N° 3596
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 mars 2016.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE
sur l’application de la loi n° 2015–990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (1)
ET PRÉSENTÉ
PAR M. Richard FERRAND,
Président-Rapporteur
Député
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La mission d’information commune sur l’application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est composée de : M. Richard Ferrand, président-rapporteur ; M. Yves Blein, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Gérard Cherpion, Mme Corinne Erhel, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bernard Gérard, M. Laurent Grandguillaume, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Bernadette Laclais, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert et Mme Cécile Untermaier.
SOMMAIRE
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PAGES
INTRODUCTION 13
PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX CHIFFRÉ 17
DEUXIÈME PARTIE : L’OUVERTURE DU TRANSPORT DE VOYAGEURS PAR AUTOCAR 27
I. LES SERVICES DE TRANSPORT RÉGULIER PAR AUTOCAR : VÉHICULES, LIAISONS, RÉGULATION 27
A. L’OUVERTURE DES LIAISONS INTERURBAINES RÉGULIÈRES PAR AUTOCAR ET LA RÉGULATION DES LIAISONS INFÉRIEURES OU ÉGALES À 100 KILOMÈTRES 27
1. Les dispositions de la loi : 27
2. Les textes d’application 30
B. LES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES ET LES ÉQUIPEMENTS OBLIGATOIRES DES AUTOCARS 31
1. Les dispositions de la loi 31
2. Les textes réglementaires d’application publiés 31
3. Les textes réglementaires attendus 32
C. PREMIERS ÉLÉMENTS SUR LA MISE EN œUVRE DE CES DISPOSITIONS 32
II. L’INDISPENSABLE COROLLAIRE DU DÉVELOPPEMENT DU TRANSPORT PAR AUTOCAR : LES GARES ROUTIÈRES 36
1. L’ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 38
a. Les consultations préalables 38
b. Les dispositions de l’ordonnance relatives aux gares routières 39
III. LES TEXTES D’APPLICATION RELATIFS À L’OUVERTURE DU TRANSPORT RÉGULIER PAR AUTOCAR QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS 42
TROISIÈME PARTIE : LA RÉFORME DE CERTAINES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES 45
I. LA FACILITATION DE L’ACCÈS AUX PROFESSIONS JURIDIQUES RÉGLEMENTÉES : DES ESPOIRS À NE PAS DÉCEVOIR 45
A. L’ACCÈS AUX PROFESSIONS DE COMMISSAIRE-PRISEUR JUDICIAIRE, D’HUISSIER DE JUSTICE ET DE NOTAIRE 45
1. La loi consacre le principe d’une liberté d’installation régulée pour remédier au malthusianisme qui caractérise l’accès à ces professions 45
a. La loi a créé un système de libre installation régulée qui requiert l’expertise de l’Autorité de la concurrence et l’intervention du pouvoir réglementaire 45
b. Les mesures complémentaires visant à ouvrir l’accès aux professions d’officiers publics et ministériels 48
2. Des incertitudes à lever quant aux modalités d’application des dispositions visant à favoriser l’ouverture des professions de notaires, d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires 50
a. Le décret relatif aux critères présidant à l’établissement de la carte, indispensable à l’ouverture de la procédure visant à l’élaboration de la carte, a été publié tardivement 50
b. Une incertitude demeure quant à la capacité matérielle de l’Autorité de la concurrence à proposer une carte aux ministres de la justice et de l’économie dans un délai raisonnable 53
c. Certaines des modalités de nomination aux offices restent à préciser 53
B. L’ORDONNANCE AMÉLIORANT PAR LA VOIE DU CONCOURS LES MODALITÉS DE RECRUTEMENT DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE : UNE SOLUTION ÉQUILIBRÉE FAVORISANT UN ACCÈS MÉRITOCRATIQUE À LA PROFESSION TOUT EN PRÉSERVANT L’AFFECTIO SOCIETATIS 60
C. LA FACILITATION DE L’ACCÈS À LA PROFESSION D’AVOCAT AU CONSEIL D’ÉTAT ET À LA COUR DE CASSATION : LES MESURES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION DOIVENT S’INSCRIRE DANS LA CONTINUITÉ DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES 62
1. En donnant à l’Autorité de la concurrence le soin d’apprécier de façon objective d’éventuelles carences de l’offre de services, le législateur a entendu faciliter l’accès à la profession d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation 62
a. Une relative fermeture de la profession 62
b. Les dispositions de la loi concernant la détermination du nombre d’offices 63
2. La procédure de nomination des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation doit s’inscrire dans l’esprit de la loi 64
a. Les critères au regard desquels l’Autorité de la concurrence formule ses recommandations 64
b. Les conditions de nomination des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation 65
c. Un système encore trop fermé 66
D. LA RÉFORME DE L’ACCÈS AUX PROFESSIONS D’ADMINISTRATEUR ET DE MANDATAIRE JUDICIAIRES : DES AMÉNAGEMENTS NÉCESSAIRES QUI MÉRITENT D’ÊTRE APPROFONDIS 67
1. La loi, en plusieurs de ses dispositions, favorise l’accès à ces professions 67
2. Un décret devrait étendre le champ des dispenses des conditions d’accès à la profession et préciser les modalités d’exercice des fonctions d’administrateur et de mandataire judiciaires salariés 69
a. Le champ des dispenses des conditions d’accès à la profession sera élargi, mais la durée de droit commun du stage professionnel reste trop longue 69
b. Un décret précisera les modalités d’exercice de la fonction d’administrateur judiciaire salarié et de mandataire judiciaire salarié 73
II. L’OBJECTIVATION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE CERTAINES PROFESSIONS JURIDIQUES ET JUDICIAIRES 73
A. LA LOI RATIONALISE LA MÉTHODE DE FIXATION DES TARIFS EN PRÉVOYANT LA PRISE EN COMPTE DES COUTS PERTINENTS DU SERVICE RENDU ET D’UNE RÉMUNÉRATION RAISONNABLE POUR CHAQUE PRESTATION 73
1. Les limites du système de réglementation des tarifs existant 73
2. L’article 50 de la loi fixe le principe d’une évolution des tarifs dépendante des coûts pertinents du service rendu et de la rémunération raisonnable 75
B. LE DÉCRET TARIFAIRE : L’INSTAURATION D’UNE MÉTHODE D’ÉVALUATION DES COÛTS PERTINENTS ET DE LA RÉMUNÉRATION RAISONNABLE PAR PRESTATION ET L’ORGANISATION DU FONDS DE PÉRÉQUATION INTERPROFESSIONNEL 77
1. Le décret précise la méthode de fixation des tarifs et modifie la structure tarifaire 77
a. La méthode de fixation des tarifs : une approche par prestation dont l’application est retardée 77
b. Des modifications importantes de la structure et des modalités tarifaires 84
2. Les principes régissant l’organisation et le fonctionnement du fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice 96
III. LA FACILITATION DE LA MISE À DISPOSITION DU PUBLIC DES DONNÉES DU REGISTRE NATIONAL DU COMMERCE ET DES SOCIÉTÉS 99
A. CE QUE PRÉVOIT LA LOI 99
B. LES MESURES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION ONT ÉTÉ PUBLIÉES, TANDIS QUE LE DISPOSITIF D’EXPÉRIMENTATION N’EST TOUJOURS PAS MIS EN œUVRE 101
1. Les mesures réglementaires d’application de l’article 60 ont été publiées 101
2. Le dispositif expérimental de gestion des RCS dans trois départements d’outre-mer aurait dû entrer en application au 1er janvier 2016 103
IV. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS 103
QUATRIÈME PARTIE : LES ENTREPRISES À PARTICIPATION PUBLIQUE 107
I. AUTORISATION DU TRANSFERT AU SECTEUR PRIVÉ DE LA MAJORITÉ DU CAPITAL DE NEXTER EN VUE DE LA FUSION AVEC LE GROUPE D’ARMEMENT TERRESTRE ALLEMAND KRAUSS-MAFFEI WEGMANN (KMW) 107
A. LE CONTENU DE LA LOI 108
1. L’autorisation de transfert 108
2. Le statut du personnel transféré 109
B. LA MISE EN œUVRE DE LA LOI 109
1. Le transfert de Nexter Systems au secteur privé 109
a. Le décret décidant le transfert 109
b. L’avis de la commission des participations et des transferts 110
c. L’arrêté du ministre de l’économie 110
2. Le statut des personnels 111
3. L’institution d’une action spécifique de l’État 112
4. La création de la société Honosthor 113
II. LES MODIFICATIONS DE L’ORDONNANCE N°2014-948 114
A. LA VENTE FORCÉE DES TITRES ACQUIS EN MÉCONNAISSANCE DES DROITS ATTACHÉS À UNE ACTION SPÉCIFIQUE 114
1. Le dispositif législatif 114
2. Les textes réglementaires d’application 115
B. LA COMPOSITION ET LE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION DES PARTICIPATIONS ET DES TRANSFERTS 116
1. Le dispositif législatif 116
2. Les textes réglementaires d’application 117
C. L’ACTIONNARIAT SALARIÉ 118
III. LES DISPOSITIONS NE NÉCESSITANT PAS DE TEXTES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION 118
A. L’OUVERTURE DU CAPITAL DU LABORATOIRE FRANÇAIS DU FRACTIONNEMENT ET DES BIOTECHNOLOGIES AUX ENTREPRISES OU ORGANISMES APPARTENANT AU SECTEUR PUBLIC 118
1. Le dispositif législatif 118
2. L’augmentation du capital du LFB 119
B. LE TRANSFERT AU SECTEUR PRIVÉ D’UNE PARTICIPATION MAJORITAIRE AU SEIN DU CAPITAL DES SOCIÉTÉS DE GESTION DES AÉROPORTS DE NICE ET LYON 119
1. Le dispositif législatif 119
2. Le processus de transfert 120
IV. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS 121
CINQUIÈME PARTIE : LES DISPOSITIONS RELATIVES AU TRAVAIL DU DIMANCHE ET EN SOIRÉE 123
I. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LOI À CES RÉGIMES D’EXCEPTION AU REPOS DOMINICAL ET EN SOIRÉE 123
A. LA DÉFINITION DE NOUVELLES ZONES AUTORISANT L’OUVERTURE DOMINICALE DES COMMERCES 126
1. Les zones touristiques et les zones commerciales 126
2. Les zones touristiques internationales 127
3. Les gares connaissant une « affluence exceptionnelle de passagers » 127
B. L’EXTENSION DE L’OBLIGATION DE CONCLURE UN ACCORD COLLECTIF PRÉVOYANT LES COMPENSATIONS AU TRAVAIL DOMINICAL POUR LES SALARIÉS DES COMMERCES SITUÉS DANS CES ZONES 128
C. L’ADAPTATION DES DISPOSITIONS ORGANISANT L’OUVERTURE DOMINICALE DES COMMERCES ALIMENTAIRES DE DÉTAIL 129
1. La possibilité d’ouverture le dimanche après-midi pour les commerces alimentaires situés dans les zones touristiques et dans les gares 129
2. La compensation salariale minimale pour les salariés des moyennes et grandes surfaces alimentaires 130
3. L’extension des dispositions relatives aux « dimanches du maire » 130
4. Les modifications apportées aux régimes de dérogations accordées par le préfet 131
a. La limitation de la durée des autorisations préfectorales d’ouverture 131
b. L’organisation de l’abrogation des arrêtés préfectoraux organisant le repos hebdomadaire dans une zone géographique 131
c. L’organisation d’une concertation locale sur le travail dominical 131
5. La garantie du droit de vote des salariés travaillant le dimanche 131
D. LES DÉROGATIONS AU TRAVAIL EN SOIRÉE DANS LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES 132
II. LES MESURES D’APPLICATION DE LA LOI 132
A. LE DÉCRET EN CONSEIL D’ÉTAT PRÉCISANT LES MODALITÉS DE DÉLIMITATION DES NOUVELLES ZONES ET DE MISE EN œUVRE DU REPOS HEBDOMADAIRE PAR ROULEMENT 133
B. LES ARRÊTÉS MINISTÉRIELS CONJOINTS DÉLIMITANT LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES 134
C. L’ARRÊTÉ MINISTÉRIEL CONJOINT RELATIF AUX COMMERCES SITUÉS DANS LES EMPRISES DE CERTAINES GARES 136
D. LA CRÉATION D’UN OBSERVATOIRE DU COMMERCE DU DIMANCHE 137
E. LE RAPPORT D’ÉVALUATION PRÉVU PAR LA LOI 137
III. UN PREMIER BILAN DE LA MISE EN œUVRE DE LA LOI 137
A. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES MOYENS D’INFORMATION 137
B. LA DÉFINITION DE NOUVELLES ZONES AUTORISANT L’OUVERTURE DOMINICALE DES COMMERCES 138
C. L’EXTENSION DE L’OBLIGATION DE CONCLURE UN ACCORD COLLECTIF PRÉVOYANT LES COMPENSATIONS AU TRAVAIL DOMINICAL POUR LES SALARIÉS DES COMMERCES SITUÉS DANS CES ZONES 138
D. L’ADAPTATION DES DISPOSITIONS ORGANISANT L’OUVERTURE DOMINICALE DES COMMERCES ALIMENTAIRES DE DÉTAIL 140
E. L’EXTENSION DES DISPOSITIONS RELATIVES AUX « DIMANCHES DU MAIRE » 140
F. LES MODIFICATIONS APPORTÉES AUX RÉGIMES DE DÉROGATIONS ACCORDÉES PAR LE PRÉFET 142
G. LES DÉROGATIONS AU TRAVAIL EN SOIRÉE DANS LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES 143
SIXIÈME PARTIE : LES AUTRES DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DU TRAVAIL 145
I. LA RÉFORME DE LA JUSTICE PRUD’HOMALE 145
A. UNE RÉFORME AMBITIEUSE 145
1. Le renforcement des droits et devoirs des conseillers prud’hommes 145
2. La réforme de la procédure prud’homale 146
3. La création de nouveaux outils de conciliation et de médiation extrajudiciaires 147
4. La création d’un statut du défenseur syndical 148
B. LES MESURES D’APPLICATION DE LA LOI 148
1. Les dispositions entrées en application 148
2. Le projet de décret sur la réforme de la procédure prud’homale 149
a. La représentation des salariés 149
b. La saisine du conseil des prud’hommes 150
c. La composition du bureau de conciliation et d’orientation 153
d. La mise en l’état par le bureau de conciliation et d’orientation 153
e. La composition du bureau de jugement 155
f. Les activités prud’homales indemnisables 155
g. La résolution amiable des différents 156
h. La saisine pour avis de la Cour de cassation 157
i. L’entrée en vigueur des différentes modifications portées par le projet de décret 157
3. Les décrets d’application non encore publiés 158
C. LA QUESTION DES MOYENS 158
II. LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI AYANT FAIT L’OBJET DE MESURES D’APPLICATION 161
A. LA RÉFORME DE L’INSPECTION DU TRAVAIL 162
1. Le projet « ministère fort » 163
2. L’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale 164
3. La proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail 166
a. Le renforcement des pouvoirs et garanties accordés aux agents 166
b. La rénovation du dispositif de sanction des infractions au code du travail 167
4. Le projet d’ordonnance réformant l’inspection du travail 167
B. L’AMÉLIORATION DU DISPOSITIF DE SÉCURISATION DE L’EMPLOI 172
C. LA LUTTE CONTRE LA PRESTATION DE SERVICES INTERNATIONALE ILLÉGALE 174
III. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS 177
SEPTIÈME PARTIE : LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI AYANT FAIT L’OBJET DE MESURES D’APPLICATION 179
I. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA MOBILITÉ 179
A. LA RÉFORME DU PERMIS DE CONDUIRE 179
B. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS EN APPLICATION DU CHAPITRE IER « MOBILITÉ » DU TITRE IER « LIBÉRER L’ACTIVITÉ » 179
II. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU COMMERCE 181
A. L’INFORMATION DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE SUR LES ACCORDS D’ACHATS GROUPÉS DANS LA GRANDE DISTRIBUTION 181
1. Le contenu de la loi 181
2. Les mesures d’application de la loi 181
B. L’AMÉLIORATION DU SERVICE DE MOBILITÉ BANCAIRE 182
1. Le contenu de la loi 182
2. Les mesures d’application de la loi 182
C. LA RÉVISION DES DÉLAIS DE PAIEMENT INTERENTREPRISES 184
1. Le contenu de la loi 184
2. Les mesures d’application de la loi 184
D. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ÊTRE ENCORE PRIS 185
III. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’URBANISME 186
A. LA CONVENTION TEMPORAIRE D’OCCUPATION DU LOGEMENT À TITRE DE RÉSIDENCE PRINCIPALE DANS LES SOCIÉTÉS D’HABITAT PARTICIPATIF 186
1. Le contenu de la loi 186
2. Les mesures d’application de la loi 186
B. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ÊTRE ENCORE PRIS 187
IV. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’INVESTISSEMENT 188
A. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU NUMÉRIQUE 189
1. La création du statut de « zone fibrée » 189
a. Le contenu de la loi 189
b. Les mesures d’application de la loi 189
2. Équipement en fibre des maisons individuelles et des lotissements neufs 190
a. Le contenu de la loi 190
b. Les mesures d’application de la loi 190
3. Obligation de couverture dans les zones « blanches » et « grises » de téléphonie mobile 191
a. Le contenu de la loi 191
b. Les mesures d’application de la loi 192
B. LE RÈGLEMENT D’UN CONTRAT D’ASSURANCE VIE PAR LA REMISE DE TITRES NON NÉGOCIABLES 192
C. LES COMPTES BANCAIRES INACTIFS 193
D. LA SOCIÉTÉ DE LIBRE PARTENARIAT 194
E. L’ÉPARGNE SALARIALE 194
1. L’orientation de l’épargne salariale vers le financement des PME 194
2. Modifications réglementaires relatives à l’épargne salariale 195
F. L’ÉLARGISSEMENT AUX ENTREPRISES D’ASSURANCE, AUX MUTUELLES ET AUX INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE DE L’ACCÈS AU FICHIER BANCAIRE DES ENTREPRISES 196
G. LES FILIALES ET LES PRISES DE PARTICIPATION DES CENTRES HOSPITALIERS UNIVERSITAIRES 196
H. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS 199
V. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION 202
A. LA SIMPLIFICATION DE FORMALITÉS EN MATIÈRE DE DROIT COMMERCIAL 203
1. Les simplifications relatives à la vente d’un fonds de commerce 203
2. L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel 205
3. La simplification de la relation entre le bailleur et le locataire 205
4. La possibilité pour les petites entreprises de ne pas publier de compte de résultat 206
5. Les dispositions relatives à la transmission et à la mise à disposition des données du registre national du commerce et des sociétés 206
B. L’ALLÈGEMENT DES OBLIGATIONS COMPTABLES DE CERTAINES ENTREPRISES 207
C. L’INFORMATION DES SALARIÉS EN CAS DE VENTE DE LEUR ENTREPRISE 207
D. LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE DE RECOUVREMENT DES PETITES CRÉANCES 208
E. LES CONTRATS DE CONCESSION 210
F. LA CRÉATION D’UNE COMMISSION DE CONCERTATION DU COMMERCE 211
G. L’ENCADREMENT DES « RETRAITES CHAPEAUX » 212
H. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS 213
VI. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA CONTINUITÉ DE LA VIE DES ENTREPRISES 214
A. L’ORDONNANCE RELATIVE AU GAGE DES STOCKS 214
B. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS 216
TRAVAUX DE LA COMMISSION 217
ANNEXE N° 1 : RÉCAPITULATIF DES TEXTES PUBLIÉS 331
ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 347
ANNEXE N° 3 : COURRIERS ADRESSÉS AU GOUVERNEMENT 353
Le choix somme toute peu fréquent d’une commission spéciale. Le dispositif inédit de huit rapporteurs thématiques coordonnés par un rapporteur général, afin d’appréhender le caractère protéiforme d’un projet de loi tout en préservant sa cohérence interne. Des débats en commission particulièrement nourris aussi bien en première qu’en nouvelle lecture (2). Un débat en séance publique parmi les plus longs de la Vème République (3). Un texte profondément enrichi par le débat parlementaire puisque le nombre d’articles a presque triplé, passant des 106 articles du projet de loi initial aux 308 du texte définitivement adopté. Les conditions dans lesquelles s’est déroulé l’examen de ce qui allait devenir la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 relative à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques auraient suffi à donner à la « loi Macron » une place de choix dans les annales parlementaires.
En proposant la création d’une mission d’information commune sur l’application de la loi du 6 août 2015, création dont la Conférence des présidents a bien voulu prendre acte lors de sa réunion du 6 octobre dernier, deux mois seulement après la promulgation de la loi, le président-rapporteur a souhaité que l’élan ne retombe pas, convaincu que le travail du Parlement ne peut pas s’achever avec le vote définitif de la loi, convaincu que le législateur ne peut se désintéresser de la mise en œuvre réglementaire de la loi qu’il a votée. La mission d’information commune est l’outil efficace pour mener ce travail dans un cadre parlementaire et formellement défini.
La création de cette mission d’information commune poursuit donc deux objectifs. D’une part, il s’agit de veiller à ce que les textes d’application de la loi soient publiés dans les délais annoncés par le Gouvernement lors de la discussion parlementaire, afin d’en permettre une mise en œuvre rapide. D’autre part, il s’agit de s’assurer que le contenu de ces textes d’application soit bien conforme à l’intention du législateur.
Le premier objectif est aujourd’hui naturel. Une résolution du 27 mai 2009 a ainsi introduit dans le règlement de l’Assemblée nationale un article 145-7 prévoyant que « à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, deux députés, dont l’un appartient à un groupe d’opposition et parmi lesquels figure de droit le député qui en a été le rapporteur, présentent à la commission compétente un rapport sur la mise en application de cette loi. Ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. » Avant même cette modification du règlement, les commissions des finances et des affaires sociales avaient depuis longtemps pris l’habitude de publier régulièrement des rapports sur l’application de la loi fiscale ou l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
Le second objectif poursuivi par la mission d’information constitue, au contraire, une démarche plus originale. Son caractère innovant a d’ailleurs pu, semble-t-il, susciter quelques émois au sein de la machinerie gouvernementale.
Naturellement, le président-rapporteur est parfaitement averti du principe de la séparation des pouvoirs et des prérogatives que la Constitution reconnaît au pouvoir réglementaire. La présente démarche ne saurait pourtant être analysée comme une tentative de remise en cause de celles-ci.
En premier lieu, en créant cette mission d’information commune, l’Assemblée nationale n’a fait que prendre au mot les déclarations du Gouvernement, par la voix de son ministre de l’économie, sur son souhait de travailler avec les parlementaires dans un esprit de « co-construction », dans la longue durée et jusqu’au terme de l’application de la loi. Permettre aux parlementaires de prendre connaissance en amont des orientations ou des choix retenus dans les projets de décrets pour qu’ils soient en mesure de faire part de leurs observations, ce n’est pas empiéter sur les prérogatives du Gouvernement ni adresser quelque injonction que ce soit à celui-ci. L’ensemble des membres de la mission d’information a parfaitement conscience que, en matière réglementaire, le dernier mot appartient au Gouvernement. Mais, d’abord, il s’agit de faire profiter ce dernier de l’indéniable expertise acquise par les parlementaires au cours du débat, au premier rang desquels les anciens rapporteurs thématiques. Ensuite, les observations susceptibles d’être formulées par les parlementaires ne sont certes pas moins illégitimes ni plus intrusives que celles que le pouvoir réglementaire recueille, en application de textes ou de sa propre initiative, auprès des professionnels ou des personnes concernés ou des multiples commissions ou comités consultatifs que notre pays multiplie à l’envi. D’ailleurs, il convient de constater, pour s’en féliciter, que les membres du Gouvernement qui sont venus s’exprimer publiquement devant la mission d’information ont approuvé le principe même de cette initiative de l’Assemblée nationale (4). En organisant dans son ministère deux réunions auxquelles il a convié les parlementaires qui avaient siégé dans les commissions spéciales des deux chambres (5) pour faire le point sur la mise en œuvre de sa loi, le ministre de l’économie a ainsi confirmé son attachement à cette méthode de travail.
En second lieu, et surtout, la justification de la mission d’information est fondée sur la conviction forte que, pour reprendre les propos de notre collègue Denys Robiliard devant la garde des sceaux, « il faut embrasser d’un même coup d’œil la loi et le règlement pour apprécier dans son ensemble une réforme ».
Composée de vingt-quatre députés appartenant à tous les groupes de l’Assemblée nationale (6), la mission d’information s’est mise au travail selon une méthode que son président-rapporteur a proposé et que la mission a validé lors de sa réunion constitutive du 20 octobre 2015.
La Conférence des présidents avait acté que les anciens rapporteurs thématiques seraient membres de droit de la mission d’information (7). Dès lors, il a été décidé que ceux-ci auraient la charge des parties qu’ils avaient rapportées (8) en procédant, chacun de leur côté, aux auditions qu’ils jugeraient utiles, celles-ci étant naturellement ouvertes à l’ensemble des membres de la mission d’information qui seraient informés de leur calendrier. C’est ainsi que les anciens rapporteurs thématiques ont pu, dans le cadre d’auditions ou de tables rondes, recueillir les observations d’une cinquantaine d’interlocuteurs, qu’il s’agisse de responsables d’administrations centrales, de représentants d’instances ou d’organisations professionnelles, de représentants des partenaires sociaux ou de responsables d’entreprises (9).
Les informations recueillies au cours de ces auditions ont conduit le président-rapporteur à saisir le Premier ministre et les ministres concernés d’un certain nombre d’observations sur des points précis. Le contenu du présent rapport précisera notamment la nature de ceux-ci. Le fait qu’il ait été tenu compte de certaines de ces remarques suffit à justifier a posteriori la démarche entreprise par notre Assemblée.
Parallèlement, la mission d’information a organisé plusieurs auditions publiques. C’est dans ce cadre qu’elle a entendu, à ce stade, quatre membres du Gouvernement ainsi que le président et la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence (10).
Pour permettre aux anciens rapporteurs thématiques de travailler efficacement, une méthodologie a été mise en place après des échanges avec le Premier ministre. Il a en effet été décidé que la transmission des projets de décrets ou d’ordonnances serait centralisée par le cabinet de celui-ci. Depuis lors, ces documents ont été, pour la grande majorité d’entre eux, effectivement transmis au rythme des arbitrages rendus en réunions interministérielles au président-rapporteur, qui les a immédiatement diffusés à l’ensemble des membres de la mission. Cette procédure a incontestablement permis à la mission d’information de travailler efficacement. Néanmoins, il demeure qu’il aurait été préférable que cette transmission intervienne plus tôt, au moment par exemple où les projets sont soumis pour consultation aux différentes instances compétentes, aux professionnels ou partenaires concernés et qu’elle soit réitérée au moment de la saisine effective du Conseil d’État, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Le présent rapport constitue une première étape. Outre un premier état des lieux chiffré de l’application de la loi, il comporte des développements sur cinq ensemble de dispositions de celle-ci qui ont fait l’objet d’un examen particulièrement attentif : l’ouverture des transports de voyageurs par autocar, la réforme des professions réglementées, les dispositions relatives aux entreprises publiques, le travail du dimanche et en soirée, la réforme de la procédure prud’homale. Conformément à la méthode de travail exposée ci-dessus, ces parties correspondantes ont été élaborées respectivement par M. Gilles Savary, Mme Cécile Untermaier, MM. Yves Blein, Stéphane Travert et Denys Robiliard. Dans une dernière partie, le rapport commente également, le cas échéant, la mise en œuvre des autres dispositions de la loi.
PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX CHIFFRÉ
Avant de dresser un état des lieux chiffré de l’application de la loi, des précisions d’ordre méthodologique s’imposent. On ne peut en effet adopter une approche quantitative de l’application d’une loi sans garder à l’esprit qu’elle résulte de choix de périmètres nécessairement imparfaits.
Plusieurs difficultés apparaissent lorsqu’il s’agit de recenser le nombre de mesures d’application prises par rapport au nombre de mesures d’application prévues.
En premier lieu, l’approche par article de la loi est réductrice, puisqu’un même article peut comprendre plusieurs dispositions qui appellent des mesures d’application. Ainsi, le site Légifrance fait apparaître, pour le seul article 13 relatif à la régulation du secteur autoroutier, dix dispositions différentes nécessitant des précisions réglementaires.
En deuxième lieu, il convient de distinguer le nombre de dispositions de la loi qui prévoient explicitement des mesures d’application du nombre de dispositions qui en requièrent effectivement pour produire des effets juridiques. Par exemple, il n’est fait mention d’aucune mesure réglementaire d’application à l’article 67 de la loi, qui simplifie les conditions de création et de constitution des sociétés d’exercice libéral (SEL) et des sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL). Pourtant, une mise en conformité du cadre juridique réglementaire existant avec ces nouvelles dispositions est indispensable. Huit décrets devraient être publiés en application de cet article. Il a été décidé de prendre en compte ce type de mesures dans l’état des lieux de l’application de la loi.
En troisième lieu, il convient de distinguer le nombre de dispositions de la loi qui prévoient des mesures d’application, du nombre d’ordonnances, de décrets ou d’arrêtés à publier. Certains textes sont en effet publiés en application de plusieurs dispositions législatives. Il est par conséquent difficile de prévoir, a priori, le nombre de textes réglementaires qu’il est nécessaire de publier pour que la loi entre pleinement en application. C’est la raison pour laquelle il est plus pertinent d’apprécier le taux d’application de la loi en se référant au nombre de dispositions qui prévoient des mesures d’application plutôt qu’au nombre de textes réglementaires. Par ailleurs, la loi prévoit l’intervention de décrets de nomination qui ne comportent pas de mesures réglementaires. Il n’est pas tenu compte de ces mesures nominatives dans le décompte des mesures d’application de la loi.
En quatrième et dernier lieu, des textes réglementaires ou des ordonnances publiés conformément aux dispositions de la loi peuvent eux-mêmes prévoir des mesures d’application. Il est fréquent que des décrets d’application renvoient à des arrêtés pour préciser certaines de leurs dispositions. De la même manière, les ordonnances impliquent elles-mêmes la publication de mesures réglementaires. Afin de favoriser la lisibilité de l’analyse, ces mesures d’application de second niveau ne sont pas intégrées à ce rapport d’étape. Toutefois, il faut rappeler qu’elles sont tout autant nécessaires que les premières pour que la loi puisse s’appliquer.
La loi n° 2015–990 du 6 août 2015 compte 308 articles, parmi lesquels :
– 18 articles ont été frappés d’inconstitutionnalité dans l’intégralité de leurs dispositions ;
– 183 articles sont directement applicables dans l’intégralité de leurs dispositions. Parmi ces articles figurent quatre dispositions ratifiant des ordonnances ;
– 7 articles ont pour objet exclusif la remise de rapports au Parlement ;
– 83 articles nécessitent des précisions réglementaires pour 166 de leurs dispositions ;
– 17 articles comportent des habilitations au Gouvernement à légiférer par ordonnances dans 49 de leurs dispositions, sans nécessiter, par ailleurs, de mesures réglementaires d’application ; en outre, deux des 83 articles précédents habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances en trois de leurs dispositions.
S’agissant des mesures réglementaires, à ce stade, 48 décrets ont été publiés, précisant 84 dispositions de la loi. Dix-huit arrêtés, délimitant des zones touristiques internationales (ZTI) à Paris, Cannes, Deauville, Nice, Saint-Laurent-du-Var, Cagnes-sur-Mer et Serris ont également été publiés, en application de l’article 242 de la loi et un arrêté autorisant l’ouverture dominicale des commerces de détail situés dans des gares a été publié en application de l’article 249. A également été publié un arrêté fixant la liste complémentaire des centres-bourgs de communes bénéficiant de l’extension du programme de couverture du territoire en services mobiles, en application de l’article 129. Enfin, quatre arrêtés relatifs aux tarifs de professions réglementées et au taux de remise prévu à l’article L. 444–2 du code de commerce ont été publiés en application de l’article 50 de la loi.
MESURES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION PRÉVUES PAR LA LOI
Titre |
Chapitre |
Nombre de dispositions prévoyant des mesures réglementaires |
Nombre de mesures réglementaires publiées |
Taux de publication |
Titre Ier : Libérer l’activité
|
Chapitre Ier : Mobilité |
30 |
19 |
63,3 % |
Chapitre II : Commerce |
5 |
3 |
60,0 % | |
Chapitre III : Conditions d’exercice des professions juridiques réglementées |
37 |
16 |
43,2 % | |
Chapitre IV : Dispositions relatives au capital des sociétés |
11 |
0 |
0,0 % | |
Chapitre V : Urbanisme |
5 |
1 |
20,0 % | |
Sous-total du Titre Ier : Libérer l’activité |
|
88 |
39 |
44,3% |
Titre II : Investir
|
Chapitre Ier : Investissement |
25 |
17 |
65,2 % |
Chapitre II : Entreprises à participation publique |
11 |
10 |
90,9 % | |
Chapitre IV : Simplifier |
12 |
10 |
83,3 % | |
Chapitre V : Assurer la continuité de la vie des entreprises |
3 |
1 |
33,3 % | |
Sous-total Titre II : Investir |
|
51 |
38 |
74,5 % |
Titre III : Travailler
|
Chapitre Ier : Exceptions au repos dominical et en soirée |
4 |
4 |
100,0 % |
Chapitre II : Droit du travail |
22 |
12 |
54,6 % | |
Sous-total Titre III : Travailler |
|
26 |
16 |
61,5% |
Titre IV : Dispositions finales |
|
1 |
0 |
0,0% |
Total général |
|
166 |
93 |
56,0% |
Source : mission d’information.
Le titre Ier, qui est celui des trois titres de la loi qui requiert le plus de mesures réglementaires présente le taux de publication le plus faible des trois titres (44,3 %). La faiblesse de ce taux s’explique par l’attente de la publication, d’une part, des décrets relatifs à la diversification des formes juridiques possibles pour l’exercice de certaines professions juridiques et judiciaires, d’autre part, des décrets relatifs à l’ouverture du capital entre certaines professions du droit et enfin, des décrets relatifs à l’urbanisme.
Le titre II « Investir » présente un taux de publication satisfaisant de 74,5 %. La quasi-totalité des décrets prévus pour préciser le chapitre II « Entreprises à participation publique » et le chapitre IV « Simplifier » a été publiée, tandis que plus de 65,2 % des mesures qui doivent préciser le chapitre Ier « Investissement » ont été prises.
Le titre III « Travailler » présente un taux de publication également satisfaisant de 61,5 %. L’ensemble des mesures réglementaires se rapportant au chapitre Ier « Exceptions au repos dominical et en soirée » a été publié. De plus, douze des vingt-deux mesures réglementaires appelées à préciser le chapitre II « Droit du travail » ont été publiées.
Au total, sept mois après la promulgation de la loi, sur les 166 dispositions qui nécessitaient des mesures réglementaires, 93 (11) sont désormais applicables, soit un taux de 56,0 %.
Il est possible, comme expliqué supra, de dresser un bilan comptable de l’état d’application de la loi en comparant le nombre de textes publiés avec le nombre de textes total prévus par la loi. Le Gouvernement a annoncé que l’application de la loi requérait 85 décrets (12). Si l’on rapporte à ce nombre le nombre de décrets publiés (avec toutes les réserves méthodologiques expliquées supra), on constate un taux de publication de 56,4 % qui contraste avec l’objectif initial du Gouvernement de publier 80 % des décrets prévus avant la fin de l’année 2015.
Lors d’une présentation de l’état d’application de la loi aux anciens membres des commissions spéciales chargées de l’examen du projet de loi (13) le 1er mars 2016, le ministre de l’économie a précisé que sur les quarante décrets qui restaient alors à prendre, trente étaient en cours d’examen au Conseil d’État et devraient être publiés avant la fin du mois de mars. Dix décrets sont donc encore au stade de la préparation, ce que le ministre a justifié pour chacun d’entre eux, en distinguant quatre cas :
– la publication des décrets d’application prévus aux articles 117 et 134 a été repoussée de manière à prendre en compte les évolutions législatives qui seront éventuellement apportées à l’issue de l’examen du projet de loi République numérique ;
– la publication du décret prévu à l’article 258 de la loi a également été reportée. Ce décret doit préciser les modalités d’établissement d’un référentiel indicatif aux fins de détermination de l’indemnité, fixée par le juge, due par l’employeur au salarié. Le report de la publication de ce décret s’explique par la volonté du Gouvernement de coordonner ce référentiel avec le plafonnement qui pourrait figurer dans le projet de loi de réforme du code du travail, lequel devrait être présenté en conseil des ministres le 24 mars 2016 ;
– le projet du décret prévu par l’article 3 de la loi, concernant l’installation dans les autocars de dispositifs permettant de prévenir la conduite en état d’ébriété fait l’objet d’un examen par la Commission européenne. Comme le secrétaire d’État chargé des transports l’a expliqué à la mission d’information (14), l’arrêté du 13 octobre 2009 prévoit qu’à partir du 1er septembre 2015, les autocars des entreprises établies en France soient équipés d’éthylotests. L’enjeu du projet de décret est d’étendre cette obligation aux autocars des entreprises établies hors de France et amenés à circuler sur le territoire national. M. Alain Vidalies a indiqué que la Commission européenne « partage les motivations de la France dans la lutte contre l’insécurité routière, mais considère que ce dispositif n’étant pas harmonisé, c’est-à-dire non prévu par les textes européens, il ne peut être imposé aux opérateurs de l’Union européenne » ;
– quatre autres décrets concernant les secteurs du transport et du travail en général sont encore en consultation : le décret prévu à l’article 193 de la loi concernant le mode de calcul des éléments du ratio défini comme le rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau ; le décret prévu par les articles 281 et 283 concernant le détachement des travailleurs salariés d’entreprises non établies en France aux entreprises de transport routier et fluvial fait encore l’objet de consultations, compte tenu de la difficulté de la complexité du sujet traité ; deux décrets doivent être publiés en application de l’article 258 de la loi, sur le statut du défenseur syndical et sur le délai à la suite duquel tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale est réputé démissionnaire. Le ministre de l’économie a expliqué qu’un travail complémentaire devait encore être effectué en vue de la publication de ces deux décrets, le second n’ayant de toutes façons pas vocation à s’appliquer avant la désignation de nouveaux conseillers prud’hommes (15).
Pour ce qui est des ordonnances, six ont été publiées en application de la loi :
– l’ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016 relative à la réalisation d’une infrastructure ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle (article 8). Deux dispositions de l’ordonnance renvoient à des décrets. Il est par ailleurs disposé que les décrets, pris sur avis conforme du Conseil d’État, autorisant la prise de possession de terrains non-bâtis situés dans les emprises de l’ouvrage (L. 522-1 code de l’expropriation pour cause d’utilité publique) soient publiés avant le 31 décembre 2017 ;
– l’ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 relative aux gares routières et à la recodification des dispositions du code des transports relatives à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (article 12, 1°, 2° et 3°). Cette ordonnance prévoit, en sept de ses dispositions, l’intervention de précisions réglementaires par décret. Un arrêté est également prévu ;
– l’ordonnance n° 2016-57 du 29 janvier 2016 modifiant l’article L. 742-1 du code de commerce relatif aux conditions d’accès à la profession de greffier de tribunal de commerce (article 61, IV). L’unique article de l’ordonnance renvoie à un décret le soin de préciser ses dispositions ;
– l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession (article 209, 1° et 2°). Le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession précise cette ordonnance ;
– l’ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks (article 240, 1°). Une de ses dispositions prévoit la publication d’un décret ;
– l’ordonnance n° 2015-1578 du 3 décembre 2015 portant suppression du contrat d’accès à l’emploi et du contrat d’insertion par l’activité, et extension et adaptation du contrat initiative-emploi à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon (article 275). Les décrets n° 2015-1722 et 2015-1723 du 21 décembre 2015 ont été publiés en application de cette ordonnance.
Au total, quatorze dispositions de ces ordonnances prévoient des précisions réglementaires par décret et une disposition renvoie à un arrêté (16).
Le ministre de l’économie a annoncé qu’en définitive, 26 ordonnances seraient prises conformément aux habilitations de la loi. Vingt ordonnances restent donc à être publiées. Il a précisé que huit projets d’ordonnances ont été transmis au Conseil d’État (17).
S’agissant des rapports prévus par la loi, aucun des dix que le Gouvernement devait remettre au Parlement ne lui est parvenu. Sept rapports auraient dû être remis avant le 7 février 2016.
RAPPORTS PRÉVUS PAR LA LOI
Date limite de dépôt |
Article de la loi |
Objet |
Auteur |
Destinataire |
Six mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi |
Article 67 de la loi du 9 décembre 2004 |
Application de la loi |
Gouvernement |
Parlement |
Annuel |
Article 5 |
Rapport portant sur les services de transport public routier de personnes librement organisés |
Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) |
Gouvernement et Parlement |
Un an à compter de la promulgation de la loi |
Article 9 |
Impact du développement du transport par autocar sur l’environnement, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre |
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) |
Parlement et public |
tous les cinq ans |
Article 13 |
Rapport public portant sur l’économie générale des conventions de délégation |
ARAFER |
Public |
Annuel |
Article 13 |
Synthèse publique des comptes des concessionnaires. |
ARAFER |
Parlement |
Annuel |
Article 13 |
Rapport sur les marchés définis à l’article L. 122-12 L. 122-10 du code de la voirie routière et les travaux réalisés en exécution de ces marchés. |
ARAFER |
Gouvernement et Parlement |
Deux mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 26 |
Rapport présentant les modifications apportées à la composition du Conseil supérieur de l’éducation routière |
Gouvernement |
Parlement |
Annuel |
Article 28 |
Rapport établi sur la base des informations et statistiques relatives à l’activité des établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 de formation aux examens théoriques et pratiques du permis de conduire et aux résultats de leurs élèves |
Conseil supérieur de l’éducation routière (CSER) |
Public |
Quatre mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 31 |
Rapport dans lequel le Gouvernement présente des mesures concrètes visant à renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution en facilitant les changements d’enseignes |
Gouvernement |
Parlement |
31 décembre 2015 |
Article 48 |
Rapport portant sur les conséquences du marketing différencié en fonction du sexe, les écarts de prix selon le sexe du consommateur et les inégalités pesant sur le pouvoir d’achat des femmes et des hommes. |
Gouvernement |
Parlement |
Deux ans à compter de la promulgation de la loi |
Article 52 |
Rapport sur l’opportunité d’étendre les conditions relatives à l’implantation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle |
Gouvernement |
Parlement |
Deux ans à compter de la promulgation de la loi |
Article 59 |
Rapport sur l’évolution du nombre de notaires, d’huissiers de justice, de commissaires-priseurs judiciaires et de greffiers de tribunal de commerce salariés depuis la promulgation de la présente loi et sur l’évolution de la proportion de jeunes et de femmes parmi ces salariés. |
Gouvernement |
Parlement |
Deux ans à compter du début de l’expérimentation (fixé au 1er janvier 2016 au plus tard) |
Article 60 |
Rapport sur les conditions d’exécution de la délégation de la gestion matérielle des registres du commerce des sociétés à la chambre de commerce et d’industrie compétente dans les départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. |
Gouvernement |
NC |
31 décembre 2015 |
Article 110 |
Rapport sur l’évaluation des effets de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme |
Gouvernement |
Parlement |
Annuel, le 1er étant présenté trois mois après la promulgation de la loi |
Article 123 |
Rapport sur l’effort d’investissement des opérateurs de radiocommunications mobiles autorisés |
Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) |
Public |
Six mois à compter de la publication de la loi |
Article 172 |
Rapport sur la création de plateformes de cotations régionales ou de bourses régionales dans chaque métropole régionale, en Hexagone et dans les outre-mer, afin de fournir un outil de circuits courts de financement régional |
Gouvernement |
Parlement |
Six mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 176 |
Rapport sur l’impact de l’innovation ouverte pour le droit et la pertinence d’une adaptation des outils juridiques. |
Gouvernement |
Parlement |
Trois ans après la délimitation d’une zone touristique internationale |
Article 242 |
Évaluation économique et sociale des pratiques d’ouverture des commerces qui se sont développées à la suite d’une délimitation d’une zone touristique internationale |
Gouvernement |
Parlement |
Source : mission d’information.
Votre président-rapporteur s’étonne qu’aucun rapport ne soit encore parvenu au Parlement, pas même le rapport dans lequel le Gouvernement doit présenter des mesures concrètes visant à renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution en facilitant les changements d’enseignes (article 31) ni le rapport prévu sur la création de plateformes de cotations régionales ou de bourses régionales dans chaque métropole régionale, en hexagone et dans les outre-mer (article 172), alors que la loi prévoyait qu’ils soient remis avant le début du mois de février 2015.
En définitive, votre président-rapporteur est satisfait du rythme d’application de la loi. Même si certains décrets ont été publiés tardivement par rapport à ce qui était attendu, à l’image des décrets relatifs aux tarifs et à l’installation de certaines professions réglementées, le Gouvernement a montré sa volonté d’appliquer le plus rapidement possible les dispositions votées par le Parlement.
En ajoutant aux 183 articles d’application directe les 49 articles devenus entièrement applicables du fait de la publication de l’intégralité des mesures réglementaires qu’ils nécessitaient ou des ordonnances dont ils contenaient l’habilitation, on peut affirmer que 80 % des articles de la loi sont entièrement applicables (18), ce dont votre président-rapporteur se réjouit. Ce taux est appelé à augmenter très rapidement, étant donné qu’une trentaine de décrets devraient être publiés dans les prochaines semaines.
DEUXIÈME PARTIE : L’OUVERTURE DU TRANSPORT DE VOYAGEURS PAR AUTOCAR (19)
I. LES SERVICES DE TRANSPORT RÉGULIER PAR AUTOCAR : VÉHICULES, LIAISONS, RÉGULATION
Le secteur du transport public routier de personnes est concerné par plusieurs articles de la loi du 6 août 2015 : les transports publics routiers collectifs (liaisons régulières par autocars et gares routières) et les transports publics particuliers (article 19 relatif aux taxis et aux véhicules de transport avec chauffeur).
S’agissant de l’article 19, qui prévoit l’adoption de dispositions réglementaires, le Gouvernement a indiqué que les dispositions d’application nécessaires sont déjà prévues, aux articles R. 3121-7 et R. 3121-15 du code des transports (partie réglementaire).
En revanche, les dispositions relatives aux liaisons régulières par autocar, principalement concernées par les articles 1er, 2, 3, 5 et 6, et aux gares routières (articles 10 et 12) nécessitent un nombre important de dispositions réglementaires d’application, dont certaines ont déjà été prises.
A. L’OUVERTURE DES LIAISONS INTERURBAINES RÉGULIÈRES PAR AUTOCAR ET LA RÉGULATION DES LIAISONS INFÉRIEURES OU ÉGALES À 100 KILOMÈTRES
1. Les dispositions de la loi :
Le principe selon lequel « les entreprises de transport public routier de personnes établies sur le territoire national peuvent assurer des services réguliers interurbains » est affirmé par l’article L. 3111-17 du code des transports, créé par l’article 5 de la loi.
Cette possibilité est également ouverte, par l’article 6 de la loi, à des entreprises non établies en France (nouvel article L. 3421-2 du code des transports), mais uniquement dans le cadre des services réguliers qu’elles assurent pour transporter des voyageurs entre des arrêts situés dans des États différents.
Les services interurbains concernés par cette ouverture à la concurrence sont définis par l’article L. 3111-21. Ils regroupent :
– les services qui ne sont pas intégralement inclus dans le ressort territorial d’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) (20), et
– en Île-de-France, seule région dans laquelle l’ensemble du territoire est « couvert » par la compétence d’une autorité organisatrice de transport unique (le Syndicat des transports d’Ile-de-France – STIF), les services exécutés sur une distance supérieure à un seuil fixé par décret.
Ces services sont donc en principe librement organisés. Toutefois, un seuil de 100 kilomètres fixé par l’article L. 3111-18 amène à les répartir en deux catégories :
– les services assurant une liaison dont deux arrêts sont distants de plus de 100 kilomètres ne font l’objet d’aucune formalité particulière. Ils peuvent être commercialisés ou supprimés librement par les opérateurs ;
– les services assurant une liaison dont deux arrêts sont distants de 100 kilomètres ou moins doivent faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) et peuvent, dans certains cas, être interdits ou faire l’objet de mesures de limitation par décision d’une autorité organisatrice de transport (AOT) (21) ; Une telle décision ne peut être prise que si, d’une part, l’AOT a saisi l’ARAFER dans le délai prévu, et d’autre part, l’ARAFER a rendu un avis favorable à l’interdiction ou à la limitation envisagée par l’AOT (avis conforme).
Puisqu’il constitue une exception au principe d’ouverture, le droit pour une AOT d’empêcher l’ouverture d’une liaison ou d’exiger que des modifications soient apportées par l’entreprise sur cette liaison est strictement encadré par l’article L. 3111-18 : une AOT peut, après avis conforme de l’ARAFER, exercer ce droit si deux conditions sont réunies :
1° Les services déclarés sont exécutés « entre des arrêts dont la liaison est assurée sans correspondance par un service régulier de transport qu’elle organise », et
2° Ces services « portent, seuls ou dans leur ensemble, une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées ou à l’équilibre économique du contrat de service public de transport concerné. »
L’ARAFER, autorité de régulation créée en 1997 pour le secteur ferroviaire, est désormais également chargée de missions de régulation dans le secteur routier : l’article L. 3111-22 la charge de concourir, par l’exercice de ses nouvelles compétences, « au bon fonctionnement du marché et, en particulier, du service public, au bénéfice des usagers et des clients des services de transport routier et ferroviaire. » Il convient de rappeler que le nouveau domaine d’intervention de l’ARAFER, qui la transforme en régulateur « bi-modal » ne concerne pas seulement le transport public par autocar mais aussi l’activité des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
En ce qui concerne le transport par autocar, la procédure de régulation des liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres est décrite par l’ARAFER grâce au schéma ci-dessous :
L’article 5 de la loi, en ce qui concerne son activité dans le secteur du transport par autocar, permet à l’ARAFER de « recueillir des données, procéder à des expertises et mener des études et toutes actions d’information nécessaires ». Elle peut notamment « imposer la transmission régulière d’informations par les entreprises du secteur (…) ». Celles-ci, tout comme les entreprises ferroviaires et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, sont tenues de lui fournir des informations statistiques nombreuses et détaillées, en application de l’article L. 3111-24 du code des transports créé par l’article 5 de la loi.
Ces dispositions permettent à l’ARAFER de disposer d’informations précises non seulement sur les liaisons régulées, mais aussi sur les liaisons qui ne sont pas dans le champ de sa compétence de régulation, c’est-à-dire les liaisons supérieures à 100 kilomètres. Ainsi, l’ARAFER est en mesure de dire qu’en janvier 2016, cinq entreprises commercialisaient des liaisons par autocar supérieures à 100 kilomètres en France : Flixbus, Ouibus, Starshipper, Megabus et Isilines.
Ont été publiés :
– pour l’application des articles 5 et 6 de la loi, le décret n° 2015-1266 du 13 octobre 2015 relatif aux services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés, entré en vigueur le 15 octobre ;
– pour l’application de l’article 5 de la loi, la décision de l’ARAFER n° 2015-043 du 2 décembre 2015 relative à la transmission trimestrielle d’informations par les entreprises du secteur des transports publics routiers interurbains de personnes.
Le décret du 13 octobre 2015 introduit une série de définitions dans le dispositif réglementaire existant (notamment les notions de « service routier librement organisé », « assurer une liaison », « distance routière d’une liaison » et « liaison soumise à régulation »), indique quelles catégories de véhicules peuvent être utilisées, fixe à 40 kilomètres le seuil spécifique permettant de définir les « services interurbains » en Île-de-France, définit les modalités précises de la procédure de déclaration de liaisons à l’ARAFER (contenu du dossier de déclaration, contenu du dossier de saisine, conditions de recevabilité de la saisine, précisions que doit comporter la déclaration d’interdiction ou de limitation…) et précise les modalités d’application des dispositions de l’article 6 de la loi relative aux services librement organisés dans le cadre du « cabotage » international.
B. LES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES ET LES ÉQUIPEMENTS OBLIGATOIRES DES AUTOCARS
L’article 2 introduit dans le code de l’environnement un article L. 224-6 prévoyant que les services réguliers de transport par autocar devront être exécutés avec des véhicules répondant à des normes de pollution atmosphérique définies par arrêté des ministres chargés de l’économie et des transports. Il convient de rappeler que les normes en matière d’émissions polluantes des véhicules, qu’il s’agisse des poids lourds ou des véhicules légers, sont fixées par des textes de l’Union européenne.
L’article 3 introduit dans le code de la route un article L. 317-9 qui prévoit que tout autocar doit être équipé de dispositifs « permettant d’en prévenir la conduite sous l’empire d’un état alcoolique », c’est-à-dire d’éthylotests anti-démarrage. L’article précise que des dérogations peuvent être prévues, et que les modalités d’application seront définies par décret en Conseil d’État.
Enfin, le I de l’article 6 a modifié les dispositions générales du code des transports relatives à l’accès des personnes handicapées ou à mobilité réduite aux services de transport afin d’exclure les services d’autocars librement organisés du champ couvert par les schémas directeurs d’accessibilité que doivent obligatoirement élaborer les AOT, ainsi que du champ des « agendas d’accessibilité programmée » (dont l’élaboration est facultative pour les AOT).
2. Les textes réglementaires d’application publiés
Pris pour l’application de l’article 2 de la loi, l’arrêté du 22 septembre 2015 fixant les normes d’émission de polluants atmosphériques des véhicules assurant des services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés fixe les niveaux d’émissions polluantes que doivent respecter les autocars assurant des services librement organisés : les véhicules de norme Euro V ou Euro 5 sont autorisés à circuler jusqu’au 31 décembre 2017. À compter du 1er janvier 2018, seuls les véhicules « Euro VI » ou « Euro 6 » seront autorisés.
Pour l’application des dispositions de l’article 5 de la loi, a été publié le décret n° 2015-1170 du 22 septembre 2015 relatif à l’accessibilité du matériel roulant affecté aux services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés. Celui-ci intègre les véhicules routiers acquis pour assurer les services librement organisés à la liste des matériels roulant devant être accessibles aux personnes à mobilité réduite, liste figurant à l’article D. 1112-1 du code des transports.
On peut noter que dans le décret n° 2015-1266 du 13 octobre 2015 précité, il est prévu que les véhicules affectés à des services routiers librement organisés doivent être munis d’une signalétique distincte, qui sera définie par arrêté, apposée sur le véhicule et permettant son éventuel contrôle par les agents publics.
3. Les textes réglementaires attendus
Le décret en Conseil d’État prévu par l’article 3 (modalités d’application de l’obligation d’équiper tous les autocars d’éthylotests antidémarrage) n’a pas encore été publié ; un projet de décret a été communiqué par le Gouvernement à la mission d’information.
C. PREMIERS ÉLÉMENTS SUR LA MISE EN œUVRE DE CES DISPOSITIONS
Lors de sa première audition par la mission d’information le 25 novembre 2015, M. Emmanuel Macron a indiqué que, depuis la promulgation de la loi, 80 villes étaient déjà desservies par de nouvelles lignes d’autocars, et que 300 000 passagers avaient été transportés depuis l’ouverture de ces lignes, contre 110 000 sur l’intégralité de l’année 2014. Il a également indiqué que l’ouverture du transport par autocar avait déjà créé à ce stade plus de 1 000 emplois, ce qu’a confirmé M. Alain Vidalies lors de son audition du 26 janvier 2016 (22) ainsi que le représentant de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) entendu par M. Gilles Savary.
Lors de son audition, le secrétaire d’État chargé des transports a indiqué que depuis la promulgation de la loi au moins 500 000 passagers ont été transportés grâce à l’ouverture de services réguliers interurbains à l’initiative privée. Il a également observé que la structure du réseau de lignes d’autocars s’est modifiée, dans le sens d’un meilleur maillage du territoire, le nombre de villes desservies ayant doublé.
La note d’analyse de France Stratégie
Dans le cadre des travaux de la commission d’étude des effets de la loi, que France Stratégie a créée en son sein à la demande du ministre, France Stratégie a publié, le 1er mars 2016, une note d’analyse intitulée « Autocars interurbains : un bilan après six mois d’ouverture ».
Les principales conclusions de ce bilan sont les suivantes :
« Sur la base des données fournies par les compagnies d’autocar, six mois après l’ouverture 1 300 emplois directs auraient été créés et environ 1,5 million de passagers transportés (soit l’équivalent de 1,9 % du nombre de passagers des grandes lignes de la SNCF).
« Au-delà de ces chiffres agrégés, une cartographie du réseau à l’hiver 2015 – 2016 réalisée à France Stratégie ainsi que des relevés de prix sur plusieurs parcours nous permettent de dresser un premier bilan de l’expérience. Il ressort de cette étude que :
« – le réseau semble se développer à un rythme rapide et comparable à ce qui a été observé en Allemagne après la libéralisation. 734 paires de villes sur le territoire métropolitain français sont desservies par une desserte directe (c’est-à-dire sans changement d’autocar) en dehors des liaisons d’initiative publique. Deux ans après la libéralisation il y avait en Allemagne 911 paires de villes desservies
« – le secteur compte sept acteurs principaux qui se concurrencent sur les prix et la fréquence quotidienne des trajets (sur les lignes les plus concurrentielles). Le secteur est actuellement dominé par quatre acteurs dont deux centrés uniquement sur la France métropolitaine (Isilines et Flixbus) qui desservent chacun plus de 35 % des paires de villes et deux acteurs couvrant à la fois les destinations françaises et étrangères (Alsa et Eurolines) et s’associent sur certains trajets (ces deux acteurs couvrent chacun environ 30 % des paires de villes). Deux autres acteurs (Ouibus et Starshipper), surtout centrés sur le territoire métropolitain, desservent chacun un peu plus de 10 % des paires de villes. Un dernier acteur (Megabus) occupe aujourd’hui une position plus en retrait avec une desserte de seulement 8 % des paires de villes. Ces compagnies se font concurrence pour attirer les voyageurs par des prix bas. Les compagnies se font aussi concurrence par le nombre de dessertes quotidiennes sur les axes où la concurrence est la plus forte, dans ce cas, plusieurs d’entre elles proposent des prix d’appel très bas. Il reste que sur la majorité des paires de villes desservies la liaison n’est proposée que par une seule compagnie ;
« – compte tenu des prix et des durées de trajet observés, les autocars paraissent davantage en concurrence avec le covoiturage ou la voiture personnelle qu’avec les services ferroviaires. D’après nos relevés de prix sur quelques lignes, le prix moyen au km d’un trajet en bus (4,5 centimes par km) est presque toujours inférieur à celui du covoiturage (de l’ordre de 6 centimes /km) et toujours bien inférieur au prix minimal d’un trajet similaire en train (10 centimes par km pour les billets les moins chers accessibles à tous). Toutefois, avec les dessertes de moins de 100 km (pour celles qui seront autorisées par l’ARAFER), le temps de trajet en autocar pourra être proche de celui d’un TER omnibus pour des prix similaires. TER et autocars interurbains seraient alors exactement sur les mêmes créneaux ;.
« – à moyen terme, il est possible que s’opèrent des fusions entre compagnies de bus, comme cela a été observé en Allemagne (moins de 2 ans après la libéralisation) ou dans les autres pays ayant libéralisé ce secteur avant la France. Compte tenu des spécificités du marché qui reste toujours concurrencé par d’autres modes de transport, une concentration de l’offre entre quelques compagnies n’est pas nécessairement dommageable aux consommateurs. »
Source : France Stratégie, communiqué à la presse.
Au 16 mars 2016, selon les informations publiées sur le site Internet de l’ARAFER, 124 déclarations ont été faites, par sept entreprises au total, auprès de l’Autorité pour des liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres.
RÉPARTITION DES DÉCLARATIONS FAITES AUPRÈS DE L’ARAFER
Compagnies |
Nombre de déclarations |
Délai de saisine expiré |
Délai de saisine non expiré |
Déclarations annulées | ||
Saisines de l’ARAFER |
Pas de saisine | |||||
Avis rendus |
Avis en attente | |||||
Courriers rhodaniens |
2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
2 |
Eurolines |
20 |
0 |
11 |
4 |
4 |
1 |
FlixBus |
47 |
3 |
12 |
4 |
28 |
0 |
Frethelle |
11 |
1 |
0 |
0 |
10 |
0 |
Keolis Sud Lorraine |
1 |
0 |
0 |
1 |
0 |
0 |
Migratour |
39 |
0 |
0 |
39 |
0 |
0 |
Starshipper |
4 |
0 |
1 |
0 |
3 |
0 |
TOTAL |
124 |
4 |
24 |
48 |
45 |
3 |
Source : données issues du site Internet de l’ARAFER (au 16 mars 2016)
Comme l’indique le tableau ci-dessus, trois déclarations ont été annulées par leurs auteurs. Parmi les 121 déclarations maintenues, 28 ont donné lieu à une saisine de l’Autorité par une AOT (la région concernée, dans la plupart des cas), tandis que 48 liaisons ne sont plus suspendues à une éventuelle saisine et ont donc pu commencer à fonctionner (délai expiré). Le délai de saisine n’est pas encore expiré pour 45 déclarations. 21 des 28 saisines correspondent à des projets de décision d’interdiction complète des liaisons concernées. L’ARAFER a utilisé une fois la possibilité, que lui donne la loi, de prolonger d’un mois le délai dont elle dispose pour se prononcer sur une saisine (23).
Les deux sociétés ayant effectué le plus grand nombre de déclarations sont Flixbus (47 déclarations) et Migratour (39 déclarations). On peut observer que ces deux sociétés ont, s’agissant de ces liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres, des « profils » très différents : Migratour, société implantée en Haute-Loire, a ouvert des liaisons de ce type uniquement dans sa région d’implantation – et aucune n’a fait l’objet d’une saisine (24). À l’opposé, Flixbus, entreprise fondée en Allemagne et qui assure essentiellement des lignes longue distance, a déclaré des liaisons situées dans neuf régions différentes (Paris - aéroport de Beauvais, Lyon – Saint-Étienne, Marseille – Toulon, Angers - Nantes…), suscitant un grand nombre de saisines.
Lors de son audition, M. Alain Vidalies avait indiqué qu’à la date de celle-ci, dix-sept liaisons déclarées entraient en concurrence avec une desserte des trains d’équilibre du territoire (TET), dont l’État est l’autorité organisatrice, mais que l’État n’a pas saisi l’ARAFER au sujet de ces liaisons, du fait de l’absence d’impact mesurable de ces services sur les dessertes TET concernées (25). Il a souligné que l’État pourra le faire à l’occasion de déclarations ultérieures, si l’impact cumulé des liaisons déclarées sur l’équilibre économique de ces trains conventionnés devenait « substantiel ».
L’ARAFER a, le 17 février 2016, rendu trois avis portant sur quatre déclarations distinctes (ces avis ont été publiés sur son site le 4 mars après masquage de données commerciales) :
– deux avis favorables aux décisions d’interdiction envisagées par le Syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais-Tillé, qui a saisi l’ARAFER en sa qualité d’AOT de la ligne de transport routier aujourd’hui exploitée entre l’aéroport et la porte Maillot à Paris, à l’encontre de deux services déclarés, l’un par la société Frethelle (26), l’autre par la société FlixBus ; l’interdiction de ces deux services est intervenue par deux arrêtés pris, le 8 mars 2016, par la présidente du syndicat mixte ;
– un avis défavorable à la décision de limitation envisagée par la région Limousin, qui a saisi l’ARAFER en sa qualité d’AOT du service public régional de transport de voyageurs TER Limousin, à l’encontre des deux services envisagés par la société FlixBus entre Limoges et Brive-la-Gaillarde.
M. Gilles Savary a auditionné, le 19 janvier 2016, des représentants de plusieurs entreprises ayant ouvert de nouvelles liaisons dans le cadre de la loi du 6 août 2015 (Ouibus, Transdev, FlixBus et Starshipper) ainsi que de la FNTV. Tous ont salué le dispositif législatif adopté, pour la flexibilité qu’il permet s’agissant de l’ouverture et de la fermeture sans déclaration des liaisons de plus de 100 kilomètres, et le représentant de Starshipper a observé que le phénomène de sous-traitance de lignes par des grands opérateurs comme Transdev et Flixbus à des PME est un facteur positif très important pour celles-ci.
Les opérateurs ont reconnu qu’une véritable « guerre des prix » a été lancée entre eux pour attirer les voyageurs vers ces nouveaux services en affirmant la compétitivité de l’autocar par rapport à d’autres modes de transport (ferroviaire, covoiturage), avec des résultats très conséquents en nombre de passagers transportés – et que les prix très bas actuellement pratiqués sur beaucoup de ces liaisons ne sont pas compatibles avec un modèle économique durable, d’autant qu’une augmentation des redevances perçues pour l’usage des gares routières a été constatée par ces opérateurs (il a été signalé que le tarif de certaines redevances a doublé, par exemple à Marseille). Un mouvement de concentration et/ou de hausse des prix est donc prévisible dans le secteur à moyen terme, à l’image de ce qui s’est produit en Allemagne.
L’un des problèmes majeurs signalés par les opérateurs auditionnés concerne l’accessibilité exigée pour le matériel roulant utilisé. La loi n’a pas prévu d’entrée en vigueur différée pour l’application aux nouvelles liaisons des règles en vigueur relatives à l’accessibilité, mais un décret spécifique a été publié le 24 septembre 2015 – donc moins de six semaines après la promulgation de la loi. Par conséquent, depuis la fin du mois de septembre, en vertu de ce décret, les véhicules « acquis à l’occasion de la création ou de l’extension » des liaisons par autocar régies par la loi du 6 août 2015, ou acquis à l’occasion « du renouvellement du parc utilisé pour ces services », doivent obligatoirement être accessibles aux personnes handicapées ou à mobilité réduite (PMR). Or, une grande partie des flottes de véhicules utilisés pour assurer les nouvelles liaisons ne remplit pas les exigences réglementaires d’accessibilité. Par exemple, la représentante de Transdev auditionnée a indiqué que les liaisons « Isilines » ouvertes par cette entreprise dès le mois d’août 2015 ont « démarré » avec les autocars existants, qui ne sont pas tous accessibles aux personnes à mobilité réduite, et qu’en revanche, tous les véhicules acquis ensuite pour assurer de nouvelles liaisons remplissent les exigences d’accessibilité et respectent donc les dispositions de la loi et du décret. Les représentants de Flixbus ont signalé qu’en Allemagne, les exigences d’accessibilité n’étaient entrées en vigueur que plusieurs années après l’ouverture à la concurrence.
Les règles en vigueur relatives à l’accessibilité des transports aux PMR sont complexes, mais il convient de rappeler que le principe qui a été posé par l’article L. 1112-1 du code des transports dans sa version résultant d’une ordonnance de 2014 est que « les services de transport collectif sont rendus accessibles aux personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite avant le 13 février 2015 ». Au vu des informations communiquées aux députés lors de cette audition, et indépendamment des dispositions de la loi du 6 août 2015, il est donc établi qu’une partie des autocars en circulation ne respecte pas les exigences légales et réglementaires en la matière. La FNTV a toutefois indiqué que le rythme de renouvellement du parc est suffisamment rapide pour garantir que d’ici quelques années tous les autocars non accessibles auront été remplacés par des modèles accessibles.
II. L’INDISPENSABLE COROLLAIRE DU DÉVELOPPEMENT DU TRANSPORT PAR AUTOCAR : LES GARES ROUTIÈRES
L’article L. 1213-3-1 du code des transports définit le « schéma régional de l’intermodalité ». Cet article du code des transports a été créé par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, et modifié, quasi-simultanément par la loi du 6 août 2015, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, et par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Les élections régionales ayant eu lieu il y a quelques semaines à peine, aucun schéma régional de l’intermodalité n’a encore été élaboré.
L’article 10 de la loi du 6 août 2015 a introduit dans l’article L. 1213-3-1 deux alinéas nouveaux, afin que :
– chaque schéma régional de l’intermodalité comprenne un schéma régional des gares routières indiquant leur localisation et définissant les éléments principaux de leurs cahiers des charges ;
– dans le cadre de ce schéma régional, les collectivités locales compétentes en matière d’urbanisme et de voirie (c’est-à-dire, selon les zones, les communes, les EPCI, les métropoles, les régions, les départements, et dans certains cas l’État) ou leurs subdélégataires coordonnent les actions d’aménagement des gares routières, dont les maîtres d’ouvrage peuvent être publics ou privés.
L’article 12 de la loi habilite le Gouvernement à créer par ordonnance un régime juridique complet et modernisé pour les gares routières et les autres « points d’arrêt routier ». Le régime juridique en vigueur pour les gares routières date de 1945 (ordonnance n° 45-2497 du 24 octobre 1945 sur les gares routières de voyageurs, non codifiée). Cette ordonnance donnait une définition des « gares routières de voyageurs », et les répartissait en deux catégories : les « gares publiques » (pouvant être concédées par l’État, le département ou la commune), que toutes les entreprises ont le droit d’utiliser, et les « gares privées » (nécessitant une autorisation de l’État).
Par l’article 12 de la loi, le Gouvernement est chargé de « modifier et codifier » les règles applicables en ce qui concerne la création, l’aménagement et l’exploitation des gares routières et des points d’arrêt. L’ordonnance devra également définir les principes en matière d’accès à ces infrastructures par les entreprises de transport, tout en confiant à l’ARAFER un pouvoir réglementaire supplétif pour préciser ces règles d’accès ainsi qu’une compétence de règlement des différends et un pouvoir de sanction pour assurer le respect des règles sur l’accès et l’utilisation des gares. Enfin, l’ordonnance portera sur la police des gares, pour garantir l’accès à celles-ci de tous les usagers (notamment les PMR et les cyclistes). Comme dans l’article 10, les gares routières sont expressément intégrées dans une démarche d’intermodalité.
Dans la mesure où les nouveaux conseils régionaux ne sont entrés en fonction que début 2016, il est probable que les premiers schémas régionaux de l’intermodalité – et donc les schémas régionaux des gares routières – ne seront pas élaborés avant plusieurs mois. En revanche, l’ordonnance prévue par l’article 12 de la loi a été publiée le 31 janvier 2016.
B. LES ATTENTES DES OPÉRATEURS
Comme l’a rappelé M. Alain Vidalies lors de son audition, la situation actuelle est très disparate. Certaines communes – y compris de grandes villes –sont dépourvues de gare routière, d’autres disposent d’une gare mais uniquement adaptée au service existant.
Les opérateurs auditionnés par M. Gilles Savary le 19 janvier ont unanimement dénoncé la situation actuelle, qui n’est satisfaisante ni pour les voyageurs, ni pour les entreprises de transport, et ont exprimé des attentes importantes concernant l’ordonnance sur le régime juridique des gares routières, notamment sur deux points : la définition de ce que doit obligatoirement intégrer une « gare routière » par rapport à un simple « arrêt », et la question des redevances d’accès à ces infrastructures.
Les représentants de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) ont fait observer qu’il y a actuellement onze villes françaises desservies par tous les opérateurs du transport par autocar, et que dans ces grandes villes les infrastructures nécessaires existent, même si elles sont souvent saturées (notamment à Marseille). Les infrastructures existantes sont en nombre insuffisant – ce qui ne signifie pas qu’il faille construire partout des gares de grande capacité, ni qu’il faille en construire systématiquement en centre-ville et près des gares ferroviaires : plusieurs entreprises ont estimé que des « arrêts », de petites infrastructures, comportant tout de même un certain nombre d’équipements (abri pour les voyageurs, équipements sanitaires, distributeurs de boissons…), seraient suffisants dans de nombreux endroits. Des améliorations considérables doivent être apportées aux gares actuelles, y compris aux gares dont le fonctionnement est satisfaisant, pour remédier en particulier à la mauvaise qualité de l’accueil et à l’insuffisante information des voyageurs – notamment s’agissant de la signalétique.
1. L’ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016
a. Les consultations préalables
Lors de sa première audition, le 25 novembre dernier, M. Emmanuel Macron a présenté le travail d’élaboration du projet d’ordonnance, travail auquel ont été associés deux parlementaires, notre collègue Gilles Savary et la sénatrice Fabienne Keller. Un recensement des gares existantes a été fait, et les préfets ont reçu pour mission de répertorier les situations de blocage sur le territoire. Sur le projet d’ordonnance, trois avis ont été formulés :
– l’avis du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), émis le 7 janvier 2016 ;
– l’avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), adopté le 13 janvier 2016 ;
– et l’avis de l’Autorité de la concurrence, adopté le 15 janvier 2016.
