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N° 3876

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 juin 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1), SUR

l’activité de la Délégation en 2015,

PAR

Mme Catherine COUTELLE

Députée

——

(1) La composition de la délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Catherine Coutelle, présidente ; Mme Conchita Lacuey, Mme Monique Orphé, M. Christophe Sirugue, Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-président.e.s ; Mme Édith Gueugneau ; Mme Cécile Untermaier, secrétaires ; Mme Laurence Arribagé ; Mme Marie-Noëlle Battistel ; Mme Huguette Bello ; Mme Brigitte Bourguignon ; Mme Marie-George Buffet ; Mme Pascale Crozon ; M. Sébastien Denaja ; Mme Marianne Dubois ; Mme Virginie Duby-Muller ; Mme Martine Faure ; M. Guy Geoffroy ; Mme Claude Greff ; Mme Françoise Guégot ; Mme Chaynesse Khirouni  Mme Sonia Lagarde ; Mme Geneviève Levy ; Mme Véronique Massonneau ; Mme Sandrine Mazetier ; Mme Dominique Nachury ; Mme Maud Olivier ; Mme Bérengère Poletti ; Mme Josette Pons ; M. Christophe Premat ; Mme Catherine Quéré ; Mme Barbara Romagnan ; M. Gwendal Rouillard ; Mme Maina Sage ; Mme Sylvie Tolmont ; M. Philippe Vitel.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES 9

I. LES TEXTES DONT LA DÉLÉGATION S'EST SAISIE 9

A. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA SANTÉ 9

1. Le rapport présenté par Mmes Catherine Coutelle et Catherine Quéré (mars 2015) 9

2. Les principaux amendements adoptés 10

B. LE PROJET DE LOI RELATIF AU DIALOGUE SOCIAL ET À L’EMPLOI 11

1. Le rapport présenté par Mme Sandrine Mazetier (mai 2015) 11

2. Les principaux amendements adoptés 12

C. LE PROJET DE LOI POUR UNE RÉPUBLIQUE NUMÉRIQUE 13

1. Le rapport présenté par Mme Catherine Coutelle (décembre 2015) 13

2. Les principaux amendements adoptés 15

II. LES AUTRES TRAVAUX LÉGISLATIFS 16

A. LE PROJET DE LOI POUR LA CROISSANCE, L'ACTIVITÉ ET L'ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES (FÉVRIER 2015) 16

B. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016 (OCTOBRE 2015) 17

1. L’audition de Mme Luce Pane, rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales, sur les crédits pour 2016 du programme budgétaire 137 relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes 17

2. Le dépôt d'amendements sur l’imposition sur le revenu des couples et sur la TVA applicable aux produits d’hygiène féminine (« taxe tampon ») 17

DEUXIÈME PARTIE : LES TRAVAUX D’INFORMATION ET D’ÉVALUATION 18

I. LES COLLOQUES ORGANISÉS PAR LA DÉLÉGATION 18

A. LE COLLOQUE SUR L'IMPLICATION DES HOMMES POUR L'ÉGALITÉ ET LE CONCOURS VIDÉO "TON COURT POUR L’ÉGALITÉ", AVEC ONU FEMMES ET LE CENTRE HUBERTINE AUCLERT (OCTOBRE) 18

B. LE COLLOQUE SUR LA LUTTE CONTRE LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE (DÉCEMBRE 2015) 19

II. LES TRAVAUX D'INFORMATION ET DE CONTRÔLE 21

A. LA POLITIQUE ET LE RÉSEAU DES DROITS DES FEMMES 21

1. L’audition de Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État aux Droits des femmes, sur ses priorités pour 2015 (février 2015) 21

2. L’audition de M. Jean Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale (DGCS), et de Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du service des droits des femmes (SDFE), sur l’organisation, les moyens et l’action du service central et du réseau déconcentré des droits des femmes et de l’égalité (septembre 2015) 22

3. La participation aux journées nationales du réseau des droits des femmes (octobre 2015) 22

B. LE PLAN PLURIANNUEL CONTRE LA PAUVRETÉ ET POUR L'INCLUSION SOCIALE 23

1. L’audition de M. François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales, sur l’évaluation du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et les dispositifs de soutien aux travailleur.se.s modestes (mars 2015) 23

2. L’audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion, sur la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté (avril 2015) 24

C. LA PLACE DES FEMMES EN POLITIQUE 25

1. L’audition de Mme Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du HCEfh et de Mme Régine Saint-Criq, fondatrice de l’association Parité, sur la parité en politique (juillet 2015) 25

2. La participation à la commémoration du 70e anniversaire des premières femmes élues députées (octobre 2015) 26

D. LA MISSION À MAYOTTE SUR L'ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES DE MMES COUTELLE, VIRGINIE DUBY-MULLER ET MONIQUE ORPHÉ, RAPPORTEURES D’INFORMATION (NOVEMBRE 2015) 27

E. LES AUTRES TRAVAUX THÉMATIQUES 28

1. L’audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits (juin 2015) 28

2. L’audition de Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, en particulier sur le sexisme au travail (mars 2015) 30

3. L'examen du rapport d’activité 2014 de la délégation (avril 2015) 31

TROISIÈME PARTIE : DROITS DES FEMMES À L’INTERNATIONAL 31

I. L’AUDITION DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, CONJOINTE AVEC LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (MARS 2015) 31

II. LES DÉPLACEMENTS À L’ÉTRANGER (BRUXELLES, NEW YORK, BERLIN) 32

1. Le déplacement de la présidente Catherine Coutelle et de Mme Martine Faure à Bruxelles pour la réunion interparlementaire organisée par la commission FEMM du Parlement européen (mars 2015) 32

2. Le déplacement de la présidente à New York pour la session annuelle de la Commission de la condition des femmes des Nations Unies (CSW, mars 2015) 32

3. Le déplacement de Mme Édith Gueugneau à Berlin pour la Conférence internationale des parlementaires en amont du Sommet du G7 (avril 2015) 33

4. Le déplacement de Mme Maud Olivier à Bruxelles pour un séminaire organisé au Parlement européen sur la prostitution (novembre 2015) 33

III.  L’ACCUEIL DE DÉLÉGATIONS ET PERSONNALITÉS ÉTRANGÈRES 33

1. Les femmes rencontrées dans le cadre du programme d’invitation des personnalités d’avenir (PIPA) 33

2. Les autres délégations accueillies 34

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 35

I. COMPTES RENDUS D’AUDITIONS AYANT EU LIEU EN 2015 ET N’AYANT PAS ÉTÉ PUBLIÉS DANS DE PRÉCÉDENTS RAPPORTS 37

II. EXAMEN DU RAPPORT D’ACTIVITÉ PAR LA DÉLÉGATION 111

ANNEXES 115

ANNEXE 1 : DISPOSITIONS PRÉVUES PAR LA LOI CONCERNANT LES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES AUX DROITS DES FEMMES 115

ANNEXE 2 : LISTE CHRONOLOGIQUE DES 33 RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION EN 2015 ET DES PERSONNES AUDITIONNÉES 117

ANNEXE 3 : LISTE DES 64 RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION EN 2015 121

INTRODUCTION

Une Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a été instituée, dans chacune des assemblées, par la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 (1), issue d’une initiative du groupe socialiste (2). Les délégations, dont chacune compte 36 parlementaires, sont chargées d’informer le Parlement de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, et assurent, en ce domaine, le suivi de l’application des lois. Elles peuvent également être saisies sur un projet ou une proposition de loi.

Aux termes de la loi (3), les délégations aux droits des femmes (DDF) « établissent, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence. »

L’activité de la Délégation aux droits des femmes en 2015 en quelques chiffres

– 33 réunions de la délégation et comptes rendus, pour une durée d’environ 46 heures, et par ailleurs 10 auditions ou déplacements organisés par les rapporteures.

– 50 personnes auditionnées par la délégation, dont 4 ministres ou secrétaires d’État, et 21 personnes entendues par ailleurs par les rapporteures.

– 2 colloques sur le dérèglement climatique (avec l’association CARE France et des intervenantes américaine, indienne et tchadienne) et sur l’implication des hommes dans les politiques d’égalité et le concours vidéo « Ton court pour l’égalité ».

– 4 rapports d’information et 64 recommandations adoptés en 2015.

– 19 rapports publiés entre juillet 2012 et décembre 2015 (avec les comptes rendus des auditions), soit environ un rapport d’information tous les 2 mois en moyenne.

– 86 amendements déposés sur les 3 projets de loi dont la délégation a été saisie en 2015.

– 46 amendements (20 en commission, 26 en séance) ont par exemple été déposés sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, à l’initiative de la rapporteure Mme Sandrine Mazetier, avec au total 25 amendements adoptés (75 % des amendemnts déposés en commission ont été adoptés et près de 40 % de ceux déposés en séance).

– 1 mission à Mayotte, 4 déplacements à New York, Bruxelles et Berlin, et des dizaines de personnalités et délégations étrangères rencontrées.

– 15 500 pages vues et près de 9 000 connexions au site internet de la DDF sur un an.

Le présent rapport dresse ainsi le bilan de l’activité en 2015 de la délégation (4) et, cette année encore, de nombreux travaux ont été engagés sur des problématiques très variées, avec la volonté constante de défendre les droits des femmes dans le cadre d’une approche intégrée de l’égalité, donc nécessairement large et transversale, à travers :

– des activités législatives (première partie du présent rapport), notamment sur les différents textes dont la délégation a été saisie (projet de loi relatif à la santé, projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, projet de loi pour une République numérique) ;

– des travaux d’information et d’évaluation des politiques publiques, concernant le service central et le réseau déconcentré des droits des femmes, le plan pluriannuel contre la pauvreté, l’égalité femmes-hommes à Mayotte ou encore la lutte contre le dérèglement climatique (deuxième partie) ;

– enfin, outre l’audition de M. Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères et du Développement international, des déplacements dans plusieurs pays et de nombreux entretiens avec des personnalités et délégations étrangères afin de développer les échanges et contribuer à promouvoir les droits des femmes aux niveaux européen et international (troisième partie).

Figurent également en annexes au présent rapport :

– les comptes rendus d’auditions ayant eu lieu en 2015, mais n’ayant pas été publiés dans de précédents rapports de la délégation, en raison du thème de l’audition (section du présent rapport relative aux travaux de la délégation) ;

– les dispositions prévues par la loi (article 6 septies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 précitée) concernant les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (annexe n° 1 du présent rapport) ;

– la liste des 33 réunions de la Délégation aux droits des femmes en 2015 et des personnes auditionnées dans ce cadre, sur différentes thématiques (annexe n° 2) ;

– la liste des 64 recommandations adoptées par la délégation en 2015 (annexe n° 3).

PREMIÈRE PARTIE : LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES

En 2015, la délégation (5) a tout d’abord été mobilisée par les trois projets de loi dont elle s’est saisie (I). Des travaux ont par ailleurs été menés sur d’autres textes, à travers l’organisation d’auditions et le dépôt d’amendements (II).

I. LES TEXTES DONT LA DÉLÉGATION S’EST SAISIE

A. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA SANTÉ

1. Le rapport présenté par Mmes Catherine Coutelle et Catherine Quéré (février 2015)

Adopté en conseil des ministres le 15 octobre 2014, le projet de loi relatif à la santé se fondait sur trois axes : prévenir avant d’avoir à guérir, faciliter la santé au quotidien et innover pour conforter l’excellence du système de santé, en portant une politique de santé structurante et novatrice pour faire progresser la solidarité et la justice sociale.

Deux dispositions du projet de loi concernaient directement les femmes et les jeunes filles : d’une part, la levée des restrictions imposées aux infirmières.iers scolaires dans la délivrance de la contraception d’urgence et la possibilité ouverte aux sages-femmes de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse (IVG) par voie médicamenteuse.

Au-delà de l’analyse ces dispositions, la Délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de ce projet de loi pour examiner, plus largement, les questions relatives à la santé des femmes, en vue de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé, d’intégrer des enjeux spécifiques aux femmes en matière de prévention (obésité, alcool, tabac…) et dans le pilotage des politiques de santé, et de faciliter l’accès aux droits sexuels et reproductifs sur l’ensemble du territoire.

Dans le cadre de ces travaux, les neuf auditions de la délégation qui ont permis d’entendre une vingtaine de personnes (6), notamment la coprésidente du Mouvement français du Planning familial, le directeur général de l’agence régionale de santé d’Île-de-France, M. Claude Évin, ainsi que la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Mme Marisol Touraine.

En outre, un questionnaire a été adressé aux président.e.s de régions concernant la mise en œuvre des dispositifs de type « Pass contraception » afin d’évaluer les pratiques sur le terrain. Cette enquête sans précédent a permis de recueillir des informations précises sur différents dispositifs régionaux, qui ont été publiés dans le rapport d’information, adopté après discussion le 18 février 2015 par la délégation. Celui-ci formulait 21 recommandations, qui sont rappelées dans l’annexe n° 3 du présent rapport.

2. Les principaux amendements adoptés

Dès l’examen du projet de loi relatif à la santé par la commission des Affaires sociales, qui a commencé le 17 mars 2015, les rapporteures ont déposé seize amendements en commission, dont quatre ont été adoptés :

– deux amendements prévoyaient la publication régulière de données sexuées en matière de santé : l’un concernait la CNAMTS, concernant en particulier les accidents du travail et les maladies professionnels, et l’autre la médecine du travail (rapport annuel établi par le médecin du travail) ;

– un autre visant à améliorer la formation des professionnel.le.s de santé appelé.e.s à prescrire des contraceptifs, en vue notamment de diversifier les méthodes contraceptives utilisées en France (stérilet, implant, anneau vaginal, diaphragme, pilule, patch..) ;

– un amendement important a également été adopté en commission, avec la suppression de l’obligation du délai de réflexion de sept jours entre la première et la deuxième consultation pour une interruption volontaire de grossesse (IVG). Ces dispositions ont été maintenues dans la loi définitivement adoptée par le Parlement (loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé).

Par ailleurs, lors de l’examen du projet de loi en séance, qui a eu lieu du 31 mars au 14 avril 2015, neuf amendements ont été déposés par les rapporteures, dont trois ont été adoptés et maintenus dans la loi définitivement adoptée par le Parlement :

– le premier visait à intégrer des objectifs spécifiques sur la santé des femmes dans la Stratégie nationale de santé, prévue par l’article 1er du projet de loi ;

– le second avait pour objet de permettre la réalisation d’IVG par voie instrumentale (chirurgicale) dans les centres de santé, en vue d’améliorer l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire ;

– le troisième amendement visait à renforcer l’offre d’IVG sur le plan qualitatif et quantitatif, en prévoyant l’élaboration de plans d’actions régionaux pour l’accès à l’avortement, élaborés par les agences régionales de santé (ARS).

Des avancées importantes sont ainsi intervenues, à l’initiative de la Délégation aux droits des femmes, en matière de droits sexuels et reproductifs, mais aussi plus globalement pour l’intégration des droits des femmes dans les politiques publiques de santé.

La loi définitivement promulguée contient également des avancées pour lutter contre l’anorexie et la maigreur excessive, suite à l’adoption d’amendements soutenus par votre présidente : l’encadrement de l’activité de mannequin par la délivrance d’un certificat médical attestant que l’état de santé du mannequin, évalué au regard de son IMC, est compatible avec l’exercice de son métier, et l’obligation de faire apparaître la mention « photo retouchée » pour toute photographie à usage commercial de mannequins dont l’apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d’image afin d’affiner ou d’épaissir la silhouette.

B. LE PROJET DE LOI RELATIF AU DIALOGUE SOCIAL ET À L’EMPLOI

1. Le rapport présenté par Mme Sandrine Mazetier (mai 2015)

Présenté en Conseil des ministres le 22 avril 2015, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi s’est fondé sur l’analyse suivante : une modernisation du cadre de la démocratie sociale s’impose pour améliorer le quotidien des salarié.e.s mais aussi la performance des entreprises, en s’appuyant sur des relations sociales de qualité.

La Délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de cette réforme importante, et a désigné Sandrine Mazetier comme rapporteure en concentrant ses travaux sur certaines dispositions du projet de loi :

– l’objectif de représentation équilibrée au sein des IRP (instances représentatives du personnel), la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) dans les très petites entreprises (TPE) ainsi que la protection contre les discriminations salariales et la valorisation des parcours des représentant.e.s du personnel ;

– le regroupement des consultations annuelles et des négociations obligatoires pour ce qui concerne l’impact de ces dispositions sur la négociation collective sur l’égalité professionnelle et les informations relatives à la situation comparée des femmes et des hommes sur lesquelles elle s’appuie ;

– la création d’une prime d’activité, se substituant à la prime pour l’emploi (PPE) et au revenu de solidarité active (RSA) activité alors que les femmes représenteraient environ 70 % des travailleur.se.s pauvres ;

– d’autres mesures ont également été examinées sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes, concernant les intermittent.e.s du spectacle, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et le compte personnel d’activité (CPA).

Les travaux de la délégation ont tout d’abord pu s’appuyer sur l’avis rendu par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, le 11 mai 2015. Dans un calendrier resserré, plus d’une vingtaine de personnes ont également été entendues – expert.e.s, organisations syndicales de salarié.e.s, organisations patronales (CGPME, UPA), « matermittentes », etc. La rapporteure, Mme Sandrine Mazetier, a également effectué un déplacement dans une structure d’aide à domicile (LogiVitae).

La délégation a adopté, le 19 mai 2015, son rapport d’information, qui formule 25 recommandations (cf. annexe n° 3).

2. Les principaux amendements adoptés

De nombreux amendements sur ce texte ont été adoptés par l’Assemblée nationale, à l’initiative de la rapporteure et plusieurs membres de la délégation. Ainsi, sur les vingt amendements déposés en commission (19 et 20 mai 2015) quinze ont été adoptés (soit 75%), et dix autres ont été adoptés lors de l’examen de ce texte en séance publique (du 26 mai au 2 juin 2015) sur les vingt-six déposés, soit au total 25 amendements adoptés, en première lecture, à l’initiative de la rapporteure de la Délégation aux droits des femmes.

Ainsi, l’article 1er du projet, instituant des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), s’est enrichi de deux amendements déposés en commission:

– le premier prévoyant que les organisations syndicales de salarié.e.s et les organisations professionnelles d’employeurs pourvoient les sièges qui leur sont attribués dans ces CPRI en respectant la parité entre les femmes et les hommes ;

– le second complétant les missions de ces organismes en les étendant aux questions relatives à l’égalité professionnelle et au travail à temps partiel.

Concernant l’article 2 relatif aux droits des salarié.e.s titulaires d’un mandat représentatif, un amendement dopté en commission favorisant l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et électives a été modifié en séance publique avec l’avis favorable du Gouvernement. Ces dispositions ont été adoptées conformes par le Sénat.

Sur l’article 13 du projet de loi relatif aux obligations d’information et de consultation du comité d’entreprise, trois amendements ont été adoptés à l’Assemblée, en première lecture. Le premier de ces amendements, très important, visait à réintroduire dans la base de données unique (BDU) l’ensemble des informations qui figuraient antérieurement dans le rapport de situation comparée (RSC) entre les femmes et les hommes. Le second, en cohérence avec le premier, venait préciser que les informations et indicateurs chiffrés sur la situation comparée transmis au comité d’entreprise sont bien ceux figurant dans la base de données enrichie par le précédent amendement. Le dernier, adopté en séance, visait à permettre au comité d’entreprise de recourir à un expert spécifique pour préparer la négociation sur l’égalité professionnelle.

Sur l’article 14 du projet de loi relatif au regroupement des obligations de négociations, cinq amendements de la rapporteure ont été adoptés en commission (dont l’un sur le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération) et quatre en séance publique, qui ont été maintenus pour la plupart au Sénat. Le dernier amendement adopté en séance prévoyait que les entreprises ne puissent pas modifier la périodicité des trois blocs de négociation prévus par le texte si elles n’ont pas conclu d’accord collectif sur l’égalité professionnelle, ou à défaut, de plan d’action dédié.

C. LE PROJET DE LOI POUR UNE RÉPUBLIQUE NUMÉRIQUE

1. Le rapport présenté par Mme Catherine Coutelle (décembre 2015)

Dès juin 2014, la délégation avait entendu Mmes Corinne Erhel et Laure de la Raudière sur leur rapport de mission d’information relatif à l’économie numérique française et alerté notamment sur le possible impact de cette révolution sur le travail des femmes (7).

À la suite de la grande concertation nationale sur le numérique qui a donné lieu à la remise d’un rapport au Premier ministre en juin 2015 (8), la délégation a souhaité approfondir sa réflexion sur ces questions en interrogeant l’impact de la transformation numérique sous le prisme du genre. La délégation s’est saisie pour avis du projet de loi pour une République numérique, présenté en conseil des ministres le 9 décembre 2015, et a désigné comme rapporteure Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation.

Pour mener ses travaux, la délégation a organisé huit auditions, qui ont eu lieu essentiellement en octobre et novembre 2015. Ce cycle d’auditions s’est achevé par celle de la secrétaire d’État chargée du Numérique, Mme Axelle Lemaire, le 2 décembre 2015. La rapporteure a également effectué deux déplacements à l’École 42, fondée par Xavier Niel, et à l’école Simplon à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Par ailleurs, la délégation a souhaité recueillir des informations complémentaires sur les cyberviolences, et en particulier sur les « vengeances pornographiques » (revenge porn), et adressé à cette fin deux questionnaires à la ministre de la justice, Mme Christiane Taubira, et aux ambassadeurs et ambassadrices de France dans sept pays évoqués lors des auditions.

Les éléments de réponse détaillés, transmis par les services de la chancellerie et par les ambassades, ont été publiés en annexe au rapport d’information, adopté par la délégation le 15 décembre 2015, soit quelques jours à peine après sa présentation en conseil des ministres.

Ce rapport, intitulé Femmes et numérique : dépasser les écueils, saisir les opportunités, dresse le constat de la faible place des filles dans les filières scientifique, technique et informatique en particulier. Le rapport plaide à cet égard pour le développement d’une véritable éducation à l’égalité dans le domaine du digital et pour une rénovation profonde de la pédagogie. Il souligne également la place encore limitée des femmes dans le secteur du numérique alors que celui-ci est porteur de nombreuses opportunités, ce qui implique une action déterminée pour modifier favorablement cette évolution.

Enfin, le rapport soulève la question des droits et libertés des femmes à l’ère du numérique. Il s’agit de mieux appréhender les facultés offertes par internet dans l’utilisation du web comme levier d’émancipation et d’empowerment, avec l’émergence de nouvelles formes de militantisme féministe (tumblr, pétition en ligne, etc.). D’autre part, la délégation aux droits des femmes a souhaité approfondir la question très préoccupante des cyberviolences sexistes et sexuelles, en soulignant notamment l’importance de les nommer précisément en langue française pour comprendre leur portée, en formulant plusieurs propositions pour mieux prévenir et sanctionner ces comportements.

Ce rapport d’information, comportant 18 recommandations, a été suivi par le dépôt de plusieurs amendements prolongeant les travaux menés par la délégation sur ce thème essentiel pour l’avenir.

2. Les principaux amendements adoptés

Au cours de l’examen du projet de loi par la commission des Lois, les 13 et 14 janvier 2016, l’un des sept amendements de la Délégation aux droits des femmes a été adopté. Celui-ci visait à prévoir la présentation de données sexuées dans le rapport annuel de la CNIL prévu par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Il s’agissait ici de connaître et de suivre dans le temps la proportion de femmes et de jeunes filles parmi l’ensemble des personnes ayant demandé l’effacement des données à caractère personnel, en application des dispositions prévues dans le projet de loi relatives au « droit à l’oubli ».

Lors de l’examen du texte en séance publique, du 19 au 26 janvier 2016, deux amendements présentés par la présidente et plusieurs membres de la délégation ont été adoptés sur les huit amendements qui avaient été déposés :

– le premier visait à compléter le code de l’éducation pour intégrer les enjeux liés à l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la prévention et la lutte contre les cyberviolences au sein des formations à l’utilisation des outils et ressources numériques, dispensées dans les écoles et les établissements d’enseignement ;

– le deuxième, particulièrement important, traduisait les travaux de la délégation pour lutter contre les cyberviolences, en particulier contre les « vengeances pornographiques », qui constituent des formes particulièrement graves des violences faites aux femmes.

Il visait à modifier la rédaction d’un amendement adopté en commission, à l’initiative de M. Sergio Coronado, suite aux travaux menés par la Délégation aux droits des femmes (la présidente ayant déposé également un amendement en commission sur ce sujet, examiné en discussion commune), afin, d’une part, d’introduire la notion de consentement exprès de la personne pour la diffusion de l’image ou de la voix de celle-ci, lorsqu’elle présente un caractère sexuel. Il s’agissait, d’autre part, de préciser explicitement que des poursuites peuvent être engagées sur le fondement de cet alinéa, que l’image ait été prise dans un lieu privé ou public. Cet amendement prévoyait par ailleurs des circonstances aggravantes lorsqu’il est volontairement porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui par la diffusion d’une image à caractère sexuel sans le consentement exprès de la personne concernée, les conséquences de ces violences « virtuelles » étant extrêmement graves. La peine encourue était de 18 mois d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende. Un autre amendement adopté en séance a porté cette peine de 18 mois à deux ans.

Lors de l’examen du texte au Sénat, il a été rendu hommage au travail mené par la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée sur la question du revenge porn ou vengeance pornographique, notamment par Mme Conway-Mouret, membre de la Délégation aux droits des femmes du Sénat. Ce projet de loi sera prochainement examiné par une commission mixte paritaire (CMP), pour son adoption définitive.

II. LES AUTRES TRAVAUX LÉGISLATIFS

A. LE PROJET DE LOI POUR LA CROISSANCE, L’ACTIVITÉ ET L’ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES (FÉVRIER 2015)

En décembre 2014, la Délégation aux droits des femmes avait auditionné M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, sur le projet de loi relatif à la croissance et à l’activité concernant son possible impact sur les femmes (9). Après cette audition du ministre, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale au début de l’année 2015, la présidente Catherine Coutelle et plusieurs membres de la délégation ont déposé des amendements sur ce texte.

Nombre de ces amendements ont été repris par le rapporteur général du texte, M. Richard Ferrand, et ont reçu un avis favorable du Gouvernement.

Ainsi, sur le travail du dimanche et en soirée, des améliorations importantes ont été actées dès l’examen en commission spéciale : contreparties en transports et garde d’enfants rendues obligatoires dans le contenu des accords collectifs pour les salarié.e.s travaillant en soirée ; mention obligatoire des mesures destinées à favoriser l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salarié.e.s privé.e.s de repos dominical ; droit pour les salariées enceintes ou ayant accouché de ne pas travailler en soirée.

Lors de l’examen du texte en séance publique, trois amendements importants ont été adoptés :

– le premier prévoyait que soit remis au Parlement un rapport sur les conséquences du marketing genré, la différenciation sexiste des prix et les inégalités pesant sur le pouvoir d’achat des femmes et des hommes ; cet amendement, qui s’inscrivait dans le prolongement lancé par des associations féministes, notamment le collectif Georgette Sand sur la « woman tax » sur les différents de prix de produits et services selon le genre (notamment sur les réseaux sociaux et tumblr), a été suivi d’effet, puisque le Gouvernement a remis ce rapport au Parlement en décembre 2015 (10) ;

– un autre amendement a permis l’adoption de dispositions prévoyant que les accords collectifs comportent des contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde d’enfants pour les salarié.e.s travaillant le dimanche ;

– enfin, un troisième amendement prévoyait la remise au Parlement d’un rapport sur le crédit d’impôt famille présentant les principales caractéristiques des entreprises bénéficiaires et des dépenses engagés et leur évolution, ce dispositif constituant une mesure d’incitation des entreprises aux dépenses permettant au personnel de mieux articuler vie familiale et vie professionnelle.

