’est opérée selon des modèles de gouvernance plus ou moins intégrés

La loi du 23 juillet 2010 a fixé de nouvelles modalités d’organisation et de répartition des compétences entre les différents échelons du réseau et a ouvert aux élus la possibilité de choisir entre trois modes de gouvernance régionale, sans hiérarchie et sans incitation particulière, notamment financière. Les dispositions de cette loi reprenaient largement les choix exprimés par le réseau lors de ses assemblées générales successives depuis 2008. Par ailleurs, celui-ci avait anticipé la réforme en rationalisant la gestion de ses personnels. L’adoption d’un nouveau statut le 13 novembre 2008 a permis d’unifier les règles de gestion du personnel au sein de l’ensemble du réseau, s’agissant notamment de la fixation du nombre et de la nature des emplois dans le cadre d’une nouvelle grille indiciaire.

a. La loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires ouvrait une option entre trois modèles de gouvernance

Le regroupement régional avait pour objectif de fluidifier le fonctionnement du réseau et de réaliser, à terme, des économies d’échelle.

Dans les trois configurations juridiques ouvertes par la loi du 23 juillet 2010, le niveau régional est renforcé : il lui revient de définir les politiques de développement économique et de formation et de coordonner les actions ainsi que la gestion et la mutualisation des fonctions support. Ce renforcement vise en outre à faire des chambres l’interlocuteur privilégié des autorités régionales.

Chaque région avait le choix entre les trois modes de gouvernance :

– soit des chambres départementales réunies dans une chambre régionale des métiers et de l’artisanat (CRMA) ;

– soit une chambre de métiers et de l’artisanat de région (CMAR), établissement public unique, regroupant des sections départementales ;

– soit un dispositif mixte avec une chambre de métiers et de l’artisanat de région regroupant les départements volontaires pour perdre leur statut d’établissement public autonome et des chambres départementales n’ayant pas choisi de rejoindre la chambre de région (CMAR partielle).

L’option de gouvernance la plus intégrée est la CMAR, établissement public unique de région.

La CRMA consiste, quant à elle, en une nouvelle répartition des compétences entre le niveau départemental et régional, avec des chambres départementales qui conservent leur autonomie et leur statut d’établissement public. Hormis la définition des politiques économiques et de formation, les fonctions support mutualisées et la collecte de la taxe désormais assurée par le niveau régional, les chambres départementales conservent l’essentiel de leurs compétences.

La loi du 23 juillet 2010 organisait en outre la disparition des chambres infra-départementales : cinq fusions infra-départementales dans les départements des Côtes d’Armor (Saint-Brieuc et Dinan), de la Loire (St-Etienne et Roanne), de la Drôme (Romans et Montélimar), de l’Isère (Grenoble et Vienne) et de Seine-et-Marne (Meaux et Montereau) ont eu lieu.

b. Le réseau s’est montré réticent à l’adoption du modèle de gouvernance le plus intégré

Ce dispositif optionnel présentait l’avantage de ne pas entraver les volontés de regroupement de la majorité sans imposer une fusion à la minorité et en respectant la volonté des élus consulaires départementaux. L’évolution des modes de gouvernance pouvait prendre en compte la particularité des territoires, question d’autant plus sensible que l’échelon départemental demeure celui de la proximité avec les entreprises.

Cependant, en l’absence de feuille de route nationale, ce droit d’option a conduit à un certain attentisme du réseau. L’adoption du modèle CRMA dans la plupart des chambres a traduit la volonté d’un changement a minima.

Vécu comme impliquant une perte d’autonomie et un recul de l’intervention de proximité, le schéma régional le plus intégré – CMAR – n’a en fait prospéré que dans sept régions métropolitaines. Le président de l’APCMA a fait en 2011 le choix du modèle CMAR complète (39) dans la région Nord-Pas-de-Calais, suivi par la région Bourgogne la même année. À ces deux régions s’ajoutent les CMA d’Alsace et de Moselle qui ont historiquement été créées dans cette configuration (40) ainsi que les quatre régions monodépartementales dites régionales des départements d’Outre-mer (41) (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion) et Mayotte. La région Pays-de-la-Loire a fait le choix du schéma CMAR totale au 1er janvier 2015.

Quatre régions ont choisi le schéma de CMAR partielle : l’Aquitaine (42) et la Basse- Normandie (43) en 2011, la Franche-Comté (44) au 1er janvier 2015 et Provence-Alpes-Côte d’Azur (45) au 1er juillet 2015.

Le réseau est ainsi passé de 126 entités en 2002 à 98 entités au 1er juillet 2015 et les chambres départementales de 100 à 69 sur la même période.

STRUCTURE DU RÉSEAU DES CHAMBRES DE MÉTIERS ET DE L’ARTISANAT

 

2011

Janvier 2015

Juillet 2015

Chambres de métiers et de l’artisanat départementales (CMAD)

82

74

69

Chambre de métiers d’Alsace et de Moselle

2

2

2

Chambres régionales de métiers et de l’artisanat (CRMA)

17

15

14

Chambres de métiers et de l’artisanat de région (CMAR)

4
(11 sections)

6
(19 sections)

7
(24 sections)

CMAR DOM

4

4

4

CMA MAYOTTE

1

1

1

APCM

1

1

1

Total Établissements

111

103

98

En pratique, la mise en place des chambres de région ne s’est pas traduite par une baisse du nombre de sites pour l’accueil des publics (cf. graphique infra).

NOMBRE DE POINTS D’ACCUEIL DE LA CHAMBRE PAR DÉPARTEMENT
(SIÈGE, ANTENNES, CFA…)

Source : APCMA.

Les représentants des chambres auditionnés par la mission ont, de façon générale, fait valoir que la régionalisation leur avait permis de se doter de services support efficaces et que les chambres avaient ainsi pu se consacrer au service de proximité de niveau départemental. C’est le sens des propos de M. Dominique Degois, secrétaire général de la chambre de métiers et de l’artisanat de la région Bourgogne : « La Bourgogne est devenue une CMAR le 1er janvier 2011 et, pour avoir été précédemment secrétaire général de la chambre régionale, je suis en mesure de témoigner de ce qu’apporte ce changement. Depuis que la chambre de région a été créée à l’initiative des quatre chambres départementales, le lien de proximité avec les entreprises artisanales n’a en aucune manière été supprimé. Il a même plutôt été maintenu, voire renforcé, si l’on considère que les fonctions support sont prises en charge par la chambre de région, alors que les plus petits départements auraient sans doute eu beaucoup de difficultés à maintenir leur offre de services, compte tenu des restrictions budgétaires que nous avons connues depuis 2011 ».

LES MOTIVATIONS DU CHOIX DE SE CONSTITUER EN CHAMBRE DE MÉTIERS ET DE L’ARTISANAT DE RÉGION (CMAR)

Au nombre des raisons ayant motivé le choix de se regrouper en CMAR, les élus font valoir :

– le constat d’une raréfaction des moyens alloués aux CMA ;

– le constat ou l’anticipation des difficultés d’équilibre budgétaire des CMA ;

– la nécessité dans un cadre budgétaire, administratif et réglementaire de plus en plus contraint de trouver les moyens d’optimiser l’organisation des CMA, notamment dans la recherche d’économies d’échelle, de mutualisations des services et d’optimisation des services support ;

– l’impact de la réforme territoriale sur l’organisation du réseau ;

– la volonté d’anticiper et de concevoir une organisation maîtrisée et non imposée dans l’urgence, de s’inscrire dans une démarche de régionalisation intégrée et d’être prêt pour la réforme territoriale ainsi que pour le prochain renouvellement quinquennal ;

– le renforcement de l’échelon régional, considéré comme dimension stratégique de l’organisation territoriale, comme lieu de décision, d’orientation et d’organisation ;

– la volonté de voir tous les centres de formation d’apprentis organisés sous la forme d’un organisme gestionnaire unique ;

– la volonté d’avoir les moyens d’assurer une représentation des services de proximité au niveau départemental, dans le cadre d’une politique régionale de l’artisanat.

2. Le processus de mutualisation engagé est encore imparfait

L’un des axes de la loi du 23 juillet 2010 consistait en la mutualisation obligatoire des fonctions support au niveau régional, l’objectif étant de gagner en efficacité et de dégager des économies d’échelle en soulageant l’échelon départemental de tâches administratives non liées aux services directs aux entreprises. Dans certains cas, le niveau pertinent de la mutualisation est national.

La mutualisation peut être mise en œuvre indépendamment de la régionalisation mais en constitue, en tout état de cause, une première étape.

a. Une mutualisation variable selon les territoires

La réforme a posé, pour le réseau des CMA, une obligation de mutualisation des fonctions administratives support portant sur :

– la communication régionale et la coordination locale des chambres départementales qui leur sont rattachées ;

– la gestion des moyens administratifs et informatiques de la comptabilité des chambres ;

– la mise en œuvre des marchés et accords-cadres ayant fait l’objet d’une décision de leur assemblée générale et qui s’imposent aux chambres ;

– le calcul de la rémunération des agents, à partir des éléments transmis par les chambres, et éditer les documents obligatoires pour leur compte ;

– la gestion des moyens et les ressources informatiques des chambres rattachées, notamment la gestion informatique du répertoire des métiers et celle des centres de formalités des entreprises ;

– la mise en place d’une mission d’appui et de conseil pour la gestion du personnel auprès des chambres rattachées ;

Les chambres régionales doivent en conséquence employer et gérer les personnels exerçant les missions mentionnées.

Depuis 2011, le réseau dresse périodiquement un état des lieux de la mutualisation régionale ; le dernier en date, présenté en décembre 2014, a été transmis à la mission.

En préalable, il faut noter que sur les 9 450 agents en équivalent temps plein (ETP) du réseau, les personnels affectés aux fonctions support représentent 926 agents, soit seulement environ 10 % des effectifs globaux. La fonction la plus représentée est la fonction comptabilité finances avec 30,5 % des effectifs des fonctions support, soit environ 280 agents, puis les fonctions informatique et communication avec 120 personnes, soit 13 % des agents. Par ailleurs, des disparités régionales existent, le poids des fonctions allant de 4 % pour le Limousin à 16 % pour l’Alsace.

RÉPARTITION DES EFFECTIFS DE PERSONNELS PAR ACTIVITÉS

sur 9 450 agents (en ETP)

Source : APCMA.

RÉPARTITION DES EFFECTIFS SUR LES FONCTIONS SUPPORT

sur 926 agents (en ETP)

Source : APCMA.

POIDS DES FONCTIONS SUPPORT
(DONNÉES AGRÉGÉES PAR RÉGION)

(en pourcentage de l’effectif total)

Source : APCMA.

S’agissant de la fonction communication, sur 22 régions métropolitaines, 18 disposaient, au 31 décembre 2014, d’un responsable de la communication. La mutualisation a abouti pour la plupart des régions à des économies sur les dépenses externes, tant pour les CMAR que pour les CRMA.

La gestion des moyens comptables est moyennement avancée, dans l’attente du progiciel comptabilité-finances, même si 19 régions sur 22 sont engagées dans cette mutualisation et considèrent avoir amélioré la situation par rapport à la situation antérieure.

La gestion des marchés progresse : sur 22 régions, 15 disposaient d’un responsable de la gestion des marchés et la mutualisation de plus de deux marchés concernait 14 régions sur 22. Les économies sont réalisées notamment sur les matériels et logiciels informatiques ou sur les marchés de commissaires aux comptes. Il existe toutefois une nette différence entre les CMAR et les CRMA, le schéma CMAR ayant permis des avancées plus sensibles.

La gestion des moyens informatiques est assez développée. 20 régions disposent d’un responsable informatique et 15 régions ont élaboré un schéma directeur informatique. Un problème récurrent est posé par les conseils régionaux qui souhaitent passer par les chambres départementales pour financer l’informatique des centres de formation des apprentis (CFA). La mutualisation de cette fonction est maximale dans les CMAR, la plupart de ces chambres indiquant avoir réalisé des économies grâce à la mutualisation des achats.

La mission d’appui et de conseil à la gestion du personnel est la fonction qui apparaît la moins mutualisée, sauf dans les CMAR.

Globalement, les fonctions de coordination de la communication, de la gestion des marchés et des moyens informatiques sont les plus avancées dans la mutualisation. Celle de la gestion des moyens comptables et de la paie a, en revanche, pris du retard, car elle dépendait du déploiement du progiciel national GRH-Paie en cours (voir infra).

Les CMAR bénéficient d’un avantage induit par leur organisation, ce qui apparaît en particulier sur la fonction marchés publics totalement mutualisés au niveau régional ainsi que sur la gestion des ressources humaines.

b. Des retards dans la mutualisation au niveau national

La mutualisation est pertinente au niveau national lorsque des besoins communs à tous les établissements du réseau sont identifiés et sont satisfaits par des prestataires nationaux. C’est le cas des investissements informatiques concourant à la modernisation et à l’efficacité du réseau et de la gestion paie. Par ailleurs, l’APCMA développe pour le compte de l’ensemble du réseau un progiciel comptabilité-finances.

● Les investissements informatiques

Un plan d’investissements en outils informatiques a été mis en œuvre et concerne les progiciels Gestion des ressources humaines (GRH) – Paie, comptabilité finances – ainsi que le répertoire national des métiers avec la centralisation des données contenues dans les répertoires des CMA et la tenue du registre spécial des EIRL (entrepreneurs individuels à responsabilité limitée).

La direction informatique de l’APCMA met des outils à la disposition des chambres. Elle représente le réseau auprès des différents ministères qui mettent en œuvre le dispositif de dématérialisation des échanges de données entre les CMA et leurs services.

● Le logiciel « paie »

Le réseau s’est doté d’un outil commun de paie, de gestion administrative du personnel et de gestion des ressources humaines (progiciel Cegid Public).

● Le progiciel « comptabilité-finances »

En 2010, l’APCMA s’est engagée dans une refonte du référentiel comptable du réseau afin de mettre en œuvre la mutualisation de la fonction comptable. En effet, il n’existait auparavant ni règles comptables communes, ni plan comptable unique. L’objectif est de doter le réseau d’un outil commun et homogène de comptabilité-finances afin de le substituer aux progiciels des chambres. Ce dispositif permettra l’agrégation des analyses concernant la préparation du budget, l’exécution budgétaire, la comptabilité générale et auxiliaire (clients, fournisseurs et immobilisations) et comportera un volet comptabilité analytique.

Le déploiement de ce dispositif s’est fait selon une procédure lourde, en deux étapes : une expérimentation sur trois régions de référence – Haute-Normandie, Bourgogne et Île-de-France – à partir du second semestre 2013 et un déploiement progressif par groupe de régions en six vagues successives, entre 2014 et 2016. Le principe retenu était de ne pas déployer la solution tant que celle-ci n’avait pas été éprouvée avec succès dans les établissements pilotes.

Le dispositif ne sera complètement utilisé qu’en 2016. L’APCMA aurait dû se montrer plus ferme dans les modalités d’application car cela a freiné la mise en œuvre des transferts de personnel entre chambres départementales et chambres régionales.

c. La première évaluation des effets de la mutualisation

Apprécier les effets de la mutualisation est à ce jour difficile car on ne dispose que de peu de recul dans la mise en œuvre de la réforme. L’ensemble des données mentionnées supra sont issues de l’évaluation faite par le réseau : elles sont utiles mais insuffisamment précises. Tant que les logiciels informatiques mutualisés et les transferts de fonctions support du niveau départemental vers les chambres régionales, avec les personnels correspondants, ne seront pas achevés, la réforme entraîne des coûts avant que des économies d’échelle puissent être enregistrées. Cette constatation a été unanimement faite au cours des auditions.

Les économies réalisées peuvent être indirectement appréciées au travers des effectifs de personnel.

En ce qui concerne les transferts de personnels, dans 16 régions sur 22, 73 agents ont été transférés des chambres départementales à l’établissement régional, principalement sur les fonctions informatique, comptable, paie et communication.

Entre 2002 et 2012, les effectifs avaient augmenté de 4,2 %. La baisse amorcée depuis 2010 s’est confirmée sur la période 2012-2013 (voir tableau infra). Ainsi, en 2013, si les effectifs de personnels titulaires ont augmenté sur l’ensemble du réseau de 130 agents (+ 0,1 %), les effectifs de personnels non titulaires ont baissé de 247 agents (– 8,3 %), ce qui correspond à une baisse globale de 117 agents. Il est à noter que 20 % des agents permanents sont âgés de 55 ans et plus, ce qui permet d’anticiper le nombre de départs et limiter des licenciements.

EFFECTIFS DE PERSONNELS TITULAIRES ET NON TITULAIRES
SUR L’ENSEMBLE DU RÉSEAU

 

Effectifs titulaires

Effectifs non titulaires

2012

2013

Variation

2012

2013

Variation

Chambres départementales (CMAD)

6 295

6 355

+ 60

2 695

2 441

– 254

Chambres régionales de métiers et de l’artisanat (CRMA)

173

206

+ 33

62

90

+ 28

Chambres de métiers et de l’artisanat de région (CMAR)

1 046

1 083

+ 37

227

206

– 21

Ensemble du réseau

7 514

7 644

+ 130

2 984

2 737

– 247

Source : APCMA.

Parallèlement, les évolutions constatées sur dix ans montrent une augmentation de la productivité du réseau. Ainsi, le ratio nombre d’agents/nombre d’inscrits au répertoire des métiers est passé de 13 à 10 agents pour 1 000 artisans, soit une baisse de 24,5 %, avec une accélération de cette baisse depuis 2010. Le réseau a fait par ailleurs des efforts de maîtrise de la masse salariale : la valeur du point d’indice a augmenté de 1 % en cinq ans (5,16 euros en 2008 et 5,21 euros en 2013). Rapportée au nombre de ressortissants, la charge moyenne par ressortissant a diminué de 9,2 % sur dix ans.

III. DÉTERMINER UNE TRAJECTOIRE DE FINANCEMENT COMPATIBLE AVEC LES MISSIONS PRIORITAIRES DU RÉSEAU

Le paysage financier et fonctionnel du réseau des CMA est sensiblement différent de celui des CCI.

Les chambres de métiers et de l’artisanat gèrent en effet peu de services marchands et d’infrastructures ; leurs ressources sont essentiellement constituées de subventions et du produit de la taxe pour frais de chambre.

De ce fait, les représentants des chambres auditionnés par la mission ont indiqué que le tassement de leurs ressources, et notamment celui de la ressource fiscale, soit s’était répercuté sur l’exercice de leur mission d’accompagnement des entreprises, soit les avait conduit à différer ou à annuler un certain nombre d’investissements dont certains présentaient un caractère urgent comme la mise aux normes de sécurité dans les CFA ou le renouvellement de certaines infrastructures. À titre d’exemple, M. Gérard Morin, président de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat du Centre, a cité la rénovation d’un atelier de mécanique qui a dû être ajournée. Les réponses aux questionnaires envoyés par la mission à l’ensemble des chambres du réseau font état des mêmes types de difficultés (cf. annexe 5).

A. UNE SITUATION FINANCIÈRE QUI SE DÉGRADE DEPUIS 2009

Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances, du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et de l’Inspection générale des affaires sociales (46) indiquait que « le résultat net agrégé des chambres de métiers a connu une forte baisse depuis 2003 » et prévoyait qu’« il deviendrait négatif en 2013 ».

La consolidation des comptes financiers du réseau transmise à la mission par la Direction générale des entreprises confirme cette analyse.

Par ailleurs, ce constat rejoint les observations présentées aux rapporteures par la Cour des comptes sur les contrôles effectués sur certaines chambres dont la situation est dégradée, notamment les chambres gérant un centre de formation des apprentis. Dans les départements d’Outre-mer, la pérennité de certaines chambres comme celle de la Guyane peut se poser.

1. Des résultats d’exploitation en baisse tendancielle

Sur la dernière décennie, le réseau a été irrigué par la taxe pour frais de chambre qui était en augmentation régulière et excédait ce qui était nécessaire pour couvrir ses besoins de financement. Il en était résulté un niveau de fonds de roulement élevé.

Depuis 2009, la situation financière des CMA s’est dégradée. En 2013, le résultat d’exploitation a été déficitaire. Cette évolution s’explique par une diminution des produits depuis 2010 qui a été plus rapide que celle des charges.

a. Un bénéfice en réduction

Depuis quelques années, le réseau connaît un écrasement de ses comptes d’exploitation, le bénéfice tendant à se rapprocher de zéro. Le résultat net du réseau connaît une baisse tendancielle depuis 2003. Le résultat d’exploitation devient de ce fait structurellement négatif.

Source : APCMA.

Selon les chiffres consolidés pour 2013, les produits s’élèvent à 816,1 millions d’euros (796,9 millions d’euros en 2012) et les charges à 813,4 millions d’euros (795,3 millions d’euros en 2012). Si le résultat net du réseau est toujours excédentaire de 3,8 millions d’euros, le résultat d’exploitation est déficitaire de 24,7 millions d’euros.

M. Alain Griset, président de l’APCMA, a annoncé, lors de son audition, une aggravation de la situation en 2014 : avec un résultat net pour la première fois négatif (– 1,3 million d’euros) et un résultat d’exploitation qui devrait être déficitaire de 26,7 millions d’euros.

Ce résultat s’appuie sur les données de l’APCMA, transmises à la mission, qui sont récapitulées dans le tableau ci-dessous.

CONSOLIDATION FINANCIÈRE RÉSEAU CMA

(en k€)

 

2013
(réalisé)

2014
(réalisé ou estimé)

Évolution 2014/ 2013,
 %

Évolution 2014/ 2013, k€

Charges

793 856

803 736

1,2 %

9 880

Charges de personnel

478 880

478 646

0,0 %

– 234

Produits

801 206

801 317

0,0 %

111

TFCMA

221 173

221 772

0,3 %

600

Résultat d’exploitation

– 17 253

– 26 716

54,9 %

– 9 464

Résultat net

7 262

– 1 373

– 118,9 %

– 8 635

Source : APCMA

Ces données n’ont pas été confirmées par l’autorité de tutelle. En effet, la consolidation effectuée par les services de la DGE aboutissent à des résultats totaux sensiblement différents (47).

FINANCEMENT DU RÉSEAU DES CMA

(en millions d’euros)

 

Charges

Charges de personnel (en %)

Masse salariale
(en %)

Produits

Subventions exploitation (en %)

Taxe pour frais de chambres (*) (en %)

Résultat net

APCMA

18,5

48

51

20,1

13

58

1,6

CRMA

58,9

25

28

62,2

11

33

3,3

CMAR

143,5

61

63

143,4

53

20

– 0,1

CMAD

554,4

60

64

552,7

49

24

– 1,7

CM d’Alsace et de Moselle

36,9

56

60

37,7

31

42

0,8

CMA de Mayotte

1,1

55

55

1,2

77

0

0,1

TOTAL RÉSEAU

813,4

57

61

817,2

45

26

3,8

* Droit fixe + droit additionnel à la cotisation foncière des entreprises + droit additionnel des conseils de la formation pour les chambres de niveau régional ; ressources de fonctionnement affectées et subvention issue du droit additionnel supplémentaire pour les CMAD ; droit fixe pour l’APCMA.

Source : DGE

Il faut, en outre, préciser que ces résultats varient selon les chambres. Les chambres départementales gérant un CFA présentent en effet généralement des résultats déficitaires.

2013

Rés Net>0

Rés Net<=0

Total

% RN<=0

Nb CMA ou CMAR avec CFA

11

41

52

78,8 %

Nb CMA ou CMAR sans CFA

13

20

33

60,6 %

Nb CRMA

10

4

14

28,6 %

Total

34

65

99

65,7 %

2014

Rés Net>0

Rés Net<=0

Total

% RN<=0

Nb CMA ou CMAR avec CFA

6

43

50

86,0 %

Nb CMA ou CMAR sans CFA

7

24

32

75,0 %

Nb CRMA

9

5

14

35,7 %

Total

22

72

96

75,0 %

Source : APCMA

Si l’on reprend les données de la DGE, les résultats sont les suivants :

RÉSULTATS DU RÉSEAU EN 2013

(en millions d’euros)

RÉSULTAT NET

RÉSULTAT D’EXPLOITATION

Total réseau

3,8

– 24,7

Résultat excédentaire

     

APCMA

+ 1,6

APCMA

+ 1,5

17 CRMA

+ 3,3

17 CRMA

+3,3

32 CMAD sans CFA

+ 1,4

   

CM d’Alsace et Moselle

+0,7

   

Résultat déficitaire

     

50 CMAD avec CFA

– 3,1

50 CMAD avec CFA

– 23

CMAR

0,1

32 CMAD sans CFA

– 0,3

   

CMAR

– 3,7

   

CM d’Alsace et Moselle

– 0,5

Source : DGE

Les résultats des CMAR sont aussi déficitaires, la régionalisation s’étant traduite dans les premiers temps par une augmentation mécanique de leurs charges de personnel et les économies liées aux mutualisations n’ayant pas encore été répercutées sur leurs résultats.

Les résultats sont également variables par régions. 20 régions présentent une perte d’exploitation dont l’Île de France (7,8 millions d’euros), le Centre (4,1 millions d’euros), l’Aquitaine (2,4 millions d’euros), la Haute-Normandie (2 millions d’euros) et la Bretagne (1,8 million d’euros). 9 régions ont un déficit net dont la Haute-Normandie (1,9 million d’euros), le Centre (542 000 euros) et la Picardie (458 000 euros).

b. Des fonds de roulement de niveaux très variables

En 2012, le fonds de roulement du réseau s’élevait à 293 millions d’euros et permettait de couvrir 151 jours de charges. Le fonds de roulement était inférieur à 4 mois de charges décaissables pour 43 chambres et était d’au moins 4 mois pour les 67 autres chambres. Il s’élevait à 297 millions d’euros en 2013.

Le niveau des fonds de roulement était très contrasté entre les chambres, de 5,1 mois en moyenne pour les chambres départementales à 2 mois pour les CMAR.

Il faut noter que l’APCMA n’a transmis que les données des fonds de roulement des CMA pour 2013 en précisant que les données pour 2014 ne seront disponibles qu’après leur approbation par les préfets.

2. Des facteurs de fragilité

a. Un modèle de financement dépendant des subventions

Les ressources globales du réseau se répartissent en :

– 49 % de subventions en provenance des collectivités locales, principalement des régions, de l’État et de l’Union européenne ;

– 28 % au titre de la taxe pour frais de chambre de métiers ;

– 23 % de ressources liées à des prestations propres (redevances du répertoire des métiers et les services payants).

Il est à noter que :

– s’agissant des prestations propres, le réseau ne dispose pas de marges de manœuvre significatives pour les prestations payantes. Les bénéficiaires de l’action des chambres ont accès à des services non facturés ou à coûts modérés. Compte tenu du public des CMA – la moitié des entreprises artisanales n’a pas de salarié, et l’autre moitié a quatre ou cinq salariés en moyenne – le potentiel de facturation est de fait limité ;

– les subventions et autres aides connaissent une érosion, notamment de la part des conseils régionaux qui, en matière d’apprentissage, ont réparti leurs subventions pour tenir compte de la diversité de l’offre de formation. M. Philippe Séguin a souligné le « désengagement enregistré en matière de taxe d’apprentissage à destination des CFA qui nous oblige à consentir des efforts supplémentaires sur nos ressources propres ».

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS DES CHAMBRES DÉPARTEMENTALES

(en millions d’euros)

Source : DGE.

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS D’EXPLOITATION DES CMAR – 2009 À 2013

(en millions d’euros)

Source DGE.

– la taxe pour frais de chambre constitue un levier pour la mobilisation des autres ressources, principalement des subventions des régions (pour le financement des CFA) ou de l’État (dans le cadre des conventions de développement économique signées entre l’État et les chambres régionales dans le cadre des actions de développement économique – DEVECO). Le réseau estime qu’un euro de taxe permet de mobiliser 1,80 euro de subvention. M. Serge Crabié, président de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat Midi-Pyrénées a cité le cas de cette région qui percevait, il y a cinq ans, 878 000 euros au titre du DEVECO et n’en perçoit plus que 240 000, soit une baisse est de 70 %.

– la structure du budget de chaque composante du réseau est particulière. La tête de réseau et les chambres régionales sont financées principalement par la taxe pour frais de chambre alors que les chambres départementales et les CMAR gérant directement un centre de formation d’apprentis ont un budget constitué majoritairement de subventions d’exploitation, en provenance notamment des conseils régionaux, la taxe pour frais de chambre y étant proportionnellement plus faible.

Pour l’APCMA, la taxe pour frais de chambre représente 58,1 % des ressources, les subventions, 12,9 % et les valeurs de produits fabriqués et prestations de service, 15,8 %.

Au niveau régional, les produits des CMAR se décomposent ainsi : 52,8 % de subventions (dont 36 % proviennent de la région et 1 % de l’État au titre du DEVECO), 27,2 % de produits de gestion dont 20,4 % de taxe pour frais de chambre et 12,6 % de ventes et prestations de service. Ceux des CRMA sont constitués à hauteur de 11,2 % de subventions, de 66,8 % de produits de gestion dont 33,3 % de taxe pour frais de chambres et de 24,6 % de droit additionnel au Conseil de la formation.

PRODUITS DES CRMA POUR L’ANNÉE 2013

(en %)

PRODUITS DES CMAR ET CHAMBRES DÉPARTEMENTALES POUR L’ANNÉE 2013

(en %)

S’agissant des chambres départementales, leurs produits sont constitués de 51,7 % de subventions, de 25,8 % de produits de gestion dont 22 % de ressources de fonctionnement et de 2,4 % de redevances du répertoire des métiers et de 15,4 % de ventes et de prestations de service.

b. Des charges – personnels, centres de formation des apprentis, effet du régime de l’auto-entrepreneur – qui augmentent plus vite que les produits

● Un écart entre charges et produits qui s’est structurellement réduit

Les charges du réseau des CMA sont essentiellement constituées par les charges de personnel (11 174 agents), soit 58,5 % des charges totales. Les autres charges du réseau sont constituées d’achats, de services extérieurs, de charges de gestion courante.

Selon le rapport de l’IGF précité, l’écart entre les charges et les produits s’est réduit de manière structurelle en une décennie, devenant négatif et entraînant un résultat comptable négatif en 2013.

Source : APCMA.

Depuis 2009, l’ensemble des charges du réseau, après une baisse en 2011, ont augmenté plus vite que l’inflation.

ÉVOLUTION EN VALEUR DES CHARGES DU RÉSEAU
DES CHAMBRES DE MÉTIERS ET DE L’ARTISANAT DE 2009 À 2013

(en millions d’euros)

CHARGES

2009

2010

2011

2012

2013

APCMA

18

19

18

18,4

18,5

CMAR

-

-

141

143,7

143,5

CRMA

34

37

22

42,2**

58,9**

CMAD

CMAD avec CFA

CMAD sans CFA

CM Alsace Moselle*

CMA MAYOTTE

696

577

118

1

732

610

121

1

596

482

114,1

1

591

447,3

107,4

35,2

1,1

592,5

450,5

103,9

37

1,1

Total

748

788

778

795,3

813,4

% Évolution des charges

1,1 %

5,3 %

-1,3 %

2,2 %

2,3 %

% Évolution Inflation hors tabac

0,1 %

1,5 %

2,1 %

1,9 %

0,7 %

*Entre 2009 et 2011, les charges des CM d’Alsace et de Moselle étaient comprises dans le total « CMAD avec CFA »

**L’augmentation des charges est liée au développement des mutualisations.

Source : DGE

● Le poids des charges de personnels

Même si le nouveau statut du personnel appliqué depuis 2009 a permis une maîtrise de la masse salariale reconnue par le rapport de l’IGF qui proposait « d’harmoniser le statut des CCI avec celui des CMA », les charges de personnels pèsent de manière déterminante sur la formation du résultat d’exploitation. Le réseau n’a pas mis en œuvre de plan social : les réductions d’effectifs ont eu lieu progressivement, avec des départs en retraite non remplacés, comme l’illustrent les propos de M. Paul-Henri Bard : « Nous sommes globalement à effectif constant, même si une petite baisse a été enregistrée en raison des départs à la retraite. Les personnels opérationnels sont un peu plus nombreux et ceux chargés de l’encadrement un peu moins ».

Ce redéploiement des effectifs entre fonctions d’encadrement et fonctions opérationnelles a été confirmé par M. Paul-Henri Bard : « Dans les chambres, cela s’est traduit par un big bang : 50 % de l’encadrement a été supprimé et les personnels concernés ont été affectés à des fonctions opérationnelles ».

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS ET DES DÉPENSES DE PERSONNEL

Source : rapport conjoint de l’Inspection générale des finances, du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et de l’Inspection générale des affaires sociales, mai 2014.

Entre 2002 et 2012, la masse salariale de l’ensemble du réseau avait augmenté de 28 % : l’augmentation sur la période 2002-2009 a été de 21 % (soit 2,7 % en moyenne). En 2010, elle a été de 4 % en raison de la refonte de la grille indiciaire et s’est stabilisée entre 2010 et 2012. Entre 2002 et 2012, les effectifs ont augmenté de 4,2 % (+ 4,1 % entre 2002 et 2008) et ont été globalement stables sur la période 2008-2012. Ce mouvement de stabilisation s’est poursuivi en 2013.

AUGMENTATION DES CHARGES DE PERSONNEL (2009-2013)

Évolution :

2009

2010

2011

2012

2013

Valeur du point*

0 %

1 %

0 %

0 %

0 %

nombre d’agents

– 2,4 %

– 0,4 %

– 2,3 %

0,5 %

– 0,7 %

charges de personnel

1,3 %

4 %

1,4 %

0,6 %

0,3 %

*moyenne annuelle

Source : DGE.

Les charges de personnel représentent encore 61,1 % des charges totales des CMAR, augmentant dans les CMAR totales et baissant dans les CMAR partielles.

En revanche, les charges de personnel des CRMA représentent 25,1 % de leurs charges et sont en augmentation, du fait de la mutualisation des services, comme le montre le fait que dans les CMAR totales, elles sont passées de 28,6 millions d’euros en 2011 à 29,5 millions d’euros en 2013.

Les charges de personnel représentent 65,4 % des charges des chambres départementales. En 2013, les effectifs de ces 82 chambres étaient de 8 215 agents, représentant 73,5 % du total des personnels du réseau. Les effectifs sont bien entendu variables selon que les chambres gèrent ou non un CFA : l’effectif des 50 chambres gérant un CFA en direct est de 6 987 agents et celui des 32 chambres ne gérant pas de CFA en direct n’est que de 1 228 agents.

EFFECTIF GLOBAL DES CHAMBRES DÉPARTEMENTALES

Agents Titulaires

Agents non Titulaires

Total Agents

Masse salariale M€ (64+621+6 311)

(1)

Charges d’exploitation M€

(2)

Ratio

(1/2)

6 009

2 206

8 215

354,9

542,9

65,4 %

Source : DGE.

● La situation des centres de formation des apprentis

Ainsi qu’il a été vu supra, la situation de déficit des chambres est souvent liée à leur gestion ou non d’un CFA.

En effet, même si les chambres ont un budget distinct de celui du CFA qui leur est rattaché, elles leur versent des subventions qui ne sont pas seulement des subventions d’équilibre mais qui sont calculées en fonction du nombre et du coût moyen des apprentis. Or, la plupart des CFA présentent des résultats déficitaires.

RÉSULTATS DES CFA EN 2013 PAR RÉGION

 

Apprentis

Charges CFA

Charges CFA/ apprentis

Résultat CFA

ILE-DE-FRANCE

7 198

36 815 378

5 115

– 2 475 026

POITOU-CHARENTES

5 046

28 623 125

5 672

– 839 978

HAUTE-NORMANDIE

1 289

6 106 063

4 737

– 614 534

MIDI-PYRÉNÉES

4 837

23 175 198

4 791

– 517 310

LANGUEDOC-ROUSSILLON

2 472

12 723 106

5 147

– 421 087

PAYS-DE-LA-LOIRE

5 601

28 909 669

5 162

– 370 051

PICARDIE

1 896

9 339 027

4 926

– 302 540

AQUITAINE

4 536

28 666 491

6 320

– 252 683

CENTRE

4 813

24 002 460

4 987

– 193 966

PROVENCE-ALPES-CÔTE-D’AZUR

5 784

27 215 900

4 705

– 186 394

ALSACE

1 424

9 851 716

6 918

– 89 190

CORSE

707

4 126 847

5 837

0

LORRAINE

3 117

12 778 394

4 100

0

NORD-PAS-DE-CALAIS

4 768

21 644 117

4 539

0

RHÔNE-ALPES

982

4 714 230

4 801

0

LIMOUSIN

1 196

7 454 024

6 232

15 531

BASSE-NORMANDIE

2 517

13 961 296

5 547

45 513

BRETAGNE

6 237

30 032 795

4 815

154 408

FRANCHE-COMTÉ

1 523

6 979 378

4 583

211 250

Source : DGE.

● L’effet du régime de l’auto-entrepreneur

Créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le régime de l’auto-entrepreneur qui vise à faciliter la création d’entreprises, bénéficie aux entrepreneurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à un plafond (48).Une création artisanale sur deux se fait actuellement sous ce régime simplifié et plus favorable pour le calcul et le paiement des cotisations et contributions sociales obligatoires.

En 2012, le réseau des CMA gérait 947 928 immatriculations d’entreprises inscrites au répertoire des métiers ainsi que 144 893 auto-entrepreneurs.

L’ensemble des auto-entrepreneurs ont été, dans un premier temps, exonérés des frais d’immatriculation, du paiement de la contribution foncière des entreprises jusqu’à la fin de la deuxième année civile suivant celle de la création de leur entreprise. Les auto-entrepreneurs étaient par ailleurs dispensés du stage payant de préparation à l’installation, obligatoire pour les entreprises artisanales. La dispense d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers a été supprimée en 2010 pour les auto-entrepreneurs exerçant à titre principal des activités artisanales. Ceux-ci doivent désormais être inscrits au répertoire des métiers en tant qu’artisans, mais ils restent dispensés du paiement des frais d’immatriculation.

L’activité liée aux créations artisanales sous cette forme juridique a ainsi accru la charge du réseau sans pour autant en augmenter les ressources, ce qui a créé un effet de ciseaux. L’APCMA a évalué la baisse des ressources du réseau correspondant à cet effet à 44 millions d’euros pour 2012. M. Jean-Pierre Freudenreich, secrétaire général de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat du Centre, a fait valoir que « le volume des formalités a triplé, notamment du fait des micro-entreprises qui pénalisent par ailleurs la formation en apprentissage à laquelle elles ne participent pas ». M. Serge Crabié ajoutait avoir à faire face à « une situation préoccupante en raison de la place que prennent les micro-entreprises – notre région en compte aujourd’hui 10 000 ».

La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a permis de corriger, du point de vue des CMA, un certain nombre d’inconvénients liés à ce régime. L’obligation de s’immatriculer au répertoire des métiers a été étendue aux auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale à titre secondaire. La dispense de stage préalable à l’installation a été supprimée ainsi que l’exonération de taxe pour frais de chambre, les auto-entrepreneurs y étant désormais assujettis en fonction de leur chiffre d’affaires généré par leur activité artisanale.

En tout état de cause, le statut de l’auto-entrepreneur apparaît comme un facteur de création d’emploi et le réseau doit s’adapter à cette nouvelle donne.

3. Le tassement des ressources procurées par la taxe pour frais de chambre

La loi du 23 juillet 2010 a modifié substantiellement l’article 1601 du code général des impôts, en affectant aux chambres régionales le produit de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises due par les chefs d’entreprises individuelles ou les sociétés soumis à l’obligation de s’inscrire au répertoire des métiers. Il appartient aux chambres de niveau régional de répartir entre les chambres départementales qui leur sont rattachées les ressources qui leur sont affectées après avoir déduit leur quote-part ; auparavant, le taux du droit additionnel était voté par chaque chambre départementale qui était directement destinataire de cette ressource.

Par ailleurs, les mécanismes de calcul de la taxe ont été profondément modifiés.

Cette taxe comprend trois composantes :

– un droit fixe par ressortissant, égal à la somme des droits fixes arrêtés par l’APCMA, ainsi que par la chambre de niveau régional, dans la limite d’un montant maximal fixé en proportion du montant annuel du plafond de sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l’année d’imposition. La revalorisation du plafond est désormais indexée sur l’évolution du plafond de sécurité sociale et ne relève donc plus du vote de la loi de finances de l’année (49). En 2015, le droit fixe s’élevait à 124 euros, dont 15 euros destinés à l’APCMA et 109 euros destinés aux chambres de niveau régional, soit au total 124 euros ;

– un droit additionnel à la cotisation foncière des entreprises dont le produit est arrêté par la chambre de niveau régional. Ce produit ne peut excéder 60 % de la partie du droit fixe revenant aux chambres régionales. Toutefois, les chambres peuvent le porter jusqu’à 90 % afin de mettre en œuvre des actions ou réaliser des investissements, sous réserve d’une approbation, par voie conventionnelle, de l’autorité de tutelle. La moyenne des produits des droits additionnels est de 110 euros en 2014 (50) ;

– un droit additionnel par ressortissant affecté au financement d’actions de formation des chefs d’entreprises artisanales dans la gestion et le développement de celles-ci. Ce droit est fixé à 0,12 % du montant annuel du plafond de sécurité sociale, soit 46 euros en 2014.

Au 1er janvier 2015, le montant de la taxe pour frais de chambre est en moyenne de 280 euros par entreprise assujettie.

a. Après une évolution dynamique, la taxe ne permet plus d’assurer l’équilibre financier du réseau

Selon le rapport de l’IGF précité, de 2002 à 2012, la taxe pour frais de chambre affectée au réseau des CMA avait connu une évolution dynamique, passant de 167 millions d’euros à 211 millions d’euros, soit une augmentation de 27 % en euros constants pendant la période.

Ce rapport considérait que ce montant excédait les besoins du réseau et qu’une taxe annuelle moyenne de 195 millions d’euros aurait suffi à couvrir les besoins à activité inchangée. Le trop-perçu annuel moyen était estimé à 15 millions d’euros entre 2007 et 2012.

Il indiquait toutefois, que les 201,2 millions de TACFE dont a disposé le réseau en 2013 n’avaient, par contre, pas été suffisants pour couvrir ses besoins.

b. La fixation du niveau de plafonnement par la loi de finances pour 2015 a pris en compte la situation du réseau

Alors que le réseau des chambres de métiers disposait jusqu’en 2012 de l’intégralité du produit de la taxe additionnelle à la CFE, l’affectation du produit de cette taxe est plafonnée depuis 2013 par l’article 39 de la loi de finances pour 2013 qui a élargi le périmètre du plafonnement des taxes affectées.

Ce plafond était de 280 millions d’euros en 2013 et a été fixé à 245 millions d’euros pour 2014.

En loi de finances pour 2015, compte tenu de la situation financière du réseau, le plafond a été fixé à 244,009 millions, soit une baisse modérée de 991 000 euros. Une baisse du même ordre de grandeur sera appliquée à hauteur d’un million d’euros en 2016 et 2017, en application de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ;

Par ailleurs, l’article 9 de la loi de finances rectificative du 8 août 2014 a réorganisé l’impact du plafond du produit de la taxe en le décomposant en deux sous-plafonds. Le premier s’applique à la somme des produits des deux premières composantes de la taxe : droit fixe et droit additionnel à la cotisation foncière des entreprises (CFE) (de 60 % jusqu’à 90 % du droit fixe). Ce premier sous-plafond a été fixé à 208,634 millions d’euros en 2014, ce qui correspond au montant disponible pour le réseau. Le deuxième sous-plafond est relatif au droit additionnel destiné aux conseils de la formation et est fixé à 36,365 millions d’euros ; ce sous-plafond est décomposé en sous-plafonds individuels régionaux au prorata de la collecte de l’année précédente et n’a pas eu d’impact significatif sur la gestion des conseils de formation.

Source : DGE.

c. Le prélèvement sur les fonds de roulement des chambres pour contribuer à la mise en place du fonds de financement et d’accompagnement

La loi de finances rectificative du 8 août 2014 a introduit à partir de 2015 une contribution obligatoire de chaque chambre au financement du fonds de financement et d’accompagnement. En 2014, ce fonds a été alimenté par un prélèvement sur les chambres, à l’exception de l’APCMA et des CRMA, à hauteur de 50 % des fonds de roulement excédant quatre mois de charges décaissables non exceptionnelles de 2012, hors réserves pour investissements validées par l’autorité de tutelle avant le 10 août 2014.

Ce fonds, qui doit s’acquitter en priorité au profit de l’État de l’écrêtement correspondant au dépassement des produits de droit fixe et de droit additionnel par rapport au plafond relatif à ce droit, était également destiné à fournir aux chambres une ressource collective pour la mise en œuvre d’actions de mutualisation et de restructuration.

B. LES VOIES D’UN FINANCEMENT SOUTENABLE

1. Poursuivre la dynamique de mutualisation et de restructuration sous l’impulsion de l’APCMA

En termes de mutualisation et de réorganisation du réseau, le réseau des CMA est, sur plusieurs points, plus avancé que le réseau des CCI, pour plusieurs raisons.

La loi du 23 juillet 2010 a posé une obligation de mutualisation des fonctions administratives pour l’ensemble du réseau des CMA, alors qu’il ne s’agissait que d’une incitation pour les CCI. Par ailleurs, elle a décidé la disparition des chambres infra-départementales contrairement au réseau des CCI qui est de ce fait plus atomisé.

Si l’Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat (APCMA) n’a, en principe, pas plus de pouvoir d’impulsion et de coordination que CCI France – elle élabore, comme elle, la stratégie nationale du réseau et définit des normes d’intervention pour les établissements membres du réseau en application de l’article 5-8 du code de l’artisanat –, elle perçoit en revanche directement une partie de la taxe pour frais de chambre, ce qui lui confère une autonomie de financement pour la mise en œuvre de projets nationaux.

Au-delà de ces dispositions législatives et réglementaires, le mouvement a été impulsé par une dynamique interne sous le pilotage de la tête de réseau favorisé par l’homogénéité des chambres mentionné précédemment. Le président de l’APCMA a fait, pour sa propre région, le Nord-Pas-de-Calais, le choix de la forme de gouvernance la plus intégrée, la CMAR.

Pour autant, ce pilotage par la tête de réseau rencontre des limites et se heurte aux résistances locales. Ainsi qu’il a été vu, le choix de gouvernance régionale intégrée n’a été adopté que dans un nombre minoritaire de chambres. Les tentatives d’imposer un schéma unique très régionalisant à l’occasion de la réforme de la carte des régions ont provoqué une levée de boucliers de la part des élus du réseau. Si la mutualisation et la rationalisation des fonctions support sont relativement bien acceptées malgré les difficultés de mise en œuvre localement, le réseau ne semble pas prêt à perdre son autonomie au niveau départemental. De ce fait, le schéma proposé par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui reprend largement les orientations adoptées par le réseau lors de son Assemblée générale des 2 et 3 décembre 2014, respecte la liberté de choix de gouvernance régionale.

Compte tenu des contraintes budgétaires et de la situation financière du réseau, des gains d’efficience sont indispensables afin que le réseau conserve sa capacité et sa légitimité à accompagner les petites entreprises et à assurer son offre de formation.

a. Les économies attendues

Le rapport précité de l’Inspection générale des finances, du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et de l’Inspection générale des affaires sociales considérait que le réseau des CMA pouvait réaliser 20 % d’économies sur les frais généraux et les fonctions support et 10 % sur les fonctions opérationnelles, soit 30 millions d’euros d’économies en 2017.

Ce chiffrage était optimiste : il ne tenait pas compte des efforts déjà entrepris par le réseau depuis plusieurs années et du poids des fonctions support qui ne représentent que 10 % des ETP. Il différait sensiblement de celui fait par le réseau. Lors de la discussion de la loi du 23 juillet 2010, l’ACPMA estimait que la mutualisation des fonctions support dans toutes les régions et au niveau national pourraient permettre aux CMA d’économiser, à terme, 9 millions d’euros, et la mutualisation des fonctions opérationnelles, 5 millions d’euros supplémentaires. Grâce à l’ajustement des effectifs, en mettant à profit les départs à la retraite d’environ 1 350 agents d’ici 2020, la réforme devrait entraîner une économie totale de 22,1 millions d’euros par an (soit environ 12 % du montant de la taxe pour frais de chambre). Ce montant prévisionnel est du même ordre de grandeur que le montant du déficit d’exploitation pour 2013 (24,7 millions d’euros).

b. Des efforts de mutualisation à approfondir

En dépit des progrès réalisés par le réseau, le processus de mutualisation n’est pas suffisamment avancé. Si la loi du 23 juillet 2010 a posé une obligation de mutualisation des fonctions supports, cette obligation n’était accompagnée d’aucune contrainte. La mutualisation a été appliquée avec difficultés au niveau local, les chambres départementales – établissements publics jouissant de l’autonomie – ne s’étant pas mobilisées à la hauteur des enjeux. Ces réticences ont été favorisées par le fait que les textes relatifs à la mutualisation, en particulier le décret n° 2010-1356 du 11 novembre 2010 mettant en œuvre la réforme des chambres de métiers et de l’artisanat, ne sont pas suffisamment clairs sur le champ des fonctions à mutualiser et sur les modalités de cette mutualisation. Lors de son assemblée générale des 2 et 3 décembre 2014, le réseau s’est d’ailleurs prononcé pour un renforcement des obligations de mutualisation régionales, qui passe notamment par l’amélioration du périmètre des fonctions à mutualiser.

Par ailleurs, la mutualisation n’a porté que sur les fonctions administratives. Ainsi, ne rentre pas dans le champ de la mutualisation obligatoire les achats. Or selon l’APCMA, sur un total d’achats cumulés de l’ordre de 30 millions d’euros par an, les deux tiers pourraient être intégrés dans le périmètre de la mutualisation, ce qui permettrait de générer une économie de 2,1 millions d’euros. La mutualisation gagnerait par ailleurs à être élargie aux fonctions opérationnelles. La gestion de projets comme la mise en œuvre de schémas régionaux des centres de formation d’apprentis favoriserait une communication commune et une évolution coordonnée du catalogue des formations, ce qui apporterait une meilleure visibilité à l’action du réseau et serait source de baisse des coûts pour les entreprises. Selon M. Jean-Pierre Freudenreich, « l’enjeu est pourtant d’aller plus loin avec les artisans. Nous devons mutualiser notre action dans de nombreux domaines : l’ingénierie de projets, le développement des formations en commun, la mise en place de la modularisation et l’individualisation dans le cadre du compte personnel de formation (CPF) ».

En outre, les conditions d’exercice de la tutelle administrative et financière des chambres assurées par le préfet de région et ne permettent pas d’avoir une influence sur la mise en œuvre de la mutualisation. Comme pour les deux autres réseaux consulaires, cette tutelle exercée par l’État est plus proche d’un contrôle de légalité exercé sur les collectivités locales que d’une tutelle sur les opérateurs.

En conséquence, les rapporteures préconisent un approfondissement de la mutualisation des moyens par :

– la recherche des gains d’efficience supplémentaires notamment en élargissant la mutualisation aux fonctions opérationnelles et aux achats afin de préserver les moyens dévolus à ses missions, notamment celles contribuant à la compétitivité des entreprises ;

– le renforcement du rôle de coordination de la tête de réseau dans la mutualisation de l’ensemble des fonctions ;

– la clarification des dispositions du décret n° 2010-1356 du 11 novembre 2010 mettant en œuvre la réforme du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat relatives au périmètre des fonctions mutualisées ;

Dans le cadre de la modernisation du dialogue social au sein du réseau, la fonction de la gestion des ressources humaines et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit aussi être renforcée pour accompagner l’évolution du réseau. La formation continue en interne doit être développée pour s’adapter à la mutualisation des fonctions support.

c. Une régionalisation à mener à son terme en l’articulant avec la réforme territoriale

La loi du 23 juillet 2010 a constitué une première étape de la restructuration du réseau qui a permis de supprimer des chambres infra- départementales, d’instituer une chambre régionale et d’engager la mutualisation des moyens.

S’il y a eu des freins et des réticences à son application, en raison notamment de la multiplicité des pouvoirs locaux, il existe aujourd’hui, comme l’ont montré les auditions menées par vos rapporteures, une prise de conscience du réseau de la nécessité de se réorganiser et de tirer les conséquences de la réforme territoriale en cours (disparition des conseils généraux et réduction du nombre des régions). Lors de l’Assemblée générale du réseau des 2 et 3 décembre 2014, une motion des présidents de chambres affirmait que : « le réseau des CMA est convaincu de la nécessité d’organiser un réseau régional en adéquation avec la nouvelle carte géographique régionale, tout en maintenant le lien de proximité indispensable entre la chambre et les artisans ».

L’enjeu de la régionalisation pour le réseau est :

– de dégager des marges de manœuvre pour permettre des économies supplémentaires, afin de rendre un meilleur service aux entreprises et aux jeunes en formation ;

d’avoir des présidents de régions consulaires face aux présidents des treize nouvelles régions. Comme le rappelait M. Joël Fourny, la région est « notre principal partenaire financier direct. Nous sommes plutôt favorables à l’élaboration de contrats régionaux de développement économique avec la région, tant sur le volet économique que sur le volet formation...Nous avons déposé un plan d’investissement commun sur l’ensemble de la région des Pays-de-la-Loire, en étroite collaboration avec le conseil régional, afin de bénéficier du programme d’investissements d’avenir. L’intérêt de la régionalisation est évident : séparément, il nous aurait été beaucoup plus difficile de défendre nous projets d’investissements ». La régionalisation favorisera la contractualisation avec les régions, comme l’a fait la CMAR du Nord-Pas-de-Calais au travers son programme régional de développement de l’artisanat pour 2014-2020.

Différentes hypothèses de structuration du réseau en fonction de la nouvelle carte territoriale ont été envisagées : régionalisation avec un seul établissement de niveau régional (CMAR totale ou CMAR rénovée), régionalisation maintenant les deux types d’établissements de niveau régional (CMAR et CRMA), tout en les rénovant (suppression de la faculté pour la CMAR d’avoir des CMAD rattachées et création de CMA interdépartementales rattachées à une CRMA). Différents scenarii quant au mode de choix du type d’établissement régional ont été également examinés (imposer le modèle retenu par la loi, choix des élus selon des critères exclusifs ou cumulatifs tirés de la majorité du nombre d’établissements et/ou des ressortissants).

La réflexion a finalement évolué en faveur du maintien du double modèle CMAR-CRMA, en le rénovant. Le modèle unique d’une CMAR totale aurait été difficile à mettre en œuvre et imposer un schéma unique très « régionalisant » a été impossible.

Lors de l’assemblée générale de décembre 2014, le réseau a adopté un schéma de régionalisation, préalablement négocié entre la tête de réseau et les chambres départementales. Des discussions ont ensuite eu lieu entre le réseau et la tutelle ; elles se sont traduites par des amendements présentés par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Deux options sont prévues, le choix relevant des élus professionnels en application du principe de double majorité des élus consulaires et des ressortissants (51), la majorité des ressortissants étant requise pour la transformation en CMAR :

– dans les régions où le choix s’est exprimé en faveur du regroupement en chambre régionale de métiers et de l’artisanat (CRMA) et où l’une des régions regroupées comportait une chambre des métiers et de l’artisanat de région (CMAR), il est substitué à cette dernière une chambre de métiers interdépartementale rattachée à la nouvelle chambre régionale de métiers et de l’artisanat. Cette chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale se compose d’autant de délégations départementales que de sections de la chambre de métiers et de l’artisanat de région à laquelle elle se substitue. La création de cette nouvelle entité – chambre interdépartementale – se justifie dans la mesure où la structure de la CRMA implique le maintien de chambres départementales autonomes. Or, dans le cadre des CMAR, les entités départementales n’existent plus en tant qu’établissements publics, la création d’une chambre interdépartementale est donc nécessaire afin qu’il n’y ait pas retour en arrière en matière d’intégration de la gouvernance par la reconstitution d’établissements publics départementaux ;

– dans les régions où le choix s’est exprimé en faveur d’une chambre de métiers et de l’artisanat de région, les chambres de métiers et de l’artisanat départementales des chambres régionales de métiers et de l’artisanat de région regroupées ainsi que les sections des chambres de métiers et de l’artisanat de région, deviennent des délégations départementales de la nouvelle chambre de métiers et de l’artisanat de région.

Les attributions des différentes chambres ne seraient pas modifiées par la réforme qui privilégierait toujours le niveau régional.

Des difficultés liées au modèle des CMAR partielles – CMAR à laquelle est rattachée une (ou plusieurs) CMAD – ayant été mises en avant (modèle complexe et amplificateur des conflits entre élus), il n’existera plus, à compter de 2016, de chambre des métiers et de l’artisanat de région partielle.

C’est pourquoi les rapporteures considèrent que la CMAR représentant le dispositif le plus clair en termes de gouvernance et d’autorité, ce schéma doit demeurer l’objectif de la régionalisation (pertinence d’un interlocuteur unique au niveau régional, lisibilité des dispositifs, réduction du nombre des établissements publics) même si la coexistence de deux dispositifs – CMAR et CRMA – peut se justifier. En effet, la CRMA est un dispositif présentant des avantages dans un contexte où les chambres seront confrontées à une évolution des collectivités locales et où les partenariats locaux ont vocation à être de plus en plus nombreux. Il permet de gérer les particularités locales et de confronter les idées des différents acteurs réduisant le risque de concentrer les actions sur des zones les plus visibles (métropoles, entreprises ciblées), au détriment de territoires ayant un tissu de petites entreprises plus homogène.

En tout état de cause, quel que soit le schéma retenu dans le cadre de la nouvelle organisation, les rapporteures considèrent qu’une unité décisionnelle est essentielle. Une chambre régionale doit pouvoir imposer ses décisions aux chambres départementales, notamment en matière de mutualisation et faire en sorte que les délibérations adoptées en assemblée générale ne soient pas mises en échec par leur application au niveau départemental.

d. Les règles du fonds de financement et d’accompagnement à revoir

Le prélèvement sur fonds de roulement décidé par la loi de finances rectificative du 8 août 2014 doit alimenter un fonds de financement et d’accompagnement, afin de conduire des actions de mutualisation et de restructuration du réseau. Après une année de fonctionnement, il apparaît que les perspectives de titres de perception pour ce fonds ont été surestimées, en raison d’une évaluation trop faible des provisions pour investissements déductibles prévues par la loi. Au 25 février 2015, seuls 11 659 134 euros ont été effectivement perçus pour alimenter ce fonds. 5 038 072 euros ont fait l’objet d’opposition à exécution par les chambres départementales des Alpes-Maritimes, du Finistère et de la Haute-Loire. 759 364 euros n’ont pas encore fait l’objet de titre de perception et 2,9 millions d’euros de titre complémentaire sur la chambre de Charente-Maritime devraient être émis.

Compte tenu de l’écrêtement du droit fixe et du droit additionnel que doit verser prioritairement ce fonds à l’État au titre de 2014 et qui, selon les estimations de la DGFiP, sera de 17 millions d’euros, ce fonds ne pourra ni constituer une provision équivalente au montant écrêté au titre de 2014 pour 2015, ni, de surcroît, financer des actions de mutualisation et de restructuration, comme le prévoit l’article 2 du décret n° 2014-1499 du 11 décembre 2014 relatif aux conditions de gestion de ce fonds.

Les rapporteures souhaitent que les règles de ce fonds soient revues afin qu’il puisse financer des actions de mutualisation et de restructuration prévues.

e. La tutelle de l’État à renforcer

● Finaliser le contrat d’objectifs et de performance entre l’état et la tête de réseau

Dans son rapport sur les comptes et la gestion de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (52), la Cour des comptes considère que « le réseau des CMA a toujours manqué de pilotage stratégique au niveau régional et national, du fait de l’absence de volonté marquée de l’État face à l’esprit d’indépendance des artisans ».

La tutelle du préfet de région se limite au contrôle des budgets et en l’absence de comptabilité analytique, il n’est pas possible de retracer l’emploi fait de la taxe affectée.

S’agissant de la tutelle de la DGE, son levier réside dans la détermination des fonds publics reçus au travers de la fiscalité et des crédits d’intervention économique du FISAC (fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce).

Depuis le 1er janvier 2013, les chambres de niveau régional peuvent signer avec l’État des conventions de dépassement du droit additionnel à la cotisation foncière des entreprises. Celles-ci déterminent les actions et les investissements à réaliser avec des objectifs mesurables sur la base d’indicateurs d’activité et de performance. Cette majoration du droit additionnel constitue pour les chambres un supplément de recettes pour augmenter la part d’autofinancement de leurs projets. Cette contractualisation au niveau régional est l’occasion d’une rénovation de la tutelle en donnant aux préfets des moyens pour orienter les actions des chambres afin de les faire participer aux priorités nationales. Toutefois, les services du contrôle général économique et financier et les directions régionales des finances publiques relèvent que les indicateurs d’activité et de performance sont rarement mentionnés. À défaut d’harmonisation des indicateurs dans une convention entre l’État et le réseau, il appartient aux chambres et aux préfets d’apprécier les indicateurs les plus pertinents correspondant aux actions et investissements concernés. Les indicateurs d’activité sont plus faciles à mesurer, et il est plus difficile de distinguer par indicateur de performance, l’impact des actions dues en propre à la chambre par rapport aux autres secteurs économiques (53).

L’APCMA considère que ces indicateurs doivent être reliés aux objectifs partagés dans l’ensemble du réseau et validés par celui-ci. Or, en l’absence de contrat d’objectifs et de performance (COP) entre l’État et la tête de réseau, les indicateurs n’ont pu être officialisés et imposés à toutes les chambres.

L’Assemblée générale de l’APCMA avait adopté en décembre 2009 un contrat d’objectifs et de moyens qui était associé à la réforme structurelle du réseau menée en application de la RGPP. Ce document s’apparentait à la fois à un plan stratégique et à un contrat de progrès interne et présentait des revendications financières et politiques à l’adresse de l’État (distribution accrue du financement de l’apprentissage en faveur du secteur des métiers, reconnaissance des CMA comme relais privilégiés auprès des entreprises artisanales, revendication d’un financement équilibré et durable des CMA reposant sur une fiscalité maîtrisée et indexée sur un indicateur économique). Les discussions qui ont été reprises dans le cadre du pacte pour l’artisanat de janvier 2013 viennent finalement d’aboutir.

Les rapporteures se félicitent donc qu’un contrat d’objectif et de performance ait été signé au mois de juin 2015 entre l’APCMA et l’État pour la période 2015-2017.

● Mettre en place une comptabilité analytique

Selon l’article 1601 du code général des impôts, la taxe pour frais de chambre « pourvoit à une partie des dépenses des établissements publics constituant le réseau des chambres des métiers et de l’artisanat. Elle est employée, dans le respect des règles de concurrence nationales et communautaires, pour remplir les missions qui leur sont confiées par les lois et les règlements, à l’exclusion des activités marchandes ». Cette taxe doit être utilisée pour les grandes missions confiées au réseau, à savoir la représentation des intérêts généraux de l’artisanat, la gestion des formalités d’entreprises, l’accompagnement des entreprises et la formation initiale (apprentissage). En revanche, les activités comme l’accompagnement des entreprises en concurrence avec d’autres acteurs privés (conseil, montage de dossier) ou les centres de formation continue doivent faire l’objet d’une tarification au coût complet et ne peuvent être financées par la ressource publique.

La tenue d’une comptabilité analytique est prévue par l’article 19 ter du code de l’artisanat qui dispose que la comptabilité est une obligation pour les chambres de métiers et de l’artisanat. En application de cet article, « chacun des établissements du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat tient une comptabilité analytique mise à la disposition des autorités de tutelle et de contrôle afin de justifier que les ressources publiques ont été employées dans le respect des règles de concurrence nationales et communautaires et n’ont pas financé des activités marchandes ».

Les chambres ont pris l’initiative en 2012, en préalable à la mutualisation de la fonction comptabilité, d’harmoniser leur référentiel comptable, suite à des travaux en lien avec la tutelle et le Conseil de normalisation des comptes publics. Elles font par ailleurs remonter, depuis 2002, au niveau national, des données d’activités et des données financières permettant de réaliser une comptabilité globale.

Cependant, il n’est toujours pas possible de suivre l’utilisation exacte des fonds publics. S’il est considéré que le produit de la taxe pour frais de chambre doit couvrir l’ensemble des compétences régaliennes du réseau, les chambres, comme la tutelle, sont dans l’incapacité de fournir une équivalence entre le produit de la taxe et le coût des missions afférentes. Le seul élément d’appréciation est que le produit de la taxe représente environ 40 % des charges de personnels des chambres départementales. La question plus générale – qui se pose de la même façon pour les autres réseaux consulaires – est de savoir quelles missions doivent être spécifiquement financées par la ressource fiscale. Or, il n’existe pas de liste limitative des missions dites régaliennes permettant de justifier au premier euro le prélèvement et l’utilisation qui en est faite. Dans ces conditions, le Parlement peut-il légitimement consentir à cet impôt spécifique aux artisans et comment les élus consulaires peuvent-ils rendre des comptes de l’utilisation de la taxe ?

Les rapporteures préconisent donc de préciser le périmètre des missions d’intérêt général (service public obligatoire, service universel) et de prévoir la transmission des résultats de la comptabilité analytique aux autorités de tutelle. L’application complète du progiciel « finances et comptabilité » doit être assurée dans les plus brefs délais pour pouvoir suivre l’affectation de la taxe et d’en justifier son utilisation.

2. Recentrer les missions du réseau autour de l’accompagnement des petites entreprises et de la formation

Les missions du réseau s’organisent autour de quatre grands domaines :

– la représentation du secteur auprès des pouvoirs publics ;

– les missions régaliennes, en particulier les formalités ;

– l’accompagnement des entreprises, de la création jusqu’à la transmission ;

– la formation initiale et la formation continue.

a. Des missions qui ont évolué pour s’adapter à la demande des entreprises

Les missions du réseau ont régulièrement évolué, l’État lui en ayant transféré un certain nombre, sans qu’il y ait toujours eu de contreparties financières comme :

– la gestion du Centre de formalités des entreprises ;

– la tenue du répertoire des métiers où sont immatriculées les entreprises ;

– l’enregistrement des contrats d’apprentissage ;

– l’instruction des dossiers ACCRE (aide aux chômeurs créant ou reprenant une entreprise) ;

– la délivrance des cartes d’artisans ambulants ;

– le contrôle des qualifications professionnelles et attribution des titres d’artisans ;

– l’enregistrement des entreprises individuelles à responsabilité limitée du secteur ;

– l’accompagnement des entreprises.

Par ailleurs, la loi du 23 juillet 2010 a clarifié les missions et les compétences entre les différents échelons du réseau, avec un renforcement du niveau régional.

Ainsi, les missions du niveau national sont axées autour de la représentation auprès des pouvoirs publics, de la coordination et l’animation du réseau, de la gestion de projets de portée nationale intéressant le réseau (communication, certaines mutualisations informatiques, dispositifs de solidarité) et de la définition des normes d’intervention s’appliquant à l’ensemble du réseau.

Au niveau régional, les chambres ont pour mission la représentation des intérêts généraux de l’artisanat au niveau régional, la définition et la coordination des politiques économiques et de formation, la mutualisation des fonctions administratives et la collecte de la taxe pour frais de chambre et la répartition des ressources entre les établissements de la région.

Au niveau départemental, les missions ont pour objet la représentation locale et la mise en œuvre de services de proximité auprès des entreprises.

b. Donner plus de cohérence et de visibilité à l’accompagnement des entreprises en complémentarité avec les autres acteurs

L’appui aux entreprises représente plus de 30 % de l’activité du réseau. Outre la tenue des registres des métiers, l’appui aux entreprises recouvre une diversité d’actions dans lequel le réseau s’engage en fonction des besoins des territoires, conformément à l’article 5-1 du code de l’artisanat selon lequel « le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat contribue au développement économique des entreprises immatriculées au répertoire des métiers ainsi qu’au développement des territoires, en remplissant en faveur des acteurs économiques et en partenariat avec les structures existantes, toute mission d’intérêt général en faveur du secteur de l’artisanat ».

Comme elles l’ont rappelé lors de leur audition, les organisations professionnelles – Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), MEDEF, Fédération française du bâtiment et Union professionnelle artisanale – sont attachées aux services apportés par les réseaux consulaires aux entreprises, et tout particulièrement aux plus petites d’entre elles.

Cependant, les demandes des entreprises artisanales ont évolué, comme le soulignait M. Jean-Pierre Freudenreich : « sur le terrain, les artisans attendent que leur chambre leur apporte des services, et ne soit pas seulement une structure de gestion ». Le réseau a effectivement fait des efforts de structuration et de rationalisation de leur offre de services afin de répondre aux besoins réels des entreprises. Ainsi, à l’initiative de l’APCMA, le réseau a mis en œuvre une « offre globale de services » afin de garantir aux entreprises artisanales un ensemble de prestations et de services. Cette offre globale de services comprend 71 domaines d’intervention et 122 prestations obligatoires qui couvrent toutes les phases de développement des entreprises (aide à la création, transmission, reprise, accompagnement individualisé, développement international). Des indicateurs de réussite peuvent être identifiés. 60 chambres ont installé un logiciel d’approche globale et 70 disposaient d’une gestion relation-client. La reprise et la transmission des entreprises avec le site Internet de la Bourse nationale des opportunités artisanales (BNOA) sont facilitées pour les chambres.

Au cours des auditions, les adaptations du réseau à la demande des entreprises ont été présentées. M. Paul-Henri Bard a ainsi évoqué la création d’une plate-forme téléphonique unique qui a permis de professionnaliser les personnels et d’élargir les horaires d’ouverture. M. Dominique Klein, secrétaire général et directeur des services de la chambre de métiers et de l’artisanat de la Moselle, a décrit le fonctionnement d’un plateau « multifonctions » d’accueil physique et téléphonique qui a permis de doubler le nombre de contacts annuels qui sont passés, en dix ans, de 5 000 à 10 000.

Toutefois, ces services manquent de lisibilité. Ainsi, l’offre globale de services mentionnée supra comprend un nombre important d’interventions (71) et de prestations obligatoires qui gagneraient à être rationalisées et hiérarchisées.

En raison de leurs spécialisations, les organisations professionnelles (Union professionnelle artisanale, Fédération française du bâtiment) peuvent apporter aux artisans un soutien technique que les chambres de métiers et de l’artisanat ne peuvent pas fournir. À l’inverse, pour les organisations professionnelles, le réseau présente l’avantage d’une organisation territoriale de proximité qui leur fait défaut. Le premier contact avec l’entreprise artisanale se fait à la chambre de métiers et de l’artisanat qui doit, le cas échéant, orienter vers des services spécifiques des organisations professionnelles. M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale, a mis l’accent sur la nécessaire complémentarité entre le réseau consulaire et les organisations professionnelles qui commence d’ailleurs à se mettre en place : « Avec les CMA, même si cela n’est pas parfait, nous sommes parvenus à une certaine répartition des missions : les organisations professionnelles s’impliquent dans les ressources humaines tandis que les chambres consulaires investissent le domaine économique ».

Les rapporteures considèrent que cette complémentarité doit également s’appliquer avec les autres réseaux consulaires et acteurs économiques.

c. Intégrer le réseau à la stratégie nationale de relance de l’apprentissage

En matière d’apprentissage, le réseau peut se prévaloir d’une réelle expertise : la moitié des entrepreneurs de l’artisanat, soit 500 000 personnes, ont été apprentis. La moitié du budget des chambres est dédié à l’apprentissage. 54 établissements gèrent un ou plusieurs CFA en direct et 30 gèrent un CFA en association. 95 CFA sont gérés en direct et 38 par des associations. Seules 8 chambres n’ont ni CFA en direct, ni CFA en association. Le réseau a formé sur la campagne 2013/2014, 63 793 apprentis sur les 405 000 apprentis au niveau national. Le réseau estime de façon générale, comme l’a souligné M. Paul-Henri Bard, que « gérer un CFA constitue une chance car cela permet aux élus de peser très fortement sur la politique de formation ».

Or, le réseau est actuellement en butte à des difficultés qui se traduisent notamment par une diminution du nombre des apprentis de presque 10 % sur deux ans (6 % en 2014 et 4 % en 2013), alors que la baisse nationale n’a été que de 5 % en 2014 et de 4 % en 2013.

NOMBRE D’APPRENTIS DES CFA

 

Nombre d’apprentis des CFA, par campagne

Évolution

2008/ 2009

2009/ 2010

2010/ 2011

2011/ 2012

2012/ 2013

2013/ 2014

2014/ 2009

2014/ 2013

EFFECTIF CFA CMA

72 985

71 025

70 020

70 159

68 323

65 587

– 10,1 %

– 4,0 %

EFFECTIF CFA ASSOCIATIONS

35 291

34 206

33 573

33 433

33 958

32 565

– 7,7 %

– 4,1 %

EFFECTIF TOTAL

108 276

105 231

103 593

103 592

102 281

98 152

– 9,4 %

– 4,0 %

Source : APCMA.

Les raisons de cette baisse sont multiples :

– la conjoncture économique dans la mesure où un contrat d’apprentissage correspond à un emploi de salarié ;

– la concurrence entre les différents opérateurs de l’apprentissage et notamment l’offre de l’éducation nationale ;

– une offre de formation pas toujours adaptée à la demande des entreprises. Ainsi, le réseau a du mal à offrir les formations de niveau supérieur malgré l’initiative de l’URMA (Université régionale des métiers et de l’artisanat) et est resté plutôt dans une logique de premier accès à une formation de niveau V (CAP ou brevet ou de Niveau IV qui permet l’installation.

Même si l’apprentissage a été présenté au cours des auditions conduites par la mission comme le « cœur de métiers » des CMA, les difficultés rencontrées traduisent un manque de vision prospective et d’actions engagées sur le long terme.

Alors que le gouvernement a lancé un plan de relance de l’apprentissage qui prévoit notamment d’adapter l’offre d’orientation et de formation aux besoins et de mobiliser les différents acteurs de l’apprentissage pour atteindre l’objectif de 500 000 apprentis en 2017 – ils étaient 400 000 en 2014 –, il convient de s’interroger sur le rôle qui pourrait être celui des CMA dans ce dispositif national.

Selon le Conseil d’analyse économique (CAE) (54), la hausse sur le long terme des effectifs des apprentis qui sont passés de 211 000 en 1992 à 405 000 en 2013 a essentiellement profité aux jeunes diplômés, tandis que la proportion d’apprentis sans diplôme préalable est passée de 60 % à 35 % entre 1992 et 2010. Or, selon l’analyse du CAE, c’est pour les jeunes sans diplôme préalable que l’apprentissage est le plus utile en termes d’insertion professionnelle. Une des recommandations du CAE est donc de concentrer sur l’apprentissage et le préapprentissage les moyens publics en faveur de l’insertion professionnelle : le réseau des CMA pourrait utilement contribuer à la réalisation de cet objectif.

Les rapporteures considèrent qu’il sera par ailleurs indispensable que le réseau mène, en liaison avec les autres acteurs de l’apprentissage, une réflexion sur :

– les modalités de financement de l’apprentissage : doit-il être financé par la taxe pour frais de chambre dans la mesure où il s’agit d’une formation initiale ? Comment doit être répartie la taxe d’apprentissage entre les différents acteurs de l’apprentissage, alors que des négociations sont en cours sur la constitution d’organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA) inter-consulaires ?

– l’adéquation de l’offre de formation à la demande des entreprises ;

– la mutualisation des CFA, tant au sein du réseau qu’entre les réseaux consulaires et avec les autres acteurs comme l’éducation nationale, afin de limiter les doublons. Un tel mouvement permettrait d’une part, d’avoir un interlocuteur unique vis-à-vis de la région et d’autre part, d’élaborer une carte des formations plus cohérente.

TROISIÈME PARTIE : LES CHAMBRES D’AGRICULTURE

Comme pour les deux autres réseaux consulaires, l’inflexion de plusieurs politiques publiques va inévitablement conduire le réseau des chambres d’agriculture à évoluer. Il s’agit de :

– la réforme territoriale qui va introduire une modification des territoires d’intervention consulaire au niveau des nouvelles grandes régions, et des services agricoles déconcentrés ;

– la modernisation de l’action publique de l’État et de ses opérateurs ;

– la mise en œuvre de la nouvelle politique agricole commune pour 2014-2020 qui implique davantage le niveau régional ;

– la contrainte budgétaire et ses conséquences inévitables sur les ressources consulaires.

Sur ce dernier point, les chambres d’agriculture en tant qu’établissements publics, ont été amenées à contribuer au redressement des comptes publics. En effet, l’élargissement en 2013 du nombre des taxes plafonnées a également concerné la taxe pour frais de chambre d’agriculture dont le plafond a été fixé à 297 millions d’euros en 2013 et 2014. Pour 2015, il est de 292 millions d’euros.

Par ailleurs, la loi de finances initiale pour 2015 a prévu :

– un prélèvement appliqué en 2015 et égal à 100 % du montant des fonds de roulement des chambres excédant 90 jours de fonctionnement et versé sur le fonds national de solidarité et de péréquation (FNSP) constitué au sein de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA). Ce prélèvement, évalué à 75 millions d’euros, fait l’objet d’un prélèvement exceptionnel de 55 millions d’euros destiné au budget général de l’État ;

– un effort structurel de réduction de 2 % par an sur trois ans, de 2015 à 2017, du plafond du produit de la taxe additionnelle sur la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB), principale source de financement des chambres d’agriculture ;

– une dépense obligatoire qui sera ajoutée, au budget des chambres : une part du produit de la taxe, selon un taux fixé par décret dans la limite de 5 %, sera reversée par chaque établissement du réseau au FNSP.

Le réseau des chambres d’agriculture se caractérise par son autonomie, tant à l’égard de la tutelle, qu’en son sein même, les chambres départementales disposant d’une autonomie fiscale et financière. Le réseau est en outre marqué par la grande hétérogénéité de ses chambres, tant du point de vue de leurs structures que de leur financement ; de ce fait, la péréquation constitue un enjeu majeur.

Les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle se sont appuyés sur les auditions menées par les rapporteures ainsi que sur le rapport de la mission interministérielle réalisé dans le cadre de l’article 22 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques, sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015 instaurant un prélèvement sur fonds de roulement et un mécanisme de péréquation applicables au réseau des chambres d’agriculture.

I UN RÉSEAU AUTONOME QUI A SEULEMENT AMORCÉ SA RÉORGANISATION

Contrairement aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et aux chambres de métiers et de l’artisanat, le réseau des chambres d’agriculture a été laissé relativement libre de conduire sa propre dynamique de mutualisation et de restructuration territoriale.

C. DES MISSIONS QUI SE SONT DIVERSIFIÉES

1. Des chambres consulaires proches des exploitants agricoles

L’instauration d’un système de représentation des agriculteurs sur le modèle des chambres de commerce remonte au milieu du 19eme siècle. La création des comices agricoles chargées par la loi du 20 mars 1851 d’élire les membres des chambres départementales d’agriculture constitue la première mise en cohésion de la profession.

Après la première guerre mondiale, les impératifs d’intensification et de régulation de la production agricole ont conduit à la création des offices agricoles en 1919. La loi du 3 janvier 1924 relative à l’organisation et au fonctionnement des chambres d’agriculture régionales et départementales a reconnu les chambres d’agriculture comme institutions professionnelles dans chaque département, afin de « revitaliser la production agricole ». Le décret-loi du 30 octobre 1935 crée une assemblée parlementaire des présidents des chambres d’agriculture qui devient auprès des pouvoirs publics, l’organe consultatif et représentatif des intérêts généraux et spéciaux de l’agriculture.

Comme le prévoyait l’avis du Conseil d’État du 17 mai 1949, les chambres d’agriculture, dissoutes par le Gouvernement de Vichy, ont été rétablies en 1949 dans un contexte d’urgence alimentaire après la guerre.

Au début des années soixante, avec la mise en place de la Politique agricole commune, les lois du 5 août 1960 et du 16 janvier 1962 ont consacré le rôle des chambres d’agriculture en matière de développement agricole et économique ; elles se voient, en outre, confier des missions de service public jusqu’alors assumées par l’État.

Les 4 200 dirigeants des chambres d’agriculture sont élus par un corps électoral composé de 3 millions d’électeurs personnes physiques et 50 000 groupements agricoles, répartis en 11 collèges (exploitants, propriétaires, salariés, coopératives agricoles…).

Comparativement aux deux autres réseaux consulaires, le taux de participation aux élections consulaires est élevé (environ 55 %), ce qui témoigne de l’attachement des agriculteurs au réseau et contribue à son autonomie.

RÉSULTATS DES ÉLECTIONS DEPUIS 2013

Organisation

Résultats 2001

Résultats 2007

Résultats 2013

FNSEA/JA

52,8 %

54,9 %

53,39 %

Confédération paysanne

26,8 %

19,6 %

18,54 %

Coordination rurale

12,2 %

18,7 %

20,49 %

MODEF

2,9 %

2,6 %

1,47 %

Apparentés FNSEA

1,4 %

1,9 %

1,35 %

Divers

2,4 %

4,1 %

1,53 %

Union FNSEA / Autres

-

0,1 %

 

Du fait du mode de scrutin applicable à l’élection des chambres d’agriculture (55), le syndicat obtenant la majorité des suffrages assure la direction des conseils d’administration des chambres. Au cours des auditions, la question de la représentativité au sein des instances consulaires a été soulevée. Dans la nouvelle configuration des chambres qui découlera de la régionalisation, une modification des modalités de désignation des élus serait susceptible d’améliorer cette représentativité. Il convient donc d’engager une réflexion sur ce sujet dans le cadre de la mise en place de la nouvelle carte régionale.

2. Un réseau caractérisé par la grande autonomie de l’échelon départemental

a. La grande hétérogénéité des chambres d’agriculture

Le réseau est basé sur une organisation en trois échelons – national, départemental et régional –, sans véritable lien hiérarchique entre eux.

Il comprend 110 établissements : l’APCA, 86 chambres départementales, 19 chambres régionales d’agriculture, deux chambres d’agriculture de région et deux chambres interdépartementales. Compte tenu des antennes locales, le nombre total d’implantations du réseau est de 433.

Le réseau des chambres d’agriculture se caractérise par une hétérogénéité de ses structures. Les effectifs et les budgets sont très variables d’une chambre à l’autre. Ainsi, les effectifs des chambres départementales varient de 42,25 ETP pour la plus petite chambre, celle des Hautes-Alpes, à 144,78 ETP pour celle des Côtes-d’Armor. Quant aux budgets, ils varient de 2,69 millions d’euros pour les Alpes-de-Haute-Provence à 16,45 millions d’euros pour celle de Loire-Atlantique.

b. Des chambres départementales bénéficiant d’une autonomie financière et fiscale

Les élus des chambres départementales votent le produit de l’impôt affecté, la taxe additionnelle sur la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) prévue par l’article 1604 du code général des impôts. Cette taxe est due par les propriétaires de terres, vignes, vergers, bois… Elle est remboursée pour moitié au propriétaire par le locataire fermier ou métayer.

L’article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit l’attribution de son produit aux chambres départementales. Cette faculté de déterminer le niveau de leurs ressources propres donne à ces chambres une large autonomie. En réalité, cette compétence fiscale détermine l’étendue de l’autonomie consulaire au niveau départemental.

Cette autonomie est renforcée par les conditions d’exercice de la tutelle. En effet, même si l’on peut constater une dynamique de renforcement de celle-ci avec plus de relations de transparence et un retour d’information vis-à-vis du ministère, ainsi que cela a été souligné lors des auditions, celle-ci apparaît encore insuffisante et formelle, se rapprochant davantage du contrôle de légalité exercé sur les collectivités territoriales. Ainsi, par exemple, la réglementation concernant l’équilibre budgétaire n’est pas assez précise s’agissant de la définition ou des pouvoirs de substitution de l’État.

c. Des chambres régionales et la tête de réseau limitées à un rôle de coordination

Les membres des chambres départementales désignent, parmi eux, ceux qui siégeront aux chambres régionales. Chargées d’un rôle de coordination et d’orientation des chambres départementales, elles en dépendent financièrement. L’essentiel des recettes d’une chambre régionale provient en effet des cotisations reçues des chambres départementales. Une part seulement du produit de la taxe, fixée à 10 % depuis 2012, est reversée par les chambres départementales aux chambres régionales, déduction faite du versement au fonds national de péréquation et d’action professionnelle des chambres d’agriculture. Seules les chambres interdépartementales et les chambres d’agriculture de région ont le statut d’établissement public se substituant aux chambres départementales et sont de ce fait autorisées à percevoir la taxe pour frais de chambre.

L’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) réunit l’ensemble des présidents de chambres en assemblée plénière. Elle est, auprès des pouvoirs publics, l’organe représentatif des intérêts généraux de l’agriculture. Outre cette mission institutionnelle, ses missions sont :

– le suivi de l’évolution de la politique agricole et rurale, le suivi économique et juridique du secteur agricole au plan national et européen, le statut de l’entreprise agricole, la diversification des activités ;

– la formation et l’enseignement agricole ;

– la coordination et l’activité d’animation du réseau, avec notamment le développement d’outils de gestion communs.

3. Des missions qui se sont diversifiées

a. La représentation des intérêts du monde agricole

L’agriculture et les politiques agricoles doivent aujourd’hui répondre à des enjeux renouvelés et aux demandes faites aux agriculteurs, s’agissant des problématiques environnementales, d’aménagement des territoires et de compétitivité des exploitations.

La fonction de représentation des intérêts de l’agriculture auprès des pouvoirs publics a été confiée aux chambres d’agriculture dès leur création. Elle prend la forme d’avis, de délibérations, de vœux et propositions ainsi que de consultations obligatoires. Cette fonction risque de se trouver confondue avec l’expression du syndicalisme majoritaire résultant du mode de désignation au conseil d’administration évoqué supra. Contribue à cette confusion le fait que cette fonction de représentation n’est pas réellement identifiée dans les budgets des chambres et que son évaluation en ETP apparaît comme la différence entre les ETP totaux et ceux consacrés aux missions d’intervention.

b. Les missions de service public

Des missions de service public incombent aux chambres d’agriculture telles la gestion des centres de formalités d’entreprises (CFE), celle du registre de l’agriculture et de l’Observatoire national de l’installation et de la transmission ainsi que celle de l’identification animale et de la certification des filières.

c. Le développement agricole

À partir de la mission de soutien au développement agricole, les chambres d’agriculture ont progressivement élargi leurs compétences.

Les évolutions législatives récentes – loi n° 2005-1170 du 23 février 2005 relative aux territoires ruraux, loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture – ont accompagné ce mouvement.

De fait, les dispositions du code rural et de la pêche maritime sont rédigées de façon telle que les chambres d’agriculture disposent de marges de manœuvre dans la définition et la conduite de leurs missions. Ainsi, l’article L. 510-1 de ce code prévoit que « le réseau des chambres d’agriculture, et en son sein, chaque établissement, contribuent à l’amélioration de la performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières et accompagnent, dans les territoires, la démarche entrepreneuriale et responsable des agriculteurs ainsi que la création d’entreprises et le développement de l’emploi […] Les établissements qui composent le réseau des chambres d’agriculture ont, dans le respect de leurs compétences respectives, une fonction de représentation des intérêts de l’agriculture auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Ils contribuent, par les services qu’ils mettent en place, au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu’à la préservation et à la revalorisation des ressources naturelles et à la lutte contre le changement climatique ».

Ainsi, les chambres d’agriculture ont été amenées à exercer des missions dans des domaines diversifiés.

L’appui aux entreprises agricoles – création, installation, mise en œuvre de la réglementation issue de la politique agricole commune (PAC) – est un des domaines d’activité principale des chambres d’agriculture. Au nombre des élargissements récents de leurs missions, la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche leur a transféré les missions relatives à l’installation des agriculteurs confiées auparavant aux associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA). Cette réforme s’est accompagnée du transfert des 450 agents qui ont été reclassés au sein du réseau consulaire.

Comme cela a été souligné au cours des auditions, la gestion des dossiers d’attribution des aides de la PAC pour appliquer la dernière réforme européenne, particulièrement complexe, constitue une problématique sensible sur laquelle les chambres d’agriculture sont fortement mises à contribution aux côtés des services de l’État afin de régler toutes les questions techniques portant aussi bien sur la nature que sur le montant des aides. La dématérialisation des déclarations PAC nécessite notamment un accompagnement particulier des agriculteurs.

De façon générale, les auditions ont mis l’accent sur l’importance du service de proximité apporté aux agriculteurs. M. Guy Vasseur, président de l’APCA soulignait devant la mission que « dès qu’un projet ne génère pas de profits, il ne reste que les chambres d’agriculture pour le soutenir. Par exemple, chacun était prêt à s’engager dans la mise aux normes des bâtiments d’élevage, notamment pour la délivrance de conseils dans le cadre des études préliminaires ; mais les coûts et les tensions étaient tels que les chambres d’agriculture sont restées seules à la manœuvre. La situation est la même dans les départements où les agriculteurs sont peu accompagnés ». Au moment où des filières agricoles sont en crise (élevage, secteur laitier) et où la PAC s’est défaite de la plupart de ces mécanismes de régulation, l’accompagnement des agriculteurs en difficultés pour faire face à la perte de compétitivité (concurrence des autres pays européens ou des autres pays émergents) revêt une importance capitale.

Les chambres d’agriculture exercent également une mission de développement des territoires axée sur le soutien aux agricultures de qualité et la valorisation des filières de proximité. Dans ce cadre sont conclus des partenariats avec les collectivités territoriales pour les filières territorialisées : l’exemple du porc noir de Bigorre qui, après avoir quasiment disparu, représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de 13 millions d’euros et une centaine d’emplois, a ainsi été cité devant la mission.

La formation est devenue une des missions importantes des chambres d’agriculture. Dans un contexte où le nombre des salariés agricoles est dans certaines régions, comme la Bretagne, plus important que le nombre d’exploitants qui baisse régulièrement, il est nécessaire de former les jeunes exploitants aux nouvelles technologies.

Les chambres d’agriculture sont également présentes sur le terrain de la recherche et de l’innovation, en complémentarité avec les organismes de recherche. Comme le soulignait M. Guy Vasseur, « des réflexions sont en effet en cours, certains rapports préconisant aux chambres de cesser d’accompagner les exploitations performantes. Nous sommes tous d’accord pour dire que ce serait une hérésie. Si les chambres se coupent des agriculteurs les plus performants, elles seront incapables de délivrer les bons conseils auprès des autres qui, pour telle ou telle raison, sont moins tournés vers l’innovation. Le rôle des chambres est d’accompagner tous les agriculteurs dans leurs démarches de développement. L’utilisation de ressources publiques a du sens pour des exploitations qui développent des innovations dont chacun peut ensuite profiter. Le rôle des chambres est de véhiculer le progrès, en particulier à travers des investissements dans la recherche. La notion de groupe est donc fondamentale, car tout regroupement permet des avancées ».

Enfin, le développement de la performance environnementale constitue un champ nouveau des actions des chambres, tant en direction des agriculteurs que des collectivités territoriales (mise en œuvre de démarches environnementales, gestion de la fertilisation, gestion de l’eau, de la qualité des sols…).

D. LES LIMITES D’UNE RÉORGANISATION LARGEMENT LAISSÉE À L’INITIATIVE DU RÉSEAU

La seconde vague de la révision générale des politiques publiques (RGPP) avait préconisé « la poursuite de la réforme des chambres d’agriculture ». À partir de grandes orientations posées en 2008 et 2010 par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), l’initiative a été laissée aux chambres pour se réformer : les échéances étaient souples et les modalités de mise en œuvre non directives.

Finalement, la méthode choisie a laissé le réseau au milieu du gué et les résultats sont globalement décevants. Lorsque les mesures relatives au financement sont intervenues en lois de finances, le réseau était certes engagé dans sa réorganisation mais de façon très inégale.

1. Les orientations du processus de mutualisation et de réorganisation posées par le législateur

a. Les lignes directrices

Dans ses décisions du 11 juin 2008 et du 30 juin 2010, le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) avait simplement prévu une consolidation du « réseau des chambres d’agriculture autour des chambres régionales, en recherchant la mutualisation des missions et des fonctions » ainsi que la définition, dans chaque région, d’un socle de mutualisation commun prévoyant la mutualisation a minima de dix activités (fonctions support ou activités métiers), cette démarche de mutualisation ayant vocation à être élargie progressivement.

À la différence de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 pour les autres réseaux consulaires, la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a seulement donné aux chambres d’agriculture la possibilité de se regrouper, de contribuer à la réalisation de projets communs et de développer la mutualisation au sein de leur réseau, sous l’égide de l’APCA. Auparavant, l’ordonnance n° 2006-1207 du 2 octobre 2006 relative aux chambres d’agriculture avait eu pour objet de renforcer l’échelon régional du réseau mais n’était pas prescriptive.

Cette ordonnance dotait les chambres d’agriculture d’outils leur permettant de coopérer, travailler en commun et gérer des projets à des fins d’amélioration des services rendus sur l’ensemble des territoires et d’optimisation des dépenses. Ainsi les établissements du réseau pouvaient mettre en place des services communs. En application de l’article L. 514-2 du code rural et de la pêche maritime, les établissements peuvent créer des services communs, notamment par l’exercice des missions de service public, de fonctions de gestion ou d’administration interne. Ces établissements peuvent aussi décider de réaliser des projets communs. Par ailleurs, les services d’un établissement peuvent être à la disposition d’un autre établissement lorsque cette mise à disposition présente un intérêt dans le cadre de la mutualisation des services au sein de la région ou du réseau. Enfin, les établissements peuvent mettre en place des organismes inter-établissements (OIER) dotés de la personnalité juridique et de l’autonomie financière ; ces OIER ont pour objet de gérer des moyens communs ou de mettre en œuvre des actions communes.

b. Une réforme conceptuellement admise par le réseau

Ces orientations et le contexte de la réforme des autres réseaux consulaires ont conduit les chambres d’agriculture à engager leur réforme. Depuis le congrès des chambres d’agriculture de Beaune en 2009, le réseau s’est engagé dans la voie de sa restructuration, en considérant la place de plus en plus importante que seraient amenées à tenir les régions, notamment dans la mise en œuvre de la PAC. En 2009, le programme de réforme « Terres d’avenir », porté par l’APCA, prévoyait un renforcement du réseau au niveau régional et une mutualisation des moyens, selon le calendrier suivant :

– 2010 : adoption de disposition de renforcement des chambres régionales ;

– 2011 : mise en place de conventions d’objectifs entre les préfets de région et les chambres régionales et départementales ;

– 2012 : achèvement de la mise en place dans les chambres du socle d’actions mutualisées.

Dans cette démarche, la méthode choisie par l’APCA a été celle du consensus et du volontariat des chambres départementales.

2. Une mise en œuvre globalement décevante et inégale selon les territoires

a. Les freins à la réorganisation

Les résultats de l’initiative « Terres d’avenir » sont, somme toute, décevants. Quand il y a eu des progrès, ils ont été le résultat d’un projet politique fort. De façon générale, les réticences départementales n’ont pu partout être surmontées ; le degré d’acceptation des chambres à la mutualisation des fonctions support et à la réduction des structures apparaît faible au niveau national. Il ressort notamment des contrôles effectués par la Cour des comptes que si le processus a donné lieu à une réflexion poussée dans toutes les chambres, les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Les principaux freins sont liés à des caractéristiques et des modes de fonctionnement différents, le facteur humain ayant également une grande importance.

Des facteurs ont, en sens inverse, favorisé le processus de restructuration : le nombre limité de départements concernés, la volonté partagée des élus et des agents d’adopter un fonctionnement unique autour d’objectifs bien définis ainsi que l’existence d’un questionnement préalable sur l’évolution des ressources financières des chambres d’agriculture et la transparence financière du processus, se traduisant par la mise en place d’outils spécifiques,

b. Une mutualisation des moyens a minima

Il faut noter en préalable que lorsque la réorganisation a commencé, les chambres d’agriculture n’en étaient pas toutes au même stade de la mutualisation. Si certaines avaient déjà réfléchi à une mutualisation approfondie (Bretagne, Pays-de-la-Loire, Normandie), d’autres étaient restées très en retrait et attachées à une gouvernance départementale.

Du bilan d’étape de l’initiative « Terres d’avenir » établi par l’APCA, il ressort que :

– les priorités ont porté davantage sur les missions opérationnelles que sur les fonctions support : partage des fonctions d’études économiques et d’ingénierie, mutualisation des compétences techniques et de recherche et de développement, selon la configuration ou les besoins des agricultures locales, comme par exemple, l’animation régionale des réseaux d’épidémio-surveillance ou la mise en place de réseaux de fermes dans le cadre du programme Dephy-Ecophyto ;

– le mouvement de mutualisation des fonctions support est cependant enclenché. Il est en cours de finalisation pour le système d’information du réseau (gestion de la relation client, intranet collaboratif, conseil aux agriculteurs, portail national Internet). Entre 2008 et 2012, le nombre d’ETP affectés aux fonctions support a diminué, passant de 16,4 % des effectifs en 2008 à 12 % en 2012 ;

– des services nationaux mutualisés ont été déployés dans certaines régions, de l’ordre d’une dizaine. Il s’agit d’offres de services, d’outils de conseil ou d’outils informatiques. Parmi les chantiers les plus importants, on peut citer l’Observatoire des systèmes d’information qui constitue un outil de suivi commun de la réglementation utilisé par 43 chambres.

La tonalité de ce bilan est plutôt positive. La réalité est toutefois plus nuancée. Certaines régions, comme par exemple le Nord-Pas-de-Calais ou la Bretagne, ont avancé. M. André Sergent, président de la chambre d’agriculture du Finistère, a ainsi indiqué lors de son audition qu’« en 2001, la chambre d’agriculture du Finistère employait 220 équivalents temps plein (ETP) : elle n’en emploie plus que 130, sans que nous ayons eu à procéder pour autant à un plan social. En effet, lorsque nous sommes arrivés, nous avons décidé de diminuer la charge en personnels, qui représentait entre 60 % et 70 % de notre budget. La régionalisation des chambres d’agriculture de Bretagne a permis de réduire le personnel sur l’ensemble de la région, au bénéfice de la chambre régionale qui emploie aujourd’hui quelque 150 ETP ».

Cependant, globalement, la mutualisation peine à se mettre en place alors que le principe en a été décidé en 2009. La dynamique enclenchée est insuffisante dans plusieurs domaines, notamment ceux concernant les dossiers économiques et la mutualisation des fonctions support. Ni l’APCA, ni la tutelle n’apparaissent comme force de propositions et de fait, l’avancée des projets ne dépend que de l’engagement des responsables locaux.

Le rapport de synthèse des audits des chambres d’agriculture de 2013 établi par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), identifie trois niveaux de mutualisation :

– des salariés des chambres départementales ou régionales animent des projets régionaux, les ressources sont partagées mais sans management régional ;

– des pôles régionaux sont constitués. Chaque agent reste affecté à sa chambre d’origine avec une délégation de management à la chambre départementale ou à la chambre régionale en tant que chef de pôle (management partagé). Toutes les chambres contribuent au financement du pôle ;

– un service régional avec mise en commun des ressources humaines et matérielles dans une seule structure localisée dans une des chambres de la région.

Le troisième niveau, le plus abouti, est généralement retenu pour la mise en place d’un service informatique régional. Le deuxième, supposant un management opérationnel d’une part et fonctionnel d’autre part, ne peut constituer qu’une étape transitoire. Le premier, ne reposant que sur la motivation et l’engagement des agents, ne constitue pas une réelle mutualisation mais un fonctionnement en réseau qui, en général, existait avant le lancement de la démarche.

La Cour des comptes a fait part à la mission d’une absence quasi systématique de mesure des effets de la mutualisation au sein du réseau et de volonté de tirer les conséquences de ces effets en réduisant les effectifs. Ainsi, il n’existe pas de consolidation régionale des comptes et les outils analytiques sont faibles. Il est difficile de savoir de manière certaine si la mutualisation a eu un effet sur les effectifs, l’APCA ne fournissant pas de données sociales permettant d’en juger, d’autant que la mutualisation s’est souvent faite par la mise à disposition de personnels plutôt que par des transferts d’effectifs. Il semble y avoir eu un effet plutôt à la baisse sur les effectifs, en raison au minimum du non-renouvellement de départs en retraite.

En outre, les modalités de la mutualisation parfois complexes, entraînent des coûts supplémentaires (réunions, déplacements, peu de visio-conférences, prestations externes d’audit comptables) alors que les économies se font attendre.

La synthèse des rapports audits du CGAAER réalisée en mars 2015 souligne « la prise de conscience et la volonté affichée en matière de mutualisation ». Toutefois, il est indiqué que « la mutualisation marque encore trop souvent le pas, quel que soit le domaine considéré (sauf certaines fonctions support du fait du bénéfice immédiat qui en est retiré, et souvent par nécessité, comme l’informatique). Son aspect très chronophage a été un sérieux frein à sa mise en œuvre au même titre que la volonté d’indépendance de certaines chambres départementales ». Ce rapport juge que « le projet « Terres d’avenir » n’est toujours pas au cœur du chantier de mutualisation ».

c. Un regroupement des chambres insuffisant

La dynamique enclenchée par l’APCA n’a jamais constitué, pour autant et mécaniquement, un renforcement de l’instance de gouvernance de la chambre régionale.

Les fusions se heurtent à un faible degré d’acceptation par les chambres départementales. Deux chambres d’agriculture de région (CAR) seulement ont été créées : la chambre d’agriculture de la région du Nord-Pas-de-Calais en décembre 2013 par fusion des chambres départementales du Nord et du Pas-de-Calais et de la chambre régionale d’une part, et la chambre d’agriculture de la région d’Alsace qui s’est substituée en juin 2013 aux chambres départementales du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et à la chambre régionale, d’autre part.

En 2012, la chambre interdépartementale du Doubs et du Territoire de Belfort a été créée par fusion des deux chambres départementales et la chambre interdépartementale d’agriculture de la Savoie a fusionné les chambres départementales de Savoie et de Haute-Savoie.

Globalement, les chambres régionales d’agriculture se sont renforcées mais elles sont hétérogènes. Ainsi, à côté de structures importantes comme la CRA de Bretagne (environ 100 personnes) et la CRA des Pays-de-la-Loire (80 personnes), certaines restent de petite dimension, ce qui rend difficile leur rôle de pilotage (PACA, Île de France).

S’agissant des modalités de leurs financements, les chambres ont en principe été renforcées sous l’influence de deux facteurs : la montée en puissance des actions mutualisées qui implique des contributions spécifiques de la part des chambres départementales et les dispositions de la loi de finances rectificative pour 2009 qui a fixé la contribution minimale des chambres départementales aux chambres régionales à 4 % du produit de la TAFNB en 2010, 7 % en 2011 et 10 % en 2012.

Cependant, dans certaines régions, les chambres départementales ont régionalisé des actions sans en accorder la contrepartie financière aux chambres régionales. Dans d’autres cas, des circuits de retour vers les chambres départementales se sont mis en place. Cet aspect est souligné dans la synthèse des audits du CGAAER précité : « Les contributions des chambres départementales au financement des chambres régionales sont réalisées conformément à la réglementation en vigueur. Cependant, si la règle semble globalement respectée, il n’en va pas de même de l’esprit. Certaines chambres départementales veulent retrouver l’intégralité de leurs contributions au niveau régional. Ainsi, s’explique l’existence d’un compte de mutualisation figurant dans la mission représentation. Cette pratique montre bien que l’exercice de mutualisation est conduit, dans certains cas, sur l’initiative des chambres départementales, avec une arrière-pensée sans équivoque déjà très clairement identifiée dans le rapport de synthèses des audits de 2013. Il va de soi que l’essentiel de ce compte de mutualisation ne relève pas de la fonction de « représentation » mais bien de la fonction « interventions » ».

De façon générale, si dans certaines régions comme la Bretagne, la chambre régionale joue effectivement son rôle de coordination, dans d’autres, comme en Aquitaine, la chambre régionale n’a pas vraiment acquis de statut et joue son rôle a minima : ainsi, le service élevage mis en place ne concerne pas tous les départements et les chambres départementales ont conservé leurs prérogatives en la matière.

IV. UNE SITUATION FINANCIÈRE FAVORABLE MAIS CONTRASTÉE

Dans son rapport sur la fiscalité affectée (56) de 2013, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) indiquait que quatre secteurs concentrent 45 % du nombre total des taxes affectées : le secteur financier, l’industrie pharmaceutique, les transports et l’agriculture. Le secteur de l’agriculture constitue un cas à part du fait de la multiplicité des contributions volontaires obligatoires (CVO) qui, ajoutées aux autres taxes affectées sectorielles, élèvent le montant total de ces dernières auxquelles le secteur est assujetti à 72, dont la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour frais de chambre d’agriculture.

A. DES RÉSULTATS VARIABLES SELON LES CHAMBRES

En préalable, il faut noter qu’une consolidation des comptes des chambres d’agriculture n’est pas disponible et qu’il revient à l’infocentre de la DGFip d’assurer la remontée des comptes financiers de l’ensemble du réseau. Cette agrégation des données souffre toutefois de nombreux doubles comptes, ayant essentiellement pour origine les subventions transitant par les chambres régionales d’agriculture.

Selon ces données, il apparaît que la situation financière globale du réseau est plutôt saine, même si des contrastes importants existent entre les établissements qui le composent.

1. Des résultats globaux excédentaires en dépit d’une baisse depuis 2011

Les produits d’exploitation étaient de 823,3 millions d’euros en 2011 et de 865 millions d’euros en 2013 ; les charges d’exploitation étaient de 816,9 millions d’euros en 2011 et de 869,4 millions d’euros en 2013.

L’excédent cumulé du réseau a eu tendance à se dégrader entre 2011 et 2013. Il était de 18 millions d’euros en 2011, alors qu’il n’est plus que de 0,3 million en 2013, malgré le redressement financier de l’APCA.

Le contraste est fort entre les établissements constamment excédentaires de 2011 à 2013 (51 chambres, soit près d’une sur deux) et ceux constamment déficitaires (15 chambres). Parmi les chambres structurellement déficitaires, certaines ont pourtant bénéficié à plusieurs reprises de dérogations ou de dépassements de taux pivot de taxe entre 2008 et 2012 et leur situation s’aggrave depuis 2013. D’autres n’ont pas eu recours à ces dérogations lorsque cela était possible, et voient en conséquence leur situation se dégrader, le levier fiscal n’existant plus. Par ailleurs, une dizaine de chambres, structurellement excédentaires en 2011 et 2012, connaissent elles aussi un déficit en 2013.

Les dépenses d’exploitation augmentent plus vite (plus 6,4 %) que les recettes (plus 5 %). Ces dépenses sont constituées à plus de 50 % par des frais de personnel : 52,6 % en 2011 et 51 % en 2013, pouvant aller jusqu’à 58 % pour les chambres départementales. La Cour des comptes a indiqué à la mission que la croissance des dépenses de personnel avait été forte entre 2006 et 2013. En effet, dans trois contrôles sur quatre, la Cour a constaté une augmentation des effectifs des chambres, qu’il s’agisse des chambres régionales ou départementales ; moins de 20 % des chambres départementales ont connu une baisse de leur masse salariale entre 2011 et 2013, ce qui rejoint les observations faites supra sur l’insuffisante réorganisation du réseau.

2. Des fonds de roulement en diminution relative

Le fonds de roulement global du réseau est passé de 297 millions d’euros en 2011, soit 4,4 mois, à 305 millions d’euros en 2013, soit 4,2 mois. La trésorerie en fin d’année est passée de 262 millions d’euros à 254 millions d’euros. Cette diminution n’est que relative pour le fonds de roulement.

La Cour des comptes estime que cette diminution pourrait s’expliquer, dans certains cas, par un souci d’optimisation de la gestion plus que par une dégradation des conditions financières. Un certain nombre de chambres conservaient, fin 2013, un fonds de roulement important (supérieur à 6 mois dans une vingtaine de cas). Toutefois, les fonds de roulement élevés correspondent parfois à la mise en réserve de moyens destinés au paiement d’investissements futurs, tandis que la trésorerie importante de certaines chambres peut permettre de faire face aux délais de paiement des subventions européennes.

B. UNE PROGRESSION PLUS RAPIDE DES DÉPENSES QUE DES RECETTES

1. Une baisse prévisible des recettes

Les ressources des chambres d’agriculture sont réparties de la façon suivante :

– la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) : 292 millions d’euros en 2014, soit 42 % des recettes des chambres. Cette taxe couvre près de 80 % des dépenses de personnel ;

– les prestations assurées auprès des agriculteurs, des entreprises agroalimentaires, des collectivités…, à hauteur de 25 % des ressources ;

– les contrats et conventions, subventions (État, collectivités territoriales, Union européenne), à hauteur de 21 % des ressources ;

– les autres ressources représentent 9 % des ressources totales.