Ces trois avis consultatifs étaient favorables au texte proposé, mais assortis de plusieurs réserves et recommandations adressées au Gouvernement. L’ARAFER avait formulé des réserves portant notamment sur la procédure de règlement des différends et sur la longueur insuffisante de certains délais prévus. L’Autorité de la concurrence a assorti son avis de plusieurs demandes de modifications pour que certaines définitions soient plus précises, et a également recommandé d’allonger les délais d’application prévus.
Lors de son audition par la mission d’information, le 10 février 2016, le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, a indiqué que le Gouvernement avait pris en compte les demandes de modifications formulées par l’Autorité.
b. Les dispositions de l’ordonnance relatives aux gares routières
L’ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 ne porte pas uniquement sur le régime juridique des gares routières. Elle correspond à la mise en œuvre de l’habilitation prévue par l’article 12 de la loi mais également la mise en œuvre de l’habilitation prévue par l’article 1er de la loi, qui prévoit qu’une ordonnance mettra en cohérence « la structure et le contenu du code des transports et du code de la voirie routière avec les missions confiées à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières » par ladite loi.
S’agissant des gares routières, l’ordonnance modifie l’article L. 1213-3-1 du code des transports – qui a ainsi connu quatre séries de modifications depuis sa création par la « loi MAPTAM » du 27 janvier 2014 précitée – en réécrivant complètement les deux alinéas qui avaient été intégrés dans cet article par l’article 10 de la loi du 6 août 2015 ; comme l’indique le tableau ci-après.
ÉVOLUTION DES ALINÉAS 5 ET 6 DE
L’ARTICLE L. 1213-3-1 DU CODE DES TRANSPORTS
Dispositions créées par l’article 10 |
Nouvelle rédaction par voie d’ordonnance |
« Le schéma régional de l’intermodalité comporte un schéma régional des gares routières, qui indique la localisation des gares routières et définit les éléments principaux de leurs cahiers des charges. |
« Le schéma régional de l’intermodalité comporte un schéma régional des gares routières qui coordonne l’action des collectivités concernées. Notamment, il identifie les pôles d’échanges stratégiques pour l’intégration de ceux des aménagements destinés à faciliter la prise en charge et la dépose des passagers des services de transport relevant du service public et fixe les objectifs d’aménagements nécessaires à la mise en œuvre de connexions entre les différents réseaux de transport et modes de déplacement, en particulier les modes non polluants. » |
« Dans le respect des prescriptions du schéma régional des gares routières, les collectivités territoriales compétentes en matière d’urbanisme ou de voirie ou leurs subdélégataires coordonnent les actions d’aménagement des gares routières, dont les maîtres d’ouvrage peuvent être publics ou privés. » |
(alinéa 6 : supprimé par l’ordonnance) |
Source : mission d’information.
L’article 4 de l’ordonnance met en œuvre l’habilitation prévue par l’article 12 de la loi. Il introduit dans la troisième partie du code des transports un chapitre spécifiquement consacré aux « gares et autres aménagements de transport routier ». Celui-ci inclut des dispositions générales définissant le champ d’application, des dispositions relatives à l’exploitation de ces infrastructures, et des dispositions sur le pouvoir de régulation conféré à l’ARAFER, en renvoyant les modalités d’application à un décret en Conseil d’État après avis de l’Autorité.
Dans une disposition distincte, l’ordonnance renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des règles de police applicables, notamment en matière de sûreté, aux gares routières et arrêts routiers.
L’ordonnance abroge l’ordonnance antérieure de 1945, et comporte également des dispositions relatives, notamment, aux prises de participation des collectivités locales dans le capital des sociétés d’économie mixte exploitant des gares routières.
i. Définition de la « gare routière »
Les nouveaux articles L. 3114-1 à L. 3114-15 et L. 3116-1 à L. 3116-5 s’appliquent « aux aménagements accessibles au public, qu’ils soient ou non situés (…) sur les voies affectées à la circulation publique, destinés à faciliter la prise en charge ou la dépose de passagers des services réguliers de transport routier ». Ces aménagements « incluent les installations annexes nécessaires à l’accueil des passagers et aux services à destination des entreprises de transport public routier ». L’ordonnance précise qu’il y a une distinction à faire entre « les gares routières » et les « autres aménagements », mais renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des éléments que doivent comprendre ces infrastructures et des services qui doivent y être assurés.
Il est prévu que l’ARAFER, dans l’exercice de ses compétences de régulation, prendra en compte « les différentes catégories d’aménagements selon leurs caractéristiques techniques ou commerciales, leur niveau de fréquentation, ou tout autre élément susceptible d’affecter l’analyse concurrentielle, tels que la nature du trafic ou la situation géographique de l’aménagement ».
ii. Règles de création et d’exploitation d’une gare routière
Pour remédier à la situation actuelle d’incertitude fréquente sur l’identité du propriétaire et/ou de l’exploitant des gares routières, l’article L. 3114-3 exige que tout aménagement relevant de l’ordonnance soit « assurée par un exploitant clairement identifié ». Pour ce faire, l’article crée une obligation de déclaration auprès de l’ARAFER, cette Autorité étant chargée de tenir et de mettre à jour un registre public (27).
L’exploitation de chaque aménagement donne en principe lieu à la tenue d’une comptabilité propre, et si l’exploitant exerce d’autres activités, la comptabilité correspondant à chaque gare doit en être distincte ; toutefois, ces obligations en matière comptable ne s’appliquent qu’aux aménagements comprenant plusieurs emplacements d’arrêt.
Comme en matière d’infrastructures ferroviaires, l’exploitant d’une infrastructure de type « gare routière / aménagement » doit mettre en œuvre des règles d’accès applicables aux entreprises de transport qui souhaitent utiliser ces infrastructures et les services qui y sont proposés. Les principes de transparence, d’objectivité et de non-discrimination qui doivent être respectés dans la définition de ces règles ne sont pas propres au dispositif de cette ordonnance : ils s’appliquent également dans d’autres domaines de régulation. Il est précisé que les règles que définit ainsi chaque exploitant sont publiées « sur son site Internet » et « comprennent les éventuels tarifs et horaires » pour la prise en charge et la dépose de passagers et, le cas échéant, pour l’utilisation des services assurés par l’exploitant. Ces règles doivent inclure « une procédure publique permettant l’allocation des capacités non utilisées aux entreprises susceptibles d’être intéressées ».
iii. Régulation des gares routières
Pour réguler l’activité des gares routières, l’ARAFER se voit conférer plusieurs compétences par l’ordonnance, notamment :
– la collecte d’informations : outre les déclarations des exploitants et les règles d’accès de chaque infrastructure, qui lui sont obligatoirement adressées, l’ARAFER peut imposer la transmission régulière d’informations, non seulement par les exploitants eux-mêmes, mais aussi par « les personnes exerçant un contrôle sur l’exploitation » et par les fournisseurs de services aux entreprises qui exercent une activité dans ces infrastructures ;
– la définition des conditions dans lesquelles l’existence d’une demande de desserte d’une infrastructure par des services réguliers librement organisés est constatée, et le délai dans lequel l’exploitant est alors tenu de se conformer à ses obligations ;
– l’édiction de « prescriptions applicables (…) pour l’élaboration des règles d’accès (…), notamment les règles tarifaires » ;
– l’établissement d’une liste des opérateurs « réputés exercer une influence significative sur chacun [des] marchés » du secteur des transports de personnes, et la fixation d’obligations spécifiques s’imposant aux opérateurs de cette liste ;
– des pouvoirs de sanctions analogues à ceux dont l’Autorité dispose déjà dans le domaine ferroviaire, à l’encontre des traitements inéquitables, discriminations ou autres préjudices liés aux règles et conditions d’accès aux infrastructures.
iv. Des textes réglementaires vont être nécessaires pour l’application de l’ordonnance
Les dispositions de l’ordonnance relatives aux gares routières prévoient que leur mise en œuvre nécessite l’élaboration de plusieurs textes réglementaires, qu’il s’agisse de textes adoptés par le Gouvernement (décrets en Conseil d’État prévus par les articles L. 3114-2 et L. 3114-5) ou de textes adoptés par l’ARAFER (notamment pour définir des exceptions à l’exigence de comptabilité séparée, pour créer le registre public des déclarations d’exploitants, pour préciser les modalités de ces déclarations, et pour imposer des obligations aux exploitants qui exercent « une influence significative sur un marché du secteur des transports de personnes »).
III. LES TEXTES D’APPLICATION RELATIFS À L’OUVERTURE DU TRANSPORT RÉGULIER PAR AUTOCAR QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS
LISTE DES TEXTES RÉGLEMENTAIRES À PUBLIER EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI RELATIVES À L’OUVERTURE DU TRANSPORT RÉGULIER PAR AUTOCAR
Thème |
Texte d’application |
Objet | |
Article 3 |
Autocars |
DCE |
Installation dans les autocars de dispositifs permettant de prévenir la conduite sous l’empire d’un état alcoolique |
Article 4, I |
Open data transports |
DCE |
Accès aux données nécessaires à l’information du voyageur mises à la disposition du public relatives aux services réguliers de transport public (arrêts, horaires, accessibilité aux personnes handicapées) |
A : arrêté ; DCE : décret en Conseil d’État ; DS : décret simple.
Source : mission d’information.
*
* *
Alors que la plupart des pays européens l’ont mise en place depuis de nombreuses années, l’ouverture du transport de voyageurs par autocar a été trop longtemps éludée en France, parce qu’elle « concurrence » des services publics de transport conventionnés (TET ou TER en train ou en car).
Seules les liaisons internationales, au départ ou à destination d’un pays voisin de la France, pouvaient permettre, sous des conditions limitatives, d’offrir un « service de cabotage » sur le territoire national. C’est ainsi, par exemple, que Transdev/Mégabus opère un service de cars entre Genève et Bordeaux, Vintimille et Marseille, avec des arrêts intermédiaires.
L’ouverture du trafic national de transport de personnes par cars, à la faveur de la « loi Macron », a donc constitué une rupture considérable par rapport à la situation antérieure.
En l’état actuel du développement du marché, on constate une très forte émulation concurrentielle entre un petit nombre de groupes présentant une taille critique suffisante, autour de deux modèles économiques :
– celui d’une branche routière dédiée de groupes de transports multimodaux, à l’instar de Ouibus pour le groupe SNCF ;
– celui de la holding de PME/PMI, soit à forte implantation locale historique, à prise de risque mutualisée (modèle Starshipper), soit sur un modèle coopératif intégré sous une bannière unique, mais à prise de risque économique reportée sur les PME opératrices (FlixBus).
Au moment de la publication de ce rapport d’étape, il apparaît prématuré de tirer des conclusions suffisamment robustes et stables sur l’évolution et la stabilisation de ce marché et de ses modèles économiques.
En l’état actuel des choses, le marché est dans une phase de prise de positions concurrentielles qui se caractérise par :
– un prix excessivement faible des titres de transports, dont on peut penser qu’il connaîtra après une première phase de sélection concurrentielle, un ajustement significatif à la hausse ;
– l’expérimentation plutôt que la stabilisation de liaisons dont la robustesse économique n’est pas encore établie.
En particulier, il semble que les « cars Macron » captent pour l’essentiel une nouvelle clientèle, plus concurrentielle de la route que du rail, à l’inverse de l’Allemagne. Cela tient probablement au fait que « la géographie fait le modèle économique du transport » et que ces cars n’ont pas le même attrait concurrentiel par rapport au train que les cars allemands, du fait de l’avantage de temps de parcours infiniment plus décisif du TGV français sur longue distance que des trains allemands au sein d’une armature urbaine plus rapprochée et plus dense.
Par conséquent, il est permis de penser qu’il faudra encore du temps pour que le modèle économique de cette nouvelle offre de transport se stabilise et trouve sa place dans la gamme de transports publics français. À cet égard, l’amélioration des infrastructures d’arrêts (gares routières, stations) constituera un point décisif.
TROISIÈME PARTIE : LA RÉFORME DE CERTAINES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES (28)
I. LA FACILITATION DE L’ACCÈS AUX PROFESSIONS JURIDIQUES RÉGLEMENTÉES : DES ESPOIRS À NE PAS DÉCEVOIR
A. L’ACCÈS AUX PROFESSIONS DE COMMISSAIRE-PRISEUR JUDICIAIRE, D’HUISSIER DE JUSTICE ET DE NOTAIRE
La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a instauré le principe d’une liberté d’installation régulée pour trois des quatre professions qui cumulent les qualités d’officiers publics et d’officiers ministériels : la profession de commissaire-priseur judiciaire, celle d’huissier de justice et celle de notaire. Ce principe s’oppose au malthusianisme qui caractérise, jusqu’à présent, le système d’implantation de nouveaux offices.
Il n’était pas possible d’adopter les mêmes modalités d’installation s’agissant de la profession de greffiers des tribunaux de commerce. En effet, les membres de cette profession étant attachés à une juridiction commerciale, leur résidence est fixée par la carte judiciaire.
1. La loi consacre le principe d’une liberté d’installation régulée pour remédier au malthusianisme qui caractérise l’accès à ces professions
a. La loi a créé un système de libre installation régulée qui requiert l’expertise de l’Autorité de la concurrence et l’intervention du pouvoir réglementaire
L’article 52 de la loi organise un système de liberté d’installation régulée reposant sur une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de la concurrence. Cette carte comporte deux types de zones : « les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services » – dites zones de libre installation – d’une part ; les autres zones « où l’implantation d’offices supplémentaires […] serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu », d’autre part (29).
S’agissant des demandes d’offices à créer dans des zones de libre installation, le garde des sceaux nomme le demandeur titulaire de l’office créé, dès lors qu’il satisfait aux « conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises ». Le législateur a pris soin de préciser que la carte délimitant ces zones devait être « assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée », afin de ne pas bouleverser les conditions d’activité des offices existants.
S’agissant des demandes d’offices à créer dans les autres zones, le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office, lorsqu’elle serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu. Ce refus intervient après avis public de l’Autorité de la concurrence, rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création. Le refus doit être motivé « au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés. »
Dans sa décision du 5 août 2015 (30), le Conseil constitutionnel a indiqué que, dans les zones de libre installation, le caractère progressif de l’augmentation du nombre d’offices propre à ne pas bouleverser les conditions d’activité des offices existants, d’une part, et dans les autres zones, la possibilité pour le garde des sceaux de refuser l’implantation d’un office dans les conditions susmentionnées, d’autre part, conduisent à ce que les dispositions concernant la libre installation régulée des professions concernées ne méconnaissent pas la garantie des droits des offices existants au sens de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
Trois textes réglementaires sont indispensables à l’application du nouveau système qui régira l’installation des demandeurs de ces trois professions : un décret fixant les critères au regard desquels l’Autorité de la concurrence construit la carte qu’elle proposera aux ministres de la justice et de l’économie ; un arrêté desdits ministres pour établir la carte ; un décret précisant les modalités de nomination des candidats.
i. La procédure d’élaboration de la carte
Préalablement à l’établissement de la carte, il revient au pouvoir réglementaire de définir, par voie de décret, des critères au regard desquels les zones mentionnées au I de l’article 52 sont définies de manière détaillée. Parmi ces critères doit figurer une « analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés. »
Le V de l’article 52 introduit un article L. 462-4-1 dans le code de commerce qui prévoit une révision biennale de la carte. Cette dernière est assortie d’un avis de l’Autorité de la concurrence sur la liberté d’installation des professions concernées et de ses recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels, dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter le nombre d’offices sur le territoire et d’un bilan en matière d’accès des femmes et des jeunes à ces professions.
Le troisième alinéa de l’article L. 462-4-1 précise les modalités de la procédure d’établissement de la carte : l’ouverture de la procédure d’établissement de la carte est rendue publique dans un délai de cinq jours suivant la date de cette ouverture, de manière à ce que les associations de consommateurs, les instances ordinales des professions concernées ainsi que les candidats potentiels à l’installation puissent adresser à l’Autorité de la concurrence leurs observations. Celle-ci en tient donc compte lorsqu’elle propose aux ministres de la justice et de l’économie la carte mentionnée au I de l’article 52 de la loi.
ii. La date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif
Aux termes du VIII de l’article 52 de la loi, l’article 52 « entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi », c’est-à-dire le 1er février 2016.
On aurait pu en déduire que la carte prévue par l’article 52 soit arrêtée au plus tard le 1er février 2016 par les ministres de la justice et de l’économie, ce qui aurait donc supposé une publication du décret relatif aux critères présidant à l’établissement de la carte bien en amont (l’échéancier prévisionnel de Légifrance prévoyait initialement que ce décret soit publié au mois d’octobre 2015). L’Autorité de la concurrence aurait alors ouvert la procédure visant à l’élaboration de la carte avant le mois de février, de manière à recueillir les observations des personnes mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 462-4-1, avant de proposer la carte aux ministres.
Ce n’est visiblement pas l’interprétation que le Gouvernement a retenue. Le décret relatif aux critères permettant l’établissement de la carte n’a été publié que le 28 février 2016 (31). Le Gouvernement et l’Autorité de la concurrence ont donc considéré que le 1er février 2016 était la date à partir de laquelle l’Autorité pouvait commencer à établir la carte qu’elle proposera au Gouvernement. Lors de son audition, le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, a confirmé cette analyse.
Il reste alors à savoir à quelle date l’Autorité de la concurrence sera en mesure de proposer au Gouvernement une carte. Lors de cette même audition, la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence, Mme Virginie Beaumeunier, a indiqué que l’Autorité avait pour objectif de proposer une carte aux ministres de l’économie et de la justice au mois de mai 2016.
Dès le lendemain de la publication du décret n° 2016-216 du 26 février 2016, relatif à la carte instituée au I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’Autorité de la concurrence a rendu publique l’ouverture de la procédure visant à l’élaboration de la carte. Les acteurs concernés ont jusqu’au 31 mars 2016 pour transmettre leurs observations.
Votre président-rapporteur déplore le délai de publication du décret relatif aux critères et rappelle qu’il était initialement prévu que les premiers textes réglementaires d’application de l’article 52 soient pris au mois d’octobre 2015.
b. Les mesures complémentaires visant à ouvrir l’accès aux professions d’officiers publics et ministériels
Outre les dispositions visant à instaurer une liberté d’installation régulée pour les notaires, pour les huissiers de justice et pour les commissaires-priseurs judiciaires, la loi favorise l’ouverture de ces professions par des dispositions complémentaires, conformément, en particulier, aux recommandations de l’Autorité de la concurrence.
Ainsi, la loi fixe à soixante-dix ans l’âge limite pour exercer ces professions, en modifiant l’article 2 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat (article 53 de la loi), en insérant un article 4 bis dans l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers (article 54 de la loi), en insérant un article 1-1-2 dans l’ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, ou qui sont le siège d’un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n’ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus (article 55 de la loi). Ces dispositions entreront en vigueur le 1er août 2016. Par ailleurs, sur autorisation du ministre de la justice, les professionnels dont l’âge a atteint la limite mentionnée peuvent poursuivre leur activité pour une durée maximale de douze mois, jusqu’au jour où leur successeur prête serment.
L’article 53 de la loi supprime la possibilité d’habiliter les clercs de notaires à donner lecture des actes et des lois et à recueillir les signatures des parties en abrogeant l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat. Le législateur a toutefois prévu que les clercs qui ont été habilités avant le 1er janvier 2015 conservent leur habilitation jusqu’au 1er août 2016. Cette habilitation permettait aux notaires de n’intervenir qu’au stade de la signature de l’acte. Elle constituait un frein au recrutement de notaires en titre (salariés ou associés), par une forme de transfert de compétences, à des salariés qui ne disposent ni du titre ni toujours de la formation de notaire. En supprimant la possibilité d’habiliter les clercs, le législateur a entendu susciter, dans les offices, un accroissement du besoin de notaires en exercice, et, de manière corollaire, une intégration progressive à la profession de notaires des clercs habilités. On compte, en France, environ 9 000 clercs habilités. Si la plupart de ces clercs disposent du diplôme de notaire, on estime qu’environ un millier d’entre eux ne sont pas diplômés notaires. La fin de la possibilité de les habiliter pourrait être ressentie, chez ces collaborateurs, comme une forme de déclassement, eu égard à l’évolution des missions qui leur seront dévolues. C’est la raison pour laquelle des dispositifs de validation des acquis de l’expérience (VAE) pourraient être prévus par voie réglementaire. La période transitoire de six mois avant la fin de l’habilitation des clercs devait être mise à profit pour les concevoir, puisqu’il s’agissait de « laisser le temps au Gouvernement pour prendre les mesures réglementaires d’accompagnement en organisant une période transitoire permettant aux anciens clercs habilités d’accéder aux fonctions de notaire, notamment grâce à un dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE) (32)».
Le législateur a également entendu favoriser le développement du salariat dans ces professions à condition qu’il soit un outil de promotion interne, voire une étape vers l’association. La forme salariée de ces professions s’est progressivement développée depuis 1990. Toutefois, des limites ont été fixées au recours au salariat : une personne physique titulaire d’un office de notaire ne pouvait pas employer plus de deux notaires salariés ; une personne morale titulaire d’un office de notaires ne pouvait pas employer un nombre de notaires salariés supérieur au double de celui des notaires associés. Tout en maintenant le principe d’une limite, cette double règle dite du « un pour deux », inscrite à l’article 1er ter de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, a été assouplie par l’article 59 de la loi. S’applique désormais une double règle du « un pour quatre ». Cette disposition a également pour but de permettre un transfert des clercs habilités vers le notariat salarié. Ce dispositif du « un pour quatre » ne sera d’ailleurs que transitoire, la loi disposant qu’à partir du 1er janvier 2020, le nombre de recrutements de notaires salariés sera limité à deux pour une personne physique titulaire d’un office notarial et au double de celui des notaires y exerçant la profession pour les personnes morales titulaires d’un office.
De la même manière, les règles du « un pour un » applicables, dans les mêmes conditions, aux professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, ont été remplacées par des règles du « un pour deux ».
L’article 59 a introduit par ailleurs l’article L. 642-4-1 du code de la sécurité sociale qui dispose que l’exercice en qualité de salarié des professions de commissaire-priseur judiciaire, de commissaire-priseur de ventes volontaires, de greffier des tribunaux de commerce, d’huissier de justice, et d’administrateur ou de mandataire judiciaire ne dispense pas de l’obligation de cotiser au régime d’assurance-vieillesse complémentaire institué par l’article L. 644-1 du code de la sécurité sociale au profit de ces professions.
Cette obligation d’affiliation à ce régime complémentaire s’impose même en cas d’affiliation au régime général de la sécurité sociale. La loi prévoit qu’un décret fixe la répartition de cotisations entre la personne physique ou morale employeur et le professionnel lorsque celui-ci est affilié au régime général de sécurité sociale. Le décret n° 2015-1875 du 30 décembre 2015 relatif aux cotisations applicables aux régimes d’assurance vieillesse complémentaire et invalidité décès des officiers ministériels, officiers publics et des compagnies judiciaires a été pris en application de ces dispositions. Il fixe à 60 % la part de la cotisation prise en charge par l’employeur.
Tant les dispositions sur la liberté d’installation que les autres dispositions ayant pour objet l’ouverture des professions de notaires, d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires requièrent l’intervention du pouvoir réglementaire pour être applicables. Certains des décrets publiés et les projets de décret communiqués à la mission d’information suscitent des observations et des interrogations de votre président-rapporteur.
2. Des incertitudes à lever quant aux modalités d’application des dispositions visant à favoriser l’ouverture des professions de notaires, d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires
a. Le décret relatif aux critères présidant à l’établissement de la carte, indispensable à l’ouverture de la procédure visant à l’élaboration de la carte, a été publié tardivement
Le décret relatif aux critères au regard desquels sera établie la carte a été publié le 28 février 2016. Il liste, d’une part les critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives d’évolution de l’offre de service, et d’autre part, les critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives de la demande.
CRITÈRES DE DÉTERMINATION DES ZONES MENTIONNÉES À L’ARTICLE L. 462-4-1 DU CODE DE COMMERCE LISTÉS PAR LE DÉCRET N° 2016-216 DU 26 FÉVRIER 2016
Critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives d’évolution de l’offre de service |
Critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives de la demande |
– Nombre et localisation des offices installés ; – Chiffre d’affaires global de ces offices et celui réalisé par chacun d’eux sur les cinq dernières années, en distinguant les montants respectifs des émoluments et des honoraires ; – Nombre de professionnels nommés dans ces offices (titulaires, associés, salariés) ; – Nombre et localisation des offices vacants ; – Âge des professionnels en exercice. |
– Caractéristiques démographiques et tendance de leur évolution ; – Évolutions significatives de la situation économique ayant une incidence directe sur l’activité des professionnels, dont l’évolution ; o s’agissant des notaires : des marchés immobiliers et fonciers ; du nombre de mariages et de décès ; o s’agissant des huissiers de justice : de l’activité des juridictions civiles et pénales et du marché immobilier locatif ; o s’agissant des commissaires-priseurs judiciaires : de l’activité des juridictions commerciales en matière de redressement et de liquidation judiciaires. |
Un des critères prévus par ce décret a suscité un certain nombre d’interrogations de la part de futurs candidats à l’installation, comme de la part de votre président-rapporteur.
En effet, parmi les critères définis pour évaluer le niveau et les perspectives d’évolution de l’offre de service figure celui du nombre de professionnels nommés dans les offices : titulaires, associés, mais aussi salariés. Or, ce critère est réversible : un nombre élevé de professionnels salariés par office pourrait être interprété par l’Autorité de la concurrence comme le signe d’une offre de service suffisante qui n’exigerait pas la création de nouveaux offices ; au contraire, il pourrait être considéré comme le signe d’un vivier potentiel de candidats à l’installation. Votre président-rapporteur estime que cette seconde interprétation doit primer la première, le but de la liberté d’installation étant également de permettre au maximum de notaires salariés qui le souhaitent de s’installer à leur compte.
Lors de son audition par la mission d’information, la rapporteure générale a confirmé que ce critère était d’interprétation difficile et que l’Autorité n’avait pas encore « de réponse claire ». Tout en comprenant les craintes des candidats à l’installation qu’un nombre élevé de professionnels salariés conduise à restreindre les possibilités d’installation dans un secteur, la rapporteure générale a également souligné le risque d’effets pervers qu’il y aurait à indiquer expressément qu’un grand nombre de professionnels salariés par secteur doit tendre à ce que ce secteur soit intégré dans une zone de libre installation. Une telle indication pourrait en effet inciter certains professionnels titulaires ou associés à diminuer le nombre de leurs embauches ou à se séparer de certains de leurs salariés, de manière à minorer le nombre de salariés dans leur secteur. En définitive, la rapporteure générale s’est interrogée sur la pertinence qu’il y avait à maintenir ce critère dans la liste du décret. Il lui semblait plus judicieux de privilégier d’autres critères, comme « le critère de la demande ou du potentiel d’installation, c’est-à-dire de la possibilité d’établir des actes, au regard de l’activité immobilière ou des besoins des familles. » Elle a conclu que « la consultation publique […] sera utile pour observer les réactions à cet égard. » En outre, le président de l’Autorité a complété les propos de la rapporteure générale en précisant que « il faut aussi encourager la mobilité géographique. La loi ne présuppose pas que l’installation se fera uniquement au bénéfice des salariés de la zone considérée, et personne n’a promis non plus que l’on pourrait s’installer dans la zone où l’on travaille déjà. De nombreux clercs ou notaires salariés sont prêts à s’installer dans d’autres régions où ils pourront développer leur activité. » De fait, le critère du nombre de salariés a finalement été retenu dans le décret et l’Autorité a fait de son interprétation un des sujets que la consultation devra permettre d’éclairer (voir infra).
Le décret ajoute que les zones concernées doivent être délimitées en tenant compte de la localisation géographique des usagers auxquels les professionnels fournissent habituellement des prestations et du lieu d’exécution de la prestation. Cette précision s’explique par la prise en compte du champ géographique des compétences des différentes professions. La compétence territoriale des notaires, par exemple, est nationale et certains types d’actes peuvent être concentrés dans des offices ayant développé une expertise particulière, sans qu’ils soient nécessairement proches du lieu de résidence du client. Mme Virginie Beaumeunier a souligné la difficulté qu’il y avait à recueillir des informations sur l’origine géographique de la clientèle des professions concernées : « nous devons établir si les clients éloignés constituent une part marginale ou importante de leur clientèle. Cela dépend probablement du type d’office, notamment de son implantation, en ville ou dans une zone rurale. Il existe sans doute aussi des particularités géographiques liées à l’histoire : d’après ce qu’on nous a dit, les notaires auvergnats ou aveyronnais ont de nombreux clients à Paris du fait de la tradition des bougnats ».
Le président-rapporteur reste convaincu que ce décret aurait pu être publié bien avant le 28 février 2016. Rappelons-le, l’échéancier initial publié sur le site Légifrance prévoyait une publication en octobre 2015. Par ailleurs, le décret publié ne diffère que marginalement du projet de décret qui a été transmis à la mission d’information au mois de novembre 2015. Ce retard est d’autant moins compréhensible que le décret est très court, puisqu’il s’agit d’une liste dont aucun des critères y figurant n’est réellement inattendu. Enfin, il semblerait que la préparation de ce décret ait été menée en parallèle avec celle des décrets concernant la réforme tarifaire ou les conditions de nomination des officiers publics ministériels, alors qu’il en était très largement détachable. Une publication rapide était d’autant plus souhaitable que celle-ci était un préalable au recueil par l’Autorité de la concurrence des observations prévues au quatrième alinéa de l’article L. 462-4-1 du code de commerce. Même si l’Autorité a commencé à travailler sur l’élaboration de la carte sans attendre la publication du décret, il n’en demeure pas moins que la procédure de consultation publique prévue par la loi, a été retardée.
L’Autorité n’a été en mesure d’annoncer l’ouverture de la procédure et de lancer la consultation publique que le 29 février 2016, une fois le décret publié. Dans son appel à contribution, elle a identifié un certain nombre d’enjeux pour lesquels les contributions seront particulièrement utiles (33) :
– le dimensionnement géographique des zones concernées ;
– la localisation géographique de la clientèle des offices ;
– la manière d’apprécier les zones actuellement sans office, mais couvertes par des bureaux annexes ;
– le critère du nombre de professionnels salariés ;
– l’impact de la création d’offices dans une zone pour les professionnels concernés ;
– les critères pertinents pour évaluer le rythme adéquat de créations d’offices dans une zone ;
– les moyens envisageables pour permettre un meilleur accès des femmes et des jeunes à la profession.
b. Une incertitude demeure quant à la capacité matérielle de l’Autorité de la concurrence à proposer une carte aux ministres de la justice et de l’économie dans un délai raisonnable
Pour l’établissement de la carte, l’Autorité de la concurrence doit recueillir, auprès des professionnels, un certain nombre d’informations sur les offices existants. Lors de son audition par Mme Cécile Untermaier, Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence, a affirmé que des demandes de transmission de données avaient été adressées aux instances ordinales des professions dès l’automne 2015. Il semble que certaines de ces données aient été communiquées assez tardivement à l’Autorité de la concurrence (parfois en janvier 2016), ce qui a retardé son travail.
S’agissant des moyens humains de l’Autorité, la rapporteure générale a indiqué qu’un service dédié aux professions réglementées avait été créé en son sein. Il sera constitué de huit personnes : un chef de service et sept rapporteurs. Le service sera complet à la mi-avril (34). La loi de finances pour 2016 (35) reflète cette évolution : le plafond d’emplois de l’Autorité de la concurrence a été porté à 192 équivalents temps plein travaillé (ETPT), contre 182 dans la loi de finances pour 2015 (36).
Selon un avis de recrutement publié le 9 septembre 2015 sur le site de l’Autorité de la concurrence, les fonctions au sein du nouveau service comprennent l’instruction des avis requis par la loi sur le cadre juridique et économique de la tarification, l’instruction des avis requis par le ministre de la justice lorsque celui-ci envisage de refuser une demande de création d’office et la préparation de la carte. Par ailleurs, ce document précise que les nouveaux rapporteurs auront pour fonction l’instruction des affaires contentieuses et des avis au même titre que les rapporteurs des services « concurrence », au premier chef dans le secteur des professions réglementées.
Il conviendra de s’assurer que l’équipe dédiée à l’établissement de la carte est désormais au complet et que l’Autorité de la concurrence ne manque pas de moyens humains pour s’acquitter de cette tâche et être en mesure de la proposer aux ministres avant l’été 2016.
c. Certaines des modalités de nomination aux offices restent à préciser
i. Le décret relatif aux officiers publics et ministériels réduirait le rôle des instances professionnelles dans l’implantation des offices et des nominations
Pour l’application des articles 52 à 59 de la loi, qui assouplissent les conditions d’installation des officiers publics ministériels, un décret d’application de la loi, distinct du décret concernant les critères des zones mentionnées à l’article 52 est nécessaire.
Les dispositions réglementaires encore en vigueur du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 s’agissant des notaires, du décret n° 75-770 du 14 août 1975 s’agissant des huissiers de justice et du décret n° 73-541 du 19 juin 1973 s’agissant des commissaires-priseurs judiciaires prévoient une forte implication de la profession dans la procédure.
Pour chacune des trois professions, l’avis motivé des instances professionnelles sur la moralité, les capacités professionnelles et les possibilités financières des candidats au regard des engagements contractés est recueilli par le procureur général auquel ils adressent leurs demandes par voie de lettre recommandé avec demande d’avis de réception. Le procureur transmet alors la demande de candidature au garde des sceaux, accompagnée d’un avis motivé. Le garde des sceaux peut lui-même recueillir des renseignements auprès des instances professionnelles sur les activités antérieures du candidat.
S’agissant plus précisément de la procédure de nomination aux offices créés ou vacants, les représentants des professionnels sont impliqués dans le classement des candidatures. Pour les notaires, la nomination par le garde des sceaux intervient après classement des candidatures par la voie d’un concours organisé par le Centre national d’enseignement professionnel notarial, tandis que pour les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, les nominations aux offices créés ou vacants sont arrêtées par le garde des sceaux, selon un classement proposé par une commission. Chacune des commissions est composée de deux magistrats hors hiérarchie et de deux membres de la profession concernée. Pour les huissiers, un clerc d’huissier complète la commission compétente.
De manière générale, le projet de décret concernant les modalités de nomination des officiers publics et ministériels (sur présentation, à un office à créer ou à un office vacant) réduit le rôle des instances professionnelles dans le système d’installation des professionnels.
D’une part, le projet de décret qui a été communiqué aux membres de la mission d’information tire les conséquences des nouvelles compétences attribuées à l’Autorité de la concurrence en supprimant la commission de localisation des offices d’huissier de justice (CLHUJ) par l’abrogation de l’article 37 du décret n° 75-770 du 14 août 1975 et la commission de localisation des offices de notaire (CLON) par l’abrogation de l’article 2 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, qui tenaient, l’une et l’autre, un rôle majeur dans la gestion prévisionnelle de l’implantation des offices. D’autre part, le rôle des représentants des professionnels dans l’examen des demandes de nomination elles-mêmes est réduit par le projet de décret en question.
Le projet de décret simplifie en effet les procédures de nomination en allégeant considérablement le rôle des instances professionnelles. Dans le dispositif proposé pour chacune des trois professions, le garde des sceaux devient le destinataire direct des demandes de nomination qui sont transmises par voie électronique. L’avis du procureur général et des instances ordinales n’est plus requis. Le garde des sceaux, à qui il revient de s’assurer que les demandeurs remplissent les conditions générales d’aptitude, a toutefois la possibilité de solliciter l’avis du procureur général, ainsi que celui des bureaux de l’instance professionnelle concernée pour obtenir tout renseignement utile.
S’agissant plus spécifiquement des nominations aux offices à créer ou vacants, le décret devrait unifier le système de classement des candidatures, qui prend aujourd’hui deux formes différentes (le concours, pour les notaires et la commission précédemment décrite pour les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires). Il est en effet probable que l’ordre d’examen des demandes de nomination aux offices à créer ou vacants réponde à une logique du « premier arrivé, premier servi » pour chacune des professions.
Concrètement, une fois la carte d’installation publiée, les candidats déposeront par voie électronique leurs demandes de nomination sur le site du ministère de la justice. Celles-ci seront horodatées. À ce stade de la procédure, le dépôt d’un dossier complet ne sera pas requis et les pièces à fournir (qui devront être précisées par arrêté) devront être produites dans un délai d’une dizaine de jours après l’enregistrement de la demande. Ces demandes mentionneront la zone et la commune choisies par le candidat. Pour chaque zone, le garde des sceaux instruira les demandes d’installation dans leur ordre d’enregistrement.
Dans les zones de libre installation, il nommera les candidats dans l’ordre d’enregistrement des demandes, dès lors que ceux-ci remplissent, d’une part, « les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises » selon les termes de l’alinéa 1er du II de l’article 52, et, d’autre part, « les conditions d’aptitude » à l’exercice de chacune de ces professions, telles qu’elles sont définies par le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 précité pour les notaires, par le décret n° 75-770 du 14 août 1975 pour les huissiers et par le décret n° 73-541 du 19 juin 1973 pour les commissaires-priseurs judiciaires. Bien que ces conditions d’aptitude définies par voie réglementaire puissent légèrement différer d’une profession à l’autre, elles contiennent toutes des exigences relatives à la nationalité, à l’honorabilité et aux diplômes. Ces autorisations d’installation délivrées par le garde des sceaux seront délivrées au regard des recommandations dont est assortie la carte et en fonction du classement des demandeurs selon le projet de décret.
Dans ces mêmes zones de libre installation, l’article 52 dispose que, dans un délai de six mois à compter de la publication de la carte, le garde des sceaux peut procéder à un appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office vacant ou à créer ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire s’il constate un nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins qu’il aurait identifié après les recommandations de l’Autorité de la concurrence sur le rythme d’installation. Le décret précisera les modalités de cet appel à manifestation d’intérêts. Selon le projet de décret, l’appel à manifestation sera publié sur le site internet du ministère de la justice et transmis aux instances nationales des professions en vue de sa diffusion aux instances régionales. L’enregistrement et l’instruction des demandes de création d’office seront ensuite réalisées dans les conditions décrites supra.
Sur les transferts d’offices, le décret devrait adapter le dispositif existant au principe de liberté d’installation régulée. Il précisera que le déplacement du siège d’un office au sein d’une même commune ne constitue pas un transfert. Ce déplacement pourra donc se faire librement, mais il devra être notifié, pour les notaires à la chambre des notaires, pour les huissiers à la chambre des huissiers de justice, au procureur général ainsi qu’au garde des sceaux. S’agissant des commissaires-priseurs judiciaires, le dispositif en vigueur évoluerait peu.
Le transfert d’un office au sein d’une zone de libre installation répond à un régime déclaratif. La déclaration est adressée à la chambre des notaires ou à la chambre des huissiers, selon les cas, au procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle l’office a été transféré ainsi que, le cas échéant, à la chambre des notaires (ou à la chambre des huissiers) et au procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle était initialement établi l’office. Elle est également adressée au garde des sceaux, qui doit constater le transfert par arrêté.
Le transfert d’un office au sein d’une zone dans laquelle l’implantation d’offices supplémentaires serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu, doit être autorisé par arrêté du garde des sceaux.
Le projet de décret tire également les conséquences de la substitution, par la loi :
– de la règle du « un pour deux » régissant le nombre de notaire salariés, par la règle du « un pour quatre » ;
– de la règle du « un pour un » par une règle du « un pour deux » pour l’exercice, en qualité de salarié, des professions d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire.
S’il est précisé dans le projet de décret que la date d’entrée en vigueur est le lendemain de la publication du décret, plusieurs dispositions transitoires sont prévues. D’abord, les procédures engagées avant le lendemain de la publication du décret relatives aux conditions d’accès aux professions, aux nominations, aux créations, transferts et suppressions d’offices resteraient régies par les dispositions antérieurement applicables, à l’exception :
– des dispositions qui prévoyaient un avis obligatoire des instances représentatives des professions ;
– des dispositions qui prévoyaient les propositions de nominations aux offices créés ou vacants d’huissiers ou de commissaires-priseurs au garde des sceaux par les commissions de proposition décrites précédemment ;
– des dispositions prévoyant les avis de la CLON et de la CLHUJ sur la gestion prévisionnelle du nombre d’offices et sur leur localisation ;
– des dispositions relatives à l’indemnisation des professionnels installés subissant un préjudice du fait de la création ou du transfert d’un office et des anciens titulaires d’un office supprimé.
Ensuite, un régime transitoire concernant les clercs bénéficiant d’une habilitation octroyée avant le 1er janvier 2015 aurait également cours. Ils resteraient en effet régis par les dispositions antérieurement applicables, jusqu’au 1er août 2016, conformément aux dispositions de la loi.
Le décret instaurerait par ailleurs un régime transitoire concernant l’application de la limite d’âge de soixante-dix ans. Il précise que les demandes de prorogation d’activité prévues par la loi doivent intervenir au plus tard deux mois avant le soixante-dixième anniversaire du professionnel, à l’exception des professionnels âgé de soixante-dix ans au 1er octobre 2016 qui disposeront d’un délai de deux mois à compter du 1er août 2016, date d’entrée en vigueur des dispositions législatives relatives à la limite d’âge, pour solliciter cette autorisation.
De même, un dispositif transitoire régira les transferts d’office. Il est précisé qu’entre l’entrée en vigueur du décret et la publication de la carte, tout déplacement du siège d’un office en dehors de la commune d’installation est soumis à autorisation du garde des sceaux, par arrêté.
Enfin, les dispositions du décret imposant le recours à la téléprocédure dans les procédures de nomination entreraient en vigueur, uniquement en ce qu’elles imposent cette procédure, à une date fixée par arrêtée du garde des sceaux et, au plus tard, le 1er septembre 2016. Avant cette date, les demandes seraient adressées au garde des sceaux par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
ii. Le projet de décret relatif aux officiers publics et ministériels appelle plusieurs observations
S’agissant d’abord du système d’horodatage qui conduira à ce que les demandes aux offices à créer ou vacants soient instruites dans l’ordre d’enregistrement, plusieurs membres de la mission d’information se sont interrogés quant à son caractère fruste.
Le ministre de l’économie lui-même, lors de son audition du 25 novembre 2015 avait évoqué cette question. Selon ses termes, « il ne faut pas […] que le système soit dépourvu de toute règle, car cela conduirait à ce que le premier arrivé soit le premier servi. Il existe des mécanismes qui permettent d’organiser l’installation en fonction de critères de compétence ou d’ancienneté de la demande. Par exemple, il est possible d’organiser un tour entre différentes catégories – jeunes notaires, notaires déjà associés, notaires salariés – à l’image de ce qui se fait pour le tour extérieur ou la promotion interne dans la fonction publique. Il convient d’éviter au maximum les pratiques malthusiennes et de permettre un accès méritocratique. »
Mme Christiane Taubira, alors garde des sceaux, avait également reconnu, à l’occasion de son audition par la mission d’information, que le système d’horodatage présentait un caractère « simpliste » et rendait impératif l’égal accès des candidats à l’information. Cependant, la ministre a, d’une part, assuré que le système d’information était « parfaitement équitable » et, d’autre part, rappelé que l’article 52 de la loi prévoit que les candidats à l’installation doivent remplir des conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance.
Le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, a également insisté sur les impératifs d’impartialité et d’équité qui doivent fonder le système d’accès aux offices créés ou vacants. À ce titre, il ne s’est pas déclaré favorable à la prise en compte de critères supplémentaires pour le classement des demandes.
En dépit des réserves signalées, la solution de l’horodatage semble satisfaisante au regard de l’objectif d’un accès élargi aux professions d’officiers publics et ministériels, dès lors qu’il existe des garanties tenant, d’une part, à ce que n’apparaissent pas des phénomènes d’asymétrie d’information et, d’autre part, à ce qu’il n’existe pas d’obstacles, en amont de la procédure de nomination, qui empêcheraient certains candidats de remplir les conditions requises à la nomination.
Or, le risque que de tels obstacles apparaissent n’est pas nul. S’agissant de la profession de notaires, en particulier, le pouvoir réglementaire devra faire preuve de vigilance sur certains points.
En premier lieu, de nombreux futurs candidats à l’installation ont fait part à Mme Cécile Untermaier ainsi qu’à votre président-rapporteur de leurs inquiétudes concernant l’une des conditions générales d’aptitude aux fonctions de notaires. Outre la condition d’être titulaire d’un des diplômes de notaire, les candidats à une nomination (en tant que titulaire, associé ou salarié) doivent « avoir suivi, pour une première nomination, la formation en gestion d’un office de notaire, déontologie et discipline notariales » (7° de l’article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973). Cette formation d’une douzaine de jours, organisée par les conseils régionaux des notaires ou, le cas échéant, par la chambre interdépartementale des notaires, est source de blocages pour les jeunes diplômés. Ceux-ci déplorent en effet le manque de places aux sessions de formation. Il semblerait, par exemple, que toutes les sessions soient complètes pour l’ensemble de l’année 2016. Certains craignent par ailleurs que les organisateurs opèrent un tri des demandes d’inscription à ces sessions, privilégiant les diplômés ayant pour projet d’être nommé notaire salarié, au détriment de ceux qui désirent déposer une demande à un office à créer. Or, si un ordre de priorité d’inscription à ces sessions est instauré en défaveur des jeunes diplômés, le système d’horodatage prévu pour les demandes de nomination aux offices créés aurait pour conséquence de favoriser de facto, lors de l’ouverture de cette procédure, les candidats à l’installation qui ont déjà été nommés notaires (titulaires, associés ou salariés). L’utilité de cette formation, en tout état de cause, est discutable, tant il est incertain que la gestion puisse s’apprendre en quelques jours. C’est pourquoi le président-rapporteur a saisi le Gouvernement pour lui demander de supprimer cette formation ou de l’intégrer dans les cursus initiaux conduisant au diplôme de notaire et au diplôme supérieur de notariat. D’après le projet de décret qui a été transmis aux membres de la mission d’information, cette proposition aurait été entendue par le Gouvernement, puisque la formation en gestion serait intégrée aux cursus initiaux et ne ferait plus partie, en tant que telle, des conditions générales d’aptitude aux fonctions de notaire.
En deuxième lieu, les conditions d’assurance requises pour être nommé ne doivent pas avoir pour conséquence une impossibilité de fait, pour les candidats à une première nomination, de pouvoir s’installer. Certains candidats à l’installation ont fait part de leurs craintes concernant l’assurance au titre de la responsabilité civile professionnelle des notaires, du fait de la structure actuelle de l’offre d’assurance à la profession. Sur ce point, l’audition du président et de la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence est de nature à rassurer. La rapporteure générale a en effet rappelé que les missions de l’Autorité de la concurrence ne se limitaient pas aux nouvelles compétences que la loi lui a octroyées s’agissant des professions réglementées. Elle a ainsi affirmé, en réponse à une question de votre président-rapporteur, que l’Autorité de la concurrence veillerait à ce que d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles ne perdurent pas : « s’il y a des comportements qui visent à freiner l’entrée sur le marché ou des pratiques anticoncurrentielles – par exemple, s’il s’avère qu’il est impossible d’accéder à des assurances ou qu’il n’existe qu’un seul organisme auprès duquel s’assurer –, nous ferons notre métier d’Autorité de la concurrence […] nous n’hésiterons pas à ouvrir des enquêtes s’il le faut ».
Il conviendra également de faire preuve de vigilance s’agissant de la question des clercs habilités de notaires, qui perdront leur habilitation le 1er août 2016. Pour les clercs habilités non diplômés notaires, il serait opportun de prévoir un dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE). En l’état du droit (article 7 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire), les clercs de notaire sont dispensés des conditions d’obtention d’un diplôme de master en droit et de réussite à l’examen professionnel pour remplir les conditions générales d’aptitude à la profession, dès lors qu’ils justifient d’un diplôme de premier clerc depuis au moins six ans et qu’ils aient exercé pendant au moins neuf ans auprès d’un notaire. Les clercs justifiant d’un master en droit depuis quatre ans au moins sont dispensés d’examen professionnel dès lors qu’ils ont exercé pendant au moins quatre ans auprès d’un notaire.
Ces dispositifs ne couvrent pas l’ensemble des clercs habilités et il y a lieu de rappeler que, durant les débats parlementaires, il avait été clairement envisagé de prévoir des voies d’accès à la profession de notaires pour ces clercs. Pour les clercs habilités diplômés notaires (ils sont plus de 6 000), il s’agit de savoir si la Chancellerie aura la capacité de les nommer notaires (pour ceux qui le désirent), avant le 1er août 2016. En réponse à une question écrite de votre président-rapporteur, la Chancellerie a indiqué qu’à ce stade, elle « examine les conditions normatives de reclassement, en s’appuyant sur une évaluation précise du nombre de personnes concernées et de leur situation au regard des règles actuelles d’accès à la profession, en terme de conditions de diplômes, notamment ».
B. L’ORDONNANCE AMÉLIORANT PAR LA VOIE DU CONCOURS LES MODALITÉS DE RECRUTEMENT DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE : UNE SOLUTION ÉQUILIBRÉE FAVORISANT UN ACCÈS MÉRITOCRATIQUE À LA PROFESSION TOUT EN PRÉSERVANT L’AFFECTIO SOCIETATIS
Le rapport de l’Inspection générale des finances sur les professions réglementées a mis en évidence le fait que l’organisation des greffiers des tribunaux de commerce, qui bénéficient du droit de présentation prévu par l’article 91 de la loi de finances pour 1816, était « marquée par le poids de familles qui organisent la transmission des structures entre parents et enfants » (37).
Cette situation a été favorisée par les modalités actuelles d’accès à la profession. Les conditions requises pour devenir greffier de tribunal de commerce sont d’être français et d’avoir satisfait aux obligations du service national, de satisfaire à des conditions d’honorabilité, d’être titulaire soit d’une maîtrise de droit soit d’un titre ou diplôme équivalent, d’avoir accompli un stage de formation d’un an, et d’avoir réussi l’examen professionnel, sans y avoir échoué préalablement plus de trois fois. Deux voies d’accès sont alors possibles :
– la présentation du successeur par le greffier du tribunal de commerce sortant : la demande de nomination par le garde des sceaux est accompagnée de la convention conclue entre le titulaire de l’office (ou, le cas échéant, ses ayants-droits) et le candidat ;
– la nomination pour les offices créés ou laissés vacants : en pratique très rare, ce type de nomination ne suppose pas non plus la réussite à un concours. Les candidatures, sont adressées au procureur général, lequel les transmet au garde des sceaux avec son avis. Préalablement, le procureur général doit recueillir l’avis motivé du bureau du conseil national des tribunaux de commerce. Ensuite, les candidatures sont classées par ordre de préférence par une commission composée, de deux magistrats, d’un membre des tribunaux de commerce, de deux greffiers de tribunal de commerce et d’une personne remplissant les conditions pour être nommée greffier de tribunal de commerce.
Comme expliqué, la profession de greffier de tribunal de commerce ne peut faire l’objet d’un système de liberté d’installation régulée, comme celui mis en place pour les autres officiers publics et ministériels. En effet, l’attache territoriale à une juridiction commerciale rend impraticable un tel système.
Toutefois, il était nécessaire de garantir un accès plus méritocratique à cette profession. En conséquence, l’article 61 de la loi a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, toute mesure relevant du domaine de la loi pour améliorer, par la voie du concours, en fixant les conditions financières de cette mesure, le recrutement des greffiers des tribunaux de commerce.
Sur ce fondement a été publiée l’ordonnance n° 2016-57 du 29 janvier 2016 modifiant l’article L. 742-1 du code de commerce relatif aux conditions d’accès à la profession de greffier de tribunal de commerce. Elle comporte un article unique qui précise l’article L. 742-1 du code de commerce en disposant que les conditions d’accès à la profession, qui doivent être fixées par décret en Conseil d’État, comprennent notamment un concours, un stage et un entretien de validation de stage qui peut faire l’objet de dispenses.
Le rapport relatif à cette ordonnance détaille le dispositif qui résultera de la publication de ce décret. Il explique, en particulier, la manière dont seront conciliés, d’une part, le principe du concours, et, d’autre part, le droit de présentation et l’affectio societatis. Le décret, qui modifiera les dispositions relatives aux conditions d’accès à la profession de greffier de tribunal de commerce situées dans le chapitre II du titre IV du livre VII de la partie réglementaire du code de commerce, devrait en effet reprendre la proposition formulée par nos collègues Cécile Untermaier et Philippe Houillon dans le cadre de la mission d’information sur les professions juridiques réglementées (38) :
– l’examen d’aptitude sera remplacé par un concours ;
– le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce établira une liste de propositions de stages à destination des lauréats qui choisiront leur stage dans l’ordre de leur arrivée au concours ;
– un entretien de validation de stage sera mis en place, de façon à garantir un haut niveau de compétence des candidats ;
– le concours permettra d’établir une liste d’aptitude qui constituera un vivier au sein duquel les titulaires d’office pourront choisir leurs associés, leurs successeurs ou leurs salariés.
Ces modifications ne portent donc pas atteinte au principe même de l’affectio societatis, mais son champ d’application s’en trouve restreint. Compte tenu de cette restriction, le législateur avait habilité le Gouvernement à prévoir dans l’ordonnance « les conditions financières de cette mesure ». Estimant que le dispositif proposé préserve la liberté de choix des titulaires et des associés, le Gouvernement n’a pas souhaité faire usage de cette habilitation.
Votre président-rapporteur constate avec satisfaction l’équilibre atteint par l’ordonnance et le projet de décret et se réjouit de la mise en œuvre de la proposition n° 3 du rapport d’information sur les professions juridiques réglementées.
C. LA FACILITATION DE L’ACCÈS À LA PROFESSION D’AVOCAT AU CONSEIL D’ÉTAT ET À LA COUR DE CASSATION : LES MESURES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION DOIVENT S’INSCRIRE DANS LA CONTINUITÉ DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
1. En donnant à l’Autorité de la concurrence le soin d’apprécier de façon objective d’éventuelles carences de l’offre de services, le législateur a entendu faciliter l’accès à la profession d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation
a. Une relative fermeture de la profession
L’augmentation exponentielle du nombre de pourvois en cassation montre que le rôle de filtrage exercé par les quelque cent dix avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ne suffit pas ou ne fonctionne pas.
Malgré la « suppression du numerus clausus » par un décret du 23 avril 2009 qui a permis au garde des sceaux de créer davantage d’offices, leur nombre est resté fixé à soixante depuis 1817. L’article 15 de ce décret a en effet modifié l’article 3 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 pour permettre au garde des sceaux de créer, par arrêté, « de nouveaux offices d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour des motifs tenant à la bonne administration de la justice, au vu notamment de l’évolution du contentieux devant ces deux juridictions, après avis du vice-président du Conseil d’État, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation et du conseil de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ». Or jusqu’à présent, cette faculté n’a pas été utilisée par le ministre de la justice.
Un décret du 5 juin 2013 a porté de trois à quatre le nombre maximal d’associés au sein d’une société civile professionnelle d’avocats aux conseils. À ce jour, très peu d’offices ont utilisé cette faculté.
Par ailleurs, la profession est caractérisée par une moyenne d’âge assez élevée (54 ans) et un taux de féminisation faible (23 %).
Il faut enfin ajouter que le traitement des dossiers est assuré grâce au renfort de collaborateurs qui sont soit des avocats à la cour, soit des universitaires : on estime que le nombre de ces collaborateurs est compris entre cinq cents et mille.
Tous ces éléments plaidaient pour que l’ouverture de la profession soit facilitée.
b. Les dispositions de la loi concernant la détermination du nombre d’offices
Afin de favoriser l’ouverture de la profession, l’article 57 de la loi introduit un article L. 462-4-2 dans le code de commerce, disposant que l’Autorité de la concurrence rend un avis au ministre de la justice sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. L’Autorité fait toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès à ces offices dans la perspective d’augmenter de façon progressive leur nombre. Le principe d’une augmentation du nombre d’offices est inscrit dans la loi, mais il est précisé que ces recommandations sont faites de manière à ne pas bouleverser les conditions d’activité des offices existants. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision du 5 août 2015 (Cons. 93) que les recommandations de l’Autorité de la concurrence ne conduisent à proposer une augmentation du nombre d’offices que si celle-ci est justifiée.
À cet effet, la loi dispose que l’Autorité identifie le nombre de créations d’offices qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard de critères définis par décret. Ces critères doivent prendre en compte l’évolution du contentieux devant les deux juridictions et l’exigence de bonne administration de la justice. Au plus cinq jours après l’ouverture de la procédure d’avis, l’Autorité lance un appel à contribution des acteurs concernés.
Au vu des besoins identifiés par l’Autorité, le garde des sceaux nomme le demandeur à un office à créer dès lors qu’il remplit les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises. Un décret doit préciser les conditions d’application de cette disposition. Si le garde des sceaux constate un nombre insuffisant de demandes de création d’offices dans un délai de six mois à compter de la publication des recommandations de l’Autorité, il procède à un appel à manifestation d’intérêt.
L’article 57 dispose que seules peuvent accéder à cette profession les personnes qui ont réussi un examen professionnel, dans les conditions fixées par un décret.
Enfin, par symétrie avec l’article 52, il est précisé que les dispositions de l’article 57 entrent en vigueur le 1er février 2016.
2. La procédure de nomination des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation doit s’inscrire dans l’esprit de la loi
a. Les critères au regard desquels l’Autorité de la concurrence formule ses recommandations
En application de l’article 57 de la loi qui crée l’article L. 462-4-2 du code de commerce, le décret n° 2016-215 du 26 février 2016 liste les critères au regard desquels l’Autorité de la concurrence identifie le nombre de créations d’offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante.
CRITÈRES PRÉVUS POUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE L. 462-4-2 DU CODE DE COMMERCE PAR LE DÉCRET N° 2016-215 DU 26 FÉVRIER 2016
Critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives d’évolution de l’offre |
Critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives de la demande |
– Tendance de l’activité économique ; – Évolution du nombre d’offices et du nombre d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation exerçant soit à titre individuel, soit dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale, soit en qualité de salarié, au cours des cinq dernières années ; – Nombre d’offices vacants ; – Nombre de personnes titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ; – Chiffre d’affaires et résultat net des offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation au cours des cinq dernières années correspondant à leur activité devant la Cour de cassation et le Conseil d’État. |
– Évolution de l’activité de la Cour de cassation et de la section du contentieux du Conseil d’État au cours des cinq dernières années ; – Évolution du nombre de décisions prononcées par les juridictions du fond susceptibles de pourvoi en cassation au cours des cinq dernières années. |
Tout comme le décret relatif aux critères régissant l’établissement de la carte prévue au I de l’article 52, le délai de publication de ce décret est excessif compte tenu de la simplicité de son contenu.
Conformément aux dispositions de l’article 57, l’Autorité de la concurrence a lancé un appel à contribution à destination des acteurs concernés par la procédure le 1er mars 2016. Ces derniers ont la possibilité de faire parvenir à l’Autorité leurs observations avant le 31 mars 2016. L’Autorité a identifié un certain nombre de points que les contributions pourraient éclairer (39) :
– la manière dont doivent être pris en compte les critères listés par le décret ;
– les données et les critères pertinents propres à déterminer le rythme adéquat de création d’offices ;
– l’opportunité de compléter les recommandations en termes de créations d’offices par des recommandations en termes d’augmentation du nombre d’avocats titulaires au sein de ces offices ;
– les moyens envisagés pour permettre un meilleur accès des femmes à ces offices ;
– l’évaluation de l’impact de la création de nouveaux offices pour les professionnels en place.
b. Les conditions de nomination des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation
Le projet de décret prévoit une modification du décret du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation et du décret du 15 mars 1978 portant application à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles.
Il précise que les membres ou anciens membres du Conseil d’État, les magistrats ou anciens magistrats de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, les professeurs d’université chargés d’un enseignement juridique ne sont pas dispensés des épreuves de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation portant sur la réglementation professionnelle et la gestion d’un office. Ils demeurent néanmoins dispensés des autres épreuves de l’examen.
La compétence du parquet a été allégée s’agissant de la procédure de nomination dans un office, de création d’offices ou de cession de parts d’un office, au profit de celle du garde des sceaux.
En l’état du droit, une commission composée d’un conseiller d’État, d’un conseiller à la Cour de cassation et de deux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation « propose » les candidats au garde des sceaux par ordre de préférence, pour chaque office (article 29 du décret précité). Cette commission est alternativement présidée par le conseiller d’État et le conseiller à la Cour de cassation.
Le projet de décret, tout en maintenant le principe de cette commission, modifie sa composition :
– s’ajouteraient au conseiller d’État et au conseiller à la Cour de cassation le directeur des affaires civiles et du sceau et un avocat général à la Cour de cassation ;
– ne demeurerait qu’un seul avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans la commission.
Le garde des sceaux arrête les nominations aux offices créés ou vacants après avis de la commission, laquelle classe les candidats par ordre de préférence.
c. Un système encore trop fermé
Le maintien d’une commission de classement des candidatures par le projet de décret est difficilement justifiable, d’autant que la présence de membres du Conseil d’État ou de la Cour de cassation pourrait faire craindre une approche restrictive de l’ouverture de cette profession et donner le sentiment d’un « entre soi » préjudiciable à son image. Rappelons, à cet égard, que les membres et anciens membres du Conseil d’État, tout comme les magistrats et anciens magistrats de la Cour de cassation, bénéficient de dispenses de certaines épreuves de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
Comme il a été précisé, cette commission de classement existe déjà dans le droit en vigueur. Elle n’a cependant jamais eu l’occasion d’officier, d’après la réponse au questionnaire que Mme Cécile Untermaier et votre président-rapporteur ont envoyé à la Chancellerie. Si le garde des sceaux décide, après avis de l’Autorité de la concurrence, d’une augmentation du nombre d’offices, cette commission devra officier.
Le projet de décret ne retient pas le système d’horodatage qui régirait pourtant la procédure d’installation des autres professions, alors que le faible nombre de professionnels viendrait, dans le cas présent, réduire les inconvénients de la méthode d’horodatage exposés supra. Les commissions de classement semblables qui existent actuellement pour les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice seront supprimées, d’après les projets de décrets. Il est difficilement compréhensible que la même volonté d’ouverture qui a présidé à l’adoption de dispositions législatives visant à faciliter l’accès aux professions d’officiers publics et/ou ministériels aboutisse à un système réglementaire asymétrique.
Interrogée par Mme Cécile Untermaier et votre président-rapporteur sur ce point, la Chancellerie a justifié le maintien de cette commission par l’objectif d’une meilleure sélection des candidats, grâce à un examen qualitatif. Il peut toutefois être objecté que l’examen d’aptitude à la profession d’avocat aux Conseils, d’un niveau très difficile, garantit déjà l’excellence des candidats.
Votre président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier proposent la suppression de cette commission.
D. LA RÉFORME DE L’ACCÈS AUX PROFESSIONS D’ADMINISTRATEUR ET DE MANDATAIRE JUDICIAIRES : DES AMÉNAGEMENTS NÉCESSAIRES QUI MÉRITENT D’ÊTRE APPROFONDIS
1. La loi, en plusieurs de ses dispositions, favorise l’accès à ces professions
Les administrateurs et mandataires judiciaires interviennent pour traiter les difficultés des entreprises dans les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires. Sur décision de justice, les administrateurs judiciaires se chargent d’administrer les biens des entreprises en difficulté, tandis que les mandataires judiciaires représentent les créanciers de l’entreprise et procèdent, s’il y a lieu, à la liquidation.
Les fonctions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire ne peuvent être exercées que par les personnes inscrites sur une liste établie par une commission nationale (articles L. 811-2 et L. 812-2 du code de commerce). L’inscription sur cette liste requiert des candidats qu’ils remplissent les conditions suivantes : avoir subi avec succès un examen d’accès au stage professionnel, avoir réussi l’examen d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire (5° de l’article L. 811-5) ou de mandataire judiciaire (5° de l’article L. 812-3).
À la différence des officiers publics et ministériels, le nombre de professionnels n’est pas limité par un système de numerus clausus. Paradoxalement, ce nombre est faible (118 administrateurs judiciaires et 306 mandataires judiciaires au 1er janvier 2014) et a stagné, voire a diminué depuis 2007 pour les mandataires judiciaires. Par ailleurs, l’âge moyen des professionnels est élevé : il est de 54 ans pour les deux professions.
Parallèlement, le nombre de mandats a significativement augmenté. En 2013, selon la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), le nombre de mandats en cours par étude atteignait 399 pour les administrateurs judiciaires et 864 pour les mandataires judiciaires. Dès lors, il était nécessaire de favoriser l’accès à ces professions en amont, en créant une voie académique préparant spécialement à ces professions, en allégeant les conditions d’aptitude à l’inscription sur la liste au regard de conditions d’expérience et de compétence et en créant des statuts d’administrateur judiciaire salarié et de mandataire judiciaire salarié.
Lors de son audition par Mme Cécile Untermaier, les représentants du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires ont reconnu qu’il était souhaitable de faciliter l’accès à ces professions afin d’augmenter le nombre de professionnels et de favoriser le renouvellement des générations. Ils ont insisté sur le fait qu’une telle ouverture ne saurait affecter le niveau de compétences de ces professionnels, appelés à assumer des responsabilités importantes.
Conscient de l’équilibre qu’il y avait à trouver entre l’impératif d’ouverture de la profession et l’exigence de compétence des professionnels, le législateur a créé une seconde voie d’accès, distincte de celle reposant sur la réussite à l’examen d’accès au stage, l’accomplissement d’un stage et la réussite de l’examen d’aptitude. L’article 61 de la loi crée, à cet effet, un « master en administration et liquidation d’entreprises en difficulté » en modifiant l’article L. 811-5 du code de commerce. Il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions d’expérience et de stage que le candidat à l’entrée dans la profession devra remplir, à titre complémentaire.
Pour les candidats à l’accès à la profession qui suivent la voie la plus ancienne des deux, l’article L. 811-5 tel que modifié par l’article 61 de la loi, dispose désormais qu’un décret en Conseil d’État doit déterminer les conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire.
Une fois le décret publié, cette disposition aura pour effet, d’une part, d’étendre le champ des dispenses et, d’autre part, de systématiser, sous conditions de compétence et d’expérience, les dispenses de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude. En effet, dans le système précédant l’entrée en vigueur de la loi, la dispense du stage professionnel ne pouvait porter que sur une partie du stage, alors que l’article 61 de la loi laisse la possibilité au pouvoir réglementaire de prévoir des dispenses portant sur « tout ou partie du stage professionnel ». Par ailleurs, l’article 61 aura pour effet de rendre systématique les dispenses relatives au stage professionnel ou à l’examen d’aptitude, alors que jusqu’à présent, le pouvoir réglementaire laisse seulement la possibilité à la commission nationale d’accorder ces dispenses.
Conformément aux recommandations de l’Autorité de la concurrence (40), l’article 236 de la loi, modifiant le titre Ier du livre VIII du code de commerce, permet le recours au salariat pour l’exercice de l’activité d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire. La création de ce nouveau statut s’inscrit dans la perspective d’une augmentation du nombre de professionnels et d’un plus large accès des jeunes à ces professions. Il vise à permettre à de nouveaux professionnels d’exercer les fonctions d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire en s’adossant à des structures existantes, sous la responsabilité d’un administrateur judiciaire ou d’un mandataire judiciaire. L’administrateur judiciaire salarié ou le mandataire judiciaire salarié ne peut pas détenir de mandat à titre personnel. Il est cependant inscrit sur la liste concernée, laquelle doit préciser sa qualité de salarié et le nom de son employeur. Afin de protéger la liberté d’établissement des professionnels salariés, la loi a également précisé que toute clause de non-concurrence dans le contrat de travail du professionnel salarié était réputée non écrite.
En cohérence avec les règles existantes pour les notaires, les huissiers, les commissaires-priseurs judiciaires et les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, une limite a été fixée au nombre de professionnels salariés auxquels peut recourir un administrateur judiciaire ou un mandataire judiciaire inscrit sur la liste. Ainsi, ce nombre ne peut être supérieur à quatre. Si c’est une étude, personne morale, qui est inscrite sur la liste, le nombre d’administrateurs judiciaires (ou de mandataires judiciaires) salariés ne peut être supérieur au quadruple de celui des administrateurs judiciaires (ou des mandataires judiciaires) associés qui exercent la profession.
2. Un décret devrait étendre le champ des dispenses des conditions d’accès à la profession et préciser les modalités d’exercice des fonctions d’administrateur et de mandataire judiciaires salariés
a. Le champ des dispenses des conditions d’accès à la profession sera élargi, mais la durée de droit commun du stage professionnel reste trop longue
Un projet de décret a été transmis aux membres de la mission d’information concernant les modalités d’accès aux professions d’administrateur et de mandataire judiciaires, en application de l’article 61 de la loi.
i. Le décret précisera les modalités d’accès aux professions par la voie du master en administration et liquidation d’entreprises en difficulté.
Les candidats à l’inscription sur la liste titulaires de ce nouveau diplôme devront justifier de conditions d’expérience ou des conditions de stage complémentaires.
Ils pourront solliciter leur inscription sur la liste des administrateurs judiciaires ou sur la liste des mandataires judiciaires s’ils justifient de cinq ans au moins d’expérience professionnelle en tant que collaborateur d’un administrateur judiciaire ou d’un mandataire judiciaire (selon la liste sur laquelle le candidat sollicite son inscription) ou de huit ans de pratique professionnelle comptable, juridique ou financière dans le domaine des fusions-acquisitions, du financement, de la restructuration, de l’administration ou de la reprise d’entreprises, notamment en difficulté. La commission nationale d’inscription et de discipline, qui est chargée d’inscrire les professionnels sur la liste des administrateurs judiciaires ou sur la liste des mandataires judiciaires, procèdera à l’audition des candidats au cours d’un entretien professionnel (41).
Ils pourront également solliciter leur inscription sur la liste des administrateurs judiciaires ou sur la liste des mandataires judiciaires dès lors qu’ils auront accompli trente mois de stage professionnel au moins. Le maître de stage, dans la mesure des mandats qui lui sont confiés, aura l’obligation de faire exécuter au stagiaire les actes juridiques et de gestion relatifs aux procédures collectives. Le stagiaire qui n’aura pas, après trente-six mois de stage, exécuté l’ensemble de ces actes, pourra être admis à se présenter à l’examen d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire. La réussite de cet examen le dispensera de justifier l’exécution de ces actes lorsqu’il présentera sa demande d’inscription.
Le stage régulièrement accompli donnera lieu à la délivrance d’une attestation par le maître de stage. Elle sera communiquée au stagiaire, qui pourra y apporter des observations manuscrites. Ce document, accompagné du mémoire et du rapport de stage, sera ensuite transmis par le maître de stage à un magistrat désigné par le ministre de la justice. Ce dernier transmettra un avis motivé à la commission d’inscription et de discipline. Si la commission estime que le stagiaire n’a pas satisfait à ses obligations, elle pourra prolonger le stage pour une période d’une année renouvelable.
ii. Concernant la voie d’accès plus ancienne, le décret élargira le champ des dispenses d’examen d’accès au stage professionnel, de stage professionnel et d’examen d’aptitude
En l’état du droit (articles R. 811-13 et R. 812-7 du code de commerce), sont dispensés de l’examen d’accès au stage professionnel : les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires ayant exercé l’autre des deux professions pendant trois ans au moins ; les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les experts-comptables et les commissaires aux comptes, ayant exercé leur profession pendant cinq ans au moins, ainsi que, pour la profession d’administrateur judiciaire seulement, les juristes d’entreprise titulaires de certains titres ou diplômes et justifiant de quinze ans au moins de pratique professionnelle.
Le projet de décret ajoute à la liste des professions dispensées d’examen d’accès au stage professionnel : les commissaires-priseurs judiciaires ; les personnes titulaires de certains titres ou diplômes et justifiant d’une expérience de cinq ans au moins de pratique professionnelle comptable, juridique ou financière, dans le domaine des fusions-acquisitions, du financement, de la restructuration, de l’administration ou de la reprise d’entreprises ; les personnes ayant exercé les fonctions de collaborateur d’un administrateur judiciaire ou d’un mandataire judiciaire pendant une durée de cinq ans au moins. Enfin, les juristes d’entreprise titulaires de certains titres ou diplômes et justifiant de quinze ans au moins de pratique professionnelle, qui étaient déjà dispensés d’examen d’accès au stage professionnel pour la profession d’administrateur judiciaire, seront également dispensés de cet examen pour la profession de mandataire judiciaire.
