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ogo2003modif

N° 3258

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 novembre 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019
de l’Institut national de l’audiovisuel
,

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Jacques CRESTA,

Député.

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS 2010-2014 : UN BILAN CONTRASTÉ 9

A. UN PATRIMOINE AUDIOVISUEL SAUVEGARDÉ ET PLUS ACCESSIBLE 9

1. L’exécution réussie du Plan de sauvegarde et de numérisation 9

2. Une ouverture plus large du fonds de l’INA 12

a. Un dépôt légal plus accessible 12

b. Une offre en ligne améliorée 12

B. DES RÉSULTATS ÉCONOMIQUES INCERTAINS 13

1. Une érosion des ressources propres 14

a. La recherche de nouveaux mandats 14

b. Une diminution des cessions de droits d’exploitation 15

c. Une offre de formation concurrencée 15

2. Une progression des dépenses 16

a. Une hausse des dépenses de fonctionnement 16

b. Des investissements immobiliers retardés 18

II. LE CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS 2015-2019 : UN PROJET AMBITIEUX TOURNÉ VERS LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE 21

A. RÉNOVER LES MISSIONS DE L’INA 21

1. Conserver le patrimoine à l’heure du numérique 21

a. Achever et approfondir le Plan de sauvegarde et de numérisation 21

b. Offrir et valoriser l’expertise en matière d’archivage numérique 23

2. Ouvrir le patrimoine 24

a. Amplifier l’accès au dépôt légal 24

b. Développer les offres commerciales 24

3. Exploiter de façon innovante le patrimoine 25

a. Analyser les contenus 25

b. Fluidifier la circulation des contenus 26

B. ADAPTER LES MOYENS DE L’INA À CETTE AMBITION 26

1. Élargir les ressources propres 27

a. Améliorer la cession de droits d’exploitation 27

b. Valoriser le savoir-faire comme un atout commercial 28

2. Rationaliser les dépenses 30

a. Limiter les dépenses de fonctionnement 31

b. Réaliser des dépenses d’investissement indispensables 32

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 57

INTRODUCTION

Afin d’archiver, valoriser et sauvegarder le nouveau patrimoine culturel que constituent les archives sonores et audiovisuelles, une nouvelle entité publique est créée en 1974 (1), l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Deux orientations ont présidé à cette création :

– la volonté de séparer juridiquement les activités de conservation de celles de diffusion, ce qui en fait un modèle original à l’international. De fait, il n’existe pas d’équivalent en Europe. Le Royaume-Uni a doté la British Broadcasting Corporation (BBC) de la double mission d’archiver et de diffuser les œuvres audiovisuelles, tout comme l’Italie avec la Radiotelevisione Italiana (RAI). La Suède et les Pays-Bas, quant à eux, ont confié le dépôt légal des archives audiovisuelles à des institutions spécifiques.

– La volonté de doter cette structure de missions de service public mais aussi d’activités commerciales, d’où l’attribution du statut d’entreprise publique à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministère chargé de la communication.

Ainsi, son budget est constitué de ressources publiques à hauteur d’environ 70 %, provenant du produit de la contribution à l’audiovisuel public (2), mais aussi de ressources propres liées à ses activités commerciales d’archivage, d’exploitation de ses collections ou de formation.

L’article 49 de la loi du 30 septembre 1986 (3) confie trois missions principales à l’INA :

1) la conservation et l’exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et le cas échéant, des services de communications audiovisuelles privées.

• La conservation

L’INA possède un fonds d’archives professionnelles et un fonds issu du dépôt légal.

– Les archives professionnelles :

En 1975, l’INA hérite des actualités cinématographiques françaises (1945-1969) et des collections historiques de la radiodiffusion française (émissions avant 1949), de la Radiodiffusion télévision française (émissions de 1949 à 1964) et de l’Office de radiodiffusion télévision française (1964-1974).

Depuis, France Télévisions et Radio France déposent chaque année environ 34 000 heures d’émissions.

En 2013, ce fonds comprend 1,1 million d’heures de télévision et 1,4 million d’heures de radio.

– Le fonds du dépôt légal :

La fin du monopole de l’État sur le secteur audiovisuel et radiophonique a entraîné l’extension du dépôt légal aux émissions de télévisions et de radios. Afin de conserver une mémoire, l’INA est chargé de collecter, de documenter et de conserver les émissions de télévision et de radio diffusées en France (4). Depuis 1995 et sa mise en œuvre effective, l’INA a ainsi archivé 6 millions d’heures. En 2006, cette mission a été étendue aux sites web media français (5).

• L’exploitation et la valorisation

L’INA bénéficie de droits d’exploitation sur les émissions produites par les chaînes publiques ainsi que sur les extraits à l’expiration d’un délai d’un an à compter de leur première diffusion.

L’INA propose un catalogue payant aux professionnels, via une plateforme web intitulée inamediapro.com. S’agissant du grand public, l’INA propose à travers son site internet ina.fr une sélection de documents consultables en grande majorité gratuitement (80 % des documents) ainsi que la vente de DVD ou de CD (6).

2) La formation continue des personnels du secteur audiovisuel et la formation initiale dans les métiers de la communication audiovisuelle.

L’INA propose environ 500 formations aux professionnels de l’audiovisuel et du son via sa marque « INA expert ».

S’agissant de la formation initiale, elle dispose d’un département d’enseignement supérieur, « INA sup » qui propose trois diplômes (master INA gestion de patrimoine audiovisuel, master INA production audiovisuelle, INA bac +3, documentaliste multimédia).

3) L’innovation et la recherche dans le domaine de la production et de la communication audiovisuelle.

S’agissant de la recherche, l’INA a, par exemple, conçu un logiciel de protection de contenus audiovisuels dénommé « Signature ».

Par ailleurs, l’INA produit des œuvres et des documents audiovisuels. En 2013, ce sont 55 documentaires des sujets historiques ou d’actualité qui ont été produits ou coproduits.

*

L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 précitée (7) prévoit la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et l’INA. Avant sa signature, tout projet de COM doit être transmis aux commissions chargées des affaires culturelles du Parlement qui disposent d’un délai de six semaines pour formuler un avis. C’est dans ce cadre que le projet de quatrième COM pour la période 2015-2019 a été transmis à l’Assemblée nationale le 22 octobre 2015.

Ce quatrième COM s’inscrit dans la continuité du COM précédent, tout en tirant les leçons des difficultés rencontrées. Il insuffle de nouvelles ambitions à l’INA, cherche à écrire une nouvelle histoire en renouant avec une stratégie tournée vers l’innovation et la création. Il ambitionne de positionner l’Institut comme l’acteur de référence de l’archivage numérique et d’en faire un atout commercial.

I. LE CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS 2010-2014 : UN BILAN CONTRASTÉ

Conclu sur la période 2010-2014, le troisième COM avait retenu trois objectifs :

– la sauvegarde des archives audiovisuelles ;

– la valorisation des collections ;

– la transmission des savoirs et des compétences.

Si son bilan comporte d’indéniables réussites, il fait apparaître également des tendances préoccupantes sur le long terme.

La numérisation des archives de l’INA et leur sécurisation sont en voie d’achèvement, l’ouverture au grand public et aux professionnels de son fonds s’est poursuivie et amplifiée. Cependant, la situation économique de l’INA reste fragile, notamment en raison de la difficulté à trouver de nouveaux mandats de cession de droits d’exploitation et à s’affirmer sur le marché de la formation continue face à une offre extrêmement concurrentielle.

A. UN PATRIMOINE AUDIOVISUEL SAUVEGARDÉ ET PLUS ACCESSIBLE

Parmi les réussites du troisième COM figure la poursuite et l’accélération du plan de sauvegarde et de numérisation (PSN). L’ouverture des fonds s’est, par ailleurs, adaptée aux nouveaux usages du numérique.

1. L’exécution réussie du Plan de sauvegarde et de numérisation

Lancé en 1999, le Plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) a pratiquement atteint ses objectifs et a respecté son budget prévisionnel.

Les collections de l’INA étaient menacées de disparition car stockées sur des supports analogiques appelés à se dégrader et leurs modes de lecture devenaient périmés.

Le premier COM avait fixé un périmètre initial d’environ 759 500 heures (8) à sauvegarder.

Après avoir réuni un comité de sauvegarde pour résoudre l’épineuse question de la sélection des fonds à sauvegarder et avoir fait procéder à un recensement des fonds en danger par un cabinet de conseil privé (Veritas), un deuxième périmètre a été établi en 2003, portant sur 835 000 heures (9) à sauvegarder à l’échéance 2015.

La sauvegarde a ainsi porté, en priorité, sur :

– les archives audiovisuelles sur pellicule film, supports vidéo 2 pouces, un pouce et Umatic ;

– les archives radiophoniques sur bandes 6,25 mm, DAT et disques 78 tours.

À l’issue du deuxième COM, 470 200 heures avaient été préservées.

Fin 2014, ce sont 701 833 heures qui ont été sauvegardées, soit 92 % de l’objectif initial.

Depuis 2010, les objectifs de l’indicateur mesurant la part des fonds menacés de dégradation physique sauvegardés en numérique ont toujours été devancés. C’est pourquoi l’objectif assigné pour 2014, soit 88 % des fonds sauvegardés, a été dépassé.

Cet ambitieux programme a bénéficié d’un effort conséquent de la part de l’État. En effet, si de 1999 à 2003 la sauvegarde des archives a pu être autofinancée par l’INA, à partir de 2005, l’État a amplifié sa dotation publique. Afin de mener à bien l’opération, la dotation est ainsi passée de 69,2 millions d’euros en 2004 à 90,5 millions d’euros en 2012, soit une hausse de plus de 30 %.

Au final, le coût d’exécution du PSN s’élèvera à environ 162 millions d’euros pour un budget prévisionnel de 193 millions d’euros. Il a mobilisé entre 50 et 80 ETP durant cette période, appartenant à des métiers très différents (notamment des techniciens, documentalistes ou magasiniers). La mise en place de méthodes industrielles a permis la diminution des coûts unitaires de sauvegarde.

Le Rapporteur se félicite que ce chantier ait pu être mené à bien en ayant respecté les délais et le budget.

Par ailleurs, 94 % des supports physiques sont désormais conservés dans des conditions idoines et le plan de reprise d’activité, qui permet de garantir la continuité de l’activité de vente des archives numérisées en cas d’incident grave des systèmes d’information, a été déployé.

Cette réussite ne doit pas occulter les difficultés rencontrées par l’opération consistant à transférer des fonds déjà numérisés sur un support appelé à disparaître, le Betacam numérique, sur un fichier pérenne, le JPEG2000.

Cette migration a pris du retard. L’objectif de migration de 39 000 heures en 2013 n’a pas été atteint : seules 18 716 heures ont été transférées, soit 48 %. Une partie du retard a été rattrapée en 2014 où 68 803 heures ont pu être transférées sur un objectif de 68 000 heures. Ce sera donc un des objectifs prioritaires du quatrième COM.

FONDS SAUVEGARDÉS DE 1999 À 2014 (COM1 À COM3)

Plan de sauvegarde et de numérisation

Estimation des fonds Veritas 2003 heures à traiter (1)

PSN initial objectifs Prévisionnel 1999-2015 (2)

Bilan volumes sauvegardés (heures)

Total réalisé COM1 à 3

Réalisé COM1 à 3 Filières PSN initial

Filières initiales

1999 à 2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

                         

FILM

143 500

114 200

6 383

3 564

4 688

4 630

5 873

6 215

6 947

7 660

6 869

7 130

6 309

5 600

4 301

76 169

VIDEO historique (supports anciens2p, 1p, & 3/4p)

192 200

202 600

72 135

20 228

24 820

30 215

30 624

25 660

22 264

2 961

         

228 907

Total TV

335 700

316 800

78 518

23 792

29 508

34 845

36 497

31 875

29 211

10 621

6 869

7 130

6 309

5 600

4 301

305 076

DISQUES 78t)

20 700

12 178

1 087

340

506

694

904

1 025

857

806

1 028

954

1 105

1 151

1 513

11 970

BANDES 6,25

465 000

418 630

28 435

6 068

9 127

20 511

27 947

35 986

31 455

32 539

31 493

35 274

40 189

40 330

38 702

378 056

DAT

11 800

11 800

1 951

764

800

1 650

1 209

1 678

1 164

801

402

413

960

1 206

1 079

14 077

Total RADIO

497 500

442 608

31 473

7 172

10 433

22 855

30 060

38 689

33 476

34 146

32 923

36 641

42 254

42 687

41 294

404 103

Sous total TV + RADIO filières initiales

833 200

759 408

109 991

30 964

39 941

57 700

66 557

70 564

62 687

44 767

39 792

43 771

48 563

48 287

45 595

709 179

PHOTOS
Nombre de photos numérisées

1,2million

1,2million

   

36 671

45 042

43 858

41 821

45 047

41 136

34 443

35 136

31 650

28 507

34 512

417 823

Autres filières

   

Réalisé Hors PSN initial

Nitrates

     

124

 

38

18

17

17

13

7

 

10

18

16

278

Beta/ BetaSP/Beta SX (archives pro +DL)

116 175

23 215

21 813

20 283

16 576

24 846

222 908

CD Audio

   

13 369

8 803

12 033

8 914

10 568

9 313

63 000

Sous total Autres Filières

   

116 175

32 025

33 846

29 207

27 162

34 175

286 186

TOTAL Radio TV

   

226 166

30 964

39 941

57 700

66 557

70 564

62 687

44 767

71 817

77 617

77 770

75 449

79 770

995 365

Migrations

                               

Migrations Beta num vers JPEG2000

                     

3 581

15 135

42 000

60 716

Source : INA.

2. Une ouverture plus large du fonds de l’INA

a. Un dépôt légal plus accessible

Le périmètre du dépôt légal s’est élargi et étoffé, que ce soit dans le domaine radiophonique ou audiovisuel – qui recouvre désormais 94 télévisions et 21 radios – ou dans le domaine du web média avec 10 197 sites référencés.

L’ouverture des collections de l’INA au grand public est limitée par des obstacles juridiques. En effet, l’article L. 132-4 du code du patrimoine réserve la consultation sur site des documents au titre du dépôt légal aux « chercheurs dûment accrédités par chaque organisme dépositaire sur des postes individuels de consultation dont l’usage est exclusivement réservé à ces chercheurs ». Par ailleurs, l’article L. 132-3 du même code, qui confie la responsabilité de ce dépôt à la Bibliothèque nationale de France (BnF), au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et à l’INA, afin qu’ils le gèrent pour le compte de l’État, précise « que la responsabilité du dépôt légal peut être étendue à d’autres établissements ou services publics, nationaux ou locaux, à la condition qu’ils présentent les garanties statutaires et disposent des moyens, notamment scientifiques, propres à assurer le respect des objectifs définis à l’article L .131- 1 ».