B. LE PROJET DE LOI DE FINANCES 2016 (OCTOBRE 2015)

1. L’audition de Mme Luce Pane, rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales, sur les crédits du programme budgétaire 137 relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes

Comme chaque année depuis le début de la législature, la Délégation aux droits des femmes a souhaité entendre, à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2016, la rapporteure pour avis au nom de la Commission des affaires sociales sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances concernant les crédits pour 2016 du programme budgétaire 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». La Délégation a donc procédé le mercredi 14 octobre 2015 à l’audition de Mme Luce Pane qui a succédé dans cette fonction à M. Christophe Sirugue.

Mme Pane a présenté l’évolution des crédits en soulignant une modification importante de l’architecture budgétaire, les actions 11 et 14 du programme ayant fusionné, ce qui complique la lecture de l’évolution des crédits. En effet, si on peut se féliciter en première analyse de la hausse des crédits du programme 137, il convient de préciser que la hausse observée résulte d’un transfert de 2,8 millions d’euros provenant de trois autres programmes du budget général.

Après la présentation des crédits, un débat a eu lieu avec les député.e.s membres de la délégation, M. Sirugue s’inquiétant notamment de la baisse des dépenses de fonctionnement courant des délégations régionales aux droits des femmes (voir infra le compte rendu de cette réunion).

2. Les amendements sur l’imposition sur le revenu des couples et sur la TVA applicable aux produits d’hygiène féminine (« taxe tampon »)

Suite aux travaux menés par la délégation sur les femmes et le système fiscal (rapport d’information adopté en avril 2014), la présidente Catherine Coutelle avait présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2015 visant à donner la possibilité aux couples mariés ou pacsés de choisir entre l’imposition commune ou séparée pour l’impôt sur le revenu.

Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2016, la présidente a redéposé un amendement en ce sens qui a finalement été retiré, mais avait néanmoins reçu le soutien de 45 député.e.s cosignataires du groupe socialiste.

Par ailleurs, l’examen du budget à l’automne 2015 a donné lieu à des débats nourris sur la « taxe tampon ». Pour le collectif féministe Georgette Sand, « l’application du taux de 20 % sur les produits de protection périodique féminine constitue une injustice, en particulier pour les femmes les plus précaires », soulignant le coût de ces protections périodiques : en moyenne 1 500 euros dans une vie pour chaque femme (un article britannique ayant par ailleurs estimé que les femmes payées au SMIC consacrent au cours de leur vie l'équivalent de 38 jours de travail à temps plein à l'achat de tampons et serviettes). L’objectif était d’ abaisser le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable à ces produits pour les faire bénéficier d’une TVA à 5,5 %, voire 2,1%, comme tous les produits de première nécessité.

En octobre 2015, la présidente Catherine Coutelle a déposé un amendement en ce sens, lors de l’examen du PLF pour 2016, en soulignant que « les protections périodiques ne sont ni un choix, ni une fantaisie mais une nécessité ». Cette proposition impliquant une baisse de recettes fiscales pour l’État n’a pas été acceptée par le Gouvernement. Néanmoins, lors de l’examen en séance publique au Sénat en novembre 2015, un amendement similaire a été déposé et le ministre des Finances et des Comptes publics, M. Michel Sapin, s’en est finalement remis au vote des sénateur.trice.s. Le vendredi 11 décembre 2015, l’Assemblée nationale a, en 2ème lecture confirmé la réduction à 5,5 % (contre 20% auparavant) du taux de TVA appliqué aux protections hygiéniques féminines.

DEUXIÈME PARTIE :
LES TRAVAUX D’INFORMATION ET D’ÉVALUATION

I. LES COLLOQUES ORGANISÉS PAR LA DÉLÉGATION

A. LE COLLOQUE SUR L’IMPLICATION DES HOMMES POUR L’ÉGALITÉ ET LE CONCOURS VIDÉO « TON COURT POUR L’ÉGALITÉ », AVEC ONU FEMMES ET LE CENTRE HUBERTINE AUCLERT (OCTOBRE 2015)

Le jeudi 1er octobre 2015, la Délégation aux droits des femmes a organisé, avec le comité ONU Femmes France, le Centre Hubertine Auclert, et le pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot, un colloque sur le thème « Ton court pour l’égalité : impliquer les hommes pour l’égalité ». Après l’ouverture des débats par la présidente Catherine Coutelle, le colloque s’est déroulé en deux temps.

La première partie a permis d’évoquer la campagne mondiale He for She, lancée par ONU femmes, suite au discours prononcé par l’actrice Emma Watson à l’Assemblée générale des Nations Unies, et les enjeux liés à l’implication des hommes et des garçons pour l’égalité femmes-hommes. Au cours de cette séquence, sont intervenu.e.s Mme Miren Bengoa, présidente du Comité ONU Femmes France, Mme Anne Kupiec, directrice du pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot, Mme Djénéba Keita, présidente du Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l’égalité entre les femmes et les hommes, et M. Eric Lombard, directeur général de l’entreprise Generali France.

Après un échange avec la salle, a eu lieu la projection des courts-métrages primés dans le cadre du concours vidéo « Ton court pour l’égalité », organisé par ONU Femmes France, le centre Hubertine Auclert et l’université Paris Diderot, et les trois prix du concours ont remis aux lauréat.e.s par Mme Blandine Lenoir, réalisatrice, et M. Laurent Duarte, secrétaire d’Alliance Ciné, par M. Romain Sabathier, secrétaire général du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), et Mme Marie-Christine Lanne, directrice de la communication et des engagements sociaux de Generali, par M. Stéphane Foenkinos, réalisateur, et Mme Laetitita Puertas, du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir.

LES INTERVENANT.E.S AU COLLOQUE AVEC LES LAURÉAT.E.S DU CONCOURS VIDÉO

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La directrice du Comité ONU Femmes France, Mme Fanny Benedetti, et la présidente Catherine Coutelle sont intervenues en clôture des débats, dont le compte rendu figure en annexe du présent rapport.

B. LE COLLOQUE SUR LA LUTTE CONTRE LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE (DÉCEMBRE 2015)

Dans le cadre de la vingt-et-unième Conférence des parties ayant ratifié la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21), la Délégation aux droits des femmes a organisé à l’Assemblée nationale, le mardi 1er décembre 2015, un colloque ouvert au public et à la presse, sur le thème : « Lutte contre le dérèglement climatique : les femmes en première ligne ».

La présidente de la délégation a ouvert les débats avant l’intervention de plusieurs intervenant.e.s français.e.s, américaine, indienne et tchadienne :

– M. Philippe Lévêque, directeur général de l’association CARE France ;

– Mme Claudy Vouhé, féministe, co-fondatrice et militante de Genre en action, réseau international francophone pour l’égalité des femmes dans le développement ;

– Mme Usha Nair, représentante (pays du sud) du Women and gender constituency (WCG) ;

– Mme Eleanor Blomstrom, directrice de programme à New York, représentante du Women’s environment and development organization (WEDO) ;

– Mme Hindou Oumarou Ibrahim, coordinatrice de l’Association des femmes peules et autochtones du Tchad.

Un débat a ensuite eu lieu avec les parlementaires, puis avec la salle, en présence d’une assistance nombreuse.

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Les actes du colloque ont été publiés dans le rapport d’information (11) sur les femmes et la lutte contre le dérèglement climatique, présenté en février 2016 par la présidente Catherine Coutelle, et qui comportait également en annexe :

– le Plaidoyer « Les femmes actrices de la lutte contre le dérèglement climatique », présenté le 16 octobre 2015 par la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), Mme Danielle Bousquet, la présidente Catherine Coutelle et la présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, Mme Chantal Jouanno ;

– l’Appel « Soutenir les femmes face au dérèglement climatique », et la liste des premier.e.s signataires.

Adopté le 12 décembre 2015 par les 196 délégations de la COP, l’Accord de Paris contient plusieurs avancées pour les droits des femmes :

– la nécessaire prise en compte des droits de l’Homme, de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes est mentionnée dans le préambule de l’accord ;

– la notion de Genre figure dans plusieurs parties du texte (adaptation des pays et résilience aux changements climatiques, renforcement des capacités des États, transferts de technologie).

II. LES TRAVAUX D’INFORMATION ET DE CONTRÔLE

A. LA POLITIQUE ET LE RÉSEAU DES DROITS DES FEMMES

1. L’audition de Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État aux Droits des femmes, sur ses priorités pour 2015 (février 2015)

Le mardi 17 février 2015, la délégation a auditionné Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des Droits des femmes auprès de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, qui a rappelé que l’action du gouvernement en matière de droits des femmes était transversale, c’est-à-dire à la fois mise en œuvre par chacune des administrations concernées et intégrée à l’ensemble des politiques publiques initiées par le gouvernement.

Lors de cette audition, dont le compte rendu figure en annexe au présent rapport, la secrétaire d’État a tout d’abord souligné que son premier objectif était la mise en application de la loi du 4 août 2014, en s’appuyant notamment sur le réseau des déléguées régionales et départementales aux droits des femmes, en soulignant que leurs crédits avaient été maintenus dans le budget.

Elle a ensuite évoqué les expérimentations menées dans différents domaines telles que le dispositif du téléphone grand danger et la garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA), ainsi que l’égalité professionnelle, qui constitue une axe fort de l’action gouvernementale, et notamment la lutte contre les inégalités salariales encore trop importantes, avec aussi des objectifs chiffrés sur la place des femmes dans les conseils d’administration.

Le ministère a également élaboré un plan de lutte contre les violences comportant une série de mesures, notamment la création de places en hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences et la formation des personnels. Le financement de l’enquête VIRAGE (Violences et rapports de genre) est désormais assuré et l’enquête devrait être étendue aux territoires d’outre-mer.

En rappelant avoir porté la voix de la France à l’ONU concernant les droits sexuels et reproductifs, pour promouvoir l’accès à la contraception et à l’IVG, Mme Pascale Boistard a indiqué vouloir investir de nouveaux axes de travail, concernant en particulier de la présence des femmes dans l’espace public, en s’appuyant notamment sur des « marches exploratoires » afin d’identifier ce qui gêne la présence des femmes dans la ville.

2. L’audition de M. Jean Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale, et de Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du service des droits des femmes, sur l’organisation, les moyens et l’action du service central et du réseau déconcentré des droits des femmes et de l’égalité (septembre 2015)

Le mardi 15 septembre 2015, la délégation a auditionné :

– M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale (DGCS) et, es qualités, délégué interministériel aux droits des femmes et à l’égalité ;

– Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), adjointe au directeur général, du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Cette audition portait sur l’organisation, les moyens et l’action du service central et du réseau déconcentré des droits des femmes et de l’égalité (chargé.e.s de mission départementaux.tales, délégué.e.s régionales.aux), qui joue un rôle essentiel sur le terrain, pour faire progresser l’égalité femmes-hommes, en vue de faire le point sur ce sujet et de répondre à certaines inquiétudes, notamment dans un contexte de réorganisation territoriale.

Il convient à cet égard de rappeler que dès le début de cette législature, la Délégation aux droits des femmes avait engagé des travaux et adopté un rapport d’information sur le réseau des droits des femmes, présenté par la présidente Catherine Coutelle, en février 2013 (12), et qui formulait une vingtaine de recommandations.

3. La participation aux journées nationales du réseau des droits des femmes (octobre 2015)

À l’invitation du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, la présidente Catherine Coutelle est intervenue, le jeudi 15 octobre 2015, pour l’ouverture des Journées nationales du réseau des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui ont eu lieu au ministère.

À cette occasion, elle a rappelé le rôle essentiel des délégué.e.s régionales et départementales du réseau des droits des femmes pour faire progresser l’égalité – ce dont la mission à Mayotte de trois députées membres de la délégation en novembre 2015 (cf. infra) a constitué une nouvelle illustration. La présidente a notamment souligné dans son discours que le premier rapport thématique de la délégation aux droits des femmes avait été consacré aux moyens, à l’action et à l’organisation du réseau des droits des femmes (cf. supra), alors que celui-ci avait été bousculé par la revue générale des politiques publiques (RGPP).

La présidente Catherine Coutelle a également évoqué les conséquences de la réforme territoriale de l’État sur le réseau, la circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2015 (13) ayant défini des orientations tendant au renforcement des équipes régionales.

B. LE PLAN PLURIANNUEL CONTRE LA PAUVRETÉ ET POUR L’INCLUSION SOCIALE

1. L’audition de M. François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales, sur le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et les dispositifs de soutien aux travailleur.se.s modestes (mars 2015)

Le 18 mars 2015, la délégation a entendu M. François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales et président de l’Agence du service civique, au titre du rapport, publié en janvier 2015, de la mission de l’IGAS (14) sur l’évaluation de la deuxième année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, lancé par le Gouvernement en 2013.

M. François Chérèque a rappelé que dans les deux rapports d’évaluation, les sept volets du plan avaient été évalués : accès aux droits et aux biens essentiels ; emploi, travail et formation professionnelle ; logement et hébergement ; santé et accès aux soins ; famille, enfance et réussite éducative ; inclusion bancaire et lutte contre le surendettement ; gouvernance des politiques de solidarité.

Concernant le bilan global de la mise en œuvre du plan, l’analyse est plutôt positive, la mission estimant que dans l’ensemble le gouvernement respecte sa feuille de route, même si l’on peut toujours estimer que celle-ci est insuffisante ou qu’il faut l’approfondir. Les minimas sociaux ont tous été revalorisés et un coffre-fort numérique permettra à ceux qui le souhaitent, de numériser tous les documents personnels.

Sur le volet « logement et hébergement », un retard important en matière de logements sociaux est constaté, de même qu’un problème d’hébergement en hôtel des familles à la rue, souvent des femmes seules avec enfants.

Sur le volet « accès aux droits », on évalue à 6 milliards d’euros le montant des droits sociaux non utilisés (non recours). Au cours de cette audition ont également évoqués ainsi que les dispositifs de soutien aux travailleur.se.s modestes, en saluant la fusion du RSA activité et de la PPE dans le cadre de la prime d’activité – nouveau dispositif sur lequel la délégation a ensuite examiné, en analysant en particulier son impact pour les femmes, dans le cadre de ses travaux sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (cf. supra). M. Chérèque a également évoqué la garantie jeunes, principale mesure du volet « emploi ».

Sur le volet « santé », les plafonds de la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et de l’ACS (aide à l’acquisition d’une complémentaire santé) ont été relevés de 7,5 %. Sur le volet « famille et enfance », l’attention des parlementaires a été appelée sur la situation des enfants pauvres et mentionner la mise en place de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA).

Le rapport d’évaluation précité formulait plusieurs recommandations, et notamment : concernant les familles pauvres, mettre en place un accompagnement renforcé vers l’emploi pour les parents et améliorer l’accueil des enfants dans les structures collectives ; fusionner le RSA activité et la PPE ; instaurer un accès automatique à la CMU-C pour les allocataires du RSA socle ; préférer l’intermédiation locative à l’hébergement en hôtel ; mener à bien les États généraux du travail social. Le Gouvernement a plutôt suivi ces propositions.

2. L’audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion (avril 2015)

Dans le prolongement de l’audition de François Chérèque, la délégation a auditionné le 15 avril 2015, sur la nouvelle feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion, qui a tout d’abord rappelé l’engagement du président de la République en faveur des droits des femmes alors que les femmes sont particulièrement concernées par la pauvreté et l’exclusion. Ainsi, un ménage monoparental sur trois se trouve en situation de pauvreté et dans neuf cas sur dix, ce sont des femmes qui sont à la tête de ces foyers plus vulnérables.

Parmi les actions engagées, figure la mise en place par les caisses d’allocations familiales (CAF) des « rendez-vous des droits » qui peuvent être proposés en cas de situation complexe ou de parcours spécifique. Il est également prévu la création d’un coffre-fort numérique conservant les pièces d’une institution à l’autre.

Le Gouvernement a aussi procédé à la revalorisation de certaines prestations sociales destinées aux personnes les plus fragiles. En particulier, selon les précisions apportées lors de cette audition, l’allocation de soutien familial (ASF), destinée aux familles monoparentales, a été augmentée de 5 % en 2014 et en 2015, ce qui représente un montant de 5 euros par mois et de 60 euros par an, et concerne 730 000 familles.

De nouvelles places d’hébergement ont été ouvertes : 7 000 places depuis 2013 avec en parallèle une réduction des nuitées hôtelières. Le projet de loi relatif à la santé a instauré le tiers payant généralisé tandis que la loi du 4 août 2014 mettait en place la garantie contre les impayés de pensions alimentaires.

Enfin, Mme Neuville a rappelé l’effort consenti pour accueillir en crèche les enfants des familles pauvres et le développement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

La mise en place de la prime d’activité devrait aussi inciter à la reprise d’activité. Mme Ségolène Neuville a souligné que le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi – duquel la délégation a ensuite été saisie – prenait en compte la composition familiale : en effet, « sans la prise en compte du nombre d’enfants à charge, qui permet de verser une prime plus importante, les perdants seraient les familles monoparentales. Néanmoins, une bonification individualisée sera liée uniquement à l’activité pour favoriser la bi-activité. Il s’agit de ne pas encourager les situations où le mari travaille et pas la femme, et je sais que votre délégation est particulièrement vigilante sur cette question ».

C. LA PLACE DES FEMMES EN POLITIQUE

1. L’audition sur la parité en politique de Mme Régine Saint-Criq, fondatrice de l’association Parité et de Mme Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du HCEfh (juillet 2015)

Seize ans après la loi constitutionnelle de juillet 1999 relative à l’égalité femmes-hommes, portée par Elisabeth Guigou et Lionel Jospin, et peu de temps après le 70e anniversaire du premier vote des femmes (lors des élections municipales d’avril 1945), la Délégation aux droits des femmes a organisé, le 1er juillet 2015, une audition sur la parité en politique avec :

– Mme Régine Saint-Criq, fondatrice et membre du conseil d’administration de l’association Parité, auteure du Petit manuel à l'usage des femmes en politique, en quête de parité (2014), et ancienne maire et conseillère régionale ;

– Mme Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), chargée de recherche au CNRS et au Centre de recherches sur la vie politique française de Sciences Po (CEVIPOF), suite notamment à la parution, en février 2015, du rapport du HCEfh intitulé Parité en politique : entre progrès et stagnations. Évaluation de la mise en œuvre des lois dites de parité dans le cadre des élections de 2014 : municipales et communautaires, européennes, sénatoriales.

Le compte rendu de cette audition figure en annexe du présent rapport.

2. La commémoration du 70e anniversaire des premières femmes élues députées (octobre 2015)

Pour la première fois, le 21 octobre 1945, les femmes ont pu voter à une élection nationale et 33 d’entre elles ont été élues députées. De tous milieux, de toutes origines, elles étaient syndicalistes, militantes et souvent issues des rangs des mouvements de la Résistance.

À l’occasion du 70e anniversaire de cet évènement, le 21 octobre 2015, l’Assemblée nationale a exposé les portraits de ces pionnières dans les salons voisins de l’hémicycle et édité un livret présentant une brève biographie de ces premières femmes élues députées. La présidente de la Délégation aux droits des femmes a préfacé ce livret ainsi que le président Claude Bartolone et Mme Sandrine Mazetier, vice-présidente de l’Assemblée et membre de la Délégation aux droits femmes.

Plusieurs membres de la délégation ont participé à l’inauguration de cette exposition, qui a été suivie par une photographie de députées dans l’hémicycle, pour commémorer l’élection des premières femmes députées, à l’initiative de la présidente Catherine Coutelle.

PHOTOGRAPHIE PRISE DANS L’HÉMICYCLE LE 21 OCTOBRE 2015 À L’OCCASION DU 70E ANNIVERSAIRE DES 33 PREMIÈRES FEMMES ÉLUES DÉPUTÉES

D. LA MISSION À MAYOTTE SUR L’ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES DE MMES CATHERINE COUTELLE, VIRGINIE DUBY-MULLER ET MONIQUE ORPHÉ, RAPPORTEURES D’INFORMATION (NOVEMBRE 2015) 

Lors de sa visite officielle à Mayotte en août 2014, le président de la République, M. François Hollande, a souhaité qu’un document stratégique traçant pour les dix années à venir le cheminement de Mayotte vers le droit commun de la République soit élaboré au cours de l’année 2014-2015.

Signé le 13 juin 2015 à Mamoudzou par le Premier ministre, M. Manuel Valls, les parlementaires mahorais, le président du conseil départemental et le président de l’association des maires, le document stratégique « Mayotte 2025, une ambition pour la République », articulé autour de six grands objectifs, prévoyait notamment l’élaboration d’un plan d’action transversal sur l’égalité femmes-hommes.

Dans ce contexte, le député M. Ibrahim Aboubabacar a sollicité la Délégation pour renforcer le volet égalité femmes-hommes au sein du document stratégique « Mayotte 2025 » et le traduire dans les actes. Il a ainsi été décidé de constituer une mission au sein de la Délégation aux droits des femmes, composée de la présidente Catherine Coutelle, de Mme Monique Orphé, vice-présidente de la délégation, et de la députée Mme Virginie Duby-Muller, qui ont été nommées rapporteures d’information en novembre 2015.

Les rapporteures se sont ainsi rendues à Mayotte du mardi 10 au samedi 14 novembre 2015. Dans un territoire marqué par de fortes spécificités culturelles et dans un contexte particulier lié à des mouvements sociaux survenus à la suite de la présence aux mêmes dates de la ministre des Outre-mer, Mme George Pau-Langevin. Les rapporteures ont tout de même pu échanger avec de nombreuses personnes, notamment des élues locales, des agricultrices, cheffes d’entreprises (association Entreprendre au féminin, cheffes d’entreprises, ADIE, etc.), militantes (Association des femmes leader), les responsables administratifs et institutionnels (préfecture de Mayotte, Pôle Emploi, rectorat, etc.).

ENTRETIEN DES RAPPORTEURES AVEC DES ÉLUES MAHORAISES (11 NOVEMBRE 2015)

Les rapporteures ont également effectué plusieurs déplacements de terrain, au Centre hospitalier de Mamoudzou (CHM) et de sa maternité, au centre de rétention administrative ainsi que des centres de santé (réseau de dépistage du cancer du col de l’utérus, réseau de périnatalité), dans une coopération de production artisanale du sel (« mama shingos »), etc.

Conséquence de la situation locale, l’ensemble des déplacements de terrain prévus n’ont pas pu cependant se tenir.

En cohérence avec la dimension transversale de l’égalité femmes-hommes, les travaux de la mission ont porté sur différentes politiques publiques (éducation, santé des femmes, et notamment santé sexuelle et reproductive, accès à l’emploi et à l’autonomie, formation, évolution statutaire et institutionnelle du département, immigration, lutte contre les violences, prostitution, etc.). Ce déplacement a aussi été l’occasion de mesurer, une fois encore, le rôle essentiel du réseau déconcentré des droits des femmes dans les territoires, avec plusieurs initiatives intéressantes lancées sous l’impulsion de la déléguée aux droits des femmes de Mayotte.

Les rapporteures présenteront le 28 juin prochain leur rapport d’information sur l’égalité femmes-hommes à Mayotte suite à ce déplacement.

E. LES AUTRES TRAVAUX THÉMATIQUES

1. L’audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits (juin 2015)

Le mardi 16 juin 2015, la délégation a auditionné le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, accompagné par Mme Nathalie Bajos, directrice du nouveau département « Promotion de l’égalité et de l’accès aux droits » (PEAD), pour faire le point sur son action.

En soulignant que 80 % de requêtes supplémentaires en matière de discrimination ont été enregistrées depuis le remplacement de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) par le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon a rappelé les quatre domaines de compétence de l’institution :  la médiation avec les services publics, la déontologie de la sécurité, la défense des droits des enfants et enfin, la lutte contre les discriminations à raison du sexe, de la maternité ou de la situation familiale.

En 2014, 73 000 dossiers ont été instruits dont 4 500 portaient sur les discriminations. À partir des règlements individuels sont rédigées des recommandations générales. Toujours soucieux de promouvoir les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes, le Défenseur est d’abord un organe de protection (défense des droits), ensuite un centre de ressources, enfin un organe de promotion qui essaye de faire avancer le droit.

Le travail du Défenseur des droits s’appuie sur plusieurs instruments :

– les relations partenariales avec les partenaires associatifs et les partenariats institutionnels par exemple avec le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) ;

– les travaux de recherche et d’étude, comme par exemple la participation à l’enquête VIRAGE sur les violences faites aux femmes ;

– les outils ou actions mis en place comme le Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine ;

Le Défenseur intervient également sur les projets de loi discutés au Parlement. Lors de cette audition, M. Toubon a notamment déclaré soutenir les amendements présentés par les rapporteures de la Délégation aux droits des femmes sur le projet de loi relatif à la santé, concernant la suppression du délai de réflexion de sept jours en matière d’IVG (cf. supra), mais aussi la « clause de conscience » concernant les professionnel.le.s (ce dernier n’ayant pas été adopté).

En matière de droit du travail, il avait également appelé au rétablissement de deux articles de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure parlementaire, et prévoyaient :

– l’obligation pour l’entreprise de rembourser à Pôle Emploi des indemnités chômage versées en cas de licenciement lié à un traitement discriminatoire ou à un harcèlement sexuel ou moral ;

– l’institution d’un plancher d’indemnisation pour les licenciements discriminatoires, liés notamment au sexe, à la grossesse ou à la situation familiale, et licenciements consécutifs au harcèlement sexuel.

À l’initiative de la Délégation aux droits des femmes, des dispositions ont été introduites récemment dans le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif.ve.s.

2. L’audition de Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, en particulier sur le sexisme dans le monde du travail (mars 2015)

Le mardi 24 mars 2015, la délégation a entendu Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), inspectrice générale des affaires sociales et membre du HCEfh, ainsi que Mme Marie Becker, cheffe de projet au CSEP.

Cette audition a permis d’évoquer le sexisme dans le monde du travail ainsi que la négociation collective sur l’égalité professionnelle dans les entreprises de 50 à 300 salarié.e.s, qui avaient fait l’objet de deux rapports du CSEP, parus en décembre 2014 et mars 2015.

Mme Grésy a rappelé que le CSEP – au sein duquel sont notamment représentées les organisations syndicales de salarié.e.s – a mené des travaux sur le le sexisme en milieu professionnel (15, en s’appuyant notamment sur une enquête réalisée auprès de neuf entreprises françaises, qui a recueilli 15 000 réponses. Les résultats en sont impressionnants : plus de 80 % des femmes salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes. Le sexisme est lui-même un mot tabou, qui renvoie à la construction sociale des rôles sexués et aux stéréotypes de genre. Il se réfère à une idéologie et à des pratiques. Si le sexisme peut revêtir différentes manifestations, il entraîne une souffrance et des discriminations à raison du sexe.

Sur le plan du droit, si certains actes sont d’ores et déjà visés dans notre droit, il est apparu opportun de codifier la notion d’agissement à raison du sexe.

Dans le prolongement de ces travaux, un amendement au projet de loi relatif au dialogue social a ainsi permis d’introduire dans le code du travail (16) des dispositions relatives à l’agissement sexiste (article 20 de la loi du 17 août 2015, dite « loi Rebsamen »). Récemment, des dispositions relatives au sexisme en milieu professionnel ont également introduites dans le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les actif.ve.s, à l’initiative des rapporteures de la Délégation aux droits des femmes.

Le deuxième rapport publié (17) portait sur l’état de la négociation collective dans les entreprises de 50 à 300 salarié.e.s. Au cours de l’audition a été soulignée l’évolution très positive de la signature des accords d’entreprise depuis le décret de décembre 2012 (18), avec la mise en place de pénalités financières. Cependant, les accords tiennent trop souvent de la pétition de principe, les actions concrètes restant mal identifiées.