La proportion entre ces différentes sources de financement est cependant très inégalement observée d’une chambre à une autre. Ainsi, certaines n’ont pratiquement pas de chiffre d’affaires. D’autres n’ont que des ressources fiscales modestes en raison de la faiblesse des bases fiscales dans certains départements due à l’isolement ou la topographie qui pénalisent les zones de montagne ou les régions d’Outre-mer.

a. Une contraction du produit global de la taxe pour frais de chambre

Chaque chambre départementale vote un montant de recettes qui, au vu du montant de l’assiette, détermine le taux à atteindre pour atteindre l’objectif de produit de la taxe fixé ex-ante. De 2000 à 2011, les lois de finances avaient fixé un taux maximal d’augmentation du produit de la taxe, ce taux ayant fluctué entre 1,5 % et 2 % par an.

Les modalités d’évolution de la taxe ont été sensiblement modifiées par la loi de finances pour 2011. Le montant maximal des recettes de la TATFNB ne peut pas excéder de 3 % le montant perçu l’année précédente. Il est par ailleurs possible de faire varier le taux plafond moyen national appelé « taux pivot » de 1,5 % d’une chambre à l’autre, sans qu’il soit supérieur à 3 % pour une chambre et sans qu’il conduise à dépasser l’augmentation globale pour l’ensemble du réseau autorisée par la loi de finances de l’année. Cette augmentation différenciée permettait de réduire les écarts entre les produits de la taxe et l’APCA réalisait ainsi une péréquation nationale selon des critères assurant le maintien de la cohésion du réseau et la solidarité territoriale. En 2013, avec le plafonnement du produit de la taxe en loi de finances, l’APCA a proposé une évolution de 0 % du produit de la taxe pour chaque chambre ; en conséquence, la péréquation n’est plus possible.

ÉVOLUTION DE LA TAXE POUR FRAIS DE CHAMBRE

TATFNB

2013

2014

2015

2016

2017

Plafond de taxe en M€

297

297

292

285,12

279,18

Augmentation annuelle moyenne 2009-2013

1,35 %

       

Ratio appliqué sur l’assiette 2014

 

1,00

0,98

0,96

0,94

Source : Mission interministérielle sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, avril 2015.

La taxe représente en moyenne un peu moins de 6 euros à l’hectare et 9 euros, si l’on prend en compte les surfaces agricoles utilisées (SAU). Cependant, il ne s’agit que d’une moyenne :

– ce ratio ne rend pas compte des spécificités de chaque département ou des productions hors sol ;

– l’actualisation de la base fiscale de la TATFNB (plus 20,1 % entre 2001 et 2013) n’a pas suivi le même rythme que l’inflation (plus 24,4 % sur la même période) ;

– la base fiscale de certains départements, qui se sont enrichis depuis la fixation initiale des valeurs des terrains dans les années 1960, n’a pas fait l’objet d’un relèvement spécifique ;

– certaines chambres départementales ont pratiqué une politique fiscale, tendant à protéger les exploitations agricoles et ont limité le taux de la taxe à des niveaux bas, tout en posant le principe de facturation des prestations alors que d’autres chambres appliquaient une politique inverse.

Il en résulte des situations très diverses selon les chambres. Le rapport de la mission interministérielle précité a dressé une typologie des différentes situations :

les 8 départements où la base est la plus faible

revenus imposés en €

taux €/ha (TATFNB/SAU)

48

LOZÈRE

2 075 009

4,43

20

À CORSE DU SUD

2 542 966

6,46

05

HAUTES ALPES

2 824 076

12,67

20

B HAUTE-CORSE

3 310 707

14,21

04

ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE

4 901 502

10,08

09

ARIÈGE

5 265 666

13,94

65

HAUTES-PYRÉNÉES

5 997 430

13,71

46

LOT

6 004 644

10,57

Source : Mission interministérielle sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, avril 2015.

Les 8 départements (1) où la base est la plus élevée

Revenus imposés en €

Taux €/ha
(TATFNB/SAU)

71

SAÔNE-ET-LOIRE

48 016 046

8,03

02

AISNE

48 380 686

6,91

49

MAINE-ET-LOIRE

48 891 176

13,40

80

SOMME

49 973 744

7,71

50

MANCHE

52 495 503

8,70

14

CALVADOS

52 619 923

10,37

51

MARNE

64 361 930

7,15

(1) : hors Île-de-France, Nord et Pas-de-Calais, qui font partie des départements à forte base, supérieure à 48 M€ (données partiellement manquantes).

Couverture dépenses de personnel par taxe en %

Les 8 départements où le taux est le plus faible

Revenus imposés Taux (TATFNB/SAU)

en €/ha

40,5

LOZÈRE

2 075 009

4,43

40,7

HAUTE-MARNE

21 981 706

5,53

69,4

AIN

22 204 513

5,53

74,9

ALLIER

32 581 192

5,69

61,7

ARDENNES

21 547 659

5,86

85,5

YONNE

30 082 124

6,11

80,9

INDRE

23 421 516

6,35

72,1

AUBE

37 135 821

6,38

Source : Mission interministérielle sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, avril 2015.

Couverture dépenses de personnel par taxe en %

Les 8 départements où le taux est le plus élevé

Revenus imposés Taux (TATFNB/SAU)

en €/ha

89,3

AUDE

15 451 948

20,15

73,6

SAVOIE-MONT-BLANC

11 745 787

23,00

68,9

RHÔNE

27 064 307

23,73

79,5

GIRONDE

43 359 409

25,29

69,7

VAUCLUSE

26 348 726

28,18

73,4

PYRÉNÉES ORIENTALES

11 716 417

34,32

73,9

VAR

15 330 777

34,84

109,2

ALPES-MARITIMES

11 129 872

45,64

Source : Mission interministérielle sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, avril 2015.

b. Une évolution différenciée des autres recettes

Les autres recettes sont constituées de prestations de service au bénéfice des exploitations agricoles et des collectivités territoriales, de subventions et d’autres produits.

Le rapport de la mission interministérielle précité indique que l’observation des années 2009 à 2013 (hors Alsace, Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais et chambres départementales fusionnées) montre une hausse générale de ces recettes, sauf dans certains départements où une baisse est constatée (Morbihan, Eure et Ariège) ainsi qu’en Haute-Saône et en Corse-du-Sud où ces recettes sont étales.

L’année 2013 est caractérisée par une diminution de ces recettes dans 25 chambres, baisse qui est comprise entre 0,27 % et 19,62 %. Les baisses les plus prononcées figurent dans le tableau infra.

Département

Recettes 2012 M€

Recettes 2013 M€

%

Prestations de service

Subventions reçues

Autres

Alpes-Maritimes

5,472

4,920

– 10,09

baisse

baisse

baisse

Ariège

8,045

7,105

– 11,69

baisse

baisse

 

Eure

9,685

8,850

– 8,68

 

baisse

 

Morbihan

19,309

17,925

– 7,17

baisse

baisse

baisse

Oise

8,339

7,152

– 14,24

 

baisse

baisse

Yonne

9,502

7,638

– 19,62

baisse

baisse

baisse

Source : Mission interministérielle sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, avril 2015.

c. Une baisse des ressources attendue à court terme

La mission interministérielle précitée a effectué une simulation des recettes prévisibles sur les bases suivantes :

– une diminution des recettes fiscales de 2 %, conformément aux dispositions législatives ;

– une évolution des subventions sur la base observée entre 2012 et 2013, malgré les trajectoires retenues quant au soutien de l’État aux collectivités territoriales (moins 11 milliards sur trois ans). Il a été considéré que les collectivités territoriales rurales diminueront de 3 % leur niveau de soutien au monde agricole ;

– une reconduction du montant des prestations de services ;

– une baisse de 1 % des autres produits.

Compte tenu de ces éléments, la baisse des recettes sera au moins égale à 1,61 % par an, à partir de 2015.

(en euros)

 

2012

2013

% 2013 /12

hypo

2014

2015

2016

2017

% 2014/17

Prestations de services

180 868 815

184 347 096

2

0 %

184 347 096

184 347 096

184 347 096

184 347 096

0

Subventions reçues

133 273 758

129 047 899

-3

-3 %

124 956 034

120 993 914

117 157 426

113 442 585

-9,2

Autres produits

23 845 529

24 351 567

+2

-1 %

24 108 051

23 866 971

23 628 301

23 392 018

-3

Total

337 988 102

337 746 562

-0,07

 

333 411 181

329 207 981

325 132 823

– 321 181 699

3,7

%

 

– 0,07 %

   

– 1,28 %

– 1,26 %

-1,24 %

– 1,22 %

 

Total en M€

338

337,3

   

333

329

325

321

-3,7

TATFNB

297

297

   

297,00

291,06

285,12

279,18

-6

TOTAL général

635

634,7

   

630

620

610

600

-4,8

%

 

– 0,04 %

   

– 0,68 %

– 1,61 %

– 1,61 %

– 1,62 %

 

Source : Mission interministérielle sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, avril 2015.

d. Les conséquences de la diminution des ressources

À l’occasion des auditions des chambres d’agriculture, comme au travers des réponses aux questionnaires reçues par la mission, il apparaît que les élus analysent la baisse de leurs ressources, notamment fiscales, comme une menace, potentielle sur l’exercice des missions du réseau. M. Gérard Renouard, président de la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle, regrettait la diminution des « moyens des chambres d’agriculture, alors que l’agriculture doit prendre un virage très serré ».

En revanche, cette baisse des financements n’a eu que peu de répercussions sur les investissements des chambres. Les chambres d’agriculture ne sont en effet pas confrontées aux mêmes problématiques que les chambres de commerce et d’industrie. Les grands projets d’investissements sont peu nombreux. Mme Élodie Lematte, conseillère en charge des affaires financières, de l’emploi et de la protection sociale agricole, au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, a ainsi indiqué qu’« il arrive, à titre très exceptionnel, qu’une chambre d’agriculture soit gestionnaire d’un centre d’expérimentation agricole dans lequel elle a engagé des fonds propres. De telles situations ont un caractère exceptionnel qui n’ont rien à voir avec le mode de gestion par délégation de service public dont les ports ou les aéroports peuvent faire l’objet ». Elle ajoute cependant que « les chambres peuvent parfois s’engager dans des investissements conjoints comme ceux effectués pour la réalisation de stations d’expérimentation en Bretagne ».

En fait, ont principalement été affectés des investissements concernant le patrimoine immobilier du réseau pour la mise aux normes de sécurité et la réhabilitation de locaux des chambres d’agriculture. Toutefois, certains projets d’investissements ont dû être différés comme en région Champagne-Ardenne, la réalisation d’un projet de production de biomasse sur un terrain de 570 hectares, en collaboration entre la chambre d’agriculture et le pôle de compétitivité « agro-ressources » dans le cadre d’un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) conclu à la suite de la fermeture d’une base aérienne.

À noter que la baisse de cotisations pour les exploitants est de l’ordre de 50 centimes par hectare, ce que les élus jugent être un avantage minime au regard des inconvénients générés par la baisse des ressources fiscales pour le réseau.

2. Des dépenses en hausse tendancielle

a. La rigidité des dépenses de personnels

On constate une hausse des effectifs des chambres tant départementales que régionales.

EFFECTIFS DES CHAMBRES

 

2010

2011

2012

2013

Variation 2013/2010

CDA y compris CDA DOM

6 975

7 072

7 087

7 082

+ 1,5 %

CRA

857

914

933

944

+ 10,5 %

APCA

246

253

260

260

+ 5,7 %

Ensemble

8 078

8 239

8 280

8 286

+ 2,6 %

CDA+CRA y compris CDA DOM

7 832

7 986

8 020

8 026

+ 2,25 %

Source : DGPAAT (Direction générale des politiques agricole, alimentaire et des territoires).

Région par région, les variations d’effectifs sont les suivantes :

VARIATION DU NOMBRE D’ETP PAR RÉGION

 

Nombre d’ETP

 

Région

2011

2012

2013

2014

% 2011-2014

Picardie

194,72

197,62

200,21

207,49

6,6 %

Champ Ardenne

251,59

288,25

290,63

293,94

16,8 %

Dont Haute Marne

63,49

87,95

88,03

86,10

35,6 %

Lorraine

273,80

273,40

278,22

281,01

2,6 %

Aquitaine (57)

363,55

372,79

379,35

375,90

3,4 %

Limousin

266,24

271,90

275,04

268,20

0,7 %

Dont Corrèze

85,00

89,40

89,00

83,80

-1,4 %

Dont Creuse

81,75

83,62

84,90

82,29

0,7 %

Dont Haute Vienne

99,49

98,88

101,14

102,11

2,6 %

Poitou Charentes

360,90

350,11

355,89

348,84

-3,3 %

Auvergne

243,93

242,29

242,38

241,34

-1,1 %

Rhône Alpes (58)

573,15

574,77

575,16

540,38

-5,7 %

Bourgogne

293,49

297,08

303,30

303,70

3,5 %

Franche Comté

151,45

150,90

156,23

156,26

3,2 %

Languedoc Roussillon

334,37

327,16

335,92

339,43

1,5 %

Dont Lozère

53,75

49,25

49,80

52,15

-3,0 %

Midi Pyrénées (59)

547,12

552,91

549,09

545,17

-0,4 %

Dont Aveyron

143,79

149,27

144,83

141,91

-1,3 %

Normandie (60)

348,01

352,00

352,50

352,87

1,4 %

Bretagne (61)

396,76

396,42

398,01

392,98

-1,0, %

Centre

423,22

437,31

447,98

451,67

6,7 %

Corse

98,96

103,26

100,50

99,33

0,4 %

Dont Corse du Sud

49,00

46,90

47,60

46,50

-5,1 %

Dont Haute Corse

49,96

56,36

52,90

52,83

5,7 %

Île de France

119,18

118,72

114,02

123,47

3,6 %

PACA (62)

237,10

238,81

241,51

235,80

-0,5 %

Dont Hautes Alpes

37,54

43,03

43,19

42,45

13,1 %

Pays de la Loire

612,47

625,69

621,81

615,98

0,6 %

Total 78 départements

6 090,01

6 171,39

6 217,74

6 173,76

1,4 %

Variation

 

1,3 %

0,8 %

-0,7 %

 

Source : Mission interministérielle sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, avril 2015.

Après une hausse en 2012, due à l’intégration des personnels ADASEA, une légère baisse est constatée en 2014.

Les charges salariales constituent un facteur de rigidité. Plus de 70 % des salariés des chambres d’agriculture relèvent du droit privé et sont régis par le statut institué par la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952. Il résulte de ce statut une augmentation des salaires de base hors prime de 1,7 % par an. Le ministère de l’agriculture estime à un montant de l’ordre de 7,3 millions d’euros par an l’augmentation automatique des charges salariales résultant de l’application du statut.

b. Les autres dépenses de fonctionnement en augmentation

Si certaines régions enregistrent une baisse de leurs dépenses de fonctionnement, la majorité des autres chambres voient leurs dépenses de fonctionnement croître plus vite que les charges de personnel.

DONNÉES DES CHAMBRES DÉPARTEMENTALES ADDITIONNÉES PAR RÉGION

Région

Fonctionnement

Charges salariales

% somme pers + fonc

 

2012

2013

%

2012

2013

%

 

Alsace

2 966 094

nd

%

7 845 096

nd

%

 

Champagne-Ardenne

6 169 265

6 204 739

+ 0,6

14 191 243

14 439 981

+ 1,8

+ 1,4

Lorraine

7 499 836

7 312 637

– 2,5

14 165 204

13 800 144

-2,6

– 2,5

total ACAL

16 635 195

   

36 201 543

     

Aquitaine

14 047 225

13 769 960

– 2,0

24 076 127

25 064 218

+ 4,1

+ 1,9

Limousin

6 820 972

7 354 523

+ 7,8

12 664 421

12 690 489

+ 0,2

+ 2,9

Poitou-Charentes

8 122 449

8 533 319

+ 5,1

18 107 044

18 124 110

+ 0,1

+ 1,6

total ALP

28 990 646

29 657 802

+ 2,3

54 847 592

55 878 817

+ 1,9

+ 2,0

Bourgogne

9 997 229

8 737 397

– 12,6

12 399 981

12 867 838

+ 3,8

– 3,5

Franche-Comté

4 018 066

4 224 686

+ 5,1

8 340 752

8 194 749

– 1,8

+ 0,5

total BFC

14 015 295

12 962 083

– 7,5

20 740 733

21 062 587

+ 1,6

– 2,1

Corse

2 015 368

1 851 936

– 8,1

4 822 672

4 769 976

– 1,1

– 3,2

Languedoc-Roussillon

9 456 358

8 680 334

– 8,2

18 140 007

18 851 223

+ 3,9

– 0,2

Midi-Pyrénées

17 229 640

18 976 734

+ 10,1

29 420 317

29 592 215

+ 0,6

+ 4,1

total LRMP

26 685 998

27 657 068

+ 3,6

47 560 324

48 443 438

+ 1,9

+ 2,5

Picardie

7 381 131

7 443 836

+ 0,8

11 219 894

10 695 733

– 4,7

– 2,5

Bretagne

17 720 295

17 205 059

-2,9

30 142 729

30 213 273

+ 0,2

– 0,9

Normandie

10 491 331

10 441 794

-0,5

22 156 398

20 763 518

– 6,3

– 4,4

Pays de la Loire

16 518 980

16 799 972

+ 1,7

32 175 238

30 261 724

– 5,9

– 3,4

Total national

185 229 437

188 118 978

+ 1,56

360 485 442

366 650 669

+ 1,71

+ 1,66

Source : DGPAAT.

V. LES VOIES D’UN FINANCEMENT PÉRENNE ADAPTÉ AUX MISSIONS DU RÉSEAU

L’article 34 de la loi de finances pour 2015 a écrêté les fonds de roulement, prélevé 55 millions d’euros sur le produit de cette mesure au bénéfice du budget de l’État et décidé d’une trajectoire en baisse du produit de la taxe pour frais de chambre de 2 % par an jusqu’en 2017.

Au vu des développements précédents, les rapporteures considèrent que l’application de cet article n’est soutenable que si les dépenses des chambres sont mieux maîtrisées, ce qui rend indispensable de passer à une autre étape de la réorganisation du réseau.

A. PASSER À UNE AUTRE ÉTAPE DE LA RÉORGANISATION DU RÉSEAU

1. En fixer les modalités par voie législative

Le projet « Terres d’avenir » a incontestablement provoqué chez les élus consulaires agricoles une prise de conscience de la nécessité de mutualiser un certain nombre de missions, comme l’ont montré les auditions de la mission ainsi que les réponses apportées aux questionnaires adressés par la mission à l’ensemble du réseau. L’arrivée de nouveaux présidents, suite aux élections de 2013, y a sans doute contribué.

Toutefois, les progrès apparaissent bien modestes. Les chambres régionales ne se situent toujours pas au centre du réseau et elles dépendent étroitement de la volonté des chambres départementales. Le fait que l’on ait resserré les financements est certes de nature à conduire le réseau à approfondir sa réflexion sur la meilleure façon de s’organiser afin de mieux dépenser. La réforme territoriale avec la création au 1er janvier 2016 de chambres régionales calquées sur les nouvelles régions et le contexte économique constitue en outre une occasion de réorganiser le réseau pour le rendre plus efficient.

L’APCA a, en ce sens, adopté en mars 2015 un projet intitulé « Colonne vertébrale » qui se situe dans la continuité du projet « Terres d’avenir ». Il définit un ensemble de missions, notamment les missions support, qui devront être regroupées au niveau régional. Par ailleurs, il traite de la désignation des futures grandes chambres régionales qui seront calées sur la nouvelle carte des régions.

Cependant, compte tenu, comme le soulignait Mme Elodie Lematte, de « l’existence dans la gouvernance des chambres d’une inertie et d’une capacité d’opposition aux demandes et aux obligations qui leur sont faites, freinant ainsi les évolutions du réseau », les rapporteures estiment que, comme pour les autres réseaux consulaires, le législateur doit fixer les modalités de mutualisation et d’organisation régionale du réseau.

2. Mettre l’échelon régional au centre du réseau

Le regroupement des structures au niveau régional s’inscrit dans la logique de la montée en puissance du niveau régional comme échelon de portage des politiques publiques. En ce qui concerne l’agriculture, l’enjeu de la réorganisation est le renforcement du pôle régional avec l’évolution de la PAC et notamment la régionalisation du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural). Les chambres d’agriculture doivent être plus fortes pour porter la discussion au niveau régional.

La régionalisation du réseau devra s’accompagner :

● du transfert de toutes les fonctions support au niveau régional

La mutualisation de ces fonctions permettra de limiter notamment les charges de personnel.

Alors que la mutualisation s’est souvent traduite par des conventions de mise à disposition de personnels, les personnels concernés doivent être placés sous la responsabilité unique du directeur de la chambre régionale. Par ailleurs, préparer les personnels aux fonctions mutualisées implique l’instauration d’un dialogue social et d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’échelle des régions avec une mise en place progressive, la définition d’un calendrier, un état des lieux des emplois et des salariés concernés par la régionalisation ainsi qu’un dispositif d’accompagnement. La gestion des ressources humaines doit être utilisée comme un instrument de pilotage du réseau. On peut noter que l’intégration des personnels ADESA dans le réseau s’est bien passée, ce qui montre la capacité de réaction du réseau.

● de la sécurisation du financement des chambres régionales

À partir de 2017, le rapport de la mission interministérielle sur les chambres d’agriculture précité propose que le produit de la TATFNB soit transféré du niveau départemental au niveau régional, ce qui nécessitera une modification de l’article 1604 du code général des impôts. Cette mesure serait effectivement à même de vaincre les réticences des chambres départementales à s’engager dans la mutualisation ;

● de la signature de conventions entre l’État et le réseau.

Les conventions d’objectifs et de moyens des chambres d’agriculture existant à ce jour ne portent que sur la dimension de développement agricole – ce qui est normal, cette mission étant historiquement dévolue aux chambres. Le ministère de l’agriculture et l’APCA signent ainsi un contrat d’objectif dans le cadre de l’élaboration du programme de développement agricole et rural. Ce contrat fixe le cadre de référence à partir duquel les chambres régionales et départementales vont élaborer et conduire leurs programmes d’actions. Par définition, ce dispositif ne porte pas sur l’ensemble des actions des chambres. Seule la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture a créé l’obligation pour les chambres d’agriculture d’Outre-mer, les collectivités territoriales concourant à leur financement et à l’État d’établir un contrat d’objectifs et de performance.

Dans la mesure où les chambres d’agriculture sont des établissements publics qui perçoivent une taxe affectée, un équilibre entre une gouvernance autonome et le respect des orientations portées par le ministère doit être trouvé.

Les rapporteures recommandent donc qu’un contrat d’objectif et de performance soit signé entre l’APCA et l’État et soit décliné dans des conventions d’objectifs et de moyens au niveau régional.

● du renforcement du rôle de la tête de réseau

La réorganisation du réseau nécessite un pilotage pour définir et porter un projet stratégique. La Cour des comptes va au cours de l’année 2015 mener une évaluation du rôle de coordination tenu par l’APCA. D’ores et déjà, elle a indiqué aux rapporteures que les contrôles récents tendent à montrer que l’APCA n’apportait pas un appui suffisant et ne fixait pas une ligne directrice aux autres établissements du réseau. L’APCA devra s’appuyer sur les larges compétences que lui donne l’article L. 513-1 du code rural et de la pêche maritime pour apporter un appui méthodologique et être une force de médiation entre les différents établissements du réseau.

Les rapporteures considèrent que tout en maintenant l’échelon départemental de proximité, l’échelon régional doit être l’élément pivot du réseau. À court terme, l’article 1604 du code général des impôts devrait être modifié afin de transférer le produit de la taxe additionnelle sur la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) aux chambres régionales.

● d’une définition de l’articulation des missions entre le niveau départemental et régional

Si l’échelon régional est pertinent pour la définition stratégique des politiques publiques, une articulation de la répartition des tâches entre les niveaux départemental et régional devra être définie. Le maintien d’un échelon de proximité est nécessaire. En effet, la réglementation datant des années 70 et 80, était très structurante et correspondait avec le rôle des chambres d’agriculture qui dispensaient des solutions techniques standard, développées sur tout le territoire avec une homogénéisation des pratiques. Or la situation a évolué, les besoins sont plus spécifiques d’un territoire à l’autre, avec une multiplication de modèles alternatifs (bio, circuits courts et de proximité). Par ailleurs, avec la disparition des instruments de régulation de la PAC, les marchés sont de plus en plus instables et les agriculteurs doivent être plus réactifs, donc plus accompagnés. Dans les schémas de regroupement régional, il est pertinent de maintenir les chambres départementales comme maillon de proximité.

Les rapporteures encouragent l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture à s’appuyer sur les compétences que lui donne l’article L. 513-1 du code rural et de la pêche maritime, pour élaborer la stratégie du réseau et apporter un appui méthodologique aux chambres.

La réduction du nombre des antennes mérite cependant d’être examinée. Le nombre des implantations a des conséquences sur les dépenses (personnel, fluides, entretien de l’immobilier) et la baisse des ressources doit pousser au réexamen de ces implantations. Comme les représentants des chambres auditionnés par la mission l’ont souligné, être présent sur le terrain aux côtés des agriculteurs constitue la principale raison d’être des chambres. L’implantation des antennes doit donc être replacée dans le contexte de l’offre de services publics en milieu rural. Des critères pourraient être arrêtés pour évaluer le réseau d’antennes dans un département et une région (nombre de visites des agriculteurs et chez les agriculteurs, contacts téléphoniques, taux d’occupation des locaux, lien entre l’antenne et les groupements de développement agricole).

Lors des auditions, certains syndicats se sont montrés réticents à la montée en puissance de l’échelon régional, compte tenu des modalités de gouvernance des chambres. Ainsi, M. François Lucas, premier vice-président de la Coordination paysanne, faisait-il valoir : « J’appartiens à la grande région qui englobera l’Aquitaine, le Limousin et le Poitou-Charentes. Je ne suis pas opposé à une mutualisation des moyens. Mais il s’agit de savoir de quels moyens. Je redoute notamment que la future chambre régionale ait la main sur la communication, au prétexte de faciliter le travail des chambres départementales ». Le champ de la mission n’est pas de s’interroger sur les modalités de gouvernance des chambres. Toutefois, comme cela a déjà été évoqué, dans le cadre de la réorganisation du réseau au niveau régional, les rapporteures considèrent que cette réflexion mériterait d’être engagée.

B. RECHERCHER DE NOUVELLES RECETTES ET SOURCES D’ÉCONOMIES

S’agissant des recettes, comme l’a rappelé Mme Élodie Lematte, « les prestations payantes effectuées par les chambres d’agriculture représentent aujourd’hui 28 % de leurs recettes, ce qui n’est pas négligeable. Le ministère n’est pas opposé à cette pratique, sous réserve qu’elle soit encadrée. Il n’est pas normal que la baisse d’une taxe aboutisse, par un phénomène de vase communicant, à la facturation d’un service que certains agriculteurs seulement pourraient payer. Est ici en jeu l’accès au service public, pour lequel les chambres d’agriculture se voient déléguer des missions et perçoivent une ressource publique affectée. Quand la recette fiscale baisse, la solution la plus facile consiste à rechercher une recette captive nouvelle – je parle de recette captive car, au vu du montant des primes qu’un dossier PAC correctement constitué peut faire gagner à un agriculteur, celui-ci hésitera généralement peu avant de débourser 149 euros. Or, la baisse de taxe n’a pas vocation à être compensée de cette manière par les chambres d’agriculture, mais bien plutôt par des efforts d’efficience et de diminution de la dépense ».

Compte tenu des difficultés financières que peuvent connaître certaines chambres, les prestations payantes auront tendance à se développer. Ainsi, s’agissant du centre de formalités des entreprises (CFE), si la gratuité du traitement administratif est toujours le principe, dans les faits, ce service est souvent payant. Les chambres considèrent que les conseils et les démarches pour monter les dossiers justifient la facturation d’une prestation dont le coût est très variable selon les établissements.

De façon générale, il existe au sein du réseau un discours volontariste sur le développement de prestations de services qui a cependant du mal à se concrétiser en une stratégie claire. Outre l’apport financier qu’elle pourrait représenter, la réalisation de prestations permet de maintenir et de développer des compétences dans le réseau, et ainsi contribuer à son activité, son évolution et son attractivité.

Il est cependant important, y compris sur le plan juridique, d’encadrer la facturation des prestations effectuées par les chambres d’agriculture. La priorité est de ne pas créer une agriculture à deux vitesses, comme l’a souligné M. Gérard Renouard, « Notre modèle a en effet pour caractéristique de permettre à l’ensemble du monde paysan, sans exclusive, d’accéder aux schémas de développement dans le cadre d’un système mutualisé dont les bases dont le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), les chambres d’agriculture et le financement par l’impôt. Or l’effort qui nous est demandé – remplir les mêmes missions avec moins de recettes – nous conduit non seulement à réduire nos charges mais surtout à passer d’un système mutualisé à un système facturé, qui ne sera accessible qu’aux plus fortunés et laissera sur le bord du chemin de nombreux paysans exclus des schémas de développement et de tous les dispositifs permettant à chacun de s’engager dans des voies de progrès. Cette privatisation de nos services sera préjudiciable à un modèle que j’étais fier de défendre au-delà de nos frontières ».

Par ailleurs, ces prestations doivent se faire dans des conditions de concurrence normale, ce qui suppose que les comptes soient séparés et qu’il n’y ait pas de subventions croisées. Par ailleurs, que les chambres d’agriculture effectuent des prestations payantes n’est acceptable qu’à condition qu’elles en tirent des revenus accessoires en proportion de leurs autres ressources, que cette pratique soit encadrée et qu’elle n’entre pas dans le champ des missions de service public : un réseau où la part de ces prestations deviendrait prépondérante perdrait de sa logique consulaire historique.

Il convient donc de s’assurer que les contrats de prestations de service ne sont pas conclus à perte : les coûts directs, notamment les coûts en personnel, doivent être pris en compte dans le calcul du prix que la chambre propose. Outre le risque contentieux pour atteinte au principe de libre concurrence, un contrat à perte contribuerait au déficit de la chambre.

La formation des prix des prestations doit donc pouvoir s’appuyer sur des éléments de comptabilité analytique mise en œuvre au niveau national et régional. Le projet « Octagri » de l’APCA devrait y contribuer. Il établit une norme de calcul du coût des actions des chambres, sur la base de la méthode de coûts complets dans laquelle l’ensemble des charges directes et indirectes est affecté aux missions, programmes, voire aux actions.

S’agissant des dépenses, une attention particulière doit être portée aux subventions versées par les chambres. En effet, le montant total des subventions versées s’est élevé à 20,6 millions d’euros pour les chambres départementales et à 11,3 millions d’euros pour les chambres régionales en 2013. Le montant moyen d’une subvention versée par une chambre départementale est de 230 000 euros, cette valeur moyenne masquant des disparités (les montants varient entre 926 705 euros et 11 189 euros).

Au cours de ses contrôles, la Cour des comptes s’assure que les subventions font l’objet de réexamens périodiques pour éviter les « abonnements » aux subventions. Par ailleurs, la Cour vérifie que le principe selon lequel le financement des syndicats agricoles, qui n’entre pas dans le domaine de compétences des chambres, est respecté. Comme l’a rappelé la Cour des comptes devant la mission, l’institution par la loi de finances pour 2002 n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 d’un financement public pour les syndicats agricoles rend irrégulières les subventions versées à ces organisations par les chambres d’agriculture, en application du principe de spécialité des établissements publics.

Enfin, les dépenses liées aux fonctions de représentation représentent une activité substantielle des chambres (consultation sur les documents d’urbanisme, sur les plans de protection environnementale, sur les projets d’implantation d’équipements). Or cette fonction est actuellement sous-estimée dans le mode de calcul de l’activité et son financement n’est pas identifié. Une modification du plan comptable permettrait de mieux décrire ce poste et le distinguer des frais de représentation des élus.

Les rapporteures recommandent donc la mise en place d’une comptabilité analytique au sein du réseau qui permette notamment d’encadrer les prestations effectuées par les chambres d’agriculture en apportant des éléments sur la formation de leurs prix ; d’introduire des dispositions sur les ressources affectées aux missions de service public ; d’identifier le budget de la mission de représentation des intérêts agricoles et de mieux contrôler l’attribution des subventions.

C. METTRE EN œUVRE UNE PÉRÉQUATION EFFICACE

Les chambres d’agriculture se trouvent dans des situations très diverses, pour de multiples raisons :

– la faiblesse des bases fiscales dans certains départements en raison de l’isolement ou la topographie ;

– la carence de l’initiative privée pour certaines missions à laquelle les chambres doivent se substituer ;

– la difficulté à s’adapter aux changements ou des problèmes de gestion liés à des questions d’organisation ou de management.

Dans ce contexte, la péréquation constitue un enjeu majeur pour le réseau. Or, elle ne s’appliquait, jusqu’à 2015, que dans le cadre, très limité, du fonds géré par l’APCA, le fonds national de péréquation et d’action professionnelle des chambres d’agriculture et le fonds national d’aide à la gestion de l’emploi (FNAGE). Le fonds de péréquation, créé en 1955, avait pour objet de financer divers projets conduits par certaines chambres et présentant un intérêt pour l’ensemble du réseau, par exemple la mutualisation. Cependant, l’essentiel des fonds de ce compte annexe doté de 11,5 millions d’euros en 2013 provenait de la TATFNB perçue sur les parcelles forestières et était affecté au centre national de la propriété forestière. En 2011 et 2012, les subventions du fonds aux chambres en difficulté ne dépassaient pas 0,211 et 0,583 million d’euros. Le FNAGE est, quant à lui, destiné à prendre en charge la gestion et le versement des allocations d’assurance chômage des agents des chambres d’agriculture licenciés. Ce fonds est déficitaire en raison de la réduction des effectifs des chambres depuis quelques années.

La loi de finances pour 2015 a mis en œuvre de nouvelles modalités de péréquation en créant un fonds national de solidarité et de péréquation (FNSP) destiné « à fournir aux chambres d’agriculture une ressource collective pour la mise en œuvre de la péréquation, des orientations et modernisations décidées par son réseau ». La situation financière des chambres d’agriculture est prise en compte dans les décisions d’affectation des crédits du FNSP.

Ce fonds de péréquation, géré par l’APCA, doit être alimenté par une part du produit de la TATFNB, selon un taux fixé par décret, dans la limite de 5 % de ce produit. Pour l’année 2015, ce fonds est alimenté par les excédents des fonds de roulement des chambres d’agriculture. La loi de finances pour 2015 a en effet prévu d’instituer un prélèvement exceptionnel pour l’année 2015 sur les chambres d’agriculture, au profit de l’État, selon le dispositif suivant :

– d’une part, un prélèvement de 100 % de la part du fonds de roulement supérieur à 90 jours de fonctionnement dans chaque chambre d’agriculture départementale, interdépartementale, de région ou régionale, au profit du FNSP ;

– d’autre part, un prélèvement de 45 millions d’euros sur le FNSP pour le budget de l’état.

Tant la diminution du plafond que le prélèvement sur fonds de roulement, ne sont pas révélés satisfaisants du point de vue de la péréquation :

– la diminution du plafond de 5 millions d’euros, comme son gel antérieurement, touche indistinctement toutes les chambres, en entraînant une réduction structurelle automatique de 2 % du montant de la taxe qui leur est notifiée. Elle pénalise donc les chambres qui nécessiteraient une revalorisation de leurs ressources fiscales et qui voient en conséquence leurs déficits s’aggraver. Elle n’a en revanche que peu d’effets sur celles qui avaient anticipé ces mesures en mobilisant dans le passé des ressources excédant leurs besoins. Une telle mesure doit donc s’accompagner d’un renforcement de la péréquation entre les établissements du réseau ;

– le prélèvement sur les fonds de roulement supérieurs à trois mois n’était censé pénaliser que les établissements dont le fonds de roulement était jugé excessif, pour alimenter le dispositif de péréquation. Toutefois, la plupart des chambres étaient potentiellement concernées puisqu’une dizaine seulement se situait au-dessous du seuil de fonds de roulement. On peut en outre observer que le prélèvement exceptionnel de 55 millions d’euros opéré au profit de l’État sur ce fonds ne permet pas à celui-ci de consacrer plus de 15 à 20 millions d’euros aux efforts de mutualisation et aux chambres en difficulté.

Une première tranche du fonds, à hauteur de 11 millions, va être affectée rapidement, selon le tableau prévisionnel infra, en appliquant les critères suivants :

– le degré d’engagement dans la démarche de restructuration du réseau avec notamment la prise en compte de la spécificité des chambres de région, des chambres ayant fusionné et des chambres engagées dans des projets de régionalisation ;

– la part de la ressource fiscale dans le total des charges salariales est supérieur à 60 % ;

– les autres critères d’analyse financière comme le fonds de roulement, l’endettement, la capacité d’autofinancement et la trésorerie ;

– les projets d’investissements engagés ou prévus.

CRITÈRES POUR L’ATTRIBUTION DE LA PREMIÈRE TRANCHE
DU FONDS DE PÉRÉQUATION POUR 2015

Critère

 

Revenu

 

Critère

Critère

Ratio d’alerte APCA

Personnel/taxe

 

imposé

% taux fiscalité

Chiffre d’affaires

résultat

Fonds de roulement

40,5 %

LOZÈRE

2 075 009

4,43

 

116 532

 

40,7 %

HAUTE-MARNE

21 981 706

5,53

     

52,9 %

AVEYRON

12 794 562

6,88

     

54,2 %

HAUTE-VIENNE

13 490 509

8,72

 

-20 384

< à 3 mois

55,4 %

CREUSE

11 130 982

14,18

 

-59 932

< à 3 mois

57,8 %

MOSELLE

25 086 284

8,29

     

57,1 %

HAUTES-ALPES

2 824 076

12,67

   

< à 3 mois

57,6 %

CORSE DU SUD

2 542 966

6,46

-47 146

-75 537

< à 3 mois

58,5 %

HAUTE-CORSE

3 310 707

14,21

     

61,9 %

CORRÈZE

9 081 880

11,83

-777 137

-1 268 181

< à 3 mois

61,7 %

ARDENNES

21 547 659

5,86

     

63,5 %

HAUTE-LOIRE

12 211 968

11,07

   

< à 3 mois

64,9 %

LOT

6 004 644

10,57

-45 964

-178 657

< à 3 mois

65,3 %

BOUCHES- DU-RHÔNE

25 534 768

17,18

-237 906

-490 304

< à 3 mois

64,5 %

CANTAL

9 228 561

8,10

     

63,6 %

HAUTES-PYRÉNÉES

5 997 430

13,71

-5 241

-91 280

 

66,8 %

VENDIT

38 267 048

8,81

 

-77 835

< à 3 mois

69,4 %

AIN

22 204 513

5,53

-71 207

-180 307

< à 3 mois

66,9 %

ARIÈGE

5 265 666

13,94

-60 035

-189 876

< à 3 mois

70,0 %

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES

19 155 574

8,99

-89 627

-284 397

< à 3 mois

 

Total 20

   

-1 334 263

-3 033 222

Total 12

Source : Mission interministérielle sur l’analyse des conditions de soutenabilité de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, avril 2015.

Une deuxième tranche du fonds pour un montant de 9 millions d’euros sera répartie par la suite en examinant les projets d’investissements et les capacités d’autofinancement.

À compter de 2016, le FNSP sera financé selon les dispositions de l’article 34 de la loi de finances pour 2015, par une part du produit de la taxe, selon un taux fixé par décret dans la limite de 5 %. Les éléments sur le montant de cette future recette ne sont pas connus à ce jour.

La pérennisation du FNSP doit constituer un outil pour accélérer la mutualisation dans le réseau et avoir pour objectif de financer les projets d’investissements communs à plusieurs chambres ainsi que de venir en aide aux petites chambres et aux chambres confrontées à des déséquilibres d’exploitation structurels ou passagers. La péréquation au sein du réseau globalement faible devrait être encouragée, à condition de ne pas devenir un encouragement à l’immobilisme et un obstacle à la mutualisation.

Les rapporteures souhaitent donc que soient fixés au réseau des objectifs clairs de rationalisation de la dépense d’exploitation et de prise en compte des critères d’aide à l’investissement, particulièrement en direction des chambres en difficultés.

D. ENGAGER LA RÉFLEXION SUR DE NOUVELLES MODALITÉS DE FINANCEMENT DU RÉSEAU

La taxe pour frais de chambre a le mérite d’assurer une relative simplicité au financement des chambres. Pour autant, au cours de leurs auditions, eu égard aux situations diversifiées des chambres, les rapporteures se sont interrogées sur la pertinence d’en changer les modalités de financement, pour l’asseoir, par exemple, sur le chiffre d’affaires, comme cela est déjà le cas pour le compte d’affectation spéciale développement agricole et rural qui est financé par une fraction du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires.

Le financement du réseau par la TATFNB présente un certain nombre d’inconvénients. En effet, les bases de cette taxe n’ont pas été revues depuis 1961 ; l’absence de révision de ces valeurs cadastrales est susceptible d’affecter l’équité dans la mesure où l’imposition n’évolue pas avec les variations réelles des valeurs des propriétés. La nécessité d’une révision des bases mériterait donc d’être considérée de la même manière que cela est envisagé pour la contribution foncière des entreprises ou la taxe d’habitation.

Au-delà de l’actualisation souhaitable des bases, il y a lieu de se demander si ce mode de financement est bien adapté aux services rendus par les chambres d’agriculture. En effet, les superficies des exploitations ne constituent pas un critère homogène au regard des productions et de la valeur ajoutée rapportée aux surfaces considérées.

Pour la mission interministérielle précitée, « les limites du financement par la TATFNB appellent une réflexion sur une ressource alternative ». Elle propose un financement reposant sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles qui constituerait une assiette plus équitable, avec un basculement progressif qui favoriserait l’acceptabilité des transferts de charge résultant d’un tel changement. Au cours des auditions, il a en effet été souligné qu’une telle imposition devrait être répercutée sur les exploitants et sur les prix. La mission interministérielle propose de réserver ce mode de financement aux chambres régionales, cette ressource propre permettant d’encourager le développement de ce niveau en échappant aux réticences des chambres départementales quant au transfert de taxe.

Au vu de ces éléments et en raison des inconvénients du financement par la TATFNB, les rapporteures souhaitent qu’une réflexion soit engagée sur un autre mode de financement.

E. REDÉFINIR LA MISSION DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE

La mission de développement agricole a été transférée aux chambres d’agriculture dès 1960. Comme le souligne le bilan des audits de chambres d’agriculture menées de 2008 à 2012 précité, cette mission n’apparaît jamais traitée dans sa globalité et les chambres d’agriculture « définissent leurs actions le plus souvent en fonction des sources de financement qu’elles peuvent mobilier. » Ce bilan constate que les actions sont conduites soit directement par les chambres, soit « plus ou moins déléguées » à des groupements de développement, comme les groupements de développement agricole (GDA).

Dans la mesure où, ni le cahier des charges des audits des chambres d’agriculture, ni celui des audits du CASDAR ne permettent de porter un jugement qualitatif et quantitatif sur les actions de développement agricole conduites par les chambres d’agriculture, il recommande d’« analyser la mise en œuvre concrète des missions de développement agricole des chambres d’agriculture au profit des exploitants agricoles ».

De plus, dans l’exercice de cette mission de développement agricole, d’autres acteurs interviennent à côté des chambres d’agriculture. En effet, celles-ci ont été créées au milieu du XIXème siècle, la loi de 1924 leur ayant donné un nouvel essor et au fil du temps, d’autres acteurs sont apparus, telles les coopératives agricoles qui constituent des réseaux de conseil pour leurs adhérents parfois mieux identifiées que les chambres d’agriculture. M. Guy Vasseur a ainsi expliqué, s’agissant du projet précité en Champagne-Ardenne, que la chambre d’agriculture n’a pas été le seul acteur et que « de tels projets requièrent la mobilisation et l’engagement des producteurs ; et pour ce faire, les chambres d’agriculture ont, au côté des coopératives, un rôle moteur ».

Les Instituts techniques agricoles (ITA), implantés sur l’ensemble du territoire et spécialisés par filières de production, mènent parallèlement des actions de recherche appliquée, d’appui technique, d’expertise et de formation. Ils exercent une mission opérationnelle dans la création et la diffusion du progrès technique en agriculture. 50 % des 180 millions d’euros du budget de ces instituts sont constitués de ressources publiques.

Par ailleurs, les Organismes nationaux de vocation agricole et rurale (ONVAR) sont des associations ayant une action locale et qui participent à des orientations du Programme national de développement agricole et rural pour favoriser l’émergence de projets territoriaux.

Les chambres d’agriculture ont pour elles d’être des établissements publics à caractère généraliste et ont vocation, à ce titre, à accueillir tous les agriculteurs, affichant une plus grande proximité avec le terrain que les autres opérateurs dans le domaine agricole. La Cour des comptes a indiqué à la mission n’avoir « pas connaissance de guerres ou de frontières entre les différents opérateurs d’autant que les chambres comptent souvent en leur sein des représentants des autres acteurs du secteur agricole, ce qui favorise sans doute un équilibre naturel dans les différents champs d’intervention ».

Cependant, les rapporteures considèrent indispensable de favoriser les synergies, les rapprochements et la coordination entre les activités des différents réseaux et les différents acteurs afin de dégager des économies.

Par ailleurs, comme le souligne le rapport de la mission interministérielle sur les chambres d’agriculture précité, une clarification serait nécessaire sur le maintien des compétences en matière de forêt du réseau des chambres d’agriculture et celui des centres régionaux de la propriété forestière (CRPF). En effet, les chambres restent compétentes dans le domaine forestier alors qu’un autre établissement public, le Centre national de la propriété forestière en est également chargé. Cet établissement public regroupe 3,5 millions de propriétaires fonciers, 11 millions d’hectares de forêt et est implanté sur le territoire via 18 centres régionaux.

QUATRIÈME PARTIE : DÉPASSER LES CLIVAGES ENTRE LES TROIS RÉSEAUX

L’existence de réseaux consulaires distincts constitue une des caractéristiques du modèle consulaire français. Si d’autres modèles sont possibles – réseau consulaire unique (Espagne), guichet unique pour les entreprises (Pays-Bas) –, cette configuration se rapproche de l’organisation des réseaux consulaires allemands : les 80 chambres de commerce et d’industrie, entités autonomes regroupées sous l’égide de l’association des CCI allemandes coexistent avec les 54 chambres de métiers, personnes morales de droit public placées sous la tutelle du ministère de l’économie du Land.

Les évaluations menées dans le cadre de la révision générale des finances publiques (RGPP), puis celles effectuées dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP), s’étaient interrogées sur le principe du maintien de trois réseaux consulaires indépendants et avaient préconisé leur fusion dans la mesure où leurs missions se rejoignent sur l’accompagnement des entreprises comme sur la formation.

Certaines chambres d’Outre-mer n’ont d’ailleurs pas de réseaux différenciés. À Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, les trois réseaux ont fusionné en un établissement unique sous différentes appellations : Chambre d’agriculture, de commerce, d’industrie et de métiers de Saint Pierre et Miquelon ; Chambre économique multiprofessionnelle de Saint Barthélemy ; Chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin. En Polynésie française, la Chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers regroupe deux réseaux. Même si ces configurations s’expliquent par leur spécificité territoriale (63) et le souci d’efficacité sur un territoire restreint, la transversalité de la démarche peut avoir valeur d’exemple pour des structures consulaires encore trop marquées par une organisation verticale.

L’attachement au principe d’autonomie et d’indépendance des réseaux a certes été réaffirmé lors des auditions et ressort des réponses aux questionnaires envoyés aux chambres consulaires ; mais les réticences proviennent, essentiellement et assez logiquement, des chambres de métiers qui craignent que cette fusion ne soit synonyme d’absorption. Ainsi, alors que plus de 70 % des CCI régionales sont favorables à la perspective d’une fusion de leur réseau avec les CMA, seule une faible minorité (7 %) des chambres régionales de métiers et de l’artisanat se prononcent en sa faveur. Il en va de même pour une majorité des CCI territoriales (68 %) qui sont favorables à une fusion avec les CMA, contre une très faible minorité des CMA départementales (7 %) (64).

Cette position a été réaffirmée par le Président de l’APCMA, M. Alain Griset, lors de son audition par la mission faisant valoir que les CMA avaient comme spécificité « de représenter un public homogène partageant les mêmes valeurs et les mêmes caractéristiques. […] Lorsque les CMA prennent position, elles le font pour l’ensemble du secteur de l’artisanat. Cet élément fort justifie l’existence d’un établissement public spécifique qui représente les entreprises artisanales. J’entends depuis longtemps les propositions de regroupement ou de fusion des réseaux consulaires. Si en 1925 les parlementaires ont voté la création de chambres de métiers spécifiques, c’est parce que les chambres de commerce et d’industrie ne pouvaient pas représenter toutes les entreprises. Ce constat vaut toujours ».

Toute perspective de fusion entre les réseaux des CCI et celui des CMA a été écartée par le Premier ministre, par lettre en date du 4 mars 2014 adressée aux présidents des réseaux consulaires.

Cette position n’écarte pas, au contraire, la question de l’utilité et de l’efficacité des réseaux. (Un sondage récent montre que pour 62 % des TPE, les chambres consulaires n’auraient pas de réelle d’utilité (65) et que seulement 31 % des dirigeants des TPE jugent utile les prestations offertes par les CCI et 48 % des artisans celles des CMA) et de leur légitimité (le taux de participation aux élections professionnelles est inférieur à 20 %, sauf pour les chambres d’agriculture).

M. Renaud Riché, sous-directeur des chambres consulaires au service de l’action territoriale, européenne et internationale de la Direction générale des entreprises, a indiqué à la mission que la réflexion sur le rapprochement entre les deux réseaux menée dans le cadre de la mission des inspections, avait étudié la question à travers « le prisme de Bercy », c’est-à-dire en termes d’économies. « Cela dit, a priori, les agents des deux réseaux ont plus de points communs que de différences : ils sont sous statuts relevant de la même loi et ils sont payés sur la valeur d’un point d’indice, même si celui-ci diffère d’un réseau à l’autre. En revanche, leurs systèmes de rémunération diffèrent. »

Il s’agit de dépasser l’approche strictement financière pour une approche stratégique sur l’intérêt et le service aux entreprises. Face à la nécessité de réduire la dépense publique, et en raison des conséquences des mesures budgétaires pour les réseaux, il va être nécessaire, pour une meilleure efficacité d’ensemble, de poser la question de l’articulation des missions des uns et des autres et en particulier celles des CCI et des CMA.

La question du périmètre des missions et des synergies des chambres d’agriculture avec les deux autres réseaux se pose également mais en termes sensiblement différents dans la mesure où ces chambres exercent des missions plus spécifiques, centrées sur le développement agricole.

I DES REDONDANCES IDENTIFIÉES ET DES COOPÉRATIONS RELEVANT D’INITIATIVES LOCALES

La question des redondances dans le paysage des aides aux entreprises n’est pas nouvelle et se pose bien au-delà de l’action des seules chambres consulaires. L’atomisation de l’offre d’accompagnement des entreprises et sa nécessaire rationalisation ont fait l’objet de nombreux rapports et études. Ainsi, le rapport de l’IGF (66) recensait-il 1 175 dispositifs dans le domaine de la création, de la reprise et de la transmission d’entreprises et chiffrait à environ 6,5 milliards d’euros par an, les interventions des collectivités territoriales en matière de développement économique des territoires.

Sous l’impulsion des pouvoirs publics, ou de leur propre initiative au titre de leurs compétences en matière d’accompagnement des entreprises, les réseaux consulaires ont développé une offre diversifiée qui peut se trouver redondante avec celle de l’État, de ses opérateurs et des collectivités territoriales. Les réseaux ne sont d’ailleurs pas seuls responsables de ce millefeuille dans la mesure où leurs missions régaliennes ont été multipliées, souvent sans souci de cohérence de l’ensemble ou des moyens.

F. UN SOCLE COMMUN DE MISSIONS

1. L’accompagnement des entreprises et la formation

Sur bien des points, le réseau des CCI et celui des CMA exercent des missions qui ont le même périmètre en matière de représentation des intérêts généraux des entreprises ou de gestion des formalités des entreprises.

De nombreuses actions menées par les CMA en direction des entreprises ne sont pas spécifiques aux artisans, que ce soit l’aide à la création d’entreprises, la transmission, les formations ou l’accompagnement à l’exportation. Cependant, sur certains sujets comme l’accompagnement des entreprises en difficultés, les politiques de filières, l’accompagnement des entreprises artisanales en matière de productivité ou de croissance et de développement, ce réseau dispose de moins de moyens.

En matière d’apprentissage, les réseaux consulaires forment annuellement, en gestion directe, dans 142 CFA, environ 100 000 apprentis, 66 000 étant formés par le réseau des CMA. Au sein même des réseaux, des doubles emplois sont constatés. Ainsi, le réseau des CMA dispose de deux CFA en région parisienne qui peuvent accueillir 2 500 apprentis chaque année.

Comme l’a souligné la Cour des comptes et comme le montrent les comptes des CMA (cf. partie III), les centres de formation d’apprentis participent à la fragilité de la situation financière du réseau de ces chambres. Quand leurs capacités globales sont excédentaires par rapport au nombre d’apprentis réellement formés, les recettes sont en baisse alors que les coûts fixes demeurent.

2. Les aides à l’exportation : un exemple d’atomisation des actions

Le réseau des CCI a une mission d’accompagnement des entreprises à l’international qu’il exerce souvent en collaboration. Il a été ainsi donné à la mission l’exemple de ce qui s’est fait en Loire-Atlantique avec la création d’un hub à l’international sous l’égide du conseil régional, qui fédère l’ensemble des acteurs dans ce domaine ; la région ayant confié aux chambres la logique d’appui aux entreprises à travers CCI International. D’autres CCI comme celle du Centre a expliqué avoir recherché également la mutualisation de ses actions à l’international par un accord-cadre couvrant l’ensemble des fonctions de développement économique de la région qui est en instance d’être signé avec le conseil régional. En Franche-Comté, le partenariat de la CCIR en matière d’international avec la région consacre le rôle de la chambre consulaire comme acteur de référence, renforcé depuis l’année dernière par la responsabilité que lui a confiée la région en matière d’internationalisation de la filière agroalimentaire, jusque-là autonome en la matière.

De son côté, l’APCMA s’est donné pour mission de mieux voir reconnue la place des entreprises artisanales à l’international. Dans ce cadre, elle a privilégié la coopération avec le continent africain et a initié une opération expérimentale pour renforcer la présence de l’artisanat à Dubaï. Finalement, l’opération n’a pas été reconduite faute de résultats tangibles. La Cour des comptes notait dans son rapport précité que « la mise en place d’affaires concrètes a nécessité beaucoup de temps et de suivi sur place et généré une mobilisation importante sur place », pour finalement un seul projet concrétisé sur 135 entreprises retenues. Les missions d’accompagnement à l’international des entreprises par les CMA sont en fait concurrencées par d’autres acteurs : fédérations professionnelles, CCI, collectivités locales, réseaux d’entrepreneurs ou opérateurs comme Bpifrance.

G. DES PARTENARIATS ENTRE RÉSEAUX INSUFFISANTS

Lors de l’examen de la loi du 23 juillet 2010, la question de la fusion des réseaux avait également été posée. Finalement, l’article 18 de la loi avait seulement ouvert la possibilité aux chambres de commerce et d’industrie et à celles du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat de constituer, « à titre expérimental et pour une période déterminée, des groupements inter-consulaires pour la défense d’intérêts communs et spéciaux ». Le décret qui devait en préciser les modalités n’a jamais été publié.

Sans qu’il soit possible à la mission d’en dresser un bilan, les chambres se sont attachées à lui faire connaître les initiatives qu’elles ont prises dans le sens d’une plus grande synergie des actions.

Il en ressort que ces initiatives, souvent antérieures à la loi du 23 juillet 2010, dépendent de la volonté de chacun des intervenants et des problématiques locales, avec une participation conjointe au sein d’associations au service du développement local. Par ailleurs, elles sont multiformes et présentant des degrés de coopération plus ou moins poussés : cela va des actions ponctuelles (salons), jusqu’au guichet unique à l’export (Alsace) ; de la mise en commun de structures (par exemple des hôtels inter-consulaires ou des antennes locales), à certaines actions menées en commun en direction d’entreprises comme, exemple parmi beaucoup d’autres, dans l’Ain.

À Grenoble, le CFE est une structure commune aux deux réseaux. Comme l’a précisé Jean Vaylet, président de la CCI de Grenoble : « Nous nous efforçons de créer des synergies avec la chambre des métiers. Ainsi le responsable du Centre de formalités des entreprises de la chambre des métiers assure-t-il également l’encadrement du CFE de la CCI. Nous nous efforçons aussi de gérer en commun les Centres de formation d’apprentis. Nous avons même proposé à la ministre d’expérimenter le regroupement des deux chambres, au moins pour un certain nombre de métiers et de fonctions. »

La CCI Haute-Savoie a mis en place des actions en partenariat avec la CMA, comme par exemple Les Oséades (projet porté par la CCI, la CMA et le Conseil départemental et qui regroupe sous une même « marque » plusieurs événements dédiés aux porteurs de projets et aux entreprises) mais aussi via les missions d’études pour les collectivités notamment par un partenariat CCI/CMA qui a fait l’objet en 2010 d’une convention.

De même, un partenariat étroit s’est engagé entre CCI et CMA en Loire-Atlantique. Comme l’a présenté, M. Olivier Rocaboy, directeur de cabinet du président de la CCI Nantes Saint-Nazaire. « Nous avons ainsi développé de multiples coopérations avec la chambre des métiers de Loire-Atlantique : nous animons conjointement des agences inter-consulaires en Loire-Atlantique ainsi que les plateformes d’initiatives locales, et nous avons créé, à Saint-Nazaire, une Maison de l’apprentissage qui accueille 500 apprentis issus de nos différents centres de formation. » Il a ensuite précisé que cette politique partenariale était également développée avec la chambre d’agriculture, dans le cadre d’une association, 3C44, qui regroupe les trois chambres. Il s’agit de privilégier une approche commune des documents d’urbanisme afin de défendre la place du développement économique dans les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme du territoire de Loire-Atlantique. »

Plus généralement, le Président de la CCI de l’Ain fait valoir que compte tenu du nombre de doubles ressortissants du réseau, des mutualisations sont déjà opérationnelles sur le terrain notamment en matière de création d’entreprise et d’échanges d’outils méthodologiques sur des thématiques communes (67).

Il en va de même, comme l’a indiqué son secrétaire général, pour la CMAR du Centre : « Nous travaillons beaucoup avec les autres chambres consulaires. Dans le cadre de conventions que nous signons en ce moment avec les communautés de communes, la CCI intervient en matière de marketing territorial et de promotion du territoire et la chambre de métiers et de l’artisanat en matière d’appui de proximité au développement des entreprises. Les chambres de notre réseau collaborent aussi très souvent avec les chambres d’agriculture, par exemple pour la promotion du terroir, l’organisation d’événements comme les salons autour de l’agroalimentaire, le développement de filières… Nous avons beaucoup en commun avec ces chambres. Dans ma région, la chambre d’agriculture qui a peu d’apprentis, s’apprête à nous demander si nous pourrions prendre en charge son service d’apprentissage pour éviter qu’une structure ne gère que soixante-dix jeunes. »

Enfin, des pôles inter-consulaires mutualisant certains services ont été créés dans plusieurs départements. Ainsi le pôle inter-consulaire de Charente rassemble sur un même lieu les services des CCI de la chambre des métiers et de l’artisanat et de la chambre d’agriculture de la Charente ; le Pôle inter-consulaire de la Dordogne regroupe la CCI Dordogne, la Chambre de Métiers et la Chambre d’Agriculture et 21 associations de développement économique. En revanche, il n’existe aucune agence inter-consulaire qui se substituerait aux chambres consulaires.

VI. AMÉLIORER LA TRANSVERSALITÉ ENTRE LES RÉSEAUX

Dans un souci d’efficacité et d’économies, les réseaux doivent se rénover. Défendre son indépendance ne doit pas être une façon de refuser une remise en question. Aujourd’hui, la transversalité des métiers et les apports des innovations impactent les secteurs de l’artisanat, du commerce et de l’industrie. Or, les chambres reposent sur un fonctionnement encore trop vertical.

Sans nier la spécificité de la représentation et des actions menées par chacun, un objectif de rapprochement opérationnel entre structures consulaires afin d’améliorer la qualité de service aux entreprises, en optimisant les ressources publiques dévolues à cet effet paraît indispensable. Si chaque réseau dispose de ses spécificités propres (en particulier, la gestion par les CCI d’équipements publics tels que les ports ou les aéroports ; des CMA plus orientés vers la gestion des CFA), de nombreux points communs les rapprochent : représentation de catégories socio-professionnelles auprès des pouvoirs publics, exécution de missions de service public avec perception de recettes fiscales, même objectif de service aux entreprises, rôle en matière de formation, existence d’un statut du personnel de droit public...

A. MUTUALISER LES MOYENS

La très grande majorité des CCI territoriales (92 %) comme 80 % des CCI régionales sont favorables à la mutualisation de certaines de leurs fonctions avec le réseau des CMA. À l’inverse, on retrouve la même hostilité des CMA à cette évolution, qu’à la perspective de fusion des deux réseaux. Seules 24 % des CMA départementales 25 % des CMA régionales y sont favorables.

Pour autant, les réseaux doivent s’engager résolument vers la généralisation des bonnes pratiques en matière de mutualisation des moyens entre réseaux (partage de bâtiments, de parc informatique). Le rôle d’impulsion des têtes de réseau serait à conforter afin qu’elles définissent des lignes directrices d’un tel processus.

B. REPENSER LE PARTAGE DES MISSIONS EN DIRECTION DES ENTREPRISES

M. Olivier Mousson, magistrat de la cour a dressé le constat général suivant : « La deuxième recommandation de la Cour des comptes porte sur les économies qui seraient rendues possibles par un rapprochement entre les réseaux consulaires des CCI et des CMA, rapprochement qui a été envisagé dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).[…] La Cour considère qu’il existe des sources d’économies, sinon dans la fusion, du moins dans un rapprochement des deux réseaux en simplifiant les formalités demandées aux entreprises, notamment par la dématérialisation des procédures. Dès lors que les craintes des CMA d’être absorbées par les CCI sont apaisées, les unes et les autres pourraient collaborer et échanger des informations, et ce pour le bien des entrepreneurs puisque les artisans cumulent les formalités dans la mesure où ils sont inscrits à la fois au registre des métiers et au registre du commerce. »

Si la question se pose essentiellement pour les CCI et les CMA, cela ne doit pas exclure toutefois la réflexion sur un rapprochement avec les actions menées par les chambres d’agriculture en raison, en particulier, de l’évolution des structures agricoles et des modes d’exploitation vers une agriculture industrielle et consommatrice et fournisseur de produits industriels. M. Didier Guédon magistrat de la Cour des comptes a ainsi exposé à la mission que « Dans nos différents contrôles, nous n’avons guère observé de synergies entre les réseaux avec celui des chambres d’agriculture. Des tentatives ont été faites en matière d’immobilier mais elles ont buté sur des questions d’organisation. Cette piste semble malgré tout intéressante. Dans certains territoires, ont été créées des antennes communes. En Corrèze, la chambre d’agriculture partage ses locaux avec les autres chambres consulaires ».

Certes, les différences de fond existant entre les deux réseaux, tant en ce qui regarde le mode d’élection de leurs membres que la « culture d’entreprise » et les différences de fonctionnement, supposent que cette évolution soit préparée par une étude de faisabilité et la programmation des étapes ; d’autant plus que la mutualisation de certaines fonctions inter-réseau est à articuler avec celles que chacun des réseaux conduit déjà au niveau régional voire avec d’autres chambres consulaires voisines. Autrement dit, « il peut être difficile d’articuler une mutualisation horizontale entre réseaux avec une mutualisation verticale au sein des réseaux », comme l’a souligné M. Jean-Pierre Freudenreich, secrétaire général de la CMA du Centre.

De ce fait, il n’y a sans doute pas de solution unique à ces rapprochements qui dépendent étroitement des contextes locaux. Cela n’empêche pas la recherche des moyens d’une rationalisation des moyens publics et les initiatives gagneraient à être soutenues par l’impulsion des têtes de réseau pour éviter qu’elles ne se trouvent parfois entravées par des blocages historiques et locaux.

1. Une politique rationnelle de partenariat fondée sur le principe de subsidiarité d’intervention

Des CCI comme celle de Franche-Comté, par exemple, prônent que des actions comme la création d’entreprises et l’accompagnement des porteurs de projet fassent l’objet d’expérimentations visant à homogénéiser les pratiques et rapprocher les équipes.

Dès lors, une politique de partenariat rationnelle fondée sur un principe de subsidiarité d’intervention pourrait être adoptée de la même façon qu’il conviendrait que les pouvoirs publics s’appuient sur les structures déjà existantes plutôt que d’en développer de nouvelles (agence de développement économique, agence de développement de la Métropole du Grand Paris, etc.).

En matière d’aide à l’international et à partir du moment où l’on admet que les CCI et les CMA ont un rôle à jouer en la matière, au moins pour celles qui disposent d’une ingénierie suffisante et des moyens nécessaires pour le faire, car toutes ne sont pas en mesure d’offrir un service complet aux standards homogènes aux entreprises de leur région, la recherche de plus de synergie tant entre les réseaux qu’avec les autres acteurs devient incontournable.

Le CEC dans son rapport d’information sur l’évaluation du soutien public aux exportations (68) préconisait en ce sens le développement de modèles élaborés en coopération avec les acteurs déjà présents sur le territoire, notamment les CCIR « plutôt que la création d’agences dédiées à l’export par les conseils régionaux ».

Les rapporteures ont, en effet, souligné que « les conseils régionaux avaient tout à gagner en apportant un soutien à la professionnalisation du réseau consulaire ; ils éviteront ainsi les conflits avec ces acteurs, réaliseront des économies substantielles et s’appuieront sur des interlocuteurs proches des entrepreneurs.[…] À nouveau, les régions devront trouver un terrain d’entente avec les CCIR et aucun modèle ne peut être donné en exemple unique. Là encore, il importe que chaque acteur prenne ses responsabilités et en réponde régulièrement. »

2. L’intégration des stratégies économiques au niveau régional

De façon plus générale, la coordination des actions des réseaux consulaires en direction des entreprises doit se faire aussi avec la région dans la mesure où la réforme territoriale la désigne comme chef de file en matière économique. L’objectif plus général de la réforme étant la réduction du millefeuille administratif, elle devrait constituer l’occasion de remettre à plat les dispositifs d’accompagnement aux entreprises.

L’article 2 du projet de loi NOTRe met en place un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation qui fixe les orientations du développement économique dans la région et est élaboré par la région avec la participation des différents réseaux consulaires (Art. L. 4251-13 du code général des collectivités territoriales).

Les rapporteures estiment que les régions dans l’élaboration de leurs schémas devront veiller particulièrement à l’articulation des orientations des trois réseaux en matière économique avec les autres acteurs.

C. COORDONNER LES ACTIONS DE FORMATION

En matière d’apprentissage, la mutualisation a déjà commencé par le biais du financement.

En effet, la rationalisation du réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage au niveau national et régional, opérée par la loi 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale implique qu’au niveau régional, à partir de la collecte 2016, une seule chambre consulaire (de commerce et d’industrie, de métiers et d’artisanat ou d’agriculture) soit désormais habilitée à collecter et à reverser les fonds affectés de la taxe d’apprentissage (Article L. 6242-2 du code du travail). Les modalités en sont définies dans le cadre d’une convention conclue avec les autres chambres consulaires de la région. Au 1er janvier 2016, il y aura 22 collecteurs inter-consulaires puis 13 en 2017 après l’évolution du réseau consulaire calqué sur la réduction du nombre des régions.

Cette mission de collecteur unique a d’ores et déjà conduit à prendre en compte de façon globale les besoins de financement des CFA des trois réseaux consulaires ; une concertation sera conduite chaque année pour l’attribution de la collecte régionale. De plus, les trois réseaux ont reçu comme mission d’enregistrer les contrats d’apprentissage ; ainsi la CCIR et la CRMA d’Île de France utilisent le même produit informatique ; l’élargissement à la chambre régionale d’agriculture est envisagé. Ce modèle pourrait être étendu à toutes les régions.

La concertation qui est ainsi mise en œuvre en matière de financement pourrait être élargie à l’offre de formation, en liaison avec l’éducation nationale et sous l’égide de la région, principal financeur. La gestion d’un CFA étant considérée un élément essentiel pour les représentants des entreprises – en particulier pour les CMA – pour pouvoir peser sur la politique de formation dans la région, assurer la formation des apprentis en commun au travers de centres-inter-consulaires serait certainement un gage d’amélioration de l’offre en région. On ne dénombre à ce jour 25 CFA inter-consulaires : cette pratique serait donc à généraliser, par le biais de partenariats pour leur gestion.

D. RÉGLER LA QUESTION DES DOUBLES RESSORTISSANTS

La question de la double immatriculation des entreprises au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés est emblématique des redondances entre réseaux.

L’obligation de double immatriculation au répertoire des métiers tenus par les CMA et aux greffes du tribunal de commerce concerne d’une part les artisans pratiquant des actes de commerce en plus de leur activité artisanale et d’autre part ceux qui exercent leur activité sous forme de sociétés.

Il est rappelé qu’en application de l’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, l’immatriculation au répertoire des métiers présente un caractère obligatoire pour les personnes physiques et les personnes morales qui n’emploient pas plus de dix salariés et qui exercent à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de service relevant de l’artisanat et figurant sur une liste figurant en annexe du décret n° 98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers.

La moitié des entreprises immatriculées au registre des métiers ont la forme de société et sont donc à ce titre tenues de procéder aussi à une immatriculation aux greffes du tribunal de commerce. Au moment de l’immatriculation, en plus de remplir un dossier au CFE de la C.C.I., l’entreprise artisanale constituée en société doit déposer un dossier au CFE de la chambre de métiers et de l’artisanat afin de s’inscrire au répertoire des métiers. Si cette formalité n’est pas accomplie auprès de la CMA, elle ne pourra pas obtenir son numéro RIDET, indispensable pour débuter son activité.

Au total, au 1er janvier 2013, sur le million d’entreprises artisanales (1 098 994 entreprises), 70 % étaient à la fois artisanales et commerciales.

Finalement, les deux tiers des entreprises inscrites au registre des métiers sont également inscrites au RCS. Par contre, seule un peu plus du quart des entreprises inscrites au RCS le sont aussi au registre des métiers.

Cette double immatriculation est une source de multiplication des démarches. M. Alain Griset en a d’ailleurs convenu et a rappelé avoir : « déclaré à plusieurs reprises que nous sommes favorables à la suppression des doubles ressortissants, afin de lever toute ambiguïté. Pourquoi obliger un coiffeur à une double inscription au motif qu’il vend de la laque ? ».

L’obligation de double immatriculation a conduit le législateur à prévoir des dispositions évitant qu’elle ne se traduise par une double contribution qui serait acquittée aux deux chambres.

C’est ainsi que l’article 1600-I-5 prévoit, sous certaines conditions, l’exonération des artisans de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie (de fait, il s’agit essentiellement de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (69) ; la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ne concernant qu’environ trois-quarts des artisans dans la mesure où le dégrèvement est, en principe, total pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros).

Sont exonérés du paiement de cette taxe les artisans qui réunissent la triple condition :

– d’être établis dans la circonscription d’une chambre de métiers et de l’artisanat (en fait, cette condition est toujours remplie dès lors qu’il existe au moins une chambre de métiers et de l’artisanat par département) ;

– d’être inscrits au répertoire des métiers (la liste des entreprises inscrites au répertoire des métiers est en principe communiquée au service des impôts par les CMA. Les artisans ne sont donc pas tenus, en règle générale, de justifier eux-mêmes de leur inscription. Toutefois, les redevables qui commencent leur activité doivent au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle de leur installation prouver leur inscription en fournissant une copie certifiée conforme du récépissé de la demande d’immatriculation adressée au président de la chambre de métiers et de l’artisanat) ;

– et de ne pas être portés sur la liste électorale de la chambre de commerce et d’industrie.

Il suffit donc qu’un artisan déclare refuser d’être électeur aux chambres de commerce et d’industrie pour ne pas avoir à payer de taxe à ces dernières.

En outre, la taxe est aménagée dans le cas contraire. Le II-1 du même article précise en effet que la base d’imposition de la taxe additionnelle à la CFE des commerçants est réduite de moitié pour les artisans régulièrement inscrits au répertoire des métiers, mais également portés sur la liste électorale de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de leur circonscription.

Enfin, l’article 29 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux TPE (ACTPE) ayant supprimé l’exonération de taxe pour frais de chambres de métiers jusqu’au terme de la deuxième année suivant leur création dont bénéficiaient les micro-entrepreneurs, ceux d’entre eux soumis à la double immatriculation devront acquitter cette taxe proportionnelle au chiffre d’affaires à un taux réduit de 0,007 %, versée à la CCI.

Les rapporteures considèrent qu’un système intégré entre les deux réseaux pour simplifier l’accomplissement d’inscription aux deux registres via les CFE, ainsi qu’une suppression de toute « double » cotisation, dans le but de simplifier notamment la création d’entreprises, devrait pouvoir être mis en place.

LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE

PARTIE 1 : LES CHAMBRES DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE

I LES RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA STRUCTURATION DU RÉSEAU

1. Renforcer les missions et la gouvernance de la tête de réseau

– renforcer la conduite de projets communs entre CCI France et les chambres, favorisant la remontée d’expérience et la modernisation du réseau (comme dans le cadre de « CCI de demain ») et mettre en place des audits précis sur des sujets d’intérêt propres au réseau ;

– améliorer et approfondir les échanges d’informations avec la tutelle sur l’activité des chambres à partir d’indicateurs partagés en mobilisant notamment les données disponibles dans « le Cube » ;

– ne pas augmenter, dans le contexte d’économies actuel, le budget de CCI France.

La rapporteure de la commission des Finances propose toutefois de renforcer la position de la tête de réseau par l’octroi d’un financement propre, d’un montant équivalent à celui qui lui est actuellement attribué. Ce financement reposerait sur une quote-part de la TFC qui lui serait affectée.

2. Rationaliser la carte consulaire et renforcer les relations entre les chambres

–  rétablir dans un projet de loi les mesures adoptées dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques permettant d’accélérer les fusions entre chambres ;

– éviter que la réforme de la carte régionale ne se traduise par l’introduction d’un nouvel échelon de chambres en ne conservant qu’une seule chambre régionale au sein des nouvelles régions et en redéfinissant les circonscriptions des chambres territoriales, conformément aux orientations de l’assemblée générale de CCI France du 24 février 2015, qui a approuvé le principe d’un regroupement des CCIT « pour mieux peser au niveau régional ». La pertinence économique doit guider cette révision de la carte consulaire et cette appréciation doit être laissée aux acteurs locaux.

3. Restaurer les relations avec la tutelle

– redéfinir les relations entre la tutelle et le réseau ;

– améliorer les échanges d’informations avec la tutelle, par exemple en utilisant les outils de comptabilité analytique et de suivi de la performance (indicateurs) mis en œuvre par le réseau ;

– mettre en œuvre dans leur intégralité les engagements pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance par l’État et les chambres, celui-ci devant valoir engagement dans la durée de la part des deux signataires, et faire preuve de davantage de transparence et de réactivité pour restaurer un dialogue constructif. ;

– produire un bilan annuel de la mise en œuvre des conventions d’objectifs et de moyens conclues entre les CCIR et l’État.

4. Renforcer les relations avec les collectivités territoriales

– encourager le rapprochement des acteurs en charge d’animer la vie économique d’une même région par la conclusion de conventions-cadres entre les CCIR et les régions. Ces conventions devraient être également déclinées à des niveaux infrarégionaux (par exemple au niveau des métropoles et des bassins de vie) ;

– garantir que les différents schémas régionaux (et en premier lieu le SRDEII) reposent sur des audits précis des différentes compétences présentes sur le territoire.

1 Accompagner la modernisation du réseau

– mettre en place un fonds de modernisation qui aurait un caractère incitatif, en aidant les CCI s’engageant dans ces processus de mutualisation à disposer de moyens supplémentaires pour les mener à bien ;

– mutualiser les moyens et les compétences des collectivités territoriales, des CCI et des CMA autour de projets communs, en particulier dans le cadre de l’accompagnement des entreprises ;

– dans le cadre de ces mutualisations, transformer les antennes des CCI existantes sur le territoire en pôles d’activité inter-consulaires (notamment avec le réseau des CMA) et associer à ces pôles les services concernés des collectivités territoriales.

II. LES RECOMMANDATIONS SUR LES MISSIONS ET LE FINANCEMENT DES CCI

1. Préciser le champ des missions des CCI

– mettre en place un groupe de travail au sein du réseau sur la définition de ses missions prioritaires et leur évolution à moyen terme axé sur le recentrage des missions des CCI sur l’accompagnement des entreprises et de leurs projets ;

– demander aux autorités de tutelle de recenser les bonnes pratiques mises en œuvre par les chambres, notamment en matière de mutualisation des services entre les chambres et les collectivités territoriales de leur circonscription.

– préciser par le biais d’une disposition réglementaire la notion d’activité marchande applicable aux missions des CCI ;

– mettre à la disposition des autorités de tutelle et de contrôle une comptabilité analytique détaillée permettant d’apprécier la répartition des différentes sources de financement selon les missions des chambres, exploité par la tutelle.

2. Assurer la visibilité des chambres sur l’évolution de leurs recettes fiscales

– conditionner toute nouvelle mesure d’économies à la conduite d’un dialogue constructif avec les chambres qui permettent d’identifier des orientations consensuelles ;

– ne pas opérer de nouveau prélèvement sur le fonds de roulement des chambres au titre des prochaines années. En contrepartie, de nouveaux engagements pourraient être pris par le réseau en matière de poursuite de la rationalisation de la carte territoriale et de la mutualisation des moyens ;

– limiter toute nouvelle baisse sur les recettes affectées au strict respect de la trajectoire de baisse globale des plafonds des taxes affectées prévues par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et transférer le montant de la baisse à un fonds de modernisation et de péréquation en faveur du réseau qui pourrait être géré par CCI France. Ce fonds pourrait constituer une incitation à promouvoir davantage les réformes au sein du réseau.

Sur ce dernier point, la rapporteure de la commission des Affaires économiques souhaite, quant à elle, que soit stoppée toute nouvelle baisse des recettes affectées au réseau.

– fixer une trajectoire pluriannuelle d’économies prenant en compte les conclusions d’une revue des dépenses réalisée par le réseau lui-même qui dispose d’un outil de pilotage de la gestion des chambres très performant.

3. Rationaliser les moyens humains, tout en préservant l’emploi

– demander à la tutelle de réaliser un rapport détaillé sur la situation des personnels des CCI et de proposer, en concertation avec les chambres, des réformes permettant de répondre aux difficultés actuellement constatées (mise en œuvre du Plan emploi, statut, évolution des rémunérations de certains personnels, etc.).

PARTIE 2 : LES CHAMBRES DE MÉTIERS ET DE L’ARTISANAT

I LES RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA STRUCTURATION DU RÉSEAU

3. Rationaliser la carte territoriale

– Le schéma de la chambre de métiers et de l’artisanat de région (CMAR) qui représente le dispositif le plus clair en termes de gouvernance doit constituer l’objectif de la régionalisation ;

– La mise en œuvre de la réorganisation territoriale doit être coordonnée par la tête de réseau qui doit élaborer, à cet effet, une feuille de route nationale.

4. Approfondir la mutualisation des moyens

– rechercher des gains d’efficience supplémentaires notamment en élargissant la mutualisation aux fonctions opérationnelles et aux achats afin de préserver les moyens dévolus à ses missions, notamment celles contribuant à la compétitivité des entreprises ;

– renforcer le rôle de coordination de la tête de réseau dans la mutualisation de l’ensemble des fonctions ;

– clarifier les dispositions du décret n° 2010-1356 du 11 novembre 2010 mettant en œuvre la réforme du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat relatives au périmètre des fonctions mutualisées ;

– dans le cadre de la modernisation du dialogue social au sein du réseau, la fonction de la gestion des ressources humaines et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit être renforcée pour accompagner l’évolution du réseau. La formation continue en interne doit être développée pour s’adapter à la mutualisation des fonctions support.

5. Renforcer les relations avec la tutelle

– préciser le périmètre des missions d’intérêt général et transmettre les résultats de la comptabilité analytique aux autorités de tutelle afin que celles-ci assurent leur mission de contrôle des budgets des chambres départementales ;

– assurer dans les plus brefs délais l’application complète du progiciel « finances et comptabilité » afin de suivre l’affectation de la taxe affectée et d’en justifier son utilisation.

III. LES RECOMMANDATIONS SUR LES MISSIONS ET LE FINANCEMENT DES CMA

1. Préciser le champ des missions

– rationaliser et hiérarchiser les domaines d’intervention et de prestations obligatoires du réseau en évitant les redondances avec les autres réseaux consulaires et en complémentarité avec les organisations professionnelles de l’artisanat ;

– dans le cadre de la relance nationale de la politique de l’apprentissage, engager une réflexion entre le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat, les régions et l’éducation nationale sur sa stratégie en matière d’apprentissage, notamment sur ses modalités de financement et sur l’adéquation de l’offre à la demande de formation.

2. Assurer le financement du réseau

– ne pas opérer de nouveau prélèvement sur le fonds de roulement des chambres au titre des prochaines années. En contrepartie, de nouveaux engagements pourraient être pris par le réseau en matière de poursuite de la rationalisation de la carte territoriale et de la mutualisation des moyens ;

– doter le fonds de financement et d’accompagnement de façon à lui permettre de financer effectivement des actions de mutualisation et de restructuration du réseau.

PARTIE 3 : LES CHAMBRES D’AGRICULTURE

I LES RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA STRUCTURATION DU RÉSEAU

– fixer par la loi les modalités de la réorganisation du réseau des chambres d’agriculture, comme cela a été fait en 2010 pour les autres réseaux consulaires ;

– tout en maintenant l’échelon départemental de proximité, faire de l’échelon régional l’élément pivot du réseau. À court terme, modifier l’article 1604 du code général des impôts afin de transférer le produit de la taxe additionnelle sur la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) aux chambres régionales.

– encourager l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture à s’appuyer sur les compétences que lui donne l’article L.513-1 du code rural et de la pêche maritime, pour élaborer la stratégie du réseau et apporter un appui méthodologique aux chambres.

– signer un contrat d’objectif et de performance entre l’APCA et l’État le décliner dans des conventions d’objectifs et de moyens au niveau régional ;

– engager une réflexion sur la représentativité au sein des chambres d’agriculture dans le cadre de la mise en place de la nouvelle carte régionale.

IV. LES RECOMMANDATIONS SUR LES MISSIONS ET LES MOYENS

1. Les missions

– dans l’exercice de la mission de développement agricole, mieux coordonner les activités du réseau avec les Instituts techniques agricoles (ITA) et les Organismes nationaux à vocation agricole (ONVAR). Les relations entre le réseau des centres régionaux de la propriété forestière et les chambres d’agriculture mériteraient d’être clarifiées.

2. Les moyens humains

– renforcer le dialogue social et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

3. Le financement

– poser des objectifs clairs de rationalisation des dépenses, particulièrement en direction des chambres en difficultés, pour les critères d’attribution des aides du Fonds national de solidarité et de péréquation (FNSP) ;

– en raison des inconvénients que présente le financement du réseau par la taxe affectée (TATFNB), engager une réflexion sur un autre mode de financement.

– mettre en place une comptabilité analytique au sein du réseau qui permette notamment d’encadrer les prestations effectuées par les chambres d’agriculture en apportant des éléments sur la formation de leurs prix ; d’introduire des dispositions sur les ressources affectées aux missions de service public ; d’identifier le budget de la mission de représentation des intérêts agricoles ; de mieux contrôler l’attribution des subventions.

PARTIE 4 : PROPOSITIONS COMMUNES

– mutualiser entre les réseaux des CCI et des CMA les missions standards aux entreprises (CFE, créations, formalités, transmission).

– encourager les partenariats entre réseaux afin de répartir leurs missions selon le principe de subsidiarité d’intervention comme en matière de développement des actions à l’international, pour lequel les CCI sont mieux armées en termes de connaissance des marchés internationaux.

– favoriser et généraliser les bonnes pratiques en matière de mutualisation des fonctions et des moyens entre réseaux, sous l’impulsion des têtes de réseau dont le rôle doit être conforté.

– mettre en place un système intégré entre le réseau des CCI et le réseau des CMA pour simplifier les formalités d’inscription au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés via les CFE et supprimer complètement toute double cotisation.

– en matière d’apprentissage, élaborer en commun une carte des formations, sous l’égide de la région, et en liaison avec l’éducation nationale. Mettre à profit l’expertise de chaque réseau et favoriser le développement de formations inter-consulaires ;

– renforcer les relations avec la tutelle, transmettre les données financières des chambres et engager un dialogue de gestion avec elles pour éviter toute baisse arbitraire de leurs ressources ;

– prévoir une audition de la tutelle avant la fin de l’année 2016 pour dresser le bilan des effets de la réforme territoriale sur les réseaux consulaires en matière de représentativité et de financement.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le rapport d’information de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements (Mmes Monique Rabin et Catherine Vautrin, rapporteures).

Mme Monique Rabin, rapporteure. La Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) avait pour objet de dresser le bilan des réformes touchant les réseaux consulaires, qu’elles aient été engagées sous la présente majorité – s’agissant de leur financement – ou opérées par les lois de 2005 et 2010. Elle répond à une demande forte des parlementaires, exprimée à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

Après avoir dressé le bilan des premières mesures d’économies réalisées à la suite des prélèvements sur fonds de roulement et des baisses de la taxe pour frais de chambre (TFC) en 2014 et 2015, la MEC a abordé la situation des trois réseaux consulaires, chambres de commerce et d’industrie (CCI), chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) et chambres d’agriculture (CA). En effet, les trois chambres consulaires sont confrontées aux mêmes problématiques, même si, les réseaux étant très différents, elles n’abordent pas ces questions de la même manière.

Nous avons procédé aux auditions traditionnelles des cabinets ministériels, des administrations, de la Cour des comptes, des représentants des chambres et des syndicats. Nous nous sommes également appuyées sur les rapports parlementaires précédents ainsi que sur la revue des dépenses relative aux chambres d’agriculture prévue par l’article 22 de la loi de programmation des dépenses publiques, qui est très riche d’enseignements. Un complément à nos travaux sera prochainement apporté par le rapport au Parlement sur le financement des chambres qui a été demandé au Gouvernement lors de la dernière loi de finances.

Il ressort de ces travaux, globalement, que la plupart des chambres ont pris la mesure des attentes de leurs ressortissants et essaient d’adapter leurs actions. Toutefois, le plafonnement des taxes affectées et les récents prélèvements leur ont donné le sentiment de ne pas être accompagnées dans leur effort de modernisation, et d’ailleurs, elles regrettent le peu de reconnaissance qu’elles reçoivent en tant que corps intermédiaire.

Plus particulièrement, il nous est apparu que les relations entre les réseaux consulaires et les pouvoirs publics nécessitaient d’être restaurées pour que les réformes à mener fassent l’objet de davantage de concertation et qu’une feuille de route claire soit définie entre la tutelle et les chambres. Tous les réseaux sont confrontés, à des niveaux différents, à des problèmes de gouvernance et de représentativité. Le statut des personnels des chambres, qui pose des difficultés, mériterait une étude séparée. Enfin, l’évaluation des services proposés aux ressortissants est encore insuffisante.

Sur ces différents points, nous avons formulé plusieurs propositions.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. L’application des différents textes, notamment de la loi de 2010, reste à parfaire. Nous avons diffusé auprès des réseaux consulaires un questionnaire, qui figure en annexe et leurs réponses sont intéressantes en ce qui concerne leur capacité à accepter encore des évolutions, telles que notamment la fusion entre différentes chambres. Pourtant, la régionalisation et la nouvelle carte des régions françaises conduiront un certain nombre de territoires à travailler ensemble, donc à se pencher sur leur organisation territoriale.

Nous avons été particulièrement interpellées par la médiocrité de la relation qui existe entre la tutelle et les chambres, aucune des parties ne connaissant réellement les attentes de l’autre. Pour contrôler, encore faut-il connaître. C’est un dialogue de gestion bien compris qui permettra d’avancer. J’ose dire qu’il n’existe pas à l’heure actuelle.

Les auditions devaient nous permettre de mesurer l’incidence sur la situation financière des chambres des prélèvements effectués sur le fonds de roulement et de la baisse de la taxe affectée. En fait, elle s’avère très difficile à apprécier au quotidien. Nous avons entendu que des projets et des investissements ne seraient pas réalisés, mais pour ce qui est du fonctionnement, en revanche, il est plus compliqué d’avoir une vision précise des efforts d’économies engagées en raison d’une grande hétérogénéité entre les chambres. On ne peut pas comparer, en effet, une chambre qui gère des installations portuaires ou aéroportuaires et une qui n’en a pas. Pour autant, toutes ont des missions en matière de formation ; c’est donc un domaine dans lequel il faudra être vigilant. J’ai entendu que certaines chambres pourraient ne plus avoir les moyens de se mettre aux normes pour accueillir telle ou telle formation. C’est là que le dialogue avec la tutelle permettrait de bien mesurer les missions des uns et des autres et les nécessaires adaptations pour rester performant.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Les premières propositions que nous avons formulées concernent les chambres de commerce et d’industrie.

Premièrement, nous recommandons de renforcer les missions et la gouvernance de la tête de réseau. Bien que CCI France ait été confortée à la tête du réseau par les lois de 2005 et 2010, nous avons constaté qu’elle rencontrait des difficultés à s’investir dans son rôle d’animation et à mettre en place des audits précis sur les sujets d’intérêt propres au réseau. Il importe que les échanges d’informations avec la tutelle sur l’activité des chambres soient approfondis à partir d’indicateurs partagés.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, nous avons été nombreux à souhaiter que l’effort soit réparti de manière équitable. Or, cela s’est révélé très difficile parce que la tutelle ne disposait pas d’éléments précis sur la situation financière des chambres et que celles-ci se montraient réticentes – le mot est faible – à les donner. Or, grâce au « Cube », un logiciel de comptabilité analytique, il est possible à la tête de réseau, pour chaque chambre, de savoir quelle est la part d’activité marchande, la part de formation, et la part d’investissement. Si nous avions disposé de ces éléments l’année dernière, notre discussion aurait été plus facile.

Il n’est pas question aujourd’hui d’augmenter les moyens de CCI France, même s’ils sont relativement faibles : ils s’établissent à 0,8 % du budget global des chambres, alors que ceux de la tête de réseau des CMA représentent 2,5 % et ceux de la tête de réseau des chambres d’agriculture 4 %. D’accord sur le diagnostic, nous avons cependant des approches différentes de ce qu’il conviendrait de faire. Pour ma part, je propose d’affecter directement une quote-part de la taxe pour frais de chambre à la tête de réseau, ce qui lui épargnerait d’avoir à discuter chaque année avec les différentes chambres régionales la recette qui lui permettra d’animer le réseau.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Il faut d’abord s’accorder sur les missions confiées à CCI France. Dans l’hypothèse de la création d’un nouveau fonds de péréquation, la majorité des chambres territoriales souhaite le confier à CCI France, tandis que les chambres régionales préféreraient le gérer elles-mêmes.

Ensuite, tous les organismes étant aujourd’hui invités à se montrer vigilants sur les frais de structure, il ne s’agit pas d’augmenter le financement de CCI France. Si, demain, le réseau souhaite charger CCI France de gérer une opération de mutualisation au niveau national, cela peut justifier un supplément en matière de fonctionnement. Il reste qu’aujourd’hui la taille de CCI France est relativement petite, par rapport à la CCI Île-de-France par exemple, d’où la nécessité de prendre garde aux doublons et de rationaliser les missions des uns et des autres. Dans ce contexte, je ne pense pas qu’il faille abonder le fonctionnement de CCI France. Pour moi, il faut d’abord s’attacher à l’organisation avant d’octroyer un supplément de financement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je précise que je ne propose pas d’augmenter les fonds de CCI France mais d’en modifier le mode de collecte. Plutôt que de demander une participation aux régions, nous prélèverions directement une part de la TFC, sans en augmenter le volume.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pour ma part, je considère que la taxe pour frais de chambre doit avant tout servir aux entreprises et non au fonctionnement de la tête de réseau.

La deuxième proposition de la MEC porte sur la rationalisation de la carte consulaire et le renforcement des relations entre les chambres. Il faut, en effet, éviter que la réforme de la carte régionale ne se traduise par la création d’un échelon supplémentaire. Il faut, au contraire, que les différentes chambres territoriales s’organisent pour que la carte consulaire corresponde à la pertinence économique du territoire.

La troisième proposition a déjà été évoquée. Il s’agit de restaurer les relations entre la tutelle et le réseau, par exemple en utilisant les outils de comptabilité analytique et de suivi de la performance mis en œuvre par le réseau. Les échanges d’informations s’en trouveraient améliorés. En outre, la mise en œuvre par l’État et les chambres de l’intégralité des engagements pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance assurerait un engagement dans la durée de la part de l’ensemble des signataires et les inciterait à faire preuve de davantage de transparence et de réactivité pour restaurer un dialogue constructif. Il nous semble important de produire un bilan annuel de la mise en œuvre des conventions d’objectifs et de moyens conclues entre les CCI régionales et l’État. Cela permettrait d’avoir une photographie de ce qui se passe réellement dans les territoires.

Mme Monique Rabin, rapporteure. J’insiste sur la rationalisation de la carte consulaire. Des mesures avaient été votées dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité, et l’égalité des chances économiques que le Conseil constitutionnel a annulées au motif qu’elles n’avaient pas de lien avec le projet de loi présenté par le Gouvernement. Ces dispositions devraient être reprises dans un texte qui devrait être discuté avant la fin de l’année afin que les chambres puissent les appliquer dès 2016. Catherine Vautrin et moi-même serons très insistantes sur ce point.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. La quatrième proposition consiste à renforcer les relations avec les collectivités territoriales. Là encore, il nous paraît indispensable d’encourager le rapprochement des acteurs chargés d’animer la vie économique d’une même région. Des conventions entre ces acteurs devraient être déclinées à des niveaux infrarégionaux, tels les métropoles, les grandes communautés urbaines et les bassins de vie. Il faut également garantir que les différents schémas régionaux reposent sur des audits précis des différentes compétences présentes sur le territoire.

La cinquième proposition consiste à accompagner la modernisation du réseau par la mise en place d’un fonds de modernisation à caractère incitatif. Ce fonds aiderait les CCI qui s’engagent dans des processus de mutualisation à disposer de moyens supplémentaires pour les mener à bien. Bien évidemment, le contexte actuel ne permettant pas de verser des subventions supplémentaires, cet accompagnement passerait par la péréquation.

La mutualisation des moyens et des compétences des collectivités territoriales, des CCI et des CMA autour de projets communs participerait de cette évolution. Le rapport fait état d’expériences très intéressantes. Dans ce cadre, nous pensons qu’il faudrait que les antennes des CCI en place sur le territoire puissent devenir des pôles d’activité inter-consulaires, avec le réseau des CMA, et que leur soient associés les services concernés des collectivités territoriales. Il s’agit d’optimiser tous les services qui tournent autour de l’activité des entreprises. Évitons les redondances et permettons d’additionner les moyens !

Mme Monique Rabin, rapporteure. En toile de fond, la question se posait de savoir si les différents réseaux des chambres consulaires devaient ou non fusionner. Nous y sommes défavorables, car la spécificité de l’artisanat ne peut se retrouver dans le mode de fonctionnement et les missions des autres chambres. D’autres modèles existent, telle que, dans le département de la Loire-Atlantique, l’association « Les 3C » dans laquelle les chambres agissent en commun sans avoir à bouleverser leurs organisations.

J’en viens aux recommandations sur les missions et le financement des CCI.

Il est urgent de mettre en place un groupe de travail réunissant les chambres et la tutelle. J’ai été frappée par la demande de davantage de tutelle, alors que, statutairement, les chambres sont autonomes. Repréciser les champs des missions des chambres et de la tutelle favoriserait les évolutions nécessaires. Nous avons ainsi constaté que certaines chambres avaient conservé des missions très traditionnelles alors que d’autres s’étaient engagées dans de nouvelles activités : certaines sont aménageuses, d’autres sont centrées sur la formation, d’autres encore se veulent des incubateurs du futur.

Une autre nécessité est de bien clarifier, par le biais d’une disposition réglementaire, ce qui ressort de leurs activités marchandes de leurs activités de service public.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Deuxième recommandation : assurer la visibilité des chambres sur l’évolution de leurs recettes fiscales. Nous sommes un certain nombre à avoir été interrogés par la CCI Paris Île-de-France sur les mesures qui pourraient être prises dans le cadre du projet de loi de finances. Il apparaît important de conditionner toute nouvelle mesure d’économies à la conduite d’un dialogue constructif avec les chambres ainsi qu’entre les chambres et la tutelle.

Et il importe de ne pas opérer de nouveaux prélèvements sur le fonds de roulement des chambres au titre des prochaines années. Certaines rencontrent des difficultés, d’autres sont dans la situation inverse. Si certaines chambres disposent d’un fonds de roulement important, ce n’est pas le cas de toutes, et chaque situation doit être examinée à la loupe.

Je considère, pour ma part, que les baisses de recettes affectées doivent être stoppées. Monique Rabin a une autre lecture du sujet.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ce sur quoi nous sommes d’accord, c’est qu’une nouvelle ponction sur les fonds de roulement serait désastreuse pour les chambres. Nous avons voté, dans la loi de programmation des finances publiques, une nouvelle réduction du produit des taxes affectées aux organismes tels que les chambres ; engageons une discussion avec le Gouvernement sur le niveau de cette nouvelle baisse de TFC, dont je rappelle qu’elle profite par définition aux entreprises. Cette réduction a certes eu un impact incontestable sur l’emploi et sur les investissements des chambres, pour autant, les ressources de ces dernières proviennent pour 36 % du chiffre d’affaires qu’elles tirent de leurs activités marchandes, viennent ensuite la TFC puis les subventions. Lorsque les chambres se retrouvent en difficulté, il convient donc également de s’interroger sur l’évolution de leur chiffre d’affaires.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous arrivons à une conclusion commune sur la nécessité de fixer une trajectoire pluriannuelle d’économies prenant en compte les conclusions d’une revue des dépenses effectuée par le réseau lui-même. Celui-ci dispose, pour ce faire, d’un outil de pilotage de la gestion des chambres très performant.

Il s’avère également nécessaire de rationaliser les moyens humains, tout en préservant l’emploi. Dans le cadre des relations entre la tutelle et les chambres, il y a un vrai travail à faire sur la situation des personnels des CCI ainsi que sur la mise en œuvre, en concertation avec les chambres, ou de réformes concernant le statut ou les rémunérations de certains personnels.

J’en viens aux recommandations portant sur les deux autres réseaux.

Il nous paraît important que le contrat d’objectifs et de performance entre l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat et l’État soit désormais décliné en conventions d’objectifs et de moyens au niveau régional, même si l’on remarque que, depuis la loi de 2010, les chambres de métiers ont beaucoup progressé en ce qui concerne leur réorganisation. Dans certaines régions, la place des chambres régionales a, en effet, considérablement évolué.

De la même manière, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) devrait s’appuyer sur les compétences que lui donne l’article L. 513-1 du code rural et de la pêche maritime afin d’élaborer la stratégie du réseau et apporter aux chambres un appui méthodologique qui n’existe pas forcément aujourd’hui.

Dans l’exercice de la mission de développement agricole, il importe également de mieux coordonner les activités du réseau avec les instituts techniques agricoles. Les relations entre le réseau des centres régionaux de la propriété forestière et les chambres d’agriculture mériteraient d’être clarifiées. S’agissant des moyens humains, le dialogue social et la gestion prévisionnelle des emplois doivent être renforcés. Enfin il convient de poser des objectifs clairs de rationalisation des dépenses, notamment pour les critères d’attribution des aides du Fonds national de solidarité et de péréquation.

Enfin, en raison des limites du financement de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) en termes d’équité, nous proposons qu’une réflexion soit engagée sur un autre mode de financement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je reviens un instant sur les CCI pour dire que nous avons été sensibles à l’expression des salariés, dont certains sont des agents publics, s’agissant de la question de leur statut. Il serait nécessaire d’engager un travail complémentaire sur ce sujet.

Le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat s’est structuré à partir de l’échelon départemental mais aujourd’hui son organisation administrative reste encore très diverse. Nous encourageons les chambres à aller vers une plus grande intégration régionale. De même que pour les CCI, il faut absolument renforcer les relations avec la tutelle.

La situation financière des CMA peut paraître préoccupante dans certains départements parce que ces chambres dépendent directement des subventions – elles représentent 49 % de leurs ressources. Dans une période difficile pour les pouvoirs publics, le préjudice pour elles est donc beaucoup plus important. Puisque les CMA sont aussi concernées par la baisse de taxe, gardons en tête que 1 euro de taxe génère en général 1,80 euro de subventions.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. En conclusion, nous avons formulé sept propositions communes aux trois réseaux.

La première est de mutualiser entre les réseaux des CCI et des CMA les missions standards aux entreprises – CFE, créations, formalités, transmission.

La deuxième est d’encourager les partenariats entre réseaux afin de répartir leurs missions selon le principe de subsidiarité d’intervention, comme en matière de développement des actions à l’international pour lequel les CCI sont mieux armées en termes de connaissance des marchés internationaux.

Troisième proposition : favoriser et généraliser les bonnes pratiques en matière de mutualisation des fonctions et des moyens entre réseaux, sous l’impulsion des têtes de réseau, dont le rôle doit être conforté.

On parle depuis longtemps de la quatrième proposition, qui s’impose un peu plus chaque jour. Il s’agit de mettre en place un système intégré entre le réseau des CCI et celui des CMA pour simplifier les formalités d’inscription au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés, et supprimer les doubles cotisations. Sur ce sujet, il faut avancer.

La cinquième proposition concerne l’apprentissage, pour lequel il est indispensable d’élaborer en commun une carte des formations, sous l’égide de la région et en liaison avec l’éducation nationale. L’expertise de chaque réseau doit être mise à profit et le développement de formations inter-consulaires favorisé. Se pose ici le problème du financement : les CCI finançant moins, il faut veiller à ce que les coûts d’accès à la formation n’augmentent pas, sinon les étudiants et leurs familles seront perdants. Nous devons être vigilants sur ce risque de vases communicants.

Nous avons déjà beaucoup parlé de la sixième proposition demandant le renforcement des relations avec la tutelle. La transmission des données financières des chambres et l’engagement d’un dialogue de gestion avec elle peuvent éviter toute baisse arbitraire de leurs ressources.

Pour la septième et dernière proposition, nous nous sommes montrées assez créatives : ne voulant plus voir les rapports s’empiler sans jamais être utilisés, nous suggérons une audition-bilan en matière de financement et de représentativité des différentes chambres, ce qui montrera quelle application et quel usage ont pu être faits des travaux que nous vous présentons.

M. Jean-Louis Gagnaire. La multitude des amendements, issus de tous les bancs, qui ont été déposés lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 a montré combien le sujet était délicat et les élus y étaient sensibles. En réalité, la ponction opérée en 2015 a été globalement indolore – les représentants des chambres le disent officieusement même s’ils ne le reconnaîtront jamais publiquement. Au moins a-t-elle eu le mérite d’obliger les réseaux consulaires à se poser les bonnes questions, à repenser les stratégies et à engager des économies.

La loi de 2010 a constitué un vrai progrès, même si les discussions n’ont pas été simples pour la rapporteure, Catherine Vautrin, qui a dû composer avec les antagonismes s’exprimant au sein de l’exécutif, les uns voulant conserver les chambres, les autres voulant les supprimer. Cette loi n’a pourtant pas suffi, et il faudra bien se pencher, un jour ou l’autre, sur la masse salariale des chambres, surtout des CCI, qui présente des écarts de rémunération indécents et des niveaux de rémunération parfois plus élevés que ceux des trésoriers payeurs généraux dans les régions. Puisque les présidents ne savent pas comment résoudre le problème, la tutelle devrait peut-être imposer des grilles de rémunération avec un plafonnement, et ce quelle que soit la taille des chambres. N’oublions pas que cet argent est prélevé sur les entreprises.

Trois réseaux coexistent en France, quand il n’y en a qu’un seul dans les autres pays. Notre rôle c’est d’organiser la convergence en vue de fusions. À quoi bon conserver les doubles inscriptions sachant que, en réalité, ce sont les CCI qui dominent le secteur, notamment en matière d’accompagnement des entreprises à l’international ?

Les chambres vivent aussi grâce aux subventions qu’elles reçoivent. Elles sont souvent prestataires des collectivités territoriales, notamment des régions. Elles ne peuvent pas considérer ces sommes comme des recettes propres : ce sont des fonds publics, il faut être clair. Or, à ce jeu de poker menteur, les plus pénalisées sont celles qui n’ont pas su anticiper les ponctions opérées par l’État.

Mme Véronique Louwagie. On peut comprendre que les chambres éprouvent le sentiment de ne pas être considérées, qu’elles souffrent d’un manque de reconnaissance compte tenu des messages contradictoires qu’on leur envoie : d’un côté, on leur consacre un rapport, de l’autre, on opère un prélèvement sur leurs fonds de roulement et on baisse le montant des taxes qui leur sont affectées. Contrairement à Jean-Louis Gagnaire, je pense que la ponction n’a pas été indolore pour toutes les chambres, en particulier celles qui ont dû remettre en cause les investissements structurants qu’elles envisageaient.

Je reviens sur le point de désaccord des rapporteures. Aujourd’hui, la tendance est à la diminution des dépenses de fonctionnement des collectivités, des entités publiques et semi-publiques. La proposition d’affecter un financement supplémentaire à la tête de réseau n’est-elle pas contraire à cette recherche de faire mieux avec moins ?

Enfin, il s’agit de savoir ce que l’on veut faire : décentraliser et être au plus près des entreprises ou centraliser par le biais de dispositifs qui s’éloignent des entreprises ?

M. Alain Fauré. Mesdames les rapporteures, pour aller plus loin dans la rationalisation, pourquoi ne pas se pencher sur les organismes qui, au sein des conseils régionaux ou départementaux, accompagnent l’économie ou l’agriculture et sont, en fait, les pendants des chambres consulaires ? Ne pensez-vous pas qu’il faudrait interdire au président d’une chambre consulaire d’être dans le même temps maire, conseiller départemental ou régional ? Cela éviterait peut-être la multiplication d’entités au sein des collectivités, des conseils départementaux ou régionaux, et les blocages qui en résultent.

La mutualisation des missions standards que vous préconisez a du sens, car elle permet de conserver les chambres consulaires. Celles-ci ont un vrai savoir-faire en matière de formation, de conseil et d’accompagnement tant dans le domaine agricole qu’industriel. Il est toutefois nécessaire d’agrandir ces structures, car, dans les petits départements, elles ne peuvent pas toujours proposer toutes ces compétences. La régionalisation avec des antennes locales me paraît être une bonne solution.

Mme Christine Pires Beaune. Le rapport nous aidera à répondre aux sollicitations de CCI France ou de nos chambres respectives.

L’effort de réduction des dépenses publiques doit être poursuivi par tous – État, sécurité sociale, opérateurs et collectivités –, et les CCI ne peuvent pas en être exonérées. Il est vrai toutefois qu’il y a effort et effort, et je suis favorable à une vraie péréquation. Non, Jean-Louis Gagnaire, la ponction n’a pas été indolore pour tout le monde. La CCI du Puy-de-Dôme a dû abandonner le projet Campus. Ce sont 700 000 euros qui avaient été investis et qui sont partis en fumée parce que finalement, contrairement à d’autres chambres, elle n’a pas su anticiper cette ponction.

M. Yves Daniel. Pour ma part, j’attendais plus des propositions en matière de fusion entre les CCI et les CMA. Cela dit, c’est un processus qui doit progresser par étapes et être adapté à chaque territoire.

Je pense, moi aussi, qu’il faudrait procéder à une analyse plus précise des salaires dans les différentes chambres consulaires.

Je m’attarderai sur les doublons que constituent les nombreux organismes qui proposent, à côté des chambres d’agriculture, des services techniques, des conseils, de la formation. Ce sont des groupements d’agriculteurs biologiques, des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM), des groupements de défense sanitaire, des coopératives. La coordination des différentes prestations et des différents services proposés sur le terrain permettrait de faire des économies. Une analyse complémentaire ne vous paraît-elle pas nécessaire ?

M. Dominique Lefebvre, président. Mesdames les rapporteures, votre travail va alimenter la discussion du prochain projet de loi de finances.

La diminution des ressources a eu pour première vertu d’obliger à traiter des problèmes sous-jacents que tout le monde connaît mais que personne, chambres consulaires comme collectivités, ne veut voir. Il est difficile de faire 50 milliards d’économies en exonérant les opérateurs de l’État de l’effort de redressement des finances publiques. Il est tout aussi difficile de préconiser une fusion immédiate des deux réseaux de la CCI et de la CMA. Président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise depuis près de vingt ans, j’en connais bien les arcanes de différenciation et je sais quelle est la culture des personnes qui les dirigent.