Afin d’ouvrir plus largement la consultation de ce dépôt légal, tout en se conformant à la législation, l’INA a poursuivi l’installation de points d’accès sur tout le territoire. Depuis 2010, la consultation est possible dans les six délégations régionales de l’INA, sur des points de consultation experts (10) développés avec la BnF. De plus, dix nouveaux sites, dits de consultation autonomes, ont été déployés sur le territoire, à Pessac, Grenoble (11), Montpellier, Nancy, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Nantes, Metz et Nice.

b. Une offre en ligne améliorée

La poursuite des efforts pour rendre plus accessible le fonds d’archives figurait parmi les principales priorités du troisième COM.

S’agissant du grand public, l’INA a lancé en 2006 un site internet ina.fr, qui a rencontré un large succès. Le nombre de visiteurs est passé de 1,8 million à 3 millions entre 2010 et 2013.

Ainsi, l’objectif d’accessibilité au grand public a atteint 40 473 heures en 2013 pour 37 000 heures prévues et 43 344 heures en 2014 (pour une cible de 40 000 heures).

De plus, l’INA est accessible sur tous les supports nomades et a signé des conventions avec Daily motion et YouTube. En 2013, le nombre de vidéos vues s’est élevé à 98 millions tous sites confondus, en progression de 80 % par rapport à 2012, dont 51 millions sur les 16 chaînes INA du site You Tube.

Néanmoins, le lancement d’un abonnement de vidéo à la demande illimité pour 3,99 euros par mois en partenariat avec Free et Numéricable n’a pas rencontré le succès espéré.

Dans son rapport (12), le contrôleur général nuance ces résultats en soulignant que les structures de l’INA connaissent des difficultés de réactivité et pointe notamment le manque d’adaptation du système d’information à l’évolution rapide des applications.

S’agissant des professionnels, l’INA a conçu une plateforme d’accès aux contenus vidéo et audio avec un site internet dédié inamediapro.com. En 2013, 17 000 professionnels y étaient accrédités dont 30 % depuis l’étranger.

Afin de mesurer l’accès à son fonds par les professionnels, un indicateur quantifiait le nombre d’heures de programmes accessibles en ligne ; de 2010 à 2014, le nombre d’heures est passé de 739 000 à 1,1 million, dépassant les objectifs prévus dans le COM, soit 1 million d’heures, ce qui atteste des bons résultats dans ce domaine.

B. DES RÉSULTATS ÉCONOMIQUES INCERTAINS

Les recettes commerciales de l’INA n’ont pu progresser, malgré une embellie en 2012 (13), et se situent, avec 38,1 millions d’euros en 2014, largement en dessous de la trajectoire prévue dans le troisième COM qui fixait un objectif de 44,5 millions d’euros de recettes. Pour 2015, les recettes commerciales prévues initialement à 39,5 millions d’euros ont été finalement estimées en juillet à 37,8 millions d’euros dans le budget rectificatif, soit un écart de 1,8 million d’euros.

L’INA a donc accru sa dépendance au produit de la contribution à l’audiovisuel public qui représente près de 70 % de ses ressources en 2015.

L’érosion de ses ressources propres s’est doublée d’une progression de ses dépenses de fonctionnement, ce qui explique les mauvais résultats. Quant aux dépenses d’investissement, elles ont été retardées. Le quatrième COM devra donc remédier à cette situation budgétaire préoccupante.

1. Une érosion des ressources propres

a. La recherche de nouveaux mandats

Dès 2007, la Cour des comptes (14) avait alerté sur les conséquences pour l’INA de la réduction du périmètre de ses ressources propres.

On distingue trois périodes couvrant les droits détenus par l’INA sur ses archives audiovisuelles et sonores :

– jusqu’en octobre 1981 et juillet 1982 : l’INA détient les droits de producteur corporels et incorporels sur tous les programmes des sociétés nationales de programmes, à savoir les émissions financées ou cofinancées par l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) et la Radiodiffusion-télévision française (RTF), puis TF1, A2, FR3, Radio France et Radio France internationale (RFI) ;

– d’octobre 1981 à août 1997 : l’INA ne détient plus que les droits de producteur corporels et incorporels sur les émissions – hors fictions – financées ou cofinancées par A2/France2, FR3/France 3, Radio France, RFI et Société de Radiodiffusion et de télévision Française pour l’Outre-mer (RFO), à hauteur d’au moins deux tiers du coût total de production ;

– depuis août 1997 : l’INA ne détient plus que la maîtrise de l’exploitation sous forme d’extraits des programmes de France Télévisions, 9 mois après leur diffusion.

Par ailleurs, les droits corporels et incorporels de l’INA sur les programmes les plus anciens sont des droits de producteur, qui tombent dans le domaine public 50 ans après la date de première diffusion selon les règles de la propriété littéraire et artistique.

C’est pourquoi, afin d’étoffer ses recettes, la recherche de nouveaux mandats d’exploitation est primordiale. Il s’agit pour l’INA de se voir confier le fonds audiovisuel d’un mandataire et en échange de sa numérisation et de son exploitation éditoriale, de récupérer une partie des recettes provenant de son exploitation.

Dans ce domaine, les objectifs fixés dans le troisième COM ont été respectés et même dépassés. Le nombre d’heures de programmes prises en mandat d’exploitation a été de 11 916 heures en 2013 pour un objectif de 4 000 heures et de 12 136 heures en 2014 sur un objectif de 5 000 heures.

b. Une diminution des cessions de droits d’exploitation

Le troisième COM s’était également fixé comme objectif une progression du chiffre d’affaires des cessions de droits d’exploitation de 23,2 millions d’euros en 2009 à 26,9 millions d’euros en 2014.

Cet objectif n’a pu être atteint. Jusqu’en 2012, les prévisions inscrites dans le COM sont soit respectées ou légèrement inférieures. À partir de 2013, le chiffre d’affaires diminue fortement.

En 2013, le produit de la cession de droits s’est élevé à 23,8 millions d’euros, montant nettement inférieur à l’objectif de 26,1 millions d’euros. En 2014 le produit a encore diminué pour passer à 22,7 millions contre une prévision de 26,9 millions d’euros.

Ce point est d’autant plus préoccupant que les cessions de droits représentent 60 % des ressources propres.

Plusieurs raisons sont invoquées : la première est le contexte économique incertain qui impose aux chaînes de télévision d’être plus économes.

La deuxième est la mise en place d’une nouvelle grille tarifaire, suggérée par un cabinet de conseil. La commercialisation des extraits d’archives s’effectue depuis le 1er janvier 2013 à la seconde au-delà d’un minimum de 30 secondes. Jusqu’ici, l’extrait était vendu à la minute. De plus, le coût des droits sur les émissions d’actualité a été réduit et celui programmes de divertissement augmenté. L’INA avait misé sur le fait que la baisse des prix serait compensée par une augmentation des volumes de ventes, notamment celles sur les variétés, ce qui n’a pas été le cas.

Dans son rapport (15), le contrôleur général met en avant la baisse des ventes d’extraits de programmes de variétés. La demande d’émissions des années 1960-1970 a reculé au profit des années 1980 pour lesquels le fonds de l’INA est moins riche.

C’est pourquoi, parmi les projets du quatrième COM figurera une adaptation de cette grille tarifaire.

c. Une offre de formation concurrencée

L’INA doit faire face à une offre de formation concurrente développée au sein de France Télévisions et de Radio France, phénomène dont s’était alarmée la Cour des comptes en 2007 (16). Elle avait mis en avant la forte sensibilité aux aléas du marché de cette activité, les entreprises réduisant cette dépense dans leurs budgets en période de crise économique et avait relevé l’apparition de la concurrence au sein même de l’audiovisuel public que ce soit sur un plan national ou international.

C’est pourquoi, un des objectifs du troisième COM était l’orientation de sa politique commerciale de formation vers des professionnels régionaux ou internationaux.

Les résultats ne sont pas probants puisque, depuis 2012, le chiffre d’affaires de la formation professionnelle stagne, passant de 5,18 millions d’euros en 2012 à 5,15 millions d’euros en 2014. De plus, cette activité entraîne des charges supérieures aux recettes puisqu’en 2014 les charges se sont élevées pour la formation continue à 6,1 millions d’euros, pour des recettes atteignant 5,15 millions d’euros.

Lors de son audition par le Rapporteur, le contrôleur général M. Alain Simon (17), a estimé que le catalogue extrêmement riche, avec plus de 500 stages proposés, peine à trouver un public pour toutes ses offres.

RÉPARTITION DU CHIFFRE D’AFFAIRES
ENTRE LA FORMATION CONTINUE ET INITIALE

(en milliers d’euros)

Chiffre d’affaires

Réalisé
2012

Réalisé
2013

Réalisé
2014

Enseignement supérieur

(%)

1 842

26

1 955

28

1 883

27

Formation professionnelle

(%)

5 180

74

5 039

72

5 155

73

Chiffre d’affaires

7 022

6 994

7 038

Source : INA – Avril 2015.

Néanmoins, l’ouverture en 2013 d’un centre de formation à Issy-les-Moulineaux, situé à proximité des entreprises du secteur audiovisuel et proposant de nouvelles offres de formation devrait constituer un atout, malgré le coût de la location d’un montant de 600 000 euros par an.

2. Une progression des dépenses

a. Une hausse des dépenses de fonctionnement

La majeure partie des dépenses est constituée par les frais de personnel, à hauteur de 54,5 % en 2014. Au nombre de 934 ETP en 2014, les personnels relèvent de contrats de travail de droit privé, de type contrat à durée indéterminé ou déterminé.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE L’INA DEPUIS 2008

(personnes)

Effectif équivalent temps plein

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

prévision 2015

Personnel permanent

960,9

950,9

945,5

937,1

943,6

934,2

934,2

951,8

Personnel non permanent

91,2

97,6

92,9

84,3

85,9

82,8

84

63

Total INA en moyenne sur l’année

1 052,1

1 048,51

1 038,4

1 021,4

1 029,4

1 017

1 018,1

1 015

Source : INA – octobre 2015.

À la suite de la dénonciation en 2009 de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle commune aux sociétés de l’audiovisuel public, un nouvel accord d’entreprise propre à l’INA a été négocié, comme le prévoyait le troisième COM. Signé le 9 novembre 2012, l’accord collectif prévoit une progression salariale dans la limite de 1,85 % qui comprend :

– une augmentation générale de 1,1 % pour l’ensemble du personnel ;

– une garantie de mesures individuelles à hauteur de 0,75 %, liées au mérite, pour 17 % minimum de l’effectif.

La mission menée par le Contrôle général économique et financier (18) a relevé que cet accord avait eu pour effet d’augmenter les frais de personnel et semble absorber pour l’avenir la totalité des marges de manœuvre de l’établissement en matière salariale.

De plus, le contrôleur général, M. Alain Simon, a également souligné lors de son audition (19), que la mise en œuvre de cet accord donne lieu à des interprétations divergentes. Ainsi, les syndicats considèrent la clause d’augmentation salariale annuelle comme un plancher et non comme un plafond.

ÉVOLUTION DE LA MASSE SALARIALE DE L’INA

(en millions d’euros)

Masse salariale

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

prévision 2015

Personnel permanent

56,2

56,5

57,1

59,7

60,5

63,2

62,3

64,3

Personnel non permanent

3,6

3,9

3,8

3,4

3,6

4,1

4,2

3,2

Sous total permanent et non permanent

59,8

60,4

60,9

63

64,1

67,3

66,5

67,5

Intermittents

3,3

3,3

3,1

2,8

2,9

2,8

2,2

2,7

Total

63,1

63,7

64

65,9

67

70,1

68,8

70,2

Source : Questionnaire budgétaire pour le PLF 2016 Mission Médias, livre et industries culturelles.

S’agissant de la politique des ressources humaines, l’élaboration d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, pourtant prévue, n’a pu aboutir malgré la réalisation de plusieurs études. De ce fait, ce sera une des priorités du prochain COM.

Quant à la formation continue, la mise en place d’un plan de validation des acquis professionnels (VAE) n’a pas été concluante, seules 16 personnes ont demandé à en bénéficier. La moyenne d’âge élevée des effectifs de l’INA, proches de la retraite, est mise en avant pour expliquer la faible motivation des salariés à entamer une démarche de valorisation de leur carrière.

b. Des investissements immobiliers retardés

Face à la nécessité de remettre aux normes des bâtiments vieillissants et de les rendre plus fonctionnels, la mise en œuvre d’un projet de restructuration des emprises immobilières est apparue dès le deuxième COM.

L’INA est implanté sur 7,3 hectares à Bry-sur-Marne. Cinq bâtiments voisins composent son emprise immobilière. De plus, il loue des immeubles dans le 13ème arrondissement et à Issy-les-Moulineaux.

Le troisième COM avait inscrit un premier projet consistant à édifier un nouvel immeuble sur un terrain appartenant à la Société française de production (SFP) à Bry-sur-Marne qui aurait regroupé toutes les activités de l’institut pour un budget de 75 millions d’euros. Son financement était assuré à hauteur de 55 millions par l’État et les 20 millions restants auraient été prélevés sur le fonds de roulement de l’INA. Les représentants des syndicats (20) ont regretté que cette opportunité n’ait pas été saisie.

En janvier 2011, un nouveau projet consistant à relocaliser l’ensemble des activités dans le Nord de Paris était évoqué, puis en janvier 2012, un troisième projet prévoyait de construire un bâtiment neuf unique à Bry-sur-Marne pour un montant de 120 millions d’euros.

Ce projet s’avérant surdimensionné et trop coûteux en période budgétaire contrainte, a été abandonné ; néanmoins, la question de la mise en sécurité des bâtiments se pose toujours et devra être résolue lors du prochain COM.

II. LE CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS 2015-2019 : UN PROJET AMBITIEUX TOURNÉ VERS LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Né de l’éclatement de lOffice de radiodiffusion-télévision française (ORTF) et de la mise en place de sociétés nationales de production audiovisuelles, l’INA est encore aujourd’hui identifié comme le gardien de la mémoire des débuts de la télévision.

Le quatrième COM a pour objectif d’effacer cette vision passéiste au profit d’une image d’acteur de référence de l’audiovisuel, bénéficiant d’une haute valeur ajoutée dans l’archivage numérique du patrimoine audiovisuel et dans sa valorisation. Pour ce faire, il ambitionne de mettre en avant le savoir-faire de l’INA auprès d’institutions publiques ou privées, au niveau national et international et de valoriser ses autres missions que sont la formation et la recherche.