Le champ des dispenses de tout ou partie du stage professionnel a également été étendu. En principe, le stage est d’une durée minimale de trois ans et d’une durée maximale de six (articles R. 811-15 et R. 812-8 du code de commerce). En l’état actuel du droit, la commission d’inscription et de discipline peut néanmoins accorder une dispense d’une partie du stage (articles R. 811-26 et R. 812-14) :
– aux avocats, aux notaires, aux huissiers de justice et aux greffiers des tribunaux de commerce, ayant exercé leur profession pendant cinq ans au moins, ainsi qu’aux juristes d’entreprise titulaires de certains titres ou diplômes et justifiant de quinze ans au moins de pratique professionnelle ;
– aux experts-comptables aux commissaires aux comptes ayant exercé leur profession pendant cinq ans au moins ;
– aux professionnels de l’autre des deux professions.
Le projet de décret assouplit le régime en vigueur. En particulier, il prévoit que les professionnels de l’autre des deux professions d’administrateurs et de mandataires judiciaires, les avocats, les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les anciens avoués, les experts-comptables et les commissaires aux comptes qui ont exercé leur profession pendant dix ans au moins seront dispensés de la totalité du stage. En revanche, ils seront tenus d’effectuer un stage d’un an au moins, s’ils ont exercé leur profession durant cinq à dix années.
Les personnes ayant exercé pendant dix ans au moins les fonctions de collaborateur d’un administrateur judiciaire seront également dispensées de stage, selon le projet de décret.
De la même façon, les personnes titulaires de certains titres ou diplômes et justifiant d’une expérience de quinze ans au moins de pratique professionnelle comptable, juridique ou financière, dans le domaine des fusions-acquisitions, du financement, de la restructuration, de l’administration ou de la reprise d’entreprises bénéficieront d’une dispense totale de stage. Elles devront toutefois effectuer au moins un an de stage si elles ne justifient que de dix à quinze ans d’expérience.
Une fois les conditions de stage remplies, les candidats à l’accès à la profession d’administrateur judiciaire devront subir avec succès un examen d’aptitude (articles L. 811-5 et L. 812-3).
Le projet de décret allège les conditions en la matière en élargissant le champ de dispenses des épreuves de l’examen. En l’état du droit (articles R. 811-26 et R. 812-14), les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, ayant exercé leur profession pendant cinq ans au moins, ainsi que les juristes d’entreprise, titulaires de certains titres ou diplômes et justifiant de quinze ans au moins de pratique professionnelle peuvent être dispensées par la commission de tout ou partie des épreuves à caractère juridique de l’examen d’aptitude, à l’exception de celle portant sur le statut et la déontologie de la profession d’administrateur judiciaire. Les experts-comptables et les commissaires aux comptes ayant exercé leur profession pendant cinq ans au moins peuvent être dispensés par la commission de tout ou partie des épreuves à caractère économique, comptable ou de gestion. Les professionnels de l’autre des deux professions d’administrateur et de mandataire judiciaire sont dispensés de la totalité de l’examen d’aptitude.
Conformément aux dispositions de la loi, le projet de décret liste les dispenses d’épreuves de l’examen d’aptitude qui sont applicables sans que l’intervention de la commission soit nécessaire. Les personnes susceptibles de bénéficier de dispenses, après décision de la commission, en bénéficieront donc de manière automatique. Outre ce changement important, le projet de décret prévoit que les collaborateurs des administrateurs judiciaires (ou des mandataires judiciaires) ayant exercé ces fonctions durant au moins cinq ans, sont dispensées de l’épreuve de l’examen portant sur la gestion d’un cabinet d’administrateur judiciaire (ou de mandataire judiciaire).
Mme Cécile Untermaier et votre président-rapporteur se réjouissent de l’assouplissement des conditions d’accès à la profession que le projet de décret prévoit. Toutefois, hors les cas de dispense présentés supra, qui concernent en grande majorité des professionnels ayant exercé durant au moins cinq années des fonctions juridiques ou des fonctions de gestion, la durée du stage professionnel demeurerait de trois ans au moins et de six ans au plus. Si ce stage participe à garantir un haut niveau de compétence de ces professionnels, sa durée peut constituer un frein à l’augmentation de leur nombre. Mme Cécile Untermaier souhaite souligner que pendant leurs trois années – au moins – de stage, les stagiaires sont maintenus dans une situation de dépendance par rapport aux professionnels inscrits.
La réforme des professions réglementées impulsée par la loi tend, dans une certaine mesure, à harmoniser les conditions et modalités d’accès à ces professions. Pour ce qui est des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, les dispenses de certaines de ces conditions applicables aux officiers publics et ministériels qu’opérerait le décret s’inscrivent dans cette même logique. Aussi serait-il opportun que le pouvoir réglementaire s’engage plus-avant dans cette voie en réduisant sensiblement la durée du stage pour les candidats à l’accès aux professions d’administrateur et de mandataire judiciaire. Les candidats se présentant à l’examen d’accès au stage doivent déjà, dans le droit en vigueur, justifier de diplômes exigeants, qui permettent de s’assurer de la qualité de leurs connaissances pratiques et théoriques du droit ou de la gestion (articles R. 811-7, R. 811-8 et R. 812-4). Certes, c’est en exerçant que l’on apprend les métiers d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, mais ce principe n’est pas propre à ces professions. Il apparaît pourtant qu’elles sont les seules à prévoir des durées de stage si longues, alors même qu’il n’est nul besoin d’être stagiaire pour gagner de l’expérience. Tous les jeunes professionnels apprennent et se perfectionnent en pratiquant.
b. Un décret précisera les modalités d’exercice de la fonction d’administrateur judiciaire salarié et de mandataire judiciaire salarié
Le projet de décret relatif aux administrateurs judiciaires et aux mandataires judiciaires, qui a été remis à la mission d’information, comporte des précisions relatives au salariat.
Les règles applicables en matière de règlement des litiges sont en particulier précisées. Le président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires sera saisi, en qualité de médiateur, de tout litige né à l’occasion de l’exécution du contrat de travail du professionnel salarié. Si, après la médiation, aucun accord n’intervient ou si l’accord n’est que partiel, le conseil des prud’hommes peut être saisi. La médiation décrite est applicable à l’occasion de tout licenciement envisagé par l’employeur d’un administrateur salarié ou d’un mandataire judiciaire salarié.
II. L’OBJECTIVATION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE CERTAINES PROFESSIONS JURIDIQUES ET JUDICIAIRES
A. LA LOI RATIONALISE LA MÉTHODE DE FIXATION DES TARIFS EN PRÉVOYANT LA PRISE EN COMPTE DES COUTS PERTINENTS DU SERVICE RENDU ET D’UNE RÉMUNÉRATION RAISONNABLE POUR CHAQUE PRESTATION
1. Les limites du système de réglementation des tarifs existant
La réglementation de certains tarifs des officiers publics et ministériels et des administrateurs et mandataires judiciaires s’explique par la mission de service public dont ils ont la charge.
Le système de fixation des tarifs des notaires, des huissiers de justice, des commissaires-priseurs judiciaires, des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, applicable avant l’entrée en vigueur de la loi, était marqué par plusieurs insuffisances.
En premier lieu, les modalités de fixation des tarifs de ces professions étaient caractérisées par une dispersion normative – comme l’illustre le tableau qui suit – et une grande complexité qui les rendaient peu lisibles.
En deuxième lieu, les révisions tarifaires intervenaient de manière erratique. Elles résultaient, au surplus, de négociations ponctuelles et étaient motivées par des besoins circonstanciels des parties prenantes, du fait, notamment, de l’ancienneté des principes de tarification sous-jacents aux révisions tarifaires et de l’absence de méthodologie globale et objective guidant celles-ci.
TEXTES APPLICABLES AUX TARIFS DE CERTAINES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES AVANT L’ENTRÉE EN VIGUEUR DES NOUVELLES MESURES RÉGLEMENTAIRES
Profession |
Texte(s) applicable(s) |
Administrateur judiciaire |
Décret n° 2006-1709 du 23 décembre 2006 pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 d sauvegarde des entreprises et portant diverses dispositions relatives aux administrateurs judiciaires et aux mandataires judiciaires. Articles R. 814-27 et R. 814-28 du code de commerce (principes généraux) Articles R. 663-3 à R. 663-7, R. 663-9 à R. 663-12 du code de commerce (tarifs suivant actes et procédures). |
Commissaire-priseur judiciaire |
Décret n° 85-382 du 29 mars 1985 fixant le tarif des commissaires-priseurs judiciaires. |
Greffier des tribunaux de commerce |
Décret n° 2007-812 du 10 mai 2007 relatif au tarif des greffiers des tribunaux de commerce et modifiant le code de commerce correspondant à la section III du chapitre III du titre IV du livre VII de la partie réglementaire du code de commerce (articles R. 743-140 à R. 743-157). |
Huissier de justice |
Décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale. |
Mandataire judiciaire |
Décret n° 2006-1709 du 23 décembre 2006 pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et portant diverses dispositions relatives aux administrateurs judiciaires et aux mandataires judiciaires. Articles R. 814-27 et R. 814-28 du code de commerce (principes généraux) Articles R. 663-18 à R. 663-20, R. 663-22 à R. 663-25 du code de commerce renvoyant aux articles R. 663-1 et R. 663-30 du code de commerce. |
Notaire |
Décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires. |
Source : « Professions du droit : des métiers à adapter au XXIème siècle, un modèle à préserver », rapport d’information n° 2475, fait au nom de la commission des Lois, par Mme Cécile Untermaier et M. Philippe Houillon, députés, p. 83.
En troisième lieu, pour certaines professions, une divergence s’est progressivement opérée entre les coûts supportés par les offices et leurs revenus. Celle-ci s’explique en partie par la structure des tarifs de ces professions qui permet un système de péréquation tarifaire entre catégories d’actes et d’activités. Les professions juridiques et judiciaires réglementées réalisent en effet un certain nombre d’actes tarifés en-deçà de leur coût de revient. Ces pertes sont toutefois compensées par des gains réalisés au titre d’autres actes soumis à un tarif ad valorem et, en particulier, pour les notaires, les actes se rapportant à des transactions immobilières. Or, les gains de productivité réalisés par les offices grâce au développement des moyens informatiques et l’évolution des valeurs des biens ou droits auxquels se rapportent certains actes se sont traduits par une surcompensation. Selon l’Inspection générale des finances (42), en 2000, la vente d’un appartement parisien de 60 m2 (prix médian de 172 603 euros) engendrait des émoluments proportionnels de 1 715 euros. En 2012, les émoluments proportionnels perçus pour la vente de ce même appartement (prix médian de 504 000 euros) étaient de 4 569 euros. La hausse des émoluments perçus par le notaire est estimée à 159 %. En province, si la hausse des prix de l’immobilier a été moindre qu’à Paris, elle a toutefois été importante. Les émoluments d’un notaire au titre de la vente d’une maison de 100 m2 à Clermont-Ferrand auraient augmenté de 77 % entre 2002 et 2012.
2. L’article 50 de la loi fixe le principe d’une évolution des tarifs dépendante des coûts pertinents du service rendu et de la rémunération raisonnable
Tout d’abord, face à l’opacité qui résultait de la dispersion normative décrite supra, l’article 50 de la loi a introduit un titre IV bis au livre IV du code de commerce qui unifie les règles relatives aux tarifs réglementés des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunal de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires. Ces tarifs réglementés « prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs » aux termes de l’article L. 444-2 du code de commerce.
Le décret n° 2016-230 du 26 février 2016 précise les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable. Il permet donc de déterminer de manière transparente et objective l’orientation des tarifs réglementés et établit une méthode générale régissant leur évolution. Sur son fondement, des arrêtés conjoints du ministre de la justice et du ministre de l’économie fixent, pour chaque profession, les tarifs réglementés de chaque prestation (article L. 444-3 du code de commerce). La loi prévoit une révision de ces tarifs sur un rythme au moins quinquennal. Cette disposition est nécessaire pour que soient pris en compte les évolutions des prestations des professionnels et des marchés.
Ce principe peut néanmoins faire l’objet de dérogations visant à permettre « une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies ». L’article 50 précise qu’aux fins de cette péréquation, des tarifs peuvent être fixés proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit, dès lors que cette valeur excède un seuil défini par arrêté.
Ajoutant à cette péréquation interne aux offices, la loi prévoit la possibilité de mettre en œuvre une péréquation entre professionnels « afin de favoriser la couverture de l’ensemble du territoire par les professions judiciaires et juridiques et l’accès du plus grand nombre au droit » (troisième alinéa de l’article L. 444-2), via un fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice, dont l’organisation et le fonctionnement doivent être précisés par décret en Conseil d’État.
Pour conseiller le Gouvernement dans sa tâche de fixer les tarifs de ces professions, le législateur a souhaité solliciter l’expertise de l’Autorité de la concurrence :
– l’Autorité doit rendre un avis sur le projet de décret précisant les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable ;
– saisie par le Gouvernement ou de sa propre initiative, l’Autorité peut rendre des avis sur les prix et tarifs réglementés des professions concernées ;
– le Gouvernement informe l’Autorité de tout projet de révision tarifaire, au moins deux mois avant la révision du tarif en cause.
Les acteurs concernés par ces avis doivent être consultés. L’engagement d’une procédure d’avis doit en effet être rendu public dans les cinq jours ouvrables, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs et aux organisations professionnelles ou instances ordinales concernées d’adresser leurs observations à l’Autorité de la concurrence (troisième alinéa de l’article L. 462-2-1).
Pour déterminer les tarifs de chaque prestation et pour que l’Autorité de la concurrence puisse rendre les avis les plus pertinents possibles, la loi prévoit que les ministères de la justice et de l’économie et l’Autorité recueillent toutes données utiles auprès des professionnels, ainsi que des informations statistiques, à définir par décret en Conseil d’État, auprès des instances professionnelles (article L. 444-5).
Enfin, la loi instaure un principe de transparence tarifaire : l’article L. 444-4 dispose à cet effet que les professionnels doivent afficher les tarifs qu’ils pratiquent de manière visible dans leur lieu d’exercice et sur leur site internet.
L’intervention d’un décret en Conseil d’État est donc rendue nécessaire par l’article 50 de la loi pour préciser :
– les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable ;
– les caractéristiques des péréquations internes aux offices (par l’existence de tarifs proportionnels à la valeur du bien ou du droit auquel se rapportent certains actes) et entre les offices (par l’établissement d’un fonds interprofessionnel) ;
– l’organisation et le fonctionnement du fonds de péréquation ;
– la liste des informations statistiques nécessaires à la détermination des tarifs.
Sur la base de ce décret en Conseil d’État, des arrêtés des ministres de la justice et de l’économie fixent, pour chaque profession, le tarif de chaque acte, en se conformant à la méthode qu’il définit.
Le IV de l’article 50 a abrogé à la date du 29 février 2016, l’article 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels qui dispose que : « Tous droits ou émoluments au profit des officiers publics ou ministériels peuvent être créés par décret en Conseil d’État ; ils peuvent être, dans la même forme, modifiés ou supprimés, même s’ils ont fait l’objet de dispositions législatives. ». Le Gouvernement était donc dans l’obligation de publier le décret et les arrêtés concernant les tarifs des officiers publics et ministériels avant cette date, faute de quoi les tarifs réglementés des professionnels concernés auraient été dépourvus de base légale. Ces textes réglementaires ont été publiés le 28 février 2016. Les arrêtés relatifs aux tarifs des administrateurs et des mandataires judiciaires, qui n’étaient pas régis par la loi de 1944 doivent encore être publiés.
B. LE DÉCRET TARIFAIRE : L’INSTAURATION D’UNE MÉTHODE D’ÉVALUATION DES COÛTS PERTINENTS ET DE LA RÉMUNÉRATION RAISONNABLE PAR PRESTATION ET L’ORGANISATION DU FONDS DE PÉRÉQUATION INTERPROFESSIONNEL
1. Le décret précise la méthode de fixation des tarifs et modifie la structure tarifaire
a. La méthode de fixation des tarifs : une approche par prestation dont l’application est retardée
i. Une approche des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable par prestation
Le décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certaines professions du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice a été publié le 28 février 2016. Il insère un titre IV bis du livre IV au code de commerce intitulé « De certains tarifs réglementés » fixant notamment la méthode de fixation des tarifs des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des officiers publics et ministériels. Cette méthode guidera les révisions tarifaires, qui doivent, selon l’article L. 444-3 du code de commerce inséré par l’article 50 de la loi, intervenir au moins tous les cinq ans. Le décret fixe à vingt-quatre mois ce délai, appelé « période de référence ».
Un changement majeur est intervenu entre le projet de décret qui a été adressé à la mission au mois de novembre 2015 et le décret publié après l’avis du Conseil d’État : le projet de décret reçu par la mission d’information appréhendait profession par profession les coûts pertinents et la rémunération raisonnable ; le décret publié s’inscrit, au contraire, dans une logique d’évaluation par prestation de ces deux notions. L’article R. 444-5 précise en effet que « les tarifs régis par le présent titre [le titre IV bis] prennent en compte, pour chaque prestation, les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable ».
Pour saisir les enjeux de cette évolution, il convient d’abord de revenir au texte de la loi. L’article L. 444-2 du code de commerce, inséré par l’article 50 de la loi dispose, en effet, que les tarifs réglementés des professions concernées « prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs », sans toutefois préciser si ces notions s’appliquent à un professionnel de référence pour chaque profession ou si elles s’appliquent acte par acte. Néanmoins, l’article L. 444-2 ajoute que, par dérogation à ce principe, « peut être prévue une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies. Cette péréquation peut notamment prévoir que les tarifs des prestations relatives à des biens ou des droits d’une valeur supérieure à un seuil fixé par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3 soient fixés proportionnellement à la valeur de ce bien ou de ce droit ».
Ainsi, la possibilité de fixer des tarifs proportionnels à la valeur d’un bien ou d’un droit à des fins de péréquation présente-t-elle un caractère dérogatoire au principe de prise en compte par les tarifs des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable. En première analyse, le texte de loi semble donc attacher les notions de coûts pertinents et la rémunération raisonnable à chaque prestation et non à chaque profession. Au surplus, il faut noter que tout en ouvrant la voie au pouvoir réglementaire de décider que certains tarifs soient proportionnels, le législateur ne lui a pas interdit de mettre en œuvre d’autres formes de péréquation, puisque celle-ci peut prendre « notamment » la forme de tarifs proportionnels (deuxième alinéa de l’article L. 444-2 du code de commerce).
Le Gouvernement a donc appliqué ces dispositions en précisant qu’aux fins de la péréquation interne mentionnée à l’article L. 444-2, d’une part, des émoluments proportionnels peuvent être prévus et, d’autre part, « des émoluments fixes peuvent être déterminés en s’écartant de la méthode » fondée sur l’évaluation des coûts pertinents et d’une rémunération raisonnable par acte (article R. 444-5).
En cohérence avec cette approche prestation par prestation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable, le décret indique que (article R. 444-6 et R. 444-7) :
– les coûts pertinents de chaque prestation se composent des coûts directs engendrés par la réalisation de cette prestation par un professionnel diligent et d’une quote-part des coûts indirects (coûts de structure) supportés par ce même professionnel, calculée en proportion de l’activité régulée par rapport à son activité totale ;
– la rémunération raisonnable prend en compte, pour chaque prestation la durée moyenne nécessaire à sa réalisation par un professionnel diligent et la quote-part de la rémunération du capital investi au titre de l’activité régulée de ce professionnel.
À ce stade, plusieurs observations peuvent être faites. Notons que si des indications sont fournies par le décret au sujet de l’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable, ceux-ci ne font pas l’objet d’une définition précise. Plusieurs éléments devront être explicités, au premier rang desquels la définition d’un « professionnel diligent ». De même, la proportion de l’activité régulée du professionnel diligent par rapport à son activité totale devra être déterminée selon des critères qui n’apparaissent pas dans le décret. De la même façon, il est impossible, à la lecture du décret, de comprendre de quelle manière sera calculée la quote-part de la rémunération du capital investi au titre de l’activité régulée du professionnel diligent.
Il reviendra par conséquent au Gouvernement d’apporter des précisions à ces questions, au regard des informations comptables qui lui seront transmises. Il est vrai que la détermination d’une méthode objective, destinée à orienter les tarifs en tenant compte des coûts pertinents du service rendu et d’une rémunération raisonnable, sous-jacente à l’évolution des tarifs, ne peut aller sans une forme de complexité. Cette complexité est la contrepartie à la précision que le schéma général de détermination des tarifs requiert et à la nécessité d’intégrer plusieurs contraintes. Tout d’abord, il est indispensable de définir de façon précise chacune des notions de coûts pertinents et de rémunération raisonnable. Des concepts issus de la microéconomie et de la comptabilité d’entreprise doivent donc être mobilisés. Ensuite, il convient de concilier une approche nécessairement générale avec les disparités de structures de revenus et de coûts entre les professions et, au sein d’une même profession, entre les professionnels, d’autre part. Enfin, des évolutions tarifaires trop brutales doivent être évitées, de manière à garantir une nécessaire prévisibilité des tarifs pour les professionnels et pour leurs clients.
Il faut toutefois garder à l’esprit que malgré le caractère a priori complexe du décret, ce sont les arrêtés qui fixent les tarifs réglementés, prestation par prestation. Le décret tarifaire fixe la liste des actes soumis à un tarif réglementé (sans fixer ce tarif). En réalité, compte tenu des modifications opérées dans la présentation des différents tarifs des professionnels, il résultera de l’entrée en vigueur de ces textes réglementaires une simplification de la nomenclature tarifaire.
ii. L’approche par prestation est plus conforme à la volonté du législateur, mais nécessite une phase d’adaptation
Comme il a été signalé, le projet de décret dont la mission a été destinataire appréhendait les coûts pertinents et la rémunération raisonnable par profession. Le changement qui a été opéré est tout à fait majeur, même si la méthode objective de détermination des tarifs n’est pas encore opérationnelle.
Le président-rapporteur avait fait état de sa surprise au ministre de l’économie, lors de son audition du 15 décembre 2015, d’apprendre, à la lecture du projet de décret, qu’il était envisagé d’évaluer pour chaque profession, les coûts pertinents et la rémunération raisonnable d’un professionnel de référence, alors qu’il lui semblait que « l’enjeu était d’établir un lien direct entre le prix de l’acte et la prestation fournie, plutôt que de savoir quelle devait être la rémunération globale de telle ou telle profession. » Il s’était même interrogé sur la « conformité de l’approche globale par profession et non acte par acte […] avec l’intention du législateur » lors de l’audition de M. Bruno Lasserre et de Mme Virginie Beaumeunier.
Plusieurs éléments viennent d’ailleurs étayer la position selon laquelle l’objectivation de la fixation des tarifs devait être effectuée par prestation et non par profession. D’abord, comme il a été rappelé (voir supra), la loi prévoit la possibilité de tarifs proportionnels seulement à titre dérogatoire au principe de la prise en compte des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable. Une telle précision n’aurait sans doute pas été utile si le législateur souhaitait une approche globale des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable. Ensuite, la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2015(43) semble indiquer qu’il faille adopter une logique par prestation et non par référence à un professionnel moyen dans la détermination des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable. Le Conseil indique en effet au considérant 38 que « les modalités de détermination des "coûts pertinents", qui prennent en compte les coûts supportés par le professionnel pour la réalisation de l’acte, et celles de la "rémunération raisonnable", qui sera fixée au regard de la nature de l’acte et des diligences nécessaires à son établissement, seront définies par le pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge administratif ».
Conformément aux dispositions de l’article L. 444-7 du code de commerce, créé par l’article 50 de la loi, l’Autorité de la concurrence a été amenée à rendre un avis sur le décret publié. Deux avis distincts de l’Autorité ont été rendus au Gouvernement et publiés : le premier est relatif au projet de décret qui présentait une méthode d’objectivation des tarifs par une approche globale ; le second est relatif au projet de décret rectificatif, finalement retenu (44).
Dans chacun de ces avis et lors de son audition par la mission d’information, l’Autorité a exprimé sa préférence pour l’approche globale. Son avis n’a donc pas été suivi sur ce point par le Gouvernement. L’approche finalement retenue par le Gouvernement, après avis du Conseil d’État, peut s’expliquer par un risque d’illégalité du dispositif d’abord envisagé, soulevé semble-t-il par ce dernier.
Pour expliquer sa position, l’Autorité s’est fondée sur des arguments à la fois d’ordre économique et technique.
D’un point de vue économique, l’Autorité considère que la méthode globale de fixation des tarifs avait l’avantage d’inciter les professionnels à engendrer des gains de productivité, dans la mesure où les tarifs prendraient en compte les coûts d’un professionnel de référence. À cet égard, votre président-rapporteur souligne que la méthode par acte peut avoir la même vertu. Les articles R. 444-6 et R. 444-7 du code de commerce, créés par l’article 2 du décret n° 2016-230 font référence à un « professionnel diligent ».
D’un point de vue technique, il est complexe de calculer des coûts de revient par acte, en particulier dans des structures mutualisant les coûts fixes. Comme l’a indiqué M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, lors de son audition du 10 février 2016, l’approche par acte pose des problèmes pratiques : « construire une régulation acte par acte supposerait de collecter toute une série d’informations, dont les professionnels eux-mêmes nous disent ne pas disposer. Ainsi en est-il du temps moyen passé à la rédaction d’un acte, par exemple d’un contrat de mariage ou d’un acte de mutation immobilière. […] Aucune profession de services réglementée – du droit, du chiffre ou de la santé – ne dispose d’une comptabilité analytique lui permettant de connaître précisément les coûts exposés acte par acte, c’est-à-dire le temps passé et la part du capital investi qui « sert » à la prestation ou à la rédaction de l’acte en cause, et aucune ne perçoit non plus une rémunération qui reflète la réalité de ces coûts. Dans les faits, toutes ces professions procèdent à des subventions croisées entre clients et entre services, et l’indicateur pertinent est la rentabilité moyenne dégagée de l’ensemble des prestations ou des services rendus. Bref, compte tenu de l’insuffisance des données, nous ne pouvons pas avoir une connaissance assez fine acte par acte qui nous permette d’approcher la vérité des coûts. ». En définitive, l’Autorité de la concurrence estime qu’il est impossible à court terme d’adopter une telle approche.
Il est vrai que l’approche globale des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable aurait nécessité une quantité d’informations bien moindre que l’approche par acte, puisque seuls le chiffre d’affaires et le résultat net global par profession auraient dû être connus.
Pour autant, aucune des difficultés techniques susmentionnées n’est insurmontable à moyen terme, dès lors que, d’une part, les informations nécessaires à cette méthode sont connues et, d’autre part, que le législateur a prévu des possibilités de déroger à cette méthode dans un objectif de péréquation.
En premier lieu, la loi elle-même (article L. 444-5) dispose que les ministres de la justice et de l’économie ainsi que l’Autorité de la concurrence peuvent recueillir toute donnée auprès des professionnels dont les tarifs sont réglementés par le titre IV bis du livre IV du code de commerce et des informations statistiques auprès des instances représentatives des professionnels, dans le cadre de la procédure de fixation des tarifs. Le décret n° 2016-230 liste, en application de ces dispositions, une série d’informations statistiques concernant chaque profession dans sa globalité, que les instances professionnelles doivent être en mesure de communiquer au Gouvernement et à l’Autorité de la concurrence. Ces informations comportent notamment des estimations (article R. 444-18) :
– du total des sommes investies nécessaires pour l’acquisition d’offices ou d’études, de leur répartition par déciles, et de la valeur moyenne de la somme investie pour l’acquisition d’un office ou d’une étude ;
– du total des sommes autres que celles mentionnées au 1° investies lors de l’installation, de leur répartition par déciles, et de la valeur moyenne de la somme investie pour une installation ;
– du coût total de couverture des risques liés à la responsabilité professionnelle, et du montant moyen de ce coût ;
– du nombre et du taux de défaillance des structures d’exercice ;
– des valeurs moyennes du chiffre d’affaires, du bénéfice, des immobilisations matérielles et du besoin en fond de roulement par office ou étude, ainsi que d’autres indicateurs comptables précisés en tant que de besoin par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé de l’économie, après avis de l’Autorité de la concurrence ;
– du nombre total de prestations réalisées et de la somme totale des émoluments perçus au titre de ces prestations.
Du fait du changement de méthode décrit précédemment, le décret tel qu’il a été publié renforce les exigences de transmission d’informations par rapport au projet de décret initial. En plus des informations décrites que les instances professionnelles devront communiquer au Gouvernement et à l’Autorité de la concurrence, l’article R. 444-20 requiert des professionnels qu’ils tiennent une comptabilité analytique, à compter du 1er janvier 2017. Celle-ci devra :
– présenter distinctement le détail des données relatives aux émoluments et aux honoraires ;
– retracer distinctement les charges afférentes à l’activité réglementée et à l’activité libre ;
– retracer, le cas échéant, la répartition des charges de l’office ou de l’étude avec une structure juridique qui lui est liée.
La mise en place de ce nouveau dispositif dans les offices permettra de disposer d’une information précise sur leurs structures de revenus et de coûts, qui autorisera l’application de la méthode d’objectivation des tarifs par acte.
En second lieu, le décret prévoit que certains actes ne seront pas soumis à une tarification selon les coûts pertinents et la rémunération raisonnable, afin de garantir la péréquation voulue par le législateur. Ces actes sont non seulement ceux qui donnent lieu à un émolument proportionnel à la valeur d’un droit ou d’un bien, mais également certains actes donnant lieu à un émolument fixe. Cette précision réglementaire était nécessaire, compte tenu de l’avis de l’Autorité de la concurrence selon lequel : « une tarification au regard du coût pertinent et de la rémunération raisonnable inhérente à chaque prestation ne s’avère pas appropriée pour certains actes qui doivent nécessairement faire l’objet d’une péréquation » (45).
À court terme cependant, eu égard aux contraintes techniques décrites, la méthode d’objectivation des tarifs ne peut pas s’appliquer. Conséquemment, il a été prévu un dispositif transitoire, dont la durée, dans tous les cas inférieure à deux ans, varie selon les professions.
iii. En pratique, l’orientation des tarifs réglementés s’est inscrite, à court terme, dans une logique globale par profession
Les informations indispensables au calcul des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable par acte ne sont pas disponibles, la grande majorité des professionnels ne disposant pas encore d’une comptabilité analytique. C’est la raison pour laquelle un dispositif transitoire s’applique, jusqu’à ce que puissent être recueillies les informations listées. L’avis de l’Autorité de la concurrence sur le nouveau projet de décret montre que le Gouvernement avait d’abord souhaité que le dispositif transitoire ne s’applique pas au-delà de six mois à compter de la publication du décret. Sur les préconisations de l’Autorité, il a allongé cette durée (46).
L’article 12 du décret énonce en effet que, pour une période maximale de deux ans à compter du 28 février 2016, dans l’attente du recueil des données et informations indispensables à l’application de la méthode par acte, les arrêtés tarifaires qui déclinent cette méthode profession par profession, peuvent fixer provisoirement des émoluments à partir de ceux applicables avant l’abrogation des dispositions réglementaires fixant les anciens tarifs. Les arrêtés relatifs aux tarifs des notaires, des huissiers de justice et des greffiers des tribunaux de commerce fixent la durée de la période transitoire à deux ans (articles 1er de chacun des arrêtés). Seul l’arrêté relatif aux tarifs des commissaires-priseurs judiciaires prévoit une période transitoire de trois mois seulement, qui expire donc au 31 mai 2016 (article 1er de l’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des commissaires-priseurs judiciaires).
Autrement dit, le dispositif fixant les tarifs acte par acte en prenant en compte les coûts pertinents et la rémunération raisonnable (sauf les dérogations prévues) n’entrant pas immédiatement en vigueur, le Gouvernement peut faire évoluer les tarifs des professions en question à partir de ceux anciennement applicables. En pratique, il semblerait que le Gouvernement ait appliqué la méthode globale pour élaborer les arrêtés tarifaires publiés au journal officiel du 28 février 2016, sur le fondement de l’article 12 du décret. Cet article encadre par ailleurs cette première variation des émoluments en la limitant à 5 %.
Les arrêtés du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers des tribunaux de commerce, des huissiers de justice et des notaires ont eu pour effet des baisses de tarifs. Il résulte de l’article 13 du décret n° 2013-230 et de chacun des arrêtés tarifaires (47) que les anciens tarifs demeureront applicables aux prestations effectuées avant le 1er mai 2016 ou dont la réalisation a donné lieu avant le 1er mars 2016 au versement par le client d’un acompte ou d’une provision.
b. Des modifications importantes de la structure et des modalités tarifaires
i. Les arrêtés tarifaires : une baisse des tarifs et une clarification de la nomenclature
Le décret n° 2016-230 fixe de nouvelles règles s’agissant de la structure et des modalités tarifaires, en application de l’article 50 de la loi. Conformément aux dispositions de l’article L. 444-3, des arrêtés du 26 février 2016 fixent les tarifs des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers des tribunaux de commerce des huissiers de justice et des notaires en déclinant les principes du décret précité. Il résulte de ce nouveau dispositif réglementaire à deux étages une clarification de la nomenclature des actes pour tous les professionnels et une baisse tarifaire pour les greffiers des tribunaux de commerce, les notaires et les huissiers de justice. Ainsi, les émoluments perçus par les greffiers de tribunaux de commerce baissent globalement de 5 %, et ceux des notaires et des huissiers de justice de 2,5 %.
Conformément au dispositif transitoire établi par l’article 12 du décret n° 2016-230, le Gouvernement s’est appuyé sur l’ancienne grille tarifaire pour déterminer les nouveaux tarifs. Les émoluments des greffiers des tribunaux de commerce, qui sont tous des émoluments fixes (éventuellement intégrés dans un barème) ont été abaissés de 5 % par l’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs des greffiers des tribunaux de commerce, par rapport aux émoluments déterminés par l’annexe 7-5 du code de commerce.
S’agissant des huissiers de justice, aucune modification substantielle non plus n’a été apportée à la structure des tarifs, sous réserve de la possibilité qui leur est octroyée d’accorder des remises (voir infra). Les émoluments fixes sont diminués de 2,5 %, tout comme les coefficients affectés aux tranches permettant de calculer les émoluments proportionnels. Il en résulte donc une baisse globale des tarifs de 2,5 %.
Le niveau des tarifs des commissaires-priseurs judiciaires n’a pas fait l’objet de modifications. L’arrêté précise que ces professionnels pourront effectuer des remises, à partir de certains seuils (voir infra). Il faut toutefois noter que la période transitoire ne s’appliquera, pour cette profession, que pour une durée de trois mois. Un nouvel arrêté tarifaire devra donc être pris avant le 31 mai 2016.
S’agissant des notaires, la structure tarifaire est modifiée tant par la possibilité d’accorder des remises, sous certaines conditions, que par le plafonnement de la somme des émoluments perçus au titre des prestations relatives à la mutation d’un bien ou d’un droit immobilier à 10 % de la valeur de ce bien ou de ce droit (voir infra).
Comme pour les autres professions, l’article annexe 4-9 du décret n° 2016-230 précise la disposition de l’article L. 444-1 du code de commerce selon laquelle, sauf disposition contraire, les prestations que les professionnels accomplissent en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d’autres professionnels, donnent lieu à des honoraires libres. Ainsi, pour les notaires, la rémunération des consultations, sous réserve qu’elles soient détachables des prestations soumises à un tarif réglementé, est librement négociée entre le notaire et son client. Certaines prestations ont d’ailleurs été dé-tarifées.
Ainsi en est-il de la négociation immobilière (n° 58 du tableau I de l’annexe du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires), pratiquée en concurrence avec les agents immobiliers. Elle ne fera plus l’objet d’une tarification réglementée, mais donnera lieu à des honoraires libres (4 de l’article annexe 4-9 du code de commerce, introduit par le décret n° 2016-230). À l’inverse, l’établissement de déclarations de succession, réalisé par les notaires en concurrence avec les avocats et les conseils en gestion de patrimoine, est un acte qui reste soumis à un tarif réglementé (8 du tableau 5 annexé à l’article R. 444-3 du code de commerce).
Pour ce qui est du niveau des tarifs, on observe, en général, une diminution de 1,4 % des tarifs servant de base au calcul des émoluments fixes et une diminution du même ordre des coefficients affectés aux tranches d’assiette servant de base au calcul des émoluments proportionnels. La baisse globale de 2,5 % des émoluments des notaires résulterait des effets conjugués de ces diminutions tarifaires et du plafonnement prévu à l’article R. 444-9 du code de commerce.
Le décret n° 2016-230 fixe également les règles concernant l’établissement des tarifs des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. À l’inverse des officiers publics et ministériels, les tarifs de ces professionnels n’avaient pas pour fondement juridique l’article 1er de la loi du 29 mars 1944, qui a été abrogée le 29 février 2016, conformément au IV de l’article 50 de la loi. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’était pas tenu de publier les arrêtés les concernant avant cette date. Pour autant, ces arrêtés devraient intervenir dans un futur proche, le décret tarifaire reprenant précisément la plupart des principes de tarification de ces professionnels acte par acte, tel qu’ils existent dans le code de commerce (sous-sections 1 à 3 de la section 2 du chapitre III du titre IV du livre VI de la partie réglementaire du code de commerce), sans fixer les tarifs.
ii. La possibilité pour les professionnels d’octroyer des remises
L’article 50 de la loi ouvre aux professionnels la possibilité d’octroyer des remises, sous certaines conditions. Dans le cas d’un tarif proportionnel, l’article L. 444-2 du code de commerce dispose ainsi que des remises peuvent être consenties si l’assiette à laquelle le tarif se rapporte est supérieure à un seuil défini par les arrêtés tarifaires. Le taux des remises octroyées doit alors être compris dans des limites définies par voie réglementaire. Le cas échéant, chaque professionnel devra octroyer un taux de remise fixe et identique pour tous ses clients, pour chaque prestation pour laquelle cette possibilité est ouverte.
Le décret n° 2016-230 précise que les taux de remises maximales que les professionnels pourront pratiquer sont déterminés par les arrêtés tarifaires, sans que ces remises ne puissent excéder 10 % de l’émolument arrêté pour la prestation (article R. 444-10 du code de commerce), hors des cas spécifiquement déterminés pour lesquels la limite est portée à 40 %.
Ces derniers ne concernent que des prestations réalisées par des notaires. Conformément aux dispositions de l’article L. 444-2 du code de commerce, l’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires précise que les taux de remises qui pourront atteindre 40 % de la valeur de l’assiette seront applicables à la part d’émolument calculée sur les tranches d’assiette supérieures ou égales à 10 millions d’euros (article A. 444-174 du code de commerce).
Dans l’ancien dispositif, le notaire pouvait convenir avec son client de remises partielles dans le cas où les émoluments qui leur étaient dus au titre de l’acte excédaient 80 000 euros, correspondant à une transaction immobilière d’au moins 9,6 millions d’euros. La remise, dont le taux était libre, ne portait alors que sur la part des émoluments supérieure à 80 000 euros (article 3 du décret n° 78-262). En-deçà de ce plafond, les notaires pouvaient consentir des remises partielles, mais seulement avec l’autorisation de la chambre dont ils dépendent. Comme il a été indiqué, l’arrêté tarifaire précise que le taux de remise dérogatoire n’est applicable qu’à la part d’émolument calculée sur les tranches supérieures ou égales à 10 millions d’euros. Par conséquent, le taux de remise maximal de 40 % applicable sur la part d’émolument calculée sur les tranches supérieures ou égales à 10 millions d’euros constitue en fait un encadrement de la situation actuelle. Mme Christiane Taubira, lors de son audition par la mission d’information, avait d’ailleurs souligné qu’actuellement, il n’est pas rare que ces remises atteignent 60 % ou 70 % de la part des émoluments supérieurs à 80 000 euros.
Trois types d’opérations sont concernés par ce taux maximal de 40 %.
Il s’agit d’abord d’opérations et de prestations relatives à la mutation ou au financement de biens ou droits à usage non résidentiel. Le ministre de l’économie a justifié ce taux dérogatoire par l’existence d’une concurrence entre les notaires et les avocats pour ce type de prestations (48). Ces opérations peuvent en effet donner lieu à un arbitrage de la part des investisseurs immobiliers, lesquels peuvent choisir d’investir soit directement dans le bien immobilier, soit indirectement, via une structure juridique dédiée, telle une société civile immobilière (SCI).
La réalisation d’un investissement direct requiert un acte authentique, nécessairement rédigé par un notaire. Dans le cadre d’un investissement via une structure juridique dédiée, l’investisseur n’acquiert pas directement le bien immobilier, mais acquiert les parts d’une société qui détient l’actif immobilier. Dans ce cas, l’acte d’acquisition est de forme libre et n’est pas nécessairement un acte authentique. L’investisseur peut donc avoir recours à l’expertise d’un avocat plutôt qu’à celle d’un notaire.
Le choix de l’investisseur de recourir à l’un ou à l’autre de ces procédés repose sur des critères liés au mode de financement de l’acquisition et à la fiscalité. Il existe donc une concurrence entre les notaires et les avocats sur ce type de prestations. La rémunération des notaires est réglementée, à la différence de celle des avocats. C’est la raison pour laquelle il paraît justifié que les notaires puissent consentir des remises qui représentent une proportion substantielle de l’émolument qui leur est dû.
Ce régime dérogatoire ne concernera qu’un nombre limité de transactions, mais l’enjeu économique du marché de l’immobilier professionnel est considérable : il représentait en 2014, 25 milliards d’euros environ. La plus grande partie du volume d’investissements se concentre sur des opérations d’un montant supérieur à 50 millions d’euros (49).
Il s’agit ensuite de certaines prestations portant sur la mutation ou le financement de biens ou droits à usage résidentiel, lorsqu’elles se rapportent à un objectif de développement du parc de logements sociaux ou portent sur des biens ou droits relevant de la législation sur les logements sociaux. Cette autre exception à la règle s’inscrit donc dans la politique de dynamisation de la construction de logements sociaux que le Gouvernement a engagée depuis 2012.
Il s’agit enfin, des opérations de mutation à titre gratuit de parts ou actions de sociétés ou de biens immobiliers corporels ou incorporels affectés à l’exploitation d’une entreprise bénéficiant du dispositif dit « Dutreil ». Le « dispositif Dutreil », prévu aux articles 787 B et 787 C du code général des impôts, exonère de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions d’une société transmise par décès ou entre vifs (article 787 B) et les biens, notamment immeubles, corporels ou incorporels, affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle (article 787 C). Ce régime est subordonné principalement au respect d’un engagement de conservation des titres de la société ou des biens, notamment immeubles, affectés à l’exercice de la profession. Dans ce cas, le taux maximum de 40 % se justifie par l’objectif de favoriser la transmission d’entreprises familiales.
Hors ces cas dérogatoires spécifiques aux notaires, les professionnels pourront accorder des remises allant jusqu’à 10 % du montant de la part de l’émolument calculée sur des tranches supérieures à un certain seuil. Ces seuils varient selon les professions et les prestations.
Les notaires pourront accorder à leurs clients des remises allant jusqu’à 10 % de la part de l’émolument calculée sur les tranches d’assiette supérieures ou égales à 150 000 euros (article R. 444-175 du code de commerce).
Pour les huissiers de justice, si le même taux maximum de 10 % est retenu, l’arrêté tarifaire distingue deux seuils d’application des remises (article A. 444-52 du code de commerce) :
– les remises sur le droit d’engagement de poursuites s’appliquent à la part des émoluments calculé sur les tranches de montant de créance supérieure ou égaux à 3 040 euros ;
– les remises sur les émoluments proportionnels de recouvrement et d’encaissement s’appliquent à la part d’émolument calculée sur les tranches de montants encaissés ou recouvrés supérieurs ou égaux à 52 400 euros.
Les remises que pourront octroyer les commissaires-priseurs judiciaires répondent aux mêmes principes. Deux seuils sont encore distingués :
– un seuil d’un million d’euros pour les émoluments perçus au titre des prisées ;
– un seuil de 6 000 euros pour la vente aux enchères publiques de meubles corporels ou incorporels.
iii. Le plafonnement de la somme des émoluments perçus au titre des prestations relatives à la mutation d’un bien ou d’un droit à 10 % de la valeur du bien ou du droit et l’instauration d’un émolument minimum de 90 euros
Le décret (article R. 444-9 du code de commerce tel qu’introduit par l’article 2 du décret) prévoit un plafonnement de la somme des émoluments perçus au titre d’une prestation relative à la mutation d’un bien ou d’un droit immobilier à 10 % de la valeur de ce bien ou de ce droit. Les actes pour lesquels ce plafonnement aura un effet se rapportent à des biens d’une valeur inférieure à 10 000 euros environ.
La mise en place de ce plafonnement n’est en aucune façon une exigence législative. Il s’agit d’une initiative du Gouvernement qu’il justifie par la nécessité de réduire le coût des actes se rapportant à des biens ou droits de faible valeur. Ce coût, parfois prohibitif au regard de la valeur du bien ou du droit en question, entrave la réalisation de certaines transactions. Son plafonnement permettra donc de dynamiser la mobilité foncière. Dans un communiqué de presse publié le 4 mars 2016, M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ont affirmé qu’il favorisera, en particulier, la restructuration du foncier forestier.
Aujourd’hui, la rémunération totale du notaire au titre de ces « petits actes » représente une proportion d’autant plus importante de la valeur du bien ou du droit que cette valeur est faible. Ce phénomène s’explique par la structure de cette rémunération, laquelle se compose, d’une part, d’un émolument perçu au titre de l’acte lui-même, dont le tarif est fixé proportionnellement à la valeur du bien ou du droit et, d’autre part, d’émoluments à tarifs fixes, perçus au titre des formalités nécessaires à l’acte. La somme de ces émoluments de formalités peut représenter plusieurs centaines d’euros.
À titre d’exemple, une vente type d’un bien immobilier d’une valeur de 5 000 euros engendre, jusqu’à l’application des nouvelles grilles tarifaires, une rémunération, proportionnelle à la valeur du bien de 200 euros au titre de l’acte lui-même (50).Viennent s’ajouter à cet émolument des émoluments fixes de formalités dont la somme est en moyenne de 741 euros pour une vente (51). Au total, pour cette vente d’un bien d’une valeur de 5 000 euros, le notaire est rémunéré 941 euros, soit 18,8 % de la valeur du bien.
En outre, dans le système qui sera bientôt abandonné, l’émolument proportionnel perçu par le notaire au titre de l’acte ne peut être inférieur à 78 euros pour les actes reçus en minute et à 58,50 euros pour les actes reçus en brevet (52). Dans le cas d’une vente d’un bien immeuble, par exemple, pour laquelle l’acte est reçu en minute, l’émolument proportionnel minimum est effectif pour une valeur inférieure à 1 950 euros.
MONTANT DES ÉMOLUMENTS DU NOTAIRE POUR UNE VENTE TYPE D’UN BIEN IMMEUBLE D’UNE VALEUR INFÉRIEURE À 10 700 EUROS, SELON L’ANCIENNE GRILLE TARIFAIRE
Note de lecture : pour un bien d’une valeur de 5 000 euros, la rémunération totale du notaire, selon l’ancienne grille tarifaire, sera de 941 euros, soit 18,8 % de la valeur du bien.
Source : mission d’information.
Le plafonnement résultant de l’article R. 444-9 aura, par conséquent, un impact majeur sur les émoluments des actes de mutation des biens et droits immobiliers de faible valeur, comme illustré par le tableau ci-dessous. Pour la vente d’une parcelle d’une valeur de 8 000 euros, par exemple, la somme des émoluments du notaire sera plafonnée à 800 euros, soit un gain de 212 euros pour l’acquéreur, par rapport à une situation fictive dans laquelle le plafond ne serait pas applicable (53).
ESTIMATION DES EFFETS DU PLAFONNEMENT PRÉVU PAR LE DÉCRET N° 2016-230 SUR UNE VENTE IMMOBILIÈRE TYPE, SELON LA NOUVELLE GRILLE TARIFAIRE
Valeur du bien |
Émolument proportionnel |
Rémunération des formalités (54) |
Rémunération théorique avant plafonnement |
Rémunération après plafonnement |
Effet du plafonnement pour le client |
700 € |
28 € |
731 € |
759 € |
90 € |
669 € |
800 € |
32 € |
731 € |
763 € |
90 € |
673 € |
900 € |
36 € |
731 € |
767 € |
90 € |
677 € |
1 000 € |
39 € |
731 € |
770 € |
100 € |
670 € |
1 500 € |
59 € |
731 € |
790 € |
150 € |
640 € |
3 000 € |
118 € |
731 € |
849 € |
300 € |
549 € |
4 000 € |
158 € |
731 € |
889 € |
400 € |
489 € |
5 000 € |
197 € |
731 € |
908 € |
500 € |
428 € |
6 000 € |
237 € |
731 € |
928 € |
600 € |
367 € |
6 400 € |
252 € |
731 € |
948 € |
640 € |
343 € |
6 500 € |
256 € |
731 € |
967 € |
650 € |
337 € |
7 000 € |
265 € |
731 € |
983 € |
700 € |
295 € |
8 000 € |
281 € |
731 € |
987 € |
800 € |
212 € |
9 000 € |
297 € |
731 € |
989 € |
900 € |
128 € |
10 000 € |
313 € |
731 € |
995 € |
1 000 € |
44 € |
10 500 € |
322 € |
731 € |
1 012 € |
1 050 € |
2 € |
10 530 € |
322 € |
731 € |
1 020 € |
1 053 € |
0 € |
10 600 € |
323 € |
731 € |
1 015 € |
1 060 € |
-6 € |
Source : mission d’information
M. Bruno Lasserre a indiqué, devant la mission d’information, que l’Autorité de la concurrence avait émis un avis favorable à cette disposition, le justifiant par l’objectif de réduire le coût de la mobilité foncière, impératif d’intérêt général. Il a toutefois ajouté qu’une réflexion pourrait être engagée sur le coût total de ces opérations et, en particulier, sur leur fiscalité. Ainsi, de la même manière qu’il est envisagé de plafonner les émoluments à 10 % de la valeur du bien ou du droit, les droits d’enregistrement pourraient également être plafonnés, selon lui. Il est vrai qu’on ne saurait présenter la baisse des tarifs comme un catalyseur d’opérations de mutation sur des biens de faible valeur sans engager une réflexion sur la fiscalité afférente.
L’objectif sous-jacent à cet écrêtement est louable. À la lecture du projet de décret qui a été adressé à la mission par le Gouvernement, votre président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier ont toutefois fait part de leur crainte s’agissant des effets qu’il induira sur la rentabilité des offices situés dans les territoires ruraux, en particulier lors de l’audition de Mme Christiane Taubira, le 12 janvier 2016 (55).
Ils ont proposé au Gouvernement que le plafonnement s’accompagne de la garantie pour le professionnel de percevoir une somme minimale au titre de l’acte et des formalités. Le principe de cette somme plancher, qui n’était pas prévu dans le projet de décret, a été ajouté, conformément aux préconisations de la mission d’information. L’article R. 444-9 précise par conséquent que la somme des émoluments perçus au titre des prestations relatives à la mutation d’un bien ou d’un droit immobilier ne peut pas être inférieure à un montant fixé par arrêté, ce montant étant lui-même nécessairement inférieur à 90 euros. Si votre président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier se réjouissent qu’ait été retenu le principe d’un émolument minimum, ils jugent son montant d’un niveau trop faible et proposent que celui-ci soit relevé.
SIMULATION DES EFFETS DE L’ÉCRÊTEMENT PRÉVU À L’ARTICLE R. 444-9 DU CODE DE COMMERCE AVEC APPLICATION DE LA NOUVELLE GRILLE TARIFAIRE
Note de lecture : la partie hachurée correspond à la différence entre la rémunération théorique du notaire en l’absence de plafonnement et la rémunération après plafonnement.
Source : mission d’information. Les émoluments rémunérant l’acte et les formalités se fondent sur les tarifs de la grille résultant de la publication de l’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs des notaires
Le ministre de l’économie a expliqué que l’effet-prix négatif pour les offices au titre de la réalisation de ces actes sera atténué, voire compensé par un effet-volume positif du fait de l’augmentation du nombre des transactions.
Votre président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier ont toujours exprimé leur attachement au développement d’un maillage territorial satisfaisant des offices publics et ministériels. C’est d’ailleurs l’objectif de la réforme de l’accès à ces professions. C’est pourquoi ils insistent sur la nécessité d’évaluer rapidement et avec précision l’impact de cette disposition sur les offices, à l’aide, notamment, des données statistiques et comptables qui vont être progressivement fournies par les professionnels. Les offices situés dans les territoires ruraux devront faire l’objet d’une attention particulière. Le fait que le ministre ait souhaité que lui soient signalés d’éventuels cas concrets de déstabilisation de certains offices et que des contacts aient semble-t-il été établis entre son cabinet et certains offices ruraux, s’inscrit dans ce sens (56).
En tout état de cause, le fonds de péréquation doit être rapidement opérationnel. Il permettra de distribuer aux professionnels, sous certaines conditions, des aides à l’installation et au maintien au titre de prestations proportionnelles dont l’assiette est inférieure à un certain seuil (article R. 444-27 du code de commerce introduit par le décret n° 2016-230).
iv. Les cas de majoration des émoluments se rapportant à certaines prestations
• Les prestations réalisées en urgence
Le décret n° 2016-230 encadre les prestations réalisées en urgence, lesquelles donnaient lieu à des honoraires libres.
Selon le projet de décret qui était parvenu initialement à la mission d’information, une majoration des émoluments pouvait être prévue par les arrêtés tarifaires, dans le cas où la prestation était réalisée dans un délai inférieur à un délai de référence fixé par ces mêmes arrêtés tarifaires. Il ajoutait que le taux de majoration ne pouvait pas être supérieur à 30 %.
Des modifications ont été apportées à ce projet, puisqu’aux termes de l’article R. 444-11 du code de commerce, pour chaque profession, l’arrêté tarifaire « peut prévoir la majoration des émoluments afférents à des prestations qu’il détermine, sans que cette majoration puisse excéder 150 euros ou, si le montant dépasse 500 euros, 30 % de cet émolument, pour le cas où, à la demande du client, et pour des raisons pouvant tenir notamment à la nécessité de sauvegarder un droit, un bien ou une preuve, le professionnel réalise la prestation prévue dans un délai inférieur à un délai de référence » fixé par le même arrêté.
Le changement opéré par le texte finalement publié, par rapport à sa version précédente, s’explique sans doute par l’impératif de rémunérer convenablement certaines prestations réalisées en urgence et donnant lieu à de faibles émoluments. Ce problème a été souligné, en particulier, par M. Éric Piquet, président de l’Union nationale des huissiers de justice et par M. Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des huissiers de justice, lors de leurs auditions respectives par Mme Cécile Untermaier, le 9 décembre 2015 et le 12 janvier 2016.
L’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice décline les principes du décret. À titre d’exemple, l’article A. 444-12 du code de commerce détermine les prestations qui peuvent donner lieu à un tarif majoré dès lors qu’elles sont réalisées dans un délai inférieur à un délai de référence qui est précisé.
PRESTATIONS SUSCEPTIBLES DE FAIRE L’OBJET D’UNE MAJORATION SELON L’ARRÊTÉ DU 26 FÉVRIER 2016 FIXANT LES TARIFS DES HUISSIERS DE JUSTICE
Numéro de la prestation |
Désignation de la prestation |
Tarif normal |
Délai de référence |
Tarif majoré |
Taux de majoration |
1 |
Assignation |
18,23 € |
24 heures |
90 € |
394 % |
2 |
Signification de décision de justice |
25,74 € |
24 heures |
90 € |
250 % |
88 |
Assignation du débiteur saisi à comparaître devant le juge de l’exécution à une audience d’orientation |
26,81 € |
24 heures |
90 € |
236 % |
89 |
Dénonciation aux créanciers inscrits valant assignation à comparaître |
26,81 € |
24 heures |
90 € |
236 % |
90 |
Sommation de prendre communication du cahier des charges |
26,81 € |
24 heures |
90 € |
236 % |
91 |
Sommation de prendre parti |
32,18 € |
24 heures |
90 € |
180 % |
109 |
Congés et demandes de renouvellement de bail commercial, prévus aux articles L. 145-9 et L. 145-10 |
46,12 € |
24 heures |
90 € |
95 % |
110 |
Congés et offres de renouvellement de bail rural |
78,29 € |
24 heures |
90 € |
15 % |
131 |
Signification 503 cpc - rappel de l’art. 797 cpcl |
25,74 € |
24 heures |
90 € |
250 % |
132 |
Signification ordonnance rendue sur requête - art 167 loi 1er juin 1924 (et 950 cpc) |
25,74 € |
24 heures |
90 € |
250 % |
133 |
Signification d’une ordonnance de taxe |
25,74 € |
24 heures |
90 € |
250 % |
134 |
Signification d’une décision rendue par le tribunal d’instance en matière de droit local (pouvoir immédiat) |
25,74 € |
24 heures |
90 € |
250 % |
144 |
Signification d’un PV de débats - art. 147 loi du 1/06/1924 |
25,74 € |
24 heures |
90 € |
250% |
145 |
Convocation - art. 147 loi du 1/06/1924 |
25,74 € |
24 heures |
90 € |
250% |
146 |
Convocation art. 225 loi du 1/06/1924 |
25,74 € |
24 heures |
90 € |
250% |
Source : mission d’information, d’après l’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice
Dans chacun de ses avis sur les projets de décret qui lui ont été soumis, l’Autorité de la concurrence a déploré le manque de précision du champ d’application de ces majorations éventuelles, craignant que ces majorations, en principe exceptionnelles, ne puissent devenir la règle. L’Autorité, en raison de ce risque de banalisation, avait proposé de supprimer ce tarif majoré. À défaut, elle avait recommandé que les situations susceptibles de justifier un tarif majoré soient limitativement définies au vue d’une situation objective. La nouvelle rédaction mentionne, suivant cet avis, certaines situations pouvant entraîner une tarification majorée : la majoration peut intervenir « pour des raisons pouvant tenir notamment à la nécessité de sauvegarder un droit, un bien ou une preuve » (article R. 444-11).
L’Autorité avait également préconisé qu’il soit expressément indiqué que seules les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire puissent bénéficier de tarifs majorés. Il n’a pas été tenu compte de ces recommandations dans le décret. En revanche, seul l’arrêté fixant le tarif des huissiers prévoit, pour le moment, des prestations pouvant entraîner cette majoration.
• Les tarifs applicables dans certains départements d’outre-mer et certaines collectivités d’outre-mer
Plusieurs dispositions du décret n° 2016-230 réservent à certains départements et collectivités d’outre-mer un régime dérogatoire de majoration des émoluments des huissiers de justice et des notaires. Ce régime dérogatoire était déjà prévu dans l’ancien schéma tarifaire. Le décret reprend les mêmes taux de majoration que les taux existants dans le droit en vigueur. Des taux de majoration des tarifs réglementés de 30 % pour les huissiers de justice et de 25 % pour les notaires sont toutefois ajoutés pour les prestations réalisées dans les Iles Wallis et Futuna. Aucune majoration n’est prévue, concernant les tarifs réglementés des notaires à Saint-Pierre-et-Miquelon. Tel n’est pas le cas pour les tarifs des huissiers de justice, pour lesquels la majoration de 30 % est maintenue dans cette collectivité d’outre-mer. Cette différence est le signe d’une certaine incohérence d’un dispositif qui peut être amélioré.
TAUX DE MAJORATION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DANS CERTAINS DÉPARTEMENTS COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER
Huissiers de justice |
Notaires | |
Guadeloupe, Guyane et Martinique |
30 % R. 444-58 du code de commerce |
25 % R. 444-68 du code de commerce |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
30 % R. 914-2-1 du code de commerce |
NA |
Mayotte |
30 % R. 924-3 du code de commerce |
40 % R. 924-4 du code de commerce |
Iles Wallis et Futuna |
30 % R. 954-2 du code de commerce |
25 % R. 954-3 du code de commerce |
Source : mission d’information, d’après le décret n° 2016-230.
Si le principe d’une majoration des tarifs réglementés dans ces territoires paraît justifié, eu égard à leurs situation particulières et aux différentiels de prix avec l’hexagone, son niveau est discutable.
L’Autorité de la concurrence a regretté que les taux de majoration applicables ne soient pas plus en rapport avec le niveau réel des prix dans ces territoires. Ainsi, elle cite une étude de l’INSEE de juillet 2010 (57) selon laquelle le différentiel de prix avec l’hexagone était de 13 % pour la Guyane, de 8 % pour la Guadeloupe et de 10 % pour la Martinique, c’est-à-dire des taux éloignés des taux de majoration prévus. L’étude souligne, en outre, la stabilité de ces écarts depuis 1985.
De surcroît, comme le souligne l’Autorité, les phénomènes de rente indue sont accentués dans certains de ces territoires, compte tenu du faible nombre d’offices.
Votre président-rapporteur s’associe à l’Autorité de la concurrence pour déplorer que des taux de majoration si élevés soient applicables dans certains territoires d’outre-mer.
2. Les principes régissant l’organisation et le fonctionnement du fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice
La section 2 du titre IV bis prévue introduite par décret n° 2016-230 dans le code de commerce conformément aux dispositions de l’article 50 de la loi, précise l’organisation et le fonctionnement du fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice, ainsi que la composition du conseil d’administration par lequel est administrée la personne morale de droit privé qui le gère, appelée « Société de gestion du fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice ».
Le décret précise que le fonds a une double finalité (article R. 444-22) :
– d’une part, il favorise la couverture de l’ensemble du territoire national par les commissaires-priseurs judiciaires, les huissiers de justice, les notaires, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires ;
– d’autre part, il favorise « l’accès au droit du plus grand nombre », sans que soient mentionnés les professionnels concernés ni les dispositifs qui seront financés. Il conviendra par conséquent de s’assurer que le fonds financera bien l’aide juridictionnelle et les dispositifs d’accès au droit comme les maisons de la justice et du droit. Votre président-rapporteur et Mme Cécile Untermaier insistent sur ce point. Dans une réponse à un questionnaire envoyé par la mission, la Chancellerie s’est dite « attachée à ce que ce fonds soit affecté en partie au financement de l’aide juridictionnelle ».
Pour ce qui est du premier objectif, deux types d’aides seraient financés par le fonds : des aides à l’installation d’une part (paragraphe 1 de la sous-section1) ; des aides au maintien d’autre part (paragraphe 2 de la sous-section 1). Pour chacun de ces deux types d’aides, le décret définit les critères d’éligibilité (notamment des critères de chiffre d’affaires et de résultat) et les modalités de versement. Il précise par ailleurs que ces aides seront distribuées exclusivement dans certaines zones géographiques qu’un arrêté devra déterminer.
Les aides à l’installation sont destinées à soutenir les installations dans les offices vacants ou créés et pour la création ou la reprise d’études d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire. Ces aides sont perçues au titre des prestations dont les tarifs sont réglementés pour une durée n’excédant pas trois ans suivant l’installation du professionnel. Des conditions au bénéfice de ces aides sont énumérées. Selon l’article R. 444-23 du code de commerce, les professionnels sont éligibles à ces aides dès lors qu’ils n’ont pas perçu :
– d’aide de ce type pendant les cinq années précédant l’installation ;
– une somme totale supérieure à 210 000 euros au titre de bénéfices ou de salaires nets imposables au cours des trois derniers exercices comptables clos ou années civiles précédant l’installation ;
– un résultat annuel supérieur à 70 000 euros au titre de l’exercice comptable ouvert au cours de l’année civile de réalisation des prestations pour lesquelles l’aide est sollicitée.
Les aides au maintien ne peuvent être octroyées que sous trois conditions cumulatives :
– le chiffre d’affaires annuel hors taxes moyen hors aides et hors honoraires réalisé au cours des trois derniers exercices comptables clos est inférieur au premier décile de chiffre d’affaires de la profession concernée, constaté à partir des dernières données disponibles sur une période d’au moins deux ans. Alors que le premier projet de décret fixait à 200 000 euros le chiffre d’affaires hors taxe moyen réalisé sur les trois derniers exercices clos maximum pour bénéficier des aides au maintien, le décret ne prévoit plus un plafond en valeur absolu, mais détermine un plafond en valeur relative ;
– le bénéfice moyen au cours des trois derniers exercices comptables clos est inférieur à 75 000 euros ;
– le ratio des charges annuelles rapportées au chiffre d’affaires, calculés sur le dernier exercice clos, n’est pas supérieur à 80 %.
Un professionnel ne remplissant pas ces conditions pourra toutefois bénéficier de l’aide s’il met en œuvre un engagement de réduction de ses coûts selon des modalités qui devront être déterminées par arrêté.
Le montant des subventions sera fixé par la société de gestion du fonds. Les aides à l’installation et au maintien seront versées sous la forme de subventions d’un montant fixe versé pour chaque prestation pourvu qu’elles donnent lieu à un émolument proportionnel et qu’elles portent sur une assiette inférieure à un seuil fixé par arrêté lui-même inférieur à 80 000 euros pour chaque profession concernée (article R. 444-27). Remarquons que certaines prestations réalisées au titre des « petits actes » mentionnés supra pourront bénéficier des aides, sous réserve des conditions d’octroi qui ont été exposées. Le versement de ces subventions est soumis à un double plafond : d’une part, pour chaque prestation, l’aide ne pourra excéder un plafond fixé par arrêté, lequel devra être inférieur à 100 euros ; d’autre part, un professionnel ne pourra pas percevoir plus de 50 000 euros par an.
Le conseil d’administration de la société de gestion du fonds sera composé de cinq administrateurs, selon l’article R. 444-37 de la sous-section 2 de la section 1 : le président du conseil d’administration est choisi par le Premier ministre parmi les magistrats de la Cour des comptes ; quatre administrateurs seraient nommés respectivement par le ministre de la justice, le ministre de l’intérieur, le ministre chargé de l’économie, et le ministre chargé des collectivités territoriales.
Un comité consultatif des aides au droit et à la justice est créé par l’article R. 444-38. Il donnera son avis, à la demande du conseil d’administration, sur toute question relative à la gestion administrative, comptable et financière du fonds. Il comprendra huit membres : deux professeurs des universités, un administrateur judiciaire, un commissaire-priseur judiciaire, un greffier du tribunal de commerce, un huissier de justice, un mandataire judiciaire et un notaire. La présence d’un avocat au sein de ce comité n’est pas prévue. On peut remarquer que les avocats ne sont pas représentés non plus au conseil d’administration de la société de gestion du fonds (article R. 444-37), lequel a pour charge de fixer le montant des subventions et d’étudier la recevabilité des aides. Cela laisse à penser que ces derniers ne pourront bénéficier ni des aides au maintien ni des aides à l’installation.
Si le décret fixe les principes régissant l’organisation et le fonctionnement du fonds, celui-ci n’est pas opérationnel. La question de son financement demeure d’ailleurs en suspens.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 5 août 2015, a censuré une disposition de l’article 50, instaurant une contribution qui devait financer ce fonds, le législateur n’ayant pas fixé son assiette avec suffisamment de précision, celle-ci dépendant de décisions du pouvoir réglementaire. En effet, cette contribution était assise sur la valeur de tout bien ou sur le montant de tout droit, supérieur à un seuil de 300 000 euros, pour lequel un tarif était fixé proportionnellement à cette valeur ou à ce droit. Ce seuil pouvait encore être modifié par arrêté. Étaient redevables de cette contribution les titulaires d’un office de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’huissier de justice ou de notaire, ou les personnes exerçant l’activité de mandataire ou d’administrateur judiciaire. Étaient également redevables de la contribution les avocats au titre des droits et émoluments perçus en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires.
D’après les auditions menées par la mission d’information, il a été envisagé que le fonds lui-même soit financé par une taxe sur le chiffre d’affaires des professionnels et non pas par une contribution sur les tarifs proportionnels de certains actes relatifs à des biens ou droits de grande valeur. Or, les taxes sur le chiffre d’affaires, si elles ont l’avantage de la simplicité, ne traduisent qu’imparfaitement les capacités contributives des professionnels, lesquelles dépendent des structures de revenus et de coûts des offices ou cabinets. Le dispositif initialement envisagé avait l’avantage de mettre à contribution, de façon transparente, les professionnels qui réalisent les actes les plus rémunérateurs, pour assurer la viabilité économique des offices multipliant les actes peu rentables. Votre président-rapporteur salue l’initiative du ministre de l’économie consistant à mettre en place un groupe de travail qui associerait les parlementaires et le Gouvernement pour tenter de trouver une solution alternative à une taxe sur le chiffre d’affaires. La Chancellerie fait part de son attachement à ce que « soit maintenu le principe de taxation des actes » dans la réponse au questionnaire susmentionné.
III. LA FACILITATION DE LA MISE À DISPOSITION DU PUBLIC DES DONNÉES DU REGISTRE NATIONAL DU COMMERCE ET DES SOCIÉTÉS
L’article 60 de la loi facilite l’accès du public au registre du commerce et des sociétés (RCS), conformément aux recommandations de Mme Cécile Untermaier dans le cadre de la mission d’information de la commission des lois sur les professions juridiques réglementées (proposition n° 15), de l’Autorité de la concurrence dans son avis relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions juridiques réglementées (58), ainsi que de votre président-rapporteur (59).
Les articles L. 123-6 du code de commerce et L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle organisent les modalités de gestion des données sur les entreprises contenues dans le RCS. Il résulte des dispositions de ces deux articles :
– un monopole des greffiers des tribunaux de commerce sur la collecte des données, le législateur leur ayant confié une mission de contrôle des demandes d’immatriculation, de modification ou de radiation, ainsi que des pièces et des actes qui doivent être déposés en annexe du RCS ;
– un duopole des greffiers des tribunaux de commerce et de l’Institut national de propriété intellectuelle (INPI), s’agissant de la gestion et de la diffusion des informations relatives aux entreprises.
Seuls les greffiers des tribunaux de commerce et l’INPI sont habilités à délivrer à toute personne qui en fait la demande des certificats, copies ou extraits des inscriptions portés au RCS et des actes déposés en annexe.
Pour assurer la diffusion de l’information légale des entreprises, les greffiers des tribunaux de commerce ont constitué en 1986 un groupement d’intérêt économique (GIE) dénommé Infogreffe, se fondant sur l’article R. 741-5 du code de commerce qui autorise les greffiers à s’associer au sein de telles structures.
De son côté, à partir de 1993, l’INPI avait confié à la société OR-Télématique une concession de service public portant sur la saisie, la numérisation le stockage et la diffusion des données du RCS. Depuis un accord conclu le 3 avril 2009 entre l’INPI et les greffiers des tribunaux de commerce, l’INPI n’intervient plus, ni dans l’alimentation ni dans la diffusion aux opérateurs spécialisés dans la valorisation des données économiques, des licences de réutilisation des données issues du RCS. Cet accord a donc fait d’Infogreffe un acteur incontournable pour l’accès aux données légales de 3,5 millions d’entreprises françaises.
Bien que les prestations assurées par Infogreffe ne paraissent pas contrevenir au droit de la concurrence (60), étant donné que les tarifs pratiqués résultent de dispositions légales ou réglementaires, le rôle des greffiers des tribunaux de commerce pouvait être discuté pour deux raisons principales :
– certaines des données en question peuvent présenter un caractère public, comme les décisions de tribunal de commerce en matière de procédures collectives ou des éléments contenus dans l’extrait K ou Kbis qui renseignent sur l’activité de l’entreprise ;
– la diffusion assurée par Infogreffe porte sur des données brutes extraites des registres des greffes, sans qu’elles soient valorisées. Dès lors, il y avait lieu de s’interroger sur la légitimité des prix pratiqués.
Plus généralement, la consultation de données résultant du respect d’obligations légales ne doit pas nécessairement donner lieu à une exploitation commerciale.
Par ailleurs, d’un point de vue économique, les restrictions d’accès par les prix sont sous-optimales. Ces barrières tarifaires empêchent certaines entreprises, en particulier celles de petite taille, de disposer d’informations pourtant susceptibles de favoriser des opportunités économiques.
L’article 60 de la loi a par conséquent refondu le cadre juridique en la matière.
Tout d’abord, le I de cet article a modifié l’article L 126-6 du code de commerce en y ajoutant que le greffier de tribunal de commerce transmet à l’INPI, « par voie électronique et sans frais, un document valant original des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y sont déposées ». Il prévoit l’intervention d’un décret pour fixer le délai et les modalités de la transmission. Il est également disposé qu’à titre expérimental, dans les départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de La Réunion et de la Martinique, la gestion matérielle des registres du commerce et des sociétés est déléguée à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) compétente pour une durée n’excédant pas trois ans. Cette disposition, adoptée dans un souci d’efficacité de la procédure de transmission, est conditionnée par la conclusion d’une convention entre les chambres concernées et le ministère de la justice. Ce dispositif expérimental aurait dû entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2016.