Cela va mettre avec plus d’acuité encore le focus sur les questions de la réorganisation des réseaux, de leur mutualisation interne mais également de la mutualisation des CCI et des CMA. La dispersion peut conduire à la disparition, les interlocuteurs que vous avez auditionnés doivent avoir conscience et prendre en charge cette question. Les collectivités locales ont le même problème : si le Comité des finances locales (CFL) ne traite pas la question de la péréquation et de la répartition, ce sont finalement toujours les mêmes qui sont perdants. On voit bien qu’il faudra aboutir à une réorganisation, une mutualisation, une restructuration, une expérimentation de rapprochements et de fusions. Lorsqu’on aura montré que tout peut bien se passer, que tout le monde peut en profiter, les PME et les ETI n’écrasant pas les commerçants et artisans, et que l’appareil de formation est rationalisé, alors on avancera.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il y a, en France, un problème d’appréciation du rôle des corps intermédiaires. Les chambres sont le seul réseau par lequel les pouvoirs publics peuvent s’adresser aux entreprises ; à cet égard, il faut les reconnaître et les valoriser même la très grande diversité de leurs situations rend peut-être cela difficile à entendre et à comprendre. D’ailleurs, nous avons été très sollicitées, car les chambres qui suivaient nos débats ne se sentaient pas tout à fait représentées et demandaient à être entendues directement. Nous sentons bien cependant que nous allons vers un dialogue beaucoup plus adulte que celui que nous avons pu vivre l’année dernière, lors de l’examen de la loi de finances.

Madame Louwagie, vous avez raison, il ne suffit pas de dire que les chambres sont nos interlocuteurs, encore faut-il leur témoigner une reconnaissance concrète.

Monsieur Gagnaire, la ponction n’a pas été aussi indolore puisque les CCI estiment à 349 millions d’euros le montant des investissements qui n’ont pas pu être engagés. Si les baisses de ressources permettent d’engager un meilleur dialogue pour trouver des économies d’échelle, cela demande du temps et cela coûte toujours au début.

Il est certain que les efforts en matière de ressources humaines n’ont pas été assez importants. Alors que les effectifs des chambres ont diminué de 10 % en dix ans, la masse salariale a augmenté de 21 %. On voit donc que les équilibres n’ont pas été trouvés.

La taxe pour frais de chambre, je le redis, n’est pas la seule ressource des chambres ; leur première source de financement se trouve dans leurs activités marchandes. C’est là que joue la diversité des chambres. Pour celles qui n’ont pas de port ou d’aéroport, on voit bien l’intérêt d’un fonds de péréquation. En ce qui concerne les économies à réaliser, toutes les chambres ne sont pas non plus logées à la même enseigne : pour celles qui ont commencé à se moderniser il y a quatre ou cinq ans, les dépenses sont quasiment incompressibles, tandis que d’autres ont encore de larges marges de manœuvre.

Dans le domaine de l’agriculture, Yves Daniel a raison, il existe beaucoup d’organismes qui font doublon. Nous insistons sur ce point dans notre rapport. Nous allons être également attentives à la concordance avec la loi NOTRe. Certains syndicats agricoles craignent notamment un affaiblissement de leur représentativité dans les très grandes régions. Il faudra engager une réflexion sur ce point.

Il faut préciser que les gouvernements et les parlements successifs hésitent à se saisir de la question des chambres d’agriculture pour des raisons évidentes : ces chambres consulaires ne fonctionnent pas tout à fait comme les deux autres. Elles pourraient faire l’objet à ce titre d’un nouveau rapport.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Yves Daniel a raison en ce qui concerne les doublons dans le monde agricole. Mais regarder tout l’environnement des chambres d’agriculture aurait conduit à se pencher sur l’ensemble de l’activité agricole, ce qui ne figurait pas sur notre feuille de route.

Comme l’a dit Christine Pires Beaune, il est évident que la ponction n’a pas été indolore. Certaines chambres l’ont anticipée, d’autres pas. Il importe donc de fixer des priorités pour que certains chantiers puissent aboutir car l’équipement de notre pays ne doit pas souffrir. En la matière, monsieur le président, je partage votre analyse sur la réorganisation des différents réseaux. Elle ouvre la porte, bien sûr, de la mutualisation et de l’expérimentation, mais aussi celle de la rationalisation de tous les acteurs.

Les chambres de commerce et d’industrie ne sont pas les seules à être en contact avec les entreprises. Les agences en tout genre financées par les collectivités ont aussi cette mission. Là aussi, il s’agit d’argent public, c’est pourquoi il faut se pencher sur cette question. Des expérimentations ont été menées entre des collectivités et des chambres ; à mon avis, ce sont des voies d’avenir qu’il faut suivre. Le point commun, c’est de chercher à réduire la dépense publique, d’un côté, et les charges des entreprises, de l’autre. Or, l’argent des CCI, c’est essentiellement de l’argent des entreprises, donc de l’emploi potentiel. C’est pourquoi il faut continuer à rationaliser leur financement et leur activité.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances et plus précisément lors des débats sur le plafonnement des taxes.

La Commission autorise la publication du rapport d’information de la Mission d’évaluation et de contrôle sur les missions et les financements des chambres consulaires.

*

* *

ANNEXE 1 : LA SITUATION FINANCIÈRE DES CCI EN 2014

Région

Cci

Résultat
d'exploitation

Résultat

CAF

Solde
budgétaire

Fonds de
roulement brut

Fonds de
roulement
net disponible

TFC

Total charges

Charges décaissables non exceptionnelles

Alsace

Alsace (C.C.I.R)

-4 183 055

-5 870 213

-5 474 744

-6 160 101

5 806 332

5 798 369

9 548 934

22 137 905

19 976 607

Colmar et Centre-Alsace

-156 149

-1 775 285

-566 273

-1 431 858

2 618 774

2 315 076

4 447 313

14 127 339

11 051 794

Strasbourg et Bas-Rhin

-790 054

-5 136 305

-3 575 731

-4 547 288

5 249 079

5 220 177

9 229 417

30 230 675

21 959 365

Sud Alsace Mulhouse

301 711

-1 123 844

758 773

-1 374 221

17 781 790

10 097 252

6 326 993

24 249 296

16 161 940

Aquitaine

Aquitaine (C.C.I.R)

-2 444

-1 106 164

-1 139 319

-1 108 589

2 705 482

2 690 790

4 779 376

15 753 732

7 573 378

Bayonne Pays Basque

-2 766 919

-1 050 760

968 153

-2 740 940

12 841 177

12 734 901

4 060 839

30 037 255

26 221 802

Bordeaux

-1 208 704

-3 264 592

3 625 526

-8 840 078

9 981 840

6 077 293

16 487 484

58 953 499

49 487 638

Dordogne

-1 946 575

-8 460 933

-7 149 055

-7 518 692

3 138 735

2 534 068

4 571 810

22 490 208

15 140 738

Landes

471 674

-1 910 060

-1 347 201

-2 703 354

1 486 498

1 275 876

3 967 858

8 263 561

5 324 861

Libourne

-529 345

-2 443 742

-1 996 360

-2 719 945

751 031

719 796

1 195 771

4 389 120

2 292 750

Lot-et-Garonne

-231 911

-1 726 647

-1 446 411

-1 644 898

1 549 220

1 546 520

3 691 495

6 758 513

5 019 193

Pau Béarn

111 805

-5 842 994

-3 778 050

-4 963 608

11 609 644

11 268 611

6 424 218

47 082 333

40 550 244

Auvergne

Aurillac et Cantal

-504 101

-1 484 504

-1 224 258

-1 349 273

891 932

837 474

1 669 631

4 566 385

3 427 263

Auvergne (C.C.I.R)

-703 788

-699 544

-1 826 036

-2 117 319

1 881 203

1 873 301

7 939 802

12 836 896

12 621 546

Haute-Loire

-779 197

-2 280 126

-1 923 775

-2 327 982

788 284

730 516

2 521 745

6 336 635

4 346 578

Montluçon-Gannat

352 371

-1 506 921

-844 507

-3 158 774

1 248 463

955 938

2 176 669

9 193 664

5 711 635

Moulins-Vichy

194 939

-2 430 244

-2 442 495

-2 714 709

1 062 773

596 193

2 469 393

8 317 638

5 233 015

Puy-de Dôme

-123 374

-20 976 900

-15 381 214

-22 330 956

7 742 777

7 161 831

6 547 857

40 677 897

17 572 980

Basse-Normandie

Alençon

-120 312

-1 333 556

-858 632

-772 195

1 111 506

812 785

2 459 349

5 132 164

3 661 156

Basse-Normandie (C.C.I.R.)

-271 615

-2 820 456

-2 469 979

-2 597 091

3 570 307

3 457 709

4 212 501

9 366 708

6 544 532

Caen

-2 061 257

481 260

5 660 995

5 848

18 362 898

16 725 939

4 633 426

32 210 440

23 813 761

CCI Normandie (GIC)

-48 737

-47 058

-34 094

-53 742

369 117

369 117

1 095 000

4 692 871

4 679 906

Centre et Sud Manche

-355 083

-2 205 017

-1 235 752

-2 632 728

4 419 498

4 053 356

2 538 767

10 656 513

7 329 571

Cherbourg-Cotentin

-494 949

-1 939 415

-1 550 158

-2 131 449

60 416

-95 752

3 675 089

10 073 672

7 657 982

Flers - Argentan

-102 154

-1 414 716

-1 272 816

-1 525 092

731 291

727 783

1 967 248

4 945 797

3 136 197

GIM (GIC)

-514 345

-797 362

-342 161

-447 716

99 542

41 571

0

11 905 673

11 288 987

Pays d'Auge

-750 539

-1 690 639

-786 324

-2 123 475

2 351 570

1 606 717

2 332 830

12 163 903

7 149 701

Bourgogne

Bourgogne (C.C.I.R)

-748 272

-3 794 321

-3 633 288

-5 219 967

1 622 873

1 619 651

4 469 038

11 267 358

8 377 450

Côte d'Or

-1 435 351

-8 018 932

-7 227 572

-8 426 927

4 457 001

4 079 184

7 933 333

22 106 332

14 627 191

Nièvre

-509 800

-1 009 325

-427 115

-1 101 346

1 370 059

1 146 351

3 133 249

7 660 296

5 896 595

Saône-et-Loire

-140 910

-5 221 339

-3 983 417

-6 707 564

7 871 952

3 821 688

7 595 973

26 286 089

18 982 808

Yonne

-30 927

-2 698 054

-2 139 519

-4 840 060

525 209

118 279

4 235 316

11 434 229

7 163 693

Bretagne

Brest

1 054 898

-3 544 536

2 209 247

-4 227 684

18 085 279

16 278 672

6 179 376

68 194 881

57 353 886

Bretagne (C.C.I.R)

-2 780 393

-7 065 637

-6 341 646

-7 653 209

2 537 824

2 513 308

4 826 915

17 134 835

11 637 872

Côtes d'Armor

2 259 375

10 699 267

11 100 651

976 238

5 347 979

3 501 942

5 803 220

19 676 623

18 453 788

Morbihan

742 293

-5 944 404

-3 772 323

-8 119 960

6 716 844

5 882 244

8 466 336

32 731 012

24 658 134

Morlaix

-3 068 097

-9 304 429

-7 432 889

-12 705 740

4 823 381

4 747 637

3 074 460

25 910 488

15 127 448

Quimper Cornouaille

-2 735 575

-3 492 313

433 746

-2 095 948

492 762

51 301

4 481 638

31 237 920

28 027 733

Rennes

-622 595

68 884

1 002 875

-644 724

2 862 694

2 719 281

9 894 792

26 781 939

24 108 540

Saint-Malo-Fougères

2 004 218

-5 399 078

1 026 398

-4 984 564

21 055 417

20 828 797

4 482 768

33 847 975

27 377 110

Centre

Centre (C.C.I.R)

-1 340 868

-4 650 319

-3 689 145

-4 238 650

2 854 524

2 714 910

3 394 710

10 414 205

6 660 468

Cher

-370 262

-1 330 133

-645 097

-985 813

1 661 203

1 614 381

3 500 373

9 245 112

7 880 523

Eure-et-Loir

-162 500

-2 927 605

-2 263 910

-4 647 914

-60 590

-92 164

3 805 463

10 346 416

6 535 676

Indre

-1 323 454

-2 836 328

-2 381 686

-4 093 849

3 091 881

2 294 887

2 385 384

11 244 749

6 827 528

Loiret

797 121

-7 181 349

-5 921 343

-6 879 279

9 270 255

4 453 807

7 304 328

20 636 763

11 591 711

Loir-et-Cher

-196 154

-2 869 558

-3 212 956

-4 109 056

5 958 922

2 017 904

3 967 241

10 567 920

7 001 769

Touraine

-1 454 550

-9 163 520

-5 533 292

-7 025 780

2 072 886

2 072 666

7 017 480

18 406 550

9 480 074

Champagne-Ardenne

Ardennes

61 841

-3 189 034

-1 773 625

-3 061 518

10 389 194

2 594 590

4 078 126

10 283 675

4 980 838

Châlons-en-Champagne, Vitry-le-Francois…

-469 716

-3 157 424

-1 345 762

-4 071 244

4 237 109

357 156

2 168 934

9 467 011

6 592 615

Champagne-Ardenne (C.C.I.R)

188 559

-953 252

-934 444

-2 659 460

1 405 654

1 394 590

4 196 253

20 806 490

19 456 653

Haute-Marne

351 199

-1 601 561

-1 847 182

-2 448 864

1 148 272

1 146 228

2 101 805

5 355 667

2 988 344

Reims et Epernay

-2 010 728

-8 468 645

-7 719 111

-14 641 316

25 257 030

636 651

5 071 007

29 356 387

20 405 841

Troyes et Aube

-3 407 897

-2 823 588

-4 402 118

-2 407 788

1 734 724

1 552 060

3 740 251

11 718 673

8 508 713

Corse

Ajaccio et Corse du Sud

2 623 120

-1 536 086

6 197 713

437 587

35 580 924

31 423 437

3 456 000

54 106 084

46 140 130

Bastia et Haute-Corse

1 412 380

865 145

7 892 384

4 833 463

41 627 793

40 232 262

3 456 000

43 552 806

37 712 141

Corse (C.C.I.R)

-31 379

-393 782

-380 218

-366 267

428 934

428 934

184 404

464 026

98 345

Franche-Comté

Doubs

-393 041

-7 988 457

-8 035 023

-8 986 044

6 511 091

6 341 294

3 936 121

15 561 133

7 181 848

Franche-Comté (C.C.I.R)

-2 182 291

-962 074

-975 482

359 419

3 772 284

3 772 284

4 991 982

10 707 687

10 285 236

Haute-Saône

117 901

-342 416

-462 198

-290 351

1 303 979

1 280 237

2 134 271

3 984 718

2 773 688

Jura

340 397

-930 942

-726 607

-1 065 453

1 636 242

1 604 401

3 010 574

4 739 466

3 254 004

Territoire de Belfort

-351 284

-2 622 681

-2 623 164

-2 705 009

1 700 782

1 605 507

1 642 661

5 124 052

2 587 434

Haute-Normandie

Dieppe

631 038

378 354

711 958

-816 854

4 192 486

1 103 036

2 936 588

4 332 344

3 388 710

Elbeuf

-83 159

-1 113 193

-1 046 867

-1 594 790

1 355 486

1 213 124

1 424 314

4 097 446

2 106 064

Eure

456 040

233 020

1 005 546

228 425

2 766 760

2 626 331

4 673 540

9 309 193

8 272 006

Fécamp-Bolbec

119 921

390 278

565 869

560 954

866 560

-514 674

1 965 893

5 596 587

4 745 834

Haute-Normandie (C.C.I.R)

-2 338 753

-6 580 855

-5 659 653

-5 603 808

4 260 931

4 128 419

8 156 018

21 858 595

17 290 881

Le Havre

33 272 980

-7 668 981

9 080 694

-25 048 202

86 709 718

81 717 045

10 725 096

95 363 004

82 946 284

Rouen

-1 239 736

-2 492 291

-432 579

-4 819 307

8 415 713

5 856 253

12 655 341

34 901 781

26 765 205

Ile-de-France

CCI France

4 121 618

-1 303 450

1 496 655

-2 455 176

5 749 020

5 749 020

25 240 433

31 725 810

25 997 083

Essonne

-327 682

-7 734 324

-6 580 881

-10 364 879

4 339 109

3 067 754

13 004 588

28 666 312

19 921 989

Paris - Ile-de-France (C.R.C.I)

-31 549 957

-129 080 292

-106 601 545

-248 332 715

37 248 045

30 110 947

217 983 019

812 618 838

651 078 746

Seine et Marne

-1 044 564

-21 364 320

-20 686 249

-39 126 187

2 062 502

1 736 949

15 809 848

63 158 703

31 460 467

Languedoc-Roussillon

Alès Cévennes

-1 226 352

-2 138 611

-1 980 397

-1 931 134

967 806

931 124

2 277 739

7 480 136

4 710 482

Béziers - Saint-Pons

-949 360

-4 477 471

-4 126 421

-6 015 984

2 139 973

1 191 789

3 402 998

11 596 932

7 472 006

Carcassonne

-1 451 561

-5 285 363

-4 586 918

-4 545 866

3 603 005

3 178 814

2 499 561

9 304 186

4 983 113

Languedoc-Roussillon (C.C.I.R)

-1 538 316

-1 187 739

-879 099

-1 255 652

3 855 205

3 854 246

9 049 259

29 964 489

29 348 894

Lozère

-393 752

-945 197

-819 200

-876 583

730 775

717 925

1 342 543

3 379 409

2 540 787

Montpellier

-1 529 239

-5 074 938

-5 414 685

-4 401 824

5 671 998

4 666 137

6 965 774

17 558 550

10 938 201

Narbonne, Lézignan-Corbières…

-838 196

-1 552 058

-697 244

-1 103 988

1 696 216

1 558 731

1 920 913

11 438 013

9 599 531

Nîmes - Bagnols - Uzès - le Vigan

-621 115

-4 422 812

-4 236 146

-4 850 008

7 582 438

7 021 901

9 571 637

27 021 621

17 325 196

Perpignan

-523 726

-5 900 209

-6 232 225

-5 603 851

3 410 499

2 999 597

6 904 375

23 957 909

14 651 466

Sete - Frontignan - Mèze

594 912

2 119 215

405 478

2 091 004

1 873 394

359 312

2 141 827

2 509 030

1 864 029

Limousin

Corrèze

-669 960

-1 673 449

-1 385 395

-1 918 370

3 013 155

1 397 388

4 647 547

8 833 818

7 260 497

Creuse

-219 513

-1 720 278

-1 636 998

-2 179 252

941 283

810 378

1 259 623

4 198 655

2 579 516

Limoges et Haute-Vienne

1 602 123

-1 522 622

-1 210 159

-1 510 812

2 948 424

2 450 463

5 252 529

23 709 907

20 356 297

Limousin (C.C.I.R)

-37 120

-29 606

-199 663

-20 585

1 114 599

947 382

678 918

2 454 535

2 436 054

Lorraine

Lorraine (C.C.I.R)

-803 470

-928 376

-143 460

-1 100 762

1 697 328

1 696 328

5 569 939

9 317 562

8 415 339

Meurthe-et-Moselle

-1 030 467

-1 506 721

-2 290 152

-3 662 990

4 087 572

3 709 770

4 726 000

23 470 513

19 703 091

Meuse

-10 668

-1 217 840

-1 018 918

-1 705 448

1 395 288

1 159 107

1 747 000

4 649 608

2 847 371

Moselle

-1 734 468

-494 280

-61 313

-392 715

4 841 612

4 819 841

7 743 000

16 322 282

15 419 610

Vosges

-441 204

-3 244 095

-3 938 959

-4 369 875

2 964 591

2 924 269

3 732 000

12 402 935

7 546 162

Midi-Pyrénées

Ariège

-653 777

-1 980 012

-1 611 354

-3 679 527

268 015

247 506

2 448 528

6 099 979

3 842 362

Aveyron

-1 100 893

-1 796 504

-1 297 971

-1 596 785

3 014 913

2 961 749

5 948 248

14 848 759

13 080 710

Gers

333 113

313 749

566 598

-558 752

1 817 018

920 443

2 203 800

3 874 367

3 301 901

Lot

29 565

-1 690 743

-1 420 249

-2 724 858

1 108 985

1 095 092

2 154 988

6 076 279

3 779 928

Midi-Pyrenées (C.C.I.R)

-1 116 646

-1 457 202

-1 279 403

-1 900 674

1 860 105

1 840 681

3 069 107

7 972 380

6 984 403

Montauban et Tarn-et-Garonne

-296 612

-1 045 867

-723 009

-1 041 716

1 189 758

1 188 380

2 316 919

6 198 320

4 925 214

Tarbes et Hautes-Pyrénées

450 906

-2 488 584

-2 609 334

-3 564 124

4 336 824

3 964 159

4 102 785

13 236 352

9 251 308

Tarn

-273 994

-3 078 364

-2 796 216

-3 229 811

6 025 802

5 952 108

6 045 259

18 790 939

14 490 220

Toulouse

-720 877

317 993

3 038 094

1 507 684

10 255 506

8 971 686

14 138 633

64 499 682

60 792 172

Nord-Pas-de-Calais

Artois

-1 794 960

-601 371

833 095

-1 320 254

5 104 046

3 467 074

6 533 391

14 602 185

12 714 685

Côte d'Opale

-8 971 005

-24 291 861

7 382 909

-15 600 708

40 880 292

35 877 250

10 058 123

149 417 241

105 046 930

Grand Hainaut

-3 450 563

-2 015 899

541 122

-11 463 053

16 209 859

8 811 014

9 113 466

33 983 039

28 863 481

Grand Lille

-517 097

-3 982 632

1 011 310

1 479 545

48 854 651

28 723 739

15 569 988

51 396 267

45 792 060

Nord de France (C.C.I.R)

-9 825 066

-12 760 179

-493 271

-2 667 619

11 148 103

10 647 598

18 453 345

43 587 618

39 669 127

SIADEP (GIC)

49 948

-38 770

144 517

330 777

1 235 574

1 211 378

0

8 028 432

7 580 496

Pays-de-Loire

Le Mans et Sarthe

-1 508 930

-799 594

746 124

-967 014

4 169 705

4 090 542

6 642 872

22 555 744

20 017 891

Maine-et-Loire

-2 375 139

-1 205 481

498 389

-183 602

3 771 267

3 744 294

6 740 458

32 528 737

29 257 096

Mayenne

-1 206 026

-1 139 574

-532 398

-1 078 505

878 324

698 848

3 465 654

7 307 775

6 677 358

Nantes-Saint-Nazaire

-2 605 848

-1 021 061

575 652

-159 071

6 771 205

6 635 947

17 082 871

38 045 640

34 303 429

Pays-de-la-Loire (C.C.I.R)

-2 472 639

-6 694 802

-6 874 982

-7 281 681

1 369 535

1 248 735

2 218 873

12 115 079

7 652 671

Vendée

1 137 531

-2 370 798

-1 011 242

-3 554 725

14 709 725

14 364 720

5 550 252

25 410 733

17 748 881

Picardie

Aisne

793 826

-5 823 071

-5 117 685

-6 952 564

5 574 086

5 558 207

6 698 796

16 837 540

8 835 111

Amiens-Picardie

1 808 079

80 104

2 307 168

-1 682 234

11 915 550

-9 599 187

6 682 011

24 752 192

16 756 663

Littoral Normand-Picard

-1 037 582

378 621

317 458

320 447

5 370 397

2 199 001

2 468 384

7 212 323

5 281 073

Oise

-265 303

-9 372 625

-8 992 406

-14 087 025

4 776 892

4 723 651

6 033 516

25 870 395

13 489 975

Picardie (C.C.I.R)

-2 987 178

-6 220 189

-4 862 012

-5 493 311

14 150 060

13 955 596

2 340 686

10 561 226

6 760 087

Poitou-Charentes

Angoulême

-1 794 412

-8 280 235

-7 904 092

-8 377 781

4 331 796

3 984 151

4 281 119

27 189 813

17 667 676

Cognac

-184 599

-1 159 202

-1 036 398

-1 179 522

1 317 151

1 311 975

1 428 636

4 744 777

3 588 317

Deux-Sèvres

-67 554

-48 136

-128 828

-660 211

1 997 863

1 961 415

4 434 074

8 105 234

7 714 714

La Rochelle

-1 786 362

-8 769 914

-7 528 993

-10 480 215

7 155 750

5 112 829

3 716 198

19 899 820

9 685 257

La Vienne

-2 172 748

-4 864 347

-3 508 988

-4 709 253

2 334 868

2 292 828

5 535 064

18 060 295

14 436 774

Poitou-Charentes (C.C.I.R)

-212 154

-168 521

258 791

245 493

583 029

583 029

2 205 871

6 689 710

5 447 076

Rochefort-sur-Mer et Saintonge

-804 940

-3 495 076

-2 830 952

-3 059 840

5 912 235

5 675 421

4 534 575

14 172 870

10 702 789

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Alpes de Haute-Provence

-220 248

-85 382

-47 035

53 490

915 062

906 986

2 237 870

4 089 650

3 847 290

Hautes-Alpes

42 699

-2 218 911

-1 921 644

-3 627 726

1 175 090

1 175 090

2 157 954

6 681 963

4 103 642

Marseille

-3 456 712

-19 561 537

-14 268 230

-26 270 587

13 976 778

12 112 286

40 524 006

85 993 376

65 474 355

Nice - Côte d'Azur

-1 682 978

-7 674 967

2 198 577

-9 906 259

33 995 992

25 548 978

15 175 037

82 438 563

59 556 041

Pays d'Arles

130 378

-1 054 540

-468 575

-1 636 586

6 705 625

6 395 470

3 466 433

14 762 329

12 177 089

Provence-Alpes-Côte d'Azur (C.C.I.R)

5 092 717

2 413 401

-5 631 544

-6 156 838

4 240 733

4 100 079

6 818 517

18 084 671

14 858 692

Var

2 409 842

-14 211 382

-10 216 065

-18 324 715

39 874 855

24 820 587

12 656 716

61 456 325

41 213 577

Vaucluse

-530 720

-1 827 277

-1 010 049

-1 945 050

3 513 018

2 608 292

6 811 253

23 223 936

19 629 735

Rhône-Alpes

Ain

332 811

-4 647 575

-4 307 719

-5 210 501

3 050 512

3 028 861

6 681 936

12 943 517

7 173 301

Ardèche

-268 191

-2 735 929

-2 734 025

-4 408 389

1 388 914

1 327 318

3 998 389

10 557 219

7 269 115

Drôme

-1 554 628

-14 257 901

-12 721 018

-15 603 585

5 184 111

4 689 683

5 944 964

30 978 858

14 554 973

Grenoble

-947 790

-1 782 776

3 440 578

-133 164

22 697 107

21 845 455

13 124 835

90 110 840

82 948 185

Haute-Savoie

-150 395

-2 962 336

-4 498 539

-3 348 087

3 073 807

2 968 648

7 017 773

16 963 487

11 642 496

Lyon

-4 478 893

-16 480 085

-12 703 408

-15 338 991

13 208 294

12 878 791

26 015 700

60 924 098

43 274 237

Nord Isère

-230 537

-2 741 075

-1 678 619

-2 291 225

2 292 210

2 198 439

5 317 070

13 736 142

9 838 547

Rhône-Alpes (C.C.I.R)

-734 402

-7 340 549

-3 681 106

-6 857 643

7 790 911

7 790 602

8 089 656

20 714 529

12 947 822

Roannais

81 114

-1 448 513

-1 194 813

-2 727 712

307 511

226 328

2 489 830

4 971 528

3 151 456

Saint-Étienne Montbrison

-2 756 200

-1 379 056

-6 607 986

-7 279 357

-4 324 362

-4 602 331

6 942 060

28 130 727

22 353 266

Savoie

-25 754

-2 650 354

-2 309 214

-3 370 522

2 623 906

2 085 291

6 049 470

10 978 609

7 300 281

Villefranche-sur-Saône

-303 736

-2 826 116

-2 531 079

-4 586 555

4 081 287

2 588 777

2 760 274

10 697 792

7 251 068

 

Totaux France métropolitaine

-95 680 117

-631 226 072

-403 448 008

-863 902 593

988 235 280

781 191 757

1 045 594 690

3 852 218 467

2 946 344 858

DOM

Iles de Guadeloupe (C.C.I.R)

91 774

785 761

1 233 995

90 791

14 605 959

13 558 764

7 440 410

27 819 045

26 486 954

La Réunion (C.C.I.R)

-1 371 049

95 387

921 912

391 423

7 215 168

5 930 045

7 620 807

43 261 484

40 616 635

Martinique (C.C.I.R)

563 442

26 885

686 575

-858 958

20 189 996

12 259 167

8 839 931

25 681 670

24 381 016

COM

Nouvelle-Calédonie

996 604

-195 962

4 531 696

1 521 680

9 239 246

8 454 774

5 118 508

43 468 396

38 175 678

Saint-Pierre

-34 430

-54 724

1 306

-36 458

661 136

619 490

428 644

813 727

716 857

 

Totaux

-95 433 775

-630 568 725

-396 072 526

-862 794 116

1 040 146 786

822 013 996

1 075 042 990

3 993 262 789

3 076 721 997

Source : CCI France.

ANNEXE 2 : ÉVOLUTION DE LA TFC DES CCI ENTRE 2013 ET 2015

Le tableau ci-dessous présente l’évolution de la taxe pour frais de chambre affectée aux CCI entre 2013 et 2015. Les données relatives aux années 2013 et 2014 sont issues respectivement des budgets exécutés de 2013 et 2014.

En revanche, les données 2015 proviennent d’états prévisionnels transmis par la DGFIP, desquels ont été retranchées les contributions au profit de CCI France pour permettre une comparaison de données homogènes. Ces éléments devront être précisés au cours de la discussion budgétaire.

Région

Cci

TFC 2013

TFC 2014

TFC 2015

Alsace

Alsace (C.C.I.R)

18 293 004

9 548 934

28 055 537

Colmar et Centre-Alsace

4 296 870

4 447 313

Strasbourg et Bas-Rhin

9 159 937

9 229 417

Sud Alsace Mulhouse

6 150 543

6 326 993

Aquitaine

Aquitaine (C.C.I.R)

5 468 737

4 779 376

43 345 697

Bayonne Pays Basque

5 830 481

4 060 839

Bordeaux

20 288 843

16 487 484

Dordogne

6 576 662

4 571 810

Landes

5 415 846

3 967 858

Libourne

1 464 877

1 195 771

Lot-et-Garonne

5 281 547

3 691 495

Pau Béarn

9 744 645

6 424 218

Auvergne

Aurillac et Cantal

2 024 211

1 669 631

22 506 980

Auvergne (C.C.I.R)

9 027 119

7 939 802

Haute-Loire

2 995 333

2 521 745

Montluçon-Gannat

2 657 006

2 176 669

Moulins-Vichy

3 038 427

2 469 393

Puy-de Dôme

7 717 594

6 547 857

Basse-Normandie

Alençon

2 622 242

2 459 349

20 767 741

Basse-Normandie (C.C.I.R.)

5 919 882

4 212 501

Caen

5 662 726

4 633 426

CCI Normandie (GIC)

1 093 500

1 095 000

Centre et Sud Manche

2 685 786

2 538 767

Cherbourg-Cotentin

3 851 763

3 675 089

Flers - Argentan

2 053 417

1 967 248

GIM (GIC)

0

0

Pays d'Auge

2 580 226

2 332 830

Bourgogne

Bourgogne (C.C.I.R)

5 825 225

4 469 038

26 437 489

Côte d'Or

9 945 365

7 933 333

Nièvre

3 868 940

3 133 249

Saône-et-Loire

8 883 744

7 595 973

Yonne

4 618 955

4 235 316

Bretagne

Brest

9 021 317

6 179 376

45 032 264

Bretagne (C.C.I.R)

7 702 637

4 826 915

Côtes d'Armor

6 059 512

5 803 220

Morbihan

9 442 067

8 466 336

Morlaix

4 118 344

3 074 460

Quimper Cornouaille

4 925 320

4 481 638

Rennes

10 631 232

9 894 792

Saint-Malo-Fougères

4 991 043

4 482 768

Centre

Centre (C.C.I.R)

6 251 964

3 394 710

29 897 111

Cher

4 283 553

3 500 373

Eure-et-Loir

4 511 836

3 805 463

Indre

2 965 698

2 385 384

Loiret

9 471 124

7 304 328

Loir-et-Cher

4 923 610

3 967 241

Touraine

9 434 376

7 017 480

Champagne-Ardenne

Ardennes

4 955 547

4 078 126

20 589 562

Châlons-en-Champagne, Vitry-le-Francois...

2 635 461

2 168 934

Champagne-Ardenne (C.C.I.R)

5 044 367

4 196 253

Haute-Marne

2 554 292

2 101 805

Reims et Epernay

6 162 398

5 071 007

Troyes et Aube

4 545 031

3 740 251

Corse

Ajaccio et Corse du Sud

4 237 576

3 456 000

6 863 301

Bastia et Haute-Corse

3 558 589

3 456 000

Corse (C.C.I.R)

468 511

184 404

Franche-Comté

Doubs

5 940 644

3 936 121

15 077 586

Franche-Comté (C.C.I.R)

5 917 331

4 991 982

Haute-Saône

2 715 745

2 134 271

Jura

3 631 042

3 010 574

Territoire de Belfort

2 163 642

1 642 661

Haute-Normandie

Dieppe

3 171 095

2 936 588

39 589 381

Elbeuf

1 538 049

1 424 314

Eure

4 972 379

4 673 540

Fécamp-Bolbec

2 151 095

1 965 893

Haute-Normandie (C.C.I.R)

8 875 625

8 156 018

Le Havre

12 446 235

10 725 096

Rouen

14 456 434

12 655 341

Ile-de-France

CCI France

29 723 505

25 240 433

235 357 230

Essonne

17 326 326

13 004 588

Paris - Ile-de-France (C.R.C.I)

294 921 846

217 983 019

Seine et Marne

20 538 373

15 809 848

Languedoc-Roussillon

Alès Cévennes

3 043 921

2 277 739

43 917 914

Béziers - Saint-Pons

4 379 723

3 402 998

Carcassonne

3 300 418

2 499 561

Languedoc-Roussillon (C.C.I.R)

7 451 371

9 049 259

Lozère

1 575 268

1 342 543

Montpellier

8 230 714

6 965 774

Narbonne, Lézignan-Corbières…

2 641 107

1 920 913

Nîmes - Bagnols - Uzès - le Vigan

12 323 418

9 571 637

Perpignan

7 994 851

6 904 375

Sete - Frontignan - Mèze

2 688 437

2 141 827

Limousin

Corrèze

5 484 845

4 647 547

11 394 045

Creuse

1 495 992

1 259 623

Limoges et Haute-Vienne

6 213 367

5 252 529

Limousin (C.C.I.R)

798 693

678 918

Lorraine

Lorraine (C.C.I.R)

4 097 695

5 569 939

22 381 600

Meurthe-et-Moselle

7 702 086

4 726 000

Meuse

2 062 799

1 747 000

Moselle

11 481 356

7 743 000

Vosges

5 279 759

3 732 000

Midi-Pyrénées

Ariège

3 069 709

2 448 528

41 041 576

Aveyron

7 493 821

5 948 248

Gers

2 759 041

2 203 800

Lot

2 711 051

2 154 988

Midi-Pyrenées (C.C.I.R)

3 579 302

3 069 107

Montauban et Tarn-et-Garonne

2 897 493

2 316 919

Tarbes et Hautes-Pyrénées

5 182 227

4 102 785

Tarn

7 638 618

6 045 259

Toulouse

17 721 941

14 138 633

Nord-Pas-de-Calais

Artois

7 544 976

6 533 391

57 432 827

Côte d'Opale

12 608 934

10 058 123

Grand Hainaut

11 702 328

9 113 466

Grand Lille

19 324 284

15 569 988

Nord de France (C.C.I.R)

21 264 146

18 453 345

SIADEP (GIC)

0

0

Pays-de-Loire

Le Mans et Sarthe

8 451 732

6 642 872

40 490 229

Maine-et-Loire

8 604 648

6 740 458

Mayenne

4 309 735

3 465 654

Nantes-Saint-Nazaire

19 851 886

17 082 871

Pays-de-la-Loire (C.C.I.R)

5 752 038

2 218 873

Vendée

7 614 709

5 550 252

Picardie

Aisne

7 739 934

6 698 796

23 303 422

Amiens-Picardie

7 641 245

6 682 011

Littoral Normand-Picard

3 019 893

2 468 384

Oise

7 721 990

6 033 516

Picardie (C.C.I.R)

3 968 792

2 340 686

Poitou-Charentes

Angoulême

5 225 111

4 281 119

25 165 959

Cognac

1 744 680

1 428 636

Deux-Sèvres

5 411 900

4 434 074

La Rochelle

4 537 301

3 716 198

La Vienne

6 758 006

5 535 064

Poitou-Charentes (C.C.I.R)

2 083 778

2 205 871

Rochefort-sur-Mer et Saintonge

5 534 997

4 534 575

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Alpes de Haute-Provence

2 738 417

2 237 870

85 947 378

Hautes-Alpes

2 632 119

2 157 954

Marseille

48 997 759

40 524 006

Nice - Côte d'Azur

18 047 035

15 175 037

Pays d'Arles

4 082 497

3 466 433

Provence-Alpes-Côte d'Azur (C.C.I.R)

8 435 578

6 818 517

Var

14 786 335

12 656 716

Vaucluse

8 238 526

6 811 253

Rhône-Alpes

Ain

9 072 112

6 681 936

91 372 851

Ardèche

5 449 702

3 998 389

Drôme

7 995 442

5 944 964

Grenoble

18 154 381

13 124 835

Haute-Savoie

9 265 284

7 017 773

Lyon

35 367 386

26 015 700

Nord Isère

7 172 697

5 317 070

Rhône-Alpes (C.C.I.R)

15 921 409

8 089 656

Roannais

3 394 643

2 489 830

Saint-Etienne Montbrison

9 421 582

6 942 060

Savoie

8 184 619

6 049 470

Villefranche-sur-Saône

3 788 547

2 760 274

 

Totaux Métropole

1 329 290 360

1 045 594 690

975 967 680

DOM

Guyane (C.C.I.R)

5 836 152

5 938 293

5 075 445

Iles de Guadeloupe (C.C.I.R)

8 050 552

7 440 410

6 553 763

La Réunion (C.C.I.R)

8 089 376

7 620 807

6 403 458

Martinique (C.C.I.R)

9 907 979

8 839 931

7 915 505

Mayotte (C.C.I.R)

0

1 093 919

805 820

 

Total général

1 361 174 419

1 076 528 050

1 002 721 671

Source : CCI France, septembre 2015.

ANNEXE 3 : ÉVOLUTION DES FONDS DE ROULEMENT DES CCI ENTRE 2013 ET 2015

Ces résultats sont issus d’une enquête réalisée auprès du réseau des CCI par CCI France en février 2015. Ils sont déclaratifs et devront être confirmés une fois établis les budgets définitifs pour 2015. Par ailleurs, le fonds de roulement disponible au titre de cette même année résulte de l’application du prélèvement de 500 millions d’euros et de la baisse de la taxe affectée de 213 millions d’euros adoptés en loi de finances initiale pour 2015. Ce tableau ne tient pas compte de l’impact du plan emploi consulaire.

Région

CCI

FDR net 2013 « disponible » hors services portuaires, services aéroportuaires et ponts

couverture des charges décaissables non exceptionnelles 2013, hors services portuaires, services aéroportuaires et ponts (en jours)

FDR net 2014 « disponible » hors services portuaires, services aéroportuaires et ponts

couverture des charges décaissables non exceptionnelles 2014, hors services portuaires, services aéroportuaires et ponts (en jours)

FDR net 2015 « disponible », hors services portuaires, services aéroportuaires et ponts

couverture des charges décaissables non exceptionnelles 2015, hors services portuaires, services aéroportuaires et ponts (en jours)

Alsace

Alsace (C.C.I.R)

12 058 126

169

7 958 267

105

5 095 851

74

Colmar et Centre-Alsace

3 821 322

168

3 574 892

157

1 548 457

70

Strasbourg et Bas-Rhin

9 661 674

156

9 446 594

154

2 919 418

49

Sud Alsace Mulhouse

6 846 639

274

5 522 366

200

443 748

17

Aquitaine

Aquitaine (C.C.I.R)

3 979 428

220

3 576 729

185

1 957 232

100

Bayonne Pays Basque

4 343 549

96

3 134 647

66

2 125 866

45

Bordeaux

15 285 899

101

9 450 843

73

8 610 748

70

Dordogne

14 277 598

362

8 466 797

225

6 007 398

155

Landes

4 168 486

296

1 458 723

88

1 208 922

70

Libourne

3 459 190

665

2 693 610

495

382 033

88

Lot-et-Garonne

3 187 803

213

1 521 699

117

1 122 000

87

Pau Béarn

14 481 704

207

14 210 765

190

7 793 465

105

Auvergne

Aurillac et Cantal

2 216 457

247

2 024 946

241

632 673

71

Auvergne (C.C.I.R)

3 558 731

132

2 653 881

109

1 338 715

63

CCI Puy-de-Dôme

29 535 569

654

28 601 470

621

13 199 120

293

Haute-Loire

2 991 377

277

3 321 735

355

829 533

87

Montluçon-Gannat

4 172 887

277

2 810 891

202

1 028 627

83

Moulins-Vichy

5 749 638

415

6 182 342

512

3 522 913

276

Basse-Normandie

Alençon

1 817 399

195

1 923 988

186

867 564

88

Basse-Normandie (C.C.I.R.)

6 042 009

526

4 234 392

183

182 996

15

Caen Normandie

3 666 979

88

2 539 573

65

2 721 067

74

Centre et Sud Manche

4 052 965

467

115 179

13

988 174

117

Cherbourg-Cotentin

2 953 863

215

1 271 012

111

1 168 091

106

Flers - Argentan

2 743 982

336

697 994

81

650 127

67

Pays d'Auge

3 358 634

350

1 197 061

133

650 000

75

Bourgogne

Bourgogne (C.C.I.R)

6 839 764

375

4 683 000

198

1 179 000

51

Côte d'Or

12 185 939

378

9 581 939

298

3 580 152

117

Nièvre

2 295 814

154

1 732 553

115

795 469

55

Saône-et-Loire

10 856 000

291

9 131 700

250

3 013 400

83

Yonne

6 464 489

322

3 013 936

180

2 964 436

162

Bretagne

Brest

15 573 400

190

8 730 095

159

2 612 231

52

Bretagne (C.C.I.R)

10 041 233

452

5 213 791

189

1 353 107

55

Côtes d'Armor

1 546 287

70

2 049 879

93

1 461 223

68

Morbihan

12 340 991

362

2 397 569

67

909 612

25

Morlaix

14 694 309

769

5 250 106

262

2 852 315

147

Quimper Cornouaille

2 839 765

115

2 733 585

108

2 627 785

110

Rennes

2 685 926

39

2 066 396

31

2 325 028

35

Saint-Malo-Fougères

10 795 329

395

3 939 000

123

1 611 000

55

Centre

Centre (C.C.I.R)

6 954 560

399

4 918 150

268

1 934 232

106

Cher

2 555 410

133

2 275 347

115

1 322 197

76

Eure-et-Loir

4 557 205

228

2 319 355

111

396 300

19

Indre

6 347 935

320

6 074 584

310

2 231 243

115

Loiret

10 528 626

355

9 169 168

313

2 346 000

73

Loir-et-Cher

6 045 358

340

5 192 899

289

-680 436

-29

Touraine

9 037 250

351

6 040 912

250

-11 139

-0,5

Champagne-Ardenne

Ardennes

6 854 699

497

6 124 032

445

1 395 019

96

Châlons-en-Champagne, Vitry-le-François, Sainte Ménéhould

4 788 415

304

2 528 067

174

831 798

57

Champagne-Ardenne (C.C.I.R)

4 051 027

261

2 490 749

154

767 612

51

Haute-Marne

3 519 528

362

3 024 757

357

1 019 456

125

Reims et Épernay

15 306 326

384

11 508 836

220

1 722 687

32

Troyes et Aube

3 969 528

208

4 477 638

202

1 248 985

70

Corse

Ajaccio et Corse du Sud

3 605 300

124

2 177 900

76

964 200

37

Bastia et Haute-Corse

4 172 586

188

4 771 686

199

2 937 036

126

Corse (C.C.I.R)

795 000

23

823 000

24

144 000

4

DOM-COM

Guyane (C.C.I.R)

-2 812 631

-89

-2 462 971

-92

-2 359 658

-115

Ile de La Réunion (C.C.I.R)

5 508 692

63

4 691 845

52

4 907 985

56

Iles de Guadeloupe (C.C.I.R)

13 414 076

305

10 885 026

249

8 359 326

191

Martinique (C.C.I.R)

12 673 392

282

12 710 438

268

3 530 223

70

Saint-Pierre-et-Miquelon (CACIMA)

627 256

277

608 329

309

608 548

286

Franche-Comté

Doubs

14 719 398

490

12 515 014

632

2 480 790

142

Franche-Comté (C.C.I.R)

3 413 500

109

4 161 720

174

3 664 777

154

Haute-Saône

1 589 944

193

1 413 500

173

807 923

106

Jura

2 178 611

213

2 308 611

225

1 035 360

101

Territoire de Belfort

4 344 304

603

3 760 000

534

871 000

130

Haute-Normandie

Dieppe

1 335 165

126

3 511 167

368

1 640 415

218

Elbeuf

2 660 016

433

1 571 419

287

966 836

194

Eure

2 401 678

102

2 020 964

87

1 783 485

81

Fécamp-Bolbec

257 523

30

-549 250

-67

-756 982

-102

Haute-Normandie (C.C.I.R)

9 777 927

573

6 323 054

274

-18 409

-1

Le Havre

15 000 000

227

2 000 000

36

-500 000

-9

Rouen

10 274 687

130

9 390 543

133

5 887 419

89

Ile-de-France

CCI France

7 795 934

90

6 534 834

86

5 019 734

67

Essonne

13 435 998

246

10 808 015

201

7 461 883

142

Paris Ile de France

213 750 248

126

163 301 012

96

26 877 005

16

Seine-et-Marne

40 489 117

433

20 671 277

236

-2 650 952

-31

Languedoc-Roussillon

Alès Cévennes

2 937 863

221

2 649 822

212

1 248 359

102

Béziers - Saint-Pons

7 249 680

384

6 615 609

344

2 345 543

138

Carcassonne

8 108 849

571

7 368 869

574

3 459 664

313

Languedoc-Roussillon (C.C.I.R)

5 113 270

67

2 457 271

31

1 451 484

19

Lozère

1 601 139

251

1 477 452

222

495 250

81

Montpellier

7 481 065

238

7 117 469

247

2 378 264

93

Narbonne, Lézignan-Corbières et Port la Nouvelle

2 025 455

182

1 778 321

157

771 926

75

Nîmes

10 965 022

223

10 007 401

176

4 634 206

110

Perpignan

5 355 511

174

4 551 613

140

2 777 623

101

Sète-Frontignan-Mèze

-1 722 816

-275

270 566

45

640 000

42

Limousin

Corrèze

4 742 258

226

3 534 520

172

2 229 958

126

Creuse

3 107 381

484

2 488 512

374

715 398

114

Limoges et Haute-Vienne

3 995 396

121

3 720 274

118

1 616 017

51

Limousin (C.C.I.R)

988 682

155

942 923

147

902 308

146

Lorraine

Lorraine (C.C.I.R)

2 063 204

12

1 884 818

12

3 394 000

30

Meurthe-et-Moselle

6 418 469

117

7 068 433

121

5 839 662

140

Meuse

2 858 164

369

555 733

69

643 023

155

Moselle

5 206 213

115

4 543 892

108

4 568 869

200

Vosges

7 294 110

319

6 285 842

285

1 713 808

126

Midi-Pyrénées

Ariège

3 929 167

344

1 984 947

169

805 230

66

Aveyron

4 533 329

128

4 007 091

116

2 918 618

89

Gers

660 676

157

838 098

82

764 021

91

Lot

3 808 098

330

2 789 388

270

1 172 188

117

Midi-Pyrenées (C.C.I.R)

3 740 071

160

2 313 996

112

168 854

10

Montauban et Tarn-et-Garonne

2 230 104

150

1 693 422

128

609 256

47

Tarbes et Hautes-Pyrénées

7 756 000

285

5 407 000

220

2 566 000

104

Tarn

8 483 376

242

6 783 506

227

2 266 060

76

Toulouse

6 719 098

42

6 745 326

42

6 861 338

43

Nord-Pas-de-Calais

Artois

3 867 657

115

2 776 971

83

1 936 948

64

Côte d'Opale

17 384 406

462

2 423 855

66

-6 860 094

-214

Grand Hainaut

19 957 638

266

4 921 922

69

-424 755

-7

Grand Lille

3 985 216

34

3 367 518

37

2 898 431

33

Nord de France (C.C.I.R)

13 520 815

160

10 373 066

135

7 379 842

116

Pays-de-Loire

Le Mans et Sarthe

4 952 354

96

4 571 485

86

4 327 774

86

Maine-et-Loire

3 930 074

43

3 431 383

39

3 335 240

39

Mayenne

1 819 626

108

642 617

36

2 915 160

159

Nantes-Saint-Nazaire

4 698 379

51

4 475 000

52

4 373 000

55

Pays-de-la-Loire (C.C.I.R)

8 555 357

475

1 388 113

79

863 249

51

Vendée

7 833 962

364

8 176 705

393

3 767 090

185

Picardie

Aisne

12 889 096

614

11 904 411

500

3 008 111

136

Amiens-Picardie

-7 747 279

-194

-7 540 889

-158

-6 698 816

-153

Littoral Normand-Picard

1 837 905

201

1 837 905

315

913 937

116

Oise

18 526 581

552

15 000 000

433

1 700 000

49

Picardie (C.C.I.R)

8 268 819

268

5 507 699

134

1 947 798

35

Poitou-Charentes

Angoulême

12 265 791

247

7 881 570

155

-1 536 788

-28

Cognac

2 490 748

271

2 150 000

245

906 000

105

Deux-Sèvres

2 625 417

110

1 816 227

82

1 102 440

51

La Rochelle

15 050 133

995

6 269 482

394

72 000

5

La Vienne

6 964 099

160

2 292 828

53

407 074

10

Poitou-Charentes (C.C.I.R)

695 858

58

505 537

46

505 537

48

Rochefort-sur-Mer et Saintonge

6 188 208

248

5 118 000

205

1 383 000

55

Provence-

Alpes-Côte-d'Azur

Alpes de Haute-Provence

853 178

80

830 885

76

489 192

46

Hautes-Alpes

4 166 796

348

3 236 514

303

187 957

20

Marseille

38 628 840

216

9 692 960

55

4 409 502

28

Nice Côte d'Azur

26 398 755

258

6 914 007

69

3 449 342

36

Pays d'Arles

5 714 610

156

2 796 887

61

1 983 150

64

Provence-Alpes-Côte d'Azur (C.C.I.R)

10 294 000

304

4 179 000

123

4 288 000

141

Var

30 365 026

551

8 792 095

285

350 673

6

Vaucluse

5 960 154

131

3 680 342

86

2 092 025

48

Rhône-Alpes

Ain

8 504 365

384

7 119 229

315

1 189 529

59

Ardèche

5 740 275

289

3 960 933

207

1 157 755

59

Beaujolais

6 095 956

400

4 428 334

271

711 163

42

Drôme

27 604 882

652

27 894 489

769

15 068 086

394

Grenoble

22 495 963

106

22 506 988

100

21 130 568

90

Haute-Savoie

7 215 952

229

6 819 546

215

1 766 965

60

Lyon

28 647 587

247

24 918 398

214

6 528 017

58

Nord Isère

4 862 831

204

4 524 934

201

1 291 510

58

Rhône-Alpes (C.C.I.R)

14 650 334

419

12 863 966

332

6 416 403

189

Roanne-Loire-Nord

2 957 424

293

2 453 920

276

472 876

58

Saint-Etienne Montbrison

2 237 627

45

4 057

0,1

-2 288 153

-56

Savoie

5 384 603

260

4 353 205

212

1 140 443

58

Totaux

1 300 503 593

37 525

908 349 779

27 276

342 479 501

11 361

Moyenne pondérée en jours

 

187

 

133

 

52

Source : CCI France.

ANNEXE 4 : QUESTIONNAIRE TRANSMIS AUX RÉSEAUX CONSULAIRES

Dans le cadre des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle, les rapporteures ont fait parvenir à l’ensemble des chambres des réseaux consulaires un questionnaire leur permettant de donner leur appréciation sur l’évolution de leur réseau, de leurs missions et de leur financement.

Le taux de retour est satisfaisant, mais les réponses obtenues doivent être interprétées avec réserve. Il atteint :

– 63 % pour les CCIT et 95 % pour les CCIR ;

– 51 % pour les CMA départementales et 50 % pour les CMA régionales ;

– 72 % pour les chambres d’agriculture départementales et interdépartementales et 71 % pour les chambres régionales d’agriculture et de région.

Les développements suivants proposent une présentation synthétique des résultats obtenus.

1 La poursuite de la réforme de la carte consulaire

La MEC a souhaité disposer d’un retour sur le degré d’adhésion des chambres aux fusions encouragées par leur tête de réseau dans le cadre de la création de grandes régions prévue par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions.

Concernant le réseau des CCI, il ressort des réponses obtenues que si la fusion des chambres régionales existantes en une seule chambre semble bien acceptée (81 % de retours favorables pour les CCIT et 95 % pour les CCIR), la poursuite des fusions entre chambres infra-régionales demandera une plus grande concertation puisque seules 53 % des CCIT y sont favorables pour 94 % des CCIR.

Concernant les réseaux des CMA et des chambres d’agriculture, l’hypothèse d’une fusion régionale complète des chambres régionales et territoriales au sein d’une seule chambre est rejetée par la majorité des chambres départementale interrogées (81 % pour les CMAD et 71 % pour les chambres d’agriculture) tandis que les CMA régionales l’approuvent à une courte majorité (54 %).

4. La mise en œuvre d’un fonds de péréquation

De manière globale, les chambres sont favorables à la péréquation, mais s’inquiètent des effets de la mise en œuvre ou du renforcement des fonds dédiés sur le niveau de leurs ressources.

Le panel de réponses adressé à la MEC indique ainsi que 52 % des CCIT sont favorables à la constitution d’un tel fonds (52 % d’entre elles considérant que celui-ci devrait être géré par CCI France et 36 % par les CCIR) et 67 % des CCIR (56 % d’entre elles souhaitant en assurer la gestion pour 31 % acceptant de la confier à CCI France).

La mise en œuvre d’un fonds de péréquation est perçue favorablement ou très favorablement par le réseau des CMA (à 88 % pour les CMAD et 91 % pour les CMAR), bien que la majorité des chambres ayant répondu au questionnaire n’en soient pas bénéficiaires (71 % des CMAD et 75 % des CMAR).

5. Les mutualisations entre les réseaux consulaires

Les mutualisations de certaines fonctions entre réseaux consulaires ne sont bien perçues que par le réseau des CCI (à 92 % pour les CCIT et à 80 % pour les CCIR).

Les autres réseaux n’y sont pas favorables, sans doute par souci de conserver leur indépendance vis-à-vis des CCI. Ces résultats corroborent les informations transmises par les chambres concernées lors des auditions.

Le tableau suivant présente l’ensemble des réponses adressées à la MEC par les chambres des trois réseaux consulaires.

RÉPONSES AUX QUESTIONNAIRES ADRESSÉS AUX CHAMBRES CONSULAIRES

(en pourcentage)

QUESTIONS

RÉPONSES DES CCIT

RÉPONSES DES CCIR

Comment considérez-vous le rôle d'animation du réseau exercé par CCI France ?

très favorablement

5 %

favorablement

56 %

peu favorablement

39 %

très favorablement

10 %

favorablement

81 %

peu favorablement

9 %

Êtes-vous favorable au projet "CCI de demain" adopté par l'Assemblée générale des CCI de décembre dernier ?

oui

87 %

non

13 %

-

oui

95 %

non

5 %

-

Comment considérez-vous votre rapport à votre tutelle ?

très favorablement

25 %

favorablement

55 %

peu favorablement

20 %

très favorablement

29 %

favorablement

71 %

-

Comment considérez-vous votre rapport aux collectivités territoriales ?

très favorablement

58 %

favorablement

40 %

peu favorablement

2 %

très favorablement

43 %

favorablement

52 %

peu favorablement

5 %

Avez-vous engagé une démarche de contractualisation avec une collectivité pour la réalisation d'actions ou de projets ?

oui

94 %

non

2 %

en cours

4 %

oui

78 %

non

17 %

en cours

5 %

Vous êtes-vous engagé dans la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État ?

     

oui

42 %

non

11 %

en cours

47 %

Comment considérez-vous votre rapport à votre CCIR ?

très favorablement

28 %

favorablement

42 %

peu favorablement

29 %

     

Êtes-vous associé à l'élaboration de la stratégie régionale de votre CCIR ?

oui

89 %

non

11 %

-

     

Avez-vous été consulté par votre région dans le cadre de l’élaboration des schémas régionaux de développement économique et des schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire ?

     

oui

90 %

non

10 %

-

Quel est l'état de mise en œuvre des schémas sectoriels applicables
–  à votre CCIT ? (pour les CCIT)

– aux CCIT de votre région ? (pour les CCIR)

partiel

66 %

intégral

34 %

-

partiel

57 %

intégral

43 %

-

Considérez-vous que ces schémas sectoriels sont assez précis ?

oui

59 %

non

41 %

-

     

Avez-vous engagé une démarche de mutualisation de certaines fonctions avec d’autres chambres ?

oui

94 %

non

6 %

-

oui

95 %

non

5 %

-

Dans le cadre de la nouvelle carte régionale prévue par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, êtes-vous favorable à la fusion des CCIR actuelles en une CCIR unique de région ?

oui

81 %

non

12 %

nc

7 %

oui

95 %

non

5 %

-

Dans le cadre de la nouvelle carte régionale prévue par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, êtes-vous favorable à la fusion des CCIR infra régionales entre elles ?

oui

53 %

non

43 %

nc

4 %

oui

94 %

non

6 %

-

Seriez-vous favorable à la constitution d’un fonds de péréquation au sein du réseau CCI ?

oui

52 %

non

48 %

-

oui

67 %

non

33 %

-

Si oui, ce fonds devrait-il être géré par :

CCI France

52 %

CCIR

36 %

autre

12 %

CCI France

31 %

CCIR

56 %

sans réponse

13 %

Quelle est l’évolution de vos ressources globales en 2015 ?

en baisse

99 %

stable

1 %

-

en baisse

100 %

-

-

Le montant prévisionnel de vos dépenses en 2015 est-il :

en baisse

90 %

stable

10 %

-

en baisse

95 %

stable

5 %

-

Êtes-vous favorable pour l’avenir à la mutualisation de certaines fonctions entre les réseaux des CCI et des CMA ?

oui

92 %

non

8 %

-

oui

80 %

non

20 %

-

Êtes-vous favorable pour l’avenir à une fusion entre les réseaux des CCI et des CMA ?

oui

68 %

non

32 %

-

oui

71 %

non

29 %

-

QUESTIONS

RÉPONSES DES CMAD

RÉPONSES DES CMAR

Comment considérez-vous le rôle d'animation et de coordination du réseau exercé par l’APCMA ?

très favorablement

33 %

favorablement

62 %

peu favorablement

5 %

très favorablement

25 %

favorablement

58 %

peu favorablement

17 %

Êtes-vous favorable au projet d’organisation régionale adopté par l’Assemblée générale de l’APCMA des 2 et 3 décembre dernier ?

oui

95 %

non

5 %

-

oui

82 %

non

18 %

-

Comment considérez-vous votre rapport à votre tutelle ?

très favorablement

50 %

favorablement

50 %

-

très favorablement

50 %

favorablement

50 %

-

Vous êtes-vous engagé dans la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État ?

     

oui

25 %

non

50 %

en cours

25 %

Comment considérez-vous votre rapport aux collectivités territoriales ?

très favorablement

71 %

favorablement

29 %

-

très favorablement

60 %

favorablement

40 %

-

Avez-vous été consulté par votre région dans le cadre de l’élaboration des schémas régionaux de développement économique et des schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire ?

     

oui

75 %

non

25 %

-

Avez-vous engagé une démarche de contractualisation avec une collectivité pour la réalisation d'actions ou de projets ?

oui

98 %

non

2 %

-

oui

100 %

-

-

Comment considérez-vous votre rapport à votre chambre régionale ?

très favorablement

31 %

favorablement

55 %

peu favorablement

14 %

     

Êtes-vous associé à l'élaboration de la stratégie régionale de votre chambre régionale ?

oui

88 %

non

12 %

-

     

Quel est l'état de mise en œuvre des schémas d’organisation du réseau ?

partiel

90 %

intégral

10 %

-

     

Considérez-vous que ces schémas d’organisation du réseau sont assez précis ?

oui

52 %

non

48 %

-

     

Comment évaluez-vous le schéma d’organisation du réseau ?

     

très favorablement

17 %

favorablement

58 %

peu favorablement

25 %

Avez-vous engagé une démarche de mutualisation de certaines fonctions avec d’autres chambres ?

oui

95 %

non

5 %

-

oui

67 %

non

25 %

nc

8 %

Êtes-vous prêt à vous engager dans une fusion régionale complète ?

oui

19 %

non

81 %

-

oui

50 %

non

40 %

nc

10 %

Craignez-vous que la fusion régionale se fasse au détriment des missions de proximité ?

oui

83 %

non

17 %

-

     

Comment considérez-vous la mise en œuvre de la péréquation au sein du réseau CMA ?

très favorablement

26 %

favorablement

62 %

peu favorablement

12 %

très favorablement

9 %

favorablement

82 %

peu favorablement

9 %

Bénéficiez-vous de la mise en œuvre de la péréquation au sein du réseau CMA ?

oui

29 %

non

71 %

-

oui

25 %

non

75 %

-

Le montant prévisionnel global de vos ressources en 2015 est-il :

en baisse

76 %

stable

22 %

en augmentation

2 %

en baisse

33 %

stable

42 %

en augmentation

25 %

Percevez-vous le droit additionnel à la taxe pour frais de chambre ?

oui

90 %

non

10 %

-

     

Pratiquez-vous un dépassement de la tarification du stage préparatoire à l’installation ?

oui

19 %

non

81 %

-

     

Le montant prévisionnel de vos dépenses en 2015 est-il :

en baisse

63 %

stable

24 %

en augmentation

12 %

en baisse

46 %

stable

27 %

en augmentation

27 %

La taxe pour frais de chambre permet-elle de couvrir vos frais de gestion ?

oui

21 %

non

79 %

-

oui

58 %

non

42 %

-

Disposez-vous d’une comptabilité permettant de distinguer les dépenses financées par la taxe pour frais de chambre des autres dépenses ?

oui

74 %

non

26 %

-

oui

83 %

non

17 %

-

Avez-vous réduit vos charges de personnel depuis 2010 ?

oui

81 %

non

19 %

-

     

Gérez-vous un ou des CFA ?

un

53 %

plusieurs

14 %

aucun

33 %

-

plusieurs

40 %

aucun

60 %

Quelle est la part de votre budget consacré à l’apprentissage ?

plus de la moitié

61 %

la moitié

6 %

moins de la moitié

33 %

plus de la moitié

67 %

-

moins de la moitié

33 %

Les résultats d’exploitation de vos CFA sont-ils déficitaires ?

oui

70 %

non

30 %

-

     

Les conventions signées avec les régions relatives à l’apprentissage comportent-elles des indicateurs d’activité et de performance satisfaisants ?

oui

88 %

non

12 %

-

oui

67 %

non

22 %

nc

11 %

Avez-vous dû renoncer à des dépenses d’investissement en matière d’apprentissage en raison de la baisse de vos financements ?

oui

61 %

non

39 %

-

oui

38 %

non

50 %

nc

12 %

Êtes-vous favorable pour l’avenir à la mutualisation de certaines fonctions entre les réseaux des CCI et des CMA ?

oui

24 %

non

76 %

-

oui

25 %

non

75 %

-

Êtes-vous favorable pour l’avenir à une fusion entre les réseaux des CCI et des CMA ?

oui

7 %

non

93 %

-

-

non

100 %

-

QUESTIONS

RÉPONSES DES CAD

RÉPONSES DES CAR

Comment considérez-vous le rôle d'animation et de coordination du réseau exercé par l’APCA ?

très favorablement

29 %

favorablement

66 %

peu favorablement

5 %

très favorablement

27 %

favorablement

66 %

peu favorablement

7 %

Êtes-vous favorable au projet d’organisation intitulé « Terres d’avenir » ?

oui

93 %

non

7 %

-

oui

93 %

non

0 %

nc

7 %

Comment considérez-vous votre rapport à votre tutelle ?

très favorablement

28 %

favorablement

69 %

peu favorablement

3 %

très favorablement

40 %

favorablement

53 %

peu favorablement

7 %

Vous êtes-vous engagé dans la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État ?

     

oui

54 %

non

38 %

en cours

8 %

Comment considérez-vous votre rapport aux collectivités territoriales ?

très favorablement

56 %

favorablement

42 %

peu favorablement

2 %

très favorablement

60 %

favorablement

40 %

-

Avez-vous été consulté par votre région dans le cadre de l’élaboration des schémas régionaux de développement économique et des schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire ?

     

oui

100 %

-

-

Avez-vous engagé une démarche de contractualisation avec une collectivité pour la réalisation d'actions ou de projets ?

oui

93 %

non

2 %

en cours

5 %

oui

79 %

non

7 %

en cours

14 %

Comment considérez-vous votre rapport à votre chambre régionale ?

très favorablement

40 %

favorablement

57 %

nc

3 %

     

Êtes-vous associé à l'élaboration de la stratégie régionale de votre chambre régionale ?

oui

95 %

non

2 %

nc

3 %

     

Êtes-vous prêt à vous engager dans une fusion régionale complète ?

oui

23 %

non

73 %

nc

4 %

oui

46 %

non

54 %

-

Craignez-vous que la fusion régionale se fasse au détriment des missions de proximité ?

oui

74 %

non

23 %

nc

     

Avez-vous engagé une démarche de mutualisation de certaines fonctions avec d’autres chambres ?

oui

98 %

non

2 %

-

oui

93 %

nc

7 %

-

Le montant prévisionnel global de vos ressources en 2015 est-il :

en baisse

72 %

stable

13 %

en augmentation

15 %

en baisse

53 %

stable

20 %

en augmentation

27 %

Le montant prévisionnel de vos dépenses en 2015 est-il :

en baisse

55 %

stable

25 %

en augmentation

20 %

en baisse

33 %

stable

33 %

en augmentation

34 %

La taxe pour frais de chambre permet-elle de couvrir vos frais de gestion ?

oui

21 %

non

79 %

-

oui

25 %

non

67 %

nc

8 %

Disposez-vous d’une comptabilité permettant de distinguer les dépenses financées par la taxe pour frais de chambre des autres dépenses ?

oui

77 %

non

23 %

-

oui

77 %

non

23 %

-

Avez-vous réduit vos charges de personnel depuis 2010 ?

oui

56 %

non

44 %

-

     

Avez-vous dû renoncer à des dépenses et à des missions en raison de la baisse de vos financements ?

oui

94 %

non

6 %

-

oui

87 %

non

13 %

-

Êtes-vous favorable pour l’avenir à la mutualisation de certaines fonctions avec les deux autres réseaux consulaires ?

oui

38 %

non

60 %

nc

2 %

oui

25 %

non

75 %

-

Êtes-vous favorable pour l’avenir à une fusion avec les deux autres réseaux consulaires ?

oui

0 %

non

98 %

nc

2 %

oui

7 %

non

93 %

-

ANNEXE 5 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Audition du 18 février 2015

– M. Renaud Riché, sous-directeur des chambres consulaires au service de l’action territoriale, européenne et internationale à la Direction générale des entreprises, au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, MM. Bernard Lavergne, chef du bureau de la tutelle des chambres de commerce et d’industrie, et Pierre Rebeyrol, chef du bureau de la tutelle des chambres des métiers et de l’artisanat 397

Auditions du 4 mars 2015

– M. André Marcon, président de CCI France, M. Pierre Goguet, président de la CCI de Bordeaux, président de la commission des finances de CCI France, Mme Judith Jiguet, directrice générale de CCI France, et M. Bernard Falck, directeur général délégué à CCI France. *. 421

– M. Julien Alix, conseiller budgétaire du cabinet du Secrétaire d’État
chargé du budget, M. Jean-Baptiste Minato, chef de bureau à la direction du budget et M. Édouard Bloch-Escoffier, adjoint au chef de bureau à la direction du budget 243

– M. Jean-Philippe Espic, conseiller chargé du commerce et des réseaux consulaires et M. David Parlongue, conseiller chargé du financement des entreprises et du logement, du cabinet de la Secrétaire d’État chargée du commerce.... 451

Auditions du 11 mars 2015

– M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) et de M. François Moutot, directeur général * 471

Auditions du 25 mars 2015

– Table ronde réunissant des représentants de Chambres de commerce et d’industrie territoriales : M. Jean Vaylet, président de la CCI de Grenoble ; M. Vianney de Chalus, président de la CCI du Havre ; M. Jacques Betbede, directeur général de la CCI Marseille Provence ; M. André Garreta, président de la CCI Bayonne Pays Basque, et M. Bernard Darretche, directeur général ; M. Jean-Louis Nesti, président de la CCI de Corrèze, et M. Michel Pedamond, directeur général ; M. Olivier Rocaboy, directeur de cabinet du président de la CCI Nantes Saint-Nazaire 265

Auditions du 31 mars 2015

– Table ronde réunissant des représentants de chambres de commerce et d’industrie régionales : M. Pierre Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France, M. Gilles Curtit, président de la CCI Franche-Comté, M. François Cravoisier, président de la CCIR Champagne-Ardenne et Mme Corinne Genin, directrice générale, M. Nicolas Chiloff, président de la CCI Centre et M. Romuald de Pontbriand, directeur général, M. Jean-Baptiste Tivolle, directeur général de la CCI Nord de France, M. Christian Jouve, directeur général de la CCI Midi-Pyrénées, et M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe, directeur général de l’Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM).. 509

Auditions du 14 avril 2015

– Mme Élodie Lematte, conseillère en charge des affaires financières, de l’emploi et
de la protection sociale agricole, au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. 543

– M. Guy Vasseur, président de l’Assemblée permanente des chambres
d’agriculture (APCA) *. 559

– M. Didier Guédon, conseiller maître à la Cour des comptes, président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes et M. Jacques Basset, conseiller maître à la Cour des comptes 575

Auditions du 6 mai 2015

– Table ronde réunissant des représentants des chambres de métiers et de l’artisanat :
M. Pierre Cormorèche (Ain), M. Yves Petitjean (Aquitaine), M. Dominique Degois (Bourgogne), M. Jean-Pierre Freudenreich, (Centre), M. Gérard Morin (Centre), M. Paul-Henri Bard (Franche-Comté), M. Joël Fourny (Loire-Atlantique), M. Serge Crabié (Midi-Pyrénées), Mme Brigitte Geoffriault (Midi-Pyrénées), M. Dominique Klein (Moselle) et M. Philippe Seguin (Pays de la Loire) 319

– M. Guy Piolé, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, Mme Isabelle Gravière-Troadec, conseiller maître à la deuxième chambre, et M. Olivier Mousson, conseiller maître à la deuxième chambre 617

Auditions du 13 mai 2015

– M. Pierre Giacometti, secrétaire général de FO-CCI, Mme Christine Andry, déléguée syndicale FO-CCI Lorraine et M. Djemel Ogbi, enseignant à la CCI de Paris-Île-de-France 637

– Table ronde réunissant des représentants des chambres d’agriculture : M. Claude Cochonneau, président de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, M. Maximin Charpentier, président de la Chambre d’agriculture de la Marne, M. Gérard Renouard, président de la Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle, M. André Sergent, président, et M. Pascal Gourain, directeur, de la Chambre d’agriculture du Finistère 349

– Table ronde réunissant des représentants des syndicats de salariés du réseau des chambres de commerce et d’industrie : Mme Jeannine Marty, de la CGT CCI Paris-Ile-de-France, M. Gilles Morisseau, président de l’UNSA-CCI, Mme Sylvia Vuarnet, présidente de la CFC-CGC réseaux consulaires, conseillère technique à la Commission paritaire nationale, Mme Laurence Dutel, secrétaire générale de la CFDT-CCI, M. Fabrice Kaluzny, directeur équipement et territoires de la CFE-CGC, M. Martin Gazzo, secrétaire général adjoint de la CFDT-CCI, Mme Fatiha Fadil, de la CGT CCI.. 659

Auditions du 27 mai 2015

– Table ronde réunissant des représentants des organisations patronales : M. Jean Vaylet, président du comité chambres de commerce et d’industrie du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *, M. Philippe Guillaume, vice-président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) en charge de la coordination des unions, M. Henry Brin, président du conseil de l’artisanat de la Fédération française du bâtiment (FFB) *, et M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). 685

Auditions du 9 juin 2015

– Table ronde réunissant : M. Philippe Adnot, sénateur, président du conseil général de l’Aube, et M. Arnaud de Bélenet, vice-président du conseil départemental de Seine-et-Marne, en charge du développement économique, pour l’Assemblée des départements de France ; M. Bruno Hug de Larauze, président de la chambre de commerce et d’industrie de région (CCIR) Pays de la Loire, et M. Philippe Jan, directeur du développement des entreprises et des territoires de la CCIR Pays de la Loire ; M. Ludovic Guimas, chef du service Coordination et gestion, Direction de l’action économique, des innovations et de l’internationalisation, du conseil régional des Pays de la Loire 707

– Audition de M. Dominique Barrau, secrétaire général de la Fédération nationale des fédérations d’exploitants agricoles (FNSEA), accompagné de M. Éric Berton, chef de service du département syndical 731

– Audition conjointe de M. François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale, et de M. Josian Palach, secrétaire national de la Confédération paysanne, accompagné de M. Jacques Bonati 741

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Auditions du 18 février 2015

M. Renaud Riché, sous-directeur des chambres consulaires au service de l’action territoriale, européenne et internationale à la Direction générale des entreprises, au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, MM. Bernard Lavergne, chef du bureau de la tutelle des chambres de commerce et d’industrie, et Pierre Rebeyrol, chef du bureau de la tutelle des chambres des métiers et de l’artisanat

M. le président Olivier Carré. La Mission d’évaluation et de contrôle entame aujourd’hui un nouveau cycle de travaux. La commission des finances a en effet souhaité, sur la proposition de Mme Monique Rabin, que nous nous penchions sur les missions et les financements des réseaux consulaires, qui ont fait l’objet de nombreuses discussions lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. De fait, certains estiment que ce modèle est efficace, d’autres qu’il a fait son temps et que, les réseaux consulaires bénéficiant de ressources issues d’une taxe affectée, l’État a pour le moins un droit de regard sur leurs crédits et leur fonctionnement. Par ailleurs, le projet de loi NOTRe, en cours de discussion à l’Assemblée nationale, modifie l’organisation territoriale de l’action économique, dont les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat sont des acteurs importants. Ainsi s’affrontent trois conceptions des réseaux consulaires – celle du monde de l’entreprise, dont ils sont l’émanation, celle de l’État et celle des collectivités territoriales –, dont le Parlement doit tenter de réaliser la synthèse, ce qui n’est pas aisé.

Je rappelle que la MEC associe traditionnellement, dans son fonctionnement, majorité et opposition. Elle compte ainsi deux co-rapporteurs, en l’espèce Mme Monique Rabin et Mme Catherine Vautrin.

Nous commençons nos travaux par l’audition des responsables des chambres consulaires au sein du ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique : M. Renaud Riché, sous-directeur des chambres consulaires au service de l’action territoriale, européenne et internationale de la Direction générale des entreprises, M. Bernard Lavergne, chef du bureau de la tutelle des chambres de commerce et d’industrie, et M. Pierre Rebeyrol, chef du bureau de la tutelle des chambres de métiers et de l’artisanat.

M. Renaud Riché, sous-directeur des chambres consulaires au service de l’action territoriale, européenne et internationale de la Direction générale des entreprises. Monsieur le président, nous représentons en effet tous trois la direction générale des entreprises de Bercy, qui assure la tutelle sur les réseaux consulaires des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA). Actuellement adjoint du directeur du service du développement territorial et international de la direction générale des entreprises et sous-directeur des réseaux consulaires, j’ai été conseiller au sein de cabinets ministériels au moment de l’élaboration de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, qui comportait un premier train de réformes visant notamment à renforcer le rôle des chambres de commerce et d’industrie régionales (CCIR).

Le réseau des chambres de commerce et d’industrie se retrouve dans l’actualité législative, puisque des amendements d’origine parlementaire sur ce sujet ont été déposés sur la loi NOTRe. L’un d’entre eux vise notamment à permettre, par anticipation sur les réflexions menées par la tête de réseau, la fusion au 1er janvier 2016 de certaines CCIR, notamment celles de Haute-Normandie et de Basse-Normandie. L’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) est, quant à elle, pour des raisons liées à sa taille et à son homogénéité, en avance dans ce domaine. Son président, M. Alain Griset, qui a su faire œuvre de pédagogie et est parvenu à faire adopter un projet de réforme du réseau qui se traduira par quatre amendements à la loi NOTRe. Il s’agit, pour le réseau des CMA, d’avoir le plus rapidement possible de véritables présidents de région consulaire face aux présidents des nouvelles régions qui seront issues des réformes territoriales en cours.

Par ailleurs, il est vrai que l’examen des derniers projets de loi de finances a suscité des débats opposant, d’une part, le ministère de l’économie et des finances pour qui, les chambres de commerce étant des établissements publics de l’État financés par prélèvements obligatoires, l’État y est chez lui et, de l’autre, des dirigeants d’entreprise élus à la tête d’établissements publics qui contestent les mesures prises depuis deux ans. La direction générale des entreprises est au carrefour de ces débats : représentants de l’administration qui participe à la vie des deux réseaux consulaires, nous devons faire comprendre aux présidents de chambre que les temps ont changé et que, dès lors que l’on bénéficie de prélèvements obligatoires, il faut justifier de leur utilisation. Au demeurant, lorsqu’une CCIR signe une convention avec un conseil régional, elle remplit les indicateurs de gestion imposés par la collectivité ; il n’y a pas de raison que la même logique de fonctionnement ne s’applique pas dans les relations que le réseau entretient avec l’État.

Les deux réseaux ont une culture différente à cet égard. Les artisans sont beaucoup plus « disciplinés » que les commerçants et se considèrent davantage comme des agents publics. Les présidents des chambres de métiers et de l’artisanat ont ainsi adopté, dès 2009, un statut du personnel assez proche de celui de la fonction publique territoriale. Le recrutement des cadres supérieurs se fait sur la base d’un examen professionnel organisé par la tête de réseau, auquel participent les chefs de bureau des chambres de métiers et de l’artisanat ainsi que des universitaires. Force est de constater qu’en l’espace d’un mandat, les profils ont changé, de sorte que les relations avec les élus locaux et les préfets se sont améliorées et que les procédures d’appel d’offres et de marchés publics sont mieux respectées, comme en témoignent les résultats des programmes de contrôle organisés par le Contrôle général économique et financier et l’Inspection générale des finances (IGF). Le trésorier d’une chambre de métiers et de l’artisanat est un chef d’entreprise élu et, sans un secrétaire général compétent qui appelle son attention sur la nécessité de respecter seuils et procédures, il pourrait tomber dans certains pièges, sans mauvaise foi aucune ni esprit dolosif.

Quoi qu’il en soit, le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat est plutôt uni derrière son président, qui a une vision claire de l’objectif qu’il souhaite atteindre et qui est conscient des responsabilités qui incombent au réseau en tant que bénéficiaire de prélèvements obligatoires. Du reste, comme les artisans craignent d’être perdants en cas de rapprochement des deux réseaux, ils mettent un point d’honneur à être pour l’État des partenaires plus conciliants que leurs cousins des chambres de commerce et d’industrie. Il est vrai cependant qu’ils disposent de ressources plus modestes. C’est pourquoi l’émotion suscitée par la mission menée par l’IGF au printemps dernier fut plus vive dans les chambres de commerce et d’industrie que dans les chambres de métiers et de l’artisanat, qui ne disposent pas de 2,3 milliards de valeurs mobilières – à la fin de l’année 2014, leur trésorerie s’élevait en effet à moins de 3 millions d’euros.

De fait, certains des propos du précédent ministre de l’économie, M. Arnaud Montebourg, avaient été perçus comme urticants par les chambres de commerce. Sa conviction, partagée du reste par l’ensemble du pôle de Bercy, était en effet que, les collectivités territoriales étant, de par la Constitution, chefs de file en matière de développement économique, les CCI et les CMA devaient se consacrer en priorité à la gestion des formalités, à l’accompagnement des entreprises et à la formation, et participer au redressement des comptes publics en ajustant leurs ressources à ces missions.

Le rapport de l’IGF a, certes, été critiqué, mais il a le mérite de s’être appuyé exclusivement sur les chiffres fournis par les deux têtes de réseau, l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) et l’APCMA. En tout état de cause, la tête de réseau des CCI n’a pas besoin d’annoncer que la loi de finances va la contraindre à se séparer de 7 500 salariés alors que 19 % de ses agents vont partir à la retraite dans les cinq ans à venir et qu’elle va naturellement réaliser ainsi un peu plus de 250 millions d’euros d’économies.

M. Bernard Lavergne, chef du bureau de la tutelle des chambres de commerce et d’industrie. Je commencerai par une brève présentation du réseau des CCI. Celui-ci compte actuellement 151 établissements publics et près de 26 000 agents ; son budget consolidé s’élève à environ 4 milliards d’euros. L’article L. 711-16 du code de commerce dispose que la tête de réseau assure l’animation de l’ensemble du réseau des chambres de commerce et d’industrie. CCI France remplit la plupart des missions qui lui sont confiées à ce titre. Elle a ainsi élaboré « une stratégie nationale du réseau des chambres de commerce et d’industrie » en signant avec l’État, le 28 mai 2013, un contrat d’objectifs et de performance. Par ailleurs, elle a mis en place le Système d’information des ressources humaines (SIRH), qui permet une gestion prévisionnelle des effectifs, et le « cube », qui permet d’agréger des données comptables du réseau. Ce faisant, elle gère des « projets de portée nationale intéressant le réseau », « propose aux chambres des fonctions de soutien dans les domaines technique, juridique et financier » et « passe, pour son propre compte ou pour celui de tout ou partie des chambres, des marchés ou des accords-cadres ». Elle définit également « la politique générale en matière de gestion du personnel des chambres », puisque des commissions paritaires nationales, présidées par le ministre et composées des représentants des employeurs et des organisations syndicales, sont chargées de faire évoluer le statut des personnels. Enfin, elle « coordonne les actions du réseau avec les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger » par l’intermédiaire de CCI France International, qui clarifie la répartition des rôles entre les différentes entités. En revanche, CCI France n’a pas diligenté « d’audit relatif au fonctionnement des différentes chambres du réseau » ni « constitué, à la demande des chambres, une instance de conciliation », en dépit de l’existence de certains différends au sein du réseau.

Mme Monique Rabin, rapporteure. On sait qu’il existe sinon une rupture, du moins un malentendu entre CCI France et certains présidents de chambres régionales, qui récusent son rôle et s’interrogent sur le type de missions qui lui sont confiées. Outre la question financière, qui est récurrente, la structuration même du réseau n’est-elle pas en cause ?

M. Bernard Lavergne. L’une des difficultés de CCI France est due au fait qu’elle ne dispose pas de ressources propres et qu’elle est donc obligée de demander aux chambres de commerce et d’industrie régionales de lui octroyer des financements. Dans cette négociation, elle n’est pas en position de force.

M. Alain Fauré. Quelle forme revêt la contribution des CCIR : s’agit-il d’une cotisation fixe annuelle ou est-elle négociée au coup par coup ?

M. Bernard Lavergne. CCI France fixe elle-même le montant de la participation des CCIR. Toutefois, elle ne peut pas, par exemple, demander une augmentation importante de cette participation à un moment où les ressources financières du réseau issues de la taxe pour frais de chambre baissent. Elle est donc dans une négociation politique avec les CCIR.

M. le président Olivier Carré. Pouvez-vous nous rappeler quel est le budget de CCI France ?

M. Bernard Lavergne. En 2013, le budget global du réseau était de 3,6 milliards et se répartissait comme suit : 2,6 milliards pour les chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT), 879 millions pour les CCIR et 36 millions pour CCI France.

M. le président Olivier Carré. En quelle année CCI France a-t-elle été créée ?

M. Renaud Riché. Elle est la lointaine survivance d’une association de présidents créée à la fin du XIXsiècle ou au début du XXsiècle. La structure des chambres de métiers et de l’artisanat est plus récente et a été immédiatement encadrée par la loi, dans les années 1920.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Il serait intéressant que l’on dresse un bilan de la loi de 2010, pour mesurer les évolutions intervenues depuis son entrée en vigueur. Il ne faut pas oublier, en effet, que cette loi a été précédée d’une discussion interne à CCI France – qui s’appelait alors l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) – entre défenseurs du départementalisme, tenants de la régionalisation et partisans de la métropolisation. Les enjeux sont donc non seulement financiers, mais aussi organisationnels. Or, le moins que l’on puisse dire est que les choses n’ont guère évolué.

M. Renaud Riché. On constate que, là où la régionalisation a été mise en œuvre, dans le Nord-Pas-de-Calais ainsi qu’en Haute-Normandie et en Basse-Normandie, cette évolution avait fait l’objet d’un véritable projet de mandat pour la période 2010-2015, annoncé comme tel par les futurs élus dirigeants. Les présidents de CCIR qui ont lancé le processus quelques mois plus tard – je pense au président de la CCI Champagne-Ardenne – ne parviennent pas à le mener à terme. Pour l’APCMA, les choses sont plus faciles. On retrouve, au sein du comité directeur de CCI France, les clivages apparus avant 2010, même si l’on assiste actuellement à une montée en puissance des tenants de la métropolisation, les départementalistes étant beaucoup plus modérés.

M. le président Olivier Carré. Chacun est maintenant bien conscient que ce sont les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en particulier les agglomérations métropoles, qui piloteront, avec les régions, l’action économique territoriale. C’est la raison pour laquelle se pose notamment la question de l’avenir des CCI.

M. Alain Fauré. À chacun son métier. Les collectivités piloteront peut-être l’action économique territoriale, mais elles n’entretiennent pas avec les entrepreneurs le même lien que les CCI, composées de dirigeants d’entreprise élus. Dès lors, peut-être faudra-t-il développer les politiques contractuelles entre les professionnels et les collectivités.

M. Renaud Riché. Lors de son dernier comité directeur, CCI France a préféré attendre d’avoir une connaissance plus claire des dispositions de la loi NOTRe pour présenter ses propositions de réforme.

La conclusion de la convention d’objectifs et de performance entre l’État et la tête de réseau a suscité de vifs débats, CCI France contestant le rôle de chef de file des collectivités et tenant à ce que le leadership des chambres de commerce et d’industrie soit reconnu dans le domaine du développement économique. La signature des conventions d’objectifs et de moyens consulaires régionales a pris beaucoup de retard parce qu’il a été très difficile de faire admettre aux chambres que ces conventions devaient s’inscrire en parfaite cohérence avec les schémas prévus par le code général des collectivités territoriales. Ce qui nous semblait évident n’allait pas du tout de soi. Il nous a donc fallu faire œuvre de pédagogie, sur ce point mais aussi dans d’autres domaines, en particulier sur la question de l’innovation. À cet égard, il est difficile de critiquer les derniers projets de loi de finances quand on a connaissance des projets dans lesquels étaient prêts à s’engager, de bonne foi, certains présidents de CCI.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pourriez-vous nous citer des exemples ?

M. Renaud Riché. On peut penser que l’achat par un président de chambre maritime de six chalutiers qui lui coûtent moins cher en restant au fond d’un port qu’en naviguant n’est pas forcément un très bon investissement. Un autre président de chambre a annoncé un plan de licenciement d’une dizaine d’agents alors que dans le même temps, il achetait un immeuble 11 millions d’euros en utilisant de la trésorerie qui risquait d’être écrêtée. Dès lors qu’aucun emprunt n’est contracté, le préfet ne peut s’y opposer.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Acheter un immeuble n’est pas forcément absurde ; tout dépend de l’usage que l’on en fait. On aborde ici la question des compétences des chambres de commerce, qui varient beaucoup selon les départements et les régions : certaines d’entre elles ont pour activité principale la gestion de ports et d’aéroports ; d’autres gèrent des écoles de commerce relevant de l’enseignement supérieur. Pouvez-vous nous indiquer comment est réparti le budget des CCI entre ces différentes missions ?

M. Renaud Riché. La mission de l’IGF a permis d’établir cette ventilation. On sait ainsi que 40 % des dépenses sont consacrées à l’accompagnement des entreprises et aux formalités et un tiers à la formation, domaine dans lequel, du reste, les chambres de commerce ont fait la preuve de leur efficacité.

M. Alain Fauré. Notre pays forme très bien ses élites, mais les étudiants des grandes écoles de commerce gérées par les CCI seront embauchés par de grandes entreprises ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI), alors que les chambres de commerce sont financées essentiellement par les cotisations des PME – 95 % des entreprises françaises comptent moins de vingt salariés. Les CCI ont aussi pour mission de les aider à élaborer des plans de formation et d’apprentissage, car, actuellement, les PME dépendent le plus souvent de l’éducation nationale. Ne pourrait-on pas envisager des partenariats dans ce domaine ?

M. Renaud Riché. Les CCI ne gèrent pas seulement les 29 écoles supérieures de commerce ; elles forment également 60 000 apprentis de niveau infra-bac ou supérieur.

M. Alain Fauré. Mais pour combien d’entreprises ?

M. Renaud Riché. Pour deux millions de ressortissants, certes. En tout état de cause, les CCI ont pour atout de connaître le tissu de commerçants et d’industriels, de sorte qu’elles mettent en place des formations adaptées, parfois conjointement avec les CMA. Ainsi, la formation de prothésiste dentaire, de niveau du brevet de technicien supérieur (BTS), est inter-consulaire : les étudiants sont accueillis par la CMA à Rennes et par la CCI à Strasbourg. De manière générale, j’encourage les CCI très dynamiques dans ce secteur, notamment celle du Nord-Pas-de-Calais, à communiquer davantage sur les nombreux BTS et de bacs professionnels qu’elles ont créés.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Qu’en est-il des conventions d’objectifs et de moyens qui doivent être signées à l’échelle des CCIR ? Elles devraient précisément permettre de fixer ces objectifs.

M. Renaud Riché. L’idée émise par le ministre des finances M. Arnaud Montebourg à l’occasion des débats sur le projet de loi de finances pour 2015 et reprise par son successeur, est que ces conventions doivent permettre au moins aux préfets de vérifier que les crédits dédiés à la formation et à l’apprentissage ne sont pas affectés. Nous avons envoyé, il y a un mois, une instruction relative aux conventions à l’ensemble des préfets, même si nous savions qu’aucune ne serait signée au 9 février, comme cela était prévu initialement. À ce stade, nous souhaitons que chaque préfet sache ce qu’a fait la chambre de commerce de sa région et les chambres territoriales qui lui sont rattachées.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Je précise tout de même qu’il s’agit de l’ancien modèle régional. Je ne saisis pas la logique.

M. le président Olivier Carré. J’ai été frappé, au moment des débats sur le projet de loi de finances, par le fait que les CCI ne se sentent pas sous tutelle ; elles ont le sentiment d’être indépendantes. Or, c’est un élément qui peut alimenter le doute que nourrit la communauté entrepreneuriale quant à l’action publique, et pas uniquement depuis trois ans. Comment avez-vous perçu cette évolution et comment peut-on, selon vous, remédier à ce problème afin que le travail soit à l’avenir plus constructif ?

M. Renaud Riché. J’ai le sentiment qu’à la fin du précédent mandat, les présidents d’établissements publics s’inscrivaient davantage dans une démarche proche du syndicalisme. Du reste, le président de la CCIR Rhône-Alpes, qui est en quelque sorte le doyen du réseau, rappelle de temps à autre à ses collègues qu’ils ne sont pas représentants du MEDEF et que les CCI sont financées par des prélèvements obligatoires, et non par des cotisations volontaires. Néanmoins, ce discours syndicaliste commence à s’infléchir. Même s’ils ne l’affirment pas en assemblée générale, certains présidents de CCIR et de petites chambres qui fonctionnent plutôt bien sont en demande d’orientations claires de la part de l’État, car ils souhaitent pouvoir articuler le mieux possible leur action avec celle des collectivités territoriales. Je rappelle d’ailleurs qu’en 2009, la tête de réseau a tenté, en vain, de mettre en œuvre une véritable régionalisation. Certains présidents – je pense notamment au président de la CCI Pays-de-Loire, dont les missions de l’IGF reviennent toujours satisfaites – souhaiteraient que le Gouvernement et le Parlement reprennent la main.

La conception selon laquelle les chambres de commerce sont des corps intermédiaires reflue donc, même si la moitié des présidents, dont André Marcon, voient dans les CCI les héritières des parlements de l’Ancien régime, dotées à ce titre d’un droit de remontrance au Gouvernement. Ceux-là sont ceux qui font le plus de syndicalisme et ils sont, de temps à autre, rappelés à l’ordre par leurs collègues.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quelles sont les parts respectives des ressources propres et des dotations dans le budget des CCI ?

M. Renaud Riché. Les ressources propres représentent 52 % des financements des CCI, mais c’est une moyenne nationale : le produit de la taxe pour frais de chambre constitue 75 % des ressources des chambres d’Auvergne ou du Limousin, par exemple, contre un petit quart pour les chambres qui se portent bien. Au plan international, nous savons que la chambre de Madrid se porte désormais très bien, bien qu’elle soit privée de subsides publics depuis quelques années.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il serait important que l’on sache précisément ce que recouvre ce pourcentage afin de mieux appréhender la question de la contribution des réseaux consulaires lors de l’examen du projet de loi de finances. Par ailleurs, il me semble que les CCI vivent une crise de légitimité : les entreprises ne reconnaissent pas les CCI, qu’elles jugent incapables de les aider. Quel est votre sentiment sur ce point ?

M. Renaud Riché. Le taux de participation aux élections – 17 % en 2010 – est éloquent. Un ami chef d’entreprise m’a en effet confié qu’il ne se reconnaissait pas dans la CCI Paris-Ile-de-France, par exemple, dont l’image est brouillée. Et cela est vrai pour les autres CCI : le président de celle du Nord-Pas-de-Calais m’a indiqué qu’un de ses ressortissants l’avait félicité pour une campagne de promotion de la formation par alternance, campagne qui était en fait réalisée par l’APCMA et le FNPCA… Si l’on ajoute à cela que 65 % des chefs d’entreprise sont affiliés à la fois à la CCI et à la CMA et doivent cotiser aux deux chambres, force est de reconnaître que le paysage n’est pas très lisible.

M. Charles de Courson. En réalité, deux modèles coexistent en Europe : le modèle anglo-saxon, qui est associatif – les chambres sont indépendantes et vivent uniquement de recettes propres, même si des collectivités locales peuvent les aider au coup par coup – et le modèle latin des établissements publics ou assimilés. La spécificité française tient à la fusion de ces deux modèles : les chambres de commerce et d’industrie sont des établissements publics dont une partie des activités est purement commerciale. Si ce double financement est maintenu, les activités financées sur recettes propres devraient être isolées de la section générale, financée par l’impôt. Car, aujourd’hui, dans les comptes de nombreuses CCI, ces deux activités sont mélangées, même si les concessions font l’objet de budgets annexes. Par ailleurs, nous pourrions responsabiliser les chambres en déléguant à leur assemblée générale le pouvoir de fixer le taux de la taxe qu’elles perçoivent, dans la limite d’un plafond fixé par le Parlement. Les choses seraient plus claires, car le mode de fixation actuel n’est pas très lisible. Une réflexion est-elle menée sur ces sujets ?

M. Renaud Riché. Oui. D’autant plus qu’outre-mer, le problème est criant, puisque les CCI y étaient adossées à un port ou à un aéroport fonctionnant sous la forme d’une concession. En Guyane, par exemple, depuis vingt ans, les recettes excédentaires du port couvrent tout le budget de la CCI, section générale comprise. Et, lorsqu’a été créé l’établissement public du Grand port maritime de Guyane, la CCI a disposé de la trésorerie et ne l’a pas transférée. C’est un problème que nous sommes en train de traiter ; une mission de l’IGF a été demandée à la fin de l’année dernière par Emmanuel Macron et Michel Sapin.

M. Charles de Courson. Se pose également la question des structures : pourquoi existe-t-il des chambres de commerce, des chambres de métiers et des chambres d’agriculture ? Dans les territoires d’outre-mer, me semble-t-il, les différentes chambres ont fusionné en une seule qui comprend une section agricole, une section artisanale et une section industrielle et commerciale.

M. Bernard Lavergne. C’était en effet le cas à Saint-Pierre-et-Miquelon, où la chambre interprofessionnelle a été scindée en trois sections. Pour revenir sur la distinction entre activités non-commerciales et concessions, il faut savoir que ces dernières sont parfois une charge pour les CCI. Ainsi, l’exploitation des ports coûte beaucoup d’argent à la chambre territoriale de la Côte d’opale. Dans un tel cas, les acteurs économiques sont satisfaits que la CCI finance ce type d’activités. Des aéroports sont également dans cette situation. Il s’agit donc d’une question délicate.

M. le président Olivier Carré. Ce financement n’est-il pas assimilé à une aide publique par la réglementation européenne ?

M. Renaud Riché. Une plainte a en effet été déposée par Air France auprès de la Commission européenne. Il est évident que ce type de problèmes se pose.

M. le président Olivier Carré. Nous avons peu parlé des chambres de métiers et de l’artisanat jusqu’à présent.

M. Pierre Rebeyrol, chef du bureau de la tutelle des chambres de métiers et de l’artisanat. Les chambres de métiers et de l’artisanat sont des établissements publics à caractère administratif, mais elles ne sont pas opérateurs de l’État, dans la mesure où elles n’ont pas de comptable public et sont administrées par des professionnels élus. Le statut de leurs agents est spécifique : il ne correspond pas à celui de la fonction publique et ne relève pas non plus du code du travail. Il s’agit d’un statut sui generis, défini dans le cadre d’une négociation paritaire nationale entre employeurs et représentants du personnel.

Le réseau, qui comprend 103 établissements publics, est composé de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), dont les missions sont définies à l’article 5-8 du code de l’artisanat, de quinze Chambres régionales de métiers et de l’artisanat (CRMA), auxquelles sont rattachées des chambres départementales, de onze chambres de métiers et de l’artisanat de région (CMAR), composées de sections dépourvues de personnalité juridique, et de 77 chambres départementales.

Il emploie 11 258 agents publics, dont 8 010 titulaires et 3 248 non-titulaires. Les ressources du réseau s’élevaient, en 2012, à 797 millions d’euros, répartis de la manière suivante : 28 % provenaient de la taxe pour frais de chambre, 49 % de subventions, versées notamment par les conseils généraux pour financer les activités en matière de formation et d’apprentissage, et 23 % de diverses prestations tarifées.

Les chambres départementales auxquelles sont directement rattachés des centres de formation forment environ 66 000 des 400 000 apprentis que compte notre pays.

Comment se répartissent les attributions entre les échelons national, régional et départemental ? L’APCMA a pour mission de définir la stratégie et la coordination de l’ensemble du réseau. Les CMAR tiennent les registres des métiers et sont compétentes en matière de qualification. Quant aux chambres de métiers départementales, elles exercent une mission d’accompagnement et de conseil auprès des artisans et gèrent les centres de formation qui leur sont rattachés.

M. Alain Fauré. Que pensez-vous de l’offre des CMA en matière de formation ? La jugez-vous adaptée aux besoins actuels ? Comment les plans de formation sont-ils élaborés ?

M. Renaud Riché. La structure de formation des chambres de métiers et de l’artisanat est définie dans les contrats d’objectifs et de moyens État-régions et partenaires de formation. Nécessité a fait loi en quelque sorte, puisque les CFA des chambres de métiers, qui coûtent cher, sont financés en moyenne à 83 % par les régions. Se pose, dès lors, la question de leur mutualisation. Toutefois, les présidents de CMA ont souvent un lien affectif avec leur centre de formation dont ils ont été, pour la plupart, apprentis, et ils sont de ce fait attachés à leur territoire. Ce phénomène n’est pas propre aux territoires ruraux. On peut ainsi se demander s’il est vraiment nécessaire que la région parisienne compte deux importants CFA pouvant accueillir 2 500 apprentis chaque année, d’autant que certaines organisations professionnelles ont leurs propres centres de formation ou leurs écoles nationales. En outre, ce secteur est devenu concurrentiel, puisque les lycées professionnels et même les universités ouvrent des classes d’apprentissage.

L’APCMA a eu cependant de bonnes intuitions en labellisant quelques CFA rebaptisés « Université régionale des métiers de l’artisanat » (URMA) et en constituant, en partenariat avec l’éducation nationale, des filières allant du CAP au BTS, ce qui est de nature à rassurer les parents. N’oublions pas que la moitié des créateurs d’entreprise sont des artisans qui créent leur emploi.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Quelles sont, selon vous, les fusions possibles entre CCI et CMA ? Par ailleurs, est-il possible de dresser un bilan du fonds de péréquation du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat créé par la loi de finances rectificative d’août 2014 ?

M. Renaud Riché. Selon le dispositif prévu, le fonds de péréquation doit être alimenté par un prélèvement sur le fonds de roulement, dont sont déduits l’ensemble des investissements approuvés par le préfet. Pour 2014, ce prélèvement est de 58 millions d’euros, dont il faut déduire 40 millions d’investissements. Sachant que l’écrêtement sera d’environ 17 millions, il restera probablement 1,3 million d’euros pour le fonds de péréquation.

Quant à la fusion des CCI et des CMA, nous en entendons surtout parler par les deux têtes de réseau. L’APCMA y est hostile : elle se voit comme un bon élève à la tête d’un petit réseau et ne souhaite pas se fondre dans le grand réseau des chambres de commerce dont elle estime qu’il ne fonctionne pas bien. CCI France envisage cette hypothèse lorsqu’elle a des griefs contre l’APCMA, par exemple lorsque les fromagers ou les cuisiniers quittent les CCI pour rejoindre les chambres de métiers.

M. le président Olivier Carré. Cette fusion pourrait tout de même être source d’économies, car je rappelle que les entrepreneurs qui sont commerçants et artisans paient les deux taxes.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous devrons nous poser la question des compétences respectives des uns et des autres, qu’il s’agisse des services de l’État ou des collectivités pour ce qui est de la compétence économique, et avoir le courage de décider qui travaille avec qui, y compris au sein des réseaux consulaires.

Par ailleurs, comment le réseau rend-t-il compte de sa performance et de l’utilisation de ses ressources fiscales pour les seules missions prévues par les lois et les règlements, à l’exclusion des activités marchandes ? Il serait intéressant que nous disposions d’une photographie précise des activités de chacun des réseaux et de l’utilisation qu’ils font de leurs ressources propres et de leurs ressources fiscales – j’imagine que la comptabilité des chambres le permet.

Je souhaiterais également savoir comment sont réparties les charges du réseau et quelle est l’évolution de la masse salariale.

Enfin, les artisans nous disent tous que l’apprentissage est une charge pour leur entreprise. Peut-être nous faut-il, là aussi, mener une réflexion sur les recettes fiscales perçues par les CMA et sur l’accompagnement des entreprises qu’il conviendrait de mettre en place.

M. Renaud Riché. Sur ce point, un dialogue est en cours sur la réforme du statut des personnels d’enseignement. Pour l’instant, les positions sont tranchées. La tête de réseau souhaite en effet que les enseignants consacrent moins de temps à la préparation de cours et plus au travail d’intérêt collectif, qu’il s’agisse de présence dans les entreprises ou de promotion de l’offre de formation des CMA dans un environnement concurrentiel. La période actuelle est en effet difficile. Pour la première fois, en 2012, le solde net des créations d’entreprises artisanales s’est établi à moins 3 000. De fait, la voilure commence à se réduire, notamment dans l’alimentaire et le bâtiment.

Par ailleurs, le président Griset n’a pas souhaité signer un contrat d’objectifs et de performance avec l’État. Toutefois, l’article 1601 du code général des impôts dispose que pour percevoir un complément de ressources fiscales, compris entre 65 % et 90 % du droit fixe, les chambres régionales doivent signer une convention d’objectifs et de moyens avec le préfet et rendre compte de leurs investissements. Il est donc possible, par ce biais, d’avoir une vision synthétique de leurs activités.

M. le président Olivier Carré. Je vous poserai la même question que Mme Vautrin, mais de manière plus directe : pensez-vous que les réseaux consulaires pourraient passer de la tutelle de l’État à celle des régions ?

M. Renaud Riché. À la fin de l’année dernière, le cabinet de Mme la secrétaire d’État chargée du commerce et de l’artisanat a organisé, pour anticiper notamment l’alignement des deux réseaux sur la nouvelle carte territoriale, un cycle de réunions auxquelles une quinzaine de présidents de chambre ont participé. Certains s’y sont opposés et l’on peut se demander pourquoi une telle évolution leur fait si peur dès lors que l’on s’inscrit dans une logique où chaque chambre consulaire agira en complémentarité avec son homologue territorial et d’autant que certains présidents de chambres reconnaissent qu’ils règlent les problèmes du bassin d’emploi dans le bureau du président du conseil régional.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Il s’agit d’une logique « gagnant-gagnant », mais je crois davantage à l’échange qu’à la stratégie du bâton. Actuellement, des expériences sont menées au plan local : je suis élue d’une collectivité où la chambre et la métropole mettent en commun leurs services. L’État ne devrait-il pas recenser ce type d’expériences et les encourager afin que l’on puisse progresser ? En tout état de cause, un texte ne peut pas traiter d’une compétence sans l’envisager dans son ensemble.

M. Renaud Riché. Ces pratiques constituent en effet le quotidien des chambres consulaires dans la mesure où, qu’il s’agisse d’économie ou de formation, la région est chef de file dans leurs principaux champs d’action. Ainsi, le président Griset a conclu des conventions avec la région Nord-Pas-de-Calais, et cela se passe très bien. Les 150 indicateurs de gestion prévus dans chacune d’entre elles ne sont pas contestés. En revanche, la signature d’une convention d’objectifs et de performance avec l’État au nom de la tête de réseau ne paraît pas envisageable.

Les présidents de chambre semblent très réticents à l’idée d’être sous la tutelle des régions, si bien que, lors du lancement de la mission de l’IGF, qui préfigurait la rédaction des projets de loi de réforme territoriale, ils avaient obtenu du Premier ministre M. Jean-Marc Ayrault un courrier les assurant que le passage sous tutelle régionale était exclu. Bien entendu, l’assemblée générale des CCI vote des délibérations dans lesquelles elle insiste sur l’importance de la tutelle étatique au regard de l’équilibre entre régions riches et régions pauvres. Mais on ne peut pas s’empêcher de penser que la tutelle exercée par la région serait peut-être un peu plus musclée qu’elle ne l’est actuellement… Au fond, le système actuel leur convient assez bien : les dispositions du code de commerce qui organisent la tutelle de l’État sont très peu nombreuses, et le préfet ne peut donc pas faire grand-chose.

M. le président Olivier Carré. Un éventuel changement de tutelle soulève la question de la taxe. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, Bercy a adressé aux chambres une forme de rappel à l’ordre, lequel a provoqué, dites-vous, une évolution qui s’est traduite par un rappel des missions principales des chambres et par un reflux des positions que vous avez qualifiées de « syndicalistes ». Les chambres s’interrogent sur le sens de cette action. À cet égard, la volonté du Gouvernement de conférer aux régions davantage de pouvoir en matière d’organisation des politiques territoriales de développement économique est de nature à faire évoluer leur sentiment sur la tutelle. Reste la question de la ressource. Si l’État transfère aux régions la compétence dans ce domaine, il se prive d’une réserve dans laquelle il peut puiser.

M. Renaud Riché. Les présidents de chambres de commerce et d’industrie ont été d’autant plus surpris par le prélèvement, en 2015, de 500 millions sur leur fonds de roulement qu’ils avaient pensé que celui de l’année précédente, de 170 millions, avait été effectué presque par inadvertance. Mais 1,1 milliard sur trois ans, il est vrai que cela commence à se voir. Sachant que des recours seraient déposés, le ministre de l’économie et des finances M. Emmanuel Macron leur avait indiqué que le dispositif était juridiquement solide. Il a reconnu que celui-ci avait peut-être provoqué des dégâts collatéraux mais que c’était à eux, présidents d’établissement public, d’indiquer au Gouvernement ce qui devait être préservé. Je rappelle qu’ils avaient tout de même exclu les préfets de leurs assemblées générales en province et avaient pu dire dans la presse pis que pendre de Bercy et des ministres sans conséquences.