3. L’examen du rapport d’activité 2014 de la délégation (avril 2015)

Le 1er avril 2015, la délégation a examiné le rapport présenté par la présidente ; dressant le bilan d’activité de la délégation en 2014, conformément aux dispositions prévues par la loi (19).

En 2014, 37 réunions avaient été tenues pour une durée totale de 44 heures et 75 personnes auditionnées, tandis que 6 rapports d’information et 64 recommandations avaient été adoptés, et deux colloques organisés.

Ce rapport d’activité a permis de présenter les activités législatives de la délégation et les positions qu’elle avait défendues sur les nombreux projets de loi dont elle avait été saisie (20), ainsi que les travaux thématiques menés, par exemple, sur les femmes et le système fiscal (rapport d’information adopté en avril 2014), les femmes et la précarité énergétique ou encore la situation des femmes dans les armées, ainsi que les activités européennes et internationales de la délégation.

TROISIÈME PARTIE :
DROITS DES FEMMES À L’INTERNATIONAL

I. L’AUDITION DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL, CONJOINTE AVEC LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (MARS 2015)

Le mercredi 4 mars 2015, la Délégation aux droits des femmes a entendu, conjointement avec la Commission des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, sur l’action de la France en matière de droits des femmes à l’international.

Le ministre a d’abord rappelé la tenue le 20 mars 2015 de la 59e session de la Commission de la condition des femmes (CSW) des Nations Unies, centrée sur les progrès et défis restant à relever vingt ans après l’adoption de la Déclaration du Programme d’action de Pékin, en soulignant la volonté de la France de porter le message de l’universalité des droits, l’année 2015 étant marquée par de grands rendez-vous internationaux en termes de droits des femmes.

Par ailleurs, le ministère a fixé une stratégie « Genre et développement 2013-2017 » comme axe prioritaire de la politique française d’aide publique au développement. Pour le ministre, la défense des droits des femmes reste aujourd’hui encore un combat, comme le rappelle tragiquement les atrocités commises par DAECH ou Boko Haram.

La diplomatie en faveur des droits des femmes se décline principalement autour de deux priorités : la lutte contre les violences faites aux femmes et la promotion de la participation effective des femmes à la vie politique et économique. Au plan européen, la France promeut notamment la participation des femmes au marché du travail.

Enfin, lors de cette réunion coprésidée par la présidente Catherine Coutelle et la présidente de la commission des Affaires étrangères, Mmes Élisabeth Guigou, le ministre a souligné que le nombre d’ambassadrices est passé de 23 en 2012 à 44 en 2015, soit un taux de féminisation qui a doublé.

II. LES DÉPLACEMENTS À L’ÉTRANGER (BRUXELLES, NEW YORK, BERLIN)

1. Le déplacement de la présidente Catherine Coutelle et de Mme Martine Faure à Bruxelles pour la réunion interparlementaire organisée par la commission FEMM du Parlement européen (mars 2015)

Le jeudi 5 mars 2015, deux membres de la délégation, la présidente Catherine Coutelle et Mme Martine Faure, se sont rendues à Bruxelles pour participer à la réunion interparlementaire organisée par la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen (FEMM), à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes femme, sur l’autonomisation des femmes et des filles par l’éducation.

2. Le déplacement de la présidente Catherine Coutelle à New York pour la session annuelle de la Commission de la condition des femmes des Nations Unies (mars 2015)

Les lundi 9 et mardi 10 mars 2015, la présidente Catherine Coutelle a participé à New York à la session annuelle de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW 2015), à l’invitation de la secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, Mme Pascale Boistard.

3. Le déplacement de Mme Édith Gueugneau à Berlin pour la Conférence internationale des parlementaires en amont du Sommet du G7 (avril 2015)

Les jeudi 16 et vendredi 17 avril 2015, Mme Édith Gueugneau s’est rendue à Berlin pour la Conférence internationale des parlementaires en amont du Sommet 2015 du G7, « She matters – L’autonomisation des femmes et des filles pour mener des vies autodéterminées, saines et productives », organisée avec le Forum parlementaire européen sur la population et le développement (EPF).

Le mardi 23 juin 2015, Mme Gueugneau, membre du Bureau de la Délégation aux droits des femmes et par ailleurs membre du Comité exécutif de l’EPF, a présenté une communication sur son déplacement lors d’une réunion de la délégation, dont le compte rendu est reproduit en annexe du présent rapport.

4. Le déplacement de Mme Maud Olivier à Bruxelles pour un séminaire organisé au Parlement européen sur la prostitution (novembre 2015)

Le jeudi 12 novembre 2015, Mme Maud Olivier a participé à un séminaire organisé au Parlement européen sur la prostitution, afin notamment de présenter la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

À cet égard, votre présidente se félicite de l’adoption définitive de ce texte majeur, qui a été promulgué le 13 avril 2016, suite aux travaux lancés dès le début de cette législature par la Délégation aux droits des femmes, avec l’adoption en septembre 2013 d’un rapport d’information, présenté par la rapporteure Mme Maud Olivier, à l’issue d’un an de travail et de nombreuses auditions et travaux sur le terrain, dans le cadre d’un groupe de travail constitué au sein de la délégation (21), suivi par le dépôt d’une proposition de loi en octobre 2013.

III. L’ACCUEIL DE DÉLÉGATIONS ET PERSONNALITÉS ÉTRANGÈRES

1. Les femmes rencontrées dans le cadre du programme d’invitation des personnalités d’avenir (PIPA)

Le programme d’invitation des personnalités d’avenir (PIPA) du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, qui permet d’inviter en France de jeunes personnalités étrangères appelées à exercer des responsabilités dans leur pays et a jouer un rôle dans la relation bilatérale avec la France. Ces séjours d’études ont bénéficié à plus de 1 500 personnes depuis la mise en route du programme en 1989.

Dans ce cadre, la présidente Catherine Coutelle s’est entretenue, à l’Assemblée nationale, avec :

– Mme Mari-Liis Sepper, Commissaire à l’égalité des sexes et à l’équité en Estonie, le mercredi 18 mars 2015 ;

– Mme Fawzia Baba Aïssa du Fonds pour les femmes en Méditerranée, le mercredi 25 mars 2015 ;

– Mme Siti Abbas Ali, avocate en Tanzanie, présidente de l’association Save new generation, le mercredi 27 mai 2015 ;

– Mme Nigeria Renteria Lozano, avocate et femme politique en Colombie, le mercredi 9 décembre 2015.

Par ailleurs, la députée Édith Gueugneau a échangé avec Mme Jenny Azucena Martinez-Gomez, députée à l’Assemblée nationale de la République du Nicaragua, présidente de la Commission des infrastructures et des services publics et membre de la Commission des affaires de la femme, de la jeunesse, de l’enfance et de la famille, le mercredi 3 juin 2015.

2. Les autres délégations accueillies

Le 16 septembre 2015, la présidente Catherine Coutelle a reçu pour un long entretien une délégation de Nouvelle-Calédonie, composée de Mme Martine Lagneau, 1ère Vice-Présidente de la province Sud chargée notamment de la condition féminine, de Mme Nicole Robineau, présidente de la commission de la condition féminine, et de sa directrice de cabinet, Mme Charlène Soerip.

Après avoir rappelé brièvement l’histoire récente de la Nouvelle-Calédonie et présenté la situation actuelle du territoire, la délégation calédonienne a exposé les actions engagées en matière de droits des femmes et les difficultés rencontrées. Elle a fortement exprimé le souhait que l’enquête VIRAGE sur les violences faites aux femmes soit étendue à la Nouvelle-Calédonie et sollicité le soutien de la présidente de la Délégation aux droits des femmes à cette fin.

Le même jour, le 16 septembre 2015, la présidente s’est entretenue, à l’invitation de la députée Mme Pascale Got, présidente du groupe d’amitié France-Japon de l’Assemblée nationale, avec M. Hiroshi Kawamura, ministre des affaires politiques, M. Atsushi Kato, chef du service de l’information et de la communication, Mme Kaoru Uemara adjointe du service de l’information et de la communication, Mme Eri Okayama, responsable des relations parlementaires, de l’ambassade du Japon, Mme Marie-Annick Bourdin, commissaire aux affaires internationales et européennes et M. Romain Sabathier, secrétaire général du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh).

Le 20 octobre 2015, la présidente Catherine Coutelle et Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-présidente de la délégation, ont rencontré pour un échange une vingtaine de femmes hauts-fonctionnaires, originaires d’Algérie, d’Égypte, de Jordanie, du Liban, du Maroc, des Territoires palestiniens et de Tunisie, dans le cadre du programme de formation « Femmes et leadership en Méditerranée » organisé par l’École nationale d’administration (ENA), à la demande du ministère des Affaires étrangères et en partenariat avec ONU Femmes.

Enfin, le 9 décembre 2015, la présidente a reçu une délégation de femmes parlementaires du Women in Parliaments Global Forum (WIP), en déplacement à Paris à l’occasion de la COP 21. Cette délégation était composée de Mmes Margaret Zziwa (Ouganda), Tayeba Zahidi (Afghanistan), Camille Ake (Côte d’Ivoire), Joséphine Drabo Kanyouloi (Burkina Faso) et Marie-Lydia Raharimalala (Madagascar).

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TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

I. COMPTES RENDUS D’AUDITIONS AYANT EU LIEU EN 2015 ET N’AYANT PAS ÉTÉ PUBLIÉS DANS DE PRÉCÉDENTS RAPPORTS

Sont présentés ci-après les comptes rendus de sept auditions de la délégation en 2015, qui n’ont pas été publiés dans de précédents rapports d’information déposés par la délégation (22), en raison de leur objet.

– Audition de Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des Droits des femmes auprès de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, sur ses priorités pour 2015 (17 février 2015) 38

– Audition, conjointe avec la commission des Affaires étrangères et ouverte à la presse, de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international, sur l’action de la France en matière de droits des femmes à l’international (4 mars 2015) 51

– Audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits (16 juin 2015) 66

– Audition de Mme Édith Gueugneau sur son déplacement à Berlin pour la Conférence internationale des parlementaires organisée en amont du sommet du G7 sur l’autonomisation des femmes et des filles, les 16 et 17 avril 2015 (23 juin 2015) 80

– Audition de Mme Régine Saint-Criq, fondatrice et membre du conseil d’administration de l’association Parité, ancienne maire et conseillère régionale, et de Mme Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), chargée de recherche au CNRS et au Centre de recherches sur la vie politique française de Sciences Po (CEVIPOF), membre du comité de pilotage du Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre, sur la parité en politique (1er juillet 2015) 85

– Colloque, ouvert au public, sur la campagne He for She et l’implication des hommes pour l’égalité des sexes, et remise des prix du concours vidéo « Ton court pour l’égalité », organisé par le Centre Hubertine Auclert, le Comité ONU Femmes France et le pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot (1er octobre 2015) 96

– Audition de Mme Luce Pane, députée, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2016, sur les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », relevant de la mission Solidarité, insertion, égalité des chances (14 octobre 2015) 105

Audition de Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État
chargée des Droits des femmes auprès de la ministre des Affaires sociales,
de la Santé et des Droits des femmes, sur ses priorités pour 2015

Compte rendu de l’audition du mardi 17 février 2015

Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la secrétaire d’État, la Délégation aux droits des femmes est heureuse de vous entendre aujourd’hui afin que vous lui exposiez votre vision du ministère chargé des droits des femmes, de vos propres responsabilités, des politiques menées depuis 2012 et de celles restant à conduire, ainsi que des lignes de force que vous voyez se dégager dans un domaine de nature transversale. Comme vous le savez, nous avons auditionné la semaine dernière Mme Marisol Touraine au sujet du projet de loi relatif à la santé, sur lequel nous travaillons actuellement – le rapport d’information sera examiné demain par la délégation.

Je vous laisse la parole pour une présentation générale avant que nous ne vous posions des questions portant sur des points précis.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, mesdames les députées, monsieur le député, je vous remercie de m’avoir invitée à vous présenter l’action du Gouvernement en matière de droits des femmes. Comme vous le savez, il s’agit d’une politique menée de façon transversale, c’est-à-dire à la fois mise en œuvre par chacune des administrations concernées et intégrée à l’ensemble des politiques publiques initiées par le Gouvernement. Notre rôle consistera à accompagner les différents ministères sur ces questions, afin de veiller à ce que certains principes – je pense notamment à l’égalité professionnelle – progressent régulièrement.

Entre septembre et octobre 2014, nous avons tenu des conférences sur l’égalité entre les femmes et les hommes qui nous ont donné l’occasion d’auditionner chaque ministère et de faire le point sur les politiques publiques, ainsi que sur la mise en œuvre des objectifs assignés aux administrations. Ces conférences aboutiront à une phase de restitution et de bilan, mais aussi à la détermination de nouveaux objectifs pour les deux années à venir.

Le premier objectif consiste en la mise en application de la loi du 4 août 2014, qui touche à tous les sujets relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons à cœur de mettre en œuvre cette loi que vous avez votée : huit décrets d’application, soit environ la moitié de ceux qui devront être pris au total, ont été publiés à ce jour. Nous accompagnons les ministères concernés dans l’écriture de ces décrets, dont nous sommes cosignataires. Il est important qu’après les riches débats auxquels l’examen de cette loi a donné lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, les Françaises et les Français puissent se rendre compte de la mise en œuvre effective des dispositions votées par les parlementaires. Pour mener notre action, nous pouvons nous appuyer sur un réseau présent dans chaque région et chaque département, celui des délégations régionales et départementales aux droits des femmes et à l’égalité, dont les représentants sont chargés de mettre en œuvre nos politiques publiques sur le terrain. J’ai décidé, lors de l’élaboration du dernier budget, de maintenir le niveau des crédits alloués à ces délégations, afin qu’elles puissent continuer à mettre en œuvre les projets et dispositifs déjà adoptés, dans un objectif de continuité des politiques publiques.

Nous effectuons également, comme la loi du 4 août 2014 nous y autorise, des expérimentations dans différents domaines : je pense notamment au dispositif du téléphone grand danger ou à la mise en œuvre expérimentale dans vingt départements, depuis octobre dernier, de la garantie contre les impayés de pension alimentaire (GIPA), consistant en un relais pris par la caisse d’allocations familiales (CAF) lorsque le débiteur de la pension est défaillant dans le versement de celle-ci – les enseignements qui seront tirés de cette expérimentation ayant vocation à permettre la mise en œuvre généralisée du dispositif.

Notre action est guidée par des axes forts. Il s’agit d’abord de l’égalité professionnelle, pour laquelle la loi du 4 août a fixé des objectifs chiffrés et un calendrier très précis pour la prise de responsabilités des femmes dans les conseils d’administration – je pense notamment à l’objectif de 40 % à l’horizon 2017 pour les entreprises cotées en bourse, mais aussi à l’obligation d’intégrer au dialogue social ayant lieu au sein des entreprises et des branches professionnelles un débat sur l’inégalité salariale, dont le taux n’est toujours pas descendu sous les 25 %, ce qui constitue un problème auquel nous devons nous attaquer afin de le réduire de manière significative.

Nous avons également élaboré un plan de lutte contre les violences. Le 25 novembre dernier, nous avons eu l’occasion de réaffirmer notre détermination à lutter contre ces violences et à développer des dispositifs permettant aux femmes d’être mieux accompagnées, et le plus vite possible, lorsqu’elles se déclarent victimes de violences, mais aussi des dispositifs annexes permettant de les mettre à l’abri. En matière d’hébergement d’urgence, nous avons créé 598 places sur les 1 650 constituant l’objectif présidentiel et, en termes qualitatifs, nous nous efforçons de faire en sorte que ces places soient créées dans des lieux réservés aux femmes. Nous travaillons également à la formation des personnels : ainsi avons-nous œuvré, l’année dernière, à l’amélioration de la formation des sages-femmes, car le contact au cours de la grossesse avec ces personnels très qualifiés et bien formés à la problématique des violences conjugales est souvent l’occasion de révéler des violences dont certaines femmes ont été victimes par le passé – et sont parfois encore victimes au cours de leur grossesse. Une partie du travail à accomplir consiste à créer des relations de plus en plus étroites entre la justice, la police et d’autres acteurs tout aussi indispensables.

Nous avons à cœur de mener notre action sur l’ensemble des territoires. De ce point de vue, en matière de violences faites aux femmes, j’ai tenu en fin d’année 2014 à donner les moyens nécessaires à la constitution d’une nouvelle enquête VIRAGE (violences et rapports de genre), mesurant très précisément les violences faites aux femmes et détaillant les mécanismes de violence ainsi que leur impact sur les femmes. Cette enquête n’était initialement prévue que pour le territoire métropolitain, mais George Pau-Langevin et moi-même avons cosigné un courrier exprimant notre volonté de la voir s’effectuer également dans les territoires d’outre-mer. La dernière enquête datait de plus de dix ans, et nous avions besoin de nouvelles données afin d’adapter et éventuellement de perfectionner les outils à notre disposition pour combattre ce fléau que sont les violences faites aux femmes.

La loi du 4 août 2014 prévoit également la lutte contre les stéréotypes. Il y a quelques jours, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rendu une délibération ayant pour objet d’une part la mise en œuvre de préconisations à l’intention des chaînes de télévision et d’autres médias, tendant à une meilleure représentation des femmes expertes ou journalistes dans l’espace médiatique, d’autre part l’expression de recommandations visant à lutter contre les stéréotypes propagés par les fictions et d’autres émissions, selon lesquels les femmes devraient être cantonnées à certaines fonctions, mais aussi contre la diffusion de certains propos sexistes tendant à généraliser l’idée selon laquelle les femmes doivent occuper un rôle secondaire dans la société.

Le sujet de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) a été évoqué en novembre 2014 dans l’hémicycle de cette assemblée, ainsi qu’au mois de janvier dernier, lors de l’anniversaire de la loi Veil. Si l’IVG a connu récemment de nouvelles avancées, nous avons aussi la volonté de faire en sorte que l’éducation à la sexualité dans le cadre scolaire, prévue par une circulaire de 2003, soit bien appliquée dans l’enseignement public, et que le sujet de la connaissance de l’autre fournisse l’occasion de faire passer le message du nécessaire respect entre les femmes et les hommes.

En septembre dernier, j’ai porté la voix de la France à l’Organisation des Nations Unies (ONU) au sujet des questions relatives à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse. Je me rendrai à nouveau à l’ONU le 9 mars prochain, afin de témoigner de la volonté de la France de continuer de progresser sur ces questions, mais aussi sur celle des mutilations sexuelles, qui font encore de nombreuses victimes.

Nous souhaitons investir de nouveaux axes, notamment celui de la présence des femmes dans l’espace public. À l’occasion de l’événement que constituent les 24 heures du sport féminin, plusieurs associations m’ont fait remarquer que si 35 % des garçons abandonnaient toute activité physique à l’âge de quatorze ans, ce chiffre s’élevait à 45 % pour les filles. Plus inquiétant, il est prouvé que les jeunes filles se contraignent d’elles-mêmes à disparaître de l’espace public à partir du même âge, en raison du harcèlement et des manifestations de sexisme dont elles font l’objet. Nous avons donc mis en place une expérimentation portant le nom de « marches exploratoires », en collaboration avec les mairies qui se sont déclarées volontaires : cela consiste pour les femmes vivant en milieu urbain à parcourir leur quartier à pied, avec des élus locaux et des membres de l’association France Médiation, afin d’identifier, sur le plan urbanistique et en termes de présence humaine, ce qui pourrait leur permettre de se réapproprier l’espace public. Cet aspect est fondamental en ce qu’il touche à la liberté des femmes.

En matière de transports, nous avons mis en place au mois de janvier dernier un groupe de travail, menant des réflexions en lien avec le ministère de l’intérieur, le ministère des transports et tous les représentants de ce secteur, afin de déterminer par quels moyens nous pourrions développer les réflexes citoyens, car il est trop fréquent que des actes de violences envers les femmes ne donnent lieu à aucune réaction de la part des personnes qui y assistent. Nous devons mobiliser la société, car ces violences sont inacceptables, et travailler à la formation des acteurs concernés et à l’élaboration de quelques dispositifs simples et accessibles, afin que toutes et tous se sentent plus en sécurité dans les transports. Les phénomènes sur lesquels nous souhaitons agir ne sont pas forcément nouveaux, et ce n’est parfois que grâce à l’action de certains acteurs de la société civile, qui nous alertent sur certains points, que nous entendons parler de ce qui restait naguère ignoré. Évidemment, nous sommes extrêmement mobilisés sur tous ces sujets.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les marches exploratoires, que vous avez évoquées, constituent effectivement une piste de travail très intéressante. Cette méthode de diagnostic, initiée au Canada à la fin des années 1980, permet aux urbanistes et aux élus d’engager une réflexion sur une meilleure organisation de l’espace, notamment en matière d’éclairage public et de cheminement, afin de sécuriser davantage la ville. Comme vous l’avez dit, certains phénomènes se sont sans doute amplifiés. Je me souviens avoir reçu des représentantes d’une association regroupant des femmes d’Aubervilliers, qui se mobilisent pour occuper entre femmes les cafés, notamment les terrasses – un combat qui n’est pas gagné d’avance.

Mme Virginie Duby-Muller. Suite à la remise officielle aux pouvoirs publics, au palais d’Iéna, du Livre Blanc pour un Plan Cœur le 17 octobre 2014, je voudrais appeler votre attention, madame la secrétaire d’État, sur le premier chapitre intitulé : « Les femmes, grandes oubliées de la maladie cardiovasculaire ». Le constat est alarmant : chaque année, 147 000 Français meurent de maladies cardiovasculaires, qui constituent la première cause de mortalité chez la femme. Il semble que la prévention de ces maladies en direction de la population féminine soit insuffisante, même si le projet de loi relatif à la santé prévoit un volet prévention. Avez-vous prévu d’autres initiatives en la matière ?

Dans le domaine de l’entreprise, depuis le 1er décembre 2014, pour répondre à un appel d’offres, les entreprises doivent déclarer sur l’honneur être en règle avec la réglementation relative à l’égalité entre les hommes et les femmes. Deux mois après l’entrée en vigueur de cette disposition, les fédérations professionnelles – le MEDEF, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), la Fédération du bâtiment et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) – font savoir que leurs adhérents ne semblent pas informés. Ne pensez-vous pas qu’une telle mesure, en apparaissant comme une nouvelle contrainte pour nos entreprises, surtout les très petites entreprises (TPE), risque de nuire à l’objectif de l’égalité entre les femmes et les hommes ? Que comptez-vous faire pour mieux informer les entreprises sur ce septième critère d’exclusion de la commande publique ?

Selon les chiffres officiels, 35 % des entreprises avaient signé un accord d’égalité professionnelle au 15 novembre 2014 et, à la même date, 1 356 mises en demeure avaient été adressées par l’État à des entreprises ne se trouvant pas encore en conformité avec cette obligation. J’aimerais savoir quelles suites ont été données à ces mises en demeure.

Enfin, en matière de violences dans les transports, des faits divers atroces ont été rapportés dans la presse ces dernières semaines, notamment le viol d’une jeune femme qui s’était endormie dans le RER A. Quelles sont les propositions que vous souhaitez faire dans ce domaine ? Envisagez-vous de mettre en œuvre la solution adoptée par certains pays, consistant à instaurer des wagons réservés aux femmes ?

Mme Edith Gueugneau. Le Gouvernement a mis en place à titre expérimental, dans vingt départements – dont le mien, la Saône-et-Loire – une nouvelle garantie publique contre les pensions alimentaires impayées. Pouvez-vous nous dire pourquoi les auteurs de violences sont placés « hors d’état » de ce point de vue ?

Vous nous avez indiqué avoir préservé dans le budget 2015 le montant des crédits alloués aux délégations régionales et départementales. Cependant, des fonds d’État sont également nécessaires pour financer la formation des personnels des préfectures et des gendarmeries, dans le cadre du développement des réseaux « violences intrafamiliales » (VIF) ; actuellement, un manque de moyens se fait sentir pour créer et développer ces réseaux, notamment en Saône-et-Loire.

Lorsque nous avons voté des crédits alloués au programme « Égalité entre les femmes et les hommes » dans le budget pour 2015, nous avons souhaité réaffirmer l’importance de la lutte contre les violences faites aux femmes en améliorant la qualité du service rendu aux victimes des violences. J’aimerais savoir quels sont les retours depuis le début de la mise en œuvre du téléphone grand danger, et quelles sont les pistes d’amélioration éventuellement envisagées.

Pour ce qui est du protocole d’accord sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique, signé en mars 2013, envisagez-vous des mesures afin d’accélérer le processus engagé ?

Enfin, dans le cadre de la préparation du sommet Paris Climat 2015 en décembre prochain, quels axes défendez-vous sur le plan interministériel, notamment avec le ministère des affaires étrangères, afin de faire entendre des problématiques particulières liées au genre, qui concernent également la lutte contre le réchauffement climatique – car les femmes étant plus vulnérables, la protection qui leur est dédiée doit être plus importante ?

Mme la secrétaire d’État. Pour ce qui est des obligations en matière d’égalité professionnelle mises à la charge des entreprises à compter du 1er décembre 2014 et des sanctions auxquelles le non-respect de ces obligations peut donner lieu, les entreprises ont été informées, notamment au moyen du site ega-pro.femmes.gouv.fr, qui fournit également une forme d’accompagnement aux entreprises concernées. J’ajoute que nous travaillons actuellement à la mise au point d’autres outils ayant la même vocation, qui viendront s’ajouter à ce site ; de même, les branches professionnelles jouent leur rôle en veillant elles aussi à l’application de ces règles.

Les 1 356 mises en demeure que vous avez évoquées n’ont pas seulement vocation à sanctionner, mais aussi à proposer un accompagnement à destination des entreprises ne se trouvant pas en conformité, afin qu’elles réussissent à mettre en œuvre cette obligation qu’est l’égalité professionnelle. Seules quarante-cinq de ces mises en demeure ont donné lieu à des sanctions de la part des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Certes, l’application d’une sanction en cas de non-respect de la loi constitue un critère d’exclusion à l’égard des entreprises qui s’y exposent, mais que faudrait-il penser, madame la députée, de lois qui ne seraient jamais appliquées ? À mon sens, l’existence de telles lois viderait de son sens le travail parlementaire.

Au demeurant, le problème auquel les dispositions légales évoquées visent à répondre est loin d’être négligeable : de mon point de vue, un différentiel de salaire de 25 % entre les femmes et les hommes constitue l’une des pires inégalités subsistant dans notre pays. L’ensemble des mesures que nous avons prises en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ont fait remonter la France de la quarante-cinquième place à la seizième place au classement mondial des sociétés les plus égalitaires, et c’est notre mauvaise performance sur le critère de l’égalité salariale qui nous empêche d’occuper une meilleure place à ce classement. Il est donc de notre devoir que de prendre des mesures concrètes afin de combattre l’inégalité professionnelle – dont les femmes élevant seules des enfants sont les premières victimes.

Pour conclure sur ce point, je signale que nous avons prévu des mesures d’accompagnement spécifiquement dédiées aux femmes souhaitant créer leur entreprise, car nous avons constaté que les femmes qui hésitent à se lancer dans un tel projet y parviennent pourtant fort bien lorsqu’elles sont accompagnées par des banques volontaristes, et contribuent alors à la création d’emplois – non délocalisables – dans notre pays.

Pour ce qui est des actes de violence dans les transports, nous ne sommes pas favorables à la création de wagons réservés aux femmes, car nous ne souhaitons pas abdiquer face à la violence. Ce que je dis ne constitue pas une critique à l’égard des pays ayant fait ce choix, mais nous ne devons pas oublier que la France est un pays de culture républicaine, où l’égalité représente un principe extrêmement fort. Pour nous, séparer les gens ne saurait donc constituer une solution contre la violence. En revanche, faire reculer la violence pour permettre à nos concitoyens de vivre tous ensemble dans le respect, et de pouvoir emprunter les transports en commun en toute tranquillité, constitue l’un de nos objectifs. J’ajoute que, d’un point de vue pratique, je ne suis pas persuadée que la séparation des wagons constitue un obstacle insurmontable pour un homme déterminé à commettre une agression à l’égard d’une femme.