Ensuite, le II de l’article 60 modifie l’article L. 411-1 du code de commerce pour confier à l’INPI une nouvelle mission de diffusion gratuite des données retraitées informatiquement contenues dans le registre national du commerce et des sociétés (RNCS) à des fins de réutilisation, notamment par les entreprises spécialisées dans la valorisation d’informations économiques. La loi prévoit qu’un décret vienne préciser les modalités d’application de cette nouvelle mission.
Enfin, le IV de l’article 60 dispose que les articles L. 123-6 du code de commerce et L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction issue du même article 60, entrent en vigueur à la même date que le premier arrêté fixant les tarifs des prestations des greffiers des tribunaux de commerce et au plus tard à l’expiration du douzième mois suivant la promulgation de la loi, c’est-à-dire le 1er septembre 2016.
B. LES MESURES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION ONT ÉTÉ PUBLIÉES, TANDIS QUE LE DISPOSITIF D’EXPÉRIMENTATION N’EST TOUJOURS PAS MIS EN œUVRE
1. Les mesures réglementaires d’application de l’article 60 ont été publiées
En application de l’article 60 de la loi, le décret n° 2015-1905 du 30 décembre 2015 et l’arrêté du 30 décembre relatifs aux modalités de transmission et de mise à disposition des informations constitutives du registre national du commerce et des sociétés (RNCS) ont été publiés. Ces deux textes couvrent l’ensemble des précisions réglementaires requises par l’article 60.
En premier lieu, le décret précise les conditions dans lesquelles les greffiers communiquent à l’INPI, à des fins d’archivage, les documents valant originaux des inscriptions effectuées aux RCS tenus localement dans chaque greffe, ainsi que les actes et pièces qui y sont déposés. Le décret fixe à cinq jours ouvrables à compter de l’inscription dans le registre chronologique prévu à l’article R. 123-98 du code de commerce ou de l’établissement du procès-verbal prévu à l’article R. 123-102 du même code (61), le délai dans lequel s’opère la transmission à l’INPI. Il est précisé que chaque document transmis est indexé et se conforme à une norme dont les modalités ont été fixées par l’arrêté conjoint du garde des Sceaux et du ministre chargé de la propriété industrielle. Il est enfin précisé qu’une extraction des informations en question est transmise par le greffier à l’INPI, à la demande de ce dernier, deux fois par an, à des fins de coordination et de mise en cohérence des données.
En deuxième lieu, le décret fixe les modalités de transmission à l’INPI des résultats du retraitement des informations qui y sont contenues, opéré en vue de permettre leur diffusion et leur mise à la disposition du public. Il précise que la transmission des informations retraitées est réalisée dès leur retraitement, préalablement à toute diffusion ou mise à disposition à des tiers, sauf lorsqu’une personne adresse une demande de certificats, copies ou extraits des inscriptions portées au RCS. Les informations doivent être transmises quotidiennement sous la forme de fichiers de rediffusion ou de métadonnées. Lorsque les greffiers se sont associés au sein d’un groupement, ce dernier est chargé de l’application de ces dispositions.
Le décret précise que les greffiers sont tenus, à la date d’entrée en vigueur de l’article (c’est-à-dire à la date de la publication du premier arrêté fixant les tarifs des greffiers des tribunaux de commerce et au plus tard le 5 août 2016) de transmettre à l’INPI non seulement le flux des informations qui leur sont transmises, mais également l’intégralité des résultats de retraitement des informations enregistrées au greffe antérieurement à cette date, c’est-à-dire le stock. À l’occasion d’une audition organisée par Mme Cécile Untermaier, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) a contesté cette interprétation de la loi par le décret en se référant à la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2015. Dans cette décision (62), le Conseil constitutionnel a jugé infondé le moyen tiré de ce que la transmission des bases de données des greffiers des tribunaux de commerce sans mécanisme de compensation constitue une atteinte au droit de propriété, « compte tenu de la nature des données transmises ». Le Conseil avait en effet estimé que d’après les dispositions de l’article 61, il appartient « aux greffiers des tribunaux de commerce de transmettre les données contenues dans la version électronique des registres du commerce et des sociétés et non les éventuelles bases de données qu’ils ont élaborées dans le cadre de l’exploitation privée de ces données ». D’après le CNGTC, l’exigence de transmission des données collectées antérieurement à la date d’entrée en vigueur du décret porterait atteinte au droit de propriété, d’après la réserve d’interprétation que le Conseil constitutionnel a faite de l’article 61. Il y a toutefois lieu de remarquer que la nuance dans l’interprétation du Conseil constitutionnel ne semble pas se fonder sur une distinction entre flux de données et données antérieurement collectées, mais repose plutôt sur la nature des données.
En troisième et dernier lieu, des dispositions transitoires sont prévues à compter du 1er janvier 2016 afin de vérifier, à titre expérimental, l’opérabilité et l’efficacité des dispositifs de transmission des informations entre les greffiers et l’INPI, dans la perspective de la mise en œuvre de la loi dès son entrée en vigueur.
Concernant la liste des actes donnant lieu à des tarifs réglementés, présentée par le décret n° 2016-260, le CNGTC a déploré que le décret ne prévoie pas de tarifs pour la transmission de la formalité à l’INPI dont le tarif actuel est de deux taux de base, soit 2,60 euros (acte 218 de l’annexe 7-5 de la partie réglementaire du code de commerce). Le décret précise d’ailleurs explicitement que « il n’est dû aucune rémunération, ni remboursement d’aucun frais au greffier, au titre des transmissions à l’Institut national de la propriété industrielle » (article R. 743-140 du code de commerce modifié par l’article 6 du décret n° 2016-260). Cette disposition vient donc préciser l’article L. 123-6 du code de commerce, tel qu’il résulte de l’article 60 de la loi, aux termes duquel « le greffier transmet à l’Institut national de la propriété industrielle, par voie électronique et sans frais, un document valant original des inscriptions effectuées au greffe ». Les représentants des greffiers avaient contesté cette interprétation, estimant que le mot « frais » désigne les débours et non pas la rémunération de la prestation elle-même.
2. Le dispositif expérimental de gestion des RCS dans trois départements d’outre-mer aurait dû entrer en application au 1er janvier 2016
L’article 60, I, 2° de la loi qui a pour objet de pallier les difficultés que rencontrent les tribunaux de commerce, dans les départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, dans la gestion du registre du commerce et des sociétés (RCS) devait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2016. Cette disposition n’est aujourd’hui pas respectée.
Elle prévoit la mise en place d’un dispositif expérimental de gestion du RCS par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) compétentes dans ces départements, à partir du 1er janvier 2016 au plus tard et pour une durée de trois ans au maximum. Or, le commencement de cette expérimentation est conditionné par une délégation par le ministère de la justice, aux chambres compétentes, sous la forme d’une convention. La convention n’ayant été signée, la loi n’est pas appliquée.
Cette situation est préjudiciable aux entreprises de ces départements.
IV. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS
En application de onze dispositions du chapitre III « Conditions d’exercice des professions juridiques réglementées », le Gouvernement a été habilité à légiférer par ordonnance. À ce stade, une seule de ces habilitations a été utilisée. Il s’agit de l’ordonnance n° 2016-57 du 29 janvier 2016 modifiant l’article L. 742-1 du code de commerce relatif aux conditions d’accès à la profession de greffier de tribunal de commerce. Les ordonnances relatives à l’interprofessionnalité restent en attente de publication.
LISTE DES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES QUE LE GOUVERNEMENT EST HABILITÉ À PRENDRE PAR ORDONNANCE EN
Article de la loi |
Objet |
Article 61, III |
Mesures relevant du domaine de la loi pour créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, de façon progressive, en prenant en considération les règles de déontologie, les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à l’exercice des missions de chaque profession concernée, ainsi que les exigences de qualification particulières à chacune de ces professions. |
Article 64, 1° |
Permettre la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur dans le cadre des procédures de liquidation judiciaire prévues au titre IV du livre VI du code de commerce, ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel prévues au même titre IV, lorsque ces procédures sont ouvertes à l’encontre de débiteurs n’employant aucun salarié et réalisant un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur ou égal à 100 000 € |
Article 64, 2° |
Déterminer les modalités de rémunération des fonctions mentionnées au 1° et d’application aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires les exerçant des dispositions du livre VIII du code de commerce relatives à la discipline, au contrôle et à la comptabilité des mandataires judiciaires, ainsi que de celles relatives à la représentation des fonds. |
Article 65, 1° |
Moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en transposant les dispositions de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») dans l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable |
Article 65, 2°, a) |
Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue, directement ou indirectement, par des personnes exerçant l’une des professions exercées en commun au sein de ladite société ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et exerçant une ou plusieurs des professions constituant l’objet social de la société |
Article 65, 2°, b) |
Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable qui ne peuvent exercer une profession que si l’un de leurs associés remplit les conditions requises pour exercer ladite profession |
Article 65, 2°, c) |
Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable – En préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession |
Article 65, 2°, d) |
– En prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession |
Article 65, 2°, e) |
– En préservant l’intégrité des missions des professionnels liées au statut d’officier public et ministériel dans l’accomplissement de leurs fonctions |
Article 65, 2°, f) |
– En assurant la représentation d’au moins un membre, en exercice au sein de la société, de chaque profession exercée par la société au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la société |
Source : mission d’information
LISTE DES MESURES RÉGLEMENTAIRES NON PUBLIÉES PRÉVUES POUR L’APPLICATION DES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES
Article de la loi |
Texte d’application |
Objet |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
À |
Tarifs des administrateurs judiciaires |
Article 50, I, 1° et article 51, I, 6° |
À |
Tarifs des mandataires judiciaires |
Articles 52 à 55 |
DCE |
Installation des commissaires-priseurs judiciaires, des huissiers de justice et des notaires : conditions de nomination, modalités de l’appel à manifestation d’intérêt en cas d’insuffisance des demandes de création |
Article 57, II |
DCE |
Installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation : conditions de nomination, modalités de l’appel à manifestation d’intérêt en cas d’insuffisance des demandes de création |
Article 61, I, 1°; a |
DS |
– Conditions d’expérience ou de stage pour accéder à la profession d’administrateur judiciaire – Conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire – Conditions d’expérience ou de stage pour accéder à la profession de mandataire judiciaire – Conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions de mandataire judiciaire |
Article 63, I |
DCE |
Exercice de la profession d’huissier dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente |
Article 63, II |
DCE |
Exercice de la profession de notaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente |
Article 63, III |
DCE |
Exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente |
Article 63, IV, 1° |
DS |
Détermination des conditions dans lesquelles l’avocat peut exercer sa profession au sein d’une association : responsabilité des membres |
Article 63, V |
DCE |
Exercice de la profession d’avocat dans le cadre d’une association ou d’une société |
Article 63, VI |
DCE |
Exercice de la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente |
Article 63, VII, 1° |
DCE |
Exercice de la profession d’administrateur judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente |
Article 63, VII, 2° |
DCE |
Exercice de la profession de mandataire judiciaire dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale : conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : notaires |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : huissiers de justice |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : commissaires-priseurs |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : administrateurs judiciaires |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : mandataires judiciaires |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : greffiers des tribunaux de commerce |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : commissaires aux comptes |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : conseillers en propriété intellectuelle |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : avocats |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : architectes |
Article 67 |
DCE |
Ouverture du capital de certaines professions réglementées : géomètres experts |
À : arrêté ; DCE : décret en Conseil d’État ; DS : décret simple
Source : mission d’information
QUATRIÈME PARTIE : LES ENTREPRISES À PARTICIPATION PUBLIQUE (63)
I. AUTORISATION DU TRANSFERT AU SECTEUR PRIVÉ DE LA MAJORITÉ DU CAPITAL DE NEXTER EN VUE DE LA FUSION AVEC LE GROUPE D’ARMEMENT TERRESTRE ALLEMAND KRAUSS-MAFFEI WEGMANN (KMW)
L’article 189 de la loi du 6 août 2015 figure au sein de la section 3 intitulée « Autorisation d’opérations sur le capital de sociétés à participation publique », du chapitre II du Titre II consacré aux entreprises à participation publique.
Il prévoit le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) et de ses filiales, qui composent ensemble le groupe Nexter. En vertu de l’article 34 de la Constitution, ce transfert relève de la compétence du législateur, auquel il revient en effet de fixer « les règles concernant les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé ».
Ce transfert est nécessaire pour autoriser la fusion de Nexter et du groupe d’armement terrestre allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW), détenu par la famille Wegmann-Bode, dans le but de créer une nouvelle structure franco-allemande, dénommé KANT (pour « Krauss-Maffei Wegmann And Nexter Together »). Ce projet, en discussion depuis de nombreuses années, s’inscrit dans une logique d’intégration industrielle européenne dans le domaine de l’armement, telle qu’elle a pu déjà être opérée dans le domaine de l’aéronautique (Airbus), des hélicoptères (Eurocopter devenu Airbus Helicopters) et des missiles (Euromissiles devenu MBDA).
Les titres du groupe Nexter étant apportés au sein de la nouvelle entité, et non cédés, cette opération de joint-venture n’aura pas d’impact financier ou budgétaire pour l’État, qui sera actionnaire à 50 % du nouveau groupe, à parité avec la famille Wegmann-Bode. À court et moyen termes, Nexter gardera son autonomie pour l’exécution des contrats en cours et l’écoulement du carnet de commandes. À terme, l’intégration progressive des activités de Nexter et KMW devrait donner lieu à une spécialisation des sites de manière à limiter les redondances internes au futur groupe.
1. L’autorisation de transfert
Depuis juillet 2014, la société Nexter, filiale à 100 % de GIAT, lui-même détenu par l’État, est entrée en négociation avec la société allemande Krauss-Maffei Wegmann (KMW), intervenant également sur le marché des armements terrestres, en vue d’opérer un rapprochement entre les deux sociétés.
Ainsi, il est prévu que les actionnaires (l’État côté français et la famille Wegmann côté allemand) apportent 100 % du capital de Nexter et de KMW à une nouvelle entreprise - aujourd’hui appelée « Newco ». La Newco serait possédée à 50 % par l’État français (via GIAT) et à 50 % par la famille Wegmann, comme le montre le schéma ci-dessous.
Schéma de rapprochement de Nexter et de KMW
Source : Nexter
L’article 189 autorise « le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) et de ses filiales ». En application de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, cette autorisation législative est obligatoire puisque l’État perd la majorité de contrôle - il ne détiendra plus que 50 % du capital.
En outre, le V de l’article 22 de cette même ordonnance prévoit que la cession de l’actif majoritaire d’une société - comme c’est le cas de Nexter au sein de GIAT - est assimilée à la cession de la société elle-même. Pour cette raison, l’autorisation législative porte sur GIAT même si c’est bien Nexter qui fait l’objet du rapprochement avec KMW.
2. Le statut du personnel transféré
L’opération de privatisation ne doit pas affecter le statut des militaires, fonctionnaires et ouvriers sous décret employés au sein de Nexter Systems SA et de ses filiales.
Le législateur a choisi de maintenir une nouvelle fois ce statut dans le cadre du transfert de Nexter Systems au secteur privé. C’est l’objet du 1° du II de l’article 189, qui complète l’article 4 de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989.
Ainsi, comme lors des évolutions de statut de 1989 et de 2006, les personnels relevant du statut des ouvriers des établissements industriels de l’État auront le choix entre deux formules :
– être employés par la nouvelle société sous le régime commun du droit du travail ;
– être placés sous un régime spécifique leur permettant de continuer à bénéficier des mêmes dispositions (droits et obligations) que sous leur ancien statut d’ouvrier de l’État.
Sur le plan législatif, ces dispositions s’accompagnent de modifications afin d’assurer les coordinations nécessaires. Outre l’abrogation de l’article 8 de la loi du 23 décembre 1989, qui renvoie à la loi du 8 août 1929 dont les dispositions ont été en grande partie abrogées par l’ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004, l’article 6 et l’article 7 sont modifiés à des fins de coordination.
Les dispositions de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 modifiée relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, ainsi que le statut du personnel transféré rendaient nécessaire la rédaction de plusieurs textes d’application de nature réglementaire.
1. Le transfert de Nexter Systems au secteur privé
a. Le décret décidant le transfert
Le transfert au secteur privé d’une participation majoritaire au capital d’une société dont l’État détient directement, depuis plus de cinq ans, plus de la moitié du capital social et dont les effectifs augmentés de ceux de ses filiales sont supérieurs à cinq cents personnes au 31 décembre de l’année précédant le transfert, ou dont le chiffre d’affaires consolidé avec celui de ses filiales est supérieur à 75 millions d’euros à la date de clôture de l’exercice précédant le transfert, entre dans le champ du I de l’article 22 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée. Un tel transfert ne peut être décidé par décret qu’après avoir été autorisées par la loi. Comme on l’a vu, l’article 189 de la loi du 6 août 2015 a autorisé le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) et de ses filiales.
En conséquence, l’article 1er du décret n° 2015-1483 du 16 novembre 2015 dispose qu’ « en application de l’article 189 de la loi du 6 août 2015 susvisée, le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Nexter Systems SA est décidé. »
b. L’avis de la commission des participations et des transferts
Cette opération étant réalisée en dehors des procédures de marché puisque les titres sont apportés et non cédés, la commission des participations et des transferts devait être saisie par le ministre chargé de l’économie en application de l’article 27-I et II de l’ordonnance n° 2014-948 précitée. Elle était chargée d’évaluer la parité de l’opération, d’émettre un avis sur les modalités de la procédure, qui doit respecter les intérêts du secteur public, ainsi qu’un avis sur le choix du ou des acquéreurs et les conditions de la cession proposés par le ministre chargé de l’économie.
Par lettre en date du 17 novembre 2015, le ministre chargé de l’économie a saisi la commission, en application de l’article 26-II de l’ordonnance n° 2014-948 précitée, en vue de la mise en œuvre du rapprochement des entreprises Nexter Systems et KMW qui entraînera le transfert au secteur privé de Nexter Systems.
Dans son avis (64), la commission estime que la part que représente Nexter dans le nouvel ensemble peut être évaluée à 50 % de celui-ci ; que les modalités de la procédure, ainsi que l’action spécifique, assurent le respect des intérêts du secteur public ; que le choix du partenaire du rapprochement a été effectué selon des critères objectifs et que les conditions de l’opération, qui retiennent notamment l’attribution à GIAT, pour son apport de Nexter, de 50 % du nouvel ensemble, conforme à l’évaluation de la parité fixée, respectent les intérêts patrimoniaux du secteur public. Elle a, en conséquence, émis un avis favorable au projet d’arrêté fixant la parité d’échange applicable au transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Nexter Systems SA.
c. L’arrêté du ministre de l’économie
L’article 27-II de l’ordonnance n° 2014-948 précitée, dispose que le décret, l’arrêté ou la décision autorisant ou décidant l’opération concernée doit être conforme à l’avis de la commission des participations et des transferts.
Conformément à ces préconisations, le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Nexter Systems SA. (Nexter Systems) s’effectuera par (65) :
– l’acquisition par GIAT Industries SA (GIAT), pour le prix de 22 500 euros, de 22 500 actions de la société Honosthor (66) NV, dont le siège est situé à Amsterdam (Pays-Bas), cette participation représentant la moitié du capital et des droits de vote d’Honosthor ;
– l’apport à Honosthor par GIAT de la totalité des actions de Nexter Systems, à l’exception d’une action détenue par l’État ;
– l’apport simultané à Honosthor de la totalité du capital et des droits de vote de Wegmann KMW Holding GmbH (KMWH), dont le siège social est situé à Kassel (Allemagne) ;
– l’émission par Honosthor de 299 955 000 actions nouvelles, dont la moitié (149 977 500 actions) sera attribuée à GIAT en rémunération de son apport. A l’issue de cette opération, GIAT sera en conséquence actionnaire à 50 % de la société Honosthor, qui aura pour filiales Nexter Systems et KMWH.
Comme nous l’avons précédemment relevé, le principe du maintien au sein de la nouvelle entité issue de Nexter et de KMWH du régime d’ « ouvriers sous décret » ou « ouvriers de l’État » pour les personnels ayant opté pour un recrutement par GIAT lors de sa transformation en société nationale figure à l’article 189 de la loi du 6 août 2015.
Lors de la transformation de GIAT en société nationale, l’article 4 de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels dépendant de GIAT prévoyait que les fonctionnaires et les militaires qui ont accepté la proposition de contrat qui leur a été faite étaient placés, sur leur demande, dans l’une des positions prévues à cet effet par leur statut sans que leur soient opposables les dispositions de leur statut particulier qui limitent la proportion de détachements ou de disponibilités.
L’article 189 complète cet article 4 en disposant qu’à la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de GIAT ou de ses filiales, les fonctionnaires et les militaires en fonction sont maintenus, sur leur demande, dans la position statutaire qui était la leur à cette date.
Un décret (67) était nécessaire pour modifier les dispositions réglementaires édictées en 1990 en application de la loi n° 89-924 précitée. Le décret no 90-582 du 9 juillet 1990 précisait les droits et garanties prévus à l’article 6 b de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 qui permettait aux ouvriers sous statut des établissements de la direction des armements terrestres qui se sont prononcés pour le recrutement GIAT, soit « d’accepter le contrat de travail qui leur a été proposé, soit de demander à être placés sous un régime défini d’une part, par décret en Conseil d’État qui leur assurera le maintien des droits et garanties de leur ancien statut dans le domaine des salaires, primes et indemnités, des droits à l’avancement, du droit du licenciement, des accidents du travail, de la cessation progressive d’activité, des congés de maladie et du régime disciplinaire, et, d’autre part, par le droit du travail pour les autres éléments de leur situation ».
Le décret no 2015-1508 du 19 novembre 2015 tire les conséquences de ces modifications législatives pour les ouvriers sous décret. Il s’agit de corrections formelles liées au changement de statut de la société.
3. L’institution d’une action spécifique de l’État
Au cours de la discussion parlementaire, le ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, s’est à plusieurs reprises engagé à ce que l’État se dote d’une action spécifique au capital de la société Nexter Systems. Le dispositif de l’action spécifique a été introduit dans le droit français par l’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations et modifié par l’article 186 de la loi du 6 août 2015.
Le nouvel article 31-1 de l’ordonnance 2014-948 précitée dispose qu’après la publication du décret mentionné au I l’article 22 de ladite ordonnance (en l’espèce le décret décidant le transfert de Nexter Systems au secteur privé) et préalablement à la réalisation de l’opération, si la protection des intérêts essentiels du pays en matière d’ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale exige qu’une action ordinaire de l’État soit transformée en une action spécifique assortie de tout ou partie des droits définis aux 1° à 3° du présent I, un décret prononce cette transformation et en précise les effets.
Cette exigence s’est traduite par la publication du décret no 2015-1586 du 4 décembre 2015 instituant une action spécifique de l’État au capital de Nexter Systems SA. Ce décret dispose qu’afin de protéger les intérêts essentiels de la France dans le secteur des systèmes d’armes et des munitions de moyens et gros calibres, et notamment la sécurité de l’approvisionnement et la préservation de la capacité d’innovation concernant ces produits stratégiques, une action ordinaire de l’État au capital de Nexter Systems SA est transformée en une action spécifique assortie des droits suivants :
– un agrément préalable du ministre chargé de l’économie est exigé pour tout franchissement à la hausse des seuils de détention des titres, quelle qu’en soit la nature ou la forme juridique, représentant le tiers ou la majorité du capital ou des droits de vote de la société, ou, si celle-ci venait à prendre une forme sociale autre que celle de société anonyme, représentant un nombre de titres de capital ou de droits de vote qui confèrent soit la capacité de s’opposer à la prise de décisions collectives par les associés ou actionnaires équivalentes à celles qui requièrent la majorité des deux tiers des droits de vote dans les sociétés anonymes, soit la majorité requise pour l’adoption des décisions collectives des actionnaires ou associés équivalentes à celles qui requièrent la majorité des droits de vote dans une société anonyme, par une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert ;
– le pouvoir de s’opposer par arrêté à toute décision de Nexter Systems SA, de ses filiales françaises ou de toute société venant à leurs droits et obligations, ayant pour objet, directement ou indirectement, de céder, apporter ou transmettre, sous quelque forme que ce soit, y compris par dissolution ou fusion, de transférer l’exploitation, d’affecter à titre de sûreté ou garantie, ou de changer la destination des actifs mentionnés en annexe au présent décret, si cette décision est de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels de la France dans le domaine des systèmes d’armes et des munitions destinées aux armes de moyens et gros calibres.
4. La création de la société Honosthor
Le 29 juillet 2015, GIAT Industries S.A. et Wegmann & Co GmbH ont signé un accord de partenariat dit « joint venture agreement », la réalisation de l’opération (closing) étant soumise à l’obtention des autorisations nécessaires par chacune des parties. Près de dix-huit mois après son annonce, le rapprochement entre les deux sociétés a été finalisé le 15 décembre 2015, à Amsterdam.
La période de finalisation de l’opération a été marquée par la démission du président directeur général de Nexter, M. Philippe Burtin, à la suite d’un désaccord avec les ministères de tutelle quant à la durée minimale de la coprésidence de la nouvelle structure, qui avait été fixée initialement à cinq ans. M. Philippe Burtin devait demeurer au moins une année à la coprésidence de la nouvelle société avant de faire valoir ses droits à la retraite et il souhaitait que soient actées des garanties de stabilité de la coprésidence pour la période initiale de cinq ans. Auditionné par M. Yves Blein avant sa démission, M. Philippe Burtin avait indiqué qu’il existait encore beaucoup de différences dans l’organisation interne des deux sociétés et souligné la nécessité de travailler le plus vite possible sur un produit commun afin de rassembler les équipes.
Pour pallier cette soudaine défection, le conseil d’administration de GIAT Industries, réuni mardi 8 décembre, a décidé de la nomination de M. Stéphane Mayer, à compter du 15 décembre 2015, en vue d’assurer la succession de M. Philippe Burtin comme PDG de Nexter Systems. M. Stéphane Mayer a également vocation à être nommé co-président exécutif du groupe issu du rapprochement entre Nexter et KMW, aux côtés de son homologue Frank Haun, président exécutif de KMW.
Le conseil de surveillance de la holding s’est tenu à Amsterdam le 15 décembre 2015 pour sa réunion constitutive. Le conseil comprend sept membres et est présidé par M. Christian Jourquin (68). L’actionnaire français de Nexter a nommé comme membres M. Jean-Séverin Deckers au titre de l’Agence des participations de l’État et M. Bertrand Le Meur (69), tandis que les actionnaires de KMW ont nommé Manfred Bode et Axel J. Arendt. Aux côtés du président du conseil, les actionnaires des deux entreprises ont également nommé M. Antoine Bouvier (PDG de MBDA) et M. Utz-Hellmuth Felcht en qualité de membres indépendants. Le conseil de surveillance a, à son tour, nommé le nouveau président de Nexter, M. Stéphane Mayer, et le président du conseil de direction de KMW, M. Frank Haun, en tant que membres du directoire et coprésidents de la holding.
Cette nouvelle structure représente 6 000 emplois, un chiffre d’affaires d’environ 1,8 milliard d’euros (dont 1,05 apporté par Nexter) et un carnet de commande de 9 milliards d’euros.
Dans un premier temps, les deux groupes vont garder leurs gammes de produits respectifs ainsi que leurs usines et salariés. Cependant, ce rapprochement doit permettre de mutualiser les efforts de recherche et de développement et de présenter un front uni en matière d’appels d’offres. Une intégration plus poussée ne pourra prendre forme qu’à la faveur du lancement d’un programme d’armement commun, comme par exemple la mise au point d’un successeur aux chars Leclerc et Leopard 2.
II. LES MODIFICATIONS DE L’ORDONNANCE N°2014-948
A. LA VENTE FORCÉE DES TITRES ACQUIS EN MÉCONNAISSANCE DES DROITS ATTACHÉS À UNE ACTION SPÉCIFIQUE
L’article 186 de la loi du 6 août 2015 créée un article 31-1 au sein de l’ordonnance n° 2014-948 précitée portant sur le régime des actions spécifiques qui peuvent être mises en œuvre par décret si la protection des intérêts essentiels du pays en matière d’ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale l’exige.
Le II de l’article traite de l’hypothèse où des prises de participation ont été effectuées en méconnaissance du 1° du I, c’est-à-dire en l’absence d’agrément préalable du ministre chargé de l’économie.
Dans ce cas, le ministre chargé de l’économie informe de l’irrégularité de ces prises de participation le président du conseil d’administration ou le président du directoire de l’entreprise ou l’organe délibérant en tenant lieu, selon le cas, qui en informe la prochaine assemblée générale des actionnaires.
En outre, s’agissant des entreprises dont l’activité relève des intérêts essentiels de la défense nationale ou de ceux mentionnés à l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (70), les détenteurs de participations acquises irrégulièrement doivent céder ces titres dans un délai de trois mois à compter de la privation de leurs droits de vote.
À l’expiration de ce délai, s’il est constaté que les titres acquis irrégulièrement n’ont pas été cédés, le ministre chargé de l’économie fait procéder à la vente forcée de ces titres, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. Il en informe le président du conseil d’administration, le président du conseil de surveillance ou le président de l’organe délibérant en tenant lieu. Le produit net de la vente des titres est tenu à la disposition de leurs anciens détenteurs.
2. Les textes réglementaires d’application
Les modalités de vente forcée de ces titres figurent dans le décret no 2015-1480 du 16 novembre 2015 relatif aux modalités de vente forcée des participations acquises irrégulièrement au regard des droits attachés à une action spécifique dans le capital de certaines sociétés à participation publique.
La vente forcée des titres acquis, et conservés, en méconnaissance des dispositions du 1o du I de l’article 31-1 fait l’objet d’une publicité par le ministre chargé de l’économie au Bulletin des annonces légales obligatoires (BALO), dans un ou plusieurs journaux à diffusion nationale ou à large diffusion ou sur le site du marché réglementé sur lequel les titres concernés sont admis aux négociations. Cette publicité porte sur le contenu et les modalités de l’opération.
La vente forcée est effectuée par un prestataire de services d’investissement mentionné à l’article L. 531-1 du code monétaire et financier, choisi par le ministre chargé de l’économie au terme d’une procédure de mise en concurrence. Les prestataires de services d’investissement sont les entreprises d’investissement et les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d’investissement au sens de l’article L. 321-1du même code. Les services d’investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l’article L. 211-1du même code que sont les titres financiers et les contrats financiers.
Les modalités de cette procédure sont précisées par un arrêté du ministre chargé de l’économie. Lorsque les titres concernés sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le prestataire de services d’investissement retenu est membre de ce marché réglementé.
Le décret précise que la vente des titres peut être échelonnée sur une durée n’excédant pas deux mois, s’il apparaît que la vente en une seule fois peut influencer anormalement la valeur des titres à céder.
En cas de non-réalisation de la vente dans les délais impartis au prestataire choisi par le ministre chargé de l’économie, la vente des titres est réalisée par adjudication publique forcée dans les conditions prévues par l’article L. 211-21 du même code. Tous les titres ou droits issus des titres concernés sont compris dans la vente et les frais afférents à l’opération de vente forcée sont déduits du produit de la vente.
B. LA COMPOSITION ET LE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION DES PARTICIPATIONS ET DES TRANSFERTS
L’article 187 de la loi du 6 août 2015 modifie l’article 25 de l’ordonnance n° 2014-948 précitée qui rappelle les règles de composition de la commission et prévoit les règles d’incompatibilités afférentes aux fonctions de membre de celle-ci.
La première modification concerne la durée du mandat qui passe de cinq à six ans, ledit mandat n’étant pas renouvelable.
L’article précise également qu’en cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, la règle de non-renouvellement ne s’applique pas au remplaçant ayant exercé un mandat de moins de deux ans.
Il introduit l’exigence de la parité au sein de la commission puisque les six commissaires en dehors du président, ou de la présidente, doivent se répartir également entre hommes et femmes.
Le régime indemnitaire des membres de la commission est fixé par décret.
Le texte prévoit que la fin du mandat des commissaires nommés sous l’empire de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations intervient logiquement à la date de la nomination des nouveaux membres et au plus tard au terme d’un délai de six mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015. Il définit également les modalités de renouvellement des membres de la commission : il s’agit d’un renouvellement par moitié ou par moitié plus un (le président), selon les cas, tous les trois ans. Ainsi, à l’occasion de la première constitution de la nouvelle commission, trois membres (hors le président) doivent être désignés par tirage au sort pour effectuer un mandat de trois ans. Les membres en fonction à la date de cette première constitution peuvent être désignés à nouveau.
2. Les textes réglementaires d’application
Comme la loi le prévoit, le décret no 2015-1025 du 19 août 2015 relatif aux indemnités et vacations allouées au président et aux membres de la commission des participations et des transferts fixe le régime indemnitaire des membres de la commission.
Le président et les membres de la commission des participations et des transferts peuvent bénéficier d’une vacation par séance de la commission à laquelle ils participent, dans la limite d’un plafond annuel. Les montants et le plafond annuel des vacations sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie, de la fonction publique et du budget. L’arrêté du 19 août 2015 fixant les montants des indemnités et vacations allouées au président et aux membres de la commission des participations et des transferts fixe le montant de la vacation par séance à 800 euros et à 38 le plafond annuel de ces vacations.
Le décret précise que, lorsqu’ils ne sont pas agents contractuels ou fonctionnaires en activité, le président et les membres de la commission des participations et des transferts peuvent également percevoir une indemnité forfaitaire mensuelle et renvoie la fixation des montants à un arrêté. L’arrêté du 19 août 2015 précité, fixe à 4 500 euros le montant de l’indemnité forfaitaire mensuelle pour le président de la commission et à 2 800 euros pour les autres membres de la commission.
Par ailleurs, un décret (71) a été publié afin de préciser les modalités du tirage au sort des trois membres dont le mandat sera limité à trois ans. Il dispose qu’à l’ouverture de la première séance de la Commission des participations et des transferts dans sa composition issue de la mise en œuvre de l’article 187 de la loi du 6 août 2015, il est procédé, sous la présidence de son doyen d’âge, au tirage au sort des membres dont la durée du premier mandat sera de trois ans. À cet effet, doivent être établis des bulletins libellés au nom de chacun des membres de la commission à l’exception de son président.
Enfin, un décret du 6 février 2016 (72) a porté sur la composition de la commission issue de la réforme, ont été nommés : M. Bertrand Schneiter, président, inspecteur général des finances honoraire ; Mme Dominique Demangel, administratrice générale des finances publiques honoraire ; M. Marc-André Feffer, ancien maitre des requêtes au Conseil d’État ; Mme Danièle Lajoumard, inspectrice générale des finances ; Mme Inès Mercereau, conseillère référendaire à la Cour des Comptes ; M. Philippe Martin, président de section au Conseil d’État et M. Yvon Raak, ancien ingénieur en chef des mines.
L’article 192 de la loi du 6 août 2015 a complété l’ordonnance n° 2014-948 précitée par un article 31-2 restaurant l’obligation de proposer une offre réservée de 10 % des titres aux salariés en cas de transfert au secteur privé. Il précise qu’un arrêté du ministre chargé de l’économie précise, au cas par cas, la fraction des titres proposée aux salariés ou aux anciens salariés, la durée de l’offre, l’identité du cessionnaire, le plafond individuel de souscription et les modalités d’ajustement de l’offre si la demande est supérieure à l’offre.
Ce cas de figure s’est présenté avec le transfert au secteur privé d’une part du capital de la société Safran. L’arrêté du 2 décembre 2015 fixant le prix et les modalités d’attribution d’actions de la société Safran prévoit qu’à l’occasion de la cession de 12 222 222 actions, soit 2,93 % du capital de cette société, 1 222 222 actions seront réservées à la souscription des salariés et des anciens salariés de Safran et de ses filiales au sens de l’article 31-2 de l’ordonnance précitée.
III. LES DISPOSITIONS NE NÉCESSITANT PAS DE TEXTES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION
A. L’OUVERTURE DU CAPITAL DU LABORATOIRE FRANÇAIS DU FRACTIONNEMENT ET DES BIOTECHNOLOGIES AUX ENTREPRISES OU ORGANISMES APPARTENANT AU SECTEUR PUBLIC
L’article 190 de la loi du 6 août 2015 modifie l’article L. 5124-14 du code de la santé publique relatif à la société anonyme dénommée « Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies ». Ce laboratoire exerce des activités de recherche, de production et de commercialisation de médicaments à usage humain et notamment des médicaments dérivés du sang, des médicaments susceptibles de se substituer aux médicaments dérivés du sang et des produits de santé issus des biotechnologies.
Initialement, le projet de loi supprimait purement et simplement la référence à la détention majoritaire du capital de la société par l’État et ses établissements publics. Le gouvernement souhaitait ce faisant permettre l’entrée de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), qui est une société anonyme détenue à parts égales par l’État et la caisse des dépôts et des consignations, au capital du LFB.
À l’initiative de la rapporteure thématique, Mme Clotilde Valter, l’article a été modifié pour élargir la participation majoritairement publique du capital du LFB à d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public, à l’instar de Bpifrance qui possède déjà plusieurs participations au sein d’entreprises de taille intermédiaire du secteur des biotechnologies.
L’article 190 prévoit, en outre, que tout transfert au secteur privé de la majorité du capital du LFB doit être autorisé par la loi ainsi que la possibilité pour l’État de disposer d’une action spécifique prévue à l’article 31-1 de l’ordonnance n°2014-948 précitée, en cas de transfert au secteur privé de la majorité du capital ou dans les hypothèses de franchissement à la baisse des seuils du tiers et des deux tiers du capital.
2. L’augmentation du capital du LFB
Un arrêté du 5 octobre 2015 (73) a autorisé la souscription par l’État à l’augmentation de capital réalisée par la société LFB SA pour un montant de 230 millions d’euros, représentant 4 600 000 actions nouvelles d’une valeur nominale de 50 euros. Cette augmentation est destinée au financement d’une nouvelle usine à Arras, qui devrait permettre de tripler les capacités de production de médicaments dérivés du plasma d’ici dix ans et la création, d’ici cinq ans, de 500 emplois.
Il convient de noter que cette augmentation de capital de la part de l’État ne nécessitait pas l’adoption de l’article 190. Selon le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique interrogé par M. Yves Blein, l’intervention de l’État s’explique par des contraintes du calendrier liées à la construction de la nouvelle usine mais n’exclut pas la participation ultérieure de la Bpifrance
B. LE TRANSFERT AU SECTEUR PRIVÉ D’UNE PARTICIPATION MAJORITAIRE AU SEIN DU CAPITAL DES SOCIÉTÉS DE GESTION DES AÉROPORTS DE NICE ET LYON
L’article 191 de la loi du 6 août 2015 autorise le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de la Côte d’Azur ainsi que celle de la société Aéroports de Lyon.
Il comporte un certain nombre de garanties relatives au cahier des charges d’une telle opération ainsi qu’en ce qui concerne l’expérience des candidats au rachat des parts, destinées à améliorer la procédure et tirer les leçons des insuffisances constatées lors du transfert au secteur privé d’une participation détenue par l’État au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac (74) .
Le cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la cession de capital doit être approuvé par le ministre chargé de l’aviation civile. Il doit préciser les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien, ainsi que ceux du territoire concerné en matière d’attractivité et de développement économique et touristique. Il doit en outre préciser les obligations du cessionnaire afin de garantir le développement de l’aérodrome en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé ainsi qu’avec les collectivités territoriales actionnaires.
Les candidats au rachat des parts de l’État doivent disposer d’une expérience en tant que gestionnaire d’aéroport ou en tant qu’actionnaire d’une société gestionnaire d’aéroport et donner, dès le stade de l’examen de la recevabilité des offres, des garanties sur leur capacité à exercer les missions prévues au cahier des charges de la concession des aérodromes concernés
La première étape concerne la préparation des cahiers des charges en vue de ces deux opérations.
La Commission des participations et des transferts a été consultée depuis plusieurs mois sur les dispositions envisagées dans les projets de cahiers des charges relatifs à la privatisation des sociétés aéroportuaires « Aéroports de Nice-Côte d’azur » et « Aéroports de Lyon » préparés par l’agence des participations de l’État (APE) et la direction générale de l’Aviation civile (DGAC). Ces deux services ont été auditionnés par le collège de la commission.
Les projets ainsi élaboré ont été transmis aux collectivités territoriales et aux actionnaires locaux intéressés (chambres de commerce et d’industrie - CCI) afin de recueillir leurs remarques. En ce qui concerne l’aéroport de Nice, le ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron a, le 1er février 2016, sollicité l’avis des actionnaires minoritaires (CCI 25 %, département 5 %, région 5 % et métropole 5 %) sur le projet de cahier des charges accompagnant la vente au secteur privé de la totalité du capital détenu par l’État, pour le 15 février.
Le texte final du cahier des charges sera soumis à un avis officiel de la commission. Au vu de cet avis conforme, il pourra être publié par les ministres.
Dans la mesure où les mêmes acteurs sont susceptibles de répondre aux deux appels d’offres, il était prévu de séquencer les appels, d’abord pour celui de Nice, puis, environ semaines plus tard, celui de Lyon.
Les candidats devraient disposer d’un délai de six semaines pour formuler leurs offres qui seront examinées en concertation avec les collectivités territoriales et les chambres de commerce concernées.
La CPT est appelée à fixer la valeur de la société cédée. En effet, selon le troisième alinéa de l’article 27 de l’ordonnance 2014-948 précitée, les « évaluations sont conduites selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d’actifs de sociétés, en tenant compte des conditions de marché à la date de l’opération et, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l’existence des filiales et des perspectives d’avenir et, le cas échéant, de la valeur boursière des titres et des éléments optionnels qui y sont attachés ».
Deux décrets publiés au Journal officiel du 8 mars 2016 ont respectivement formalisé la décision de l’État de transférer au secteur privé la majorité du capital de la société anonyme Aéroports de la Côte d’Azur (décret n° 2016-275 du 7 mars 2016) et celle du capital de la société anonyme Aéroports de Lyon (décret n+ 2016-276 du 7 mars 2016).
La CPT a émis, le 9 mars 2016, des avis conformes aux projets de cahiers des charges des procédures de cession des participations majoritaires de l’État dans les sociétés Aéroports de la Côte d’Azur et Aéroports de Lyon. Les cahiers des charges peuvent être consultés sur le site de l’Agence des participations de l’État.
En ce qui concerne la cession de la participation de l’État au capital de la société Aéroports de la Côte d’Azur, le calendrier est le suivant :
– les candidats devront déposer leur proposition de candidature au plus tard le 24 mars 2016, à 12 h 00 ;
– les candidats recevables devront déposer leur offre indicative au plus tard le 28 avril 2016, à 12 h 00 ;
– les acquéreurs éventuels devront déposer leur offre ferme au plus tard le 20 juin 2016, à 12 h 00.
En ce qui concerne la cession de la participation de l’État au capital de la société Aéroports de Lyon, le calendrier est le suivant :
– les candidats devront déposer leur proposition de candidature au plus tard le 24 mars 2016, à 12 h 00 ;
– les candidats recevables devront déposer leur offre indicative au plus tard le 12 mai 2016, à 12 h 00 ;
– les acquéreurs éventuels devront déposer leur offre ferme au plus tard le 4 juillet 2016, à 12 h 00.
IV. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS
Seul le décret fixant le mode de calcul des éléments du ratio défini comme le rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau et plafond reste à publier, en application de l’article 193, 4° de la loi.
CINQUIÈME PARTIE : LES DISPOSITIONS RELATIVES AU TRAVAIL DU DIMANCHE ET EN SOIRÉE (75)
Le chapitre Ier du titre III de la loi du 6 août 2015 a modifié les exceptions au principe fixé par l’article L. 3132-3 du code du travail déterminant que « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».
I. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LOI À CES RÉGIMES D’EXCEPTION AU REPOS DOMINICAL ET EN SOIRÉE
Les articles 241 à 257 de la loi ont apporté de nombreuses modifications à ces dispositions, en harmonisant les régimes existants afin que les conditions d’ouverture et les nécessaires compensations pour les salariés concernés fassent l’objet d’un accord collectif, ou dans les établissements de moins de 11 salariés, d’une décision de l’employeur approuvée par la majorité des salariés.
Les dérogations au repos dominical et le régime applicable au travail de nuit
avant la promulgation de la loi
Depuis la loi du 13 juillet 1906 établissant le repos hebdomadaire en faveur des employés et des ouvriers, tous les salariés bénéficient d’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives, distinct du repos quotidien de onze heures. Cependant, dès 1906, le législateur a prévu des dérogations pour certains secteurs d’activité (tels que l’hôtellerie, la restauration, les établissements culturels) et la possibilité pour une entreprise, au cas où l’absence de tous ses salariés le dimanche « serait préjudiciable au public ou compromettrait son fonctionnement normal », de demander au préfet l’autorisation d’ouvrir le dimanche.
À partir de cette date, les modifications législatives ont conduit à faire cohabiter des dérogations permanentes, qui sont de droit, des dérogations conventionnelles, sur la base d’un accord d’entreprise, et des dérogations temporaires, accordées par le préfet ou le maire, manquant de lisibilité et n’étant pas harmonisée sur le plan social.
Selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail (76), 29 % des salariés ont travaillé au moins un dimanche en 2011, soit près de 6,5 millions de personnes. 13,2 % des salariés, soit 3 millions de personnes, travaillent le dimanche de manière habituelle. Dans le secteur du commerce de détail, 36,8 % des salariés ont au moins travaillé une fois le dimanche.
Il convient également de rappeler que ces règles relatives au repos dominical ne s’appliquent pas, sauf exceptions, aux non-salariés ainsi qu’aux établissements n’ayant pas d’employés.
Les dérogations permanentes au travail dominical de droit
En application de l’article L. 3132-12 du code du travail, certains établissements « dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public » peuvent attribuer à leurs salariés le repos hebdomadaire par roulement. La liste de ces activités est définie par décret et figure à l’article R. 3132-5. Elle comporte plusieurs dizaines de domaines industriels, de la fabrication de dynamite à celle de paille pour chapeaux, ainsi que de nombreuses activités de services tels que les restaurants et les entreprises de pompes funèbres, et certains commerces dont notamment les débits de tabac, les jardineries et les magasins d’ameublement. La loi ne prévoit pas de compensation spécifique pour les salariés concernés.
Par ailleurs, les commerces de détail alimentaire bénéficient d’une dérogation spécifique. Ils peuvent en effet ouvrir de droit le dimanche jusqu’à treize heures, et non plus midi depuis la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines agglomérations pour les salariés volontaires, dite « loi Mallié » (article L. 3132-13).
Les dérogations conventionnelles
Dans l’industrie, un accord de branche étendu ou un accord d’entreprise peut prévoir que le travail est réalisé de manière continue et accorder en conséquence un repos hebdomadaire par roulement. Une telle organisation doit être justifiée par des « raisons économiques » (article L. 3132-14).
Si aucun accord n’a pu être conclu, l’inspecteur du travail peut autoriser une dérogation au repos dominical si elle tend « à une meilleure utilisation des équipements de production et au maintien ou à l’accroissement du nombre d’emplois » (article R. 3132-9), dès lors que les délégués syndicaux et le comité d’entreprise ont été consultés.
Une équipe de suppléance peut être mise en place pour remplacer un groupe de salariés lors de sa journée de repos et donc bénéficier d’un repos hebdomadaire fixé à un autre jour que le dimanche (article L. 3132-16), tout en bénéficiant d’une rémunération majorée d’au moins 50 % (article L. 3132-19).
Les dérogations accordées par le préfet
À sa demande, ou si elle se situe dans une zone géographique dans laquelle, pour des raisons économiques, culturelles ou touristiques, le législateur a estimé qu’il pouvait être dérogé au repos dominical, une entreprise peut ouvrir le dimanche. Plusieurs cas de figure se chevauchaient, sans que le régime des compensations pour les salariés soit homogène.
La première dérogation est héritée de la loi de 1906 et concerne les établissements par lesquels le repos simultané des salariés serait « préjudiciable au public ou compromettrait leur fonctionnement normal » (article L. 3132-20).
La seconde, issue de la « loi Mallié », concernait les établissements de vente au détail se trouvant dans des « périmètres d’usage de consommation exceptionnel » (PUCE), qui sont notamment caractérisés par des habitudes de consommation dominicale et une importante clientèle. Définis par le préfet sur demande du conseil municipal pour une durée de cinq ans, ils se situent dans des aires urbaines de plus d’un million d’habitants (article L. 3132-25-1).
Dans ces deux cas, l’ouverture dominicale était conditionnée à la signature d’un accord collectif ou, à défaut, à une décision unilatérale de l’employeur validée par référendum fixant des contreparties en faveur des salariés privés du repos dominical (article L. 3132-25-3). Seuls les salariés volontaires travaillaient le dimanche, et le refus de renoncer à son repos dominical ne peut constituer ni un motif de refus d’embauche, ni un motif de sanction ou de licenciement (article L. 3132-25-4). Les salariés volontaires bénéficient d’une priorité pour obtenir un emploi ne comportant pas de travail dominical et peuvent, chaque année, renoncer à travailler trois dimanches de leur choix. Ils peuvent à tout moment demander, avec un délai de prévenance de trois mois, de cesser de travailler le dimanche.
Une troisième dérogation concernait les zones d’intérêt touristique ou thermales ainsi que les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente », définies par le préfet sur proposition du maire. Les commerces de détail pouvaient alors y ouvrir le dimanche. En revanche, et contrairement aux PUCE, ils n’avaient aucune obligation d’offrir des compensations, sous forme salariale ou de temps de repos, à leurs employés (article L. 3132-25).
Par ailleurs, le préfet peut, dans une zone géographique restreinte, prononcer la fermeture d’un secteur d’activité à la même date chaque semaine afin que le repos hebdomadaire soit unifié. En cas d’accord local entre les partenaires sociaux d’une même profession sur les conditions de mise en œuvre de ce repos hebdomadaire, il peut prendre un arrêté de fermeture de l’ensemble des commerces de cette profession situés dans une même zone géographique (article L. 3132-29), qu’ils emploient ou non des salariés.
Les « dimanches du maire »
La loi du 18 janvier 1934 modifiant l’article 44 du livre II du code du travail relatif à la suppression du repos hebdomadaire dans le commerce de détail a donné l’autorisation au maire (à Paris, au préfet de police) après avoir recueilli l’avis des représentants des salariés et des employeurs, d’accorder l’autorisation à chaque commerce de sa commune d’ouvrir le dimanche, jusqu’à cinq fois par an depuis la loi du 20 décembre 1993 (article L. 3132-26).
Le niveau minimal des contreparties que perçoivent les salariés travaillant lors de ces « dimanches du maire » est déterminé par la loi : leur rémunération est doublée et ils bénéficient d’un repos compensateur équivalent (article L. 3132-27).
L’encadrement du travail de nuit
En application de l’article L. 3122-29 du code du travail, toute activité productive réalisée entre 21 h 00 et 6 h 00 constitue du travail de nuit. Un accord de branche étendu ou un accord d’entreprise peut décaler d’une heure cette période, de 22 h 00 jusqu’à 7 h 00. À défaut d’accord, l’inspecteur du travail peut autoriser cette modification, après consultation des institutions représentatives du personnel, si « les caractéristiques particulières de l’activité de l’entreprise le justifient ».
Le travailleur de nuit est celui qui accomplit, au moins deux fois par semaine, trois heures au moins de son temps de travail durant la période de nuit ou qui effectue, sur une période de référence définie par accord collectif étendu, un nombre minimal d’heures de nuit. À défaut d’accord, ce seuil est de 270 heures sur douze mois consécutifs (articles L. 3122-31 et R. 3122-8 du code du travail).
Exceptionnel et devant être justifié par « la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale » (article L. 3122-32), le travail de nuit est subordonné à la conclusion d’un accord de branche étendu ou d’un accord d’entreprise fixant des contreparties en faveur des salariés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, de compensation salariale (article L. 3122-39). Cet accord doit en outre porter sur l’amélioration des conditions de travail, l’articulation de l’activité nocturne et l’exercice de responsabilités familiales et sociales, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et l’organisation des temps de pause.
La durée quotidienne de travail des salariés employés la nuit ne peut en principe pas dépasser huit heures (article L. 3132-34 du code du travail). Le plafond de la durée hebdomadaire de travail est quant à lui fixé à quarante heures (article L. 3132-35). Des dérogations sont possibles, jusqu’à douze et quarante-quatre heures respectivement, par accord collectif ou lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient dans le premier cas et, toujours par accord, pour répondre aux caractéristiques propres à l’activité d’un secteur dans le second.
Tout travailleur de nuit souhaitant occuper un poste de jour bénéficie d’une priorité pour obtenir un emploi correspondant à sa catégorie professionnelle ou à une catégorie équivalente. De même, lorsque le travail de nuit est incompatible avec des « obligations familiales impérieuses », le salarié peut demander à travailler de jour (article L. 3132-44). Qui plus est, la surveillance médicale des salariés travaillant de nuit est renforcée : un examen préalable à la prise de poste par le médecin du travail est obligatoire, puis il est renouvelé tous les six mois. Par ailleurs, une salariée enceinte peut être affectée à sa demande à un poste de jour, ou l’être si le médecin du travail constate que le poste de nuit est incompatible avec son état (article L. 1225-10). Si un tel reclassement est impossible, son contrat de travail est suspendu et elle bénéficie d’une garantie de rémunération.
Enfin, le travail de nuit est l’un des dix facteurs de risques professionnels auxquels l’exposition doit être mesurée dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité institué par la loi du 20 janvier 2014.
A. LA DÉFINITION DE NOUVELLES ZONES AUTORISANT L’OUVERTURE DOMINICALE DES COMMERCES
La loi a procédé à une refonte et une implication des catégories de zones où les commerces de détail (les « établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services », excluant ainsi tout établissement de vente en gros) peuvent mettre en œuvre une ouverture dominicale en étant autorisé à donner à leurs salariés un repos hebdomadaire par roulement, en prévoyant l’obligation de conclure un accord collectif définissant des compensations pour les salariés concernés.
1. Les zones touristiques et les zones commerciales
L’article 243 de la loi remplace les « commerces situés dans les communes d’intérêt touristique ou thermales » et les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » pouvant bénéficier de l’ouverture dominicale de droit en application de l’article L. 3132-25 par les « zones touristiques caractérisées par une affluence partiellement importantes de touristes » définies selon des conditions prévues par décret.
L’article 244 substitue, au sein de l’article L. 3132-25-1, aux périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) issus de la « loi Mallié » des « zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielles particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière », ne comportant plus de critère démographique. Leur ouverture dominicale reste subordonnée à la conclusion d’un accord collectif et doit donc être accompagnée de contreparties pour les salariés privés de leur repos dominical.
L’article 257 de la loi prévoit que les nouvelles zones sont de droit substituées à celles existantes avant son entrée en vigueur.
Pour ces deux catégories de zones, l’article L. 3132-25-2 du code du travail, réécrit par l’article 245 de la loi, précise les modalités de leur délimitation ou de leur modification. La demande doit être adressée au préfet par le maire, ou le président de l’établissement public de coopération intercommunal (EPCI) à fiscalité propre lors que la zone excède le territoire d’une seule commune, et accompagnée d’une étude d’impact. Le préfet doit statuer dans un délai de six mois, après consultation des conseils municipaux, des organes délibérants des EPCI à fiscalités propre et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que du comité départemental du tourisme pour les zones touristiques, et de la chambre de commerce et d’industrie et de la chambre des métiers et de l’artisanat pour les zones commerciales.
2. Les zones touristiques internationales
L’article 242 de la loi a rétabli dans le code du travail un article L. 3232-24 permettant aux commerces de détail de biens et de services situés dans des « zones touristiques internationales » (ZTI) peuvent faire travailler leurs salariés le dimanche. Ces ZTI doivent être délimitées par arrêté des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et du président de l’EPCI à fiscalité propre et des syndicats d’employeurs et de salariés, « compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats ».
3. Les gares connaissant une « affluence exceptionnelle de passagers »
L’article 249 de la loi a ouvert, à l’article L. 3132-25-6 du code du travail, la possibilité d’ouvrir le dimanche pour les commerces situés dans l’emprise d’une gare non située dans une des zones dérogatoires mais caractérisée par « l’affluence exceptionnelle de passagers ».
Comme le relevait le rapport de la commission spéciale (77), « il convient de noter que la notion de gare est entendue de façon générique et qu’elle ne couvre pas les seules gares ferroviaires, mais peut potentiellement aussi s’étendre aux gares autoroutières ou aux gares maritimes ».
Les gares concernées pourront être définies par arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du travail et du commerce, après avis du maire, du président de l’EPCI et des syndicats d’employeurs et de salariés des commerces concernés.
Les commerces situés en leur sein et qui ne disposeraient pas d’une dérogation en raison de la nature de leur activité, tels que les cafés, restaurants, ou débits de tabac, seront alors autorisés à ouvrir le dimanche, tout en devant respecter les mêmes règles que dans les différentes zones où le repos hebdomadaire peut être donné par roulement.
B. L’EXTENSION DE L’OBLIGATION DE CONCLURE UN ACCORD COLLECTIF PRÉVOYANT LES COMPENSATIONS AU TRAVAIL DOMINICAL POUR LES SALARIÉS DES COMMERCES SITUÉS DANS CES ZONES
L’article 246 de la loi, modifiant l’article L. 3132-25-3 du code du travail, subordonne dorénavant l’ouverture dominicale des commerces dans les zones touristiques, les zones commerciales et les zones touristiques internationales ou situés dans l’emprise d’une gare à la conclusion d’un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement ou conclu à un niveau territorial.
Le principe de la négociation collective de compensations n’existait auparavant que pour l’ouverture dominicale des commerces dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel.
Cet accord doit prévoir les compensations offertes aux salariés concernés, en prenant en compte leur situation personnelle, notamment pour les charges induites par la garde des enfants.
Pour les entreprises dépourvues de délégué syndical, l’article fait référence aux modalités de négociation des accords de maintien de l’emploi, institués par la loi du 14 juin 2013. Dans ce cas, cet accord peut être négocié avec des représentants élus du personnel mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel. En l’absence de représentants élus du personnel, un salarié peut être mandaté. Tout accord conclu selon ces modalités doit être ensuite approuvé par les salariés.
Par dérogation, dans les commerces de moins de onze salariés, l’employeur peut également recourir à une décision unilatérale prévoyant ces compensations, après consultation des salariés et accord d’une majorité d’entre eux.
En application de l’article L. 3132-25-2, le volontariat des salariés travaillant le dimanche est requis, et aucun refus de renoncer au repos dominical ne pourra justifier une sanction ou un licenciement. L’article 247 précise que ces salariés peuvent également changer d’avis.
L’article 257 de la loi prévoit un délai pour les commerces précédemment situés dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente – constituant de plein droit des zones touristiques – et dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) – constituant de plein droit des zones commerciales. Ils pourront continuer à appliquer le droit antérieurement en vigueur et ainsi faire travailler leurs salariés le dimanche sans compensation dans les zones touristiques, ou en application d’accord collectif ou de décision unilatérale dans les zones commerciales, jusqu’au « premier jour du vingt-quatrième mois » suivant la publication de la loi, soit le 1er septembre 2017. À l’expiration de ce délai, ces commerces ne pourront ouvrir le dimanche que s’ils sont couverts par un accord collectif ou s’il a été pris une décision unilatérale après accord des salariés prévoyant les compensations des salariés concernés, dans les conditions précédemment exposées.
C. L’ADAPTATION DES DISPOSITIONS ORGANISANT L’OUVERTURE DOMINICALE DES COMMERCES ALIMENTAIRES DE DÉTAIL
En application de l’article L. 3132-13 du code du travail, les commerces de détail alimentaire bénéficient d’une dérogation permanente de droit au principe du repos dominical puisqu’ils peuvent ouvrir le dimanche matin et donner le repos dominical à leurs salariés à partir de 13 h 00. Ceux-ci bénéficient d’une journée de repos compensateur par quinzaine, sauf ceux d’entre eux âgés de moins de vingt-et-un ans et logés par leur employeur, qui bénéficient d’une après-midi par semaine. Mais ces commerces ne pouvaient précédemment pas ouvrir l’après-midi, même s’ils se trouvaient dans une zone touristique ou un PUCE.
1. La possibilité d’ouverture le dimanche après-midi pour les commerces alimentaires situés dans les zones touristiques et dans les gares
L’article 248 de la loi a modifié l’article L. 3132-25-5 du code du travail, pour permettre aux commerces alimentaires situés dans les zones touristiques internationales ainsi qu’à ceux situés dans les emprises des gares mentionnées à l’article L. 3231-25-6 d’appliquer, à partir de 13 h 00, les mêmes règles que dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales : accord collectif prévoyant des contreparties en faveur des salariés privés du repos dominical et respect du volontariat de ces salariés seraient obligatoires.
2. La compensation salariale minimale pour les salariés des moyennes et grandes surfaces alimentaires
L’article 251 de la loi a complété l’article L. 3132-13 du code du travail pour prévoir le niveau minimal de compensation salariale pour les salariés appelés à travailler le dimanche dans les commerces alimentaires dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés : ils devront bénéficier pour cette période d’une majoration de 30 % de leur rémunération.
3. L’extension des dispositions relatives aux « dimanches du maire »
L’article 250 a modifié l’article L. 3132-26 du code du travail en apportant plusieurs modifications au dispositif permettant au maire d’accorder, par arrêté, l’autorisation d’ouvrir certains dimanches aux commerces.
Le nombre de dimanches pouvant ainsi faire l’objet, pour chaque commerce, d’une ouverture dominicale passe de cinq à douze par année civile, leur liste étant arrêtée pris avant le 31 décembre de l’année précédente.
Cependant, l’arrêté du maire doit désormais être pris après l’avis simple du conseil municipal, et lorsque le nombre de dimanche excède cinq, l’avis conforme (ou l’absence d’opposition dans un délai de deux mois) de l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre.
Par ailleurs, pour les commerces alimentaires de plus de 400 mètres carrés, le nombre de dimanches après-midi pouvant être ouverts est réduit du nombre de jours fériés pendant lesquels ce commerce est ouvert, dans la limite de trois.
Enfin la « concertation préalable » des conseils municipaux et des organes délibérants des EPCI sur ces « dimanches du maire » doit comprendre « la question de l’ouverture des bibliothèques ».
L’article 253 de la loi a étendu, au sein de l’article L. 3132-27-1 du code du travail, le principe du volontariat des salariés concernés et l’interdiction de la discrimination, notamment lors de l’embauche ou en cas de licenciement, envers les salariés qui refuseraient de travailler durant les « dimanches du maire ».
Organisant l’entrée en vigueur de ces dispositions, l’article 257 de la loi a prévu qu’elles seraient applicables à compter de 2016 et qu’au titre de l’année où a été publiée la loi, le maire pouvait, sans devoir recueillir d’avis préalable, autoriser l’ouverture des commerces pendant neuf dimanches en 2015.
4. Les modifications apportées aux régimes de dérogations accordées par le préfet
a. La limitation de la durée des autorisations préfectorales d’ouverture
L’article 241 a rétabli l’article L. 3132-21 du code du travail, supprimé par la « loi Mallié » du 10 août 2009 afin de prévoir que les autorisations temporaires ou annuelles d’ouverture le dimanche accordées aux établissements dont la fermeture serait préjudiciable au public ou compromettrait leur fonctionnement normal devaient être d’une durée limitée ne pouvant excéder trois ans. Sauf cas d’urgence, toute décision préfectorale l’autorisant doit être précédée d’une concertation : les avis du conseil municipal, de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et de l’artisanat et des syndicats d’employeurs et de salariés de la commune doivent avoir été recueillis.
b. L’organisation de l’abrogation des arrêtés préfectoraux organisant le repos hebdomadaire dans une zone géographique
Sans modifier le dispositif de l’article L. 3132-29 du code du travail permettant, en cas d’accord entre les syndicats d’employeurs et de salariés d’une même profession sur les conditions de mise en œuvre de ce repos hebdomadaire dans un secteur géographique , l’article 255 a précisé que le préfet doit procéder à l’abrogation de cet arrêté à la demande des organisations « exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession ».
c. L’organisation d’une concertation locale sur le travail dominical
L’article 256 de la loi complète la sous-section du code du travail portant sur les dérogations au repos dominical par article L. 3132-27-2, qui met en place une concertation annuelle sur les pratiques d’ouverture dominicale des commerces de détail, ainsi que leur impact sur les flux commerciaux et la répartition des commerces.
À l’échelle de chaque schéma de cohérence territoriale (SCoT), le préfet de région est chargé de réunir une fois par an l’ensemble des acteurs locaux concernés par cette problématique : les maires, les présidents d’EPCI à fiscalité propre, les associations de commerçants, les organisations représentatives des salariés et des employeurs du commerce de détail.
5. La garantie du droit de vote des salariés travaillant le dimanche
Les articles 247 et 252 de la loi ont prévu, au sein des articles L. 3231-25-4 et L. 3231-26 du code du travail, que l’employeur doit permettre aux salariés appelés à travailler un dimanche où a lieu un scrutin politique d’exercer leur droit de vote.
D. LES DÉROGATIONS AU TRAVAIL EN SOIRÉE DANS LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES
L’article 254 de la loi a inséré un nouvel article L. 3122-29-1 dans le code du travail afin de mettre en place un régime dérogatoire au travail de nuit dans les zones touristiques internationales. Il prévoit que le début de la période de nuit puisse être décalé de 21 h 00 jusqu’à minuit dans les commerces situés dans ces zones. Lorsque ce début dépasse 22 h 00, la fin de la période de nuit est fixée à 7 h 00.
Cette possibilité est conditionnée à la conclusion d’un accord collectif. La rémunération des heures travaillées entre 21 h 00 et le début de la période de nuit est au moins doublée et un repos compensateur équivalent est accordé aux salariés. Au travers de cet accord, doit également être offert aux salariés travaillant en soirée :
– un moyen de transport, individuel ou collectif, leur permettant de regagner leur lieu de résidence ;
– des mesures permettant la conciliation de ce travail de nuit avec la vie personnelle et notamment la garde des enfants ;
– le principe du volontariat des salariés par accord écrit et notamment la fin immédiate du travail de nuit pour les salariées enceintes le demandant.
Les salariés concernés bénéficieront des mêmes garanties de suivi médical que les travailleurs de nuit. Enfin, le refus de travailler en soirée ne peut constituer un motif de refus d’embauche, de discrimination, de sanction ou de licenciement.
II. LES MESURES D’APPLICATION DE LA LOI
Les mesures devant être prises par le Gouvernement pour l’application du chapitre Ier du titre III, relatif aux exceptions au travail dominical et de soirée, comportent des décrets en Conseil d’État, des arrêtés ministériels conjoints et un rapport, relatifs à la mise en œuvre des nouvelles zones disposant d’une dérogation permettant l’ouverture dominicale le dimanche.
M. Stéphane Travert constate que tous les textes réglementaires d’application nécessaires ont été pris entre le 23 septembre 2015 et le 10 février 2016, après achèvement des procédures de consultation prévues par le législateur ou le pouvoir réglementaire, même s’ils pourront être complétés à l’avenir – notamment en délimitant de nouvelles zones pouvant bénéficier de dérogations.
A. LE DÉCRET EN CONSEIL D’ÉTAT PRÉCISANT LES MODALITÉS DE DÉLIMITATION DES NOUVELLES ZONES ET DE MISE EN œUVRE DU REPOS HEBDOMADAIRE PAR ROULEMENT
Le législateur a prévu que devraient être pris des décrets en Conseil d’État précisant les modalités d’application suivantes :
– les conditions dans lesquelles les commerces situés dans les zones touristiques internationales peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel (article 242 de la loi) ;
– les conditions dans lesquelles les commerces situés dans les zones commerciales « caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière », peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel (article 244).
Ces modalités ont été précisées par le décret en Conseil d’État n° 2015-1173 du 23 septembre 2015 portant application des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques relatives aux exceptions au repos dominical dans les commerces de détail situés dans certaines zones géographiques.
Outre des dispositions de coordination, ce décret précise les critères permettant de définir ces nouvelles zones.
Les zones touristiques et les zones commerciales doivent être définies par arrêté du préfet de région, et arrêté conjoint des préfets de région concernés lorsque la zone est située sur le territoire de plusieurs régions (article R. 3132-19 du code du travail).
Le décret fixe les critères pour définir les zones touristiques : celles-ci « doivent accueillir pendant certaines périodes de l’année une population supplémentaire importante en raison de leurs caractéristiques naturelles, artistiques, culturelles ou historiques ou de l’existence d’installations de loisirs ou thermales à forte fréquentation » et prendre en compte le rapport entre la population permanente et la population saisonnière, le nombre d’hôtels, le nombre de villages de vacances, de chambres d’hôtes, de terrains de camping, de logements meublés destinés aux touristes, de résidences secondaires ou de tourisme et le nombre de lits répartis dans ces structures d’hébergement, et la capacité en termes de places de stationnement (article R. 3132-20 du code du travail).
Il précise de la même manière les critères pour obtenir le classement comme zones commerciales : celles-ci doivent constituer un ensemble commercial d’une surface de vente totale supérieure à 20 000 mètres carrés, être fréquentées par plus de 2 millions de clients par an ou être situées dans une unité urbaine comptant une population supérieure à 100 000 habitants et être dotée des infrastructures adaptées et accessibles par les moyens de transport individuels et collectifs ; cependant, « lorsque la zone est située à moins de 30 kilomètres d’une offre concurrente située sur le territoire d’un État limitrophe », une surface de 2 000 mètres carrés et une fréquentation de 200 000 clients par an sont suffisantes (article R. 3132-20-1 du code du travail). M. Stéphane Travert observe à cet égard que le pouvoir réglementaire a introduit ainsi les critères des critères démographiques très souples : la « loi Maillé » n° 2009-974 du 10 août 2009 avait prévu que les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, remplacés par les zones commerciales en application de la présente loi, ne pouvaient être mis en place que dans les unités urbaines de plus d’un million d’habitants.
Enfin il fixe des critères pour la définition des zones touristiques internationales prévues à l’article L. 3132-24 « compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats » par arrêté des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce. Doivent être pris en compte les critères de « rayonnement international en raison d’une offre de renommée internationale en matière commerciale ou culturelle ou patrimoniale ou de loisirs », de desserte par « des infrastructures de transports d’importance nationale ou internationale », d’« affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France » et de « flux important d’achats effectués par des touristes résidant hors de France, évalué par le montant des achats ou leur part dans le chiffre d’affaires total de la zone » sans cependant fixer des minimas pour l’évaluation de ces critères (article R. 3132-21-1 du code du travail).
B. LES ARRÊTÉS MINISTÉRIELS CONJOINTS DÉLIMITANT LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES
Pour l’application du chapitre Ier, doivent être pris des arrêtés conjoints des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce délimitant les zones touristiques internationales (ZTI), pris après avis du maire, du président de l’EPCI à fiscalité propre et des représentants des syndicats et des organisations d’employeurs intéressés (article 242 de la loi).
En conséquence, ont été publiés au Journal officiel du 26 septembre 2015 des arrêtés du 25 septembre 2015, délimitant douze zones touristiques internationales (ZTI) situées sur le territoire de la ville de Paris et intitulées : « Champs-Elysées Montaigne », « Haussmann », « Le Marais », « Les Halles », « Maillot-Ternes », « Montmartre », « Olympiades », « Rennes – Saint-Sulpice », « Saint-Emilion Bibliothèque », « Saint-Honoré – Vendôme », « Saint-Germain » et « Beaugrenelle ». Consultée sur les projets d’arrêtés, la maire de Paris a refusé de se prononcer sur le fond, en regrettant que le législateur n’ait pas prévu un avis conforme des élus des communes concernées sur les périmètres des ZTI (78).
LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES DÉLIMITÉES À PARIS
Six autres ZTI ont été définies par arrêtés pris le 5 février 2016 et publiés au Journal officiel du 7 février 2016 :
– dans les Alpes-Maritimes : à Cannes (centre-ville et La Bocca), à Nice (centre-ville et littoral), à Saint-Laurent-du-Var (littoral et centre commercial « Cap 3000 ») et à Cagnes-sur-Mer (centre-ville, littoral et centre commercial « Polygone Riviera ») ;
– dans le Calvados, à Deauville (centre-ville et littoral) ;
– en Seine-et-Marne, à Serris (centres commerciaux « Val-d’Europe » et « La Vallée Village »).
Selon les informations communiquées par la direction générale du travail et la direction générale des entreprises lors de leur audition par M. Stéphane Travert le 27 janvier 2016 et confirmées par Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social devant la mission d’information commune le 16 février 2016, il serait également envisagé d’en mettre en place à Dijon et à La Beaule.