M. Alain Fauré. L’éventuelle fusion des chambres de métiers et de l’artisanat et des chambres de commerce ne sera pas facile à réaliser, dans la mesure où les statuts de leurs personnels, les cotisations qu’elles perçoivent et les modes d’élection de leurs membres sont différents. À l’instar de Mme Vautrin, je ne crois pas à l’efficacité de la stratégie du bâton. Je souhaiterais donc savoir si une réflexion est menée en particulier sur l’uniformisation des statuts, afin que l’on puisse procéder par étapes.

Par ailleurs, les CCI et les chambres des métiers ont notamment pour mission d’aider les chefs d’entreprise. Or, les horaires de travail de leurs personnels ne correspondent pas au rythme des entreprises. Le service ne pourrait-il pas être amélioré à cet égard ? Peut-être les chefs d’entreprise se sentiraient-ils alors davantage concernés par les réseaux consulaires s’ils ont le sentiment qu’ils leur sont utiles.

M. Renaud Riché. Les CCI et les CMA ont en effet la même clientèle, constituée de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) du commerce, de l’industrie et des services. Elles ne sont pas sollicitées par les adhérents de l’AFEP, qui, en tant que gros contributeurs, financent pourtant le réseau – la cotisation de France Telecom s’élève à 24 millions d’euros –, ce qui les conduit du reste à dénoncer le matraquage fiscal dont ils seraient victimes.

La réflexion sur le rapprochement entre les deux réseaux a été menée dans le cadre de la mission Guillaume, qui a étudié la question à travers le prisme de Bercy, c’est-à-dire en termes d’économies. Quoi qu’il en soit, une telle fusion relève d’une décision politique. Cela dit, a priori, les agents des deux réseaux ont plus de points communs que de différences : ils sont sous statuts relevant de la même loi et ils sont payés sur la valeur d’un point d’indice, même si celui-ci diffère d’un réseau à l’autre. En revanche, leurs systèmes de rémunération diffèrent. Celui des chambres de métiers et de l’artisanat est conçu de telle manière qu’il permet de comparer la rémunération de n’importe quelle profession d’une région à l’autre, ce qui est quasiment impossible dans les CCI. Le transfert de la gestion de leurs personnels à la chambre régionale a nécessité un an et demi de négociations, car, dans une région, les écarts de rémunération atteignent parfois 30 % pour une même profession. La revalorisation minimale du taux indemnitaire, qui correspond à 0,1 % de la masse salariale, votée par la commission paritaire nationale constitue un plancher : chaque président de CCI dispose d’une large marge de manœuvre et il en résulte quelques écarts en matière d’équilibre de rémunérations.

M. le président Olivier Carré. Messieurs, je vous remercie pour cette audition très riche.

Audition du 4 mars 2015

M. André Marcon, président de CCI France, M. Pierre Goguet, président de la CCI de Bordeaux, président de la commission des finances de CCI France, Mme Judith Jiguet, directrice générale de CCI France, et M. Bernard Falck, directeur général délégué à CCI France.

Mme Catherine Vautrin, présidente, rapporteure. Nous avons souhaité recevoir les chambres de commerce et d’industrie (CCI) dès le début de nos travaux. Notre mission nous donne l’occasion de faire le point sur leurs financements après les mesures de la dernière loi de finances, sur leurs missions, dont les contours devront être pris en compte au vu du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), et sur l’organisation du réseau lui-même, dont la régionalisation a été décidée en 2010.

M. André Marcon, président de CCI France. Je vous remercie de votre invitation, à laquelle nous sommes sensibles. Nous avons le souci que la mission agisse avec objectivité et efficacité, tant pour le réseau des chambres que pour l’appui aux entreprises sur le territoire.

Certains pensent que les élus nationaux sont des apparatchiks. Je suis un territorial de souche. J’ai créé et repris un certain nombre de petites entreprises, et je suis maire d’un petit village de montagne qui compte 240 habitants. J’ai présidé la CCI du Puy en Velay/Yssingeaux, puis la chambre régionale de commerce et d’industrie (CRCI) d’Auvergne, elle aussi de petite taille, avant d’exercer la présidence de CCI France. Pierre Goguet, qui m’accompagne, est chef d’entreprise dans le domaine de l’expertise comptable.

CCI France représente 4 800 élus bénévoles répartis sur l’ensemble du territoire et 26 000 collaborateurs qui défendent les intérêts de 2,5 millions d’entreprises.

Le réseau des CCI se modernise à bas bruit. Toutes les initiatives individuelles territoriales ne remontent pas à la surface et il n’entre pas dans les habitudes des consulaires de les faire connaître. Cependant, et contrairement à ce que prétendent certaines caricatures, voilà deux ans que notre réseau a fait de sa modernisation une priorité. En 2013, il a adopté une « Démarche de progrès » qui trace les lignes de sa réorganisation. Fin 2014, il a voulu aller encore plus loin, en adoptant le projet de la « CCI de demain ». Les chambres seront connectées, pour répondre vingt-quatre heures sur vingt-quatre aux besoins des entreprises. Elles seront collectives, c’est-à-dire moins axée sur le « faire » que sur le « faire avec » et seront réactives, faisant preuve de souplesse et d’adaptabilité.

Le réseau consulaire poursuit sa rationalisation. La loi de 2010 l’a modifié considérablement en l’engageant dans un processus de rationalisation, de régionalisation et de mutualisation. Cela n’a pas été sans difficulté. On ne passe pas d’un coup de baguette magique de 150 employeurs à vingt-deux, et toutes les réformes de structure ont un coût pendant leurs premières années d’application.

Avant 2017, donc en deux mandatures, nous passerons de 150 CCI territoriales à moins d’une centaine. Nous avons souvent anticipé les évolutions des collectivités territoriales. Ainsi, depuis la loi de 2010, nous organisons une double élection territoriale et régionale, comme celle qui sert à désigner le conseiller territorial. Nous soutenons aussi l’émergence des CCI métropolitaines et constatons la volonté de fusion entre les deux CCI de région normandes.

Avec le ministre Emmanuel Macron et la secrétaire d’État Carole Delga, nous travaillons sur de nouvelles mesures législatives et réglementaires qui permettront d’adapter le réseau à la réforme territoriale en cours de discussion et de l’engager dans une nouvelle étape de réforme. Notre assemblée générale du 24 février a validé à une majorité de 76,6 % notre feuille de route pour sa réorganisation.

Dès la prochaine mandature, fin 2016, nos chambres de commerce et d’industrie régionales (CCIR) correspondront aux nouvelles régions. Des dizaines de CCI devraient fusionner par décision des élus sans pour autant renoncer à l’exigence d’un service de proximité pour les entreprises, qui est inscrit dans notre ADN.

Notre réseau s’est professionnalisé. Depuis la réforme de 2010, il s’est doté d’outils nationaux qui constituent autant d’avancées. Il a élaboré une stratégie nationale via le pacte de confiance et le contrat d’objectifs et de performance. Il a consolidé, grâce au « cube », les données relatives aux finances et à l’activité de l’ensemble du réseau. Il a mis en place un système commun de gestion comptable. Il a conforté l’identité commune, en adoptant un logo commun à toutes les CCI. Il a adopté des normes d’intervention. Il a mis en place un système d’information et de gestion des ressources humaines (SIRH). Enfin, il a doté le personnel d’un nouveau statut national, pour l’élaboration duquel nous aurions souhaité davantage de soutien de la part de la tutelle…

Le réseau des CCI est fier de ce qu’il apporte aux entreprises. Il tente de mener à bien les missions identifiées par la loi de 2010. C’est dans ce cadre que les CCI s’organisent pour répondre aux attentes des entreprises. Les futures conventions d’objectifs et de moyens, signées dans les territoires avec les préfets de région, devraient confirmer ces missions.

Le réseau s’est engagé dans un processus d’évaluation. Le contrat d’objectifs et de performance a proposé, pour évaluer l’action des CCI en toute transparence, des indicateurs de performance et d’activités sur lesquels nous n’avons toujours pas de retour de notre tutelle.

Les résultats contribuent à répondre aux défis que notre pays doit relever en matière de croissance et d’emploi. Chaque année, nous accompagnons 160 000 porteurs de projets de création d’entreprise, nous formons 100 000 apprentis, ce qui fait des CCI le premier formateur de cette voie d’excellence, et nous accompagnons près de 7 000 entreprises à potentiel avec de nouveaux projets d’export.

Notre réseau, qui est le deuxième formateur de France après l’éducation nationale, continue à gérer des équipements essentiels à l’attractivité des territoires. Cosignataire de près de 2 000 conventions et contrats avec les collectivités locales, il veut aller plus loin dans le « faire avec » en systématisant le conventionnement régional.

Le réseau plaide aussi pour une trajectoire d’économies réaliste et équitable. Je me dois de rappeler que le réseau des CCI ne coûte pas cher aux entreprises. La taxe pour frais de chambres consulaires (TFC) représente à peine plus de 400 euros par entreprise, et cette moyenne cache de fortes disparités. La TFC est en effet un outil de péréquation au profit des TPE-PME : ce sont les grandes entreprises qui contribuent le plus à cette ressource fiscale, qui bénéficie en priorité aux petites entreprises sous la forme de services d’accompagnement.

Les CCI ont toujours considéré qu’elles devaient participer à l’effort collectif de redressement budgétaire, mais le Gouvernement n’a pas retenu les propositions qu’elles ont formulées l’an dernier à cet effet.

En ce qui concerne le prélèvement de 500 millions d’euros opéré en 2015 sur fonds de roulement, nous nous devons d’accepter la décision du Parlement. Nous constatons cependant qu’il s’agit d’un prélèvement sur les fonds propres destinés aux investissements. Sur la méthode, nous avions demandé un délai de deux mois, qui nous a été refusé, pour étudier la répartition la plus équitable.

Comment croire qu’en 2015, la baisse de 20 % de la TFC n’aura d’impact ni sur le service rendu aux entreprises, ni sur notre engagement pour développer l’apprentissage, ni sur notre personnel ? Aucun acteur public n’a connu une telle baisse de ses dotations, et celle-ci ne permet pas de reconstituer les fonds propres indispensables à l’investissement.

Nous avions plaidé pour une baisse normale et équitable de nos ressources, qui pèse moins sur nos actions au service des entreprises, et n’obère pas totalement les investissements dans les territoires. Nous l’avons fait entendre cet automne lors de l’examen de la loi de finances pour 2015. L’Assemblée nationale semble avoir partagé nos convictions, puisqu’elle a voté à deux reprises – en première et en deuxième lecture – une baisse maîtrisée des ressources des CCI, mais le Gouvernement a refusé tout compromis, préférant passer en force.

Aujourd’hui, le réseau est à nouveau debout, et décidé à aller de l’avant. Il est dirigé par des chefs d’entreprise qui ont l’habitude de s’adapter et de se remettre en cause. Des pistes intéressantes figurent dans le rapport sénatorial de l’an dernier. Elles visent à garantir une visibilité pluriannuelle sur la ressource fiscale des CCI, à renforcer la tête de réseau CCI France et à généraliser les conventionnements entre CCIR et régions. C’est un message que nous avons entendu.

D’autres mesures législatives et réglementaires sont nécessaires pour mieux formaliser l’esprit de la loi de 2010 et son adaptation à la loi NOTRe.

Enfin, d’autres pistes méritent d’être ouvertes sans tabou, comme le rapprochement, voire la fusion entre CCI et chambres de métiers et de l’artisanat. Sur ce sujet, seul l’intérêt des entreprises doit être pris en compte.

En conclusion et pour répondre en quelques mots à la question qui a motivé l’audition : oui, la réforme de 2010 est difficile à mettre en musique – on ne passe pas sans casser d’œufs d’un système indépendantiste séculaire à un système collectif régional – ; oui, il y a toujours des tensions çà et là entre le niveau territorial et le niveau régional, voire le réseau national. Mais notre réseau peut être fier du chemin parcouru, de ses projets et de sa volonté de s’adapter toujours mieux aux besoins comme aux contraintes des entreprises et des territoires.

Les élus chefs d’entreprises bénévoles qui consacrent une belle partie de leur temps au service de l’économie doivent à ce titre être respectés. On doit conserver les moyens financiers qui leur permettent d’assumer leurs missions définies par la loi.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Identifiez-vous une marge d’amélioration de votre réseau ? Lors de l’Assemblée générale du 24 février, au cours de laquelle la réforme tendant à créer la « CCI de demain » a été approuvée, vous avez notamment proposé des actions permettant d’améliorer votre rapport à la tutelle. Votre rôle consiste à animer le réseau, dont les chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) ou régionales n’ont pas toujours l’impression de faire partie. Ce modèle vous satisfait-il ou souhaitez-vous que le législateur accompagne certaines évolutions ?

M. André Marcon. Les difficultés que nous pouvons rencontrer ne proviennent pas d’une absence de force du niveau national. Notre organisation est indépendantiste, comme le sont les communes. Chaque CCI vote ses propres ressources et ne rend compte de ses actions qu’à la tutelle. Cependant, la loi de 2010, que nous approuvons, nous prescrit de renoncer à une pratique séculaire et d’adopter une organisation régionale. Il est normal que certains grincements – dus à la culture, aux hommes, aux habitudes – se fassent entendre.

Tout en conservant à chaque chambre territoriale l’initiative individuelle sur son territoire, ainsi que le droit de contractualiser, qui a produit les bonnes pratiques du réseau, nous souhaitons coordonner davantage le service aux entreprises, en sachant que celui-ci ne sera jamais parfaitement homogène dans l’ensemble du pays.

La loi de 2010 a installé le niveau régional comme niveau de décision stratégique, mais elle n’est pas allée jusqu’au bout de ce principe. Si elle a souhaité qu’un schéma directeur soit appliqué aux chambres, elle ne l’a pas rendu prescriptif, puisque sa mise en place peut être compromise par l’opposition d’une seule chambre, au sein d’une région qui en regroupe une dizaine. Une adoption à la majorité des deux tiers serait plus raisonnable.

Par ailleurs, la loi a proposé de mutualiser les fonctions support. Nous pensons qu’il faut aussi mutualiser les services à l’intérieur d’une région. Faute d’être prescriptif, le texte a été interprété partout différemment. La volonté centralisatrice de certains élus, qui veulent que tout remonte vers la région, s’est heurtée à la volonté indépendantiste des autres, qui souhaitent que chaque chambre conserve une partie des services.

Contraint de travailler, en tant que maire, avec la communauté de communes, je sais de ce que signifie apprendre à vivre ensemble. Il est déjà beau que nous soyons parvenus à accomplir aussi vite des progrès considérables. Pour la gestion des ressources humaines, nous nous sommes dotés d’un logiciel unique dont dépendent 30 000 collaborateurs, préretraités inclus, répartis sur tout le territoire. La mesure votée en 2011 s’est appliquée le 1er janvier 2015, sans qu’il y ait ni bug ni mouvement social. Le réseau sait réagir, quand les systèmes sont bien mis en place.

Chaque chambre avait une comptabilité propre, qu’elle ne souhaitait pas toujours partager avec les autres. Le « cube » permet désormais une lecture consolidée et centralisée des comptes, qui nous permet de nous comparer utilement. De telles évolutions sont intervenues en quatre ans.

En 2017, c’est sur « CCI de demain » que porteront nos efforts. Les chambres d’hier, individualistes, étant remises en cause par la nouvelle organisation territoriale et les nouveaux entrants de l’économie, nous devons limiter les doublons, d’où la connexion, la réactivité et le « faire avec ». Nous déclinerons ces concepts dans des opérations pragmatiques.

L’enjeu de l’assemblée générale du 24 février était d’améliorer la loi de 2010 et de nous positionner dans les nouvelles régions de 2017. Nous avons voté un schéma directeur et un schéma organisationnel prescriptifs. Nous avons supprimé le plafond de 40 % d’élus des CCIT siégeant à la CCIR. En ce qui concerne l’infradépartemental, nous avons décidé que toute chambre de plus de 10 000 ressortissants est suffisamment importante pour conserver le statut de CCIT. Par ailleurs, nous accordons à toutes les CCIT la possibilité d’appliquer les mesures que la loi avait prévues pour les CCI départementales d’Île-de-France. Nous étendons ainsi les bonnes pratiques imaginées par les élus du terrain.

M. le président Olivier Carré. Pourquoi souhaitez-vous que la loi rende prescriptifs des actes qui pourraient relever de votre seule volonté ? Vous êtes des chefs d’entreprise, responsables et habitués à vous adapter. Pourquoi vouloir en laisser l’initiative au législateur ?

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. En 2010, dans un but de rassemblement et de conciliation, nous avons cherché le plus petit dénominateur commun. Je suis heureuse de vous entendre dire aujourd’hui que la loi n’est pas allée assez loin. C’est le signe que vous avez envie d’avancer.

Mme Rabin vous a interrogé sur le lien entre le local et le national, qui ne joue pas le rôle de tutelle. Pour ma part, j’aimerais connaître le lien financier entre le terrain et CCI France.

M. André Marcon. Avant 2010, nous jouissions d’une totale liberté, que la loi a réduite, pour la bonne cause. Désormais, le budget de chaque chambre est déterminé au niveau régional. Je me suis efforcé de persuader les chefs d’entreprise qu’il fallait être encore plus vertueux, et aller encore plus loin que ne le demandait la loi. Cependant, on ne peut nier le principe de réalité. Dès lors que nous sommes un établissement public, il faut que la législation évolue si nous voulons avancer sur certains points, par exemple réunir toutes les CCI du Nord en une seule. D’autre part, l’adoption des schémas directeurs et sectoriels doit être davantage encadrée, afin que le système ne puisse être grippé par l’opposition d’un seul.

C’est par souci d’efficacité, parce qu’ils sont conscients qu’il faut prévoir des garde-fous, que les membres du réseau ont voté à 76 % les mesures que j’ai préconisées. Quand deux CCI ne sont distantes que de dix kilomètres, elles doivent respecter une certaine discipline, même si chaque élu représente la communauté des entreprises. Nous ne proposons pas le Grand soir, mais nous n’avancerons utilement que si l’on modifie la législation, d’autant que, lorsqu’un élu propose une évolution non prévue par la loi, notre tutelle ne lui donne jamais gain de cause.

M. Pierre Goguet, président de la CCI de Bordeaux, président de la commission des finances de CCI France. Le budget que CCI France établit en fonction de ses ressources et de ses objectifs accuse depuis trois ans une baisse annuelle de 5 %. L’an dernier, il s’est établi à 29 millions. Notre effectif est passé de 180 personnes à 160. Le budget est soumis à une commission des finances, puis voté poste par poste par l’assemblée générale. Il est ensuite précompté aux CCIR, qui acquittent ainsi leur contribution nationale.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Sur quelles bases les CCIR le votent-elles ?

M. Pierre Goguet. Sur la base de la TFC. Leur contribution dépend de leur poids économique, mesuré par la pesée. Celle-ci, qui n’a pas été actualisée depuis 2010, le sera prochainement en vue de la préparation des prochaines élections. CCI France n’exerce pas de pression particulière, mais le réseau attend que nous réduisions notre budget, ce qui peut nous mettre en défaut sur des missions nouvelles. Toutefois, en cas de besoin, une action ponctuelle peut faire l’objet d’un vote spécifique. La mise en place du logiciel de paie, généralisé dans toute la France, a été financée par une enveloppe dédiée, hors budget global, et fait l’objet d’un suivi spécifique.

La commission des finances réunit des représentants de quasiment toutes les régions. Ses membres sont des professionnels, qui se montrent extrêmement actifs. Depuis l’origine, nous n’avions jamais bénéficié d’un outil de pilotage aussi complet. La commission des finances soumet à l’assemblée des propositions de normes. L’an dernier, notre pilotage était fondé sur quarante indicateurs d’activité concernant toutes les chambres. Cette année, leur nombre dépasse quatre-vingts. Il augmentera encore l’an prochain.

Nous suivons ainsi l’activité de toutes les chambres dans leur volume et dans leur détail, ce qui nous permet de comparer leurs performances. Le « cube » constitue les agrégats financiers. Le suivi des indicateurs concerne non seulement les chambres mais les organismes associés – associations et filiales –, ce qui nous permet une vision consolidée, puisque le plus important ne se produit pas nécessairement dans la chambre elle-même.

D’ores et déjà, nous sommes capables d’évaluer l’effet qu’aura, fin 2015, sur le fonds de roulement des chambres, le prélèvement de 500 millions voté dans la loi de finances. Nous avons également imposé en commission des finances la mise en place de plans pluriannuels d’investissement (PPI). Le programme est normé. Nous connaissons le programme de financement et d’investissement sur cinq ans au niveau régional et national. En somme, notre tableau de bord nous permet de savoir à quelle vitesse roule la voiture, jusqu’où elle peut aller et de combien de carburant elle dispose.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quel sera l’impact du prélèvement de 500 millions, voté dans la loi de finances ?

M. Pierre Goguet. Les prélèvements ont été calculés sur les comptes de 2013. Depuis deux ans, deux prélèvements ont été effectués, et une baisse de la TFC est intervenue. Quelque 140 chambres, dont les plus importantes, ont répondu sur la situation de 2015 après prélèvement. Le fonds de roulement pondéré du poids relatif de chaque chambre s’établira alors à 37 ou 38 jours, contre près de 180 en 2013. Ce montant intègre la suite des évolutions déjà amorcées, les remboursements d’emprunts déjà contractés et quelques investissements déjà engagés, la plupart des autres ayant été suspendus.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Avez-vous évalué le montant des projets qui ont été arrêtés ?

M. Pierre Goguet. Le train d’investissement global était compris entre 500 et 600 millions par an. Ce montant a été au moins divisé par deux. Cependant, les investissements déjà lancés se poursuivent, ce qui crée un effet ciseaux pour beaucoup de chambres dont la trésorerie a été prélevée.

Ma CCI avait lancé des appels d’offres, en lien avec l’État, sur des projets importants. Il a fallu revoir le préfet pour savoir si la réduction de notre capacité de remboursement nous permettrait de les poursuivre.

M. André Marcon. Il y a cinq ans, la CCI du Puy-de-Dôme avait acquis des terrains pour réaliser un nouveau campus. On lui a prélevé 16 millions qu’elle avait économisés peu à peu et qu’elle destinait au projet – ce qui l’a obligée à renoncer. Brest, en revanche, a pu réaliser le sien, car l’investissement destiné au campus des métiers avait été provisionné en 2012, et que les travaux avaient commencé en 2013.

Par précaution, certaines CCIR avaient mis en place en 2013 un fonds de péréquation qui permettait une mutualisation régionale. Après le passage du couperet, il n’est plus possible d’utiliser ce dispositif, qui aurait pourtant été fort utile.

M. Pierre Goguet. À l’issue de l’enquête qui nous a permis de calculer les trente-sept ou trente-huit jours de trésorerie restant, nous avons identifié vingt-neuf CCI, notamment dans le Languedoc-Roussillon, qui prévoient avant la fin 2015 une impasse de trésorerie, c’est-à-dire une impossibilité d’effectuer des paiements à échéance.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Dans un souci de clarification, il serait bon que vous nous adressiez un récapitulatif de la situation réelle. J’ai beaucoup travaillé avec le Gouvernement pour trouver un espace de dialogue. Il était difficile d’obtenir des CCI des chiffres exacts, établis en fonction des mêmes critères sur tout le territoire. Je me réjouis des avancées accomplies par CCI France pour nous donner une information plus juste.

Je me souviens du cas de la CCI du Puy-de-Dôme, dont le fonds de roulement se montait à 18 millions, et dont les élus avaient défendu un important projet en matière de formation. Le groupe de travail souhaitait épargner ce type de chambre. J’apprends que cela n’a pas été fait. Une information plus détaillée nous permettra de travailler en confiance.

M. le président Olivier Carré. Il nous faudrait un tableau détaillé, précisant le montant de l’actif global, du prélèvement, de la trésorerie et du coût de chaque projet. Par exemple : « campus prévu : 25 millions, dont 16 millions d’apports ; remis en cause du fait du prélèvement. » Nous disposerions ainsi d’une vision exhaustive et factuelle de son impact.

M. André Marcon. Nous vous transmettrons ces chiffres, mais la mise en place du « cube » nous a demandé beaucoup de temps. Nous avions réclamé deux mois pour étudier la meilleure façon de répartir le prélèvement, car le fait que le couperet tombe en 2012 ou en 2013 crée nécessairement des gagnants et des perdants. Le raisonnement consistant à maintenir les investissements d’avenir déjà fléchés n’est pas mauvais. Malheureusement, Clermont venait seulement de lancer l’appel à concours d’architectes. Je pourrais citer d’autres exemples comparables.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quels sont les rapports entre les CCI et leur tutelle ? Quels sont les éléments qui fonctionnent et ceux qui vous empêchent d’avancer ?

M. André Marcon. Nous regrettons que la tutelle, très sollicitée, n’assume pas toujours sa responsabilité. Les chambres avaient l’habitude de remonter directement à Bercy quand elles avaient des états d’âme sur un sujet. Lorsque nous formulons une proposition pour faire avancer le réseau, la tutelle cite toujours un endroit où la mesure a mal fonctionné. On se souvient de l’opération emblématique des chalutiers de Cherbourg, menée avec les collectivités territoriales. Si celle-ci a échoué, ce n’est pas du fait de la CCI. On se rappelle aussi ce qui s’est passé en Guyane.

Veut-on un autre exemple ? Lors du passage en chambre paritaire régionale (CPR) d’un texte relatif au dialogue social, une organisation syndicale s’est opposée à un règlement intérieur que nous avions négocié avec les deux autres. Alors que trois partenaires sur quatre étaient d’accord, la tutelle a mis plus de trois mois à rendre sa réponse, reculant systématiquement la date de la commission paritaire nationale, ce qui nous a fait perdre un temps précieux.

La négociation paritaire se joue entre trois parties : employeurs, salariés et tutelle. Statutairement, celle-ci ne prend pas part au vote, mais convoque la réunion et effectue le relevé de décisions. Elle a donc la possibilité de tout empêcher. J’ajoute que sa position n’est pas toujours claire sauf sur certains points – nous savons par exemple qu’elle est défavorable à l’augmentation du point. Cette incertitude freine le travail remarquable des organisations syndicales et des présidents. Certes, depuis quelques mois, nous avançons sur certains sujets, mais, en règle générale, nous aimerions que la tutelle fasse plus de cas des 76 % qui ont voté la « CCI de demain » que de ceux qui se plaignent de manquer d’indépendance.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Notre mission porte non seulement sur des CCI mais aussi des chambres d’agriculture et des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA). Quels liens entretenez-vous avec ces dernières ? D’autre part – pardon si cette question vous dérange –, quelle est votre légitimité auprès des entreprises, sachant que la participation aux élections ne dépasse pas 20 % ? Cette légitimité doit-elle être renforcée ? Enfin, quelles relations aurez-vous demain avec les régions ?

M. André Marcon. Je suis le militant de l’interconsulaire. J’ai notamment présidé l’interconsulaire du Massif central, réunissant CCI, CA et CMA. Dans les territoires, la collaboration se passe toujours bien, en dépit d’inévitables conflits humains. C’est au niveau national que les réseaux se séparent, ce qui est regrettable. On réaliserait des économies en travaillant davantage ensemble, d’autant que la moitié des ressortissants des chambres de métiers sont également ressortissants des CCI.

M. le président Olivier Carré. Et ils paient la double cotisation.

M. André Marcon. Les TPE paient une cotisation plus élevée à la CMA qu’à la CCI, puisqu’elles ne sont pas soumises à la taxe additionnelle sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous serions plus forts si nous réunissions nos moyens.

Votre question sur notre légitimité ne me dérange pas. Le taux de participation de 20 % des inscrits n’a rien de surprenant. Les scrutins portent souvent sur une liste unique, qui a été préparée, ce dont nous nous félicitons. Si les électeurs ne participent pas à certaines élections, c’est qu’ils sont satisfaits du résultat. Moi-même, je ne vote jamais pour désigner mes représentants à ma mutuelle d’assurance, car je considère qu’elle fonctionne bien. La faible participation est un hommage au travail des équipes, qui, lorsqu’elles proposent ensemble un vrai projet au service des entreprises et des territoires, prennent le risque de diminuer le nombre d’électeurs potentiels.

M. Olivier Carré. À cette nuance près que vous n’êtes pas un syndicat.

M. André Marcon. En effet ! Nous sommes élus par l’ensemble des entreprises.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Concrètement, comment pensez-vous faire progresser l’interconsulaire ?

M. André Marcon. Soyons pragmatiques : il faut avancer chantier par chantier. Dans le Massif central, nous avons commencé par l’aménagement interrégional, en liaison avec l’Europe. Nous devions nous unir pour réussir à bâtir des conventions entre l’Europe, l’État et la région. Pour faire avancer les dossiers, les agriculteurs ont des moyens de contrainte supérieurs aux nôtres. Nous avons développé des actions dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA). De même, nous avons conduit des projets avec les chambres de métiers, notamment sur les filières bois, mécanique et pierre, la filière bois concernant aussi les agriculteurs. À mon sens, toute alliance commence par un projet. Quand on a commencé à travailler ensemble, se fédérer ou fusionner ne pose plus de problème.

M. Pierre Goguet. Il faut appliquer le principe de subsidiarité : le projet doit être porté par celui qui possède le plus de crédibilité et d’expertise. Dans la région Aquitaine, nous avons construit autour de l’international une équipe commune avec le conseil régional. En la matière, le réseau consulaire a peut-être plus de ressources et d’expertise que la région. Autour de l’innovation, en revanche, c’est sans doute le conseil régional, avec l’agence ADI (Aquitaine développement innovation), créée par le président de région Alain Rousset, qui est le plus compétent. Nous nous reposons donc sur lui pour conduire l’opération French Tech, qui concerne beaucoup d’entreprises. La CCI, Alain Rousset et Alain Juppé travaillent ensemble pour construire de véritables packs territoriaux. C’est ainsi qu’on porte un effort territorial collectif et qu’on fait naître des solidarités.

Les managers du commerce des collectivités territoriales de la Gironde ont été formés et supportés par la CCI de la Gironde. Le réseau MANACOM apporte à des intervenants isolés le partage d’expérience et des fonctions support. Pour être crédible, il faut savoir où se trouve l’expertise et la porter collectivement. Cette position fait l’unanimité, ce qui explique que nous trouvions beaucoup de collaborations, parfois sur des microprojets.

Les alliances peuvent aussi être interrégionales. Bordeaux et Marseille, dont l’école de commerce n’avait pas la taille critique pour attirer 60 % d’étudiants étrangers, ont créé conjointement la Kedge Business School, qui figure parmi les dix premières écoles de commerce. Sur un projet avec le Québec, Bordeaux s’est rapproché de Nantes, qui était en avance. Il faut encourager le plus possible cet esprit, qui est celui des pôles de compétitivité. La disparition des carcans qui empêchent d’agir est la source de la créativité.

M. le président Olivier Carré. Je vous remercie pour cette belle conclusion.

Audition du 4 mars 2015

M. Julien Alix, conseiller budgétaire du cabinet du Secrétaire d’État chargé du budget, M. Jean-Baptiste Minato, chef de bureau à la direction du budget, et M. Édouard Bloch-Escoffier, adjoint au chef de bureau à la direction du budget.

M. le président Olivier Carré. Nous accueillons maintenant les membres du cabinet du secrétaire d’État chargé du budget. La mission d’évaluation et de contrôle (MEC) mandatée par la commission des finances a été interpellée par la façon dont la question des chambres consulaires a été traitée dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2015 et – nous le découvrons au fil des auditions – par la mise en application des prélèvements dont les chambres s’acquittent aujourd’hui. La situation budgétaire de la France exige de mobiliser toutes les ressources possibles, mais quelles sont précisément les raisons qui ont conduit à cibler les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) ? Et comment s’applique le prélèvement de 500 millions d’euros ?

M. Julien Alix, conseiller budgétaire du cabinet du secrétaire d’État chargé du budget. Je tiens à préciser d’emblée que si nous travaillons bien sur les CCI et les Chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), nous ne sommes pas compétents sur les questions des Chambres d’agriculture. Conseiller budgétaire au cabinet de Christian Eckert depuis mai 2014 – auparavant, je travaillais à la direction du budget –, j’ai suivi ces questions à partir de cette date. Je m’occupe notamment des budgets de la sphère Bercy placés sous la responsabilité d’Emmanuel Macron – économie et industrie –, des crédits internes du ministère des finances ainsi que des crédits relevant des ministères de l’écologie – environnement, transports et énergie – et de l’enseignement supérieur et de la recherche.

En matière de CCI – comme pour l’ensemble des questions budgétaires –, le rôle du ministère des finances est d’être le coordinateur et la cheville ouvrière de la préparation des textes, et notamment des arbitrages rendus par le Premier ministre. Le ministère de l’économie est le mieux en mesure de vous répondre aux questions qui portent sur la politique publique relative aux CCI, y compris sur le plan budgétaire ; néanmoins, compte tenu des enjeux financiers, le ministère des finances a été directement impliqué dans la préparation des arbitrages.

Nous vous avons déjà adressé une réponse aux questions transmises en préparation de cette audition, en coordination avec le ministère de l’économie ; d’autres questions appellent davantage de discussions. Les ressources des CCI ont crû de 20 % en euros constants entre 2002 et 2012. C’est cette évolution très marquante, qui tranche avec la situation financière des autres organismes publics, qui a amené le Gouvernement à proposer des mesures les concernant dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. En effet, la situation globale des finances publiques exige de mettre à contribution l’ensemble des opérateurs et organismes publics, et non uniquement les ministères, d’autant que les CCI n’ont pas été touchées par l’effort d’assainissement des finances publiques durant la décennie 2002-2012. Les propositions de mesures du Gouvernement se sont notamment appuyées sur un rapport commandé dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP) aux différents services d’inspection compétents : l’Inspection générale des finances (IGF), le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Ce travail a également bénéficié de la contribution de représentants du réseau consulaire.

Au mois de mai 2014, lorsque j’ai commencé à suivre ces questions, le rapport était déjà finalisé et le ministère de l’économie et celui des finances, étaient d’accord sur l’opportunité de proposer des prélèvements importants sur les CCI dans le cadre du PLF 2015. Je n’ai donc pas suivi le débat qui a conduit à cette décision, les discussions – qui se sont poursuivies durant l’examen du PLF – portant davantage sur le quantum des mesures.

Quant au détail des dépenses de fonctionnement des CCI – par nature de dépenses ou par politique publique –, les réponses ont été apportées par écrit.

M. le président Olivier Carré. J’ai fait partie d’un groupe de travail qui a contrôlé la mise en place de la réforme de la taxe professionnelle. Dans ce cadre, nous nous sommes appuyés sur les travaux venant du cabinet de Christine Lagarde qui montraient une diminution des recettes de la taxe pour frais de chambre (TFC). C’est donc sur la recommandation des services de Bercy qu’il a été procédé à une correction ; l’augmentation de la taxe versée par les entreprises s’est ensuite traduite par une envolée des recettes des CCI, qui a justifié, deux ans plus tard, la mise en œuvre d’un prélèvement. Sans porter d’accusations, il faudrait élucider cet enchaînement pour en tirer des leçons en matière de politique publique. Il peut arriver de faire un mauvais calibrage, mais le fait que celui-ci ait pour conséquence directe un prélèvement par l’État interroge sur le travail du Parlement – qui porte, en dernier ressort, la responsabilité de ce qui figure dans la loi –, mais aussi sur la nature des conseils et des évaluations.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quelles études d’impact et évaluations ont été réalisées par vos services ? En effet, les personnes auditionnées nous expliquent que c’est la conjonction des deux mesures – le prélèvement sur le fonds de roulement des CCI et la baisse de la TFC – qui pose problème. Qu’est-ce qui a conduit le Gouvernement à faire ces choix ? Vous dites que quand vous êtes arrivé au cabinet, le débat ne portait plus sur l’opportunité de la mesure, mais plutôt sur son quantum ; dans les études d’impact, avez-vous évalué les conséquences négatives sur l’investissement ? Les CCI doivent nous transmettre des éléments sur ce point, mais je souhaite savoir sur quelles données vous vous êtes appuyés pour proposer ces mesures. On ne peut pas à la fois déplorer la crise du secteur du bâtiment et des travaux publics, et conduire les investisseurs à stopper des chantiers par manque de moyens financiers. Dans l’intérêt des politiques publiques, il faut au moment où ces choix sont faits, en mesurer leur impact sur la vie économique du pays.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Les représentants de CCI France viennent de nous confier que l’investissement a été divisé par deux pour l’année 2015 !

M. Julien Alix. Monsieur le président, il faut d’une part, s’intéresser à l’historique des décisions et des constats faits par les services à l’époque que vous ciblez et d’autre part, disposer du détail de cette augmentation de 20 % des recettes des CCI entre 2002 et 2012.

M. le président Olivier Carré. Je ne parle pas de la période 2002-2012, mais de celle de la réforme de la taxe professionnelle qui a vu certains sujets réglés par des amendements de dernière minute, en accord entre le Gouvernement et quelques collègues qui s’étaient spécialisés sur la question. Les réseaux consulaires nous ont alors rapidement indiqué que les modalités de la réforme induiraient un manque à gagner important ; c’est d’ailleurs ce qui s’est produit dans la première année de transition. Le problème a été corrigé dans la loi de finances suivante conformément aux recommandations conjointes des réseaux consulaires et des services de Bercy. C’est alors que les recettes des CCI ont progressé, grâce à l’évolution non seulement de la valeur ajoutée, mais également du taux et du calcul de la base – et peut-être d’un effet forfaitaire induit. Je voudrais vous demander de faire une recherche au sein de vos services pour reconstruire le processus qui a conduit à cette décision en reprenant les arguments employés de bonne foi par les uns et les autres. L’impact immédiat de la correction a dû être sous-estimé, amenant à effectuer un prélèvement deux ans plus tard seulement – un délai particulièrement court. Comme le souligne Mme Vautrin, il faut également s’interroger sur le choix de combiner prélèvement et baisse du taux de la TFC ; en effet, on aurait pu envisager une diminution non de 17 %, mais de 30 % du taux – qui aurait laissé davantage d’argent aux entreprises qui en ont besoin – sans toucher aux réserves des CCI.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour compléter la question, s’il faut reconstruire les décisions passées, il faut aussi s’interroger sur les décisions futures. Qu’en est-il des prévisions ?

M. Julien Alix. Nous vous apporterons des réponses précises en lien avec les différents services.

Si le Gouvernement a proposé de combiner un prélèvement sur les fonds de roulement des chambres et une réduction des taxes affectées aux CCI, c’est pour répondre à une double situation : d’une part, l’accumulation par les CCI d’un fonds de roulement important – qui permet d’y puiser au profit du budget général de l’État – et d’autre part, la nécessité de limiter pour l’avenir le différentiel entre les ressources et les dépenses des chambres – qui justifie un abattement sur le plafond des taxes. Un abattement supplémentaire vise à pousser le réseau consulaire à réaliser des économies dans le cadre des efforts demandés à l’ensemble des organismes publics.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Mais quelles études d’impact vous ont conduits à privilégier cette solution ? Pourquoi n’avez-vous pas fait le choix de baisser davantage le montant de la taxe pour aider les entreprises, cette solution pouvant à terme aboutir au même résultat ? Pourquoi avoir opté pour la juxtaposition de ces deux mesures ? Par ailleurs, avez-vous évalué les conséquences de ces décisions sur l’économie ?

M. Julien Alix. Le problème était complexe et la baisse du plafond des taxes ne remédiait pas directement à l’accumulation du fonds de roulement. C’est pourquoi la réponse a comporté deux composantes.

M. le président Olivier Carré. En tant que tutelle du réseau consulaire, vous portez un jugement sur la façon dont les chambres ont géré leur budget ; mais qu’est-ce qui vous permet d’affirmer qu’elles ont accumulé trop de trésoreries ? Quelle analyse faites-vous de leurs projets économiques ? Il semble que certaines CCI sont aujourd’hui à la limite de la cessation de paiement.

M. Julien Alix. Le rapport réalisé par l’ensemble des services d’inspection compétents posait la question de l’évolution des recettes et des fonds de roulement, mais également, derrière ce niveau global de fonds de roulement, celle des projets prévus. C’est sur ce constat global – un fonds de roulement particulièrement important et des recettes particulièrement dynamiques au cours des dernières années – que nous nous sommes appuyés pour proposer le principe et le dimensionnement général des mesures. Quant à leur déclinaison, chambre par chambre, une discussion entre l’ensemble des ministères concernés et le réseau des CCI permettrait d’éviter de remettre en cause des projets concrets.

M. le président Olivier Carré. Cette discussion n’a pas eu lieu et les prélèvements sont effectués.

M. Julien Alix. C’est sur la base du rapport de la mission d’évaluation lancée dans le cadre de la MAP – qui a d’ailleurs intégré des représentants du réseau consulaire – que le Gouvernement a choisi de réaliser des baisses de taxes et un prélèvement, et qu’il en a établi le quantum global. Lorsque s’est posée la question de la répartition de ces efforts au sein du réseau, la première démarche du ministre de l’économie fut d’entamer une discussion avec ses représentants sur les modalités du prélèvement de 500 millions d’euros, qui posait le plus de difficultés. Contestant le quantum global des mesures d’économie, les représentants du réseau ont choisi de ne pas poursuivre le dialogue, ce qui a amené le Gouvernement à proposer lui-même des méthodes de répartition dans le projet de loi de finances. Parmi les ajustements élaborés dans le cadre du débat parlementaire figurent des allègements visant à préserver les investissements, notamment en matière d’apprentissage – une priorité forte du Gouvernement. Il est toutefois dommage que la répartition ne soit pas le produit de l’intelligence collective la plus large possible ; une discussion plus approfondie et plus partagée aurait permis de lever des critiques sur ce plan et d’éviter de remettre en cause certains projets d’investissement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour suivre régulièrement les travaux du secrétariat général à la MAP, je sais que ce rapport représente un travail sérieux. Mais le fait qu’il n’ait pas été publié suscite la suspicion. Nous n’en connaissions que des extraits, les chambres consulaires qui ont participé à la réflexion et à son écriture nous en ayant envoyé quelques passages qu’elles entendaient contester. Plus de transparence sur les évaluations de l’État aiderait les parlementaires à prendre les bonnes décisions !

Les CCI semblent davantage préoccupées par l’évolution de la taxe que par le prélèvement de 500 millions d’euros. C’est pourquoi pour la prochaine loi de finances, nous voudrions y voir plus clair ; la taxe constituant une recette récurrente, il convient de bien l’ajuster. Y a-t-il eu des études sur le ressenti des entreprises ? En effet, si la taxe permet aux chambres d’assurer les missions qui leur sont confiées, notamment en matière de formation, ce sont les entreprises qui bénéficient de son allégement. Les travaux actuellement menés au ministère cherchent-ils plutôt à préserver la trésorerie des chambres ou celle des entreprises ?

M. Julien Alix. Comme l’ont indiqué le ministre de l’économie Emmanuel Macron et la secrétaire d’État Carole Delga, le Gouvernement, dans le cadre de la préparation du budget triennal 2015-2017, a déterminé une trajectoire de référence d’évolution des plafonds des taxes affectées. Dans la loi de finances initiale pour 2015, le plafond pour les CCI baisse de 213 millions d’euros par rapport à son niveau de 2014. La trajectoire de référence retenue par le Gouvernement fera l’objet de discussions dans le cadre de la préparation puis de l’examen des PLF suivants au Parlement, mais elle poursuit cette tendance, avec 330 millions d’euros de baisse en 2016 et 448 millions en 2017. Cette trajectoire est basée sur les travaux de la mission et prend en compte l’effet des mesures prévues en 2015, notamment de la remise du niveau de recettes en adéquation aux projets de dépenses afin de ne pas reconstituer un fonds de roulement excessif. Elle invite les CCI à poursuivre l’effort sur leurs dépenses générales et signe l’extinction du financement d’activités marchandes par les taxes affectées – un des points relevés par le rapport. N’ayant pas encore été présentée dans un projet de loi de finances, ni a fortiori votée, cette trajectoire de référence fera l’objet de discussions.

S’agissant de la méthode et des échanges avec les entreprises, je ne saurais dire si c’est le prélèvement ou l’évolution de la taxe qui s’avère le plus douloureux pour les CCI ; cela doit dépendre des chambres. Quoi qu’il en soit, contrairement au prélèvement, la baisse des taxes affectées bénéficie directement aux entreprises puisque ce plafonnement ne fait pas l’objet d’un écrêtement au profit de l’État.

Quant au recensement d’avis d’entreprises, n’étant pas directement concerné par ces questions, je vous invite à interroger le ministère de l’économie.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Les 500 millions d’euros prélevés sur les fonds de roulement des CCI iront à l’État et non aux entreprises !

M. le président Olivier Carré. Certains y voient même un impôt sur les entreprises !

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. En effet, cet impôt qui a pour objectif d’accompagner la vie économique locale passe dans le trou béant des finances publiques de l’État. S’agissant du taux de la TFC, ma collègue faisait allusion au rapport que tout le monde brandit mais que personne ne nous avait fait parvenir.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous n’en disposions pas au moment de la loi de finances, mais nous venons de le recevoir dans le cadre des travaux de cette mission.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous le lirons avec beaucoup d’intérêt. Vous préparez déjà, sans doute, le projet de loi de finances rectificative et des projets de loi de finances à venir ; mais avez-vous mesuré ou avez-vous instruction de mesurer l’impact de ce qui a déjà été fait ? D’après nos informations, deux ou trois CCI seront, fin 2015, quasiment en état de cessation de paiements ; l’État s’intéresse-t-il à cette question et si oui, comment ?

M. Julien Alix. Le Gouvernement entend évidemment exploiter les retours d’expérience pour planifier la suite de son action. Le Parlement demande d’ailleurs, dans la loi de finances initiale pour 2015, un rapport sur cette question pour la fin du premier semestre. Le Gouvernement a tout intérêt à mesurer les conséquences des décisions passées sur les investissements, la situation financière des CCI et les restructurations organisationnelles qui accompagnent les changements financiers. Une évaluation est donc prévue ; quant à ses modalités précises, mes collègues du ministère de l’économie seront mieux à même de vous éclairer sur ce point, mais nous pourrons également vous les communiquer ultérieurement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je suis l’auteure de l’amendement demandant un rapport au Parlement pour disposer d’une analyse par l’État de l’impact de ces mesures. Les représentants de CCI France viennent de nous fournir une série de chiffres ; il nous faut mesurer l’impact de la baisse du taux de la TFC sur les entreprises, mais également sur la capacité des chambres à assumer leurs missions. L’existence de cette MEC ne doit pas exonérer l’État du devoir de produire ce suivi dont nous devrons disposer au moment du vote de la prochaine loi de finances. En effet, vous avez évoqué la trajectoire de référence, mais nous n’avons pas d’autres éléments chiffrés sur les prévisions pour 2016.

M. Julien Alix. Un article de loi obligeant l’État de livrer un rapport au Parlement, l’existence de la MEC ne peut en aucun cas l’en exonérer. S’agissant de la suite, les arbitrages rendus dans le cadre du budget triennal – qui permettent tant à l’État qu’aux CCI d’anticiper – constituent une référence pour le débat futur. Malheureusement, les discussions – y compris internes au Gouvernement – sur la préparation du projet de loi de finances pour 2016 n’ont pas encore démarré ; c’est au moment du débat d’orientation des finances publiques, puis du dépôt du projet, que les chiffres pourront être précisés.

Mme Monique Rabin, rapporteure. L’impact et l’émotion ont-ils été aussi forts chez les CMA ?

M. Julien Alix. Je ne suis pas bien placé pour exprimer le ressenti des CMA ; leur situation et l’évolution de leurs fonds de roulement font également l’objet du rapport que j’ai évoqué. L’analyse n’est pas la même que pour les CCI, dans la mesure où le niveau global du fonds de roulement, exprimé en jours de fonctionnement, est sensiblement inférieur dans le cas des CMA ; en l’absence d’un différentiel comparable entre les recettes et les dépenses, le résultat de fin d’année est globalement équilibré. La structuration du réseau est également spécifique. Toutes ces différences ont amené le Gouvernement à ne pas proposer de prélèvement sur les fonds de roulement des CMA et à prévoir une trajectoire de référence quasiment stable du plafond des taxes affectées. Ainsi, l’arbitrage du Premier ministre prévoit une baisse d’un million d’euros seulement.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Confirmez-vous que les CMA ne feront pas l’objet de mesures supplémentaires ?

M. Julien Alix. Comme pour les CCI, je ne suis en mesure, à ce stade, que de vous livrer la trajectoire de référence. Ni pour les unes ni pour les autres n’ont été pris à ce jour des arbitrages qui inviteraient à s’en écarter.

M. le président Olivier Carré. Vos propos, tout comme le rapport que vous évoquez, renvoient à une appréciation globale du niveau possible de prélèvement sans tenir compte des projets de chaque CCI. Si à l’échelle macroéconomique ce prélèvement ne déstabilise pas le réseau consulaire, les chambres nous livrent un ressenti différent.

Il faut également s’interroger sur le degré de tutelle de l’État sur ces organismes. En effet, la TFC représente une ressource affectée, décidée par le Parlement – ce qui justifie un droit de regard sur son utilisation –, mais les membres élus des CCI disposent d’une certaine autonomie de gestion pour mener à bien des politiques publiques spécifiques à chaque territoire. Il est impossible d’apprécier ces logiques microéconomiques de façon globale ; aussi l’analyse effectuée par l’IGF – qui se base sur les capacités d’autofinancement théoriques des CCI en calculant le solde entre les ressources jugées excédentaires et les besoins – apparaît-elle décalée par rapport à la réalité. Ce jeu conduit à prendre des mesures à l’aveugle pour ensuite réparer des dégâts bien réels. Il est donc particulièrement difficile d’évaluer la gestion de cette politique publique et de faire le lien entre le terrain et les décisions venues d’en haut.

Messieurs, je vous remercie.

Audition du 4 mars 2015

M. Jean-Philippe Espic, conseiller chargé du commerce et des réseaux consulaires, et M. David Parlongue, conseiller chargé du financement des entreprises et du logement, au cabinet de Madame la Secrétaire d’État chargée du commerce.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pouvez-vous nous faire part de votre analyse sur l’évolution des missions de CCI France, la structuration du réseau des chambres consulaires ainsi que sur les aspects budgétaires ?

M. Jean-Philippe Espic, conseiller chargé du commerce et des réseaux consulaires au cabinet de la Secrétaire d’État chargée du commerce. En préambule à nos échanges, il convient d’avoir à l’esprit ce que sont les chambres consulaires. Ce sont des établissements publics sui generis. À ce titre, les analogies avec les établissements publics de droit commun sont souvent inopérantes. Les chambres se distinguent par plusieurs caractéristiques : elles sont dirigées par des élus professionnels, elles n’entretiennent pas de dialogue de gestion avec la tutelle – malgré l’avancée que représentent les conventions d’objectifs et de moyens –, elles n’ont ni commissaire du gouvernement, ni comptable public. Ce dernier élément a compté dans la préparation de la loi de finances pour 2015.

La tutelle exerce un contrôle de la légalité de certains de leurs actes qui s’apparente à celui que connaissent les collectivités territoriales. La nature de la tutelle diffère de celle qui prévaut pour les opérateurs, tels que le ministère du budget les définit. Les chambres consulaires ne font d’ailleurs pas partie de cette catégorie.

Alors que les relations avec la tutelle suscitent parfois des interrogations, je souhaitais rappeler ce contexte juridique, qui est aussi le fruit de l’histoire de ces établissements, et qui éclaire les négociations avec les réseaux consulaires.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Comment jugez-vous l’évolution des CCI depuis la réforme de 2010 ? Quels sont les motifs de satisfaction et les éventuels ratés de la réforme ? Quelles économies a-t-elle permis, tant du côté de CCI France que du côté des chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) et des chambres régionales (CCIR) ?

M. Jean-Philippe Espic. Nous n’avons pas établi de bilan à proprement parler de la réforme de 2010. Mais les audits du Contrôle général économique et financier (CGEFi) ou les rapports de l’Inspection générale des finances (IGF) nous permettent de dresser trois constats.

La loi de 2010 a inauguré un mouvement de régionalisation dont on peut regretter l’inachèvement. La réforme en préparation a vocation à approfondir la régionalisation. Pour les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), on a assisté à l’émergence des chambres régionales (CMAR). Pour les CCI, on a observé la fusion et la disparition de certaines chambres. De 2002 à 2011, le nombre de CCIT est passé de 174 à 120. La rationalisation du réseau est à l’œuvre et a été accélérée par la réforme de 2010.

On constate également une amorce de mutualisation portant sur la fonction support de gestion des ressources humaines. La réforme prévoit de l’étendre à d’autres fonctions. Dans les CMA, la mutualisation plus prononcée couvre des domaines plus larges que les seules ressources humaines. Elle a d’ores et déjà permis d’économiser 80 ETPT.

On note une réduction assez nette des dépenses des CCI et une baisse de la masse salariale. Je ne dispose toutefois pas d’éléments pour attester que la réforme de 2010 en est à l’origine.

Enfin, on assiste à l’amorce d’un processus de contractualisation, en l’absence d’un dialogue de gestion de droit commun. Le contrat de confiance conclu avec les CCI en mai 2013, document de nature politique, a donné lieu au décret du 5 novembre 2014 sur les conventions d’objectifs et de moyens entre les CCI régionales et l’État, qui sont en cours de finalisation. Pour les CMA, depuis 2010, il existe des conventions régionales qui, à la différence des CCI, comportent un volet financement puisqu’elles conditionnent une partie du droit additionnel de la taxe affectée.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pouvez-vous nous en dire plus sur la réforme en préparation que vous avez mentionnée ?

M. Jean-Philippe Espic. Nous préparons une réforme qui tire les conséquences de la réforme territoriale et de la création des « super régions ». Celle-ci a également vocation à prolonger la loi de 2010 en franchissant une étape supplémentaire dans la régionalisation et la mutualisation des fonctions support.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Ce projet a-t-il été discuté avec CCI France ?

M. Jean-Philippe Espic. Ce projet fait l’objet d’une concertation étroite avec les réseaux des CCI et des CMA. Ses orientations, qui ont été travaillées avec la tête de réseau et les présidents de chambre, ont été adoptées lors de l’assemblée générale de CCI France le 24 février dernier.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. S’agissant de la mutualisation, envisagez-vous de développer l’approche interconsulaire ? Aujourd’hui, rien n’est formalisé, la coopération s’opère au gré des projets, selon une logique de bassin d’emplois ou de bassin économique. On peut citer les rapprochements entre les écoles de commerces, de Bordeaux et de Marseille mais aussi de Reims et de Rouen. On peut aussi imaginer un rapprochement entre CMA et CCI.

M. Jean-Philippe Espic. Ces sujets ne sont pas à l’ordre du jour. La priorité est d’abord à la rationalisation du réseau via le renforcement du niveau régional et la mutualisation afin d’éviter les redondances. Les rapprochements interconsulaires ne sont pas encore d’actualité.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Qu’entendez-vous précisément par mutualisation ? Les responsables de CCI France nous ont indiqué avoir mis en place un logiciel commun de gestion des ressources humaines, en regrettant d’ailleurs le manque d’accompagnement de la tutelle.

M. Jean-Philippe Espic. L’existence d’un progiciel commun n’est pas l’exercice en commun de la compétence de gestion des ressources humaines. Nous voulons que cette compétence soit exercée par une seule entité au niveau régional. La mutualisation a vocation désormais à s’étendre à l’ensemble des fonctions support – budgétaire, financière, comptable, marchés publics, communication – qui représentent une charge considérable pour les CCI et constituent une source d’économies potentielles.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous souhaitez une régionalisation plus prescriptive ?

M. Jean-Philippe Espic. Exactement. Notre ambition est de parvenir à un schéma d’organisation prescriptif. Les schémas adoptés au niveau régional n’ont aujourd’hui qu’une vertu incitative ; ils sont un outil de coordination.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. En dressant le bilan de la loi de 2010, M. Marcon a regretté que les schémas ne soient pas suffisamment prescriptifs et plaidé pour une modification législative en ce sens – qui semble correspondre à la réforme que vous préparez. Mais votre réforme est-elle plus ambitieuse ?

M. Jean-Philippe Espic. Nous souhaitons lever les verrous au renforcement de la régionalisation. Je pense notamment au plafond de 40 % de sièges que peut détenir une CCIT au sein d’une CCIR. CCI France a voté en faveur de la suppression de ce plafond lors de son assemblée générale.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Il me semble que ce sujet a déjà donné lieu à un amendement dans la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. L’amendement visait à résoudre un problème de représentativité qui faisait obstacle à l’accès aux CCIR.

M. Jean-Philippe Espic. Cet amendement traitait d’un problème différent de celui sur lequel nous travaillons.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ne serait-il pas légitime de réinterroger les missions aujourd’hui très diverses des chambres consulaires et exercées avec une intensité variable – de la formation aux prestations aux entreprises en passant par la gestion de zone d’activités ?

La péréquation est-elle effective et pertinente entre les chambres ?

M. Jean-Philippe Espic. Il n’est pas prévu de passer en revue les missions. Il est vrai que la question de la redondance avec d’autres intervenants locaux mérite d’être posée. Toutefois, cette voie est déjà largement explorée au travers des schémas régionaux – de développement économique ou d’aménagement du territoire – qui sont autant d’outils de coordination entre les différents opérateurs et auxquels les chambres sont associées.

En outre, conformément au principe d’autonomie, il convient de laisser une certaine liberté aux chambres, dans un cadre défini, pour adapter leur offre aux besoins de proximité.

Le décret du 5 novembre 2014 liste les domaines d’action mais laisse aux chambres une grande liberté pour définir ces actions. Il en va de même pour les indicateurs de performance. Un arrêté détermine un menu dans lequel les chambres peuvent puiser.

M. David Parlongue, conseiller chargé du financement des entreprises et du logement, au cabinet de la Secrétaire d’État chargée du commerce. Il existe un mécanisme de péréquation infrarégionale puisque la taxe transite par la CCIR. En revanche, il n’existe pas de péréquation entre CCIR. Pour les CCIT, il n’y a ni seuil ni règles prévus par la loi de répartition des ressources fiscales au niveau infradépartemental – certaines petites CCI réclament d’ailleurs l’instauration d’un seuil minimal.

Nous nous sommes interrogés sur la possibilité de confier aux CCIR la répartition du prélèvement sur le fonds de roulement entre les CCI de leur région. Aucune chambre n’a souhaité le faire. Certaines chambres régionales ont toutefois modifié la répartition qui a donc été opérée par la loi, par le biais d’un transfert bilatéral. On a ainsi créé un nouveau mécanisme de péréquation spécifique à cet effort induit par le prélèvement sur le fonds de roulement.

Nous observons tous les cas de figure : certaines CCIT peuvent vivre en bonne intelligence avec la CCIR, d’autres peuvent aller jusqu’au contentieux car elles considèrent qu’elles ne reçoivent pas la ressource à laquelle elles estiment avoir droit.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Les deux mesures – prélèvement sur le fonds de roulement et baisse de la taxe affectée sur trois exercices – sont parallèles mais se rejoignent : l’argent versé par les entreprises pour financer l’activité économique sur un bassin d’emploi est clairement détourné pour combler le déficit de l’État. Avez-vous anticipé et mesuré les conséquences de ces décisions sur les chambres ? Ne risquent-elles pas de conduire ces dernières à abandonner certaines de leurs missions et à se concentrer sur les plus rémunératrices et les moins coûteuses ? Les conséquences paraissent lourdes pour certaines d’entre elles. Nous avons demandé un tableau précis de la situation à CCI France. Il semble que fin 2015, certaines chambres seront en cessation de paiement et que pour les autres, le nombre de projets d’investissement aura été divisé par deux. Avez-vous intégré ces paramètres dans votre réflexion ?

M. David Parlongue. Dans les dernières années, la ressource fiscale excédait les dépenses des CCI, ce qui conduisait mécaniquement à une accumulation de fonds de roulement. Il nous est donc apparu qu’à missions et dépenses constantes, la ressource fiscale pouvait être abaissée.

Le rapport de de l’IGF, qui vous a été transmis, identifie trois éléments pouvant justifier une baisse de ressources : l’excédent du fonds de roulement à missions constantes ; la porosité regrettable entre sections budgétaires – l’IGF rappelant que cette porosité est incompatible avec les règles comptables qui interdisent aux chambres d’utiliser la ressource fiscale pour financer des activités soumises à la concurrence – ; des évolutions structurelles liées aux efforts de mutualisation ou de régionalisation.

Il a été proposé de calibrer l’effort de baisse de la taxe affectée pour traiter les deux premiers éléments et non pour peser sur l’évolution des missions ou leur réduction. Mais, depuis le vote de la loi de finances, on observe que ces mesures ont poussé le réseau à des réflexions sur la mutualisation ou la pertinence de certains actifs. Les deux vont évidemment de pair.

Le chiffrage de l’excédent a été fait par les corps d’inspection. On a pu constater que certaines CCI avaient construit des plans de financement en s’appuyant sur la perspective d’accumulation. Pour ces chambres, l’excédent de fonds de roulement ne servait pas à financer des charges standard mais à faire des investissements. Le prélèvement modifie donc les plans de financement d’un certain nombre d’investissements.

Nous avons retenu certains investissements prioritaires, l’apprentissage notamment, qui ont été retirés de la base taxable. Les investissements des concessions sont également épargnés. Pour les autres investissements, plusieurs situations sont envisageables : dans un certain nombre de cas, le plan de financement prévu par la CCI n’est plus possible. Se pose alors la question de la priorité de l’investissement au niveau régional. Dans ce cas, le pouvoir de péréquation des CCIR dans l’affectation de la ressource régionale, sous-tendu par la réforme 2010 et plus encore par celle à venir, doit être utilisé à plein pour juger de la pertinence et de la bonne utilisation de la ressource fiscale et ainsi éventuellement alimenter à nouveau la CCIT.

Nous sommes conscients que le prélèvement sur le fonds de roulement interfère dans les investissements. Un choix a été fait sur le quantum et les investissements prioritaires. En matière d’investissements, des discussions ont eu lieu lors du débat sur la loi de finances. Mais nous nous sommes heurtés au manque de visibilité sur les données et la réalité des plans d’investissements pour des raisons purement pratiques : malgré la contrainte réglementaire d’approbation de leurs comptes et de transmission à la tutelle, ces éléments ont été communiqués de manière marginale. Seules 40 % des CCI ont respecté les délais. Ce défaut de transmission a donné lieu à des relances par les services puis par le ministre. Parallèlement, nous sommes confrontés à la difficulté qu’il y a à prendre en compte un projet d’investissement lorsque celui-ci fait l’objet d’un simple contrôle de légalité sans analyse de la pertinence du plan d’investissement. Ces éléments qui président à l’analyse de l’impact du prélèvement sur l’investissement demeurent hypothétiques.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Tout n’est pas hypothétique. Afin de mesurer les conséquences concrètes de cette mesure, nous avons demandé à CCI France un tableau chambre par chambre faisant apparaître les projets qui ne seront pas réalisés.

M. Charles de Courson. Mes questions portent sur trois points. En premier lieu, comment envisagez-vous l’articulation entre les régions – collectivités sui generis que la loi NOTRe transforme quasiment en établissement public doté de la compétence économique –, d’une part, et les CCI, qui sont des établissements publics sui generis, d’autre part. Comment l’action du réseau des CCI s’articulera-t-elle avec le schéma régional ? On peut imaginer des situations dans lesquelles le conseil régional adoptera un schéma sur lequel les CCI n’auront plus de prise puisqu’elles seront consultées pour avis seulement.

En deuxième lieu, la réorganisation régionale entraînera-t-elle une fusion des CCIR pour les mettre en adéquation avec le périmètre des treize régions nouvelles ? Comment, par exemple, articuler l’action des trois CCIR de Champagne-Ardenne et l’action unifiée du conseil régional du Grand-Est ?

Enfin, vous indiquez que la part du fonds de roulement affecté aux concessions échappe au prélèvement. À quel montant correspond cette part ? D’après vous, certains services qui bénéficiaient des ressources fiscales malgré leur activité concurrentielle ont-ils été contraints de réduire ou d’arrêter leur activité ou d’augmenter la tarification ?

M. Jean-Philippe Espic. Nous tirons les conséquences de la loi NOTRe au niveau consulaire en fusionnant les établissements de niveau régional.

Ainsi, dans la nouvelle région Lorraine-Champagne-Ardenne-Alsace – les présidents des CCIR l’ont annoncé –, un seul établissement demeurera au niveau régional, complété par trois CCIT couvrant les trois régions actuelles.

M. Charles de Courson. Cela vaudra pour toutes les régions ?

M. Jean-Philippe Espic. Le principe est inscrit dans la loi : le conseil régional aura un seul interlocuteur consulaire.

Quant à la coordination entre le conseil régional et l’établissement consulaire, elle passe pour nous par les schémas auxquels les établissements sont associés, selon des modalités qui ont été modifiées par un amendement adopté par l’Assemblée nationale. Ce dernier devra peut-être être revu car il prévoit une association en aval là où elle intervenait en amont jusqu’à présent.

Le renforcement du caractère prescriptif du schéma se heurte à un obstacle juridique qui tient à la qualité d’établissements publics nationaux sui generis des CCI. Ces établissements, comme les établissements publics locaux, sont régis par un principe commun, l’autonomie qui rend difficile toute tentative de hiérarchisation entre eux.

Lors de la réforme de 2010 qui marquait la volonté de renforcer les pouvoirs de coordination de la tête de réseau, le Conseil d’État a été saisi de cette question complexe. La réforme témoigne d’une évolution puisque les têtes de réseaux peuvent adopter des normes d’intervention, adoptées toutefois par une assemblée générale regroupant l’ensemble des présidents de chambres, qui s’imposent à l’ensemble du réseau, des CCI comme des CMA. Mais ces normes restent ponctuelles – j’en ai noté une sur les centres de formalités des entreprises – et peu développées car, au-delà des obstacles juridiques, les CCI sont marquées par une culture d’autonomie qui explique la réticence du réseau à se voir imposer des décisions par la tête.

M. Charles de Courson. En droit, le schéma régional ne peut pas s’imposer à un établissement public national. La loi peut prescrire une coordination qui peut certes se dérouler dans de bonnes conditions mais elle doit d’abord permettre de trancher les conflits en cas de difficulté.

La seule solution pour surmonter la difficulté juridique consisterait à déclasser les chambres consulaires en établissements publics locaux, qui seraient alors sous l’autorité du conseil régional. Sauf à choisir cette voie, je ne saisis pas comment le schéma pourra s’appliquer à un établissement public national. Le préfet exerce un pouvoir de tutelle qui peut lui permettre de bloquer les actions des chambres. Mais celles-ci pourront alors lui opposer leur compétence. Le problème n’est pas réglé sur le plan juridique.

M. Jean-Philippe Espic. Pour preuve de ce que vous dites, la loi NOTRe ne comporte pas de dispositions relatives aux chambres consulaires, à l’exception d’amendements gouvernementaux sur le report des élections pour les CCI et les CMA. Les élections seront organisées dans le cadre de la nouvelle architecture découlant de la fusion des établissements de niveau régional consécutive à la réforme territoriale.

Nous n’avons pas envisagé la solution que vous préconisez, d’un déclassement.

M. Charles de Courson. Le problème n’est donc pas résolu. La juridiction saisie en cas de contentieux jugera que le schéma ne peut pas s’imposer aux établissements publics nationaux. Ce principe s’applique pour d’autres établissements comme l’ADEME – certains rêvent de mettre l’agence sous l’autorité des conseils régionaux. Le même problème se pose pour les chambres de métiers. Qu’en est-il pour les chambres d’agriculture qui appartiennent à la même catégorie juridique ?

M. Jean-Philippe Espic. Les chambres d’agriculture ne sont pas de la compétence de Bercy. La tutelle technique ne nous appartient pas. Mais il est vrai que le problème se pose également pour elles puisque toutes les chambres sont régies par la loi de 1952.

M. David Parlongue. L’IGF évalue à 80 millions d’euros en 2012 la part du fonds de roulement affecté aux concessions.

Le prélèvement sur le fonds de roulement sera compensé par une hausse des tarifs des activités dans le secteur marchand. Il est normal de ne pas conserver un tarif « subventionné » pour ce type d’activités.

M. Charles de Courson. Cela obligera les services concurrentiels qui étaient financés par l’impôt à hauteur de 60 % à tripler leurs tarifs. Or, face à la concurrence, il existe une limite de prix. Avez-vous étudié les conséquences de la mesure sur ces services ?

M. David Parlongue. Aucune étude précise n’a été menée. La mesure ne modifie en rien les règles d’affectation. Face à la baisse du plafond de la taxe, on peut imaginer que les CCI continuent ces subventions croisées et répercutent ailleurs la baisse. Il n’est pas écrit que la baisse de la taxe doit être supportée par le secteur concurrentiel. Mais pour ces activités, elle peut être compensée par une augmentation des prix. En tout état de cause, il n’y a pas eu d’étude sur les hausses de tarifs et leur impact pour chaque CCI.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Une entreprise ressortissante d’une CCI, qui s’est acquittée d’une taxe, est obligée de constater que les taxes ne sont plus fléchées vers l’économie mais vers la résorption du déficit public et que la hausse du prélèvement sur le fonds de roulement contraint à augmenter le prix des services auxquels elle faisait appel. L’activité économique subit la double peine : non seulement les taxes ne financent pas l’économie mais on ajoute une charge supplémentaire pour les entreprises : je ne suis pas sûre que cela nous aide à gagner des points de croissance…

M. David Parlongue. J’entends votre argument sur le report de charges. Les taxes additionnelles sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et sur la cotisation foncière des entreprises sont destinées à financer le service général, elles n’ont pas légalement à financer des activités commerciales au bénéfice des entreprises. Toutefois ces transferts sont connus de longue date.

M. Charles de Courson. De quel outil de contrôle disposez-vous pour vérifier l’étanchéité entre services concurrentiels ou non ? Quelles sanctions pouvez-vous infliger pour interdire le financement par l’impôt de services concurrentiels ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous y verrions plus clair si nous connaissions la répartition et l’affectation des ressources des chambres. Je suis presque certaine que les prestations sont payées en supplément par les entreprises.

Vous l’avez dit, la régionalisation et la baisse des ressources ont obligé les chambres à s’interroger, à développer la mutualisation et à rechercher des économies. Cela va dans le sens de la diminution de la dépense publique que nous souhaitons tous. Cet examen pourrait conduire certaines chambres à considérer que les ports ou les aéroports qu’elles gèrent ne justifient plus de ponctionner le budget général – certaines CCI portent de très petits aérodromes.

Les schémas régionaux existent déjà, me semble-t-il, dans de nombreuses régions. Les chambres que nous avons auditionnées ont réclamé plus d’État, plus d’encadrement par la loi et un repositionnement de la tutelle : celle-ci convoque mais n’intervient pas dans la définition des missions et n’assure pas un accompagnement suffisant.

Il est sans doute souhaitable que les schémas deviennent plus prescriptifs mais ces derniers me paraissent fonctionner plutôt bien. Quel est votre avis ? Les éléments que vous pourrez nous donner permettront peut-être de relativiser ce qui a été pointé à juste titre par M. de Courson.

Si un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement doit intervenir dans le projet de loi de finances pour 2016, ne faudrait-il pas mieux travailler les critères, notamment la pesée économique, qui, semble-t-il, n’a pas été réévaluée depuis 2010 ?

M. Jean-Philippe Espic. Vous soulevez la question de la disponibilité de l’information sur le financement des activités. Seule la comptabilité analytique peut apporter les réponses que souhaitez. CCI France dispose d’un outil très récent de remontée des informations analytiques du réseau, le « cube », qui lui donne un panorama sur un ou deux ans. Or, nous n’y avons pas accès, c’est là la limite de l’exercice de tutelle. Cet outil permettrait de faire la distinction entre les activités financées par les taxes ou non.

Cette distinction est toutefois délicate à opérer. En matière de développement économique, le rôle des CCI commence par l’accueil des entreprises dans les centres de formalités des entreprises qui relève du régalien. Mais on bascule très vite dans le conseil qui relève du secteur marchand. Or, ce sont souvent les mêmes personnes qui sont en charge de ces sujets. Au-delà des grands principes, le diable est dans les détails. Seule une comptabilité analytique fine permet de faire ce travail.

La demande de plus d’État n’est pas partagée par toutes les chambres. Mais il s’agit malgré tout d’une tendance de fond. La contractualisation avec les réseaux se met en place. Le décret de 2014 que j’ai déjà mentionné prévoit pour la première fois – cela peut paraître paradoxal – que les conventions d’objectifs et de moyens doivent tenir compte des orientations données par le ministre. On progresse donc dans le renforcement de l’inscription des chambres consulaires dans la dynamique des actions de politique publique de l’État.

M. David Parlongue. Nous n’avons pas accès à la comptabilité analytique des CCI. Nous avons déjà des difficultés à récupérer les données dont la transmission est rendue obligatoire par le code de commerce, je l’ai dit.

Le Contrôle général économique et financier opère des contrôles ponctuels et l’IGF mène des missions de contrôle pour lesquelles elle est dotée de tous les pouvoirs, y compris un droit de suite et de sanction lorsqu’elle constate un écart par rapport au cadre fixé aux établissements. Des contrôles ont eu lieu récemment.

Madame Rabin, il n’est pas question à ce stade de parler d’un nouveau prélèvement. Nous ne sommes pas encore dans l’exercice budgétaire. Les ministres se sont engagés à mener des discussions avec les têtes de réseaux.

Nous pouvons porter un regard rétrospectif sur les règles de répartition du prélèvement sur le fonds de roulement. Cette question est très compliquée. Nous avons envisagé des dizaines de solutions. Malheureusement nous n’avons pas pu en discuter avec les CCI l’an dernier car elles étaient arc-boutées contre le principe du prélèvement et son montant global. Au vu de la fermeté du Gouvernement sur le montant global, elles ont refusé de travailler sur la répartition. Nous n’avons pas eu connaissance des positions des chambres sur les modalités que nous prévoyions, ni de leurs propositions. Le Gouvernement a donc travaillé avec la commission des finances, notamment la Rapporteure générale, ainsi qu’avec les parlementaires intéressés. Vous avez sans doute noté l’évolution substantielle entre le texte initial et le texte voté.

Le premier constat qui a guidé notre réflexion sur le fonds de roulement, ce sont les disparités d’accumulation entre les CCI. Le premier critère de contribution d’une CCI à l’effort de 500 millions devait être sa propre accumulation de fonds de roulement. On peut trouver de grosses CCI qui n’ont pas accumulé beaucoup de fonds de roulement et pour lesquelles le prélèvement sur le fonds de roulement n’est donc pas légitime. Inversement, il peut y avoir de petites CCI avec une accumulation de fonds de roulement ; il est alors logique de les mettre à contribution. Nous avons cherché le juste équilibre entre un critère de stock – le volume de fonds de roulement – et un critère de flux – prenant en compte la pesée économique, ce qui est une manière de prendre en compte la ressource fiscale. La règle de répartition combine l’héritage du passé et la capacité à reconstituer le fonds de roulement et à compenser le prélèvement par des ressources fiscales ultérieures. D’autres méthodes pour répartir la charge du prélèvement étaient possibles. Nous avons choisi une solution intermédiaire qui ne repose pas sur un critère unique dont la mise en œuvre risquait d’aboutir à des situations absurdes.

Mme Monique Rabin, rapporteure. M. Marcon nous a indiqué que le prélèvement opéré avait pour conséquence de faire passer le fonds de roulement de 200 jours – qui selon le seuil fixé par la loi de finances devait être abaissé à 120 jours – à 37 ou 38 jours fins 2015. Qu’en est-il ?

M. David Parlongue. Un point de situation CCI par CCI, avant et après prélèvement, vous a été transmis ainsi que le nombre de jours résiduels.

Il n’est pas possible de faire une réponse générale car il n’y a que des cas particuliers. Les CCI qui ont décidé de maintenir les investissements qui devaient être financés par l’accumulation du fonds de roulement voient ce dernier tomber à un niveau très bas. Il existe également des CCI dont le fonds de roulement a baissé entre la date d’arrêt des comptes et la loi de finances.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Ce chiffre, qui est une moyenne, nous interpelle. Passer de 200 jours à 37-38, avouez que c’est une opération pour le moins radicale !

Que deviennent les CMA et les chambres d’agriculture dans les régions qui sont regroupées ? Sont-elles fusionnées comme les CCIR ?

M. Jean-Philippe Espic. Pour les CMA, à l’instar des CCI, la réforme prévoit à ce stade le maintien d’une seule chambre au niveau régional.

La question qui se pose est celle de la fusion de chambres de niveau régional dont les structures diffèrent. Pour les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, par exemple, dans la première, il existe une chambre régionale avec des sections départementales – CMAR – selon le schéma le plus intégré de régionalisation. Dans la seconde, on trouve le schéma classique de la chambre régionale avec des chambres départementales qui lui sont rattachées. Pour résoudre cette difficulté, le principe de la double majorité a été retenu. Le choix de la future structure juridique par les chambres concernées s’opère par un vote à la majorité des ressortissants et des chambres. Ainsi, la nouvelle chambre de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie sera-t-elle organisée selon un schéma intégré de type CMAR car une chambre de la région Picardie a choisi cette solution. Une majorité de chambres et de ressortissants ont préféré cette organisation.

Nous allons également renforcer la mutualisation et clarifier les textes qui s’y rapportent, même si celle-ci est déjà avancée.

Pour les chambres d’agriculture, pour les mêmes raisons que précédemment, je ne dispose pas d’éléments pour vous répondre.

M. David Parlongue. La règle de répartition comporte deux composantes : l’excès des 120 jours mesuré aux derniers comptes validés et la pesée économique. Il n’est pas possible de passer de 200 jours à 37 – je ne sais pas d’où vient le chiffre – compte tenu de la règle fixée dans la loi de finances. En outre, les données pour fin 2015 ne seront connues que fin 2016.

Dans les cas particuliers dont nous avons eu connaissance, soit le fonds avait baissé dans l’intervalle avec la loi de finances, soit le prélèvement posait la question d’une modification du plan de financement prévu.

M. Charles de Courson. Êtes-vous capables d’identifier dans la nomenclature des missions de CCI France les activités qui relèvent du domaine concurrentiel ?

M. Jean-Philippe Espic. L’exercice est délicat du fait de la forte interpénétration entre les missions, notamment en matière de développement économique. Nous avons fait une tentative de distinction entre marchand et non-marchand lors de la préparation de la loi de 2010.

M. Charles de Courson. Votre position est contradictoire. Si vous n’êtes pas capables de distinguer la nature des activités, comment espérez-vous interdire que l’impôt finance les activités du secteur concurrentiel ? CCI France a fourni un tableau qui fait apparaître la part de la TFC pour chaque mission et sous-mission de sa nomenclature. Cela devrait vous aider.

M. David Parlongue. Nous ne pouvons faire la distinction qu’à partir de la comptabilité analytique, la nomenclature n’est pas pertinente.

M. Jean-Philippe Espic. Le tableau auquel vous semblez vous référer est certainement établi grâce au logiciel de comptabilité analytique que j’ai évoqué. Ce logiciel sert précisément à affecter les ressources par missions de manière très fine. Mais nous n’y avons pas accès.

M. David Parlongue. Les chiffres ont été obtenus par une extraction consolidée du « cube ».

Mme Monique Rabin, rapporteure. Messieurs, nous vous remercions.

Audition du 11 mars 2015

M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) et de M. François Moutot, directeur général.

M. le président Olivier Carré. Nous poursuivons les travaux de la MEC sur les réseaux consulaires. À la suite des mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2015, la MEC s’interroge sur l’adéquation entre les moyens financiers, les objectifs et les missions des trois réseaux consulaires dans un paysage institutionnel mouvant.

Nous recevons M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat et M. François Moutot, directeur général.

M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Le secteur de l’artisanat représente un million d’entreprises en France. Parce que ce sont souvent de petites entreprises – de taille plus modeste que dans l’industrie –, elles ont encore plus besoin de soutien, d’accompagnement et de représentation. C’est la fonction essentielle des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA). Les CMA jouent par ailleurs un rôle majeur en matière d’apprentissage. Pour notre réseau, l’apprentissage n’est pas une préoccupation conjoncturelle mais structurelle et essentielle au développement de l’artisanat. La moitié des entrepreneurs de l’artisanat, soit 500 000 personnes, ont été apprentis. Sans apprentissage, il n’y a ni création ou reprise d’entreprise, ni salariés qualifiés. La moitié du budget des CMA est dédiée à l’apprentissage.

Les CMA exercent également des missions de service public comme la tenue du répertoire des métiers ou la gestion des contrats d’apprentissage. Leur exercice en a été largement modernisé.

Depuis la loi de 2010, le réseau a connu de nombreuses évolutions tant dans sa structuration que dans les prestations offertes. De ressortissants – adhérents automatiques aux CMA –, les artisans sont devenus des clients, auxquels les chambres proposent une offre de services adaptés aux besoins de leurs entreprises.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pouvez-vous nous rappeler la spécificité du réseau des CMA par rapport à celui des CCI et nous préciser les évolutions qu’il a connues ?

M. Alain Griset. J’ai pour habitude de refuser la comparaison avec le réseau des CCI car nous n’appartenons pas au même monde.

Les CMA privilégient l’intérêt de leurs entreprises et ne se positionnent pas par rapport à un autre réseau consulaire. Leur spécificité est de représenter un public homogène partageant les mêmes valeurs et les mêmes caractéristiques. Les politiques du réseau ne sont donc pas influencées par des éléments extérieurs ou des contradictions internes. Lorsque les CMA prennent position, elles le font pour l’ensemble du secteur de l’artisanat.

Cet élément fort justifie l’existence d’un établissement public spécifique qui représente les entreprises artisanales. J’entends depuis longtemps les propositions de regroupement ou de fusion des réseaux consulaires. Si en 1925 les parlementaires ont voté la création de chambres de métiers spécifiques, c’est parce que les chambres de commerce et d’industrie ne pouvaient pas représenter toutes les entreprises. Ce constat vaut toujours. Comment une seule organisation pourrait-elle représenter de la même façon Auchan, un boulanger, Bouygues et un artisan en bâtiment ? Les projets de rapprochement sont illusoires : l’artisan désireux de se faire entendre risque de le faire d’une autre façon, peu productive et moins utile à la collectivité.

M. le président Olivier Carré. Que répondez-vous aux artisans commerçants qui se plaignent de la double taxe en raison de la double adhésion et qui souhaiteraient une entente entre CCI et CMA ?

M. Alain Griset. J’entends votre remarque. Je précise que c’est la loi qui a rendu obligatoire la double adhésion.

M. le président Olivier Carré. Si la loi prévoyait une seule taxe, vous vous y opposeriez…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quelle solution préconisez-vous pour éviter la double cotisation afin de répondre à l’attente de vos clients ?

M. Alain Griset. Les entreprises sont ressortissantes au titre des missions de service public que nous exerçons. Elles deviennent clientes, sans en avoir l’obligation, si elles font appel aux services spécifiques que nous leur proposons.

S’agissant des doubles ressortissants, il existe une liste réglementaire d’activités pour lesquelles l’inscription au répertoire des métiers, tenu par les CMA, est obligatoire. En revanche, le registre du commerce n’est pas tenu par les CCI mais par les greffiers.

M. François Moutot, directeur général de l’APCMA. Pour les formalités, seule la chambre de métiers et de l’artisanat est compétente. Le greffe intervient en second rang pour enregistrer l’existence d’une société. Aucune formalité n’est accomplie par une entreprise hors du centre de formalités des entreprises de la CMA.

M. Alain Griset. Deux raisons obligent un artisan à solliciter le greffe : l’existence d’une société ou la réalisation d’un acte de vente – un artisan coiffeur qui vend de la laque doit ainsi s’inscrire au registre du commerce. Mais il suffit qu’un artisan déclare refuser d’être électeur aux chambres de commerce pour ne pas avoir à payer la cotisation. J’ai déclaré à plusieurs reprises que nous sommes favorables à la suppression des doubles ressortissants, afin de lever toute ambiguïté. Pourquoi obliger un coiffeur à une double inscription au motif qu’il vend de la laque ?

Cette question met en lumière une autre difficulté. Il arrive que les artisans adoptent le statut de société, qui n’est pourtant pas adapté à leurs besoins, pour des raisons uniquement fiscales et patrimoniales. Afin de remédier à ce type de situations, nous travaillons depuis plusieurs années sur un statut juridique de l’entrepreneur individuel. Si ce statut aboutissait, le nombre de doubles ressortissants diminuerait de 80 %.

M. le président Olivier Carré. Il s’agit d’une piste intéressante pour résoudre le problème de la double cotisation sans fusion des réseaux.

M. Alain Griset. Les CCI et les CMA sont des établissements publics distincts, s’adressant des publics spécifiques. Un artisan coiffeur n’est pas un commerçant, même s’il vend de la laque. Le problème peut être résolu en faisant en sorte que chaque réseau conserve sa clientèle.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pouvez-vous dresser un bilan du processus de régionalisation et expliquer les raisons pour lesquelles seulement sept régions ont adopté le schéma le plus intégré – la chambre de métiers et de l’artisanat régionale (CMAR) ?

M. Alain Griset. Quand vous demandez à des communes de se regrouper, il y a des réticences et toutes ne sont pas volontaires. Il peut en aller de même pour les élus professionnels.

L’APCMA a beaucoup travaillé sur deux sujets qui se rejoignent. Le premier est celui de la possibilité de mutualisation sans fusion des chambres. L’objectif dans ce domaine est quasiment atteint : les fonctions support dans notre réseau sont presque toutes mutualisées, comme la loi de 2010 l’imposait. Nous sommes même allés plus loin puisque nous avons développé des logiciels de paie et de comptabilité qui devront être obligatoirement utilisés dans toutes les chambres de métiers et de l’artisanat de France.

Le deuxième est la possibilité ouverte par la loi aux chambres départementales de fusionner. Deux régions ont opéré cette fusion : la Bourgogne et le Nord-Pas-de-Calais. Les Pays-de-Loire ont fait de même il y a quelques semaines. Dans d’autres régions, les chambres départementales n’ont fusionné que de manière partielle ; c’est le cas de l’Aquitaine et de la Basse-Normandie.

L’APCMA a décidé, dans le cadre de la refonte de la carte des régions, de faire correspondre le périmètre de toutes les chambres régionales avec celui des nouvelles régions. Au 1er janvier 2016, le réseau comportera 13 chambres régionales.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Les discussions sur la contribution des chambres au budget de l’État ont été plutôt faciles. Comment caractériseriez-vous les relations avec la tutelle ? Les conventions d’objectifs et de moyens remplissent-elles leur rôle ? Qu’attendez-vous de la tutelle aujourd’hui ? Que peut-on améliorer en la matière ?

M. Alain Griset. Il faut distinguer deux types de conventions d’objectifs et de moyens. Les premières découlaient du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage dont l’objectif était de garantir l’investissement de chaque partenaire
– État, régions et CMA – dans les centres de formation des apprentis (CFA). Ce fonds, qui était un bon outil de développement de l’apprentissage, a malheureusement été supprimé depuis cette année. Dans le Nord-Pas-de-Calais, l’État, la région et la CMA ont signé une convention d’un montant de 130 millions d’euros qui a permis la réfection complète de l’outil de formation. De nombreuses CMA ont bénéficié de ces conventions qui ont été importantes pour dynamiser le contenu de la formation et aménager des locaux

La deuxième catégorie de conventions d’objectifs et de moyens sont les conventions conclues entre l’État et les CMA locales. Conditionnant le versement du droit additionnel à la taxe pour frais de chambres à la réalisation d’objectifs, elles ont été signées dans toutes les régions. Les préfets les ont toutes renouvelées considérant que les objectifs avaient été remplis.

S’agissant de la signature d’une convention d’objectifs et de moyens au plan national, il n’est pas exact de dire que nous la refusons dans la mesure où nous l’avons proposée ! Quelles sont les raisons pour lesquelles une telle convention n’a pas été signée ? Outre le changement de ministre qui est intervenu, il nous est difficile d’accepter une convention qui ne précise rien sur les moyens qui nous seraient donnés pour atteindre les objectifs fixés. Nous sommes, sur le principe, très favorables aux conventions d’objectifs. Ainsi dans le Nord-Pas-de-Calais, la CMA bénéficie de ressources du conseil régional en fonction des résultats par action économique. Cependant, dans le cadre de la signature d’une convention nationale, nous souhaitons connaître les moyens qui accompagneraient les objectifs. Or, l’État n’a jamais accepté de préciser ce point.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pouvez-vous pour chaque échelon territorial nous présenter la décomposition des ressources, entre ressources fiscales, subventions et prestations payantes ?

M. Alain Griset. Il faut avoir à l’esprit la grande diversité des CMA. Entre la plus petite CMA à Belfort qui représente 2 000 entreprises et compte 20 salariés et celle du Nord-Pas-de-Calais qui représente 48 000 entreprises et compte 600 salariés, le modèle économique n’est pas le même. Ce modèle diffère également selon que les CMA gèrent ou pas un centre de formation des apprentis (CFA). Pour les CMA petites et moyennes, en l’absence de CFA, la taxe pour frais de chambre représente entre 35 et 45 % de leurs ressources, à laquelle s’ajoutent les prestations ainsi que les subventions du département, de la région et de l’Union européenne.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, sur un budget de 47 millions d’euros, 24 millions sont apportés par la région pour financer l’apprentissage. Sur les 23 millions restants, sept millions proviennent de la taxe pour frais de chambre et le solde de conventions avec les conseils généraux et de fonds européens. Les prestations payantes représentent 5 % du budget.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Quels fonds européens sont-ils contributeurs ?

M. Alain Griset. Il s’agit du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen de développement régional (FEDER). Ces fonds sont évidemment utiles mais les modalités de versement de leurs contributions posent un problème de gestion. Ainsi, une partie de ces fonds n’a pas été versée depuis trois ou quatre ans. Lorsque vous êtes dans l’obligation de disposer d’un fonds de roulement de trois ou quatre mois, devoir attendre trois ou quatre ans pour percevoir les fonds européens pose un sérieux problème de trésorerie.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. La collecte de la taxe pour frais de chambre est-elle satisfaisante ?

M. Alain Griset. Elle ne pose aucune difficulté. L’échelon régional perçoit la taxe et la reverse aux départements, ce qui ne manque pas de susciter quelques débats bien compréhensibles. Néanmoins, en Ile-de-France, lorsqu’une chambre s’est trouvée en difficulté, les autres chambres lui ont apporté un soutien financier. Nous avons également instauré une péréquation nationale en faveur des chambres à faible effectif comptant moins de cinq mille ressortissants. Ce dispositif fonctionne très bien.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Le personnel représente-t-il l’essentiel de vos charges ?

M. Alain Griset. Les dépenses de personnel représentent 60 % de nos charges. Sans professeurs, il n’y a pas de formation. Or, la moitié de notre budget est consacrée à la formation. Dans le cadre du processus de mutualisation, nous avons beaucoup travaillé sur l’optimisation des ressources humaines. Nous avons rationalisé en particulier les services de formalités pour en faire des services intégrés.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quelles sont les conséquences de la mutualisation sur la masse salariale ?

M. Alain Griset. Nous avons mené une politique salariale rigoureuse. La valeur du point d’indice est ainsi gelée depuis 2010. Le nombre de collaborateurs a diminué dans les chambres, sauf en matière de formation.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Quelles ont été les conséquences de la baisse tendancielle de la taxe pour frais de chambre depuis 2010 ?

M. Alain Griset. Dès la loi de 2010, nous avions intégré une légère baisse de la taxe que nous avons compensée par la politique salariale que je viens d’évoquer. Faute de réserves, nous avons été contraints de rationaliser.

En 2014, alors que les réserves des CMA sont évaluées à 250 millions d’euros – pour mémoire, le budget du réseau s’élève à 800 millions d’euros –, le ministère nous demande de conserver seulement trois mois de fonds de roulement. Mais, avec une réserve de cet ordre, vous ne pouvez pas gérer un établissement public comme l’APCMA.

Pour la première fois, le budget du réseau est déficitaire en 2014. Ce n’est pas nous qui sommes les plus pénalisés par cette situation mais la collectivité. Il y a une certaine incohérence de la part du Gouvernement à annoncer un objectif de 500 000 ou 800 000 apprentis sans donner les moyens aux chambres consulaires d’investir dans les structures de formation.

En conjuguant le dispositif d’écrêtement des recettes et le prélèvement sur des réserves modestes, nous sommes dans l’incapacité pour les deux prochaines années d’investir dans un centre de formation.

Il existe en effet trois modalités pour investir en faveur de l’apprentissage. Dans la première, la région construit le centre de formation et le met à disposition de la chambre. Dans la seconde, la chambre est maître d’ouvrage en contrepartie d’une participation financière à hauteur de 20 %. Dans le troisième cas, comme en Ile-de-France, la région construit mais demande à la chambre de contribuer au financement, ce qui est une solution difficilement acceptable.

Avec le niveau de nos ressources actuelles, nous ne sommes plus capables d’être maître d’ouvrage pour la construction d’un centre de formation.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Parvenez-vous malgré tout à faire fonctionner les centres de formation ? Quelles sont les causes du déséquilibre budgétaire que vous avez évoqué ?

M. Alain Griset. Nous devons assumer des frais fixes. Même si vous freinez la politique salariale, du fait du glissement vieillissement technicité (GVT), la masse salariale augmente nécessairement, ce qui crée mécaniquement un déficit. Il faudrait au minimum que la ressource soit réévaluée pour tenir compte de l’évolution des dépenses à périmètre constant, sauf si nous devions un jour être en déflation.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quelle est la mesure qui pèse le plus sur vos finances : la ponction sur le fonds de roulement ou le blocage de l’évolution de la taxe ?

M. Alain Griset. Malgré son caractère injuste, le prélèvement sur le fonds de roulement, dont on ne connaît pas actuellement l’exact montant, n’empêche pas les CMA de fonctionner. Le fonds de roulement n’est utile que pour financer des projets d’investissements. En l’absence d’investissement, quatre à cinq mois de fonds de roulement suffisent car les CMA n’ont pas vocation à thésauriser.

En revanche, en matière de fonctionnement, dès qu’on nous retire un financement, nous sommes immédiatement en déséquilibre puisque nous sommes déjà à flux tendus.

En conclusion, je voudrais redire que l’artisanat est très attaché au maintien d’un établissement public autonome spécifique à ce secteur. Nous sommes par ailleurs disposés et favorables à un éclaircissement sur la question des doubles ressortissants. Nous sommes enfin prêts à atteindre les objectifs que l’État est en droit de fixer et à mesurer notre efficacité.

Cependant, il ne faut pas oublier que la formation représente la moitié de notre activité et la moitié de notre budget de 800 millions d’euros. Le budget de fonctionnement s’élève donc à 400 millions d’euros pour un réseau qui s’adresse à un million d’entreprises. Il n’est pas exact de dire que les 244 millions versés par l’État proviennent du budget de l’État alors que ce sont les entreprises qui s’en acquittent. En outre, l’État prélève 8 % au titre de la gestion de cette taxe, ce qui en fait un organisme de collecte plus coûteux que beaucoup d’autres.

M. François Moutot. Ces frais prélevés par l’État sont à mettre au regard de nos frais de structure qui sont limités à 7 %.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord : la baisse de la taxe pour frais de chambre n’a pas profité aux entreprises alors que ce sont elles qui paient cette taxe.

M. Alain Griset. Il y a un paradoxe : l’État a bien du mal à connaître précisément le montant des ressources qu’il prélève auprès des entreprises, ce qui donne lieu à des débats surprenants.

Dans le cadre des discussions sur le projet de loi de finances pour 2015, le ministre nous avait fait part dans un premier temps de son intention de prélever 3 millions d’euros et de nous attribuer 245 millions de ressources fiscales. Par la suite, il nous a été indiqué que les ressources se monteraient en fait à 260 millions d’euros.

La taxe pour frais de chambre est reversée à quatre structures : le fonds national de promotion et de communication de l’artisanat, le fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA), l’APCMA et les chambres régionales. Or, il s’avère que le nombre de cotisants n’est pas identique dans les quatre organismes – il peut varier de 10 000 à 20 000 – alors qu’un seul prélèvement est opéré. On constate donc une « évaporation » : une partie de l’argent perçu par l’État ne revient pas vers ces structures.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous vous serions reconnaissants de nous transmettre une note précise sur ce point. Je vous remercie pour cette audition.

Audition du 25 mars 2015

Table ronde réunissant des représentants de Chambres de commerce et d’industrie territoriales : M. Jean Vaylet, président de la CCI de Grenoble ; M. Vianney de Chalus, président de la CCI du Havre ; M. Jacques Betbede, directeur général de la CCI Marseille Provence ; M. André Garreta, président de la CCI Bayonne Pays Basque, et M. Bernard Darretche, directeur général ; M. Jean-Louis Nesti, président de la CCI de Corrèze, et M. Michel Pedamond, directeur général ; M. Olivier Rocaboy, directeur de cabinet du président de la CCI Nantes Saint-Nazaire

M. le président Olivier Carré. Merci à tous d’avoir répondu à notre invitation à participer aux travaux de la mission d’évaluation et de contrôle, qui se penche cette année sur l’organisation et le financement des réseaux consulaires. La commission des finances a en effet été interpellée par les mesures relatives à ces réseaux que le Gouvernement a prises, pour des raisons budgétaires, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Nous avons notamment regretté qu’aucune perspective claire ne soit donnée aux réseaux consulaires dans le cadre des réformes en cours, en particulier celle de la gouvernance des politiques économiques dans les territoires, qui est abordée dans le projet de loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). On doit en effet s’interroger sur la place que vous avez à occuper dans cette organisation en tant que représentants du monde économique.

Nous souhaiterions donc que vous nous éclairiez non seulement sur la façon dont vous avez perçu ces mesures, mais aussi et surtout sur les perspectives dans lesquelles vous vous inscrivez pour mener une action efficace au service du monde économique et des entreprises. Comment envisagez-vous votre rôle et votre place dans l’organisation consulaire, par rapport à votre tutelle, à CCI France ou à d’autres associations ? Comment améliorer la gouvernance et définir de véritables perspectives, dans un souci d’efficacité au service de notre économie ?

M. Vianney de Chalus, président de la CCI du Havre. Mes collègues et moi-même aujourd’hui présents représentons les CCI territoriales (CCIT) dans toute leur diversité, qu’elles soient métropolitaines, départementales ou infra-départementales. Échelon opérationnel de proximité, les CCI territoriales sont au cœur du système : elles accompagnent les entreprises de leur création jusqu’à leur transmission. Élus par ces dernières, leurs dirigeants sont représentatifs de l’économie territoriale. Le taux de participation aux élections est parfois regardé comme insuffisant, mais au Havre, par exemple, lors des dernières élections, les 26 % de votants représentaient 85 % du poids économique local.

Les CCI territoriales sont également l’échelon du développement concret des territoires, grâce à la gestion d’équipements structurants – ports et aéroports –, l’échelon de l’innovation et de l’expérimentation. Pour répondre à la demande des entreprises, qui souhaitent les voir participer à la coordination de l’action publique, elles contractualisent avec les communautés d’agglomération, les communes et les conseils généraux. C’est également à leur échelon que s’organisent la formation et l’apprentissage.

Les CCIT sont par ailleurs – et je voudrais insister sur ce point – particulièrement affectées par les coupes budgétaires votées pour 2014 et 2015. Le coup de marteau est trop fort et risque de casser l’outil. Celui-ci est pourtant utile aux territoires et aux entreprises, aux besoins desquelles elles ont toujours su répondre et s’adapter, et pour cause : les chefs d’entreprise, clients et élus, sont au cœur du système. Ainsi les chambres ont-elles investi dès le XIXsiècle dans la formation parce que les négociants avaient besoin de cadres parlant anglais et connaissant le commerce et la comptabilité plutôt que de diplômés maîtrisant le grec et le latin. De même, c’est à la demande des entreprises locales que la chambre de commerce a financé la construction des ponts de Normandie et de Tancarville. Si les écoles de commerce des chambres sont encore si performantes, c’est parce qu’à leurs conseils siègent des entrepreneurs qui relaient les besoins des entreprises.

Cette combinaison d’entrepreneurs chargés du pilotage et de collaborateurs professionnels chargés de la gestion représente une importante valeur ajoutée qui n’a guère d’équivalent dans le système français.

Par ailleurs, les CCI territoriales ont conscience de la nécessité pour elles de se réformer et de se réinventer. C’est pourquoi nous avons entrepris une réforme de l’organisation consulaire et créé un nouveau business model : « la CCI de demain ».

Contrairement à ce que l’on peut entendre, la réforme de l’organisation consulaire progresse rapidement. La fusion des CCIT permettra ainsi de ramener leur nombre de 170 à 80 en 2016. Les CCI régionales (CCIR) prennent bien leur place : elles mutualisent ce qui doit l’être, harmonisent et coordonnent les actions des CCIT. J’estime cependant, à titre personnel, qu’il faut veiller à ne pas tout régionaliser, afin de ne pas éloigner les centres de décision des entreprises et de maintenir la proximité. Laissons plutôt aux régions la liberté de s’organiser en fonction de leurs spécificités. Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, l’organisation est entièrement régionalisée, mais Lille occupe une position géographique centrale. En Normandie, en revanche, Cherbourg est à quatre heures de Dieppe. Enfin, au plan national, CCI France amplifie avec succès son rôle d’animation et de tête de réseau.

J’en viens maintenant à notre nouveau business model. Actuellement, nous vivons, non pas une crise, mais une période de mutation économique profonde liée à l’importance croissante du numérique, du développement durable et de la mondialisation. Les anciens modèles sont caducs et les nouveaux émergent à peine. Face à de telles transformations, le devoir des chambres est d’informer les entreprises qu’aucune d’entre elles n’est à l’abri de ces évolutions et de les aider à pénétrer l’économie collaborative de demain. Pour répondre à cette priorité, nous avons défini les nouvelles raisons d’être des CCI, qui peuvent se résumer en trois mots : « collectif » – apprendre aux territoires et aux entreprises à chasser en meute –, « territorial » – il s’agit d’être réactif, afin de répondre aux besoins de proximité grâce à une connaissance du tissu local – et « futur » : nous devons aider les entreprises à repenser leur avenir et à pénétrer l’économie de demain.

Ce projet « CCI de demain » a recueilli 95 % des voix lors d’une assemblée générale de CCI France qui s’est tenue début décembre.

Quelle sera la CCI de demain ? Elle doit tout d’abord être une e-CCI, en devenant l’opérateur majeur des services en ligne à destination des entreprises : formalités et accompagnement à distance, services pratiques en ligne. Elle doit être ensuite un accélérateur de business porté par des plateformes physiques CCI (« CCI campus »), en développant la transversalité, la gestion des flux et la mise en réseau des enseignants, des chercheurs et des étudiants et, ensuite, des incubateurs et des entreprises. Elle doit enfin favoriser la business intelligence, en organisant la collecte et la gestion des informations concernant les entreprises.

Grâce à ce projet, le réseau animé par CCI France a une vision de son avenir, exclusivement orienté vers le service des entreprises. Depuis six mois que nous travaillons sur ce dossier, qui a mobilisé 300 collaborateurs et de nombreux élus, nous constatons que le réseau, bien que pris sous la mitraille, se redresse et décide d’aller de l’avant. On peut en être fier et le saluer pour ce qu’il parvient à faire dans ces circonstances.

J’ajoute que le jacobinisme n’est plus du tout adapté à l’économie du futur, qui sera collaborative, réactive et connectée. Or, notre réseau présente de nombreux avantages à cet égard : les CCI territoriales assurent une présence de proximité et font preuve de réactivité tandis que CCI France apporte une cohérence globale.

En conclusion, nous progressons très vite mais, si la baisse de la fiscalité affectée se poursuit en 2016 et 2017 et si les fonds de roulement des chambres font l’objet de nouveaux prélèvements, les CCI disparaîtront. Si telle est la volonté du Gouvernement, qu’il nous le dise, par décence vis-à-vis des élus bénévoles et de leurs collaborateurs.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez fait allusion, à juste titre, aux problèmes financiers qui se posent et dont nous avons la confirmation audition après audition. Il convient de distinguer deux éléments : d’une part, le prélèvement sur fonds de roulement – dont je persiste à dire qu’il consiste pour l’État à prendre de l’argent aux entreprises pour combler son budget – et, d’autre part, l’évolution de la taxe. Vous nous avez dit qu’il vous était difficile d’envisager l’avenir sans une vision claire de votre situation financière. Pouvez-vous être plus précis sur ce point ?

Par ailleurs, la loi NOTRe aura, dès le 1er janvier prochain, des conséquences très importantes sur l’organisation territoriale puisqu’à compter de cette date, les régions ne seront plus qu’au nombre de treize. On sait, pour en discuter avec eux, que vos ressortissants ont des approches différentes de l’organisation du réseau. Vous avez insisté, quant à vous, sur le rôle de référent des CCI territoriales. Dès lors, comment voyez-vous les choses dans le cadre de la création de vastes régions comportant un nombre important de départements et accentuant l’éloignement géographique ?

M. Jean-Louis Nesti, président de la CCI de Corrèze. De par leur taille, les nouvelles régions vont entraîner un certain éloignement et sans doute conduire au renforcement des CCI métropolitaines. Il est donc très important que les CCI départementales demeurent des établissements publics de plein exercice, dotés de la personnalité morale, afin de conserver une légitimité vis-à-vis des collectivités territoriales. Dans le Limousin, par exemple, la CCI de la Corrèze va intégrer la CCI d’Aquitaine ; or, nous sommes à un peu plus de deux heures de Bordeaux.

M. André Garreta, président de la CCI Bayonne Pays Basque. Dans les rapports consacrés aux CCI, on ne parle que de budget, d’organisation et de schéma. Qu’en est-il du chef d’entreprise, de l’appui économique des entreprises, de l’emploi ? Avant de définir une organisation et un financement adaptés, il faut connaître l’activité de la chambre de commerce. Celle-ci remplit trois missions essentielles : l’appui et le développement économiques, la formation et, le cas échéant, la gestion d’équipements.

Les élus de la CCI Bayonne Pays Basque ont, dès le début de leur mandat, tracé des perspectives. Nous avons donc rédigé un cahier d’orientations stratégiques dans lequel nous exposons notre projet pour le Pays Basque et les moyens que nous entendons y consacrer.

Il nous a semblé que le premier axe important à développer était la proximité, car les entreprises ont besoin d’accompagnement. L’an dernier, nous avons ainsi accompagné 21 604 entreprises, de leur création à leur transmission en passant par leur développement, dont 1 315 créateurs d’entreprise. En quatre ans, nous avons créé quatre incubateurs de pépinières, dans lesquels nous avons investi nos fonds propres : la première, dédiée aux entreprises du numérique et adossée à notre école d’ingénieurs, ESTIA, a permis de créer 24 entreprises ; Olatu Leku, pépinière dédiée aux industries des sports de glisse, accueille 22 entreprises ; Technocité, dédiée aux startups de l’aéronautique, compte 15 entreprises ; LANAZIA, dédiée aux entreprises de l’e-commerce, accueille 19 entreprises. Nous avons donc su déployer des moyens adaptés aux besoins de l’activité actuelle.

Par ailleurs, nous accompagnons les entreprises dans le domaine de l’innovation ; l’an dernier, nous en avons sensibilisé plus de 580 et accompagné 514. Beaucoup d’entreprises accusant un certain retard au plan numérique, nous avons également financé des formations, de sorte que nous sommes aujourd’hui très performants dans ce domaine. Enfin, nous avons créé, avec notre école d’ingénieurs, « Les 24 heures de l’innovation » : 350 élèves ingénieurs ont une journée pour trouver une solution innovante à un projet soumis par 40 entreprises.

Au plan international, nous avons détecté 390 entreprises susceptibles d’exporter et nous en avons accompagné 160. La langue, les règles de droit, l’accueil, les rendez-vous en « B to B » sur site sont parfois des obstacles pour les chefs d’entreprise : à nous de les accompagner sur le terrain. Nous avons également créé une CCI transfrontalière, en mettant nos compétences en commun avec celles de la CCI de San Sebastian. Aujourd’hui, il faut en effet raisonner en fonction du bassin économique et non plus des frontières administratives. Nous avons ainsi permis à 157 entreprises du secteur de la sous-traitance industrielle de se rencontrer. Elles travaillent désormais en commun, des deux côtés de la Bidassoa, au lieu d’aller chercher, comme elles le faisaient auparavant, des compétences en Allemagne ou ailleurs. Ce faisant, elles ont amélioré leur chiffre d’affaires, et ont donc contribué à la création d’emplois.

Nous avons également créé six clusters consacrés à l’industrie des sports de glisse, au tourisme, à l’agro-alimentaire, à la santé, au bâtiment et au digital, ce qui nous permet de promouvoir, pour chaque entreprise, une démarche d’innovation et de mutualisation des moyens.

Par ailleurs, les entreprises de notre région accusant un retard important en matière de taux d’encadrement, nous avons décidé, il y a quinze ans, de créer une école d’ingénieurs. Celle-ci se classe aujourd’hui au trentième rang national sur 240. Le nombre des diplômés est passé de 24 élèves la première année à 190 aujourd’hui, et l’école forme actuellement 700 élèves ingénieurs ainsi que 185 élèves apprentis. Là encore, nous avons répondu à une demande des entreprises.