Une nouvelle stratégie de communication est également proposée afin d’accroître la visibilité de l’institution et, de ce fait, d’entraîner des retombées commerciales.

A. RÉNOVER LES MISSIONS DE L’INA

Ce nouveau COM est résolument tourné vers l’avenir, avec pour objectif principal de positionner l’INA comme un acteur incontournable du patrimoine audiovisuel à l’heure du numérique, « une e-entreprise du XXIe siècle », selon l’expression de son président M. Laurent Vallet.

La culture dominante de l’image, la multiplication des écrans sont autant de leviers pour valoriser le savoir-faire de l’INA. L’institut doit repenser la place et le rôle des archives audiovisuelles à l’heure du numérique et réinventer ses missions et ses métiers.

1. Conserver le patrimoine à l’heure du numérique

L’archivage numérique se poursuivra afin de tenir compte des évolutions technologiques et de maintenir le savoir-faire. L’expérience de l’INA devra être mise au service d’autres acteurs culturels de la sphère publique.

a. Achever et approfondir le Plan de sauvegarde et de numérisation

Depuis 1999 et le lancement du PSN, deux données sont apparues.

En premier lieu, de nouveaux fonds archivés ont été identifiés, ce qui a rendu nécessaire d’étendre le périmètre du PSN. Ainsi, s’agissant des archives radiophoniques, le programme inclut désormais des fonds provenant de Radio France Internationale (RFI) ou de radios régionales. Quant aux archives audiovisuelles, les fonds de l’Outre-mer n’avaient pas été collectés et n’avaient donc pu être pris en compte, ce qui représente 140 000 heures de programmes.

En deuxième lieu, certains supports de conservation comme le Betacam numérique sont menacés d’obsolescence, ce qui impose de numériser des fonds supplémentaires, qui à l’époque, n’avaient pas été retenus ou n’étaient pas considérés comme menacés.

Les objectifs du quatrième COM sont donc d’arriver à 91 % de l’achèvement du PSN et de poursuivre la sécurisation des fonds numériques dont les supports sont menacés d’obsolescence. Lors de leur audition (21), les représentants des syndicats ont insisté sur la nécessité d’engager un contrôle qualité sur ces activités.

Deux périmètres ont donc été définis :

● Un programme prioritaire de sauvegarde qui comprend :

– les archives de France Télévisions, soit 250 000 heures sur 336 900 heures ;

– l’achèvement des fonds du dépôt légal ;

– l’achèvement du fonds radio ;

– le mastering haute définition ;

– l’achèvement du fonds photo ;

– l’achèvement du fonds outre-mer.

L’ensemble de ces opérations est estimé à 29,1 millions d’euros.

PÉRIMÈTRE DU FONDS À SAUVEGARDER

Cibles principales

Volume
restant à
traiter

Volume
prévisionnel

COM4

%

Archives France Télévisions

336 900

250 000

74

Fonds dépôt légal

108 000

108 000

100

Fonds radio

187 100

158 300

97

Mastering Haute Définition 2K/4K

13 000

3 800

29

Fonds photo

430 600

430 600

100

Fonds outre-mer

136 000

136 800

93

Source : INA – octobre 2015.

● Un programme complémentaire :

– l’achèvement du PSN initial s’agissant des supports films, soit 3 060 heures à l’horizon 2016 ;

– l’achèvement des films 35 mm sur support de nitrate de cellulose, soit 37 heures ;

– diverses migrations numériques à hauteur de 129 000 heures.

Le coût total de ces opérations est fixé à 4,6 millions d’euros.

Le transfert sur support JPEG 2000 sera poursuivi. Un indicateur figure dans le quatrième COM. Cependant, le Rapporteur regrette qu’aucune cible ne soit fixée.

b. Offrir et valoriser l’expertise en matière d’archivage numérique

Fort de son savoir-faire acquis lors de la réalisation du PSN, l’INA projette de numériser et de valoriser les archives audiovisuelles d’institutions culturelles publiques, à l’instar de l’opération conclue avec le Centre Pompidou qui a confié à l’INA la numérisation de son fonds de documents audio et vidéo en 2013.

Les théâtres, les opéras, les salles de concert ou les musées ont constitué ces quarante dernières années des archives audiovisuelles. Elles sont menacées de disparition et ne sont souvent pas exploitées. C’est forte de ce constat que la tutelle a confié à l’INA, dans un premier temps, le soin de réaliser une cartographie des archives audiovisuelles des institutions culturelles publiques qu’il pourrait être chargé de numériser, puis de traiter et d’indexer dans un deuxième temps.

Ce travail devrait représenter un coût marginal. En effet, les chaînes de production sont disponibles en raison de la fin du PSN et les volumes à traiter sont faibles au regard de ceux habituellement gérés par l’INA.

Ce développement de l’archivage numérique des fonds audiovisuels des institutions culturelles sera mesuré par un indicateur comptabilisant le nombre d’heures archivées. Cet objectif est volontariste puisqu’il se fixe un horizon de 60 000 heures en 2019 contre 10 000 heures en 2014.

Cette mission, qui serait effectuée gratuitement, relève des missions de service public de l’institut et permettra de valoriser ce patrimoine auprès du grand public et d’accroître l’ouverture de l’INA, au-delà du milieu de l’audiovisuel.

Le Rapporteur tient à souligner que ce projet comporte toutefois des risques. Il nécessite des moyens techniques et humains, en nombre insuffisant selon les syndicats, et est tributaire de la libération des droits de propriété des œuvres de ces institutions. À court terme, en l’absence de soutien spécifique de l’État, son coût sera supporté par l’INA. En effet, il repose sur une dynamique qui ne devrait entraîner des retombées commerciales que sur le long terme.

2. Ouvrir le patrimoine

a. Amplifier l’accès au dépôt légal

En attendant une modification de la législation qui permettrait une consultation du dépôt légal par les chercheurs à distance, le quatrième COM souhaite accroître son accessibilité. Deux orientations sont fixées :

– limiter les disparités territoriales en favorisant un meilleur maillage sur le territoire ;

– favoriser des synergies avec d’autres institutions culturelles en choisissant des implantations dans des bibliothèques universitaires ou des institutions culturelles.

Le quatrième COM prévoit l’ouverture de 50 sites de consultation à l’horizon 2019. En 2015, deux ouvertures, à Poitiers et à Toulouse, sont prévues.

L’objectif final est d’accroître la visibilité de l’institution pour un coût modeste (22).

Le Rapporteur est favorable à une évolution de la législation et proposera un amendement allant dans ce sens lors de la deuxième lecture du projet de loi sur la liberté de la création, l’architecture et le patrimoine. La légitimité même de la mission du dépôt légal pourrait être remise en cause si l’immobilisme persiste.

b. Développer les offres commerciales

● Une offre en ligne repensée

En premier lieu, il s’agit d’étoffer l’offre de contenus disponibles sur le site internet. Seul 1 % des collections est actuellement accessibles en ligne.

En deuxième lieu, l’offre commerciale sera favorisée. Le site internet sera simplifié, en intégrant l’offre payante à l’offre gratuite et le catalogue du site sera repensé (nouvelles thématiques de recherche, moyens de paiement et grille tarifaire simplifiés).

● Une nouvelle offre de vidéo à la demande

Un nouveau service de vidéo à la demande de type SVoD (accès illimité à un catalogue) comprenant 20 000 contenus est proposé depuis septembre dernier sur le site internet de l’INA mais aussi sur les sites des fournisseurs d’accès à internet, afin d’accroître sa visibilité. Moyennant un abonnement de moins de 3 euros par an, l’internaute a accès à tous les contenus de façon illimitée. Dans son rapport (23), le contrôleur général préconisait d’ailleurs de poursuivre l’élargissement de cette offre en ligne.

3. Exploiter de façon innovante le patrimoine

a. Analyser les contenus

● Un regard critique

Dès sa création, l’INA s’est vu confier un rôle d’observateur des usages et des métiers des médias et de l’audiovisuel.

Le premier président de l’INA, M. Pierre Emmanuel, concevait cette mission ainsi : « Savoir comment sont perçues les images, quels messages elles font transmettre, comment passer de l’imprégnation à la lecture critique : quelle liberté le spectateur peut garder devant elles, ou comment il peut en être drogué. Question difficile, qui est une des plus graves de la civilisation de demain, quand nous risquerons d’être submergés par des images venues de partout, par un chaos d’information qui déréalisera notre expérience quotidienne ».

Le quatrième COM se propose d’amplifier ce rôle de réflexion sur les médias ainsi que le travail critique de l’INA en relançant un partenariat avec le Comité d’histoire de la télévision, sous la forme d’un nouvel Observatoire de l’audiovisuel et du numérique.

Créé le 8 décembre 2014 par le Comité d’histoire de la télévision, ce nouvel observatoire est composé de chercheurs, d’historiens, de sociologues ou d’économistes ainsi que de journalistes et d’acteurs du milieu audiovisuel. Il a pour ambition d’être un lieu de rencontre et de réflexion entre des universitaires et des professionnels du monde de l’audiovisuel. Il s’est fixé quatre thématiques de réflexion : l’histoire de la télévision, les nouvelles techniques et pratiques de l’audiovisuel, les marchés internationaux de l’audiovisuel et du numérique et les nouveaux modes de traitement de l’information.

● De nouveaux outils de valorisation des données

L’INA possède une expertise dans la valorisation de ses contenus. Il est capable d’élaborer des corpus thématiques et multimédias (24), de référencer les images et les sons en collectant, analysant et mettant en valeur leurs contenus et en recensant les données juridiques afférentes.

En 2014, l’INA comptabilise 555 corpus dont 116 multimédias.

Le quatrième COM propose que l’INA conclue des partenariats avec des petites et moyennes entreprises innovantes (start-ups) afin d’expérimenter de nouveaux outils de fouille de données.

4. Fluidifier la circulation des contenus

Afin de pallier l’absence de répertoire national de métadonnées de contenus audiovisuels, l’INA se propose de mettre à disposition sur internet des métadonnées d’identification et de description d’une œuvre dont elle est propriétaire ainsi des métadonnées de gestion comme le régime de protection des droits associés, les usages autorisés ou interdits, les modalités de rémunération.

B. ADAPTER LES MOYENS DE L’INA À CETTE AMBITION

Dans un contexte économique contraint, les prévisions budgétaires sont marquées par la rationalisation des dépenses et l’optimisation des recettes.

Après les résultats décevants du précédent COM, le quatrième COM affiche une trajectoire budgétaire volontariste, en faisant le pari de développer de nouvelles activités à moyens constants.

S’agissant des dépenses de fonctionnement (hors masse salariale), il est prévu que les charges passent de 44,4 millions d’euros en 2015 à 40,5 millions d’euros en 2019.

Quant aux recettes propres, elles devront augmenter pour passer de 37,10 millions d’euros en 2015 à 40 millions d’euros en 2019. La contribution à l’audiovisuel public sera stabilisée à 89 millions d’euros.

Le Rapporteur tient à souligner la rigueur et le réalisme de ces orientations et considère d’autant plus primordial que l’État respecte ses engagements.

En effet, en 2012, le prélèvement de 20 millions d’euros sur la contribution à l’audiovisuel public (au titre de l’investissement) a été ressenti comme « un acte de trahison », selon l’expression utilisée par un représentant syndical, et a contribué à alimenter un climat de défiance vis-à-vis de la tutelle.

Ce prélèvement a conduit à afficher une perte de 14 millions d’euros dans le bilan 2014 de l’institut. Or, certains des marchés publics de formation et d’expertise à l’international excluent, dès le stade de la candidature, les entreprises qui présentent un bilan négatif au cours de l’une des trois dernières années de gestion, ce qui n’a pas manqué de pénaliser l’INA.

1. Élargir les ressources propres

a. Améliorer la cession de droits d’exploitation

En 2014, les recettes de cession de droits d’exploitation ont représenté 58 % des ressources propres. 80 % de ces cessions sont des ventes d’extraits. Cette tendance sera appelée à s’amplifier. En effet, le fonds d’œuvres intégrales se réduit et ne correspond plus aux attentes des chaînes.

Face aux mauvais résultats du précédent COM, le quatrième COM se fixe comme ambition de relancer cette ressource propre. Plusieurs leviers sont prévus :

– la diversification des clients et particulièrement des clients hors média ;

– la recherche de nouveaux mandats dans le secteur privé ;

– l’expansion de cette activité à l’international.

Seule cette dernière piste semble porteuse selon le Rapporteur. En effet, la recherche de nouveaux mandats est tributaire du contexte économique et la diversification hors média reste aléatoire.

Au service de cette ambition, la plateforme web mediapro.com sera repensée. Le quatrième COM prévoit notamment une version en langue anglaise rénovée, un renforcement des fonctionnalités du moteur de recherche et une cession en ligne sans validation juridique lorsque les contenus ne présentent pas de difficultés en matière de droits d’auteur.

Une politique commerciale plus agressive sera également mise en œuvre en analysant les contenus consultés par les clients.

Enfin, les tarifs devront évoluer pour s’adapter à des producteurs plus modestes qui ne disposent pas de portefeuille d’affaires à plus de deux ans afin de faciliter la vente à l’international et de faciliter l’exploitation des œuvres dans le cadre de la SVoD. Cette révision tarifaire devrait également permettre de favoriser des marchés prometteurs tels que les agences de communication (intégration d’archives dans la communication institutionnelle des annonceurs) ou les agences digitales (intégration d’archives dans des applications ludiques ou des sites web d’annonceurs).

Ce développement de l’exploitation des collections sera mesuré par un indicateur calculant le ratio entre les recettes et les charges de la direction des contenus. Sa trajectoire est particulièrement ambitieuse puisqu’elle prévoit une hausse du résultat net supérieure à 10 % en 2019 (contre + 5 % en exécution 2014).

b. Valoriser le savoir-faire comme un atout commercial

● Développer son ingénierie patrimoniale

L’INA ayant acquis un savoir-faire à haute valeur ajoutée dans le domaine de l’archivage numérique et de l’analyse des contenus audiovisuels, le quatrième COM ambitionne de proposer cette expertise à des acteurs publics et privés tant au niveau national qu’international.

La valeur ajoutée de l’INA réside en effet dans la maîtrise de l’intégralité de la chaîne du patrimoine audiovisuel. L’institut est capable de restaurer, numériser, archiver et valoriser les fonds. C’est pourquoi le quatrième COM se propose de nouer des partenariats avec des établissements culturels, des entreprises privées ou des collectivités territoriales. Le président de l’INA M. Laurent Vallet souhaite notamment valoriser auprès des régions la mise à disposition d’archives pour réaliser des fresques sur un territoire donné, à l’image de celle réalisée par la région du Nord sur le charbon. S’agissant des entreprises privées, l’INA peut apporter son expertise pour les aider à mettre en valeur leur marque et leur patrimoine industriel.