À l’examen des ZTI ainsi définies et des projets de périmètres évoqués, M. Stéphane Travert s’interroge sur l’interprétation particulièrement large qui a été faite des critères fixés par le législateur et précisés par le décret d’application précité. La loi a entendu réserver ce statut de ZTI à des périmètres de rayonnement international, où la présence substantielle de touristes désireux d’effectuer des achats significatifs, notamment dans les secteurs du prêt-à-porter et du luxe, justifiait que ces commerces puissent ouvrir le dimanche, afin de pouvoir engendrer un chiffre d’affaires supplémentaire qui ne serait pas réalisé les autres jours de la semaine. Le rapport de première lecture envisageait ainsi que « ces zones pourraient couvrir l’avenue des Champs-Élysées, la rue du Faubourg Saint-Honoré, la place de l’Opéra, la Place Vendôme, la rue des Francs-Bourgeois, l’avenue Montaigne et le quartier Saint-Germain, mais aussi la proximité des quatre grands magasins parisiens (Galeries Lafayette, Printemps Haussmann, BHV et Le Bon Marché) ou des Champs-Élysées » ainsi que des grandes stations balnéaires « telles qu’Antibes, Nice ou encore Deauville » (79).
Or le choix fait de couvrir un grand nombre de centres commerciaux, dont il n’apparaît pas certain qu’ils constituent des points où convergent de manière caractérisée les touristes internationaux, peut conduire à penser que tout ou partie de ces zones relèvent plus surement de la catégorie des zones commerciales prévue par l’article L. 3132-25-1 que de la catégorie des ZTI.
C. L’ARRÊTÉ MINISTÉRIEL CONJOINT RELATIF AUX COMMERCES SITUÉS DANS LES EMPRISES DE CERTAINES GARES
L’article 249 de la loi a prévu un arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du travail et du commerce autorisant l’ouverture dominicale de certains commerces situés dans l’emprise d’une gare « compte tenu de l’affluence exceptionnelle de passagers dans cette gare » – ferroviaire, routière ou maritime – pris au vu des avis des maires, des présidents de l’EPCI à fiscalité propre et des représentants des syndicats et des organisations d’employeurs intéressés.
En conséquence, un arrêté du 9 février 2016, publié au Journal officiel du 11 février 2016, liste douze gares ferroviaires au sein desquelles les commerces de détail « qui mettent à disposition des biens et des services à l’intérieur [de ces] gares, hors parvis et parking » pourront ouvrir le dimanche :
– les six grandes gares parisiennes : Saint-Lazare, Gare du Nord, Gare de l’Est, Montparnasse, Gare de Lyon et Austerlitz ;
– six gares principales de province, caractérisées par l’importance de leur fréquentation touristique plus que par le nombre de passagers : Avignon TGV, Bordeaux Saint-Jean, Lyon Part-Dieu, Marseille Saint-Charles, Montpellier Saint-Roch et Nice-Ville.
D. LA CRÉATION D’UN OBSERVATOIRE DU COMMERCE DU DIMANCHE
Par ailleurs, le ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique a annoncé la création d’un « Observatoire du commerce du dimanche », chargé d’évaluer la réforme de l’ouverture des commerces le dimanche à Paris, d’en suivre la promotion internationale, de mesurer l’impact en termes de création d’emplois, ses effets sur le commerce et l’activité, notamment de proximité et les éventuels coûts induits pour la ville. Devant être créé par arrêté pris en mars 2016 (80), il devrait réunir le préfet et la maire de Paris, les maires d’arrondissement, les organismes consulaires et les associations de commerçants.
E. LE RAPPORT D’ÉVALUATION PRÉVU PAR LA LOI
L’article 242 de la loi prévoit que « trois ans après la délimitation d’une zone touristique internationale, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d’ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation ».
Les premiers rapports d’évaluation relatifs aux effets et pratiques constatées au sein des ZTI créées seront donc à déposer par le Gouvernement en septembre 2018.
III. UN PREMIER BILAN DE LA MISE EN œUVRE DE LA LOI
Les auditions menées, mais également les échanges et cas spécifiques qui lui ont été signalés permettent à M. Stéphane Travert d’esquisser un premier bilan, sans pouvoir cependant disposer de données statistiques pertinentes.
A. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES MOYENS D’INFORMATION
Il reste persuadé qu’il est nécessaire d’améliorer l’information à la disposition des employeurs et des salariés sur le droit applicable, tel que résultant de la loi.
En effet, les différents régimes dérogatoires, leurs conséquences sur les salariés, les obligations de négocier et les modalités de cette négociation restent relativement flous dans l’esprit de nombreuses personnes concernées. Ainsi, les commerces de moins de onze salariés peuvent mener une négociation de manière très informelle afin de déboucher sur un dispositif qui pourrait recueillir l’accord de la majorité des salariés.
Si les grands groupes de distribution semblent avoir pris la mesure de la loi et répercutés ses conséquences auprès de leurs établissements, les commerces franchisés ou indépendants semblent avoir plus de difficulté pour s’approprier et mettre en œuvre ces dispositions.
Les outils de communication en ligne devraient permettre au gouvernement de fournir des informations à la fois claires et pratiques pour que les deux parties prennent la mesure des différents régimes applicables et puissent, le cas échéant, avoir une vision claire des solutions envisageables.
B. LA DÉFINITION DE NOUVELLES ZONES AUTORISANT L’OUVERTURE DOMINICALE DES COMMERCES
Les zones touristiques et les zones commerciales se substituant à des périmètres préexistants disposant d’ores et déjà de dérogations, la continuité entre les deux régimes semble ne pas poser de difficultés. Cependant, le délai de deux ans laissé par le législateur pour négocier un accord collectif prévoyant des compensations ne semble pas avoir incité les partenaires sociaux concernés à entamer les négociations.
En ce qui concerne les ZTI et les gares, si ces nouveaux régimes vont pouvoir régulariser des situations d’ouverture dominicale de fait, seul un accord collectif préalable pourra autoriser l’ouverture de ces commerces le dimanche, ce qui explique que beaucoup de négociations soient en cours.
Il serait utile d’étudier, notamment dans le rapport à remettre par le Gouvernement à l’expiration du délai de trois ans, si les ZTI définies n’ont pas conduit à une recherche de relocalisation de certains commerces non directement concernés, comme la grande distribution, afin de pouvoir bénéficier de l’ouverture dominicale.
De manière plus ponctuelle, il a été signalé à votre rapporteur thématique que certains commerces implantés dans des centres commerciaux situés en ZTI avaient été menacés de pénalités financières s’ils n’ouvraient pas le dimanche, les baux commerciaux signés avec le gestionnaire les obligeant à respecter les horaires d’ouverture du centre. Il convient de rappeler que ces clauses contractuelles ne sauraient être applicables pour obliger un commerce à ouvrir le dimanche sans qu’il dispose de l’accord collectif prévu par la loi, sauf à être considérées comme des clauses abusives.
C. L’EXTENSION DE L’OBLIGATION DE CONCLURE UN ACCORD COLLECTIF PRÉVOYANT LES COMPENSATIONS AU TRAVAIL DOMINICAL POUR LES SALARIÉS DES COMMERCES SITUÉS DANS CES ZONES
M. Stéphane Travert observe que des négociations ont été engagées à la fois au niveau de certaines branches, mais aussi dans certaines zones géographiques et certaines enseignes. Elles ont pu aboutir au niveau de la branche professionnelle, notamment dans les branches du bricolage et de la bijouterie-joaillerie-orfèvrerie, et dans de nombreuses entreprises.
D’une manière générale, le niveau des compensations négociées ou proposées à la négociation semble très divers, les majorations salariales allant de 10 % à 200 %. Cependant, cela reflète souvent les pratiques précédentes, la situation des salariés dans les commerces ayant l’habitude d’ouvrir le dimanche n’étant pas comparable à celles pour lesquels il s’agit d’une nouvelle organisation du temps de travail.
Ainsi par exemple, dans la branche de la bijouterie-joaillerie-orfèvrerie (concernant 9 000 salariés), l’accord signé le 15 janvier 2016 prévoit :
– une majoration de 150 % de majoration perçue au titre des heures effectuées (avec possibilité de les récupérer) ou payées ;
– la prise en charge des frais de garde d’enfants jusqu’à 12 ans, à hauteur de 80 % avec un plafond annuel de 1 830 euros ;
– la prise en charge des frais de transport pour le retour au domicile des salariés terminant leur travail après 22 h 00 ;
– un maximum de 26 dimanches travaillés par an, avec la possibilité pour les salariés de bénéficier de deux jours de repos hebdomadaire consécutifs au moins vingt semaines par an ;
– la création de 100 emplois, soit 16 % de l’effectif de l’activité commerce.
Autre exemple, au sein du groupe Inditex, qui exploite notamment les magasins Zara, un accord signé le 29 décembre 2015 prévoit que 87 magasins sur les 290 du groupe pourront ouvrir le dimanche. En contrepartie pour les salariés concernés, il est prévu une majoration des salaires de 110 % le dimanche et de 100 % le soir à partir de 21 h 00. Les employés pourront bénéficier de la prise en charge des frais de garde d’enfant et du remboursement des frais de taxi, quand les transports en commun ne fonctionnent plus. Le volontariat des salariés concernés sera confirmé tous les quinze jours.
Cependant, dans un certain nombre de branches ou d’entreprises, les négociations n’ont pas permis d’aboutir à des accords collectifs.
Au sein des grands magasins parisiens, la présence de démonstrateurs mises à disposition par les marques et non pas employés par l’établissement pose une difficulté supplémentaire dans l’organisation de la négociation collective. Cependant, pour M. Stéphane Travert, il semble nécessaire que ces personnels soient inclus dans le champ de la négociation menée. Constatant l’échec des négociations au sein de la branche, des négociations vont cependant être entreprises au sein de chaque enseigne.
Dans les magasins Fnac, un accord a été signé le 19 janvier 2016, prévoyant des dispositions particulièrement avantageuses. Dans les magasins appelés à ouvrir régulièrement le dimanche (dans les ZTI), une majoration de salaire de 200 % était prévue pour les douze dimanches les plus performants, et un doublement pour les autres dimanches de l’année. En revanche, dans les magasins ouvrant durant un maximum de douze dimanches dans l’année par autorisation municipale, la majoration resterait de 100 %, mais serait assortie d’un repos compensateur. La Fnac promettait par ailleurs la vérification du volontariat trois fois dans l’année, la prise en charge des frais de taxis et de 60 % des frais de garde des enfants par chèque CESU. Enfin, l’employeur a proposé d’augmenter de 2,6 % les effectifs des magasins en cas d’ouvertures récurrentes. Cependant, en application de l’article L. 2232-2 du code du travail (81), plusieurs syndicats, représentant la majorité des salariés, ont d’ores et déjà annoncé leur intention de s’opposer à l’accord signé.
D. L’ADAPTATION DES DISPOSITIONS ORGANISANT L’OUVERTURE DOMINICALE DES COMMERCES ALIMENTAIRES DE DÉTAIL
La majoration minimale de 30 % de la rémunération, prévue par l’article L. 3132-13 du code du travail pour les salariés appelés à travailler le dimanche dans les commerces alimentaires dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés, ne semble pas avoir posé de difficultés aux grandes enseignes de la grande distribution, qui pratiquaient d’ores et déjà des niveaux comparables de compensation. Le groupe Auchan avait ainsi négocié un accord généralisant au sein des supermarchés comme des hypermarchés ce niveau de compensation pour le travail du dimanche matin.
Cependant, certains franchisés semblent ne pas avoir pris toutes les mesures pour que cette majoration soit bien mise en place pour tous les salariés concernés par le travail dominical. En particulier, il a été signalé à M. Stéphane Travert que certains employeurs franchisés prétendraient que cette majoration ne trouverait à s’appliquer qu’aux nouveaux contrats de travail conclus, alors qu’elle est bien obligatoire pour tous les salariés appelés à travailler le dimanche matin dans une grande surface alimentaire depuis la publication de la loi, le 7 août 2015.
E. L’EXTENSION DES DISPOSITIONS RELATIVES AUX « DIMANCHES DU MAIRE »
Les quelques mois de 2015 pendant lesquels le dispositif transitoire, prévu par l’article 257 de la loi et permettant aux maires d’autoriser l’ouverture des commerces pendant neuf dimanches, a été applicable, ne semble pas avoir permis que cette faculté soit souvent mise en œuvre dans les communes les moins peuplées.
Cependant, certaines communes ont pu la mettre en œuvre : à Paris, un arrêté du préfet de police a permis, pour la première fois, l’ouverture des commerces les six derniers dimanches de 2015, permettant une ouverture sans interruption de la mi-novembre au nouvel an, en application de ces dispositions transitoires (82). Consultée sur le projet d’arrêté, la maire de Paris a refusé de se prononcer sur le fond, mais a déposé contre l’arrêté un recours pour excès de pouvoir, assorti d’une demande de question prioritaire de constitutionnalité (QPC), afin que cette compétence ne soit plus exercée par le préfet de police pour la seule commune de Paris (83).
En revanche, l’application des dispositions permettant l’ouverture de jusqu’à douze dimanches en 2016 semble avoir posé des difficultés, du fait de l’absence d’informations précises des maires sur le régime applicable et les délais applicables.
En ce qui concerne les procédures et calendriers de mise en œuvre, alors que la décision du maire n’était précédemment enserrée dans aucun délai ni obligation de consultation, il est nécessaire de consulter les représentants locaux des employeurs et des salariés, de recueillir l’avis du conseil municipal et, si ne nombre de dimanche excède cinq, l’avis conforme ou implicite de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, en temps utile pour que l’arrêté municipal puisse être pris avant le 31 décembre de l’année précédente : il apparaît que certains maires n’ont pas été en mesure d’effectuer ces consultations et de prendre l’arrêté correspondant avant le 31 décembre 2015. Si des arrêtés ou des arrêtés rectificatifs étaient pris hors délai durant cette première année, votre rapporteur thématique estime que le contrôle de légalité pourrait prendre en compte ces difficultés de mise en place.
Si certains maires ont fixé des dimanches ouverts différents selon les secteurs d’activité des commerces concernés, ce qui est conforme à la fois à la lettre de l’article L. 3132-26 du code du travail et à la jurisprudence administrative (Conseil d’État, 29 octobre 2008), il apparaît que beaucoup n’ont pas compris, et décompté ou pris en compte la nouvelle obligation, applicable aux commerces alimentaires de plus de 400 mètres carrés, de déduire de ces dimanches ouvrables le nombre de jours fériés où ils sont ouverts, dans la limite de trois : dans les faits, fixer cinq dimanches ouvrables pour ces commerces les conduit à ne pouvoir ouvrir qu’à deux reprises, car ils sont généralement ouverts la plupart des jours fériés.
Les grandes villes ont souvent mises en œuvre ces nouvelles facultés. Selon les chiffres indiqués par le ministre de l’économie, lors du point d’étape fait devant les parlementaires le 1er mars 2016, sur les soixante-dix plus grandes villes françaises, 43 % ont augmenté le nombre de « dimanches du maire » ouvrables en 2016 par rapport à 2015. Ainsi par exemple, le nombre d’ouvertures dominicales autorisées dans ce cadre est passé de cinq dimanches en 2015 à sept en 2016 à Montpellier et Toulouse, de cinq à huit à Lille et Belfort. Près d’un quart de ces villes ont choisi de permettre aux commerces d’ouvrir douze dimanches en 2016, soit le nombre maximal prévu par le législateur dans ce cadre (84).
Cependant, afin d’accompagner toutes les communes, M. Stéphane Travert encourage les associations représentatives des maires comme le Gouvernement à prévoir des informations et des circulaires diffusées suffisamment tôt pour permettre aux maires de prendre les arrêtés municipaux pour 2017 en temps utile et de manière éclairée (85). Si cela était utile, il recommande aux maires de demander au préfet d’autoriser ces ouvertures sur la base de l’article L. 3132-20 du code du travail, qui l’autorise à modifier les modalités de repos dominical lorsque la fermeture serait préjudiciable au public.
F. LES MODIFICATIONS APPORTÉES AUX RÉGIMES DE DÉROGATIONS ACCORDÉES PAR LE PRÉFET
Les arrêtés préfectoraux prévus par l’article L. 3132-29 du code du travail et permettant, en cas d’accord entre les syndicats d’employeurs et de salariés d’une même profession sur les conditions de mise en œuvre de ce repos hebdomadaire dans un secteur géographique, d’obliger tous les commerces à se conformer à ce régime unique de fermeture, continuent de cristalliser les divergences d’appréciation entre représentants du petit commerce et représentants de la grande distribution.
Cependant, ce dispositif qui n’a pas été modifié par la loi mais complété par une disposition prévoyant que le préfet doit procéder à l’abrogation de cet arrêté à la demande des organisations « exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession » apparait comme une branche vivante de la négociation collective locale : elle permet que les pratiques de certains ne viennent pas apporter une concurrence déloyale aux autres commerçants. Des négociations récentes, par exemple dans le secteur de l’ameublement qui dispose pourtant d’une dérogation permanente, permettent d’adapter les ouvertures dominicales aux réalités locales différentes entre la région parisienne et le reste du territoire.
Ces dispositions font l’objet de nombreux contentieux. Ainsi le 5 février 2016, le tribunal administratif de Pau a déclaré illégal l’arrêté du préfet des Landes du 25 mars 1999 qui obligeait les détaillants de pain de fermer un jour dans la semaine, car seules deux organisations professionnelles : seules la fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie des Landes et la confédération générale de l’alimentation de détail, représentant essentiellement les boulangeries artisanales, avaient approuvé le principe de fermeture hebdomadaire. En ne prenant pas en compte l’avis des représentants des autres vendeurs de pains, tels que les terminaux de cuisson, les supermarchés et les stations-service faisant dépôt de pain, qui n’avaient pas signé le projet présenté par l’administration, cet arrêté n’avait pas recueilli l’assentiment de « la majorité des membres de la profession ».
M. Stéphane Travert ne peut cependant qu’encourager, dans chaque zone géographique et dans chaque secteur concerné, les organisations patronales et les syndicats à entreprendre des négociations visant à étudier si les arrêtés préfectoraux existants sont bien conformes au droit et à la pratique suivie.
Ainsi, à la suite d’un accord intervenu le 8 juin 1990 entre les syndicats de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs dans le domaine de l’alimentation générale, de l’épicerie, de la crémerie, du fromage, des fruits et légumes et des liquides à emporter, le préfet de Paris, par arrêté du 15 novembre 1990, a décidé que les établissements ou parties d’établissements vendant au détail de l’alimentation générale, de l’épicerie, de la crémerie, des fromages, des fruits et légumes, ou des liquides à emporter seraient totalement fermés au public soit le dimanche, soit le lundi toute la journée, cette fermeture impliquant le repos du personnel salarié. Il apparaît que certains commerces ne se conforment pas à cette obligation lorsqu’ils sont ouverts le dimanche matin et devraient ainsi être fermés le lundi toute la journée.
Il semble utile que des contrôles, ainsi que le cas échéant des amendes significatives, permettent à ces arrêtés préfectoraux d’être appliqués lorsqu’ils s’existent.
G. LES DÉROGATIONS AU TRAVAIL EN SOIRÉE DANS LES ZONES TOURISTIQUES INTERNATIONALES
Plusieurs accords, notamment dans des entreprises du secteur de la parfumerie, ont permis de mettre en place cette faculté tout en prévoyant des compensations utiles pour les salariés, notamment en termes de garde d’enfants et de prise en charge des frais de transport pour les salariés concernés.
Ainsi, au sein du magasin Séphora présent sur l’avenue des Champs-Élysées, un accord prévoit le libre choix pour le salarié avec un volontariat réversible, la majoration du salaire de 100 %, la récupération avec la règle d’une heure récupérée pour une heure travaillée, la prise en charge de frais de transport ainsi que des frais de garde d’enfant par chèque emploi service à hauteur de 12 euros de l’heure.
SIXIÈME PARTIE : LES AUTRES DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DU TRAVAIL (86)
I. LA RÉFORME DE LA JUSTICE PRUD’HOMALE
Fortement inspirée du rapport de l’ancien président de la chambre sociale de la Cour de Cassation, M. Alain Lacabarats, la réforme de la justice prud’homale part du constat que celle-ci « ne fonctionne pas dans des conditions conformes aux exigences des standards européens et connait de graves carences » (87). L’article 258 de la loi du 6 août 2015 refonde, tout d’abord, le statut des juges prud’homaux, il fait du bureau de conciliation et d’orientation un juge de la mise en état et définit différentes formations de jugement. Il permet également le recours à de nouvelles procédures de conciliation extrajudiciaire pour les litiges s’élevant en matière de travail. Enfin, il crée un véritable statut des défenseurs syndicaux.
1. Le renforcement des droits et devoirs des conseillers prud’hommes
L’article 258 de la loi du 6 août 2015 entreprend, dans un premier temps, de mieux encadrer juridiquement les droits et les devoirs auxquels sont assujettis les conseillers prud’hommes.
Il insère un nouvel article L. 1421-2 au sein du code du travail afin d’énumérer les obligations auxquelles ces derniers sont tenus et les principes qui doivent les guider : l’indépendance, l’impartialité, la dignité et la probité. Comme les magistrats, les conseillers prud’hommes doivent s’abstenir de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions ou de nature à faire naître un doute légitime sur leur impartialité. Ils sont tenus au secret des délibérations.
Par ailleurs, la formation des conseillers prud’homaux est renforcée. La loi précise l’obligation de formation des conseillers prud’hommes, qui échoit à l’État en vertu de l’article L. 1442-1 du code du travail, en créant une formation initiale, qui s’ajoute à l’actuelle formation continue de six semaines. Le non-respect de l’obligation de formation initiale est sanctionné par la démission d’office de l’intéressé.
Enfin, l’article 258 de la loi a procédé à une refonte des règles disciplinaires relatives aux conseillers prud’homaux. Cette refonte s’ordonne autour d’une nouvelle instance, la « commission nationale de discipline » à laquelle le pouvoir disciplinaire est confié, en lieu et place de celui du ministre de la justice (88). La loi a aussi procédé à une redéfinition des sanctions susceptibles d’être prononcées.
2. La réforme de la procédure prud’homale
Le premier axe de la réforme de la procédure est le renforcement du rôle du bureau de conciliation – renommé « bureau de conciliation et d’orientation » (BCO) – en renforçant son rôle de conciliation et en le chargeant de deux nouvelles tâches : l’orientation et la mise en état de l’affaire. Les nouvelles missions qui lui sont confiées visent à réduire les délais de jugement en orientant plus rapidement les affaires vers la formation de jugement adéquate.
Afin de favoriser la conciliation, le BCO est autorisé à entendre séparément et confidentiellement les parties. Par ailleurs, en cas de non-comparution du défendeur sans motif légitime, il peut immédiatement juger l’affaire, en l’état des pièces et des moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués.
S’agissant de l’orientation, alors que le projet de loi initial (89) favorisait un début d’échevinage, la loi du 6 août 2015 maintient toute sa place au paritarisme tout en donnant au BCO des clefs pour améliorer l’efficacité de la procédure. Ainsi, en cas d’échec de la conciliation, celui-ci a la possibilité de renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement :
– dans sa formation normale, soit deux conseillers employeurs et deux conseillers salariés ;
– dans sa formation restreinte (un conseiller employeur et un conseiller salarié) avec l’accord des parties si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Elle devra statuer dans un délai de trois mois ;
– devant la formation de départage, présidée par un juge du tribunal de grande instance, si les parties le demandent ou d’office en raison de la nature de l’affaire.
En outre, le nouvel article L. 1454-1-2 du code du travail charge le BCO d’assurer la mise en état de l’affaire, c’est-à-dire de faire procéder notamment aux échanges de pièces et de conclusions et aux mesures d’instruction qui permettent de mettre l’affaire en état d’être jugée (90).
Par ailleurs, reprenant une recommandation du rapport du président Alain Lacabarats (91), l’article 258 de la loi autorise la saisine de la Cour de cassation, par les conseils de prud’hommes, les tribunaux d’instance ou les cours d’appel statuant en matière prud’homale, afin de solliciter son avis avant de statuer sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif présentant une difficulté sérieuse, qui se pose dans de nombreux litiges.
Est aussi prévue la mise en place d’un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud’homie, selon des modalités prévues par un décret en Conseil d’État. Ce référentiel devrait faciliter la détermination de l’indemnité susceptible d’être allouée (92) en raison du licenciement d’un salarié, cette indemnité dépendant de l’ancienneté du salarié, de son âge et de sa situation par rapport à l’emploi. Afin de respecter la liberté d’appréciation du juge, ce référentiel ne s’imposera pas à lui, sauf si les parties en conviennent.
Enfin, la loi a mis en place des règles nouvelles applicables aux juridictions prud’homales connaissant des difficultés de fonctionnement et qui prévoient que :
– d’une part, le premier président de la cour d’appel peut désigner un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel pour connaître des affaires relevant d’un conseil de prud’hommes dont le fonctionnement est interrompu ou « qui rencontre des difficultés graves rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales » ;
– d’autre part, « un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel » (et non plus du « tribunal d’instance ») peut connaître des affaires relevant de la compétence d’un conseil de prud’hommes qui « ne peut se constituer ou fonctionner ».
3. La création de nouveaux outils de conciliation et de médiation extrajudiciaires
L’article 258 de la loi met fin au monopole du conseil de prud’hommes en matière de conciliation relative à un contrat de travail, ce monopole interdisant aux parties de tenter de régler leur conflit en dehors d’un recours à la juridiction. Il permet ainsi aux parties de se concilier, dans le cadre d’une médiation ou d’une convention de procédure participative, avant, le cas échéant, de saisir un juge aux fins d’homologation de leur accord.
4. La création d’un statut du défenseur syndical
La loi du 6 août 2015 a instauré un statut à part entière pour le défenseur syndical qui assistera ou représentera le salarié ou l’employeur devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel statuant en matière prud’homale.
La liste des défenseurs syndicaux sera établie par l’autorité administrative sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche, dans des conditions qui restent à définir par décret.
B. LES MESURES D’APPLICATION DE LA LOI
1. Les dispositions entrées en application
Sont entrées immédiatement en application à compter de la publication de la loi au Journal officiel, les dispositions suivantes :
– les obligations déontologiques nouvelles qui incombent aux conseillers prud’homaux (article L. 1421-2 du code du travail) ;
– la capacité pour le juge départiteur d’assister aux assemblées générales du conseil de prud’hommes (article L. 1423-3 du même code) ;
– les nouvelles règles applicables aux juridictions prud’homales connaissant des difficultés de fonctionnement (article L. 1423-10-1 du même code) ;
– l’ouverture du contentieux prud’homal à des modes alternatifs de résolution ;
– la possibilité pour les conseils de prud’hommes – mais aussi pour les tribunaux d’instance et les chambres d’appel des cours d’appel – de solliciter l’avis de la Cour de cassation (article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire).
De même, sont applicables aux instances introduites depuis la publication de la loi :
– les nouvelles prérogatives allouées au bureau de conciliation et d’orientation par la loi du 6 août 2015 (articles L. 1454-1, L. 1454-1-1 et L. 1454-1-2 du code du travail) ;
– et la nouvelle composition du bureau de jugement lorsqu’il doit statuer en formation restreinte (article L. 1423-13 du même code).
2. Le projet de décret sur la réforme de la procédure prud’homale
Alors que le Gouvernement affichait un objectif de publication en octobre 2015, aucun décret d’application n’a été à ce jour publié. Toutefois, un projet de décret relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a été communiqué à la mission d’information.
Ce projet a fait l’objet de nombreuses consultations, parmi lesquelles les syndicats de magistrats ou la chambre sociale de la Cour de cassation. Par ailleurs, le Conseil supérieur de la prud’homie a rendu son avis sur ce texte le 15 octobre 2015.
Ce texte propose une réforme d’ensemble de la procédure prud’homale, l’objectif recherché par le ministère de la justice étant de réduire les délais de procédure, notamment en rapprochant la procédure prud’homale des règles du code de procédure civile.
a. La représentation des salariés
Les articles 9 et 10 du projet de décret modifient les articles R. 1453-1 et R. 1453-2 relatifs à l’assistance et à la représentation.
L’article 9 précité prévoit explicitement que les parties peuvent se défendre elles-mêmes. Celles-ci ont la possibilité de se faire assister ou représenter, l’actuelle rédaction de l’article R. 1453-1 du code du travail prévoyant actuellement que « les parties comparaissent en personne, sauf à se faire représenter en cas de motif légitime » et qu’elles « peuvent se faire assister ».
S’agissant des représentants, l’article 10 précité remplace, dans l’article R. 1453-2, les « délégués permanents ou non permanents des organisations d’employeurs et de salariés » par les défenseurs syndicaux et précise que le représentant – s’il n’est pas avocat – doit justifier d’un pouvoir spécial. Devant le BCO, cet écrit doit l’autoriser à concilier au nom et pour le compte du mandant, et à prendre part au débat sur les mesures d’orientation.
Lorsque les parties formulent leurs prétentions par écrit et sont représentées par un avocat, l’article 12 du projet de décret prévoit des formalités particulières dans un nouvel article R. 1435-5 : en effet, les parties sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées (93). Le texte reprend ici des dispositions applicables dans le cadre d’une procédure écrite.
Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. À défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et il n’est statué que sur les dernières conclusions communiquées.
S’agissant de la représentation en appel, l’article 29 du projet de décret propose de modifier l’article R. 1461-2 afin de prévoir que la représentation à ce stade de la procédure est obligatoire (94). L’article 28 du projet de décret précise que cette représentation obligatoire est assurée par un défenseur syndical ou par un avocat.
b. La saisine du conseil des prud’hommes
La saisine d’un conseil des prud’hommes est, sauf en Alsace-Moselle, une procédure très simple et souvent orale, l’idée étant que chacun doit pouvoir saisir le conseil des prud’hommes sans assistance. Or, cette idée est trompeuse : le droit du travail est technique et c’est un mauvais service à rendre aux salariés que de les laisser croire qu’ils peuvent saisir seuls le conseil au fond, sans étudier de quoi il ressort de manière approfondie avec l’assistance d’un avocat ou d’un défenseur syndical.
L’article 8 du projet de décret prévoit la saisine du conseil des prud’hommes soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit par une requête (article R. 1452-1 du code du travail).
En vertu de la nouvelle rédaction de l’article R. 1452-2, cette requête devrait contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionner chacun des chefs de celle-ci. Elle serait accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions (95).
La rédaction initiale du projet de décret prévoyait que les formalités prévues par la nouvelle rédaction de l’article R. 1452-2 du même code devaient être accomplies « à peine de nullité ». Cette sanction était cependant extrêmement souple, puisqu’il suffisait qu’une régularisation intervienne avant que le juge se soit prononcé pour que la nullité soit écartée. Or, la dernière version du décret transmise à la mission d’information ne contient plus cette mention : le non-respect des formalités de saisine de donne lieu à aucune sanction.
Interrogée à ce sujet, l’ancienne Garde des Sceaux, Mme Christiane Taubira, a considéré, lors de son audition par la mission d’information, que : « en prévoyant la nullité de la procédure pour non-respect de la forme, les contentieux risquent de s’exacerber au point de se traduire par de longues procédures d’appel ou de départage. Autrement dit, cette contrainte procédurale créerait une étape supplémentaire de contestation. […] J’ajoute qu’à défaut de constituer une cause de nullité, le respect du formalisme figure dans la loi et il est prévu – dans des délais aussi rapides que possible – de mettre au point un formulaire CERFA pour faciliter l’établissement des pièces à joindre à la requête. »
En réponse à un questionnaire de M. Denys Robiliard sur ce sujet, le ministère de la justice a indiqué que la mise en place d’une sanction de nullité pour le non-respect des règles de formalisme s’était heurtée à trois objections.
La première, soulevée par les organisations syndicales de salariés, était de complexifier ainsi la saisine du juge prud’homal en mettant en place une sanction particulièrement lourde pour le salarié qui, dans l’immense majorité de cas, est le demandeur. La seconde objection est le risque de mettre en place une sanction potentiellement contre-productive. En effet, il s’agissait de mettre en place une nullité de forme, régularisable en cours de procédure et nécessitant la preuve d’un grief causé au défendeur, ce qui en limite nécessairement la portée ; au regard du degré de conflictualité de la matière prud’homale, cela aurait probablement généré un contentieux important retardant l’audience de la conciliation et créant un risque de départage systématique sur cette seule question de forme. Enfin, la dernière objection était qu’une sanction spécifique n’est pas apparue indispensable, les juges pouvant toujours renvoyer l’affaire jusqu’à obtention des pièces sous peine de radiation du rôle. En outre, un formulaire CERFA, en préparation, vise à faciliter le respect de ce formalisme en pratique.
Le ministère de la justice a conclu dans sa réponse : « Le choix a donc été fait de miser sur le changement de culture, en incitant à la formalisation de la demande, plutôt que d’imposer un formalisme en l’assortissant d’une sanction procédurale qui conduirait à des contentieux préalables dès le stade de la saisine du conseil des prud’hommes. »
M. Denys Robiliard regrette la suppression de cette sanction de nullité. Ce point de vue est totalement partagé par le président rapporteur de la mission qui a écrit en ce sens au Premier ministre.
Le respect de la forme est, en effet, primordial. Tout d’abord, les conseillers prud’hommes et les parties peuvent mieux préparer l’audience de conciliation lorsque la saisine est de qualité. Il arrive, en effet, que certains employeurs ne sachent pas précisément pourquoi ils sont cités en conciliation ce qui ne leur permet pas une bonne préparation de l’audience ; il est indispensable qu’ils le sachent à l’avenir, non seulement pour réduire les délais d’instruction mais aussi pour gagner en efficacité et améliorer le taux de conciliation, qui est aujourd’hui de 6 %. Par ailleurs, une saisine de qualité permettrait au bureau de conciliation et d’orientation de déterminer plus facilement s’il faut saisir le bureau de jugement en formation restreinte sous présidence initiale du juge départiteur.
Interrogée à ce sujet lors d’un déplacement au tribunal de grande instance de Nanterre (96), Mme Dominique Lottin, première présidente de la cour d’appel de Versailles, a partagé le même constat et regretté que la sanction de nullité ne figure plus dans le projet de décret.
S’agissant de la saisine avec représentation, l’article 30 institue une différence de traitement entre les avocats et les défenseurs syndicaux. En effet, l’article 930-1 du code de procédure civile – qui impose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, que les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique – ne devrait pas être applicable aux défenseurs syndicaux.
Par conséquent, alors que les avocats remettront les actes de procédure aux juridictions par voie électronique, via le réseau privé virtuel avocat (RPVA), le projet de décret n’envisage pas d’accorder un accès à ce réseau aux défenseurs syndicaux. Ces derniers auraient, en revanche, la possibilité, en vertu d’un nouvel article 930-2 du code de procédure civile créé par le projet de décret, d’effectuer sur un support papier les actes de procédure qui seront remis au greffe. (97)
M. Denys Robiliard considère que cette disparité est fâcheuse.
Pour justifier cette différence de traitement, le ministère de la justice, a indiqué que l’obligation pour les défenseurs syndicaux de transmettre les actes de procédures par voie dématérialisée aurait impliqué la création d’une interface autonome dédiée aux défenseurs syndicaux et connectée avec le réseau privé virtuel justice (RPVJ) et le RPVA, ou l’ouverture du RPVA aux défenseurs syndicaux, ouverture à laquelle les avocats sont opposés. Le recours à la communication électronique étant considéré comme une contrainte inhérente à la profession d’avocat, qui n’est pas disproportionnée, le ministère de la justice a considéré qu’il n’y avait pas de rupture d’égalité. En outre, la transmission par voie « papier » n’est qu’une possibilité dans la rédaction actuelle du projet de décret. À terme, le système Portalis devrait permettre de développer la communication électronique civile avec les défenseurs syndicaux, comme pour les avocats.
Ces arguments ne sont pourtant pas totalement convaincants. Il est souhaitable que soit adoptée une procédure commune à tous, tant en termes de rapidité que pour alléger la charge de travail du greffe.
Par ailleurs, si une procédure différenciée devait être maintenue, il faudrait que soit précisée la date retenue pour la communication des pièces par les défenseurs syndicaux : s’agira-t-il de la date d’envoi des pièces, ce qui semble souhaitable pour l’égalité des armes et donc des délais applicables aux appels et actes de procédure, ou de celle de réception de ces dernières par le greffe ?
c. La composition du bureau de conciliation et d’orientation
L’article 14 du projet de décret modifie l’article R. 1454-7 du code du travail : il prévoit que le bureau de conciliation et d’orientation est composé d’un conseiller prud’homme salarié et d’un conseiller prud’homme employeur. Le règlement intérieur établit un roulement entre tous les conseillers prud’hommes salariés et employeurs et peut prévoir l’affectation de certains conseillers prud’hommes par priorité à ce bureau. L’objectif est de permettre que certains conseillers, qui ont des dispositions particulières ou se sont spécialement formés pour la conciliation, soient affectés au BCO et de favoriser ainsi la conciliation.
Lors de son audition par M. Denys Robiliard, M. Alain Lacabarats a souligné que la conciliation ne pourra être développée que si les conseillers qui l’assurent ne sont pas les mêmes que ceux qui jugent : dans le cas contraire, les parties en présence seront réticentes à négocier si cette négociation doit avoir lieu devant des juges qui pourraient être amenés, dans un second temps, à juger l’affaire en cas d’échec de la conciliation.
d. La mise en l’état par le bureau de conciliation et d’orientation
En application du nouvel article l’article L. 1454-1-2 du code du travail créé par la loi du 6 août 2015, le BCO est chargé d’assurer la mise en état des affaires. Il l’assurerait, précise l’article 13 du projet de décret, jusqu’à la date qu’il fixe pour l’audience de jugement. À cette fin, il devrait déterminer les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces (98). À défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées, le BCO pourrait, une fois « les parties entendues ou appelées par tous moyens, radier l’affaire ou la renvoyer à la première date utile devant le bureau de jugement ».
Par ailleurs, l’article 13 précité prévoit, dans une nouvelle rédaction de l’article R. 1454-3, que le BCO peut, par une décision non susceptible de recours, désigner un ou deux conseillers rapporteurs pour procéder à la mise en état de l’affaire. La décision fixe un délai pour l’exécution de leur mission.
L’article R. 1454-4, dans sa nouvelle rédaction, précise que le conseiller rapporteur dispose des pouvoirs de mise en état conférés au BCO. Il peut ordonner toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux.
Si le projet de décret prévoit incontestablement la mise en état des dossiers devant la juridiction prud’homale, il le fait sans instituer une clôture de l’instruction, c’est-à-dire une date, antérieure à la date d’audience ou coïncidant avec celle-ci dans des cas exceptionnels, après laquelle il n’est plus possible d’adresser de nouvelles pièces ou de nouvelles conclusions ou écritures.
En réponse aux interrogations de M. Denys Robiliard à ce sujet, le ministère de la justice a considéré que l’ordonnance de clôture relevait de la procédure écrite ; alors que la procédure prud’homale devait rester une procédure orale, présentant notamment l’avantage de permettre aux parties d’actualiser leur situation jusqu’au jour de l’audience.
Par ailleurs, le ministère considère que l’objectif de célérité se trouve rempli par d’autres dispositions concrètes du projet de décret, qui permettent de rationaliser cette procédure orale en première instance. Tel est le cas de l’accroissement des pouvoirs du bureau de conciliation et d’orientation au titre de la mise en état : il lui est ainsi conféré le pouvoir de fixer les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces, et de mettre en demeure les parties de produire dans le délai fixé tous documents utiles, sous peine de radiation de l’affaire (sanction visant le demandeur) ou du renvoi de celle-ci à la première date utile devant le bureau de jugement pour plaidoirie (sanction visant le défendeur). Tel est également le cas de la disposition qui prévoit que lorsque toutes les parties comparantes sont représentées par un avocat, elles doivent rendre des conclusions récapitulatives formalisées comme en procédure écrite. De même, il est prévu que sont écartés des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense, ce qui permet au bureau de jugement de sanctionner le défaut de diligence des parties, tout en veillant au respect du procès équitable.
Enfin, la Chancellerie a considéré que, comme pour la sanction de nullité pour non-respect des règles de forme pour la saisine du conseil de prud’hommes, la décision de rendre une ordonnance de clôture ainsi que celle de la révoquer en cas de demande d’une des parties aurait été potentiellement génératrice de contentieux et donc en pratique contre-productive, en générant un risque de départage sur ces deux décisions.
Certes, l’article 15 du projet de décret prévoit que « sont écartés des débats, les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense ».
L’article 15 du code de procédure civile prévoit déjà que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. » Cependant, si le rejet des pièces et écritures tardives en application de cet article 15 du code de procédure civile est déjà possible, il est rarement prononcé.
L’absence d’une véritable ordonnance de clôture soulève un véritable problème, car si les renvois devant le conseil des prud’hommes sont nombreux, c’est bien souvent parce que des pièces et des conclusions sont échangées la veille de l’audience. L’institution d’une telle ordonnance, même si elle n’est pas habituelle et ne participe pas de l’esprit de la procédure orale, est donc un des éléments susceptibles de réduire effectivement la durée des procédures devant les conseils des prud’hommes. C’est pourquoi M. Denys Robiliard regrette qu’elle soit absente du projet de décret.
Lors de son intervention du 1er mars 2016 présentant le bilan de la mise en œuvre de la loi du 6 août 2015 (99), le ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, a souligné qu’il partageait tout à fait cette analyse sur la nécessité de mettre en place une ordonnance de clôture de l’instruction pour éviter les manœuvres dilatoires. Il a indiqué que lors de la prochaine réunion interministérielle, il proposerait de modifier le projet de décret afin d’ajouter une telle ordonnance, et qu’un amendement pourrait être présenté dans le cadre du projet de loi sur les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés afin de préciser que cette ordonnance ne pourrait faire l’objet d’un départage. Une telle modification législative serait de nature à répondre aux inquiétudes de la Chancellerie.
e. La composition du bureau de jugement
Le bureau de jugement se compose en principe de deux conseillers prud’hommes employeurs et de deux conseillers salariés (formation classique).
L’article 4 du projet de décret précise les différentes compositions du bureau de jugement dans les cas de figures prévus par la loi du 6 août 2015. Dans la nouvelle rédaction de l’article R. 1423-35, le bureau de jugement comprendrait :
– deux conseillers prud’hommes employeurs et deux conseillers prud’hommes salariés dans sa « composition de droit commun » ;
– un employeur et un salarié dans sa composition restreinte ;
– deux employeurs, deux salariés et le juge départiteur en cas d’échec de la conciliation si les parties le demandent ou si la nature du litige le justifie ;
– aux fins de départage, la formation classique (deux employeurs et deux salariés) ou restreinte qui s’est mise en partage de voix, présidée par le juge départiteur.
f. Les activités prud’homales indemnisables
L’article L. 1442-5 du code du travail dispose que « les employeurs laissent aux salariés de leur entreprise, membres d’un conseil de prud’hommes, le temps nécessaire pour se rendre et participer aux activités prud’homales déterminées par décret en Conseil d’État. » L’article L. 1442-6 du code du travail dispose que « le temps passé hors de l’entreprise pendant les heures de travail par les conseillers prud’hommes du collège salarié pour l’exercice de leurs fonctions est assimilé à un travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son contrat de travail, des dispositions légales et des stipulations conventionnelles ». Il poursuit que ces absences n’entrainent aucune diminution de leurs rémunérations et avantages et définit les modalités de remboursement de l’employeur.
L’article R. 1423-55 du code du travail liste les activités mentionnées à l’article L. 1442-5 et bénéficiant du régime de l’article L. 1442-6. S’il prévoit que bénéficie de ce régime l’étude d’un dossier préalablement à l’audience du BCO ce n’est que pour le seul président de celui-ci (100). Les syndicats de greffiers ont attiré l’attention de M. Denys Robiliard sur le fait que, sans évolution de cette règle, qui a une incidence financière, les conseillers salariés non présidents ne pourraient, de fait, pas prendre connaissance du dossier avant l’audience.
Or, il est indispensable, pour que la conciliation se développe et qu’elle ait davantage de chance d’aboutir, que celle-ci soit réellement préparée par les conseillers prud’homaux. La mise en place d’une indemnisation pour cette tache apparait, dès lors, souhaitable ce dont est convenu la ministre du travail, Mme Myriam El Khomri, lors de son audition par la mission d’information. De même, dans un document transmis à M. Denys Robiliard, l’Union syndicale des magistrats note « une véritable tentative de conciliation avec les documents sera désormais possible. Mais cela implique de revoir les méthodes de travail pour les conseillers : préparer les dossiers avant l’audience, réserver un temps dédié pour cette tentative de conciliation (audition des parties, si nécessaire en personne), et se former à cette conciliation. »
g. La résolution amiable des différents
Afin de favoriser la résolution amiable des différends, l’article 31 du projet de décret prévoit que le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement peut, quel que soit le stade de la procédure :
– après avoir recueilli l’accord des parties, désigner un médiateur afin de les entendre et de confronter leur points de vue pour permettre de trouver une solution au litige qui les oppose ;
– enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui les informe sur l’objet et le déroulement de la mesure.
L’accord est homologué, selon le cas, par le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement.
h. La saisine pour avis de la Cour de cassation
Avant de statuer sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif présentant une difficulté sérieuse, les juridictions judiciaires peuvent solliciter l’avis de la Cour de cassation.
Selon l’article 42 du projet de décret, la formation appelée à se prononcer comprendrait outre le premier président, le président de la chambre sociale, un président de chambre désigné par le premier président, quatre conseillers de la chambre sociale et deux conseillers, désignés par le premier président, appartenant à une autre chambre. En cas d’absence ou d’empêchement de l’un d’eux, il serait remplacé par un conseiller désigné par le premier président ou, à défaut de celui-ci, par le président de chambre qui le remplace.
i. L’entrée en vigueur des différentes modifications portées par le projet de décret
Afin de permettre aux différents acteurs de s’approprier cette réforme, le projet de décret prévoit une entrée en vigueur différée pour certains articles :
– l’article 44 prévoit que les articles 2 (contestation sur la connaissance d’une affaire par une section), 17 et 18 (non-comparution devant le bureau de jugement) s’appliquent à compter de la publication du décret ;
– l’article 45 précise que les articles 8 (modalités de saisine), 12 (forme de la requête lorsque la représentation est assurée par un avocat) et I du 23 (litiges en matière de licenciement économique) s’appliquent aux instances introduites devant les conseils des prud’hommes à compter du 1er août 2016 ;
– l’article 46 dispose que le I de l’article 10 (défenseurs syndicaux) et les articles 28 à 30 (voies de recours) entrent en vigueur en même temps que le décret pris pour la mise en œuvre du statut du défenseur syndical, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant la publication de la loi du 6 août 2015, soit avant le 1er août 2016. Les appels interjetés avant l’entrée en vigueur des articles 28 à 30 restent soumis à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel ;
– l’article 47 prévoit que l’article 42 (saisine pour avis de la Cour de Cassation) s’applique aux demandes d’avis effectuées à compter de la publication du présent décret.
3. Les décrets d’application non encore publiés
D’après les informations transmises à la mission d’information, devraient faire l’objet d’une publication au printemps prochain, les décrets relatifs aux mesures suivantes :
– les modalités d’établissement d’un référentiel indicatif aux fins de détermination de l’indemnité fixée par le juge prud’homal ; la ministre du travail, Mme Myriam El Khomri (101) a précisé qu’elle attendrait, pour publier ce décret, l’adoption du projet de loi sur les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés puisque ce texte propose d’instituer un plafonnement des indemnités en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le Premier Ministre ayant indiqué, le 14 mars dernier, que le Gouvernement renonçait au plafonnement des dommages et intérêts, il serait souhaitable que le référentiel soit désormais publié ;
– l’inscription du défenseur syndical sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés au niveau national ;
– la définition des conditions dans lesquelles la liste des défenseurs syndicaux est arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés ;
– et la détermination des modalités d’indemnisation du défenseur syndical exerçant son activité professionnelle en dehors de tout établissement ou dépendant de plusieurs employeurs.
Le décret prévoyant le délai à la suite duquel tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale est réputé démissionnaire devrait être publié, quant à lui, d’ici janvier 2018, date marquant l’entrée en vigueur du mandat des prochains conseillers prud’hommes qui seront désignés à la fin de l’année 2017.
Au-delà de la réforme de la procédure prud’homale, M. Denys Robiliard tient à souligner la question cruciale des moyens matériels et humains qui doivent accompagner la mise en place de la réforme.
Il faut d’abord souligner que les délais du départage qui s’affranchissent sans vergogne du mois dans lequel une affaire doit être reprise après départage, en application de l’article L. 1454-2 du code du travail, ne s’expliquent que par l’insuffisance du nombre de magistrats départiteurs. Les délais prud’homaux ont tous augmenté mais plus encore ceux du départage. En 2004, il fallait en moyenne 12,8 mois pour juger une affaire et 15,1 mois en 2013. Mais en cas de départage, il fallait 22,1 mois en 2004 et 29,7 en 2013. Ainsi, le délai a augmenté de 18 % en neuf ans devant le bureau de jugement mais de 34 % en cas d’intervention du juge départiteur.
Lors d’une réunion à la Chancellerie le 23 décembre 2014, M. Denys Robiliard avait interrogé le directeur des services judiciaires, M. Jean-François Beynel, sur la capacité de la Chancellerie à dégager le nombre de magistrats nécessaires à la mise en œuvre de la réforme qui prévoyait alors une intervention plus précoce du juge professionnel dans plusieurs occurrences (demande en BCO par les parties, ou par une partie avec l’accord d’un des conseillers). Il lui fut répondu par une affirmation catégorique. Il peut donc en déduire qu’alors que le magistrat départiteur n’interviendra au terme de la réforme avant départage que sur décision du BCO, il devrait être possible de dégager le nombre d’équivalents temps plein nécessaires. Pour autant, l’insuffisance du nombre de magistrats et le non-remplacement qui nous a été rapporté d’un des sept juges départiteurs au conseil des prud’hommes de Paris ne sont pas, de ce point de vue, sans susciter des inquiétudes.
La question des moyens ne concerne pas que les magistrats, mais aussi les greffiers et, plus prosaïquement, le nombre de salles disponibles. Si la saisine en formation restreinte doit permettre d’accélérer la procédure, il convient que plusieurs formations restreintes puissent statuer simultanément, et donc utiliser deux salles distinctes et recourir à deux greffiers. La réussite de cette réforme suppose donc d’accroître le nombre de magistrats et de greffiers, mais aussi la disponibilité des salles (102). Les syndicats de greffiers ont également attiré l’attention sur les sujétions nouvelles résultant du renforcement – par ailleurs indispensable – de la saisine : la conservation et l’expédition des pièces nécessiteront du temps, des frais d’affranchissement supplémentaires et … de nouvelles étagères.
S’agissant des greffiers, M. Denys Robiliard reprend à son compte l’analyse de M. Didier Marshall, premier président de la cour d’appel de Montpellier, qui préconise, dans un rapport relatif à la justice du XXIème siècle (103), que soit développé, notamment en matière de mise en état, le rôle des greffiers. Ceux-ci, souvent titulaires d’un diplôme de niveau master, sont extrêmement bien formés et peuvent parfaitement prendre des décisions, sous le contrôle des juges, y compris des juges paritaires. Il est donc dommage que le rôle qui leur est confié soit réduit, car cela permettrait de réduire la durée des procédures devant les conseils de prud’hommes.
Interrogée sur la question des moyens accompagnants la réforme, l’ancienne Garde des Sceaux, Mme Christine Taubira, a indiqué : « nous étudions actuellement la mise en commun de salles des tribunaux d’instance afin d’augmenter les capacités logistiques d’audience. (…) Nous créons des postes de greffiers à raison de 700 greffiers par promotion annuelle, auxquels s’ajoutent 200 à 300 greffiers en formation continue. De surcroît, les deux plans de lutte antiterroriste nous ouvrent des capacités supplémentaires de création d’emplois : les nouveaux effectifs sont en cours de formation et seront bientôt opérationnels. »
De même, le ministère de la justice, interrogé par M. Denys Robiliard sur la question des moyens matériels, a indiqué qu’il existait « une marge de densification de l’utilisation de salles » : non seulement les salles d’audience ne sont actuellement pas occupées à temps plein, mais, pour nombre de conseils de prud’hommes, une mutualisation est possible avec un tribunal d’instance ou un tribunal de grande instance. La direction des services judiciaires a néanmoins lancé une enquête auprès des magistrats délégués à l’équipement immobilier, afin de connaître les lieux où il y aurait des difficultés.
Par ailleurs, se pose aussi la question du financement de la formation initiale des conseillers prud’homaux. La mise en place d’une formation de qualité est d’autant plus importante, pour la réussite de la réforme, que la proportion de conseillers prud’homaux nouvellement désignés en 2017 sera très probablement élevée. En effet, compte tenu de la double prorogation de leur mandat, les conseillers actuellement en fonction pourraient être nombreux à ne pas solliciter leur renouvellement. Les derniers chiffres annoncés par la direction générale du travail (10 000 conseillers à former) nécessitent un important travail d’évaluation des moyens et des délais nécessaires pour mettre en place cette formation et surtout, pour gérer le suivi effectif de ces formations par les conseillers.
Lors de son audition par la mission d’information, Mme Myriam El Khomri a indiqué le rôle central qui sera joué, en l’espèce, par l’École nationale de la magistrature (ENM).
Néanmoins de nombreuses questions doivent encore être tranchées. En effet, si l’ENM doit intervenir dans cette formation initiale, sa mission n’a pas été tranchée entre un rôle limité à l’ingénierie pédagogique (104) ou un rôle complet avec la réalisation effective de la formation initiale des conseillers prud’hommes. En outre, la question de la prise en charge financière de cette formation ne semble pas tranchée. Ainsi, le ministère de la justice a indiqué à M. Denys Robiliard que « le ministère du travail [semblait] opposé à la prise en charge financière de la formation initiale » compte tenu de la charge que représentait déjà la formation continue. En effet, la formation actuellement dispensée aux conseillers prud’hommes ne distingue pas entre la formation initiale et la formation continue et est financée par l’État via des conventions conclues entre le ministère du travail et des organismes ou établissements agréés. Des arbitrages sont donc en cours sur la répartition de cette charge entre le ministère de la justice et le ministère du travail.
Enfin, M. Denys Robiliard tient à souligner l’indispensable œuvre de pédagogie qui doit accompagner cette réforme. Celle-ci reste perçue par nombre de conseillers prud’homaux, comme manifestant une méfiance à l’égard de la justice prud’homale. Comme l’a rappelé M. Alain Lacabarats, lors de son audition, il est donc nécessaire de souligner, notamment par la formation, que cette réforme donne aux conseils de nombreux outils pour améliorer l’efficacité de leur procédure.
Interrogée à ce sujet lors d’un déplacement au tribunal de grande instance de Nanterre, Mme Dominique Lottin, première présidente de la cour d’appel de Versailles a partagé le même constat et présenté les actions menées dans son ressort pour mettre en place la réforme. Un contrat d’objectifs et de moyens a ainsi été signé entre la cour d’appel et le conseil des prud’hommes de Nanterre le 5 janvier dernier. La première présidente a néanmoins insisté sur la nécessité de disposer d’effectifs supplémentaires de greffiers et magistrats pour permettre la réussite de la réforme.
II. LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI AYANT FAIT L’OBJET DE MESURES D’APPLICATION
Le chapitre II du titre III de la loi du 6 août 2015 réforme le droit du travail sur plusieurs aspects majeurs, notamment en modernisant l’inspection du travail, en renforçant la lutte contre les fraudes au détachement et en améliorant le dispositif de sécurisation de l’emploi. De nombreux textes d’application ont d’ores et déjà été adoptés.
Plusieurs décrets ont également été publiés à propos des personnes en situation de handicap et des modifications de la législation applicables dans les départements et certains territoires d’outre-mer.
Le décret du 28 janvier 2016 relatif aux modalités d’acquittement partiel de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (105) a été pris en application des articles 272, 273 et 274 de la loi. Il précise les modalités d’acquittement de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés par l’accueil de personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel et la conclusion de contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services avec des travailleurs indépendants handicapés.
S’agissant de la conclusion de contrats avec des travailleurs indépendants handicapés, le nombre de bénéficiaires de l’obligation est calculé en divisant le prix hors taxes des fournitures, travaux ou prestations figurant au contrat (106) par 2 000 fois le salaire minimum de croissance en vigueur au 31 décembre de l’année d’assujettissement à l’obligation d’emploi. Ce nombre doit ensuite être divisé par le nombre de salariés employés par le travailleur indépendant au prorata du temps de travail inscrit à leur contrat, dans la limite de la durée légale ou conventionnelle de travail.
S’agissant des périodes de mise en situation en milieu professionnel, ces dernières doivent avoir une durée égale ou supérieure à trente-cinq heures pour pouvoir être prises en compte. Cette durée s’applique également à l’accueil d’un stagiaire handicapé.
Le décret n° 2015-1722 du 21 décembre 2015 (107), le décret n° 2015-1723 du 21 décembre 2015 (108) et l’ordonnance n° 2015-1578 du 3 décembre 2015 (109) ont été pris en application de l’article 275 de la loi qui supprime le contrat d’accès à l’emploi et le contrat d’insertion par l’activité et étend le contrat initiative-emploi aux départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Enfin, le projet de décret relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail prévoit, en application de l’article 267 de la loi(110), que le contentieux préélectoral relève désormais du juge d’instance.
A. LA RÉFORME DE L’INSPECTION DU TRAVAIL
Face aux mutations récentes du marché du travail, l’organisation de l’inspection du travail et les outils dont disposent aujourd’hui ses agents sont parfois inadaptés et peuvent manquer d’efficacité. C’est ce constat qui a conduit le Gouvernement et la majorité à proposer un renforcement du système d’inspection du travail en plusieurs temps.
Le Gouvernement a, tout d’abord, déployé deux projets de réforme par la voie réglementaire, puis il a intégré au projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (111), un article 20 consacré à l’inspection du travail. Cet article n’ayant pas été adopté par le Sénat, ses dispositions de fond ont ensuite été reprises, pour le volet organisationnel de la réforme, par le décret du 20 mars 2014 relatif à l’organisation du système d’inspection du travail (112), et, pour les autres volets, par la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail du 27 mars 2014. Cette proposition n’ayant pas été adoptée, la loi du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance le dernier volet de la réforme de l’inspection du travail.
1. Le projet « ministère fort »
Le projet « ministère fort » a été lancé en octobre 2013, avec l’envoi d’une instruction qui énonce les trois principales orientations retenues par le Gouvernement pour guider la rénovation du système d’inspection du travail :
– son organisation et son fonctionnement doivent évoluer pour développer une action à la fois plus collective et efficace, grâce : à l’instauration d’unités de contrôles constituées de huit à douze sections ou agents sous l’autorité d’un responsable ; à une meilleure intégration des dispositifs d’appui existants ; à la création de réseaux sur des risques particuliers, d’unités régionales dédiées à la lutte contre le travail illégal et d’un groupe national de contrôle, d’appui et de veille ;
– ses priorités doivent être en nombre limité pour avoir un véritable impact, elles seront donc redéfinies selon un processus associant les agents ;
– ses pouvoirs doivent être étendus, via un élargissement des dispositifs d’arrêt temporaire de travaux, l’institution d’amendes administratives, la facilitation de l’accès aux documents utiles aux contrôles et l’ouverture du recours à l’ordonnance pénale.
Poursuivant le même objectif de renforcement de l’efficacité de l’action de l’inspection du travail et intervenant en complément du projet « ministère fort », un plan de transformation des emplois a été lancé dès septembre 2013 par le Gouvernement. Il vise à la requalification progressive en postes d’inspecteurs, par voie d’examen professionnel, de tous les postes de contrôleurs du travail, dont le corps a donc été mis en extinction. Un premier plan triennal de 540 emplois a été acté pour la période 2013-2015, sur le fondement du décret du 23 juin 2013 (113).
2. L’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale
Afin de permettre une mise en œuvre rapide de la réforme, le Gouvernement avait intégré au projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, un article 20 dédié à l’inspection du travail (114). Après avoir été adopté par l’Assemblée nationale, il a été cependant supprimé par le Sénat, puis n’a pas été rétabli en commission mixte paritaire, afin d’éviter un échec certain de cette dernière en cas de rétablissement de cet article et pour ne pas retarder la promulgation de la réforme de la formation professionnelle.
L’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale proposait les réformes suivantes :
• Une nouvelle organisation des différents échelons du système d’inspection du travail
Au niveau local, l’article 20 visait à créer des unités collectives de contrôle, nouveaux échelons de proximité d’intervention dans les entreprises en remplacement des sections, qui subsistaient cependant comme cadre d’exercice indépendant de leurs prérogatives par les inspecteurs du travail.
Cet article proposait un renforcement des capacités de contrôle de l’inspection du travail au niveau de la région, qui ne jouissait jusqu’alors d’aucune structure permanente assumant ces fonctions. Il tendait ainsi à créer des unités régionales de contrôle, revêtant un caractère permanent dans le cadre de la lutte contre le travail illégal et temporaire pour tout autre besoin spécifique, et des missions régionales de prévention et de contrôle des risques particuliers, constituées sous la forme de réseaux ayant pour objectif d’améliorer la prise en charge des risques complexes. Par ailleurs, il facilitait la mise en place d’unités de contrôle interdépartementales ou interrégionales.
Enfin, au niveau national, il visait à créer un groupe national de contrôle, d’appui et de veille, compétent pour des situations impliquant, sur l’ensemble du territoire, une expertise particulière, un accompagnement des services, un contrôle spécifique ou une coordination des contrôles.
À la suite de la suppression de l’article 20, a donc été pris le décret du 20 mars 2014 précité (115), qui a mis en œuvre les dispositions initialement prévues par celui-ci en matière d’organisation.
• L’extension des pouvoirs d’intervention des agents
L’article 20 proposait, par ailleurs, d’étendre les pouvoirs d’intervention des agents de contrôle :
– il accroissait ainsi leurs pouvoirs d’enquête, en améliorant leur droit d’accès aux documents des entreprises et en élargissant leur droit de demander aux employeurs de faire procéder à des analyses techniques ;
– il renforçait également leurs prérogatives en cas de danger pour la santé et la sécurité des travailleurs, en étendant le périmètre de la procédure d’arrêt temporaire de travaux, en simplifiant celle d’arrêt d’activité en cas de risque chimique, et en unifiant les voies de recours ouvertes ;
– enfin, en vue d’accroître l’autorité des agents de l’inspection du travail, il durcissait les peines réprimant les actes d’entrave et de violence envers ceux-ci.
• L’amélioration du dispositif de sanction des infractions au code du travail
Puis, l’article 20 proposait deux innovations majeures pour améliorer le dispositif de sanction des infractions au code du travail :
– la création d’amendes administratives : d’un montant maximum de 2 000 euros, les amendes administratives devaient permettre au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), sur rapport de l’agent de contrôle et après avoir suivi une procédure contradictoire, de sanctionner des infractions ciblées concernant des éléments fondamentaux de la législation et du contrat de travail ;
– l’ouverture du recours à la transaction pénale (116) et la possibilité d’un traitement judiciaire accéléré des contraventions via la procédure d’ordonnance pénale (117).
3. La proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail
À la suite de la suppression de l’article 20 du projet de loi, les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen ont, en accord avec le ministre du travail, déposé une proposition de loi n° 1848 relative aux pouvoirs de l’inspection du travail, le 27 mars 2014, qui entendait reprendre les dispositions de fond de l’article 20 tel qu’amendé par l’Assemblée nationale (118).
a. Le renforcement des pouvoirs et garanties accordés aux agents
L’article 1er de cette proposition visait, tout d’abord, à renforcer les missions et garanties accordées aux agents de contrôle.
Il procédait ainsi à la consécration législative du principe d’indépendance, en inscrivant, dans le code du travail, cette garantie dont jouissent les agents de l’inspection du travail, et en prévoyant qu’ils étaient associés à la définition des orientations collectives et des priorités d’intérêt général du système d’inspection du travail.
Il étendait également le champ matériel des contrôles que peuvent mener les agents de l’inspection du travail, en les autorisant à constater les infractions relatives à la traite des êtres humains, au travail forcé et à la réduction en servitude.
En vue d’anticiper les conséquences du plan de transformation des emplois, il unifiait enfin les compétences de contrôle des agents, qu’ils soient inspecteurs ou contrôleurs du travail, et donnait une base législative à l’extinction du corps des contrôleurs.
L’article 4 reprenait, ensuite, les dispositions d’extension des pouvoirs d’intervention des agents, prévues initialement par l’article 20 :
– pour simplifier et étendre la procédure d’arrêt d’activité en cas de risque chimique, élargir le périmètre de la procédure d’arrêt temporaire de travaux et unifier les voies de recours ouvertes en la matière ;
– mais aussi pour accroître les pouvoirs d’enquête de l’inspection du travail, en élargissant son droit de faire procéder à des analyses, et en garantissant un meilleur droit d’accès et de copie des documents.
À l’initiative du rapporteur de la proposition de loi, la commission des affaires sociales avait élargi et sécurisé les modalités d’accès de l’agent de contrôle de l’inspection du travail aux documents et le droit de prendre copie de ces documents : elle avait ainsi souhaité que l’agent de contrôle puisse établir une liste des documents dont il a pris copie, qu’il puisse prendre copie de ces documents sur un support dématérialisé, et qu’il puisse également disposer de tout élément d’information utile à leur contrôle.
La commission des affaires sociales avait également souhaité compléter les moyens d’investigation des agents de contrôle de l’inspection du travail, par l’amélioration du dispositif existant de repérage de l’amiante en posant l’obligation pour les donneurs d’ordre et propriétaires de faire rechercher, préalablement à toute opération, la présence d’amiante.
b. La rénovation du dispositif de sanction des infractions au code du travail
S’agissant de la rénovation du dispositif de sanction des infractions au code du travail, les mesures prévues initialement par l’article 20 du projet de loi n° 1721 étaient reprises par l’article 2 de la proposition de loi n° 1848 pour la création des amendes administratives, et l’article 3, pour l’ouverture du recours à la transaction et à l’ordonnance pénales.
De plus, la notification d’une amende administrative ou la conclusion d’une transaction devait être désormais portée à la connaissance du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), lorsque le manquement avait trait à des questions relevant de ses missions, le comité d’entreprise, dans les autres cas, et, à défaut, les délégués du personnel.
S’agissant des amendes administratives, la Commission des affaires sociales avait également souhaité renforcer la procédure contradictoire en matière d’amendes administratives, en prévoyant que le délai d’un mois fixé à l’employeur pour l’informer du montant de l’amende envisagée et recueillir ses observations pourrait être prorogé d’autant à la demande de l’employeur si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient.
4. Le projet d’ordonnance réformant l’inspection du travail
Toutefois, malgré son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en mai 2014, cette proposition de loi n’a finalement pas pu être examinée en séance publique. C’est pourquoi l’article 261 de la loi du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures législatives permettant de :
– renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives du système d’inspection du travail ;
– étendre et coordonner les différents modes de sanction ;
– et réviser l’échelle des peines en matière de droit du travail, notamment de santé et de sécurité au travail.
Lors de son audition par M. Denys Robiliard, le directeur général du travail, M. Yves Struillou, a présenté le projet d’ordonnance qui devrait être ratifié par le Parlement au printemps.
Ce projet d’ordonnance reprend précisément les dispositions de la proposition de loi telle qu’adoptée par la commission des affaires sociales de notre Assemblée le 14 mai 2014 (119) s’agissant des pouvoirs de l’inspection du travail (120) et de l’extension et la coordination des différents modes de sanction ainsi que la révision de l’échelle des peines (121)
Le projet d’ordonnance et la proposition de loi diffèrent sur cinq points :
Premièrement, le projet est enrichi par l’introduction d’un arrêt de travaux concernant les jeunes occupés à des travaux réglementés ou interdits, en cas de danger grave et imminent. Ce nouveau pouvoir de l’inspection du travail permet d’achever la réforme menée par le ministre du travail afin de simplifier les démarches administratives lors de l’accueil d’un jeune mineur.
L’encadrement de l’affectation des jeunes mineurs aux travaux dangereux
Afin de garantir la santé et la sécurité des jeunes travailleurs de moins de 18 ans, il est interdit de les affecter à certaines catégories de travaux particulièrement dangereux du fait des risques inhérents à l’opération visée et de la vulnérabilité du jeune (article L. 4153-8 et articles D. 4153-15 à D. 4153-37 du code du travail). Cette interdiction concerne tous les jeunes âgés d’au moins 15 ans et de moins de 18 ans qu’ils soient en formation professionnelle ou en emploi.
Toutefois, pour les besoins de leur formation professionnelle et sous certaines conditions, les jeunes peuvent être affectés à ces travaux, qui sont alors qualifiés de travaux réglementés (article L. 4153-9 du code du travail).
Le décret n° 915-2013 du 11 octobre 2013 a actualisé la liste des travaux dangereux interdits et réglementés.
Le décret n° 2015-443 du 17 avril 2015 a modifié la procédure aplicable en matière de tracaux interdits, en passant d’une décision d’autorisation de déroger par lieu de formation, pour une durée de trois ans à une déclaration de « dérogation » à adresser à l’inspection du travail. Cette déclaration demeure valable trois ans. Dès réception de la déclaration par l’inspection du travail, elle permet à l’employeur ou au chef d’établissement d’affecter les jeunes en formation professionnelle aux travaux listés dans la déclaration. L’employeur ou le chef d’établissement tient à disposition de l’inspecteur les informations concernant chaque jeune qu’il accueille.
Deuxièmement, comme le Gouvernement s’y était engagé en 2014, le projet d’ordonnance révise le montant de la pénalité infligée pour les principales infractions en matière de sécurité au travail, resté inchangé depuis 1976.
Troisièmement, pour tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur son interprétation du principe non bis in idem, sur le cumul des sanctions pécuniaires administratives avec des sanctions pénales, le projet d’ordonnance prévoit, dans un nouvel article L. 8115-1 du code du travail, que le Direccte ne peut prononcer à l’encontre de l’employeur une amende (122) que « sous réserve de poursuites pénales ».
Le principe non bis in idem
dans la jurisprudence de la Cour européennes des droits de l’Homme
La Cour européenne des droits de l’Homme a récemment précisé son interprétation du principe non bis in idem, par trois arrêts rendus le 20 mai 2014.
Elle prohibe clairement l’engagement de procédures consécutives si les premières poursuites ont déjà donné lieu à une décision définitive lorsque les secondes ont été commencées, mais n’interdit pas en tant que tel l’engagement de plusieurs procédures concomitantes ou parallèles.
Elle reconnaît également la possibilité d’engager de nouvelles poursuites ou de poursuivre une procédure antérieure après la décision mettant fin à une première série de procédures, lorsqu’il existe un lien matériel et temporel suffisamment étroit entre elles. La Cour considère que ne constitue pas une répétition de procédures prohibée par la Convention l’engagement de différentes procédures donnant lieu à différentes sanctions infligées par différentes autorités à raison des mêmes faits, lorsque ces procédures présentent un lien matériel et temporel suffisamment étroit (CEDH, 20 mai 2014, Glantz c/ Finlande).
Le Dirrecte devra donc interroger le Parquet afin de savoir si des poursuites ont été engagées et il ne pourra prononcer une amende que si le Parquet ne se saisit pas de l’affaire. La voie de la sanction administrative est donc fermée en cas de poursuite pénale par le ministère public ou la victime.
En revanche, si le Dirrecte prononce une amende et que le Parquet souhaite, dans un second temps, initier une procédure pénale ou qu’il est saisi par une victime, se posera alors la question du cumul de sanctions et du respect du principe non bis in idem.
Dans deux décisions du 18 mars 2015 et du 14 janvier 2016 (123), le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle : « le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction », tout en précisant que « si l’éventualité que soient engagées deux procédures peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues ». (124)
Le Conseil constitutionnel considère, dès lors, que le cumul de poursuites différentes pour des mêmes faits reste en effet possible si « au moins l’une des conditions suivantes » est « remplie » :
– que les dispositions contestées ne tendent pas à réprimer les mêmes faits identiquement qualifiés ;
– « que ces deux répressions ne protègent pas les mêmes intérêts sociaux ;
– que ces deux répressions aboutissent au prononcé de sanctions de nature différente ;
– que les poursuites et sanctions prononcées ne relèvent pas du même ordre de juridiction » (125).
Se pose donc la question de savoir si les sanctions prononcées par l’autorité administrative – le Direccte – et le juge judiciaire sont bien de nature différente.
En l’espèce, dans sa décision du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel, a considéré que méconnaissait le principe de nécessité des délits et des peines le cumul de sanctions prononcées par le juge pénal et l’Autorité des marchés financiers, les sanctions du délit d’initié et du manquement d’initié ne pouvant « être regardées comme de nature différente en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction » (126).