Enfin, nous gérons le port de Bayonne – qui est le neuvième port de commerce de France et le cinquième par le réseau ferré –, ainsi que le port de pêche de Saint-Jean-de-Luz, qui est le seul, en France, à bénéficier d’une triple certification : qualité, sécurité et environnement.

Il me paraissait important d’apporter ces précisions, car les rapports qui nous sont consacrés, je pense notamment à celui de l’inspection générale des finances, sont souvent à charge.

M. le président Olivier Carré. Personne, ici, ne doute que votre chambre de commerce, comme celles de vos collègues, fait beaucoup pour les entreprises.

Mme Monique Rabin, rapporteure. M. Carré, Mme Vautrin et moi-même croyons aux chambres ; c’est nous qui avons demandé la création de cette mission et nous sommes, tous trois, décidés à faire avancer les choses. Or, chacun d’entre vous a en effet à faire valoir une particularité – qu’elle soit territoriale, qu’elle concerne ses missions ou les rapports avec la chambre des métiers ou la CCIR – qui le distingue des autres. Je souhaiterais que cette audition soit pour vous l’occasion d’avoir, sur ces différents points, des échanges dont nous pourrions tirer des enseignements.

Par ailleurs, le rôle de CCI France semble aujourd’hui reconnu, notamment dans le cadre du projet « CCI de demain ». Toutefois, un courrier nous a été adressé par l’association des chambres de commerce et d’industrie territoriales, qui porte une appréciation différente sur le rôle de la tête de réseau. Je souhaiterais donc vous entendre sur ces divergences.

Nous souhaitons vous accompagner dans l’accomplissement de vos missions mais, si celles-ci doivent évoluer, il faut que nous ayons ce débat. Quant à la question budgétaire, elle est liée à la transparence. Lors de l’examen du projet de loi de finances, si nous n’avons pas pu aboutir de manière satisfaisante et si le dialogue a été rompu, c’est parce que toutes les chambres n’ont pas joué le jeu en répondant de manière transparente aux questions que nous leur posions sur leur construction budgétaire.

Enfin, il pourrait être intéressant que les chambres proposent leur propre schéma. Si celui-ci doit être le plus possible en adéquation avec l’organisation territoriale, il nous paraît néanmoins important de tenir compte des spécificités de chacun.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. J’ajouterai que nous cherchons également à identifier les éventuels doublons dans les actions menées et à connaître la manière dont fonctionne votre organisation.

Ne doutez pas, monsieur Garreta, de notre intérêt pour les chambres. Leurs missions ont été redéfinies dans l’article 1er de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, et nous n’avons pas l’intention de revenir sur cette disposition. Nous savons que vous êtes des chefs d’entreprise bénévoles et engagés. Notre objectif est d’avancer avec vous ; dites-nous quels sont les points qui vous paraissent importants, tant en termes de fonctionnement qu’en termes budgétaires.

M. Jean Vaylet, président de la CCI de Grenoble. La CCI de Grenoble a pour spécificité d’être une grande chambre, puisqu’elle emploie 700 collaborateurs et 1 000 vacataires, dispose d’un budget consolidé de 90 millions d’euros et réalise des investissements récurrents de 10 millions par an. J’ajoute qu’elle consacre 80 % de son budget à la formation, qu’il s’agisse de formation initiale, avec Grenoble École de management, qui forme 6 000 étudiants, ou encore d’apprentissage – nous formons 2 500 alternants dans 90 métiers – ou de formation continue. En ce qui concerne l’accompagnement des entreprises, nous intervenons à trois niveaux : réglementation, appui aux entreprises et développement du territoire.

La chambre de Grenoble étant gérée comme une société de services, nous avons défini, comme peut le faire toute autre entreprise, une vision à l’horizon 2030, ainsi qu’un plan stratégique et un contrat de mandature dont nous rendons compte de l’exécution aux entreprises.

M. le président Olivier Carré. Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de ce plan stratégique ? Avez-vous identifié des obstacles ou au contraire des éléments qui vous paraissent acquis ?

M. Jean Vaylet. Nous considérons qu’en 2030, la région Rhône-Alpes, qui comprend deux métropoles, Grenoble et Lyon, ne constituera plus qu’une grande communauté économique. À Grenoble, nous développons actuellement les technologies et le soft, alors que, demain, nous produirons d’autres biens d’usage. Par conséquent, les besoins des entreprises changeront. C’est dans cet esprit que nous avons défini une vision à très long terme ; nous souhaitions y associer les politiques, mais ces derniers ne se sont pas emparés du projet car la période était complexe pour eux.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quand était-ce ?

M. Jean Vaylet. Il y a deux ans.

Je souhaiterais apporter un témoignage sur le milieu consulaire, que j’ai découvert en 2010 et qui m’a fortement impressionné. La chambre de Grenoble est en effet gérée par des professionnels comme une société de services, dans le cadre d’un projet de mandature. Au plan régional, huit schémas directeurs ont été adoptés à l’unanimité, puis revus trois ans plus tard en tenant compte de l’environnement. Tout cela dans une mécanique relativement intégrée : centralisation des personnels, de la recette fiscale et fixation de principes de répartition. La proximité est assurée par la création de délégations dans chaque secteur. Au plan national, un certain nombre de choses ont été faites, notamment en termes d’image. Je pense donc que nous sommes aujourd’hui dans une dynamique positive ; je crois à la CCI de demain. Je regrette cependant que le pacte de confiance et le contrat d’objectifs et de performance (COP) signés avec l’État n’incluent pas les moyens et les financements et qu’en décidant dans la précipitation des coupes budgétaires et un plafonnement du montant de la taxe pour frais de chambre (TFC), on ne déstabilise le réseau.

J’en viens aux spécificités de la chambre de Grenoble, qui sont au nombre de deux et tiennent aux relations que celle-ci entretient, d’une part, avec les institutions politiques locales et, d’autre part, avec la chambre des métiers. Au plan politique, nous vivons une période de transition importante, marquée par la mise en place de la métropole de Grenoble, qui s’inscrit dans une dynamique particulière, puisque la ville centre a changé de couleur politique – elle est désormais dirigée par un maire écologiste –, et par la fusion de la région Rhône-Alpes avec la région Auvergne. Dans ce vaste territoire, il est nécessaire de parvenir à un équilibre entre la région et les grands pôles métropolitains. Notre CCI doit être, dans le cadre métropolitain grenoblois, la référence et l’interlocuteur des politiques en matière de marketing territorial, de tourisme et d’animation économique. Il s’agit pour nous d’éviter les doublons ; nous sommes un partenaire idéal : à nous d’apporter des idées.

Par ailleurs, nous nous efforçons de créer des synergies avec la chambre des métiers. Ainsi le responsable du Centre de formalités des entreprises (CFE) de la chambre des métiers assure-t-il également l’encadrement du CFE de la CCI. Nous nous efforçons aussi de gérer en commun les Centres de formation d’apprentis (CFA). Nous avons même proposé à la ministre d’expérimenter le regroupement des deux chambres, au moins pour un certain nombre de métiers et de fonctions.

M. Olivier Rocaboy, directeur de cabinet du président de la CCI Nantes Saint-Nazaire. Pour ma part, j’insisterai sur trois spécificités.

Premier élément : la dimension métropolitaine. Nous avons été de fervents défenseurs de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et de l’émergence des métropoles dans le cadre d’une dynamique régionale. Du reste, l’ensemble des CCI métropolitaines travaillent avec les métropoles, notamment avec l’Association des communautés urbaines de France (ACUF), sur quatre chantiers : l’emploi, l’attractivité, l’innovation et l’enseignement supérieur et la recherche.

Deuxième élément : dans le territoire de Nantes et Saint-Nazaire, nous nous efforçons d’éviter les doublons. En effet, depuis un certain nombre d’années, nous menons une politique de conventionnement et de partenariat systématique avec les collectivités territoriales. Je vous en donnerai trois exemples. À l’échelon infra-départemental, nous avons créé, à Châteaubriant, Ancenis, Saint-Nazaire et Nantes, des Maisons de la création et de la transmission d’entreprise qui regroupent l’ensemble des réseaux d’accompagnement des créateurs d’entreprise. C’est une démarche que nous avons développée en collaboration avec les collectivités, notamment les communautés de communes.

Par ailleurs, nous entretenons depuis de nombreuses années des rapports de confiance avec la métropole nantaise, pour le compte de laquelle nous gérons le parc d’exposition de la Beaujoire, où nous avons porté un investissement de 24 millions d’euros. Nous avons également créé avec la Communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire (CARENE) et Nantes Métropole une agence de développement unique pour le territoire de Nantes et de Saint-Nazaire. Dans le domaine de la formation, nous investissons actuellement dans un média campus et nous venons d’achever un campus de l’apprentissage à Nantes.

Autre exemple de cette dynamique partenariale au niveau régional, que Mme Rabin connaît pour en être en partie à l’origine : la création d’un hub à l’international sous l’égide du conseil régional, qui fédère l’ensemble des acteurs dans ce domaine ; la région a confié aux chambres la logique d’appui aux entreprises à travers CCI International.

Troisième élément : les relations entre réseaux consulaires. Il se trouve que la CCI Nantes Saint-Nazaire a la particularité de compter parmi ses soixante membres cinq artisans ; l’un d’entre eux est également membre du bureau de la CCI. Les problématiques d’entreprise sont en effet sensiblement les mêmes. Nous avons ainsi développé de multiples coopérations avec la chambre des métiers de Loire-Atlantique : nous animons conjointement des agences interconsulaires en Loire-Atlantique ainsi que les plateformes d’initiatives locales, et nous avons créé, à Saint-Nazaire, une Maison de l’apprentissage qui accueille 500 apprentis issus de nos différents centres de formation.

Nous développons la même politique partenariale avec la chambre d’agriculture, dans le cadre d’une association, 3C44, qui regroupe les trois chambres. Il s’agit de privilégier une approche commune des documents d’urbanisme afin de défendre la place du développement économique dans les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme du territoire de Loire-Atlantique. Bien entendu, certains points suscitent des débats entre commerçants, artisans et agriculteurs, mais nous souhaitons que le monde économique s’exprime d’une seule voix. J’ajoute que nous gérons de manière commune la taxe d’apprentissage au niveau régional et que nous avons développé, également au niveau régional, une démarche commune autour de la troisième révolution industrielle et agricole.

M. le président Olivier Carré. Une fusion des budgets permettrait aux entreprises de ne plus payer deux fois. Avez-vous envisagé cette solution ?

M. Vianney de Chalus. Le chiffre d’affaires des trois quarts des artisans est inférieur à 500 000 euros par an : ils ne sont donc pas soumis à la taxe.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Et le quart restant ?

M. le président Olivier Carré. En regard de leurs marges, cela peut représenter un montant non négligeable qui n’a pas tendance à diminuer.

M. André Garreta. Nous procédons à la révision des valeurs locatives utilisées pour le calcul de la contribution foncière des entreprises. Entre les données datant de 1970 et celles applicables aujourd’hui, il y a parfois un facteur soixante !

M. Jean-Louis Nesti. La diversité des participants à cette table ronde reflète bien celle du réseau. Comme dans de nombreux départements ruraux, je pense au Lot, à l’Aveyron ou au Cantal, la CCI de Corrèze que je préside est en effet une petite chambre de commerce et d’industrie dans un territoire sans métropole.

La diminution de la TFC, qui représente 62 % de notre budget, met en péril l’activité de nos collaborateurs au service des TPE et des PME. En Corrèze, 93 % des dix mille entreprises qui adhérent à la CCI comptent moins de dix salariés : elles ont besoin de conseils et d’accompagnement gratuits.

Entre 2014 et la fin de l’année 2015, nous aurons perdu plus de 30 % de nos collaborateurs. Une nouvelle baisse de la ressource fiscale entraînerait inéluctablement une nouvelle adaptation en termes de personnels qui serait extrêmement préjudiciable car nous ne pouvons être efficaces en territoire rural que si nous sommes présents sur le terrain.

Je vous remettrai le bilan de notre activité pour l’année 2014 : vous constaterez que tout ce que nous percevons, ressources fiscales comprises, ne sert qu’à accompagner les entreprises.

Quant à la ponction sur nos réserves, elle n’arrange rien et elle risque de freiner nos investissements, d’autant que les fonds dont nous disposions étaient destinés à des investissements déjà engagés. Nous construisons par exemple un centre de formation adapté aux besoins de notre territoire. Certes, ce n’est ni une grande école ni une école d’ingénieurs, mais nous sommes fiers de savoir que plus de 90 % des jeunes qui sortent de nos centres intègrent le monde du travail.

M. le président Olivier Carré. En tant que chefs d’entreprise, vous avez tous déjà rencontré des problèmes dans un cycle économique, et su vous adapter. Dans le contexte budgétaire actuel, comment vous réagissez-vous ? Nous sommes convaincus qu’il est légitime et efficace de confier au monde entrepreneurial l’indispensable échelon territorial d’organisation du développement économique.

M. Jean-Louis Nesti. La diminution de la masse salariale que je viens de vous décrire constitue déjà une adaptation. Si ce qui a été annoncé était voté dans le projet de loi de finances pour 2016, nous serions contraints à une nouvelle adaptation qui nous asphyxierait. Sans moyens, comment pourrions-nous agir dans les petits territoires ruraux ? À un moment donné, s’adapter signifiera mourir.

M. le président Olivier Carré. L’évolution à la baisse des ressources est déjà prévue dans le plan triennal. Nous vous demandons de réagir par rapport à ce qui est dans les textes, de prévoir un plan d’entreprise, de nous dire comment vous vous adaptez, et jusqu’où vous pouvez aller. Vous ne pouvez pas vous contenter d’annoncer une catastrophe.

M. Vianney de Chalus. Les chefs d’entreprise savent réagir en cas de coup dur, et s’adapter lorsqu’ils perdent un marché ou un gros client. En l’espèce, nous parlons tout de même d’une baisse de 40 % de nos revenus !

M. le président Olivier Carré. Comment faites-vous ce calcul ?

M. Vianney de Chalus. En trois ans le revenu de la taxe diminue précisément de 37 %. Et je ne parle même pas du prélèvement !

M. le président Olivier Carré. Cet argent reste dans la poche des entreprises.

M. Vianney de Chalus. Comment réagissons-nous ? En Normandie, nous avons décidé, dès 2013, de passer de quatorze à six chambres de commerce. Là où nous comptions deux CCI régionales et douze CCI territoriales, nous n’aurons plus, à la fin de cette année, qu’une CCI régionale et cinq CCI territoriales. Les chambres de proximité ont été fusionnées : autour du Havre, nous avons par exemple créé la CCI de l’estuaire de la Seine qui regroupe trois chambres des deux Normandie. Les chambres d’Elbeuf, Rouen, et Dieppe ont également été fusionnées…

M. le président Olivier Carré. Les regroupements ont-ils plutôt été conduits à partir des divisions administratives que sont les départements ou par bassin économique ?

M. Vianney de Chalus. Nous nous adaptons au terrain. Les bassins économiques constituent à l’évidence les territoires les plus pertinents. La CCI de l’estuaire regroupe la chambre du Havre, celle du pays d’Auge Lisieux-Honfleur, et celle de Bolbec-Fécamp. Géographiquement, ces CCI se situent sur le territoire de deux départements et de deux régions, mais le pont de Normandie les réunit en un bassin économique et un bassin d’emplois parfaitement cohérents.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ce nouveau schéma aurait-il vu le jour sans la réforme de 2010 et sans la contraction de vos budgets qui vous ont poussés à faire des économies ?

M. Vianney de Chalus. Lancé en 2010-2011, le projet du Grand Paris, de Paris jusqu’à l’axe Seine, a incité les Normands à réagir pour faire face à la métropole. Évidemment, nous avons dû mutualiser nos communications, la passation des marchés publics et d’autres services. Il reste que la rationalisation la plus importante porte sur la fusion des CCI territoriales. Dans les faits, cela signifie que la CCI de l’estuaire aura perdu 30 % de ses effectifs…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Un lien persiste-t-il entre les CCI territoriales et le département ?

M. Vianney de Chalus. Cela dépend des cas : la CCI d’Elbeuf, Rouen, et Dieppe reste en Seine-Maritime, mais celle de Flers, Granville et Cherbourg se trouve sur deux départements, comme celle d’Évreux et Alençon, ou celle de l’estuaire…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Votre référence est donc clairement le bassin économique.

M. Vianney de Chalus. Le projet du Grand Paris est à l’origine de la création de l’association Paris Seine Normandie qui regroupe toutes les chambres de commerce et d’industrie de l’axe Seine, et que rejoignent aujourd’hui les grandes entreprises ou les ports situés sur un territoire qui représente 36 % du PIB français. Nous sommes propulsés vers l’avant par un grand projet économique…

M. le président Olivier Carré. Autrement dit, la réponse ne saurait être la même dans des bassins très structurés et dans les zones rurales où le maillage territorial des petites entreprises est beaucoup plus ténu. Manifestement, les CCI sont en mesure de fournir des solutions qui correspondent au terrain, ce qui n’est pas nécessairement le cas de l’échelon institutionnel administratif.

M. Vianney de Chalus. Nous nous adaptons aussi à une crise financière qui est bien réelle : au Havre, nous allons passer à moins de quatorze jours de fonds de roulement !

Nous nous réorganisons, nous mutualisons, mais nous mettons surtout sur pied des projets. Qu’est-ce que « la CCI de demain », sinon une totale adaptation au monde de demain ? Les centres de formalités des entreprises (CFE) virtuels offriront par exemple une meilleure qualité de service tout en permettant de réduire le personnel. Les chefs d’entreprise que nous sommes savent cependant que, pour mener à bien des fusions et des réadaptations, il faut des moyens. Sans moyens, nous sommes morts !

Concernant la question du coût que font peser les CCI sur les entreprises, je rappelle qu’en moyenne ces dernières versent pour les chambres 450 euros par an, et que ce montant est inférieur à 20 euros chez les petits commerçants. Pour leur rendre 3 ou 4 euros, voulez-vous vraiment mettre les chambres en danger de mort ?

M. le président Olivier Carré. 1 euro mal utilisé, c’est toujours un euro de trop. Ce que je vois, c’est ce qui reste aux entreprises pour qu’elles poursuivent leur activité au service de leurs clients.

Monsieur Garreta, dans un courrier qu’il nous adresse, M. François-Xavier Brunet, président de l’association des chambres de commerce et de l’industrie territoriales, dont vous êtes vice-président, nous fait part de son mécontentement concernant les orientations de CCI France présentées lors des auditions du 4 mars dernier. M. Brunet soutient manifestement une autre réforme des CCI. De quoi s’agit-il ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. La question de la remise en cause du schéma se pose. Sachant que CCI France et les CCI de région coûtent 200 millions d’euros, n’est-il pas possible de se contenter du maillage des CCI territoriales ?

M. André Garreta. On nous parle de simplification administrative, mais de trois échelons actuellement – CCI France, CCI régionales, et CCI territoriales – on passerait à six : CCI France, CCI régionales, CCI métropolitaines, CCI départementales, CCI territoriales, et CCI locales. Où allons-nous, et comment y aller ? On parle de simplification, mais l’on nous propose des schémas sectoriels, des schémas d’organisation, des COP, des COM. À l’heure d’internet et des réseaux, tout cela n’a rien à voir avec la fluidité exigée par la nouvelle économie. Quelle réorganisation veut-on vraiment ?

L’association des CCI territoriales, qui réunit quarante-huit présidents de CCIT défend le caractère territorial des CCI et leur personnalité juridique : elles doivent pouvoir par exemple passer des contrats avec les collectivités locales, ce que ne peuvent pas faire les CCI locales qui ne sont que des chambres déléguées. Les soixante-quatorze contrats signés par la CCI Bayonne Pays Basque avec la région, le conseil général, des communautés de communes, ou même certaines communes lui procurent des ressources complémentaires et permettent à certains projets d’avancer.

L’association a imaginé un schéma qui s’inscrit dans le cadre de la loi et des récentes délibérations de CCI France. Il est actuellement mis en œuvre en Aquitaine et se fonde sur le regroupement de trois CCI régionales en une seule, en raison du nouveau découpage régional, et sur la transformation de la CCIT de Bordeaux en CCI métropolitaine.

Les fonctions support, les fonctions opérationnelles, les fonctions d’assistance et de conseil pour les CCI territoriales seront mutualisées entre CCIR et CCIM ce qui constituera une source d’économies. La chambre régionale conservera des fonctions fortes avec l’orientation stratégique générale et l’élaboration des schémas, les relations avec les pouvoirs publics régionaux, la répartition de la ressource fiscale, et la fonction paie. Les CCIT continueront de jouer leur rôle de proximité dans leurs fonctions de services publics, d’accompagnement des entreprises, de formation, de gestion d’infrastructures et d’équipements, ou d’interlocuteur des pouvoirs publics locaux. Elles conserveront les fonctions supports non mutualisées comme les finances et la communication.

Dans ce cadre, je me pose une question à laquelle personne ne semble pouvoir répondre : comment seront financées les inéluctables suppressions d’emplois que provoquera la fusion de trois CCI régionales en une seule ?

Les CCI sont dans l’incapacité totale d’assumer ce poids financier supplémentaire. La CCI de Bayonne Pays Basque a déjà supprimé quinze emplois : nous avons fait les efforts que l’on attendait de nous, mais nous ne pouvons pas aller plus loin. Aujourd’hui, notre CCIT n’a plus que vingt et un jours de fonds de roulement.

M. Jean-Louis Nesti. J’écoute mes collègues avec beaucoup d’intérêt, mais ils sont confrontés à des situations qui n’ont rien à voir avec celles que nous connaissons dans les CCI rurales.

Le bassin de vie auquel appartient la Corrèze a la particularité d’être localisé dans plusieurs régions – trois hier, deux aujourd’hui. Or le regroupement de CCI territoriales situées dans différentes régions pose problème. Le plus inquiétant, c’est que la diminution du nombre de nos collaborateurs ne nous permettra plus d’assurer l’accompagnement des entreprises en zone rurale. Une fois de plus, on porte un coup à l’aménagement du territoire. Certains territoires de Corrèze meurent faute d’activité ; si nous ne pouvons plus les aider, la situation empirera. Évidemment, nous ne serons plus en mesure d’accompagner des projets indispensables pour les territoires, comme nous l’avons fait avec l’autoroute A 89 qui traverse la Corrèze ou avec les aéroports, et nous nous trouverons dans l’obligation de couper les vivres aux structures dont nous finançons le fonctionnement. Qui payera ? D’ici à trois ans, on pourrait parfaitement imaginer que nous soyons en cessation de paiement, placés sous la tutelle de l’État.

Dans les territoires urbanisés, les CCI peuvent espérer se transformer en sociétés de services ; en zone rurale, ce sont des organes de service public qui ne peuvent pas se permettre de facturer la plupart de leurs prestations – cela nous arrive malgré tout, comme je vous l’ai indiqué la taxe ne représente que 60 % de nos ressources. Sans moyens financiers, nous ne pourrons plus agir.

M. Jean Vaylet. En région Rhône-Alpes, pour financer la diminution des recettes fiscales, nous avons commencé par mutualiser les fonctions supports, ce qui a permis de réaliser une économie de 20 %. La CCI de Grenoble dont la recette fiscale a diminué de 1 million d’euros a lancé un plan de réduction de ses effectifs de quarante-sept personnes. La recette a fonctionné une fois mais elle ne pourra pas être réutilisée trois années de suite sans que nous nous retrouvions dans l’obligation de revoir nos prestations et d’adapter nos offres de services.

Pour compléter le propos de M. Garreta relatif au financement des plans sociaux, j’appelle votre attention sur la nécessité d’accompagner nos collaborateurs. Nous nous devons de lancer des projets comme « la CCI de demain », mais encore faut-il que nous ayons les moyens de former nos collaborateurs ! L’allégement des structures a un coût, il en est de même du renforcement des compétences.

Le schéma qui s’applique en Aquitaine n’est pas nécessairement transposable dans d’autres territoires. En Auvergne et Rhône-Alpes, par exemple, la mutualisation ne peut pas se faire entre régions via une CCI métropolitaine car nous comptons trois métropoles – Clermont-Ferrand, Grenoble et Lyon. Elle s’opère au niveau régional, et certains sujets sont ensuite traités par délégation. Il n’existe donc pas de solution unique au niveau national mais des solutions adaptées à chaque territoire.

M. le président Olivier Carré. Il me paraît pertinent de s’en remettre à des solutions qui prennent en compte la spécificité des territoires. C’est une bonne stratégie.

M. Vianney de Chalus. En 2012 et 2013, en Normandie, nous avons décidé d’un prélèvement de 15 millions – répartis à égalité entre le financement des fonds de restructuration, le lissage des taux, et les projets régionaux. Nous avions donc de la trésorerie mais, au final, il y a eu un prélèvement de l’État. Cela n’incite pas à mettre de l’argent de côté !

M. Jean Vaylet. Le fonds de péréquation de Rhône-Alpes a été prélevé de la même façon !

M. le président Olivier Carré. Votre logique de gestion n’est pas annuelle mais pluriannuelle. Contrairement à l’État, qui a du mal à se projeter au-delà de trois ans, vous raisonnez, comme les entreprises, sur le long terme.

M. Olivier Rocaboy. En Pays de la Loire, la fusion des CCI de Nantes et de Saint-Nazaire est intervenue en 2011 pour porter le projet métropolitain à l’échelle de l’estuaire de la Loire. Les trois CCI du Maine-et-Loire ne forment désormais plus qu’une seule chambre. L’organisation régionale a été pensée pour une mutualisation fondée sur les compétences existantes. La CCI de Nantes Saint-Nazaire gère par exemple les ressources humaines et les systèmes d’information pour la région. Aujourd’hui, les fonctions supports représentent 13 à 14 % du budget des CCI des Pays de la Loire ce qui signifie qu’on ne peut plus attendre que des gains minimes de ce côté. En conséquence, toute nouvelle baisse des ressources se traduira par un recul de l’activité opérationnelle des chambres. Je rappelle qu’entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2015, nous avons supprimé vingt et un emplois. Les dépenses liées à la masse salariale sont en diminution de 800 000 euros.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Le 4 mars dernier, lors de son audition, M. André Marcon, président de CCI France, a salué la loi de 2010 qui consacre le niveau régional comme celui de la décision stratégique. Il a cependant regretté que la loi n’ait pas rendu le schéma directeur prescriptif, ce que je trouve un peu contradictoire. Qu’en pensez-vous ?

L’exonération des entreprises de la taxe visait à alléger leurs charges. À votre connaissance, comment apprécient-elles cette évolution ? Préfèrent-elles économiser 450 euros par an ou renforcer leur CCI ?

M. le président Olivier Carré. Nous ne pouvons pas ignorer ce qui remonte parfois du terrain. Nous entendons des entreprises dire : « Les CCI ne sont plus ce qu’elles étaient ! » Certains estiment que 450 euros, c’est cher – d’autant qu’il s’agit d’une taxe et non d’une cotisation telle que la perçoivent d’autres organisations professionnelles.

M. André Garreta. Au Pays Basque, le montant moyen de la taxe est de 273 euros par entreprise, et pour les entreprises de moins de cinq salariés, il est inférieur à 65 euros.

Notre CCI a effectué plus de 21 000 interventions : elles auraient coûté bien plus cher que le montant de la taxe si les entreprises avaient dû payer un prestataire commercial. Combien coûte la création d’un site internet et un accompagnement au démarrage, le suivi d’une création d’entreprise par une société d’experts, l’accompagnement pour une transmission d’entreprise ? Nous, nous faisons tout cela gratuitement !

Nous comptons 15 700 ressortissants qui bénéficient de 21 000 interventions. Ces chiffres montrent bien qu’ils viennent nous chercher.

M. le président Olivier Carré. Ce chiffre global recouvre des actions très diverses…

M. André Garreta. Précisément, nous intervenons dans de nombreux domaines. Nous avons suivi 1 530 entreprises dans les six mois suivant leur création : croyez-vous que cette prestation ne serait facturée par d’autres que 273 euros ?

M. Jean Vaylet. Les ressources propres de la CCI de Grenoble parlent d’elles-mêmes : elles montrent que les services que nous rendons sont utiles aux entreprises puisqu’elles sont prêtes à les payer. La ressource fiscale ne représente que 15 % de nos recettes.

En tant que porte-parole du MEDEF, même si je ne suis pas ici à ce titre, je puis vous dire que ce dernier se félicite du rôle joué par le réseau des CCI et par les évolutions qu’il met en place.

Madame Rabin, dans le cadre de la loi de 2010, la prise de décision en matière de schéma est assez complexe. À titre personnel, j’estime que le vote d’un schéma prescriptif par les CCI régionales, qui représentent les CCIT, constituerait un gage d’efficacité.

M. Jean-Louis Nesti. Je crois, au contraire, que la mise en place d’un schéma prescriptif irait à l’encontre de l’action des petites chambres territoriales. Nous avons déjà du mal à nous faire entendre aujourd’hui ; si un schéma était imposé d’en haut, cela aurait un effet sclérosant. Les territoires, les entreprises, et les élus bénévoles le vivraient très mal !

M. Vianney de Chalus. Il faut de la liberté et de la confiance, sans toutefois que ceux qui sont ultra-minoritaires puissent tout bloquer. Lorsque 90 % des chambres sont d’accord sur un schéma directeur régional, il faut éviter qu’une seule chambre empêche toutes les autres d’avancer. On ne peut pas être dans le consensus mou lorsque l’on a besoin de réformes fortes.

M. le président Olivier Carré. Nous vous remercions tous pour votre participation à ces fructueux échanges.

Audition du 31 mars 2015

Table ronde réunissant des représentants de chambres de commerce et d’industrie régionales : M. Pierre Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France, M. Gilles Curtit, président de la CCI Franche-Comté, M. François Cravoisier, président de la CCIR Champagne-Ardenne, et Mme Corinne Genin, directrice générale, M. Nicolas Chiloff, président de la CCI Centre, et M. Romuald de Pontbriand, directeur général, M. Jean-Baptiste Tivolle, directeur général de la CCI Nord de France, M. Christian Jouve, directeur général de la CCI Midi-Pyrénées, et M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe, directeur général de l’Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM)

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle sur les réseaux consulaires par une table ronde regroupant les représentants de différentes chambres de commerce et d’industrie régionales, que nous remercions de leur présence.

Messieurs, je vous laisse la parole pour un premier tour de table.

M. Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France. Je m’exprimerai en notre nom à tous, avant d’apporter quelques précisions relatives à l’Île-de-France.

Cette mission permet tout d’abord de faire le bilan de la loi de 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, qui a affirmé le fait régional : les représentants de chambres régionales que nous sommes seront demain en ordre de marche pour adapter les chambres aux futures grandes régions.

Elle a également permis la mise en place, inégalement achevée selon les régions, de véritables schémas régionaux destinés à mutualiser des services, et donc à réaliser des économies, tout en préservant la proximité, gage d’efficacité.

Elle a, par ailleurs, permis de déterminer des stratégies, souvent articulées avec les conseils régionaux. L’Île-de-France s’est engagée dans un schéma de fusion quasi-totale. Les CCI Nord de France et Champagne-Ardenne ont engagé une démarche similaire. Il faut toutefois savoir que le rapprochement interrégional aura parfois pour conséquence de rebattre les cartes. Les CCI des deux Normandie avaient anticipé la loi.

Quant au débat métropolitain, lui aussi inscrit dans la loi, il a tantôt clarifié, tantôt compliqué la situation. Les régions dotées de métropoles représentent autant de cas particuliers.

S’agissant de la mission des trois corps d’inspection de l’année dernière – inspection générale des finances (IGF), inspection générale des affaires sociales (IGAS) et conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) –, les premières auditions auxquelles vous avez procédé ont donné lieu à des propos sur la transparence qu’il convient de rectifier de manière solennelle.

La lettre de mission indiquait clairement que l’objet de cette inspection conjointe était de comparer l’action des chambres de commerce et d’industrie avec celle d’autres établissements publics, qu’ils soient départementaux, régionaux ou nationaux – autrement de savoir ce que nous faisions mieux ou moins bien que les autres. J’ai participé à toutes les réunions avec les corps d’inspection : or, dès la troisième réunion, lorsque nous avons demandé quand commencerait la comparaison, l’exercice s’est arrêté brutalement, au motif que les responsables de cette mission n’avaient pas à leur disposition les chiffres de telle ou telle ARD (agence régionale de développement), de telle ou telle AFPA (agence pour la formation professionnelle des adultes) ou d’Ubifrance ! Lorsque, la semaine suivante, nous leur avons fourni ces éléments, ils ont refusé de les prendre en compte.

Je tiens donc à souligner que les chambres de commerce et d’industrie ont pratiqué la transparence : jusqu’au mois de juillet, nous avons fourni aux trois corps d’inspection tous les éléments de comptabilité générale et analytique à notre disposition. Nous ignorons ce qu’ils sont devenus par la suite. L’accusation de défaut de transparence ne saurait être supportée par les chefs d’entreprise de l’ensemble du réseau.

Nous avons tenu à répondre au projet de rapport – qui n’a pas été rendu public. Les chambres ont répondu à chaque point soulevé dans les quelque quarante pages des documents d’inspection – la synthèse ne fait que deux ou trois pages. On y trouve quelques perles : être accusé d’être trop riche parce qu’on se désendette est un symptôme original ; être accusé d’avoir perçu trop de fiscalité au motif que l’on dégage des résultats positifs est tout simplement inacceptable.

Où en sont les chambres de commerce et d’industrie après la loi de finances 2015 ? Je répondrai pour celle de Paris Île-de-France. À la suite du prélèvement de 100 millions d’euros et en raison de la baisse de la fiscalité, je confirmerai dans deux jours devant l’assemblée générale un plan de suppression de 499 postes sur 5 000. Ce plan vient après une première opération de même nature, présentée il y a trois ans, consécutive à la politique de fusion pratiquée en Île-de-France et qui portait sur 400 postes. Avec 900 suppressions de postes, la baisse approche les 20 % de l’effectif global. Après avoir épuisé les joies de la mutualisation, taillé notamment dans les fonctions support et tout ce qui pouvait se regrouper pour améliorer notre efficacité, nous attaquons désormais les œuvres vives, constituées, pour la CCI de Paris Île-de-France, à hauteur des deux tiers par l’enseignement et l’apprentissage. Si les lois de finances 2016 et 2017 continuent sur la même lancée que celle de 2015, nous devrons faire des choix dramatiques à tous points de vue.

Un prélèvement de 100 millions d’euros n’est pas sans conséquence en termes d’investissements. Le fonds de roulement pour 2015, après la réduction de nos investissements, ne sera plus que de quelques jours. Il faut aussi tenir compte du fait que le plan de suppression des postes coûtera une quarantaine de millions d’euros.

J’ajouterai que l’investissement de l’Île-de-France, de l’ordre de quelque 55 millions d’euros chaque année – 90 % dans les écoles et 10 % dans l’électronique – sera divisé par deux, voire par 2,5 – le niveau du curseur n’est pas encore définitivement arrêté.

Si, d’aventure, la même politique était poursuivie, nous annoncerions vraisemblablement dès le mois de septembre un nouveau plan social visant plusieurs centaines de collaborateurs.

L’accélération de la régionalisation ne doit pas remettre en cause notre proximité avec les territoires. Je rappelle que la réforme de l’organisation consulaire a été votée à 77 % en Assemblée générale avec 8 % d’abstention. Il vous a été dit lors d’une précédente audition que l’association des CCIT comptait cinquante-huit membres : seule une vingtaine a voté contre la réforme, ce qui relativise quelque peu les clivages que d’aucuns aiment à mettre en avant.

Toutes les chambres de France travaillent sur la numérisation et la formation : les campus régionaux ne s’intéressent pas seulement aux grandes écoles mais également aux centres de formation d’apprentis (CFA), sans oublier l’intelligence économique.

La CCI Paris-Île-de-France n’a pas attendu le début de l’année 2015 pour considérer que, dans une période de très forte attrition des recettes, l’union faisait la force. En décembre dernier, le budget pour 2015 et les clés de répartition pour 2016 et 2017 ont, pour la première fois, été adoptés à l’unanimité, Seine-et-Marne et Essonne comprises, ce qui est significatif pour ceux qui ont encore en mémoire les événements de 2010. Ainsi, le changement de mandature, qui interviendra à la fin de 2016, ne sera pas affecté par des débats financiers intestins.

De plus, au début du mois de décembre 2014, la CCI Paris Île-de-France a passé un accord avec le conseil régional, qui porte notamment sur les moyens de capter et d’orienter vers les entreprises les fonds européens, de sécuriser les crédits d’apprentissage ou de poursuivre dans les années à venir le cofinancement des services d’appui croisés entre l’agence régionale de développement et la CCI. Nous nous inscrivons bien dans une hypothèse de régionalisation, y compris avec les collectivités locales correspondantes.

M. François Cravoisier, président de la CCIR Champagne-Ardenne. Alors que la CCIR Champagne-Ardenne s’est efforcée d’appliquer correctement la loi de 2010, elle s’en trouve aujourd’hui lourdement pénalisée, après avoir réalisé une économie substantielle de plus d’1,2 million d’euros, via la régionalisation des fonctions support, et mis en place le même système comptable et de gestion au sein de toutes les CCIT et de la CCIR. La CCIR Champagne-Ardenne se voit en effet aujourd’hui ponctionnée de 17 millions d’euros sur les 500 millions prévus, ce qui représente quasiment une année de fiscalité. Nos cinq chambres de commerce et d’industrie territoriales seront donc amenées à réduire leurs investissements. Je rappelle que trois de ces CCIT ont une activité d’aménageur, c’est-à-dire qu’elles créent des parcs d’activités pour accueillir les entreprises, en vue de favoriser le développement économique des territoires. Elles investissent notamment dans des ports – je pense à celui de Givet. Les zones d’aménagement seront pénalisées dans les années à venir, puisque quelque 18 millions d’euros d’investissements sont soit annulés soit reportés.

Certes, la Champagne-Ardenne étant une petite région, sa CCIR ne compte que 260 collaborateurs : toutefois, quarante postes seront supprimés à terme – nous en sommes à vingt-cinq aujourd’hui –, ce qui représente 17 % à 18 % de la masse salariale.

Nous ignorons pour le moment comment nous pourrons construire notre futur mariage avec l’Alsace et la Lorraine pour devenir la région « ALCA ». Nous y travaillons, tout en étant inquiets pour notre pérennité.

M. le président Olivier Carré. Quelles sont vos pistes de travail ?

M. François Cravoisier. Elles concernent de nouveau l’organisation, notamment les fonctions support, l’harmonisation et la classification, ainsi que notre rôle et nos missions, qui varient d’un territoire à l’autre. Il serait ainsi possible de créer un grand centre d’appel, d’autant que la Champagne-Ardenne n’en dispose pas, contrairement à l’Alsace et à la Lorraine, ou encore un observatoire réalisant des études sur l’ensemble de la nouvelle région, ce qui permettrait de réaliser dans les années à venir beaucoup d’économies.

La CCIR Champagne-Ardenne s’était fixée pour objectif de rassembler l’ensemble des CCIT en un seul établissement public : ce projet est aujourd’hui abandonné, dans la mesure où les présidents de CCIT, face à la création de grandes régions, ont tendance à faire marche arrière pour revenir à un établissement par territoire, c’est-à-dire par département. Les Lorrains ont voté la création d’une CCI territoriale ayant le périmètre de l’ancienne région Lorraine et les Alsaciens se sont engagés dans la même démarche. Le schéma à venir verrait la création de quatre établissements publics : l’établissement public régional de l’ALCA auquel s’ajouteraient trois établissements correspondant aux anciennes régions. Nous ne sommes pas opposés aux CCIT : nous essayons au contraire de travailler par bassin et de renforcer notre présence dans les territoires dans le cadre d’une nouvelle organisation.

M. Gilles Curtit, président de la CCI Franche-Comté. La Franche-Comté est appelée à fusionner avec la Bourgogne : nos deux régions ont été très en pointe sur le sujet. Les dix présidents des CCI de Bourgogne et de Franche-Comté ont tenu la semaine dernière un bureau commun en vue de tracer les premières pistes de fusion de nos deux établissements.

Deux visions différentes s’opposent pour le 1er janvier 2017. La première consiste à choisir dès aujourd’hui un modèle pour que les nouveaux élus puissent disposer dès le 1er janvier 2017 d’une CCIR en état de fonctionnement. La seconde privilégie un rapprochement du back-office – service d’appui, relations humaines, directeur administratif et financier, service informatique – afin de permettre aux nouveaux élus, au 1er janvier 2017, d’organiser la nouvelle CCI régionale comme ils l’entendront. Dès maintenant, les deux CCIR travaillent ensemble aux mutualisations potentielles.

Les effectifs de la chambre de commerce et d’industrie de Franche-Comté, les quatre CCIT compris, s’élèvent à 235 personnes, soit 215 équivalents temps plein. Elle a réalisé, comme l’a souligné le rapport du Sénat sur les CCI, une régionalisation poussée du service d’appui, qui peut être déconnecté des réalités quotidiennes de nos ressortissants, ainsi que de plusieurs fonctions opérationnelles : l’international – une fonction régalienne des chambres de commerce et d’industrie –, et deux grandes filières industrielles, l’automobile et l’énergie, que nous avons regroupées dans un pôle unique, PRDI, qui bénéficie des fonctions d’expertise d’appui à l’industrie de diverses institutions : l’Agence d’intelligence économique de Franche-Comté (AIEFC), l’ARIST, qui s’occupe de l’innovation et des brevets, Enterprise Europe Network, qui s’occupe des relations avec l’Europe, le pôle Développement durable et environnement, ainsi que le Mouvement français pour la qualité (MFQ), qui est hébergé dans nos murs et avec lequel nous travaillons sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Nous avons déjà réalisé des économies et les coupes budgétaires que la CCIR Franche-Comté subit l’affectent de manière particulièrement grave compte tenu de son niveau de dépendance à la ressource fiscale. La Franche-Comté n’ayant ni ports ni aéroports, sa dépendance s’élève à 65 % alors que la moyenne du réseau français des CCIR est de 30 % – ce taux peut descendre à 15 % pour certaines grandes CCIR. Dans la mesure où les coupes budgétaires, qui sont réparties de manière homothétique sur l’ensemble du territoire, affectent fortement notre chambre, celle-ci devra mettre en œuvre un plan social qui concernera cinquante-deux personnes. Le quart de nos effectifs, qui ont déjà baissé de 20 % depuis 2008, sera supprimé, puisque nous perdrons 4 millions d’euros de recettes fiscales si la baisse de 37 % de recettes fiscales des CCIR de 2014 à 2017 est confirmée.

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe, directeur général de l’Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM). La problématique des CCI d’outre-mer n’est pas la même que celle des CCI de métropole.

L’ACCIOM a été créée en 2011 pour réunir les onze chambres de commerce des départements et des collectivités d’outre-mer. Pour satisfaisante que soit la loi de 2010, elle n’en a pas moins le défaut de ne pas traiter du cas très spécifique des CCIR mono-CCIT. C’est pourquoi les chambres de commerce et d’industrie d’outre-mer souhaitent quelques aménagements, s’agissant notamment de l’obligation d’établir un schéma directeur, faute de quoi il devient impossible d’emprunter : l’objectif de ce schéma directeur étant de prévoir la carte des CCIT, quel intérêt dans le cas de CCIT unique ?

Le problème essentiel demeure, toutefois, celui des ressources. Bien que les CCI des outre-mer n’aient aucune capacité de mutualiser leurs services puisqu’elles n’ont qu’une CCIT-CCIR, leur traitement fiscal est identique à celui des CCI de la métropole. Elles ont même subi une double peine, puisqu’elles ont perdu, dans la même période, les concessions des ports et des aéroports, ce qui a des conséquences gravissimes dans des îles comme la Martinique ou La Réunion.

La loi a, en effet, accordé aux GPM (Grands ports maritimes), qui sont des établissements publics spécifiques, la concession des ports au 1er janvier 2013. À cette date, les CCI de La Réunion, de la Guyane ou de la Martinique ont perdu la concession de leurs ports.

Quant aux aéroports, leur concession, comme en métropole, a été transférée à des sociétés anonymes d’exploitation, dans lesquelles l’État est actionnaire à hauteur de 60 %, les CCI à hauteur de 25 % et les collectivités territoriales à hauteur de 15 %. Les CCI ne sont donc plus gestionnaires, ce qui représente pour elles des pertes sèches : en 2010, le volume budgétaire des CCI des quatre DOM – je mets à part le cas de Mayotte, dont l’assimilation législative est progressive – s’élevait à plus de 300 millions d’euros : il n’est plus aujourd’hui que de 117 millions, ce qui n’est pas sans remettre en cause la structuration financière des chambres. Paradoxalement, alors qu’il est structurellement impossible aux CCI d’outre-mer de mutualiser leurs services puisqu’elles n’ont qu’une seule CCIT, la mutualisation des fonctions support – informatique, communication, DRH, comptabilité – avec leurs concessions est devenue impossible… Les CCI d’outre-mer sont donc particulièrement inquiètes, d’autant qu’elles subissent déjà les handicaps récurrents des outre-mer : un tissu économique constitué à 95 %, voire 98 %, de TPE, des déplacements longs et difficiles, des coûts de structures ou un engagement très fort en matière de formation, compte tenu d’un taux de chômage qui est le double de celui de la métropole.

Les CCI d’outre-mer ont joué le jeu : elles ont conscience de devoir participer à l’effort national. Toutefois, le fait qu’elles subissent le même régime fiscal que celles de la métropole finit par les mettre en danger.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. La nouvelle approche financière des CCI s’ajoute donc, pour les CCI d’outre-mer, au fait d’avoir déjà perdu la gestion des grands équipements. Ai-je bien résumé cette double peine que vous avez évoquée ?

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe. Tout à fait, madame la rapporteure.

M. Christian Jouve, directeur général de la CCI Midi-Pyrénées. Je suis à la fois le directeur général de la CCIR Midi-Pyrénées et de la CCI métropolitaine. La CCIR a délégué à la CCI métropolitaine toutes les fonctions support afin de réaliser des économies.

Je tiens à insister sur l’articulation entre la région et la métropole, laquelle est mon quotidien, en appelant votre attention sur les conséquences pour les PME, en termes de lisibilité économique, de la répartition prévue dans le projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). On parle souvent du millefeuille administratif, mais il y a aussi le millefeuille économique : à chacun son entreprise… Les CCI sont les passerelles de neutralité entre les différents établissements, notamment les collectivités territoriales, et l’État.

Demain, les CCI démontreront qu’elles ont toute leur place en matière de proximité. Se donner les moyens d’apporter une réponse identique dans toutes les régions de France est un véritable pari. C’est pourquoi les réformes à venir, notamment celles des collectivités territoriales et des métropoles, orienteront le travail des CCI. Le service public à apporter aux entreprises est un enjeu majeur par rapport aux ressources fiscales. Il ne faut pas non plus oublier que les aides du Fonds européen de développement économique et régional sont désormais accordées directement aux régions. Nous assistons donc, en matière de leadership économique, à une concentration des enjeux sur les territoires, ce qui n’est pas sans poser la question du lien entre les entreprises et les CCI, et qui devrait amener à orienter le projet de loi NOTRe vers une plus grande proximité.

M. Jean-Baptiste Tivolle, directeur général de la CCI Nord de France. En ce qui concerne le rapprochement entre le Nord et la Picardie, je prendrai en considération trois facteurs.

Le premier est psychologique, s’agissant notamment de la désignation de la nouvelle capitale : Lille ou Amiens ? Je tiens simplement à rappeler que la chambre de commerce et d’industrie d’Amiens compte 9 000 ressortissants quand celle de Lille en compte 52 000. Il ne faut pas non plus oublier que la CCI Nord de France a mis en place la réforme de 2010 dans un « jusqu’au-boutisme », aujourd’hui pénalisé par des incertitudes budgétaires, politiques et organisationnelles. À l’inverse, la CCI de Picardie a beaucoup moins progressé : son réseau est encore très éclaté.

Il y a un an, notre CCI votait, comme la CCI Champagne-Ardenne, la fusion totale des chambres dans un seul établissement public, la personnalité morale n’étant pas un facteur de négociation politique majeur pour développer l’économie de régions qui évoluent.

M. le président Olivier Carré. Connaissez-vous le même effet retour ?

M. Jean-Baptiste Tivolle. Oui, puisque la chambre régionale Picardie est une CCI « ultralight », avec quatre CCIT qui défendent leur périmètre, conformément aux textes, d’ailleurs. Sa démarche va donc à l’inverse de la nôtre. Nous sommes, nous, depuis 2006, dans une démarche de fusion des chambres. Il faut rappeler que nous partions de quatorze chambres, dont chacune avait sa justification historique – le bassin textile, le bassin minier – avec un poids industriel non négligeable. J’ai vu que, lors des précédentes auditions, vous vous intéressiez particulièrement aux bassins d’emplois : nos chambres ont été redessinées non pas en fonction les bassins d’emplois mais en fonction les flux économiques, qui sont désormais verticaux. Ils traversent la Picardie, qui est placée sur l’axe central qui va de Paris à la Belgique et à l’Europe rhénane.

La loi exigera de nous, demain, de procéder à de nouvelles fusions. Il faudra donc tout reprendre en termes d’organisation. Nous le ferons avec enthousiasme. Je tiens toutefois à préciser que la CCI Nord de France compte 1 200 collaborateurs, hors les ports dont les 1 000 personnels ont un statut particulier. Quant à la CCI de Picardie, elle compte 400 collaborateurs, qui attendent avec impatience de connaître le nouveau contexte dans lequel ils évolueront.

J’ai recensé quatre sujets majeurs.

Le premier concerne les schémas directeurs, qui soulèvent la question de fond de la représentativité politique et de la volonté des entrepreneurs de s’inscrire dans un projet économique. Philippe Vasseur, président de la CCI Nord de France, souhaite, dans un premier temps, s’inscrire dans un projet économique commun avec la Picardie. La répartition des compétences et les luttes de pouvoir attendront.

Le deuxième, c’est le budget. Pierre-Antoine Gailly a bien résumé la situation. La transparence des chiffres est avérée. Les préfets, qui les valident tous les six mois, pourraient aisément les envoyer à la tutelle nationale, qui, à son tour, pourrait facilement les traiter. Nous n’avons ni détourné ni dissimulé aucune somme !

M. le président Olivier Carré. Nous n’avons jamais rien prétendu de tel.

M. Jean-Baptiste Tivolle. Selon la rumeur, les chambres de commerce et d’industrie sont riches ! : qu’est-ce que cela signifie ?

Je vous présenterai deux exemples d’effets négatifs, en termes de gestion, du prélèvement sur les fonds de roulement des CCI.

Le troisième sujet concerne les partenariats. M. Gailly a évoqué celui de la CCI Paris Île-de-France avec le conseil régional d’Île-de-France. Le CCI Nord de France a notamment signé, avec le président de la région Nord-Pas-de-Calais, M. Percheron, une délégation de service public pour l’action à l’international. Ce travail devra être amplifié.

Le quatrième et dernier point concerne les personnels, sujet sur lequel on lit tout et n’importe quoi. Si les CCI emploient 30 000 salariés, c’est qu’il leur faut des collaborateurs pour assurer leurs missions. Je tiens d’autant plus à faire passer ce message que j’ai été membre, dix ans durant, de la Commission paritaire nationale.

Nous avons le sentiment d’être deux fois pénalisés : tout d’abord dans la dynamique de projet d’établissement, qui a été partagée par tous les élus et tous les collaborateurs – nous avons élaboré deux conventions avec les 1 500 collaborateurs présents sur le cap fixé par les présidents des CCI ; pénalisés ensuite dans les bénéfices que nous pensions tirer de la mutualisation inscrite dans la loi de 2010 : ceux-ci ont fondu comme neige au soleil, en raison de la baisse des ressources fiscales et du prélèvement immédiat – nous devons verser 20 millions dans les quinze prochains jours.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous deviez nous donner deux exemples concrets de problèmes engendrés par le prélèvement sur les fonds de roulement…

M. Jean-Baptiste Tivolle. Premier exemple : depuis dix ans, nous portons le projet dit « Calais Port 2015 ». Calais est un petit port, mais le premier port transmanche : dans le cadre de la fusion des chambres, la CCI Côte d’Opale associe Calais, Boulogne – premier port de pêche et site industriel de transformation de poissons – et Dunkerque, port national. Dans le cadre de notre stratégie, 650 millions d’euros sont consacrés à cet investissement. L’État y contribue à hauteur de 100 millions, dans le cadre du contrat de plan État-région signé il y a trois semaines par le Premier ministre, et la Commission européenne l’a inscrit dans les grands projets d’investissement du plan Juncker. De son côté, la CCI avait provisionné 15 millions pour capitaliser la Société d’exploitation des ports du détroit, qui doit porter les investissements à la demande à la fois du conseil régional, qui nous a de nouveau confié la délégation de service public, de M. Cuvilier, alors secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche et, enfin, de notre tutelle qui souhaitait l’encourager. Nous avions également provisionné 10 millions d’euros pour financer des études et les conduire pour le compte de la région. Nous avions évidemment laissé ces 25 millions d’euros dans nos comptes : ils n’y sont plus puisque nous devons les reverser intégralement, si bien que nous avons dû emprunter 15 millions pour réaliser ce projet qui permettra de créer entre 850 et 1 000 emplois. Voilà comment le plus grand projet portuaire européen a été sanctionné !

Je donnerai un second exemple, qui concerne le numérique. Dans la région de Valenciennes, Mme Létard, sénatrice et présidente de la métropole, a engagé, à la suite de M. Borloo, un projet de développement massif du numérique. La CCI s’est engagée aux côtés du monde politique et des organisations patronales pour construire la Serre numérique, qui sera inaugurée prochainement par la ministre concernée, en y investissant 35 millions d’euros. Ce projet magnifique devrait générer entre 850 et 2 000 emplois dans une zone où le taux de chômage est très élevé. Les réserves prévues pour financer ce bâtiment, aujourd’hui réalisé, s’élevaient à 17 millions d’euros. Or le président de la CCI Grand Hainaut doit envoyer au titre de la ponction sur le fonds de roulement un chèque au Trésor pour le 15 mai prochain ! Comment ne pas être amers, alors que, en sus des efforts consentis au titre de la loi de 2010, nous avions demandé une approche différenciée, sachant que nos marges de manœuvre se réduisent de jour en jour du fait notamment de la réduction massive de la masse salariale ? Comme nous l’avons souligné devant la commission sénatoriale, le personnel de Nord de France a diminué, en raison des fusions, de 27 %. Nous tenons tous les chiffres à votre disposition, à l’euro et à l’agent près.

L’approche indifférenciée des situations budgétaires est source d’incohérence car elle ne tient pas compte de la spécificité des projets de développement des territoires, visibles, incontestable et décidés, qui plus est, en parfait accord avec le conseil régional, le représentant du Gouvernement, les édiles et les représentants du monde patronal.

Mme Monique Rabin, rapporteure. La mission n’a pas simplement pour objet d’évaluer la loi de 2010 : nous souhaitons aborder avec vous les pistes qui pourraient être empruntées pas seulement pour réduire les moyens, mais pour réaliser les projets qui vous tiennent à cœur et que soutiennent tant la tutelle que vos partenaires.

J’ai plusieurs fois posé la question de la transparence au cours des différentes auditions. Lors du débat budgétaire, plusieurs parlementaires, dont j’étais, ont tenté de convaincre le Gouvernement de moduler le prélèvement selon les forces et les faiblesses de chaque CCI : or il nous a été très difficile d’obtenir leurs comptes. Je ne pense pas que les chambres de commerce et d’industrie ici présentes soient visées, mais d’autres, plus locales, ont eu un peu plus de mal à faire connaître l’état d’avancement de leurs projets.

C’est pourquoi le choix a été fait de réduire l’assiette des fonds de roulement des CCI sur laquelle portait le prélèvement du seul montant des investissements de formation financés pour partie par les investissements d’avenir. Toutefois, ces exemples du port de Calais et de la Serre numérique doivent nous faire réfléchir. Il faut que nous obtenions la liste des projets qui sont collectivement soutenus – j’étais présente lorsque Calais a défendu son projet devant la Banque européenne d’investissement – car ils méritent d’être regardés de près. Nous devons réfléchir ensemble à la manière d’aborder les budgets à venir des CCI.

M. le président Olivier Carré. Mais il faut reconnaître que la confiance s’est quelque peu diluée…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Dès la première audition, nous avons demandé à M. Marcon, président de CCI-France, de dresser l’inventaire de tous les projets abandonnés ou pénalisés du fait de ces prélèvements sur les fonds de roulement, d’un côté, et de l’anticipation de l’évolution de la taxe, de l’autre. Nous devons mesurer les conséquences financières de ces mesures sur l’économie locale : il ne faut pas oublier, en effet, que ces prélèvements ont ciblé l’argent des entreprises, qui a finalement abouti à combler le déficit de l’État !

M. Nicolas Chiloff, président de la CCI Centre. La région Centre, qui était une des plus grandes de France avant la modification des limites géographiques des régions, en est devenue l’une des plus petites. Composée de six départements, elle ne dispose pas de métropole. C’est une région rurale, dotée de CCIT de proximité.

La CCI Centre, qui compte 450 collaborateurs et 450 vacataires pour l’enseignement, n’a pas attendu la réduction des ressources budgétaires pour diminuer ses effectifs de 20 % depuis le début de la mandature ; c’était un de nos objectifs. Nous avons mutualisé presque toutes les fonctions support (ressources humaines, finances, informatique), ce qui a permis de faire passer leur poids de 15 % à 11 % du budget – il existe encore des marges de manœuvre. La CCI a également mutualisé l’international : un accord-cadre couvrant l’ensemble des fonctions de développement économique de la région est en instance d’être signé avec le conseil régional.

Nos ressources fiscales représentant 64 % de notre budget ; du fait des mesures prises par l’État, 50 % des investissements prévus sont annulés ou reportés – c’est le cas notamment du développement d’un quartier d’affaires, que nous devions réaliser avec l’agglomération d’Orléans. Qui plus est, certaines de nos CCIT passent en trésorerie négative. Vous avez raison, madame la rapporteure : l’État a bel et bien transféré sa dette sur les chambres de commerce et d’industrie ! Les CCIT doivent donc emprunter, mais ceci est interdit par la loi pour couvrir les frais de fonctionnement. Des emprunts réalisés pour payer des investissements éventuellement déjà lancés serviront donc à boucher les trous des CCIT. Le transfert de dettes opéré par l’État est inacceptable ! Il a réussi un tour de passe-passe en subtilisant l’argent des entreprises et en transférant sa dette sur les chambres de commerce et d’industrie.

M. le président Olivier Carré. Vous avez tous l’esprit entrepreneurial : sur quelles mesures convient-il, à vos yeux, de revenir de manière constructive et comment comptez-vous satisfaire celles que le législateur et le Gouvernement ont prises ? Tâchons de construire ensemble un discours cohérent afin d’aider le Gouvernement, s’il le souhaite, à sortir de l’ornière.

M. Pierre-Antoine Gailly. En matière de transparence, on ne parle jamais de ce que j’appelle « l’écrêtement au-dessus du plafond de TA-CVAE » – taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – : 50 millions par an ! Nous avons fini par en trouver le montant dans l’Évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances. En matière de transparence, il est possible de faire mieux. Lorsqu’on ajoute à ces 150 millions sur trois ans un prélèvement qualifié d’« exceptionnel » de 170 millions d’euros sur les ressources affectées en 2014 au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie et le prélèvement de 500 millions de 2015, on arrive à plus de 800 millions d’euros ! Un tel détournement d’un argent que les entreprises avaient destiné à l’investissement ne peut qu’entretenir la suspicion.

Oui, toutes les CCI établissent des plans pluriannuels d’investissement. Il y a deux ans, le rapporteur du projet de loi de finances nous avait puissamment aidés à faire adopter un amendement qui précisait la trajectoire fiscale des chambres de commerce et d’industrie. Je me suis permis de le rappeler à l’actuel ministre chargé du budget.

Une CCI qui gère une école ne s’intéresse pas uniquement à l’année en cours. Lorsqu’au 1er avril on n’a aucune indication sur les ressources éventuelles de cette école pour les deux années suivantes, on est obligé de piloter à l’aveugle, ce dont nous ne sommes absolument pas responsables. Si nous avons souhaité une trajectoire fiscale, c’est qu’elle est indispensable à la fois pour défendre des investissements au plan pluriannuel mais également pour expliquer à nos personnels la façon dont il faudra gérer une chambre comme la CCI de Paris Île-de-France avec 500 collaborateurs en moins. Il y va de notre responsabilité sociale à l’égard de nos équipes. Aucun chef d’entreprise ne peut se dispenser d’une vision pluriannuelle.

L’État doit arrêter de prélever l’argent que les CCI avaient provisionné pour réaliser des projets majeurs.

La perspective d’un nouveau plan social au mois de septembre prochain nous est insupportable, d’autant que nous serons en pleine rentrée scolaire : ce n’est pas nous qui avons choisi cette date absurde. La CCI Paris Île-de-France ajustera ses budgets d’investissements : ils seront divisés par deux au moins sur les cinq prochaines années. Nous serons contraints, je le répète, de réduire la force vive.

M. le président Olivier Carré. Concrètement, combien de formations fermerez-vous ?

M. Pierre-Antoine Gailly. Pour des raisons de dialogue social, il ne m’est pas possible de répondre à votre question, qu’il s’agisse des formations elles-mêmes ou du nombre des personnels concernés. Nous avons déjà expliqué aux équipes que l’ensemble des écoles de gastronomie entreront dans une logique de filière placée sous une même « ombrelle » – Ferrandi –, ce qui nous permettra de mutualiser certaines dépenses.

La CCI, qui gère 32 000 élèves dans vingt-quatre écoles, procédera selon cette logique de filière chaque fois que ce sera possible. J’espère ne pas avoir à me pencher de nouveau sur le sujet au mois de septembre prochain.

Ajoutons que nous sommes dans l’incertitude totale pour ce qui concerne la taxe d’apprentissage. Lorsque la mission d’inspection nous a demandé de chiffrer le risque, nous avons avancé un montant de l’ordre de 50 millions d’euros au plan national. Il faut savoir que la réforme de la taxe, adoptée en 2014, n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. En revanche, lorsque nous fléchons la volonté des entreprises, qui ne peuvent plus, désormais, affecter qu’un peu moins de la moitié de leur taxe, nous nous apercevons que nous serons à coup sûr obligés de réduire les moyens de certaines formations dispensées par les CFA. Pour certaines, ce sera même la double peine !

M. François Cravoisier. Certaines chambres consulaires ont choisi de créer des parcs d’aménagement à la place ou en partenariat avec les collectivités. Elles ont mis de côté de l’argent pour acquérir des terrains auprès du monde agricole, pour payer les fouilles archéologiques qui représentent un coût non négligeable, pour porter ces terrains pendant parfois trente ans. Aujourd’hui, elles se retrouvent fortement pénalisées parce qu’elles n’ont plus les moyens d’investir dans ce type d’équipement.

Autre exemple : l’école de Reims et celle de Rouen ont fusionné pour créer NEOMA, franchissant ainsi largement les frontières et les limites d’une région.

Nous voulons aller de l’avant, mais nous sommes comme un oiseau à qui l’on aurait rogné les ailes… Voilà quelle est la situation dans certaines CCI.

On nous dit que nos fonds de roulement ne doivent pas dépasser quatre-vingt-dix jours. Mais ils nous permettent de répondre à des sollicitations d’entreprises ou de collectivités en fonction d’événements qui se passent sur un territoire.

Dans les Ardennes et la Haute-Marne, deux départements sinistrés qui perdent des habitants, si les chambres consulaires ne donnent une dynamique, qui d’autre le fera ? En nous privant de moyens financiers, on nous enlève ce rôle-là.

Il y avait quatre CFA dans chacun de nos départements. Avec le soutien du conseil régional, nous créons le CFA Interpro de la région Champagne-Ardenne : tout cela exige des investissements. Autant d’initiatives auxquelles on porte un coup d’arrêt.

Sans oublier enfin les inquiétudes des organisations syndicales, qui nous interpellent constamment sur leur avenir. Le réseau des CCI comprend 26 000 collaborateurs. Quid de leur avenir ? Le dialogue social est difficile : ils avaient vingt-deux employeurs sur notre territoire, ils n’en auront plus que treize. Nos collaborateurs sont très inquiets et ils aimeraient avoir une vision triennale. Que leur répondre aujourd’hui ?

Vous parliez des décisions du Gouvernement ; mais de loi de finances en loi de finances, comment pourrons-nous gérer, nous investisseurs, aussi bien la formation que l’aménagement du territoire ? Voilà la question que je voulais vous poser, au nom des organisations syndicales.

M. Gilles Curtit. En Franche-Comté, nos projets sont beaucoup plus modestes que ceux qui viennent d’être exposés, du fait de notre taille et de la surface de notre territoire.

La chambre de commerce et d’industrie territoriale du Doubs avait un projet d’antenne sur Pontarlier – Pontarlier est une zone frontalière avec la Suisse, très porteuse en termes d’emplois et en fort développement. Le terrain avait été acheté. Mais la construction ne pourra pas être entreprise puisqu’il manque environ 1 million d’euros. Autre exemple : l’École de gestion et de commerce (EGC), qui était supportée par la chambre de Haute-Saône, devra être fermée, ce qui entraînera des suppressions de postes.

Sur de petits territoires comme le nôtre, nous portons des projets importants financés par l’Europe, l’État, le conseil régional. Par exemple, le projet Filauto est destiné aux acteurs de la filière automobile et nous travaillons à la fois à la diversification des produits et à la diversification des marchés. Si nous n’avons pas une trésorerie suffisante, nous ne pourrons plus soutenir ces projets pour lesquels nous avançons les fonds et qui dépassent largement notre surface financière normale.

Je voudrais vous faire part de l’imprimé 1259 reçu vendredi dernier qui explique le petit tour de passe-passe fiscal de l’administration : produit de la taxe additionnelle sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE) plafonnée de la CCI Franche-Comté : 7,6 millions d’euros ; prélèvement de l’État : 7,525 millions d’euros ; produit de la TA-CVAE 2015 : 92 000 euros. Les versements, deux douzièmes, que devait nous faire la Direction régionale des finances publique à partir du mois prochain sont supprimés : nous ne savons ni quand ni comment nous serons payés… Dès lors, les personnels s’inquiètent, ils se demandent s’ils pourront percevoir leur salaire. Voilà la réalité du prélèvement sur fonds de roulement qui n’est pas neutre, puisqu’il vient alimenter le fonds de TA-CVAE ! L’État a déjà prélevé l’argent et nous ne savons pas quand nous le récupérerons.

Enfin, nous avons, bien sûr, passé des conventions avec le conseil régional de Franche-Comté, depuis 2012, sur l’ensemble des politiques industrielles et surtout internationales. Nous sommes reconnus comme acteur international, l’année dernière, on nous a confié l’internationalisation de l’agroalimentaire.

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe. Dès la loi de 2010, les CCI d’outre-mer, voyant cette double peine annoncée, ont créé l’Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer. Cela me permet d’être venu vous voir au prix de 1,20 euro, ce qui aurait coûté sinon 3 000 ou 4 000 euros à un président de CCI d’outre-mer…

Nous avons également mis en commun des capacités d’ingénierie. Quand une chambre de commerce d’outre-mer crée une école de gestion et de commerce bac +3, une autre l’aide à la mettre en œuvre. Par exemple, le guichet Europe est commun à la Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe. Mais cet exercice a ses limites, car une EGC bac +3 doit être présente sur le terrain. Du coup, il y a cinq EGC outre-mer ; si ces régions étaient côte à côte comme en métropole, il n’y en aurait que deux ou trois.

Quelles sont les mesures envisageables pour l’avenir ?

Il est très compliqué de mutualiser les moyens supports entre des chambres distantes de plusieurs milliers de kilomètres. Le dialogue avec les chambres de métiers paraît s’imposer. L’histoire est en route, même si en Outre-mer, il y a des sensibilités locales différentes. Comme nous avons perdu la concession des ports et des aéroports, chambres de commerce et chambre de métiers se retrouvent sur les mêmes missions : 40 % de nos ressortissants sont communs et eux-mêmes ne s’y retrouvent pas. Il est certainement possible de réaliser des gains de productivité, sous réserve de l’encourager. Sur ce point, la loi de 2010 n’est pas suffisante puisqu’elle prévoit la possibilité de groupements interconsulaires, autrement dit la création d’une troisième chambre. Il faut, au contraire, de la simplicité et de l’efficacité. Enfin, il faut que la tête de réseau, CCI France, soit forte, et financièrement autonome.

M. le président Olivier Carré. Est-ce que tout le monde valide CCI France ?

M. François Cravoisier. Si nous réussissons un certain dialogue social, c’est grâce à CCI France. Si nous pouvons parler de CUBE 2020, c’est grâce à CCI France. Si nous avons pu renforcer ce type d’action et organiser des manifestations au niveau national, c’est encore grâce à CCI France.

Mais comme CCI France perçoit une dotation en provenance de chacune de nos régions, la question peut être posée de savoir s’il ne faudrait pas économiser la tête de réseau, la réduire à peau de chagrin et ne rien en faire.

M. Pierre-Antoine Gailly. Une tête de réseau est indispensable. Il ne se passe pas une journée sans que j’y sois physiquement ou que j’y participe. Son financement est une autre histoire. La nature des besoins de l’outre-mer, de telle région à prédominance rurale – en disant cela, je ne porte aucun jugement de valeur – ou de régions métropoles et a fortiori de la région capitale, mérite un deuxième niveau de réponse, ce que nous n’avons peut-être pas le temps de faire aujourd’hui.

M. Jean-Baptiste Tivolle. CCI France est une instance politique indispensable, mais doit rester une instance politique. Mais il faut éviter de croire que les politiques de développement économique aujourd’hui très régionales peuvent être, à un moment ou un autre, pensées de façon centralisée. Nous sommes tous ici témoins que nos politiques régionales sont fonction des particularismes régionaux. Dans ce cadre-là, quand on engagera une réflexion sur l’avenir de CCI France, il faudra peut-être voir ce que signifie la répartition commerce-industrie-services qui est devenue presque une contrainte administrative dans certaines chambres de commerce pour l’organisation de leurs effectifs.

S’agissant du budget de CCI France, il faut être extrêmement prudent. Pour ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais, nous dénonçons une mesure qui a été introduite dans la loi de 2010, à savoir la notion de prélèvements obligatoires ou quasi obligatoires dès lors qu’ils sont validés ou votés par l’assemblée générale de CCI France. Quand il s’agit d’affecter des sommes à telle association de défense au niveau national, pourquoi pas ? Mais quand il s’agit de payer un système d’information de gestion des ressources humaines (SIRH) de plusieurs millions d’euros au motif que cette mesure aura été décidée collectivement, cela peut poser des problèmes au moment de l’élaboration des projets dans les régions. Il faudra donc bien traiter la question du budget de CCI France à un moment ou un autre.

La loi de 2010 a le mérite de tout dire. Cela étant, toutes les mesures qu’elle a prévues n’ont pas été appliquées. Entre 2007 et aujourd’hui, si la progression est certes visible, mais lente.

M. le président Olivier Carré. Elle est hétérogène sur le territoire.

M. Jean-Baptiste Tivolle. La loi de 2010 prévoit la possibilité d’une certaine hétérogénéité. Et c’est peut-être en cela qu’il faut l’améliorer. Les décisions prises à une large majorité lors de la dernière assemblée générale de CCI France vont clarifier les choses et permettre d’avancer, quelles que soient les oppositions locales.

Je ferai plusieurs propositions.

Vous avez sans doute entendu parler du caractère prescriptif des schémas directeurs. Si, sur dix, voire quinze CCI, l’une d’entre elles s’oppose à l’application d’un projet, cela bloque tout le système : on l’a vu en Lorraine, en Champagne-Ardenne, durant un temps dans le Nord. Voilà une préconisation applicable immédiatement qui permettrait de débloquer le dispositif.

Le vrai sujet, c’est le projet de développement économique dans chaque région, et c’est là tout l’intérêt de la représentativité des élus et du travail des services. Sur ce point, il conviendrait de bien préciser, peut-être à travers la loi NOTRe, l’adéquation entre le projet de développement économique tel qu’il est perçu par les chambres de commerce et le schéma régional de développement économique. C’est ce qui se passe dans ma région compte tenu de la notoriété du président de la chambre, mais cela n’est peut-être pas le cas dans toutes les régions de France.

Un mot sur les effets de levier de la ressource fiscale. Un euro de ressource fiscale mis dans un projet global de développement de la région correspond à trois euros levés et près de trois euros économisés dans le budget du conseil régional. C’est la contribution des chambres qui, peu ou prou, permet à tel ou tel programme de se réaliser.

Je ne suis pas persuadé que le rôle d’une chambre de commerce se limite à accomplir des formalités et accessoirement un peu d’enseignement. Elle peut porter des projets de nature bien différente et beaucoup plus ambitieux.

La question des partenariats est une question d’actualité, à travers la loi NOTRe et le débat sur les métropoles. La notion de métropole va être appréhendée différemment après la loi : on voit différemment Strasbourg du sud de Troyes ou Lille quand on est à Soisson. La question de l’attractivité et du rôle des métropoles doit être repensée. Mais surtout, c’est l’adéquation avec la politique publique qui doit être revue.

Actuellement, nous signons des conventions avec l’État, avec une contrepartie financière de l’État qui reste assez modeste, alors qu’avec les régions cette contrepartie existe. Dans une région comme la mienne, la chambre de commerce contribue à hauteur de 6 millions d’euros et le conseil régional à hauteur de 4 millions d’euros. Nous avons environ quarante-cinq collaborateurs et quasiment une délégation de service public. C’est une bonne structuration. Mais quand on additionne tous ceux qui travaillent, au niveau de la région, d’une chambre de commerce et de l’État pour le développement économique, on aboutit à des doublons, ce qui représente un coût non négligeable pour le contribuable. Peut-être faudra-t-il que le législateur se penche sur la question. Au travers de la loi NOTRe, il faudra bien préciser, sans être exclusif, qui fait quoi.

Enfin, au vu du travail réalisé par François Cravoisier et un certain nombre d’élus, je ne résiste pas à demander la révision du rôle de la tutelle dans cette commission paritaire nationale. Il est très difficile d’avoir une tutelle muette. Ou bien on considère que la délégation employeur a le pouvoir de réformer, auquel cas on met à mal le double, sinon triple jeu extrêmement stérile entre les syndicats, la tutelle et la délégation employeur, ou bien on estime qu’il y a une tutelle parce qu’il s’agit d’un établissement public de l’État. Mais la tutelle doit s’exprimer à un moment ou un autre, elle ne peut pas persister à dire qu’elle n’est pas là pour cela.

M. Pierre-Antoine Gailly. Rappelons que l’objet même de la mission d’inspection qui a eu lieu il y a un an et demi concernait la répartition entre différents acteurs sur un même territoire. Mais cette question n’a jamais été traitée.

On commence à voir le tissu se déchirer. Je ne sais pas comment la région Rhône-Alpes va remplacer ERAI, l’Agence de développement économique rhônalpine à l’international, qui a volé en éclats dans sa propre région, avec des répercussions dans d’autres régions où elle s’était posée en prestataire de services. ERAI a ouvert vingt bureaux à l’étranger dans des pays où des chambres françaises à l’étranger sont implantées depuis cent ans sans consommer un centime d’argent public. Là aussi, il faudra procéder à un travail de comparaison.

M. Christian Jouve. Le taux d’intégration des jeunes qui sortent des centres de formation est élevé. S’il n’y a plus de formations, il n’y aura plus de jeunes formés, et donc moins d’emplois. L’objectif des chambres de commerce reste d’apporter aux entreprises de la croissance par la compétitivité et de permettre la création d’emplois. Pour ma part, je peux vous citer quelques projets moins connus, par exemple dans le Lot, dans les Hautes-Pyrénées, dans des secteurs où il faut créer de l’attractivité. Dans une CCI de l’Ariège, par exemple, l’existence d’une seule classe a un effet majeur au plan économique. Faire ses études dans une grande ville, c’est simple ; dans ces territoires ruraux, c’est beaucoup moins évident. Il est donc important d’y maintenir des centres de formation qui représentent, en termes d’emplois, 40 % de nos effectifs. J’ai presque envie de dire que l’avenir des chambres repose sur l’appui qu’elles apporteront aux entreprises en matière de formation : face aux agences de développement régional, départemental, de communauté de communes, elles ont leur épingle à tirer du jeu. Peut-être faudrait-il aussi réfléchir à un partenariat avec l’éducation nationale qui pourrait mieux défendre la formation professionnelle dans les territoires.

N’oublions pas non plus la formation des entrepreneurs tout au long de la vie. Je vous invite à consulter les statistiques de réussite qui sont élevées, notamment dans les territoires les plus ruraux.

M. Pierre-Antoine Gailly. Dans la droite ligne de ce que vient de dire Christian Jouve, je veux citer quelques chiffres. Le réseau consulaire compte 100 000 apprentis. 7 % d’entre eux décrochent alors que la moyenne nationale est de 20 %. Le taux de placements et de diplômes est de 85 % alors que la moyenne nationale est de 68 à 69 %. Tout simplement parce que ce sont des chefs d’entreprise qui pilotent les conseils d’orientation des écoles et qui expriment directement les besoins de la région.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je vous rappelle que c’est nous, parlementaires, qui avons souhaité cette mission. Je l’ai demandée à M. Carrez, président de la commission des finances, parce que je ne voulais pas que l’on reparte sur un dialogue de sourds comme ce fut le cas lors de l’examen du budget. Nous avons le souci d’avancer, et vous avez vu que mes collègues et moi-même sommes sur la même longueur d’ondes sur ce point.

Au fur et à mesure des auditions, nous nous heurtons à un problème de lisibilité globale. En effet, si vous avez des points communs – la question financière et la formation – votre organisation et vos partenariats sont très différents. Il nous faudra donc sans doute travailler un peu plus avec les collectivités territoriales, car chacune a sa manière de faire propre.

Lors de l’examen du budget, nous avons cherché à identifier les engagements juridiques pris par les chambres sur des investissements à venir. Mais je pense que vous pouvez faire valoir cette question ; en tout cas, je vais y travailler avec le Gouvernement, et engager une discussion à partir d’exemples précis.

M. François Cravoisier. Un dernier exemple des absurdités des réseaux consulaires : quand vous créez une entreprise de restauration, vous dépendez de la CCI. Si votre objet social comporte la mention « vente à emporter », vous dépendez du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat… Simplifions tout cela ! Peut-être y aura-t-il moins de présidents, moins d’établissements, moins de directeurs, mais on aura simplifié la vie des entrepreneurs. Outre la formation et l’aménagement du territoire, notre rôle premier est d’assister les créateurs et repreneurs d’entreprises. Grâce à nous, un certain nombre de créateurs sont formés, soutenus, suivis au quotidien. Mais comment voulez-vous qu’un créateur sache où aller quand il a une multitude d’interlocuteurs ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. CCI France ou les CCI ont-elles évoqué ce point dans le plan « Faire simple » de Thierry Mandon ?

M. Pierre-Antoine Gailly. Oui.

M. Nicolas Chiloff. Je veux revenir sur les dégâts causés par les prélèvements. On a évoqué le passé ; pour ma part, c’est le futur qui m’inquiète et la perspective d’un nouveau prélèvement. A-t-on besoin ou non, des CCI en France ? Veut-on sauver les CCI ou, au contraire, les tuer ? Il y a actuellement, dans ces chambres de commerce, des chefs d’entreprise bénévoles – dans ma région, ils sont deux cents environ – qui donnent de leur temps pour développer l’économie de leur territoire. Je considère que les CCI jouent un rôle de premier plan en termes de développement économique. Il serait vraiment dommage de perdre l’expertise de ces chefs d’entreprise en fonctionnarisant les chambres de commerce. Or je crains que l’on prenne ce chemin. Je veux insister sur ce risque majeur qui malheureusement pointe le bout de son nez dans les couloirs de Bercy.

Nous n’avons été ni entendus, ni écoutés. Je dirai même que nous avons été humiliés. Il serait dommageable de poursuivre dans cette voie.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je suis très engagée dans ma région. Nous y avons fait beaucoup de belles choses ensemble. Si on n’y croyait pas, on ne serait pas là. Ce que vous venez de dire figurera dans le compte rendu : c’est tout l’intérêt des auditions. Au contraire, nous sommes dans une démarche de rationalisation.

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe. Je veux revenir sur l’emploi des jeunes et la formation. En la matière, je parlerai de triple peine pour l’outre-mer. Lors de la réforme de la ventilation de la taxe d’apprentissage, un dispositif spécifique à l’outre-mer avait été prévu sous la forme d’un différentiel de 10 % sur la liberté d’affectation. Or celui-ci a purement et simplement disparu, sans discussion préalable, sans information, alors que la particularité de l’Alsace-Moselle a été préservée, et nous en sommes heureux pour eux. Il aurait été intéressant que l’outre-mer soit associée à cette modification. Nous nous posons également des questions sur la collecte en cours.

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe. Cela s’est fait lors de la loi de mars 2014 sur la formation professionnelle. L’inquiétude de M. Gailly sur la taxe d’apprentissage est décuplée outre-mer.

Je compléterai pour conclure l’exemple de M. Cravoisier : la prochaine fois que vous recevrez des amis chez vous, madame la rapporteure, s’ils vous offrent des roses, c’est qu’ils seront allés chez un commerçant ; s’ils vous apportent une composition, c’est qu’ils seront allés chez un commerçant-artisan car un commerçant qui confectionne des bouquets devient un artisan. Plus personne ne s’y retrouve ! Il y a là une piste de simplification évidente.

M. Pierre-Antoine Gailly. Vous avez parlé de lisibilité globale, de rationalisation, d’organisation, ce qui montre assez bien ce qui se passe actuellement. Aucun système d’une collectivité locale ne sera dans l’état de cohérence de celui des chambres de commerce d’ici à dix-huit mois lorsque les décisions de l’assemblée générale du 23 février 2015 auront pris leur plein effet. On n’y peut rien si c’est différent dans une région monocentrée, physiquement et démographiquement compacte et dans une région qui s’étend sur 500 ou 600 kilomètres et qui comprend une ou plusieurs métropoles, ou des points de concentration de population et d’activité.

En Île-de-France, il y a un établissement public régional puis des établissements publics locaux, les chambres sont des personnes morales. Aujourd’hui nous fonctionnons en harmonie budgétaire. Voilà le système qui va être valable pour toute la France. Il y aura bien un seul système, même s’il sera dosé ou décliné différemment selon les contraintes géographiques des bassins d’emploi. Et il va se rationaliser, c’est évident.

On a cité beaucoup de chiffres. On a parlé de 42 % d’augmentation en euros constants du produit de la taxe affectée entre 2002 et 2012 ; c’est vrai. Mais on oublie de dire que de 2012 à 2015 la baisse des taux atteint 36 %, hors prélèvement. Autrement dit, en 2015 on n’est ni plus ni moins qu’à mi-chemin entre 2002 et 2003. Si d’aventure les deux tranches supplémentaires de 10 % chacune s’appliquaient, on serait à moins 58 %. On reviendrait au niveau de 1995. Depuis, tous les volumes d’appui aux entreprises, d’éducation formation, y compris l’apprentissage, d’aide à l’international ont été multipliés entre 2,5 et 3,5. Et je vous parle de dépenses en euros constants. Pourquoi veut-on casser cette génération d’hommes et de femmes de bonne volonté qui n’ont qu’une envie, participer au développement économique de leur territoire et de leurs entreprises ? Il faut remettre ces chiffres en perspective et ne pas s’arrêter à celui de 2002-2012. L’Inspection générale des finances n’a pas fait le rapport attendu, mais elle aura au moins imprimé ce chiffre !

M. Gilles Curtit. Un mot sur le rôle de redistribution de la taxe pour frais de chambre (TFC). La région Franche-Comté compte deux grands groupes industriels, Peugeot et Alstom, qui payent des taxes très élevées. Or nos politiques industrielles, économiques, commerciales et de services sont centrées en majorité sur les TPE et les PME. Si cette redistribution n’existe plus, ce sont des TPE et des PME qui payent très peu de TFC qui seront touchées.

Pierre-Antoine Gailly a cité le chiffre de 1995. Si ces prélèvements sont effectués dans cette trajectoire de 37 % en 2017, pour la région Franche-Comté cela signifierait revenir au niveau de la ressource fiscale de 1992…

Les chefs d’entreprise ont du mal à comprendre que l’État puisse organiser la ponction à un tel niveau et ils ne comprennent pas pourquoi ils sont traités ainsi.

M. François Cravoisier. Les CCI sont un parfait exemple de solidarité entre les entreprises. C’est un élément qui devrait parler à ceux qui nous gouvernent aujourd’hui.

M. Christian Jouve. La somme des initiatives locales ne fait pas une stratégie. Il ne faut pas mélanger l’organisation, le pouvoir et la dynamique. La stratégie des CCI de région, notamment parce que la région est chef de file de l’économie, doit trouver sa correspondance. Il faut éviter les déperditions. La somme de tout ce que l’on a pu faire depuis la loi de 2010 n’a pas réussi à générer une dynamique globale. La loi NOTRe nous en donne l’opportunité. Il faut que les CCI soient en mesure de répondre à cet objectif régional, avec les chambres territoriales, dans le cadre d’une organisation qui ne fige pas la dynamique, sinon on reviendrait en arrière. Créez-nous une dynamique : vous verrez que vous serez surpris !

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ce n’est pas en raison d’un manque d’intérêt à l’égard du monde économique que les prélèvements ont été décidés. Pour ma part, j’ai coécrit, avec la chambre des Pays-de-Loire, le schéma directeur, le schéma de développement économique de la région.

Vous savez que la baisse des prélèvements obligatoires n’a pas frappé que les chambres. Il suffit d’entente les difficultés que rencontrent les communes, l’Agence de l’eau, etc. pour s’en convaincre. Je vous le dis avec force : nous ne nous désintéressons aucunement du monde économique. Nous avons essayé d’être les plus justes possible pour réaliser ces prélèvements. Cette mission a pour but de se repencher sur cette question.

Je reprends votre conclusion : il nous faut aller au bout des préconisations de la loi de 2010. Appuyons-nous sur ce qui a été fait, essayons peut-être de faire en sorte que notre attitude soit fonction de la puissance et du poids économique des chambres. On voit bien qu’il faut tendre vers quelque chose de plus individualisé.

Auditions du 14 avril 2015

Mme Élodie Lematte, conseillère en charge des affaires financières, de l’emploi et de la protection sociale agricole, au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Olivier Carré, coprésident. Nous poursuivons les auditions de la Mission d’évaluation et de contrôle sur les réseaux consulaires.

Mme Élodie Lematte, conseillère en charge des affaires financières, de l’emploi et de la protection sociale agricole, au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

En raison de l’aspect transversal de la mission des trois réseaux consulaires, il est pertinent d’envisager les réseaux consulaires de manière globale, même si chacun des trois réseaux a ses spécificités. C’est en raison de cette transversalité que le Gouvernement a proposé l’année dernière, en loi de finances, des dispositions concernant à la fois les chambres d’agriculture et les chambres de commerce et d’industrie (CCI) – étant précisé que les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) avaient fait l’objet de réformes dans le cadre de la loi de finances de l’année précédente.

Chaque réseau est financé – selon des proportions qui diffèrent – par une taxe fiscale affectée. Cette taxe représente près de la moitié du budget des chambres d’agriculture, dont la structure financière est plus proche de celle des CMA que de celle des CCI. Le reste du budget des chambres d’agriculture se partage entre des prestations privées à hauteur de 30 % et des subventions de l’État, des collectivités territoriales et de l’Union européenne pour environ 20 %. L’approche du Gouvernement a consisté à traiter les trois réseaux consulaires par deux clés d’entrée : d’une part, la taxe affectée, d’autre part, le fonds de roulement. De fait, les trois réseaux sont aujourd’hui confrontés aux mêmes problématiques, à savoir le calibrage et la définition de leur participation – notamment en termes de péréquation – à l’effort de redressement des comptes publics.

Un autre point commun aux trois réseaux est celui des questions d’organisation. Il s’agit de s’adapter à la nouvelle carte régionale et à la montée en puissance du niveau régional comme échelon de portage des politiques publiques, notamment en matière économique et, en ce qui concerne l’agriculture, de développement agricole et de mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC). De ce point de vue, les chambres d’agriculture ont pris l’initiative de s’adapter à ce nouveau contexte, avec l’appui de l’État.

Les points communs aux trois réseaux ne doivent cependant pas occulter les spécificités de chacun d’entre eux. Les particularités des chambres d’agriculture sont de trois ordres. Premièrement, leur champ d’intervention, défini par le code rural, est essentiellement celui du développement agricole, en lien avec l’ensemble des opérateurs. Cette notion n’est pas tout à fait superposable à la notion de développement économique – même si cela y contribue –, ce qui justifie que les problématiques abordées dans le cadre de la loi NOTRe et de la décentralisation en matière de développement économique n’aient pas concerné le réseau des chambres d’agriculture.

La deuxième particularité des chambres d’agriculture réside dans le poids important du financement public dont elles bénéficient, en particulier quand on les compare aux CCI. La somme de la taxe affectée et des diverses subventions de l’État et de l’Union européenne excède largement 50 % des ressources des chambres d’agriculture, ce qui explique qu’elles entrent dans le champ du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) – ce qui n’est pas le cas des deux autres réseaux consulaires.

Enfin, les chambres d’agriculture sont des établissements publics, à financement majoritairement public, sous tutelle du ministère de l’agriculture. À ce titre, elles remplissent l’ensemble des conditions qui pourraient les assimiler à des opérateurs de l’État, mais elles relèvent d’un régime consulaire à gouvernance professionnelle d’élus, dont l’organisation est encadrée par une loi de 1952 fondant sa spécificité. Les chambres d’agriculture constituent un réseau d’établissements publics sur lequel le ministère de l’agriculture exerce sa tutelle, dans le cadre d’un statut consulaire spécifique et ayant sa propre histoire.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Faut-il comprendre qu’à la différence des chambres de commerce et d’industrie, qui peuvent se voir confier la gestion d’un port ou d’une zone d’activité, les chambres d’agriculture ne gèrent jamais un service ou un établissement public, et ne perçoivent pas à ce titre de ressources externes ?

Mme Élodie Lematte. Il arrive, à titre très exceptionnel, qu’une chambre d’agriculture soit gestionnaire d’un centre d’expérimentation agricole dans lequel elle a engagé des fonds propres – étant précisé que le centre d’expérimentation agricole n’est pas un établissement public – ou d’un lycée. De telles situations ont un caractère exceptionnel qui n’ont rien à voir avec le mode de gestion par délégation de service public dont les ports ou les aéroports peuvent faire l’objet.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Faut-il en déduire que les chambres d’agriculture n’ont pas, contrairement aux chambres de commerce, la préoccupation d’investir – ou qu’elles effectuent d’autres types d’investissements, non producteurs de services ?

Mme Élodie Lematte. Les chambres d’agriculture ne sont pas du tout confrontées aux mêmes problématiques que les chambres de commerce et d’industrie en matière d’investissement.

M. le coprésident Olivier Carré. J’imagine qu’en ce qui concerne les chambres d’agriculture, il s’agit le plus souvent de fonds de concours à des opérations d’investissement ?

Mme Élodie Lematte. L’investissement peut prendre des formes diverses. Depuis un an, on entend essentiellement parler d’investissements liés à la mise aux normes de sécurité et à la réhabilitation de locaux des chambres d’agriculture. En dehors de ces opérations immobilières, les chambres peuvent parfois s’engager dans des investissements conjoints comme ceux effectués pour la réalisation de stations d’expérimentation en Bretagne.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pour compléter ce que vous venez de dire, je voudrais apporter mon témoignage au sujet de projets novateurs confrontés à un manque d’investissements. Ainsi, dans la région Champagne-Ardenne, un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) a été conclu à Reims à la suite de la fermeture de la base aérienne 112. Ce projet porté par les agriculteurs et le président de la chambre d’agriculture consiste en la réalisation d’un projet de production de biomasse – appelé la Ferme 112 – sur un terrain de 570 hectares, en collaboration avec le pôle de compétitivité « agro-ressources » situé à Pomacle-Bazancourt. Or, la présence de bâtiments sur la partie de terrain située sur le territoire de Reims Métropole nécessite des travaux, donc des investissements, ce qui freine la mise en route du projet par la chambre d’agriculture – celle-ci ne disposant plus des ressources suffisantes, puisqu’elle a perdu une partie des fonds initialement fléchés sur ce projet.

Mme Élodie Lematte. Aujourd’hui, le financement public de l’État consiste dans la taxe fiscale affectée, qui représente 292 millions d’euros, dont plus de 60 % sont consacrés aux dépenses de personnel. En plus de cette ressource, les chambres d’agriculture signent, avec le ministère de l’agriculture, des conventions relatives à des programmes de développement agricole et rural pour un montant de 40 millions d’euros, fléchés sur des objectifs « métiers ». L’enveloppe de 40 millions d’euros a été renouvelée et stabilisée dans le cadre de la nouvelle programmation. Dans le cas que vous évoquez, peut-être le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR), dont les chambres d’agriculture pilotent les fonds, aurait-il vocation à être mis en œuvre. Par ailleurs, la loi de finances a prévu un ensemble de garanties et de dispositions visant à répondre à la problématique d’investissement, effectivement très forte depuis un an.

Le réseau constitué des chambres départementales, des chambres régionales et de région, ainsi que de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) représente un budget total de l’ordre de 910 millions d’euros, se répartissant comme suit : 660 millions d’euros pour les chambres départementales, 200 millions d’euros pour les chambres régionales et de région, et 50 millions d’euros pour l’APCA.

Au sein de ce budget global, différentes ressources peuvent être identifiées. Il s’agit de la taxe pour frais de chambre, s’élevant à 292 millions d’euros – ce qui représente environ 44 % des recettes –, des prestations payantes correspondant aux services rendus à titre individuel aux agriculteurs – pour 28 % des recettes –, et de diverses subventions provenant de l’État, des collectivités et de l’Union européenne – pour 22 % des recettes. Enfin, d’autres produits et subventions en transit représentent les 6 % de recettes restants. Si l’on fait la somme de la taxe et des subventions publiques, on constate que les ressources sont à 66 % d’origine publique ou parapublique.

Les charges de personnel représentent environ 60 % des dépenses des chambres d’agriculture. Ce poste est relativement stable, abstraction faite d’une dérive naturelle liée au glissement vieillesse-technicité (GVT). Pour ce qui est des investissements, depuis plusieurs années on observe un montant global relativement stable d’une année sur l’autre, représentant entre 20 et 30 millions d’euros pour l’ensemble du réseau.

Les situations financières sont assez hétérogènes selon les chambres. Sur les quatre ou cinq dernières années, les chambres ont globalement présenté des résultats positifs, avec des variations positives du fonds de roulement – exception faite de l’année 2013. Cette situation générale comporte cependant des cas particuliers, dont le Parlement a été saisi. Il s’agit notamment des chambres d’agriculture d’outre-mer : ainsi une disposition spécifique a-t-elle été votée pour la Guyane dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014 – il s’agissait d’une dérogation à l’augmentation du taux de la taxe. Mais la situation financière du réseau envisagé dans sa globalité est plutôt saine. L’année dernière, lors de la préparation en amont du projet de loi de finances, nous nous sommes interrogés sur la présence de réserves financières importantes, estimées à environ 260 millions d’euros au 31 décembre 2013, alors que la norme prudentielle impose une réserve de trois mois de fonctionnement, soit 160 millions d’euros : la réserve disponible s’élevait donc à environ 100 millions d’euros. Nous avons tenu compte de la problématique des investissements votés début 2014 en allant aussi loin que possible dans les comptes durant l’année de référence, c’est-à-dire en nous arrêtant au 1er juillet 2014. Ainsi, après avoir retranché la réserve correspondant à trois mois de fonctionnement – soit 160 millions d’euros – ainsi que tous les investissements votés dans les budgets initiaux avant le 1er juillet 2014 – environ 25 millions d’euros –, on obtenait un solde de l’ordre de 75 millions d’euros.

M. le coprésident Olivier Carré. Estimez-vous avoir de bonnes relations avec le réseau des chambres d’agriculture, vous permettant de disposer d’une lisibilité satisfaisante sur leurs comptes et sur l’anticipation de leurs dépenses et de leurs investissements ?

Mme Élodie Lematte. Pour ce qui est de la connaissance du réseau et de la lisibilité de ses données financières, nous avons effectivement accès à des informations très précises via des applications relevant de l’Infocentre, contenant toutes les données entrées par le réseau. Nous connaissons toutes les recettes et les dépenses poste par poste, ainsi que le montant exact des fonds de roulement. Notre information étant enrichie par l’ensemble des rapports établis par le CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux), le Contrôle général économique et financier (CGEFI), l’Inspection générale des finances (IGF) et la Cour des comptes, nous disposons d’éclairages multiples sur la situation financière des chambres d’agriculture.

Quant à la relation du ministère de l’agriculture avec les chambres, elle est le fruit de l’histoire. Les chambres d’agriculture constituent un réseau consulaire d’élus avec une gouvernance professionnelle définie par la loi. Pour autant, le fait que nous soyons en présence d’un réseau d’établissements publics bénéficiant à plus de 60 % d’un financement public implique une obligation de transparence et de coopération entre le ministère et ce réseau. Depuis que j’exerce mes fonctions au sein du cabinet du ministre de l’agriculture – cela fait trois ans –, j’ai constaté que le ministère s’efforçait d’instaurer une relation de tutelle, tout en respectant les cadres partenariaux. Si cela ne se fait pas sans quelques frictions – les chambres d’agriculture ont une histoire et une culture différente de cette pratique –, le réseau assume de plus en plus, si l’on se réfère aux interventions du président en session, son statut d’établissement public ainsi que les relations de transparence et le retour d’information vis-à-vis du ministère. Les relations entre le ministère et le réseau s’inscrivent donc dans un processus de normalisation en cours – un processus qui prend du temps, mais dont la trajectoire semble satisfaisante.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pouvez-vous nous donner quelques éléments d’information sur la tête de réseau, afin de nous permettre d’établir des parallèles avec ce que nous savons au sujet de l’établissement CCI France ?

Mme Élodie Lematte. Notre premier interlocuteur est effectivement l’APCA, tête de réseau dont l’une des missions essentielles est de jouer le rôle d’interlocuteur des pouvoirs publics sur l’ensemble des sujets relatifs aux politiques publiques portées par le réseau. Ainsi, les dispositions de la dernière loi de finances, qui n’étaient pas faciles à prendre, avaient été concertées très en amont avec l’APCA : à partir du mois d’avril, nous l’avons rencontré régulièrement et nous avons bâti avec elle différents scénarios. Si nous n’avons pu trouver un véritable accord, ce contact nous a permis de prendre en compte des orientations exprimées par notre interlocuteur.

L’APCA, qui a des mandants, est censée porter les positions des chambres d’agriculture. La relation de ces dernières avec le ministère se fait au niveau déconcentré, le ministère s’appuyant sur les Directions départementales des territoires (DDT), les préfets et les services préfectoraux, pour rappeler les orientations du ministère. Depuis l’application des dispositions figurant dans la loi de finances pour 2014, il a été fait un usage assez novateur et large des pouvoirs de tutelle : nous avons ainsi régulièrement écrit au préfet afin de lui signaler les dispositions devant être intégrées aux budgets initiaux, et quelles étaient les conditions permettant d’accepter ou de refuser un budget – toutes choses auxquelles les chambres d’agriculture n’étaient pas habituées, mais qui font pourtant partie de l’exercice naturel des pouvoirs dont dispose le ministère.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Dans l’organisation des chambres d’agriculture, avez-vous identifié des redondances ou des points sur lesquels il serait possible de réaliser des progrès et des économies ?

Mme Élodie Lematte. Des marges de progrès existent effectivement, que nous nous efforçons de définir avec l’APCA et l’ensemble des chambres. Dès 2009, le programme de réforme « Terres d’avenir », porté par l’APCA, prévoyait un renforcement du réseau au niveau régional et une mutualisation des moyens. Nous continuons de nous référer à ce projet, qui n’a pas encore produit tous les effets que l’on pouvait en attendre : c’est l’un des objectifs de la mandature actuelle que de renforcer l’organisation du réseau, notamment au moyen d’une structuration de la répartition des tâches entre les différents niveaux – départemental, régional et APCA.

Aujourd’hui, le projet « Colonne vertébrale » de l’APCA définit un ensemble de missions, notamment les missions support qui doivent être regroupées au niveau régional. Lors de la session de mars dernier, des délibérations ont été prises au sujet de la réforme territoriale et de la désignation de futures grandes chambres régionales d’agriculture calées sur la nouvelle carte des régions et dans le sens d’une meilleure structuration du réseau. La mandature actuelle est marquée – notamment en la personne de son président – par la volonté d’avancer plus vite sur les problématiques de réorganisation, ce qui est de nature à dégager des marges importantes en termes d’efficience.

Si les missions exercées ne me paraissent donner lieu à aucune véritable redondance, il est permis de s’interroger sur la nécessité de clarifier les attributions, comme cela a été le cas lors des débats relatifs à l’examen de la dernière loi de finances. Cela soulève la question des relations entre le réseau des chambres d’agriculture et celui des centres régionaux de la propriété forestière (CRPF), ou celui d’autres organismes de développement agricole. Les partages de compétences, qui se sont affinés au fil du temps, constituent des sujets assez difficiles à traiter, qu’il ne me paraît pas opportun de voir comme des sources possibles de redondances, les progrès à réaliser en la matière se limitant essentiellement à l’amélioration de la transparence. Aujourd’hui, les gains d’efficience se situent plutôt, à mon sens, au niveau de la réorganisation interne du réseau, ce qui correspond aux objectifs que s’est assigné le réseau pour la présente mandature, et que nous soutenons.

M. Alain Fauré. Dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de finances, la diminution des budgets alloués aux chambres d’agriculture a occasionné quelques tensions. Qu’en est-il de la péréquation ayant pour objet de soutenir les petites chambres, que l’on dit ne pas fonctionner aussi bien qu’on pourrait le souhaiter, et que pensez-vous de l’idée consistant à ce que les petites chambres mutualisent leurs moyens avec ceux des chambres plus importantes, notamment à l’échelle de la région, afin de réaliser des économies d’échelle sur le plan matériel comme sur celui du personnel ?

On sait que les dossiers PAC sont relativement lourds et complexes à constituer. Une réflexion a-t-elle été menée afin de faire en sorte que les chambres d’agriculture ne se trouvent pas régulièrement encombrées – c’est le cas en ce moment – par les demandes des agriculteurs, qui s’appuient beaucoup sur elles en la matière ? En effet, si le rôle des chambres d’agriculture consiste bien à fournir un accompagnement aux agriculteurs, on peut se demander si elles ne consacrent pas un temps excessif à ces formalités administratives et si c’est leur vocation de s’y investir à ce point.

En ce qui concerne la mise en œuvre des nouvelles méthodes de culture – je pense notamment à la suppression des labours –, certains départements sont en avance par rapport à d’autres grâce aux recrutements d’agronomes spécialisés dans l’optimisation de la gestion des terres. Ne pourrait-on pas éviter ces disparités en procédant aux recrutements à l’échelon régional ?

Enfin, ne serait-il pas judicieux de recourir aux lycées agricoles, dont les effectifs sont en diminution en certains points du territoire, afin de permettre aux agriculteurs d’y suivre des formations complémentaires ? Là encore, cela permettrait d’alléger le travail des chambres d’agriculture, donc de rendre celles-ci plus efficaces.

Mme Élodie Lematte. La péréquation constitue indéniablement un enjeu pour un réseau des chambres d’agriculture se caractérisant par sa diversité, que ce soit en termes de bases cadastrales, de niveau de taxes ou d’historique de gestion. C’est pourquoi, en parallèle des dispositions adoptées l’année dernière, visant à faire contribuer les chambres d’agriculture à l’effort de redressement des comptes publics, nous avons également souhaité renforcer les moyens de péréquation et de mutualisation au sein du réseau, en consacrant au niveau législatif un fonds de péréquation dont, jusqu’à présent, l’existence se réduisait à sa mention dans les textes réglementaires. Nous avons travaillé, au cours des quatre derniers mois, à la mise en place de ce nouvel outil qui va constituer un levier important en 2015 pour accompagner le réseau dans la mise en œuvre de la péréquation et d’autres dispositions figurant dans la loi de finances.

Sur le fonds de roulement de 75 millions d’euros que j’ai évoqué précédemment, 55 millions d’euros ont vocation à être versés au budget général de l’État en application de la loi de finances, tandis que 20 millions d’euros restent disponibles pour le fonds de péréquation. Le projet de décret définissant les règles de fonctionnement du fonds de péréquation doit être publié de façon imminente, à l’issue d’un travail important effectué en concertation avec l’APCA au cours du premier trimestre 2015. Nous avons abouti à un dispositif consistant en l’attribution de deux enveloppes pour cette année.

La première vise à apporter des réponses aux chambres d’agriculture se trouvant dans une situation financière précaire, en particulier les petites chambres. Il a été procédé en mars dernier à la pré-répartition d’une première enveloppe, afin que les chambres d’agriculture soient en mesure de construire leur budget initial pour 2015. La plupart des chambres avaient en effet voté fin 2014 des budgets qui, ne correspondant pas aux dispositions de la loi de finances, avaient ensuite été rejetés, obligeant ces chambres à faire adopter de nouveaux budgets fin mars 2015. Ceci nécessitait des clarifications sur le montant de la dotation du fonds de péréquation qui leur serait alloué – ce qui a été fait à titre de pré-notification, le décret n’étant pas encore paru. Environ 11 millions d’euros vont ainsi être distribués pour accompagner les chambres présentant une situation financière fragile, notamment les petites chambres. Je précise que ce critère de « petite chambre » a été pris en compte, dans le cadre de la première dotation du fonds de péréquation, en évaluant la part que la taxe représentait au regard des dépenses de personnel : quand cette part était inférieure à 60 %, il était prévu une dotation afin de ramener la taxe au niveau moyen des chambres d’agriculture. D’autres critères ont été appliqués, notamment ceux relatifs à la trésorerie des chambres, marquée par une grande disparité, mais aussi par l’existence de situations paradoxales, comme une trésorerie fragile en dépit d’un fonds de roulement très important. Les principaux critères en la matière sont ceux liés à la difficulté financière résultant de la part de la taxe par rapport aux dépenses de personnel ou encore de dépenses engagées lors d’opérations de fusion.

La deuxième dotation, qui interviendra d’ici à l’été, vise à accompagner les investissements. À cette fin, il a été engagé un travail de collecte et d’analyse des dossiers présentés par les chambres d’agriculture – concernant essentiellement des projets immobiliers, comme je le disais précédemment.

La gestion des dossiers PAC constitue effectivement une problématique sensible et d’actualité. Les chambres d’agriculture sont fortement mises à contribution pour œuvrer, au côté des services de l’État, à la réussite de la campagne PAC 2015 – une année particulière puisqu’elle est la première de la mise en œuvre de la réforme de la PAC. Le ministre, pleinement conscient du rôle qu’ont à jouer en la matière les chambres d’agriculture, a reçu mardi dernier l’ensemble du bureau des chambres d’agriculture, afin d’aborder toutes les questions techniques portant aussi bien sur la nature et le montant des aides que sur les formulaires, en vue de l’échéance du 27 avril qui marquera le début de la campagne de constitution des dossiers. Les chambres d’agriculture ont un rôle très important, la dématérialisation des déclarations PAC – qui est aujourd’hui une réalité dont le ministère se félicite – nécessitant un accompagnement des agriculteurs par les DDT comme par les chambres d’agriculture. C’est l’une des missions de service public qui leur sont déléguées.

M. Alain Fauré. Si le montant des cotisations destinées à assurer le fonctionnement des chambres d’agriculture a diminué, je m’étonne de constater qu’en compensation de cette perte, la chambre d’agriculture de mon département demande aux agriculteurs un règlement de 149 euros en contrepartie de l’aide qu’elle leur apporte pour la constitution des dossiers PAC.

Mme Élodie Lematte. Cette contribution de 149 euros constitue-t-elle une nouveauté ? En principe, la facturation du service d’aide individuelle à la constitution de dossiers existe déjà dans plusieurs départements.

M. Alain Fauré. Le problème est que ce qui était effectué jusqu’à présent à titre gracieux donne désormais lieu à une facturation. Il est bien évident que la chambre d’agriculture a trouvé là le moyen de reconstituer un revenu qu’elle venait de perdre – ce qu’elle justifie certainement par la nécessité de procéder à l’embauche d’agents en contrat à durée déterminée pour assurer ce qui représente un surcroît de travail. C’est aussi l’occasion de se demander si les dossiers PAC ne sont pas un peu trop complexes à constituer, et si les chambres d’agriculture ne pourraient pas faire des propositions visant à leur simplification.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Estimez-vous pertinent que les chambres d’agriculture développent leur rôle de conseil, notamment auprès des collectivités locales – je pense notamment au conseil à l’élaboration de différents schémas ? Cette activité qui semble assez rémunératrice – elle me paraît déconnectée des appels d’offres – est-elle appelée à prendre de l’ampleur ?