Si la volonté est de disposer de plus de ressources propres, il sera préférable, selon le Rapporteur, de cibler les entreprises privées plutôt que les collectivités territoriales dont les budgets sont appelés à diminuer du fait de la diminution des dotations globales ; le secteur culturel est malheureusement aujourd’hui le premier concerné par la diminution des subventions ou des investissements.

Le marché le plus prometteur est celui de l’expertise à l’international. L’INA peut faire valoir sa structure originale et son expérience. Le Rapporteur tient, par ailleurs, à souligner que cette expertise est également un vecteur de l’influence française dans le monde.

La relance de la conquête du marché international est ainsi inscrite parmi les objectifs du quatrième COM. L’indicateur de résultat est néanmoins modeste, le chiffre d’affaires devant passer de 3 millions d’euros en 2015 à 3,6 millions d’euros en 2019.

● Exploiter ses productions innovantes

L’INA peut capitaliser sur ses produits innovants notamment dans le domaine musical pour produire de nouvelles recettes commerciales. Depuis la première version de 1994, son logiciel de musique électroacoustique, le GRM Tools 1, a été vendu à 20 000 exemplaires, soit 200 000 euros de recettes par an.

Le groupe de recherches musicales

En 1958, Pierre Schaeffer invente la musique concrète : il utilise la technique des studios de radio pour transformer et assembler des sons dans des œuvres musicales.

C’est le point de départ de la création au sein de l’INA d’une structure chargée de mener des recherches dans le domaine du son et des musiques électroacoustiques, dénommé Groupe de recherches musicales ou GRM.

Parallèlement aux réflexions sur la création musicale, le groupe développe des logiciels informatiques qui permettent aux musiciens, compositeurs et designers sonores de modifier n’importe quel type de son dans une composition : « les GRM Tools ».

Le quatrième COM souhaite développer la dernière version de ce logiciel, le GRM Tools 3, et amplifier ses ventes. Un des indicateurs prévoit de passer de 750 exemplaires vendus en 2014 à 900 en 2019.

Ce choix, bien qu’ambitieux, paraît pertinent au Rapporteur car il concourt à la visibilité de l’INA sur un terrain d’excellence.

● Conforter son ingénierie pédagogique

L’article 49 de la loi de 1986 précitées (25) dispose que l’INA « contribue à la formation continue et initiale et à toutes les formes d’enseignement dans les métiers de la communication audiovisuelle ».

Avec des moyens technologiques de pointe et une offre couvrant l’ensemble des métiers, l’INA ne manque pas d’atouts. C’est pourquoi, malgré un marché fortement concurrentiel, notamment au sein même du secteur public, l’INA maintiendra son offre de formation continue.

Cependant, l’offre proposée devra prouver son efficacité et sa rentabilité. Un indicateur mesure les résultats nets des activités de formation initiale et professionnelle par un ratio entre les recettes brutes et les charges directes, y compris la masse salariale et les fonctions supports. Les syndicats ont fait remarquer (26) que l’INA proposait des formations nécessitant des matériels coûteux, en raison de ses missions de service public, ce qui risquait de fausser les résultats.

Néanmoins, le Rapporteur juge cet indicateur pertinent.

En effet, le contrôleur général M. Alain Simon, a souligné lors de son audition (27) que l’offre abondante du catalogue de l’INA ne trouve pas son public.

Le Rapporteur déplore que malgré les recommandations émises par la Cour des comptes en 2007, la tutelle n’ait pas opéré une clarification des missions des acteurs publics de l’audiovisuel dans le domaine de la formation.

La mise en place du comité stratégique de l’audiovisuel public en octobre dernier réunissant les différents acteurs du secteur public de l’audiovisuel pourrait permettre une telle clarification.

De par la loi, l’INA a toute légitimité pour être le chef de file de cette activité au sein de l’audiovisuel public. Il est dommageable, que ce soit en termes de cohérence ou de coûts budgétaires, que France Télévisions et France Média Monde aient créé des universités pour former leurs personnels. Par ailleurs, les syndicats ont relevé que l’INA se trouvait en concurrence avec France Télévisions sur des appels d’offres à l’international.

Comme dans le précédent COM, l’INA aura pour objectif de développer son offre de formation à l’international. Il s’appuiera sur le réseau français de la diplomatie culturelle. Le passage de l’Afrique subsaharienne à la TNT prévu en 2015 est un marché porteur dont l’INA devrait profiter. Cette piste figure dans le rapport (28) du contrôle général économique et financier qui préconise de développer le marché international pour compenser l’érosion du marché national.

En conséquence, le Rapporteur suggère d’inclure dans le COM un indicateur mesurant la part du chiffre d’affaires de la formation professionnelle à l’international.

S’agissant de la formation initiale, l’INA souhaite poursuivre sa vocation d’école de référence en obtenant au moins un taux de 60 % d’étudiants diplômés ayant trouvé un emploi ; le Rapporteur relève toutefois que cet indicateur, qui figurait dans le précédent COM, a été revu à la baisse.

Le quatrième COM prévoit également que l’INA devra consolider son partenariat avec l’Éducation nationale et notamment proposer des offres de formation à destination du public scolaire et des enseignants pour leur permettre une meilleure compréhension des documents audiovisuels et développer leur regard critique. L’INA devra adapter ses formations aux possibilités offertes par l’apprentissage en ligne (MOOC) (29).

2. Rationaliser les dépenses

La mise en œuvre de ces nouveaux projets suppose une amélioration de la gouvernance et de la gestion budgétaire et comptable, ce qui participera à une plus grande rationalisation des dépenses.

C’est pourquoi, en premier lieu, chaque direction de l’INA déclinera des objectifs en feuilles de route pour chaque département et service, ce qui permettra de suivre, tous les deux mois, le respect des objectifs et les moyens utilisés. Des comités de pilotage permettront d’accroître la collaboration entre les différents services.

En deuxième lieu, afin d’assurer le suivi du COM, des outils de gestion budgétaire et comptable seront mis en place, et un poste de contrôleur de gestion sera créé. Cette réforme permettra de vérifier l’application de l’instruction de la ministre de la culture et de la communication du 24 juin 2015 sur la maîtrise et la transparence des dépenses des dirigeants.

Enfin, le quatrième COM introduit deux indicateurs de rentabilité, celui sur le résultat net de la direction des contenus et celui sur les résultats nets de la formation initiale et continue, qui traduisent cette volonté d’optimiser les dépenses.

a. Limiter les dépenses de fonctionnement

● Mettre en place une politique de ressources humaines moderne

Dans une optique de réduction de dépenses, le quatrième COM prévoit de stabiliser la masse salariale à 67,50 millions d’euros jusqu’en 2019. Ce plafonnement fait l’objet d’un indicateur.

L’accord collectif implique une revalorisation salariale annuelle automatique qui est estimée à 1,2 million d’euros par an ; c’est pourquoi le respect de cet indicateur devrait se traduire par une réduction du nombre d’ETP et par une limitation des mesures fonctionnelles.

Le dialogue social portera sur une gestion plus dynamique des effectifs.

L’élaboration d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) à l’horizon 2017, qui figurait déjà dans le troisième COM, est reprise. Cet outil doit consister dans la réalisation :

– d’un référentiel métier présentant une cartographie des activités et des compétences pratiquées par les salariés, rassemblées en métiers et filières (2016) ;

– de fiches de poste (2016) ;

– d’un observatoire des métiers (2017) ;

– d’aires de mobilité qui permettront de construire des parcours professionnels dans le cadre de la transition après l’achèvement du PSN.

Le Rapporteur souhaite insister sur l’importance d’une gestion prévisionnelle des ressources humaines. En effet, l’INA sera confronté à deux défis dans les années à venir :

– le départ à la retraite de ses effectifs : en 2014, sur 969 personnes, 184 sont âgées de 46 à 50 ans et 170 de 51 à 55 ans, soit 354 personnes, ce qui se traduira par le départ à la retraite de 25 % de son effectif dans les années à venir. Dans un contexte économique difficile, le recrutement sera ralenti, d’où l’importance de développer une mobilité à l’intérieur des directions de l’institut ;

– la fin du chantier du PSN : il est important d’anticiper au mieux la mutation entraînée par la fin de cette activité. Selon l’INA, dix ETP pourraient être disponibles dès 2016 et pourraient être redéployées sur d’autres tâches. Afin de gérer au mieux cette transition, l’INA souhaite privilégier le tutorat ou le recours à des contrats de génération qui permettront la transmission des savoirs.

La mise en place de la GPEC répond à ces deux besoins : anticiper les nouveaux besoins de l’INA et accompagner les parcours professionnels qui en découlent.

L’exécution de ce programme de modernisation des ressources humaines figure dans un des indicateurs, assorti d’un calendrier précis. Le Rapporteur juge cet indicateur particulièrement incitatif.

● Maîtriser les charges

Plusieurs postes sont ciblés afin de diminuer les charges.

Le levier principal résidera dans la refonte du processus des achats.

Jusqu’à présent, l’INA n’était pas soumis à l’ordonnance de 2005 (30) relative à la réglementation des marchés passés par des personnes publiques. Un règlement interne permettait à chaque direction de passer ses achats pour toute dépense unitaire inférieure à 100 000 euros. 50 % des dépenses étaient ainsi effectuées sans recours aux marchés publics et sans aucune intervention de la commission des achats et du contrôle économique.

Le quatrième COM prévoit l’application du droit commun, ce qui permettra de renégocier des marchés et d’effectuer des économies. Par ailleurs, la centralisation de la politique des achats au sein de la direction de l’administratif et des finances favorisera leur mutualisation.

En deuxième lieu, la mise en place d’un nouveau schéma directeur informatique, qui sera évoqué ci-dessous, permettra à terme des économies. En effet, pour des raisons historiques, l’INA possède deux systèmes d’information distincts, ce qui implique également des surcoûts de maintenance. La fusion des deux systèmes permettra une économie de matériels et de logiciels.

Enfin, la restructuration des emprises immobilières, abordée ci-dessous, prévoit d’abandonner la location de deux sites. Une économie de 2,3 millions à 2,4 millions d’euros par an en est attendue.

b. Réaliser des dépenses d’investissement indispensables

● Adapter le système d’information aux nouvelles missions

Un nouveau système documentaire est nécessaire afin de répondre aux contraintes technologiques imposées par les nouvelles missions de l’institut. L’archivage numérique, l’extension du périmètre du dépôt légal, l’accueil de nouveaux fonds nécessitent en outre des moyens de stockage, des systèmes d’acquisition et de livraison plus puissants et modernes.

La mise en œuvre du nouveau schéma directeur informatique destiné à répondre à ces différents besoins devrait représenter 55,6 millions d’euros en 2019. La montée en charge des investissements sera progressive, passant de 6,5 millions d’euros en 2015 pour terminer à 14,6 millions d’euros en 2019.

Comme pour la gestion des ressources humaines, un indicateur reprend le calendrier de la réalisation du schéma directeur, ce que le Rapporteur juge particulièrement pertinent au vu de l’importance stratégique de ce chantier.

● Restructurer les emprises immobilières

Le projet immobilier du troisième COM n’ayant pas été réalisé et restant d’actualité, un nouveau projet est prévu dans le quatrième COM. Il est marqué par deux attentes :

– la restructuration des emprises devra obéir à une logique fonctionnelle visant à regrouper toutes les activités sur un même lieu et à redistribuer les espaces en fonction des métiers. Ainsi, le pôle documentaire sera regroupé ;

– la remise aux normes et l’adaptation aux nouvelles activités nécessitent une rénovation des sites de Bry-sur-Marne.

Lors des auditions, le constat a été unanime sur la situation catastrophique de Bry 3, qui subit des infiltrations, alors même qu’il accueille les services informatiques.

Le nouveau projet immobilier a été recalibré en conséquence et prévoit désormais :

– l’abandon à terme des deux emprises louées : les locaux loués dans le 13ème arrondissement (rue de Patay) devraient être rendus en 2016 ainsi que ceux de Bry 3 en 2018. Seul le site d’Issy-les-Moulineaux dédié à la formation sera gardé en raison de sa présence stratégique auprès des groupes audiovisuels ;

– le redéploiement des services : Bry 1 et 2 seront rénovés et un nouveau bâtiment sera construit sur le terrain appartenant à l’INA, qui abritera un data center sécurisé (Bry 1 bis).

Le coût total du projet est estimé à 25 millions d’euros, soit la construction du nouveau site à hauteur de 17 millions d’euros et la rénovation de Bry 1 et Bry 2 à hauteur de 8 millions d’euros. Par contre, des travaux d’isolation sur Bry 2 d’un montant de 12 millions d’euros n’ont pu être planifiés.

La maîtrise d’ouvrage sera confiée à l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), ce qui permettra une gestion rigoureuse.

L’État n’a prévu aucune dotation d’investissement, cette opération devant être autofinancée par l’institut, choix critiqué par les syndicats.

Le financement prévu est le suivant :

– 5,5 millions d’euros seraient prélevés sur les dépenses d’investissement ;

– 8,5 millions d’euros seraient issus de provisions (31) ;

– 11 millions d’euros proviendraient de la trésorerie (32).

Même si le projet paraît plus mesuré que celui figurant dans le COM précédent, il reste soumis à des incertitudes liées à la fin des locations. Ainsi, le bail des locaux de la rue de Patay court jusqu’en 2018.

En conclusion, le Rapporteur formule un avis favorable sur le présent projet de contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2015–2019.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition de M. Laurent Vallet, président de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et à l’examen du rapport d’information sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019 de l’INA (M. Jacques Cresta, rapporteur) lors de sa séance du mercredi 25 novembre 2015.

M. le président Patrick Bloche. J’ai le plaisir d’accueillir ce matin M. Laurent Vallet, président de l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Après avoir dirigé pendant près de treize ans l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), ce qui a fait de vous un fin connaisseur du secteur de la production cinématographique et audiovisuelle, vous avez été nommé en mai 2015 à la tête de l’INA, né il y a quarante ans de l’éclatement de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF).

Nous avons le plaisir de vous recevoir ce matin pour débattre ensemble du projet de quatrième contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’INA, qui couvre les années 2015-2019. Ce document nous a été adressé pour avis le 22 octobre dernier, après son adoption en conseil d’administration. L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication nous donnant six semaines pour formuler nos avis sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens des sociétés de l’audiovisuel public, nous sommes dans les temps.

L’INA est aujourd’hui encore identifié comme le gardien de la mémoire des débuts de la télévision, et le projet de COM que vous nous présentez a pour ambition de « réinventer le rôle et la place des archives et de tous les métiers de l’INA à l’heure du numérique » ; l’audition de ce matin va très certainement vous permettre de nous détailler les pistes que vous avez retenues pour rénover les missions de l’institut.