Cependant, dans le cas des amendes administratives prononcées par un Direccte, les poursuites et les sanctions ne relèvent pas du même ordre de juridiction, puisque le recours contre ces amendes relève du juge administratif. Par ailleurs, il n’est pas certain que le raisonnement adopté par le Conseil constitutionnel dans les décisions du 18 mars 2015 et du 14 janvier 2016 ne soit pas lié au cas d’espèce et soit transposable au cumul de sanctions pénales et administratives prononcées par un Direccte.
Quatrièmement, s’agissant de l’accès aux documents pour les inspecteurs du travail, la rédaction retenue par le projet d’ordonnance est plus restrictive que celle adoptée par la commission des affaires sociales. En effet, alors que l’article 4 de la proposition de loi prévoyait qu’ « au cours de leurs visites, les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 peuvent, sauf secret protégé par la loi, se faire communiquer tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission définie aux articles L. 8112-1 et L. 8112-2 ou tout élément d’information utile à leur contrôle, quel qu’en soit le support. », le projet d’ordonnance prévoit que : « Les inspecteurs et contrôleurs du travail peuvent se faire présenter au cours de leurs visites, l’ensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires par le présent code ou par une disposition légale relative au régime du travail. » ce qui est actuellement prévu par l’article L. 8113-4 du code du travail. S’y ajoutent les dispositions de l’article L. 8113-5 permettant d’obtenir la communication de tout élément pour vérifier le respect des dispositions légales en matière de discrimination, d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et d’exercice du droit syndical.
Les agents de contrôle ont également accès aux documents relatifs aux vérifications et contrôles mis à la charge de l’employeur au titre de la santé et de la sécurité au travail et des observations et mises en demeure notifiées par l’inspection en matière de santé et de sécurité, de médecine du travail et de prévention des risques conformément à l’article L. 4711-3. L’accès aux documents se limite donc, sauf application de l’article L. 8113-4, aux registres et documents rendus obligatoires par le code du travail (127).
Lors de son audition, le directeur général du travail, M. Yves Struillou, a indiqué qu’un droit de saisie des inspecteurs du travail non limité présentait un risque de censure constitutionnelle et que le choix a donc a été fait de limiter ce droit de d’accès à l’ensemble des documents rendus obligatoires par le code du travail ; il serait souhaitable qu’à tout le moins les dispositions de l’article L. 8113-4 soient étendues au respect des libertés individuelles et collectives dans l’entreprise qui sont garanties par l’article L. 1121-1.
Enfin, cinquièmement, s’agissant des orientations collectives de l’inspection du travail, alors que la proposition de loi prévoyait que les agents de contrôle de l’inspection du travail « sont associés à la définition des orientations collectives et des priorités d’intérêt général pour le système d’inspection du travail arrêtées, chaque année, par le ministre chargé du travail, après consultation des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives. », le projet d’ordonnance ajoute que ces agents « contribuent à leur mise en œuvre. » Cette précision rappelle que l’indépendance des inspecteurs du travail peut aller de pair avec le respect des orientations collectives, comme l’a souligné Mme Myriam El Khomri, lors de son audition par la mission d’information : « J’ai eu l’occasion de le rappeler à l’intention des syndicats du ministère du travail qui pointaient les difficultés à effectuer un reporting de leurs actions. Je suis attachée à l’indépendance de l’inspection du travail mais l’indépendance, ce n’est pas l’autonomie. Ce reporting est important. »
Notons que l’amendement déposé par le groupe Socialiste, républicain et citoyen et par le groupe Écologiste sur la proposition de loi en séance publique, et visant à renforcer les pouvoirs de l’inspection du travail en lui donnant la possibilité de reconnaitre par décision administrative une unité économique et sociale avec pour conséquence la mise en place d’un comité d’entreprise, n’a pas été repris dans le projet d’ordonnance. Le directeur général du travail a indiqué, lors de son audition, qu’une instruction serait diffusée sur ce sujet.
Mme Myriam El Khomri a, par ailleurs, indiqué à la mission que le projet d’ordonnance a été adressé au secrétariat général du Gouvernement et qu’il serait prochainement soumis, après l’avis de la Chancellerie, au comité national d’évaluation des normes puis au Conseil d’État. La ratification de cette ordonnance devrait intervenir dans le cadre de l’examen du projet de loi sur les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés qui devrait être discuté au printemps.
B. L’AMÉLIORATION DU DISPOSITIF DE SÉCURISATION DE L’EMPLOI
La loi du 6 août 2015 comprend plusieurs mesures visant à compléter le dispositif de sécurisation de l’emploi. Plusieurs décrets ont d’ores et déjà été publiés pour l’application de ces articles.
Ainsi le décret du 10 décembre 2015 (128) a été pris en application de l’article 288 qui prévoit que les employeurs, qui définissent unilatéralement un plan de sauvegarde de l’emploi, fixent le périmètre d’application des critères relatifs à l’ordre des licenciements à un niveau qui ne peut être inférieur à la zone d’emploi d’un établissement. Le décret précité précise que les zones d’emplois mentionnées dans l’article 288 « sont celles référencées dans l’atlas des zones d’emploi établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques du ministre chargé de l’emploi. »
Par ailleurs, le décret du 10 décembre 2015 relatif à la procédure de reclassement interne hors du territoire national en cas de licenciements pour motif économique (129) précise les modalités d’information du salarié en application de l’article 290 de la loi du 6 août 2015. Ce dernier prévoit que « lorsque l’entreprise ou le groupe dont l’entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements » et que l’employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt.
Le décret précise que :
– l’employeur informe individuellement le salarié, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine, de la possibilité de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national ;
– à compter de la réception de l’information de l’employeur, le salarié dispose de sept jours ouvrables pour formuler par écrit sa demande de recevoir ces offres. Il précise, le cas échéant, les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation ainsi que toute autre information de nature à favoriser son reclassement ;
– l’employeur adresse au salarié les offres écrites et précises correspondant à sa demande en précisant le délai de réflexion dont il dispose pour accepter ou refuser ces offres ou l’informe de l’absence d’offres correspondant à sa demande. L’absence de réponse à l’employeur à l’issue du délai de réflexion vaut refus. Le délai de réflexion ne peut être inférieur à huit jours francs, sauf lorsque l’entreprise fait l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. L’offre doit indiquer au moins : le nom de l’employeur, la localisation du poste, l’intitulé du poste, la rémunération, la nature du contrat de travail et la langue de travail.
Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique de dix salariés ou plus dans une entreprise de cinquante salariés et plus dans une même période de trente jours, l’accord collectif ou le document unilatéral précise notamment :
– les modalités de l’information individuelle du salarié ;
– les conditions dans lesquelles le salarié formalise par écrit auprès de l’employeur son souhait de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national et le délai dont il dispose pour manifester son intérêt à compter de la réception de l’information de l’employeur ;
– les modalités de la communication au salarié des offres de reclassement ;
– et le délai de réflexion dont dispose le salarié pour se prononcer sur les propositions de reclassement qui lui sont faites.
Enfin, le décret du 23 décembre 2015 relatif au financement des formations dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et les entreprises (130), pris en application de l’article 294 de la loi du 6 août 2015, précise les modalités de financement, par les OPCA et les entreprises, des actions de formation des salariés licenciés pour un motif économique bénéficiant du contrat de sécurisation professionnelle.
C. LA LUTTE CONTRE LA PRESTATION DE SERVICES INTERNATIONALE ILLÉGALE
De nombreuses entreprises sont actuellement menacées par les conséquences du détachement illégal de salariés étrangers et ont alerté les pouvoirs publics sur l’impérieuse nécessité d’en modifier le cadre légal et d’intensifier les contrôles afin de préserver le modèle économique et social français. La loi du 6 août 2015 a considérablement renforcé notre arsenal législatif pour lutter contre les fraudes au détachement, dans le prolongement de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale (131).
Ainsi, le plafond de la sanction administrative prononcée contre le prestataire étranger, ou le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui recourt à ses services, en cas de violation des règles relatives à la déclaration préalable de détachement, a été relevé substantiellement, de 10 000 à 500 000 euros, par l’article 279 de la loi du 6 août 2015. Le décret du 19 janvier 2016 relatif aux obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la réalisation de prestations de services internationales (132) précise le contenu de la déclaration qui doit être effectuée par le donneur d’ordre lorsque son co-contractant ne lui a pas remis la déclaration de détachement, d’une part, et les modalités de mise en œuvre de la solidarité financière, d’autre part.
Les modalités de mise en œuvre de la solidarité financière
précisées par le décret du 19 janvier 2016
Lorsque le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est informé par écrit, par un agent de contrôle, du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié de son cocontractant ou d’un sous-traitant, il doit enjoindre aussitôt ce cocontractant ou ce sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation.
Dès réception de l’injonction, le sous-traitant ou le cocontractant concerné informe, par écrit, dans un délai de sept jours le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre des mesures prises pour faire cesser la situation.
Dans ce même délai de sept jours, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre transmet aussitôt cette réponse à l’agent de contrôle ou informe celui-ci de l’absence de réponse.
Dans l’hypothèse où l’employeur ne régulariserait pas la situation, le maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre doit dénoncer le contrat de prestation de service. À défaut, il est tenu solidairement avec son co-contractant au paiement des rémunérations et indemnités dues à chaque salarié détaché.
Par ailleurs, le Dirrecte peut désormais ordonner la suspension de l’activité d’un prestataire étranger qui a détaché des salariés en cas de manquement grave à l’ordre public social (133) (article 280 de la loi du 6 août 2015).
Le décret du 3 décembre 2015 relatif à la suspension temporaire de la réalisation de prestations de services internationales illégales et à la compétence des agents de contrôle de l’inspection du travail des services déconcentrés (134) précise :
– les modalités de suspension des prestations de services internationales illégales aux articles R. 1263-11-1 et suivants du code du travail ;
– le champ d’intervention des agents de contrôle de l’inspection du travail chargés de lutter contre le travail illégal ;
– la mise en œuvre des sanctions administratives en cas de non-respect de la décision de suspension temporaire (article R. 8115-5 nouveau du code du travail) ;
– l’extension de la compétence des agents des unités régionales d’appui et de contrôle en charge de la lutte contre le travail illégal aux dispositions relatives au détachement ainsi qu’à la santé et la sécurité (articles R. 8122-8 et R. 8122-9).
Par ailleurs, un décret adaptant certaines dispositions applicables aux entreprises de transport détachant des salariés roulants ou navigants sur le territoire national a été transmis à la mission, pris en application de l’article 281 de la loi (135), devrait être publié prochainement. Une négociation est actuellement en cours entre les professionnels du transport fluvial et routier et le secrétaire d’État aux transports sur ce sujet délicat.
Enfin, l’article 282 de la loi a rendu obligatoire la délivrance d’une carte d’identification professionnelle par un organisme national désigné par décret en Conseil d’État à chaque salarié effectuant des travaux de bâtiment ou de travaux publics (BTP) pour le compte d’une entreprise établie en France ou pour le compte d’une entreprise établie hors de France en cas de détachement.
Le décret n° 2016-175 du 22 février 2016 a généralisé l’obligation pour les salariés du BTP, y compris les salariés détachés, de disposer d’une carte d’identification professionnelle. La ministre du travail, Mme Myriam El Khomri a aussi indiqué travailler, notamment avec la commissaire européenne, Mme Marianne Thyssen, pour qu’une révision ciblée de la directive européenne de 1996 intervienne au premier semestre.
Par ailleurs, cette réglementation devrait être complétée par le projet de loi sur les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés qui devrait être délibéré par le Conseil des ministres dans les prochaines semaines : ce texte devrait comprendre une disposition prévoyant une suspension de prestation en cas de défaut de déclaration de détachement, et autorisant les agents compétents à effectuer leurs contrôles avec l’appui d’un interprète.
Le renforcement de l’arsenal de lutte contre le détachement illégal par la loi du 6 août 2015 a produit des effets concrets puisque le nombre d’interventions est passé d’environ 600 par mois avant l’été 2015, à 1 400 contrôles mensuels en moyenne depuis septembre 2015. Au second semestre 2015, 139 amendes ont été notifiées pour non-présentation d’une déclaration de détachement pour un montant cumulé de 675 700 euros. Quinze fermetures préfectorales ont été initiées ou prises sur proposition des Direccte.
La mesure de suspension de la prestation de service internationale commence aussi à être mise en œuvre. Ainsi, au début du mois de février 2016, elle a été appliquée en Corse à l’égard de deux entreprises de BTP détachant des salariés sur un chantier, car elles ne justifiaient pas du respect des règles relatives à l’application du SMIC ni de celles relatives à la durée du travail et à l’octroi de repos.
III. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS
Numérotation précise |
Texte d’application |
Objet |
Article 258, I, 4° |
DCE |
Modalités d’établissement d’un référentiel indicatif aux fins de détermination de l’indemnité fixée par le juge prud’homal |
Article 258, I, 11° |
DS |
Délai à la suite duquel tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale est réputé démissionnaire |
Article 258, I, 19° |
DS |
Inscription du défenseur syndical sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés au niveau national |
Article 258, I, 21° |
À |
Définition des conditions dans lesquelles la liste des défenseurs syndicaux est arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés |
Article 258, I, 21° |
DS |
Détermination des modalités d’indemnisation du défenseur syndical exerçant son activité professionnelle en dehors de tout établissement ou dépendant de plusieurs employeurs |
Article 258, VII |
DCE |
Modalités relatives à la justice prud’homale |
Article 261, 1° |
Ordonnance |
Renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives du système d’inspection du travail, étendre et coordonner les différents modes de sanction et, en matière de santé et de sécurité au travail, réviser l’échelle des peines |
Article 261, 2° |
Ordonnance |
Abroger les dispositions devenues sans objet et assurer la cohérence rédactionnelle dans le code du travail et entre le code du travail et les autres codes |
Article 261, 2° |
Ordonnance |
Mesures relevant du domaine de la loi relatives à l’accès au corps de l’inspection du travail par voie d’un concours réservé aux agents relevant du corps des contrôleurs du travail et remplissant des conditions d’ancienneté |
Article 281, I |
DCE |
– Conditions dans lesquelles une attestation établie par les entreprises de transport routier ou fluvial ou assurant la restauration ou exploitant les places couchées dans les trains qui détachent des salariés roulants ou navigants se substitue à la déclaration de détachement à transmettre à l’inspection du travail – Période pendant laquelle est assurée la liaison entre les agents de contrôle du travail illégal et le représentant de l’entreprise sur le territoire national désigné par les entreprises de transport routier ou fluvial ou assurant la restauration ou exploitant les places couchées dans les trains – Application des modalités du code du travail relatives aux salariés détachés temporairement par une entreprise non établie en France aux entreprises de transport routier ou fluvial ou assurant la restauration ou exploitant les places couchées dans les trains |
Article 283 |
DCE |
Transmission par voie dématérialisée de la déclaration préalable de détachement par l’employeur |
Source : mission d’information
À : arrêté ; DCE : décret en Conseil d’État ; DS : décret simple
SEPTIÈME PARTIE : LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI AYANT FAIT L’OBJET DE MESURES D’APPLICATION
I. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA MOBILITÉ
A. LA RÉFORME DU PERMIS DE CONDUIRE
M. Gilles Savary a engagé un cycle d’auditions consacrées à l’application des dispositions de la loi relatives au permis de conduire (articles 20 à 30). À ce stade, le présent rapport se borne à indiquer que trois décrets ont été publiés en application de ces dispositions :
– le décret n° 2015-1379 du 29 octobre 2015 fixant les conditions permettant à des agents publics ou contractuels de faire passer les épreuves pratiques du permis de conduire, en application de l’article 28, I, 3° de la loi ;
– le décret n° 2015-1537 du 25 novembre 2015 portant diverses dispositions relatives à la formation à la conduite et à la sécurité routière, en application de l’article 28, II de la loi ;
– le décret n° 2015-1571 du 1er décembre 2015 relatif aux conditions d’application de l’article L. 213-2 du code de la route (136), en application de l’article 29 de la loi.
B. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS EN APPLICATION DU CHAPITRE IER « MOBILITÉ » DU TITRE IER « LIBÉRER L’ACTIVITÉ »
LISTE DES MESURES RÉGLEMENTAIRES ET DE L’ORDONNANCE À PUBLIER EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI RELATIVES AU CHAPITRE IER « MOBILITÉ » DU TITRE IER « LIBÉRER L’ACTIVITÉ »
Article de la loi |
Thème |
Texte d’application |
Objet |
Article 3 |
Autocars |
DCE |
Installation dans les autocars de dispositifs permettant de prévenir la conduite sous l’empire d’un état alcoolique |
Article 4, I |
Open data transports |
DCE |
Accès aux données nécessaires à l’information du voyageur mises à la disposition du public relatives aux services réguliers de transport public (arrêts, horaires, accessibilité aux personnes handicapées) |
Article 7 |
Canal Seine-Nord |
Ordonnance |
Mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet la création d’un établissement public, associant notamment des représentants de l’État, d’établissements publics de l’État et de collectivités territoriales participant au financement du projet, aux fins de réalisation d’une infrastructure fluviale reliant les bassins de la Seine et de l’Oise au réseau européen à grand gabarit et de développement économique en lien avec cette infrastructure |
Article 13 |
Autoroutes |
DCE |
– Exception au principe selon lequel pour les marchés de travaux, fournitures ou services, le concessionnaire d’autoroute procède à une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes – Conditions dans lesquelles le concessionnaire d’autoroute, à l’issue de la procédure de passation, rend public son choix et le fait connaître aux candidats dont l’offre n’a pas été retenue – Conditions dans lesquelles l’exécution du marché peut commencer |
Article 15, II |
Autoroutes |
À |
Modalités de mise à disposition du public, par voie électronique, des conventions de délégation, cahiers des charges annexés, avenants et autres documents contractuels en cas de délégation des missions du service public autoroutier |
Article 26 |
Permis de conduire |
DS |
Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les modifications apportées à la composition du Conseil supérieur de l’éducation routière. Un décret modifie donc sa composition |
Article 28, I, 3° |
Permis de conduire |
DCE |
Réglementation des frais pouvant être perçus auprès des candidats par les organisateurs des épreuves du permis de conduire agréés et modalités relatives à l’organisation des épreuves du permis de conduire |
Article 28, II |
Permis de conduire |
À |
Conditions de distance et de durée minimales que doit parcourir l’élève en apprentissage anticipé de la conduite |
Article 28 |
Permis de conduire |
À |
Cahier des charges servant à l’analyse des informations et statistiques des établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route, relatives à l’activité de formation aux examens théoriques et pratiques du permis de conduire et aux résultats de leurs élèves |
Article 28 |
Permis de conduire |
À |
Modalités d’application de l’article L. 213-9 du code de la route (démarches d’amélioration de la qualité des prestations de formation délivrées par les établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route) |
Article 30 |
Permis de conduire |
À |
Modifier la méthode d’attribution des places d’examen entre auto-école |
À : arrêté ; DCE : décret en Conseil d’État ; DS : décret simple
Source : mission d’information
II. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU COMMERCE
A. L’INFORMATION DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE SUR LES ACCORDS D’ACHATS GROUPÉS DANS LA GRANDE DISTRIBUTION
L’article 37 de la loi du 6 août 2015 insère un nouvel article L. 462-10 dans le code de commerce, prévoyant que tout accord d’achat ou de référencement groupé entre des entreprises ou des groupes de personnes exploitant des magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, doit être communiqué à l’Autorité de la concurrence, pour information, au moins deux mois avant sa mise en œuvre. Cette obligation s’applique également aux entreprises ou groupes de personnes intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail.
Toutefois, cette obligation ne s’applique que lorsque deux seuils de chiffres d’affaires, fixés par décret en Conseil d’État, sont concomitamment dépassés :
– un seuil de chiffre d’affaires mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales parties à l’accord ;
– un seuil de chiffre d’affaires total hors taxes réalisé à l’achat en France dans le cadre de l’accord par l’ensemble des parties à l’accord.
2. Les mesures d’application de la loi
Le décret n° 2015-1671 du 14 décembre 2015 relatif aux seuils de chiffres d’affaires fixés pour l’information préalable de l’Autorité de la concurrence en matière d’accords d’achats groupés a inséré un nouvel article R. 462-4 dans le code de commerce, fixant les seuils prévus à l’article 37. Ils s’élèvent à :
– 10 milliards d’euros pour le seuil de chiffre d’affaires mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou des groupes de personnes parties à l’accord ;
– 3 milliards d’euros pour le seuil de chiffre d’affaires total hors taxes réalisé à l’achat en France dans le cadre de l’accord par l’ensemble des parties à l’accord.
Ce décret précise, en outre, que pour l’appréciation de ces seuils, deux ou plusieurs accords conclus au cours d’une période de deux ans entre les mêmes entreprises ou groupes de personnes sont considérés comme un seul accord intervenant à la date du premier.
Lors de son audition par la mission d’information, M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, a indiqué que cette disposition permettrait à celle-ci « d’étudier l’ensemble des alliances annoncées à l’automne 2014 – entre Auchan et Système U, entre Carrefour et Provera, entre Intermarché et Casino. ». Il a précisé que « l’Autorité de la concurrence examinera plus attentivement l’alliance entre Auchan et Système U, qui prévoit une intégration beaucoup plus poussée que la simple mise en commun des achats, puisque les deux enseignes vont échanger leurs formats de magasin. Il s’agit donc pratiquement d’une fusion de fait. L’Autorité étudiera non seulement l’effet de cette concentration sur les fournisseurs en amont, mais aussi l’impact du chevauchement d’activité entre les deux enseignes dans plus de 300 zones de chalandises. »
B. L’AMÉLIORATION DU SERVICE DE MOBILITÉ BANCAIRE
L’article 43 de la loi du 6 août 2015 a modifié l’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier, créé par la loi n° 2014-343 du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui organise un service d’aide à la mobilité bancaire pour les particuliers.
Les dispositions ainsi ajoutées prévoient que l’établissement bancaire d’arrivée propose au client, gratuitement et sans condition, un service d’aide à la mobilité bancaire permettant un changement automatisé des domiciliations bancaires, vers le nouveau compte, des prélèvements valides et virements récurrents du compte d’origine.
Elles ont également prévu que, dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la réception de l’accord formel du client pour bénéficier de ce service, l’établissement d’arrivée sollicite de l’établissement de départ le transfert des informations relatives aux mandats de prélèvements valides et aux virements récurrents ayant transité sur ce compte au cours des treize derniers mois, et que l’établissement de départ transfère ces informations dans un délai de cinq jours ouvrés.
Enfin, dans un nouveau délai de cinq jours ouvrés, l’établissement d’arrivée doit communiquer les coordonnées du nouveau compte aux émetteurs de prélèvements valides et de virements récurrents. Ceux-ci disposent d’un délai, défini par décret en Conseil d’État, pour prendre en compte ces modifications et en informer le client. Il est enfin prévu que les modalités d’application de l’ensemble de cet article sont définies par décret en Conseil d’État.
Ces modifications entrent en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la loi, soit le 6 février 2017.
2. Les mesures d’application de la loi
L’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure, prévoyait d’ores et déjà que les émetteurs de prélèvements disposent d’un délai pour prendre en compte les modifications de domiciliation bancaire qui leur sont transmises et en informer le client.
Le décret n° 2015-838 du 8 juillet 2015 relatif à la prise en compte par les émetteurs de prélèvements des modifications de coordonnées bancaires par leurs clients, pris en application de la loi du 17 mars 2014 précitée, a inséré un article R. 312-4-4 dans le code monétaire et financier, fixant ce délai à dix jours ouvrés à compter de la réception, par les émetteurs de prélèvements, des coordonnées du nouveau compte bancaire. Il prévoit, en outre, que l’émetteur de prélèvement doit informer le client, dans ce délai, de la prise en compte des coordonnées du nouveau compte, et de la date, le cas échéant, de la dernière échéance présentée sur l’ancien compte et de la date de l’échéance suivante présentée sur le nouveau compte. Ce délai est porté à vingt jours ouvrés lorsque la réception des coordonnées du nouveau compte bancaire intervient avant le 1er avril 2017.
Afin de tenir compte de l’élargissement des opérations concernées opéré par la loi du 6 août 2015, ces dispositions ont été complétées par le décret n° 2016-73 du 29 janvier 2016 relatif au service d’aide à la mobilité bancaire mentionné à l’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier et aux plans d’épargne-logement inactifs mentionnés à l’article L. 312-20 du même code. Ce décret a complété l’article R. 312-4-4 du code monétaire et financier, afin de préciser les mentions devant figurer dans l’accord formel du client et la notion de virement régulier, qui s’entend de toute opération présentée au moins deux fois, par le même émetteur, au crédit du compte d’un client dans les treize mois précédant son accord formel à bénéficier du service de mobilité bancaire. Il prévoit, de plus, que dans le cas où l’établissement de départ ou d’arrivée ne respecte pas les obligations qui lui incombent dans le cadre de la procédure de mobilité bancaire, il ne peut mettre aucun frais ni aucune pénalité résultant de ce manquement à la charge du client.
Le décret précise, en outre, les obligations de l’établissement de départ : celui-ci doit, dès réception de l’accord formel du client et aux dates que cet accord indique, annuler les ordres de virement permanent, transférer, en cas de demande de clôture de compte, le solde positif éventuel sur le compte de l’établissement d’arrivée, et clôturer le compte de départ, en cas de demande en ce sens. Le cas échéant, il doit également informer le titulaire de compte des obligations en suspens ou de toute autre circonstance de nature à empêcher le transfert du solde. En revanche, il ne résilie pas les instruments de paiement avant la date de clôture donnée par le titulaire du compte, sauf demande expresse de celui-ci.
Le bénéfice de l’information prévue en cas de clôture du compte dans l’établissement de départ sur les opérations de virement et de prélèvement se présentant sur compte clos s’applique aux clôtures de compte intervenant, au plus tard, dans les six mois à compter de l’accord formel du client.
Enfin, le délai pour la prise en compte par les émetteurs de virements des coordonnées du nouveau compte du client destinataire de ce virement est fixé à dix jours ouvrés à compter de la réception de celles-ci. Tout virement, dont la date d’exécution est postérieure à l’avant-dernier jour du mois suivant l’expiration de ce délai de dix jours, est exécuté sur le nouveau compte.
C. LA RÉVISION DES DÉLAIS DE PAIEMENT INTERENTREPRISES
L’article 46 de la loi a modifié l’article L. 441-6 du code de commerce afin de fixer à soixante jours à compter de la date d’émission de la facture le délai maximal de paiement des transactions interentreprises. Par dérogation, celui-ci peut être réduit à quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture par convention entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.
L’article 46 a également prévu une dérogation à ces délais pour les secteurs dont l’activité présente un caractère saisonnier particulièrement marqué. Dans ces secteurs, les parties peuvent convenir d’un délai de paiement qui ne peut dépasser le délai maximal applicable en 2013 en application d’un accord dérogatoire conclu sur le fondement de l’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives. La loi a renvoyé à un décret la liste des secteurs concernés.
2. Les mesures d’application de la loi
Le décret n° 2015-1484 du 16 novembre 2015 fixant la liste des secteurs mentionnés à l’article L. 441-6 du code de commerce a inséré un nouvel article D. 441-5-1 dans le code de commerce, prévoyant des délais de paiement dérogatoires pour cinq secteurs :
– le secteur de l’agroéquipement, pour les ventes de matériels d’entretien d’espaces verts et de matériels agricoles, à l’exception des tracteurs, matériels de transport et d’élevage, entre, d’une part, les industriels de l’agroéquipement et, d’autre part, les entreprises de distribution spécialisé et de réparation : le délai de paiement entre ces parties ne peut dépasser, à compter de la date d’émission de la facture, cinquante-cinq jours fin de mois pour les matériels d’entretien d’espaces verts, et cent-dix jours fin de mois pour les matériels agricoles ;
– le secteur des articles de sport, pour les ventes d’équipements nécessaires à la pratique des sports de glisse sur neige entre les fournisseurs et les entreprises dont l’activité est exclusivement ou quasi exclusivement saisonnière : entre ces entreprises, un délai supplémentaire de trente jours peut être ajouté au délai de droit commun pour le règlement du solde des factures relatives à des livraisons effectuées avant l’ouverture de la saison d’activité ;
– le secteur de la filière du cuir, pour les ventes entre fournisseurs et distributeurs spécialisés : le délai de paiement ne peut dépasser cinquante-quatre jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture ;
– le secteur de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l’orfèvrerie pour les ventes entre, d’une part, les fournisseurs, fabricants, importateurs ou grossistes et , d’autre part, les distributeurs spécialisés, au titre de leur activité au sein d’un point de vente ou dans le cadre de leur activité de vente à distance, ou les centrales d’achat spécialisées : entre ces entreprises, le délai de paiement ne peut dépasser cinquante-neuf jours fin de mois ou soixante-quatorze jours nets à compter de la date d’émission de la facture ;
– le secteur du commerce du jouet pour les ventes entre les fabricants et les distributeurs spécialisés : le délai de paiement ne peut dépasser, à compter de la date d’émission de la facture, quatre-vingt-quinze jours nets pour la période « du permanent » s’étendant de janvier à septembre inclus, et soixante-quinze jours nets pour la période de fin d’année, s’étendant d’octobre à décembre inclus.
D. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ÊTRE ENCORE PRIS
LISTE DES TEXTES MESURES RÉGLEMENTAIRES NON PUBLIÉES PRÉVUES POUR L’APPLICATION DU CHAPITRE II « COMMERCE » DU TITRE IER « LIBÉRER L’ACTIVITÉ »
Article de la loi |
Thème |
Texte d’application |
Objet |
Article 44, I, 1°, d |
Optique lunetterie |
Arrêté |
Fixation du contenu et de la présentation du devis et de la note détaillée remise à l’assuré ou à son ayant droit, avant le paiement, par le professionnel de santé qui délivre au public un produit ou une prestation d’appareillage des déficients de l’ouïe ou d’optique-lunetterie |
Article 44, I, 1°, d |
Optique lunetterie |
Arrêté |
Fixation des informations permettant d’assurer l’identification et la traçabilité des dispositifs médicaux fournis par le professionnel de santé qui délivre au public un produit ou une prestation d’appareillage des déficients de l’ouïe ou d’optique-lunetterie |
Source : mission d’information
III. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’URBANISME
A. LA CONVENTION TEMPORAIRE D’OCCUPATION DU LOGEMENT À TITRE DE RÉSIDENCE PRINCIPALE DANS LES SOCIÉTÉS D’HABITAT PARTICIPATIF
L’article 99 de la loi du 6 août 2015 a inséré un article L. 200-9-1 dans le code de la construction et de l’habitation, au sein du titre préliminaire du livre II de sa partie législative, qui concerne les sociétés d’habitat participatif.
Le statut des sociétés d’habitat participatif prévoit que leurs associés ont l’obligation d’occuper leur logement à titre de résidence principale. L’article L. 200-9-1 précité a introduit une dérogation à cette règle, en prévoyant qu’une convention d’occupation temporaire du logement à titre de résidence principale peut être conclue au profit d’un tiers, par les ayants droit d’un associé décédé et, dans certains cas, par un associé. Il a prévu qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions régissant cette convention temporaire d’occupation.
2. Les mesures d’application de la loi
Le décret n° 2015-1725 du 21 décembre 2015 relatif aux sociétés d’habitat participatif a précisé les cas dans lesquels un associé d’une société d’habitat participatif peut recourir à une convention d’occupation temporaire. Cette possibilité est ouverte sur autorisation de l’assemblée générale, et est de droit dans six cas :
– pour les ayants droit de l’associé d’une société d’attribution et d’autopromotion ;
– en cas de décision judiciaire attribuant la jouissance du domicile conjugal au conjoint séparé non associé ;
– en cas d’invalidité ou d’incapacité d’un associé ;
– en cas de mise à disposition du logement par un associé à un parent handicapé ;
– en cas d’obligation liée à l’activité professionnelle d’un associé ;
– en cas de perte d’emploi d’un associé.
Le décret précise que la convention d’occupation temporaire est établie par écrit, et qu’elle mentionne la durée de cette occupation en caractères très apparents. L’accès de tiers non associés à chaque catégorie d’activités, de services, d’équipements ou d’espaces communs demeure toutefois soumise à un accord de l’assemblée générale des associés.
S’agissant de la durée maximale de la convention temporaire d’occupation, elle diffère selon le statut de la société :
– dans les sociétés coopératives d’habitants, la convention ne peut excéder trois ans ;
– dans les sociétés d’attribution et d’autopromotion, elle ne peut excéder six ans.
Elle n’est, dans tous les cas, pas reconductible.
B. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ÊTRE ENCORE PRIS
L’article 94 de la loi habilite le Gouvernement, jusqu’au 7 août 2016, à prendre par ordonnance toute mesure de nature législative propre à créer un contrat de bail de longue durée, dénommé « bail réel solidaire », par lequel un organisme de foncier solidaire consent à un preneur, s’il y a lieu avec obligation de construire ou de réhabiliter des constructions existantes, des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété des logements, sous des conditions de plafonds de ressources, de loyers et, le cas échéant, de prix de cession. Cette ordonnance définit également les modalités d’évolution de ce bail ainsi que de la valeur des droits réels en cas de mutations successives. Elle prévoit les règles applicables en cas de résiliation ou de méconnaissance des obligations propres à ce contrat.
Outre cette ordonnance, quatre décrets doivent être encore être publiés en application des dispositions de la loi du chapitre V « Urbanisme » du titre Ier « Libérer l’activité ».
LISTE DES TEXTES MESURES RÉGLEMENTAIRES NON PUBLIÉES PRÉVUES POUR L’APPLICATION DU CHAPITRE V « URBANISME » DU TITRE IER « LIBÉRER L’ACTIVITÉ »
Article de la loi |
Texte d’application |
Objet |
Article 78, I |
DS |
Administration des offices publics de l’habitat : définition des modalités de calcul de l’indemnité de rupture de contrat du directeur général |
Article 87 |
DCE |
Délégation du droit de préemption urbain à une société d’économie mixte agréée |
Article 92 |
DCE |
Nature de la garantie financière d’achèvement ou de remboursement des opérations de vente en l’état futur d’achèvement |
Article 97, 1° |
DCE |
Modalités d’application des dispositions relatives à la décote pour les communes dans le cadre de programme de construction d’équipements publics |
À : arrêté ; DCE : décret en Conseil d’État ; DS : décret simple
Source : mission d’information
IV. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’INVESTISSEMENT
Le chapitre Ier « Investissement » du titre II « Investir » comporte des dispositions relatives notamment à la facilitation des projets de construction, au numérique, à l’épargne salariale, au prêt inter-entreprises, au financement participatif et à la propriété industrielle.
Cinq articles de ce chapitre (les articles 103, 106, 115, 168 et 169) habilitent le Gouvernement à prendre des ordonnances pour 22 dispositions qui relèvent du domaine de la loi. Vingt-cinq dispositions doivent faire l’objet de précisions réglementaires.
À ce stade, aucune des ordonnances prévues par ces articles n’a encore été publiée ; un arrêté et sept décrets ont été publiés, précisant dix-sept dispositions de la loi sur les vingt-cinq attendues pour l’application de ce chapitre :
– l’arrêté du 8 février 2016 modifiant l’arrêté du 5 novembre 2015 fixant la liste complémentaire des centres-bourgs de communes bénéficiant de l’extension du programme de couverture du territoire en services mobiles, en application de l’article 129 de la loi ;
– le décret n° 2015-1669 du 14 décembre 2015 relatif aux conditions dans lesquelles le bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie peut opter irrévocablement pour la remise de titres, parts ou actions, en application de l’article 137 de la loi ;
– le décret n° 2016-73 du 29 janvier 2016 relatif au service d’aide à la mobilité bancaire mentionné à l’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier et aux plans d’épargne-logement inactifs mentionnés à l’article L. 312-20 du même code, en application des articles 40 et 143 de la loi ;
– le décret n° 2015-1204 du 29 septembre 2015 relatif à la société de libre partenariat, en application de l’article 145 de la loi ;
– le décret n° 2015-1526 du 25 novembre 2015 portant application de l’article 149 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ;
– le décret n° 2015-1606 du 7 décembre 2015 portant application des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques relatives à l’épargne salariale, en application des articles 150 à 166 de la loi ;
– le décret n° 2015-1854 du 30 décembre 2015 relatif aux modalités de communication par la Banque de France de données relatives à la situation financière des entreprises aux organismes d’assurance et aux sociétés de gestion et aux obligations de déclaration de ces entités, en application de l’article 169 de la loi ;
– le décret n° 2016-211 du 26 février 2016 relatif aux filiales et aux prises de participation des centres hospitaliers universitaires, en application de l’article 177 de la loi.
A. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU NUMÉRIQUE
1. La création du statut de « zone fibrée »
L’article 117 de la loi du 6 août 2015 est issu d’un amendement du sénateur Patrick Chaize (Les Républicains) et de plusieurs de ses collègues. L’objet de cet article est la création d’un statut de « zone fibrée », qui, dans l’esprit des auteurs de l’amendement initial, devrait permettre de déclencher des mesures d’accompagnement et d’accélération de la migration vers le réseau de la fibre. Est en outre envisagée l’arrêt de la construction du réseau cuivre dans les immeubles neufs de cette zone, dès lors qu’elle est estimée suffisamment raccordée par le réseau fibre pour qu’une substitution des technologies soit possible.
L’article prévoit que la demande d’obtention du statut de « zone fibrée » est effectuée à l’initiative de l’opérateur ou de la collectivité territoriale qui établit le réseau fibre. Cette demande est adressée au ministre chargé des communications électroniques et fait l’objet d’un avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).
Les futures zones fibrées sont donc les zones où le déploiement de la fibre est particulièrement avancé, voire complet, et où l’extinction éventuelle du réseau cuivre pourrait donc être envisagée. L’idée de ce statut provient du rapport Champsaur(137). Ce rapport identifie plusieurs critères d’éligibilité potentiels, intégrés dans un cahier des charges, et requiert une consultation publique – non retenue dans l’article 117 mais possible en pratique – ainsi qu’une intervention systématique de l’ARCEP, en raison des conséquences techniques et concurrentielles de l’accès au statut de zone fibrée.
b. Les mesures d’application de la loi
Selon le Gouvernement, le décret relatif aux modalités d’entrée en vigueur d’un statut de zone fibrée en France devait paraître en décembre 2015. Toutefois, la grande complexité technique de l’attribution du statut, notamment dans la définition d’un cahier des charges pertinent, justifie un certain retard dans la publication de ce décret.
Par exemple, selon l’ARCEP, la juste modulation du calcul du tarif du dégroupage (sur le réseau cuivre) afin de déplacer l’équilibre concurrentiel sur le marché de gros au profit des accès en fibre optique doit faire l’objet d’une analyse de marché approfondie, prévue en 2016.
En outre, en dehors des zones très denses, le nombre de territoires qui pourraient être éligibles au statut de zone fibrée demeure très modeste, ce qui relativise la gravité du retard de publication.
2. Équipement en fibre des maisons individuelles et des lotissements neufs
L’article 118 de la loi du 6 août 2015, qui crée les articles L. 111-5-1-1 et L. 111-5-1-2 du code de la construction et de l’habitation, est issu d’un amendement de votre rapporteure Corinne Erhel en première lecture à l’Assemblée nationale.
Il s’agit d’étendre la disposition prévue à l’article L. 111-5-1 du code de la construction et de l’habitation, introduit par l’article 29 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME), qui impose l’équipement en lignes à très haut débit des immeubles collectifs neufs, afin de desservir chacun des logements par le réseau fibre.
Le nouvel article L. 111-5-1-1 prévoit ainsi une obligation de « pré-équipement » des immeubles neufs et des maisons individuelles neuves en lignes à très haut débit afin de faciliter le déploiement de la fibre optique, tandis que le nouvel article L. 111-5-1-2 étend cette obligation aux lotissements neufs ainsi qu’aux immeubles faisant l’objet de travaux soumis à permis de construire – aux frais du propriétaire et si les travaux d’équipement n’ont pas un coût disproportionné par rapport au coût global des travaux de rénovation de l’immeuble.
b. Les mesures d’application de la loi
Deux mesures d’application sont envisagées, et l’échéancier prévisionnel du Gouvernement estimait une date de publication à l’horizon de décembre 2015.
La première mesure porte sur l’équipement des immeubles neufs ou des maisons individuelles neuves ne comprenant qu’un seul logement ou local à usage professionnel, en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. La seconde porte sur le même type d’équipement, cette à destination des immeubles faisant l’objet de travaux de rénovation importants.
En revanche, le Gouvernement n’a pas estimé nécessaire la prise d’un décret d’application pour équiper en lignes de communications électroniques à très haut débit les lotissements neufs.
La publication des décrets d’application en décembre 2015 était ambitieuse : après la promulgation de la loi dite « LME » précitée en 2008, les dispositions équivalentes pour les immeubles collectifs neufs sont devenues applicables au 1er janvier 2010 pour tous les immeubles de moins de vingt-cinq logements, et au 1er janvier 2012 pour ceux de plus de vingt-cinq logements.
Si la date d’échéance initiale n’a pas été respectée pour la publication, le projet de décret est bien avancé. Il doit encore être finalisé et soumis pour avis à l’ARCEP avant d’être publié.
3. Obligation de couverture dans les zones « blanches » et « grises » de téléphonie mobile
L’article 129 de la loi du 6 août 2015, issu initialement d’un amendement du sénateur Jacques Mézard lors de l’examen du projet de loi en première lecture en commission spéciale, aménage l’obligation de couverture des zones qualifiées de « blanches » ou de « grises » en réseau de téléphonie mobile de deuxième, troisième et quatrième générations (2G, 3G et 4G).
Le I de cet article a appelé des mesures d’application réglementaires, et porte plus spécifiquement sur la couverture des zones blanches, c’est-à-dire des zones qui ne disposent à ce jour d’aucune couverture réseau mobile 2G – à la différence des zones mal desservies, où l’accès au réseau est intermittent.
Ce I crée trois nouveaux articles au sein de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique : les articles 52-1 ; 52-2 et 52-3.
L’article 52-1 prévoit qu’un arrêté est pris conjointement par les ministres chargés des communications électroniques et de l’aménagement du territoire afin de compléter la liste nationale des centre-bourgs de communes n’étant couvertes par aucun opérateur de radiocommunications mobiles, prévue en application de l’article 52 de la même loi. Cet arrêté établit une liste complémentaire qui recense les centre-bourgs absents de cette première liste, ainsi que les anciens centre-bourgs de communes ayant fusionné avec une commune.
Les zones identifiées par cette liste doivent être couvertes en services de téléphonie mobile 2G avant le 31 décembre 2016, et au plus tard six mois après la mise à disposition effective des infrastructures par les collectivités territoriales ou leurs groupements.
L’article 52-2 prévoit le même délai pour couvrir les zones « résiduelles », notamment celles qui figurent déjà sur la liste nationale mentionnée ci-dessus mais qui n’ont toujours pas été couvertes à la date d’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des changes économiques.
L’article 52-3 prévoit que lorsque l’une des zones mentionnées aux articles précédents est couverte par un réseau 3G, elle satisfait l’obligation de couverture prévue par ces mêmes articles.
b. Les mesures d’application de la loi
L’application de l’article 129 ne concerne que la liste nationale additionnelle prévue à l’article 52-1. Ce dernier prévoit que cette liste est arrêtée dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi du 6 août 2015 précitée.
L’arrêté fixant cette liste est entré en vigueur le 9 février 2016, avec trois mois de retard par rapport au délai d’application par la loi. Il convient de noter qu’une première liste complémentaire avait été établie par arrêté du 5 novembre 2015, mais ne recensait notamment pas les anciens centre-bourgs avant fusion avec une commune.
Cet arrêté comprend, en annexe, une liste de 268 centre-bourgs qui viennent donc s’ajouter à la première liste établie en application de l’article 52 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique précitée.
B. LE RÈGLEMENT D’UN CONTRAT D’ASSURANCE VIE PAR LA REMISE DE TITRES NON NÉGOCIABLES
L’article 137 de la loi du 6 août 2015 modifie l’article L. 131-1 du code des assurances afin de permettre d’opter, sur demande du contractant, pour le règlement d’un contrat d’assurance vie par la remise de titres ou de parts non négociables.
Le décret n° 2015-1669 du 14 décembre 2015 rend applicable les dispositions du 2° et du 3° de l’article 137 en précisant les conditions dans lesquelles un bénéficiaire désigné par le contrat peut opter irrévocablement pour la remise de titres, parts ou actions. Il introduit un article R. 132-5-3 dans le code des assurances qui dispose que le contractant qui a exercé l’option décrite peut, à tout moment, adresser au bénéficiaire du contrat, par lettre recommandée, y compris électronique, un avis l’informant de sa faculté d’opter pour la remise de ces titres, parts ou actions en cas d’exercice de la clause bénéficiaire et précisant les caractéristiques des titres, parts ou actions concernés.
Un formulaire de notification que le bénéficiaire de l’option doit adresser à l’assureur accompagne cet avis. Un arrêté du ministre de l’économie doit préciser les mentions minimales devant figurer sur chacun des deux documents.
Le décret précise également que la date de réception de l’avis est présumée être le premier jour qui suit sa date d’envoi.
La notification de l’exercice de l’option a lieu également par lettre recommandée ou par voie électronique. Le bénéficiaire peut notifier l’exercice de l’option, passé un délai de dix jours à compter de la date de réception de l’avis. À défaut de notification dans un délai de soixante jours, l’option est réputée ne pas avoir été exercée.
Enfin, le décret confère à l’exercice de cette option par le bénéficiaire la qualité d’actes de disposition, en l’ajoutant au VII de la seconde colonne du tableau de l’annexe 1 au décret du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil.
C. LES COMPTES BANCAIRES INACTIFS
L’article 140 de la loi du 6 août 2015 a modifié l’article L. 312-20 du code monétaire et financier relatif aux comptes bancaires inactifs, de façon à prendre en compte les spécificités du plan épargne logement (PEL). Le régime des comptes bancaires inactifs est issu de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014, votée à l’initiative de notre ancien collègue, Christian Eckert, alors rapporteur général de la commission des finances.
Un compte peut être déclaré inactif parce que son titulaire est mort : dans ce cas, les sommes sont déposées à la Caisse des dépôts et consignations au bout de deux ans à compter de la date du décès, si aucun ayant droit ne s’est manifesté.
Un compte peut également être déclaré inactif s’il n’a pas enregistré d’opérations depuis un an et que son titulaire ne s’est pas manifesté. Dans ce cas, le transfert à la Caisse des dépôts et consignations intervient au bout de dix ans d’inactivité.
Dans tous les cas, les sommes déposées auprès de la Caisse des dépôts et consignations sont acquises à l’État à l’issue d’un délai de trente ans, qui se décompte à partir du décès du titulaire ou de la dernière opération enregistrée sur son compte.
S’agissant des contrats d’assurance sur la vie et les bons ou contrats de capitalisation, cette loi prévoit le versement à la Caisse des dépôts et consignations des sommes dues par un assureur mais non réclamées dans un délai de dix ans, puis leur acquisition à l’État au terme d’un délai complémentaire de vingt ans.
L’article 140 de la loi procède à divers ajustements techniques en disposant que le délai de dix ans à l’issue duquel les sommes sont transférées à la caisse est porté à vingt ans pour les PEL. Le but de cette disposition était de tenir compte du fait que le PEL est ouvert pour une durée maximale de quinze ans, pendant laquelle il est possible qu’aucun mouvement ne soit opéré sur le compte.
En revanche, le délai de vingt ans pour les autres comptes inactifs est réduit à dix ans pour les PEL ; à l’issue de ce délai, les sommes sont définitivement acquises à l’État.
Le décret n° 2016-73 du 29 janvier 2016, qui traite principalement des modalités d’application de l’article 43 de la loi, relatif à la mobilité bancaire, apporte des adaptations à l’article R. 312-20, du code monétaire et financier, rendues nécessaires par l’entrée en vigueur de l’article 143.
D. LA SOCIÉTÉ DE LIBRE PARTENARIAT
L’article 145 de la loi du 6 août 2015 modifie l’article L. 214-154 du code monétaire et financier et crée un sous-paragraphe 3 dans le paragraphe 2 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du même code, afin d’ajouter la société en commandite simple aux formes que peut prendre un fonds professionnel spécialisé dénommé « société de libre partenariat » (SLP).
L’objectif de cet article est d’étendre la gamme de fonds d’investissement français en y intégrant un véhicule équivalent aux limited partnerships anglo-saxons. Ces limited partnerships sont généralement considérés comme transparents sur le plan fiscal, les revenus de la société n’étant imposés qu’entre les mains des associés pour la part qui leur revient.
Ce sous-paragraphe 3 mentionne deux mesures réglementaires d’application.
L’article L. 214-162-6.-I. dispose en effet que « les statuts de la société de libre partenariat sont publiés par extrait au registre du commerce et des sociétés. Les mentions devant y figurer sont définies par décret ». Le décret n° 2015-1204 du 29 septembre 2015 liste par conséquent ces informations en précisant qu’elles doivent être mises à jour en cas de cession de parts d’un associé, notamment.
L’article L. 214-162-10 renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les délais dans lesquels doivent être mis à disposition des associés les rapports annuels et semestriels établis par la société de libre partenariat. Le décret fixe ces délais respectivement à six mois et deux mois à compter de la fin de la période à laquelle ils se réfèrent.
1. L’orientation de l’épargne salariale vers le financement des PME
L’article 149 de la loi vise à favoriser le financement des petites et moyennes entreprises (PME) via l’épargne salariale. Pour ce faire, il modifie l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale afin d’instaurer un taux de forfait social réduit (16 %) qui s’appliquera aux plans d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) dont les règlements prévoient que la gestion pilotée (138) est l’option par défaut du PERCO et que cette gestion pilotée prévoit l’investissement des sommes en question sur un fonds comprenant au minimum 7 % de titres éligibles au PEA-PME, c’est-à-dire en actions de PME ou d’entreprises à taille intermédiaire (ETI) ou en fonds investis à hauteur de 75 % minimum en titres de PME-ETI, dont les deux tiers en actions.
Le texte fixe les modalités d’application de ce ratio de 7 % en intégrant les contraintes des impératifs des différents modes de gestion pilotée, et notamment la réduction progressive de l’exposition au risque du plan, à mesure que le salarié approche de la retraite.
Le décret n° 2015-1526 du 25 novembre 2015 précise donc que ce ratio de 7 % s’applique à une part du portefeuille de titres qu’un salarié détient, laquelle varie en fonction de l’échéance prévisionnelle de sortie du plan (l’échéance de départ à la retraite du salarié). Cette part est :
– égale à 100 % du portefeuille pour les participants dont l’échéance de sortie du plan est strictement supérieure à quinze ans ;
– d’au moins 85 % pour les participants dont l’échéance de sortie du plan est strictement comprise supérieure à douze ans et inférieure ou égale à quinze ans ;
– d’au moins 70 % pour les participants dont l’échéance de sortie du plan est strictement supérieure à dix ans et inférieure ou égale à douze ans ;
– d’au moins 30 % pour les participants dont l’échéance de sortie du plan est strictement supérieure à sept ans et inférieure ou égale à dix ans.
2. Modifications réglementaires relatives à l’épargne salariale
Le décret n° 2015-1606 du 7 décembre 2015 comporte un certain nombre de mesures d’application des dispositions de la loi relatives à l’intéressement, à la participation, ainsi qu’aux plans d’épargne salariale.
Il précise notamment les modalités de renégociation par les salariés d’un accord d’intéressement prévoyant une clause de tacite reconduction, ainsi que l’information des bénéficiaires quant à l’affectation, par défaut, de l’intéressement sur le plan d’épargne d’entreprise (PEE). Il prévoit une fiche distincte du bulletin de paie et un dispositif supplétif en cas d’absence de stipulation conventionnelle. Il prend aussi en compte les nouvelles dates de référence pour le versement de la participation.
Le texte modifie également le livret d’épargne salariale et l’état récapitulatif que le salarié reçoit à son départ de l’entreprise. Dans ce dernier cas, la prise en charge des frais de gestion par le salarié doit être abordée.
Le décret précise également les modalités du droit de rétractation reconnu au salarié qui souhaite débloquer son intéressement investi par défaut.
Il simplifie enfin les modalités de dépôt des avenants aux règlements des plans d’épargne interentreprises et fixe un plafond commun au versement initial et aux versements périodiques des entreprises sur le plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO). Le montant total de ces deux versements ne peut excéder 2 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale (fixé à 38 616 euros pour 2016).
F. L’ÉLARGISSEMENT AUX ENTREPRISES D’ASSURANCE, AUX MUTUELLES ET AUX INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE DE L’ACCÈS AU FICHIER BANCAIRE DES ENTREPRISES
L’article 169 de la loi du 6 août 2015 élargit l’accès du fichier bancaire des entreprises (Fiben) aux entreprises d’assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance ainsi qu’aux sociétés de gestion gérant des fonds de prêts à l’économie pour le compte de ces acteurs, en modifiant l’article L. 144-1 du code monétaire et financier.
Le décret n° 2015-1854 du 30 décembre 2015 précise le champ des sociétés de gestion autorisées à consulter ces renseignements, et spécifie les obligations déclaratives ainsi que les modalités de communication des organismes d’assurance et de ces sociétés de gestion vis-à-vis de la Banque de France.
Il précise d’abord que ces établissements concluent avec la Banque de France une convention dans laquelle cette dernière fixe les conditions générales d’accès aux informations qu’elle détient.
Il précise ensuite que la diffusion de l’information à l’intérieur de ces établissements est limitée à une utilisation dans le cadre de leurs activités de gestion de créances.
Il précise aussi que ces établissements transmettent à la Banque de France, régulièrement, des informations sur les prêts aux entreprises qu’elles consentent.
Il précise enfin que ces obligations déclaratives à la Banque de France se poursuivent en cas de cession de la créance, jusqu’à l’extinction de celle-ci.
G. LES FILIALES ET LES PRISES DE PARTICIPATION DES CENTRES HOSPITALIERS UNIVERSITAIRES
L’article 177 de la loi du 6 août 2015 a pour objet de faciliter la création de filiales et la prise de participation des centres hospitaliers universitaires pour assurer des prestations de services et d’expertise au niveau international, valoriser les activités de recherche et exploiter des brevets et des licences.
L’ancien cadre juridique était contraignant pour le développement des activités d’expertise internationale et de recherche des centres hospitaliers universitaires. En effet, l’article L. 6145-7 du code de la santé publique autorisait seulement les établissements publics de santé, à titre subsidiaire et sans que cela porte préjudice à leurs missions principales, à « assurer des prestations de service, valoriser les activités de recherche et leurs résultats et exploiter des brevets et des licences ans le cadre de services industriels et commerciaux ». Par ailleurs, ils ne peuvent le faire que dans les limites des moyens matériels et humains affectés à la réalisation de leurs missions principales (article R. 6145-48 du code de la santé publique) et demeurent soumis, pour ces activités, aux règles relatives aux établissements publics, en matière de comptabilité, de marchés publics et de ressources humaines, par exemple.
Pour l’exercice de ces activités d’expertise internationale et de recherche, soumises à une concurrence internationale intense, les centres hospitaliers universitaires de santé devaient recourir à des montages complexes pour recruter du personnel, accéder à des appels d’offre et exécuter des missions dans les mêmes conditions que leurs concurrents du secteur privé.
Il était possible pour certains établissements publics exerçant des activités d’expertise ou de recherche de prendre des participations ou de créer des filiales, conformément à divers dispositions législatives ou réglementaires. Tel était le cas des établissements publics de à caractère scientifique et technologique, selon l’article L. 321-4 du code de la recherche. Tel n’était pas le cas pour les centres hospitaliers universitaires, qui valorisent pourtant des activités d’expertise internationale et de recherche.
Afin de remédier à cette situation, le 4° de l’article 177 de la loi modifie l’article L. 6145-7 du code de la santé publique pour permettre aux centres hospitaliers universitaires de prendre des participations et créer des filiales pour l’exercice des activités décrites. Il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions et limites de ces prises de participations et créations de filiales.
Le décret n° 2016-211 du 26 février 2016 relatif aux filiales et aux prises de participation des centres hospitaliers universitaires a été publié en application de ces dispositions.
Il est précisé que les filiales des centres hospitaliers universitaires peuvent prendre la forme, soit de sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance, soit de sociétés par actions simplifiées (article R. 6145-74 du code de la santé publique). Dans ce dernier cas, un conseil de surveillance doit être prévu.
L’objet social des filiales doit concerner de manière directe : à l’étranger, les activités de formation, d’audit, de conseil et la participation à la gestion des services de santé ; la valorisation des activités de recherche et de leurs résultats ; l’exploitation commerciale des brevets et licences ; la prise de participation dans une entreprise dont l’objet social concerne ces domaines (articles R. 6145-74 et R. 6145-75).
Les créations de filiales et prises de participation font l’objet d’un contrôle de la part des services de l’État par l’intermédiaire des agences régionales de santé. Ainsi, le directeur de l’agence régionale de santé est dans l’obligation de s’opposer à la création de filiale ou à la prise de participation directe ou indirecte d’un centre hospitalier universitaire dans le cas
– où l’objet social de la filiale ne répondrait pas aux conditions décrites supra ;
– où le projet de création ou de prise de participation présente un risque financier manifestement incompatible avec l’amélioration ou le maintien de l’équilibre financier du centre hospitalier universitaire ;
– où le centre hospitalier universitaire ne disposerait pas d’un état de prévisions des recettes et de dépenses exécutoire ou d’un plan global de financement pluriannuel approuvé (article R. 6145-78).
En outre, en cas de décision d’apport en capital dont le montant excède un seuil défini par arrêté auprès d’une filiale, le plan global de financement pluriannuel doit être révisé par le directeur général du centre hospitalier universitaire et approuvé par le directeur général de l’agence régionale de santé qui dispose d’un mois pour s’y opposer (R. 6145-66-1).
Le décret précise ensuite que la création ou la prise de participation donne lieu à une convention conclue entre le centre hospitalier universitaire et sa filiale. Les éléments que la convention doit déterminer sont listés dans le décret (article R. 6145-79).
Le décret précise aussi les informations et documents que le représentant de la filiale doit transmettre au directeur général du centre hospitalier universitaire. Figurent, en particulier, parmi ces éléments les projets de contrat ou de réponse à un appel d’offres en lien direct avec le développement de la stratégie, le budget annuel et un rapport annuel sur l’activité et la gestion de la filiale. Ces documents doivent être présentés et transmis par le directeur du centre hospitalier universitaire au directeur général de l’agence régionale de santé, d’une part, et au directeur régional des finances publiques ou, pour l’AP-HP au contrôleur financier, d’autre part (article R. 6145-80).
Le décret précise enfin les modalités d’application de l’obligation de transparence des centres hospitaliers universitaires s’agissant des créations de filiales ou prises de participations (articles R. 6145-82 et R. 6145-83).
H. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS
Les ordonnances que le Gouvernement est habilité à prendre par cinq articles de ce chapitre, listées dans le tableau ci-dessous, doivent encore être publiées.
LISTE DES ORDONNANCES QUE LE GOUVERNEMENT EST HABILITÉ À PRENDRE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CHAPITRE IER « INVESTISSEMENT » DU TITRE II « INVESTIR »
Article de la loi |
Thème |
Objet |
Terme de l’habilitation |
Article 103, II, 1° |
Projets de construction |
Généralisation des dispositions de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement et de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ; |
07/02/2017 |
Article 103, II, 2° |
Projets de construction |
Codifier ces mêmes dispositions et mettre en cohérence avec celles-ci les dispositions législatives régissant les autorisations et dérogations concernées par le dispositif de l’autorisation unique |
07/02/2017 |
Article 106, I, 1°, a) |
Projets de construction |
Accélérer l’instruction et la prise des décisions relatives aux projets de construction et d’aménagement, notamment ceux favorisant la transition écologique, et favoriser leur réalisation : en réduisant les délais de délivrance des décisions prises sur les demandes d’autorisation d’urbanisme, notamment grâce à une diminution des délais d’intervention des autorisations, avis ou accords préalables relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme |
07/08/2016 |
Article 106, I, 1°, b) |
Projets de construction |
Créer ou modifier les conditions d’articulation des autorisations d’urbanisme avec les autorisations, avis, accords ou formalités relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme |
07/08/2016 |
Article 106, I, 1°, c) |
Projets de construction |
Supprimer la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles prévue à l’article L. 145 11 du même code et prévoir les modalités suivant lesquelles ces unités nouvelles sont créées et contrôlées dans le cadre des documents d’urbanisme ou des autorisations mentionnées au livre IV dudit code |
07/08/2016 |
Article 106, I, 2°, a |
Projets de construction |
Modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes en les simplifiant et en les clarifiant pour remédier aux difficultés et inconvénients résultant des dispositions et pratiques existantes |
07/08/2016 |
Article 106, I, 2°, b |
Projets de construction |
Améliorer l’articulation entre les évaluations environnementales de projets différents, d’une part, et entre l’évaluation environnementale des projets et celle des plans et programmes, d’autre part, notamment en définissant les cas et les conditions dans lesquels l’évaluation environnementale d’un projet, d’une opération, d’un plan ou d’un programme peut tenir lieu des évaluations environnementales de projets, d’opérations, de plans et de programmes liés au même aménagement |
07/08/2016 |
Article 106, I, 2°, c |
Projets de construction |
Modifier les règles de désignation et les attributions des autorités environnementales en vue de les adapter à l’évolution des règles applicables à l’évaluation environnementale et à leurs exigences |
07/08/2016 |
Article 106, I, 2°, d |
Projets de construction |
Modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes en assurant leur conformité au droit de l’Union européenne, en transposant la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dans sa rédaction résultant de la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ; |
07/02/2017 |
Article 106, I, 3°, a) |
Projets de construction |
Réformer les procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de projets, plans et programmes et de certaines décisions, afin de les moderniser et de les simplifier, de mieux garantir leur conformité aux exigences constitutionnelles ainsi que leur adaptabilité aux différents projets, de faire en sorte que le processus d’élaboration des projets soit plus transparent et l’effectivité de la participation du public à cette élaboration mieux assurée en simplifiant et en harmonisant les dispositions des articles L. 120 1 à L. 120-3 du code de l’environnement, notamment leur champ d’application et les dérogations qu’elles prévoient, en tirant les conséquences de l’expérimentation prévue par la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement et en supprimant ou en réformant les procédures particulières de participation du public à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement lorsqu’elles ne sont pas conformes au même article 7 |
07/08/2016 |
Article 106, I, 3°, b) |
Projets de construction |
Préciser les principes de mise en œuvre de l’information et de la participation du public |
07/08/2016 |
Article 106, I, 3°, c) |
Projets de construction |
Prévoir de nouvelles modalités d’information et de participation du public, notamment des concertations préalables aux procédures de participation existantes, susceptibles d’être mises en œuvre par un droit d’initiative pouvant être ouvert notamment au public, à des associations et fédérations de protection de l’environnement, à des collectivités territoriales, à l’autorité compétente pour prendre la décision et au maître d’ouvrage, ainsi qu’une procédure de consultation locale des électeurs d’une aire territoriale déterminée sur les décisions qu’une autorité de l’État envisage de prendre sur une demande relevant de sa compétence et tendant à l’autorisation d’un projet susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement |
07/08/2016 |
Article 106, I, 3°, d) |
Projets de construction |
Tirer, s’il y a lieu, les conséquences sur les procédures existantes de ces nouvelles modalités d’information et de participation du public ; |
07/08/2016 |
Article 106, I, 3°, e) |
Projets de construction |
Permettre que les modalités d’information et de participation du public puissent être fixées en fonction des caractéristiques du plan, de l’opération, du programme ou du projet, de l’avancement de son élaboration, des concertations déjà conduites ainsi que des circonstances particulières propres à ce plan, à cette opération, à ce programme ou à ce projet et en promouvant le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour garantir la participation du plus grand nombre ; |
07/08/2016 |
Article 106, I, 3°, f) |
Projets de construction |
Simplifier, clarifier et adapter les modalités des enquêtes publiques, en étendant la possibilité de recourir à une procédure unique de participation du public pour plusieurs projets, plans ou programmes ou pour plusieurs décisions et en promouvant le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour garantir la participation du plus grand nombre |
07/08/2016 |
Article 106, I, 4° |
Projets de construction |
Accélérer le règlement des litiges relatifs aux projets, notamment ceux favorisant la transition énergétique, susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et assurer, dans l’intérêt de la préservation de l’environnement et de la sécurité juridique des bénéficiaires des décisions relatives à ces projets, l’efficacité et la proportionnalité de l’intervention du juge, notamment en précisant les conditions dans lesquelles les juridictions administratives peuvent être saisies d’un recours et en aménageant leurs compétences et leurs pouvoirs |
07/08/2016 |
Article 168, 1° |
Bons de caisse |
Modifier le chapitre III du titre II du livre II du code monétaire et financier, afin notamment de renforcer la protection des souscripteurs et de préciser les obligations des émetteurs de bons de caisse, et à prendre toute mesure de coordination rendue nécessaire |
07/05/2016 |
Article 168, 2° |
Financement participatif |
Adapter les dispositions relatives au financement participatif et celles des chapitres Ier et III du titre Ier du livre II, de l’article L. 312 2 et de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier, notamment pour permettre l’intermédiation des bons de caisse définis au chapitre III du titre II du livre II du même code ou faciliter l’intermédiation des titres de créances dans le cadre du financement participatif. |
07/05/2016 |
Article 169, II |
Suivi du financement des entreprises |
Aménagements des dispositifs de suivi du financement des entreprises mis en place par la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers. |
07/08/2016 |
Source : mission d’information
Outre ces ordonnances, le Gouvernement doit encore publier des mesures réglementaires pour préciser six articles de la loi.
LISTE DES MESURES RÉGLEMENTAIRES NON PUBLIÉES PRÉVUES POUR L’APPLICATION DU CHAPITRE IER « INVESTISSEMENT » DU TITRE II « INVESTIR »
Article de la loi |
Thème |
Texte d’application |
Objet |
Article 117 |
Numérique |
DS |
Modalités relatives au statut de zone fibrée |
Article 118, I |
Numérique |
DCE |
Équipement des immeubles neufs ou des maisons individuelles neuves ne comprenant qu’un seul logement ou local à usage professionnel, en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique |
Article 118, II |
Numérique |
DCE |
Équipement des immeubles et lotissements en lignes de communication électroniques en fibre optique à très haut débit |
Article 131, 2° |
Publicité digitale |
DCE |
Secteurs de la publicité digitale : obligations de compte-rendu à l’annonceur dans le mois qui suit la diffusion du message publicitaire des conditions dans lesquelles les prestations ont été effectuées |
Article 134, 1° |
Plateformes |
DS |
Communication des informations par toute personne dont l’activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service |
Article 167, 1° |
Prêt inter-entreprises |
DCE |
- Conditions d’octroi de prêts de moins de deux ans par les sociétés par actions ou par des sociétés à responsabilité limitée dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes, à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques |
Article 173, I, 1° |
Propriété industrielle |
DCE |
Conditions dans lesquelles les conseils en propriété industrielle sont autorisés à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée |
À : arrêté ; DCE : décret en Conseil d’État ; DS : décret simple
Source : mission d’information
V. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION
Sur les vingt-sept articles du chapitre IV « Simplifier » du titre II « Investir », quinze sont d’application directe, trois comportent des habilitations à légiférer par ordonnance et neuf nécessitent des précisions réglementaires.
À ce stade, sept textes d’application ont été publiés :
– le décret n° 2016-296 du 11 mars 2016 relatif à la simplification de formalités en matière de droit commercial, en application des articles 60, 107, 206, 207 et 213 (139) ;
– le décret n° 2016-120 du 5 février 2016 pris pour l’application des articles L. 123-28-1 et L. 123-28-2 du code de commerce, en application de l’article 203 de la loi ;
– le décret n° 2015-1811 du 28 décembre 2015 relatif à l’information des salariés en cas de vente de leur entreprise, en application de l’article 204 ;
– le décret n° 2016-285 du 9 mars 2016 relatif à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, en application de l’article 208 ;
– l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, en application de l’article 209 ;
– le décret n° 2015-1311 du 19 octobre 2015 relatif à la commission de concertation du commerce, en application de l’article 219 ;
– le décret n° 2016-183 du 23 février 2016 précisant le régime de publicité des engagements pris par les sociétés en faveur de leurs mandataires sociaux à raison de la cessation de fonctions, en application de l’article 229 de la loi.
A. LA SIMPLIFICATION DE FORMALITÉS EN MATIÈRE DE DROIT COMMERCIAL
Le décret n° 2016-296 du 11 mars 2016 modifie la partie réglementaire du code de commerce afin de tirer les conséquences de dispositions des articles 107, 206, 207 et 60 de la loi du 6 août 2015.
1. Les simplifications relatives à la vente d’un fonds de commerce
Le chapitre Ier du décret opère d’abord des modifications au code de commerce rendues nécessaires par la dématérialisation du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), depuis le 1er juillet 2015 et par diverses simplifications opérées par l’article 107 de la loi s’agissant des cessions de fonds de commerce.
La transmission d’un fonds de commerce est soumise à une réglementation contraignante afin d’assurer la protection de l’assureur et des créanciers du vendeur. En particulier, la remise du prix au vendeur n’est pas concomitante de la signature de l’acte de vente, mais elle est différée jusqu’à ce que cet acte devienne exécutoire, c’est-à-dire après les formalités de publicité prévues par le code de commerce.
L’existence de certaines formalités est nécessaire à assurer la protection de l’acquéreur : si le prix était versé au vendeur dès la signature de la vente et si ce dernier devenait insolvable, ses créanciers pourraient se retourner contre l’acquéreur. C’est la raison pour laquelle le prix est conservé, généralement par un notaire, dans le cadre d’une mission de séquestre, pendant toute la durée des délais d’opposition accordés aux créanciers, lesquels courent à compter des obligations légales de publicité. L’acte devait en effet faire l’objet d’une double publication, dans les quinze jours suivant la date de sa signature, aux frais de l’acquéreur :
– la première dans un journal d’annonces légales paraissant dans le département ou dans l’arrondissement où est situé le fonds vendu ;
– la seconde au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). L’arrêté du 8 décembre 2014 fixe le tarif de cet avis à 69,95 euros pour une personne physique et à 143,40 euros pour une personne morale.
L’article 107 de la loi a simplifié les formalités anciennement applicables sous plusieurs aspects. Il a en particulier modifié l’article L. 141-12 du code de commerce en supprimant l’obligation, pour l’acquéreur, de publier la cession du fonds de commerce dans un journal d’annonces légales. Seule demeure l’obligation de la publier au BODACC, lequel est uniquement consultable sous forme dématérialisée, depuis le 1er juillet 2015. L’article R. 123-209 du code de commerce, modifié par l’article 2 du décret dispose désormais que le BODACC « est publié sous forme électronique, dans des conditions de nature à garantir son authenticité et son accessibilité permanente et gratuite ». Les références au journal d’annonces légales des articles R. 123-211 et R. 123-212 sont supprimées.
Outre cette disposition, l’article 107 a simplifié les formalités de cession d’un fonds de commerce :
– en supprimant l’obligation d’enregistrement de l’acte de cession auprès de l’administration, lorsqu’il s’agit d’un acte authentique (article L. 141-13 du code de commerce) ;
– en autorisant les créanciers du vendeur du fonds de commerce à former opposition au paiement du prix par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, et non plus seulement au moyen d’un acte extrajudiciaire (article L. 141-14 du code de commerce). L’article R. 141-12, modifié par l’article 5 du décret, précise que la date de l’opposition est celle de l’expédition de la lettre par le créancier ;
– en supprimant le droit de surenchère du sixième des créanciers. Ce droit avait vocation à s’exercer lorsque le prix de vente se révélait insuffisant pour désintéresser les créanciers. Dans cette hypothèse, l’un ou l’autre d’entre eux pouvait offrir de racheter lui-même le fonds pour le prix déclaré initialement, augmenté d’un sixième, selon l’article L. 141-19 du code de commerce. L’article R. 143-1 a été modifié par le décret pour tenir compte de la suppression de ce droit ;
– en substituant le président du tribunal de commerce au président du tribunal de grande instance, en cas de référé du vendeur du fonds, pour obtenir le paiement du prix lorsqu’il y a été fait opposition (L. 141-15 du code de commerce). Cette disposition vise à unifier le contentieux de la cession des fonds de commerce, conformément au principe de bonne administration de la justice.