Concernant les maladies cardiovasculaires, il a été indiqué que les femmes sont les grandes oubliées de la prévention dans ce domaine. Votre délégation a auditionné récemment la ministre chargée de la santé, et ces questions constituent pour nous une grande préoccupation – de même que le plan cancer, et d’autres thématiques liées à la santé des femmes –, et Marisol Touraine a d’ailleurs eu l’occasion de faire récemment des annonces à ce sujet.

En ce qui concerne la formation des personnels des préfectures et des gendarmeries en Saône-et-Loire, pourriez-vous préciser votre question, madame la députée ?

Mme Edith Gueugneau. Les réseaux « violences intrafamiliales » (VIF) mis en place sur certains territoires nécessitent des moyens en termes de formation des personnels qui en sont les partenaires – assistantes sociales, personnels des préfectures et des gendarmeries. Les besoins dans ce domaine sont d’autant plus importants que le territoire concerné est rural, car il doit alors bénéficier d’un maillage renforcé : c’est le cas de la Saône-et-Loire, dont les dotations actuelles ne sont sans doute pas à la hauteur de l’enjeu.

Mme la secrétaire d’État. Je pense que dans le cas que vous évoquez, il conviendrait de mettre en œuvre un outil dont disposent les délégations départementales et régionales, à savoir la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF), qui a pour mission de former les différents acteurs concernés – cela a été le cas des avocats et des sages-femmes – à la lutte contre les violences.

Mme Edith Gueugneau. Je connais la MIPROF, et j’avais même invité Ernestine Ronai, coordinatrice nationale de cette mission, à venir s’exprimer à Mâcon lors d’une rencontre avec le conseil général et la préfecture de Saône-et-Loire en septembre 2013. J’insiste sur le fait que, pour les territoires ruraux, il est essentiel de bénéficier de moyens renforcés en matière de formation. Ainsi, dans la petite commune de 5 300 habitants dont je suis maire, nous avons mis en place des appartements destinés à l’hébergement des femmes battues, mais avons besoin d’une organisation cohérente et de personnels compétents pour assurer le fonctionnement de ce dispositif.

Mme la secrétaire d’État. J’ai pris bonne note de vos observations, et contacterai la délégation régionale de Bourgogne afin de faire le point sur les besoins particuliers de votre territoire. En tout état de cause, je confirme que la MIPROF, qui assure le pilotage des questions relatives à la lutte contre les violences faites aux femmes et effectue un excellent travail dans ce domaine, aura vocation à intervenir. Je reviendrai vers vous, madame la députée, afin de m’assurer que le problème dont vous m’avez saisie a trouvé une solution.

Pour ce qui est du téléphone grand danger, qui était en phase expérimentale jusqu’au 31 décembre 2014, Mme Taubira et moi-même avons annoncé le 25 novembre dernier la généralisation de son utilisation sur l’ensemble du territoire. Il faut reconnaître que cette généralisation n’est malheureusement pas encore effective et, si j’ai bon espoir que ce soit le cas prochainement, je préfère rester prudente, car il reste pour cela une étape à franchir, à savoir l’obtention d’un avis favorable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui devrait être rendu depuis plusieurs semaines, mais tarde à venir. De nombreux conseils généraux, qui ont délibéré en faveur de la participation au financement des téléphones grand danger, n’attendent plus désormais que l’avis de la CNIL pour procéder à la mise en œuvre de ce dispositif. C’est vraiment l’ultime étape du processus, Mme Taubira ayant même adressé à tous les procureurs concernés une circulaire afin de les informer au sujet de ce nouvel outil, qui revêt une importance fondamentale pour les femmes se trouvant parfois en danger de mort. Les 400 téléphones prévus sont prêts à entrer en fonction et l’opérateur auquel il a été fait appel continue à assurer – gracieusement, je le souligne – leur fonctionnement dans les zones expérimentales, en attendant le feu vert de la CNIL, que nous espérons imminent.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Pour combien de départements ces 400 téléphones sont-ils prévus ?

Mme la secrétaire d’État. Une dizaine de départements. En fait, les 400 téléphones que j’ai évoqués sont destinés à compléter ceux qui fonctionnent déjà de manière expérimentale. Ce sera le cas dès réception de l’avis de la CNIL.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ernestine Ronai voyait dans ce dispositif l’un des éléments phares de la loi du 4 août 2014. Sait-on combien de téléphones ont été utilisés dans les départements où ils ont été mis en œuvre à titre expérimental ?

Mme la secrétaire d’État. Je ne dispose pas de tous les chiffres, mais je peux vous dire, à titre d’exemple, que tous les téléphones mis en fonction en Seine-Saint-Denis ont été utilisés. Je ne manquerai pas de tenir votre délégation informée des résultats de la généralisation du dispositif, qui pourra intervenir dès que la CNIL aura rendu un avis favorable. Je précise que ce dispositif, testé et évalué bien avant 2014, a fait ses preuves et mérite aujourd’hui d’être étendu à l’ensemble du territoire.

Pour ce qui est de la Conférence climat Paris 2015, nous avons bien l’intention de participer activement à cet événement, car les femmes sont souvent les plus durement touchées par les catastrophes climatiques. Nous travaillons actuellement à l’établissement du bilan et des perspectives jusqu’à 2017 des droits des femmes, et la question du climat fait partie des préconisations que nous formulons.

Sur le plan européen, j’ai eu à cœur, en répondant la semaine dernière à une question d’actualité, de montrer notre détermination à généraliser ce qu’il y a de meilleur – notamment en termes d’égalité professionnelle – en chaque État membre de l’Union européenne. Je me rendrai à Bruxelles la semaine prochaine afin d’évoquer cette question et de déterminer sur quels points nous pourrions progresser collectivement en vue d’une harmonisation au niveau communautaire.

M. Jacques Moignard. Ma question porte sur le plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Nous sommes confrontés depuis de nombreuses années au désespoir des femmes subissant des violences et ne disposant pas de solution d’hébergement. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué l’objectif consistant à créer 1 650 places d’hébergement d’urgence, mais je voudrais appeler votre attention sur la complexité de ce dispositif, découlant du fait qu’il repose généralement sur le regroupement d’établissements, ce qui est source de complications administratives. Je me demande s’il ne serait pas possible de s’appuyer sur les centres communaux d’action sociale (CCAS) en vue de créer de petites unités d’hébergement au sein de chaque localité. Outre que l’accueil des femmes maltraitées y gagnerait en humanité, un tel dispositif présenterait l’avantage de permettre à ces femmes de disposer rapidement et à tout moment – même le soir ou le week-end – d’un hébergement, et de les éloigner durant quelque temps de la source de danger qui les menace.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je rappelle que la loi d’août 2014 a mis en place un dispositif inversant la situation qui prévalait jusqu’alors, en permettant à une femme maltraitée de continuer à occuper avec ses enfants le logement où elle vivait précédemment – que le conjoint violent est, lui, obligé de quitter. Cela dit, il arrive également qu’une femme victime de violences préfère quitter son domicile pour aller se mettre à l’abri en un autre lieu dont son conjoint ignorera l’adresse.

Pour ce qui est de la piste évoquée par Jacques Moignard, il me semble que les préfets disposent d’un droit de préemption sur quelques logements confiés à la gestion des offices d’habitations à loyer modéré (HLM), qu’ils peuvent mettre à disposition des services compétents en matière d’hébergement d’urgence.

Mme Laurence Arribagé. J’ai eu l’occasion de rencontrer la fondatrice de Life is rose, une association ayant vocation à lutter contre la précarité sociale engendrée par le cancer. Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes seules sont confrontées à de grandes difficultés pour obtenir un crédit bancaire après avoir été gravement malades. Madame la secrétaire d’État, existe-t-il des solutions afin de venir en aide à ces femmes ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il est vrai que le fait d’avoir été gravement malade entraîne des phénomènes de discrimination qui, s’ils touchent aussi bien les femmes que les hommes, sont souvent plus lourds de conséquences pour les femmes, en particulier les femmes seules. C’est pourquoi plusieurs associations, dont celle que vous avez citée, militent en faveur du droit à l’oubli.

Mme la secrétaire d’État. Les femmes victimes de violences peuvent bénéficier de différents types d’hébergement. La mise à l’abri, qui relève de l’urgence, peut durer plus ou moins longtemps en fonction des cas. Comme je le disais, nous avons créé 598 places sur les 1 650 constituant l’objectif présidentiel, soit un tiers. Nous allons accélérer le rythme de création de ces places d’ici à 2017, en faisant en sorte qu’elles se trouvent de préférence au sein de structures destinées aux femmes. Depuis un mois, Sylvia Pinel et moi-même nous efforçons de trouver, en lien avec les services préfectoraux, les associations, les bailleurs sociaux ou privés, des solutions visant à détecter les possibilités de créer de nouvelles places – qu’il s’agisse de l’hébergement d’urgence ou de solutions plus pérennes – au sein de structures très diverses. Ces solutions sont aussi variées que les situations auxquelles elles répondent : certaines femmes ont besoin d’un accompagnement dans la durée au sein de structures spécialisées ; d’autres, grâce à la loi du 4 août 2014, ont pu conserver le logement familial ; d’autres enfin, qui exercent un emploi, disposent d’une autonomie financière leur permettant d’accéder à un logement ne relevant pas forcément du parc social.

Pour ce qui est de la problématique de la maladie et du crédit, il est exact que toutes les banques se renseignent sur les antécédents médicaux des personnes demandant à bénéficier d’un crédit. Si nous avons réussi à mener un dialogue avec les établissements bancaires au sujet de la création d’entreprises, la discussion n’a pas encore été engagée sur la question du droit à l’oubli ; cela doit constituer l’un de nos objectifs, afin de faire en sorte que les femmes ayant été malades – en particulier les femmes seules – ne se trouvent pas exclues de la possibilité de construire des projets personnels, car de telles situations constitueraient de graves restrictions à leur indépendance et leur liberté, donc à des valeurs fondamentales auxquelles le Gouvernement est très attaché.

Mme la présidente Catherine Coutelle. J’en viens à la parité, un sujet auquel notre délégation est très attachée, ce qui nous conduit à présenter des amendements sur ce thème dans le cadre de nombreux textes législatifs. Si la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), entrée en vigueur début 2010, a modifié l’organisation des délégations aux droits des femmes, force est de constater que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), que nous avons examiné de près, ne prévoit pas grand-chose en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Certes, comme nous l’a expliqué Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, cette loi n’a pas vocation à définir les compétences des régions, mais je crains tout de même que ce thème ne finisse par se trouver un peu oublié. Nous allons faire en sorte de rappeler l’importance des politiques d’égalité, y compris au niveau des collectivités locales, et votre soutien à cette démarche sera le bienvenu, madame la secrétaire d’État.

J’ai été très attentive à ce que vous avez dit au sujet de la loi du 4 août 2014 et de ses décrets d’application mais, comme nous l’avons dit à Marisol Touraine la semaine dernière, nous nous étonnons de constater que le collège de la Haute Autorité de santé (HAS) est composé de huit hommes – alors même que des nominations ont été effectuées récemment –, ce qui est loin de constituer un modèle en matière de parité. Si j’ai bien compris, soit chaque ministère concerné par la loi de 2014 rédige ses propres décrets sous votre contrôle, soit vous rédigez le décret à votre niveau avant de le soumettre à validation. En tout état de cause, existe-t-il des freins à certains décrets d’application ?

Mme la secrétaire d’État. Nous avons bien avancé en matière de parité, puisque les élections législatives sont désormais – exception faite de l’élection présidentielle – les dernières à prévoir un scrutin uninominal. La loi du 4 août 2014 a renforcé les sanctions en la matière, et il appartient maintenant aux partis politiques de prendre leurs responsabilités, sous la pression de plus en plus grande de la société, qui souhaite une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les institutions publiques. Je rappelle au passage que le Gouvernement est composé selon une parité stricte, ce qui répond à une volonté politique. Au niveau des départements, un changement est en train de se produire, puisque les femmes, qui ne représentaient jusqu’à présent que 12,5 % des conseillers généraux, seront à parité à partir des prochaines élections départementales – les candidats devront en effet se présenter en binômes composés chacun d’une femme et d’un homme.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il restera à voir à quoi vont ressembler les exécutifs.

Mme la secrétaire d’État. En tout état de cause, à partir du moment où une femme est élue, c’est que l’on considère qu’elle est capable de prendre n’importe quelles responsabilités au sein d’un exécutif.

Pour ce qui est des compétences des collectivités territoriales, nous veillons à faire valoir, dans le cadre des discussions en cours, la nécessité d’une meilleure visibilité des compétences relatives aux droits des femmes. À l’heure actuelle, le même sujet peut être porté par différentes collectivités, ce qui ne donne pas l’impression d’une grande clarté : il nous semble qu’il vaudrait mieux confier partout la même compétence à la même collectivité.

En ce qui concerne les nominations, il ne serait pas justifié de dire que rien n’a été fait, mais il est vrai que toutes les administrations ne sont pas forcément exemplaires, tant s’en faut : certaines ont bien progressé tandis que d’autres ont pris du retard.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous voulons des noms !

Mme la secrétaire d’État. Si de nombreuses femmes sont enseignantes, elles sont bien peu, en revanche, à occuper des postes à responsabilités au sein de l’éducation nationale – mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres : bien d’autres administrations pourraient faire mieux, et nous nous y employons. Je veux tout de même saluer les efforts accomplis par le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense, qui font partie de ceux qui permettent de dire que les choses progressent.

Pour ce qui est des ordres professionnels, les discussions auxquelles nous participons actuellement sont très fructueuses, certaines professions envisageant de changer leur mode de scrutin afin de faire évoluer le nombre de femmes aux postes à responsabilités, et nous travaillons à surmonter les difficultés subsistant en la matière.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le procès en cours au tribunal correctionnel de Lille a mis sur le devant de la scène ce qu’est la réalité de la prostitution en France, avec les témoignages de plusieurs prostituées justifiant la lutte que nous menons – je pense notamment à la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel que nous avons fait passer à l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, le Sénat a inscrit à l’ordre du jour cette proposition de loi, qui sera discutée en séance publique les 30 et 31 mars prochain ; je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d’avoir tenu votre promesse de faire inscrire ce texte à l’ordre du jour au cours du premier semestre 2015.

Il avait été prévu un fonds d’intervention pour la lutte contre la prostitution, destiné à aider les personnes prostituées à abandonner cette activité, et partiellement financé par le produit des biens confisqués aux mafias et aux réseaux. Qu’en est-il de ce fonds, dont les ressources, gérées par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), ont fortement augmenté l’année dernière ?

Mme Monique Orphé. Je tenais à être présente pour évoquer la situation de l’outre-mer, où l’objectif de l’égalité entre les femmes et les hommes est bien loin d’être atteint. Il faut dire que nos territoires connaissent tant de problèmes, notamment celui d’un taux de chômage très élevé, que la problématique de l’égalité hommes-femmes en matière d’accès à l’emploi se trouve reléguée au second plan. Cela dit, nous assistons tout de même à des avancées dans certains domaines.

En tant que rapporteure sur le projet de loi relatif à la santé pour la Délégation aux outre-mer, j’ai eu l’occasion de dire à Mme Marisol Touraine que les outre-mer manquent cruellement de données pour résoudre les problématiques qui leur sont propres. Ainsi, alors que la mortalité infantile présente dans les outre-mer un taux double de celui de la métropole, nous ne disposons pas de données sur les causes de ce phénomène – et il en est de même pour d’autres problèmes, notamment celui des grossesses précoces. J’ai été contactée par l’Institut national d’études démographiques (INED) au sujet du financement de la prochaine enquête VIRAGE, mais je ne sais pas si un financement est effectivement prévu pour les départements d’outre-mer : pouvez-vous me renseigner sur ce point ?

Alors que La Réunion fait partie des vingt départements expérimentant le dispositif de la garantie contre les impayés de pension alimentaire (GIPA), instauré par la loi d’août 2014, on n’entend jamais parler de cette mesure. Des actions de communication ont-elles été entreprises, et avez-vous établi des contacts avec la CAF afin de déterminer les conditions dans lesquelles cette mesure pourrait être appliquée sur notre territoire ?

Si j’ai cru comprendre que le téléphone grand danger était désormais une réalité dans les départements métropolitains, ce n’est pas du tout le cas dans les outre-mer, où sa mise en place nous avait été annoncée pour la mi-2015 : ce calendrier est-il toujours d’actualité ?

Enfin, on parle beaucoup de l’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences. Ces femmes subissent une double peine : victimes de violences, elles sont en plus obligées de quitter le domicile familial. Je me demande donc si l’on ne pourrait pas envisager l’inverse de ce qui se fait actuellement : au lieu de créer des places en hébergement d’urgence pour les femmes, ne pourrait-on le faire pour les hommes auteurs de violences ? C’est une idée que je défends depuis un certain temps, et sur laquelle j’aimerais connaître la position de la délégation et de Mme la secrétaire d’État.

Mme la secrétaire d’État. Nous avons cosigné un courrier avec Mme George Pau-Langevin concernant le lancement de l’enquête VIRAGE, qui doit nous permettre de disposer de données précises et actualisées sur les phénomènes de violence et leurs causes, en métropole comme dans les outre-mer – ceci afin d’adapter nos politiques publiques et de répondre efficacement à cette problématique.

C’est Mme Laurence Rossignol qui est chargée de la mise en œuvre de l’expérimentation de la garantie contre les impayés de pension alimentaire (GIPA) lancée en octobre dernier et à laquelle je suis associée, puisque ce dispositif s’adresse très majoritairement aux femmes. Des contacts avec les CAF sont effectivement prévus dans le cadre de ces expérimentations, et un comité de pilotage associant l’ensemble des acteurs concernés – notamment les CAF et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – a été mis en place afin de faire remonter les informations après trois mois d’expérimentation.

Pour ce qui est des téléphones grand danger, la phase d’expérimentation s’est achevée au 31 décembre 2014 et, si les téléphones sont prêts à être envoyés aux procureurs qui en feront la demande, la généralisation de la mesure n’est pas encore effective en raison du fait que la CNIL ne nous a pas encore fait part de son avis. Le ministère de la justice suit les choses de près, et nous espérons obtenir rapidement l’avis que nous attendons.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En quoi le dispositif du téléphone grand danger pourrait-il constituer une atteinte aux libertés individuelles ou aux données personnelles ?

Mme la secrétaire d’État. Je vous invite à poser cette question au ministère de la justice, car personnellement je n’en connais pas la réponse. En tout état de cause, on nous promet que le téléphone grand danger devrait pouvoir être généralisé début mars – ce dont je me félicite, car ce dispositif peut sauver des vies.

Pour ce qui est de votre proposition, madame Orphé, on peut certes tout expérimenter, mais je vous rappelle que la loi du 4 août donne aux femmes le droit de conserver le domicile conjugal. Ce n’est naturellement qu’un droit, car certaines femmes préféreront s’éloigner d’un lieu où elles ont subi des violences – c’est pourquoi nous travaillons à la fois sur l’hébergement d’urgence et sur d’autres solutions, de nature à permettre aux femmes sorties de l’urgence de se reconstruire et de reprendre leur indépendance et leur liberté. Des stages de responsabilisation destinés aux hommes auteurs de violences, ayant pour objet de les accompagner et de faire en sorte qu’ils ne recommencent pas, sont testés par certaines associations.

Comme le Gouvernement s’y était engagé, nous avons obtenu, lors de la dernière conférence des présidents du Sénat, que la proposition de loi relative à la prostitution soit inscrite à l’ordre du jour les 30 et 31 mars prochain, ce qui va permettre au débat démocratique de continuer après le vote du texte en première lecture à l’Assemblée. Les objectifs essentiels de cette proposition de loi sont de lutter contre le proxénétisme et la traite humaine, d’accompagner socialement et sur le plan sanitaire les personnes prostituées, de sensibiliser la société sur la réalité de la prostitution, de prévenir la violence et de responsabiliser les clients. La commission spéciale du Sénat a modifié le texte voté en première lecture à l’Assemblée, et le débat qui aura lieu fin mars constituera une nouvelle occasion d’évoquer un sujet qui se trouve en ce moment sous les feux de l’actualité – et, sans doute, de remettre en cause l’idée invoquée par certains selon laquelle le fait de se prostituer constitue l’exercice d’une liberté.

Pour ce qui est des moyens alloués à la lutte contre la traite humaine, le programme 137 du projet de loi de finances pour 2015, consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes, prévoit une contribution importante destinée à permettre que des acteurs de terrain travaillent aux côtés des personnes prostituées, en grande majorité victimes de réseaux – souvent internationaux –, se trouvant en grande précarité et ayant besoin d’être protégées.

M. Jacques Moignard. Ces personnes sont souvent sans papiers.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et endettées.

Mme la secrétaire d’État. C’est exact, et certaines, quasiment réduites à l’esclavage, sont menacées à la fois en France et dans leur pays d’origine. J’ai missionné la MIPROF afin qu’il soit procédé à l’évaluation de tous les dispositifs publics relatifs à la question de l’aide aux personnes prostituées. Actuellement, avec l’ensemble des ministères concernés, mais aussi quelques opérateurs tels que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), on en arrive à une mobilisation de plus de huit millions d’euros – mais nul doute qu’une fois la loi votée, les besoins financiers de l’action menée dans ce domaine vont augmenter.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Même si l’on ne fait pas spontanément le lien entre les droits des femmes et la question du changement climatique, c’est une question extrêmement importante, qui justifierait à mon sens que l’on organise un événement en parallèle de Paris Climat 2015.

Mme la secrétaire d’État. Je vous remercie pour votre invitation et les échanges qu’elle a permis. À quelques jours du 8 mars, journée internationale de la femme, je veux dire que nous avons à cœur de faire vivre cette journée tous les jours, sur tous les territoires, et pour toutes les femmes, quel que soit leur rôle au sein de la société. La célébration de cette journée va nous donner l’occasion d’illustrer notre volonté d’être aux côtés de toutes les femmes qui font la France.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans ma circonscription, je mettrai à l’honneur les femmes et l’armée – en effet, la mission d’information sur la formation des militaires, à laquelle j’ai participé, vient d’achever ses travaux, qui m’ont donné l’occasion de me pencher sur la question de la formation des femmes et, plus largement sur celle des femmes et de l’armée.

Au nom de notre délégation, je vous remercie, madame la secrétaire d’État, pour votre disponibilité et pour les réponses précises que vous avez apportées à nos nombreuses questions. Comme nous le savons, la problématique de l’égalité femmes-hommes doit être explorée dans toutes ses approches – pas seulement celle des violences, mais aussi celle des enjeux économiques, de l’égalité professionnelle, et du climat – et c’est ce que nous avons fait aujourd’hui. La France a récemment pris la décision de passer des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) aux Objectifs du développement durable et, en vue des négociations qui auront lieu prochainement, elle se doit d’être exemplaire – et, pour cela, se doter des budgets nécessaires.

En conclusion, je voudrais simplement regretter que nous progressions si peu en matière de gender budgeting – les budgets genrés, qui permettent de traduire concrètement nos intentions.

Mme la secrétaire d’État. Sur cette question aussi, nous avançons.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je m’en félicite, madame la secrétaire d’État.

Audition de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, sur l’action de la France en matière de droits des femmes à l’international

Compte rendu de la réunion, conjointe avec la commission des Affaires étrangères, du mercredi 4 mars 2015

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir, pour la deuxième fois cette semaine, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le ministre, merci de votre disponibilité. Cette réunion conjointe avec la Délégation aux droits des femmes est consacrée à l'action de la France en matière de droits des femmes au plan international.

Je rappelle que nous sommes à quelques jours de la 59e session de la Commission de la condition de la femme (CSW) des Nations unies, qui doit se tenir à New York du 9 au 20 mars 2015. Cette « CSW59 » devrait être centrée sur les progrès et les défis restant à relever, vingt ans après l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Pékin, qui constituent le cadre de référence en matière de lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes à l'échelle internationale.

L’année 2015 devrait ainsi être l'année de « Pékin+20 », mais aussi celle du Sommet spécial de l'Organisation des Nations unies (ONU) sur le développement durable, prévu pour le mois de septembre prochain. La définition de l'agenda « post-2015 » pour le développement présente des enjeux majeurs en ce qui concerne les femmes : renforcer la lutte contre les violences à leur égard, assurer un égal accès aux ressources et aux opportunités économiques, garantir la participation aux processus de décision, mais aussi les droits sexuels et reproductifs, que nous défendons au plan international.

Sur tous ces sujets, comme sur celui des femmes dans les conflits armés, la France est attendue. Nous le constatons dans nos déplacements : il est demandé à la France de faire passer le message de l'universalité des droits. Nous devons continuer à défendre ce message contre un relativisme qui justifie toutes les régressions et tous les immobilismes. Cela implique d'être exemplaires chez nous – ce qui n’est pas toujours le cas. Nous sommes aussi attendus pour le soutien concret que nous pouvons apporter aux femmes qui se mobilisent elles-mêmes pour leurs droits, dans leur propre pays. Je pense à cet instant aux femmes en Tunisie, dont la mobilisation a permis l’élaboration d’une nouvelle Constitution.

Monsieur le ministre, nous serons très attentifs à ce que vous pourrez nous dire sur ce que vous attendez des grandes échéances de 2015, ainsi que sur les priorités de l'action de notre pays.

Je saisis cette occasion pour vous informer que j’organise un séminaire sur les femmes et les conflits, qui se tiendra à l’Assemblée le vendredi 13 mars, à 15 heures, en partenariat avec l'ambassade de Suède et la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Ce séminaire débattra de deux sujets : les femmes cibles et victimes des conflits armés ; le rôle des femmes dans la résolution des conflits.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le ministre, c’est la première fois qu’un ministre des affaires étrangères répond à l’invitation de la Délégation aux droits des femmes ; je tiens à vous en remercier. Nous sommes très heureux de vous recevoir à la veille de la Journée internationale pour les droits des femmes, qui se tiendra le 8 mars.

Demain, je participerai à Bruxelles à la réunion interparlementaire organisée au Parlement européen sur « l’autonomisation des femmes et des filles par l’éducation ». À partir du lundi 9 mars, je serai à New York pour assister à la session annuelle de la Commission de la condition de la femme des Nations unies.

Monsieur le ministre, votre ministère a fixé une stratégie « Genre et développement 2013-2017 » comme axe prioritaire de la politique française d’aide au développement. Cette stratégie propose une « boussole de l’égalité » pour fixer des objectifs précis à toutes les interventions de la France, qu’elles soient bilatérales ou multilatérales : lutte contre la pauvreté, réduction des discriminations de genre, prise en compte des jeunes filles et des femmes comme levier du changement à travers l’éducation et l’entreprenariat, autonomisation et prise de pouvoir des femmes dans les lieux de décision.

À mi-chemin de cette stratégie, pouvez-vous nous dresser un premier bilan des interventions de la France au travers des politiques de coopération et de développement en termes d’égalité des droits des femmes ?

L’année 2015 sera marquée par de grands rendez-vous internationaux en termes de droits des femmes. À l’ONU d’abord, où la France est entendue et attendue. Pour m’y être rendue à plusieurs reprises, je peux vous dire que les associations, les représentants de la société civile et les parlementaires considèrent notre pays comme un grand soutien pour promouvoir des textes en faveur de l’égalité hommes-femmes.

Vingt ans après les conférences du Caire et de Pékin, qui furent des conférences fondatrices pour les droits des femmes, il semble qu’il ne soit plus possible de réunir une majorité de pays pour signer des programmes d’action en ce sens. Je crois même que l’on peut parler de régressions au plan international. Les conférences du Caire et de Pékin avaient reconnu pour la première fois le droit des femmes à disposer de leur corps, leurs droits sexuels et reproductifs : nous devons continuer à utiliser ces termes. En effet, 200 millions de femmes dans le monde n’ont toujours pas accès à la contraception, 500 000 meurent chaque année pendant la grossesse ou l’accouchement, sans parler des mariages forcés, des mutilations génitales, mais aussi de la traite des êtres humains qui frappe les femmes à 80 %.