Par ailleurs, je vous remercie d’avoir mis en évidence les différences existant entre les chambres d’agriculture et les autres chambres, et le fait que le travail effectué au Parlement dans le cadre budgétaire, c’est-à-dire très en amont, ait en quelque sorte contribué à pacifier les choses, ce qui n’a pas forcément été le cas pour les autres réseaux.

Mme Élodie Lematte. Les prestations payantes effectuées par les chambres d’agriculture représentent aujourd’hui 28 % de leurs recettes, ce qui n’est pas négligeable. Le ministère n’est pas opposé à cette pratique, sous réserve qu’elle soit encadrée. Les situations telles que celle décrite par M. Fauré doivent être surveillés et contrôlés, car il n’est pas normal que la baisse d’une taxe aboutisse, par un phénomène de vase communicant, à la facturation d’un service que certains agriculteurs seulement pourraient payer. Est ici en jeu l’accès au service public, pour lequel les chambres d’agriculture se voient déléguer des missions et perçoivent une ressource publique affectée.

Quand la recette fiscale baisse, la solution la plus facile consiste à rechercher une recette captive nouvelle – je parle de recette captive car, au vu du montant des primes qu’un dossier PAC correctement constitué peut faire gagner à un agriculteur, celui-ci hésitera généralement peu avant de débourser 149 euros. Or, la baisse de taxe n’a pas vocation à être compensée de cette manière par les chambres d’agriculture, mais bien plutôt par des efforts d’efficience et de diminution de la dépense. Il est important, y compris sur le plan juridique, d’encadrer la facturation des prestations effectuées par les chambres d’agriculture, car elles doivent se faire dans des conditions de concurrence normale, ce qui suppose que les comptes soient séparés et qu’il n’y ait pas de subventions croisées. Que les chambres d’agriculture effectuent des prestations payantes n’est acceptable qu’à condition qu’elles en tirent des revenus accessoires en proportion de leurs autres ressources, que cette pratique soit encadrée et qu’elle n’entre pas dans le champ des missions de service public : un réseau où la part de ces prestations deviendrait prépondérante perdrait de sa logique consulaire historique.

En conclusion, je considère que si l’épisode de la loi de finances a été difficile à initier et a suscité de nombreux débats, il a paradoxalement renforcé notre faculté à communiquer avec les chambres d’agriculture. J’espère ne pas être exagérément optimiste en pensant aussi que cela a permis au réseau de se ressaisir de son projet de réorganisation. La contrainte représentée par la baisse de 2 % de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) pour 2015 – ce montant pouvant être revu au cours des années suivantes – a constitué un aiguillon incitant le réseau à dénouer certains blocages et à avancer en direction des objectifs affichés depuis 2008 dans le programme « Terres d’avenir », dont la mise en œuvre avait jusqu’à présent fort peu progressé. L’APCA et les chambres de région s’étant saisies de cette contrainte pour faire avancer le projet, je suis assez confiante quant au fait qu’elles en fassent une occasion de modernisation et d’adaptation du réseau au contexte actuel.

M. le coprésident Olivier Carré. Nous vous remercions pour votre intervention.

Audition du 14 avril 2015

M. Guy Vasseur, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), accompagné de M. Jean-Louis Cazaubon, premier vice-président, de M. Jo Giroud, secrétaire général, et de M. Régis Dubourg, directeur général).

M. le président Olivier Carré. Nous entendons maintenant l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture.

M. Guy Vasseur, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA). Président de l’APCA, je préside également la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher, et je suis agriculteur dans le sud de ce département.

M. Jean-Louis Cazaubon, premier vice-président de l’APCA. Pour ma part je préside la chambre d’agriculture des Hautes-Pyrénées, et je suis vice-président de l’APCA.

M. Jo Giroud, secrétaire général de l’APCA. Outre mes fonctions de secrétaire général de l’APCA, je préside la chambre d’agriculture du Rhône.

M. Guy Vasseur. Nous nous sommes déjà exprimés aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat, mais je vous remercie de nous donner l’occasion de le faire à nouveau.

Nous avons été convoqués au début du mois de juillet 2014, au ministère de l’agriculture. Il nous a alors été annoncé qu’une ponction de 136 millions d’euros sur les chambres d’agriculture serait décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2015. Cette ponction prendrait notamment la forme d’une diminution de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) qui nous avait été présentée comme étant autant d’argent reversé aux exploitants agricoles propriétaires. A bien y regarder, outre qu’elle représente fort peu pour chaque exploitant, une telle mesure a en fait désorganisé de façon importante le réseau des chambres d’agriculture. Cette ponction de 136 millions d’euros était en fait constituée de la baisse de la taxe à hauteur de 36 millions d’euros, auxquels il convenait d’ajouter 100 millions au titre d’un prélèvement sur fonds de roulement au-delà de 90 jours. La réalité est qu’au 31 décembre 2014, les caisses des chambres d’agriculture ne disposent pas cette somme au-delà de 90 jours. Nous avons pu en apporter la preuve grâce à notre suivi permanent auprès des chambres départementales et régionales : nous connaissions les investissements programmés et, de plus, nous avions pu constater une diminution de nos ressources liée à la stagnation de la taxe en 2014 – puisque nous sommes les seuls à ne pas bénéficier des revalorisations cadastrales des impôts fonciers. Les ministères concernés ont donc été obligés de ramener le chiffre de 100 millions d’euros à 75 millions d’euros. Nous pensons, pour notre part, qu’il aurait dû être de 55 ou de 60 millions dans la mesure où beaucoup de projets d’investissements en cours n’avaient pas été pris en compte ; les amendements que nous avons proposés dans le cadre de la loi de finances avaient pour objet de déduire ces investissements qui n’étaient pas des investissements d’opportunité, même si l’on peut toujours trouver un ou deux contre-exemples. De nombreux départements sont concernés et certains préfets avaient même déjà apposé leur signature, y compris après le 1er juillet 2014. La chambre d’agriculture des Hautes-Pyrénées, présidée par M. Cazaubon, fait partie de celles qui ont connu cette situation, de même la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes, obligée de déménager – avec l’ensemble des structures agricoles et du marché d’intérêt national (MIN) – parce qu’elle est située en zone inondable. Comme ce déménagement ne pouvait se faire avant 2016, la chambre des Alpes-Maritimes avait programmé ces investissements et provisionné des capacités d’autofinancement, dans la mesure où des prêts bancaires, si la trésorerie s’avère insuffisante, ne sont pas accordés aux meilleurs taux, même par le Crédit Agricole.

Le Gouvernement a décidé de rester ferme sur ses décisions. Plutôt qu’une diminution fiscale générant un gain – d’ailleurs hypothétique – de quelques euros par exploitation, il nous aurait paru préférable d’opter pour un prélèvement sur une partie des fonds de roulement des chambres d’agriculture, marque de notre engagement dans l’effort de redressement budgétaire du pays – même si nous n’avions pas fixé le seuil à 90 jours, ni le montant à 55 millions d’euros. Nous aurions ainsi pu accepter un prélèvement de 45 millions, à condition que la TATFNB ne diminue pas. Indexée sur l’inflation, une baisse de la recette fiscale de 2 % représente en effet de 3 à 4 % en moins, et ce sur trois ans : c’est une pente qui va casser la réorganisation du réseau dans laquelle nous nous sommes engagés. À la fin de 2014, nous nous sommes en effet mobilisés auprès des départements pour qu’ils nous suivent dans cette réorganisation qui doit permettre à notre réseau de garder toute son efficacité et son utilité auprès des agriculteurs.

Quant à la fusion des régions, deuxième raison de notre réorganisation, nous y serons prêts dès le 1er janvier 2016, comme en témoigne la délibération que nous avons récemment adoptée, à l’unanimité, en présence du ministre.

Notre réorganisation se justifie également par celle de la répartition des compétences entre régions et départements, et par l’article redéfinissant, dans la loi d’avenir, à l’initiative du Gouvernement, les missions respectives des chambres régionales et des chambres départementales. Cet article, qui sera suivi d’un décret, est bien entendu de nature à accélérer notre démarche volontaire et volontariste qui s’inscrit dans le droit fil de cette évolution législative.

Le processus de réorganisation n’a toutefois pas été mis en œuvre de la même façon sur l’ensemble du territoire. Si les choses sont allées vite dans le Nord, elles ont pris plus de temps dans le Sud. Ainsi en Corse, les discussions, longtemps inexistantes, ont fini par s’engager. Les regroupements, dans lesquels plusieurs chambres se sont déjà engagées, génèrent dans un premier temps des surcoûts auxquels se heurte, bien entendu, la diminution de nos ressources. D’autres solutions étaient possibles. Nous avons proposé, au nom de l’agriculture et des agriculteurs, de contribuer au redressement budgétaire de la France. Au moins aurait-on pu nous renvoyer l’ascenseur ; au lieu de quoi nous avons été « punis » avec la diminution de 2 % de la TATFNB, y compris en 2016 et en 2017.

M. Jean-Louis Cazaubon. Je veux insister sur la spécificité des chambres d’agriculture par rapport aux autres réseaux consulaires. Les chambres d’agriculture, présentes dans tous les départements au plus près de leurs mandants, assurent des missions de proximité. Sur les 4 800 dossiers relatifs à la politique agricole commune (PAC) en Hautes-Pyrénées, nous en traitons 2 500 au titre de l’aide et du conseil.

Si la baisse de la taxe se limite à 2 % cette année, nous pourrons y faire face ; en revanche, si elle est renouvelée en 2016 et en 2017, c’est la mort assurée d’un système qui avait fait ses preuves. Les chambres d’agriculture assument en effet, via ces ressources fiscales, leurs missions de conseil de façon solidaire et partagée. Certains agri-managers peuvent s’offrir les services d’ingénieurs agronomes payés 400 euros la journée ou d’experts de CER France ; mais dans certains territoires, comme l’Ariège et les Hautes-Pyrénées, les chambres d’agriculture sont les seules à apporter ce conseil qui a contribué aux progrès de l’agriculture française et qui, de surcroît, est neutre. Certains organismes proposent en effet des conseils dont la gratuité n’est que faciale, leur prix étant répercuté sur celui, par exemple, du lait ou du maïs.

En Hautes-Pyrénées, pour des exploitations d’une trentaine d’hectares en moyenne, la baisse de 2 % de la taxe représente une économie de 19 euros sur trois ans – je ne suis pas sûr que les exploitants qui en auront bénéficié s’en souviendront en 2018… Mais, pour les chambres d’agriculture, elle équivaut à trois postes, qui feront défaut pour l’activité de conseil. Je rappelle que le taux de participation, pour les élections des chambres d’agriculture, avoisine les 70 %, ce qui le signe de l’attachement des agriculteurs à ce réseau.

Nous concluons aussi des partenariats avec les collectivités territoriales, notamment dans le cadre des missions d’intérêt général avec les filières territorialisés, comme celle du porc noir de Bigorre qui, après avoir quasiment disparu, représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de 13 millions d’euros et une centaine d’emplois. On peut en faire de même dans les domaines de l’énergie, de l’alimentation, des circuits courts ou de l’épandage des boues d’épuration. Nous sommes présents quand il s’agit de créer de la valeur ajoutée.

M. Guy Vasseur. Dès qu’un projet ne génère pas de profits, il ne reste que les chambres d’agriculture pour le soutenir. Par exemple, chacun était prêt à s’engager dans la mise aux normes des bâtiments d’élevage, notamment pour la délivrance de conseils dans le cadre des études préliminaires ; mais les coûts et les tensions étaient tels que les chambres d’agriculture sont restées seules à la manœuvre. La situation est la même dans les départements où les agriculteurs sont peu accompagnés.

M. Jo Giroud. Je veux souligner l’originalité des chambres d’agriculture, à la fois dévolues à des missions de service public et de développement économique. Les pouvoirs publics, à l’époque où furent définies ces missions, estimaient que l’investissement des professionnels pouvait créer une dynamique au bénéfice des exploitations. Différents financements avaient alors été prévus à cette fin.

Je suis originaire de la deuxième région urbaine de France : l’agriculture y est très chahutée et nos revenus pâtissent notamment de la réduction des surfaces cultivables. La chambre d’agriculture a signé des conventions avec les collectivités – conseil général mais aussi, désormais, communautés de communes –, qui se montrent intéressées par notre engagement, à leur côté, au service du développement économique de l’agriculture. Notre conseil n’est donc pas seulement individuel : il bénéficie à l’ensemble du territoire visé pour son développement économique.

Lors du déménagement du « Marché Gare », marché d’intérêt national transformé en marché privé, le président de la métropole de Lyon, Gérard Collomb, avait fait appel à nos conseils pour accompagner les agriculteurs, au nombre d’une cinquantaine, dans leur réinstallation. Ces agriculteurs achetaient des cases par le biais de financements dits « revolver » et ils remboursaient au fur et à mesure de leurs récoltes. Ces financement ont, à terme, généré quelques excédents avec lesquels nous pensions développer des activités de séchage de luzerne pour répondre à des politiques publiques dans les domaines de l’eau et du captage. Si une partie de ces ressources sont prélevées, nous ne pourrons le faire. Si les chambres d’agriculture n’étaient que des organismes de service public, il suffirait d’y nommer quelques commissaires dûment choisis ; mais elles ne sont pas que cela : elles ont aussi la charge du développement économique, lequel suppose des marges de manœuvre.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Un accord financier vous a permis d’abonder un fonds de roulement qui fait l’objet d’un prélèvement. Est-ce à dire qu’il n’y a pas de séparation entre ce genre d’activité et vos missions traditionnelles ?

M. Jo Giroud. Notre budget est fléché par programmes. Dans l’exemple que j’ai cité, nous avions un travail d’animation, le Grand Lyon ayant mis le terrain à disposition des agriculteurs et des expéditeurs. Nous avions monté une société d’investissement, qui fut d’ailleurs transformée pour des raisons juridiques. Mais tous les agriculteurs n’étaient pas prêts à entrer dans ce marché au jour J, à commencer par ceux qui venaient de s’installer. Nous avons donc conservé la propriété capitalistique de quelques cases pendant trois ou quatre ans, après quoi nous les avons revendues. Toute l’opération de réalisation de capital s’est faite, bien entendu, dans la plus grande transparence. En tout état de cause, le capital lié à ces reventes devait nous permettre d’engager de nouvelles actions, mais la ponction de notre fonds de roulement au-delà de 90 jours nous obligera à y renoncer. Or ces projets collectifs sont de plus en plus nécessaires pour les territoires et cette ponction affecte la capacité des chambres d’agriculture à accompagner ces projets. Les communautés de communes n’assument pas toute la charge financière, cela va sans dire, des conventions qu’elles signent avec les chambres d’agriculture : celles-ci participent mais elles ne peuvent le faire qu’à travers les recettes générées par la fiscalité et non par des prestations individuelles.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Tout cela, au fond, nous ramène à la question des missions des chambres d’agriculture. Si la taxe ne diminue pas davantage, avez-vous suggéré, les chambres d’agriculture pourront y faire face, même si ce ne sera pas sans mal. Si des investissements comme les déménagements ont pu être réalisés, la baisse en a-t-elle empêché d’autres, notamment dans l’activité agricole proprement dite ? De fait, dans ma région, certains projets sont suspendus en raison de cette décision. Les chambres d’agriculture doivent-elles se limiter à un rôle d’accompagnement et de conseil ? Ne doivent-elles pas aussi contribuer, à travers des investissements, à préparer l’avenir de notre agriculture ?

M. Guy Vasseur. La baisse de nos ressources bloquera en effet des projets et des investissements, par exemple en Champagne-Ardenne et, s’agissant de deux stations expérimentales, dans la région niçoise et dans le Var. Ce type de problèmes nous sont rapportés tous les jours. Toutefois l’APCA n’a pas la main puisque le ministère, outre qu’il opère un prélèvement sur le fonds de roulement, reste décisionnaire quant à l’usage de la part qui nous est dévolue. Aujourd’hui, le ministre voit affluer les dossiers des présidents de chambre – dossiers qui seront bien entendu relayés par les parlementaires de toutes sensibilités.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pourriez-vous nous donner des exemples précis de ces investissements, en dehors des stations expérimentales et des déménagements de locaux ?

M. Guy Vasseur. En Champagne-Ardenne, et plus précisément dans la Marne, le projet auquel j’ai fait allusion porte sur les nouvelles technologies et le développement d’un pôle de compétitivité. Les chambres d’agriculture ne sont pas les seuls acteurs, bien entendu, mais, sans elles, il aura du mal à voir le jour. En effet, en dehors de l’aspect capitalistique, de tels projets requièrent la mobilisation et l’engagement des producteurs ; et pour ce faire, les chambres d’agriculture ont, au côté des coopératives, un rôle moteur.

Il va sans dire, par ailleurs, que leurs conseils ne se limitent pas aux dossiers de la mise en œuvre de dernière réforme de la politique agricole commune. Cependant, la direction de la chambre d’agriculture que je préside a décidé de se concentrer sur ces dossiers une fois qu’elle aura les éléments pour le faire, la France ayant pris du retard en la matière. La complexité des dossiers est telle qu’une mobilisation sera nécessaire bien au-delà des spécialistes dont nous disposons – au nombre de deux ou trois, en l’occurrence, sur un effectif global de quatre-vingts personnes. La première mise en œuvre de la PAC avait mobilisé l’ensemble des personnels.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pourriez-vous préciser les différentes missions des chambres d’agriculture et les difficultés rencontrées pour les financer ? Le risque, avez-vous suggéré, est de voir émerger une agriculture à deux vitesses, celle des professionnels qui auront les moyens de s’offrir des conseils et celle des autres ; mais c’est rester, me semble-t-il, dans une vision un peu réductrice du rôle des chambres.

M. Guy Vasseur. Des réflexions sont en effet en cours, certains rapports préconisant aux chambres de cesser d’accompagner les exploitations performantes. Nous sommes tous d’accord pour dire que ce serait une hérésie. Si les chambres se coupent des agriculteurs les plus performants, elles seront incapables de délivrer les bons conseils auprès des autres qui, pour telle ou telle raison, sont moins tournés vers l’innovation. Le rôle des chambres est d’accompagner tous les agriculteurs dans leurs démarches de développement. L’utilisation de ressources publiques a du sens pour des exploitations qui développent des innovations dont chacun peut ensuite profiter. Le problème se pose en revanche différemment pour les conseils individualisés. Pour la PAC, par exemple, nous facturons nos conseils individuels en fonction de leurs coûts ; si les agriculteurs se regroupent, le prix n’est évidemment pas le même. Le rôle des chambres est de véhiculer le progrès, en particulier à travers des investissements dans la recherche. La notion de groupe est donc fondamentale, car tout regroupement permet des avancées ; l’utilisation des ressources fiscales se justifie moins, je le répète, dès lors que les projets sont individuels et personnels.

M. Jean-Louis Cazaubon. L’agriculture à deux vitesses existe et l’agriculture est plurielle. Toutefois, le rôle des petites exploitations ne doit pas être sous-estimé car elles sont créatrices d’emplois et de valeur ajoutée et le rôle des chambres d’agriculture est d’accompagner ces démarches.

André Valadier, chantre de la qualité, disait qu’au début de sa carrière il avait deux clients : Madame Bascule et Monsieur Compteur. La transformation du lait en fromage Laguiole, qui suppose une innovation, permet de trouver de nouveaux marchés. Les chambres soutiennent ce type d’innovation à caractère incrémental : les drones et la plateforme d’innovation pour l’agro-écologie, DeciDAE, en Midi-Pyrénées, en sont d’autres exemples. Dans mon département, 1 350 exploitations sont engagées dans les circuits courts ; mais cela suppose des outils collectifs, de la découpe à la transformation : une valeur ajoutée est ainsi créée, donc de l’emploi, correspondant à une demande des consommateurs.

Un projet n’émerge pas en trois ans, mais plutôt en dix ou douze ans. Lorsque la démarche est mature, les filières territorialisées ont une capacité d’autofinancement ; nous finançons alors l’accompagnement technique.

M. Alain Fauré. Ne faudrait-il renforcer les liens avec les lycées agricoles, qui mènent aussi des réflexions sur les nouveaux systèmes d’exploitation des terres ? Cela ne permettrait il pas ainsi une formation tout au long d’un parcours et d’un métier ? On reproche souvent aux chambres un certain « entre-soi », les services étant plus facilement accessibles aux agriculteurs qui leur sont proches. Les initiatives des jeunes agriculteurs se développent souvent seules, sans les conseils des chambres.

Proposez-vous des abonnements à l’année pour vos services d’accompagnement ? On pourrait, dans l’affirmative, s’interroger sur l’efficacité d’une telle formule qui se substituerait à la taxation.

M. Guy Vasseur. Les relations entre les chambres d’agriculture et les lycées agricoles sont diverses : dans certains départements, elles sont étroites, qu’elles soient ou non historiques. C’est le cas dans mon département, où le président du conseil d’administration du lycée agricole a toujours été un vice-président de la chambre. En Indre-et-Loire, à Chambray-lès-Tours, une chambre s’est associée à l’organisation d’une vente de produits fermiers du lycée et de certains producteurs. Pour l’expérimentation, la formation et le développement, les chambres ont tout à gagner à entretenir des liens étroits avec les lycées agricoles. Les proviseurs nous ont toutefois fait part de leur intention de « lever le pied » en ce domaine : une clarification du cadre fixé par les pouvoirs publics pourrait donc nous aider.

Je ne sais pas ce que signifie une plus ou moins grande proximité avec la chambre. Tous les agriculteurs doivent être proches de la chambre, et réciproquement – et ce n’est pas qu’une formule. Nous disposons de 400 antennes sur le terrain ; notre objectif, y compris au regard de notre réorganisation territoriale, est de maintenir ce lien de proximité, non seulement avec les agriculteurs, mais aussi avec les collectivités, qui sont de plus en plus nombreuses à nous solliciter, notamment en zones rurales. Toutes les chambres d’agriculture, cependant, ne disposent pas d’antennes sur le terrain : la proximité est alors moins grande.

Des abonnements sont effectivement proposés. La plateforme « Mes p@rcelles », par exemple, apporte une aide sur les dossiers relatifs à la PAC ; elle permet de suivre en continu les pratiques culturales et de transmettre les dossiers en un seul clic. L’accompagnement, nécessaire cette année, se fait sous une forme nouvelle puisque, jusqu’à présent, il était annuel. La facture sera un peu plus élevée en raison de la plus grande complexité des dossiers. La même démarche a été engagée pour le suivi œnologique sur l’ensemble du territoire. Une coopérative est en passe d’adhérer à la plateforme « Mes p@rcelles », dont pourront ainsi bénéficier 3 000 agriculteurs. Une telle solution permet à la fois de répondre à des préoccupations individuelles et collectives, s’agissant notamment de la traçabilité.

Enfin, sur l’accompagnement des agriculteurs, nous sommes à la manœuvre avec « Bienvenue à la ferme », avec les drives fermiers et avec les marchés de producteurs de pays. Des agriculteurs bénéficient, et c’est heureux, des développements rendus possibles par un effort collectif : nous ne verrouillons pas tout et c’est librement que les agriculteurs s’engagent dans un projet tel que « Bienvenue à la ferme ».

M. Jo Giroud. Des coopérations sont mises en œuvre avec les lycées agricoles, lesquels n’ont cependant que peu de ressources humaines à mobiliser sur ces tâches.

M. Guy Vasseur. Il y a quinze ans, nos techniciens intervenaient dans les lycées agricoles ; aujourd’hui, ce n’est plus possible.

M. Jo Giroud. Dans ma chambre d’agriculture, on compte 1 200 abonnés à des services en ligne – assortis, s’il en est besoin, de conseils techniques complémentaires – sur l’arboriculture, la viticulture et le maraîchage. Les coopératives, elles, se focalisent généralement sur les grandes productions.

M. Yves Daniel. Quid de la coordination entre les différentes structures – groupements d’agriculteurs biologiques (GAB) ou centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM), par exemple – et de leur éventuelle mutualisation, sans remettre en cause le rôle de chacune ?

Les chambres d’agriculture – dont le lien avec les autres chambres consulaires gagnerait à être renforcé – ne pourraient-elles contribuer à une meilleure adaptation des projets aux évolutions induites par la PAC et par la loi d’avenir ?

M. Guy Vasseur. Nous partageons cette préoccupation. Quelques structures se sont en effet spécialisées dans le conseil en développement au regard d’objectifs de qualité, notamment environnementaux, mais ce réseau s’est un peu atomisé ; aussi la loi d’avenir a-t-elle confié aux chambres d’agriculture une mission de coordination et de synthèse des données qui, en tout état de cause, appartiennent toujours à ces structures. Il s’agit surtout de faire bénéficier tous les agriculteurs des retours d’expériences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

Mme Monique Rabin, rapporteure. En Loire-Atlantique, l’association 3C44 réunit les trois chambres consulaires. Ce type d’organisation pourrait-elle se généraliser ? Quel en est l’intérêt ?

M. Guy Vasseur. Des démarches interconsulaires existent dans plusieurs départements sur des thématiques particulières. En Creuse, l’an dernier, les trois chambres se sont ainsi regroupées sous un même toit, ce qui leur a permis de mutualiser certains services. De telles initiatives s’inscrivent dans une logique économique départementale mais elles ne sont pas forcément généralisables.

Nous plaidons en revanche pour des partenariats interconsulaires, à l’exemple de celui conclu, dans mon département, entre la chambre d’agriculture, la chambre de commerce et le Crédit Agricole sur l’export dans la viticulture. Cette initiative répond à la demande des viticulteurs, dans la mesure où la chambre d’agriculture ne disposait pas de conseiller en ce domaine. Nous avons aussi créé, en partenariat avec la chambre des métiers, un drive réunissant fermiers et artisans, et sommes en passe d’en conclure un autre avec la communauté de communes et le conseil général pour développer un pôle agroalimentaire. Ces différents partenariats associent au maximum deux chambres consulaires.

D’autres partenariats ont été signés sur les demandes de subventions européennes ; la « cellule Europe » de la chambre d’agriculture que je préside a ainsi fait bénéficier de son savoir-faire la chambre des métiers et la chambre de commerce du Loiret. Des démarches ponctuelles sont donc possibles, mais les différences d’approche sont telles qu’il me paraît difficile d’aller plus loin.

M. Jean-Louis Cazaubon. Nous aurons besoin du soutien de la représentation nationale, lors de l’examen du futur projet de loi de finances, sur le devenir de la taxe pour frais de chambre, dont la baisse est une fausse bonne idée qui ruinerait un système qui fonctionne.

M. le président Olivier Carré. La meilleure façon de vous aider vous-mêmes est de discuter en amont, comme vous l’avez fait. Dès lors que vous avez un projet et que vous comprenez les exigences gouvernementales en matière budgétaire, le mieux est de discuter avec votre tutelle, de façon à pouvoir présenter ce qui vous paraît acceptable.

M. Guy Vasseur. Le Président de la République, à qui nous avons fait la démonstration que j’évoquais, a convenu que la mesure, dans ces conditions, était absurde.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Les chambres consulaires ne peuvent-elles s’associer en fonction de projets bien définis ? Des initiatives similaires à celles que vous avez évoquées voient le jour dans d’autres régions ; elles sont pleinement justifiées dès lors qu’elles concernent des activités commerciales. Il faut donc privilégier, me semble-t-il, une approche par projets.

M. Guy Vasseur. Faute de moyens, ma chambre d’agriculture sera obligée de se retirer du projet de parc agroalimentaire dont je parlais.

M. Alain Fauré. La mutualisation est envisageable pour les services de support, notamment informatique, comme pour les locaux. Il faudra y réfléchir car elle peut être source d’économies.

En 2010, 2011, 2012 et 2013, les contraintes budgétaires ont été particulièrement sévères, au point de rendre les choses quasiment ingérables. Je vous remercie, en tout cas, de comprendre les impératifs budgétaires et, grâce à votre esprit constructif, vous avez été entendu.

M. Jo Giroud. Il y a, d’une part, le conseil de proximité, purement agricole, et, de l’autre, la dimension collective. Notre chambre d’agriculture a créé, avec les communautés de communes, un forum des produits du terroir. Un partenariat a aussi été conclu la semaine dernière, entre les trois chambres consulaires, sur un cluster Beaujolais. Dans la région lyonnaise, l’animation d’une activité de marché suppose en effet l’association des trois chambres consulaires.

M. le président Olivier Carré. Messieurs, je vous remercie.

Audition du 14 avril 2015

M. Didier Guédon, conseiller maître à la Cour des comptes, président de section, et M. Jacques Basset, conseiller maître à la Cour des comptes

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pour ses travaux, la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances reçoit le concours de la Cour des comptes. Dans le cadre de cette mission, plutôt que de convier systématiquement la Cour à nos auditions, nous avons décidé, pour des raisons d'efficacité, de procéder différemment et d’auditionner des magistrats travaillant sur ces questions. S’agissant du réseau des chambres de commerce et d’industrie et de celui des métiers et de l’artisanat, la Cour n’est compétente que pour les têtes de réseau CCI France et APCMA, les chambres départementales et régionales relevant du contrôle des chambres régionales des comptes. En revanche, le contrôle de l'ensemble du réseau des chambres d’agriculture relève de la Cour des comptes.

Nous remercions donc MM. Didier Guédon et Jacques Basset de nous dresser un bilan des contrôles effectués sur les chambres d'agriculture.

M. Didier Guédon, conseiller maître à la Cour des comptes, président de section. Le réseau des chambres d’agriculture est constitué de 121 établissements, dont 19 chambres régionales et 91 chambres autorisées à percevoir la taxe pour frais de chambre - les chambres départementales, les chambres interdépartementales et les récentes chambres de région du Nord-Pas-de-Calais et d’Alsace. Le réseau compte 8 000 agents dont 6 000 techniciens et ingénieurs.

Dans la mesure où il n’existe pas de consolidation des comptes de l’ensemble du réseau, nous travaillons sur la base des données remontées par l’infocentre des établissements publics nationaux de la DGFiP qui recueille les comptes financiers des chambres d’agriculture. Nous y ajoutons les informations sur les comptes d’une dizaine de chambres qui ne sont pas fournis par l’infocentre.

Le budget des chambres est estimé à 716 millions d’euros par l’APCA, l’année de référence de ce chiffre n’étant pas précisée. Mais, en raison du nombre important de doubles comptes figurant dans les données de l’infocentre, il nous est difficile de connaitre le chiffre exact du budget. Les doubles comptes sont liés d’une part, aux subventions qui transitent par les chambres régionales et d’autre part, aux crédits qui remontent des chambres départementales vers les chambres régionales, notamment dans le cadre de la mutualisation. Avec doubles comptes, le budget atteint 880 millions d’euros. Le budget estimé par l’APCA, qui neutralise les doubles comptes, paraît donc tout à fait crédible.

Nous ne pouvons pas faire un bilan des mesures prises en loi de finances pour 2015 et nos observations ne portent que sur la période 2011-2013. Sur cette période, on constate une progression plus rapide des dépenses d’exploitation – 6,4 % – que des recettes – 5 %. On observe également une forte rigidité des dépenses d’exploitation constituées à plus de 50 % de frais de personnel qui sont passées de 52,6 % en 2011, contre 51 % en 2013, voire 58 % pour les seules chambres départementales. Leur croissance a été forte entre 2006 et 2013. Dans trois contrôles sur quatre, la Cour a pu constater une augmentation des effectifs des chambres d’agriculture, tant au niveau départemental (avec notamment la reprise des personnels des ADASEA en 2011) que régional. Moins de 20 % des chambres départementales connaissent une baisse de leur masse salariale entre 2011 et 2013.

Cependant, le taux de croissance des dépenses de personnel sur la même période s’élève à 3 %, soit deux fois moins que celui de l’ensemble des dépenses d’exploitation que nous chiffrons à 6,4 %. Les dépenses de personnel ne sont donc pas nécessairement la cause de l’augmentation globale des dépenses d’exploitation. Il est encore difficile d’identifier les raisons de cette évolution : premiers effets de la mutualisation, externalisation accrue ou plus grande rigueur dans la gestion des ressources humaines, sous la contrainte d’un financement qui tend à se réduire. On constate en tout état de cause que le durcissement des conditions de financement remontant à 2011 est progressivement pris en compte.

Le résultat des établissements du réseau s’est dégradé entre 2011 et 2013. L’excédent cumulé était de 18 millions d’euros en 2011 et n’est plus que de 300 000 euros en 2013, malgré le rétablissement financier de l’APCA qui pèse assez lourdement dans le budget du réseau. Le contraste apparaît assez fort entre des établissements constamment excédentaires – 51 chambres, soit une chambre sur deux – et des chambres structurellement déficitaires – une quinzaine de chambres. Parmi ces dernières, certaines ont pourtant bénéficié à plusieurs reprises de dérogation ou de dépassement du taux pivot de la taxe pour frais de chambre d’agriculture (TFCA) entre 2008 et 2012, mais leur situation s’aggrave depuis 2013, ce qui témoigne d’une tendance lourde pour ces chambres.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pouvez-vous définir un profil type pour ces chambres structurellement déficitaires ? Ont-elles des caractéristiques communes ou se situent-elles dans certaines zones géographiques ?

M. Didier Guédon. Il s’agit principalement de chambres situées dans les régions de montagne et outre-mer qui se caractérisent par un produit fiscal moindre lié à la faible base foncière et à l’isolement.

M. Alain Fauré. Je note que la situation diffère selon les départements et selon les catégories d’exploitations. Quand il est indiqué que pour une exploitation de 30 hectares, la réduction de la taxe pour frais de chambre due par les exploitants agricoles représente 19 euros, ces calculs sont d’une rigueur toute relative.

M. Didier Guédon. On observe en effet une variété de situations selon les caractéristiques géographiques et topographiques.

M. Alain Fauré. La réduction des cotisations aux chambres d’agriculture est présentée comme ne constituant pas un avantage important pour les exploitants agricoles alors que ces cotisations représentent beaucoup pour les chambres. L’exemple d’un département pauvre est ainsi mis en avant alors que les chambres situées dans des territoires plus riches ne sont pas dans la même situation.

M. Didier Guédon. La situation financière des chambres structurellement déficitaires alors même qu’elles ont eu recours aux dérogations relatives au taux pivot s’est dégradée car le levier fiscal ne peut plus jouer. Par ailleurs, une dizaine de chambres structurellement excédentaires en 2011 et 2012 connaissent un déficit en 2013. Une grande diversité des situations est la règle au sein du réseau des chambres d’agriculture.

Le fonds de roulement global du réseau est passé de 297 millions d’euros en 2011, soit 4,4 mois de fonctionnement, à 305 millions d’euros en 2013, soit 4,2 mois. La trésorerie en fin d’année s’établissait à 262 millions d’euros en 2011 contre 254 millions en 2013. La diminution est donc limitée et pourrait dans certains cas s’expliquer par un souci d’optimisation et d’adaptation de leur gestion, plus que par une dégradation de leurs conditions financières. De nombreuses chambres conservaient fin 2013 un fonds de roulement important, supérieur à six mois dans une vingtaine de cas.

La répartition des sources de financement selon le modèle « 40-25-20 » – 40 % de ressources fiscales, 25 % de ressources propres et 20 % de subventions – est inégalement observée mais la moyenne des chambres correspond à cette répartition. Certaines chambres n’ont pas de chiffre d’affaires ; d’autres ont des ressources fiscales modestes, inférieures à 25 % des recettes, souvent en raison de la faiblesse des bases d’imposition. Les ressources fiscales diminuent, passant de 297 millions d’euros en 2014 à 292 millions en 2015, sous l’effet du plafonnement voté par le Parlement.

En conclusion, on peut dire que fin 2013, la situation financière globale du réseau était plutôt saine, malgré des contrastes importants entre les établissements. L’endettement est très faible – il s’élevait en 2010 à 45 millions d’euros – notamment parce que le réseau ne connaît pas de grands projets d’investissement et privilégie l’autofinancement. Ceci explique que l’écrêtement des fonds de roulement pose problème pour le financement des investissements.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Votre affirmation sur l’absence de projets d'investissement du réseau m’étonne car les chambres ont des projets.

M. Didier Guédon. Ces projets sont plutôt modestes et portent avant tout sur l’immobilier de la chambre – travaux au siège, création d’antennes. L’endettement est faible car les chambres recherchent l’autofinancement, et pour ce faire, abondent leur fonds de roulement.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Je voudrais citer le projet de la chambre d’agriculture de la Marne de reconversion d’un site militaire, représentant un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros, pour lequel la ponction sur le fonds de roulement va perturber le montage financier.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Lors des auditions précédentes, il est apparu qu’à l’exception de quelques exemples dont certains sont emblématiques comme des stations expérimentales, les investissements des chambres d’agriculture concernent principalement les locaux des chambres. Les autres chambres consulaires sont confrontées à des problèmes différents. Je pense aux chambres de commerce et d’industrie ou aux chambres de métiers et de l’artisanat dont les investissements peuvent porter sur la construction d’un centre d’apprentissage, par exemple.

M. Didier Guédon. Les seuls projets d’investissement des chambres d’agriculture dont nous avons connaissance sont liés à l’acquisition ou la rénovation des locaux, à la création d’antennes – parfois en synergie avec d’autres chambres consulaires – ainsi qu’à des fermes expérimentales implantées dans l’ouest.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. S’agissant des circuits courts, il semble que les intérêts des chambres puissent être convergents dans le domaine de la distribution. Les projets dans ce domaine peuvent être l’occasion d’investissements communs avec le secteur de l’artisanat.

M. Didier Guédon. Nous n’avons pas constaté de tels projets. S’agissant des circuits courts, les chambres d’agriculture apportent le plus souvent leur appui à une association existante.

M. Alain Fauré. Je retiens de vos propos que l’autofinancement n’est peut-être la meilleure solution aujourd’hui, compte tenu des taux d’intérêt très bas. En matière d’économies de personnel, les efforts des chambres comme des collectivités locales ne sont pas aussi importants qu’on pouvait l’espérer. Les charges de personnel représentent encore 58 % des dépenses des chambres départementales alors qu’il y a eu des départs en retraite. Il faudra également veiller à ce que la montée en puissance des chambres régionales ne se traduise pas par une inflation de créations de postes.

Quelle part du budget représentent les charges de fonctionnement, en particulier l’informatique ?

M. Jacques Basset, conseiller maître à la Cour des comptes. Compte tenu de l’importance des charges de personnel et des dépenses d’intervention qui constituent l’essentiel des dépenses, les fonctions support ne peuvent représenter qu’une faible part des dépenses. Mais il est difficile d’avancer un chiffre précis.

L’informatique est parfois le seul poste d’investissement d’une chambre dans la mesure où les programmes d’investissement sont généralement modestes.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Avez-vous constaté des redondances dans les missions exercées par les différentes chambres ? Quelles sont les possibilités de mutualisation au sein du réseau et avec les autres chambres consulaires ?

M. Didier Guédon. Le premier doublon est dû à l’existence de deux établissements publics intervenant dans le domaine forestier : les chambres d’agriculture et le centre national de la propriété forestière.

Dans nos différents contrôles, nous n’avons guère observé de synergies. Des tentatives ont été faites en matière d’immobilier mais elles ont buté sur des questions d’organisation. Cette piste semble malgré tout intéressante. Dans certains territoires, ont été créées des antennes communes. En Corrèze, la chambre d’agriculture partage ses locaux avec les autres chambres consulaires. Par ailleurs, les chambres d’agriculture abritent souvent d’autres structures liées à l’activité agricole.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Quel regard portez-vous sur les rapports avec la tutelle ? L’État joue-t-il un rôle éclairé ?

Quelle place occupent les syndicats agricoles ? Quels sont leurs liens financiers avec les chambres ?

M. Didier Guédon. Depuis la loi de finances pour 2002, un financement budgétaire est fléché en faveur des syndicats, de l’ordre de 19 millions d’euros par an. Toutefois, on observe encore des financements de la part des chambres d’agriculture, plutôt sous forme d’achat de prestations ou encore de subventions. Lors du contrôle en Midi-Pyrénées, nous avons constaté des financements directs ou la mise à disposition de moyens auprès de la fédération départementale des exploitants agricoles (FDSEA) ; la cour de discipline budgétaire et financière a sanctionné ces manquements. À l’occasion des contrôles, nous examinons cette question et nous faisons les observations qui s’imposent.

S’agissant de la tutelle et dans la mesure où les chambres d’agriculture ne sont pas des établissements publics comme les autres, le contrôle de l’État se rapproche plus du contrôle de légalité qui s’exerce sur les collectivités locales que de tutelle proprement dite. Il s’agit principalement d’un contrôle budgétaire.

En Bretagne, une seule préfecture, celle du Morbihan, contrôle les actes de l’ensemble des chambres consulaires relevant de la région. Cette spécialisation permet d’assurer un suivi plutôt satisfaisant.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Parvenez-vous à établir une ligne de partage entre prestations payantes et gratuites ? Le réseau fait-il preuve d’une transparence suffisante en la matière ?

M. Didier Guédon. La ligne de partage voudrait que les prestations gratuites se rattachent aux missions de service public et les prestations payantes au secteur concurrentiel.

Dans les faits, il n’est pas évident de tracer une ligne de fracture manifeste. Les chambres d’agriculture interviennent pour pallier un manque ou pour mettre en œuvre des innovations techniques intéressantes. Elles offrent un service de proximité répondant à la demande, selon un modèle mixte entre missions de service public et secteur concurrentiel.

M. Alain Fauré. Quelle appréciation portez-vous sur le rôle de la tête de réseau ? Connaît-elle des difficultés pour assurer son rôle de coordination en matière de régionalisation du réseau mise en oeuvre depuis 2008, rôle qui va devenir encore plus important avec la loi NOTRe ?

Pouvez-vous préciser ce que vous entendez lorsque vous dites que ce ne sont pas des établissements publics comme les autres ?

M. Didier Guédon. Ce sont des établissements publics nationaux mais en tant que chambres consulaires, elles ont des représentants élus et un ordonnateur élu alors que dans un établissement public, l’ordonnateur est traditionnellement le directeur général de l’établissement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. S’agissant de leurs missions, les chambres d’agriculture sont-elles en concurrence ou en doublon avec d’autres organismes financés par des fonds publics ?

M. Didier Guédon. À côté des chambres d’agriculture, d’autres acteurs interviennent dans le domaine agricole. Ainsi, les coopératives agricoles ou les interprofessions développent des actions de conseil mais qui ne recoupent pas nécessairement celles des chambres ; les instituts techniques agricoles mènent des actions de recherche appliquée.

Les chambres d’agriculture ont pour elles d’être des établissements publics et à ce titre, elles ont vocation à accueillir tous les agriculteurs et affichent une plus grande proximité avec le terrain que les autres opérateurs dans le domaine agricole.

Nous n’avons pas connaissance de guerres ou de frontières entre les différents opérateurs d’autant que les chambres comptent souvent en leur sein des représentants des autres acteurs du secteur agricole, ce qui favorise sans doute un équilibre naturel dans les différents champs d’intervention.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Qu’en est-il du rôle de la tête de réseau ?

M. Jacques Basset. Au cours de l’année 2015, nous devons évaluer le rôle de l’APCA dans l’évolution du réseau depuis quelques années. Ce travail permettra d’avoir une vision plus claire. D’ores et déjà, les contrôles réalisés sur les chambres d’agriculture montrent que les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux.

L’APCA s’est certes mobilisée et a mobilisé les chambres depuis 2009 en faveur de la réforme du réseau dans le cadre du projet « Terres d’avenir » qui visait à améliorer la proximité avec les agriculteurs tout en recherchant des économies de moyens par le biais de la mutualisation ou de la fusion des chambres. Mais les résultats sont minces. Depuis 2011 que les possibilités de fusion de chambres sont offertes, seulement deux chambres de région ont été créées – en Nord-Pas-de-Calais et en Alsace – et deux chambres interdépartementales – la première entre le Doubs et le Territoire de Belfort, la seconde entre les deux Savoie.

De même, en matière de mutualisation, les résultats sont très variables d’une région à l’autre. Certaines régions ont accompli un effort véritable. Mais, dans la majorité d’entre elles, ce travail de mutualisation n’a pas été mis en œuvre, faute peut-être de volonté des élus des chambres départementales.

L’APCA a cependant joué un rôle important dans la mise en place de services communs nationaux, notamment pour les fonctions support ou en matière de formation et d’accompagnement.

Afin de favoriser la cohésion du réseau, l’APCA gère également des fonds de mutualisation, qu’il s’agisse du fonds de péréquation auquel est versé une part des fonds de roulement (issu du FNPCA) ou du fonds de gestion des personnels des chambres privés d’emploi (FNAGE), qui connait des difficultés. En dehors de ces dispositifs, force est de constater que les progrès en matière de regroupement et de mutualisation sont décevants. On observe un développement de la mutualisation, en façade, et portant sur les fonctions les plus faciles à mettre en commun, comme les fonctions support.

La tâche n’est pas simple car il est difficile de faire travailler les chambres entre elles quand elles n’ont pas suffisamment développé une culture de mutualisation et de regroupement.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Vous avez relevé l’hétérogénéité des situations, y compris dans la structuration des dépenses. Pensez-vous qu’il serait pertinent d’introduire des critères dans le plan triennal de prélèvement et de diminution des recettes ?

M. Didier Guédon. Le mouvement qui a été engagé est uniforme et toutes les chambres ont été traitées de la même manière. Il serait étonnant qu’il n’en résulte pas des conséquences dommageables. Il faut sans doute fixer des critères de répartition pour l’utilisation du fonds de péréquation. Mais il faut aller au-delà de la fixation de tels critères et envisager, pour certaines chambres en difficulté, des plans d’accompagnement, à condition qu’ils soient assortis de contreparties.

Audition du 6 mai 2015

Table ronde réunissant des représentants des chambres de métiers et de l’artisanat : M. Pierre Cormorèche (Ain), M. Yves Petitjean (Aquitaine), M. Dominique Degois (Bourgogne), M. Jean Pierre Freudenreich, (Centre), M. Gérard Morin (Centre), M. Paul Henri Bard (Franche-Comté), M. Joël Fourny (Loire Atlantique), M. Serge Crabié (Midi Pyrénées), Mme Brigitte Geoffriault (Midi-Pyrénées), M. Dominique Klein (Moselle) et M. Philippe Seguin (Pays de la Loire)

Mme Monique Rabin, rapporteure. La crise ouverte lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 a montré qu’un dialogue approfondi devait être engagé avec les chambres consulaires. Au-delà des perspectives budgétaires, il s’agit, dans le cadre de cette mission, de se pencher sur les réformes à entreprendre, sur les souhaits des élus, ainsi que sur la valorisation de leurs actions. Malgré le contexte budgétaire et la réduction des dépenses publiques qui devrait encore se poursuivre dans le budget pour 2016, nous devons porter une grande attention à ceux qui représentent les entreprises créatrices de richesses. Cette table ronde nous permet d’accueillir les représentants des chambres de métiers et de l’artisanat dans leur diversité.

Nous vous remercions de votre présence et souhaiterions savoir comment vous avez vécu les dernières réformes. Nous sommes à l’écoute de vos propositions destinées à améliorer le fonctionnement de vos chambres.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Je joins mes remerciements à ceux de ma collègue. Il nous importe de bien connaître les conséquences des décisions prises lors de l’adoption de la loi de finances pour 2015. Plus nous disposerons d’exemples concrets relatifs à ce que vous n’avez pas été en mesure de réaliser ou ce à quoi vous avez dû renoncer, plus nous serons à même d’étayer nos réflexions et nos conclusions en nous appuyant sur des faits.

M. Yves Petitjean, président de la chambre de métiers et de l’artisanat de région Aquitaine. De façon générale, les relations avec nos tutelles sont apaisées car nous sommes en phase avec elles pour défendre la proximité et les territoires. Notre ambition étant d’être au plus proche des entreprises. La modification de la carte des régions aura un impact réel sur l’activité de notre réseau. Avec le Limousin et Poitou-Charentes, l’Aquitaine appartiendra à la plus grande région de France. Cela exige de nous un travail considérable, mais nous y voyons une chance de nous doter de services support très efficaces tout en conservant une réelle proximité au niveau départemental. Demain, dans nos structures, les élus pourront avant tout s’occuper du terrain et agir auprès de leurs collègues artisans et auprès des élus politiques des divers territoires qu’il faut faire vivre. C’est sans doute encore plus une nécessité dans le monde rural que dans les métropoles qui disposent de davantage de moyens et de structures.

Nous devons relever un véritable défi pour conserver voire créer des emplois et inciter les jeunes à se former à nos métiers. Les entreprises artisanales ont toujours formé les nouvelles générations et aidé les jeunes en difficulté. La situation de ces derniers est souvent meilleure quand ils sortent de chez nous parce que nous avons fait naître chez eux l’envie d’un métier.

Ces missions suffiront à occuper les élus que nous sommes ainsi que nos collaborateurs. Les compétences techniques de ces derniers sur lesquelles nous nous appuyons sont particulièrement essentielles dans cette période de mutation qui nécessitera beaucoup d’habileté pour transformer notre système de gouvernance et en diminuer le coût tout en respectant les personnels en place. Nous devrons proposer à ces derniers un plan pour leur carrière, et il nous faudra traiter l’ensemble des points les concernant. D’une façon générale, c’est un grand bonheur de pouvoir participer à une telle évolution.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous évoquez la tutelle avec laquelle vous entretenez d’excellentes relations : pensez-vous à l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) ou aux services de l’État ?

M. Yves Petitjean. Je faisais référence à la tutelle directe, c’est dire aux préfets et aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Cela dit, j’aurais mauvaise grâce à ne pas faire le même constat s’agissant de nos relations avec l’APCMA dont je suis vice-président !

M. Pierre Cormorèche, président de la chambre de métiers et de l’artisanat de l’Ain. L’Ain compte 650 000 habitants. De très nombreuses entreprises petites et moyennes qui relèvent de l’industrie et de multiples secteurs de l’artisanat y sont actives.

Je préside la chambre de métiers et de l’artisanat de l’Ain depuis plus de quinze ans. Notre chambre a la particularité de ne pas gérer directement de centre de formation d’apprentis (CFA). Cela explique peut-être que nous nous soyons engagés au service des entreprises il y a déjà plus de vingt-cinq ans. En 1992, nous avons, par exemple, embauché un ingénieur des arts et métiers afin d’aller à la rencontre des entreprises de production pour les aider à se développer. Ce choix, qui a surpris le préfet de l’époque, constituait en fait la meilleure porte d’entrée possible dans ce type d’entreprises ; il nous a permis d’enregistrer de vrais succès et de passer des accords avec la région en matière d’innovations technologiques. Ces actions nous ont donné une légitimité en matière d’accompagnement des entreprises, activité qui ne se pratiquait pas encore. À cette période, la chambre de commerce et d’industrie avait tendance à se limiter à sa fonction régalienne. Au fil du temps, ayant constaté nos résultats, elle s’est engagée dans des actions similaires aux nôtres.

Je considère que la régionalisation mise en place par la réforme de juillet 2010 s’est traduite par une perte d’efficacité au niveau local. Même en ayant choisi le schéma qui permet aux chambres départementales de conserver un certain nombre de responsabilités, je constate qu’au niveau régional environ 90 % de notre temps est maintenant consacré à gérer les structures au lieu de travailler sur des projets d’accompagnement des entreprises. Lors de mes deux premiers mandats, avant la réforme de 2010, nous nous réunissions au niveau régional afin de mettre en route des projets pour aider les entreprises ; aujourd’hui, cela n’est plus possible. Nous ne faisons plus que gérer le quotidien.

En raison des contraintes financières, notre effectif est passé de 47 à 42 ; nous avons été dans l’incapacité de remplacer cinq personnes dont la mission consistait à aider directement les entreprises et qui ont pris leur retraite. Dans le même temps, les nouvelles charges confiées par l’État nous obligent à avoir plus de personnels se consacrant à l’exercice de fonctions régaliennes. Pour ce qui est de l’aide aux entreprises, nous sommes donc d’ores et déjà beaucoup moins performants. Dans ces conditions, comment ferons-nous dans le cadre des nouvelles régions ? Aux huit départements que compte actuellement la région Rhône-Alpes, il faudra en ajouter quatre avec ceux de l’Auvergne. La future région ira d’Aurillac à Genève en passant par Montélimar. Comment voulez-vous motiver les élus pour qu’ils s’investissent dans une telle structure ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Vous constatez que la CCI a suivi l’action de votre chambre. Nous avons le souci d’une harmonisation entre les activités des CCI et des CMA et nous nous demandons même s’il ne faudrait pas aller vers une mutualisation.

Le fait de ne pas gérer de CFA directement constitue-t-il une chance ? Comment les élus et les responsables que vous êtes réagissent-ils sur ce sujet ?

M. Pierre Cormorèche. Je précise que nous avons un CFA interconsulaire géré par la chambre de métiers et de l’artisanat et la chambre de commerce et d’industrie sous une forme associative.

M. Joël Fourny, président de la délégation Loire-Atlantique de la chambre de métiers et de l’artisanat de région. Les ressortissants du réseau des CMA ont la particularité d’être des entreprises de petite taille avec une spécificité artisanale dans des secteurs d’activité très diffus, qui n’ont pas les compétences nécessaires pour leur permettre un développement cohérent ni sur le volet économique ni sur le volet formation.

Je ne partage pas entièrement l’avis de mon collègue de l’Ain. La loi de juillet 2010 nous a amenés à renforcer le niveau régional. Les Pays de la Loire sont passés en régionalisation totale sous la forme d’une chambre des métiers et de l’artisanat de région (CMAR) depuis le 1er janvier 2015. Cela nous a conféré une capacité considérable grâce aux agents des cinq chambres consulaires de proximité que sont les délégations départementales. Nous pouvons proposer une offre globale de services relativement étoffée mais aussi cohérente et homogène sur tout le territoire régional grâce à la mutualisation de certains outils. Nous répondons ainsi aux attentes de 53 000 entreprises, quel que soit leur lieu d’implantation.

Nous disposons de cinq CFA qui forment 5 300 apprentis tous les ans sur l’ensemble du territoire ligérien. Notre savoir-faire en la matière est d’ailleurs largement reconnu par la région qui est notre principal partenaire financier direct et avec laquelle nous entretenons de bonnes relations. Pour notre part, nous sommes plutôt favorables à l’élaboration de contrats régionaux de développement économique (CRDE) avec la région, tant sur le volet économique que sur le volet formation. Pour les cinq CFA, nous avons d’ailleurs fait appel à un financement régional pour de futurs investissements afin de mettre aux normes les établissements et même de reconstruire l’un d’entre eux. Nous avons aussi déposé un plan d’investissement commun sur l’ensemble de la région des Pays de la Loire, en étroite collaboration avec le conseil régional, afin de bénéficier du programme d’investissements d’avenir (PIA). L’intérêt de la régionalisation est évident : séparément, il nous aurait été beaucoup plus difficile de défendre aussi efficacement nos projets d’investissement pour chaque CFA. La régionalisation a aussi permis d’harmoniser la carte des formations. Nous avons travaillé à partir de la ville centre d’Angers en construisant deux triangles, l’un avec les villes de Laval et du Mans, et l’autre avec Nantes et La Roche-sur-Yon de façon à répondre aux demandes de formation tout en ne déstabilisant pas les différents pôles de formation.

Très attachés à la proximité, les présidents de la CMAR et les présidents des délégations départementales reconnaissent aussi l’intérêt de la régionalisation. Sur le terrain, il est fondamental de contractualiser avec les collectivités locales. L’engagement au niveau régional sur le volet économique et le volet formation est important, mais il est aussi essentiel de travailler en étroite collaboration avec les autres collectivités locales et avec les intercommunalités afin d’assurer l’aménagement du territoire et de développer les outils et les actions nécessaires à chaque territoire grâce à une contractualisation spécifique, car ces derniers n’ont évidemment pas tous les mêmes besoins.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. À quel type de contractualisation pensez-vous lorsque vous évoquez les autres collectivités que la région ?

M. Joël Fourny. Très concrètement, les entreprises artisanales ont souvent besoin qu’on les accompagne en matière d’immobilier d’entreprise, ou pour répondre à des appels d’offres lors de marchés publics.

M. Serge Crabié, président de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat Midi-Pyrénées. Je préside la chambre régionale des métiers et de l’artisanat de Midi-Pyrénées et je suis également président de la chambre de métiers et de l’artisanat du Lot. Nous comptons 68 000 entreprises et 115 000 salariés et nous formons tous les ans 7 000 apprentis.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur les propos qu’a tenus devant vous le président de l’APCMA, M. Alain Griset, lors de son audition du 11 mars dernier. Je suis totalement d’accord avec ce qu’il a dit sur l’apprentissage, sur la spécificité des chambres de métiers, sur la fiscalité et la baisse des ressources des chambres ainsi que sur l’indispensable élan de modernisation qui doit être le nôtre. Je suis en revanche en total désaccord concernant l’objectif du passage à treize chambres de région qu’il vous a présenté. Il ne s’agit pas de la position prise par la très grande majorité des présidents des chambres de métiers réunis les 2 et 3 décembre derniers. En séance, nous avons voté pour le choix offert entre chambre de métiers et de l’artisanat de région et chambre régionale de métiers et de l’artisanat. Le président de l’APCMA a d’ailleurs porté ce choix avec loyauté.

La région Midi-Pyrénées compte huit départements. Ses caractéristiques sont donc différentes des régions qui en comptent seulement trois ou quatre, d’autant que notre chambre gère sept CFA en direct, un huitième étant géré en association. Cela représente, en moyenne, cent emplois par département. Malgré la difficulté de la tâche, ces spécificités l’ont poussée à engager une mutualisation. Grâce au logiciel de l’APCMA, un gros travail a été effectué en matière de paie. Les besoins ont été analysés pour mutualiser le pôle comptabilité. Pour ce qui concerne l’informatique, du personnel a été recruté au niveau régional et des salariés ont été repris aux chambres départementales, notamment dans le Tarn. La mutualisation porte également sur les achats. Un processus s’est progressivement mis en marche qui doit permettre de mieux servir nos ressortissants tout en faisant des économies. Ces deux objectifs ne sont pas antinomiques.

Midi-Pyrénées est déjà une grande région : imaginez ce qu’il en sera lorsque nous aurons fusionné avec le Languedoc ! Il faudra faire huit cents kilomètres pour rallier les deux extrémités du territoire. Les chambres départementales devront alors constituer l’interface indispensable avec les collectivités locales et jouer un rôle à la fois politique et dynamique. Dans le département du Lot, grâce à un partenariat avec le conseil départemental, nous avons par exemple construit une plateforme pour accompagner les entreprises artisanales en matière de développement et de transmission. La participation des diverses collectivités concernées, dont le conseil régional, nous a permis d’obtenir plus de 1 million d’euros de subventions qui sont reversées directement aux entreprises. Nous ne serions jamais parvenus à un tel résultat si nous n’avions pas été présents sur le terrain.

La proximité est encore plus indispensable pour les chambres départementales qui gèrent les CFA – je suis intimement convaincu que la formation initiale des chefs d’entreprise de demain fait partie des missions essentielles de nos chambres. Elle est d’autant plus nécessaire et justifiée que la région sera grande.

Nos relations avec l’APCMA sont très bonnes, tant dans son rôle de conseil et d’animation ; il en est de même avec la tutelle.

M. Paul-Henri Bard, secrétaire général de la chambre de métiers et de l’artisanat de région Franche-Comté. M. Paul Grosjean, que je représente, présidait la plus petite chambre de métiers de France tout en étant le plus « départementaliste » de ses pairs. Aujourd’hui la chambre de métiers et de l’artisanat du Territoire de Belfort n’existe plus : elle a fusionné dans la chambre de région au 1er janvier 2015. Les élus ont décidé de cette fusion après avoir constaté que, pour faire face à la baisse des moyens, la mutualisation des fonctions support et ingénierie était la seule façon de conserver des capacités opérationnelles.

Dans les chambres, cela s’est traduit par un véritable big bang : 50 % de l’encadrement a été supprimé et les personnels concernés ont été affectés à des fonctions opérationnelles, tandis qu’étaient créés un pôle téléphonique et un centre de formalités uniques. Aujourd’hui, les artisans nous disent que cela fonctionne plutôt mieux qu’auparavant et les élus sont plutôt satisfaits.

Je partage l’analyse du président Cormorèche sur la difficulté de mobiliser les artisans sur de vastes territoires. Il s’agit d’un enjeu majeur de l’évolution en cours car la force de nos structures repose sur les élus. Vous trouverez toujours des collaborateurs compétents ; ce sera plus difficile de mobiliser des élus présents sur le terrain qui font un véritable travail de proximité. Nous avons entrepris ce travail depuis dix ans – il constitue d’ailleurs l’une des différences profondes entre les réseaux – et je constate qu’il a considérablement affaibli les mouvements contestataires et poujadistes de tous types. Nos élus ont joué un véritable rôle d’intermédiation : les artisans qui sont confrontés à des difficultés, tout en ayant du mal à s’adresser à l’administration ou au régime social des indépendants (RSI), vont facilement trouver leurs propres collègues. Les présidents de nos chambres rencontrent deux à trois artisans par semaine pour les aider. Je suis personnellement convaincu que nous avons une mission d’accompagnement des artisans qui connaissent souvent de très grosses difficultés sociales. En toutes circonstances, nous devons être à leur côté. Je me souviens d’un artisan qui est venu nous voir il y vingt-huit ans en nous disant qu’il ne savait pas compter ; aujourd’hui, il est à la tête d’une entreprise de quatre-vingts salariés dans le Haut-Jura parce qu’il a pu être accompagné.

Gérer directement un CFA constitue une chance car cela permet aux élus de peser très fortement sur la politique de formation. Pour le CFA de l’un de nos départements, nous n’avons constaté depuis trois ans qu’une baisse de 1,5 % du nombre d’apprentis, ce qui est très faible. Ce CFA est à l’équilibre et le conseil régional considère qu’il est l’un des mieux géré – il faut dire que les élus sont investis. En revanche, le CFA relevant de la chambre de métiers de Haute-Saône, chambre qui avait été mise sous tutelle, a dû fermer un internat, ce qui, en zone rurale, se traduit immédiatement par la perte de 15 % des effectifs – avec des enfants dont nous savons qu’ils ne seront pas affectés dans un autre CFA et restent sur le bord de la route.

La gestion des CFA par les chambres est assez exemplaire. En général, lorsque des transferts ont lieu, nous observons, après quelques années, que le personnel est en augmentation mais pas l’activité. La raison en est simple : nos CFA sont gérés par des artisans présents sur le terrain et attentifs, comme dans leur entreprise, à ce que toutes les dépenses soient efficaces.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pourquoi un CFA se retrouve-t-il en difficulté ?

M. Paul-Henri Bard. D’une région à l’autre, le taux de prise en charge par le conseil régional peut varier fortement…

Mme Monique Rabin, rapporteure. En l’espèce, vous nous avez parlé de deux CFA qui se trouvent dans la même région.

M. Paul-Henri Bard. Dans le cas que j’ai cité, la fermeture de l’internat explique la chute des effectifs.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Savez-vous pourquoi l’internat a été fermé ?

M. Paul-Henri Bard. Il s’agissait d’une décision de la tutelle. La mission de contrôle a considéré que ce CFA avait assez peu de raison d’exister. Il propose pourtant à Vesoul, où l’on trouve peu d’offre de formation, des apprentissages aux métiers classiques de l’artisanat : boucherie, boulangerie, coiffure… J’assume mes propos : les personnes qui sont venues faire une inspection n’avaient pas connaissance du terrain et ils ont pris une décision que nous avons tous considérée comme catastrophique pour l’avenir.

Ceci dit, nos relations avec les tutelles sont vraiment excellentes.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez évoqué le retour de 50 % des personnels vers les activités opérationnelles. Quels systèmes de réorientation et de formation avez-vous adoptés ?

M. Paul-Henri Bard. Je ne parlais que de l’encadrement constitué de personnes qui s’étaient déjà trouvées préalablement sur le terrain. Il n’a donc pas été difficile de leur demander d’y retourner. Mais nous avons aussi vu 26 % du personnel changer de métier en trois mois.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Tout cela à effectif constant ?

M. Paul-Henri Bard. Nous sommes globalement à effectif constant même si une petite baisse a été enregistrée en raison des départs à la retraite. Les personnels opérationnels sont un peu plus nombreux et ceux chargés de l’encadrement un peu moins.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pourriez-vous nous donner un exemple de l’amélioration de la qualité de service que vous évoquiez ?

M. Paul-Henri Bard. La création d’une plateforme téléphonique unique a permis de professionnaliser les personnels et de proposer des horaires d’ouverture plus larges. La productivité de notre centre de formalité des entreprises (CFE) a progressé de 23 % en quatre mois depuis que les personnels ne font plus que traiter les dossiers. C’est peut-être un peu moins passionnant pour eux, mais c’est efficace.

M. Joël Fourny. En complément de ce qui vient de nous être dit, je veux insister sur la fonction même de l’élu. Au-delà de la gestion structurelle de notre chambre départementale, le fait de travailler à un échelon régional nous amène à assumer pleinement notre fonction d’élu sur des missions comme l’économie ou la formation. Nous constituons des binômes entre présidents de chambre départementale et chambre régionale. Dans ce cadre, la proximité et la relation directe avec les entreprises permettent de mieux appréhender leurs besoins.

Nous avons évidemment redéployé les agents vers des postes opérationnels, ce qui nous a permis d’aller vers nos ressortissants alors que, par le passé, nous attendions parfois qu’ils s’adressent à nous. Au-delà des fonctions régaliennes que nous continuons d’assurer, cette démarche crée une relation entre les entreprises et la chambre. La mutualisation nous a donné une nouvelle liberté d’action.

Pour répondre à la question sur les difficultés de financement des CFA, il faut identifier la répartition de la taxe d’apprentissage. Il suffit de constater que les réseaux des chambres forment 30 % des apprentis et reçoivent environ 3 % de la taxe.

M. Gérard Morin, président de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat du Centre. Et ils en percevront sans doute encore moins avec la nouvelle réforme !

M. Joël Fourny. Il appartient aux conseils régionaux de se poser des questions sur ces sujets alors que le réseau s’engage en matière de formation en investissant sur ses fonds propres.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous partageons votre réflexion sur l’importance des élus. Nous sommes toujours particulièrement heureux de vous rencontrer sur le terrain et de renvoyer une image positive de vos actions.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous mesurons effectivement le travail que vous accomplissez. Dans mon département de la Marne, nous échangeons beaucoup avec vos collègues, notamment sur les problèmes de formation. De nombreux maîtres de stage nous expriment leurs difficultés, voire leur découragement. Nous rencontrons aussi régulièrement des jeunes qui ont du mal à trouver un stage, circonstances dans lesquelles on peut faire appel à vos homologues.

De notre côté, nous nous nourrissons de ce que nous vivons sur les territoires et nous comprenons très bien vos propos quand vous parlez d’équilibre dans vos équipes entre l’action de terrain et l’approche administrative.

Il reste qu’il faudra à un moment où un autre que nous nous interrogions sur le rapport entre conseil régional, CFA et éducation nationale. Nous aurons aussi besoin de réfléchir à l’adéquation entre l’offre et la demande. Je suis toujours frappée de rencontrer dans certains bassins d’emploi des responsables d’entreprise qui me disent ne pas parvenir à recruter des personnels formés alors que, sur le même territoire, les jeunes ne trouvent pas de travail. Nous avons des efforts à accomplir afin d’évoluer plus rapidement pour apporter des réponses qui correspondent aux attentes locales. En la matière, vous jouez sans doute un rôle charnière en raison de votre connaissance de la demande.

M. Dominique Klein, secrétaire général et directeur des services de la chambre de métiers et de l’artisanat de la Moselle. Si quelques spécificités découlent du droit local, la chambre de métiers de la Moselle, présidée par M. Christian Nosal, considère qu’elle appartient au réseau avec lequel elle partage l’objectif de servir pleinement et efficacement les entreprises pour lesquelles elle travaille.

Le réseau n’a pas attendu la réforme de juillet 2010 pour entamer sa mutation en matière d’offre de services à l’attention des artisans et l’améliorer. Nous avions déjà entamé, il y a plus de dix ans, une réflexion fondée sur une enquête de satisfaction qui nous avait montré la nécessité de nous orienter vers un travail de proximité et de terrain. À la lecture de cette enquête, il apparaissait clairement que les artisans attendaient un accompagnement concret répondant à leurs préoccupations quotidiennes de chefs de petite entreprise. Pour satisfaire ce besoin à moyens constants, nous n’avons pas eu d’autre solution que de réorganiser complètement notre fonctionnement. En recherchant une plus grande professionnalisation et plus d’efficacité dans les tâches administratives, nous avons réorienté les moyens libérés vers l’accompagnement des entreprises et l’amélioration de notre offre de formation.

Cette évolution a donné naissance à notre plateau multifonctions d’accueil téléphonique et physique qui constituait l’une des premières expériences de ce type dans le réseau. Il a rapidement prouvé son efficacité. En dix ans, à effectif constant, nous sommes parvenus à doubler le nombre annuel de « contacts physiques » avec les entreprises, qui est passé de 5 000 à plus de 10 000. Nos collaborateurs ont en effet été déchargés des missions répétitives qui sont désormais effectuées par la plateforme qui assure de façon transversale l’enregistrement des contrats d’apprentissage, le service de formalités, le premier niveau d’information en matière de création d’entreprise, de formation et d’apprentissage, ainsi que l’accueil téléphonique. Les enquêtes qualitatives montrent désormais que le taux de satisfaction globale des artisans concernant l’offre de services de la chambre de métiers de Moselle s’élève à 97 %.

Le réseau a donc eu le souci de répondre aux priorités et aux besoins réels des entreprises au quotidien sur de multiples sujets : recherche d’apprentis, mise en relation entre cédants et repreneurs, accompagnement économique, investissements, accompagnement des entreprises en difficulté, ce dernier point étant particulièrement important en cette période de crise… Ce choix de mettre des forces vives à la disposition des entreprises s’est révélé judicieux puisque le secteur a continué sa progression en nombre d’entreprises – sur la même période de dix ans, elles sont passées de 13 000 à 18 000 – et en nombre de salariés – ils sont passés de 75 000 à un peu plus de 100 000 aujourd’hui. Nous avons actuellement 100 000 contacts téléphoniques par an et nos interlocuteurs ne sont pas uniquement les 18 000 entreprises artisanales de notre réseau mais également les jeunes en recherche de formation, les parents d’élèves, les chômeurs qui souhaitent se réorienter professionnellement…

Chargé également de la gestion de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat de Lorraine présidée par M. Pascal Kneuss, je considère que la régionalisation constitue une chance pour le réseau. Nous avons constaté que la mutualisation permet de professionnaliser davantage les fonctions support au bénéfice des plus petites chambres, comme celle de la Meuse, qui ne disposaient pas des moyens de se doter des compétences nécessaires en matière de ressources humaines ou de gestion financière. Le passage au niveau régional leur permet d’être plus efficaces. Il permet aussi d’améliorer les rapports avec les collectivités territoriales : depuis la régionalisation, nous travaillons de manière beaucoup plus opérationnelle avec le conseil régional qui préfère disposer d’un interlocuteur unique coordonnant les actions sur l’ensemble de son territoire. Du fait de cette évolution, plusieurs conventions ont été signées qui n’auraient pas vu le jour dans une autre configuration.

La chambre de métiers de la Moselle est viscéralement attachée à la gestion de ses trois CFA. Cette gestion directe constitue une véritable chance qui vaut d’abord pour les jeunes car les chambres de métiers sont en position de faire le lien entre ces derniers et les entreprises. Par ailleurs, qui mieux que les artisans serait à même d’identifier les bonnes orientations à donner à une politique de formation ? Gérer un CFA consiste aussi à s’appuyer sur nos élus pour savoir dans quelles directions il faut aller en matière de qualifications et de moyens afin que les formations soient les plus efficaces possible au service des entreprises. Certes, cette gestion est une mission difficile qui absorbe environ 50 % du budget des chambres qui l’assurent en direct et plus de la moitié de leurs effectifs. Il n’en demeure pas moins qu’elle est bénéfique pour toutes les parties concernées.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Comment appréhendez-vous l’intégration à une région de la taille de la Belgique lors de la nouvelle étape de la régionalisation ?

M. Dominique Klein. Très sereinement ! J’estime que notre expérience réussie d’intégration d’une chambre de droit local au sein d’une chambre régionale de droit général doit pouvoir servir de référence. En l’espèce, la nouvelle région accueillera quatre chambres de droit général et deux chambres de droit local.

Le travail a déjà commencé. L’histoire commune entre l’Alsace et la Moselle facilite les contacts, et nous avons d’excellentes relations avec nos collègues de Champagne-Ardenne avec lesquels nous avons engagé les premières discussions pour avancer dans le schéma de future grande région. Ce sera un défi et l’opération sera lourde sur un territoire étendu où la diversité des situations est très grande, mais l’expérience des uns servira aux autres et, globalement, la compétence du réseau ne pourra qu’être renforcée.

M. Gérard Morin, président de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat du Centre. Le périmètre de la région Centre-Val de Loire, dont je préside la chambre régionale de métiers, ne sera pas modifié. Depuis plus de vingt ans déjà, les six départements qui la composent travaillent ensemble sur des thématiques comme la création d’entreprises, l’environnement et le développement durable. Depuis la loi de 2010, des efforts importants de mutualisation ont été mis en œuvre sous l’impulsion du secrétaire général de la chambre régionale. Nos moyens financiers et humains restent toutefois limités pour une tâche à accomplir lourde et qui est de plus particulièrement coûteuse durant les premières années. La mutualisation des fonctions support progresse cependant très bien au niveau régional, soit qu’elle soit déjà arrivée à son terme, soit qu’elle soit en cours dans divers domaines : informatique, gestion de la relation client, site internet, paie, ressources humaines, comptabilité…

La baisse de ressources de nos chambres pose en revanche de gros problèmes pour la gestion des CFA. Pour citer un exemple, je ne parviens pas à finaliser le financement de la rénovation d’un atelier de mécanique. La région alloue 80 % du financement nécessaire mais où trouver les 20 % manquants ? Avec des ressources en recul, comment rénover les bâtiments qui en ont besoin ? Si je ne trouve pas ce financement, cet atelier fermera, et quatre cents jeunes se retrouveront en pâtiront.

M. Jean-Pierre Freudenreich, secrétaire général de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat du Centre. Finalement, nous constatons que le statut n’est pas aussi déterminant que le projet commun visant à mieux servir les artisans dans un environnement toujours plus complexe en forte mutation. La loi NOTRe constitue un élément supplémentaire. Il faut chercher des solutions car, sur le terrain, les artisans attendent que leur chambre leur apporte des services, et ne soit pas seulement une structure de gestion. Nous avons tiré les leçons de l’expérience d’autres chambres, comme celle que Dominique Klein vient de nous présenter. En Indre-et-Loire, petit département, nous avons par exemple créé une plateforme qui reçoit 40 000 appels par an et une vingtaine de visites d’artisans par jour. Cela montre bien à quel point la proximité est fondamentale.

Nous sommes dans une période charnière. Hier, nous étions dans un système relativement bien irrigué financièrement qui s’adressait à un public très ciblé. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une concurrence et l’État a réduit une grande partie de nos ressources directes. Dans notre chambre, depuis cinq ans, nous avons constaté une baisse de 10 % de notre budget : 5 % du fait de la baisse des ressources et 5 % du fait de l’augmentation mécanique des charges. Il nous est dit que la mutualisation des fonctions support permettra de régler ce problème, mais je ne partage pas ce point de vue. Ces fonctions support pèsent environ 10 % de nos budgets : même si nous économisions 20 ou 30 % grâce à leur rationalisation, on voit bien que le compte n’y sera pas.

L’enjeu est pourtant d’aller plus loin avec les artisans. Nous devons mutualiser notre action dans de nombreux domaines : l’ingénierie de projets, le développement des formations en commun, la mise en place de la modularisation et l’individualisation dans le cadre du compte personnel de formation (CPF). Nous avons commencé à traiter le sujet en région Centre. Pour ce qui concerne la relation avec les collectivités locales, nous venons de développer une offre de services complètement partagée sur la base d’un outil statistique et informatique régionalisé qui permet de présenter des statistiques avec des volets gratuits et des prestations qui peuvent être rémunérées par les collectivités.

Vous imaginez bien que le passage d’un modèle à un autre exige des investissements. Les équipes doivent par exemple être formées : deux cents jours de formation ont ainsi été prévus pour l’évolution des collaborateurs, que ce soit en matière d’action commerciale ou pour assurer la professionnalisation nécessaire à la mise en place de la plateforme.

En cinq ans, nous avons fait de gros progrès alors que notre ressource s’est tarie et que les flux ont continué à augmenter – le volume de formalités a triplé notamment du fait des micro-entreprises qui pénalisent par ailleurs la formation en apprentissage à laquelle elles ne participent pas. Alors que les flux sont deux fois et demie plus importants qu’il y a dix ans et que la charge liée aux missions régaliennes a au moins augmenté dans les mêmes proportions, nous avons maintenu les mêmes effectifs que par le passé, ce qui signifie que nous devons réduire le nombre des personnes chargées des missions de proximité. Nous n’avons par exemple pas les moyens de remplacer le collaborateur qui s’occupait des métiers d’art ou celui qui était chargé des secteurs de la production, de l’export et de la commercialisation…

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous souhaitons réfléchir en tenant compte de l’ensemble des réseaux consulaires. Pour les fonctions que vous venez de citer, comme celle de l’export, peut-être existe-t-il une ressource au sein de la CCI qui pourrait être plus développée que chez vous ?

M. Jean-Pierre Freudenreich. Nous coopérons déjà avec la CCI en matière d’export. Mais il faut bien être conscient qu’il est parfois difficile d’articuler une mutualisation horizontale avec un réseau qui est déjà en phase de mutualisation verticale. Nous travaillons avec les chambres de commerce mais localement, selon les positions des uns et des autres, les choses se passent plus ou moins bien.

Pour ce qui est du secteur de la production, le non-remplacement d’un collaborateur est regrettable pour l’artisanat car c’est dans ces domaines que vous entendez dire que l’on ne trouve pas de salariés : il y a, en la matière, de vrais problèmes de formation.

Pourquoi nous a-t-on écrêtés l’année dernière de 5 % de nos budgets de conseil en formation alors que c’est un secteur qui forme cinq à six fois moins ses équipes et ses artisans que l’industrie ? Ce genre de décision mériterait d’être ajustée. Voilà l’un des points qu’il faut faire évoluer. Comment se fait-il que les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) se plaignent tous aujourd’hui de la baisse de leurs ressources alors que la formation est considérée comme un enjeu national ?

M. Dominique Degois, secrétaire général de la chambre de métiers et de l’artisanat de région Bourgogne. Le président Pierre Martin m’a demandé de le représenter et vous prie de bien vouloir excuser son absence.

La Bourgogne est devenue une CMAR le 1er janvier 2011 et, pour avoir été précédemment secrétaire général de la chambre régionale, je suis en mesure de témoigner de ce qu’apporte ce changement. Depuis que la chambre de région a été créée à l’initiative des quatre chambres départementales qui ont pris une délibération en 2010, le lien de proximité avec les entreprises artisanales n’a en aucune manière été supprimé. Il a même plutôt été maintenu, voire renforcé si l’on considère que les fonctions support sont prises en charge par la chambre de région alors que les plus petits départements auraient sans doute eu beaucoup de difficultés à maintenir leur offre de services compte tenu des restrictions budgétaires que nous avons connues depuis 2011.

Les relations avec les conseils départementaux ont pu également être maintenues et celles avec les intercommunalités se sont développées. Les quatre départements de Bourgogne contribuent à des actions au bénéfice des entreprises artisanales de leur territoire. Le lien avec la tutelle régionale a par ailleurs été renforcé, que ce soit avec la DIRECCTE ou avec le conseil régional en raison de responsabilités de ce dernier en matière de développement économique, de formation professionnelle et d’apprentissage, sujets qui sont au cœur de l’activité des chambres de métiers et de l’artisanat La mise en place d’une gouvernance régionale a permis de renforcer l’interface et les échanges avec le conseil régional qui voit favorablement la mise en place d’une politique régionale négociée en matière de formation initiale ou de développement économique.

Nous participons à des associations de gestion de CFA mais nous n’en gérons pas directement – peut-être aurais-je dû ajouter « malheureusement » car une gestion directe aurait encore renforcé notre position par rapport au conseil régional.

L’évolution des ressources nous a amenés à engager des démarches que nous appelons « objectif client », qui n’avaient pas été initiées précédemment par les chambres départementales. Il s’agit d’amener nos collaborateurs à être beaucoup plus en phase avec les besoins des entreprises artisanales. Des enquêtes de besoins ont été mises en œuvre ainsi que la définition d’une nouvelle offre de services. Il a aussi fallu former les collaborateurs afin qu’ils puissent dialoguer directement avec les entreprises, ces fonctions s’ajoutant évidemment aux fonctions régaliennes.

Nous discutons aujourd’hui avec la Franche-Comté avec laquelle nous formerons demain une grande région. Les deux régions actuelles ont vu l’intérêt qu’elles avaient à passer au modèle de la chambre de région, seul le calendrier fait l’objet de débats. Sans doute est-ce parce que nous avons une expérience en la matière, mais nous souhaiterions pour notre part que cela se fasse dès le 1er janvier 2016.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vos nombreux témoignages sur la question de la mutualisation déjà en cours dans vos chambres sont éclairants mais vous nous avez assez peu parlé de questions budgétaires. Pourrions-nous aborder plus directement les sujets financiers ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour ma part, j’aurais aussi souhaité que vous nous indiquiez quelles actions innovantes peuvent être entreprises en matière de mutualisation. Les spécificités locales sont réelles et que nous avons affaire à trois réseaux différents : les chambres d’agriculture, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce qui peut diviser les chambres de votre réseau et sur la façon dont vous travaillez avec les autres chambres consulaires ?

M. Philippe Seguin, directeur régional du développement économique et territorial à la CMAR des Pays de la Loire. Je souhaitais évoquer l’une des spécificités de notre réseau : l’accueil des créateurs et des porteurs de projet. Nous recevons des personnes dont la culture est celle de la production mais beaucoup plus rarement celle de l’entreprise. Le stage préparatoire à l’installation est en quelque sorte un sas qui permet aux artisans d’acquérir les informations nécessaires à la création d’une entreprise et constitue un service essentiel. Il permet aussi de fidéliser les porteurs de projet et de leur donner l’envie de revenir nous voir. Dans le département dans lequel j’exerçais mon activité avant la régionalisation du 31 décembre dernier, nous enregistrions, parmi les entreprises des personnes que nous avions ainsi fidélisées, un taux de survie après trois ans de plus de 80 %. Ce taux est tout à fait remarquable par rapport aux statistiques nationales même si, après cinq ans, il passait à 75 %.

Une autre spécificité de notre réseau tient au sentiment d’appartenance de ses membres. Le travail manuel se délite aujourd’hui en raison des nouveaux modes de production, mais les artisans ressentent très fortement le fait qu’ils appartiennent à un secteur spécifique – et cela est également vrai chez une partie des jeunes, notamment grâce à leur passage par les CFA.

Entre 2008 et 2014, sur le plan budgétaire, nous avons enregistré en Vendée une chute de nos recettes de 10 %, ce qui est considérable. Pour compenser de telles pertes, nous avons dû non seulement nous tourner vers de nouveaux marchés, par exemple en proposant certaines opérations aux collectivités territoriales afin de dynamiser leur artisanat local, mais nous avons aussi réalisé des économies d’échelle. C’est d’ailleurs pourquoi, contrairement à ce que j’entends dire, la régionalisation ne constituera pas vraiment une piste pour faire des économies à l’avenir, notamment sur les back offices, parce que ces économies ont déjà été faites, comme vient de le constater la chambre régionale des comptes pour ce qui nous concerne.

Il me semble qu’il y a une certaine contradiction à nous demander de faire plus – nous accueillons plus d’artisans et le nombre des formalités augmente fortement – alors que nos ressources se tassent et que les collectivités locales connaissent de leur côté les mêmes problématiques de financement. En Vendée, les contrats avec les collectivités représentent 1,5 % de nos ressources. Cette situation financière nous pose des problèmes. Nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de rogner sur nos effectifs pour faire face aux impératifs budgétaires. Le désengagement enregistré en matière de taxe d’apprentissage à destination des CFA nous oblige à consentir des efforts supplémentaires sur nos ressources propres. Cette contradiction génère une inquiétude : ne serons-nous pas, à terme, amenés à limiter les services de conseil aux entreprises, dont la demande augmente pourtant, pour financer nos CFA, indispensables à l'avenir de ces dernières et à l’image de l’artisanat dans le département ?

M. Serge Crabié. Je préside un groupe de travail qui a notamment procédé à l’évaluation de la réforme de 2010. L’un de ses objectifs consistait à faire des économies grâce à la mutualisation. Or d’après les chiffres, il n’y a pas une grande différence sur ce plan entre chambres de région et chambres régionales.

Nous avons nos spécificités et je suis totalement opposé à une fusion avec nos partenaires des CCI. Nous pouvons, en revanche, travailler ensemble sur certains points comme la transmission-reprise, le guichet unique ou le marketing de nos futures régions communes.

Pour en venir à la question des finances, laissez-moi prendre l’exemple de la dotation DEVECO qui finance des actions au bénéfice des entreprises artisanales. En région Midi-Pyrénées, il y a cinq ans, nous percevions à ce titre 878 000 euros ; aujourd’hui, seulement 240 000. La baisse est de 70 %. Pour compenser le recul des ressources nous cherchons évidemment à faire des économies.

Nous n’enregistrons pas de baisse notable de la taxe pour frais de chambres de métiers. Nous faisons pourtant face à une situation préoccupante en raison de la place que prennent les micro-entreprises – notre région en compte aujourd’hui 10 000. Elles sont en train de déstructurer l’artisanat à moyen terme. C’est un fléau ! Je suis partisan de la mise en place de la micro-entreprise, mais il aurait fallu limiter l’existence de ces structures à deux ans. Aujourd’hui, elles font une concurrence déloyale à des entreprises artisanales qui emploient des salariés et se retrouvent dans l’obligation de licencier. La majorité de mes collègues partagent ce souhait d’une limitation à deux ans de la durée de vie de la micro-entreprise.

M. Pierre Cormorèche. Nous avons incontestablement un problème de financement. Dans l’Ain, la CCI collecte 7 millions d’euros et la chambre de métiers 2 millions. Il faut savoir que nous faisons le même travail auprès des mêmes clients… Dans ces conditions, ne serait-il pas utile de redéfinir les compétences des uns et des autres ? La CCI a donné 1,5 million d’euros pour l’agrandissement d’un parc d’exposition auquel, faute de moyens, nous n’avons pas pu participer. Parce qu’elle disposait de réserves, elle a aussi consacré 2 millions d’euros au schéma départemental de développement économique dans le cadre d’un contrat signé pour trois ans avec le conseil général, et elle vient enfin de verser 5,5 millions d’euros à l’État au titre du surplus des trois mois de fonctionnement.

En matière de perception de taxe, il serait sans doute judicieux de rechercher un nouvel équilibre entre les CMA et les CCI. Dans mon département, qui compte 25 000 entreprises, 12 000 sont inscrites dans la première et 18 000 dans la seconde – certaines ayant une double inscription. Elles paient toutes des taxes destinées aux chambres et la question de l’usage qui est fait de cet argent se pose. Ces sommes doivent-elles servir à financer les investissements publics comme les aéroports ou les ports ? C’est la politique des CCI : elle était peut-être judicieuse à une certaine époque, mais il n’est pas inutile de s’interroger aujourd’hui à ce propos. À mon avis, le rôle premier des chambres consulaires est bien d’aider les entreprises dans leur développement afin de créer des richesses. On peut même se demander si la taxe pour frais de chambre doit financer l’apprentissage. On pourrait par exemple imaginer deux lignes distinctes de financement. Les apprentis sont des jeunes comme les autres qui bénéficient d’une formation initiale.

Pour ma part, je suis plutôt favorable à une fusion des CCI avec les CMA départementales. Elles constitueraient des chambres économiques de proximité autonomes disposant de moyens financiers et facturant des prestations. Ainsi, elles ne seraient pas obligées de mendier auprès de la région, du département et de l’État pour percevoir 10 000 euros de subventions.

M. Joël Fourny. Je ne partage pas l’avis de mon collègue et je suis opposé à une fusion des chambres consulaires. L’agriculture a sa spécificité tout comme l’industrie ou l’artisanat. La CMA a une culture de l’artisanat dont ne dispose pas la CCI. Si un réseau propre a été créé en 1925, c’était bien dans l’intérêt des entreprises artisanales qui souhaitaient défendre des approches spécifiques.

Je ne suis en revanche pas du tout opposé à des mutualisations entre réseaux. Dans le département de Loire-Atlantique, elles ont d’ores et déjà été engagées avec des CCI. Il faut toutefois que le rôle de chacun soit parfaitement établi et qu’il soit équilibré. Il nous est par exemple arrivé d’aider des très petites entreprises artisanales du département à participer à une démarche mutuelle avec la CCI dans la reconnaissance de marchés étrangers. Nous savions que nous n’avions pas besoin par la suite de développer nos outils d’accompagnement à l’export sachant que la CCI de région disposait de tous les moyens nécessaires. De la même façon, il y a quelques années, lorsqu’il a fallu ouvrir une maison de l’apprentissage sur le territoire de Saint-Nazaire, plutôt que de nous engager seuls, nous avons investi avec la CCI pour répondre aux besoins. C’est encore le cas dans le champ du développement et de l’aménagement commerciaux sur lequel nous ne nous aventurons pas seuls : nous passons des conventions et des chartes commerciales avec les collectivités locales en étroite collaboration avec la CCI.

Dans des conditions de respect mutuel, je ne suis absolument pas opposé au développement de nos collaborations d’autant que nous disposons déjà de portails communs en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) ou d’accueil des porteurs de projet.

M. Jean-Pierre Freudenreich. Dans le Centre, alors que nous enregistrions un résultat positif d’environ 1,6 million d’euros, il y a sept ans, nous avons connu cette année, comme l’année dernière, un résultat négatif de moins 700 000 euros.

Cette évolution n’est pas due à la dégradation de la situation budgétaire des quatre CFA, mais à celle des sièges dont les résultats sont passés de 2 millions à moins 400 000 euros. Dans une région qui soutient fortement l’apprentissage, cette situation place les chambres dans l’incapacité d’apporter une contribution financière à un certain nombre de projets – le président Morin évoquait l’un d’eux dans son intervention.

Nous travaillons beaucoup avec les autres chambres consulaires. Dans le cadre de conventions que nous signons en ce moment avec les communautés de communes, la CCI intervient en matière de marketing territorial et de promotion du territoire et la chambre de métiers et de l’artisanat en matière d’appui de proximité au développement des entreprises. Les chambres de notre réseau collaborent aussi très souvent avec les chambres d’agriculture, par exemple pour la promotion du terroir, l’organisation d’événements comme les salons autour de l’agroalimentaire, le développement de filières… Nous avons beaucoup en commun avec ces chambres. Dans ma région, la chambre d’agriculture qui a peu d’apprentis, s’apprête à nous demander si nous pourrions prendre en charge son service d’apprentissage pour éviter qu’une structure ne gère que soixante-dix jeunes.

Tout cela varie évidemment en fonction des contextes locaux et des hommes en présence.

Mme Brigitte Geoffriault secrétaire générale de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat Midi-Pyrénées. J’ai pris mes fonctions il y a un mois et j’occupais auparavant le poste de directrice de la formation professionnelle au conseil régional de Midi-Pyrénées.

Dans le nouveau contexte institutionnel avec le redécoupage des collectivités territoriales et la redéfinition de leur rôle respectifs, l’artisanat a une place importante et sa représentation au plan départemental jouera un rôle central en raison du renforcement des pôles métropolitains et d’un affaiblissement potentiel de la représentation rurale – même si l’intercommunalité lui fait une place. L’interface entre le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat et ses interlocuteurs au plan départemental reste essentielle pour le développement économique rural et pour les équilibres territoriaux qui sont à la fois humains, sociaux et économiques. Je ne veux pas opposer métropolisation et ruralité : il y a une place à occuper en matière de développement économique et de développement social en milieu rural, et il y a aussi, pour l’artisanat, une place à occuper dans la reconfiguration des pôles métropolitains. L’artisanat doit également jouer un rôle essentiel dans les négociations avec les futurs conseils régionaux reconfigurés puisque certains schémas seront prescriptifs.

J’ai pu observer des mutations profondes de l’artisanat liées aux personnes qui créent des entreprises et aux acquisitions de compétence par l’apprentissage. Toutes ces raisons, lourdes d’enjeux majeurs pour l’artisanat de demain, font partie de ce qui m’a motivé pour rejoindre le réseau.

Mme Monique Rabin et Mme Catherine Vautrin, rapporteures. Nous vous remercions vivement pour votre participation à cette table ronde.

Audition du 6 mai 2015

M. Guy Piolé, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, de Mme Isabelle Gravière-Troadec, conseiller maître à la deuxième chambre, et de M. Olivier Mousson, conseiller maître à la deuxième chambre

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous recevons M. Guy Piolé, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, ainsi que Mme Isabelle Gravière-Troadec et M. Olivier Mousson, conseillers maîtres à la deuxième chambre. Le contrôle des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat relève des chambres régionales des comptes (CRC), par délégation de la Cour des comptes qui est, quant à elle, restée compétente pour contrôler les têtes de réseau que sont CCI France et l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Nous souhaiterions donc que vous puissiez nous présenter, d’une part, un bilan des observations formulées lors des contrôles des CCI et des CMA effectués par les chambres régionales des comptes et, d’autre part, votre analyse de la situation de leurs têtes de réseau respectives.

M. Guy Piolé, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes. La Cour des comptes est toujours honorée de venir s’exprimer devant la Mission d’évaluation et de contrôle mais je précise qu’il nous sera difficile de vous donner une vision panoramique et synthétique de ces deux réseaux. En effet, si les CCI et CMA, établissements publics nationaux, relèvent juridiquement du domaine de compétence de la Cour des comptes, ces organismes n’étant pas dotés d’un comptable public, leur contrôle était et demeure facultatif. Ces contrôles ont été, jusqu’à la fin des années 1990, assez peu fréquents. Ce constat ainsi que la proximité des CCI et des CMA avec la vie locale ont incité la Cour des comptes à déléguer ces contrôles aux chambres régionales des comptes, ce qui est devenu possible avec la loi du 21 septembre 2001. Contrairement à ce qui s’est passé pour les chambres d’agriculture ou les universités, la Cour n’a jamais repris cette compétence, non seulement parce que ces organismes sont, par construction, davantage liés au monde local qu’à l’échelon national, mais aussi parce qu’ils ne sont pas de véritables opérateurs des politiques de l’État.

La Cour des comptes a néanmoins conservé le contrôle direct des entités fédératives nationales – l’APCMA pour les chambres de métiers et l’Assemblée française des chambres de commerce et d’industrie (ACFCI), devenue CCI France, pour les chambres de commerce – ainsi que de leur administration de tutelle, la Direction générale des entreprises (DGE). Nous vous présenterons le contrôle effectué sur l’APCMA en 2014. Le contrôle de CCI France ainsi que de la DGE est programmé pour 2015.

Les vingt-cinq chambres régionales et territoriales des comptes ont donc compétence pour contrôler quelque 260 CCI et CMA. Compte tenu du caractère organique et facultatif de ces contrôles effectués chambre par chambre, il nous est difficile de nous situer au cœur de votre démarche synthétique, dans la mesure où les constats et appréciations que nous pourrons formuler au cours de cette audition sont issus d’une collection de rapports individuels et non d’une synthèse nationale, absente du catalogue des juridictions financières.

En outre, les chambres régionales des comptes ont la maîtrise de la programmation de leurs contrôles qui sont décidés en fonction d’un certain nombre de critères, notamment les enjeux financiers de chaque compte. Or, ceux des chambres de commerce et de métiers ne sont pas les plus importants. Les chambres régionales des comptes ont ainsi tendance à procéder pour le contrôle de ces organismes un peu comme pour les contrôles d’associations subventionnées ou de sociétés d’économie mixte, c’est-à-dire des organismes qu’elles ont la capacité de contrôler mais qui ne représentent pas les enjeux les plus élevés en termes de risques. Elles se consacrent dans la limite de leurs moyens à ces contrôles, facultatifs dans la mesure où ces organismes ne déposent pas leurs comptes chaque année à leurs greffes. La production des CRC concernant les chambres de commerce et de métiers est donc ponctuelle.

Par ailleurs, même si elles ont un statut d’établissement public, les CCI et les CMA sont soumises, sur le plan comptable, à des règles qui les rapprochent des entreprises privées. Ainsi, elles ne sont pas soumises à une instruction comptable de type M 9 mais aux principes du plan comptable général et leurs comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes. Dès lors, les chambres régionales des comptes apprécient les facteurs de risque en fonction des réserves émises par ces derniers. Or, il ressort du dernier rapport sur la qualité des comptes des administrations publiques d’octobre 2014, que des réserves n’ont été émises que dans 2 % des rapports des commissaires aux comptes portant sur les CCI et dans 12 des 133 rapports de certification concernant les CMA. Encore faut-il préciser, s’agissant de ces dernières, que les réserves sont liées pour l’essentiel, non pas à des irrégularités manifestes, mais au fait que les Centres de formation d’apprentis (CFA), qui doivent tenir une comptabilité spécifique, ne le font pas toujours dans les règles. Globalement, les CCI et CMA ne se signalent donc pas par une qualité comptable dégradée qui justifierait que l’on relève l’échelle de risque.

En outre, le dispositif juridique actuel ne prévoit pas, pour les CCI et les CMA, de mécanismes de signalement analogues à ceux existant pour les collectivités territoriales, dont les préfets, voire les élus, peuvent signaler la situation financière dégradée et demander le contrôle à la Chambre régionale des comptes. L’absence de telles procédures et de sinistres importants explique que les productions récentes des chambres régionales des comptes sur les CCI et les CMA soient assez peu nombreuses.

Les juridictions financières sont toutefois conscientes de l’intérêt qu’il y aurait à dépasser les approches en termes de contrôle organique, assimilables à des monographies organisme par organisme, pour produire des travaux de synthèse. Aussi la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ont-elles convenu, pour les années à venir – l’arrêté de délégation actuel expirant fin 2015 – de renforcer leur coordination en créant un système de pilotage afin d’orienter la programmation des thèmes de contrôle et, le cas échéant, de produire des études de synthèse.

M. Olivier Mousson, conseiller maître à la deuxième chambre de la Cour des comptes. Le relevé d’observations définitives sur l’APCMA porte sur les exercices 2006 à 2012. De ce fait, il apporte un éclairage sur les effets de la réforme de 2010, notamment sur la réorganisation du réseau et les efforts de mutualisation, mais il n’analyse pas les résultats des années 2013 et 2014 et la dégradation due au plafonnement des ressources fiscales et aux prélèvements de l’État sur le fonds de roulement.

Ce relevé d’observations définitives a donné lieu à quatre recommandations principales ; les trois premières s’adressent à la fois à l’APCMA et à la tutelle, la dernière exclusivement à la tête de réseau.

En premier lieu, la Cour recommande, et ce depuis le précédent rapport datant de 2007, qu’un contrat d’objectifs et de performance (COP) soit signé rapidement entre l’APCMA et la tutelle et décliné, dans l’ensemble des régions, dans des conventions d’objectifs et de moyens (COM). Ce contrat existe et a été voté par l’APCMA, mais il n’est pas signé et fait toujours l’objet de négociations. En effet, l’APCMA ne veut pas s’engager sur des résultats précis tant qu’elle n’est pas certaine de pouvoir disposer des ressources nécessaires pour son application.

La deuxième recommandation porte sur les économies qui seraient rendues possibles par un rapprochement entre les réseaux consulaires des CCI et des CMA, rapprochement qui a été envisagé dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Le Premier ministre a exclu, par lettre du 4 mars 2014 adressée à chacun des présidents des têtes de réseau, toute perspective de fusion des deux réseaux. Néanmoins, la Cour considère qu’il existe des sources d’économies, sinon dans la fusion, du moins dans un rapprochement des deux réseaux en simplifiant les formalités demandées aux entreprises, notamment par la dématérialisation des procédures. Dès lors que les craintes des CMA d’être absorbées par les CCI sont apaisées, les unes et les autres pourraient collaborer et échanger des informations, et ce pour le bien des entrepreneurs puisque les artisans cumulent les formalités dans la mesure où ils sont inscrits à la fois au registre des métiers et au registre du commerce.

Les deux dernières recommandations sont directement liées à l’application de la loi du 23 juillet 2010, qui, dans le cadre du processus de réorganisation des CMA, place la chambre régionale au centre du réseau. La Cour recommande que ce processus s’accélère et qu’il soit notamment mis un terme à l’existence des chambres de région partielles. L’APCMA y est prête, incontestablement. Du reste, en 2015, les chambres de région devraient remplacer les chambres de région partielles dans six régions sur treize, mais il faut que les autres s’engagent dans le même processus.

Ensuite, la mutualisation des fonctions support, également prévue dans la loi de 2010, a commencé à être mise en œuvre par l’APCMA au sein du réseau. La Cour recommande à cette dernière de dresser le bilan annuel, en termes d’efficience et d’économies, de la politique de mutualisation informatique, de la gestion des moyens comptables et des ressources humaines ainsi que du traitement de la paie. Nous considérons que L’APCMA est fondée à réaliser un tel bilan et a les moyens de le faire. Si elle commence à mettre en place les outils nécessaires, elle n’en est pas encore à mesurer les économies, même si elle a, dans ce domaine, des espérances, fondées sur la suppression des sections comptables locales dans le cadre d’un regroupement régional.

En ce qui concerne le réseau des CCI, la Cour dispose de moins d’éléments précis. L’ACFCI avait fait l’objet d’un référé en 2006, d’une insertion au rapport public de 2009 et d’un contrôle portant sur les exercices 2005 à 2009, qui n’a donc pu mesurer l’impact de la réforme de juillet 2010. Un nouveau contrôle de CCI France portant sur les exercices 2010 à 2014 est prévu cette année.

Dans ses observations concernant l’ACFCI, devenue CCI France, la Cour a souligné que cette dernière ne disposait pas des moyens nécessaires pour exercer ses missions de tête de réseau, en raison de son absence d’autonomie financière mais aussi du poids de la CCI Ile-de-France. Le fait que la présidence des deux organismes ne soit plus assumée par la même personne, comme cela a souvent été le cas par le passé, crée en effet un blocage et un problème d’autorité. La question du pilotage stratégique du réseau par CCI France reste d’actualité ; elle se pose moins pour l’APCMA. Cela renvoie à la question plus générale de savoir qui doit piloter le réseau et quel doit être le rôle de la tutelle.

Par ailleurs, d’autres rapports de la Cour, élaborés le plus souvent avec les chambres régionales des comptes, portent sur les missions des réseaux. Nous disposons ainsi d’un rapport sur les dispositifs de soutien à la création d’entreprise, d’une insertion au rapport public sur les écoles de commerce qui dépendent du réseau des CCI, ainsi que d’observations provisoires sur Ubifrance.

Dans son rapport sur les dispositifs de soutien à la création d’entreprise, la Cour recommande de préciser les missions des chambres consulaires, en particulier des CCI, en matière d’orientation et d’accompagnement des porteurs de projet et de déterminer des conditions financières cohérentes avec la définition du rôle des CCI par rapport aux autres acteurs. Depuis la publication du rapport, un contrat d’objectifs et de performance a été signé avec l’État, qui comporte des indicateurs de résultats de l’action du réseau en matière de création d’entreprises. Toutefois, ce contrat doit maintenant être décliné dans des conventions d’objectifs et de moyens régionales. Or, le rapport de la Cour souligne la diversité des situations selon les régions.

Dans son insertion au rapport public de 2013 sur les écoles supérieures de commerce et de gestion, la Cour souligne, comme elle l’avait fait en 2002, l’absence de cohérence et de détermination de la fonction de pilotage et de contrôle des écoles en raison de la double tutelle des ministères de l’économie et de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, la baisse notable du financement des écoles par les CCI implique que ces écoles changent de modèle économique. Ainsi la Cour recommande-t-elle que leur statut soit adapté au nouveau contexte. Peut-être faut-il envisager la suppression, la fusion, voire le rachat par des acteurs privés, de certaines écoles. Nous sommes là au cœur du sujet de la baisse des ressources.

Enfin, dans le relevé d’observations provisoires sur Ubifrance, la Cour fait deux recommandations qui concernent directement le réseau des CCI : Ubifrance doit clarifier et organiser le travail en commun avec les CCI afin de limiter les actions concurrentes et calibrer ses modalités d’intervention à l’étranger en fonction de la place occupée par les Chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger (CCIFE). Il est vrai qu’Ubifrance ne fait guère d’efforts pour travailler avec les CCI, et la situation ne semble pas s’améliorer. Il est intéressant de noter que la continuité du réseau consulaire, entre les chambres territoriales et les CCIFE, a été renforcée, ce qui a tendance à solidifier ce réseau par rapport à celui de l’État et à celui des régions. Il faut donc qu’ils se répartissent le travail. Les forces vives se trouvent dans les territoires et nulle part ailleurs ; une liaison avec l’appui à l’international est donc nécessaire. Par ailleurs, dans les pays où il n’a pas les moyens d’être présent, l’État doit dire clairement aux CCIFE : « A vous de jouer ! » L’État est prêt à accorder une délégation de service public à des CCIFE. Encore faut-il que les coûts soient transparents, ce qui est rarement le cas. Alors qu’Ubifrance est subventionnée à 80 %, les CCIFE ne disposent d’aucune subvention.

Mme Isabelle Gravière-Troadec, conseillère maître à la deuxième chambre de la Cour des comptes. Compte tenu du délai séparant la production des comptes et la publication du rapport et afin de vous apporter des informations utiles, nous nous sommes intéressés aux rapports des chambres régionales des comptes publiés depuis le printemps 2012 ce qui permet de prendre en compte la loi de juillet 2010. Au cours de ces trois dernières années, une trentaine de rapports ont été publiés, dont une dizaine sont consacrés aux écoles de commerce – je ne les ai pas retenus dans la mesure où la synthèse en a été faite par la Cour. Il reste donc une vingtaine de rapports, dont les deux tiers concernent les CCI, le tiers restant étant consacré aux CMA. Je me suis concentrée sur les éléments liés à vos préoccupations, laissant de côté ce qui relève de la commande publique ou des dysfonctionnements de la gestion des ressources humaines.

En ce qui concerne les CCI, il ressort des analyses approfondies réalisées par une dizaine de chambres régionales que leur situation est jugée globalement saine – même si les rapports les plus récents soulignent un début de réduction des recettes fiscales et souvent, des ressources propres. En outre, les réserves des années antérieures sont importantes, ce qui explique que le fonds de roulement peut aller jusqu’à une année de fonctionnement ; c’est notamment le cas de la CCI régionale de Lorraine.

La gestion des CCI est donc plutôt satisfaisante. Ainsi, la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire salue la « rigueur et la qualité de gestion » de la CCI Nantes-Saint-Nazaire. Cependant, dans un rapport du 3 mars 2015 concernant la CCIR d’Aquitaine, qui a fait l’objet du contrôle le plus récent, la CRC d’Aquitaine-Poitou-Charentes relève que « le solde financier – capacité d’autofinancement – a toujours été positif sur les années écoulées » mais que « le budget primitif 2014 prévoyait un résultat et une capacité d’autofinancement négatifs. » Autrement dit, la CCIR n’a pas voulu emprunter, préférant tirer sur ses réserves. On voit donc bien là les conséquences des décisions qui ont pu être prises. Il s’agit néanmoins du seul cas de ce type que j’ai identifié.

Il faut avoir conscience que l’exploitation de grosses infrastructures, surtout si la CCI n’est pas très importante, peut peser lourdement sur les comptes. Tel est le cas notamment de la CCI de Pau-Béarn, dont un premier résultat déficitaire a été constaté en 2009, entièrement imputable à l’aéroport de Pau-Pyrénées. De même, pour la CCIT de Bayonne-Pays-Basque, la CRC souligne, dans un rapport de décembre 2014, une baisse de résultat, lequel est passé de façon significative de 3,93 millions d’euros en 2009 à 622 000 euros en 2012, sous l’effet conjugué de l’importance des amortissements, des ponctions opérées par le niveau régional – la CCIR d’Aquitaine – sur la ressource fiscale et de la chute d’activité du port de Bayonne.