2. L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel
Introduit à l’initiative de M. Laurent Grandguillaume, alors rapporteur thématique des dispositions du projet de loi relatives à la simplification, l’article 206 de la loi a modifié les articles L. 526-1 à L. 526-3 du code de commerce afin de substituer un dispositif d’insaisissabilité de droit de la résidence principale de l’entrepreneur individuel à l’ancien dispositif d’insaisissabilité volontaire sur déclaration notariée. Les autres biens immobiliers demeurent soumis au régime déclaratif.
Le chapitre II du décret n° 2016-296 du 11 mars 2016 tire les conséquences de cette disposition en modifiant les articles R. 123-37, R. 123-46 et R. 526-1 à R. 526-3 du code de commerce ainsi que l’article 10 bis du décret n° 98-247 du 2 avril 1998.
3. La simplification de la relation entre le bailleur et le locataire
L’article 207 de la loi étend la possibilité de recourir à la lettre recommandée avec avis de réception dans les relations entre un bailleur et son locataire en matière de baux commerciaux, en complément de l’acte extrajudiciaire. Les actes les plus lourds de conséquence, comme le congé ou le refus de renouvellement doivent toutefois être signifiés par acte extrajudiciaire.
Le décret n° 2016-296 du 11 mars 2016 introduit la section 6 « Dispositions relatives au recours à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception » du chapitre V du titre IV du livre Ier de la partie réglementaire du code de commerce. Son unique article R. 145-38 précise que la date de notification à l’égard de la partie qui recourt à ce procédé est celle de l’expédition de la lettre et, à l’égard de l’autre partie, est la date de première présentation de la lettre. Si la lettre n’a pas pu être présentée, la démarche doit alors être faite par acte extrajudiciaire.
4. La possibilité pour les petites entreprises de ne pas publier de compte de résultat
L’article 213 de la loi a modifié l’article L. 232-25 du code de commerce de manière à étendre à l’ensemble des petites entreprises au sens de l’article L. 123-16 (140) la possibilité auparavant ouverte aux seules microentreprises (au sens de l’article L. 123-16-1 du code de commerce (141)) de ne pas publier le compte de résultat. Les sociétés appartenant à un groupe ne peuvent pas bénéficier de cette faculté de non-publication, tout comme les établissements de crédit, les sociétés de financement et les sociétés d’assurance au sens de l’article L. 123-16-2. Toutefois, d’après le deuxième alinéa de l’article L. 232-25 modifié par l’article 213 de la loi, les autorités judiciaires, les autorités administratives, la Banque de France et les personnes morales appartenant à certaines catégories finançant les petites entreprises ou y investissant, directement ou indirectement ou leur fournissant des prestations, pourront consulter l’intégralité des comptes. Un arrêté doit définir ces catégories de personnes morales.
Le décret modifie l’article R. 123-111-1 du code de commerce qui prévoit que les entreprises souhaitant bénéficier de la non-publicité du compte de résultat déposent au registre du commerce et des sociétés, les documents comptables prévus par l’article R. 123-111 accompagnés d’une déclaration de confidentialité. Cet article, qui ne concernait que les microentreprises, a été étendu aux petites entreprises, en cohérence avec les dispositions législatives décrites. L’article A. 123-61-1, qui prévoyait un modèle type de déclaration de confidentialité pour les microentreprises est désormais applicable aux petites entreprises souhaitant bénéficier de la non-publicité de leur compte de résultat. Un seul modèle type de déclaration existe donc, conformément à l’une des recommandations que le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables avait faites dans sa réponse au questionnaire envoyé par M. Laurent Grandguillaume.
L’article 21 du décret précise que ces dispositions s’appliquent aux comptes afférents aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015 et déposés à compter du 7 août 2016.
5. Les dispositions relatives à la transmission et à la mise à disposition des données du registre national du commerce et des sociétés
Pour tirer les conséquences des dispositions de l’article 60 de la loi (décrites supra), le décret abroge les articles R. 123-80 et R. 951-2 du code de commerce.
B. L’ALLÈGEMENT DES OBLIGATIONS COMPTABLES DE CERTAINES ENTREPRISES
L’article 203 de la loi allège les obligations des microentreprises en sommeil qui n’emploient aucun salarié, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales. Pour ce faire, il a introduit les articles L. 123-28-1 et L. 123-28-2 dans le code de commerce.
L’article L. 123-28-1 permet aux microentreprises, personnes physiques, de se soustraire à l’obligation d’établissement d’un bilan et d’un compte de résultat, sous réserve qu’elles n’emploient aucun salarié et qu’elles attestent sur l’honneur de leur demande de mise en sommeil.
L’article L. 123-28-2 autorise les microentreprises, personnes morales, à établir un bilan abrégé et un compte de résultat abrégé sous les mêmes réserves.
Dans les deux cas, ces dérogations cessent de produire leurs effets au-delà d’une période de deux ans suivant la déclaration de mise en sommeil ou à une date antérieure si la personne cesse de remplir une des conditions requises au cours d’un exercice (c’est-à-dire en cas de reprise d’activité). Ces dérogations ne s’appliquent pas lorsqu’il est procédé à des opérations modifiant la structure du bilan au cours de l’exercice considéré.
Le décret n° 2016-120 du 5 février 2016, pris pour l’application des articles L. 123-28-1 et L. 123-28-2 du code de commerce complète l’article D. 123-208-01 du code de commerce, afin de préciser que les opérations modifiant la structure du bilan des microentreprises, personnes physiques, sont l’entrée ou la sortie significative de trésorerie, ainsi que la dotation ou la reprise d’une provision pour risques et charges.
Pour les microentreprises, personnes morales, ces opérations incluent l’augmentation et la réduction de capital ainsi que la distribution de dividendes.
Le décret précise, enfin, que la condition d’absence de salarié prévue s’apprécie à la date de clôture du dernier exercice précédant la date d’inscription de la cessation totale et temporaire d’activité et que l’embauche d’un salarié après cette date de clôture met fin à la dérogation. Le commerçant est tenu d’établir le bilan et le compte de résultat à la clôture de l’exercice au cours duquel la dérogation a pris fin.
C. L’INFORMATION DES SALARIÉS EN CAS DE VENTE DE LEUR ENTREPRISE
L’article 204 de la loi allège l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise, issue de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. L’objectif de ce dispositif est de lutter contre la fermeture d’entreprises saines, faute de repreneurs et d’encourager les propriétaires sans ayant droit à transmettre leur entreprise à leurs salariés, en leur donnant le temps et les conditions nécessaires pour formaliser une offre de rachat. Les modalités d’application se sont toutefois révélées inadaptées, en raison, notamment, de la sanction de nullité de la cession en cas de violation de ces obligations.
L’article 204, en modifiant les sections 3 et 4 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de commerce, limite le droit d’information des salariés au seul cas de vente de l’entreprise et non à tous les cas de transfert de propriété que recouvre la cession (donation, échange, apport). En effet, c’est seulement en cas de vente que le salarié est vraiment en mesure de proposer une offre concurrente équivalente. Par ailleurs, un mécanisme d’amende civile est substitué à la nullité de la vente en cas de non-respect de ces obligations.
Le décret n° 2015-1811 du 28 décembre 2015 :
– tire les conséquences de l’intervention de la limitation de l’obligation d’information des salariés de l’entreprise aux seuls cas de ventes en procédant à des adaptations de la partie réglementaire du code de commerce et en abrogeant le décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 relatif à l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise ;
– fixe la date de réception de l’information par le salarié à celle de la première présentation en cas d’utilisation de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;
– précise que le nouveau dispositif entre en vigueur le 1er janvier 2016.
D. LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE DE RECOUVREMENT DES PETITES CRÉANCES
L’article 208 de la loi introduit un article L. 1244-4 du code civil qui prévoit une procédure amiable de recouvrement des petites créances par l’intermédiaire d’huissiers de justice. Cette procédure doit se dérouler dans un délai d’un mois à compter de l’envoi par l’huissier d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception invitant le débiteur à y participer.
Elle alternera une phase amiable et, le cas échéant, une procédure d’exécution forcée. En cas d’accord entre le créancier et le débiteur, un huissier de justice sera saisi pour constater les termes de l’accord et délivrer un titre exécutoire, lequel permettra à ce même huissier de procéder à l’exécution forcée de l’accord, dans le cas où le débiteur n’honorerait pas ses engagements.
Ces dispositions législatives renvoient à deux précisions par décret : la première relative au seuil en deçà duquel la procédure simplifiée s’applique ; la seconde au sujet des règles de prévention des conflits d’intérêt lors de la délivrance par l’huissier de justice d’un titre exécutoire.
À cet effet, le décret n° 2016-285 du 9 mars 2016 relatif à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances complète le titre II du livre Ier du code des procédures civiles d’exécution par un chapitre V.
Son article R. 125-1 précise que la procédure peut être mise en œuvre par un huissier du ressort du tribunal de grande instance où le débiteur a son domicile ou, en cas de pluralité des tribunaux de grande instance dans le département où le débiteur a son domicile, par un huissier de l’un quelconque des ressorts de ces tribunaux. Ce même article fixe le plafond du montant de la créance en-deçà duquel la procédure sera applicable à 4 000 euros. La chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), dans sa réponse au questionnaire envoyé par M. Laurent Grandguillaume, a souligné que le succès du dispositif reposera en grande partie sur le montant des frais à engager pour bénéficier de la procédure. Elle remarque qu’actuellement, le créancier doit compter entre 300 et 450 euros pour recouvrer une créance d’un montant inférieur à 1 000 euros.
Le décret liste les informations que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception par laquelle l’huissier invite le débiteur à participer à la procédure. Parmi ces informations, la lettre devra rappeler au débiteur qu’il est libre d’accepter ou de refuser la procédure.
Afin de prévenir d’éventuels conflits d’intérêt, la section 2 du chapitre V prévoit deux dispositions réglementaires. En premier lieu, il est précisé qu’aucun paiement ne peut avoir lieu avant que l’huissier n’ait constaté l’issue de la procédure. En second lieu, il est précisé que l’huissier qui a établi le titre exécutoire ne peut être chargé de l’exécution forcée du recouvrement de la créance. Dans les réponses aux questionnaires adressés par M. Laurent Grandguillaume, la Fédération nationale de l’information d’entreprise et de la gestion de créances (FIGEC) et le Syndicat national des cabinets de recouvrements de créances et de renseignements commerciaux (ANCR) avaient chacun préconisé la publication de cette précision réglementaire.
Ces précisions de nature décrétale renvoient à un arrêté :
– le soin de définir le modèle de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception par laquelle l’huissier de justice invite le débiteur à participer à la procédure simplifiée de recouvrement ;
– le soin de déterminer les modalités techniques et les garanties relatives au mode de communication électronique utilisées par les huissiers de justice pour la mise en œuvre de la procédure.
L’article 209 de la loi a autorisé le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi :
– nécessaire à la transposition de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession ;
– permettant d’unifier et de simplifier les règles communes aux différents contrats de la commande publique qui sont des contrats de concession au sens du droit de l’Union européenne, ainsi que de procéder à la mise en cohérence et à l’adaptation des règles particulières propres à certains de ces contrats, eu égard à leur objet.
La transposition de la directive a été l’occasion d’une simplification et d’une rationalisation de l’architecture du droit interne des contrats de concession. L’ordonnance rassemble en effet, dans un même corpus juridique, les règles régissant tous les contrats constituant des concessions, tout en préservant les spécificités de certains contrats de concession.
Il est mis fin à la dualité entre le régime juridique interne relatif aux concessions de travaux (soumis à l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux concessions de travaux publics) et celui relatif aux délégations de service public (soumis à la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relatif à la prévention de la corruption et la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin »).
L’unification de ces règles permet en outre de clarifier le cadre juridique des concessions : tout en mettant fin au vide juridique caractérisant, jusqu’à présent, les concessions de services ne portant pas sur la gestion d’un service public, l’ordonnance préserve la liberté des personnes publiques de choisir librement le mode de gestion de leurs services publics.
L’ordonnance préserve les grands équilibres de la « loi Sapin », notamment concernant la procédure de passation simplifiée. Cette procédure trouvera à s’appliquer pour les contrats d’une valeur inférieure au seuil d’application de la directive (soit 5,186 millions d’euros d’après l’article 8 de la directive) et à certains secteurs de l’économie concédée qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive, indépendamment de la valeur du contrat.
L’ordonnance, en son titre préliminaire, rappelle les principes fondamentaux de la commande publique : liberté d’accès à la commande publique ; égalité de traitement des candidats ; transparence des procédures. Ces principes sont un gage d’efficacité de la commande publique et de bonne utilisation des deniers publics.
Le titre Ier de l’ordonnance définit les contrats de concession et précise les contrats exclus du champ d’application de l’ordonnance. Figurent parmi les contrats exclus, sous réserve des dispositions de l’ordonnance relatives aux contrats de concession de défense ou de sécurité : les contrats de concession de services conclus avec un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou une ou plusieurs entités adjudicatrices ou un opérateur économique, lorsqu’ils bénéficient d’un droit exclusif ; les contrats de concession de services qui ont pour objet l’acquisition ou la location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres immeubles ou qui concernent d’autres droits sur ces biens ; les contrats de concession de services relatifs à la recherche et au développement pour lesquels le pouvoir adjudicateur n’acquiert pas la propriété exclusive des résultats ou ne finance pas entièrement la prestation.
Son titre II fixe les règles de passation des contrats de concession. Une définition préalable des besoins, déjà prévue pour les marchés publics, est rendue obligatoire, de façon à assurer la bonne exécution du contrat. En outre, il est précisé que les autorités concédantes sont autorisées à réserver leurs contrats à des travailleurs handicapés ou défavorisés. Il est par ailleurs rappelé que les conditions d’exécution du contrat peuvent prendre en compte des considérations liées à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi, à condition qu’elles soient liées à l’objet du contrat.
Le titre III précise les règles applicables à l’occupation domaniale dans le cadre des contrats de concession, pour sécuriser les possibilités de valorisation du domaine dans le cadre de ces contrats.
Les règles relatives à la transparence dans l’attribution et l’exécution des contrats de concession sont par ailleurs renforcées par le titre IV de l’ordonnance, en particulier s’agissant des modifications apportées au contrat et de son exécution par un tiers.
F. LA CRÉATION D’UNE COMMISSION DE CONCERTATION DU COMMERCE
L’article 219 de la loi a pour objet de créer un dispositif de reconnaissance des systèmes de garantie ou des labels de commerce équitable. L’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises avait prévu qu’une commission attribue, sur la base de critères définis au même article, une reconnaissance publique à des labels de commerce équitable. Cette mission a été confiée à la commission nationale du commerce équitable (CNCE) par le décret n° 2007-986 du 15 mai 2007. L’article 219 clarifie les missions de la CNCE, en vue de sa fusion avec la commission d’orientation du commerce de proximité et le conseil national du commerce, au sein d’une commission de concertation du commerce.
Le décret n° 2015-1311 du 19 octobre 2015 relatif à la commission de concertation du commerce crée cette commission en précisant qu’elle reprend les attributions de la CNCE en matière de reconnaissance des labels de commerce équitable. Il précise que sa composition est élargie et que ses missions sont plus étendues. Elle conseille les pouvoirs publics sur la situation des commerces et leur contribution au développement de l’économie et de l’emploi. Elle peut proposer des actions, de dimension nationale ou européenne, visant à soutenir la compétitivité, l’innovation et le développement de ces secteurs ainsi que des emplois et des compétences associées. Elle peut enfin soumettre des avis argumentés et des propositions relatifs à l’efficacité des aides publiques dont bénéficient les commerces, ainsi qu’à l’impact des politiques publiques sur les commerces.
G. L’ENCADREMENT DES « RETRAITES CHAPEAUX »
La loi, en ses articles 228 et 229, encadre, dans le code de commerce, les régimes de retraites à prestations définies, aussi appelées « retraites chapeau ». Ces dispositions s’inscrivent dans le sens des propositions du rapport de décembre 2014 sur l’encadrement des « retraites chapeau », par l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales. Elles confèrent par ailleurs une valeur législative à certaines recommandations du code AFEP-MEDEF de juin 2013. La loi modifie ainsi sur quatre points principaux le régime applicable aux engagements de retraite à prestations.
En premier lieu, elle prévoit (article 228) que les organismes gérant des régimes de « retraite chapeau » doivent remettre chaque année à l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la mutualité, un rapport de suivi de leur activité. Ce rapport doit retracer le montant des engagements souscrits, le nombre de rentes servies, les montants minimal, moyen et maximal de rentes servies, ainsi que le nombre de bénéficiaires potentiels.
En deuxième lieu, la loi dispose (article 229) que les retraites chapeau bénéficiant aux dirigeants mandataires sont subordonnées aux performances du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de l’entreprise.
En troisième lieu, la loi met en place un plafonnement du rythme annuel de progression des droits acquis par les mandataires sociaux dirigeants au titre d’un régime de « retraite chapeau » dans les sociétés cotées. Désormais, l’accroissement de ces droits acquis chaque année par le bénéficiaire est déterminé avant l’assemblée générale ordinaire, par le conseil d’administration ou de surveillance, selon le cas, dans la limite d’un montant représentant 3 % de la rémunération annuelle.
En quatrième et dernier lieu, la loi dispose que le rapport du conseil d’administration ou du directoire, à l’assemblée générale des actionnaires, doit indiquer les engagements en matière de « retraite chapeau » pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux. Elle prévoit la publication d’un décret qui doit préciser les conditions dans lesquelles l’information donnée indique les modalités de détermination de ces engagements et contenir, pour chaque mandataire social, une estimation du montant des rentes qui seraient potentiellement versées.
Le décret n° 2016-182 du 23 février 2016, qui complète la section 3 du chapitre V du titre II du livre II du code de commerce, a été publié à cet effet. Il liste les éléments constitutifs essentiels des engagements de retraite, autres que les régimes de retraite de base ou complémentaires obligatoires, ou autres avantages viagers pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, que doit contenir le rapport du conseil d’administration ou du directoire à l’assemblée générale des actionnaires.
Ces informations, rendues obligatoires par le décret, permettront une identification précise de la catégorie des avantages en question et des modalités de détermination de la rémunération de référence fixée par le régime concerné. Par ailleurs, une estimation du montant de la rente à la date de clôture de l’exercice doit figurer dans le rapport. Celle-ci est établie en fonction d’un certain nombre de contraintes. À titre d’exemple, la rente doit être estimée sur une base annuelle et prendre en compte l’ancienneté acquise par le mandataire dans ses fonctions à la date de clôture de l’exercice. Elle est calculée indépendamment des conditions de réalisation de l’engagement, comme si le mandataire social pouvait en bénéficier à compter du lendemain de la clôture de l’exercice. Le décret s’inscrit par conséquent dans le sens d’une plus grande transparence de ces avantages, conformément à l’intention du législateur.
H. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS
Deux ordonnances peuvent encore être publiées, en application de ce chapitre.
L’article 220 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre à la disposition des entreprises un dispositif permettant de justifier de leur identité et de l’intégrité des documents transmis dans leurs relations dématérialisées avec l’administration et avec les tiers. Le délai d’habilitation expire le 7 mai 2016.
L’article 222 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour permettre le développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises, en facilitant l’acceptation des factures transmises par voie électronique, par l’institution d’une obligation, applicable aux contrats en cours, d’acceptation des factures émises sous forme dématérialisée, entrant en vigueur de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées. Le délai d’habilitation expire également le 7 mai 2016.
Un décret et un arrêté, présentés dans le tableau ci-dessous, restent également à publier.
LISTE DES MESURES RÉGLEMENTAIRES NON PUBLIÉES PRÉVUES POUR L’APPLICATION DU CHAPITRE IV « SIMPLIFIER » DU TITRE II « INVESTIR »
Article de la loi |
Thème |
Texte d’application |
Objet de la mesure réglementaire |
Article 213, I |
Recouvrement petites créances |
À |
Détermination des catégories de personnes morales finançant ou investissant, directement ou indirectement, dans les micro et petites entreprises ou leur fournissant des prestations, qui pourront consulter l’intégralité des comptes de ces dernières |
Article 223, I |
Panneaux publicitaires |
DCE |
Dérogations aux règles d’emplacement, de surface et de hauteur des dispositifs publicitaires, lumineux ou non, implantés sur l’emprise des équipements sportifs ayant une capacité d’accueil d’au moins 15 000 places assises |
À : arrêté ; DCE : décret en Conseil d’État ; DS : décret simple
Source : mission d’information
VI. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA CONTINUITÉ DE LA VIE DES ENTREPRISES
A. L’ORDONNANCE RELATIVE AU GAGE DES STOCKS
Sur les dix articles du chapitre V « Assurer la continuité de la vie des entreprises » du titre II « Investir », quatre prévoient des précisions réglementaires ou habilitent le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance.
À ce stade, seule l’ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks a été publiée.
Issu d’un amendement du Gouvernement, l’article 240 de la loi habilite le Gouvernement à rapprocher le régime applicable au gage des stocks défini au chapitre VII du titre II du livre V du code de commerce du régime de droit commun du gage de meubles corporels défini au chapitre II du sous‑titre II du titre II du livre IV du code civil, pour le clarifier et rendre possible le pacte commissoire (142) et le gage avec ou sans dépossession, en vue de favoriser le financement des entreprises sur stocks.
Le Gouvernement a justifié cette disposition par l’objectif de favoriser la pratique du financement de court-terme adossé à des actifs. Elle consiste, pour les établissements de crédit, à financier le stock de produits intermédiaires de l’entreprise après un abattement de 10 à 20 % sur sa valeur et déduction faite des montants dus aux fournisseurs. Les stocks constituent une garantie pour l’établissement de crédit en cas de défaut.
Bien que le procédé existât déjà avant la publication de l’ordonnance, il était peu répandu en France et était seulement utilisé comme outil de dernier recours pour les entreprises en difficulté. En outre, il existait une incertitude juridique à la suite d’un arrêt du 19 février 2013 de la Cour de cassation (143) sur la portée du gage sur les stocks sans dépossession qui limitait son utilisation par les établissements de crédit.
Pour répondre à cet objectif, l’ordonnance n° 2016-56 s’articule autour de deux axes.
En premier lieu, elle opère une clarification du régime applicable au gage des stocks. Celle-ci concerne d’abord sa définition : le premier alinéa de l’article L. 527-1 ,du code de commerce reprend à la fois la définition générale du gage posée à l’article 2333 du code civil, à savoir une convention par laquelle le constituant accorde à son créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers, et la triple condition posée actuellement au premier alinéa de l’article L. 527-1 du code de commerce :
– le débiteur est une personne morale de droit privé ou une personne physique, ayant obtenu un crédit pour l’exercice de son activité professionnelle ;
– le créancier est un établissement de crédit ou une société financière ;
– le gage porte sur les stocks.
L’ordonnance énonce expressément la possibilité de constituer un gage avec ou sans dépossession, comme c’est actuellement le cas en matière de gage de meubles corporels régi par le code civil.
En second lieu, l’ordonnance rapproche le régime de gage des stocks des dispositions du code civil. Le troisième alinéa de l’article L. 527-1 précise, à cette fin, quels sont les articles du code civil applicables au gage des stocks du code de commerce, tandis que le quatrième alinéa de ce même article permet aux parties de choisir entre le régime de droit commun du code civil et le régime spécial du code de commerce, rompant ainsi avec la jurisprudence récente de la Cour de cassation (144). L’article L. 527-2 rappelle certaines conditions de validité du gage et en simplifie d’autres. Les règles de publicité du gage sont harmonisées conformément au droit commun tel qu’il résulte du code civil. L’ordonnance supprime par ailleurs l’obligation d’assurance contre les risques d’incendie et de destruction, laissant ainsi une plus grande place à la liberté contractuelle. Elle assouplit également le mécanisme dit de « la clause d’arrosage », qui permet au créancier, en cas de diminution de la valeur du stock, d’obtenir le rétablissement de la garantie ou le paiement de sa créance. Enfin, la prohibition du pacte commissoire est supprimée. L’article L. 527-8 du code de commerce renvoie ainsi à l’article 2348 du code civil, qui permet aux parties de prévoir que le créancier deviendra propriétaire des stocks en cas de non-paiement de la dette exigible par le débiteur.
L’article 2 de l’ordonnance prévoit son application à Wallis-et-Futuna.
Son article 3 prévoit une entré en vigueur au 1er avril 2016 et précise qu’elle ne s’appliquera qu’aux contrats conclus à partir de cette date.
B. LES TEXTES D’APPLICATION QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE PUBLIÉS
Un décret devrait intervenir pour préciser deux dispositions législatives des articles 235 et 236 pour respectivement :
– déterminer les seuils de nombre d’établissements secondaires et de chiffre d’affaires du débiteur au-delà desquels, lors d’une procédure ouverte à son encontre, le tribunal de commerce désigne au moins un deuxième administrateur judiciaire et un deuxième mandataire judiciaire. Le décret devra aussi précise les conditions dans lesquelles sont nommés le deuxième administrateur judiciaire et le deuxième mandataire judiciaire ;
– fixer les règles applicables au règlement des litiges nés à l’occasion de l’exécution d’un contrat de travail d’un administrateur ou d’un mandataire judiciaire salarié après médiation du président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, celles relatives au licenciement de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire salarié et, dans ce cas, les conditions dans lesquelles il peut être retiré de la liste des administrateurs ou des mandataires judiciaires.
Les auditions sont présentées dans l’ordre chronologique de séances tenues par la mission d’information commune
– M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique |
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– M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique |
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– Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice |
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– M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie |
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– M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence et de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale |
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– Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social |
Réunion du 25 novembre 2015
Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique
M. Richard Ferrand, président-rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence à ce rendez-vous.
Je vous rappelle le sens de notre démarche : nous avons souhaité installer une mission d’information chargée du suivi de l’application de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité de chances économiques, que vous avez défendue et que nous avons adoptée, afin de veiller à ce que les textes d’application paraissent dans des délais raisonnables et à ce que leur contenu soit fidèle à l’intention du législateur. La Conférence des présidents a donné son plein accord à cette initiative.
À ce stade, nous avons les uns et les autres interrogé plusieurs ministres et administrations, qui nous ont rappelé que, sous la Ve République, le règlement relève de la compétence exclusive du Gouvernement – principe qui est enseigné dans les facultés de droit dès la première année – et que, par conséquent, nous devrions nous contenter de faire la loi. Nous pouvons comprendre cette réaction, certes fondée en droit, mais nous sommes, en l’espèce, dans une situation un peu différente : pendant tout le processus d’élaboration de ce projet de loi, vous avez fait part de votre souhait de travailler avec nous dans un esprit de co-construction, dans la longue durée, jusqu’au terme de l’application de la loi. Le Premier ministre a lui-même eu l’occasion d’exprimer sa volonté en ce sens.
À l’heure où nous parlons, certains d’entre nous ont déjà mené des auditions, et un certain nombre de textes ont été publiés. Je diffuserai à l’ensemble des membres de la mission – vingt-quatre collègues issus de tous les bancs de l’Assemblée nationale – les projets de décrets que nous avons reçus. Notons toutefois que ceux-ci nous parviennent en général après les réunions d’arbitrage interministérielles, c’est-à-dire une fois que la messe est dite. Nous souhaiterions que la concertation en amont s’organise un peu mieux que cela n’a été le cas jusqu’à présent. J’appelle votre attention sur ce point de méthode.
Sur le fond, nous souhaitons faire un point avec vous sur les textes d’application qui ont déjà été produits, ainsi que sur le calendrier prévisionnel du Gouvernement pour la publication des autres textes.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je me réjouis d’avoir cet échange avec vous sur l’application de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Je prends bonne note des difficultés dont vous m’avez fait part et m’engage, en tout cas pour ce qui me concerne, à fluidifier les choses au maximum. Le Secrétariat général du Gouvernement a relevé qu’il était difficile de communiquer des textes qui sont encore provisoires. Nous pouvons sans doute améliorer le travail sur les points les plus sensibles et aller ainsi dans le sens que vous souhaitez.
Je partage l’esprit qui vous a animés en installant cette mission. Il importe de s’assurer non seulement du respect du calendrier, mais aussi du fait que nous ne dénaturons pas, par des textes d’application, l’ambition initiale de la réforme. Il convient, en outre, d’évaluer. Tel n’est pas l’objet de cette audition, mais j’espère que les travaux de votre mission seront suivis par un travail d’évaluation. Pour ma part, j’ai saisi une commission indépendante ainsi que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour procéder à une évaluation a priori des premières mesures. J’ai néanmoins une préférence pour les évaluations a posteriori, que je mettrai à votre disposition. L’évaluation fait partie, selon moi, de notre démarche collective.
Dans ce propos introductif, je me propose de faire un point détaillé sur l’avancée des travaux concernant l’application de la loi.
Faisons tout d’abord le compte des mesures contenues dans la loi. Environ 60 % d’entre elles étaient d’application directe. Les 40 % restants nécessitent la publication de 84 décrets, dont 46 sont pilotés par mon ministère. Ces derniers seront tous pris avant la fin de l’année, sauf ceux qui portent sur la loyauté des plateformes, sur les modalités relatives au statut de zone fibrée et sur le capital des sociétés d’exercice des professions du droit, en raison des consultations en cours.
Sur les 84 décrets précités, treize ont déjà été pris, onze sont dans le circuit de signature et seront donc publiés très prochainement, et huit sont actuellement examinés par le Conseil d’État. La plupart des décrets restants seront pris avant le début de l’année 2016. Toutefois, compte tenu des délais d’instruction normaux devant le Conseil d’État, un certain nombre d’entre eux seront plutôt publiés d’ici à la fin du mois de janvier, soit dans le délai des six mois après la promulgation de la loi au terme duquel on fait traditionnellement le point sur la bonne application des textes.
À titre de comparaison, si l’on s’en tient à une approche purement quantitative, trois mois après la promulgation de la loi de modernisation de l’économie, seuls deux décrets avaient été publiés, alors que 57 articles de la loi nécessitaient des mesures d’application. Nous n’avons donc pas à rougir de notre bilan : nous nous sommes mis en ordre de bataille et nous ne sommes pas en retard par rapport à des textes comparables, quelles que soient les législatures considérées. Nous devons poursuivre à ce rythme et avec le même degré d’ambition.
Quelles sont les mesures qui sont entrées en vigueur et dont les Français peuvent constater l’effectivité ? Je ne cite que les principales d’entre elles : la création du service universel du permis de conduire ; la généralisation de la conduite accompagnée ; la création des zones touristiques internationales (ZTI) ; les accords de maintien dans l’emploi (AME) défensifs ; la sécurisation des procédures de licenciement collectif ; la réforme de la fiscalité de l’actionnariat salarié ; une partie de la réforme – attendue – des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ; les certificats de projet ; le suramortissement fiscal ; l’extension des attributions de l’Autorité de sûreté nucléaire aux questions relatives à l’exportation ; les délais de paiement ; la faillite de l’entrepreneur ; la modification des sanctions associées au délit d’entrave ; la réforme du régime des impatriés ; les relations entre les hôteliers et les plateformes de réservation ; la lutte contre le travail détaché illégal ; l’essentiel de la réforme des retraites chapeau.
Cette salve de mesures a été presque immédiatement complétée par deux avancées importantes, qui ont déjà produit des effets tangibles.
Première avancée : le développement du transport par autocars, grâce à l’ouverture des lignes sur les distances inférieures à 100 kilomètres – le décret correspondant a été pris –, mais aussi avec l’entrée en vigueur des règles environnementales Euro 5 et Euro 6, ainsi que des normes sur les éthylotests et sur l’accessibilité des personnes à mobilité réduite. Nous avons pu mesurer tout de suite l’impact de ces mesures : un peu plus de 80 villes françaises sont desservies par de nouvelles lignes d’autocar ; près de 300 000 passagers ont été transportés depuis l’ouverture de ces lignes, contre 110 000 sur l’intégralité de l’année 2014 ; en quelques mois, plus de 1 000 emplois ont été créés dans ce seul secteur.
Deuxième avancée : le travail le dimanche. L’arrêté définissant les ZTI a été pris en un peu plus d’un mois, après consultation des élus. Les négociations permettant concrètement l’ouverture dominicale des commerces de détail sont en cours. Des négociations de branche sont également en cours sur l’ouverture des grands magasins le dimanche. Je rappelle que les référendums qui se sont tenus sur ce sujet n’avaient qu’un caractère indicatif. En tout cas, on peut trouver un accord lorsqu’il est négocié au bon niveau avec les bons niveaux de compensation.
La grande majorité des autres textes nécessaires à l’application de la loi devraient être publiés avant la fin de l’année. Examinons la situation secteur par secteur.
S’agissant du transport par autocar, il nous reste à prendre une ordonnance sur les gares routières. J’ai organisé une réunion de lancement des travaux, à laquelle ont participé les préfets de région et l’ensemble des services concernés, ainsi que deux parlementaires qui s’étaient fortement impliqués sur cette question, le député Gilles Savary et la sénatrice Fabienne Keller. Les préfets ont reçu pour mission de répertorier les situations de blocage sur le territoire. L’objectif de cette ordonnance est de permettre le déploiement des gares routières en bon ordre, dans les villes ou aux abords des villes. De nombreuses gares existent déjà, mais, lorsqu’elles appartiennent ou sont gérées par un transporteur donné, il convient d’organiser leur mise à disposition aux autres transporteurs. Le projet d’ordonnance sera transmis au Conseil d’État en décembre après consultation formelle de l’ensemble des acteurs. Avec ce texte, la réforme du secteur des autocars sera parachevée.
Pour ce qui est du permis de conduire, les premiers textes ont été pris, ainsi que je l’ai indiqué. Cinquante postiers sont déjà en formation en vue de faire passer l’épreuve pratique. J’ai fait le point la semaine dernière avec le président-directeur général de La Poste et les choses se passent très bien. Le projet de décret relatif à l’épreuve théorique est actuellement examiné par le Conseil d’État et sera publié d’ici à la fin de l’année.
Le texte d’application portant sur l’ouverture des données – open data – sera transmis au Conseil d’État au début du mois de décembre. Quant aux codes de conduite en cours de discussion avec les acteurs, ils seront d’application directe.
Concernant les professions réglementées du droit, le projet de décret réformant le texte de 1944 sur les tarifs des actes vient d’être finalisé. Il a fait l’objet d’un important travail, qui a permis d’arrêter une méthodologie plus opérationnelle que celle que prévoyait initialement l’Autorité de la concurrence. Les consultations avec les professionnels vont commencer. Le décret sera publié avant la fin de l’année, puis les arrêtés suivront au tout début de l’année 2016, pour une application à partir du mois de février. Les textes d’application concernant l’installation seront transmis au Conseil d’État dans les prochains jours. Ils ont fait eux aussi l’objet d’un travail considérable du ministère de la justice. Ils ont vocation à s’appliquer au début de l’année prochaine.
La réforme de l’épargne salariale sera totalement parachevée d’ici à la fin de l’année. Les derniers textes sont en train d’être pris.
S’agissant de l’État actionnaire, les décrets d’application sur la composition de la Commission des participations et des transferts, sur les actions spécifiques – golden shares – et sur Nexter ont été publiés.
La publication du décret créant les tribunaux de commerce spécialisés est imminente.
En matière de droit du travail, nous avons saisi en octobre le Conseil d’État de la plupart des projets de décret concernant la délivrance de la carte d’identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics (BTP), l’objectif étant de les publier d’ici à la fin de l’année. S’agissant du développement de l’emploi des personnes handicapées, nous saisirons le Conseil d’État en novembre. Quant aux ordonnances relatives à l’inspection du travail et aux contrats d’insertion outre-mer, l’objectif est de les finaliser avant la fin de l’année. Pour ce qui est des mesures relatives à la loi de sécurisation de l’emploi, la publication est prévue en novembre.
Nous achevons actuellement la concertation avec les représentants des collectivités et les opérateurs sur les dispositifs de couverture mobile – recensement des communes et mise en place du guichet de couverture à la demande. L’ensemble des mesures seront prises d’ici à la fin de l’année, conformément à la volonté du législateur. L’arrêté recensant les centres-bourgs qui ne sont pas couverts par la 2G a été publié au début du mois de novembre. Une réunion est prévue au début du mois de décembre pour organiser le recensement des collectivités ne bénéficiant pas d’une couverture satisfaisante par la 3G et pour définir des zones prioritaires de déploiement. L’objectif est, je le rappelle, une couverture totale du territoire par la 2G à la fin de l’année 2016 et par la 3G à la mi-2017. Dans les zones prioritaires, conformément au souhait des élus, les travaux d’installation des antennes relais seront à la charge des opérateurs. Ceux-ci ont signé l’été dernier une convention dans laquelle ils s’engagent à les financer, pour un coût de 800 millions à 1 milliard d’euros.
Pour ce qui est de la réforme du droit d’information préalable, la consultation est close et le décret sera donc signé prochainement.
La publication des textes donnant aux hôpitaux la possibilité de créer des filiales pour valoriser leur expertise hospitalière à l’international est imminente.
Pour finir, l’ordonnance portant sur la constitution de la filiale commune entre Aéroports de Paris et SNCF Réseau pour la réalisation du CDG Express devrait être prête d’ici à la fin de l’année.
Il restera plusieurs points à aborder en 2016.
Concernant les professions réglementées du droit, il s’agit de l’interprofessionnalité des professions du droit et du chiffre, des formes de sociétés, des règles concernant le capital et de l’application de la libre installation – à cet égard, la carte de l’Autorité de la concurrence sera mise en consultation en février, l’arrêté des ministres compétents devant être publié en mars. Pour tous ces sujets, l’objectif est d’aboutir au premier trimestre 2016.
Compte tenu des consultations prévues par la loi ou par d’autres textes auxquels nous devons nous plier, les textes d’application nécessaires seront également pris au premier trimestre 2016 pour les mesures suivantes : le défenseur syndical ; l’élargissement du financement participatif – crowdfunding – à l’intermédiation des bons de caisse et les dispositions relatives au crédit interentreprises ; l’entrée en vigueur des nouvelles mesures de régulation du secteur des autoroutes ; le statut de zone fibrée – qui doit faire l’objet de négociations ; l’entrée en vigueur de l’obligation d’équiper en fibre optique l’ensemble des maisons et des lotissements neufs ; les mesures relatives au droit de l’urbanisme faisant suite au rapport Duport et les travaux de rénovation du dialogue environnemental ; le « permis unique » pour les installation classées pour la protection de l’environnement ; les retraites chapeau.
Enfin, la loi a prévu des délais d’entrée en vigueur différés pour certaines mesures qui nécessitent des investissements importants de la part des entreprises. Ainsi, les dispositions relatives à la mobilité bancaire et à la couverture de toutes les communes par la 3G seront appliquées en 2017, même si les textes nécessaires seront pris bien avant, à l’issue des consultations adéquates.
M. le président-rapporteur. Merci, monsieur le ministre, pour cet état des lieux. Vous avez rappelé très utilement que plus de la moitié des dispositions de la loi n’appelaient pas de mesures réglementaires et ont donc trouvé leur pleine application dès la promulgation du texte.
M. Philippe Houillon. En réaction aux propos liminaires du président-rapporteur, je soulève une question pratique.
Cette mission d’information peut avoir pour objet, classiquement, de surveiller la parution des décrets dans le délai imparti par la loi ou, à défaut, dans un délai raisonnable. Conformément au règlement de l’Assemblée nationale, elle pourra être ultérieurement chargée, en aval, d’évaluer l’application de la loi.
Aujourd’hui, j’entends beaucoup parler de « co-construction ». Ainsi que le président l’a évoqué, cette « co-construction » implique que les parlementaires membres de cette mission aient connaissance en amont des avant-projets de décret, qu’ils puissent les évoquer au sein de la mission, le cas échéant après quelques auditions, et que la mission vous fasse part de ses éventuelles observations, monsieur le ministre, afin que vous en teniez compte dans la rédaction définitive des décrets.
Or, Cécile Untermaier et moi-même avons auditionné hier le président du Conseil supérieur du notariat (CSN), et j’ai vécu un moment surréaliste ! Le président du CSN a, lui aussi, parlé de « co-construction », sauf que ni lui ni nous n’avions connaissance du projet de décret. Nous avons compris qu’il avait eu en mains un texte qui ne nous avait pas été communiqué et qu’il voulait réserver la primeur de ses observations à la garde des sceaux plutôt qu’à nous, bien que ce texte ne fût plus d’actualité. Pardon de poser la question de manière brutale : cette mission sert-elle à quelque chose ? Nous sommes restés une heure avec le président du CSN pour rien ! On a fait perdre leur temps aux parlementaires et à leurs interlocuteurs, alors que les uns et les autres ont un emploi du temps très chargé.
Compte tenu du calendrier relativement serré que vous nous avez annoncé – dont nous ne pouvons que nous féliciter –, quelle méthode entendez-vous employer concrètement pour cette « co-construction » ? Ou bien s’agit-il simplement de mots pour laisser penser qu’il existe une forme de concertation ? L’exécutif n’est d’ailleurs pas tenu à une telle concertation, ainsi que le président l’a rappelé. De deux choses l’une : soit on nous répond que seul le Gouvernement exerce le pouvoir réglementaire, et nous ne pouvons que l’accepter, puisque la Constitution en dispose ainsi ; soit on nous indique que nous sommes dans une démarche de « co-construction », c’est-à-dire que l’on demande l’avis du Parlement pour que les textes réglementaires respectent bien l’intention du législateur – je reprends les termes employés par le président –, ce qui est positif, mais cela exige alors de faire les choses dans l’ordre et avec un minimum de méthode.
M. le président-rapporteur. C’est aussi le charme de l’innovation ! Car nous essuyons les plâtres. Depuis notre initiative, certains collègues ont souhaité la création de missions semblables à la nôtre, notamment pour suivre l’application de la loi relative à la transition énergétique. Je l’ai dit tout à l’heure au ministre amicalement et en toute franchise : nous sentons bien que, culturellement, les administrations ne sont pas rodées – c’est un euphémisme – au partage de l’information lorsqu’elles élaborent des textes réglementaires. Pour répondre à la question existentielle que vous avez posée avec raison, monsieur Houillon, je crois que nous servons à quelque chose : nous faisons bouger les choses sur ce point ; nous avons appelé la vigilance des services de l’État non seulement sur la célérité avec laquelle ils doivent travailler, mais aussi sur le fait que le contenu des textes doit être fidèle à l’intention du législateur. Comme vous, je souhaite que la concertation soit mieux organisée, en amont des arbitrages qui sont rendus. Je l’ai d’ailleurs écrit récemment au Premier ministre.
M. Philippe Houillon. Quelle est sa réponse ?
M. le président-rapporteur. Laissez-lui le temps de répondre ! Le ministre pourra éventuellement revenir sur ce point.
Mme Cécile Untermaier. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, pour votre présence à cette réunion de notre mission d’information, dont le rôle est extrêmement important. Je salue aussi l’immense travail réalisé par les administrations sur les projets de décrets.
Je suis d’accord avec vous, monsieur Houillon : la réunion que nous avons tenue hier avec le président du CSN n’était pas d’un intérêt majeur. Toutefois, celui-ci nous a affirmé d’emblée qu’il était favorable à une application de la loi aussi rapide que possible, sans la dénaturer. Recueillir cette conviction valait bien une demi-heure de présence à cette audition ! D’autant que j’étais très inquiète, car j’ai reçu de nombreux messages électroniques alarmants – que je tiens à votre disposition –, notamment une lettre des notaires de la cour d’appel de Besançon, qui s’organisent, de manière très cynique selon moi, dans le seul but de peser sur l’application de la loi et le contenu des décrets. Il était donc important d’avoir cet échange : le CSN a pu mesurer la détermination des députés à ce que la loi ne soit pas dénaturée dans son application.
Je constate avec beaucoup de satisfaction que les décrets sont vraiment en préparation. Certes, comme mes collègues, j’aurais souhaité en avoir connaissance plus tôt. Mais ce qui s’est fait peut peut-être se défaire, si nous faisons valoir des arguments pertinents.
Sur les 84 décrets que le Gouvernement doit élaborer, 20 % concernent les professions réglementées, ce qui est considérable. Or aucun d’entre eux n’a encore été publié. D’où l’inquiétude que nous avions : allait-on pouvoir tenir les délais ? En consultant l’ensemble des administrations qui ont travaillé sur ces projets de décret, j’ai pu constater ce que vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, à savoir que les textes d’application seraient publiés au premier trimestre 2016, notamment la carte des zones de libre installation. Quant aux textes fixant les tarifs, ils doivent en effet absolument être publiés avant la fin du mois de février 2016, car les anciens tarifs n’auraient plus, sinon, de base légale. Nous sommes donc rassurés sur ce point.
Notre mission d’information, c’est l’un de ses intérêts, permet de répondre non seulement à l’inquiétude fondée des professionnels, qui attendent désormais l’application de la loi, notamment l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs, mais aussi à l’attente des jeunes diplômés, qui s’inquiètent du fait que l’installation dans les zones carencées ne serait pas si facile que cela – nombre d’entre eux nous écrivent sur ce point, s’appuyant sur des propos dont je n’ai pas vérifié la teneur. Nous sommes vigilants sur ces dispositions, car il s’agit d’un aspect essentiel de l’adaptation de la profession à la justice du XXIe siècle.
Ma dernière question porte sur un texte de nature non pas réglementaire, mais législative : compte tenu de la censure du Conseil constitutionnel pour incompétence négative, nous sommes obligés de préciser dans la loi les règles concernant l’assiette de la contribution qui doit alimenter le fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice. Notre volonté est, bien sûr, que le dispositif soit mis en place. Or nous avons entendu dire que le mode de calcul de la contribution serait un peu différent de celui qui était envisagé initialement. Qu’en est-il ? À ce stade de l’analyse, nous sommes favorables au maintien d’une contribution portant sur les actes qui font l’objet d’une tarification proportionnelle. À l’issue de la réflexion que nous avions menée, sachant par ailleurs que la grille tarifaire devait être révisée, nous avions en effet considéré qu’il fallait lever une contribution sans pour autant léser la profession ni, in fine, le consommateur, pour des raisons de justice sociale. C’est une question urgente : nous devons la régler dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016, si nous voulons que ce fonds soit créé – pour ma part, je le souhaite – avant la fin de l’année.
M. Sébastien Huyghe. Je partage l’inquiétude de mon collègue Philippe Houillon quant à l’utilité de cette mission : nous n’avons eu communication d’aucun projet, avant-projet ou document d’orientation qui nous permette de travailler sérieusement. Nous parlons donc un peu dans le vide !
Lorsque nous avons auditionné les administrations, nous avons appris qu’une réunion interministérielle se tiendrait ce soir à 18 heures pour trancher un certain nombre de points. Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, notamment sur deux points qui inquiètent particulièrement les professionnels du droit, surtout les notaires, qui sont concernés au premier chef ?
Premier point : quels sont exactement les critères qui permettront d’établir la carte des zones carencées ? Au cours des auditions, des critères assez généraux ont été évoqués : la population, le nombre de professionnels – il y a d’ailleurs une confusion avec le nombre d’études. Or, ces deux critères ne sont pas suffisants. En effet, beaucoup d’autres éléments peuvent entrer en ligne de compte pour déterminer si une zone est carencée ou non, notamment l’activité économique et le nombre de transactions.
Deuxième point : les tarifs. Au cours de l’examen du projet de loi, vous avez abondamment parlé de votre volonté d’instaurer la transparence des tarifs. Or, en auditionnant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous avons appris que l’objectif était clairement de faire baisser les chiffres d’affaires tant des notaires que des autres professions concernées par ces tarifs, et que Bercy avait d’ailleurs travaillé à partir des liasses fiscales des professionnels. Je voudrais que vous nous éclairiez parfaitement sur ce point : la modification des tarifs vise-t-elle réellement à faire baisser de manière drastique les chiffres d’affaires de ces professionnels ?
Mme Véronique Louwagie. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, 84 décrets. Or dans une note qui nous a été remise lors de la première réunion de cette mission d’information, il est fait état de 99 décrets – 60 décrets en Conseil d’État et 39 décrets simples. Comment cette différence s’explique-t-elle ?
Dans le cadre de cette mission, nous avons auditionné Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence, qui a estimé nécessaire de renforcer les moyens de celle-ci pour qu’elle puisse travailler sur la carte et sur les tarifs. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, qu’il est prévu d’affecter des crédits supplémentaires à l’Autorité de la concurrence dans le budget pour 2016 ?
S’agissant du travail le dimanche, vous avez évoqué l’arrêté concernant les ZTI et fait allusion au référendum organisé au BHV Marais, filiale du groupe Lafayette. Le projet a finalement été rejeté par 640 voix contre 627, c’est-à-dire avec 13 voix d’écart, situation que chacun qualifie de regrettable. Par ailleurs, la réunion qui était prévue hier entre le patronat et les syndicats en vue de parvenir à un accord de branche a été reportée. Selon la presse, un accord global valant pour toutes les enseignes paraît, à ce stade, peu probable. D’où une inquiétude des grands magasins, encore accrue au vu des perspectives du commerce dans les grandes villes à la suite des attentats qui ont frappé notre pays. Quel est votre sentiment à propos de l’ouverture des grands magasins le dimanche ? Le référendum n’est-il pas un piège ?
M. le président-rapporteur. S’agissant du décompte des décrets, la note qui vous a été remise recensait le nombre d’articles de la loi qui appelaient une mesure réglementaire. Or il arrive qu’un même décret concerne plusieurs articles, ce qui est manifestement le cas de certains des décrets que le ministre a évoqués. D’où la différence que vous avez relevée, qui ne change rien sur le fond.
Mme Véronique Louwagie. Merci pour cette précision.
M. le ministre. Je commence par la question du modus operandi pour les projets de décret. Nous avançons en marchant. Il faut s’inscrire dans le cadre des pouvoirs respectifs du législateur et du Gouvernement, mais le faire en bonne intelligence.
Dans une première phase, l’administration compétente prépare le texte. Elle consulte alors immanquablement les professionnels concernés. C’est ce qu’a fait le ministère de la justice avec les notaires ou mon ministère avec d’autres professions. Cette pratique est tout à fait normale, et il n’y a pas de raison d’y mettre fin. Au cours de cette phase, rien n’empêche les parlementaires d’auditionner les professionnels pour savoir où ils en sont. Mais il ne serait pas de bonne pratique de diffuser les avant-projets de décrets élaborés par chaque ministère. Car, compte tenu du caractère interministériel de nombreux textes, vous organiseriez alors des auditions sur la base de textes qui seraient modifiés ultérieurement par le Gouvernement. Vous perdriez tout autant votre temps et nous ne ferions, je le crains, qu’ajouter à la cacophonie.
L’étape suivante est celle de l’arbitrage interministériel. On arrête alors la position du Gouvernement. Pour prendre un exemple, nous ne sommes pas d’accord avec les projets de texte élaborés par le ministère de la justice concernant l’installation, qui ont circulé et sur lesquels les professionnels ont réagi. Nous allons donc nous y opposer. Dès lors, ce qui compte, c’est le texte qui sortira de la réunion interministérielle, après l’arbitrage du Premier ministre. Il faut donc attendre que la position interministérielle soit arrêtée pour échanger avec les parlementaires. Ainsi en a décidé le Premier ministre, et cela me semble de bonne pratique.
Lorsque les textes ont été arrêtés par une réunion interministérielle, cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont plus modifiables. Votre travail conserve donc toute son utilité. Je propose que ces textes soient communiqués à votre mission en même temps qu’ils seront transmis au Conseil d’État. Celui-ci prend en moyenne six semaines pour rendre son avis. Pendant ce délai, nous procédons régulièrement à des saisines rectificatives. Une telle saisine permettra, le cas échéant, de prendre en compte les observations de votre mission.
Quant à la réunion interministérielle de ce soir, elle portera sur neuf sujets importants : les petites créances ; les tarifs ; l’installation – qui fait l’objet de quatre projets de décret ; les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires ; la diffusion des données contenues dans le registre national du commerce et des sociétés (RNCS) par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) ; les derniers points relatifs aux tribunaux de commerce spécialisés ; les gages sur stock ; la réforme de la justice prud’homale ; le concours de greffier des tribunaux de commerce. Ainsi que je l’ai indiqué, je proposerai au Premier ministre que tous ces projets de décrets vous soient communiqués au moment où ils seront transmis au Conseil d’État, c’est-à-dire demain ou après-demain.
Les administrations ont fourni un très gros travail, qui a pris du temps. Les projets de texte ayant parfois beaucoup évolué, c’est une bonne chose qu’ils n’aient pas été diffusés largement et qu’ils n’aient pas fait l’objet d’échanges plus formels. Cette phase était nécessaire. Une fois qu’ils seront finalisés, nous disposerons d’un délai de six à huit semaines avant qu’ils ne reviennent du Conseil d’État. Je propose que nous l’utilisions à plein pour échanger sur ces textes. Ainsi, votre mission pourra conduire son travail et apporter son éclairage.
M. le président-rapporteur. Je propose que nous retenions cette méthode, qui paraît répondre aux attentes des uns et des autres. Les quelques textes, qui ont déjà fait l’objet d’une réunion interministérielle et qui nous ont été transmis, seront diffusés à l’ensemble des membres de la mission. Je propose que nous procédions de la sorte au fur et à mesure des réunions interministérielles. Ainsi, notre mission pourra se réunir pour approfondir sa réflexion, voire auditionner d’autres personnes, et transmettre, le cas échéant, ses observations.
M. le ministre. S’agissant des critères qui présideront à l’établissement de la carte des zones de libre installation, vous avez raison de dire, monsieur Huyghe, qu’il existe plusieurs possibilités. Ils seront arrêtés ce soir lors de la réunion interministérielle et vous seront communiqués dès demain. Il est important d’attendre la décision du Premier ministre sur ce point. En tout cas, les règles seront très claires, et nous restons extrêmement vigilants pour que les textes correspondent bien à la volonté du législateur en matière d’installation des jeunes professionnels.
Au-delà de ces critères et des zones qu’ils permettront de définir, le législateur a souhaité que l’installation des professionnels soit fluide et organisée. Le système retenu devra être transparent et équitable. D’une part, il faut éviter de recréer de la rigidité. Ainsi, un dispositif de stage supplémentaire ou un concours organisé par les professionnels ne permettraient pas d’atteindre le résultat voulu par le législateur, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Vous avez été saisis sur ce point, je le sais, par de nombreux jeunes notaires.
D’autre part, il ne faut pas non plus que le système soit dépourvu de toute règle, car cela conduirait à ce que le premier arrivé soit le premier servi. Il existe des mécanismes qui permettent d’organiser l’installation en fonction de critères de compétence ou d’ancienneté de la demande. Par exemple, il est possible d’organiser un tour entre différentes catégories – jeunes notaires, notaires déjà associés, notaires salariés – à l’image de ce qui se fait pour le tour extérieur ou la promotion interne dans la fonction publique. Il convient d’éviter au maximum les pratiques malthusiennes et de permettre un accès méritocratique.
Les textes devront aussi apporter toute la visibilité nécessaire aux professionnels. Je me suis moi-même rendu devant le CSN il y a quelques semaines pour expliquer la philosophie de la réforme et marquer ma préoccupation. Ainsi que vous l’avez relevé, madame Untermaier, le président du CSN a montré sa volonté de travailler en bonne intelligence avec nous sur ce dossier. Il souhaite s’assurer qu’il y aura de nouvelles installations et que celles-ci se feront en bon ordre. La profession est pleinement consciente des défis qui se présentent à elle et a l’intention d’accompagner la réforme.
Concernant les tarifs, le texte auquel vous avez fait référence, monsieur Huyghe, est celui qui définit la rémunération raisonnable. Un très gros travail a été fait pour objectiver cette rémunération. C’est sur cette base que seront pris, ensuite, les arrêtés qui fixent les tarifs.
Quels principes avons-nous retenus ? Il faut d’abord définir une référence. À cet égard, nous n’avons pas opté pour la méthodologie proposée par l’Autorité de la concurrence et par le premier rapport de l’Inspection générale des finances, laquelle consistait à définir un point de référence moyen interprofessionnel. En effet, il nous a semblé que comparer des professions très différentes n’avait pas beaucoup de sens. Nous avons donc souhaité définir la rémunération de référence catégorie par catégorie. Nous l’avons fait en liaison avec les professionnels, et ce travail sera affiné dans le cadre de la consultation en cours.
L’objectif est, d’une part, d’encadrer les rémunérations dans un corridor, afin d’éviter qu’elles soient décorrelées des prestations réelles. C’est précisément ce que nous avons voulu corriger avec cette réforme. Il est, d’autre part, de faire baisser les prix de certains actes, sans déstabiliser les offices existants, en particulier les plus petits d’entre eux. Une baisse des prix homothétique pour toutes les catégories d’acte n’aurait pas eu de sens, car elle aurait fragilisé les offices les moins rentables et favorisé ceux qui réalisent beaucoup d’actes à la limite du coût réel. La difficulté de l’exercice, c’est justement de mettre davantage à contribution les offices qui ont multiplié les actes avec une tarification proportionnelle au-delà d’un certain niveau.
Les arrêtés garantiront la pleine transparence de tous les tarifs, avec un mécanisme de révision régulière. Un délai sera donné aux professionnels pour s’adapter, conformément au souhait qui a été exprimé.
Pour ce qui est du fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice, le Conseil constitutionnel a invalidé les règles concernant l’assiette de la contribution qui doit le financer. Il était prévu que cette taxe concerne uniquement les actes qui font l’objet d’une tarification proportionnelle, au-delà d’un seuil fixé par la loi. Il revenait au règlement d’apporter un certain nombre de précisions. Or, le Conseil constitutionnel a considéré que cela ne respectait pas la compétence fiscale du Parlement.
Nous sommes en train de travailler sur ce problème, afin de parvenir à alimenter le fonds. Notre difficulté, vous le savez, est de financer l’aide juridictionnelle, après les décisions qui ont été prises concernant la profession d’avocat. La réflexion porte actuellement sur la définition complète dans la loi – il ne faut pas renvoyer à nouveau à des arrêtés – d’une base taxable intangible, qui serait le chiffre d’affaires. Cela fait l’objet d’un débat, car il est difficile de déterminer une base taxable de manière homogène pour tous les professionnels concernés, avec un plancher et un taux. Il faut que cette base taxable soit incontestable et, bien évidemment, réaliste et supportable.
Les réunions interministérielles sont en cours sur ce sujet. Nous devons créer un mécanisme qui permette d’abonder le fonds à plein pour tous les professionnels. Notre objectif est qu’il entre en vigueur en 2017.
M. le ministre. L’assiette de la taxe interprofessionnelle doit être modifiée. La question du financement de l’aide juridictionnelle, réglée pour 2016, se posera à nouveau pour 2017. Le Premier ministre a décidé hier d’attendre l’entrée en vigueur de toute la réforme – tarifs, remises, liberté d’installation et interprofessionnalité – au printemps 2016 avant de déterminer le plancher et le taux de la taxe. Le texte sera donc intégré à la loi de finances initiale pour 2017.
En ce qui concerne le travail du dimanche, le texte de loi offre aux entreprises de moins de cinquante salariés la possibilité de procéder à un référendum ; pour les autres, c’est un accord d’entreprise, de branche, de territoire ou de groupe qui est la règle, le référendum n’ayant qu’une valeur consultative. Les syndicats du BHV souhaitaient recueillir l’avis des salariés sur les propositions de la direction ; celles-ci ont été rejetées à une faible majorité, mais les négociations ne sont pas terminées, et un accord reste possible. Tout d’abord, le référendum a fait l’objet d’une polémique, car on a fait voter les démonstratrices qui n’étaient pas concernées par la mesure. Ensuite, les compensations indiquées étaient inférieures à celles qui étaient débattues au niveau de la branche. Les négociations de branche se poursuivent, même si celle d’hier a été reportée. Elles sont par nature complexes, car les situations d’entreprise sont très spécifiques, mais l’accord de branche évitera des différences entre entreprises voisines et donnera le cadre le plus stable possible. L’important est de trouver un accord sur les mesures de compensation pour les salariés. Certains acteurs considéraient que les mesures proposées par d’autres étaient trop généreuses ; un alignement est aujourd’hui en cours, laissant de bons espoirs pour trouver un accord. Les conséquences des attentats sur l’activité des centres commerciaux ne sont pas de nature à remettre en cause cette perspective : s’il est beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions définitives, la fréquentation a diminué de 30 % la première semaine, et de 13 à 15 % la deuxième, soit des baisses comparables à celles qu’on avait constatées après les attentats de janvier. Les acteurs restent mobilisés, et nonobstant le résultat de ce référendum particulier, on peut espérer que les négociations aboutissent d’ici la fin de l’année.
Dans le budget pour 2016, l’Autorité de la concurrence bénéficie de quinze équivalents temps plein (ETP) supplémentaires qui lui permettront d’assumer ses nouvelles responsabilités, notamment en matière d’avis sur les professions réglementées. Par ailleurs, nous libérons de l’activité à d’autres endroits.
Mme Bernadette Laclais. Monsieur le ministre, cet échange nous permet, en tant que parlementaires, de vous poser des questions sur des sujets qui préoccupent nos concitoyens.
Les clercs habilités non diplômés notaires – environ 1 100 personnes – sont inquiets quant à l’avenir de leur profession et à leur situation personnelle. N’ayant pas de diplôme de notaire, ils risquent de voir leurs postes supprimés et d’éprouver des difficultés à retrouver une activité dans un autre cabinet. Il a été question d’autoriser la validation des acquis de l’expérience (VAE) ; les décrets que vous avez évoqués dans votre propos liminaire ont-ils intégré cette possibilité ? Sinon, peut-on faire un appel à décret complémentaire pour trouver une solution à la situation de ces personnes ? Les clercs non diplômés ont besoin de formation complémentaire et sont prêts, si nécessaire, à intégrer la dernière année d’écoles de notariat.
Mme Cécile Untermaier. Je voudrais vous interroger sur le fonds interprofessionnel. Le Premier ministre considère qu’il faut asseoir la réforme des tarifs et de la liberté d’installation avant de créer le fonds ; mais celui-ci devait s’articuler aux nouveaux tarifs proportionnels, pour lesquels il fallait définir de nouveaux barèmes de taux pour chaque acte. Soyons vigilants sur cette question. Il ne faudrait pas, si l’on institue le fonds en 2017, se retrouver dans l’obligation de retravailler les tarifs pour le financement du fonds.
Autre urgence : j’entends l’avis des avocats sur l’aide juridictionnelle, mais ce fonds que nous avions imaginé avec le Gouvernement n’a pas pour seul objectif de venir au secours des avocats ; il doit aussi servir la solidarité entre les différentes professions réglementées et favoriser l’accès au droit – un vrai besoin dans certains territoires, y compris urbains, malgré les efforts importants faits par le Gouvernement depuis 2012. En reporter la création à fin 2017, c’est perdre encore une année. On avait pourtant trouvé un dispositif intéressant, moins pénalisant qu’une contribution assise sur le chiffre d’affaires ; je souhaiterais donc que la haute administration de Bercy nous démontre en quoi le système que nous avions imaginé est irréalisable. Je ne suis pas spécialiste des tarifs proportionnels, mais il me semble qu’il est possible de travailler d’une façon empirique, pour identifier une liste de tarifs proportionnels correspondant à chacune des professions, qui viendraient alimenter ce fonds de solidarité. À l’heure où l’on parle de sociétés pluridisciplinaires et où l’on développe, au travers des ordonnances, une nouvelle méthode de travail, ce fonds prend tout son sens. Cette disposition devrait donc être traitée avec l’exigence que vous avez toujours manifestée à son encontre.
M. Denys Robiliard. Deux points me donnent satisfaction, et tout d’abord la méthode. Je trouve dommage que le Gouvernement s’abstienne parfois, lors de l’application d’un texte, de consulter les parlementaires qui y ont travaillé. Il ne s’agit pas pour nous d’empiéter sur les prérogatives confiées au Gouvernement par l’article 37 de la Constitution ; mais pourquoi se priver d’un regard intéressant ? J’approuve donc la méthode, qui mérite d’être approfondie et systématisée.
Je me réjouis ensuite de voir que le Sénat a adopté, à une très forte majorité, dans le cadre du « projet de loi santé », l’amendement relatif à la modification de la « loi Évin ». Le Gouvernement l’avait déposé dans le cadre de la loi pour la croissance et l’activité, mais le Conseil constitutionnel l’avait considéré comme un cavalier législatif. Cet amendement réformant le code de la santé publique, le Conseil constitutionnel ne pourra pas, cette fois, émettre le même avis ; s’il le faisait, je me demanderais dans quel véhicule législatif on pourrait présenter cette disposition.
Vous avez indiqué que ce soir, se tiendrait une réunion interministérielle portant notamment sur la procédure prud’homale. Le sujet relevant essentiellement de la Chancellerie et sans doute du ministère du travail, vous ne pourrez pas forcément me répondre ; mais la réforme de la procédure prud’homale que nous avons votée dans le cadre de votre loi doit réellement s’efforcer de réduire les délais de procédure, sous peine de rester sans effet. Il faut notamment se pencher sur les conditions de saisine : une saisine formalisée ferait gagner un temps important puisque, les termes de la discussion ayant été précisés, l’audience de conciliation se déroulerait dans de bonnes conditions. Le demandeur ayant suffisamment identifié sa demande pour qu’on puisse immédiatement demander au défendeur de répondre, on gagnerait plusieurs mois. Les syndicats y sont opposés car ils estiment qu’on doit pouvoir saisir le conseil des prud’hommes seul, sans assistance. Légalement, on peut le faire, mais étant donné la complexité du droit du travail, il s’agit d’un très mauvais conseil à donner aux salariés. On ne peut pas à la fois dire que ce droit est complexe pour les chefs d’entreprise et suggérer que les salariés pourraient saisir cette juridiction de façon aussi informelle.
Je voulais également attirer votre attention sur la question des moyens, même si elle ne relève pas de votre ministère. Dans la loi, nous avons voté qu’une formation restreinte à deux juges – un conseiller employeur et un conseiller salarié – pourrait traiter les affaires dès lors que le bureau de conciliation et d’orientation, ainsi que les parties, seraient d’accord. Avec deux juges, il est possible de tenir deux audiences en parallèle. Cependant, cela suppose également de disposer de deux salles et de deux greffiers, donc de moyens supplémentaires, au moins le temps de réduire le stock des dossiers. Pour assurer le suivi de votre loi, il faut que les décrets soient pris dans les temps, mais surtout qu’ils soient courageux, car pour réduire les délais de la procédure prud’homale, il faut trancher avec les pratiques actuelles. Les problèmes sont identifiés, les solutions, connues ; il faut désormais les mettre en œuvre.
M. Gilles Lurton. Je voudrais revenir sur la méthode d’élaboration des décrets d’application. Il y a quelques jours, vous avez réuni à Bercy l’ensemble des parlementaires membres de la commission spéciale pour les informer de l’avancement de la mise en application de la loi pour la croissance et l’activité. À cette occasion, je vous ai remercié d’avoir adopté cette méthode, qui a été unanimement saluée. Je vous ai également interrogé sur la procédure de consultation qui serait mise en place pour l’élaboration des décrets, notamment pour les professions réglementées du droit. Vous m’avez répondu qu’il n’était évidemment pas question de revenir sur le fond de la loi : pour résumer, vous avez dit oui à la consultation, non à la co-construction.
Or, les auditions menées par Cécile Untermaier – auxquelles je la remercie de nous avoir associés – montrent que ces professions expriment un réel besoin de concertation et s’inquiètent du contenu des décrets sur lequel elles seraient consultées, mais sans avoir leur mot à dire, alors que de véritables questions de fond peuvent se poser. Vous souhaitez par exemple rapprocher les tarifs des notaires des coûts réels ; mais comment ce coût réel serait-il défini ? Si l’on prend en compte la valeur locative des bureaux d’une étude notariale, il risque d’être très différent en province et à Paris. Autre exemple : la limite d’âge d’exercice de la profession de notaire. D’après la loi, les notaires ayant atteint soixante-dix ans devront arrêter d’exercer leur profession au 1er août 2017, sans forcément avoir eu le temps de trouver un remplaçant, les délais pour en faire nommer un par Mme la garde des Sceaux étant très longs. Bien d’autres points cités dans les auditions posent problème. Les membres de ces professions ont l’impression qu’au moment où ils seront consultés, les décrets auront déjà été élaborés, sans que l’on ait recueilli leur avis préalable.
M. Yves Blein. Monsieur le ministre, où en sont les projets de privatisation des aéroports de Lyon et de Nice ? Tient-on compte des difficultés que rencontre la privatisation de l’aéroport de Toulouse, marquée par le défaut d’un actionnaire ? Il faut également valoriser ces deux aéroports ; envisage-t-on d’y ouvrir de nouvelles lignes ?
M. le ministre. En ce qui concerne les clercs habilités, la reconnaissance de l’expérience est impossible dans le cadre juridique actuel, mais le décret relatif à la liberté d’installation supprimera ces barrières. Il revient ensuite à la profession de s’organiser pour proposer des modalités pratiques et pour fournir des formations. Nous avons engagé un dialogue sur ce point avec le CSN, tout à fait favorable à cette mesure. Les clercs diplômés qui remplissant tous les critères deviendront salariés ; les clercs non diplômés pourront désormais bénéficier d’une reconnaissance des acquis de l’expérience. Le CSN souhaite le passage au statut de notaire salarié de la plus grande partie des clercs. Nous clarifions le droit ; il travaille de son côté à apporter de la visibilité aux mesures. Il est important d’accompagner cette transition ensemble, afin de ne pas créer d’incertitudes.
Madame Untermaier, ce fonds répondait à une double préoccupation : instaurer une péréquation au sein de la profession, entre les différents types d’offices, et créer un mode de financement de l’aide juridictionnelle. L’entrée en vigueur de la réforme conduira à ce rééquilibrage, en particulier grâce à la structure même des tarifs. Néanmoins, il faut considérer la structuration économique des offices pour mettre en place cette péréquation financière et cette solidarité. Je voulais simplement souligner que la part la plus urgente d’affectation de la taxe – l’aide juridictionnelle – a été traitée budgétairement sur l’année 2016 et peut donc attendre 2017. J’entends votre souhait de parvenir au système le plus efficace et le plus juste possible ; il est également important d’avoir une visibilité complète sur la réforme tarifaire et ses conséquences. Utilisons donc le temps disponible pour créer un groupe de travail, composé de parlementaires volontaires de cette mission, pour traiter les choses en amont. L’administration pourra ainsi travailler avec vous sur les modalités, la structure et les conséquences de la réforme tarifaire, qui serait alors bien préparée et concertée. Comme il s’agit d’une modification législative sur laquelle nous avons déjà beaucoup travaillé, nous pouvons commencer le travail dès maintenant, dans cet esprit, afin de construire ensemble une voie qui corresponde à la volonté initiale du législateur.
Monsieur Robiliard, vos deux points de satisfaction illustrent bien votre première remarque : votre compétence et le suivi que vous avez effectué de la réforme sont particulièrement utiles pour surveiller les vicissitudes de son application, dont les modalités peuvent annihiler les effets souhaités.
Votre remarque sur le fonctionnement de la justice prud’homale montre votre souhait d’offrir une meilleure défense aux salariés. À ce stade, le non-respect des mentions prescrites par l’article 58 du code de procédure civile entraînerait l’annulation de la saisine ; vous nous avez alertés sur ce point qu’il convient de préciser, et nous porterons cette préoccupation ce soir dans la réunion interministérielle, dans l’espoir de la voir reflétée dans le décret. Au cours des discussions, nous serons également attentifs au second point que vous avez soulevé : le juge de la mise en état doit pouvoir prononcer la clôture de l’instruction pour prévenir les comportements dilatoires. Trouver les moyens nécessaires pour réduire le stock des dossiers représente un objectif important, que la rédaction du décret permet, me semble-t-il, d’atteindre. La réunion interministérielle devrait donc vous donner satisfaction sur les deux sujets. Lorsque le texte vous sera transmis vous pourrez voir s’il correspond à l’esprit de la loi et s’il respecte les deux exigences que vous avez pointées, afin que nous puissions y apporter les rectifications nécessaires dans les prochaines semaines. Il s’agit d’une réforme importante, dont l’efficacité dépend des modalités d’application.