À la lecture du projet de ce COM, nous avons également constaté que, depuis 2013, les recettes commerciales de l’INA diminuent, le rendant encore plus dépendant de la contribution à l’audiovisuel public. Nous attendons donc également que vous nous présentiez ce matin vos propositions pour augmenter et diversifier les ressources propres de l’institut. Peut-être comportent-elles des suggestions législatives, notamment sur la question des droits.

En tant que membre du conseil d’administration de France Télévisions où je représente notre Assemblée depuis trois ans et demi, je peux témoigner de la volonté exprimée par sa présidente de construire une stratégie globale des sociétés de l’audiovisuel public pour mieux affronter les défis auxquels nous confronte la transition numérique en cours. Je serais donc très heureux d’avoir également votre point de vue sur ce projet de partenariat actif.

M. Laurent Vallet, président de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Il me faut sans doute commencer par vous présenter des excuses au nom de l’INA, car le rapporteur aura travaillé deux fois, le processus d’examen du contrat d’objectifs et de moyens par les commissions parlementaires ayant été suspendu au printemps. Vous faisiez référence, monsieur le président, au délai de six semaines dont vous disposez pour rendre un avis : c’est à peu de chose près celui dont j’ai disposé pour réécrire ce COM, entre mon arrivée à l’INA, à la fin du mois de mai, et le milieu du mois de juillet, où nous avons commencé à échanger avec notre actionnaire.

Ce nouveau contrat d’objectifs et de moyens s’articule autour de quelques invariants, déjà déclinés dans le premier projet qui vous avait été fourni. Ces grandes masses financières, si elles ne résument pas la stratégie financière de l’établissement, constituent néanmoins de solides points de repère et peuvent être considérées comme la colonne vertébrale de ce COM.

Il s’agit en premier lieu de la ressource publique, c’est-à-dire de la part de la contribution à l’audiovisuel public – ou redevance – affectée à l’INA, qui est stabilisée à hauteur de 89 millions d’euros par an sur toute la durée du contrat, jusqu’en 2019. Dans le contexte contraint des finances publiques, cela représente de la part de l’État un engagement très fort, qui oblige l’INA à accomplir sa part de l’effort et à interrompre la lente mais réelle décroissance de ses ressources propres, lesquelles sont passées, en quatre ou cinq ans, de 41 millions à 37 millions d’euros. Si nous avons, pour cette année, réussi à absorber cette baisse grâce à la maîtrise des charges, il n’en reste pas moins que cela est contraire au signal que souhaite envoyer l’INA, au moment où l’État s’engage à stabiliser la ressource publique qui lui est affectée.

En second lieu, nous avons pris l’engagement fort de stabiliser la masse salariale sur toute la durée du contrat, afin qu’elle n’excède pas 67,5 millions d’euros, ce qui est à peine supérieur à l’actuel étiage et suppose donc, compte tenu des évolutions salariales qu’implique l’accord portant sur le statut collectif des salariés de novembre 2012, une légère diminution des effectifs sur la durée du contrat, de l’ordre de vingt-cinq équivalents temps plein (ETP).

Enfin, le troisième élément, qui devrait constituer le fil rouge de mon mandat si, comme je le souhaite, je le mène à son terme, concerne la réalisation d’un projet immobilier, qui est tout le contraire d’un projet pharaonique et qui vise moins à valoriser un geste architectural qu’à consolider l’implantation de l’institut à Bry-sur-Marne, en réunissant des équipes – en l’occurrence les personnes travaillant sur le dépôt légal et celles s’occupant des archives professionnelles de la télévision et de la radio publique – qui étaient rapprochées dans l’organigramme mais éloignées physiquement. Cela permettra de donner enfin corps à cette grande direction des collections qui réunit les activités du dépôt légal et celles des archives professionnelles. Ce projet, dont le coût total est de 25 millions d’euros, est intégralement financé par l’entreprise sur la durée du COM, à la fois par un prélèvement à hauteur d’une vingtaine de millions d’euros sur sa trésorerie et par l’affectation chaque année d’une quote-part de la contribution à l’audiovisuel public, inscrite au budget d’investissement de l’établissement. Nous avons toutes les raisons de penser que les dépenses engagées seront circonscrites à l’enveloppe prévue, étant entendu que nous avons délégué la maîtrise d’ouvrage, par une convention qui vient d’être approuvée par le conseil d’administration, à l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC).

Ce projet de COM a été approuvé par le conseil d’administration de l’établissement le 1er octobre dernier, et nous espérons qu’après votre approbation et celle du Sénat, par lequel j’ai été auditionné la semaine dernière, nous pourrons procéder à sa signature avec la ministre de la culture et de la communication d’ici Noël.

En ce qui concerne le cadre dans lequel a été élaboré ce nouveau COM, il procède du document que j’ai trouvé lors de ma prise de fonctions, document qui offrait la synthèse entre la vision stratégique de ma prédécesseure et le travail mené depuis un an au sein de l’entreprise par l’équipe dirigeante. Outre que je ne disposais pas du temps nécessaire pour reprendre ce travail à zéro, c’eût été manquer de considération pour les collaborateurs de l’INA – qui pouvaient se prévaloir d’une plus grande ancienneté que la mienne – que de détricoter intégralement ce travail collaboratif visant à dessiner les grandes lignes d’avenir de l’INA.

Partant, j’ai travaillé dans l’idée que le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN), c’est-à-dire la numérisation rapide et efficace de toutes les archives audiovisuelles et sonores détenues par l’INA, qui avait été au centre des trois précédents COM serait, avec un taux de réalisation supérieur à 90 %, quasiment achevé à la fin du quatrième COM et qu’il fallait d’ores et déjà songer à l’après-PSN, ce qui signifie se tourner plus résolument encore que l’INA ne l’a fait jusqu’à présent vers les usages numériques.

Si l’INA a compris plus vite que d’autres entreprises l’enjeu et la chance incroyable que représentait la révolution numérique pour son activité, il s’est avant tout saisi du numérique comme d’un outil permettant la transformation de données analogiques en données numériques, négligeant parfois d’explorer les pistes qu’il offrait pour révolutionner les usages pouvant être faits de ses collections et exploiter au mieux cette mémoire audiovisuelle qui constitue sa richesse.

Cette problématique ne se limite pas aux métiers de valorisation de l’image mais concerne également la formation qui est l’un des métiers historiques de l’institut et qui y conserve une place essentielle. Là encore, la révolution numérique doit permettre, par exemple, la mise en place de MOOC (Massive Open Online Courses), c’est-à-dire de formations en ligne ouvertes à tous. Enfin, c’est également dans le domaine de la recherche que nous devons nous efforcer d’exploiter au mieux toutes les possibilités de développement offertes par le numérique.

L’idée qu’il faut réinventer la place des archives et celle de tous les métiers de l’INA à l’heure du numérique et des médias sociaux est donc la première conviction forte qui sous-tend le projet de COM que j’ai l’honneur de soumettre à votre avis, sachant qu’en amont des usages la révolution numérique pose aussi la question de ce qui doit être considéré comme archive.

Au regard de la mission patrimoniale qui est celle de l’INA depuis l’origine, la question se pose en effet de la ligne de conduite à adopter face au volume considérable d’images et de sons qui circulent chaque jour, chacun pouvant être aujourd’hui producteur et diffuseur d’images, alors que dans le même temps, le flux d’images et de sons que nous recevons de l’audiovisuel public s’est considérablement réduit avec la privatisation d’une partie du paysage audiovisuel français et le développement de la production indépendante. Cela nous oblige à poursuivre une politique très volontariste en matière d’offre de notre savoir-faire dans le domaine de l’exploitation et de la conservation d’images, d’offre multimédia à partir des images dont nous disposons, notamment en direction des détenteurs de fonds qui n’ont pas d’obligation légale de nous les confier mais avec lesquels nous pouvons conclure des mandats d’exploitation pour enrichir nos propres archives.

Voici donc à grands traits la conviction qui sous-tend ce COM et recouvre plus particulièrement sa première partie consacrée à la réaffirmation de la mission patrimoniale de l’INA et sa troisième partie, centrée sur l’innovation.

La seconde conviction forte qui m’a animé dans l’élaboration de ce projet de contrat et qui irrigue la deuxième et la quatrième partie du document, c’est l’idée que nous devons mériter pleinement notre statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC), qui est une chance extraordinaire. Sans doute le Parlement a-t-il été visionnaire lorsque, en 1975, il a attribué ce statut à l’institut dont les activités n’avaient alors d’industrielles et de commerciales que le nom puisqu’il fonctionnait surtout selon un système de commandes forcées – selon un certain quota d’heures – de la part des sociétés de l’ex-ORTF. Ce n’est en réalité qu’à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix que l’intuition du législateur s’est concrétisée, lorsqu’il s’est avéré que les compétences et le savoir-faire développé par l’INA dans sa mission d’intérêt général de conservation, de sauvegarde, d’archivage, d’indexation, de valorisation, de formation et de recherche des données audiovisuelles et sonores avaient un prix, au sens commercial du terme, pour des clients extérieurs à l’audiovisuel. C’est à partir de là que les ressources propres de l’INA ont crû de façon significative et ont donné son plein sens à ce statut d’EPIC. Il y a une quinzaine d’années, la part des ressources propres de l’INA, qui représentent aujourd’hui un peu plus de 30 % de ses revenus globaux, a pu monter jusqu’à près de 60 % de son budget total. Certes le contexte est aujourd’hui différent et les modèles économiques ne sont plus les mêmes, mais je ne peux néanmoins me satisfaire de la lente décroissance de nos recettes commerciales et souhaite inverser la tendance.

Le statut d’EPIC nous offre pour cela toutes sortes de solutions, notamment dans le domaine international, qui demeure pour l’INA un gisement de revenus qui n’a pas été suffisamment exploité. Cela exige des moyens et le développement d’une organisation transversale en lieu et place du traditionnel fonctionnement en silo de l’entreprise. Dès lors, en effet, que l’INA n’a pas vocation à ouvrir des bureaux dans tous les pays du monde, un collaborateur, lorsqu’il se rend à l’étranger, doit être l’ambassadeur de toutes nos activités et pas uniquement de celle qui motive son déplacement.

À titre d’exemple, nous venons de signer une importante convention de formation avec l’Université royale pour les femmes du Barheïn et accueillons par roulement depuis la fin du mois d’octobre sur notre campus de Bry-sur-Marne des journalistes de la radio-télévision barheinie, qui viennent se former aux techniques des journaux télévisés. Il est à cet égard très impressionnant de constater à quel point la renommée de l’INA en matière de formation professionnelle dans les métiers de l’audiovisuel rayonne jusque dans les pays où elle affronte la concurrence des Britanniques, des Néerlandais ou des Italiens. J’ajoute que nous avons également un projet de contrat, dont la négociation est complexe, avec un grand pays du Maghreb qui consisterait en une formation de plus d’un an destinée à des journalistes de la radio-télévision nationale et qui se déroulerait à la fois ici et là-bas.

Il y a également beaucoup à faire en matière de valorisation de nos collections. Notre site Ina.fr a été ouvert en 2006 et propose aujourd’hui près de trois cent cinquante mille contenus, essentiellement sous forme d’extraits de journaux télévisés ou d’émissions et de moments cultes de la télévision. Cette mise en ligne a constitué une étape décisive dans la stratégie de restitution au grand public de sa mémoire audiovisuelle mais aujourd’hui, même si le site, qui s’ouvre sur une page d’accueil toujours en résonnance avec l’actualité, est remarquablement éditorialisé, nous devons prendre en compte les attentes d’un public qui est moins demandeur d’abondance que de pertinence, habitué qu’il est désormais à recevoir au bon moment le contenu pertinent sur ses écrans mobiles sans avoir à aller le chercher lui-même.

C’est dans cette optique que nous avons lancé à la fin du mois de septembre INA Premium, premier site de vidéo à la demande par abonnement (SVoD) du service public, que M. Laurent Ruquier a qualifié de « Netflix du culte ». Bien que la rentabilité et la maximisation du profit et des recettes commerciales n’aient pas été dans ce lancement notre préoccupation première, il s’agit bel et bien d’un relais de croissance dont nous permet de profiter notre statut d’EPIC.

Ce statut crée des droits mais aussi des devoirs, au premier rang desquels le devoir d’une gestion irréprochable, qu’il s’agisse de la gestion financière, immobilière ou de la gestion des ressources humaines. En termes de gestion financière, au-delà des péripéties qui ont émaillé la vie de l’institut ces derniers mois et de la question spécifique des dépenses des dirigeants qui ont fait l’objet d’une instruction particulière de la ministre de la culture et de la communication diffusée en juin dernier à tous les établissements publics culturels, l’INA dispose de marges de manœuvre importantes en matière d’amélioration de la gestion et de contrôle de la dépense. En d’autres termes, l’établissement a de gros progrès à faire. La suppression de l’agence comptable en 2007 aurait dû s’accompagner de la mise en place d’autres moyens permettant de programmer et de surveiller la dépense. Je me suis donc résolument engagé dans ce vaste chantier de réforme de la gestion, car il y va de la crédibilité de l’établissement vis-à-vis de son actionnaire, de ses tutelles, du Parlement et, plus largement, de l’ensemble des citoyens.

Ce chantier inclut également la réforme de la gestion de l’achat public, domaine dans lequel il existait jusqu’à une période récente, du fait d’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne un peu fluctuante, un certain flou juridique sur la façon dont un EPIC était ou non soumis aux règles de l’achat public fixées par l’ordonnance du 6 juin 2005, selon l’évolution de la part de ses ressources propres. L’application de cette ordonnance et l’instruction de la ministre de la culture et de la communication de juin 2015 sur la maîtrise et la transparence des dépenses de dirigeants ont clarifié les choses et confirmé que l’INA devait se conformer aux règles de l’achat public. Il y trouvera d’ailleurs des avantages puisque cela lui permettra de mieux dépenser, de réaliser des économies et de dégager des marges de manœuvre financières, grâce auxquelles il sera possible de financer, au-delà du COM, des investissements additionnels.

M. Jacques Cresta, rapporteur. Créé en 1974 sur un modèle original, qui sépare les activités de conservation de celles de diffusion, l’INA avait vocation à être le gardien d’un nouveau patrimoine culturel : les archives sonores et audiovisuelles. L’arrivée du numérique, qui fait la part belle à l’image, bouleverse les conditions d’archivage et de consultation de ces données. Ainsi, au moment où l’INA fête ses quarante ans, ce nouveau COM tire les leçons de son activité passée et fixe de nouveaux objectifs que vient de nous exposer son président. C’est pourquoi, après un rapide bilan du troisième COM, je vous livrerai quelques réflexions sur certains points de ce quatrième COM.