Par ailleurs, les chambres régionales des comptes relèvent parfois un manque de perspectives stratégiques. Mais cette situation n’est-elle pas due précisément à l’absence de perspectives financières et fiscales ? Toujours est-il qu’il n’y a pas de vision pluriannuelle des investissements et que les documents stratégiques n’ont généralement pas été adoptés. La Chambre régionale des comptes d’Aquitaine-Poitou-Charentes – dont je vais citer le rapport à plusieurs reprises, car il est le plus récent et me semble correspondre le mieux à vos préoccupations – note ainsi, après avoir rappelé qu’un tel document relève d’une obligation imposée par l’article L. 711-8 du code de commerce, que la CCIR d’Aquitaine a engagé le processus tardivement, en 2013, soit deux ans après le début de la mandature, et qu’elle n’a toujours pas, à ce jour, adopté de schéma directeur.

En ce qui concerne l’impact de la réforme de juillet de 2010, les très rares rapports qui l’évoquent soulignent tous le caractère encore timide des évolutions, qu’il s’agisse des regroupements, des mutualisations ou de l’élaboration de schémas sectoriels.

Un seul rapport, celui de la CRC d’Aquitaine-Poitou-Charentes, évoque les regroupements, pour indiquer que le regroupement infra-départemental n’a pu avoir lieu que dans le département de la Gironde, les présidents des autres chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) ayant opposé un refus à la CCI régionale.

Les mutualisations sont très rarement évoquées. Seuls deux rapports en font état, dont celui d’octobre 2013 sur la CCI de Lorraine, qui mentionne ce point pour regretter que le groupe de travail sur les mutualisations des fonctions support, « pourtant essentiel compte tenu de la mise en œuvre de la réforme, ne se soit réuni qu’une fois, le 17 mars 2011 ». Quant à la Chambre régionale des comptes d’Aquitaine-Poitou-Charentes, qui envisage la mutualisation sous l’angle d’un regroupement des CCI et des CMA, elle précise que celles-ci n’utilisent pas les possibilités de mutualisation offertes, même s’il existe une journée commune de l’économie en Aquitaine, ce qui constitue une version minimale de ces mutualisations.

Enfin, les schémas sectoriels sont particulièrement importants puisqu’ils doivent permettre à la CCI régionale de ventiler la ressource fiscale entre les CCIT qui lui sont rattachées. Or, si la plupart des CCIR ont adopté de tels schémas, ceux-ci ne permettent pas forcément pour autant une répartition rigoureuse et incontestable de la ressource.

Pour le reste, rappelons le poids de la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires. À ce sujet, la Cour cite, dans le rapport public annuel 2015, l’exemple particulièrement coûteux 32 millions d’euros – du développement parallèle des aéroports de Dijon et Dôle, distants d’une cinquantaine de kilomètres seulement mais relevant de deux différentes régions.

J’en viens maintenant aux chambres de métiers et d’artisanat. Le paysage est très différent de celui des CCI, puisque la situation des comptes des CMA est globalement dégradée, en particulier outre-mer mais pas seulement. S’agissant de la CMA de Seine-Saint-Denis, la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France relève que le « solde budgétaire consolidé […] a été constamment déficitaire de 2010 à 2013. Ce résultat est lié au déficit structurel du centre de formation des apprentis (CFA) dont l’activité diminue lentement. » La CRC ajoute : « Les mauvais résultats du CFA en matière d’apprentissage résultent fortement du défaut de vision prospective et d’actions engagées à long terme. » Le même constat a été fait pour la CMA du Var qui, selon la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, « se trouve dans une situation financière dégradée, le redressement opéré en 2012 restant à confirmer. » Les CFA connaissent un déficit chronique qui pèse sur les comptes de la CMA, laquelle dispose cependant de réserves.

Quant à la situation financière des CMA de Guadeloupe et de Martinique, elles sont dégradées, à tel point qu’en Martinique, c’est la pérennité même de la structure qui est en jeu.

Les centres de formation d’apprentis sont donc le principal problème actuel des CMA. Leurs capacités étant excédentaires par rapport au nombre d’apprentis réellement formés, les recettes sont en baisse alors que les coûts fixes demeurent. Du reste, ce n’est pas un hasard si la seule CMA contrôlée récemment par les CRC qui soit dans une bonne situation financière est celle de Paris, qui ne gère pas de CFA.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Lors de la précédente audition, un président de CMA nous a indiqué que sa chambre était dans une situation financière telle qu’il ne pouvait procéder à la mise à niveau de son CFA, pourtant nécessaire pour assurer certaines formations. Dans le même temps, nous entendons, sur le terrain, des professionnels se plaindre de manquer d’apprentis formés. On constate donc, d’une part, une inadéquation de l’offre à la demande et, d’autre part, la difficulté pour les chambres d’assumer financièrement le coût des CFA. À ce propos, on peut se demander, compte tenu du coût que représentent également les lycées professionnels pour les régions, si nous ne devrions pas, un jour, envisager la question sous l’angle des finances publiques.

M. Olivier Mousson. Sur le sujet de la formation professionnelle des jeunes, un rapport de la cinquième chambre de la Cour des comptes, auquel sont associées les chambres régionales des comptes, est en cours d’élaboration.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Un autre président de CMA, qui se félicitait de ne pas avoir de CFA, a reconnu, lorsqu’on lui a posé la question, que celui-ci était géré sous forme associative par la CCI et la CMA. Il pourrait être intéressant, dans le cadre d’un contrôle, de dissocier la question des CFA, car nous devons avoir une visibilité sur les missions fondamentales des chambres, notamment le service aux entreprises, dont le coût est occulté par celui de la formation.

Mme Isabelle Gravière-Troadec. Les CFA doivent avoir des comptes séparés mais effectivement, lorsque l’un d’entre eux est déficitaire, c’est la CMA qui abonde son budget. Cependant en principe, le coût des CFA a été pris en compte dans le calcul des prélèvements sur fonds de roulement.

De même que les commissaires aux comptes formulent davantage de réserves sur les comptes des CMA que sur ceux des CCI, de même, les observations des chambres régionales des comptes concernent davantage la gestion des CMA que celle des CCI : absence de contrôle interne effectif, non-présentation de budget séparé pour les CFA dans certains cas ou bien budgets devant être rendus exécutoires par le préfet, notamment pour retard de production.

Enfin, il est encore moins fait référence à la réforme de juillet 2010 dans les rapports des CRC sur les CMA que dans leurs rapports sur les CCI. Toutefois, la CRC d’Ile-de-France souligne, dans son rapport de septembre 2014 sur la CMA de Paris, que « la mutualisation entre les CMA de la région est bien trop lente au regard des enjeux ». En revanche, elle indique, dans le cadre de son contrôle de la CMA de Seine-Saint-Denis, que le COM pour la période 2014-2017 est en cours d’élaboration, ce qui devrait donner davantage de lisibilité à la gestion.

Mme Monique Rabin, rapporteure. CCI France a exprimé à plusieurs reprises son souhait d’une plus grande implication de la tutelle, ce qui nous a paru quelque peu contradictoire avec le souci d’indépendance des réseaux consulaires. Pensez-vous que la DGE devrait s’impliquer davantage ?

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. J’ajoute que la tutelle manque de clarté, en particulier vis-à-vis des écoles de commerce et de gestion. À cet égard, ne devrions-nous pas nous interroger sur les missions des chambres consulaires ? Qu’y a-t-il en effet de commun entre une chambre de commerce qui gère un port et un aéroport et une chambre de commerce qui ne gère aucune infrastructure ? Quant aux écoles de commerce et de gestion, nous avons vu qu’elles prennent parfois une importance telle que la CCI dont elles dépendent ne peut plus en assumer la gestion. Ne faut-il pas envisager une adaptation de la tutelle aux activités des chambres ?

M. Olivier Mousson. La tutelle a perdu beaucoup d’emplois, de sorte que le bureau de Bercy ne peut effectuer qu’un contrôle de légalité et n’a pas les moyens d’exercer une tutelle stratégique. Par ailleurs, il n’est pas étonnant que CCI France souhaite une plus grande implication de la tutelle ; l’APCMA a exprimé le même souhait allant jusqu’à demander un contrôle de légalité plus efficace. Dans ce domaine, le politique a un rôle à jouer, car les préfets de région ne peuvent pas faire appliquer des règles qui n’existent pas. En matière de réorganisation, l’APCMA a la volonté que les choses avancent, mais elle a peu de moyens : face aux élus, en l’absence d’obligation de faire, elle n’a que sa force de conviction. Si l’on peut être assez optimiste quant aux effets de la réforme de juillet 2010, les têtes de réseau ne peuvent qu’organiser et non contraindre. En revanche, la tutelle peut, si les textes existent, inciter davantage les chambres départementales à ne pas faire d’erreurs. On peut citer à titre d’exemple une situation qui nous a été rapportée par l’APCMA : alors qu’on oblige celle-ci à mutualiser les moyens informatiques, un préfet de région a validé un budget prévoyant des investissements informatiques dans une chambre départementale…

Mme Monique Rabin, rapporteure. J’ai été surprise d’apprendre que CCI France ne communiquait pas ses données comptables, ce qu’on appelle le Cube, à la tutelle. Nous avons eu accès, dans le cadre de la MEC, à quelques éléments intéressants, mais l’État n’en a pas connaissance. C’est d’autant plus choquant qu’ils demandent une plus grande implication de la tutelle qui est sous doute liée au fait qu’il leur est difficile de gérer la diversité des chambres.

M. Guy Piolé. Le mot « tutelle » est ambigu ; il faudrait savoir ce que recouvre exactement la demande des têtes de réseau. La véritable tutelle consisterait à considérer les organismes consulaires comme des opérateurs des politiques de l’État ; je serais très surpris que ce soit ce qu’elles souhaitent. Mais je ne suis non plus certain qu’elles souhaitent cette tutelle « paternelle » qu’exerçaient les préfets sur les collectivités locales et dont celles-ci n’ont plus voulu. S’il s’agit d’une tutelle partenariale, dont le rôle se limite au contrat d’objectifs et de moyens, qui est un cadre relativement bienveillant, je partage un peu le scepticisme de mon collègue.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Je souhaiterais revenir sur les CMA dont vous avez indiqué que la situation financière était nettement dégradée. Sait-on dans quelle mesure cette situation est due à la baisse des recettes et à l’augmentation des charges ? Le plafonnement décidé en loi de finances semble trop récent pour que l’on puisse en mesurer les incidences, mais ne faut-il pas s’interroger sur le rôle de ce qu’un président de chambre a pudiquement appelé, lors de la précédente audition, la micro-entreprise, c’est-à-dire, en clair, les auto-entrepreneurs ?

Mme Isabelle Gravière-Troadec. Les ressources fiscales représentent 20 % à 25 % des ressources d’une CMA. Pour le reste, les études dont nous disposons sont trop ponctuelles pour que nous puissions en tirer des généralités. Quant à la question des auto-entrepreneurs, elle n’est évoquée que dans un seul rapport. Mais il faut savoir qu’un mécanisme permet aux entrepreneurs de s’inscrire directement au greffe et d’être ainsi dispensés de l’inscription automatique à la CMA et du paiement de la redevance.

M. Olivier Mousson. Outre qu’ils bénéficient de l’immatriculation gratuite, les auto-entrepreneurs ne sont pas soumis à l’obligation de suivre un stage préalable à l’installation et sont exonérés du paiement de la taxe pour frais de chambre pendant deux ans. L’APCMA est donc en mesure de calculer, à partir du nombre d’auto-entrepreneurs immatriculés, le manque à gagner représenté pour le budget des chambres, manque à gagner auquel il faut ajouter une augmentation des charges liée à l’obligation qu’elles ont de les recevoir. Toutefois, la Cour n’est pas allée dans le sens de l’APCMA, qui souhaite la suppression de ce statut. Elle estime que c’est à cette dernière de s’adapter, mais, de fait, ce statut contribue à la baisse des ressources des chambres.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Curieusement, les CMA critiquent moins que les CCI les dernières décisions budgétaires et elles évoquent beaucoup moins souvent leurs difficultés financières que les CCI.

Mme Isabelle Gravière-Troadec. Les prélèvements sont bien moindres.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Certes. Par ailleurs, ainsi que l’a indiqué Mme Vautrin, nous sommes conduits à nous interroger sur les missions des chambres consulaires. À ce sujet, vous avez évoqué, à propos d’Ubifrance, les doublons qui peuvent exister dans le domaine de l’action internationale. Peut-on évaluer la part de celle-ci dans le budget des chambres ?

M. Olivier Mousson. Cette part est identifiable, en tout cas pour l’APCMA. Encore faut-il s’accorder sur ce que recouvre l’action internationale. Dans son rapport, la Cour estime qu’il n’est pas forcément pertinent que l’APCMA développe des actions à l’international. Puisque nous parlons des missions, mieux vaut que ces actions internationales soient limitées à CCI France, en relais des CCIFE.

En ce qui concerne les CCI, il nous est plus difficile de vous répondre, dans la mesure où nous ne disposons pas d’un rapport récent sur le sujet. Néanmoins, le budget de la chambre de commerce de Paris, par exemple – à qui l’on a pris beaucoup d’argent, parce qu’elle dispose de ressources importantes –, est consacré pour moitié aux écoles. Les écoles, les plus prestigieuses, notamment HEC, l’ESCP et l’ESSEC, figurent dans les meilleurs classements mondiaux. Faut-il casser un outil qui, a priori, fonctionne bien ? Mais ce qui est certain, c’est que, dans le contexte de la mondialisation, les écoles doivent être concurrentielles au plan international ce qui suppose des investissements. Dès lors, faut-il faire appel aux alumni, aux entreprises et aux fondations et en faire des institutions totalement privées ? La question du rôle des CCI se pose dans ce domaine, comme elle se pose pour les infrastructures, si les ressources financières ne suivent pas.

Pour le reste, il me semble qu’une représentation des artisans et des entreprises est nécessaire et qu’il s’agit de deux fonctions distinctes. Faut-il les fusionner au motif que la mission serait identique ? Je n’en suis pas certain. En revanche, nous sommes persuadés que des économies sont possibles dans le domaine des formalités.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous savons tous qu’il y a eu, dans ce domaine, au cours des quinze dernières années, des non-choix. Quant à la question de la double affiliation, et donc de la double cotisation, elle est souvent évoquée mais n’est jamais résolue.

Par ailleurs, nombre de chambres de commerce considèrent que la contribution à l’éducation fait partie des missions des entreprises, et je ne suis pas certaine que ces dernières souhaitent voir les CCI renoncer à la formation dans la mesure où leurs écoles forment des personnes dont les qualifications correspondent aux besoins des entreprises. De la même façon, nous savons que les artisans restent attachés à leur CFA. Il s’agit d’un sujet de fond. Si les chambres abandonnent la formation initiale et ne conservent que la formation continue, on change de paradigme…

M. Guy Piolé. J’hésite à m’engager sur un terrain qui n’a pas fait l’objet d’une expression collégiale de la Cour, mais nous avons tous en tête des départements qui comptent deux chambres de commerce et d’industrie distantes de seulement trente kilomètres. Je pense donc que le regroupement de ces structures, ainsi que des corps électoraux – car, dans certains ressorts, on peut s’interroger sur la réelle représentativité des élus – représente un gisement d’économies.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. J’ajoute qu’il faut prendre en compte la nouvelle carte des régions. Du reste, les CCI et les CMA ne nous ont pas attendus pour travailler sur le sujet. Mais il n’existe pas d’unanimité sur les choix à faire : certains privilégient une approche régionale avec une seule chambre départementale, d’autres préfèrent conserver les structures liées aux anciennes régions. Tout cela n’est pas encore tranché, mais vous avez parfaitement raison : il est nécessaire de rationaliser et de mutualiser, ne serait-ce que pour améliorer la lisibilité de l’organisation des réseaux.

Mme Isabelle Gravière-Troadec. Je me permets de revenir sur un point évoqué tout à l’heure pour vous apporter quelques précisions. Il s’agit du rapport sur la CMA de Seine-Saint-Denis, dans lequel la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France indique qu’en pratique, les chefs d’entreprise peuvent effectuer directement leurs formalités au greffe afin d’obtenir un extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés plus rapidement qu’en passant par le centre de formalités des entreprises de la CMA de Seine-Saint-Denis. Cette procédure accélérée leur permet surtout de ne pas acquitter de frais d’inscription au CFE – 125 euros – et de ne pas suivre le stage de préparation à l’installation. La chambre relève du reste que le nombre des stagiaires a chuté de plus de 32 % entre 2009 et 2013. Par ailleurs, la CRC a pris acte du fait que, dans la perspective du recouvrement de ressources complémentaires pour améliorer sa situation, la CMA avait entrepris trois actions : sensibiliser les entrepreneurs à la nécessité de créer administrativement leur entreprise une fois celle-ci immatriculée au greffe et se rapprocher du greffe du tribunal de commerce de Bobigny pour limiter les cas de saisine directe de ce dernier, compte tenu du manque à gagner qui en résulte pour la CMA ; la dernière action concerne la question de la radiation des entreprises immatriculées.

Enfin, et c’est le seul rapport dans lequel il est fait mention de cette question, la CRC note que le statut d’auto-entrepreneur connaît des fluctuations importantes, sans plus de précisions.

M. Guy Piolé. Si la gestion des ressources humaines n’est pas un sujet qui vous intéresse directement, j’appelle néanmoins votre attention sur le fait que, dans bon nombre de cas, des indemnités de départ sont versées à des personnels et que les contentieux sont abondants. Il y a donc peut-être, là aussi, des sources d’économies importantes.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez raison. Du reste, il nous a été expliqué tout à l’heure que le solde net des mutualisations était, sinon nul, du moins peu important dans la mesure où des personnels avaient été refléchés et d’anciens cadres dirigeants avaient retrouvé des fonctions opérationnelles. Il serait donc intéressant, en effet, que nous prenions connaissance des éléments les plus saillants des rapports des CRC en ce qui concerne la gestion des ressources humaines. Le coût, pour les budgets de fonctionnement, de ruptures transactionnelles, par exemple, peut avoir des conséquences non négligeables sur l’augmentation des charges.

Nous vous remercions pour cette audition particulièrement intéressante.

Audition du 13 mai 2015

M. Pierre Giacometti, secrétaire général de FO-CCI, de Mme Christine Andry, déléguée syndicale FO-CCI Lorraine et de M. Djemel Ogbi, enseignant à la CCI de Paris-Île-de-France

M. le président Olivier Carré. Nous poursuivons cet après-midi les travaux de la MEC sur les réseaux consulaires.

M. Pierre Giacometti, secrétaire général de Force ouvrière du personnel des chambres de commerce et d’industrie (FO-CCI). Je voudrais tout d’abord remercier la mission de nous recevoir. Le personnel des CCI se montre particulièrement attentif aux évolutions en cours et a l’impression d’être laissé pour compte. En effet, contrairement à ce que l’on entend souvent, ces agents font leur travail, obtiennent d’excellents résultats et déploient des compétences que l’on ne peut remettre en cause. Par exemple, dans les années 1970, les CCI ont joué un rôle primordial dans la politique de l’apprentissage, domaine important du dispositif général de lutte contre le chômage, et cette tradition se retrouve aujourd’hui dans d’excellentes écoles comme l’école Ferrandi.

Nous sommes inquiets car, comme vous l’avez vous-même rapporté, monsieur le président lors de la première réunion de cette mission, si certaines personnes reconnaissent l’efficacité du réseau des CCI, d’autres pensent qu’il a fait son temps. Un conseiller de M. Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, m’avait demandé en juin dernier à quoi servaient les CCI… Au sein de ces dernières, plus on monte dans la hiérarchie de l’encadrement et plus on entend que les chambres ne présentent aucune utilité. Si l’on veut restaurer la confiance au sein du personnel, il faudrait d’envoyer des signes positifs et rompre avec la pratique des dernières années.

Sur la question des ressources, nous vous avons préparé un tableau. Pour ne citer que la situation de la Corse : M. Christophe Mirmand, préfet de Corse-du-Sud et de la région Corse, a menacé de placer la CCI d’Ajaccio sous tutelle renforcée si elle ne présentait pas un budget équilibré, alors que 3,5 millions d’euros lui avaient été prélevés quelques semaines auparavant. On déséquilibre la trésorerie de la CCI, puis on lui demande des comptes et, enfin, on met l’accent dans la presse sur l’excès de sa masse salariale.

Nous nous sommes prononcés contre cette pratique des prélèvements de fonds de roulement, car cet argent doit permettre aux CCI de réaliser les investissements prévus. En outre, afin de pouvoir garantir l’emploi, nous sommes opposés à la baisse de la taxe pour frais de chambre (TFC), qui constitue la première ressource du budget des CCI.

M. Djemel Ogbi, enseignant à la CCI de Paris-Île-de-France. Nous n’avons pas encore de visibilité précise sur les conséquences sur les personnels. Il faut savoir qu’un plan de départs se traduit par des cessations d’un commun accord de la relation de travail (CCART) – ce qui équivaut à une rupture conventionnelle privée – et par des congés de transition, qui permettent à des agents de partir à la retraite trois ans avant la date prévue. À la CCI Paris-Île-de-France, 327 demandes officielles ont été formulées, dont les deux tiers pour des CCART. En province, il semblerait que la répartition entre le dispositif du congé de transition et celui de la CCART soit l’inverse de celle constatée dans la région francilienne.

Mme Christine Andry, déléguée syndicale FO-CCI Lorraine. En Moselle, l’effectif a diminué de 40 % en un an et demi, cette baisse ayant pris la forme, dans 40 % des cas, d’une CCART.

M. Djemel Ogbi. M. Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France, a annoncé, lors de son audition par votre mission le 31 mars dernier, qu’un plan social supprimant des centaines d’emplois pourrait être mis en œuvre en septembre prochain. Quel est l’avenir des personnels ? Beaucoup d’agents se montrent très préoccupés pour leur futur, à tel point qu’un certain nombre d’entre eux ont préféré prendre les devants et quitter leur CCI, parfois sans aucune piste d’emploi alternative. Cette hémorragie laisse ceux encore en place sous une pression accrue, ce qui pourrait favoriser les cas de burn-out, les risques étant déjà assez élevés dans les services commerciaux, qui doivent atteindre des objectifs chiffrés.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Députée de la majorité, dans le cadre du budget pour 2015 et de celui en préparation pour 2016, j’ai participé aux discussions sur la manière dont on pourrait réduire les déficits. L’objectif est de diminuer la dépense globale, et les CCI sont sollicitées pour participer à cet effort général. Pour autant, nous sommes conscients des difficultés que cette politique induit et nous avons voulu cette mission, car nous avons perçu un manque de dialogue et de compréhension.

Nous devons sortir d’une vision purement budgétaire pour se pencher sur les missions des CCI puisque de nouvelles économies devront être inéluctablement consenties. Vos employeurs, les chefs d’entreprise élus dans les chambres, nous ont fourni des pistes intéressantes en ce sens, notamment dans l’optimisation des fonctions de support. Nous devons étudier les conditions dans lesquelles les missions des chambres seront effectuées.

Certaines chambres, notamment celle de Corse, ont pointé des dysfonctionnements sérieux dans le prélèvement de la TFC, et le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique suit ce dossier et reçoit des présidents de chambres ; j’espère que des réponses pourront être apportées avant la fin des travaux de la mission.

Les chefs d’entreprise disent souvent ne pas connaître les chambres consulaires. D’ailleurs, le taux de participation à l’élection de leurs représentants ne dépasse pas 17 % ! Notre travail ne consiste donc pas seulement à rechercher la façon d’ajuster les comptes, mais également à se poser cette question capitale : quelles missions prioritaires doivent remplir les CCI pour rendre service au plus grand nombre d’entreprises ?

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous avons bien compris l’inquiétude des personnels des CCI.

Le Gouvernement a déposé des amendements au Sénat au projet de loi porté par M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Que pensez-vous de l’évolution de l’organisation des CCI formulée par ces propositions ?

M. Pierre Giacometti. Je n’ai pas eu le temps de les étudier, mais il faudra des hommes et des femmes pour remplir les missions des CCI. Or, dans quel état se trouvent aujourd’hui leurs personnels ?

La loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services s’est avérée très coûteuse pour les agents des CCI. Elle a été adoptée deux ans après une nouvelle classification qui a eu pour conséquence la disparition presque complète de toute mobilité professionnelle – ainsi, seuls 6 % des membres du personnel changent de qualification ou d’indice chaque année. Depuis cinq ans, le gel du point a induit une baisse de la valeur de celui-ci de 10 %. En outre, certains agents et les retraités doivent désormais payer leur mutuelle, ce qui représente une dépense de 50 à 80 euros par mois pour ces derniers. La loi de 2010 a, enfin, éliminé l’ensemble des acquis locaux, et je ne connais pas d’autre exemple d’effacement de cinquante ans d’acquis en une seule année. Je vous ai transmis un document montrant que cette mesure faisait perdre entre 20 000 et 65 000 euros à certains agents, soit une baisse de revenu de 200 à 300 euros par mois.

Les CCI, après avoir perdu la gestion des ports et des aéroports, devaient conserver la formation continue car elle constituait le cœur de leur activité ; or un récent rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) la présente comme un service industriel et commercial vivant de la facturation et qu’il faudra rentabiliser ou abandonner. Les agents sont donc méfiants, et la confidentialité du rapport de l’IGF n’est pas de nature à les rassurer. La lecture de ce document suscite une question brutale : que va-t-il rester aux CCI en 2017 ? Certaines missions, considérées comme marchandes, doivent être abandonnées – celles menées pour les palais des congrès, les petits ports de commerce et de pêche, et les services de formation continue. Un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement et une autre diminution de la TFC nourriront la certitude de nouveaux licenciements. Nos présidents et nos élus ont d’ailleurs annoncé la suppression de 6 000 à 7 000 emplois, ainsi que la privatisation des écoles de commerce, rendue possible par le nouveau statut de société anonyme à objet éducatif créé par la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. Ce dernier texte menace des milliers d’agents qui seraient placés à la disposition de sociétés anonymes et finiraient par ne plus avoir de poste au bout de deux ans.

M. Macron s’est vanté d’avoir conduit une réforme sans mouvement social, mais il n’est pas impossible que FO, en lien avec la CGT et la CFE-CGC, ne soit amenée à déposer un préavis de grève. Celui-ci ferait d’ailleurs suite à l’arrêt de travail du 22 septembre dernier, qui coïncidait avec la réunion de la CPN.

Mme Christine Andry. Nous évoquons des chiffres parce que ce sont des données que l’on nous oppose : on nous dit que la réduction budgétaire atteindra 20 % et qu’un cinquième des emplois seront donc supprimés.

Je travaille depuis trente ans dans une CCI, et l’on constate depuis quinze ans la faiblesse du taux de participation aux élections des représentants. On a même demandé au personnel de s’investir dans des campagnes de propagande pour sensibiliser les chefs d’entreprise à l’importance de ces scrutins.

Les personnes créant une entreprise, souhaitant développer leur activité à l’étranger ou rencontrant des difficultés sollicitent les CCI, qui ont toujours été très présentes à leurs côtés. Nous avons aussi assuré le lien entre le Gouvernement et les entreprises lorsque le cadre juridique évoluait. Il conviendrait que les CCI continuent d’exercer ces missions.

En Lorraine, on nous a demandé de devenir des commerciaux. Cette évolution requiert du temps lorsque l’on a été, pendant des années, un agent public assurant un service gratuit aux entreprises. Une période de transition s’avère d’autant plus nécessaire que les chambres de commerce n’ont pas de vision budgétaire à trois ans. Ce flou rend plus complexe l’adaptation des agents et crée une souffrance chez eux. Le personnel est perdu, car on le désorganise, par exemple en le régionalisant. La visibilité est indispensable au bon fonctionnement des CCI, celles-ci ayant toute légitimité pour continuer à exister.

M. Pierre Giacometti. Le dialogue social pâtit de la limitation à six membres de la composition de la CPN. Il y a quatre ans, cette dernière était encore reconduite d’une année sur l’autre sans être élue, si bien que deux organisations syndicales l’ont dirigée pendant soixante ans. La loi de 2010 a institué l’élection de la CPN, mais la limitation à six du nombre d’élus induit, par exemple, l’absence de la CGT, alors que cette organisation obtient de bons résultats dans différents collèges. Certains corps de la fonction publique composés de 25 000 à 30 000 agents, soit environ le même effectif que celui des CCI, disposent d’un comité technique national (CTN) de 25 à 30 membres, qui permet la représentation de toutes les organisations syndicales, cette présence leur garantissant des droits. Dans le système des CCI, on peut n’avoir aucun élu en obtenant 40 % des voix et être ainsi exclu du dialogue social.

Notre statut présente des lacunes très importantes, et nous sommes isolés car les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) s’avèrent la plupart du temps incapables de répondre à nos demandes. En outre, le service juridique de CCI France ne travaille que pour les chefs d’entreprise et pas pour les personnels des chambres. Les délégués syndicaux obtiennent ainsi peu de réponses à leurs questions, ce qui permet aux employeurs d’avoir très souvent le dernier mot.

M. le président Olivier Carré. Nous vous remercions, madame et messieurs, d’être venus nous présenter la position de votre syndicat.

M. Pierre Giacometti. Au nom de Force ouvrière, nous vous remercions de nous avoir reçus.

Audition du 13 mai 2015

Table ronde réunissant des représentants des chambres d’agriculture : M. Claude Cochonneau, président de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, M. Maximin Charpentier, président de la Chambre d’agriculture de la Marne, M. Gérard Renouard, président de la Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle, M. André Sergent, président, et M. Pascal Gourain, directeur, de la Chambre d’agriculture du Finistère

M. le président Olivier Carré. Dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle consacrée aux réseaux consulaires, nous avons déjà entendu M. Guy Vasseur, président de l’Assemblée permanente des chambres d'agriculture. Nous avons souhaité, comme pour les autres réseaux consulaires, entendre directement des responsables de chambres, afin de savoir comment chacune analyse, sur son territoire, l’évolution des réseaux consulaires.

Nous vous remercions de nous donner votre appréciation sur les conséquences des différentes décisions prises dans le cadre des différentes lois de finances et de nous indiquer votre regard sur l’avenir de vos chambres. Comment réagissez-vous à la baisse annoncée de vos recettes et comment envisagez-vous de la gérer ? Comment, par ailleurs, travaillez-vous avec les chambres de commerce et d’industrie (CCI) ou avec les chambres de métiers et de l’artisanat et comment les ponts entre les trois réseaux s’organisent ?

Il ressort de nos précédentes auditions que des changements sont d’autant plus nécessaires que la situation sur le territoire est hétérogène : si certains acteurs se sont déjà largement engagés dans leur réorganisation, d’autres, au contraire, semblent plutôt subir les évolutions.

M. Claude Cochonneau, président de la chambre d'agriculture des Pays de la Loire. En préalable, je précise que la chambre que je préside est une chambre régionale.

Le réseau des chambres d'agriculture s’est mis en mouvement depuis le congrès de Beaune en 2008, où chacun avait pu noter la place plus importante que les régions étaient destinées à prendre. C’est pourquoi les chambres d'agriculture ont œuvré à mieux organiser leur réseau au plan régional, non pas en ignorant le niveau départemental mais en donnant un rôle plus important à l’établissement de niveau régional. Lorsque le Gouvernement nous a imposé la réforme du réseau par le biais des mesures budgétaires, le mouvement de régionalisation et de mutualisation était donc déjà engagé mais de manière inégale, toutes les régions n’ayant pas fait preuve du même engouement à accompagner ce mouvement. De ce fait, le réseau ne se trouve pas au même niveau de restructuration.

Ce n’est jamais le bon moment d’engager une telle réforme, mais il est particulièrement mal choisi pour les chambres qui s’étaient montrées réticentes à la régionalisation, d’autant que la réforme du financement doit se faire parallèlement au redécoupage des régions. Cette double réforme n’est pas de nature à apporter de la sérénité aux débats. Cependant, si les débats et les votes à l’unanimité lors des sessions des chambres d'agriculture traduisent cette inquiétude, ils montrent aussi la volonté de se restructurer.

Le prélèvement sur les fonds de roulement a été ressenti par certaines chambres comme une punition pour la bonne gestion de leur établissement, ce qu’on peut aisément comprendre en cas de prélèvement important. Quant à la baisse des ressources fiscales, elle est source de difficultés dans la région Pays de la Loire comme dans les autres régions. Si les chambres d'agriculture comprennent qu’elles doivent participer à l’effort commun, cette baisse est mal vécue au moment où il leur est demandé de remplir de nouvelles missions auparavant dévolues à l’État, ainsi en matière d’installation des exploitants.

Les relations avec les autres réseaux consulaires sont plus que diplomatiques ou amicales dans la mesure où nous menons des actions communes. Ce serait en revanche une erreur de fusionner les différents réseaux. Nos publics et nos modes de fonctionnement sont différents et sur le plan pratique, il est impensable de remplir les missions auprès des agriculteurs dans le cadre d’un seul réseau consulaire.

Si les différentes chambres consulaires mènent déjà des actions communes sur des sujets transversaux, tels que l’impact de l’économie sur le climat ou l’aménagement du territoire, une fusion est inenvisageable.

M. Maximin Charpentier, président de la chambre d'agriculture de la Marne. Les chambres d'agriculture représentent un outil très performant et indispensable pour le développement de l’agriculture et l’organisation du territoire. En effet, l’agriculture doit accomplir une mutation sans équivalent depuis quarante ans. Dans les années 1970, le monde agricole était chargé d’une mission alimentaire ; aujourd'hui il doit remplir de nouvelles et multiples missions très importantes Les chambres doivent accompagner cette mutation. L’agriculture mondiale ne doit pas seulement nourrir quelque 9 milliards d’habitants, elle doit jouer un rôle en matière de biens de consommation non alimentaires comme en matière d’aménagement du territoire ou de carbone vert. Seule la photosynthèse étant renouvelable sur la planète, le monde agricole doit être informé du rôle qu’on lui demande de jouer. Rappelons aussi que les agriculteurs occupent la plus grande partie du territoire : ils peuvent donc avoir une grande influence sur les décisions qui seront prises en matière de protection de l’environnement. Je suis un jeune président de chambre d'agriculture : j’ai quarante ans. Tels sont les défis qui me motivent.

Toutefois, même une chambre d'agriculture de la taille de celle de la Marne ne saurait les relever seule. Elle doit inévitablement mutualiser ses moyens pour être plus efficiente. C’est ce que nous avons commencé à faire, il y a deux ans, dans le cadre de la région Champagne-Ardenne : nous avons ainsi dépensé à cette fin 200 000 euros en conseil pour une meilleure organisation. Or nos efforts engagés ces deux dernières années n’ont pas été facilités car notre périmètre n’a cessé d’évoluer, la Champagne-Ardenne s’est vue successivement rattachée à la Picardie, puis à la Lorraine, puis à la Lorraine et à l’Alsace. Nous sommes néanmoins convaincus de l’intérêt de la mutualisation comme seul moyen de rendre plus efficace notre action – cette conviction est partagée sur le terrain – et nous n’avons pas diminué nos efforts.

L’équation budgétaire a également compliqué notre tâche. Pour la chambre d'agriculture de la Marne, l’écart moyen entre la baisse de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti (TAFNB) et l’augmentation des salaires annuels s’élève à 300 000 euros par an. Sur trois ans, sur un budget annuel de 8 millions d’euros, il faut trouver presque 1 million – ce qui représente une somme importante, compte tenu de l’écrêtement des fonds de roulement et des difficultés de trésorerie liées aux avances pour la réalisation de projets.

Si nous sommes convaincus de la nécessité de participer à l’effort commun, nous avons besoin de visibilité, s’agissant en particulier du périmètre des futures régions – ce qui n’est pas encore complètement le cas. La question est majeure pour les agriculteurs qui nous sollicitent en matière de méthode de production ou pour faire face à une perte de compétitivité. Nous devons d’autant plus conserver nos moyens que ceux des directions régionales de l’agriculture et de la forêt (DRAF) ou des directions départementales des territoires (DTT) ont diminué. Dans la Marne, compte tenu de la charge de travail du seul fonctionnaire des services de l’État chargé d’expliquer aux intéressés la complexité de la politique agricole commune, la chambre d'agriculture dû prendre la main pour répondre à l’angoisse – véritable – des agriculteurs. Ce sentiment est d’ailleurs partagé par l’administration et les chambres d'agriculture qui parviennent heureusement à mener un travail commun efficace et réactif et ainsi pallient les conséquences des baisses budgétaires affectant tous les services. Il conviendrait cependant de ne pas tout déstabiliser dans cette période de mutations où chacun a besoin de visibilité.

S’agissant des relations avec les autres chambres consulaires, nous travaillons sur le terrain, sur la base de projets : chaque partenaire vient avec ses compétences, ses réseaux et sa vision, ce qui nous permet d’être complémentaires. La fusion en un seul réseau aurait pour effet de niveler les compétences par le bas.

M. Gérard Renouard, président de la chambre d'agriculture de Meurthe-et-Moselle. Ce n’était effectivement pas le moment de diminuer les moyens des chambres d'agriculture, alors que l’agriculture française doit prendre un virage très serré et ne doit pas sortir de la route. Elle est capable, si on lui en donne les moyens, de relever un grand nombre des défis auxquels lui demande de répondre la société civile, qu’il s’agisse de l’alimentation – en termes de suffisance ou de qualité –, de la question énergétique, de l’aménagement du territoire ou de la gestion de la biodiversité. C’est pourquoi, plutôt que de diminuer les moyens des chambres, il aurait été préférable de leur en donner davantage.

Je suis également président d’une organisation non gouvernementale consacrée au développement international : dans ce cadre, je promeus le modèle français de développement au moment même où c’est un gouvernement socialiste qui le remet en cause sur le territoire français. Notre modèle a en effet pour caractéristique de permettre à l’ensemble du monde paysan, sans exclusive, d’accéder aux schémas de développement dans le cadre d’un système mutualisé dont les bases sont le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), les chambres d'agriculture et le financement par l’impôt. Or l’effort qui nous est demandé – remplir les mêmes missions avec moins de recettes – nous conduit non seulement à réduire nos charges mais surtout à passer d’un système mutualisé à un système facturé, qui ne sera accessible qu’aux plus fortunés et laissera sur le bord du chemin de nombreux paysans exclus des schémas de développement et de tous les dispositifs permettant à chacun de s’engager dans des voies de progrès. Cette privatisation de nos services sera préjudiciable à un modèle que j’étais fier de défendre au-delà de nos frontières.

Par ailleurs, est-il normal que notre participation à la résorption du déficit budgétaire national se traduise par la mise au chômage de nos collaborateurs ? L’ambiance au sein des chambres d'agriculture est délétère, chacun d’entre eux se demandant s’il sera le prochain sur la liste. Pour trouver 100 000 à 150 000 euros supplémentaires d’une année sur l’autre, chercher de nouvelles recettes ou resserrer encore les charges ne sont plus des moyens suffisants : il nous faudra mettre en œuvre à des plans sociaux, ce qui est dommageable dans un pays qui additionne les mauvais chiffres du chômage. C’est une idée d’autant plus mauvaise que nous manquons déjà de collaborateurs pour rendre les services découlant des réglementations de la politique agricole commune. Comment faire comprendre à des salariés qui dépassent déjà l’horaire légal que nous devrons nous séparer de certains d’entre eux ?

Une partie de la solution passe par la mutualisation, dans laquelle nous étions déjà très engagés dans le cadre des précédentes régions. Or avant même que ce chantier ne soit achevé, nous devons changer le périmètre de nos régions, ce qui engendrera des surcoûts dont nous n’avons plus les moyens – il faut savoir en effet que la mutualisation ne permet de réaliser des économies que dans un second temps. Notre légalisme nous conduira évidemment à fournir tous les efforts qui seront exigés de nous. Soulignons que les nouvelles régions rassemblent des territoires très différents, notamment au plan culturel – un Champenois ou un Ardennais n’est ni un Lorrain ni un Alsacien.

M. le président Olivier Carré. Nous sommes tous français !

M. Gérard Renouard. Nous y arriverons néanmoins. Il existe de nombreuses occasions et lieux de rencontre et de travail pour les représentants des différentes chambres consulaires, que ce soit à l’initiative de la puissance publique ou des collectivités territoriales. Toutefois, les chambres n’organisent pas vraiment un travail d’ensemble construit. On est plus dans les relations personnelles et il y a encore des marges de progrès.

M. le président Olivier Carré. Les chambres consulaires sont complémentaires…

M. Gérard Renouard. En Meurthe-et-Moselle, c’est surtout vrai s’agissant de la chambre d'agriculture et de la chambre des métiers et de l’artisanat – nous entretenons moins de relations avec les chambres de commerce et d’industrie car nos dimensions ne sont pas les mêmes. La chambre de métiers et de l’artisanat a même pris l’habitude de nous solliciter car elle estime que notre système de développement peut servir de modèle.

Nous poursuivons nos réflexions relatives à notre mode de fonctionnement. Nous sommes en effet entourés d’organisations professionnelles toutes très performantes. Dans un climat de plus en plus concurrentiel, nous nous disputons un même public, le public paysan. Il serait dommage que la diminution des moyens des chambres d'agriculture conduise à instaurer un système à ce point marchand que nous en arrivions à ne voir dans nos partenaires que des concurrents, voire des ennemis, alors que l’organisation professionnelle est exemplaire lorsqu’elle repose sur la solidarité et promeut un modèle mutualisé. La profession agricole ne gagnera rien à ce que les différents partenaires – coopératives, organisations de services – deviennent des compétiteurs.

M. Claude Cochonneau. Les tableaux de bord des comptes consolidés des Pays de la Loire depuis 2008 – ils sont à votre disposition – confirment que la mutualisation exige d’abord une phase d’investissement avant de se traduire par des économies – s’il est du moins possible de comparer des années dont les périmètres ne sont pas identiques. De la même façon, la construction du nouveau cadre régional ne permettra pas, dans un premier temps, de réaliser des économies.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. M. Charpentier a évoqué la chimie verte et plus généralement les nouveaux modes de production. Quels coûts ces évolutions représentent-elles ? Les prélèvements que vous avez subis vous empêcheront-ils de procéder à certains investissements ?

M. Maximin Charpentier. Le département de la Marne et la région Champagne-Ardenne accompagnent depuis dix ans le pôle de compétitivité agro-ressources : c’est du reste la chambre d'agriculture qui a été à l’initiative de sa création. C’est la preuve du rôle d’interface que jouent les chambres d'agriculture en matière d’innovation. Nous avons dépensé 200 000 euros dans un rapport sur l’organisation de la recherche, en relation avec l’avenir de la base aérienne 112 située à côté de Reims. Il convient d’autant plus d’organiser la recherche pour promouvoir l’innovation en agriculture qu’aucun organisme, qu’il s’agisse de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), des différents instituts ou des chambres d'agriculture, ne peut rien tout seul. Tous les acteurs doivent travailler ensemble car l’innovation dépend de leur complémentarité. Le rôle d’interface des chambres d'agriculture vise à associer au mieux les organismes de recherche à la production agricole. Je suis en relation avec le président de l’université de Champagne-Ardenne qui a pour projet d’orienter son université vers la bio-économie. Sans le relais très performant que sont les chambres d'agriculture, il ne pourra pas développer son projet. Le rapport que nous avons commandé révèle en effet que les chercheurs de l’INRA se spécialisent dans leur domaine, leurs publications leur permettant d’être reconnus au plan international et d’obtenir les budgets nécessaires à la poursuite de leurs recherches. De ce fait, ils délaissent tout un pan de leur activité en termes de transferts de connaissances ou d’essais monofactoriels, que l’INRA – qui n’en a plus les moyens – nous demande d’assumer à sa place. Si les chambres d'agriculture et l’organisation agricole ne constituent pas un relais performant entre le monde de la recherche et celui de la production agricole, alors nombreuses seront les innovations qui ne seront pas appliquées ou qui auront été développées en vain car elles ne sont pas transposables. Tel est le sujet du cluster que nous réalisons actuellement sur le pôle de compétitivité.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Dans quelle mesure les prélèvements sur fonds de roulement et les baisses de recettes que vous avez déjà subis ou qui sont à venir affectent-ils vos investissements ? Nos précédentes auditions nous conduisent à penser que les chambres d'agriculture sont moins affectées par leurs baisses de recettes que les CCI ou les CMA qui doivent notamment gérer des centres d’apprentissage.

M. André Sergent, président de la chambre d'agriculture du Finistère. Le chiffre d’affaires de la chambre d'agriculture du Finistère s’élève à 15 millions d’euros, dont la moitié provient de la TAFNB. Une baisse de 2 % de celle-ci se traduit donc par une perte de 150 000 euros.

En 2001, la chambre d'agriculture du Finistère employait 220 équivalents temps plein (ETP) : elle n’en emploie plus que 130, sans que nous ayons eu à procéder pour autant à un plan social. En effet, lorsque nous sommes arrivés, nous avons décidé de diminuer la charge en personnels, qui représentait entre 60 % et 70 % de notre budget. La régionalisation des chambres d'agriculture de Bretagne a permis de réduire le personnel sur l’ensemble de la région, au bénéfice de la chambre régionale qui emploie aujourd'hui quelque 150 ETP. Or, dans le même temps, les collectivités territoriales ont procédé à des embauches, par exemple d’ingénieurs des chambres d'agriculture, afin de promouvoir sur le terrain un certain type d’agriculture. Cela s’est fait avec l’argent public et je ne comprends pas la logique de cette démarche.

Le président d’une chambre d'agriculture doit d’abord se poser la question des réformes qu’il convient de mettre en œuvre pour accroître l’utilité de la chambre sur le terrain. En Bretagne, la régionalisation s’est effectuée dans une logique de mutualisation des ressources et des travaux, en matière notamment d’expertise et de recherche, les économies réalisées devant nous permettre d’accroître notre présence dans les territoires. Si les restrictions budgétaires ne nous permettent plus d’y être suffisamment présents, le risque est que nous disparaissions, ce qui serait très grave pour l’agriculture et les agriculteurs. Si nous avons toujours pour objectif de réaliser de nouvelles économies, vous devez toutefois nous donner les moyens de rester présents dans les territoires.

Ainsi, la chambre d'agriculture de Bretagne est très impliquée dans la recherche appliquée, alors que l’INRA est dans une logique de recherche fondamentale. Or nous avons déjà dû renoncer à certains outils et nous allons devoir le faire encore. Je tiens à tirer le signal d’alarme. Mes fonctions me donnent l’occasion de voyager et je constate que nos voisins ne diminuent pas leur effort de recherche. Il ne faudrait pas qu’en pleine période de mutation la recherche devienne le parent pauvre de l’agriculture. La recherche appliquée exige des investissements que la profession seule ne peut financer. Nous avions le soutien des conseils régionaux et les conseils départementaux : que vont devenir ces derniers ? Sachez que le budget de la recherche s’élève en Bretagne à 10 millions d’euros, 3 millions provenant des ressources fiscales.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Lors de son audition devant notre mission, la Cour des comptes a pointé le fait que vous manquiez de recettes : ne conviendrait-il pas de rendre le système plus juste, en l’appuyant peut-être sur le chiffre d’affaires ou en recherchant d’autres recettes que la TAFNB.

M. André Sergent. Le système actuel, qui est ancien, prend pour base l’hectare, ce que certains trouvent injuste, car le chiffre d’affaires à l’hectare dépend de l’activité agricole qui y est pratiquée.

Je voudrais rappeler que les économies découlant d’une baisse de la fiscalité sont infimes pour les exploitants agricoles propriétaires alors qu’une telle baisse peut avoir de graves conséquences sur le réseau – entendez-moi bien : je ne plaide pas non plus pour une augmentation des taxes.

Faut-il regarder du côté de la vente de nos prestations ? Nous sommes dans un monde qui exige toujours plus de compétitivité. Peut-être les chambres d'agriculture ne sont-elles pas suffisamment compétitives par manque d’organisation. Le problème est complexe.

M. Gérard Renouard. Mon principal sujet de préoccupation est le service du grand nombre sans exclusive ni sélection. Servir chacun engendre nécessairement des surcoûts. Il est impossible de demander à une chambre d'agriculture d’être compétitive dans le service qu’elle apporte à l’ensemble des paysans par rapport à des acteurs qui, eux, sélectionnent leur clientèle. Les chambres d'agriculture doivent conserver cette dimension sociale, qu’on ne saurait exiger d’une organisation à caractère commercial. Quelle part, dans l’activité des chambres d'agriculture, doit être réservée à la solidarité ? Comment prendre en compte les considérations budgétaires ?

Je rappelle que le financement du compte d’affectation spéciale du développement agricole et rural repose sur le chiffre d’affaires – l’imposition s’élève à 0,39 % de celui-ci.

Il n’est pas aisé d’imaginer de nouvelles ressources pour les chambres, en dehors du développement de la facturation des services. Il serait également possible d’entrer dans une logique patrimoniale, laquelle est pour l’instant totalement étrangère aux chambres d'agriculture, alors que les CCI possèdent déjà un patrimoine immobilier.

M. le président Olivier Carré. Certaines chambres d'agriculture sont déjà entrées dans une telle démarche.

Il est vrai, toutefois, que l’état d’esprit du monde agricole français a pour spécificité de reposer sur la coopération, le partage et la confiance mutuelle : cette culture vous permet de dépasser la simple logique marchande.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Le phénomène coopératif est aussi un spécificité du modèle français et influe sur le modèle industriel comme le montrent, par exemple en Champagne, la constitution de groupes coopératifs comme Agri-industriels Vivescia – ex-Champagne-Céréales – ou Cristal Union. Nous avons à mener une réflexion sur l’émergence d’un tel modèle industriel qui va plus loin que le simple modèle coopératif.

M. Claude Cochonneau. Si le système de financement actuel des chambres d'agriculture reposant sur l’hectare n’est pas parfait, il n’est pas non plus injuste : il convient de considérer les missions transversales d’aménagement et d’installation qui peuvent s’évaluer à l’hectare. Les entreprises qui réalisent un fort chiffre d’affaires à l’hectare font également appel à davantage de services techniques payants des chambres d'agriculture. Par exemple, le maraîcher achète, à l’hectare, plus de services à la chambre d'agriculture que le polyculteur éleveur. De plus, la part de l’impôt représente entre un quart et la moitié du budget de la chambre – un tiers en moyenne. Qu’un tiers du budget soit consacré aux missions transversales n’a rien de choquant.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Est-il possible d’évaluer les charges générées par les nouvelles missions qui vous incombent ? Certaines sont plus consommatrices que d’autres, notamment en temps ou en matière grise…

M. Claude Cochonneau. Il est facile de chiffrer, par exemple, la reprise des missions et des personnels ADASEA (Association départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles). Nous pourrions également évaluer d’autres missions.

M. Maximin Charpentier. On nous charge de certaines missions du jour au lendemain, comme celle d’accompagner les agriculteurs en difficulté. Toutes cultures confondues, l’année 2014 a été catastrophique en termes de cours, si bien qu’un très grand nombre d’agriculteurs sont à l’heure actuelle en difficulté. Or plus nous les aidons en amont, plus grande est notre chance de les sauver : à l’heure actuelle, 10 % des agriculteurs des deux centres de gestion de la Marne étant en « zone orange » – il faut savoir qu’un centre de gestion regroupe 300 exploitants –, on nous demande de trouver 150 000 euros pour les accompagner, alors que nos moyens diminuent. Comment allons-nous faire ?

M. le président Olivier Carré. Nous entendons votre message.

M. André Sergent. En Bretagne, le nombre des salariés agricoles est devenu plus important que le nombre des exploitants, qui baisse régulièrement. Dans ce contexte, pour conserver notre production, nous devons former un grand nombre de jeunes aux nouvelles technologies. La formation est devenue une de nos missions majeures : comment l’assumer si nous n’en avons plus les moyens ?

M. Gérard Renouard. La formation est un domaine où les chambres consulaires ont intérêt à construire une collaboration efficace. D’ailleurs, lorsqu’elles entrent en concurrence, le conseil régional, qui pilote l’ensemble du dispositif de formation continue, leur demande de se mettre d’accord et arbitre.

M. Maximin Charpentier. Le monde agricole a intérêt à utiliser les leviers que constituent les programmes qui, comme les programmes d’investissement d’avenir (PIA), reposent sur des cofinancements. Cette démarche exigeant d’entrer dans une logique de projets répondant à des besoins de terrain, les chambres d'agriculture devraient pouvoir être associées à la rédaction des cahiers des charges. Cela permettrait d’aider au financement de projets dans les territoires.

M. Gérard Renouard. La question de l’imposition du foncier non bâti a été évoquée : il est bon de rappeler aux propriétaires que le bon état de l’agriculture, qui dépend lui-même du bon travail des chambres d'agriculture, se manifeste pour eux par l’augmentation du prix de la terre. Ils ne sont donc pas totalement perdants !

M. le président Olivier Carré. Je vous remercie, messieurs.

Audition du 13 mai 2015

Table ronde réunissant des représentants des syndicats de salariés du réseau des chambres de commerce et d’industrie : Mme Jeannine Marty, de la CGT CCI Paris-Ile-de-France, M. Gilles Morisseau, président de l’UNSA-CCI, Mme Sylvia Vuarnet, présidente de la CFC-CGC réseaux consulaires, conseillère technique à la Commission paritaire nationale, Mme Laurence Dutel, secrétaire générale de la CFDT-CCI, M. Martin Gazzo, secrétaire général adjoint de la CFDT-CCI, M. Fabrice Kaluzny, directeur équipement et territoires de la CFE-CGC, Mme Fatiha Fadil, de la CGT CCI.

M. le président Olivier Carré. Nous auditionnons maintenant des représentants de syndicats de salariés du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) : l’UNSA, la CGT, la CFDT et la CFE-CGC. Pourriez-vous nous rappeler quelles ont été les conséquences des décisions, prises par l’État, de prélèvement sur les fonds de roulement des CCI et de diminution progressive de leurs recettes ? Comment cela a-t-il été vécu par le personnel ? Il nous importe de savoir comment cette situation est ressentie, comment l’avenir peut se construire avec les femmes et les hommes que vous représentez et comment vous réagissez aux remarques des présidents des CCI que vous servez. À quel point aussi la façon dont les services rendus aux entreprises est hétérogène sur le territoire.

Mme Jeannine Marty, de la CGT CCI Paris-Ile-de-France. Je vous remercie de nous avoir invités, d’autant plus chaleureusement que la CGT, bien que syndicat représentatif au niveau national, a rarement le droit de parole en commission paritaire nationale. Notre syndicat est exclu, en outre, de tous les groupes de travail nationaux au sein du réseau consulaire.

J’insisterai sur les points les plus importants : les menaces pesant sur l’emploi au sein du réseau consulaire, la remise en cause de la légitimité et de la lisibilité de ce réseau, la difficulté qu’il y a à faire vivre le droit social consulaire et enfin, l’absence de démocratie syndicale au sein de ce même réseau.

Tout d’abord, depuis des mois, les menaces de licenciements se multiplient : CCI France en a annoncé 6 000 puis 7 000. Devant vous, Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris-Ile de France a annoncé plusieurs centaines de suppressions d’emplois potentielles au sein de la CCI de Paris. Ces licenciements contraints viennent s’ajouter aux plans de départs volontaires et aux mises à la retraite d’office. Pour les salariés, le chantage à l’emploi est incessant. Chaque réduction de la dotation fiscale se traduit sur le terrain par des menaces de licenciement. À chaque fois, les économies sont supportées par les agents du réseau et se traduisent par des suppressions d’emplois.

La mise en application de la loi de juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services a davantage épargné les prés carrés des présidents et les intérêts des CCI régionales et territoriales que permis de préserver la pérennité des emplois et missions du réseau. Peu de CCI ont entrepris de rationaliser leur train de vie. Nous vous alertons aujourd’hui solennellement quant à l’impact de la réorganisation actuelle du réseau sur ses salariés. Cette désorganisation est accentuée par le « plan emploi consulaire » (PEC), dont le volet relatif aux départs volontaires est mis en œuvre au sein de certaines CCI en l’absence de vision stratégique. Si, pour les CCI, l’impact sur l’exécution des missions est réel, pour leurs salariés, cette désorganisation se traduit avant tout par des risques psychosociaux, du découragement, du stress et de la démotivation. Les comités d’hygiène et de sécurité enregistrent une forte augmentation de ces risques au sein des chambres.

Une véritable réflexion doit être conduite, tant sur le devenir du réseau et sur sa gouvernance que sur ses missions, afin de mettre un coup d’arrêt à la multiplication des licenciements contraints et des mutations forcées. Aujourd’hui, les emplois et la santé au travail des agents du réseau sont des variables d’ajustement. Pour la pérennité des missions du réseau, il est temps que ceux-ci soient préservés. Le législateur que vous êtes et le Gouvernement ont décidé de réduire les dotations fiscales des CCI. Il vous appartient également aujourd’hui de veiller à prévenir les conséquences de ces réductions sur nos agents et sur leurs emplois.

Le réseau consulaire connaît actuellement une véritable crise d’identité et de légitimité. Le caractère sui generis du réseau est fondé sur le fait que les CCI sont dirigées par des représentants élus par leurs entreprises et que le droit social consulaire est créé par une commission paritaire nationale. Pourtant, on enregistre depuis toujours une faible participation des chefs d’entreprise aux élections consulaires. En 2010, le taux de participation moyen national à ces élections a été de 17 %. Il semble donc que les entreprises ressortissantes aient du mal à s’impliquer dans la gouvernance du réseau.

La légitimité et la lisibilité des CCI pourraient être restaurées en élargissant leur gouvernance et en développant leurs missions de service public et d’intérêt collectif au plus près des territoires et des entreprises. Lorsque nous avons été auditionnés en 2010 dans le cadre de la discussion de la loi précitée, nous avions exprimé le souhait que la gouvernance des CCI soit assurée par de véritables conseils d’administration où siègeraient, à côté des élus consulaires, des élus des collectivités territoriales et des représentants du personnel. Cet élargissement des sensibilités permettrait d’asseoir la transparence et la légitimité des décisions prises par le réseau. En effet, les CCI tendent à se dégager de plus en plus de leurs missions de service public et d’intérêt collectif pour devenir des cabinets de consultants vendant des services marchands – avec plus ou moins de succès, car elles ont des frais de structure relativement lourds, de sorte que les services proposés sont chers. Ancrer les CCI dans leur caractère d’établissements publics administratifs nous permet de garantir des missions d’appui, de conseil et de formation à destination de tous et sur tous les territoires.

Enfin, s’agissant du droit social consulaire, le principal problème vient du fait que les CCI ne sont soumises ni au code du travail ni à aucun des trois codes de la fonction publique. Notre droit social est très lacunaire, et se caractérise par des exceptions généralisées. J’en veux pour preuve le fait que notre statut et ses annexes font 200 pages seulement, contre 3 000 pages pour le code du travail. Notre statut a d’autant plus de mal à progresser que les commissions paritaires nationales tiennent le plus souvent d’une sorte de théâtre de boulevard : les délégations y travaillent à huis clos selon une culture du secret ; on y alterne blocages et travail dans l’urgence ; et lorsqu’on y aboutit à des accords, ceux-ci sont peu sécurisés juridiquement. À titre d’exemple, dans la plupart des CCI, le PEC ne connaît pas le succès escompté, tant du point de vue des CCI elles-mêmes que des agents.

Je terminerai par le manque de démocratie syndicale. Aujourd’hui, nous sommes un syndicat représentatif, avec 18 % d’audience. Pourtant, nous ne siégeons toujours pas en commission paritaire nationale. C’est le jeu de la répartition des sièges. Mais nous sommes également toujours exclus de toutes les négociations préalables : nous ne sommes donc pas destinataires des textes et ne participons à aucun groupe de travail national. Il conviendrait de restaurer la démocratie syndicale dans l’esprit de la loi de 2010.

M. Gilles Morisseau, président de l’UNSA-CCI. L’UNSA-CCI, dont je suis le président, détient deux sièges sur six en commission paritaire nationale. Le syndicat est présent dans toutes les instances nationales et locales. Autonome, il vise à défendre les salariés des chambres de commerce et ces chambres mêmes en tant qu’institution. Il est également prêt à signer des accords dès lors qu’ils sont protecteurs des salariés.

En premier lieu, je souhaiterais évoquer les métiers et l’expertise des personnels des CCI. Nos présidents ont parlé ici même, depuis leur position d’élus entrepreneurs, de la particularité de la gestion des CCI. Les représentants de la tutelle ont abordé les difficultés de réorganisation de notre réseau, mais peu de choses ont été dites de la multitude d’expertises des personnels. On ne peut pas vouloir régler le sort des CCI et grever leur financement sans prendre en compte les multiples activités du réseau, ni en évaluer l’efficacité.

La qualité et la diversité des services rendus à l’économie sur les territoires sont pour nous évidentes et probantes. Nos collègues développent des expertises nombreuses dans le cadre d’actions concrètes de soutien aux entreprises et de formation. Parmi ces missions, on peut citer l’aide à la création d’entreprises, les centres de formalités, l’appui au développement des activités industrielles, commerciales et de services, un réseau de conseillers très spécialisés à disposition des entreprises dans les domaines de l’innovation, de l’international, des process industriels, de la transition énergétique, des études économiques, de la transmission d’entreprises, des programmes de financement et de l’aide aux entreprises en difficulté.

Le rôle des CCI est également prépondérant en matière de formation initiale. Nombre de nos collègues, enseignants en centre de formation d’apprentis, ont une véritable pratique de leur métier et du public accueilli. L’expertise des chambres de commerce est également favorisée par la proximité des entreprises, qui permet de trouver facilement des maîtres d’apprentissage. C’est une priorité du Gouvernement, mais ce sont bien les CCI qui disposent de l’expertise nécessaire pour mettre en relation apprentis et maîtres d’apprentissage. Elles ont aussi de grandes écoles, pour lesquelles les inquiétudes sont nombreuses.

Ce bel outil, fondé sur un travail de terrain et la capacité d’agir localement, court un risque de sabotage. Affaiblir les CCI par des baisses de ressources et ne répercuter celles-ci que sur la masse salariale, c’est les conduire dans une spirale descendante telle que leurs 26 000 salariés hommes et femmes perdront leur légitimité sur le terrain.

S’agissant de la régionalisation, nous observons que la loi de 2010 a été appliquée a minima par nos dirigeants du fait de sa dimension non prescriptive. De nombreux freins et une multiplicité de pouvoirs autonomes locaux et d’intérêts divergents en ont bloqué l’application. Nous considérons la régionalisation comme une nécessité pour légitimer le rôle des CCI, pour renforcer leur visibilité et pour sécuriser nos emplois. Il est vrai que la régionalisation en cours crée des difficultés sociales qu’il nous faut régler, mais on peut aussi anticiper les choses afin d’évoluer dans nos métiers.

Notre organisation territoriale pourrait être moins coûteuse et plus cohérente qu’elle ne l’est aujourd’hui, à condition de disposer de schémas régionaux clairs et homogènes sur tous les territoires et d’une unité décisionnelle des CCI, à condition aussi que leurs missions soient précisées. Le nombre de centres de décision et celui des structures juridiques du réseau pourraient être revus afin de rendre ce dernier plus efficace. Le réseau des CCI doit mettre ses moyens dans l’opérationnel – l’appui concret aux entreprises – plutôt que dans le structurel.

S’agissant des personnels, la mutation de nos métiers et de notre organisation, qui aurait dû être anticipée depuis la loi de 2010, doit maintenant se faire dans l’urgence. Une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit accompagner cette mutation. En tant que syndicat, nous savons la difficulté, en période de crise, de mener une telle démarche. Cela nécessite une volonté sincère des employeurs, ainsi que des moyens adaptés. Avoir réduits ceux-ci alors que les CCI doivent restructurer 26 000 postes revient d’une certaine manière à nous empêcher de le faire. Les plans de départs volontaires dans le cadre du PEC ont permis ou permettront le départ de 800 à 1 000 salariés dans des conditions que nous jugeons correctes. Ces plans doivent être prolongés de manière à éviter des licenciements massifs. L’UNSA-CCI déplore néanmoins un manque de stratégie, de visibilité de l’organisation future des CCI, qui empêche nos collaborateurs de mieux se positionner. La pyramide des âges est plus favorable à une transition sur plusieurs années qu’à des actions rapides et manquant de recul.

Il nous semble également important de changer de culture managériale, de sorte que cette dernière soit moins hiérarchisée et plus structurée par projet et par compétences. Cela est rendu possible par la nature de notre métier. Nous assurons la promotion dans les industries des méthodes de gestion innovantes comme le lean management, que nous pourrions nous appliquer à nous-mêmes. Cela permettrait de réduire des taux d’encadrement qui nous semblent excessifs, du fait de niveaux hiérarchiques superposés et d’un morcellement des pouvoirs dans le réseau actuel.

L’échec relatif de la loi de 2010 pose également une question quant au rôle de l’État : exerce-t-il une tutelle assez forte sur les chambres de commerce ? Est-il assez prescriptif ? Ne doit-il pas donner plus d’orientations stratégiques ? Nous préconisons un dialogue plus concret sur chaque territoire entre les CCI, l’État, les régions et les collectivités locales pour coordonner et rationaliser les actions de soutien à l’économie et pour produire un effet de levier inexistant aujourd’hui.

En ce qui concerne votre question, relative à l’appréciation des baisses de ressources décidées en 2014, notre syndicat ne peut que s’opposer à ces baisses ainsi qu’au prélèvement opéré, sans réelle connaissance de l’action concrète des personnels des CCI sur les territoires, sans prendre en considération l’impact des investissements que génèrent les chambres ni les conséquences de ces décisions sur nos emplois.

Mme Sylvia Vuarnet, présidente de la CFC-CGC réseaux consulaires, conseillère technique à la Commission paritaire nationale. Tous les échanges que nous avons suivis jusqu’à présent ont été très instructifs pour nous. Évidemment, nous connaissons les discours tenus par notre tutelle et par les présidents de CCI, Mais il y a des différences entre ce qui est dit à l’extérieur, que ce soit à vous ou aux journalistes, et ce qui est dit au personnel.

Nous nous accordons tous sur le fait que, dans le contexte économique que l’on sait, tout le monde doit fournir un effort. Mais sur qui cet effort doit-il peser en priorité ? L’État a affirmé en audition qu’il se sentait chez lui dans les CCI, ce qui est normal puisqu’il en est le propriétaire en titre.

M. le président Olivier Carré. Vous ne le contestez pas ?

Mme Sylvia Vuarnet. Non. Nous l’avons entendu dans la bouche de M. Riché, et c’est la vérité. Ensuite, les présidents de CCI ont eux aussi affirmé qu’ils étaient chez eux, au motif que ce sont les entreprises qui financent le réseau par les taxes qu’elles acquittent. Or, s’ils se sentent propriétaires des CCI, ils n’en sont en réalité que les locataires.

M. le président Olivier Carré. Les usufruitiers ?

Mme Sylvia Vuarnet. Exactement.

M. le président Olivier Carré. Lorsque la réforme a été annoncée au cours de la discussion de la loi de finances, plusieurs parlementaires de droite comme de gauche ont souligné que l’argent des réseaux consulaires n’était pas celui de l’État, mais celui des agriculteurs, des entreprises et des commerçants. Ce à quoi le Gouvernement a répondu que les chambres d’agriculture et les CCI n’auraient pas eu cet argent si le législateur et lui-même ne s’étaient pas mis d’accord pour imposer une taxe... Derrière ce débat se profile la question de l’acceptabilité de la réforme.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. On a beaucoup entendu dire – et je l’ai moi-même affirmé – que cette ponction avait été faite sur l’argent des entreprises pour rembourser la dette de l’État. Tenez-vous un tel discours, ou s’agit-il pour vous d’une contribution publique qui retourne au budget de l’État ?

Mme Sylvia Vuarnet. C’est le point épineux, car le nerf de la guerre se trouve dans les caisses des CCI. Et l’Inspection générale des finances (IGF) a estimé que celles-ci se portaient plutôt bien. Mais soyons clairs : c’est dû au fait que ces sommes ont été thésaurisées.

M. le président Olivier Carré. Ce peut aussi être le fruit d’une bonne gestion.

Mme Laurence Dutel, secrétaire générale de la CFDT-CCI. Je prendrai deux exemples. L’argent du régime spécial de retraite des agents de l’ex-CCI de Paris – régime qui n’existe plus, mais qui subsiste pour quelques-uns d’entre eux – était dans le fonds de roulement de la CCI. Si la ponction est trop importante, comment verser leur retraite à ces agents ? D’autre part, les CCI ont investi dans les centres de formation d’apprentis. Or, avec cette ponction, elles ne pourront plus le faire alors que le renouvellement du matériel est nécessaire, surtout dans les formations techniques.

Nous avons beau adresser des demandes répétées, nous ne disposons d’aucune information claire sur les budgets des CCI. Par conséquent, le ministère nous affirme qu’elles ont des réserves tandis que nos présidents nous disent qu’ils n’ont plus rien, qu’ils ne peuvent plus augmenter les salaires ni investir et qu’ils doivent diminuer la masse salariale.

M. Fabrice Kaluzny, directeur équipement et territoires de la CFE-CGC. Je regrette que pour élaborer le chiffrage de ce prélèvement, CCI-France ait trop peu collaboré avec la tutelle. À titre personnel, je suis directeur des équipements, c’est-à-dire de services commerciaux qui font du chiffre d’affaires. Les trois millions d’euros qui ont été prélevés sur notre CCI proviennent essentiellement de deux investissements en cours, consistant à construire un nouveau port et un hôtel d’entreprises, et des recettes de nos services de formation et de nos services commerciaux – c’est-à-dire de bénéfices de bonne gestion. Ces investissements ont été engagés depuis 2010 dans la perspective qu’ils soient rentables très rapidement et puissent s’autofinancer, de façon à rendre service aux entreprises dans des domaines d’intérêt collectif pour notre territoire. Or, la tutelle n’a pas analysé la provenance de cet argent, mais a seulement pris en compte le niveau de notre fonds de roulement à un moment donné. Les 3 millions d’euros prélevés sur notre CCI représentent entre 75 % et 80 % de notre dotation annuelle.

Mme Jeannine Marty. Il est difficile de répondre par oui ou par non à votre question, madame la rapporteure, car il y a peu de transparence dans les données budgétaires communiquées par les CCI aux partenaires sociaux. Comme l’a indiqué Mme Dutel, la dette sociale qui correspond à la « queue de comète » de l’ancien régime d’assurance vieillesse de la CCI de Paris était dans son fonds de réserve. Mais à cela s’ajoute que le train de vie des CCI peine à évoluer : au moment même où les CCI se plaignent de ces restrictions budgétaires, les primes d’objectifs des directeurs, qui constituent plus qu’un quatorzième mois de salaire, ont été étendues du périmètre de l’ancienne CCI de Paris à celui de toute la CCI de Paris-Île-de-France, hors CCI territoriales. Par conséquent, si la diminution des dotations entraîne de véritables difficultés budgétaires, rendant difficile la conduite de certaines missions, dans le même temps, la réflexion sur les économies possibles n’a pas été menée jusqu’au bout.

M. le président Olivier Carré. Voulez-vous dire que les directeurs des CCI n’ont pas bien compris le message ?

Mme Jeannine Marty. Je dis que la réflexion des CCI n’a pas été menée à son terme de façon à permettre une réduction de leur train de vie qui préserve leurs missions de service public et leurs emplois.

Mme Sylvia Vuarnet. L’État s’est comporté au cours de ces dernières années comme un propriétaire négligent, de sorte que les usufruitiers ont revendiqué la propriété des CCI. Et lorsque le Gouvernement a réclamé une ponction et une baisse de la ressource fiscale des CCI, les usufruitiers se sont dit que les choses n’allaient pas se passer ainsi car ils avaient entre leurs mains 26 000 salariés dévoués pour leur servir d’otages. Entre la fin du mois de mai 2014 et aujourd’hui, le nombre de salariés qu’ils menacent de licencier est passé de 3 000 à 7 500. Certains présidents ont affirmé avec conviction et sincérité qu’ils géraient les CCI comme des entreprises de services, oubliant qu’ils ne sont que les usufruitiers d’établissements publics appartenant à l’État et que ces 26 000 salariés sont des agents publics. Nous savons qu’ils ne mettront pas 7 000 salariés à la porte et que nous sommes de simples otages. Vous jouez en effet dans cette affaire, en quelque sorte, un rôle de journalistes. Or, lorsque des journalistes se mettent à parler des otages, tous les espoirs sont permis pour les sauver… Il faut absolument empêcher la pérennisation de ce système de menaces qui dure depuis un an, et qui est d’autant plus invivable pour les personnels que 5 000 des 26 000 salariés, soit 19 % des effectifs, sont amenés à partir à la retraite dans les cinq ans à venir. Ces chiffres datent de 2012, car le système d’information de gestion des ressources humaines de CCI-France n’est pas en mesure de produire un bilan social plus récent…

Ensuite, n’oublions pas que ne relevons pas de Pôle Emploi, et que les CCI s’auto-assurent. Or certains présidents, qui ont affirmé gérer leurs CCI comme des entreprises de services et ne dépendre qu’à hauteur de 15 % de la ressource fiscale, ont annoncé des plans de licenciement pour faire face à la baisse de ladite ressource, alors même que leurs CCI ne paient pas un centime du prélèvement opéré car ils ont pris garde de ne pas thésauriser trop de liquidités, et font planer la menace de ce qu’ils appellent des « licenciements collectifs », mais qui n’en sont pas. J’en viens à présent à leur double discours. Les présidents de CCI vous affirment que la diminution de la ressource fiscale et l’imposition d’un prélèvement les contraindront à licencier, oubliant de vous préciser qu’il reviendra à notre propre caisse, la Caisse d’allocations chômage des chambres de commerce et d’industrie (CMAC), de payer les chômeurs. On se demande donc où se trouve l’économie réalisée. Et, alors qu’ils vous parlent de licenciements pour motif économique, ils nous expliquent, à nous, que cela n’est pas prévu par nos statuts – qu’ils se garderont bien de mettre à jour – et que nous ne pourrons donc pas bénéficier des dispositions de la convention UNEDIC à laquelle nous sommes soumis, bien que nous relevions d’un établissement public. Cette convention prévoit que la période de 180 jours sans indemnisation de chômage s’applique aux licenciements pour motif personnel mais pas aux licenciements pour motif économique. Nous leur avons aussi demandé d’élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour sécuriser les conditions de ces licenciements et assurer une formation décente des personnes licenciées ; sans parler de l’aspect fiscal puisque, sans PSE, toutes les indemnités versées par l’employeur sont imposables. C’est d’ailleurs ce dernier point qui explique que le plan emploi consulaire, qui n’est pas un PSE ni un plan de départ réel, n’ait eu aucun succès, alors même qu’un ancien président de CCI a affirmé qu’il ferait le plus grand plan social de France !

Mme Laurence Dutel. Je souhaiterais revenir sur la question des licenciements. En commission paritaire nationale (CPN), l’UNSA et la CFDT ont voté un plan emploi consulaire « volet I » favorisant les départs volontaires, les présidents de CCI présents lors de la négociation en CPN ayant accepté en échange de mesurer le bénéfice de ces départs volontaires avant de recourir aux licenciements. Mais parallèlement, la CCI Rhône-Alpes a licencié des personnels, sans essayer de reclasser les salariés licenciés dans une CCI territoriale voisine. Il y a donc une dichotomie entre le discours tenu en commission paritaire nationale et les décisions prises à l’échelon local, CCI-France affirmant qu’elle n’a pas les moyens d’imposer les décisions prises en CPN à l’ensemble du réseau. Nous le vivons avec difficulté car d’une CCI à l’autre, les agents ne sont pas traités de la même façon.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Cela signifie donc qu’il n’y a ni homogénéité ni concertation entre les CCI régionales.

Mme Laurence Dutel. Bien que la loi ait confié un rôle prépondérant à CCI-France, cette dernière ne joue pas ce rôle aujourd’hui et nous renvoie régulièrement au tribunal administratif en cas de non-respect des accords conclus au niveau national, affirmant qu’elle ne peut rien faire. Nous n’avons donc nullement le sentiment d’appartenir à une fédération.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Concrètement, vous nous dites qu’une décision prise en CPN n’est pas opposable aux différentes CCI.

M. Gilles Morisseau. Lorsque l’on signe un accord en CPN pour préparer des plans de départs volontaires et que des CCI régionales se mettent à licencier dans le même temps sans appliquer cet accord, la faiblesse de représentation du niveau national par rapport au niveau régional, et plus encore la faiblesse de représentation régionale par rapport au niveau local, sont telles que la pyramide des pouvoirs est inversée. Au niveau régional, on a des difficultés à homogénéiser la gestion des ressources humaines et le traitement des salariés, qui sont régionalisés depuis le 1er janvier 2013, et les syndicats ont beaucoup de mal à obtenir que toutes les CCI d’une même région mènent la même action. Et lorsque nous demandons en CPN pourquoi il en est ainsi et comment faire pour que ce l’on négocie au niveau national soit prescriptif, on nous répond que l’employeur régional est autonome et on nous suggère de faire un recours devant le tribunal administratif si nous n’arrivons pas à faire respecter les accords nationaux.

Mme Jeannine Marty. Le droit social qui nous régit reste très lacunaire. Les CCI tendent à le rapprocher tantôt du droit public, tantôt du droit privé, selon ce qui les arrange, laissant les agents du réseau fort démunis. Aujourd’hui, tout ce qui n’est pas prévu explicitement dans un accord voté en CPN reste dans une zone de non-droit. La seule faculté qui reste aux agents consulaires pour faire valoir leurs droits est d’adresser une requête au juge administratif. Les CCI se sentent à l’aise avec ce régime d’exception, qui leur permet de faire vivoter la spécificité de leur droit.

Les personnels des CCI sont des agents publics dont l’emploi peut être supprimé. Ils peuvent être licenciés si aucun reclassement n’est possible. Aujourd’hui, dans le cadre de cette procédure de licenciement pour suppression d’emploi, les CCI peuvent mettre en avant un motif économique, ce qu’elles ne se privent pas de faire. Néanmoins, lorsque le salarié est licencié, il ne bénéficie pas de la diminution des différés d’indemnisation ; et le fisc déclare ne pas pouvoir se prononcer sur le régime fiscal des indemnités versées. Les agents ne bénéficient pas non plus d’un compte personnel de formation ni d’un contrat de sécurisation de l’emploi. Le droit social consulaire ne progresse pas assez vite pour répondre aux besoins des CCI. C’est pourquoi nous demandons l’abandon de cette exception et le rapprochement de ce droit du droit de la fonction publique territoriale. On s’appuierait ainsi sur un droit qui a vécu.

M. le président Olivier Carré. Pourquoi pas des contrats de droit privé ? Certains droits protecteurs dont ne bénéficient pas vos collègues sont parfaitement reconnus en droit privé, et plus robustes – quoi qu’on en dise – que dans le droit de la fonction publique.

Mme Jeannine Marty. Si nous faisons cette proposition, c’est parce que nous sommes des agents publics.

M. le président Olivier Carré. Certes, mais ce n’est pas forcément la solution idéale.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Monsieur Morisseau, vous vous êtes dit très favorable à la régionalisation prévue par la réforme de 2010. Or, je me souviens que de nombreuses personnes y étaient opposées à l’époque, notamment au regard des risques de suppression d’emplois et de concentration qu’elle présentait. On pouvait alors distinguer trois types d’approches : ceux qui étaient intéressés par la régionalisation, ceux qui, au contraire, prônaient la métropolisation et ceux, assez nombreux, qui étaient favorables à une départementalisation. Quant aux personnels, ils ne sont pas exprimés d’une voix unanime. Il me semble donc qu’en cinq ans, la situation a considérablement évolué, peut-être en raison de l’évolution de notre organisation territoriale. Pourriez-vous nous repréciser les choses ?

M. Gilles Morisseau. Pour nous, représentants des salariés, la régionalisation peut effectivement susciter des craintes dans la mesure où elle suppose une évolution de nos emplois supports qui peuvent devoir être concentrés. Réorganiser un réseau tel que le nôtre demande beaucoup d’énergie et de moyens humains. Le réseau consulaire doit aussi préparer une mutation de ses emplois et de ses métiers et organiser une formation continue en interne afin que nos collègues salariés des CCI puissent conserver leurs missions.

Par ailleurs, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) confère des pouvoirs étendus aux futures grandes régions en matière de développement économique. Par conséquent, pour que les CCI puissent partager des missions avec ces régions, il faut qu’elles soient organisées à ce niveau-là, sinon elles ne pourront être forces de négociation et de proposition dans une région plus large.

M. Charles de Courson. Nous tenions déjà le même débat il y a trente-cinq ans, lorsque je m’occupais des chambres de commerce comme chef de bureau à la direction du budget. Je partage le sentiment du président Olivier Carré : pendant longtemps, on a pensé que le régime des trois fonctions publiques – d’État, territoriale et hospitalière – était plus protecteur que le droit privé. C’était peut-être vrai il y a quarante ans, mais aujourd’hui on peut se poser la question. Ne seriez-vous pas favorable à la négociation d’une convention collective applicable à l’ensemble des agents des CCI ? Car vous vous trouvez actuellement dans une situation curieuse : une partie des personnels sont des agents publics tandis qu’une bonne part de ceux des concessions relève du droit privé.

M. le président Olivier Carré. Monsieur Kaluzny, pourriez-vous nous confirmer qu’il y a bien à peu près 60 % d’agents publics et 40 % de salariés de droit privé dans les CCI ?

M. Fabrice Kaluzny. La notion d’agent contractuel est complexe dans les CCI. Elle désigne notamment des agents de droit privé relevant d’une convention collective, dont le statut pose problème car la caisse mutuelle des CCI à laquelle ils sont affiliés ne leur assure qu’un salaire de remplacement en cas de licenciement, mais pas de contrat de sécurisation professionnelle ni aucune autre prestation prévue par les accords professionnels de droit privé. C’est notamment ce qu’ont subi une vingtaine de salariés licenciés par l’aéroport de Dijon.

M. le président Olivier Carré. Nous pourrions souligner cette hétérogénéité et les perturbations qu’elle crée, et suggérer une adaptation du statut à l’évolution consulaire – visant à la fois à solidifier ce statut et à y apporter de la souplesse. Cela poussera sans doute alors le Gouvernement à inciter les CCI à mettre de l’ordre en leur sein.

M. Fabrice Kaluzny. Nos agents de droit public sont très impliqués dans l’exercice de leurs missions de service public et veillent à garantir une égalité de traitement entre les entreprises. Ils ne suivent pas une logique de cabinet de consultants privés. Nous proposons donc par exemple que, lorsqu’un accord national interprofessionnel (ANI) est validé par les organisations syndicales nationales et par l’ensemble des organisations professionnelles d’employeurs, la tutelle joue tout son rôle en l’inscrivant systématiquement à l’ordre du jour de la CPN de façon à faire peser sur elle une obligation de transposition de ces accords dans les douze mois qui suivent. Autre exemple, le droit individuel à la formation (DIF), qui a été créé, appliqué puis remplacé, n’a jamais été à l’ordre du jour dans le réseau consulaire.

Lorsque l’on parle de l’argent des CCI, on oublie de dire qu’une partie de celui-ci sert à payer les salariés. Nous souhaiterions donc que, comme le préconise le rapport de l’IGF, 20 % du prélèvement, à hauteur de 135 millions d’euros, serve à alimenter un fonds de restructuration des CCI. Car, si la CMAC verse un salaire de remplacement, elle n’assure pas les missions d’accompagnement des agents licenciés. Pourquoi ne pas lui confier la mission, aujourd’hui assurée par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour les fonctionnaires territoriaux, de veiller à ce que les autres employeurs embauchent en priorité les agents licenciés à disposition ?

M. Charles de Courson. Le système applicable à la fonction publique territoriale a fait exploser des centres de gestion comme celui du Var, où certains employeurs ont licencié des agents, faisant porter la charge d’embauche sur les autres employeurs du département. Et, en réformant ce système, on l’a bétonné encore davantage, ce qui a abouti à une véritable gabegie. Je vous déconseille donc de vous inspirer du modèle de la fonction publique territoriale. Il faudrait avoir le courage de changer de modèle et d’exiger la négociation d’une convention collective ce qui ne nécessite aucune intervention de l’autorité publique. Contrairement à ce que vous pouvez croire, la convention collective, seul outil du dialogue social, est bien plus protectrice que le système actuel, car cela fait trente ans que la tutelle ne reprend pas les accords que vous passez, de sorte qu’ils n’ont pas force de loi. Si vous demandez au Parlement de basculer dans un système de conventions collectives, qui réunirait la collectivité de travail, vous connaîtriez un vrai progrès social, quand bien même cela perturberait les traditions syndicales.

Mme Laurence Dutel. La CFDT ayant trois sièges sur six à la commission paritaire nationale, je puis vous dire que les agents sont attachés à leur statut et qu’ils ne souhaitent pas la négociation d’une convention collective, d’autant que nos interlocuteurs ne sont pas disposés, du fait de la carence de la tutelle, à discuter. Nous voudrions au contraire une tutelle beaucoup plus forte, qui impose des schémas prescriptifs.

M. le président Olivier Carré. M. de Courson vient d’expliciter la mécanique que vous dénoncez, à savoir que tout le monde, employés comme employeur, se réfugie derrière la logique d’un statut « Potemkine ». Cela peut fonctionner tant qu’il n’y a pas de difficultés majeures d’adaptation : les problèmes sont réglés à la marge et, quand il le faut, on prend des décisions qui arrondissent les angles, si bien que tout le monde sort content de la négociation. Mais, lorsqu’il y a changement structurel, cette logique explose, et les agents peuvent se retrouver en réelle difficulté. Vous avez d’ailleurs vous-même souligné qu’ils ne bénéficiaient pas du DIF, alors même que des accords nationaux avaient été conclus. Bien qu’étant dans l’opposition, j’observe avec un regard très bienveillant l’évolution des droits sociaux dans notre pays, et j’estime que leur individualisation est vraiment protectrice du salarié du XXIe siècle. Peut-être qu’au départ, vos employeurs auront des réticences à cette évolution avant de percevoir qu’ils y ont intérêt. Il ne faut pas se fermer a priori à toute réforme au motif qu’un statut existe depuis trente ans.

M. Martin Gazzo, secrétaire général adjoint de la CFDT-CCI. Vous nous avez demandé de comparer le statut des chambres de commerce à celui des chambres de métiers. Or ces dernières, bien qu’elles soient soumises à un statut qui a la même histoire que le nôtre, ont très rapidement réussi, après 2004, à instituer un DIF, une commission nationale de la formation professionnelle, une commission nationale chargée de régler les différends entre salariés et employeurs, et à mener une véritable politique nationale de formation. En revanche, les présidents des chambres de commerce refusent de négocier sur ces sujets, considérant qu’il est hors de question que leurs salariés aient un droit à la formation. Et même sous le régime de la convention collective, nous aurions les mêmes difficultés.

M. Charles de Courson. Les conventions collectives signées dans les concessions aéroportuaires offrent à leurs salariés une situation bien meilleure que la vôtre. Et toute l’évolution des quinze ans à venir se fera à votre détriment. À un moment donné, il faut donc avoir le courage de faire sa révolution copernicienne. Mais être délégué, ce n’est pas seulement suivre ses troupes : c’est parfois leur dire dans quelle direction avancer.

M. Martin Gazzo. C’est justement nous qui avons négocié ces conventions collectives !

Mme Sylvia Vuarnet. Nous savons tous que le statut ne convient pas en l’état : le réseau n’a plus rien à voir aujourd’hui avec ce que prévoit la loi de 1952 qui est devenue contradictoire avec celle de 2010. Quant à la loi de 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, elle exclut la CGT de la négociation alors que celle-ci est représentative.

Par contre il faut, condition indispensable pour négocier une convention collective dans les chambres de commerce, changer radicalement le mode de financement du paritarisme, car les CCI sont le seul endroit où l’employeur finance directement les syndicats, et de façon discrétionnaire – ce qui, d’ailleurs, va dans le sens de ce que vous nous dites.

M. le président Olivier Carré. Nous en prenons acte mais ce point est presque hors sujet. La représentation syndicale paraît effectivement devoir être revue afin qu’il n’y ait pas que trois syndicats reconnus au sein de la CPN.

M. Gilles Morisseau. Certes, notre statut, datant de 1952, est incomplet et n’a pas été adapté à toutes les évolutions sociales ni aux accords interprofessionnels qui ont été conclus depuis. Mais ne croyez-vous pas que ce soit le plus mauvais moment pour envisager un changement de statut des personnels, compte tenu des difficultés que nous vivons au quotidien dans le dialogue social ? Quant au mode de financement des syndicats, on peut en reparler. Loin d’être riches, ces organisations disposent de très faibles moyens dans le monde consulaire. La régionalisation de 2013, loin de nous avoir apporté des moyens supplémentaires, nous a même fait perdre des postes de délégués syndicaux. Nous n’avons même pas les moyens aujourd’hui de couvrir une grande région, car nous ne pouvons nous déplacer partout. Alors que nous représentons 26 000 salariés, les trois syndicats présents en CPN n’ont pas un seul salarié permanent pour remplir cette mission. Nous travaillons à un rythme effréné, compte tenu des accords que nous demande de négocier CCI-France.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je vous remercie d’avoir évoqué des sujets qui n’avaient pas été abordés à l’occasion des précédentes auditions. Je souhaiterais néanmoins recadrer les choses : ce n’est pas à cette mission, de vous dire ce que vous avez à faire. En revanche, nous retirons de nos échanges des éléments intéressants pour l’objectif que nous nous sommes assignée, qui vise à réfléchir à la réforme de demain.

De ce qui a été dit jusqu’à présent, je retiens que vous réclamez un positionnement beaucoup plus fort de la tutelle, tout comme CCI-France. Il conviendrait cependant que vous nous précisiez ce que vous en attendez exactement, compte tenu du désir d’indépendance des présidents de CCI qui agissent sur le terrain. Vous avez aussi soulevé un problème de réorganisation interne, doutant que tous les gisements d’amélioration de la productivité, à tous les échelons de la hiérarchie, aient été pris en compte.

Vous avez évoqué le manque de transparence ayant entouré le prélèvement budgétaire effectuée l’année dernière. Il est vrai qu’il a été très difficile de connaître exactement les comptes, et donc les possibilités plus ou moins grandes dont disposait chaque chambre d’apporter sa contribution. Nous avons depuis lors reçu des éléments qui nous ont certainement manqué au moment où nous en avons décidé. En revanche, je n’avais encore jamais entendu dire, jusqu’à présent, que le fonds de roulement ponctionné comprenait des réserves destinées à faire face à des dépenses sociales. Si c’est toujours le cas, nous pourrions interroger le Gouvernement à ce sujet car le prélèvement a été calculé en fonction du poids économique de chaque chambre de commerce et du nombre de jours de fonds de roulement ; à aucun moment, on ne nous a informés de la nécessité d’une réserve pour couvrir des dépenses à caractère social.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Si M. Morisseau s’est clairement prononcé au sujet de la régionalisation, quelle est l’analyse des autres représentants syndicaux sur ce sujet ainsi que sur les dispositions du projet de loi « Macron » qui viennent d’être adoptées au Sénat concernant les schémas d’organisation, et qui prévoient de donner un caractère prescriptif aux schémas directeurs ?

Mme Jeannine Marty. Je confirme à Mme Rabin qu’une part du fonds de réserve de la CCI de Paris était liée à la « queue de comète » de notre régime spécial d’assurance vieillesse. J’imagine que, dans d’autres chambres, il existe des dettes sociales liées aux allocations de fin de carrière.

Pour revenir sur les propos de M. de Courson, il nous semble vraiment que le mode de fonctionnement fondé sur un statut particulier, faisant exception à tout, arrive à son terme. Nous n’avons aucune réponse claire sur ce qui devrait être. Néanmoins, la création des établissements d’enseignement supérieur consulaire (EESC) va entraîner un grand chambardement : petit à petit, toutes les écoles de commerce vont devenir des structures de droit privé. Des salariés seront mis à leur disposition dans un premier temps mais pourront opter directement pour un statut de droit privé.

Mme Sylvia Vuarnet. La loi de 2010 sur la régionalisation a posé un problème de délégation de pouvoir entre les CCI, chacune d’entre elles étant une entité juridique autonome. Ces délégations de pouvoir ont entraîné des mises à disposition de personnel et des délégations de gestion des ressources humaines de sorte qu’aujourd’hui, lorsqu’une CCI territoriale décide de supprimer des postes, les agents doivent être reclassés, mais les CCI territoriales de la même région, ayant une entité juridique autonome, ne veulent pas des salariés du voisin. Ces refus de reclassement au sein d’une même région posent un problème de ressources humaines. Ensuite, comment parvenir, comme le souhaite le président Marcon et d’autres, à rendre prescriptifs les schémas sectoriels des CCI régionales s’ils restent tels qu’ils sont actuellement, c’est-à-dire, selon le rapport du Sénat sur le projet de loi « Macron », descriptifs, flous et non chiffrés, très généraux ?

M. Fabrice Kaluzny. Je regrette que le volet de ce projet de loi consacré aux CCI traite de la question de la répartition de la taxe, des élections consulaires et de nombreux cas individuels, mais pas du tout du problème du personnel des CCI. Comment les instances représentatives du personnel vont-elles fonctionner dans ces CCI fusionnées ? Chaque CCI aura son interprétation et sa pratique.

Nous nous plaignons nous aussi du manque de transparence, non seulement du point de vue financier mais également en ce qui concerne les assemblées générales auxquelles nous ne sommes pas invités. Nous n’avons même pas accès aux relevés de décision des établissements publics que sont les chambres de commerce !

M. Charles de Courson. Il vous faut saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA).

M. Fabrice Kaluzny. Il n’y a pas d’autre moyen, car la loi de 2010 dispose que ces assemblées générales ne sont pas publiques. Par conséquent, alors que, en novembre dernier, une CCI territoriale a décidé de supprimer 25 % de ses postes, nous n’avons pu savoir si le sujet était à l’ordre du jour de l’assemblée générale régionale. Et, trois mois après, nous ne savions toujours pas s’il avait été traité, ni si l’assemblée régionale avait décidé d’un licenciement ou non. Ce n’est qu’en commission paritaire régionale que nous avons appris qu’avaient été décidés des départs volontaires. Il est donc nécessaire d’instaurer une obligation de publicité des décisions des assemblées générales régionales, comme dans tout établissement public.

S’agissant de la tutelle, nous avons proposé que, dans une phase transitoire d’ici à l’adoption d’un statut plus privé, elle inscrive systématiquement à l’ordre du jour les accords nationaux interprofessionnels. D’autre part, le respect de notre droit n’est contrôlé au niveau local par personne, ni par l’inspecteur du travail ni par le préfet, si bien que, lorsque nous avons un problème d’interprétation de notre statut, on nous invite à déposer une requête auprès du tribunal administratif. Peut-être la tutelle pourrait-elle jouer un rôle un peu plus prégnant, au niveau décentralisé, en la matière.

Enfin, vous avez bien conscience du fait que les CCI sont toutes dans des situations très différentes de sorte qu’il est impossible à CCI-France, selon ses dires, de faire appliquer ses décisions.

Mme Laurence Dutel. Il était illusoire de penser que la régionalisation et la fusion des CCI territoriales permettraient de faire des économies. Malgré la révolution culturelle que cela implique, je rejoins M. Morisseau pour dire qu’il serait catastrophique de tout réformer en même temps. Si l’avènement des grandes régions au début de l’année 2016 est cohérent au niveau européen, la régionalisation actuelle des CCI est encore balbutiante, de sorte que nous ne sommes pas du tout préparés à cet avènement.

M. Gilles Morisseau. Mme Vautrin nous a demandé quelle organisation future nous préconisions. Or, la démultiplication des typologies d’organisation possibles, système de menu à la carte où chaque territoire choisit l’option qu’il veut – entre CCI régionales, départementales et territoriales, bénéficiant ou non de la personnalité morale –, remettra en cause la cohérence et la visibilité de notre réseau. Il sera également difficile pour les personnels de bénéficier d’une égalité de droit et des mêmes possibilités d’évolution, parmi les différentes structures juridiques. Dans certains endroits, on maintiendra des pouvoirs locaux tandis que dans d’autres, les pouvoirs seront régionalisés. La loi de 2010 sera donc encore plus complexe à appliquer.

Mme Fatiha Fadil, de la CGT CCI. N’oubliez pas que les CCI détiennent le deuxième rôle en matière d’enseignement après l’éducation nationale. La réduction de la dotation des CCI a donc un impact énorme sur de nombreuses écoles ainsi que sur des formations importantes. Ainsi le travail effectué depuis quarante-sept ans par les CCI d’Île-de-France avec des jeunes en difficulté pour les insérer dans la vie sociale et professionnelle vient-il de connaître un coup d’arrêt.

M. le président Olivier Carré. N’hésitez pas, mesdames et messieurs, à compléter vos propos par écrit. Je vous encourage aussi à réagir aux prochaines auditions de notre mission et à réfléchir à l’opportunité de réviser votre statut. Vous semblez considérer cette révision comme insurmontable au motif que vous êtes déjà confrontés à un défi conjoncturel. C’est parfois en plaçant la barre plus haut que l’on résout les difficultés du moment, car si tout le monde s’engage dans une vraie réflexion, cette dernière pourra aboutir à un projet qui mette les salariés en phase avec les évolutions futures des réseaux consulaires. Mesdames, messieurs, je vous remercie.

Audition du 27 mai 2015

Table ronde réunissant des représentants des organisations patronales : M. Jean Vaylet, président du comité chambres de commerce et d’industrie du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. Philippe Guillaume, vice-président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) en charge de la coordination des unions, M. Henry Brin, président du conseil de l’artisanat de la Fédération française du bâtiment (FFB), et M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA).

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous avons engagé une réflexion sur les chambres de commerce à la suite des décisions budgétaires que nous avons prises à leur égard lors de l’adoption de la loi de finances pour 2015. Il s’agit de dissiper une forme d’incompréhension qui a pu exister entre le Parlement et les chambres de commerce, et de mieux mesurer l’impact des prélèvements qui ont été décidés. Après avoir rencontré les organisations syndicales de personnels, nous désirions vous entendre dans le cadre de cette mission d’évaluation et de contrôle.

M. Philippe Guillaume, vice-président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) en charge de la coordination des unions. Je précise tout d’abord que je suis chef d’entreprise et président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Moselle. Au nom de la CGPME, je tiens à exprimer notre attachement aux corps intermédiaires que sont les CCI et les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) et je tiens à signaler que nous cherchons à favoriser le rapprochement entre les deux réseaux.

Les récentes décisions budgétaires nous inquiètent en ce qu’elles remettent en cause les moyens humains et financiers dont ces chambres sont dotées. Les corps intermédiaires sont des amortisseurs nécessaires à la vie des entreprises, en particulier à celle des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE). De telles décisions budgétaires les transforment en simples établissements secondaires de l’État : les budgets sont fléchés et les chambres n’ont plus guère d’autonomie alors qu’elles jouent un rôle important pour les PME. Après ce choc, on peut imaginer que nous allons revenir à une situation plus supportable pour les uns et les autres.

Certes, certaines chambres avaient tendance à thésauriser, ce qui n’était peut-être pas acceptable, mais d’autres, beaucoup plus vertueuses, étaient de vraies alliées pour les collectivités territoriales et les entreprises. À défaut de pouvoir revenir sur la réduction des fonds propres déjà effectuée, il va falloir freiner ce mouvement à l’avenir, sinon les chambres finiront par ne plus exister.

Sur le plan national, la CGPME reste attentive au maintien de ces corps intermédiaires et des moyens dont elles disposent. Les ponctions réalisées sur les fonds pérennes des chambres constituent une fiscalisation déguisée puisqu’une partie de ces prélèvements est revenu à l’État et non pas aux entreprises. En outre, cette mesure budgétaire va se traduire par un plan social probablement sans précédent. Ce n’est pas aux organisations professionnelles de le souligner mais, en tant que président de chambre, je vous indique que des plans sociaux sont déjà en cours, notamment dans les CCI de Lorraine où plus de 140 emplois de cadres ont déjà été supprimés.

D’un point de vue politique, la CGPME estime que les chambres consulaires doivent conserver les moyens suffisants pour assurer aux PME le service qu’elles attendent et entretenir avec elles un lien de proximité. Ce sont des structures qui jouissant d’une certaine autonomie, qui étaient gouvernées par des chefs d’entreprise pour des chefs d’entreprise, mais nous sommes en train de changer de régime. La CGPME nationale réaffirme la nécessité de revoir cette réforme qui a des conséquences néfastes sur les PME et les TPE.

Dans votre questionnaire, vous nous interrogez sur nos liens avec le réseau des CCI et sur notre appréciation de la relation que nous avons avec la fédération CCI France. Nous avons des représentants dans CCI France ; trente-cinq CCI et une vingtaine de CMA sont gérées par des membres de la CGPME, en partenariat avec nos camarades et collègues du MEDEF et de l’UPA. Ce lien entre le réseau des chambres consulaires et les organisations patronales est fort et permanent, mais il s’est probablement distendu. Nous devons le restaurer au travers de nos élus et veiller à ce que l’idée d’une culture du résultat prospère au sein du réseau.

Nos relations ont toujours été fondées sur l’échange de bonnes pratiques : la fédération CCI France nous a présenté, lors de notre assemblée générale, la CCI du futur, ses objectifs, sa capacité à impulser une nouvelle dynamique. Nous pensons d’ailleurs qu’il faudrait renforcer le rôle de CCI France en matière d’orientation stratégique des CCI.

Quelle est notre appréciation de la qualité des services rendus aux entreprises par le réseau des CCI ? Le réseau se soucie d’offrir un maximum de services aux entreprises, surtout aux TPE et PME qui n’ont pas forcément, en interne, les moyens d’assurer leur développement. Faire grandir nos entreprises, c’est un défi national. Encore faut-il que le réseau de CCI ait les moyens humains et matériels d’y répondre, ce qui n’est pas le cas actuellement. D’où notre inquiétude.

Quelles sont les principales missions que les CCI doivent remplir pour accompagner les entreprises dans leur activité ? Quelles pistes d’amélioration pourraient-elles être envisagées ? Au niveau national, nous avons tous mobilisé nos forces pour conduire des actions utiles aux PME et TPE, mais nous sommes confrontés à un problème budgétaire important. Certaines chambres accompagnent des réseaux d’entreprises, favorisent des mutualisations, aident des associations à grandir dans tous les secteurs d’activité. Cette mission d’appui direct est désormais remise en cause. De même, la relation de proximité que le réseau consulaire doit entretenir avec les entreprises est menacée par la construction des grandes régions. Pour reprendre l’image du jet d’eau de Bergson, plus on monte en puissance, plus on s’éloigne de la base. Nous devons donc rester attentifs aux CCI territoriales (CCIT).

Cela étant, nous ne pouvons pas reprocher à l’État son millefeuille administratif si nous ne sommes pas capables nous-mêmes de faire des efforts de rationalisation : la création d’une grande région doit permettre la suppression, au moins, de l’échelon régional actuel. Il est urgent de redéfinir les périmètres afin de simplifier le maquis existant et de rendre l’organisation plus lisible pour les entreprises. D’après le sondage que nous avons fait réaliser, les chefs d’entreprise ont une opinion favorable, voire très favorable, du réseau consulaire. J’appelle votre attention sur le fait qu’ils seront très attentifs aux mesures qui pourraient être prises à l’égard de ces corps intermédiaires.

S’agissant de la régionalisation, je reste attaché à quelques idées : il ne faut pas reproduire le millefeuille administratif et la proximité doit rester une préoccupation permanente. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) doit être adopté pour que nous puissions organiser nos réseaux car la création de grandes régions aux périmètres non définis au préalable nous met dans un trouble certain.

Enfin, la CGPME souhaite que l’on revienne sur plusieurs dispositifs. Certaines chambres ne peuvent atteindre la taille critique que via des regroupements et d’autres ont un poids économique important qui leur permettra d’être les vraies locomotives d’une région. Pour autant, il ne faudrait pas s’en tenir au seul périmètre des anciennes régions, trop clivant et inadapté aux entreprises qui raisonnent en termes de bassin de vie et d’activité pour élaborer leur stratégie. L’Association des maires de France (AMF) et l’Assemblée des communautés de France (AdCF) travaillent sur cette notion de bassin de vie.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous nous avez beaucoup parlé de l’organisation des CCI – peut-être ès qualités puisque vous en présidez une – mais assez peu de leurs missions. Certaines missions vous semblent-elles plus importantes que d’autres ?

À la lumière de la loi NOTRe, vous plaidez – comme quelques homologues de votre département – pour des chambres départementales qui soient à l’échelle des bassins de vie. D’autre part, vous exprimez votre inquiétude à la suite de décisions budgétaires que je qualifierais d’unilatérales. Vous ont-elles obligé à renoncer à certains projets ?

M. Philippe Guillaume. Ces décisions budgétaires nous ont mis dans des situations extrêmement périlleuses et nous pourrions vous dresser une liste d’investissements qui sont de ce fait devenus impossibles.

La restructuration de sites militaires, notamment en Lorraine, porte sur des espaces fonciers considérables dont il faut assurer la garde puis le développement autour de projets précis et pertinents. La CCI n’a plus les moyens d’intervenir en tant que partenaire de cette restructuration car, fidèle à sa politique d’accompagnement permanent des projets locaux, elle a utilisé tous ses fonds : nous avons notamment investi 6 millions d’euros pour développer le fret sur le fleuve Moselle, contribué à la création de palais des congrès, etc.

Nous avons toujours été des partenaires pour les maires et les présidents de communauté auxquels nous voulions apporter notre regard particulier de chefs d’entreprise sur l’investissement territorial et régional. Tous les élus n’ont pas une vraie connaissance de l’entreprise, ce que l’on peut comprendre, et nous leur apportions cette dimension. Nous pouvions contribuer, même modestement, à des projets structurants pour des territoires.

Quant aux TPE et PME, elles ont besoin qu’on les aide à développer des filières et des centres de recherche. Avec Jean Vaylet et Jean Therme, le directeur de la recherche technologique du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-Tech), nous avons constitué un partenariat extraordinaire afin de créer en Moselle un centre dédié à la recherche appliquée. Nous n’aurons plus les moyens de participer à ce genre de projets et de porter notre regard d’entrepreneur sur des dispositifs politiques, au sens noble du terme. Devenus des établissements secondaires de l’État, nous ne serons plus aussi actifs et dynamiques.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Que pensent les autres représentants d’organisations patronales de ce qui vient d’être dit ? Nous n’avons que peu d’informations concrètes sur les investissements réellement abandonnés après avoir connu un début de réalisation sous la forme d’études, de travaux, etc. Nous sommes très intéressés par des exemples précis en la matière.

M. Philippe Guillaume. En ce qui concerne le palais des congrès, il s’agit d’un investissement de 2,5 millions d’euros.

M. Jean Vaylet, président du comité CCI du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Vous m’avez déjà auditionné en ma qualité de président de la CCI de Grenoble et je reviens devant vous avec ma casquette du MEDEF, puisque j’y suis notamment conseiller de Pierre Gattaz.

À quelques différences marginales près, je suis d’accord avec tous les propos que vient de tenir mon ami Philippe Guillaume. Pour le MEDEF, les CCI sont des partenaires privilégiées : elles sont notre bras armé sur le terrain national ou local.

Au niveau local, 75 % des CCI sont présidées par des membres du MEDEF, parfois de manière conjointe avec des membres de la CGPME. Le MEDEF est donc très impliqué dans la vie et les instances des CCI, et les relations sur le terrain sont très efficaces. Au niveau national, depuis 2013, Philippe Guillaume et moi-même, nous sommes entrés au comité directeur de CCI France, en tant qu’observateurs, ce qui montre bien le lien qui peut exister entre nos organisations et le réseau des chambres. Nous y donnons le point de vue de nos organisations professionnelles sans participer à la prise de décision. En outre, les présidents des différentes organisations se rencontrent environ trois fois par an pour faire le point.

Cette relation est très étroite car nous menons le même combat – le développement des territoires et donc celui des entreprises qui y sont implantées – même si les modes d’action sont un peu différents et complémentaires puisque le MEDEF et la CGPME se placent sur un terrain politique alors que les CCI sont des structures opérationnelles.

Quelle est notre appréciation de la qualité des services rendus aux entreprises par le réseau des CCI ? Comme le montre l’enquête évoquée par Philippe Guillaume, les entreprises apprécient les services des CCI quand elles les connaissent, mais les chambres consulaires doivent améliorer leur communication. Ce travail d’information est déjà engagé et il prendra une nouvelle ampleur dans les CCI de demain, telles qu’imaginées par le réseau. Ces nouvelles CCI, complètement révolutionnaires, marqueront une rupture par rapport au passé.

Quelles sont les principales missions que les CCI doivent remplir pour accompagner les entreprises dans leur activité ? Les CCI remplissent d’abord une mission de formation puisqu’elles arrivent en deuxième position dans ce domaine, après l’éducation nationale. Elles jouent un rôle en matière d’information par le biais de leurs observatoires économiques, de leurs études et publications. Elles constituent aussi un appui pour les entreprises qu’elles aident notamment dans leur développement à l’international, une nécessité pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Par exemple, CCI International s’est allié à Business France et à MEDEF International pour leur proposer Stratexio, un programme d’accompagnement sur trois ans. Voilà un travail concret de mutualisation destiné à aider les entreprises.