Monsieur Lurton, les échanges avec les notaires sont nourris – je me suis rendu moi-même au CSN – et les professionnels seront consultés tant sur le texte relatif à la liberté d’installation que sur celui relatif aux tarifs. Le second décret a déjà été modifié pour tenir compte d’une première consultation, et la nouvelle architecture leur a été transmise. L’inquiétude dont vous vous faites l’écho concerne plus largement les arrêtés qui seront pris sur la base de ces décrets. Nous y travaillerons à la fin de l’année et au début de l’année prochaine : les décrets arrêteront la structure tarifaire, en définissant en particulier la « rémunération raisonnable » ; les arrêtés viendront ensuite décliner, catégorie de tarifs par catégorie de tarifs, les nouveaux mécanismes. Les arrêtés seront pris en janvier, à l’issue d’une concertation, mais les principes proposés aux professionnels sont d’ores et déjà clairs : pas de baisse générale des tarifs – engagement susceptible de rassurer – et ciblage des tarifs où il existe une marge par rapport aux coûts. Pour définir la « rémunération raisonnable », la loi prévoit que l’on regarde la rémunération moyenne du professionnel ; la référence choisie est celle d’une société unipersonnelle, où les coûts fixes sont les plus élevés. C’est par rapport à cette référence qu’on a identifié, acte par acte, ceux qui génèrent des revenus suffisants, pour lesquelles les tarifs peuvent évoluer. C’est dans cet esprit que nous préparerons les arrêtés. Je vous transmettrai l’ensemble des textes, qui pourront ainsi être discutés et éclairés par nos échanges.
S’agissant de la privatisation des aéroports de Lyon et de Nice, des consultations préalables ont eu lieu avec les collectivités locales. J’ai moi-même réuni l’ensemble des collectivités publiques coactionnaires des deux sociétés en question, et un cahier des charges leur a été envoyé pour recueillir leurs observations. Cela permettra de lancer l’opération formellement fin 2015 ou début 2016. Nous souhaitons refléter les demandes des collectivités partenaires exprimées dans le cahier des charges, à la condition expresse que ces collectivités ne se portent pas acquéreurs ou ne participent pas d’un consortium qui serait acquéreur des sociétés.
Quant à l’ouverture des lignes aériennes, cinq liaisons supplémentaires ont été accordées à Qatar Airways pour la desserte de Nice et cinq le seront également, en 2016, à la même compagnie, pour celle de Lyon. Les accords correspondants ont été signés par le Président de la République il y a plusieurs mois. Le cahier des charges de la privatisation, en cours de rédaction avec la direction générale de l’aviation civile (DGAC), ne prévoit pas l’ouverture d’autres lignes. Étant donné son impact potentiel sur la compagnie Air France, ce sujet – à séparer de la privatisation des aéroports – fait à chaque fois l’objet de discussions ad hoc avec la DGAC.
Enfin, les polémiques dont a fait l’objet la privatisation de l’aéroport de Toulouse ne sont pas de nature à remettre en cause l’opération. La société qui a acquis la majeure partie du capital paie ses impôts en France ; ses partenaires sont connus. La disparition momentanée d’un des acteurs chinois ne peut en rien déstabiliser le processus. Je connais la sensibilité du dossier, mais la privatisation est, à mes yeux, contestée pour de mauvaises raisons. Les garanties ont été apportées sur le plan fiscal, le dispositif est sécurisé et la pérennité de l’aéroport de Toulouse est assurée. Les opérations de privatisation des aéroports de Lyon et de Nice seront lancées début 2016 ; nous recueillerons d’abord les offres informelles, puis formelles. Une grande variété d’acteurs ont déjà manifesté leur intérêt auprès des collectivités concernées ou de l’État.
M. Gilles Savary. Monsieur le ministre, je me réjouis de constater que sur bien des chapitres emblématiques – comme celui concernant les autocars ou le permis de conduire –, les choses avancent gaillardement. Des décrets importants sur les modalités du service régulier d’autocars ont été publiés. Les règles d’ouverture de ces services sont désormais bien encadrées. En cas de contestation du service régulier, si l’on soupçonne que celui-ci pourrait affecter sérieusement l’économie d’un service public de trains ou de cars, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) devrait apporter son appréciation. Si son avis est favorable et que le service privé se substitue au service public, quid des obligations tarifaires qui lient les services publics, mais non les services privés ? Comment s’assurer qu’un ancien combattant pourra monter gratuitement dans un bus privé ? Il faut assurer la continuité des tarifs sociaux.
Il faut également considérer le cas où la mise en place d’un service privé affecte la clientèle d’un service public conventionné. Ainsi, si l’ARAFER considère qu’elle n’aura pas d’impact significatif, une ligne de cars privés peut venir concurrencer le service régulier de TER de la SNCF. Mais un impact – fût-il non significatif – reste toujours possible, l’entrée en jeu du nouvel acteur pouvant amener une baisse de clientèle du service public, qui perturbe le contrat initial. Comme il s’agirait d’un fait extérieur qui ne serait dû ni à l’autorité organisatrice des transports (AOT), ni à une moindre compétence ou efficacité de l’exploitant public, celui-ci risquerait alors de refuser d’assurer le service aux mêmes conditions tarifaires ou de demander une subvention supplémentaire pour combler le déficit d’exploitation. Afin d’éviter les contentieux complexes entre deux acteurs étrangers à l’arrivée de l’acteur privé – l’AOT et son délégataire de service public –, il faut déterminer qui devra compenser cette perte de clientèle. Est-ce à l’exploitant seul – la SNCF – qu’incombera cette responsabilité ?
M. le ministre. Dans les zones où existent des lignes compensées pouvant donner lieu à des tarifs privilégiés ou à des gratuités, les lignes libres ont peu de chance de se développer. En effet, par définition, quand les lignes sont compensées par les collectivités, c’est que la rentabilité est faible – soit en raison du remplissage, soit en raison de l’aide accordée à la population. Par conséquent, je ne crois pas que ce problème risque de se poser. En revanche, si l’offre privée devient structurante sur un territoire, il faut proposer une politique tarifaire. La question se posera alors de savoir comment et dans quel cadre compenser le manque à gagner pour les opérateurs privés. Il faudra considérer la question ad hoc ; comme il ne s’agit pas d’une délégation, l’amélioration de l’offre tarifaire passera par une négociation entre les collectivités et les compagnies.
Le deuxième cas que vous évoquez – l’atteinte, de proche en proche, à l’équilibre économique d’une ligne subventionnée de service public – est plus complexe que celui directement prévu par la loi. L’ouverture de nombreuses nouvelles lignes peut, en effet, remettre en cause la viabilité d’une ligne conventionnée. L’ARAFER devra surveiller cet équilibre, en lien avec l’AOT. D’une part, à chaque renouvellement de l’autorisation de la ligne conventionnée, l’on tiendra compte des nouveaux équilibres ; d’autre part, à chaque ouverture d’une nouvelle ligne privée de moins de 100 kilomètres, l’ARAFER en évaluera l’impact sur les lignes existantes, et pourra la bloquer, son avis étant conforme. Le seul cas qui ne serait pas couvert est celui où l’on n’aurait pas vu, ex ante, la conséquence de l’énième ouverture de ligne à proximité, qui viendrait déstabiliser l’opérateur public. Le seul mécanisme de correction consisterait alors, au moment du renouvellement de la convention de la ligne, à revoir sa subvention pour refléter les écarts. Il faudra peut-être conférer à l’ARAFER la compétence d’éclairer l’AOT sur ce sujet.
Aujourd’hui, il faut laisser l’offre se développer – ce qu’elle fait actuellement de manière équilibrée et non disproportionnée. Les prix d’attaque du marché sont très bas ; non soutenables dans la durée, ils sont appelés à augmenter. À ce stade, nous n’avons pas la preuve qu’ils viennent déstabiliser telle ou telle zone ; mais je voudrais que l’on regarde, en lien avec vous, comment couvrir, à travers les pouvoirs de l’ARAFER, le dernier point que vous évoquez.
M. Gilles Savary. Les cars sont partis vite, et c’est un beau succès ; mais les gares routières n’ont pas suivi. Le sujet est complexe. Les nouvelles régions devront mettre en place un schéma régional de l’intermodalité, qui concernera beaucoup d’acteurs : collectivités territoriales – communes, métropoles, communautés de communes –, la SNCF, les emprises aéroportuaires. Où en est-on de la réflexion dans ce domaine ? À l’époque, j’avais émis le souhait de mettre d’emblée l’intermodalité au cœur du dispositif : la loi aurait dû dès le départ imposer de construire des gares routières à côté des gares ferroviaires et maritimes, et des aéroports, pour mettre un terme à la malédiction française des modes de transport en silos. Notre pays a un grand retard en matière d’intermodalité : on pensait que mettre une gare routière près d’une gare SNCF, c’était amener le concurrent dans la bergerie, alors que l’intermodalité est un jeu à somme exponentielle puisque les deux modes impliqués en profitent. Il faudrait que les cars que l’on met en place puissent immédiatement desservir les aéroports et les gares ferroviaires et maritimes, dans une logique de complémentarité qui décuplerait l’efficacité du système. Par ailleurs, nos villes ne pourront pas supporter longtemps le développement des cars si les voyageurs sont embarqués et débarqués sur la chaussée. Où en sont vos réflexions et quelles sont les échéances pour ce texte d’application ?
M. le ministre. Le texte doit entrer en vigueur au début de l’année prochaine. Il est en cours de préparation ; la première réunion s’est tenue avec votre représentant et Mme la sénatrice Fabienne Keller, la deuxième se tiendra en décembre. Le principe est celui de la mobilisation des collectivités locales ; on a recensé toutes les gares existantes, avec une attention particulière au cas d’Île-de-France, où le préfet de région a réuni les acteurs intéressés. L’ordonnance partira au Conseil d’État d’ici une quinzaine de jours et distinguera – comme vous l’avez souhaité dès le début – les gares routières et les arrêts routiers. L’idée est de favoriser l’intermodalité à travers les différentes conditions d’installation et de positionnement des gares. C’est cet esprit qui a d’ailleurs inspiré toute cette réforme.
L’un des points difficiles que l’ordonnance devra traiter est celui où les gares appartiennent à l’un des opérateurs ou sont gérées par lui et qu’il faut en organiser l’utilisation par les autres opérateurs. La SNCF en possède beaucoup, parfois en lien avec des collectivités territoriales, et nous souhaitons éviter la multiplication de gares et d’arrêts routiers concurrents. Sous huit jours, vous disposerez, pour consultation, d’un projet de texte qui reflète ces différents points. Vos remarques nous aideront à le finaliser.
M. Gilles Savary. Avez-vous consulté le travail que mène la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), qui doit nous fournir, l’année prochaine, un rapport sur la situation des gares ?
M. le ministre. Bien sûr.
M. Gilles Savary. C’était un des angles morts de la loi de réforme ferroviaire, qu’on n’a pas voulu traiter à cause de sa complexité.
M. le président-rapporteur. Monsieur le ministre, merci d’avoir répondu à nos questions. En matière de méthode, nous avons bien compris que si les consultations ne peuvent être aussi précoces que nous l’aurions souhaité, nous ne serons pas condamnés au silence une fois que les textes nous parviennent après arbitrage interministériel. Nous vivrons ces transmissions comme une invitation à l’action.
Je vous propose de nous revoir avant la fin de l’année, vers le 15 décembre. D’ici là, nous continuerons les auditions afin d’enrichir les textes qui nous ont déjà été transmis ou qui le seront prochainement.
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Réunion du 15 décembre 2015
Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique
M. Richard Ferrand, président-rapporteur. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu accepter la proposition que nous vous avions faite de tenir cette nouvelle réunion aujourd’hui, trois semaines après celle du 25 novembre dernier. À l’occasion de votre première audition, vous aviez dressé un premier bilan de la mise en œuvre de la loi du 6 août 2015. Depuis lors, les choses ont encore évolué puisque sept décrets ont été publiés, qui concernent l’épargne salariale, la lutte contre la prestation de services internationale illégale et l’amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi.
Surtout, un grand nombre de projets de décrets ont fait l’objet d’arbitrages interministériels et sont sans doute, vous nous le confirmerez, actuellement examinés par le Conseil d’État. Parmi ceux qui nous ont été transmis, plusieurs concernent la mise en œuvre des dispositions relatives aux professions réglementées, qu’il s’agisse des tarifs, de la nomination des officiers publics ministériels ou des critères d’établissement de la carte déterminant les zones dans lesquelles la création de nouveaux offices apparaît utile. Je précise à ce propos que, dès que les services de Matignon nous ont transmis les textes, ceux-ci ont été immédiatement communiqués aux membres de notre mission d’information.
Lors de votre première audition, nos rapporteurs thématiques, notamment Cécile Untermaier et Denys Robiliard, ont exprimé un certain nombre d’inquiétudes apparues au cours des auditions qu’ils avaient organisées. Force est de reconnaître que ces inquiétudes n’ont pas toutes été apaisées, et je dois souligner que la lecture attentive des textes qui nous ont été transmis en a suscité de nouvelles, dont nous souhaitons vous faire part aujourd’hui, et en a également confirmé d’anciennes.
Par ailleurs, j’informe nos collègues que nous auditionnerons Mme la garde des Sceaux le 20 janvier prochain, à 16h30. Je forme à cet égard le vœu que les différents décrets qui doivent faire l’objet de nos discussions ne soient pas publiés avant que nous ayons pu avoir ce dialogue complémentaire avec le Gouvernement. Sinon, nous n’aurions plus guère qu’à commenter le passage des trains, ce qui n’est pas l’objectif de notre mission d’information.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le président, je ne peux m’engager que pour moi-même, mais je ne saurais comprendre que les décrets ne puissent pas être publiés dans les délais prévus, pour des raisons d’agenda. Peut-être faudra-t-il donc, pour que vos échanges soient utiles, que l’audition de Mme la garde des Sceaux soit avancée. En effet, je ne vous cache pas – vous connaissez mon caractère direct parce qu’honnête – que notre objectif est que nombre de ces décrets soient publiés avant la fin du mois de janvier. Du reste, si je me suis, pour ma part, rendu disponible à deux reprises au cours des trois dernières semaines, c’est précisément parce que notre dialogue me paraît important.
Depuis notre dernière rencontre, il y a trois semaines, nous avons beaucoup avancé, puisque sept décrets ont été publiés. Au-delà, le travail interministériel a permis de faire converger un certain nombre de textes importants, sur lesquels je souhaite connaître vos remarques. Vous avez évoqué, monsieur le président, des incompréhensions ou des inquiétudes, et je suis tout à fait disposé à vous entendre, mesdames, messieurs les députés, pour dissiper ces incompréhensions ou prendre en compte vos éclairages afin d’enrichir le travail gouvernemental.
En ce qui concerne les professions réglementées du droit, le décret réformant le texte de 1944 sur les tarifs des actes et définissant notamment la rémunération raisonnable est au Conseil d’État, après la prise en compte des retours des professionnels ; les arrêtés suivront au tout début de l’année 2016. Les textes relatifs à l’installation seront transmis au Conseil d’État dans les prochains jours ; les professionnels nous ont adressé, ce matin, leurs retours sur les versions qui vous avaient été communiquées et qui ont été pilotées par la garde des Sceaux.
D’autres réformes concernant la justice vous ont été transmises. Je pense à la réforme des prud’hommes, sur laquelle vous avez pu avoir un échange technique avec les cabinets ministériels concernés. Le débat que nous avons eu à ce sujet, il y a trois semaines, a permis d’apporter un certain nombre d’éclairages, et je suis soucieux que nous puissions revenir sur les différents problèmes qui avaient été soulevés à cette occasion. Je pense également au décret organisant le transfert des données du Registre national du commerce et des sociétés (RNCS) à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), actuellement en consultation auprès du Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce, à la réforme des conditions d’accès aux professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire (AJMJ), au concours d’accès à la profession de greffier des tribunaux de commerce – une ordonnance et un décret – et à l’ordonnance relative aux gages sur stocks. Trois de ces textes sont déjà partis au Conseil d’État ; les huit autres décrets, ainsi que deux ordonnances, lui seront transmis cette semaine, après une ultime concertation avec les professionnels.
Les textes qui restent à prendre concernent les sociétés interprofessionnelles, les formes des sociétés et l’ajustement du code aux mesures concernant le capital. Les grandes orientations ont été validées, mais le travail technique se poursuit. Ces textes importants vous seront communiqués au début de l’année 2016.
J’en viens maintenant aux textes concernant les transports. S’agissant des gares routières, l’ordonnance a été communiquée hier à votre mission d’information et sera transmise au Conseil d’État dans les prochains jours. Pour ce qui est de l’open data, vous avez eu connaissance du texte il y a déjà un mois ; les discussions interministérielles sur ce sujet se terminent. Je précise que les codes de conduite, en cours de discussion avec les acteurs, sont d’application directe. Les mesures régulant les autoroutes vous ont été communiquées hier et seront transmises sous peu au Conseil d’État. Quant aux ordonnances relatives au projet du Charles-de-Gaulle Express et au Canal Seine-Nord, elles vous ont également été transmises.
Enfin, vous ont été transmis le décret concernant les seuils de chiffre d’affaires fixés pour l’information de l’Autorité de la concurrence en matière d’accords à l’achat, le décret concernant la publicité pour les conseils en propriété intellectuelle, qui est au Conseil d’État, le décret organisant l’externalisation de l’examen du code pour le permis de conduire et le décret autorisant les centres hospitaliers universitaires (CHU) à créer des filiales à l’international.
Au total, vous avez donc eu connaissance de plus du tiers des textes prévus pour l’application de la loi, conformément aux engagements que j’ai pris devant vous il y a trois semaines.
Sur tous ces aspects, je veux aujourd’hui avoir avec vous un échange précis, afin de répondre à vos questions et de bénéficier de vos retours, qu’il s’agisse de vos propres analyses des textes ou des observations qui ont pu vous être faites par les professionnels au cours des auditions que vous avez réalisées.
M. le président-rapporteur. Tout d’abord, je tiens à souligner que les engagements sont tenus : le rythme de la production des textes réglementaires est assez exemplaire. Nous avons coutume de dire que nous avons battu un certain nombre de records lors de l’examen du projet de loi ; il semblerait que nous restions sur cette lancée, et nous voulons vous en remercier, monsieur le ministre.
En ce qui concerne les décrets relatifs aux professions réglementées du droit, je souhaiterais vous faire part de quelques observations. On constate, tout d’abord, à la lecture des textes concernant les tarifs, que, dans la recherche de la rémunération raisonnable, l’approche se fait par profession, et non par acte. Or, il nous semble que l’enjeu était d’établir un lien direct entre le prix de l’acte et la prestation fournie, plutôt que de savoir quelle devait être la rémunération globale de telle ou telle profession.
Quant à la disposition concernant la remise qu’il est possible d’accorder pour certains actes, notamment notariés, elle s’éloigne de l’esprit du fameux corridor tarifaire, qui avait suscité tant de débats. En effet, une remise de 10 % serait autorisée pour un certain nombre d’actes, mais cette remise pourrait atteindre 40 % pour les actes les plus coûteux, ce qui est tout à fait nouveau par rapport à ce que nous avions évoqué lors de nos débats. De fait, je crois me souvenir que nous avions considéré non seulement que les actes afférents aux affaires ou aux transactions atteignant un certain niveau de prix ne devaient pas faire l’objet d’une remise – dans la mesure où les parties sont suffisamment aisées –, mais qu’ils devaient au contraire donner lieu à un prélèvement destiné à alimenter un fonds interprofessionnel d’accès à la justice et au droit, couvrant à la fois la solidarité avec les professions, l’aide juridictionnelle ou les maisons du droit. Or, à ce stade, cet élément ne figure nulle part – mais peut-être tous les textes ne nous sont-ils pas encore parvenus. Tel qu’il est prévu, l’abondement de ce fonds – dont on murmure, ici ou là, qu’il pourrait consister en une taxe sur le chiffre d’affaires – ne nous paraît donc pas conforme à l’esprit de la loi, dès lors que nous souhaitions que la péréquation s’exerce sur les honoraires des actes, d’avocat ou de notaire, relevant de l’immobilier.
Par ailleurs, la validation des acquis de l’expérience suscite quelques interrogations, car nous ne retrouvons pas les mesures qui devaient permettre l’évolution souhaitée, notamment pour les clercs d’huissier ou les clercs habilités. Ainsi, les quelques milliers de clercs habilités qui doivent être nommés notaires s’interrogent, compte tenu des délais appliqués dans l’administration, sur la capacité qu’aura le ministère de la justice de procéder à ces nominations en un semestre, alors que celles-ci se chiffrent actuellement à quelques dizaines par an.
Enfin, nous avons relevé qu’un stage de trois ans devrait être effectué pour accéder aux professions d’AJMJ. Or, si des universitaires enseignant en master considèrent qu’une période de stage peut suivre l’acquisition de ces qualifications, elle ne saurait durer pour autant trois années. Encore faudrait-il s’assurer, du reste, que l’obligation de prendre des stagiaires soit prévue dans les normes professionnelles, faute de quoi, la population de titulaires étant très réduite, le nombre des stagiaires risquerait de l’être également. Si nous voulons rester fidèles à la volonté qui a toujours été la nôtre d’ouvrir l’accès à ces professions, nous devons veiller à ce que des dispositions ne renouent pas avec l’esprit malthusien que nous voulons tous combattre.
M. Denys Robiliard. Tout d’abord, j’observe que les décrets d’application relatifs au licenciement économique, qui portent notamment sur le reclassement international et l’ordre des licenciements, ont été publiés au Journal officiel. Leurs dispositions sont claires et, je crois, fidèles à l’esprit de la loi. Elles contribueront à simplifier la tâche, et des employeurs et des salariés, car chacun connaîtra désormais exactement le droit applicable. Je me félicite donc de ces avancées. Quant à l’ordonnance relative à l’inspection du travail, je sais que son texte est prêt. Le ministère du travail a demandé à être auditionné par notre mission d’information à ce sujet et, si vous l’acceptez, monsieur le président, je souhaiterais que le rapporteur du Sénat assiste à cette audition.
S’agissant de la procédure prud’homale, il a notamment été tenu compte de la consultation du Conseil supérieur de la prud’homie ; le décret a été transmis au Conseil d’État. Il comprend une réforme supplémentaire, qui est celle de la procédure suivie devant la cour d’appel : la représentation par les avocats ou par les défenseurs syndicaux est désormais obligatoire et la procédure devient écrite, ce qui permettra peut-être de gagner du temps. Cette réforme, je le précise, est rendue possible par le fait que nous avons donné un statut légal aux défenseurs syndicaux. J’ajoute que, pour raccourcir effectivement les délais de procédure devant les chambres sociales des cours d’appel, il faudra peut-être allouer, au moins aux plus grandes d’entre elles, des moyens supplémentaires. Quoi qu’il en soit, sur cet aspect de la réforme, nous avançons et nous nous donnons les moyens de réduire les délais.
En revanche, les observations que j’avais formulées lors de votre première audition, monsieur le ministre, n’ont pas entraîné de modifications. Ainsi, si la saisine du conseil des prud’hommes est davantage formalisée qu’aujourd’hui, son non-respect n’est toujours passible d’aucune sanction. Dans une première version du décret, il avait été envisagé de prévoir une nullité, sanction au demeurant extrêmement souple en matière de procédure civile, puisqu’il suffit qu’une régularisation intervienne avant que le juge se soit prononcé pour que la nullité soit écartée. Quoi qu’il en soit, le texte ne fait même plus référence à une telle nullité. Or, la formalisation de la saisine est un moyen de réduire la durée des procédures. En effet, si le dossier présenté devant le juge de la conciliation a été suffisamment travaillé, l’audience de conciliation a davantage de chance d’aboutir. Or, de ce point de vue, aucune évolution n’est intervenue.
Par ailleurs, si la réforme prévoit incontestablement la mise en état des dossiers devant la juridiction prud’homale, elle le fait sans instituer une clôture de l’instruction, c’est-à-dire une date, antérieure à la date d’audience ou coïncidant avec celle-ci dans des cas exceptionnels, après laquelle il n’est plus possible d’adresser de nouvelles pièces ou de nouvelles conclusions. L’absence d’une telle ordonnance de clôture soulève un véritable problème, car si les renvois devant le conseil des prud’hommes sont si nombreux, c’est bien souvent parce que des pièces et des conclusions sont échangées la veille de l’audience. L’institution d’une telle ordonnance, même si elle n’est pas habituelle et ne participe pas de l’esprit de la procédure orale, est donc un des éléments susceptibles de réduire effectivement la durée des procédures devant les conseils des prud’hommes. C’est pourquoi je regrette qu’elle soit absente du projet de décret.
Enfin, le ministère de la justice s’est inspiré du rapport de M. Alain Lacabarats et de celui de M. Didier Marshall, premier président de la cour d’appel de Montpellier. Or, ce dernier préconise que soit développé, notamment en matière de mise en état, le rôle des greffiers. Ceux-ci, souvent titulaires d’un bac +5, sont en effet extrêmement bien formés et peuvent parfaitement prendre des décisions, sous le contrôle des juges, bien entendu, y compris des juges paritaires. Il est donc dommage que le rôle qui leur est confié soit réduit à la portion congrue, car, là encore, cela permettrait de réduire la durée des procédures devant les conseils de prud’hommes.
Mme Cécile Untermaier. Merci, monsieur le ministre, pour ce travail très conséquent accompli avec l’administration, qui représente la partie immergée de l’iceberg.
En ce qui concerne les tarifs, le décret apparaît comme assez « techno » aux professionnels et pourrait donc gagner en lisibilité. La question est certes technique, mais le texte est si complexe que certains des professionnels concernés ont compris qu’il visait à encadrer leur rémunération entre 75 000 et 130 000 euros... On leur a donc précisé qu’il s’agissait, dans le cadre d’une approche globale, de fixer les prix au regard d’une rémunération raisonnable. Néanmoins, le coefficient correcteur prévu à l’article R. 444-12 du code de commerce mériterait sans doute d’être davantage expliqué : que vient-il corriger ? Qui sera chargé de le calculer et selon quels critères ? Est-il amené à évoluer et à quelle fréquence ? Pourrait-il être inférieur à 1 ? En tout état de cause, la question des tarifs suscite de grandes inquiétudes chez les professionnels.
Les principales critiques adressées au dispositif sont les suivantes. Tout d’abord, rien ne garantit que l’objectif de rendre du pouvoir d’achat à nos concitoyens en créant un tarif clair, atténué sur les petits actes, soit atteint. Il semble en effet que le client aisé paiera proportionnellement moins cher que le client modeste, qui peine à trouver un financement, alors que la révision tarifaire avait notamment pour objectif de remédier à cette situation. Ensuite, beaucoup estiment que le notaire de base assume la charge financière du maillage territorial et que le mécanisme de compensation devrait concerner non seulement les professionnels mais aussi les actes. Par ailleurs, les bénéficiaires directs de la réforme semblent être davantage les gros offices et, à travers eux, les plus gros clients. Bien entendu, on ne peut oublier le prix raisonnable pour l’usager, appliqué aux actes d’effet modeste, mais les remises suscitent des interrogations dès lors qu’elles peuvent atteindre 40 %, au profit des clients les moins nécessiteux.
Par ailleurs, comment le fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice sera-t-il alimenté ? Nous sommes toujours très réticents à l’instauration d’une taxe sur le chiffre d’affaires, de même que l’ensemble des professions, qui lui préféreraient une ponction sur les tarifs proportionnels. Il serait tout de même dommage de faire un choix qui ne convient ni au législateur ni aux professionnels. Quant aux finalités du fonds, l’aide juridictionnelle en semble absente. Même s’il ne s’agit pas d’une priorité, il conviendrait qu’elle soit mentionnée dans le décret. Enfin, on observe que les avocats ne figurent plus parmi les personnes devant composer le fonds.
S’agissant des conditions d’installation, nous n’avons pas d’observations à formuler sur les critères retenus. En revanche, en ce qui concerne l’installation même de l’officier public ministériel, il est fait référence, dans le décret, à la règle du « premier arrivé, premier servi ». Or, il me semble, monsieur le ministre, que vous aviez envisagé, lors de votre première audition, la possibilité d’introduire des critères de compétence, d’acquis de l’expérience ou d’ancienneté.
En ce qui concerne, enfin, les AJMJ, il est vrai qu’un stage de trois ans après un master, qui serait dans la main de la profession, ne me paraît pas de nature à atteindre notre objectif, qui est de faciliter l’accès de ces professions aux jeunes. Nous serons donc extrêmement vigilants sur ce point. Nous veillerons également à ce que soit développée une approche homogène des professions, qu’il s’agisse du fonds interprofessionnel, des modes d’installation ou des conditions d’obtention des diplômes.
M. le président-rapporteur. J’ajoute que, dans le projet de décret, le transfert d’activité existante est largement facilité par rapport à la primo-installation. Or, l’enjeu est tout de même bien de faciliter la première installation, notamment de jeunes. Il faut donc prendre garde à ne pas permettre à ceux qui sont déjà installés de truster les possibilités d’installation grâce à un mode de transfert plus avantageux.
M. Alain Tourret. En ce qui concerne le traitement des affaires prud’homales, Denys Robiliard a raison : il faut éviter que l’affaire ne soit renvoyée six ou douze mois plus tard grâce aux manœuvres dilatoires d’avocats qui déposent au dernier moment de nouvelles pièces, voire de nouvelles conclusions. À cet égard, la mesure qu’il propose serait très utile, car l’ordonnance de clôture permettrait au président du conseil de prud’hommes de faire en sorte que l’affaire soit immédiatement plaidée.
Par ailleurs, j’ai été chagriné de me retrouver « mis en corner », c’est-à-dire écarté de la présentation de la carte des tribunaux de commerce spécialisés. L’établissement de cette carte est revendiqué par la Chancellerie, ce qui peut se comprendre, mais le ministère de l’économie a des propositions à faire en la matière. La garde des Sceaux a suspendu la publication du décret ; une nouvelle négociation doit intervenir sur trois points qui posent problème. Je souhaiterais que soit organisée à ce sujet une réunion commune entre la Chancellerie, le ministère de l’économie et moi-même.
M. Stéphane Travert. Monsieur le ministre, je souhaite quant à moi aborder trois points concernant l’ouverture dominicale des commerces de détail. Tout d’abord, pouvez-vous nous dire quand seront publiés les décrets relatifs aux commerces des gares et de leurs emprises ? Ensuite, que savez-vous des décisions qui ont été prises concernant les dimanches du maire ? Je constate, à ce jour dans mon département, qu’il n’y a pas d’écart important entre les décisions prises cette année et la situation qui prévalait l’année dernière. Ces décisions sont, de fait, adaptées à la vie des territoires, comme nous le souhaitions lorsque nous avons voté cette disposition. Enfin, il semble que la majoration de 30 % dont doivent bénéficier, le dimanche, les salariés des surfaces alimentaires de plus de 400 m2 rencontre quelques problèmes de mise en œuvre, certains employeurs estimant qu’elle ne s’applique qu’aux nouveaux contrats alors qu’elle doit, bien entendu, s’appliquer à tous. Avez-vous des retours des Direccte à ce sujet ?
M. Gilles Lurton. Je souscris aux observations de Cécile Untermaier et du président concernant les professions réglementées du droit. Je compléterai leurs propos par quelques remarques. La loi a fixé, pour l’exercice de la profession de notaire, un âge limite, qui est de 70 ans. Cette mesure doit s’appliquer au 1er août 2016, une prolongation de douze mois étant possible sur autorisation du ministre de la justice. Or, je crains que Mme Taubira ne doive se préparer à délivrer de nombreuses autorisations, car il sera difficile de nommer autant de notaires remplaçants dans un si bref délai. Quant aux clercs habilités, leurs habilitations cesseront au 1er août 2016, et je m’interroge sur ce que deviendront ceux qui ne souhaitent pas être notaires.
S’agissant des tarifs, monsieur le ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises la définition d’un tarif raisonnable. Je réitère la question que je vous ai posée il y a quelques semaines : un tel tarif comprend-il le coût du loyer des bureaux des notaires, auquel cas il sera très différent en fonction de la ville dans laquelle on se trouve ? Enfin, les autorisations d’ouverture dominicale que nous délivrons dans nos collectivités locales sont particulièrement complexes à établir, car la situation diffère selon qu’il s’agit de commerces alimentaires ou de commerces de voitures, par exemple.
M. le ministre. Je commencerai par répondre aux questions qui portent sur les tarifs. Ce sujet n’est pas aisé. Notre objectif est, tout d’abord, de fixer une méthode et un socle de base. À cet égard, l’approche par acte aurait été beaucoup trop complexe. Il est en effet impossible de définir une rémunération raisonnable, c’est-à-dire la juste rémunération du travail et du capital, pour chacun des 600 actes existants. Dès lors, nous sommes obligés de définir en quelque sorte un cas moyen, qui sera ensuite pondéré, afin d’aboutir à ce qu’est, dans chaque profession, la rémunération raisonnable que l’on est en droit d’attendre du capital et du travail, et de décliner ensuite celle-ci, par catégorie d’actes, dans les arrêtés. Telles sont, du reste, les préconisations émises par l’Autorité de la concurrence dans son avis de mars 2015. J’ajoute que passer en revue plus de 600 actes aurait fragilisé la péréquation.
Toutefois, nous avons décidé de ne pas retenir une approche aussi transversale que celle de l’Autorité de la concurrence, qui aurait consisté à retenir une référence moyenne interprofessionnelle, en prenant en compte des professions très différentes. Nous avons choisi de privilégier plutôt une approche profession par profession, qui a nécessité un travail très important, réalisé avec l’aide des professionnels qui, je dois le dire, ont fait œuvre de transparence sur les chiffres, ce qui nous a permis d’affiner les choses. Nous avons ainsi défini une structure de base inédite, qui permet d’assurer la transparence du système et de rapprocher les tarifs des coûts réels, ce qui, s’agissant de professions réglementées, me paraît naturel.
La refonte de ces textes requiert des travaux qui dépassent largement le cadre de l’article 50 de la loi. Le décret se limite, quant à lui, au toilettage de ce corpus juridique. Pour définir la rémunération raisonnable prévue dans la loi, on distingue ce qui relève, d’une part, de la rémunération du travail et, d’autre part, de celle du travail – ce premier élément est précisément détaillé dans le décret. En revanche, ce nouveau projet réaménage la méthode dans son application pratique, puisqu’il remplace par des comparaisons internes aux professions concernées le renvoi à des professions pertinentes. C’est là qu’intervient le coefficient correcteur.
Le point de référence qui a été pris profession par profession est le taux de résultat net observé dans les structures unipersonnelles. Ce choix s’explique par une raison simple : ces structures, qui sont réputées les plus fragiles, puisque c’est là que les coûts sont le moins mutualisés, dégagent un revenu suffisant pour garantir l’attractivité de la profession. Il s’agit en effet de ne pas léser chacune des professions dans la définition du poids moyen. Les structures unipersonnelles constituent donc un point de référence objectif qui permet de déterminer un niveau raisonnable d’évolution tarifaire à moyen terme. Toutefois, comme on s’est aperçu qu’il existait une grande dispersion au sein de certaines professions, nous avons défini un coefficient correcteur, différent selon les professions, afin d’éviter que les plus petits ne se retrouvent attirés, en cas de dispersion importante, par un référentiel qui pouvait les léser.
Ces deux éléments – le choix de la structure unipersonnelle, et non d’une structure moyenne, et la définition d’un coefficient corrigeant la dispersion au sein de chaque profession – permettent d’éviter la fragilisation des professionnels exerçant dans les zones les plus reculées ou dans les structures les moins riches. C’est un point important. Ils sont, certes, un peu techniques, mais ils offrent une garantie à cet égard.
Cette approche d’ensemble est complétée par un filet de sécurité puisqu’on vérifie que la rémunération moyenne par professionnel ainsi obtenue est comprise dans une fourchette de rémunération acceptable. Cette dernière comprend un montant de rémunération pour le travail, fixé en montant absolu dans le décret, auquel s’ajoutent 10 % du chiffre d’affaires moyen au titre de la rémunération du capital, ce chiffre étant choisi par référence aux modalités de calcul de l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants. Pour la première fois – et c’est ce qui déterminera la péréquation interprofessionnelle –, nous fixons un montant seuil qui, j’y insiste, permet de viabiliser les structures les plus petites et d’assurer ainsi le maillage du territoire ; il y va de la crédibilité de notre démarche. De fait, la péréquation n’était pas une réalité au sein de ces professions : elle existait à l’intérieur des structures, mais jamais entre l’office notarial du boulevard Saint-Germain et celui du fin fond de la Lozère.
Ce mécanisme permet donc de définir la rémunération raisonnable et sera ensuite décliné acte par acte dans les différents arrêtés. Nous poursuivons tous un double objectif : diminuer la rémunération des actes là où elle s’écartait trop du coût réel, sans pour autant fragiliser les structures les plus petites. C’est un point important. Chercher à diminuer le coût de certains actes qui sont parfois les plus courants, ce serait s’inscrire dans une logique de potentielle fragilisation des structures les plus précaires, car ce sont ces dernières qui réalisent surtout ces actes dont la rentabilité est très faible. Nous avons donc retenu une approche plus holistique.
Pour ce qui est des remises, la loi dispose que « des remises peuvent être consenties lorsqu’un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit en application du deuxième alinéa du présent article et lorsque l’assiette de ce tarif est supérieure à un seuil défini par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3. Le taux des remises octroyées par un professionnel est fixe, identique pour tous et compris dans les limites définies par voie réglementaire. » Cela permet de déterminer une catégorie à part, celle des transactions sur biens professionnels, pour laquelle la remise peut s’élever à 40 %. Dans ce domaine, en effet, plusieurs professionnels sont en concurrence, de sorte que si nous n’autorisions pas une telle remise, ces actes seraient tous réalisés – je vous le dis très franchement – par les avocats, et l’assiette de la taxe destinée à alimenter le fonds de péréquation se volatiliserait à la seconde. Dès lors que le législateur n’a pas décidé de réserver l’exclusivité de ces actes aux notaires, il nous fallait les autoriser à accorder une remise de 40 %.
En ce qui concerne le fonds interprofessionnel, je partage le souci qui a été exprimé. Ce fonds a une double finalité : assurer une péréquation au sein des professions et financer l’aide juridictionnelle – il avait été initialement prévu, dans les textes financiers de l’année, que cette dernière soit financée par les avocats, mais ce financement a ensuite été abandonné au profit d’autres voies budgétaires. Le Conseil constitutionnel a contesté la méthode que nous avions retenue et qui consistait à définir l’assiette dans un décret qui devait distinguer les tarifs proportionnels des tarifs forfaitaires. Cette disposition ayant été censurée, nous avons finalement retenu une autre méthode, juridiquement plus robuste. Toutefois, une telle mesure devant figurer dans une loi financière, je vous ai proposé que nous travaillions ensemble pour aboutir à une bonne définition de la base taxable et de la taxe qui alimentera le fonds. Il me semble néanmoins que la seule autre assiette qui puisse être définie au niveau législatif est celle du chiffre d'affaires – mais nous devons examiner ce point en détail. En effet, si l’on renvoie derechef aux tarifs proportionnels, c’est-à-dire à une base taxable de niveau décrétale, on s’expose au risque de voir la disposition censurée pour incompétence négative du législateur. À moins que l’on ne dresse une liste de tarifs dans la loi ; nous devons y réfléchir. À cet égard, je suis favorable à ce que, avec les équipes de Michel Sapin, de Christian Eckert et de Christiane Taubira et avec la représentation nationale, nous puissions avancer sur ce sujet important qui nous occupera encore quelques mois. En tout cas, cela me semble cohérent avec ce que nous avions évoqué et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
En ce qui concerne la valorisation des acquis de l’expérience et la situation des clercs habilités, je partage le souci qui a été exprimé. Je crois qu’il faut être très vigilant sur ce sujet – je m’en suis d’ailleurs ouvert au Conseil supérieur du notariat (CSN) lorsque je suis intervenu devant lui. Les professions se sont engagées à procéder à l’avancement de tous les clercs comme notaires salariés avant la mise en œuvre de la loi, le 1er août. Il s’agit d’une forme de validation des acquis – sauf, bien entendu, pour celles et ceux qui ne seraient pas volontaires. Par ailleurs, je veux vous rassurer : le stage « jeunes notaires » en cas d’installation des professionnels titulaires des titres nécessaires ne concernera pas les professionnels déjà expérimentés, mais seulement les personnes suivant une formation diplômante. Il ne s’agit donc pas d’ajouter une condition supplémentaire à l’installation des professionnels expérimentés. Enfin, la Chancellerie prépare, en lien avec les professionnels, des textes réglementaires visant à élargir les valorisations des acquis de l’expérience existantes, afin que tous les voies et moyens soient prévus.
En ce qui concerne le stage des AJMJ, de nombreuses dérogations existent. Sont en effet dispensés de ce stage : les avocats et les membres des autres professions réglementées bénéficiant de dix ans d’ancienneté ainsi que les huissiers, les professionnels titulaires d’un master et ayant huit ans d’expérience, les collaborateurs ayant dix ans d’expérience et les personnes ayant fait de la restructuration pendant quinze ans. En tout état de cause, j’ai pris note de votre remarque et je vais demander à ce que l’on fasse en sorte de ne pas donner le sentiment que le stage de trois ans bloquerait le système. Il s’agit de prévoir un stage qualifiant pour les primo-arrivants, qui ont moins d’expérience, mais, pour tous les professionnels qui pourraient accéder à ces qualifications, il faut s’assurer que la liste des dispenses est solide.
Par ailleurs, la limite d’âge, fixée à 70 ans, a été validée par le Conseil constitutionnel ; elle est conforme à l’objectif d’intérêt général d’ouvrir les professions réglementées. Il s’agit, du reste, d’une initiative parlementaire qui a été soutenue par le CSN. La date de mise en œuvre de cette limite d’âge a été fixée à un an après l’entrée en vigueur de la loi, une prolongation d’une année supplémentaire étant possible. Cette mesure est considérée par tous comme supportable. Cent cinquante à deux cents offices sont concernés : sur une durée de deux ans, cela ne devrait pas provoquer d’engorgement, compte tenu des deux éléments qui seront examinés, c’est-à-dire la capacité et l’honorabilité.
J’en viens aux mesures relatives au droit du travail. En ce qui concerne le licenciement économique, les décrets ont été pris ; ils sont clairs et conformes à la volonté du législateur. Par ailleurs, je considère, comme vous, que la représentation obligatoire et le recours à l’écrit permettent d’avancer.
Sur les deux autres points que vous avez soulignés et auxquels je suis très sensible, monsieur Robiliard, je vais demander à ce que nous puissions avoir de nouveaux échanges avec mes collègues en charge du travail et de la justice. La possibilité de prononcer la nullité de la procédure a été évoquée suite à vos remarques, mais elle a été écartée, au motif que la saisine est plus formalisée, avec l’obligation de déposer par écrit un exposé sommaire des faits. La Chancellerie n’a pas choisi d’afficher la sanction de nullité pour éviter de créer des situations de départage. Sur le second point, des délais précis pour exiger la communication des pièces n’ont pas été proposés par la Chancellerie, qui estime que le texte va aussi loin que la loi le permet. Néanmoins, je suis sensible à votre argument, et je vais proposer que l’on réexamine cette question afin de s’assurer que le dispositif est suffisamment sécurisé. Notre volonté commune était en effet de fermer ces délais le plus possible et d’éviter les manœuvres dilatoires.
S’agissant des tribunaux de commerce spécialisés, monsieur Tourret, nous connaissons les difficultés rencontrées. La liste est en effet un peu plus longue que celle issue de la concertation avec les professionnels. Certaines régions se retrouvent ainsi avec deux tribunaux alors que l’activité économique ne le justifie pas toujours et qu’un ou deux manques ont été identifiés. Je suis donc à votre disposition pour que nous puissions réexaminer le texte avec la garde des Sceaux, qui a la main sur celui-ci, et l’amodier.
J’en viens aux questions relatives au travail dominical. En ce qui concerne les gares, une concertation est en cours : j’ai saisi, avec ma collègue en charge du travail, l’ensemble des collectivités territoriales et des organisations syndicales. Les arrêtés sont prêts et devraient être publiés à la fin de l’année ou au tout début de l’année prochaine. D’ultimes échanges portent sur des sites encore en travaux, mais l’ensemble des consultations ont été effectuées. Pour ce qui est des zones touristiques internationales de province, nous avons procédé à une nouvelle consultation des élus et des organisations syndicales pour Cannes, Nice et Deauville, à la suite des propositions complémentaires qui ont été faites par les élus de ces villes.
Sur les neuf dimanches du maire, en 2015 – ils seront au nombre de douze en 2016 –, la mesure a été appliquée, à Paris, par le préfet. Plusieurs territoires, notamment de grandes métropoles de province, s’en sont saisis, en fonction de leur situation, après consultation des conseils municipaux. Nous ne disposons pas encore d’un suivi global consolidé sur ce point mais, dès qu’il me sera transmis par la Direction générale des entreprises, je vous le communiquerai.
Pour ce qui est de la majoration de 30 % dont doivent bénéficier les salariés des commerces de plus de 400 m2, il revient aux organes de contrôle de garantir le respect de la loi. Cette disposition s’applique de manière générale, quelle que soit la date de signature du contrat de travail. Nous l’avons rappelé à toutes les Direccte, afin qu’elles s’assurent que les mesures sont mises en œuvre, ainsi qu’à l’ensemble des fédérations professionnelles que j’ai rencontrées ces dernières semaines dans le cadre de la cellule de continuité économique. Encore une fois, cette disposition est d’application directe et ne dépend d’aucune négociation. Les contrôles seront donc effectués, pour que les situations qui ne sont pas conformes à la loi soient rectifiées et que les sanctions nécessaires soient prononcées.
M. Gérard Cherpion. Monsieur le ministre, je n’ai pas très bien compris votre explication concernant la rémunération raisonnable. Vous indiquez en effet que celle-ci doit s’appuyer, non pas sur des actes, mais sur une valorisation globale de la rémunération de la structure concernée, mais vous ajoutez que cela sera ensuite décliné par acte. S’il n’est pas possible de le faire en amont, comment pourrait-on le faire en aval ? Ma seconde remarque est plutôt d’ordre sémantique. Aujourd’hui, le mot « stage » est connoté : la législation applicable aux stages est particulière et prévoit notamment que leur durée est limitée. En l’espèce, il ne s’agit pas d’un stage au sens où on l’entend habituellement. Peut-être serait-il bon, en conséquence, de changer la dénomination de ces stages.
Mme Corinne Erhel. Sur les articles 117 et 118 qui ont trait aux zones fibrées et aux pré-équipements d’immeubles neufs en fibre optique, les décrets étaient annoncés pour décembre. Ont-ils été pris ? Par ailleurs, qu’en est-il des décrets d’application de l’article 134 de la loi, qui a trait à la mise en relation par voie électronique de deux consommateurs, ce que l’on appelle les places de marché ? Je rappelle en effet que les articles 22 et 23 du projet de loi pour une République numérique prévoient une extension du champ des plateformes.
M. Denys Robiliard. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, à propos de l’ordonnance de clôture de l’instruction, que la loi ne permettait pas d’aller plus loin. Or, de mémoire, la procédure prud’homale, qui relève de la procédure civile, est d’essence purement réglementaire. Je vois donc mal ce que la loi pourrait empêcher le Gouvernement de faire en la matière. Nous avons même empiété – délibérément, car nous voulions envoyer un signal au sujet de la mise en état – sur le domaine réglementaire, en indiquant que le bureau de conciliation et d’orientation serait juge de la mise en état et partagerait ce rôle avec le bureau de jugement lorsque l’affaire arrive devant celui-ci sans être en état. Pour autant, le pouvoir réglementaire a toute latitude dans la définition de la procédure. Néanmoins, je veux bien concevoir que la notion d’ordonnance de clôture fasse difficulté dans une procédure purement orale. Aussi la réflexion peut-elle se limiter à une clôture concernant uniquement l’échange de pièces.
Mme Cécile Untermaier. Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces explications, qui apportent aux professionnels une clarification bienvenue. En ce qui concerne les greffiers des tribunaux de commerce, nous avons décidé ensemble d’un recrutement sur concours. Cependant, le décret n’envisagerait pas d’offrir aux greffiers la possibilité de choisir dans la liste des lauréats. Or, c’est une demande de leur part, liée au souci de ménager l’affectio societatis. Mais je crois que vous consultez actuellement les représentants de cette profession, qui vous en feront part.
Enfin, s’agissant des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, le décret prévoit que les nominations aux offices seront faites par le garde des Sceaux après avis d’une commission composée notamment d’un conseiller d’État et d’un conseiller à la Cour de cassation. Je ne suis pas certaine que cette disposition soit fidèle à l’esprit de la loi.
M. le président-rapporteur. C’est une litote !
Mme Cécile Untermaier. Nous souhaitions en effet, non pas une carte, mais une liste des carences. Nous devons être cohérents. Si nous adoptons la règle du « premier arrivé, premier servi », peut-être faut-il envisager également, dès lors que les candidats satisfont aux conditions exigées pour être avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, d’autres critères. J’ajoute qu’il ne me paraît pas utile de faire appel à une commission composée d’un conseiller d’État et d’un conseiller à la Cour de cassation, car ceux-ci se trouveraient, me semble-t-il, dans une situation de conflit d’intérêts.
M. le président-rapporteur. En résumé, monsieur le ministre, Gérard Cherpion vous demande une clarification, Corinne Erhel veut s’assurer que les immeubles fibrés ne s’enlisent pas dans les sables et Denys Robiliard vous demande plus de hardiesse en matière de droit du travail. En ce qui concerne les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, il me semble, comme l’a dit Cécile Untermaier, que le décret n’est pas tout à fait fidèle aux vœux du législateur. Par ailleurs, la notion de « premier arrivé, premier servi » semble avoir pris le pas sur ce que nous nous étions dit le 25 novembre. Enfin, qu’en est-il de la plus grande fluidité accordée à un transfert d’activités par rapport à la primo-installation ?
M. le ministre. Sur ce dernier point, monsieur le président, les transferts se font à l’intérieur des zones déterminées par l’Autorité de la concurrence. Il n’y a donc pas d’impact sur le nombre d’études dans la zone considérée ni, donc, sur les primo-installants. À ce propos, je souhaiterais apporter une clarification sur les règles d’installation des huissiers, des notaires et des commissaires-priseurs. Nous supprimons : les commissions ad hoc, notamment la Commission de localisation des huissiers de justice et la Commission de localisation des offices de notaires (CLON) ; l’autorisation des transferts d’office à l’intérieur des zones « vertes », puisqu’une simple déclaration suffit ; les avis des instances professionnelles sur les créations d’office, qui sont remplacés par des suggestions à l’Autorité de la concurrence et au ministère ; les dispositions relatives aux indemnisations entre professionnels, devenues obsolètes, et l’obligation pour les notaires de réaliser un stage post-formation, intégré à la formation initiale. À cet égard, vous avez raison, monsieur Cherpion : le mot « stage » est impropre, en l’espèce. La création d’un séminaire de gestion dans le cycle de formation initiale des notaires viendra d’ailleurs s’y substituer.
Par ailleurs, nous créons une télé-procédure pour les demandes de nomination et nous prévoyons : un engagement de démissionner pour les titulaires candidats à la nomination dans un autre office ; un classement des candidats par ordre d’enregistrement ; la suppression des dispositions relatives aux jurys de concours devenues obsolètes ; les modalités des appels à manifestation d’intérêt, avec une publication sur internet afin d’assurer la transparence, et la suppression du mécanisme de consultation des instances professionnelles pour la nomination du salarié.
M. le président-rapporteur. Si l’on établit une liste pour les demandes d’installation, il s’agit bien d’un système d’horodatage : celui qui s’inscrira le premier sera le premier servi.
M. le ministre. C’est en effet la règle qui ressort à ce stade.
En ce qui concerne le concours d’accès à la profession de greffier des tribunaux de commerce, tout le monde doit le passer. Les seules dispenses accordées le seront aux ressortissants communautaires qui ont des équivalences et sont inscrits directement sur la liste « hors classement ». Ce concours se substitue à l’examen professionnel ; il ne représente donc pas une charge supplémentaire, sauf pour ceux qui étaient dispensés de passer cet examen. On maintient le stage d’un an, qui peut être réduit à trois mois pour les personnes ayant déjà une expérience professionnelle, et les dispenses de stages actuelles sont maintenues. L’examen de sortie est remplacé par un entretien de validation du stage pour ceux qui en ont effectué un, qui ne sert qu’à filtrer les personnes dont le stage a permis de montrer qu’elles n’étaient manifestement pas aptes à exercer leurs futures fonctions. La commission de validation peut imposer un nouveau stage. Si, au terme de ce second stage, le candidat n’est toujours pas apte, il est exclu de la liste. La liste d’aptitude est établie en fonction des notes reçues au concours ; les lauréats gardant le bénéfice du concours pendant trois ans y sont classés en fonction de leur classement et de leur ancienneté dans le concours. L’office reste libre de recruter qui il veut, madame Untermaier, mais il doit examiner les candidatures dans l’ordre du classement. En outre, le greffier doit choisir dans un délai de six mois. Si ce délai n’est pas respecté, l’office est déclaré vacant, à moins que le greffier n’ait expressément notifié, dans ce délai, au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce son intention de renoncer à céder l’office ou ses parts pour recruter le salarié.
Telles sont les règles que nous avons retenues après de longues concertations et études ; elles doivent être simples et transparentes. Le système parfait n’existe pas mais, instruit de ce que peut sécréter l’âme humaine, nous avons élaboré, pour l’ensemble de ces professions, des systèmes transparents et fluides dont les règles sont connues ab initio.
Pour ce qui est des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, il revient à l’Autorité de la concurrence d’identifier le nombre de créations d’office d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation qui paraissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard des critères suivants : le niveau et les perspectives d’évolution de la demande – l’évolution de l’activité de la Cour de cassation et de la section du contentieux du Conseil d’État au cours des cinq dernières années est examinée sur la base des rapports d’activité publiés annuellement par les deux juridictions – ; le niveau et les perspectives d’évolution de l’offre, établis en fonction de la tendance de l’activité économique, de l’évolution du nombre d’offices et d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, qui exercent soit à titre individuel, soit dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale, du nombre d’offices vacants et de personnes titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ainsi que du chiffre d’affaires et du résultat net des offices. Dans ce domaine, je suis preneur de toutes vos remarques écrites, et je m’engage à les faire valoir dans le cadre de la discussion interministérielle si vous considérez que ces points sont de nature à fermer excessivement le dispositif que nous avions élaboré.
Monsieur Robiliard, vous m’avez convaincu, si tant est que j’avais besoin de l’être, n’ayant fait que rapporter fidèlement les éléments qui m’avaient été opposés.
M. Cherpion a souhaité que je revienne sur la question de la rémunération raisonnable. L’enjeu est de « substancier » cette dernière. Ne pouvant pas le faire ab initio par acte pour tous les professionnels, nous avons établi, profession par profession, la juste rémunération du travail et du capital, en retenant un point moyen et un coefficient correcteur. Nous avons ainsi fixé un montant en valeur absolue, selon ce qui a été observé profession par profession, puis appliqué un coefficient qui permet de corriger les effets de dispersion. On dispose ainsi d’une base de calcul de la rémunération raisonnable. Une fois le niveau moyen de rémunération déterminé, on répartit sur l’ensemble des actes réalisés pour la période considérée. Nous disposons d’une matrice de passage – car on connaît le nombre d’actes réalisés par les professionnels par catégorie – qui permet ensuite une déclinaison par arrêté pour définir la tarification moyenne recherchée compatible avec la structure qui nous a permis de définir la rémunération moyenne. C’est la seule manière de ne pas léser les structures les plus petites et les plus fragiles et d’avoir une juste rémunération du capital et du travail.
Si l’on avait retenu une approche par acte, non seulement on serait entré dans une logique économiquement insoutenable, puisqu’il aurait fallu déterminer le coût réel de l’acte – ce qui est impossible, puisque cela dépend du taux de concentration par professionnel – et ventiler les frais fixes par acte, mais on aurait injustement pénalisé les structures qui multiplient de petits actes, puisque ce sont ceux qui prennent en quelque sorte le moins leur quote-part des frais fixes. Si l’on a pris comme référence les sociétés unipersonnelles, c’est parce que ce sont celles qui ont les frais fixes de base ; ensuite les coûts sont beaucoup plus variables. Il faut donc partir d’une entité, le professionnel, qui permet d’obtenir une ventilation correcte entre frais fixes et frais variables. Ensuite, on peut le décliner par une quote-part, acte par acte, en fonction du nombre, qui est très différent selon les catégories d’actes et les professionnels. La clé de passage permet ainsi de décliner dans les arrêtés, la structure que l’on affiche dans le décret.
Nous rendons transparents, grâce au décret, ce qui était imparfaitement fait dans la pratique et qui était négocié avec les professionnels eux-mêmes et s’était donc progressivement déconnecté de la réalité des coûts. Nous parlons, je le rappelle, de professions réglementées, dont le législateur a voulu, à juste titre, définir la juste rémunération. J’ai moi-même défendu, par ailleurs, le fait que la latitude tarifaire soit plus grande pour les actes non réglementés ou soumis à concurrence. Le système retenu n’est donc pas la grande libéralisation dont on a souvent parlé ; il définit un encadrement. Notre modèle est une sorte de chauve-souris, si vous m’autorisez cette expression : les officiers publics ministériels sont également des professionnels libéraux. Il faut donc passer par le chas de l’aiguille, c’est-à-dire définir une rémunération juste et des règles, assurer un libre accès aux professions et un maillage territorial tout en conservant le caractère libéral de ces professions. Il nous fallait en tout état de cause, renforcer un peu plus l’encadrement qui prévalait jusqu’alors. Sinon, on a tous les avantages de la profession libérale sans les contraintes de l’officier public ministériel, qui, je le rappelle, détient l’exclusivité de certains actes.
Par ailleurs, Mme Erhel, notre objectif est que le décret prévu à l’article 117, qui a trait aux zones fibrées, soit pris au premier trimestre 2016 – le travail avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est en cours. Deux approches sont possibles : la création d’un label, qui aurait une vocation de mise en valeur mais dont la portée serait limitée, ou un mécanisme plus ambitieux, efficace et contraignant, qui permettrait de faire du statut de « zone fibrée » le déclencheur d’opérations de migration des clients vers la fibre, tout en traitant la question de la tarification du cuivre. C’est cette seconde voie que nous avons suivie. L’article 118 prévoit, quant à lui, le fibrage des logements individuels et des lotissements neufs. La loi prévoit que la mesure entrera en vigueur au 1er juillet 2016. Les travaux sont en cours avec le ministère du logement pour préparer les décrets nécessaires, qui seront publiés d’ici au mois de mars 2016.
En ce qui concerne les places de marché, il convient d’attendre la discussion du projet de loi pour une République numérique pour finaliser le décret, qui fait l’objet d’une concertation avec le Conseil national de la consommation (CNC). J’ai donc suspendu sa publication afin de ne pas créer de l’instabilité. Il est important pour nous d’avoir des échanges complémentaires avec l’Autorité de la concurrence et les services de la Commission européenne. Puis, à la lumière du débat parlementaire qui se tiendra début 2016, soit nous compléterons le texte de loi dans ce cadre, soit nous prendrons les décrets s’il n’est pas nécessaire d’intervenir au niveau législatif.
M. le président-rapporteur. Merci beaucoup, monsieur le ministre, d’avoir, comme toujours, répondu avec clarté, précision et franchise aux questions que nous vous avons posées. Vous aurez compris que nous essaierons de faire prospérer certaines de nos propositions avant la publication des décrets. J’ajouterai une remarque personnelle : nous ne doutons pas que la mesure relative aux tarifs est juste, mais force est de constater que sa description est relativement complexe. Or, beaucoup de jeunes professionnels qui réfléchissent à leur installation sur la base d’un business plan souhaitent bénéficier d’une lisibilité plus concrète de ces questions tarifaires pour pouvoir anticiper la rentabilité de leur activité. Les candidats à l’installation sont nombreux, et ils attendent de voir clair sur les règles d’installation – cela vient – et de comprendre les futures règles tarifaires pour pouvoir réaliser des prévisions sérieuses sur leur activité future. Un travail de pédagogie supplémentaire est donc certainement nécessaire afin de rendre plus accessible la littérature décrétale et de permettre à chacun de se faire une idée précise de ce que sera son modèle économique.
M. le ministre. Un chiffre est de nature à rassurer les professionnels concernés : les baisses tarifaires n’excéderont pas 2,5 % sur deux ans. Des baisses, dont on veut qu’elles soient visibles, seront certes plus importantes pour certains actes, mais nous ne voulons pas déstabiliser les offices : les professionnels doivent pouvoir s’organiser. Il ne s’agit donc pas d’une baisse moyenne de 10 % à 20 % des tarifs. Cette précision me paraît importante.
M. le président-rapporteur. Nous verrons en début d’année où en est la parution des différents décrets. Nous retenons votre conseil : nous essaierons d’entendre Mme la garde des Sceaux au tout début de l’année afin de ne pas retarder les publications annoncées. Je vous proposerai ensuite, au cours du premier trimestre de l’année prochaine, que nous nous revoyions. J’émets également le vœu qu’il soit fait droit à la demande de notre collègue Tourret d’organiser une réunion tripartite sur les tribunaux de commerce.
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Réunion du 12 janvier 2016
Audition de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice
M. Richard Ferrand, président-rapporteur. Cette mission d’information commune poursuit deux objectifs, madame la ministre. Le premier consiste à veiller à ce que les textes d’application de la loi du 6 août 2015 soient publiés dans les délais annoncés par le Gouvernement lors du débat parlementaire, afin de permettre l’application rapide de la loi. De ce point de vue, le rythme est globalement satisfaisant puisque 29 des 84 décrets nécessaires ont d’ores et déjà été pris et 16 autres sont en cours d’examen au Conseil d’État ou en cours de signature. S’agissant des dix-neuf articles de la loi qui habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnance, j’observe qu’une ordonnance a déjà été publiée et cinq autres projets nous ont été transmis.
D’autre part, notre mission s’est fixée pour deuxième objectif de veiller à ce que le contenu des textes réglementaires soit conforme à l’intention du législateur. Nous sommes pleinement conscients qu’il s’agit là d’une démarche inhabituelle à plusieurs égards, et son caractère innovant a d’ailleurs suscité quelque émoi, quoique nous ne méconnaissions aucunement les prérogatives constitutionnelles du pouvoir réglementaire. Nous ne faisons que nous appuyer sur le souhait que le Gouvernement a plusieurs fois exprimé au cours des débats de travailler avec les parlementaires dans un esprit de co-construction tout au long du processus et jusqu’au terme de la publication des textes d’application de la loi. Nous sommes parvenus à définir avec les services du Premier ministre une méthodologie en vertu de laquelle les projets de textes nous sont transmis dès lors qu’ils ont donné lieu à un arbitrage interministériel. À cet égard, je vous remercie, madame la ministre, pour votre disponibilité ainsi que celle de votre cabinet et de vos services, même si nous persistons à penser qu’il aurait parfois été préférable de nous transmettre les textes plus en amont, car le Gouvernement aurait ainsi pu bénéficier davantage de l’expertise que les rapporteurs thématiques ont acquise au fil du débat parlementaire.
C’est précisément au sujet des projets de décrets qui nous été transmis, en particulier sur les professions réglementées – qu’il s’agisse de leurs conditions d’installation ou de leurs tarifs – et sur la réforme de la procédure prud’homale que nous souhaitons vous faire part aujourd’hui de nos observations, de nos interrogations voire de nos divergences, et de nos propositions.
Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice. La création de cette mission d’information est audacieuse, en effet, et pose la question de ce qui relève de l’article 34 de la Constitution et ce qui relève de son article 37. Je ne vois naturellement aucune symétrie entre la tentation de l’exécutif à s’impliquer davantage dans le pouvoir législatif et sa réciproque, mais il est vrai que cette situation est sans précédent. Cela étant, compte tenu de l’importance de ce texte et de la diversité et de la densité des dispositions qu’il contient, l’idée me semble heureuse et tout à fait judicieuse.
J’ai bien pris note de votre double préoccupation : que les délais soient respectés, d’une part – à une époque où les citoyens s’interrogent sur la validité et l’efficacité du travail des responsables politiques et des parlementaires, cela me paraît en effet indispensable au bon fonctionnement des institutions et de la démocratie – et que les ordonnances, décrets et arrêtés soient bien conformes non seulement à la lettre mais aussi à l’esprit de la loi, c’est-à-dire à l’intention du législateur. Il est toujours tenu compte de cette intention, car en cas de doute quant à l’interprétation de la lettre d’une disposition, c’est aux débats parlementaires que l’on se réfère. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé à la rédaction des textes réglementaires qui nous occupent.
La loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques doit faire l’objet de 136 textes d’application et de 52 ordonnances. Les réunions interministérielles, qui se sont tenues assez vite, ont permis de confier au ministère de la justice le pilotage de trente-quatre décrets et de douze ordonnances dans un premier temps, avant que ce nombre diminue du fait d’une fusion des textes tout en maintenant inchangé le périmètre de la Justice – couvrant les professions réglementées, les procédures collectives, les recouvrements simplifiés des petites créances et la justice prud’homale.
Deux difficultés objectives se présentent. La première tient au volume du texte
– 308 articles – et à l’absence de coordination formelle entre ministères. D’autre part, compte tenu des délais dans lesquels elles ont dû être faites, les études d’impact n’ont pas couvert l’ensemble des sujets abordés ni atteint le degré de précision souhaité. J’ajoute que si la co-construction législative fut d’une très grande qualité – et je suis la première à m’en réjouir – car elle a permis de réparer des malfaçons, d’affiner la rédaction de telle disposition et de détecter les effets contreproductifs de telle autre – en clair, d’améliorer substantiellement le texte –, elle s’est également accompagnée d’effets pernicieux dans la mesure où les dispositions ainsi introduites dans le texte doivent être harmonisées.
J’en viens aux textes réglementaires qui relèvent du ministère de la justice, qui sont les suivants : le décret concernant les administrateurs et les mandataires judiciaires, les AJMJ, qui portent sur la durée et le contenu du stage ainsi que sur la modulation éventuelle de certaines conditions d’expérience ou de formation ; le décret relatif aux conditions d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, dont je sais qu’il suscite des interrogations parmi vous ; le décret sur les tarifs des professions réglementées, dont le pilotage incombe à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Le ministère de la justice est également chargé de l’ordonnance portant réforme du régime de gage des stocks, du décret autorisant les huissiers de justice à recouvrer amiablement les petites créances et de l’ordonnance relative aux greffiers des tribunaux de commerce.
Je précise que l’étape réglementaire qui suit l’adoption de la loi s’accompagne d’obligations de consultation. Autant nous devons veiller à respecter l’esprit et la lettre de la loi, autant ces consultations ne doivent pas demeurer vaines, et nous en avons tenu compte dans la rédaction de certains décrets – peut-être susciteront-elles des observations de votre part.
La transmission au Conseil d’État des projets de décret relatifs aux conditions d’installation des officiers publics et ministériels, à la justice prud’homale et aux greffiers des tribunaux de commerce est imminente. Les décrets établissant les zones d’installation libre ou encadrée sont arbitrés et seront publiés après avis, de même que le décret relatif à la liste des tribunaux de commerce, le conseil national des tribunaux de commerce n’ayant pas encore pu se prononcer car sa composition est incomplète. Enfin, certains textes encore en cours d’écriture portent sur les articles 63 et 67 – forme et capital des sociétés – ainsi que sur l’article 65 – création de l’interprofessionnalité d’exercice pour les professions du droit et du chiffre. De ce point de vue, la co-construction législative a permis de faire apparaître le risque lié à l’intégration des professions du chiffre dans l’interprofessionnalité de capitaux – risque que nous avions nous-même soulevé sans parvenir à convaincre. S’agissant de l’ordonnance portant création du commissaire de justice, une mission conjointe du Conseil d’État et de la Cour de cassation a été créée en décembre 2015 et devra prochainement rendre ses travaux. Enfin, reste à prendre le décret sur la formation des conseillers prud’homaux.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le président, les délais seront tenus et nous veillerons à ce que les dispositions réglementaires soient aussi conformes que possible à la volonté du législateur.
M. le président-rapporteur. Il est vrai, madame la ministre, que les règles de concertation obligent à consulter de nombreuses instances – dont la présente mission d’information pourrait utilement faire partie – avant de rédiger les textes réglementaires.
Nous sommes saisis de nombreuses questions concernant les règles d’installation. La loi que nous avons votée prévoit que la carte des zones d’installation doit être publiée avant le 1er février prochain et que les arrêtés tarifaires doivent être pris avant le 29 février. Ces délais seront-ils respectés ? Cette simple question de rythme de publication importe beaucoup à tous ceux qui envisagent concrètement de s’installer.
Deuxième question : les tarifs des professions réglementées. M. le ministre de l’économie a tâché de nous convaincre – avec un succès inégal – que la tarification à l’acte serait désormais supplantée par une approche fondée sur le niveau de rémunération raisonnable de chacune des professions ; dont acte. Ce n’est pourtant pas exactement la base sur laquelle nous avions débattu lors de l’élaboration de la loi. Quoi qu’il en soit, le projet de décret instaure un plafonnement de la somme des émoluments proportionnels perçus au titre d’une prestation relative à la mutation d’un bien ou d’un droit immobilier à 10 % de la valeur de ce bien ou de ce droit, sans pour autant maintenir le minimum qui existait concernant les émoluments proportionnels. Ne conviendrait-il pas de maintenir ce minimum dans le projet de décret de manière à ne pas pénaliser la rédaction des « petits actes », qui constitue l’essentiel de l’activité des offices situés dans les territoires ruraux ?
Enfin, ne serait-il pas opportun d’abaisser le taux maximal de remise de 40 % sur les actes relatifs à des biens professionnels – dont nous avons été surpris d’apprendre ici même par la voix de M. Macron qu’il figurerait dans le projet de décret – dans la mesure où ce rabais très conséquent profitera exclusivement aux investisseurs les plus aisés ? En tout état de cause, cette double approche tarifaire ne nous semble pas conforme à l’esprit du débat que nous avons eu. Certes, on nous a expliqué l’argument technique du changement de référence, mais le résultat obtenu ne nous paraît pas conforme à nos intentions.
Mme Cécile Untermaier. Nous avons tous consenti un énorme investissement sur ce texte, la commission des lois ayant même conduit – en lien avec les services ministériels – une mission spécifique avant même la discussion du projet de loi, tant la modernisation attendue des professions réglementées était une question difficile. Autrement dit, les éléments que nous soulevons ici, parce qu’ils sont de nature à vicier notre projet commun, ne sont pas abordés à la légère ; au contraire, ils résultent d’une réflexion collective approfondie. Je saisis cette occasion pour remercier les services de la Chancellerie à cet égard.
Il est vrai que le taux de remise porté à 40 % ne correspond en rien à ce que nous souhaitions. Nous avons considéré que la remise accordée sur un bien immobilier ou professionnel de valeur élevée ne pouvait être trop importante dans la mesure où il s’agit d’alimenter le fameux fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice qui verra le jour en 2017. Une remise de 40 % – soit près de la moitié des honoraires ! – nuirait à ses ressources et ne profiterait qu’à des investisseurs. Nous avions admis le principe d’une remise plus modeste, mais un tel niveau est préjudiciable au bon fonctionnement du futur fonds interprofessionnel.
J’ajoute que les avocats nous ont indiqué qu’ils n’étaient aucunement en concurrence avec les autres professions, contrairement à l’argument invoqué par Bercy pour justifier cette hausse du taux de remise. Il s’agit en effet d’actes que seuls les notaires peuvent effectuer, et non les autres professions, qu’elles soient réglementées ou non. Sous réserve des précisions qui nous seront éventuellement apportées, nous ne comprenons pas en quoi une telle remise permettrait de rétablir une concurrence loyale ; bien au contraire, elle serait préjudiciable au dispositif que nous avions mis en place.
Concernant ce fonds, précisément, le Conseil constitutionnel ne l’a pas censuré en tant que tel mais a censuré les dispositions concernant son financement au motif que nous n’avions pas fixé l’assiette de cette contribution. Ce problème peut être résolu et, de ce point de vue, le ministère de l’économie nous a rassurés en envisageant d’y travailler au cours de cette année. Cependant, l’ensemble des professions sont hostiles à l’idée d’une taxe sur le chiffre d’affaires ; nous préférons l’idée d’une contribution prélevée sur les droits proportionnels pratiqués par les professions juridiques réglementées ainsi que les professions judiciaires – idée à laquelle les professions en question ont donné leur accord unanime. Il serait regrettable de s’écarter du consensus que nous étions parvenus à trouver.
S’agissant de la durée du stage des AJMJ, nous avons souhaité écarter tout dispositif malthusien qui entraverait l’accès des jeunes à la profession. La durée de trente mois nous semble excessive en comparaison d’autres professions juridiques ou judiciaires qui autorisent les stages effectués dans le cadre de cursus universitaires de sorte que l’université puisse, en tenant compte de l’avis de la profession concernée à l’issue du stage, délivrer un diplôme permettant aux jeunes sinon de s’installer, du moins de chercher un poste de collaborateur dans ladite profession. Tel est le mécanisme que nous défendions ; le décret prévoyant un stage de trois ans est excessif. Le