S’agissant du bilan du troisième COM, mon constat sera nuancé. En effet, si l’INA a su mener l’accélération de la sauvegarde de son fonds d’archives et le rendre plus accessible, ses résultats économiques se sont, quant à eux, dégradés.

Stockées sur support analogique, les archives de l’INA étaient menacées de disparition. Un ambitieux plan de sauvegarde et de numérisation, le PSN, a donc été lancé dès 1999. Fin 2014, près de sept cent deux mille heures d’archives radiophoniques et audiovisuelles ont été sauvegardées, soit 92 % de l’objectif initial.

Je tiens à saluer la réussite de ce travail et à souligner que son coût d’exécution – 162 millions d’euros environ – sera moindre que le budget initialement, prévu, estimé à 193 millions d’euros. C’est assez rare pour être souligné !

S’agissant de l’ouverture de ce patrimoine, je souhaiterais insister sur la nécessité de faire évoluer la législation sur le dépôt légal, afin de permettre une consultation en ligne de ces archives.

Par ailleurs, pour amplifier l’ouverture de ses archives au grand public, l’INA a lancé en septembre dernier une offre de vidéo à la demande. Il s’agit d’un marché concurrentiel : comment allez-vous vous positionner ?

La réussite du PSN ne peut occulter l’érosion des recettes commerciales de l’INA. Les objectifs du troisième COM ne sont pas atteints. Les recettes n’ont pu atteindre que 38,1 millions d’euros en 2014, pour un objectif de 44,5 millions d’euros. Pour 2015, ces recettes, estimées initialement à 39,5 millions d’euros, ne devraient atteindre que 37,8 millions d’euros.

Ces mauvais résultats s’expliquent, en premier lieu, par la réduction du périmètre des ressources propres de l’INA. En effet, nombre de ses archives tombent dans le domaine public, d’où la nécessité de rechercher de nouveaux mandats d’exploitation. Un des objectifs de ce quatrième COM est donc de s’orienter vers des collectivités territoriales qui souhaitent promouvoir leur territoire ou vers des entreprises privées soucieuses de valoriser leur image. Il me semble préférable de cibler les entreprises privées plutôt que les collectivités territoriales, dont les budgets sont en baisse du fait de la diminution des dotations globales. De mon point de vue, le marché le plus prometteur est celui du développement international des activités d’expertise, l’exportation de ce savoir-faire étant de surcroît un vecteur de l’influence française dans le monde.

En deuxième lieu, l’offre de formation de l’INA, très riche, peine à trouver un public suffisant et doit faire face à des propositions concurrentes développées au sein même de l’audiovisuel public. Je déplore que, malgré les recommandations émises par la Cour des comptes, la tutelle n’ait pas opéré une clarification de ces offres de formation. Aux termes de la loi, l’INA a toute légitimité pour être le chef de file de cette activité. Le comité stratégique de l’audiovisuel public ne pourrait-il se saisir du sujet ?

Par ailleurs, le développement de l’offre de formation continue en direction de l’étranger est une piste prometteuse, qui devrait compenser l’érosion du marché national. Le passage de l’Afrique subsaharienne à la TNT est une formidable occasion à saisir, et je propose que soit inclus dans ce quatrième COM un indicateur mesurant la part du chiffre d’affaires de la formation professionnelle à l’international.

Après les résultats économiques décevants du précédent COM, ce quatrième COM affiche une trajectoire budgétaire réaliste et volontariste : je m’en félicite. Ainsi, les dépenses de fonctionnement devront passer de 44,4 millions d’euros en 2015 à 40,5 millions d’euros en 2019, tandis que les recettes propres devraient augmenter de 37,10 millions d’euros à 40 millions d’euros. Je tiens à souligner que deux indicateurs de rentabilité ont été introduits dans ce quatrième COM, ce qui traduit bien cette volonté d’optimiser les dépenses.

S’agissant des dépenses d’investissement, je souhaite revenir sur le projet de restructuration immobilière à Bry-sur-Marne. L’autofinancement de ce projet sera-t-il suffisant ? Les délais pourront-ils être tenus ?

Enfin, un mot sur les salariés de l’INA. L’accord portant sur le statut collectif des salariés signé le 9 novembre 2012 prévoit une augmentation générale de 1,1 % pour l’ensemble du personnel et la garantie de mesures d’augmentation individuelles. Le contrôleur général économique et financier a précisé que l’accord donne lieu à des interprétations divergentes entre la direction et les syndicats : qu’en est-il ?

S’agissant des ressources humaines, on peut déplorer que l’élaboration pourtant nécessaire d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, prévue dans le précédent COM, n’ait pu aboutir. De plus, la mise en place d’un plan de validation des acquis professionnels n’a pas été concluante, alors que la moyenne d’âge élevée des salariés de l’INA nécessite une meilleure valorisation de leurs carrières. Qu’en est-il de l’évolution de ces dossiers ?

En conclusion, je formule un avis favorable à ce projet de COM pour la période 2015-2019.

Mme Sandrine Doucet. On trouve sur le site de l’INA une pépite qui vante les mérites de la télévision comme outil de révision du baccalauréat. L’émission date de 1967, époque à laquelle la télévision se concevait comme un instrument d’éducation, une sorte de nouveau tableau noir, accessible et animé, et ce document constitue une remarquable mise en abyme, dans laquelle la vocation pédagogique de l’archive se prend en quelque sorte pour son propre sujet. On est ici au cœur du propos de l’INA, ce laboratoire des contenus, des usages, des médias et des métiers de l’audiovisuel.

Au-delà pourtant de ce travail de mémoire tourné vers le passé, l’INA, à l’heure du numérique, se projette avec ce COM vers un avenir chargé de multiples enjeux. Vous avez déclaré, devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat : « J’ai trouvé une entreprise un peu choquée, un peu secouée. » Je ne m’étendrai pas davantage sur le récent scandale qui a ébranlé l’institut sinon pour signaler que, selon une information parue il y a quelques jours, le ministère de la culture et de la communication vient de faire appel à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique afin qu’elle réalise un état des lieux des bonnes et mauvaises pratiques ayant cours au sein de plusieurs organismes publics de la culture et de la communication, dont l’INA.

Pour le reste, malgré la multiplicité des défis, vous avez su, en quelques mois, donner à l’institut des repères bienvenus pour les affronter. Vous avez évoqué le développement de la formation à l’international. C’est un domaine dans lequel vous êtes en concurrence avec d’autres groupes de l’audiovisuel public, comme France Médias Monde et France Télévisions. Comment envisagez-vous votre place au milieu de cette pluralité d’acteurs ?

La présidente de France Télévisions, Mme Delphine Ernotte, envisage la création d’une chaîne numérique d’information en continu, en collaboration avec France Médias Monde et Radio France. Elle a évoqué un rapprochement avec l’INA : allez-vous participer à ce projet de chaîne numérique ?

Toujours en ce qui concerne le numérique, la loi du 20 février 2015 portant diverses mesures d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel implique un énorme travail en matière de conservation des archives. Quelle part pourrez-vous y prendre ?

Enfin, comment entendez-vous développer votre activité de formation aux métiers de l’audiovisuel, alors que 25 % des effectifs de l’INA auront pris leur retraite d’ici la fin de ce COM ?

Vous avez dit, monsieur le président, votre souhait de mener à bien votre mission. Vous savez déjà ce qu’il ne faut pas faire pour cela… Au vu néanmoins de ce que vous comptez mettre en œuvre, le groupe socialiste, radical et citoyen émet un avis favorable sur ce projet de COM.

M. Franck Riester. En tant qu’administrateur de l’INA, représentant de l’Assemblée nationale au sein du conseil d’administration, je me dois de souligner tout le travail que vous avez accompli depuis votre arrivée à la tête de l’établissement ainsi que la manière dont vous souhaitez y associer le conseil d’administration.

Vous avez évoqué de manière très mesurée le scandale qui a touché l’INA à la veille de votre arrivée dans l’établissement. Il serait toutefois utile que vous nous renseigniez sur les premières mesures fortes que vous avez prises pour que ce type d’affaire ne se reproduise plus.

Un contrat d’objectifs et de moyens ce sont d’abord des moyens. L’État a annoncé que les ressources publiques affectées à l’INA resteraient stables sur la durée du quatrième COM. Espérons qu’il tiendra parole, sachant qu’en 2014 il avait pris la décision unilatérale de baisser de 20 millions d’euros ces mêmes ressources, revenant ainsi sur ses engagements. Vous souhaitez développer des ressources supplémentaires permettant d’investir dans l’avenir de l’INA, mais si, comme cela s’est déjà produit par le passé, ces ressources supplémentaires sont ponctionnées par l’État, elles ne seront d’aucun usage pour préparer l’avenir. Les parlementaires seront donc très attentifs à ce que l’État respecte ses engagements.

En ce qui concerne les efforts auxquels vous vous engagez au travers de ce COM, vous faites le choix fort de stabiliser la masse salariale, ce qui, dans le contexte actuel de rareté de l’argent public, mérite d’être salué.

Vous comptez par ailleurs développer les recettes propres de l’INA, grâce à l’innovation. Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets ? Vous avez évoqué les MOOC : de quoi s’agit-il plus précisément ?

Les flux d’images à archiver se raréfient. Quels sont actuellement les flux que capte l’INA, notamment à partir des chaînes de la TNT ? Par ailleurs, vous nous avez invité à réfléchir sur ce qui « faisait archive » aujourd’hui, mais sans doute avez-vous sur le sujet quelques pistes à nous donner.

Je suis convaincu que la formation peut être une source de recettes nouvelles très importante : qu’en est-il de votre stratégie en la matière ?

Quels sont les premiers chiffres de fréquentation du site INA Premium ?

Enfin, pourriez-vous nous donner une ou deux pistes très concrètes sur les actions que vous entendez mener pour développer votre activité internationale ?

Pour le reste, le groupe Les Républicains donnera un avis favorable à ce COM.

Mme Isabelle Attard. Tout le monde a en tête les circonstances du départ de la précédente présidente de l’INA, Mme Agnès Saal, pour avoir détourné les moyens de l’institution à son profit personnel. Vous avez donc la lourde tâche d’éviter toute répétition de ces problèmes. Votre projet de contrat d’objectifs et de moyens aborde ce sujet de manière indirecte, notamment lorsque sont évoqués, à la page 50, le renforcement du contrôle de gestion et la création du contrôle comptable interne.

Une question se pose néanmoins. À la page suivante, vous indiquez que « ce contrôle se traduira notamment à partir de 2016 par des tableaux de bord et des dispositifs d’alerte, destinés à l’information de la Présidence et, le cas échéant, du contrôle économique et financier, des tutelles et du conseil d’administration ». Le diable étant dans les détails, pourriez-vous nous préciser ce que signifient les termes « le cas échéant » ?

Le grave dérapage de la précédente présidente a démontré la nécessité d’instaurer des contre-pouvoirs face aux pouvoirs étendus de la présidence. Pouvez-vous, monsieur Vallet, nous rassurer sur l’exercice d’un contrôle indépendant de vos dépenses ? Par indépendant, j’entends par des personnes dont la carrière ne dépend pas de vos décisions.

Nous nous réjouissons que le plan de sauvegarde et de numérisation de l’INA soit en bonne voie d’achèvement, et que des fonds supplémentaires y soient consacrés. Selon les termes du code de la propriété intellectuelle et artistique, sont présumés coauteurs d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration, l’auteur du scénario, l’auteur de l’adaptation, l’auteur du texte parlé, l’auteur des compositions musicales et le réalisateur. Comment l’INA organise-t-il le suivi des droits d’auteur de chaque document qu’il archive ?

Vos plus anciens documents remontent au XIXe siècle, ils sont donc très probablement libres de tout droit patrimonial lié à leurs différents auteurs. Vous êtes ainsi les conservateurs de nombreuses œuvres du domaine public. L’INA affiche-t-il clairement ce statut sur les œuvres concernées ?

S’il est bien sûr légal d’intégrer ces œuvres aux fonds proposés au public, y compris de manière payante, comment l’INA gère-t-il les demandes de réutilisation de ces œuvres, puisqu’il ne saurait y avoir de contrats de cession de droits sur des œuvres qui ne sont plus couvertes par le droit patrimonial ? Je précise le sens de ma question : de très nombreuses institutions publiques françaises – je pense notamment à la Bibliothèque nationale de France avec Gallica – pratiquent massivement le copyfraud, c’est-à-dire demandent illégalement l’application de dispositions sur des droits d’auteur qu’elles ne détiennent pas ou plus.

Monsieur le président, vous l’avez dit, en octobre 2015, l’INA a lancé une offre de vidéo à la demande par abonnement (SVoD) permettant un accès illimité en streaming à tout le catalogue payant pour 2,99 euros par mois, que la presse a qualifié de « Netflix du patrimoine télé ». Nous réclamons depuis le début de la législature une réelle promotion de l’accès légal aux œuvres audiovisuelles. Votre politique répond parfaitement à cette préoccupation. Néanmoins, l’accès en streaming n’est pas sans soulever une question : comptez-vous proposer un abonnement illimité ouvrant la possibilité de télécharger durablement les œuvres ?

Monsieur le président Vallet, vous étiez précédemment directeur général de l’IFCIC. L’INA est une structure d’une taille bien plus importante. Ma dernière question est peut-être plus personnelle : comment avez-vous préparé cette transition ? Quelles difficultés avez-vous rencontré depuis le mois de mai ?

Le groupe Écologiste votera pour ce COM.

M. Rudy Salles. Je tiens d’abord à remercier M. Laurent Vallet de sa présence, ainsi que notre collègue Jacques Cresta pour son rapport.

Votre tâche, monsieur Vallet, ne paraît pas facile, de prime abord, mais nous sommes rassurés de constater que vos premiers contacts avec les salariés de l’INA sont positifs, et témoignent de la volonté du personnel de participer à la réorientation que vous prévoyez pour la période 2015-2019.

En effet, ces derniers mois, l’INA a fait l’objet d’une large, trop large, couverture médiatique, non pas, hélas, pour vanter la qualité de son travail, mais pour commenter les multiples scandales. Je porte une attention toute particulière au suivi des dossiers et à leurs conséquences sur la gouvernance de l’audiovisuel public en France. À ce sujet, – je n’évoquerai pas ici l’enquête préliminaire pour détournement de fonds publics aggravé –, en votre qualité de président de l’INA, avez-vous eu des informations précises sur l’enquête administrative dont fait l’objet votre prédécesseure, Mme Agnès Saal ? L’affaire ayant été un peu mise sous silence, de quelle façon les frais liés à cette affaire ont-ils pesé sur le budget de l’institut ? À ce jour, ont-ils été remboursés en intégralité ?