Un rapport du Sénat sur les violences sexuelles faites aux femmes lors des conflits armés montre que les viols sont utilisés comme armes de guerre et que les femmes en sont les premières victimes. Pour faire cesser cette situation dramatique, il est impératif que les femmes soient associées à la résolution des conflits.

Le bilan des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), prévu également cette année, devra fixer les objectifs de l’après-2015. De l’avis unanime, les objectifs 3 à 5 sont ceux pour lesquels les résultats sont les plus faibles concernant les femmes, à tel point que la France a proposé au G8 de Muskoka, au Canada, une enveloppe supplémentaire pour améliorer la situation.

Quel bilan tirez-vous de ces initiatives en termes de santé des femmes, monsieur le ministre ? Comment la France se positionne-t-elle pour négocier l’après-2015, afin que la deuxième phase des objectifs pour le développement permette de combler le regard pris, mais aussi d’améliorer la situation des femmes ?

Enfin, la dimension « genre » a été intégrée tardivement dans les négociations sur le climat. Lors de la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP20) de Lima en décembre 2014, un atelier avait présenté le leadership des femmes sur l’action climatique et une réunion avait été organisée sur le genre et le changement climatique, travaux qui ont permis l’adoption d’un programme de Lima sur le genre, qui alimentera les travaux de la COP21 que vous allez présider. S’il préfigure une approche transversale, ce programme reste timide du fait d’une minorité de pays œuvrant pour l’« égalité des genres », expression qui tend à être remplacée celle d’« équilibre de genre », moins contraignante, un pays ayant même tenté de proposer le terme de « complémentarité ».

Les pays les plus en pointe sur la question de l’égalité, les sociétés civiles et les ONG travaillent sur l’autonomisation des femmes afin de prolonger la dynamique des négociations en vue de la COP21 qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Dans le cadre de cette manifestation, un espace dédié à la société civile accueillera les représentants des ONG et des associations pour mettre en valeur les solutions qu’elles proposent.

J’ai entendu hier que trois conférences, dont l’une à Marseille et une autre à Lyon, se tiendraient en marge de la COP. Peut-on imaginer un lieu où les ONG puissent mettre en valeur le thème « femmes et climat » ? En effet, le rapport de Nicole Kiil-Nielsen sur les femmes et le changement climatique, adopté par le Parlement européen en 2012, met en évidence que les femmes sont les premières victimes du bouleversement climatique, dans la mesure où 70 % des personnes pauvres subsistant avec moins d’un dollar par jour sont des femmes et que 85 % des personnes qui meurent des conséquences d’une catastrophe naturelle d’origine climatique sont des femmes – ce fut le cas au Bangladesh en 1991.

Monsieur le ministre, l’accès à la contraception, et donc la maîtrise par les femmes de leur fécondité, en facilitant la carrière et la vie familiale des femmes et la scolarisation des filles, est un enjeu du changement climatique. Comment mieux intégrer la commission « genre » dans le cadre de la COP21, notamment au travers de l’action de Ségolène Royal, en charge de l’animation ONG et vie civile ? Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) est lui-même très attentif à ce sujet du changement climatique et des femmes dans le monde.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Le Président de l’Assemblée et la Fondation Anna-Lindh organiseront, à la mi-octobre, une rencontre entre des parlementaires de l’Union pour la Méditerranée et des représentants de la société civile, qui sera l’occasion d’aborder le sujet « femmes et climat ».

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la présidente de la Commission des affaires étrangères, madame la présidente de la Délégation aux droits des femmes, mesdames et messieurs les députés, parmi les valeurs universelles qui doivent conduire l’engagement de la France dans le monde, l'égalité entre les femmes et les hommes constitue, plus que jamais dans le contexte actuel, un impératif et un marqueur de notre action internationale.

La défense des droits des femmes reste aujourd'hui encore un combat, comme l'actualité nous le rappelle tragiquement. Les atrocités commises par les égorgeurs de DAECH et leurs cousins de Boko Haram frappent tout particulièrement les femmes. De nombreux chiffres témoignent du chemin qui reste à parcourir. Les femmes représentent environ 80 % des victimes de la traite des êtres humains. Plus de 120 millions de filles et de femmes dans le monde ont subi une mutilation sexuelle féminine, et ce sont près de 3 millions de filles âgées de moins de cinq ans qui risquent chaque année d'être mutilées. Tous les ans, environ 20 millions d'interruptions volontaires de grossesse sont réalisées dans des conditions non sécurisées, et causent 50 000 décès de femmes, qui laissent souvent derrière elles des enfants orphelins.

Dans le cadre multilatéral, les droits des femmes ont pourtant connu au cours des dernières décennies des progrès considérables, avec l'adoption de textes majeurs, comme la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et les programmes d'action issus des conférences du Caire en 1994 et de Pékin en 1995. Alors que nous célébrons cette année les vingt ans de la conférence de Pékin, qui a été fondamentale pour les droits des femmes, force est de constater que les engagements pris n'ont pas la force de l'évidence. Non seulement ils sont trop souvent ignorés, mais ils sont remis en question dans les enceintes multilatérales, sous l'influence de courants conservateurs ou réactionnaires, d’extrémismes de toutes sortes, ainsi que d'un certain relativisme culturel. Or, en matière de droits de l'Homme, un tel contexte aboutit à la régression.

Le combat pour les droits des femmes est donc un combat universel et permanent, et la France le rappellera avec force lors des échéances internationales cette année.

Notre diplomatie en faveur des droits des femmes se décline principalement autour de deux priorités : d'une part, la lutte contre les violences faites aux femmes, et, d'autre part, la promotion de la participation effective des femmes dans la vie politique et économique, y compris au plus haut niveau. L’objectif est simple : il s’agit de faire en sorte que l'égalité entre les femmes et les hommes ne soit plus seulement un principe inscrit dans les textes, mais qu’elle devienne une réalité concrète.

La première des priorités de notre action extérieure, donc, c'est de lutter contre les violences faites aux femmes et contre l'impunité de leurs auteurs.

Les violences sexuelles lors des conflits sont une arme aussi vieille que l'histoire de la guerre. Mais, depuis ces dernières années, les femmes et les filles sont l’objet d’exactions revendiquées par des groupes armés. J'évoquais à l'instant la barbarie de DAECH, qui élimine systématiquement les femmes exerçant des responsabilités, qui viole et réduit en esclavage des milliers de femmes, vendues comme des marchandises sexuelles ou utilisées comme boucliers humains. Je pense bien sûr aussi à Boko Haram, qui ne recule devant aucune exaction, utilisant même des petites filles pour commettre des attentats suicides.

Les violences faites aux femmes ne se limitent pas aux situations de conflits. C’est pourquoi la France est mobilisée dans les enceintes internationales pour lutter contre toutes les formes de violences à l’égard des femmes : violences sexuelles pendant les conflits, mais aussi violences de genre à l'école, mutilations sexuelles féminines, exploitation sexuelle et travail forcé, violences domestiques... Nous avons aussi renforcé nos efforts pour lutter contre l'impunité des auteurs de ces violences.

À l'Assemblée générale des Nations unies, la France porte avec les Pays-Bas, tous les deux ans, une résolution sur l'élimination des violences envers les femmes. Le texte, adopté en novembre dernier, est centré sur la lutte contre l'impunité et a reçu le soutien de 112 États membres. Il contribue à renforcer la prise de conscience progressive de la communauté internationale sur ce sujet majeur. Notre pays a par ailleurs soutenu les toutes premières résolutions des Nations Unies condamnant et luttant contre les mutilations génitales féminines et les mariages forcés.

Le Conseil de sécurité s'est aussi saisi de la question des violences sexuelles dans les conflits, à l'initiative notamment de la France. Il a brisé le silence qui pesait sur ces crimes et a fait des violences sexuelles une question de paix et de sécurité internationale. La France a joué un rôle moteur pour l'adoption des résolutions 1325 et suivantes dites « Femmes, paix et sécurité », qui protègent les femmes dans les conflits et demandent que les femmes soient associées au maintien de la paix et à la sortie de crise. Une revue mondiale de la mise en œuvre de ces résolutions aura lieu en octobre prochain ; nous entendons y contribuer activement.

La France veille à ce que les dispositions de ces résolutions soient bien prises en compte au Conseil de sécurité lors de la création et du renouvellement des opérations de maintien de la paix, comme c'est le cas pour la République démocratique du Congo, le Mali, la République centrafricaine (RCA) ou encore la Côte d'Ivoire. Nous mettons l'accent sur la lutte contre l'impunité à l'égard des violences sexuelles, et faisons en sorte que la Cour pénale internationale (CPI) puisse jouer tout son rôle, lorsque les États sont défaillants. Nous apportons en outre un soutien politique et financier à ONU Femmes, organisation avec laquelle nous avons renforcé notre partenariat en 2012, ainsi qu'au bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les violences sexuelles dans les conflits.

Nous avons aussi adopté, dès 2010, un plan national d'action pour mettre en œuvre les résolutions « Femmes, paix et sécurité ». J'ai le plaisir de vous annoncer que le deuxième plan d'action de la France, élaboré avec tous les ministères concernés et après consultation de la société civile, vient d'être adopté pour la période 2015-2018 et sera prochainement publié sur le site du ministère des affaires étrangères et du développement international. La mise en œuvre de ce plan fera l'objet d'un rapport final, qui sera présenté au Parlement.

Par ailleurs, la France soutient les progrès du droit international dans la lutte contre la traite des êtres humains, en travaillant à l'universalisation croissante et à la mise en œuvre effective des Conventions de Palerme et du Conseil de l'Europe. La majorité des femmes victimes de la traite sont exploitées sexuellement ou par du travail forcé. Dans le cadre du « plan national de lutte contre la traite des êtres humains » adopté en 2013, la France finance des actions dans les zones sources de la traite vers la France, dans le Golfe de Guinée notamment, mais aussi en Europe de l'Est et dans les Balkans.

La France agit aussi au plan européen. Elle a été l'un des promoteurs les plus actifs de la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, que nous avons ratifiée le 4 juillet 2014. Il s'agit du premier texte international juridiquement contraignant incluant des dispositions de nature à combattre le phénomène des crimes prétendument commis au nom de l'honneur. Nous avons été parmi les premiers pays à ratifier cette convention et nous militons pour que davantage d'États puissent y adhérer.

Enfin, au titre de ses activités humanitaires et d'aide au développement, la France est particulièrement mobilisée en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes, par exemple pour venir en aide aux réfugiées syriennes, soutenir les actions des défenseures des droits, lutter contre les violences de genre en milieu scolaire en Afrique de l'Ouest, soutenir et accompagner les victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo. Nous avons également, en partenariat avec ONU Femmes, soutenu des programmes de lutte contre les violences faites aux femmes pour l'Algérie, le Maroc, la Jordanie, le Mali, le Niger et le Cameroun.

Cette action au plan international, peu connue, voire totalement méconnue, est très importante pour la France, un des premiers pays à soutenir le combat en faveur des femmes.

J'en viens donc à la deuxième priorité de notre action : la défense de l'autonomie des femmes tout au long de leur vie et de leur participation à tous les niveaux de responsabilité.

L'égalité hommes-femmes, l'autonomisation des femmes et la promotion de leur rôle dans la société doivent se décliner de manière très concrète, en termes de développement, de santé et de droits. C'est le sens de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, à laquelle nous sommes partie. C'est sur l'ensemble de ces aspects que la France est mobilisée.

La France soutient la participation des femmes à la résolution des conflits et à la sortie de crises. Il s'agit d'un axe central de notre action en faveur de la mise en œuvre de l'agenda « Femmes, paix et sécurité », au Conseil de sécurité, au sein de l'Union européenne, et au plan national. Dans ce cadre, nous avons engagé des programmes de coopération pour l'autonomisation politique et économique des femmes en Afrique et dans le monde arabe, en partenariat avec ONU Femmes.

Au-delà des situations de conflits et post-conflits, des progrès ont été accomplis pour renforcer l'autonomie des femmes dans tous les secteurs de la société. Mais beaucoup reste à accomplir : les inégalités perdurent en matière politique, économique et sociale, en dépit des textes proclamant l'égalité des droits. Nous devons donc poursuivre nos efforts dans ces domaines. La 59e session de la Commission de la condition de la femme qui s'ouvrira le 9 mars 2015 sera consacrée au bilan du programme d'action de la Conférence de Pékin. La France y sera représentée par Mme Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Nous souhaitons que cette réunion permette aux États de réaffirmer leur engagement à mettre concrètement en œuvre l'ensemble des douze domaines d'action identifiés à Pékin.

Je voudrais en particulier insister sur une condition essentielle de l'autonomisation des femmes pour la France. Il s'agit des droits sexuels et reproductifs. Les femmes paient encore très cher le prix de la liberté, notamment la liberté de maîtriser leur corps. En 2014, 220 millions de femmes étaient dépourvues d'accès à la contraception. Les droits sexuels et reproductifs sont les premières conditions de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Le dire n'est pas une ingérence dans des questions qui seraient culturelles ou religieuses, propres à chaque État. Garantir ces droits, c'est assurer un accès à des services adaptés et de qualité qui permettent enfin aux femmes de ne plus mourir en couche, de choisir le nombre de leurs enfants, d'accéder à l'éducation et au travail, de contribuer au développement et au progrès social de leur pays. C'est un enjeu stratégique, en particulier au Sahel.

Dans un pays comme le Niger, où je me suis rendu à plusieurs reprises, la croissance démographique est supérieure à 3 %, ce qui ruine toute perspective de croissance économique. . Cette situation doit nous faire réfléchir au rôle de l’Agence française de développement, car la question numéro un est la scolarisation des jeunes filles. C’est pourquoi j’ai demandé à Mme Paugam, directrice de l’AFD, d’insister sur cette dimension, faute de quoi nous ne pourrons que constater les ravages dans ces pays.

Nous devons donc continuer de plaider en faveur de nouvelles avancées dans le domaine des droits sexuels et reproductifs au plan multilatéral. C'est ce message que la France a porté à l'Assemblée générale des Nations unies lors du bilan de la Conférence sur la population et le développement du Caire, le 22 septembre 2014, et que nous continuerons de promouvoir. La France sera par ailleurs prochainement dotée d'un document d'orientation stratégique en matière de droits et de santé sexuelle et reproductive, afin de poursuivre notre action dans ce domaine, qui constitue un impératif politique majeur.

Par ailleurs, la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et de l'autonomisation des femmes est une priorité transversale de notre politique d'aide au développement. La France est particulièrement attentive au sort des femmes qui constituent près des deux tiers des personnes en situation de pauvreté dans le monde. Nous avons adopté en 2013 une stratégie spécifique genre et développement, qui fait de l'égalité entre les femmes et les hommes un impératif éthique et politique, un objectif de développement à part entière, et la garantie d'une aide à la fois plus juste et plus efficace. Dans les négociations sur les Objectifs du développement durable (ODD), la France est très mobilisée pour que l'égalité entre les femmes et les hommes soit pleinement intégrée dans l'agenda post-2015, qui sera adopté lors d'un sommet à New York en septembre prochain. La France soutient l'adoption d'un objectif spécifique dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la prise en compte de cette question dans l'ensemble des futurs objectifs du développement durable.

La France conduit dans ce cadre de multiples programmes de coopération, avec l'aide d'associations, des organisations internationales et des agences des Nations unies, telles que l'UNICEF, le Fonds des nations unies pour la population (FNUAP) et ONU Femmes, afin d'assurer aux femmes un accès universel à la santé, à l'éducation et à la sécurité, en un mot à leurs droits fondamentaux. Nous soutenons financièrement des associations de migrants, compte tenu du rôle important joué par les diasporas présentes en France dans la promotion de l'autonomie des femmes dans leur pays d'origine, notamment au Maroc, au Sénégal et au Mali. Nous promouvons également l'accession des femmes à des postes de responsabilité, au travers de programmes de coopération comme « Femmes d'avenir en Méditerranée » lancé fin 2014.

Nous avons aussi mobilisé nos partenaires, notamment francophones, en co-organisant avec l'Organisation internationale de la francophonie, en 2013 à Paris et en 2014 à Kinshasa, les deux premières éditions du Forum mondial des femmes francophones, dont les travaux sont suivis par le réseau francophone pour l'égalité femmes-hommes. La France a par ailleurs soutenu le choix du thème du Sommet de Dakar de novembre 2014, « Femmes et jeunes en Francophonie, vecteurs de paix, acteurs du développement ».

Je voudrais ajouter quelques mots sur les chantiers européens. Au sein même de l'Union européenne, les droits des femmes doivent continuer d'être un axe fort de notre politique sociale. Car tout n’est pas acquis. La France a notamment promu la lutte contre les discriminations et les violences contre les femmes. Nous avons ainsi soutenu l'adoption, le 21 juin dernier, des conclusions du Conseil demandant aux États membres et à la Commission de continuer à promouvoir la participation des femmes au marché du travail. Cette année, nous continuerons à soutenir les efforts des Présidences du Conseil et de la Commission européenne, notamment pour faire aboutir des textes sur deux sujets importants : la proposition de directive relative aux quotas de femmes dans les conseils d'administration, et les éventuelles propositions de la Commission pour mieux prendre en compte les besoins des parents et des familles dans une société en évolution.

Vous l’avez dit, la situation des femmes est également liée à la question climatique. Sur ce sujet, vous aurez prochainement le plaisir de lire une tribune de celui qui vous parle. Les femmes sont les premières victimes du dérèglement climatique, comme le montrent les chiffres, mais elles sont aussi les premiers acteurs de la lutte contre ce dérèglement. À ce titre, elles ont une place extrêmement importante, d’une part, comme participantes à la négociation internationale, d’autre part, comme sujet de cette négociation. En tant que futur président de la COP21, je ferai donc en sorte que les femmes soient au cœur de cette négociation. Je précise que si un grand nombre de manifestations sont organisées, l’information en la matière doit être systématique pour en permettre une traduction dans le cadre de cette grande manifestation.

Enfin, pour ce qui est de mon ministère, le nombre d’ambassadrices s’élevait à 23 en 2012, il atteint 44 aujourd’hui, soit un taux de féminisation qui a doublé, passant 11 % à 22 %. Ce taux est certes encore trop bas, mais l’une des raisons de cette insuffisance est qu’un décret prévoit que le ministre des affaires étrangères ne peut nommer ambassadeur ou ambassadrice une personne du ministère que si elle a exercé des fonctions d’encadrement. Ce texte a été pris, certes à juste titre, par nos prédécesseurs pour éviter les nominations de complaisance, c’est-à-dire des promotions extrêmement rapides de personnes passées par tel ou tel cabinet. Mais le problème aujourd’hui est que je ne peux pas nommer de jeunes fonctionnaires de valeur du Quai d’Orsay puisqu’elles n’ont pas encore exercé de fonctions d’encadrement. Je peux donc nommer soit des gens qui ne viennent pas du ministère, ce qui n’est pas forcément idéal, soit des personnes ayant exercé des fonctions d’encadrement ; j’ai pu nommer un certain nombre de femmes qui se trouvaient dans ce cas, et qui, bien entendu, étaient également très compétentes, mais je me suis heurté à la limite que je vous ai dite, et le problème se posera aussi pour mes successeurs.

Par ailleurs, nous venons de publier une étude sur les rémunérations qui montre qu’il n’existe pas d’écart entre les rémunérations des femmes et celles des hommes au sein du ministère des affaires étrangères.

J’ajoute que nous nous sommes dotés d’une « charte du temps », qui me semble être un excellent outil pour aménager la vie de nos collègues femmes. Ce texte sera adopté par le comité technique ministériel (CTM) au mois de mai.

Pour résumer, l’égalité des droits entre les femmes et les hommes est un marqueur de la politique extérieure de la France. Nous sommes attendus sur ces questions. L’année qui s’ouvre, marquée par d'importantes échéances, permettra de traduire les objectifs en actes. J’y serai particulièrement attentif dans le cadre des travaux sur le climat. Et concernant ma propre Maison, j’essaie de faire appliquer les principes que nous professons pour les autres.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Lors de la première conférence des ambassadeurs que vous avez réunis, monsieur le ministre, des femmes ont pointé le faible nombre d’ambassadrices ; pour ma part, j’avais constaté que certaines tribunes étaient exclusivement masculines, ce qui a été corrigé depuis. Je constate d’ailleurs avec plaisir que vous êtes accompagné aujourd’hui de collaboratrices, preuve que vous êtes attentif à la promotion des femmes au sein de votre ministère.

M. le ministre. Elles sont là, non pas uniquement parce qu’elles sont femmes, mais parce qu’elles sont compétentes.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. En tout cas, bravo d’avoir doublé la proportion de femmes ambassadrices.

Mme Françoise Imbert. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes, ratifée en juillet 2014 ; je n’y reviens donc pas.

Le 17 décembre dernier, s’est tenu à l’Assemblée nationale un atelier parlementaire sur la planification familiale en Afrique de l’Ouest francophone, piloté par le groupe d’études « genre et droits des femmes à l’international ». Cet atelier vise à promouvoir le dialogue entre délégués parlementaires et partenaires actifs en Afrique de l’Ouest francophone pour renforcer l’action des législateurs en matière de planification familiale. Trois mois plus tard, des avancées ont-elles été constatées ? Quelle suite donner à cet atelier ?

M. Meyer Habib. Monsieur le ministre, DAECH a publié un « guide de l’esclavage sexuel », selon lequel les femmes yézidies et chrétiennes, considérées comme infidèles, sont vendues selon une « grille tarifaire » établie par l’organisation terroriste. Pour les femmes âgées de vingt à trente ans, le prix est de soixante-huit euros, pour celles âgées de dix à vingt ans, le prix monte à cent euros, les fillettes elles-mêmes sont vendues deux cents euros ! Ces horreurs dépassent l’entendement ! À la fin du mois de février, la France a envoyé le porte-avions Charles-de-Gaulle en direction de l’Irak, et l’investissement militaire de notre pays est évident. Néanmoins, l’investissement humain de la France auprès des réfugiés, particulièrement des femmes, pourrait-il être amélioré et de quelle manière ?

Concernant l’Iran, on parle d’un deal sur le nucléaire iranien pour endiguer le développement des capacités nucléaires militaires de ce pays en échange de la levée des sanctions économiques. Cependant, la levée des sanctions ne pourrait-elle pas être conditionnée, aussi, à l’amélioration des droits de la Femme en Iran ? Si oui, par quels moyens ? Depuis l’arrivée du président Hassan Rohani au pouvoir, les exactions ont cessé de croître. Mais je rappelle le cas hautement symbolique de cette jeune Iranienne de vingt-six ans, Reyhaneh Jabbari, pendue en octobre 2014 pour avoir tué l’homme qui l’avait violée.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. J’ai signalé ce cas à la délégation iranienne que nous avons reçue.

Mme Chantal Guittet. Monsieur le ministre, je sais votre attachement à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dont un article porte sur les discriminations dans la sphère familiale. Or c’est sur cet article que les États signataires ont émis le plus de réserves, si bien que la sphère familiale reste un lieu privilégié de discrimination et de subordination de la femme.

Si l’on observe de moins en moins d’obstacles de principe dans la sphère publique, on se heurte toujours dans la sphère familiale au maintien des discriminations, au nom de la culture, de la tradition, de la religion. Les pays concernés reprochent souvent aux pays occidentaux de vouloir leur imposer des normes contraires à leur culture. Comment notre pays peut-il agir sur cette question si particulière ? Celle-ci a-t-elle été portée au sein du Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes, créé à l’ONU en 2010 à l’initiative de la France ?

M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, il est vrai que les femmes paient un lourd tribut aux conflits en raison des violences dont elles sont victimes. Vous avez évoqué les droits dont bénéficient les femmes en France et qui malheureusement n’existent pas dans nombre de pays.

Le 11 février dernier, une jeune étudiante turque de vingt ans a été violée et assassinée dans la province de Mersin, dans le sud du pays. Un article de presse écrivait : « Un vent de colère a soufflé sur les obsèques de la jeune victime, samedi 14 février à Mersin, quand les femmes de l’entourage de la victime, bravant l’interdiction de l’imam, ont porté sa dépouille au cimetière, une tâche traditionnellement réservée aux hommes. »

Le 3 décembre dernier, j’ai posé une question qui s’adressait à vous, monsieur le ministre, sur le sort d’une Pakistanaise, Asia Bibi, emprisonnée et condamnée à la pendaison pour blasphème pour avoir bu de l’eau dans un puits censé être interdit aux chrétiens. M. Fekl, secrétaire d’État chargé notamment des Français de l’étranger, m’a répondu que « le Pakistan a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il l’a ratifié en 2010. Il doit désormais l’appliquer et les libertés que j’ai évoquées en font pleinement partie ». Avez-vous des nouvelles d’Asia Bibi ?

Enfin, depuis un an, Mme Leyla Yunus, éminente défenseure des droits de l’Homme, et son mari sont emprisonnés en Azerbaïdjan pour avoir dénoncé l'arrestation d’un journaliste, Hilal Mammadov. Avez-vous des nouvelles d’eux, monsieur le ministre ?

Mme Seybah Dagoma. Monsieur le ministre, dans le cadre du second objectif de notre politique, à savoir la défense de l’autonomie des femmes à travers le monde, la microfinance est une arme efficace, car elle permet de lutter contre la misère et la faim, en particulier dans les zones rurales des pays en voie de développement, où les femmes peuvent ainsi retrouver leur dignité par le travail. Quelles actions le Gouvernement mène-t-il à l’échelle internationale pour promouvoir le microcrédit ?

Ensuite, vous avez souligné que le nombre d’ambassadrices a doublé depuis votre arrivée au ministère. Mais s’agissant des pays du G8, combien y a-t-il d’ambassadrices ?

M. Jacques Myard. Contrairement à ce que certains pourraient penser, car on veut toujours me faire passer pour un affreux jojo (Sourires), je suis totalement favorable à l’égalité entre les hommes et les femmes.

Monsieur le ministre, une augmentation de la population de 3 % par an, comme au Niger, signifie un doublement de la population tous les vingt-quatre ans, ce qui empêche tout développement économique. C’est pourquoi je m’étonne – mais cela n’est pas propre à votre ministère – que notre coopération ne prévoie aucun programme de maîtrise démographique, alors que les États-Unis le font. En France, ce sujet est tabou et l’on s’imagine que la scolarisation va finir par régler tous les problèmes. Or c’est une illusion ! Les Algériens ont fini par l’admettre, après ne pas avoir tenu compte des observations du PNUD en 1973-1974 sur le problème démographique de leur pays.

Lors d’une mission avec Yvette Roudy il y a quelques années, celle-ci m’avait demandé de venir à son secours dans le dialogue musclé qu’elle avait avec des femmes algériennes lui rétorquant : « Mêlez-vous de vos affaires, notre civilisation est particulière, nous avons une culture particulière. » C’est la preuve qu’une approche occidentale de ces civilisations mènera droit à l’échec. Je parle de personnes qui défendent l’égalité hommes-femmes – ce qui exclut DAECH, composé de gens qui sont en dehors de la civilisation.

Pour finir, je tiens à souligner que j’ai travaillé au ministère des affaires étrangères sous les ordres de femmes remarquables. Mais dire qu’il faut une femme parce qu’il faut une femme me révolte ! Ce qu’il faut, ce sont des gens de talent, c’est tout ! Et proclamer qu’on est passé de 11 % à 22 % d’ambassadrices, c’est mal servir la cause des femmes, qui vaut mieux que des quotas !

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Il ne s’agit pas de quotas, monsieur Myard, il s’agit de tendre vers la parité. Il faut bien commencer par quelque chose !