Les CCI suivent en quelque sorte deux modèles : certaines agissent comme des sociétés de services, c’est-à-dire qu’elles vendent des prestations, apportent une valeur ajoutée et peuvent, dans certains cas, jouer un rôle important de développement économique ; d’autres se situent davantage dans l’accompagnement des entreprises, en contrepartie de la taxe perçue. Or la baisse des financements remet en cause l’accompagnement gratuit et pousse au développement de services à valeur ajoutée, donc rémunérés, notamment dans l’aide à la conquête de marchés à l’étranger. J’ai en tête l’exemple d’une métropole qui a confié au réseau des CCI l’accompagnement à l’international de ses entrepreneurs. Dans ce genre de cas, il est normal que les CCI soient rémunérées.

Dans la réforme des territoires en cours au niveau de l’État, l’accent est mis sur les régions, qui représentent un poids économique important. Les CCI, tout comme le MEDEF, devront calquer leur organisation sur ces nouvelles régions pour que les échanges puissent se faire aux bons niveaux, tout en conservant un contact de proximité avec les entreprises. Pour travailler tout à la fois à l’échelon régional et en proximité, dans un contexte de baisse de financements, les CCI vont devoir rationaliser leur fonctionnement : mutualiser certains services, spécialiser certaines structures, etc. Dans la nouvelle région Rhône-Alpes, par exemple, il va y avoir dix-sept CCI dont seulement trois ou quatre feront de l’appui au développement international.

La réforme territoriale et la baisse des financements conduisent donc à une mutation profonde du réseau des CCI, qui n’ira pas sans périodes pénibles et plans sociaux.

S’agissant des mesures adoptées dans le cadre des deux dernières lois de finances, le MEDEF est totalement en phase avec la CGPME. Pour compléter le propos, je précise que nous ne sommes pas opposés à une diminution de la taxe puisque nous plaidons pour une réduction des charges qui pèsent sur les entreprises. En revanche, nous sommes choqués par la brutalité de ces mesures qui ont mis les CCI dans une situation où elles n’ont plus les moyens d’assurer leurs missions de base. Pousser les CCI à faire un effort de rationalisation n’a rien d’anormal aux yeux des chefs d’entreprise que nous sommes. Cette approche nous semble naturelle à condition que les évolutions aient un sens et qu’elles s’effectuent après un préavis minimum. Quant aux 500 millions d’euros prélevés sur les réserves des CCI, ils sont peut-être nécessaires au financement du budget de l’État, mais nous aurions apprécié qu’ils soient affectés au monde économique.

M. Henry Brin, président du conseil de l’artisanat de la Fédération française du bâtiment (FFB). Notre fédération a la particularité d’être présente à la fois dans les CCI – nous y avons 800 élus et dix-huit présidents – et dans les CMA. Alors que se pose la question de la mutualisation de certaines fonctions dans le réseau géographique des CCI, nous pouvons témoigner, à la lumière de notre pratique de terrain, que les expériences inter-consulaires sont positives et que des actions conjuguées peuvent être proposées dans certains domaines. Nous constatons tous qu’il est nécessaire de garder un lien avec nos ressortissants et que 60 % d’entre eux sont à la fois dans les CCI et les CMA. Or les CCI sont parfois vues comme le diable au niveau national, surtout dans le réseau des CMA. Les CCI et les CMA ont pourtant intérêt à développer une coopération qui est appréciée par leurs financeurs que sont les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les conseils régionaux.

Le travail en commun se révèle aussi très positif dans le champ des ressources humaines, quand il s’agit d’apporter une aide aux TPE et aux artisans confrontés à la complexité des contrats de travail. Dans le domaine de la formation, nous constatons les effets bénéfiques d’un double accompagnement des apprentis : le taux de persévérance s’accroît tandis que le taux d’échec diminue et les chefs d’entreprise ont tendance à reprendre des apprentis.

Sur des thèmes qui vous sont chers, tels que la traçabilité et la création de filières, les pratiques inter-consulaires ont toute leur place. Une chambre d’agriculture, une CCI et une CMA se sont ainsi alliées pour créer une filière du pain qui est reconnue et qui fait la fierté d’un territoire. Tout en gardant leurs spécificités, artisans et commerçants doivent parvenir à travailler ensemble, à élaborer des missions communes sur des problématiques générales. Pour conserver des relations de proximité avec nos ressortissants et ouvrir des délégations sur les territoires, ces alliances sont d’autant plus nécessaires que les dotations diminuent.

Venons-en au plan politique. Le réseau des CMA compte six systèmes de fonctionnement différents, ce qui n’est lisible ni par nos financeurs ni par nos ressortissants. Dans l’étude réalisée par Fiducial et l’Institut français d'opinion publique (IFOP), 70 % de nos ressortissants parlent de fusion des réseaux. Nous n’en sommes pas là, car nous cherchons seulement à travailler ensemble, mais nous devons être attentifs aux réactions de nos ressortissants. Rappelons qu’à peine 20 % de notre corps électoral va voter, ce qui pose un problème de légitimité.

Nous devons être innovants et coller à la réalité. Dans le monde de l’entreprise, la simplification n’est pas une mode, c’est une réalité. Nous devons travailler ensemble sur le territoire. D’ailleurs, nous sommes entendus quand nous adressons ce message aux artisans, commerçants et chefs d’entreprise.

En matière de gouvernance régionale, le monde politique a montré l’exemple : il existe des listes électorales départementales mais avec un projet régional fédérateur. Nous devons nous appuyer sur ce modèle pour mener ensemble la réforme de la régionalisation : nous devons conserver nos spécificités départementales tout en œuvrant à un projet commun. Dans la loi qui nous est présentée, il n’y a pas de corrélation entre les différents projets départementaux. Dans ces conditions, comment pourrions-nous être en ordre de marche et surtout rendre service aux entreprises ? Nous souhaitons que cette réflexion soit menée à bien parce que notre raison d’être est d’aider les entreprises à progresser, à créer des emplois et à faire vivre notre pays.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Alors que M. Guillaume raisonnait en termes de bassins d’emploi, vous partez d’une vision régionale avec ces déclinaisons département par département.

M. Henry Brin. Il ne faut pas opposer ces deux visions, bien au contraire, car la régionalisation peut favoriser la proximité.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez chacun votre manière d’exprimer la proximité : l’un la relie au bassin de vie, l’autre à une carte plus administrative mais vous avez tous les deux une approche régionale avec des déclinaisons locales. Je remarque que, dès lors que ce sont des professionnels qui s’expriment, ils ont tendance à revenir sur l’organisation des chambres consulaires.

M. Jean Vaylet. Loin de s’opposer, ces deux plans sont très complémentaires. Mais il faudra laisser une certaine souplesse aux régions qui diffèrent par leur taille, le poids de l’activité agricole ou industrielle dans leur économie, etc. Plutôt que de chercher à décliner un modèle unique national, il faut laisser aux régions la capacité de trouver des solutions adaptées à leur profil.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Si l’UPA est davantage concernée par les CMA – 80 % de nos ressortissants en font partie – elle ne s’est jamais désintéressée des CCI et elle participe à la gestion de certaines d’entre elles, souvent en partenariat avec la CGPME et le MEDEF. Pour autant, nous restons attachés au maintien des deux réseaux pour une raison qui vaut depuis 1926, année de la création des CMA : hormis dans les départements très ruraux, les CCI ne s’occupent pas forcément des très petites entreprises, celles qui ont sans doute le plus besoin d’aide.

L’UPA plaide aussi pour une complémentarité entre les organisations professionnelles et les chambres consulaires. Nous avons trop souvent vu des organismes qui vivaient sur eux-mêmes et, à un moment où il faut faire des économies, ceci n’est plus possible. Le président Brin a insisté sur la recherche de complémentarité. Nous avons travaillé dans ce sens avec les CMA et, même si ce n’est pas parfait, nous sommes parvenus à une certaine répartition des missions : les organisations professionnelles s’impliquent dans les ressources humaines tandis que les chambres consulaires investissent le domaine économique. Nous pensons qu’il faut travailler de cette manière à l’avenir.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pourriez-vous nous donner des exemples et des contre-exemples ?

M. Pierre Burban. Tout ce qui concerne les ressources humaines sera traité par les organisations professionnelles – voire interprofessionnelles – de branche. En revanche, l’urbanisme commercial, par exemple, sera l’apanage des CMA. Nous avons négocié une répartition des services afin d’éviter les redondances et les concurrences et de rationaliser le système.

Nous n’avons pas attendu l’État pour rationaliser les réseaux : dès 2005, lors des élections aux CMA, nous avions donné des consignes en ce sens. Nous ne pouvons pas demander à l’État et aux collectivités territoriales de faire des économies si, de notre côté, nous ne veillons pas à l’usage que nous faisons de l’argent des entreprises et du contribuable. Chacun doit se montrer responsable à l’endroit où il se situe. Avant même l’adoption de la loi sur la régionalisation des chambres, nous avions donc encouragé la mutualisation.

Dans le domaine économique, il est évident que la région est, plus que jamais, le niveau d’action le plus adapté. Les chambres consulaires, en particulier les CMA, interviennent beaucoup dans le domaine de la formation professionnelle, de l’apprentissage. Or les dernières réformes vont renforcer le rôle du conseil régional en matière d’apprentissage.

Nos consignes ont-elles été suivies ? Autant qu’elles pouvaient l’être dans un réseau, quel qu’il soit, mais les CMA sont bien allées dans le sens de la mutualisation, de la régionalisation. Pour nous, il est évident qu’il faut passer de vingt-deux à treize régions. Cela étant, si nous sommes favorables à la régionalisation et à la mutualisation, nous considérons qu’il ne faut pas oublier un principe de base : la proximité est fondamentale, particulièrement pour les plus petites entreprises.

Le MEDEF, la CGPME et l’UPA ont défendu ces principes que je viens d’évoquer – la mutualisation au plan régional, la complémentarité et le maintien de la proximité – lors de la régionalisation des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF). L’État doit donner des impulsions, accompagner la rationalisation. Face aux syndicats de salariés, nous avons des scrupules à dire ce que cela signifie : réduire les coûts de fonctionnement, c'est-à-dire faire aussi bien – voire mieux – avec moins. Mais nous avons de plus en plus l’impression que l’État et nos organismes de tutelle considèrent que nous ne participons pas à l’effort collectif.

Nous avons tous conscience que nous vivons au-dessus de nos moyens depuis trente ans et que, malheureusement, cela ne pourra pas durer. Si nous voulons conserver des systèmes qui fonctionnent, que ce soit dans la sphère consulaire, dans le domaine de la Sécurité sociale ou autre, nous devons y aller tous ensemble, comme un pack au rugby.

M. Henry Brin. Nous devons y aller tous ensemble. Il ne suffit pas de le dire, il faut aussi créer les conditions d’un travail collectif qui doit être impulsé du plus haut niveau. Il faut savoir ce que le Gouvernement et les élus veulent faire de nos réseaux ? Certains rapports du Parlement ou de la Cour des comptes ne donnent pas une vision idyllique de notre fonctionnement. En période de crise, la volonté des hommes joue un rôle important et, autour de cette table, vous avez des personnes qui veulent aller de l’avant. La spécificité de chacun de nos réseaux ne doit pas nous empêcher de travailler ensemble, ni d’avoir une gouvernance lisible et efficace.

Attention, avec moins 20 % de votants aux élections consulaires, le risque est de voir émerger des mouvements populistes, un peu spontanés et formés de gens qui agitent un drapeau rouge, comme nous l’avons constaté dernièrement lors des manifestations sur le régime social des indépendants (RSI). Avec des moyens réduits, nous peinons à être présents dans les domaines de l’apprentissage, de la formation continue, de l’aménagement du territoire. Ne nous dépouillez pas trop, ne nous laissez pas dans l’incertitude si vous ne voulez pas que certaines chambres consulaires soient bientôt gérées par des gens plus opportunistes que réalistes.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous sommes tous conscients de la nécessité de réduire la dépense publique dans sa globalité, comme M. Burban vient de le dire. L’objet de cette mission est avant tout d’évaluer le choc qu’ont représenté les récentes mesures budgétaires pour vos réseaux, et les conséquences que pourraient avoir les projets de loi de finances à venir. À juste titre, certains d’entre vous ont mis en avant le fait que de l’argent pris aux entreprises est allé vers ce que l’on pourrait qualifier de puits sans fond, la dette globale de l’État.

Nous sommes aussi tous conscients de la nécessité d’en finir avec les doublons, ce qui suscite la question suivante : quelles sont les missions des uns et des autres ? À un moment où l’argent public se faire rare, chaque euro doit être utilement dépensé ; il n’est plus possible de dupliquer les actions comme cela a pu être le cas à une époque dans le domaine de l’aide au développement international, un secteur qui comptait de nombreux acteurs.

Pour en revenir à notre mission, les acteurs responsables que nous sommes doivent parvenir à y voir clair sur la manière dont les évolutions territoriales en cours peuvent se traduire sur vos organisations. Certaines collectivités, comme les villes et les EPCI, n’ont pas forcément les moyens d’assumer une démarche économique. Comment s’inspirer d’initiatives qui existent dans certains départements pour faire mieux ? Nous avons envie d’avancer avec vous sur ces points.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je vais abonder dans le sens de ma collègue, même si j’ai une sensibilité différente.

Tout d’abord, je voudrais revenir sur les licenciements annoncés dans telle ou telle chambre au début de l’année. Cette réforme était déjà en marche car j’ose croire que ces licenciements ne résultent pas directement d’une décision applicable au 1er janvier 2015. Il serait intéressant d’avoir une appréciation plus juste sur ce point. Tout en étant sensibles à l’impact de ces mesures sur les chambres consulaires, nous devons bien admettre que des économies sont nécessaires. Rassurez-vous, monsieur Burban, l’État y prend sa part ; D’aucuns se plaignent, d’ailleurs, de n’avoir plus d’interlocuteurs dans nombre d’administrations.

Ensuite, j’aimerais en entendre davantage sur des mots forts que vous avez employés : légitimité et lisibilité. Quand moins de 18 % de chefs d’entreprise viennent voter dans les chambres de commerce, on peut s’interroger sur ces notions. Lors d’un récent stage en entreprise – de ceux qui nous sont souvent réclamés par le monde économique – j’ai été amenée à rencontrer de multiples chefs d’entreprise. Quand je leur posais la question, ils me répondaient tous qu’ils ne s’intéressaient pas à la vie des chambres. En tant qu’élus et responsables, nous devons nous interroger sur la lisibilité, l’utilité, l’efficience des réseaux consulaires.

Enfin, nous sommes ici parce que nous voulons comprendre quelles sont les missions fondamentales des chambres qui devront, quoi qu’il arrive, être confortées.

M. Pierre Burban. La manière dont s’effectuent les prélèvements pose problème. D’une loi de finances à l’autre, nous constatons que des fonds dédiés sont réaffectés au budget de l’État, ce qui est totalement incompréhensible. À la longue, cela favorise ce qui décrivait le président Brin : l’émergence de mouvements contestataires très forts, un peu à l’image de la Confédération de défense des commerçants et artisans (CDCA) dans les années 1990.

Comment expliquer que des taxes payées par les entreprises et normalement affectées à un usage précis sont, en fait, reversées au budget de l’État ? Tous les établissements considérés comme des opérateurs de l’État – notamment le Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales (FAFSEA) pour rester dans le domaine de l’artisanat – subissent le même sort. C’est une politique de Gribouille, excusez-moi de le dire de cette manière.

L’UPA, je le répète, estime qu’il faut réduire les coûts de fonctionnement, que l’on se trouve dans la sphère publique ou dans des structures telles que les nôtres. Mais si nous sommes d’accord sur l’objectif à atteindre, nous contestons une méthode qui revient à céder à la facilité.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Revenons aux missions à privilégier dont parlait ma collègue. Pour être un peu provocatrice, je vais dire que chacun veut bien une réforme, mais pas chez lui où tout fonctionne déjà comme il faut et que c’est aux autres de faire des efforts. En disant cela, je ne vise pas une structure particulière, je tiens à le préciser.

C’est pour cela que nous essayons, d’une manière que nous jugeons constructive, de réfléchir avec vous sur les missions et les actions prioritaires. Vous l’avez reconnu vous-même, le modèle est à bout de souffle. À partir de là, comment fait-on pour préserver l’essentiel dans un contexte où les dépenses publiques sont limitées ?

M. Henry Brin. Nous pouvons avoir des sensibilités différentes tout en ayant un bon sens en commun. Les mesures concrètes dont vous parlez peuvent être prises. J’aime bien regarder ce qui se fait dans le monde politique. Lors de la création des EPCI, des financements supplémentaires étaient accordés aux communes qui s’engageaient dans cette démarche.

La bonne gestion et la mutualisation devraient aussi être considérées comme des sources de valeur ajoutée. Nos deux chambres consulaires pourraient s’entendre dans des domaines comme la transmission ou la création d’entreprises, la formation professionnelle et l’accompagnement de l’apprentissage – mission qui nous tient particulièrement à cœur – pour élaborer des mesures concrètes et efficaces.

Même dans le domaine du soutien aux entreprises qui veulent exporter, les CMA peuvent jouer un rôle. Dans ma région, les trois chambres consulaires ont joint leurs efforts pour créer Sud de France, une marque de produits viticoles et agroalimentaires. Quand il s’agit d’aller défendre nos couleurs en Asie, en Amérique ou ailleurs, ça fonctionne. Ne cherchons pas à inventer ce qui existe déjà ; soyons concrets et efficaces. Si nous voulons nous battre contre les courants un peu extrémistes, nous devons apporter des réponses simples et concrètes, et éviter de construire des usines à gaz.

Parlons d’économies. Dans la réforme électorale des CMA, il est prévu cinquante élus par département, c’est-à-dire que près de 150 personnes devront faire deux à trois heures de route pour se déplacer au niveau régional. C’est inacceptable et surtout inefficace : les gens vont être démotivés. Il faut faire le choix de la région et l’assumer. Mais dans le monde consulaire comme dans le milieu politique, il est difficile de faire bouger les lignes. Nous devons oser.

M. Jean Vaylet. Le modèle des CCI doit être conforté par la régionalisation, la proximité et la mutualisation, et ce travail doit être partagé avec les autres structures. Pour ma part, je suis partisan de rapprochements tels que celui que nous avons opéré à Grenoble, en créant une structure commune avec la CMA, à la faveur du départ à la retraite d’une personne. Il faut généraliser les expériences de ce type. Il faut bien sûr renforcer la lisibilité en profitant de la mise en place des métropoles et des nouvelles régions pour éliminer les doublons.

Enfin, je tenais à rappeler un principe sur lequel nous sommes certainement tous d’accord : nos institutions doivent être gérées par des chefs d’entreprise. À nos yeux, c’est une garantie. Il est important que les réseaux soient dirigés par des gens qui connaissent le monde de l’entreprise et ses impératifs.

M. Philippe Guillaume. L’action politique a un sens et, quand on prend une décision, il faut en assumer les conséquences. Madame la députée, si nous avons licencié 140 personnes en Lorraine, c’est parce que nous avons anticipé la baisse de nos ressources consécutive aux choix que vous avez faits. Nous avons commencé par des licenciements doux sur l’exercice 2014 : nous avons évité la casse en utilisant des mesures telles que les départs en retraite. Au cours des prochains exercices, nous allons entrer dans le dur. Vos choix budgétaires vont aussi avoir une conséquence sur les entreprises car, si nous voulons survivre, nous devrons facturer toutes nos prestations.

Quant au principe rappelé par Jean Vaylet, j’y adhère évidemment : les corps intermédiaires sont faits pour les chefs d’entreprise, gérés par les chefs d’entreprise. Cette ligne politique que nous avons toujours soutenue n’est pas remise en cause, à moins que vous n'utilisiez l’outil budgétaire au point d’aboutir à la suppression des corps intermédiaires. Il s’agit d’un vrai débat politique. Si vous faites ce choix, les organisations professionnelles reprendront la main, d’une manière ou d’une autre, pour rétablir un dialogue.

Qu’en est-il de nos capacités à aller dans le sens de l’histoire ? Les réseaux ne sont sans doute pas prêts à quelque chose d’aussi violent qu’une fusion entre les CCI, les CMA et les chambres d’agriculture. Peut-être faudra-t-il l’envisager à terme ? Sans aller jusque-là, il est possible de réaliser des économies substantielles en mutualisant des fonctions supports : l’informatique, la gestion des paies, etc.

Venons-en à la définition des périmètres. À mon avis, la future grande région doit donner les impulsions stratégiques, tandis que les chambres territoriales doivent assumer un rôle opérationnel et se charger d’adapter les services proposés aux besoins des territoires, des bassins d’emploi et des PME. Voilà un schéma sur lequel nous pourrions travailler. Nous aurions pu vous faire des propositions, mais nous attendons l’adoption de la loi NOTRe pour savoir comment nous pouvons nous adapter à la nouvelle organisation territoriale.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Cette approche est-elle soutenue par la majorité du réseau, à défaut de faire l’unanimité ?

M. Philippe Guillaume. Vous savez, tout le monde aime bien être président, ce qui rend les arbitrages difficiles, et le syndrome du chapeau à plumes est très répandu, jusque dans les organisations patronales. Pourtant, quand il s’agit de conduire de grandes réformes, le président d’une organisation, quelle qu’elle soit, doit trancher. Ne pas le faire, dans le contexte actuel, serait une erreur politique très préjudiciable qui donnerait du champ à des mouvements que le président Brin qualifiait de populistes.

Audition du 9 juin 2015

Table ronde réunissant M. Philippe Adnot, sénateur, président du conseil général de l’Aube, et M. Arnaud de Bélenet, vice-président du conseil départemental de Seine-et-Marne, en charge du développement économique, pour l’Assemblée des départements de France ; M. Bruno Hug de Larauze, président de la chambre de commerce et d’industrie de région (CCIR) Pays de la Loire, et M. Philippe Jan, directeur du développement des entreprises et des territoires de la CCIR Pays de la Loire ; M. Ludovic Guimas, chef du service Coordination et gestion, Direction de l’action économique, des innovations et de l’internationalisation, du conseil régional des Pays de la Loire

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous avons souhaité tenir cette table ronde consacrée au développement économique régional, au rôle des CCI dans ce développement et à la coordination des différents acteurs pour avoir sur ces questions l’éclairage concret d’élus territoriaux et de responsables consulaires, et je vous remercie vivement pour votre participation à nos travaux.

Nous souhaitons vous interroger sur vos liens avec les collectivités territoriales et les chambres de commerce ? Quelle appréciation portez-vous sur le rôle des CCI dans les territoires ? Quelles évolutions vous sembleraient souhaitables ? Les missions des CCI sont-elles facilement identifiables pour vous ? Enfin, quels sont vos projets ?

M. Philippe Adnot, sénateur, président du conseil général de l’Aube. Dans l’Aube, la chambre départementale est extrêmement importante – peut-être parce que, chose exceptionnelle en France, ni le département ni l’agglomération n’ont créé d’agence de développement. Nous avons choisi de confier à la chambre de commerce la responsabilité de gérer le développement économique, à charge pour les collectivités, qui étaient en général les payeurs, de décider finalement, au terme de réunions régulières destinées à étudier ensemble les problématiques, ce qui allait se faire ou non.

Telle était du moins la situation avant que les chambres de commerce ne voient leur influence diminuée par la régionalisation, qui a concentré les moyens au niveau régional. La régionalisation a entraîné une réduction considérable de nos moyens d’action.

Nous avons, par exemple, un petit aérodrome d’affaires, mais il ne fonctionne que parce qu’il est soutenu financièrement par la chambre, l’agglomération et le département. La CCI s’essouffle pour honorer sa participation, de la même manière qu’elle s’essouffle, en raison de la réduction de ses capacités financières, pour honorer ses engagements dans l’enseignement supérieur – je pense notamment au groupe École supérieure de commerce (ESC) de Troyes. C’est regrettable, car la clé de répartition du financement, qui était initialement de 50 % pour la chambre de commerce, de 25 % pour l’agglomération et de 25 % pour le département, est désormais divisée en trois tiers égaux. C’est le signe des difficultés dans lesquelles se trouve la chambre de commerce.

Dans les petites régions administratives comme la nôtre, la décentralisation a entraîné une réduction de la capacité d’action, et donc une perte d’intérêt pour le territoire. On peut même parler de « déménagement du territoire ».

Nous attendons de la nouvelle configuration la mise en place d’une chambre régionale au niveau de la nouvelle région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne et un renforcement subsidiaire des chambres départementales, pour que l’action puisse continuer au plus près du territoire et que les grandes options nationales, internationales ou régionales puissent se concrétiser.

M. Bruno Hug de Larauze, président de la chambre de commerce et d’industrie de région (CCIR) Pays de la Loire. J’étais président de la chambre de Saint-Nazaire lorsque nous avons voté la fusion avec celle de Nantes. Dans la région Pays de la Loire, il y a désormais une chambre par département – la fusion des chambres infradépartementales a été réalisée – en plus de la création de la chambre régionale.

Les chambres ont un rôle essentiel, celui de réfléchir à une vision prospective à long terme. Tant que nous n’avons pas de visibilité – et c’est pourquoi les aspects budgétaires sont importants –, il est extrêmement difficile d’éviter les tensions que le sénateur Adnot a évoquées, au sein du réseau lui-même, comme à l’égard de nos engagements. Nous avons en effet des engagements pluriannuels, avec différents interlocuteurs : les départements, les communautés de communes, la région.

Nous avions décidé, en 2005, de clarifier les responsabilités des uns et des autres et de donner à l’ensemble une vision prospective. Il est très important de le rappeler aujourd’hui, car se posent des sujets de gouvernance, des sujets de prospective et des sujets financiers.

En ce qui concerne la gouvernance, la situation actuelle est la suivante. Les collaborateurs des chambres sont officiellement rattachés aux chambres régionales. Ils sont ensuite détachés ou mis à disposition des chambres départementales. La perception des taxes se fait au niveau des chambres régionales, qui peuvent être pilotées par un bureau hybride. Nous avons la chance, en Pays de la Loire, d’avoir une gouvernance très apaisée, très démocratique, dans la mesure où chaque président de chambre départementale est, au sein du bureau, responsable d’un domaine. Par exemple, la chambre d’Angers a la responsabilité de la formation, celle de Nantes-Saint-Nazaire la responsabilité de l’international. Cette approche « matricielle » que nous avons choisie nous a permis de prendre, pour l’instant, toutes nos décisions à l’unanimité.

La question, aujourd’hui, est de savoir si les chambres sont tournées vers l’avenir, ou, au contraire, repliés sur elles-mêmes ? Je pose la question ainsi car, dans l’histoire, les chambres de commerce ont eu un rôle visionnaire : que l’on songe aux bourses de commerce, aux ports, aux aéroports, aux grandes démarches collectives comme l’apprentissage ou la création des écoles de commerce, qui ont aidé les entreprises de France à rayonner dans le monde entier.

Les chambres de commerce et d’industrie doivent être des incubateurs du futur. En Pays de la Loire, nous avons constaté qu’un clivage était en train de naître entre le public et le privé, entre la nouvelle et l’ancienne économie, entre les jeunes au chômage et les anciens qui ont du mal à regarder sereinement l’avenir. Nous nous sommes demandé comment préparer l’avenir. Un peu à l’instar de Philippe Vasseur dans le Nord, nous avons considéré qu’il était essentiel que les chambres soient l’incubateur de cette troisième révolution industrielle et agricole.

Nous avons donc lancé un programme important qui comporte trois particularités.

D’abord, le sujet doit être porté par les trois réseaux consulaires : chambres des métiers, chambres d’agriculture et chambres de commerce.

Ensuite, il doit être contractualisé : avec les services de l’État, la région, les métropoles et les départements. En région Pays de Loire, certains conseils départementaux, comme la Mayenne ou la Vendée, jouent un rôle primordial sur leur territoire ; dans d’autres départements, comme le Maine-et-Loire, c’est davantage la métropole. Les réalités sont donc très diverses, et nous sommes donc obligés d’avoir une présence de proximité en même temps qu’une capacité à contractualiser au niveau régional.

S’agissant du lien avec les services de l’État, ma déception a été très forte, après la signature il y a trois ans d’un contrat d’objectifs et de performance (COP), de constater que le fléchage financier qui devrait nous permettre d’opérer notre mutation s’est heurté, en plein élan, aux prélèvements sur les fonds de roulement, d’une part, et aux plafonnements de la taxe, d’autre part, de sorte que nous n’avons pas toujours pu honorer notre parole.

Ce qui est grave, c’est qu’on envoie le même message aux entreprises, qui elles aussi ont besoin de visibilité. La plupart d’entre elles sont soumises à des aléas de marché considérables et ont du mal à se projeter à moyen terme alors qu’elles ne savent même pas ce qu’elles vont faire dans trois mois.

La crédibilité des chambres tient à leur double système de référence : ce sont des établissements publics qui sont animés par des chefs d’entreprise. Sans elles, on se prive de la réactivité qui permet de donner des marges de manœuvre aux entreprises. N’oublions pas que les chambres représentent aujourd’hui l’ensemble des intérêts économiques d’un territoire. Je suis admiratif de ce qui se passe en Californie, j’ai créé vingt-deux entreprises dans ma vie, et je suis effaré de voir l’immobilisme, l’esprit de silo qu’on est en train de développer dans certains endroits, alors que ce qu’il faut aujourd’hui, c’est de l’agilité, de la réactivité, de la transversalité. Or, ce sont les chambres de commerce et d’industrie qui sont les lieux qui permettant cette transversalité. Je voudrais citer quelques exemples.

La troisième révolution industrielle concerne, aujourd’hui, quelque 1 000 entreprises de notre région. Notre objectif est d’aider 3 000 pionniers à être moteurs dans leur domaine pour servir de référence aux PME-PMI, et d’accompagner les 200 000 entreprises de la région à intégrer le numérique, la robotique, les technologies du futur, le fonctionnement transversal. Je pense notamment à l’Institut de recherche technologique (IRT) Jules Verne, né à l’initiative de la chambre de Saint-Nazaire, sous ma présidence, je pense aussi au pôle Neopolia. Aujourd’hui, chacun d’entre eux est porté par plusieurs entreprises.

M. Arnaud de Bélenet, vice-président du conseil départemental de Seine-et-Marne, en charge du développement économique, pour l’Assemblée des départements de France. Ayant été désigné pour représenter l’Assemblée des départements de France (ADF), je vous remercie, dans ce contexte où votre assemblée débat de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), de me permettre de parler du rôle des départements dans le développement économique.

Quand nous parlons de développement économique, nous parlons avant tout d’aménagements, de voirie, de transports qui sont pilotés par le territoire de proximité qu’est le département. La capacité de nos assemblées départementales à intervenir est tout à fait vitale, en lien avec les chambres avec lesquelles nous travaillons.

En écoutant le sénateur Adnot et en vous écoutant, monsieur le président Hug de Larauze, j’ai réalisé que vous parliez de deux territoires, de deux singularités, et qu’à l’heure où la mode est à la concentration ou au regroupement, l’expression des singularités, de l’initiative locale et du lien de proximité si important en matière économique, méritait d’être soulignée.

Nous travaillons bien ensemble dès lors que nous ne sommes pas privés de moyens. Or, la CCI de Seine-et-Marne vient de voir ses fonds propres amputés de 21 millions d’euros, tandis que le département de Seine-et-Marne lui-même connaît des difficultés exacerbées par rapport à d’autres départements, du fait de sa croissance démographique et de dispositifs, tels que la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), qui viennent entraver le développement de ses territoires « locomotives », comme Marne-la-Vallée ou le Val-d’Europe.

Si l’on veut que nous nous appuyions sur l’impulsion et l’initiative locale, encore faut-il que nous disposions des moyens financiers pour agir. Or, 21 millions d’euros en moins, ce sont douze licenciements immédiats pour la CCI de Seine-et-Marne et une trésorerie réduite à trois semaines au lieu de trois mois.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Momentanément, ou toute l’année ?

M. Arnaud de Bélenet. Quand le président de la CCI a pris connaissance, il y a quelques jours, de ce prélèvement disproportionné de 21 millions d’euros, le deuxième plus élevé de France, il a constaté que ses fonds propres étaient amputés au point qu’il ne disposait plus que de quelques semaines de trésorerie – dix-sept jours, je crois.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Il peut y avoir des difficultés, comme dans le cas, dont nous avons eu connaissance, de chambres pour lesquelles le prélèvement a eu lieu avant le versement de la recette.

M. Arnaud de Bélenet. L’effet le plus dévastateur de ce procédé est de faire naître le sentiment que l’on récompense les mauvais gestionnaires et que l’on punit les bons. C’est ainsi que la situation est vécue.

Un second point particulièrement important pour nous est la capacité à impulser des projets dans le département, avec les intercommunalités, qu’il s’agisse de formation, comme l’université technologique d’enseignement consulaire (UTEC) d’Émerainville, ou de projets structurants, comme un centre de congrès ou des équipements multifonctionnels de type Arena, ou encore, qu’ils s’agissent avec le département et la région, de dispositifs d’accompagnement des entreprises à l’international.

Il y a des points d’excellence dans les départements. La Seine-et-Marne a plutôt une bonne implantation et des relations développées avec l’Allemagne, l’Algérie ou le Maroc, mais d’autres départements de la région pourraient apporter une plus-value pour les relations avec d’autres pays en matière d’équipements structurants, de formation, d’accompagnement des entreprises, de dispositifs d’aide à l’emploi. Le chef d’entreprise a besoin de cette relation de proximité avec les chambres.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Pour résumer votre propos, vous souhaitez privilégier les relations entre le département et la CCI départementale, mais j’ai eu l’impression que vous parliez aussi de développement international – ce qui relève plus du niveau régional –.Pouvez-vous préciser quelles sont vos relations avec la chambre départementale et avec la chambre régionale ?

M. Arnaud de Bélenet. C’est très simple. Nous avons une relation de travail dans tous les domaines avec la CCI départementale. Nous n’en avons aucune avec la chambre régionale d’Ile-de-France.

M. Bruno Hug de Larauze. La France est multiple, et la région capitale, avec sa chambre régionale unique, est un sujet particulier.

Il y a un problème de gouvernance, un problème financier et aussi un problème de clarification des compétences. Dans les trois cas, il faut se donner un peu de temps, mais il faudrait surtout savoir où l’on a le droit d’aller. Je dis exprès « le droit », car je pense qu’il faut une clarification du fonctionnement. On ne peut pas dire qu’il faut régionaliser les chambres et, en même temps, avoir une gouvernance qui n’est pas adaptée à ce type de fonctionnement. Cela a créé des tensions très importantes. Beaucoup de chambres régionales sont aujourd'hui en situation conflictuelle avec des chambres infradépartementales.

C’est aussi dû au fait que nous avons été frappés de plein fouet par le problème financier que je viens d’évoquer. Quand le prélèvement a été opéré et que l’on a commencé à demander aux responsables de s’organiser et de rationaliser l’existant, chacun a essayé de défendre ses engagements locaux, et la tendance naturelle – au lieu de travailler sur des projets régionaux complémentaires – a été de protéger sa « ligne Maginot », c’est-à-dire son territoire.

Vous noterez que les prélèvements ont été opérés sur les chambres régionales et aussi sur certaines chambres départementales, ce qui fait que les fonds de péréquation qui avaient été constitués dans les chambres régionales où cela se passait bien, comme celle des Pays de Loire, ont fait l’objet d’une confiscation systématique. Donc, pour payer les salaires à partir de novembre prochain, si le financement complémentaire n'arrive pas à partir de juillet, je demanderai une convention de trésorerie et c’est Nantes-Saint-Nazaire qui viendra à notre secours. Belle autonomie ! Nous sommes ainsi obligés de nous entendre, mais ce n’est pas de cette façon que l’on fait des projets : c’est au contraire ainsi que l’on crée des rigidités et des espaces de tension. Il est donc très important de donner de la visibilité au réseau.

Je reviens sur ce qui se passe dans les Pays de la Loire.

D’abord, nous avons la chance d’être une région dont le périmètre n’est pas modifié. J’aurais souhaité qu’elle se rapproche de la Bretagne, et nous y étions favorables, tous bords confondus, mais cela ne s’est pas fait. Reste que cela nous a permis de nous organiser, sachant que le périmètre de la région ne changerait pas. À cette occasion, nous avons essayé – j’insiste sur le fait que toutes les décisions ont été prises à l’unanimité, notamment des départements – de réfléchir à la façon de préparer l’avenir.

Nous avons été la première région de France à signer une convention d’objectifs et de moyens avec l’État. Nous avons signé en même temps le document régional, que je tiens, comme la COM, à votre disposition. S’agissant de la convention avec l’État, nous espérons pouvoir nous tenir aux principes généraux qui ont été fixés. Nous sommes très engagés avec la région, mais aussi avec les intercommunalités, et lorsque les contrats de projets État-région ont évolué, nous avons estimé très important de parler d’une même voix.

Nous avons travaillé sur plusieurs axes différents, indépendamment de nos missions quotidiennes.

Le premier visait à donner une stratégie au territoire, ce grâce à quoi le schéma régional de développement économique (SRDE) est cohérent. L’appel de fonds auprès de Bruxelles est également cohérent avec ce schéma, que nous avons travaillé avec l’État et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Il est valable pour l’ensemble des départements, ce qui va produire un effet de levier pour les entreprises locales. Cet ancrage départemental de proximité est capital et ne doit être fragilisé en aucun cas, car la richesse des chambres, est leur proximité avec le tissu économique. La question est de savoir comment rationaliser tout en maintenant cette proximité, d’où l’importance d’une redéfinition de la gouvernance, que j’évoquais tout à l’heure.

Le deuxième était la simplification de la vie des entreprises. Nous nous sommes inspirés de ce qu’a fait la CCI de Picardie avec la base de données Sémaphore. Nous sommes tombés d’accord avec la région, l’État, la Banque publique d’investissement (BPI), l’ensemble des banques et des experts-comptables, pour mettre en place un portail commun qui a d’ailleurs été piloté par les chambres. Une entreprise qui a besoin d’un financement à l’export, par exemple, clique sur « international », ce qui lui permet de visualiser, d’une part, les aides auxquelles elle a droit, et, d’autre part, le contact privilégié dans le domaine financier. Nous n’avons pu réaliser ce projet que parce que chaque partenaire a admis que son propre logo soit au service de l’intérêt général, qui est de servir les entreprises. Aujourd’hui, 2 000 aides et 8 000 contacts ont été répertoriés, avec un taux de satisfaction favorable.

J’en viens au troisième axe : l’amélioration des performances des PME. Un programme de 30 millions d’euros, baptisé Dinamic Entreprises, a été cofinancé par la région, les chambres, l’État et l’Union européenne. C’est un dispositif qui permet d’offrir aux entreprises trois actions de soutien pour définir leur stratégie à cinq ans : une action de diagnostic avec des consultants sélectionnés en commun ; une capacité de travailler en club pour éviter d’être isolé ; et un certain nombre de services « agiles » qui lui permettront de développer sa stratégie. L’étude d’impact réalisée auprès des 980 entreprises concernées fait état d’un taux de réussite de 94 %. Je ne suis pas certain que beaucoup de projets tripartites aient un tel taux de succès. Or, le risque existe que ce dispositif soit arrêté, faute de financement.

M. Philippe Jan, directeur du développement des entreprises et des territoires de la CCIR Pays de la Loire. Actuellement, la CCI Pays de la Loire gère pour l’ensemble des entreprises les dépenses de consultants ou de formateurs. Ces dépenses sont prépayées par la CCI, puis, suivant un système de mandat, refacturées aux entreprises. Or, dans l’attente des financements européens qui n’arrivent que très tard, la CCI doit assurer la trésorerie. La réduction de sa capacité de financement affecte donc directement l’exécution du programme.

Mme Monique Rabin, rapporteure. S’agissant des crédits européens, on observe un problème général, qui touche aussi les associations, de ralentissement des versements, qui est dû aux difficultés du budget européen.

M. Bruno Hug de Larauze. Une entreprise peut déposer le bilan de deux façons : s’il n’y a pas de commandes, ou en cas de cessation de paiement. C’est élémentaire, mais il faut le rappeler, car c’est précisément ce qui menace aujourd’hui le réseau consulaire. Et j’insiste sur le fait que nous avons beaucoup de « commandes ».

M. Ludovic Guimas, chef du service Coordination et gestion, Direction de l’action économique, des innovations et de l’internationalisation, du conseil régional des Pays de la Loire. En écho à ce qu’a indiqué M. le sénateur Adnot, nous sommes, en Pays de la Loire, dans un paysage assez complexe sur le plan de l’accompagnement public et du développement économique, puisqu’il y a les consulaires, qui sont extrêmement présents, mais aussi un certain nombre de comités d'expansion et d’agences de développement. C’est tout un écosystème qui nécessite probablement une structuration et une réflexion, s’agissant en particulier de ce que l’on appelle le réseau des développeurs économiques. Cela fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons, à l’aune, notamment, de ce qui se profile dans le cadre de la loi NOTRe.

J’en viens au cœur du sujet, c’est-à-dire à la force du partenariat qui lie la région à la CCIR, d’une part, et à l’ensemble des consulaires, d’autre part. Il est très important d’insister sur cet aspect. L’accord dont il était question à l’instant vaut avec la CCI, mais aussi avec l’agriculture et l’artisanat. C’est aussi une marque ligérienne…

Aujourd’hui, la stratégie économique s’écrit au niveau régional dans le cadre des SRDE. Et l’on s’oriente à nouveau, avec la loi NOTRe, vers des schémas de portée régionale. De ce point de vue, notre région souhaite maintenir, développer et renforcer le partenariat avec la CCIR, sans pour autant négliger tout ce qui fait la force de la proximité.

La région a développé un certain nombre d’outils au plus près des territoires et des entreprises des territoires. Outre le fait que l’on écrit la stratégie au niveau régional, c’est aussi l’une des composantes sur lesquelles nous souhaitons être extrêmement forts, présents, en lien avec les consulaires.

M. Philippe Jan. J’évoquerai deux points en complément sur l’articulation entre la CCIR et les CCI de proximité, en m’appuyant sur ce que nous vivons dans les Pays de la Loire.

J’ai une double expérience puisque, avant d’être dans une CCIR, j’étais à la CCI de Saint-Nazaire. L’option que nous avons choisie était de conserver l’ensemble des contacts avec les acteurs de proximité, par l’intermédiaire des CCI territoriales. Il n’y a donc pas de relation directe entre la CCIR et ceux-ci. Le travail de la région est plutôt un travail d’ingénierie concertée entre l’ensemble des CCIT. Nous menons un effort de rationalisation de l’ensemble de l’offre de services aux entreprises, afin de réduire les coûts de conception et d’éviter, par exemple, que chaque département n’ait son propre service d’appui à la numérisation des TPE ou de sensibilisation à la transition énergétique. Cette animation est faite au niveau régional en utilisant l’ensemble des compétences des CCI locales, mais la mise en œuvre est purement locale, en relation avec les partenaires.

M. Philippe Adnot. Votre situation régionale est assez unique dans la nouvelle organisation. Pour notre part, nous passons d’une région de quatre départements à une région Grand Est qui en comptera dix. Cela ne ressemblera pas à ce que nous connaissions. Il faut donc regarder le modèle différemment et appliquer le principe de subsidiarité. Il y a manifestement des économies d’échelle à developper, des spécialisations juridiques, financières, etc.

C’est l’occasion de redonner aux chambres départementales une capacité qu’elles avaient perdue quand la proximité de la région était telle qu’elle les avait vidées de leur substance – sauf pour le département du chef-lieu, qui avait tous les avantages liés à cette situation. C’est vrai pour les chambres de commerce, mais c’est vrai aussi pour les institutions régionales, qui étaient bien souvent des machines à privilégier le chef-lieu.

Nous allons avoir une configuration différente, avec un éloignement considérable du chef-lieu : si Strasbourg est choisie, ce sera, pour nous, à 400 kilomètres ! Les chefs d’entreprise n’iront pas jusqu’en Alsace pour discuter de leur avenir. Il y a donc tout intérêt à retrouver de la performance au niveau départemental, et j’espère surtout – c’est un message politique que je veux faire passer – que l’on ne va pas maintenir les chambres régionales des anciennes régions fusionnées ; ce serait, pour le coup, épaissir encore le millefeuille !

J’insiste sur les vertus du modèle que nous avions élaboré, et qui était unique en France. Je pense que nous avons représenté un modèle très en avance sur le système.

S’agissant des guichets interconsulaires, la sagesse voudrait que ce soit fait. Dans la réalité, ce n’est pas toujours facile. Je ne parle pas des cas où il y a plusieurs chambres de commerce dans un département. Je veux parler des chambres d’agriculture, des chambres de métiers. Il faudrait que la vraie économie soit localement mieux structurée, pour réaliser des économies grâce à la mutualisation. Cela arrivera probablement un jour.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous ne reviendrons pas sur le périmètre des régions. Nous ne reviendrons pas non plus sur l’affirmation très forte de la compétence économique des régions. Nous ne reviendrons pas non plus sur les moyens octroyés aux départements, aux communes et aux chambres de commerce. Il faudra donc faire avec cette nouvelle configuration. Tout le monde veut moins d’impôts et moins de prélèvements, mais veut le même du service !

Les chambres régionales sont porteuses de stratégies. M. Hug de Larauze a dit tout à l’heure qu’elles devaient être des incubateurs du futur. A titre personnel, j’estime que, même à 400 kilomètres, on peut définir une stratégie régionale.

Je souhaiterais savoir s’il peut y avoir un dialogue entre les chambres, qui représentent les entreprises, et les collectivités locales, que ce soit la région ou les départements, pour porter ensemble un message lisible et utile. Vous nous avez dit qu’un guichet unique n’était pas la solution ; j’aimerais savoir comment, d’après vous, nous pouvons tenir compte des spécificités locales. Des expérimentations sont-elles possibles et lesquelles ? J’aimerais avoir vos avis sur ce sujet.

M. Philippe Adnot. Vous avez ôté aux départements la capacité d’intervenir en matière économique. Vous nous interrogez, ce qui est extrêmement aimable de votre part, mais à votre pétition de principe j’opposerai une pétition de réalité : aucun porteur de projet de création d’entreprise ne fera 400 kilomètres pour aller discuter de son avenir et de la façon dont il pourra s’implanter et se développer. Aucun entrepreneur en difficulté ne fera 400 kilomètres pour aller discuter de son problème. Ils continueront de venir nous voir, car les vrais acteurs, ceux qui rencontrent les gens, qui connaissent les potentialités et qui sont capables de les guider, ne seront pas à 400 kilomètres : ce sera toujours nous. En théorie, on nous ôte le droit d’intervenir en matière économique, mais je fais le pari que les faits contrediront ce postulat contre-nature.

C’est tellement compliqué chez vous, monsieur de Bélenet, que des entreprises de la région parisienne viennent nous voir car c’est plus simple ! Mais ils ne feront pas le détour par Strasbourg. S’ils y vont, ils resteront à Strasbourg – ou à Reims qui va les capter parce cette ville a une très forte attractivité. Heureusement, nous aurons des circuits courts pour nous défendre, nous les territoires qui ne sommes pas chef-lieu. Sinon, nous sommes morts !

Notre avenir passe par le travail main dans la main avec des chambres de commerce revivifiées. Mais si vous continuez à opérer des ponctions sur les entités bien gérées qui arrivent à dégager des réserves, il n’y a plus d’avenir que pour celles qui sont mal gérées. J’espère que nous retrouverons des marges de manœuvre car sinon il n’y a plus d’investissement, ni d’avenir pour notre pays.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez raison, les prélèvements ne peuvent pas continuer ainsi, faute de quoi il n’y aura plus d’activité. Il faut en être conscient, et l’exemple des licenciements que vous avez donné a le mérite d’être extrêmement concrets.

Un élément nouveau est que la loi NOTRe constitue, en quelque sorte, une redépartementalisation. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt, messieurs, ce que vous disiez à propos de la région Pays de la Loire où, suivant le cas, ce sont les EPCI ou le département qui sont à la manœuvre. Je pense que c’est une tendance qui se retrouve. Si l’on prend l’exemple d’une région comme l’ancienne Champagne-Ardenne, suivant les endroits, la compétence économique était exercée différemment : il y avait le pôle troyen dans l’Aube, tandis que, dans la Marne, la CCI de Reims travaillait avec Reims Métropole et pas avec le département ni avec la chambre régionale. Des adaptations aux spécificités locales sont donc inévitables.

M. Bruno Hug de Larauze. Nous touchons du doigt l’un des sujets principaux.

Il est intéressant de se dire qu’à partir du moment où l’on travaille bien sur les trois sujets – gouvernance, clarification des compétences et visibilité –, la conception stratégique peut être définie en partenariat entre ceux qui auront la compétence économique de par la loi – je ne porte pas de jugement politique car je pense que les métropoles seront aussi concernées –, les chambres de commerce et les représentants de l’État.

Les préfets de région, à ma connaissance, sont contents de trouver des effectifs dans les chambres pour remplir un certain nombre de missions de l’État. Du coup, cette contractualisation se fait « donnant-donnant ». Si l’on tuait cette relation de proximité, ce serait dramatique. La question qui se pose, c’est de savoir quel est le territoire de proximité pertinent. En l’occurrence, il ne faut surtout pas généraliser ; il y a des endroits où c’est l’échelon départemental et d’autres où c’est plutôt l’échelon métropolitain.

On ne sait discuter, en France, que lorsqu’il y a une loi qui précise les compétences. Les chambres de commerce n’ont pas besoin que l’on prenne des textes, elles souhaitent simplement que, une fois les textes pris, l’engagement soit respecté dans la durée. Si on contractualise, en matière d’action économique, au niveau régional entre les agences et les chambres, c’est parfait. Si on contractualise au niveau départemental, c’est également parfait. Si on contractualise au niveau de l’intercommunalité, c’est encore parfait.

Nous avons un débat actuellement en Pays de Loire. La CCI de la Mayenne est en train de discuter avec le conseil départemental en vue d’une expérimentation sous la houlette de la région. On aurait pu se heurter au veto de la région, mais cela n’a pas été le cas. En même temps, un dialogue est en cours avec l’intercommunalité d’Angers sur le développement des objets connectés. En réalité, le projet compte plus que le statut, dès lors qu’on a bien clarifié les trois éléments dont je parlais.

Nous passons notre temps en postures, nous nous occupons sans cesse de tuyauterie, et c’est un tort. Il faut que les territoires puissent travailler sur des projets structurants, ce qui n’est pas possible si l’on oppose public et privé à chaque échelon.

Je voudrais terminer en évoquant quelques exemples.

Je commencerai par Neopolia, à Saint-Nazaire, seul groupement visité par tous les Présidents de la République et tous les Premiers ministres. Saint-Nazaire, c’est STX, le dernier chantier naval français. STX a eu, à un moment, des « trous » dans ses commandes. Plutôt que de perdre des compétences professionnelles, on a décidé localement – « on », c’est-à-dire les chambres, les syndicats, la région, la ville, l’État – de tout faire pour les conserver, car les perdre, c’était perdre le chantier. Quand nous avons commencé, en 1998, nous avions un volet formation. Puis, petit à petit, en travaillant avec les chefs d’entreprise, nous y avons ajouté un volet stratégique – et c’est de cette façon qu’est né le programme Dinamic Entreprises. Tous les clients de STX sont des compagnies étrangères; ce sont souvent des compagnies américaines. Si le chantier avait perdu sa sous-traitance, qui représentait 75 % de sa valeur ajoutée, il n’aurait plus été capable d’honorer une seule commande de paquebot.

Si j’ai choisi cet exemple, c’est pour montrer que la plupart des entreprises ne sont performantes que quand elles ont un écosystème performant.

Il y a trois ans, pour la première fois, une commande a été prise avec le sous-traitant comme donneur d’ordre. Les sous-traitants, par leur compétence, ont reçu une commande de navires fluviaux qui, auparavant, étaient construits en Belgique et aux Pays-Bas, et ont sous-traité aux Chantiers de l’Atlantique qui avaient les formes.

C’est extraordinaire. S’il n’y avait pas eu les chambres pour incuber ce futur, le faire évoluer en fonction des réalités, développer les compétences académiques, développer des centres de recherche, des écosystèmes, personne ne l’aurait fait. Il fallait une fonction transversale, dans la mesure où le projet concernait tous les domaines. Si la chambre de Saint-Nazaire n’avait pas eu l’appui de la chambre régionale, elle n’aurait pas pu y arriver seule. C’est aujourd’hui le sujet principal.

Nous avons également procédé de cette façon dans l’électronique et les objets connectés ; dans ce cas nous avons soutenu le pôle d’Angers.

S’agissant des énergies marines renouvelables, le processus est né, cette fois, de la chambre régionale. Aujourd’hui, il bénéficie à la chambre de Vendée, comme à celle de Loire-Atlantique. Il s’agit d’un pôle sur les énergies marines renouvelables, avec des activités de recherche, mais aussi des sièges sociaux qui viennent de Barcelone pour s’installer à Nantes. Cela amène du cash dans les territoires, en faisant venir des gens attirés par un écosystème performant.

Aujourd’hui, cette capacité à percevoir les signaux faibles, à investir sur les petits ruisseaux qui feront demain les grandes rivières, est l’apanage des chambres qui opèrent dans un écosystème performant. Le jour où l’on cassera cette capacité transversale, le risque est grand que l’on aille vers le clientélisme, chacun se disant : « Pour faire des économies, prenons dans le budget des autres...». Si les écoles de commerce disparaissaient, on ne le verrait pas tout de suite. Puis, tout à coup, on se dira qu’on ne sait plus très bien comment pratiquer les expérimentations, etc. Ce serait dramatique.

Il ne s’agit pas d’être nostalgique, mais de créer l’avenir. C’est ce que nous essayons de faire, avec un engagement contractualisé très fort avec la région. Je serais très favorable à ce qu’on supprime une partie du millefeuille, mais, dans les domaines où cela fonctionne, il ne faut pas qu’on nous coupe l’herbe sous le pied.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. S’agissant de flexibilité, vous semblerait-il possible que la contractualisation se fasse territoire par territoire, c’est-à-dire qu’il y ait des régions où les chambres s’occupent de tel et tel domaine et que, dans d’autres, elles fassent autre chose ? Ou bien pensez-vous qu’il y a un socle commun et qu’il faut le maintenir ?

M. Bruno Hug de Larauze. Les deux. Mais, fondamentalement, on ne peut contractualiser que si l’on est respectable, c’est-à-dire si l’on a traité le triple sujet de la clarification des compétences, de la gouvernance et de l’autonomie budgétaire. On n’attirera pas des élus qui sont des chefs d’entreprise et qui donnent de leur temps, si au bout de quelques années ont leur dit que les engagements ne valent rien.

Il y a des sujets nationaux. Quand on travaille, par exemple, sur le plan numérique ou sur les robots, il faut à la fois des proximités territoriales et des capacités à orienter les schémas nationaux. Le retard que nous avons en France dans ce domaine est tellement grand qu’il faut que nous soyons capables de produire des effets de levier.

Par ailleurs, on peut se poser la question de savoir s’il doit y avoir une structure pyramidale et quels sont les pouvoirs qui doivent s’exercer à chaque échelon. Ce n’est pas la réforme en tant que telle qui est ambiguë, c’est la façon dont on est amené à la mettre en œuvre.

On a demandé à CCI France d’être à la fois audit, tête de réseau et cœur du réseau animateur. Or le pouvoir régalien de CCI France sur les chambres est marginal. C’est extrêmement compliqué. Je n’aimerais pas être à la place du président Marcon, qui est sans cesse vilipendé par tous, quoi qu’il fasse. Ce n’est pas une question de personne, c’est une question de système. Nous avons le même problème au niveau des chambres régionales. Heureusement, cela se passe bien dans notre région, mais il y a plusieurs chambres qui connaissent des situations d’abus de pouvoir, dues au fait que seule la confrontation permet d’exister. J’espère que ce sera résiduel. Cela peut l’être dès lors que l’on travaille ensemble sur des projets.

M. le président Olivier Carré. Le problème, c’est de faire une exception à la règle.

M. Bruno Hug de Larauze. En France est-il possible de développer des prototypes comme aux États-Unis ?

M. le président Olivier Carré. Si nous sommes dans cette situation, c’est précisément parce que nous ne sommes pas les États-Unis. Ce que vous décrivez existe aussi sur certains territoires, pas forcément dans les CCI, d’ailleurs, mais aussi dans d’autres collectivités. C’est une question d’hommes. Vous avez su faire œuvre pionnière et j’adhère à ce que vous avez dit. Cela étant, c’est l’exception qui fait la règle.

M. Bruno Hug de Larauze. Je pense que, fondamentalement, les chambres sont un dispositif vraiment intéressant pour l’avenir.

M. le président Olivier Carré. Personne ne dit le contraire.

M. Arnaud de Bélenet. Madame la rapporteure, ce que je disais tout à l’heure ne visait pas à demander des moyens supplémentaires. Je faisais simplement observer que le prélèvement de 21 millions d’euros sur la CCI de Seine-et-Marne est totalement disproportionné. De surcroît, prélever, dans une structure qui fonctionne bien, une somme pour la reverser au budget de l’État finit par transformer cette structure en collectrice d’impôt, ou tout simplement en vendeur de services marchands de mauvaise qualité, car n’ayant même plus les moyens de concourir au service public. Nous risquons de devenir une sorte de DIRECCTE sans moyens, simple observatrice du temps qui passe.

M. le président Olivier Carré. C’est une belle conclusion…

Je vous remercie tous pour votre contribution à nos travaux.

Audition du 9 juin 2015

M. Dominique Barrau, secrétaire général de la Fédération nationale des fédérations d’exploitants agricoles (FNSEA), accompagné de M. Éric Berton, chef de service du département syndical

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Notre réunion de cet après-midi est consacrée aux syndicats agricoles. Messieurs, nous souhaitons échanger avec vous, sur les questions financières et les conséquences des prélèvements qui ont été appliqués aux chambres d’agriculture, à la suite de la loi de finances pour 2015.

Nous voudrions également avoir des précisions sur les liens qu’entretient votre syndicat avec l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), et connaître votre appréciation sur les services rendus aux agriculteurs par le réseau de ces chambres. En d’autres termes, nous cherchons à mesurer le lien existant entre le réseau des chambres et ce que j’appellerai le « client final », c’est-à-dire l’agriculteur, sur l’ensemble du territoire.

M. Dominique Barrau, secrétaire général de la Fédération nationale des fédérations d’exploitants agricoles (FNSEA). Les relations entre la FNSEA et les chambres d’agriculture sont globalement bonnes.

Tous les six ans, nous participons au renouvellement des chambres consulaires et ces élections constituent un test de représentativité syndicale. Nous nous attachons à préparer ces échéances et donc les relations de travail à venir. La chambre consulaire est en effet le lieu d’application de la politique agricole qui doit être déclinée à l’échelon départemental.

C’est par ailleurs un lieu d’animation où peuvent être menés des projets de développement spécifiques aux systèmes de production du département, d’un territoire particulier, d’une région ou d’une production particulière. On peut aussi y réaliser des tests afin de mettre en application des techniques. Le développement technique dans les exploitations agricoles s’accompagne en effet le plus souvent d’une période d’appropriation sur le terrain. Les élus – ceux des chambres d’agriculture ainsi que les responsables du réseau FNSEA – sont ainsi souvent très impliqués au niveau local.

La chambre d’agriculture est également le point de départ d’une animation locale pour des projets plus économiques. Le processus est à la fois simple et complexe à mettre en œuvre. Il est simple dans la mesure où tout agriculteur souhaitant se développer ou tester un projet, que ce soit dans le domaine technique ou dans le domaine économique, peut solliciter le réseau ou les élus consulaires. Il est complexe  parce qu’un agriculteur ou même un groupe d’agriculteurs n’est pas forcément à même d’interpeller les décideurs économiques. A ce moment, le président de la chambre d’agriculture peut intervenir. En tant qu’élu du département, il a l’autorité suffisante pour solliciter des partenaires, des interlocuteurs ou des structures qui disposent de données économiques et de savoir-faire.

Enfin, et c’est un rôle que l’on a tendance à oublier, les chambres d’agriculture faisant partie du réseau consulaire, leurs services « aménagement » assistent les agriculteurs et les collectivités en matière d’urbanisme. Cela va de la consultation pour un permis de construire – par exemple, pour l’habitation de l’agriculteur – à l’élaboration d’un projet d’urbanisme, comme les schémas de cohérence territoriale (SCOT). Avant la mise en place des commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA), cet aspect de la mission des chambres d’agriculture avait tendance à s’estomper ; plus exactement, le service offert par celles-ci dépendait de l’intérêt qu’elles portaient aux dossiers d’urbanisme. La relation de terrain risquait de se perdre. Or, nous considérons que ce type de relation est importante, que ce soit avec les agriculteurs – chaque agriculteur est la sentinelle de son territoire – ou avec les collectivités.

Au plan national, nous travaillons régulièrement avec les services et les élus de l’APCA sur des sujets de développement et de financement agricole ainsi que sur les évolutions législatives sur lesquelles nous sommes force de consultation et de proposition.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Avez-vous des commentaires à faire sur les évolutions que les chambres ont dû mener en matière de régionalisation et de mutualisation ? Celles-ci ont-elles eu un impact sur les relations que les agriculteurs entretiennent au quotidien avec les chambres?

M. Dominique Barrau. Que ce soit au niveau local ou national, nous discutons avec les chambres des questions de régionalisation et de mutualisation. Il s’agit d’ailleurs plus de mutualisation que de régionalisation. Aujourd’hui, on peut constater une réelle volonté de mutualiser les services et de passer de l’échelon territorial départemental à celui de la région.

Cette démarche de mutualisation est pertinente. Ainsi, il existe à la fois des exploitations spécialisées dans une production et des exploitations pratiquant la multi-activité. Pour prendre l’exemple de la production laitière, si les chambres d’agriculture veulent organiser un service de contrôle de la performance ou un service de conseil pour les techniques d’alimentation, il n’est pas rare que le nombre de producteurs du département n’atteigne pas une masse critique suffisante pour que ce soit possible. Dans ce cadre, un schéma de mutualisation doit s’appliquer en prenant en compte à la fois les services existants et l’évolution du nombre d’agriculteurs et des systèmes de production. Ces démarches de mutualisation sont plus longues à se mettre en place, même si l’on doit reconnaître une réelle volonté de s’adapter.

Le cœur de métier des chambres d’agriculture est avant tout de conseiller les exploitants agricoles. Ainsi, toujours dans le secteur de la production laitière, se pose la question de savoir comment les services des chambres d’agriculture peuvent adapter le conseil dispensé aux utilisateurs de robots. Deux types de réponses sont possibles. Soit le vendeur de robots peut assurer ce service, soit des discussions peuvent être entamées au sein de la chambre avec les producteurs qui sont les utilisateurs potentiels. Cette dernière solution va tout à fait dans le sens des missions d’une chambre d’agriculture qui répond à la fois aux questions des exploitations et aux préoccupations des régions qui cherchent à maintenir la production laitière –activité structurante en termes d’aménagement du territoire. Il ne s’agit pas d’une approche marchande mais d’une approche de conseil.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Pensez-vous que l’évolution de l’organisation territoriale aura des conséquences ? Estimez-vous qu’avec la nouvelle organisation territoriale, il sera possible de s’organiser à l’échelle d’une grande région ?

M. Dominique Barrau. Les chambres d’agriculture ont décidé de coller à la réforme territoriale applicable en 2016. La FNSEA qui a déjà une organisation régionale fait la même chose. Sur ce plan, rien ne changera, si ce n’est que nous devrons nous adapter à des régions plus grandes.

Cela dit, l’élément d’incertitude dans cette réforme territoriale est le fonctionnement basé sur les régions et les communautés de communes. La FNSEA étant organisée en communes et en cantons, comme nous ne trouvons pas dans les nouveaux cantons une logique de bassin ni de lieu de vie, nous nous tournerons directement vers les communautés de communes. C’est de cette évolution que nous discutons, notamment avec les chambres d’agriculture.

M. Charles de Courson. Ma première question concerne le statut juridique des chambres d’agriculture, qui sont des établissements publics nationaux. Que pensez-vous de l’idée de les transformer en établissements publics régionaux ? Ils dépendraient ainsi de la région, et non plus de l’État. Certains de vos collègues nous disent que compte tenu de la grande variété de l’agriculture sur les territoires, il pourrait être envisageable que les chambres d’agriculture aient des missions différenciées selon les régions.

Ma deuxième question concerne le financement des chambres d’agriculture qui est complètement archaïque. Il est fondé sur un impôt lui-même archaïque, à savoir la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, censé être payé par le propriétaire. A défaut de disposition contraire, le propriétaire ne peut en répercuter que 20 % sur les exploitants. Or deux tiers des terres de notre territoire sont louées. Qui doit donc supporter cette taxe ? Ne pourrait-on pas en modifier l’assiette ? On pourrait se baser sur la valeur ajoutée, le revenu agricole, ou tout autre élément lié à l’activité agricole.

Ma troisième question est la suivante : peut-on avoir une politique agricole sans politique agro-industrielle ? Les chambres d’agriculture sont plutôt centrées sur les exploitants agricoles que sur l’agriculture et l’agro-industrie. Ne faudrait-il pas élargir leurs missions ?

M. Dominique Barrau. S’agissant de la première question, faut-il tout ramener à la région ? Nous souhaitons conserver un cadre national, car il permet à la France, dans le cadre de la politique européenne, d’être un acteur majeur pour les productions standardisées. Nous souhaitons toutefois disposer d’une marge de manœuvre – à peu près 20 % du budget de la politique agricole commune est aujourd’hui consacré au deuxième pilier – pour pouvoir nous adapter aux spécificités locales et territoriales. En effet, tous les territoires n’ont pas le même potentiel, la même population, les mêmes savoir-faire, le même climat, etc. Une vraie adaptation régionale est donc nécessaire pour cultiver nos différences et répondre à des demandes particulières. Cependant, dans la mesure où 80 % des produits alimentaires répondent à des normes européennes, il n’est pas question de décrocher de ce qui se passe dans les pays voisins, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, etc. Tout le schéma d’accompagnement – déclinaison de la politique agricole commune, schéma d’accompagnement du financement des chambres consulaires – doit tenir compte de ce double impératif.

En deuxième lieu, faut-il modifier les modalités de financement des chambres d’agriculture qui repose actuellement sur le foncier ? Tout d’abord, il faut préciser que le foncier n’est actuellement pas la seule source de financement. Ainsi, les fonds du compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR) sont en grande partie alimentés par la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles, pour un montant équivalent à la taxe foncière. La FNSEA n’a pas débattu de cette question et je ne peux donc pas vous donner sa position. On peut toutefois considérer que le sol restera toujours le support de la production alimentaire.

M. Charles de Courson. En Bretagne, l’agriculture hors sol est très importante, notamment en termes de revenus. Or elle ne contribue pas, en tant que telle, au financement des chambres d’agriculture de Bretagne.

M. Dominique Barrau. C’est en effet un exemple pertinent mais il n’est pas certain que, finalement, ce ne soit pas le système de production qui change le système de financement.

Aujourd’hui, en Bretagne, deux systèmes d’élevage porcin coexistent, certains élevages sont complètement hors sol tandis que d’autres sont liés au sol quand une partie de leur production de céréales provient des hectares exploitables. D’ailleurs, les entreprises qui résistent le mieux sont celles qui ont un lien avec le sol. Je pense que les orientations environnementales et agronomiques feront que le lien au sol perdurera, au moins en partie. Certes, si l’agriculture hors sol ne contribue pas pour l’instant au financement des chambres d’agriculture de Bretagne, elle contribue au développement agricole du fait de son chiffre d’affaires.

Le système actuel permet à l’agriculteur de contribuer au financement, tant des chambres consulaires que du développement agricole. Nous souhaitons rester dans un tel schéma. Nous y participons en tant qu’acteurs du développement local ou, par le biais de notre organisation interprofessionnelle, en montant des projets de développement ou en travaillant à des adaptations du système de production. C’est une orientation forte que nous souhaitons conserver. En effet, l’agriculteur en tant qu’acteur est davantage à même de garantir un développement durable qu’une agriculture industrielle.

Ces considérations m’amènent à votre troisième question sur les missions des chambres d’agriculture. La tendance des chambres d’agriculture n’est pas de s’impliquer dans un schéma dans lequel la gestion serait totalement confiée à un système industriel ou au système coopératif. Ce n’est d’ailleurs pas le modèle auquel nous aspirons car nous préférons une forte implication des agriculteurs même si les méthodes de production s’industrialisent. Le lien le plus fort doit rester le lien au sol à partir duquel se fera le développement de la production agricole et alimentaire à moins de se situer dans le cadre d’une seule politique alimentaire.

M. Charles de Courson. Il est quelque peu paradoxal qu’une partie seulement de l’agro-industrie organisée par des coopératives participe au fonctionnement des chambres d’agriculture. Ne pourrait-on charger ces chambres de l’agro-industrie, c’est-à-dire de l’aval, comme l’ont fait beaucoup d’agriculteurs qui ont créé des coopératives dans différents domaines ? Ne pensez-vous pas que cela dynamiserait les chambres d’agriculture ?

M. Dominique Barrau. Si tel était le sens de vos propos, je suis d’accord. J’ai indiqué précédemment qu’un président de chambre d’agriculture pouvait exercer une certaine autorité. Ainsi, dans le Doubs, un abattoir a été relancé en liaison avec un transformateur privé, pour répondre à des besoins départementaux. Seul le président de la chambre d’agriculture était à même de réunir autour de la table tous les acteurs. La chambre d’agriculture a même initié la démarche en apportant un début de financement.

Par ailleurs, un certain nombre d’initiatives sur le végétal et sur des actions de développement technique sont mises en œuvre entre les instituts techniques et certains transformateurs ou certains opérateurs. Il est imaginable de faire de même sur des projets de développement.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. La majorité a décidé, dans le projet de loi de finances pour 2015, d’opérer des prélèvements sur les fonds de roulement des chambres consulaires. Ces mesures ont-elles posé des difficultés concrètes au réseau des chambres d’agriculture ? Pensez-vous que l’on puisse aller plus loin en termes d’économies et de mutualisation, à un moment où l’argent public se fait rare ?

M. Dominique Barrau. Une chambre d’agriculture n’est pas faite pour thésauriser, mais pour fonctionner. Cela dit, il nous a semblé qu’au moment de ce prélèvement, n’avaient pas intégrés un certain nombre de nouveaux risques, ainsi le risque social alors que le nombre des collaborateurs des chambres d’agriculture est de 30 à 150 ou 170. La solution d’y aller à l’aveugle était plutôt facile à mettre en œuvre mais cela a été dommageable pour les agriculteurs.

L’État va-t-il généraliser ce prélèvement ? Ce n’est pas vraiment notre sujet de préoccupation aujourd’hui. Ce qui nous inquiète, c’est qu’il ne soit pas tenu compte de la nouvelle situation et que l’on procède de la même façon s’agissant des taxes sur le développement. Une partie de ces taxes serait ainsi utilisée pour combler les déficits publics. Mais l’aptitude des agriculteurs à être tondus a des limites !

Les collectivités et l’État doivent montrer l’exemple et les agriculteurs sont des républicains et des légalistes. Le problème est de savoir à quoi serviront ces prélèvements. Au cours des sessions des chambres d’agriculture qui ont suivi les décisions budgétaires, certains ont fait remarquer que l’État devait nous montrer la voie pour sortir de ces déficits, et pas nous entraîner dans sa chute.

Mme Catherine Vautrin. Nous avons été un certain nombre à considérer que de plus, c’était de l’argent des entreprises qui n’était pas allé vers les entreprises, ce qui nous a beaucoup dérangés. Y a-t-il un autre point que vous souhaiteriez évoquer ?

M. Dominique Barrau. Je voudrais insister d’abord sur une mission que l’Etat a déléguée aux chambres, l’installation des agriculteurs. Aujourd’hui, les agriculteurs qui veulent s’installer passent tous par un schéma de reconnaissance. Tout un travail concret est assuré au moment de l’installation. Cependant en amont, le travail relationnel avec les acteurs économiques et de terrain, qui relève totalement de la mission consulaire, n’est pas fait et les agriculteurs se trouvent livrés à eux-mêmes.

En second lieu, je voudrais exprimer une crainte. Au sein des centres de formalités des entreprises dans les chambres d’agriculture, comme dans toutes les organisations s’occupant d’agriculture ou d’élevage, des données sont recueillies. Aujourd’hui, en tant qu’éleveur laitier, figurent dans ces bases de données, mon numéro d’exploitation, mes parcelles en herbe ou non, les numéros d’animal, etc. Ce sont des éléments d’information qui accompagnent les produits et constituent donc une source de valeur. Le risque est que demain, ce soit les prescripteurs qui disposeront de toutes ces informations. Le rôle d’une chambre consulaire n’est-il pas de préserver l’autonomie de décision de l’agriculteur ?

La formation est également un aspect important du travail des chambres d’agriculture qu’il ne faudrait pas oublier à un moment où certains se demandent à quoi celles-ci peuvent servir…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Je vous remercie de votre participation et de votre contribution au rapport.

——fpfp——

Audition du 9 juin 2015

M. François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale, et de M. Josian Palach, secrétaire national de la Confédération paysanne, accompagné de M. Jacques Bonati

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Messieurs, nous aimerions comprendre quels sont, dans le cadre de vos activités syndicales, les liens que vous entretenez avec les chambres d’agriculture. Nous aimerions également avoir votre appréciation sur vos relations avec l’APCA, et sur la qualité des services rendus aux agriculteurs par le réseau des chambres d’agriculture.

M. Josian Palach, secrétaire national de la Confédération paysanne. Nous nourrissons d’importants griefs à l’égard des chambres d’agriculture dont il faudrait que la gouvernance soit complètement revue. En effet, et depuis très longtemps, comme cela ressort du rapport Perruchot, les chambres d’agriculture sont d’abord au service du syndicat majoritaire.

Je peux vous en donner un exemple. Je suis élu à la chambre d’agriculture de Tarn-et-Garonne. Cette chambre tient trois sessions budgétaires de deux heures par an. Son bureau est uniquement composé de représentants du syndicat majoritaire. Ceux-ci éditent un journal départemental qui tient à la fois d’un journal de chambre d’agriculture et d’un journal syndical, où les syndicats minoritaires n’ont pas droit d’expression.

Les chambres d’agriculture sont au service de la FNSEA et sans modification profonde du mode de gouvernance, le système perdurera.

Certes, les chambres d’agriculture ont largement contribué au développement agricole. En termes de productivité, elles ont réussi et même au-delà de toute espérance. Mais en termes de protection de l’environnement ou d’emploi, le bilan est catastrophique. Ce qui se justifiait il y a une quarantaine d’années n’a plus de raison d’être plus. Pourtant, le système n’est pas remis en cause.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Au-delà du problème de gouvernance, dont j’ai bien compris qu’il était majeur à vos yeux, y a-t-il aussi un problème de service rendu aux agriculteurs ?

M. Josian Palach. Il faudrait différencier ce qui relève des missions de service public des prestations commerciales. Beaucoup de chambres ont tendance à privilégier ces dernières. Mais sans doute faudrait-il définir les unes et les autres ! Ainsi, l’établissement d’un dossier PAC relève-t-il de la mission de service public ou s’agit-il service commercial ?

M. François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale. Les relations que nous entretenons avec le réseau de l’APCA, en tant que syndicat, sont quasiment inexistantes. Mais, comme mon collègue Josian Palach, je suis élu d’une chambre d’agriculture. En outre, notre syndicat, la Coordination rurale, est majoritaire dans trois chambres, et majoritaire dans une quatrième avec la Confédération paysanne. Or, dès que l’on est élu majoritaire dans une chambre, les relations avec l’APCA deviennent beaucoup plus étroites, pour ne pas dire prégnantes. Dans les circonstances actuelles – je pense à la régionalisation –, il serait préférable que l’APCA soit un peu plus éloignée, un peu moins pressante et un peu moins dirigiste. Tout cela pour vous dire que l’APCA ne se tourne pas vers les autres syndicats.

Sur la qualité des services, je dirais, tout comme mon collègue, qu’il faut distinguer entre les « services rendus » et les « services vendus », cette distinction étant importante quand on aborde la question du financement des chambres.

En premier lieu, le taux de pénétration des chambres chez les agriculteurs est généralement faible. La chambre a ses clients. Les techniciens ont leurs habitudes chez certains agriculteurs. Personnellement, j’ai passé quasiment trente ans de mon existence professionnelle sans jamais voir personne de la chambre d’agriculture. Sans doute n’en avais-je pas besoin et étais-je suffisamment autonome, mais la première fois que j’ai été élu, je l’ai fait remarquer à mes collègues ! Il y a donc à la fois de bons clients, qui ont créé des relations de sympathie, et des agriculteurs qui ignorent totalement ce que fait la chambre et n’ont donc aucune relation avec elle – sauf maintenant avec le centre de formalité des entreprises (CFE), passage obligé en cas d’installation ou de reprise.

En deuxième lieu, vu de l’intérieur, on peut dire que globalement, les chambres d’agriculture sont compétentes. Leurs personnels assurent des prestations de qualité et des services qui ne sont pas forcément marchands, en matière de conseil technique, de développement économique, ou de gestion du foncier. Elles sont en relation avec les collectivités pour l’établissement des documents d’urbanisme – POS, PLU, etc. – et constituent des interlocuteurs compétents – bien que pas toujours reconnus.

En résumé, le potentiel de services que les chambres peuvent rendre est important. Cependant, si elles ont un bon maillage territorial, leur taux de pénétration auprès des agriculteurs reste à améliorer. Or, et cela renvoie au début de notre propos, quand la connotation syndicale est trop forte et que la chambre est devenue une annexe ou le bras armé d’un syndicat, la pénétration en pâtit. Malgré tout, et pour le pratiquer, il est tout à fait possible d’en faire totalement abstraction dans ses relations avec les agriculteurs. On peut très bien être majoritaire dans une chambre et aller sur le terrain sans jamais faire référence à son appartenance syndicale.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Dans un contexte de rationalisation financière, quelles devraient être les missions prioritaires d’une chambre d’agriculture? Quelles sont les missions qu’il conviendrait de développer, conformément à l’idée que vous vous faites de l’agriculture de demain ? Faut-il s’en tenir au schéma actuel ?

M. François Lucas. Les missions prioritaires sont souvent à l’opposé de ce que font les chambres. Celles-ci ont tendance à les perdre de vue, dans la mesure où elles sont dans une logique de rentabilité et de services vendus.

Il faudrait mettre l’accent sur le développement économique qui passe par l’exploration de nouvelles voies comme les nouvelles productions ou la méthanisation qui ne sont pas évidentes a priori pour les agriculteurs, ou le soutien au tourisme rural quand les agriculteurs peuvent en être acteurs.

Par ailleurs, les chambres ont un rôle à jouer dans le domaine du développement technique qui passe par les nouvelles technologies qu’il convient de vulgariser. Mais malheureusement, ce sont des secteurs où il est difficile d’être marchand. Avant de fournir des prestations aux agriculteurs, il faut d’abord les sensibiliser et les informer très en amont. Ces missions, qui sont importantes, sont les plus difficiles à mener.

M. Josian Palach. Je reviendrai sur le premier point. Nos relations avec le réseau consulaire sont nulles en tant qu’organisation syndicale – y compris au niveau national entre la Confédération paysanne et l’APCA.

Quelles missions les chambres d’agriculture devraient conserver ? Les missions d’information, par exemple sur les programmes régionaux de conseils régionaux ou sur les aides qui peuvent être spécifiques, sont importantes. Les chambres doivent diffuser ce type d’informations à l’ensemble des paysans. Or ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, le conseil régional Midi-Pyrénées avait accordé des aides d’investissement sur certains matériels. Des paysans n’en ont pas fait la demande parce qu’ils n’avaient pas été informés. Les réseaux alternatifs informent, mais ils n’ont pas la capacité de toucher l’ensemble des producteurs. C’est le rôle de la chambre de communiquer les informations sur tout ce qui se passe en ne se contentant pas de le faire par l’intermédiaire d’un journal qui est avant tout un journal syndical.

Par ailleurs, en matière de développement agricole, les chambres d’agriculture devraient davantage travailler sur la pluralité des systèmes et s’intéresser au paysage agricole dans son intégralité. Mais cela nous renvoie, une fois encore, aux pratiques de gouvernance.

M. Charles de Courson. J’ai trois questions à vous poser.

Premièrement, ne pensez-vous pas qu’il faudrait élargir les missions des chambres d’agriculture à l’agro-industrie ?

Deuxièmement, ne pensez-vous pas que l’on gagnerait à transformer ces établissements publics nationaux que sont les chambres d’agriculture en établissements publics régionaux ? Je vise les chambres régionales et ce qui reste des chambres départementales, l’APCA pouvant être maintenue sous la forme d’un établissement public national. Les régions vont être amenées à gérer le deuxième pilier de la Politique agricole commune et ce n’est donc plus au niveau national que les choses se décideront.

Troisièmement, n’estimez-vous pas que le financement actuel des chambres est archaïque ? Il est fondé sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB), qui est payée par le propriétaire ; ce dernier peut, dans certains cas, la répercuter, dans la limite de 20 %, sur le propriétaire – à défaut de dispositions contraires dans les baux ruraux. La TFNB est un impôt dont les valeurs locatives sont complètement archaïques et ne sont absolument plus représentatives de la richesse. Par exemple, l’agriculture hors sol qui s’est développée ne paie pas un sou de foncier non bâti et ne contribue donc pas au financement des chambres, alors qu’elle bénéficie de leurs prestations.

Ne faudrait-il donc pas réformer le financement des chambres ? Et si oui, dans quelle direction ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ne pourrait-on pas moderniser les modalités de leur financement en changeant l’assiette, en prenant en compte le chiffre d’affaires, ou la valeur ajoutée ?

M. Charles de Courson. Ou le revenu…

M. François Lucas. La mission essentielle d’une chambre d’agriculture – mission qui concerne autant les élus que les personnels administratifs – doit être de servir d’interface avec l’administration. Et quand je parle d’interface, je ne parle pas de courroie de transmission ! Il s’agit de recouper les informations, la réglementation, voire les attentes de l’administration avec celles des agriculteurs.

Les chambres sont – et doivent continuer à être – un espace où les agriculteurs peuvent savoir ce que veut dire l’administration ou ce qu’elle veut, et où l’administration peut savoir ce que disent les agriculteurs, et ce qu’ils ressentent. Et on le voit quand se pose, par exemple, un problème de tuberculose bovine : pour savoir quoi faire, l’État passe par la chambre d’agriculture ; celle-ci est incontournable.

Faut-il élargir les missions des chambres à l’agro-industrie ? C’est une question de financement à un moment où l’on se demande déjà si l’on pourra conserver le train de vie des chambres et le personnel employé dans chaque département, d’autant que les capacités contributives des agriculteurs sont « à la limite ». Mais c’est aussi une question de compétences. Cela impliquerait de recruter des ingénieurs de haut niveau, moins généralistes que les ingénieurs agronomes actuellement en place. L’agro-industrie, c’est en effet autant le marketing, que les processus de fabrication et bien d’autres choses.

Je ne suis pas persuadé du caractère judicieux de cette proposition, sans compter que les chambres d’industrie et de commerce sont aussi en relation avec l’agro-industrie.

M. Charles de Courson. Les coopératives ont bien des représentants dans les collèges ?

M. François Lucas. Il faut voir quel est le rôle des coopératives dans les chambres pour se rendre compte que leur présence est bien discrète. Pour elles, ce n’est pas là que les choses se passent : elles vivent leur vie et règlent leurs problèmes ailleurs qu’avec les chambres.

M. Charles de Courson. Ne pensez-vous pas que ce soit une faiblesse des chambres ?

M. François Lucas. C’est une faiblesse. Mais quels moyens leur donne-t-on pour qu’elles deviennent fortes ?

On peut aussi se poser la question de savoir quel degré d’autonomie les chambres doivent avoir par rapport à la tutelle nationale. Ainsi, vous vous prenez l’exemple de la régionalisation des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) du deuxième pilier de la PAC. Mais n’est-il pas nécessaire d’avoir, face à la complexité et la disparité que cela est susceptible de créer entre les régions, un système suffisamment centralisé pour avoir une forme d’harmonisation ou pour jouer les « amortisseurs » ? On pourrait craindre en effet que le territoire hexagonal ne devienne hétérogène, avec des régions attachées au conseil régional et vivant leur vie indépendamment de la structure nationale. On sait que l’APCA, à elle seule, n’est pas capable de compenser la volonté d’autonomie que pourraient avoir les chambres régionales.

Sur le financement, vous soulevez un problème réel : l’assiette n’est plus pertinente. Dès lors, il faut se poser certaines questions. Quelle est la capacité contributive des agriculteurs ? Faut-il prendre en compte le chiffre d’affaires ? On pourrait faire référence aux modalités de financement du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) mais cela supposerait que l’on reste à budget constant pour ce compte et que l’on évite de retomber dans les ornières de l’Association nationale pour le développement agricole (ANDA) qui, à une certaine époque, participait au financement des chambres, mais de façon peu orthodoxe…

Quoi qu’il en soit, nous ne serions pas opposés à ce qu’une partie du financement des chambres d’agriculture soit davantage en rapport avec la surface économique des exploitations que ne l’est la taxe actuelle.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Avez-vous d’autres éléments dont vous souhaiteriez nous entretenir ?

M. François Lucas. L’effet de la participation contributive au déficit national par le budget des chambres a créé un réflexe de Pavlov : pour s’en sortir, toutes les chambres se disent qu’elles doivent développer la vente de certains services. Mais le jeu risque de ne pas être très loyal. En effet, vendre des services suppose des clients, et si possible des clients captifs… On en a un excellent exemple avec les déclarations PAC de crues 2015. Pour les chambres qui doivent faire face, il s’agit certes d’un défi à relever mais en même temps, elles reconnaissent que leurs prestations de service ont augmenté au-delà de leurs espérances, et que cela leur permet de passer le cap du prélèvement. D’ailleurs, l’APCA a très docilement accepté ce prélèvement.

Le grand empressement de l’APCA en faveur de la régionalisation est également un point sur lequel il faut s’arrêter.

Ainsi, j’appartiens à la grande région Poitou-Charentes. Je ne suis pas opposé à une mutualisation des moyens. Mais de quels moyens  s’agit-il ? À l’idée que la future chambre régionale s’empare non seulement des moyens de la communication mais de l’ensemble de la communication pour faciliter le travail des chambres départementales, j’ai tendance à avoir des boutons ! Il y a de quoi s’inquiéter quand on tient à sa singularité, que l’on souhaite avoir une communication adaptée à ce que l’on est, et que l’on voit comment fonctionnent les chambres…

Les chambres d’agriculture étaient très favorables à la régionalisation, bien avant la réforme des régions. Elles étaient sur une logique de région administrative. On ne peut s’empêcher de penser que leur objectif était de limiter le risque de voir les syndicats minoritaires se développer. Ainsi que je vous l’ai indiqué, notre syndicat est majoritaire dans trois départements, le quatrième n’étant pas non plus favorable à la FNSEA. En cas de régionalisation, nous disparaîtrons « par dilution ».

Vous êtes là pour tout entendre : j’appartiens à la chambre d’agriculture de Charente, qui se trouve au sein d’une région qui en comprend quatre. Les trois autres chambres départementales ont décidé de nous réduire au silence : des réunions se passent sans nous et nous sommes exclus de certaines équipes de travail.

En outre, nous considérons que les chambres départementales doivent rester le maillon de la proximité. Et l’on mesure ce que deviendra la proximité, lorsque la future chambre régionale couvrira Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin et si, de Bordeaux, on doit gérer ce qui se passe au pays Basque et dans la Creuse…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Un an après avoir entendu que les départements allaient être supprimés, nous assistons à une redépartementalisation dans pratiquement toutes les régions. M. de Courson et moi-même, nous allons nous trouver dans une même région, la fameuse LACA – acronyme de Lorraine-Alsace-Champagne-Ardenne et pas plus tard que vendredi, le ministre de l’intérieur nous a vanté les mérites du département !

M. François Lucas. Ne nous a-t-on pas inculqué dès le plus jeune âge qu’il fallait réfléchir avant d’agir ?

M. Josian Palach. Faut-il élargir les missions des chambres à l’agro-alimentaire ? Nous ne voyons pas le lien qu’il peut y avoir avec l’agriculture. L’agro-alimentaire fait partie du secteur commercial, de la transformation et de l’industrie. C’est plus avec les interprofessions que l'agro-alimentaire peut avoir des liens, puisque c’est là que se retrouvent la production et la transformation et cela serait souhaitable, la distribution.

Faut-il régionaliser les chambres départementales ? Un échelon départemental de proximité doit être maintenu en imaginant toutefois un fonctionnement un peu différent, avec des antennes départementales permettant une certaine proximité, et une organisation plus régionale. Cela dit, avec les grandes régions, la question va être plus compliquée.

Les chambres d’agriculture sont peut-être des structures un peu lourdes par rapport au nombre de paysans actifs. On a fait disparaître beaucoup de paysans, mais on a gardé telles quelles les chambres d’agriculture. On peut s’interroger sur leur efficacité …

M. Charles de Courson. Vous voulez « dégraisser le mammouth » ?

M. Josian Palach. Cela pourrait se justifier dans certains cas, comme on peut se demander s’il était vraiment utile de conserver les 36 000 communes de France, dont certaines n'ont que 30 électeurs…

Mme Catherine Vautrin, rapporteur. En effet, on peut avoir ce type d’interrogations.

M. Josian Palach. On pourrait peut-être imaginer autre chose, qui ne correspondrait pas forcément au découpage actuel. La chambre d’agriculture couvre un département et quand le département est homogène, c’est une bonne solution. Mais quand le département est diversifié, pourquoi ne pas créer des antennes spécialisées sur telle ou telle partie et sur plusieurs départements ? Cela paraîtrait cohérent et serait plus efficace.

Le financement des chambres est certainement archaïque. Quel serait le mode de financement le plus pertinent ? On peut penser au CASDAR qui est alimenté par une partie de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants. Mais il faudrait multiplier les sources de financement du CASDAR par quatre ou cinq. En effet, son budget est de 120 millions d’euros, et celui des chambres est au minimum de 500 millions d’euros…

M. Jacques Bonati, de la Confédération paysanne. Le système peut en effet être considéré comme archaïque. Vous parlez de prendre en compte le chiffre d’affaires. Cela reviendrait à reporter sur les paysans des dépenses aujourd’hui supportées par des gens qui ne sont pas forcément des paysans. Mais ces derniers pourront-ils le répercuter sur le prix de leurs ventes ? C’est une question que nous nous posons en tant que représentants syndicaux.

M. Charles de Courson. Le système est archaïque : juridiquement, le foncier non bâti est payé par le propriétaire. Certes, celui-ci peut répercuter 50 % de la taxe pour frais de chambre d’agriculture sur l’exploitant – certains le font, d’autres pas. Mais les chambres d’agriculture ne sont pas composées à 50 % de propriétaires, et à 50 % d’exploitants. La plus grande partie est composée d’exploitants.

Par ailleurs, l’assiette n’est pas du tout représentative des facultés contributives, tant des propriétaires que des exploitants. Quelle autre assiette choisir ?

Personnellement, j’ai toujours été contre les taxes sur le chiffre d’affaires. Quoi qu’il en soit, l’assiette prenant en compte le chiffre d’affaires n’est pas compatible avec la directive européenne sur la TVA – même si on s’est bien gardé d’évoquer la question de l’eurocompatibilité du CASDAR et de l’ANDA.

La valeur ajoutée peut être une piste, de même le revenu - le revenu des exploitants, donc le bénéfice agricole et le revenu des propriétaires, qui est le loyer réel. Mais ce ne sont que des pistes.

M. Jacques Bonati. Les paysans pourront-ils le répercuter ? En fin de compte, n’est-ce pas le consommateur qui paiera ? Et surtout, tous les paysans pourront-ils supporter ce transfert de charges ? C’est tout de même cela le problème principal. On a demandé aux paysans de produire beaucoup et à bas prix. Mais ces prix seront-ils suffisamment rémunérateurs pour leur permettre de supporter une charge supplémentaire ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. En France, quelle est la proportion de propriétaire et d’exploitants ?

M. Jacques Bonati. Deux tiers d’exploitants et un tiers de propriétaires.

M. Charles de Courson. Il arrive souvent qu’un exploitant soit propriétaire d’une partie des terres qu’il exploite. La situation est très variable selon les régions. Le pourcentage des fermes dont les terres sont la propriété de l’exploitant atteint dans certains secteurs 60 %. Dans le Nord de la France, il est à peine de 30 % – ce sont souvent des terres familiales.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Au début de cette audition, vous avez fait allusion à la nécessité de réformer la gouvernance. Quel est votre point de vue en la matière ?

M. Josian Palach. Nous sommes dans une chambre consulaire, qui n’est pas un parti politique, mais qui est au service de l’ensemble de la profession. On pourrait imaginer que le bureau des chambres reflète mieux la pluralité de la profession et que le mode d’élection assure une représentation beaucoup plus proportionnelle que ce n’est le cas. On dit que cela pourrait provoquer des blocages. Je ne le crois pas. Ainsi, je fais partie du conseil d’administration du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) et là aussi, malgré des points de vue différents, il est possible de s’exprimer.

M. Charles de Courson. Les élections ont-elles lieu à la proportionnelle ?

M. Jacques Bonati. Il y a cinq collèges. Le premier, le plus important, est élu selon une proportionnelle aménagée : sur 21 élus, 11 sièges sont attribués à la liste arrivée en tête, les sièges restants étant répartis entre toutes les listes, ce qui signifie que la liste arrivée en tête obtient 15 sièges sur 21. Pourquoi la liste qui arrive en tête est-elle surreprésentée alors que dans les conseils régionaux par exemple, la prime pour la liste arrivée en tête est plus faible.

M. Charles de Courson. Elle dispose d’un quart des sièges.

M. Jacques Bonati. D’autres collèges, comme celui des anciens exploitants ou des propriétaires, fonctionnent au scrutin majoritaire, chaque catégorie ayant deux sièges. Le cinquième collège comprend des institutions telles les caisses du Crédit Agricole, ou Groupama, etc. Il semble obsolète et une révision s’impose.

Enfin, le vote de la Fédération pèse d’autant de voix que les syndicats ou organismes affiliés. Il existe donc une surprime de la Fédération qui aboutit à une représentation complètement monolithique. Même si un syndicat obtient de nombreuses voix, il n’est absolument pas assuré de participer au bureau.

Depuis les dernières élections, les représentants du premier collège  sont élus aux chambres régionales au scrutin proportionnel. Les élections dans les autres collèges ont lieu au scrutin majoritaire. Voilà pourquoi, même si un syndicat est majoritaire au sein du collège « anciens exploitants » ou « exploitants » dans une chambre, il sera forcément « dilué » dans les autres collèges. Cela forme un système de gouvernance avec des collèges obsolètes, qui fait que la représentation est monolithique.

M. Charles de Courson. Elle n’est pas monolithique, puisque le principal collège est élu à la proportionnelle avec une prime au gagnant. Cela dit, on pourrait envisager de diminuer la prime au gagnant.

M. Jacques Bonati. C’est à tort qu’on qualifie nos deux syndicats de minoritaires dans la mesure où ils obtiennent ensemble un peu plus de 50 % des voix – et ce pourcentage est relativement stable. Quel est l’intérêt d’une telle prime pour la liste arrivée en tête?

M. Charles de Courson. C’est comme à l’Assemblée nationale, où avec 32 % des voix seulement, on peut avoir la majorité en sièges. Cela pose quelques problèmes de gouvernance par la suite…

M. Jacques Bonati. Si deux syndicats obtiennent ensemble près de 50 %, la pratique du syndicat majoritaire est telle qu’on laisse rarement de place aux autres syndicats dans les instances, en particulier au bureau.

M. Charles de Courson. En politique, on s’allie…

Mme Monique Rabin, rapporteure. La question du mode d’élection des chambres d’agriculture n’est pas l’objet de notre mission. Mais nous pouvons toujours en traiter sous l’angle de la gouvernance et des conséquences sur la définition des stratégies des chambres.

M. Josian Palach. Et aussi sous l’angle de l’efficacité car l’ensemble des paysans doivent pouvoir bénéficier des services rendus par les chambres.

M. Charles de Courson. Quand vous êtes vous-mêmes majoritaires, appliquez-vous ces principes ?

M. Josian Palach. La Confédération paysanne est majoritaire dans une seule chambre, celle de La Réunion. Il faudrait aller y enquêter sur ce que l’on pense de la façon dont cette chambre remplit son rôle…

S’agissant du prélèvement sur le fonds de roulement des chambres, c'est un fusil à un seul coup car les chambres qui se sont fait ponctionner feront en sorte que cela ne se reproduise plus ! Sur le point des difficultés de certaines chambres et sur une éventuelle péréquation,  nous n’avons pas les moyens de faire un état des lieux précis et de savoir quelles sont les régions riches ayant des bases contributives élevées et celles qui ont des bases contributives plus faibles. Mais il existe des services compétents qui peuvent le faire.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Il nous reste à vous remercier.

1

() Rapport d’information sur la mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relative aux chambres de commerce et d’industrie de MM. Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat n° 712 (2013-2014) du 9 juillet 2014.

2

() Pour rappel, les CCI départementales d’Île-de-France ont un statut spécifique puisqu’elles sont rattachées à la CCIR Paris-Île-de-France et ne sont pas dotées de la personnalité morale.

3

() Décret n° 2015-536 du 15 mai 2015 substituant la dénomination « CCI France » à la dénomination « assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie ».

4

() Rapport d’information sur la mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relative aux chambres de commerce et d’industrie de MM. Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat n° 712 (2013-2014) du 9 juillet 2014.

5

() La conclusion de ces conventions ayant été retardée par la publication tardive du décret d’application, comme évoqué infra.

6

() La ressource fiscale affectée aux CCIR pour redistribution aux CCIT peut être utilisée, avec l’accord de ces dernières, comme un outil de péréquation en cas de difficultés financières rencontrées par une chambre ou pour permettre le financement d’un investissement lourd.

7

() Toutefois, si cette faculté existe depuis la réforme de 2010 et témoigne d’une évolution du rôle de la tête de réseau, ces normes, qui doivent être adoptées par l’assemblée générale de CCI France regroupant l’ensemble des présidents de chambres, portent sur des champs d’action restreints (par exemple, les centres de formalités des entreprises – CFE) et sont peu développées. Ce constat traduit notamment la culture d’autonomie revendiquée par les CCI.

8

() En application du principe de subsidiarité et par convention, une chambre régionale peut confier à une chambre territoriale la gestion d’un équipement ou l’administration d’un établissement d’enseignement par exemple.

9

() Décret n°2014-1333 du 5 novembre 2014 relatif aux conventions d’objectifs et de moyens conclues entre les chambres de commerce et d’industrie de région et l’État.

10

() Parmi les CCIT infra-départementales qui devraient fusionner au cours des prochaines années, 24 ont moins de 10 000 ressortissants dont 13 ont engagé un projet de fusion.

11

() Conformément à l’avis du Conseil d’État n°351654 du 16 juin 1992, confirmé par la décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 1999.

12

() Pour tirer les conséquences de la régionalisation du réseau opérée par la loi du 23 juillet 2010, la tutelle administrative et financière de l’ensemble du réseau, à l’exception de CCI France a été confiée aux préfets de région, assisté par le directeur régional de finances publiques et, en tant que de besoin, la DIRECCTE.

13

() Les conclusions du rapport annuel de la Cour des comptes 2009 sur les difficultés de « la tutelle des chambres de commerce et d’industrie » sont ainsi reprises dans le rapport d’information sur la mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 juillet 2010 relative aux chambres de commerce et d’industrie de MM. Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat du 9 juillet 2014 précité.

14

() Cette mesure est évoquée infra. Selon le cabinet de la précédente Secrétaire d’État chargée du commerce, Madame Carole Delga, seules 40 % des chambres ont respecté le délai de transmission de leurs comptes à la tutelle. Ce défaut de transmission a donné lieu à des relances par les services déconcentrés, puis par le ministère.

15

() Soit un an et demi après l’approbation du principe de la signature d’un tel contrat avec l’État lors du comité directeur de l’ACFCI du 18 octobre 2011.

16

() Selon les informations transmises à la mission au cours des auditions, « l’ensemble des CCI métropolitaines travaillent avec les métropoles, notamment avec l’Association des communautés urbaines de France (ACUF), sur quatre chantiers : l’emploi, l’attractivité, l’innovation et l’enseignement supérieur et la recherche. »

17

() Contribution des CCI de France au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, janvier 2015.

18

() Selon CCI France, la réforme de la taxe d’apprentissage de 2014 a pour effet de diminuer de 56 millions d’euros les ressources des établissements des CCI dispensant des formations professionnelles (soit moins 25 millions d’euros pour les CFA des CCI pour lesquels la taxe d’apprentissage représente 36 % de leurs ressources et 31 millions d’euros pour les écoles supérieures de commerce et autres écoles supérieures. Pour rappel, en 2014, le montant de la taxe d’apprentissage perçu par le réseau était de 191,4 millions d’euros.

19

() À titre d’exemple, à la suite du transfert de certains ports et aéroports par l’État aux collectivités territoriales, les CCI ont vu leur rôle évoluer, de concessionnaire unique, à membre de sociétés de gestion ad hoc. Par conséquent, le chiffre d’affaires tiré de ces concessions a fortement diminué. Il en va de même pour la gestion de certains établissements de formation. Lors de son audition, la Cour des comptes a ainsi souligné « la baisse notable du financement des écoles par les CCI » et le changement de « modèle économique » que cela représentait pour ces écoles. Le chiffre d’affaires des CCI s’en trouve nécessairement impacté.

20

() Le prélèvement France Télécom correspondait initialement à un remboursement à l’État du montant de TATP acquitté par cette entreprise à compter de 2003. Actuellement, le prélèvement effectué sur la TA-CVAE n’est plus directement lié au montant de TA-CVAE due par cette entreprise et représente 30 millions d’euros.

21

() Loi n°2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

22

() Rapport IGF–CGEIET–IGAS, précité.

23

() En effet, les fonds de roulement des concessions n’étant pas fongibles avec celui des CCI, ils ne peuvent être considérés comme disponibles.

24

() Comme précédemment rappelé, les plafonds applicables aux taxes affectées sont listés à l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

25

() Lors des auditions, certaines chambres ont souligné que l’écrêtement au profit de l’État n’avait quant à lui pas été reversé aux entreprises.

26

() Pour rappel, la TA-CVAE est collectée l’année précédant son versement aux CCI. Par exemple, en 2014, l’administration a collecté auprès des entreprises, les acomptes dus au titre de 2014 et le solde de la taxe due au titre de 2013. La fraction de ces montants revenant aux CCI leur a été reversée en 2015.

27

() L’assiette de la TA–CVAE est le montant net de CVAE (hors dégrèvement barémique pris en charge par l’État) payé par les entreprises entrant dans le champ de la TA–CVAE

28

() Les recours rejetés par la tutelle à ce jour représentent 55 millions d’euros.

29

() Amendement n° CF–239 de Mme Rabin et de MM. Grandguillaume et Launay adopté en première lecture par la commission des Finances.

30

() Dans le tiré-à-part transmis au Parlement le 8 juillet 2015 en complément du rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques (DOFP) remis le 30 juin 2015 au Parlement.

31

() Plusieurs ordres de grandeur ont été évoqués au cours des débats. Le chiffre maximum avancé est toutefois de 7 500 postes supprimés.

32

() À l’initiative de Mme Vautrin, rapporteure de la commission des Affaires économiques et co-rapporteure du présent rapport.

33

() Rapport n°2388 sur le projet de loi, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services de Mme Catherine Vautrin.

34

() À titre d’exemple, la CCI Paris Ile-de-France pilote 24 écoles formant 32 000 étudiants et 16 000 apprentis.

35

() Georges Simonet, notice sur la loi du 26 juillet 1925 portant création des chambres de métiers, Annuaire de la législation française, 1926, page 119.

36

() 17,28 % de participation moyenne aux élections des CCI, avec des taux régionaux compris entre 6,42 % et 59,1 %. 18,2 % de participation moyenne aux élections des CMA, avec des taux régionaux compris entre 7,4 % et 56,5 %.

37

() Le FNPCA est un établissement public à caractère administratif financé par une majoration du montant de la taxe pour frais de chambre et qui a pour objet de contribuer au financement d’actions de promotion et de communication à caractère national en faveur de l’artisanat.

38

() La CMAR partielle deviendra CMAR totale au 1er juillet 2015.

39

() On appelle CMAR « complète » la structure de niveau régional à laquelle ne sont rattachées que des sections départementales dépourvues de personnalité juridique, à l’inverse des CMAR « partielles qui regroupent à la fois des sections départementales et 1 CMAD.

40

() La CMA d’Alsace a été incluse dans les CMAR à partir de 2011 compte tenu de son organisation mais dans les textes, elle demeure une CMA.

41

() Les DOM étaient des chambres des métiers et de l’artisanat départementales et sont devenues des CMAR depuis 2011.

42

() Avec deux CMA rattachées, les Landes et les Pyrénées Atlantiques.

43

() Avec une CMA rattachée, celle de la Manche.

44

() Trois chambres départementales sont devenues des sections, la chambre départementale de Haute Saône étant rattachée à la CMAR.

45

() Cinq chambres départementales devenant des sections, la chambre départementale des Alpes-Maritimes étant rattachée.

46

() Cadre d’action et financement des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat, mai 2014.

47

() Les données de l’APCMA concernent les exercices 2013 et 2014. Elles ne sont pas comparables avec la consolidation des comptes du réseau des CMA de la DGE, car sont issues de méthodes différentes. En effet, la DGE précise que les données de l’APCMA, issues d’enquêtes, sont estimatives, alors que les données de la DGE sont issues des déclarations effectuées par toutes les chambres du réseau, après validation des commissaires aux comptes.

48

() 81 500 euros en cas de ventes et 32 600 euros en cas d’activités non commerciales.

49

() Les CMAR et les CRMA ont la possibilité de fixer un taux de droit fixe inférieur au plafond mais, en pratique, toutes ont fixé ce taux au maximum prévu.

50

() 88 650 596 euros hors Alsace et Moselle, sur 805 410 assujettis.

51

() Pour l’expression de ce choix, il est procédé au vote, à bulletin secret, des élus au sein de chaque représentation départementale de chaque assemblée générale régionale. La décision de la chambre est prise à la majorité des représentations départementales représentant la majorité de leurs ressortissants.

52

() Rapport d’observations définitives sur les comptes et la gestion de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat - Exercices 2006 à 2012 -, septembre 2014.

53

() Rapport d’observations définitives sur les comptes et la gestion de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat - Exercices 2006 à 2012 -, septembre 2014.

54

() L’apprentissage au service de l’emploi. Les notes du Conseil d’analyse économique, n°19, décembre 2014.

55

() Les quarante-cinq membres de la chambre d’agriculture sont élus par un scrutin de liste départemental à un tour. Deux modes de scrutin sont en vigueur. Pour les collèges chefs d’exploitation, salariés de la production et salariés de groupements professionnels, les vingt-neuf sièges sont attribués par un scrutin mixte : majoritaire et proportionnel. Dans un premier temps, la liste qui a le plus de voix obtient un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir, arrondi le cas échéant à l’entier supérieur. Dans un second temps, les sièges restants sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle, tout d’abord par quotient électoral, puis à la plus forte moyenne, mais sans arrondi, seul l’entier est pris en compte. Pour tous les autres collèges, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à un tour

56

() La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes.

57

() Hors Pyrénées-Atlantiques.

58

() Hors Loire.

59

() Hors Haute-Garonne.

60

() Hors Eure.

61

() Hors Finistère.

62

() Hors Bouches-du-Rhône.

63

() Les CCIR d’Outre-mer présentent, notamment, la particularité, dans la mesure où dans chaque région il n’existe qu’une seule CCIT – l’échelon départemental et régional ayant le même périmètre –, d’exercer également les compétences de cette dernière.

64

() Réponses au questionnaire adressé par les rapporteures aux chambres consulaires.

65

() Baromètre Fiducial/Ifop, mai 2015, http://business.lesechos.fr/entrepreneurs/ressources-humaines/exclu-quand-les-tpe-remettent-en-question-l-utilite-des-chambre-de-metiers-et-cci-111180.php

66

() « Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité des entreprises », rapport de l’Inspection générale des finances établi par Jean-Philippe Demaël, Philippe Jürgensen et Jean –Jack Queyranne. Juillet 2013.

67

() Réponse au questionnaire écrit.

68

() Rapport d’information n° 2052 du 4 juillet 2013 du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation du soutien public aux exportations Jean-Christophe FROMANTIN et Patrice PRAT.

69

() Sachant que les artisans qui sont exonérés de façon permanente et de plein droit de CFE ne sont pas non plus, par définition, redevables de la taxe additionnelle à celle-ci. Il s’agit des artisans, y compris exerçant sous la forme d’une SARL dont l’associé unique est une personne physique, travaillant soit à façon pour les particuliers, soit pour leur compte avec des matières leur appartenant, qu’ils aient ou non une enseigne ou une boutique, lorsqu’ils travaillent seuls ou avec le seul concours d’une main-d’œuvre familiale ou d’apprentis sous contrat d’apprentissage.


© Assemblée nationale