Aujourd’hui, il est plus que souhaitable que cette belle entreprise publique qu’est l’INA, qui accomplit avec succès depuis quarante ans ses missions de conservation, de valorisation des archives audiovisuelles et sonores, mais aussi de recherche et de formation, retrouve la stabilité, la transparence et le calme nécessaires à son bon fonctionnement, permettant de garantir ainsi un accès de plus en plus large aux archives audiovisuelles.

Après ces remarques préliminaires, je voudrais vous faire part de quelques interrogations sur les orientations prévues pour l’INA pour la période 2015-2019.

Depuis quelques années, les ressources propres de l’INA diminuent, certes lentement, mais de façon continue. Quelles sont vos pistes pour enrayer cette baisse et pour consolider ces ressources, qui sont essentielles à son fonctionnement ?

Vous avez évoqué devant la commission de la culture du Sénat les perspectives internationales. Mais ne craignez-vous pas la concurrence de géants tels que Google, ou encore Netflix ? Que pèse l’INA face à ces grands groupes ou à ces grandes plateformes ?

La trajectoire budgétaire figurant à la fin du COM 2015-2019 évalue le coût prévisionnel pour le projet immobilier Bry 3 à 17 millions d’euros tandis que le coût de la rénovation des sites de Bry 1 et de Bry 2 est estimé 8 millions d’euros. Pouvez-vous nous exposer les grandes lignes de ce projet immobilier, alors que ce sujet essentiel nous semble assez flou depuis quelques années ?

Vous avez annoncé l’abandon du grand projet de votre prédécesseure, qui voulait faire de l’INA une plateforme des contenus culturels audiovisuels. Selon vous, il faut recentrer l’INA sur sa mission première de service public. Mais n’est-ce pas laisser passer l’opportunité d’élargir les compétences de l’INA, et donc d’améliorer ce service public, en proposant davantage de contenus aux usagers ?

L’accord portant sur le statut collectif des salariés en vigueur au sein de l’INA prévoyant une augmentation automatique des salaires de 1,1 % chaque année, la stabilité de la masse salariale implique à terme une réduction du nombre d’équivalents temps plein. À l’horizon 2019, 25 % des effectifs auront quitté l’entreprise, uniquement par l’effet des départs en retraite. Qu’envisagez-vous pour le maintien des compétences, notamment pour certains métiers très spécialisés, comme pour le traitement des films ?

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera également le COM.

Mme Gilda Hobert. Je tiens à vous remercier monsieur Vallet, ainsi que monsieur le rapporteur, pour la clarté de cette présentation du COM 2015-2019, exercice incontournable pour toute entreprise publique, et ô combien essentiel.

À l’heure où la captation et la diffusion radiophonique, audiovisuelle et numérique transforment nos pratiques, nos modes de recherche et nos loisirs, l’INA est un formidable lieu de ressources, un outil culturel riche de données patrimoniales.

À l’horizon 2019, ce sont près de 835 000 heures de documents en danger qui auront été numérisés, venant s’ajouter aux quelque cinq millions d’heures de radio et de télévision actuellement sauvegardées.

Ce COM est marqué par la volonté de privilégier l’ouverture, l’innovation et la transversalité. Il est à l’image d’une entreprise qui doit proposer des services de qualité – je pense notamment à l’INAthèque, ouverte aux chercheurs, enseignants et étudiants – et qui affiche des objectifs commerciaux et industriels ambitieux.

Si collecter, sauvegarder, numériser et restaurer les archives audiovisuelles et sonores sont les premières missions de l’INA, vous souhaitez également diversifier l’offre en direction du grand public, tout en développant l’exploitation de mandats commerciaux, la production audiovisuelle, la formation initiale et continue.

L’exploitation de mandats commerciaux sera tournée vers la recherche d’une forte valeur ajoutée, visant, après les difficultés rencontrées sur la période 2010-2014, à accroître le chiffre d’affaires de l’entreprise.

La production audiovisuelle vous permet de créer, dans la plus pure tradition du service public, des documentaires qui, je vous cite, sont délaissés par les grandes chaînes.

Enfin, la formation révèle la volonté de l’INA de miser sur l’humain et les ressources vives dont elle a tant besoin, à travers un département d’enseignement supérieur qui propose trois diplômes que vous voulez à juste titre rendre plus visibles, plus attractifs, et plus ouverts à l’international.

Vous faites le choix de conforter vos activités en région par le soutien à des PME innovantes et à des collectivités territoriales. Dans le même temps, vous développez une stratégie internationale à travers une évolution importante du nombre de cessions de droits d’exploitation ou de partenariats avec des acteurs privés ou institutionnels.

Vous semblez sur ce point privilégier les partenariats avec le monde francophone et anglo-saxon. Comptez-vous diversifier cette offre au profit d’autres partenariats, notamment avec le Moyen-Orient, l’Afrique ou l’Amérique latine – qui sont des zones prioritaires pour la formation professionnelle, et non pour les cessions de droits – ou souhaitez-vous vous limiter, pour l’instant, au monde anglo-saxon, plus profitable en termes financiers ?

Enfin, l’ambition de l’INA lui permet d’espérer une augmentation du nombre de connexions uniques de son site internet, actuellement de plus de 29 millions sur un an. Le développement des ressources propres de l’entreprise est une priorité face à leur baisse constante depuis de nombreuses années. Vous escomptez un autofinancement à hauteur de près de 15 millions d’euros en 2019. Pour ce faire, votre établissement souhaite augmenter la part du contenu payant et le valoriser. Pouvez-vous nous préciser vos choix en la matière sur la période 2015-2019 ?

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce COM.

Mme Sophie Dessus. Le projet de COM m’inspire une réflexion : c’est un bien beau métier que vous faites là, monsieur Vallet !

Les mots créent l’image, écrivez-vous. J’ajoute que l’image crée la mémoire, cette mémoire qui véhicule la sagesse nécessaire à toute construction, dernier rempart face à la folie des temps et dans la période troublée que nous traversons. Il n’est rien de plus nécessaire que de travailler sur nos racines ainsi que sur notre patrimoine visuel et sonore. L’INA en est le temple et vous, le gardien.

Vous souhaitez valoriser auprès des régions la mise à disposition d’archives, comme vous l’avez fait dans le Nord. À l’heure où les périmètres des régions sont modifiés, ce soutien peut aider les nouvelles entités à construire leur identité en s’appuyant sur leur patrimoine dans toute sa diversité. Mais, sur quels fonds peuvent-elles s’appuyer ? En plus de ceux provenant de l’ORTF, de Radio France et de France Télévisions, quid des autres fonds locaux, des radios libres ou des films indépendants ? En outre, comment sélectionner les documents sans passer à côté des pépites, vous y avez fait allusion ?

Les collectivités territoriales sont conscientes de la nécessité d’avoir photothèque, audiothèque et vidéothèque mais dans quelle mesure peuvent-elles s’appuyer sur vous ? Sous quelle forme ? À quel coût ? Comment le personnel territorial pourra-t-il acquérir le savoir-faire et être formé pour gérer et diffuser les fonds localement ?

Vous insistez sur la nécessité de porter un regard critique, de savoir lire les images, de faire prendre conscience de ce qu’est un réseau social, de participer à l’indispensable éducation à l’image – cette image qui est partout, qui nous submerge, à laquelle nous sommes drogués, écrivez-vous. Comment pouvez-vous aider à décrypter les images ? Quels liens pouvez-vous tisser avec l’Éducation nationale ? Envisagez-vous d’intervenir auprès des collectivités dans le cadre du périscolaire, par exemple, pour ouvrir les yeux dès le plus jeune âge ? L’INA va-t-elle devenir le Champollion du XXIe siècle ?

Mme Dominique Nachury. Vous êtes le troisième président de l’INA en deux ans. Peut-on vous interroger sur le moral de vos collaborateurs, à votre arrivée et aujourd’hui ?

Alors que de nombreuses plateformes privilégient le gratuit, le choix pour INA Premium de l’abonnement payant – même pour une somme modeste – ne vous prive-t-il pas d’une partie du public, en particulier les jeunes ? Quelle est la progression du nombre d’abonnés ?

Le COM prévoit une stabilisation de la masse salariale à 67,5 millions d’euros alors que 25 % des salariés doivent partir à la retraite d’ici 2019. Comment utiliserez-vous cette marge de manœuvre ?

Vous affichez une ambition commerciale et internationale, passant par la conquête de nouveaux territoires. Les équivalents européens de l’INA sont-ils une source d’inspiration, en particulier en matière de financement ?

Mme Marie-Odile Bouillé. Comme vous le rappelez dans l’introduction du quatrième COM, l’INA est l’une des entreprises publiques issues de l’ancienne ORTF les plus stables et lisibles depuis quarante ans.

Nous le soulignons très régulièrement, la culture de l’image et de la vidéo est de plus en plus dominante grâce, en particulier, à la multiplication des écrans, à la portée de tous et quel que soit l’âge.

Dans le cadre du troisième COM portant sur la période 2010-2014, l’INA a élaboré une offre pédagogique fondée sur deux axes complémentaires : éduquer par l’image et éduquer à l’image. De même, l’INA a conçu, avec le ministère de l’Éducation nationale, l’outil multimédia « jalons pour l’histoire du temps présent » qui propose une lecture et une interprétation d’archives télévisuelles.

Dans le COM que vous venez de nous présenter, vous annoncez des offres complémentaires dans le domaine de l’éducation et de la compréhension des documents audiovisuels liés aux faits d’actualité. Vous envisagez également de développer le catalogue des formations. Pouvez-vous nous préciser le contenu et le calendrier de mise à disposition de ces offres de formation destinées au public scolaire et périscolaire ?

M. François de Mazières. Dans ces moments très difficiles pour l’INA, votre longue expérience au ministère de la culture et de la communication est certainement un atout.

M. Franck Riester vous a fait part de notre inquiétude quant aux conséquences de la baisse des dotations publiques. Comment envisagez-vous l’avenir avec un budget contraint ?

Mme Delphine Ernotte, lors de son audition devant notre commission, a évoqué un rapprochement entre France Télévisions et l’INA pour l’offre de VoD. Qu’en est-il ?

Nous sommes tous attachés au spectacle vivant. Dans la situation budgétaire qui est la vôtre, quelle stratégie et quels moyens comptez-vous mettre en place pour permettre la conservation des archives audiovisuelles du théâtre et de l’opéra ?

À l’occasion des commémorations de la grande guerre, vous avez initié l’opération « mémoires partagées ». Pouvez-vous en dire plus ? Cet appel à la mémoire et aux archives des personnes privées est certainement une évolution passionnante mais difficile à gérer.

Comment organisez-vous l’activité d’archivage du dépôt légal du web qui reste pour nous mystérieuse ?

Mme Colette Langlade. Je remercie le président Laurent Vallet pour sa présentation des défis de l’institution ainsi que le rapporteur pour son éclairage sur ce COM.

Lors de son audition, la présidente de France Télévisions a fait part de son intention d’associer l’INA, Radio France et France Médias Monde au projet de chaîne d’information continue publique et gratuite. On devine aisément ce que l’INA pourrait apporter en mettant à disposition un fonds d’archives audiovisuelles unique et en offrant un décryptage de l’actualité et des médias
– c’est l’objet du partenariat entre l’INA et le Nouvel Observatoire de la télévision et des médias. Quel est votre sentiment sur le défi que constitue cette future chaîne ?

Le COM évoque le soutien de l’INA à d’autres institutions culturelles pour numériser leurs archives. La coopération entre l’INA et les collectivités territoriales, qui doivent elles aussi numériser leurs archives, fait-elle partie des pistes d’avenir pour l’institution ?

Mme Annie Genevard. Parmi les nouveautés de ce COM, l’INA lance un service de VoD par abonnement à prix modique permettant de visionner des programmes d’anthologie dans leur intégralité. Cette offre repose sur l’idée que ces données anciennes sont en résonance avec l’actualité et que le public y verra de la nouveauté. Vous attendez de ce nouveau produit une rentabilité à court terme. Cette confiance en la pertinence de votre offre se fonde-t-elle sur une étude de marché ? Comment interprétez-vous l’appétence du public, si elle est avérée, pour ce genre de produits ?

Parmi les éventuels relais de croissance, l’idée de mettre le savoir-faire de l’INA au service des territoires me semble très intéressante. L’institut pourrait-il être le conservatoire des trésors patrimoniaux actuels ou passés – savoir-faire, filières, histoires industrielles ou artisanales – que recèlent les territoires ?

M. Marcel Rogemont. L’adoption du COM par le conseil d’administration atteste d’un dialogue social apaisé au sein de l’institut, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le budget des formations dispensées s’élève à 8,7 millions d’euros. L’activité d’enseignement est renforcée avec INA Expert, INA Sup mais aussi des formations professionnelles. La récente signature d’un partenariat avec l’école Louis-Lumière est un signe positif, gage de l’excellence des formations que vous dispensez mais qui appellent quelques questions.

Quels sont vos liens avec l’université ? L’INA est-il le seul concepteur des programmes et du cadre pédagogique ou intervient-il en lien avec les universités et les écoles ?

L’augmentation de l’offre de formation aura-t-elle un coût pour l’institut ou apportera-t-elle des recettes nouvelles ? Combien coûtent ces formations pour les étudiants ? Dans un contexte de forte tension économique, il nous semble important de nous assurer de l’adéquation des ressources à la mise en place de nouveaux programmes et de trouver les moyens de diversifier les sources de financement des établissements publics.

Comptez-vous augmenter la part de recettes issues des enseignements délivrés afin de consolider votre budget ? Comment votre offre de formation s’inscrit-elle dans le compte personnel de formation ?

Comment l’INA peut-il participer à la formation des enseignants à l’image et à l’usage des réseaux sociaux, face auxquels de nombreux professeurs sont démunis ? Quel rôle l’INA entend-il jouer auprès de l’Éducation nationale pour participer à l’éducation à l’image de nos enseignants ?

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie pour vos nombreuses interventions et questions qui montrent, ce n’est pas nouveau, l’attachement de la représentation nationale à l’INA. Compte tenu de l’heure avancée, je vous propose, monsieur le président si vous en êtes d’accord, que vous apportiez des réponses sur les principaux points qui ont été soulevés – formation, travaux à Bry-sur-Marne, ressources humaines, ressources propres – et que vous répondiez par écrit aux questions plus précises des députés.