M. Sébastien Denaja. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, l’action de la France en matière de droits des femmes est méconnue, alors qu’elle honore notre action diplomatique.

Vous avez eu l’élégance de ne pas faire de comparaison avec les autres administrations en matière de nominations dans la haute fonction publique. À cet égard, je tiens à dire que votre ministère est exemplaire et mène une action remarquable – bien loin d’une politique de quotas, comme le prétend M. Myard.

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont je suis un des membres, a intégré dans ses travaux la question « femmes et climat ». Cela en fera un point d’appui supplémentaire à votre action, monsieur le ministre, à la présidence de la COP21.

À l’occasion de la Journée internationale contre les mutilations génitales féminines, j’ai organisé avec Mme Coutelle une réunion à l’Assemblée nationale sur l’excision. Phénomène mondial – y compris en France, où 50 000 à 60 000 femmes ont été victimes de cette mutilation sexuelle au cours de leur vie –, l’excision reste largement répandue au Mali et en Égypte, où le taux de prévalence avoisine les 95 %. Au-delà de l’action globale menée par votre ministère, monsieur le ministre, des leviers spécifiques pourraient-ils être actionnés à l’égard de ces deux pays dans le cadre d’une diplomatie bilatérale ?

M. Thierry Mariani. Cette réunion a commencé par un constat négatif de Mme la présidente de la Délégation aux droits des femmes. Or force est de reconnaître que les droits des femmes régressent dans les pays où l’islamisme radical progresse.

Au-delà de toutes les conférences et autres conventions, quels indicateurs permettent de suivre l’évolution des droits des femmes sur la planète ? Pensez-vous réellement que les choses, notamment dans le bassin méditerranéen, avancent dans le bon sens ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. À New York, on aboutit toujours à des textes dits « consensuels ». En la matière, ceux qui sont contre les avancées sont au nombre de trois : le Vatican, qui forme certains négociateurs, notamment des pays chrétiens d’Afrique qui sont en train de basculer vers le conservatisme ; et l’Arabie Saoudite. L’Asie n’est pas concernée, mais la Russie est sur des positions peu favorables. Je peux vous assurer que toutes les ONG, toutes les associations et tous les négociateurs nous citent l’action du Vatican !

Il existe une autre force très conservatrice, ce sont les Évangélistes américains, qui sont sur des positions très anti-avortement et anti-contraception. Avant l’élection d’Obama, les États-Unis acceptaient de soutenir les programmes égalité femmes-hommes, comme l’aide à la scolarisation des filles, mais pas le volet consacré à l’aide à la planification et à la contraception. La France soutient les programmes d’aide à la contraception et à la planification à travers l’action de l’AFD.

Je ne suis donc pas sûre que les forces réactionnaires soient dans un seul endroit, monsieur le député.

M. Thierry Mariani. Sans nier que les forces réactionnaires existent dans toutes les religions, pardonnez-moi de ne pas mettre au même niveau les Évangélistes américains et le Vatican, d’un côté, et les gens qui massacrent des femmes, de l’autre. Le vrai danger, ce sont les islamistes radicaux.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous parle de pays membres de l’ONU, et non de DAECH et de Boko Haram ! Les pays participant aux négociations et qui refusent les avancées sont l’Arabie Saoudite, l’Iran, Israël, mais aussi la Pologne, Malte et, dans une moindre mesure, l’Irlande et l’Espagne. En Europe, nous aurions beaucoup plus de force si nous parlions d’une seule voix !

M. Jacques Moignard. Monsieur le ministre, mesdames les présidentes, vous avez mis l’accent sur l’écart qui existe entre la parole et les actes.

Nous disposons en France d’une structure qui fonctionne très bien, le Planning familial, qui pourrait être reproduit dans d’autres pays. Notre efficacité sur le terrain pourrait donc commencer par cet outil, qui a l’avantage d’associer les acteurs locaux, comme le font des ONG dans certains pays.

M. le ministre. Merci de toutes ces questions, qui montrent la complexité du sujet.

Madame Imbert, monsieur Moignard, concernant la planification familiale en Afrique de l’Ouest, nous agissons au travers du Partenariat de Ouagadougou, en lien avec la Fondation Bill Gates. Nous y consacrons 100 millions d’euros sur cinq ans, en aidant les gouvernements locaux à définir des stratégies de planification familiale et en finançant leur mise en œuvre pour la formation, la sensibilisation, la mise à disposition de moyens contraceptifs. Nous sommes assistés par le Fonds des Nations unies pour la population. Ce faisant, nous agissons grâce aux organisations présentes sur le terrain.

Monsieur Habib, vous avez évoqué les horreurs commises par DAECH. Notre investissement humain auprès des réfugiées existe, mais je ne saurais le quantifier. En tout état de cause, lorsque nous agissons sur le terrain ou via l’accueil, nous portons toujours une attention particulière aux femmes car elles sont doublement victimes.

S’agissant de l’Iran, si nous devions conditionner un accord à l’amélioration des droits humains, nous aurions malheureusement peu de chance de nouer cet accord – mais cela est valable pour beaucoup d’autres pays. Cela étant dit, j’ai demandé à M. John Kerry, M. Philip Hammond et M. Frank-Walter Steinmeier de venir me voir samedi, afin de faire le point sur certaines questions. Je lis les déclarations dans la presse, et je n’ai pas besoin de vous rappeler que la France, pays indépendant, se déterminera sur ce sujet comme sur les autres – et non à partir de ce qu’elle entend dire de ses positions.

Madame Guittet, la discrimination dans la sphère familiale est un sujet très complexe. C’est le point aveugle, car beaucoup se réfugient derrière l’autonomie du foyer et les normes sociales. Pour autant, nous voulons que l’égalité soit pratiquée partout et nous tenons cette position.

Monsieur Rochebloine, Mme Leyla Yunus et son époux sont emprisonnés depuis maintenant un an. Nous suivons cette situation avec une grande attention et avons engagé des démarches au niveau politique en lien avec la famille – nous avons reçu leur fille. Vous le comprendrez, la confidentialité s’impose en la matière, mais nous espérons que nos arguments seront entendus.

Mme Asia Bibi vit une situation épouvantable : elle est condamnée à mort pour ce qu’elle est et pour ce à quoi elle croit. Nous sommes mobilisés et avons effectué des démarches à tous les niveaux, en particulier avec nos partenaires européens. Bien évidemment, nous appelons le Pakistan à appliquer le Pacte international sur les droits civils et politiques qu’il a ratifié. Mais, vous le savez, la France n’abandonne jamais les siens, ni ses valeurs au nom des droits universels.

Monsieur Mariani, vous avez raison, nous constatons des reculs dans certains pays. Ce que vous évoquez à propos de DAECH ou de tel ou tel groupe est malheureusement exact. En me rendant récemment au Niger, au Tchad et au Cameroun dans le cadre de la lutte contre Boko Haram, j’ai été frappé de constater que cet extrémisme pénètre des pays qui en étaient jusqu’à présent indemnes. Les dirigeants de ces pays nous le disent eux-mêmes. Il s’agit là d’une question très difficile.

Monsieur Myard, il est vrai qu’une croissance démographique extrêmement forte annihile toute croissance économique. Selon les spécialistes, la solution passe d’abord par la scolarisation des jeunes filles. L’éducation des filles est effectivement un enjeu fondamental. La question est de savoir si nous pouvons aller plus loin. Ce qui est fait par d’autres grands pays est intéressant, et j’ai demandé au Quai d’Orsay de me proposer des orientations, car c’est une question sur laquelle je ne suis pas satisfait de nos pratiques. Mon souhait est que l’on renouvelle notre action en ce domaine, non pas avec je ne sais quel ordre moral, mais en faisant en sorte que l’aide au développement soit efficace. Car appliquer des méthodes qui ne favorisent pas le développement revient à verser de l’eau dans le sable.

Monsieur Denaja, le ministère rédige actuellement un document d’orientation stratégique sur les droits et la santé sexuelle et reproductive. Nous y mettons l’accent sur la lutte contre toutes les violences : violences de genre en milieu scolaire, mutilations génitales féminines, mariages forcés précoces. Ce document servira de feuille de route pour orienter notre politique de développement, notamment les actions de l'AFD. Dans des pays comme le Mali ou l’Égypte, nous pouvons financer des ONG qui luttent contre ce type de violences.

Madame Dagoma, vous avez tout à fait raison, la microfinance est efficace lorsqu’elle bénéficie aux femmes, car elles utilisent très bien cet argent et leurs taux de remboursement sont plus élevés que ceux des hommes. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, l’AFD favorise l’accessibilité financière par le développement des institutions de microfinance. Les montants alloués sont passés de 5 millions d’euros en 2002 à plus de 80 millions aujourd’hui, ce qui permet à plusieurs centaines de millions de personnes d’accéder au crédit. Nous allons donc poursuivre dans cette voie.

J’en viens à la grande question des quotas. Pour la première loi que nous avons fait voter sur le sujet, j’avais réussi à vaincre la réticence du groupe majoritaire, socialiste et essentiellement masculin à l’époque, avec l’argument suivant : « Messieurs, votez cette disposition sur les quotas, cela vous protégera plus tard… » Certes, les quotas sont discutables sur le principe, et l’idéal serait qu’ils ne soient pas nécessaires. Mais le pragmatisme pousse à les introduire, faute de quoi les choses n’avancent pas. Ce n’est pas pour rien que nous avons voté des lois sur la représentation des femmes en politique et dans les conseils d’administration. Si l’on veut faire bouger la société, il faut en passer par là ! Ne pas le faire, c’est « avoir les mains pures, mais ne pas avoir de mains », si vous m’autorisez cette référence à la pensée de Hegel reformulée par Péguy.

Enfin, madame Dagoma, s’agissant du G7 – sans la Russie –, nous avons deux ambassadrices, une en Grande-Bretagne et une en Italie, soit un taux de féminisation de 30 %. Cela n’est pas suffisant, mais les choses avancent. Le ministère des affaires étrangères du XXIe siècle devra compter plus de femmes, ce qui nécessite des aménagements des modes de travail.

M. François Rochebloine. Il faut des binômes, comme pour les départementales !

M. le ministre. Les binômes sont une piste à laquelle je pense, mais je vous en parlerai le moment venu…

Mme Chantal Guittet. Monsieur le ministre, votre ministère appuie-t-il la candidature du Comité des Nations unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) pour le Prix Nobel de la paix 2015 ?

M. le ministre. Pour notre part, nous ne faisons pas de proposition. Certains de mes prédécesseurs intervenaient pour se proposer eux-mêmes…

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le ministre, le Bénin a vu sa population doubler en vingt ans, passant de 5 millions à 10 millions, alors que ce pays ne fait pas partie de ceux où les extrémismes ont prospéré et que les OMD ont permis la scolarisation des jeunes filles béninoises. Cet exemple nous incite à l’humilité et à réfléchir à d’autres voies pour notre aide au développement aux pays qui connaissent une forte croissance démographique.

M. le ministre. Les projections de l’ONU pour les pays africains d’ici à la fin du XXIe siècle sont très inquiétantes, avec 950 millions d’habitants pour le Nigeria, et 200 millions pour le Niger, par exemple. Il n’y a pas une piste unique pour traiter cette question très compliquée, à laquelle je souhaite que nous réfléchissions collectivement.

M. Thierry Mariani. Les endroits où les binômes fonctionnent sont, hélas, les ambassades qui ne comportent plus que deux fonctionnaires d’État. Comptez-vous faire le bilan de la situation, monsieur le ministre ?

M. le ministre. J’ai indiqué aux organisations syndicales ma volonté de réaliser ce bilan. Les choses se passent plutôt bien, sans doute moins bien dans certains endroits. De toutes les façons, si nous devons être présents dans la plupart des pays, les moyens budgétaires alloués aux administrations ne seront pas illimités dans les années à venir, y compris pour le Quai d’Orsay. Notre réseau était fondé sur l’état du monde en 1960, il nous faut dorénavant opérer des transferts, d’Europe vers l’Asie notamment, et « rendre des postes », comme on dit.

Je n’aurai pas la cruauté de vous dire qu’il faut appliquer la méthode exposée dans tel ou tel journal pour diminuer le nombre d’emplois publics, sinon la question difficile que vous soulevez deviendrait insoluble. Je me garderai donc d’entrer dans ce débat politique.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci, monsieur le ministre, de nous avoir présenté des pistes intéressantes.

L’égalité hommes-femmes n’avance que si tous les aspects sont traités simultanément. Il faut donc permettre aux femmes d’accéder à la planification, aux filles à l’éducation au-delà de l’école primaire – deux ans d’éducation de plus représentent un point supplémentaire de PIB –, et ainsi de suite. C’est pourquoi je disais en préambule que la deuxième phase des objectifs pour le développement durable devra appréhender le problème dans sa globalité, faute de quoi l’égalité n’avancera pas.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Audition de de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits

Compte rendu de la réunion du mardi 16 juin 2015

Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le Défenseur des droits, sur les 100 000 demandes d’intervention en 2014 auprès de votre institution, 73 000 ont donné lieu à des dossiers de saisine, dont 4 500 réclamations pour discrimination. La réforme constitutionnelle de 2008 avait donné lieu à beaucoup de discussions sur l’intégration de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) au sein de votre institution, en particulier pour savoir si les personnes victimes de discrimination retrouveraient facilement leur interlocuteur auprès de vous. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Mais au vu de votre activité, j’ai l’impression que la réponse est positive.

Pour nous, le Défenseur des droits remplit deux rôles. Le premier est de recevoir les réclamations, et votre bilan annuel témoigne des discriminations à l’œuvre dans la société française. Le second est d’alerter le Gouvernement et le Parlement sur des textes de loi, comme vous avez pu le faire récemment à propos de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, du projet de loi relatif à la réforme de l’asile, la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, et le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, sur lequel vous avez, à la mi-mai, alerté le Gouvernement et écrit à notre rapporteure, Mme Sandrine Mazetier, votre lettre nous étant parvenue le 29 mai. En fait, vos avis nous arrivent trop tard, car nous devons travailler en amont de la commission saisie au fond des projets de loi. Or, la commission des Affaires sociales a commencé l’examen du projet de loi relatif au dialogue social à la mi-mai. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) et le Conseil supérieur à l’égalité professionnelle (CSEP) travaillent en amont, ce qui nous est très utile pour proposer des améliorations aux textes.

Aujourd’hui, nous souhaitons vous entendre sur le travail du Défenseur des droits et connaître votre regard sur les textes de loi, à travers le prisme de l’égalité femmes-hommes.

M. Jacques Toubon, Défenseur des droits. Je suis accompagné de Mme France de Saint-Martin, ma nouvelle attachée parlementaire, et de Mme Nathalie Bajos, directrice de notre nouveau département « Promotion de l’égalité et de l’accès aux droits » (PEAD), dont je vous dirai un mot tout à l’heure.

Depuis que la HALDE a été remplacée par le Défenseur des droits, nous avons reçu 80 % de requêtes supplémentaires en matière de discriminations, preuve que la demande en la matière reste très exigeante.

Le Défenseur des droits est compétent dans quatre domaines : la médiation avec les services publics, la déontologie de la sécurité, la défense des droits des enfants et, enfin, la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité – discriminations à raison du sexe, de la maternité ou de la situation familiale notamment. Dans ce dernier domaine, nous avons beaucoup à faire. Néanmoins, nous ne disposons pas de toutes les compétences liées aux problématiques des droits des femmes. Par exemple, notre compétence sur les violences est très limitée : nous n’intervenons qu’en cas de défaillance d’un service public d’accompagnement ou de protection, ou de mauvais comportement professionnel d’une force de sécurité. Par contre, étant garants de la protection de l’enfant, nous intervenons en matière de violences intrafamiliales – je rappelle qu’un tiers des auteurs de réclamation relatives à la défense des enfants sont des mères. Le Défenseur des droits est également très impliqué sur les questions liées à la protection maternelle et infantile (PMI) – nous sommes à l’origine, dans le cadre du projet de loi relatif à la santé, d’une disposition à ce sujet. Enfin, nous travaillons à l’accompagnement de la parentalité.

En 2014, nos services centraux et nos 400 délégués territoriaux ont instruit 73 000 dossiers. Sur ce nombre total de réclamations, 4 500 portaient sur les discriminations, dont 8 % à raison du sexe (ce qui en fait le quatrième critère de discrimination) et 5 % à raison de l’état de grossesse (ce qui en fait le cinquième critère) – le premier critère restant l’origine, à 25 %, et le deuxième critère étant le handicap, à 20 %. Bien entendu, les motifs de réclamation peuvent se croiser, puisque nous pouvons être saisis de femmes en situation de handicap – nous menons actuellement une étude sur les femmes handicapées au travail. Depuis un an et demi, nous avons mis en place un outil, dénommé AGORA, qui va nous permettre de mener un travail d’observation des réclamations et de les analyser, ce qui nous sera fort utile pour la promotion de l’égalité.

La France possède le taux de natalité le plus élevé d’Europe – après l’Irlande – et un taux d’emploi des femmes lui-même très élevé. On pourrait donc penser que les choses vont bien. Or, il n’en est rien : l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle est très difficile pour les femmes, comme le montrent les discriminations observées à raison de la maternité. C’est d’ailleurs une des choses qui m’a le plus frappé depuis les neuf mois que je suis en fonction : il existe encore, en 2015, des comportements discriminatoires – en matière de congés, d’heures supplémentaires, de carrière, etc. – à l’égard de femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher !

Nous avons donc rendu beaucoup de décisions en la matière. La première que j’ai signée concernait un grand cabinet d’architecte, qui avait très mal traité, jusqu’à la licencier, une de ses architectes salariés, mère de trois enfants. En outre, le 11 décembre 2014, le Conseil de prud’hommes d’Évry a suivi nos observations en reconnaissant l’existence de discriminations à l’encontre d’une salariée à raison de son sexe, de sa situation de famille et de sa grossesse, et il a condamné la société à verser à cette dernière 5 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination et 15 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement entaché de nullité.

Nous recevons beaucoup de réclamations, je l’ai dit, mais rapporté aux données d’enquête sur les discriminations, ce nombre est bien inférieur à la réalité. C’est pourquoi un de mes axes de travail est le développement de l’accès aux droits, grâce à une action plus systématique devant les tribunaux, la diffusion d’informations sur les droits et les voies de recours, la mobilisation des associations, mais aussi tout le travail dont est chargé notre nouveau département PEAD. Concrètement, il s’agit de venir en aide à une partie de la population, démunie matériellement ou socialement, qui ne connaît pas ses droits ou ne sait pas comment les faire valoir, et qui éprouve souvent un sentiment de résignation, voire d’abandon. C’est ainsi que notre site Internet apporte une information directe au grand public et diffuse des fiches d’orientation, notamment sur les éléments à réunir pour porter une réclamation.

Bien entendu, nous tirons de ces règlements individuels des recommandations générales. À titre d’exemple, dans une décision du 30 mars 2015, nous avons épinglé un centre d’examen délivrant le certificat d’aptitude professionnelle agricole de maréchal-ferrant, une jeune femme ayant saisi le Défenseur des droits pour nous signaler que le certificat y était peu délivré aux femmes. Grâce à une comparaison statistique, méthode aujourd’hui admise par la Cour de cassation, nous avons réussi à démontrer que, par rapport à d’autres centres d’examen, le centre en question ne traitait pas les candidates de manière égale. Nous avons alors recommandé au ministre de l’agriculture, M. Le Foll, de prendre des mesures afin que chaque centre d’examen s’assure de l’absence de critère d’évaluation discriminatoire ou de biais discriminatoire dans le processus d’évaluation, et de mettre en place des moyens de vigilance sur les taux de réussite selon le sexe dans ses centres d’examen. Ces indicateurs statistiques permettant d’apprécier l’égalité entre les femmes et les hommes pour l’accès à ces diplômes.

Voilà pour notre activité qui nous amène à prendre en compte des réclamations : un droit existe, mais n’est pas appliqué ; une inégalité de traitement est constatée ; nous essayons de rendre effectif le droit en corrigeant l’inégalité de traitement.

Bien évidemment, nous voulons aller plus loin, c’est-à-dire promouvoir les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes et, à ce titre, être un des acteurs qui contribue à ce travail à l’œuvre dans notre société grâce à un certain nombre d’institutions publiques, comme le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), créé en 2013 et dont est membre Mme Nathalie Bajos.

Le Défenseur des droits est, premièrement, un organe de protection : nous défendons les personnes dont les droits ne sont pas respectés. Deuxièmement, notre maison est un centre de ressources, où nos experts peuvent apporter à l’ensemble de la société – institutions, professions, entreprises, syndicats, écoles, particuliers – toute une série d’informations et d’outils, par exemple sur ces sujets de discrimination et d’égalité femmes-hommes. Troisièmement, nous menons un travail de promotion, en particulier en essayant de faire avancer le droit ; c’est dans ce cadre que nous sommes amenés à présenter au Parlement des propositions de réforme ou d’amendement, ou à interroger les ministres – pour ce qui vous concerne, Mme Marisol Touraine et Mme Pascale Boistard, mais aussi Mme Laurence Rossignol au sujet de la protection de l’enfant et de la famille.

Jusqu’à mon arrivée, notre maison comportait une direction de la promotion des droits, et, parallèlement, diverses activités de promotion et de communication. J’ai donc installé un nouveau département de la promotion de l’égalité et de l’accès aux droits, à la tête duquel Mme Nathalie Bajos a été nommée il y a deux mois, et où sont désormais regroupés la promotion des droits, la lutte contre les discriminations – en matière de logement, d’emploi, à raison du sexe, etc. –, mais aussi la communication, la documentation, les études, la recherche, nos activités internationales et européennes et, enfin, notre contribution aux réformes. Ce nouveau département nous permettra de promouvoir plus efficacement les droits, notamment au regard de l’égalité femmes-hommes, en contribuant au changement des mentalités, à l’amélioration des textes, bref, en menant des actions de prévention et de promotion, et pas seulement des actions de réparation. Nous nous appuyons sur trois instruments.

Premier instrument : nos relations partenariales.

Nous avons d’abord des partenaires associatifs. Dominique Baudis avait créé un comité de concertation pour l’égalité femmes-hommes, au sein duquel sont représentées quatorze associations œuvrant chacune sur un aspect de cette question et qui se réunit deux fois par an. Nous tirons un très grand profit de ces relations avec la société civile. Je précise que nous avons huit comités de concertation ou d’entente et de liaison, lesquels ne comportent aucun représentant de l’administration, aucune personnalité politique, uniquement des représentants de la société civile, à savoir des associations (de défense des droits de l’enfant, par exemple), ou des acteurs professionnels (intermédiaires de l’emploi, représentants du logement), autant de secteurs où les risques de discrimination sont très élevés et où nous pouvons avoir une action pédagogique très importante.

Nous avons également des partenariats institutionnels, notamment avec le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont le Défenseur des droits est membre de droit. À l’invitation de sa présidente, Mme Danielle Bousquet, j’ai participé au mois de novembre dernier à une séance du HCEfh. J’ai rencontré Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du CSEP, et Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité. Le département PEAD participe à de très nombreuses rencontres. Nous essayons par ailleurs de construire des réflexions communes avec d’autres centres de ressources, dont le Centre Hubertine Auclert.

Nous travaillons, en outre, avec des réseaux européens, notamment le plus important d’entre eux, Equinet, qui rassemble les organismes luttant contre les discriminations et pour l’égalité. À titre d’exemple, le Défenseur des droits a animé un séminaire de la Commission européenne sur le harcèlement sexuel.

Deuxième instrument : les travaux de recherche et les études.

À notre demande, des équipes d’économistes ont réalisé pendant deux ans une étude – financée par le Défenseur des droits et la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) – sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans les trois fonctions publiques, dont les résultats, publiés en mars 2015, sont particulièrement éclairants. Ils montrent, en effet, que l’écart de salaire global moyen entre les femmes et les hommes employés à temps complet était, en 2009, de 8 % dans la fonction publique territoriale. Plus les niveaux de rémunération des emplois sont élevés, moins les femmes ont une probabilité d’y accéder, ce qui confirme l’existence du plafond de verre. Les écarts de rémunération frappent plus particulièrement les femmes de catégorie A et C, puisque respectivement 13 % et 14 % des différences de rémunération sont liées au sexe.

En outre, l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle a un impact négatif sur le déroulement de carrière. Ainsi, au sein de la fonction publique territoriale, les femmes ayant donné naissance à leur premier enfant perçoivent un salaire journalier, en équivalent temps plein, trois années après cette naissance, en moyenne 5,5 % inférieur à celui perçu par les femmes n’ayant pas encore donné naissance à un enfant ; la naissance d’un deuxième enfant engendre une perte additionnelle de salaire journalier en moyenne de 8,7 % trois années après cette naissance ; et celle d’un troisième enfant une perte supplémentaire de salaire journalier de 17,9 %. Des écarts similaires sont également constatés dans la fonction publique de l’État et dans la fonction publique hospitalière.

Au vu de ces résultats, une mobilisation de toutes les fonctions publiques – dans lesquelles, je le rappelle, les femmes sont surreprésentées – est nécessaire en vue d’élaborer des plans d’action visant à réduire les écarts constatés, avec des objectifs et un calendrier. Certains sujets doivent être creusés, par exemple l’attribution des primes, les exigences de mobilité pour la promotion. Peut-être faut-il de nouveaux travaux de recherche. Il convient en outre de s’interroger sur le socle des rémunérations dans les cadres d’emploi, l’évaluation des différents corps et emplois, sachant que la ségrégation horizontale est forte dans la fonction publique, à l’instar du secteur privé.

Par ailleurs, nous avons réalisé un travail sur les emplois à prédominance féminine. Je rappelle que la négociation sur les classifications professionnelles dans le privé a échoué, alors qu’elle pouvait justement constituer un support pour traiter ces questions. Il faut donc reprendre la révision des classifications professionnelles, mais dans un autre cadre, puisque jusqu’à présent les employeurs et les syndicats ont été incapables de se mettre d’accord.

La deuxième étude importante est le huitième baromètre DDD/OIT (Défenseur des droits/Organisation internationale du travail) de perception des discriminations dans l’emploi, publié au mois de janvier 2015. Du 27 octobre au 18 novembre 2014, nous avons interrogé les demandeurs d’emploi, ce qui nous a permis de constater la persistance des discriminations à l’embauche liées au sexe, à l’état de grossesse ou à la situation de famille. Par exemple, le fait d’être enceinte est considéré comme désavantageux pour l’obtention d’un emploi pour 80 % des personnes interrogées – ce qui en fait le deuxième critère ressenti comme discriminant après celui de l’âge. Avoir des enfants est considéré comme handicapant pour 50 %, et être une femme pour 37 % des personnes interrogées. Pour les demandeurs d’emploi qui déclarent avoir été victimes de discrimination, ils et elles considèrent que 19 % des discriminations étaient fondées sur le sexe, 12 % sur la situation de famille et 2 % sur la situation de grossesse. Enfin, 48 % des personnes témoignent avoir été interrogées lors d’un entretien d’embauche ou d’une épreuve de concours administratif sur leur situation de famille actuelle ou future – deuxième question la plus posée après celle sur l’âge. Naturellement, tout cela est interdit.

Je précise que nous préparons un nouveau dépliant d’information sur les droits des demandeurs d’emploi et les discriminations, que nous ferons parvenir à Pôle emploi notamment.

Nous avons également réalisé avec 60 Millions de consommateurs, un testing par téléphone sur l’accès au logement locatif, dont les résultats ont été publiés en février 2014. En la matière, les discriminations sont très claires, les critères les plus discriminants étant l’âge, l’origine supposée, la situation familiale et le handicap. Cette enquête a montré la force des discriminations à l’encontre des mères célibataires, qui essuient un tiers des refus de visite, et auxquelles il est demandé, beaucoup plus qu’à d’autres candidats, de produire un contrat de travail.

Par ailleurs, nous sommes partenaires de l’enquête « Violences et rapports de genre » (VIRAGE), qui concerne 30 000 personnes et dont l’opération de collecte est en cours. Dans ce cadre, nous nous intéressons tout particulièrement aux enfants, aux travailleuses, aux migrantes, et à l’accès au recours.

Troisième instrument : des outils ou des actions que nous avons mis ou que nous envisageons de mettre en place.

Le premier, que vous connaissez bien, est notre « Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine » dont l’objectif est de favoriser l’effectivité du principe « un salaire égal pour un travail de valeur comparable ». Ce guide a été publié le 1er mars 2013 sur la base d’une réflexion collective menée, pendant plus de deux ans, par un groupe de travail pluridisciplinaire animé par deux chercheuses, Mme Rachel Silvera et Mme Séverine Lemière, et associant des experts de l’égalité femmes-hommes, des représentants de l’administration, des organismes, des partenaires sociaux et des organisations syndicales. En 2010, la HALDE avait déjà mené une étude sur le sujet. Ce guide est toujours diffusé – le principe d’égalité salariale est encore trop largement méconnu – et il est utilisé comme base pour de nombreuses formations et sensibilisations auprès des acteurs de l’emploi. Acteurs de l’emploi qui, je le redis, n’ont pas avancé sur les classifications professionnelles. Aussi envisageons-nous de réfléchir avec un certain nombre de partenaires, peut-être avec les parlementaires eux-mêmes, sur des pistes d’action pour relancer ce sujet, en l’étendant à la fonction publique, en l’occurrence au cadre de gestion des rémunérations.

Deuxièmement, nous publierons prochainement une fiche thématique de synthèse qui élargira le propos de notre guide sur les métiers à prédominance féminine, en apportant des informations sur la rédaction d’une fiche de poste, l’entretien d’embauche, l’évaluation, la rédaction d’un curriculum vitae, etc.

Toujours dans le domaine de l’égalité de traitement dans l’emploi, nous agissons au niveau des collectivités territoriales. Nous passons une convention avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), qui portera sur un grand nombre de sujets, comme l’extension de notre réseau territorial, le travail sur le terrain avec nos délégués territoriaux, mais aussi l’égalité femmes-hommes dans les fonctions publiques territoriales. Nous mettons en place un module de formation sur la lutte contre les discriminations et l’égalité professionnelle. En outre, le 13 octobre prochain, un événement rassemblera le Défenseur des droits, le CNPFT et d’autres partenaires sur l’application de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Nous avons conclu un partenariat avec l’Essonne il y a quelques années, qui nous a permis de créer une « mallette ressources humaines » comportant des fiches pratiques sur tous ces sujets – on peut imaginer le faire avec bien d’autres départements.

Pour ce qui est des employeurs privés, nous allons publier et diffuser à l’automne prochain le guide « Évaluer et agir pour l’égalité », qui sera le contrepoint du guide destiné aux collectivités territoriales.

Le Défenseur des droits souhaite également agir sur les territoires. C’est ainsi que nous participons à la mise en œuvre de la politique de la ville au travers des contrats de ville. Grâce à une convention avec le Commissariat général à l’égalité des territoires, nous allons lancer des expérimentations à Vaulx-en-Velin, à Plaine Commune, à Istres et Miramas, et travailler sur l’introduction de la lutte contre les discriminations dans les contrats de ville. Naturellement, l’égalité femmes-hommes est au cœur de ce dispositif.

Nous travaillons aussi sur l’emploi des femmes en situation de handicap. C’est tout l’intérêt de notre comité de concertation pour l’égalité femmes-hommes, car c’est à la suite d’une intervention de l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA) que nous avons lancé ce sujet. En effet, l’intégration des travailleurs handicapés montre une absence d’égalité entre les femmes handicapées et les hommes handicapés. Nous avons lancé une étude sur le cadre juridique et procédé à l’audition d’associations spécialisées, et je pense que nous aurons les conclusions de ce travail en septembre prochain.

Je vais maintenir dire un mot sur le harcèlement moral et sexuel.

Sur le harcèlement sexuel au travail, nous avons réalisé une enquête dont les résultats ont été publiés en mars 2014. Comme le montre cette enquête inédite, 20 % des femmes actives déclarent avoir été confrontées personnellement à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle, 20 % des Français déclarent connaître au moins une personne ayant été victime de harcèlement sexuel dans le cadre de son travail, et 30 % des personnes concernées déclarent avoir gardé un silence total à la suite de ces faits. Or, les saisines du Défenseur des droits sont rares par rapport à l’ampleur d’un phénomène que les enquêtes permettent de constater. D’où la diffusion massive de nos deux dépliants d’information sur le harcèlement moral et sur le harcèlement au travail, mais aussi les études que notre département PEAD va réaliser pour analyser les raisons d’une telle distance entre les situations vécues et l’absence d’appel au Défenseur des droits ou au procureur – la résignation, dont je parlais tout à l’heure. Contrairement à ce que vous nous avez suggéré, nous n’avons pas expertisé la piste proposée par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP), à savoir l’introduction dans le code du travail de la notion d’agissement sexiste. Néanmoins, nous sommes d’accord pour approfondir la réflexion, en particulier sur le développement de la jurisprudence en matière de harcèlement sexuel comme de harcèlement moral lié au sexe. Pour ce faire, nous travaillons avec l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), membre de notre comité de concertation femmes-hommes, laquelle nous a transmis des dossiers, dont l’un va être plaidé au conseil des prud’hommes cette année et sur lequel nous ferons des observations.

J’en viens à nos interventions sur les projets de loi discutés au Parlement. La Délégation aux droits des femmes travaille en amont de ces textes, alors que le Défenseur des droits intervient auprès du rapporteur de la commission saisie au fond. À ce stade, nous sommes souvent entendus, mais sur les questions qui vous concernent, nous n’abordons pas les choses suffisamment en amont comme vous le faites. Il nous faut donc réfléchir à la façon dont nous pourrons, à l’avenir, agir par le truchement de votre délégation avant d’intervenir auprès de la commission saisie au fond.

Concernant le projet de loi relatif à la santé, nous avons applaudi la suppression du délai de réflexion de sept jours préalable à l’IVG, que nous avions demandé comme vous. Mais nous avons demandé plus, à savoir la suppression de la clause de conscience, à laquelle vous êtes également favorables. J’en ai fait part au rapporteur du Sénat où le texte sera examiné en commission le 22 juillet et en séance publique au mois de septembre.

S’agissant du projet de loi sur le dialogue social, inscrit à l’ordre du jour du Sénat à partir du 22 juin, nous avons fait une démarche, malheureusement trop tardivement, auprès de Mme Sandrine Mazetier. La pression des employeurs au sujet des articles 13 et 14 reste très forte – il faudra donc être très vigilant, car la simplification du dialogue social ne doit pas brider les avancées de l’égalité professionnelle.

D’autre part, je vais faire le nécessaire pour que le Sénat prenne en compte ce que nous avions proposé à Mme Sandrine Mazetier, à savoir le rétablissement de l’article 7 et de l’article 10 de la loi du 4 août 2014, censurés par le Conseil constitutionnel comme cavaliers législatifs, dispositions que vous aviez soutenues, dont l’une prévoyait le remboursement par l’employeur des indemnités versées par Pôle emploi, sanction à mes yeux efficace.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous avons été victimes de la règle dite de « l’entonnoir » : le Conseil constitutionnel a jugé que les articles 7 et 10, introduits par voie d’amendement après la première lecture, étaient inconstitutionnels car insuffisamment rattachés à des dispositions restant en discussion. Il faudra que le Sénat reprenne ces dispositions dans le projet de loi relatif au dialogue social en juin !

M. Jacques Toubon. Ce sera tout le travail de mon attachée parlementaire, Mme France de Saint-Martin, qui a travaillé au groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) du Sénat pendant plusieurs années.

Autre texte sur lequel nous avons été très actifs, la proposition de loi de M. Razzy Hammadi sur le recours collectif en matière de discrimination, votée à l’Assemblée avec des améliorations. Mme Christiane Taubira va certainement l'intégrer dans son projet « Justice 21 » et nous participons au travail d’élaboration du texte du ministère de la Justice – nous avons encore eu une réunion vendredi à ce sujet. Il est clair que, s’il existe un domaine de discrimination dans lequel le recours collectif peut avoir une efficacité, c’est celui de la discrimination à raison du sexe, mais à condition que le texte soit véritablement maniable, comme nous l’avons proposé, c’est-à-dire que le passage obligé par les associations et les syndicats ne soit pas exclusif. En effet, et je l’ai dit à M. Razzy Hammadi, la possibilité de constituer des groupes spontanés et de présenter des recours individuels, sans passer par des associations et des syndicats, aurait plus d’efficacité, notamment pour un sujet comme les droits des femmes.

Je termine par trois sujets sur lesquels travaille le Défenseur des droits.

Un groupe de travail du Défenseur des droits étudie la question de l’évolution de la procédure pour le changement de la mention du sexe à l’état civil. En effet, la procédure actuelle est d’une très grande lourdeur, pour ne pas dire d’une très grande sauvagerie. Nous envisageons de faire une proposition à Mme Christiane Taubira pour la mise en place d’une procédure plus humaine.

Ensuite, nous travaillons sur la question de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes. Le HCEfh a travaillé sur ce sujet. La saisine du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ne donnera probablement pas beaucoup de résultat avant un certain temps. Pour nous, cette question se pose au titre de l’égalité des droits, et je pense que nous aurons l’occasion de nous exprimer prochainement.

Enfin, sous l’impulsion de Mme Nathalie Bajos, nous nous attachons à développer la féminisation du vocabulaire et des titres dans notre maison. Mais nous nous sommes aperçus que les logiciels sont configurés de telle sorte que nous sommes bloqués sur notre site internet… Nous allons donc nous adresser à Google pour qu’il invente un autre algorithme ! (Sourires.)

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup pour ces réponses très intéressantes.

S’agissant des personnes transgenres, envisagez-vous une situation à la maltaise ? Malte, pays pourtant très conservateur, a voté une loi, sidérante de simplicité, sur le changement de sexe.

M. Jacques Toubon. Je ne suis pas sûr que la France votera une loi à la maltaise, mais il est certain que les exigences de la jurisprudence actuelle – excessives et inhumaines – doivent évoluer. Ce sujet, qui intéresse principalement les représentants de la Fédération LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Trans de France) et qui concerne un petit nombre de personnes, revêt néanmoins une très haute portée symbolique, en particulier pour le Défenseur des droits dont la mission est d’assurer l’égalité de tous – et l’égalité de tous par rapport à ce que chacun veut être.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je voulais simplement dire qu’il est très étonnant que Malte ait traité ce sujet avec une telle rapidité.

M. Jacques Toubon. Ne pensez-vous pas que cela ait été fait pour attirer un certain tourisme ? Cela n’est pas nouveau : d’autres pays ont voté des lois pour attirer certaines personnes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans le cadre notamment d’un accord national interprofessionnel (ANI), nous avons beaucoup discuté du thème « salaire égal pour un travail de valeur comparable ». La négociation sur les qualifications doit avancer car, pour ne prendre qu’un exemple, un homme portant des charges est considéré comme exerçant un métier pénible, alors que cette pénibilité n’est pas reconnue à une femme travaillant dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et portant des personnes âgées toute la journée.

M. Jacques Toubon. Il est sidérant que les écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes soient encore évalués à 15 % dans la fonction publique, où les grilles indiciaires devraient garantir l’égalité !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et personne ne nous croit, d’où l’importance des enquêtes pour prouver cette inégalité ! On m’a encore dit cette semaine que les inégalités salariales entre les femmes et les hommes n’existent pas dans la fonction publique !

M. Jacques Toubon. Mais si ! Il y a des inégalités salariales dans les trois fonctions publiques !

Mme la présidente Catherine Coutelle. On comprend l’importance des indicateurs de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes !

Mme Édith Gueugneau. Monsieur le Défenseur des droits, je vous remercie de votre intervention très riche.

Vous avez rappelé que l’égalité femmes-hommes reste un chantier inachevé. Selon vous, comment la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes modifie-t-elle aujourd’hui les comportements dans l’entreprise ? L’évolution est-elle positive ou le chemin est-il encore très long ?

M. Jacques Toubon. Il faudrait réaliser une évaluation à ce sujet. À ce stade, mon sentiment est que les comportements n’ont pas changé.

M. Christophe Premat. Monsieur le Défenseur des droits, vous avez rappelé les inégalités salariales. La discrimination en matière de mobilité professionnelle est beaucoup plus difficile à repérer. Député des Français établis en Europe du Nord, je suis témoin d’un certain nombre de difficultés auxquelles sont confrontées les femmes à leur retour en France, notamment après avoir connu une rupture dans leur vie professionnelle ou familiale. Il me semble que Mme Chantal Bourragué avait été chargée d’une mission il y a quelques années pour évaluer la répartition des postes en termes de genre au sein du réseau culturel. La mobilité touche aussi les fonctions publiques, notamment les femmes. Il serait intéressant de l’évaluer.

Par ailleurs, je connais beaucoup de cas de personnes transgenres dans ma circonscription confrontées à ce problème d’identité.

Enfin, une question a été posée lors d’une séance plénière de l’Assemblée des Français de l’étranger en mars 2014 sur la création d’un défenseur des droits pour les Français de l’étranger. Pour l’instant, certaines plaintes sont dirigées directement vers la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Le Quai d’Orsay a évoqué la nécessité d’un diplomate. Pour ma part, je pense qu’une personne ayant une sensibilité juridique serait plus appropriée. Que pensez-vous d’un défenseur des droits pour les Français de l’étranger ?

M. Jacques Toubon. Je m’occupe de cette question dans le cadre de l’extension de mon réseau territorial, la meilleure solution étant probablement la mise en place de quelques délégués territoriaux chargés de certaines circonscriptions. La meilleure solution est celle d’un défenseur des droits – et non d’un diplomate, car il existe déjà des consuls.

Mme Nathalie Bajos va vous répondre sur la mobilité professionnelle.

Mme Sophie Dessus. Merci, monsieur le Défenseur des droits, de votre exposé.

À l’occasion de la fête des mères, nous avons reçu dans nos boîtes aux lettres des prospectus publicitaires pour des aspirateurs, des fers à repasser, des grille-pain et même une balayette de toilettes rose et noire, et sur lesquels était écrit « Faites-leur plaisir » – avec le mot « plaisir » en très gros caractères ! Il faut changer cette image !

M. Jacques Toubon. Notre travail de promotion consiste aussi à s’attaquer aux stéréotypes. L’année dernière, je me suis rendu dans un collège avec Mme Najat Vallaud-Belkacem pour une séance consacrée aux stéréotypes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous pensions que les choses avaient progressé, mais quelle claque nous recevons avec ce genre de publicité ! Il faut lutter contre ces préjugés fondés sur le sexe, d’où l’importance de l’éducation sur l’égalité dès l’école.

Mme Pascale Crozon. Les catalogues pour jouets au moment de Noël sont scandaleusement sexistes, avec, d’un côté, les camions, les voitures, etc., et, de l’autre, les poupées, la poussette, la cuisine... Cette représentation des garçons et des filles ne fait qu’augmenter le sexisme ambiant.

Je suis très sensible à votre propos, monsieur le Défenseur des droits, sur le changement de sexe. Depuis un an et demi, M. Erwann Binet et moi-même menons des auditions sur ce thème ; nous avons rencontré les associations et des personnes en changement de sexe et avons rédigé une proposition de loi, que nous avons envoyée à Mme Taubira et que mon groupe envisage de déposer d’ici à la fin du mois sur le Bureau de l’Assemblée. Je vous ferai parvenir dès demain cette proposition de loi relative à la modification de la mention du sexe à l’état civil sur laquelle j’aimerais avoir votre avis : il serait intéressant de croiser nos réflexions avec celles de votre groupe de travail. Nous ne pouvons pas continuer à laisser une partie de la population dans la souffrance, certaines personnes en parcours de transition vivant actuellement des choses épouvantables.

M. Jacques Toubon. Je propose que M. Erwann Binet et vous-même rencontriez des personnes travaillant au département PEAD.

Mme Nathalie Bajos, directrice du département promotion de l’égalité et de l’accès aux droits (PEAD). Bien volontiers, mon département s’occupe de ce sujet.

La mobilité professionnelle est une vraie question. À ma connaissance, il n’existe pas d’étude quantitative sur le sujet, mais de nombreuses recherches sociologiques ont montré les difficultés rencontrées par les femmes non seulement pour partir, mais aussi à leur retour pour se réinsérer. Ce thème fait partie du champ des inégalités que nous souhaitons prendre en charge.

S’agissant de la question des stéréotypes, on pourrait en parler pendant des heures. Mon nouveau département adopte une approche genrée – je suis moi-même spécialiste de ces questions –, mais aussi une approche intersectionnelle qui va être privilégiée dans toutes nos analyses. Comme le montrent les enquêtes, la situation tend globalement à se dégrader du fait de la crise économique qui touche en premier lieu les femmes. D’où un cercle vicieux : les stéréotypes existent, ils sont liés à l’éducation, mais aussi aux pratiques discriminatoires qui elles-mêmes alimentent les stéréotypes. La semaine dernière, je suis tombée sur un paquet de biscuits BN sur lequel était écrit « Le rugby féminin existe... ça s’appelle les soldes » !

Ainsi, le rôle du département « Promotion de l’égalité et de l’accès aux droits » est d’agir à tous les niveaux – stéréotypes, bonnes pratiques, lutte contre les discriminations –, éventuellement en proposant des réformes législatives ou réglementaires.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le rapport récent de la Délégation aux droits des femmes du Sénat sur les jouets montre que, dans les années quatre-vingt-dix, la mondialisation de l’industrie du jouet a imposé l’émergence de la segmentation du marché entre filles et garçons. Dans ce domaine, il y a une régression : même la marque Lego vend aujourd’hui des boîtes pour filles et des boîtes pour garçons !

Mme Maud Olivier. Lorsque j’étais conseillère générale de l’Essonne, ce département était lié par des conventions avec le Défenseur des droits, ce qui m’avait conduite à m’interroger sur votre rôle vis-à-vis de l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont les professionnels ne sont pas formés à l’identification de l’enfance en danger de prostitution. Pour être rapporteure de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, je peux vous dire que, dans nos régions, la prostitution enfantine est très mal connue – on ne veut pas la voir. Or, la défense des droits des enfants est un objectif primordial. Ces conventions pourraient-elles intégrer un volet formation des professionnels de la fonction publique territoriale sur cette question des enfants victimes des réseaux de traite ? Il est important de ne pas fermer les yeux sur ce problème extrêmement grave, car le repérage est assez facile quand on veut bien s’en donner la peine.

M. Jacques Toubon. Le Défenseur des droits fait connaître les droits de l’enfant et les défend. Mon adjointe, Mme Geneviève Avenard, Défenseure des enfants, vice-présidente du collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l’enfant, participe en ce moment même aux Assises de l’enfance à Rennes.

Une partie très importante de notre travail a pour but de faire en sorte que la protection de l’enfance porte vraiment son nom et que les services départementaux compétents en la matière fassent leur travail. Or, la décentralisation est à l’origine d’un cloisonnement, c’est-à-dire de politiques inégales et inégalitaires selon les territoires. C’est pourquoi nous travaillons actuellement, au travers de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant de Mmes Michelle Meunier et Muguette Dini, à l’amélioration de la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance, notamment sur l’introduction d’un pilotage national et les moyens de rendre effectif le projet pour l’enfant, qui était au cœur de la loi de 2007. Après avoir lancé une enquête auprès des départements, dont 54 nous ont répondu, nous nous sommes en effet rendus compte que le projet pour l’enfant était très peu utilisé. Nous avons donc relancé un travail avec les départements, et j’ai rendez-vous avec le nouveau président de l’Assemblée des départements de France (ADF), M. Dominique Bussereau, pour évoquer ces sujets. En ce qui concerne la prostitution enfantine et les mineurs isolés étrangers, nous agissons jour après jour : nous nous sommes battus pour la suppression du test d’âge osseux, et nous demandons une meilleure prise en compte de ces mineurs dans tous les départements, que certains refusent de prendre en charge quand d’autres sont surchargés. La circulaire du 31 mai 2013 de Mme Christiane Taubira a mis en place un pilotage national de répartition, en partie annulé par le Conseil d’État. Dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection de l’enfance, la représentation nationale a voté un article qui reprend cet aspect. Madame la députée, ce sujet est au centre de notre action. Aujourd’hui même, une petite équipe du Défenseur des droits, dont une de mes adjointes en charge de la déontologie de la sécurité, se trouvent à Calais pour examiner la situation dans cette ville où se trouvent des enfants potentiellement menacés.

Mme Virginie Duby-Muller. Le Défenseur des droits a participé, en mars, à un colloque intitulé « Le sexe de la ville », au cours duquel il s’est engagé pour l’égalité femmes-hommes dans les villes. Menez-vous ce combat pour la ruralité, sachant que les femmes en milieu rural rencontrent des difficultés spécifiques – isolement, aide aux aînés, etc. ?

Des centaines de millions de femmes sont victimes de mariage forcé, problème moins prégnant en France que dans certains pays d’Europe, comme la Grande-Bretagne, où le mariage forcé est désormais un délit. Avez-vous des chiffres à ce sujet et sous quelle forme pouvez-vous intervenir, y compris sur le problème de l’excision ?

M. Jacques Toubon. Une des priorités du Défenseur des droits est la lutte contre la discrimination territoriale dont sont victimes les habitants de certaines villes ou quartiers dits « difficiles », mais aussi de la campagne. Lorsque j’ai participé, le 6 novembre, à une session du HCEfh, celui-ci venait de rendre publique une étude très intéressante sur les médias et les femmes en zone rurale. En septembre, je me rendrai à Montpellier, mais aussi en Lozère, où votre collègue, M. Pierre Morel-A-L’Huissier, porte ce dossier de l’inégalité de traitement au détriment des zones rurales. Il est clair que ce critère de discrimination sur le lieu de résidence, introduit par la loi l’année dernière, ne concerne pas seulement les quartiers difficiles.

Sur les mariages forcés, nous n’avons pas de dossier. En revanche, nous travaillons beaucoup sur le problème de l’excision, et ce dans deux cadres. D’abord, nous animons l’Association des ombudsmen et médiateurs de la francophonie, où se trouvent notamment nos collègues médiateurs de pays subsahariens comme le Mali. Au travers de ces médiateurs, nous essayons de faire avancer dans ces pays, auprès des décideurs politiques, la lutte contre l’excision. Ensuite, nous avons inscrit dans notre avis sur le projet de loi réformant l’asile, dont Mme Sandrine Mazetier est la rapporteure à l’Assemblée, une recommandation sur l’examen médical systématique prévu par le texte. En effet, cet examen gynécologique obligatoire risque de stigmatiser les familles et les petites filles, si bien qu’il s’apparente à une manière de pousser à la clandestinité, et qu’il revient à traiter les gens, notamment les jeunes filles, d’une façon qui ne nous paraît pas digne. Dans le texte sur le droit d’asile, une partie des dispositions a pour but de lutter contre une fraude supposée, c’est-à-dire qu’elles relèvent, non de l’application du droit d’asile, mais de la politique migratoire. Or, à confondre les deux, je crains fort qu’on aboutisse à des résultats comme ceux que nous constatons aujourd’hui. En tout cas, le Défenseur a été saisi de plusieurs cas.

Mme Nathalie Bajos. Nous avons des liens très forts avec l’équipe de recherche ayant mené l’enquête Excision et Handicap (ExH), qui apporte des informations tant sur les enjeux de santé que sur les enjeux sociaux et politiques de l’excision, et sur laquelle nous nous appuyons en grande partie pour réaliser des actions en matière de formation et d’information des femmes. Une enquête européenne est sur le point d’être lancée sur le modèle de cette enquête française, dont les résultats seront également très intéressants pour nous.

Quant aux mariages forcés, vous dites qu’ils sont plus nombreux en Grande-Bretagne qu’en France. Mais comparaison n’est pas raison car, d’après les données de l’Institut national des études démographiques (INED), les populations concernées ne sont pas les mêmes. En la matière, le département PEAD essaie de penser les choses en termes de continuum, les mariages forcés n’étant pas réservés à certaines catégories de la population – la pression, voire l’obligation d’épouser certaines personnes existant aussi dans des milieux « très bien ».

Mme la présidente Catherine Coutelle. Sur les mariages forcés, des éléments d’information avaient été donnés aux consulats et aux proviseurs des lycées, grâce à l’action conjointe de Mmes Hélène Conway-Mouret et Najat Vallaud-Belkacem.

En ce qui concerne le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, nous avions défendu la disposition sur l’examen médical dans un souci de protection des petites filles.

Mme Pascale Crozon. Monsieur le Défenseur des droits, après que vous aurez reçu ma proposition de loi sur le changement de sexe à l’état civil, je prendrai contact avec vous en début de semaine prochaine afin de vous rencontrer pour en discuter.

Je voudrais vous interpeller sur le sport dans les médias. Nous avons des équipes féminines de football extrêmement fortes, notamment à Lyon et à Paris. Mais à la télévision, le sport est essentiellement masculin, ce qui n’est pas une bonne chose pour l’image du sport.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les discriminations dans le sport sont quotidiennes – au travers des médias, des attitudes, des subventions versées par les collectivités...

M. Jacques Toubon. On a vu une petite percée des femmes dans le sport il y a quelques années – dans le cyclisme par exemple, avec Mme Jeannie Longo, ou bien le patinage artistique ; puis, les choses se sont calmées, avant qu’elles ne progressent à nouveau dans le football, avec la coupe d’Europe, le basket, aux Jeux Olympiques et aux championnats d’Europe, le handball, où notre équipe est très populaire, et le rugby, l’année dernière. Cette année, c’est la Coupe du monde de foot féminin.

Il y a donc une brèche. Néanmoins, je suis frappé par la manière dont les choses sont traitées. Au début de la Coupe du monde, il y a huit jours, le journal L’Équipe a réalisé sept ou huit pages de publicité avec des jeux de mots du genre : « Ce soir, mon mari est à la maison, il regarde le foot, c’est moi qui joue ». J’ai envoyé ce journal à Mme Nathalie Bajos, car j’ai trouvé cette vision des publicitaires extraordinairement machiste ! Et pourtant, il s’agissait de mettre en valeur le football féminin ! En fait, ce type de publicité porte tous les stéréotypes dont nous parlons.

Mme Nathalie Bajos. Le HCEfh a fait un rapport évoquant notamment le sexisme dans les médias ; il a proposé des mesures, en particulier en ce qui concerne la formation des journalistes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. J’ai appris récemment, de la bouche même d’un président de club, qu’il existait aussi des discriminations dans le remboursement des frais de déplacement : un garçon utilisant sa voiture est mieux remboursé qu’une fille exerçant le même sport au même niveau. Ce président, par ailleurs médecin, m’a même avoué être mieux remboursé pour ses frais de déplacement et d’hébergement que l’infirmière qui l’accompagne dans les congrès professionnels – il a droit à un hôtel trois étoiles, et elle à un hôtel deux étoiles…

Mme Maud Olivier. L’Euro 2016 risque, comme d’autres grands championnats de foot, d’attirer les réseaux de prostitution sur notre territoire. Si la prostitution n’est pas interdite en France, le proxénétisme l’est. J’avais déjà envoyé un courrier à la Fédération internationale de football (FIFA) qui m’avait répondu de manière peu satisfaisante, en indiquant que ce n’était pas son sujet, que la fédération organisait le foot et pas du tout ce qui se passe à côté. Je pense que le Défenseur des droits pourrait promouvoir l’information selon laquelle les réseaux de prostitution ne sont pas les bienvenus sur le territoire, sachant que ce grand événement sportif va engendrer un afflux touristique sexuel important.