M. Laurent Vallet. Je vous remercie. Je suis très impressionné par vos questions qui couvrent la totalité des enjeux du quatrième COM et qui montrent l’intérêt que vous portez à l’institut. Les salariés y seront sensibles.

Je vous confirme qu’environ 25 % des effectifs sont susceptibles de partir en retraite sur la durée du quatrième COM – susceptibles car l’accord récent sur les retraites complémentaires pourrait avoir pour effet de décaler dans le temps les choix des uns et des autres.

Ces mouvements donnent une marge de manœuvre pour essayer de faire évoluer les compétences et les métiers et pour mettre enfin en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en préservant ces dernières.

Un exemple, pour les métiers du film, nous discutons avec nos amis du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et de la Cinémathèque pour réunir sur notre site de Saint-Rémy-l’Honoré, principal site de stockage des supports originaux, une partie des collections de ces institutions afin de mutualiser les compétences et d’en assurer la transmission. Vous le voyez, cette question fait bien partie de nos préoccupations.

L’application de l’accord portant sur le statut collectif des salariés faisait l’objet d’une divergence d’interprétation entre les tutelles et les représentants des salariés sur la mise en œuvre, au-delà de la mesure générale de hausse des salaires de 1,1 %, de mesures individuelles dans le respect de l’enveloppe fixée par le cadrage salarial. L’exercice de la négociation salariale pour 2015 a montré que cette divergence n’est plus décisive. Il est apparu qu’outre la mesure générale de hausse de 1,1 %, l’autre engagement prévu – qu’au moins 17 % des salariés bénéficient d’une augmentation salariale d’au moins 3,5 % répartie équitablement entre les trois grandes catégories socioprofessionnelles – pouvait être tenu sans atteindre nécessairement le plafond de progression salariale de 1,85 %. En revanche, la négociation qui s’achève a montré que le poids des mesures salariales générales rend l’accord très sensible au cadrage décidé par les tutelles. Un cadrage même légèrement inférieur à 1,85 % complique de façon assez forte la capacité de l’entreprise à accorder des augmentations individuelles. L’ensemble des organisations syndicales conviennent, que, a fortiori au démarrage d’un nouveau COM, il est curieux de ne pas pouvoir faire de promotion interne. La négociation salariale pour 2015 a été l’occasion de faire une pédagogie utile sur l’accord tout en parvenant à un résultat pas trop insatisfaisant. On peut envisager, pour la première fois depuis la mise en œuvre de l’accord collectif, la signature d’une négociation annuelle obligatoire sur les salaires. Nous avons réussi à dégager des marges de manœuvre pour faire quelques promotions internes.

S’agissant du projet immobilier, sachez que vous êtes tous les bienvenus à Bry-sur-Marne. Le bâtiment Bry 3 abrite les équipes du dépôt légal ainsi que l’informatique ; excentré du site principal et quelque peu vétuste, il n’offre pas des conditions de travail propices. Le projet consiste à rapatrier les salariés dans le bâtiment Bry 1, historiquement consacré à la formation, mais qui peut, sans nuire à cette activité, accueillir du personnel supplémentaire. Le bâtiment Bry 3, d’une surface de 4 000 m2, que nous louons, sera abandonné au profit du bâtiment Bry 1 auquel sera adjointe une petite construction. Avec ce projet, nous diminuons les surfaces grâce à une organisation de l’espace plus rationnelle. L’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) assurera la maîtrise d’ouvrage du projet. Il n’est pas irréaliste de penser que l’enveloppe de 25 millions d’euros pourra être tenue.

J’ai rencontré Mme Delphine Ernotte peu de temps après son arrivée. Le contact a été très agréable. Nous avons évoqué différents champs de coopération possibles, au-delà des encouragements en ce sens prodigués par la tutelle – tel était le sens du comité stratégique de l’audiovisuel public réuni par la ministre il y a quelques semaines. Deux champs ont été identifiés : la chaîne d’information continue et la plateforme de vidéos par abonnement.

S’agissant de la chaîne d’information continue, l’INA se trouve dans une position différente de celle de Radio France et de France Télévisions, puisqu’il n’a pas de rédaction, mais aussi de France Médias Monde, qui doit trouver une articulation avec cette future chaîne. J’ai noté avec plaisir que cette chaîne s’assigne une mission de décryptage de l’actualité dans laquelle l’archive a toute sa place. Les équipes de préfiguration de la chaîne sont venues à Bry-sur-Marne il y a dix jours, elles ont échangé avec les personnes en charge du site Ina.fr mais aussi les responsables de la stratégie éditoriale. L’idée, à affiner, serait de pouvoir livrer des modules quotidiens – un module d’archive brut de décoffrage et un module plus éditorialisé, éventuellement incarné – qui pourraient être tournés et montés dans nos locaux puisque nous disposons de moyens de production. Ce projet permet aussi d’envisager une évolution de nos métiers de production qui sont aujourd’hui essentiellement tournés vers le documentaire de création historique. Si l’INA peut apparaître chaque jour sur les écrans, quelle que soit la nature de ses images, il pourra, au travers des nouveaux usages, faire partager au plus grand nombre, notamment les jeunes adultes que cette chaîne espère toucher, ses images et leur décryptage.

Quant à la plateforme de SVoD, j’ai indiqué à Mme Delphine Ernotte que cette plateforme est ouverte. Elle accueille aujourd’hui des contenus issus de nos fonds d’archive et des documentaires de création que l’INA a produits ou co-produits depuis 25 ans mais elle a vocation à accueillir toute œuvre à caractère patrimonial.

En attendant que France Télévisions développe un service de SVoD, nous sommes prêts à accueillir des documentaires de création dont France Télévisions détient les droits VoD, SVoD mais qu’elle n’exploite pas ; j’exclus la télévision de rattrapage dans laquelle les droits sont attachés à la diffusion hertzienne. INA Premium peut être un vecteur de l’exploitation suivie des œuvres, idée chère au président de votre commission, qui poursuit son chemin législatif.

S’agissant du développement des ressources propres, j’ajoute quelques pistes à celles que j’ai citées dans mon propos liminaire, tout en répondant à la question sur l’aide que le législateur peut nous apporter. J’ai assisté à une démonstration de l’archivage du web. C’est extraordinaire mais un peu difficile à expliquer – je ne peux que vous inviter à venir le découvrir – : la sauvegarde ne porte pas sur la totalité de l’arborescence des sites mais elle permet la navigation dans des sites qui n’existent plus aujourd’hui ; on sauvegarde les pages mais aussi des fonctionnalités de navigation.

Les activités de dépôt légal occupent de nombreux salariés et coûtent de l’argent. Mais aujourd’hui, cette mission de service public essentielle ne peut donner lieu qu’à une restitution savante, dans un cadre de recherche – l’INAthèque que vous avez mentionnée. Il est dommage, y compris pour la bonne utilisation des deniers publics, de ne rien pouvoir faire de ces données. Nous pouvons exploiter les métadonnées, c’est-à-dire les notices attachées aux documents. Cela nous permet – c’est l’une des voies de développement importantes – de mettre en place des outils d’analyse des médias, notamment INA Stat, qui analyse le traitement des sujets par les journaux télévisés. Mais, des entreprises privées nous demandent de retracer et d’analyser sur plusieurs années la présence de leur marque dans les émissions de télévision. Cela suppose, pour être exhaustif, de pouvoir fouiller les contenus du dépôt légal. Aujourd’hui, ce n’est pas possible pour une raison tout à fait honorable : cette fouille suppose de faire une copie de travail des fonds. Or, cette copie de travail ne fait pas partie des exceptions au droit d’auteur. Nous ne pouvons pas faire ce travail, pour lequel une forme de rémunération devrait être prévue, alors même qu’il n’est pas attentatoire aux auteurs, à leurs droits d’auteur aussi bien qu’à leur droit moral.

Dans un horizon qui n’est hélas pas celui de ce COM, nous devons développer les moyens de valoriser, dans tous les sens du terme, le fonds du dépôt légal. Ce sont des enjeux très importants pour l’INA. Le législateur peut nous aider, même si une partie de cette réglementation est de nature européenne. Nous allons participer pleinement au mouvement d’open data qui se dessine. Mais si l’open data progresse plus vite que le droit de fouiller les données, les produits de l’exploitation, ce qui fait la richesse de l’entreprise risquent de lui échapper. Ce serait dommage alors même que celle-ci est financée quasi intégralement par des ressources publiques.

Je vous remercie pour l’attention que vous avez portée à mon propos et pour nos échanges. Je n’ai pas pu répondre individuellement aux nombreuses questions qui m’ont été posées mais je suis tout à fait prêt à y répondre par courriel. J’ai entendu des avis favorables et des encouragements de la part des groupes politiques, autant de manifestations très importantes pour une entreprise qui a été un peu secouée. Mais, cela m’a frappé, l’INA peut compter sur des salariés qui aiment leur métier et leur entreprise. Alors même que je suis le troisième président en deux ans, vous l’avez dit, ils ont encore envie de faire confiance à quelqu’un pour les emmener plus loin. Si, avec votre aide, je peux être celui-là, ce sera formidable pour les 960 personnes qui travaillent à l’INA.

M. Franck Riester. Vous n’avez pas précisé les mesures que vous avez prises pour prémunir l’INA contre un autre scandale.

M. Laurent Vallet. J’ai pris le parti depuis que je suis arrivé de regarder vers l’avenir plus que vers le passé. Quand mes prédécesseurs ont commencé à parler de leurs collègues antérieurs, cela ne leur a pas porté chance ! Ne serait-ce que pour cette raison, mais pour bien d’autres également, je n’ai pas voulu m’y risquer, d’autant plus que des enquêtes administratives et judiciaires sont en cours.

S’agissant de l’enquête administrative, l’INA a pleinement coopéré lorsque l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) est venue enquêter dans le cadre de la procédure disciplinaire, ainsi que lors des perquisitions dans le cadre de l’enquête judiciaire au mois de juillet.

Pour le reste, ma priorité a été de prendre un certain nombre de mesures de gestion afin d’éviter que ce type de situation ne se reproduise. Je peux lister rapidement tous les outils qui ont été mis en place : les instructions concernent le recours aux taxis et les remboursements de frais, le fameux document unique qui sera présenté à notre conseil d’administration du 10 décembre – ce document, prévu par l’instruction ministérielle du 24 juin 2015 adressée aux établissements publics culturels, regroupe un certain nombre d’informations relatives aux dépenses des dirigeants. Nous avons fait le choix à l’INA d’entendre par dirigeants, les numéros un et deux mais aussi l’ensemble des membres du comité exécutif (COMEX). Le contrôle général économique et financier se voit désormais transmettre chaque mois un état détaillé et complet des dépenses de tous les membres du COMEX. Il peut ainsi jouer un rôle de lanceur d’alerte. Quant à l’emploi des termes « le cas échéant », je ne pense pas que le conseil d’administration doive devenir un lieu de débat permanent sur le montant des frais. Il n’est pas fait pour ça. Le comité d’audit et de stratégie, dont les pouvoirs ont été renforcés, se réunit systématiquement désormais avant la réunion du conseil d’administration. Dans un fonctionnement normal, le conseil d’administration n’a pas besoin d’être saisi plus d’une fois par an, sauf alerte – il y a désormais toute la transparence nécessaire pour que l’alerte puisse être donnée. Le conseil doit se saisir de sujets de portée stratégique.

Je ne sais pas si le dispositif que je viens de rappeler rend impossible les comportements qui font actuellement l’objet d’enquêtes mais s’ils devaient se reproduire, il sera désormais impossible que cela ne se voit pas, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie, monsieur le président.

La Commission émet un avis favorable sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut national pour l’audiovisuel pour les années 2015-2019.

Puis elle autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXE :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Ministère de la culture et de la communication – Direction générale des médias et des industries culturelles –  M. Ludovic Berthelot, sous-directeur de l’audiovisuel, M. Guillaume Vidal, adjoint au chef du bureau de l’audiovisuel public, et M. Benoit Lecerf, chargé de mission au bureau de l’audiovisuel public

Ø Table ronde syndicats de l’INA :

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Stéphane Baron, M. Hervé Gibier et Mme Martine Despard-Day

– Confédération générale du travail (CGT) – Mme Françoise Lamontagne, Mme Christine Perrier et M. Philippe Raynaud

– Force Ouvrière (FO) – Mme Sandrine Farran, Mme Laurence Maggioli et M. Hervé Hubert

Ø Mission de contrôle général économique et financier de l’audiovisuel public – Mme Françoise Miquel, cheffe de la mission, et M. Alain Simon, contrôleur général

Ø Institut national de l’audiovisuel (INA) – M. Laurent Vallet, président, et M. Jean-Marc Auvray, secrétaire général (audition réalisée dans le cadre de l’examen pour avis des crédits de la mission Audiovisuel, Avances à l’audiovisuel public du projet de loi de finances pour 2016).

1 () Article 3 de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision.

2 () Article 53 de la loi n °86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

3 () Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

4 () Article 5 de la loi n° 92-546 du 20 juin 1992 relative au dépôt légal.

5 () Loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

6 () Digital Versatile Disc et Compact Disc.

7 () Dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000.

8 () 759 408 heures.

9 () Hors fonds photo.

10 () La consultation expert se fait uniquement dans des emprises INA avec la possibilité d’être conseillé.

11 () Sur deux sites à la bibliothèque et à la cinémathèque.

12 () Contrôle général économique et financier, Rapport annuel INA, 2014.

13 () Les recettes commerciales avaient atteint 40,9 millions d’euros.

14 () Cour des comptes, Situation et perspectives de l’Institut national de l’audiovisuel, 2007.

15 () Contrôle général économique et financier, Rapport annuel INA, 2014.

16 () Cour des comptes, Situation et perspectives de l’Institut national de l’audiovisuel, 2007.

17 () Audition du 16 avril 2015.

18 () Contrôle général économique et financier, Rapport annuel INA, 2014.

19 () Audition du 16 avril 2015.

20 () Audition du 15 avril 2015.

21 () Audition du 15 avril 2015.

22 () En 2015, l’ouverture de deux sites est estimée à 30 000 euros.

23 () Contrôle général économique et financier, Rapport annuel INA, 2014.

24 () Un corpus multimédia est un ensemble organisé de documents comprenant des notices issues d’au moins deux medias parmi la vidéo, la radio ou la photo.

25 () Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

26 () Audition du 15 avril 2015.

27 () Audition du 16 avril 2015.

28 () Contrôle général économique et financier, Rapport annuel INA, 2014.

29 () Massive open online course ou cours en ligne ouverts et massifs.

30 () Ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.

31 () Provisions constituées pour reverser des droits d’auteur avant la mise en œuvre d’accords avec les sociétés de gestion de droits.

32 () Son montant actuel est de 38 millions d’euros.


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