M. Jacques Toubon. Je vous suggère d’écrire à M. Michel Platini, président de l’Union européenne des associations de football (UEFA), qui sera très certainement sensible à cette question.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Très bonne idée, je pense que nous pouvons le faire au titre de la délégation. Lors de la Coupe du monde de football en Allemagne, en 2006, les contrôles avaient été allégés aux frontières pour laisser passer les réseaux de prostitution.

Monsieur le Défenseur des droits, je vous remercie pour cette audition très intéressante. À côté des textes sur l’égalité, d’autres textes importants peuvent être étudiés entièrement sous le prisme de l’égalité femmes-hommes – comme celui sur la santé, qui traite de la contraception, mais aussi de la prévention, des maladies professionnelles, etc. C’est pourquoi nous apprécions tout particulièrement que vous ayez créé un département « Promotion de l’égalité et de l’accès aux droits ».

Communication de Mme Édith Gueugneau sur son déplacement à Berlin, les 16 et 17 avril 2015, pour la Conférence internationale des parlementaires organisée en amont du sommet du G7 sur l’autonomisation des femmes et des filles

Extrait du compte rendu de la réunion du mardi 23 juin 2015

Au cours de cette réunion, Mme Edith Gueugneau, députée, membre de la Délégation aux droits des femmes, a présenté une communication sur son déplacement à Berlin, les 16 et 17 avril 2015, dans le cadre de la Conférence internationale des parlementaires organisée en amont du Sommet du G7 de 2015, sur « L’autonomisation des femmes et des filles pour mener des vies autodéterminées, saines et productives », avec notamment le Forum parlementaire européen sur la population et le développement (EPF).

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous en venons au second point de notre ordre du jour, avec la présentation par notre collègue Édith Gueugneau d’une communication sur son déplacement à Berlin, les 16 et 17 avril 2015, dans le cadre de la Conférence internationale des parlementaires organisée en amont du sommet du G7 de 2015 et consacrée à l’« autonomisation des femmes et des filles pour mener des vies autodéterminées, saines et productives ». Cette conférence a été co-organisée par le Forum parlementaire européen sur la population et le développement (EPF), dont notre collègue a rejoint le comité exécutif. Au nom de la délégation, je l’en félicite chaleureusement.

Mme Édith Gueugneau. Chers collègues, je commencerai par vous présenter le Forum parlementaire européen sur la population et le développement (EPF). Ce réseau parlementaire basé à Bruxelles sert de plateforme de coopération et de coordination aux groupes parlementaires qui, tous partis confondus, s’attachent à travers l’Europe à améliorer la santé et les droits sexuels et reproductifs dans leur pays comme à l'étranger, en dégageant des budgets nationaux et régionaux pour la santé et l’aide extérieure. L’EPF a pour vocation de permettre aux parlementaires que nous sommes de respecter leurs engagements internationaux en matière de population et de développement, tant au niveau national que régional et international.

En offrant aux parlementaires un cadre de coopération et de débat, EPF et son réseau de membres constitué de groupes parlementaires à travers tout le continent sont en mesure de mobiliser efficacement des ressources afin d’obtenir le financement et les engagements politiques nécessaires à l’accomplissement des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). L’Europe regroupe trente-deux des quarante-trois gouvernements donateurs au titre de l’aide publique au développement à l’échelle mondiale : nous avons un rôle majeur à jouer afin de nous assurer que les engagements internationaux de la France dans ces domaines sont bien respectés.

L’activité du forum parlementaire est pilotée par un comité exécutif désormais présidé par la Suédoise Ulrika Karlsson, la vice-présidence étant assurée par la Portugaise Monica Ferro. J’ai eu l’honneur d'être désignée membre de ce comité afin d’y représenter la France, notre assemblée et la délégation.

La réunion du forum s’est tenue les 16 et 17 avril derniers à Berlin, en présence de représentants de cinquante pays. Elle avait pour thème les politiques publiques menées par les pays du G7 et du G20 en vue de permettre aux femmes de choisir leur vie et de vivre en bonne santé selon la volonté qui est la leur.

Les principaux enjeux concernent la santé des femmes et la défense de leurs droits fondamentaux. Il s’agit surtout de promouvoir des politiques publiques permettant de favoriser l’émancipation de toutes les femmes à travers le monde. Et je dois dire qu’il était passionnant de découvrir les différences entre pays et leurs avancées respectives.

La santé sexuelle et reproductive renvoie à la capacité pour les femmes de mener une vie sexuelle sûre et épanouie et de choisir d’avoir ou non des enfants. Plusieurs actions sous-tendent cette problématique : promotion de l’éducation à la sexualité, notamment chez les adolescents, défense du droit à la santé, accompagnement pour les jeunes mères et leurs enfants à travers une protection maternelle et infantile efficace, soutien du dépistage des maladies sexuellement transmissibles ou bien de certaines maladies comme les cancers du col de l’utérus.

Les femmes et les jeunes filles sont au centre de ces questions de santé car elles sont exposées au risque de naissances prématurées et de grossesses multiples. À cela s’ajoutent des facteurs sociaux et politiques qui accroissent la vulnérabilité des femmes. À cet égard, j’aimerais évoquer le témoignage poignant de Fawzia Koofi, femme politique et féministe afghane, qui a insisté sur les difficultés accrues que rencontrent les femmes de son pays depuis l’arrivée des talibans à Kaboul.

Si en Europe et aux États-Unis ces questions sont prises en compte et garanties dans le cadre de politiques publiques affirmées, et si chacun s'accorde globalement sur les objectifs à l’échelle internationale, les écarts entre les paroles et les actes font entrevoir une très forte marge de progression lorsqu’il s’agit de les traduire concrètement.

Plusieurs intervenants, issus notamment du continent africain, ont insisté sur le difficile accès à la contraception. Un chiffre suffit à résumer cette préoccupation tant il est éloquent : 255 millions de femmes ne veulent pas ou ne peuvent pas utiliser de moyen de contraception. L’ignorance quant aux enjeux et une insuffisante perception des risques liés à la maternité expliquent cet état de fait. L’importance des facteurs culturels doit être soulignée. Dans de nombreuses cultures, les discriminations jouent dès le plus jeune âge et la religion pèse dans l’appréhension de ces questions qui se situent au confluent de la société et des choix intimes. Aussi est-il important d'engager un dialogue soutenu avec les leaders religieux de toute confession afin de sensibiliser les populations.

Par ailleurs, il convient d’agir pour réduire la pauvreté. Le fait d’espacer les naissances permet aux parents de s’investir davantage dans l’éducation de leurs enfants, notamment d’un point de vue financier. Permettre aux femmes de choisir le moment où elles souhaitent avoir un enfant, c’est leur donner aussi l’occasion de mieux articuler leur vie personnelle avec la conduite d’une carrière professionnelle. En Colombie, on a pu mettre en évidence le fait que le revenu d’un ménage augmentait de 10 % à 20 % lorsque les femmes sont en mesure de travailler.

L’augmentation du nombre de jeunes filles pouvant accéder au système éducatif constitue une autre priorité. Lorsque les ressources sont limitées, l’éducation est souvent sacrifiée. On estime environ à 60 millions le nombre d'enfants n’allant pas à l’école. Il s’agit majoritairement de jeunes filles.

De façon globale enfin, l’amélioration de l’accès à la santé est à l’évidence une nécessité. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les décès et handicaps liés à l’absence de contraception comptent pour un tiers dans le taux global de morbidité chez les femmes.

Au regard de ces enjeux, les actes politiques qui ont été ceux de la majorité et du Gouvernement depuis 2012 en matière de droits des femmes et d’égalité entre les sexes apparaissent comme autant d’opportunités de positionner notre pays aux avant-postes. La France est d’ailleurs reconnue pour ces actions en ce domaine, il importe de le souligner.

Dans le cadre de l’une des tables rondes, j’ai pu rappeler l'engagement de notre gouvernement depuis 2012 et les travaux menés par la Délégation aux droits des femmes en accompagnement du processus législatif. J’ai souligné les enjeux qui sous-tendaient la loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes du 4 août 2014, notamment en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, partie sur laquelle j'étais corapporteure – renforcement de l’ordonnance de protection, éviction du conjoint violent, plateforme téléphonique d'écoute et d'orientation 39 19 « Violences femmes info ». Enfin, j’ai eu l’occasion de préciser que cet engagement ne s'était pas démenti lors de l'examen du projet de loi pour la modernisation de notre système de santé lequel, vous le savez, prévoit de donner la possibilité aux infirmiers scolaires de délivrer une contraception d'urgence et aux sages-femmes de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse ainsi que de faciliter l'accès à la contraception en milieu scolaire afin de mieux accompagner notre jeunesse. En conclusion de mon propos, j’ai indiqué l’engagement de la France, organisatrice de la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (COP 21), à intégrer pleinement une dimension genrée dans la lutte contre le changement climatique.

Savoir ne suffit pas, il faut agir. Alors que la crise perdure, les participants au Forum ont tenu à réaffirmer la nécessité de prendre appui sur les femmes en tant que piliers du redressement économique.

La promotion des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes est une priorité de la politique française de développement. À la suite de l’évaluation présentée dans le précédent document d’orientation stratégique « Genre et développement », adopté en 2007, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2013 a adopté une nouvelle stratégie. Elle fait de l’égalité entre les femmes et les hommes un impératif éthique et politique, un objectif de développement à part entière et la garantie d’une aide à la fois plus juste et plus efficace.

D’un point de vue opérationnel, cette stratégie propose une boussole de l’égalité qui fixe des objectifs précis à l’horizon 2017 : sensibilisation et formation des actrices et acteurs, appui à la recherche, promotion du dialogue avec la société civile, redevabilité en matière d’efficacité de l’aide publique au développement.

Le genre devient ainsi un thème transversal de l’action extérieure de la France par le biais aussi bien des instruments de financement et de mise en œuvre des projets de développement que du plaidoyer politique au niveau bilatéral, européen et multilatéral.

La prise en compte du genre intervient à différents niveaux : Fonds de solidarité prioritaire « Genre, génération et cohésion sociale » visant à soutenir des projets de soutien à l’emploi des femmes et des jeunes dans le monde arabe – Tunisie, Maroc, Égypte – mais aussi engagements de Muskoka, dans le cadre desquels la France s’est engagée à financer entre 2011 et 2015 près de 500 millions d’euros additionnels destinés aux programmes de santé maternelle et infantile. Une approche transversale en termes de genre est privilégiée à travers les activités menées par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) et ONU Femmes ainsi qu’à travers les actions spécifiques mises en œuvre par les services de coopération et d’action culturelle et par l'administration.

Notre rôle en tant que parlementaires est de garantir que l’engagement qui est le nôtre soit maintenu dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Notre délégation y veillera.

Ce compte rendu ne serait pas complet s’il ne faisait pas état des craintes relayées par nos interlocuteurs devant la baisse des aides de la France.

Bien qu'il représente 10 % de l'aide publique au développement au niveau mondial, l’effort français, comme celui de la majorité des pays européens, a régressé ces dernières années en raison des difficultés budgétaires. Il représente aujourd'hui 0,37 % de son revenu national brut (RNB). La France se situait en 2013 au cinquième rang des pays donateurs derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon.

Rappelons qu’en vertu du Consensus de Monterrey de 2002 et du Consensus européen pour le développement de 2005, dont elle est signataire, la France s’était engagée comme d’autres pays développés à allouer 0,7 % de son RNB à l’aide publique au développement d'ici à 2015. Aujourd’hui, seuls quatre États membres de l'Union européenne ont atteint l’objectif intermédiaire fixé à 0,56 % en 2010 : le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède. À cela s’ajoute l’engagement de consacrer entre 0,15 % et 0,20 % du RNB aux pays moins avancés (PMA).

Nous ne sommes pas sans outils, notamment depuis le vote de la loi du 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif de renforcer le contrôle démocratique et d’améliorer l’évaluation de l’aide au développement. Elle établit des indicateurs de résultats annuels, qualitatifs et quantitatifs, destinés à évaluer les projets d’aide et à rendre la politique de développement plus transparente. Par ailleurs, elle octroie au Parlement la possibilité de débattre des critères d’attribution des aides ou de ses destinataires alors que ceux-ci relevaient auparavant du domaine réservé de l’exécutif, le Parlement ne faisant que voter le budget du ministère. La loi crée également une instance de concertation pérenne consacrée aux orientations de la politique de développement : le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI). Je souhaite vivement que notre délégation puisse se saisir de ces nouveaux outils dans les domaines qui l’intéressent directement.

De façon plus générale, il faut imposer que ces thématiques soient durablement inscrites au rang des priorités. La problématique des droits humains et du développement durable doit être appréhendée non plus seulement du point de vue de la préservation de l’environnement mais aussi de façon globale afin de construire une société plus douce et plus durable. C'est un appel à une autre vision de l’égalité femmes-hommes.

Pour finir, j’aborderai une question de terminologie. Plutôt que de « droits de l’homme » ne faudrait-il pas parler de « droits humains » ? Je pose la question tout en vous donnant mon point de vue. Je pense en effet que l’expression actuelle est porteuse d’une certaine discrimination et qu’elle contribue en outre à rendre invisibles les luttes et les intérêts des femmes.

Je m'engage à vous rendre compte de façon régulière de mon activité au sein de l’EPF. Une nouvelle réunion du comité exécutif se tiendra lundi prochain, 29 juin, à Bruxelles et je ne manquerai pas de vous informer de nos débats.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie, ma chère collègue, pour cette intervention fort intéressante. Il est à souhaiter que tous les députés qui effectuent des déplacements à l’étranger au nom d’une commission ou d’une délégation puissent présenter de semblables comptes rendus.

Mme Martine Faure. À mon tour de vous remercier pour ce compte rendu et de vous féliciter pour son intérêt. Sachez que je suis très sensible à vos réflexions sur l’expression de « droits humains ».

J’aimerais savoir quelle sera la thématique abordée lors de la prochaine réunion du comité exécutif.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La prochaine conférence de financement du développement durable se tiendra en juillet prochain à Addis-Abeba. Y seront décidés les financements des objectifs de développement durable (ODD). Il faut espérer que les programmes de promotion de l’égalité, de santé sexuelle et reproductive feront l’objet de davantage de financements que dans le cadre des objectifs du millénaire.

Notre pays qui, je l’ai appris de manière officieuse, sera représenté par Mme Annick Girardin, secrétaire d’État au Développement et à la francophonie, et M. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, reste un gros contributeur. Toutefois, il fait l’objet de critiques de la part des organisations non gouvernementales (ONG) car il a réduit sa participation à l’aide au développement, qui se situe aux alentours de 0,4 %.

Mme Édith Gueugneau. L’enjeu est d’importance, en effet. Outre l’évolution du financement des actions relatives à la santé sexuelle et reproductive, il faut prendre en compte le poids des traditions et de la religion.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale présentée par M. Pascal Canfin, alors ministre délégué chargé du Développement, prévoit que l’attribution des aides soit évaluée en fonction d’indicateurs genrés. Il importe de prendre en compte des critères très concrets. Le financement d’une école, par exemple, doit intégrer des paramètres comme le nombre de filles, la mixité, la présence de sanitaires qui leur sont dédiés, l’existence d’un parcours sécurisé. On sait combien la formation des filles est décisive. Une scolarisation jusqu’à l’âge de treize ou quatorze ans au lieu de dix ou onze ans peut induire une augmentation du PIB de 1 % ou 2 %. Mieux formées, elles sont plus sensibles aux campagnes d’information, notamment en matière de contraception.

Mme Édith Gueugneau. Tout à fait : le refus de la contraception se nourrit de l’ignorance, de la peur et des pressions que les familles exercent sur les jeunes filles. Il reste un long chemin à parcourir. Cela suppose de disposer de financements suffisants, malgré la situation budgétaire difficile que connaissent de nombreux pays donateurs. À cet égard, la France pourra jouer un rôle d’aiguillon.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup, chère collègue, pour cette communication très intéressante.

Audition de Mme Régine Saint-Criq, fondatrice et membre du conseil d’administration de l’association Parité, et de Mme Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), sur la parité en politique

Compte rendu de l’audition du mercredi 1er juillet 2015

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est en 1945 – il y a soixante-dix ans – qu’ont été élues les premières députées et en 2000 qu’a été votée la loi tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Cette année, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a rédigé un rapport intitulé Parité en politique : entre progrès et stagnations. Évaluation de la mise en œuvre des lois dites de parité dans le cadre des élections de 2014 : municipales et communautaires, européennes, sénatoriales.

Depuis la révision constitutionnelle de 2008, l’article 1er de la Constitution prévoit que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». La France s’est donc mise en conformité avec les grands textes, comme la Convention européenne des droits de l’homme, dont elle est signataire.

Selon le rapport du HCEfh, la parité a progressé, bien que, même lorsque celle-ci est contrainte, comme dans le cadre des élections européennes, la proportion de femmes ne soit que de 45 %. Comment cette situation est-elle possible ? Que peut-on encore améliorer dans la loi ? D’autre part, alors que les conseils départementaux sont paritaires, seuls 10 % d’entre eux sont présidés par des femmes, signe qu’un plafond de verre subsiste dès que le niveau de responsabilité s’élève.

En tant qu’élus, nous introduisons une obligation de parité dans tous les textes. Mais comment faire quand un organisme – comme la Haute Autorité de santé (HAS) – est composé de personnalités désignées par d’autres organismes, avec des assemblées essentiellement masculines ? Par ailleurs, comment éviter l’effet miroir, qui consiste à reproduire fidèlement dans les instances représentatives la proportion d’hommes et de femmes d’une population ou d’une entreprise ?

Mme Régine Saint-Criq, fondatrice et membre du conseil d’administration de l’association Parité, ancienne maire et conseillère régionale. C’est bien volontiers que j’ai accepté de contribuer en tant que fondatrice de l’association Parité et ancienne élue régionale et locale, au débat que votre délégation organise aujourd’hui.

Créée en mars 1992, Parité a été l’une des premières associations se fixant pour objectif la reconnaissance institutionnelle du principe de représentation paritaire entre les femmes et les hommes dans les mandats et fonctions électifs.

En 1992, cette légitime revendication n’était pas inscrite dans le programme des principaux partis politiques malgré les pressions réitérées des militantes politiques et de quelques rares soutiens masculins, alors que la représentation parlementaire féminine stagnait aux alentours de 6 %.

Essentiellement porté par les associations féministes, soutenu par des personnalités politiques féminines, ainsi que par des sociologues, intellectuels et écrivains, le mouvement paritaire se déroulera dans l’indifférence générale, jusqu’au moment où les partis politiques prendront conscience qu’il est de leur intérêt de ne pas laisser se développer un mouvement qui prend de l’ampleur, grâce à l’appui d’une large majorité de la population.

L’expérience acquise dans l’exercice de plusieurs mandats électifs sera le deuxième fil conducteur qui inspire ma contribution. J’ai été élue à un moment où les lois sur la parité ne s’appliquaient pas. Il m’est arrivé d’avoir une investiture sur des terres dites « de mission », où la victoire semblait inenvisageable, ce qui permettait de les réserver généreusement à des femmes.

Cette double expérience de militante associative de la parité et d’élue me permet de mesurer le chemin parcouru.

Sur le plan quantitatif, le bilan est globalement positif.

Bien que l’objectif constitutionnel ne soit pas encore atteint en 2015, il est indéniable que le nombre de femmes exerçant un mandat électif a progressé après l’application successive des lois sur la parité. Les résultats sont cependant contrastés selon que les contraintes légales strictes, partielles ou incitatives s’appliquent ou non.

Le renouvellement des assemblées départementales en 2015 montre à quel point les mesures contraignantes sont efficaces pour améliorer la représentation féminine. Il met aussi en lumière le sexisme qui perdure dans l’attribution des vice-présidences et présidences.

Avant la modification du mode de scrutin instaurant dans chaque canton, au lieu du scrutin uninominal à deux tours, un binôme femme-homme, les femmes détenaient seulement 13,9 % des sièges contre 49,5 % aujourd’hui.

L’ensemble des dispositions législatives mises en place s’applique respectivement aux scrutins de liste, aux scrutins binominaux et aux exécutifs de ces mêmes assemblées. Il a permis des avancées incontestables même si la parité juste et parfaite en nombre n’est pas atteinte du fait que, dans la très grande majorité des cas, les listes sont conduites par des hommes. Globalement, les femmes sont devenues presque aussi nombreuses que les hommes au Parlement européen, dans les conseils régionaux, départementaux, intercommunaux et municipaux des communes de plus de 1 000 habitants.

Au-delà de ces avancées quantitatives, le concept de parité a eu un effet boule de neige, impactant des pans entiers de la vie économique et sociale, sur tous les terrains publics et privés. C’est ainsi qu’en 2008, l’article 1er de la Constitution disposant que la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a été élargi aux responsabilités professionnelles et sociales. Depuis lors, les lois Copé-Zimmermann, Sauvadet, Fioraso et Vallaud-Belkacem se sont succédé. D’autres avancées sont attendues. Elles nécessiteront que la volonté politique soit au rendez-vous.

Sur le plan qualitatif, toutefois, le bilan laisse à désirer.

En poursuivant l’examen des résultats départementaux de 2015, on constate que, si le nombre de vice-présidences détenues par des femmes est passé de 17,8 à 48,6 %, le sexisme est toujours de mise dans les conseils départementaux. Selon une enquête de TV.INFO, la répartition des fonctions et des délégations serait déséquilibrée. On compterait 11,6 % de femmes dans le secteur des infrastructures, routes et voirie, et 21,9 % de femmes responsables des questions financières, économiques et budgétaires. Dans le domaine de l’enfance et de la famille, elles seraient 82,3 % ; dans celui des personnes âgées, 85,3 %.

Quant au nombre de femmes présidant l’une des 101 assemblées, il passe laborieusement de six à dix. « Elles auront emmagasiné l’expérience et l’assise politique pour enfin être élues à la tête de l’exécutif... en 2021 » se sont empressés de pronostiquer certains de leurs collègues masculins.

Le déficit de femmes constaté à la tête des exécutifs départementaux se retrouve à tous les niveaux de l’architecture institutionnelle. La présidence de l’Assemblée nationale et du Sénat est exercée par des hommes. Une seule femme est présidente de région. On compte seulement 10 % de femmes présidant un conseil départemental, 8 % de femmes présidant une intercommunalité et 16 % de femmes maires. Six femmes sont maires d’une des quarante et une villes de plus de 100 000 habitants.

Ce bilan contrasté, mais néanmoins positif, est-il définitivement acquis ?

Des élues nous ont fait part de leurs inquiétudes. Le contexte politique évoluant, certaines mesures électorales qui favorisent la parité ne risquent-elles pas d’être remises en question ? Il en va ainsi du binôme pour les élections départementales, du scrutin de liste pour les départements qui élisent trois sénateurs au moins et de l’application en 2017 de la loi sur le cumul des mandats, compte tenu de la marge d’incertitude liée à l’hypothèse d’un changement de majorité gouvernementale.

Notre association formule des propositions en vue d’inscrire la parité dans la durée. Aux élections législatives, nous suggérons de supprimer toute dotation publique au titre de la première fraction pour les partis politiques ne respectant pas la loi, et d’introduire une part de proportionnelle. Lors des scrutins uninominaux majoritaires, on pourrait attribuer au candidat un suppléant de sexe opposé. Il est également possible de limiter un même mandat dans le temps, d’étudier les moyens susceptibles de corriger la présence hégémonique des hommes à la présidence des régions, départements, intercommunalités et mairies, et enfin de rendre obligatoire la parité pour les communes de moins de 1 000 habitants ou dans les exécutifs intercommunaux.

Au-delà de ces propositions concernant strictement la parité politique, des mesures sont indispensables pour inscrire durablement l’égalité entre les femmes et les hommes dans notre société. La mise en œuvre de façon intégrée et transversale de la politique visant à réduire les inégalités et les discriminations, comme celle initiée par Mme Najat Vallaud-Belkacem, doit être poursuivie sans relâche dans tous les domaines. Par ailleurs, il faut promouvoir et soutenir les initiatives visant à déconstruire les stéréotypes de genre, dont on mesure chaque jour la toxicité véhiculée par nos tout-puissants médias, veiller à un meilleur équilibre et partage des temps de vie – objectif qui a tendance à faire du sur-place – conduire une politique de mixité de tous les métiers, notamment ceux de la petite enfance, et encourager le développement des réseaux de femmes élues, que ce soient les réseaux professionnels ou les lieux d’échange et de solidarité.

Il faut maintenir l’exigence de vigilance qui anime l’action de votre délégation. Vous exercez cette mission avec toute la rigueur qu’attendent les femmes de notre pays, injustement discriminées en raison du fait qu’elles sont des femmes. L’attention que vous portez à la préservation et au développement des acquis allant vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes constitue aussi l’une de nos priorités. Toutefois, la diffusion du principe de parité sur tous les terrains de la vie politique, sociale, institutionnelle, publique et privée, aussi juste et indispensable qu’elle soit, ne saurait être une fin en soi.

Parce qu’elle contribue au renouvellement de nos pratiques démocratiques, la parité est partie prenante dans la démarche plus globale d’une construction démocratique jamais achevée, et parfois menacée. À ce titre, les militantes de la parité sont concernées lorsque des symptômes inquiétants, tels le populisme, l’abstention et le vote protestataire se multiplient et gagnent du terrain.

Pour surmonter ce déficit démocratique, cet éloignement des valeurs du pacte républicain, la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine propose de rendre le vote obligatoire. Mais peut-on obliger avant que de tenter de convaincre ? Parce que nous répondons à cette interrogation par la négative, nous proposons d’inscrire le renforcement de la démocratie participative à tous les niveaux de l’organisation territoriale, dans ces lieux de proximité que sont les communes, les intercommunalités, les départements et les régions.

La parité devrait ainsi s’enrichir de nouvelles raisons d’être dans un espace démocratique plus ouvert à la participation citoyenne.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je pense comme vous que la parité est une des conditions d’une vie réellement démocratique et que la société avance quand les femmes sont plus présentes. Je rappelle que vous êtes l’auteure de deux livres dont je recommande la lecture : Petit manuel à l’usage des femmes en politique, en quête de parité (2014) et Vol au-dessus d’un lit de machos (1992).

Mme Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), chargée de recherche au CNRS et au Centre de recherches sur la vie politique française de Sciences Po (CEVIPOF), membre du comité de pilotage du programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE). Je vous remercie de votre invitation. Je suis heureuse de réfléchir avec vous aux moyens de rendre, grâce à la parité, le partage du pouvoir entre les hommes et les femmes plus effectif.

Je parlerai en tant que présidente de la commission Parité du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), instance consultative auprès du Premier ministre, mais aussi en tant que chargée de recherche du CNRS au Centre de recherches sur la vie politique française (CEVIPOF) de Sciences Po. Le rapport déjà mentionné Parité en politique : entre progrès et stagnation est collectif. Je remercie la rapporteure, Mme Caroline Ressot, de son travail.

Je brosserai le contexte historique dans lequel s’inscrit la mise en œuvre du principe paritaire, avant de présenter nos douze recommandations visant à rendre plus cohérente la dizaine de lois sur la parité votées depuis la réforme constitutionnelle de 1999. Il faut aussi se demander quelle idée portent les lois et de quelle manière on peut les rendre plus efficaces. Dans le cas de la parité, l’objectif à atteindre est le partage égal du pouvoir.

Du point de vue de la citoyenneté active des femmes, 2015 n’est pas une date anodine. Elle correspond au soixante-dixième anniversaire du premier vote des femmes aux élections municipales d’avril 1945, événement majeur, même s’il est regrettable que le droit de vote n’ait pas été accordé aux femmes par un vote parlementaire.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il y avait eu six tentatives infructueuses. C’est pour surmonter le frein du Sénat que le Gouvernement a choisi de procéder par ordonnance.

Mme Réjane Sénac. Il a fallu l’ordonnance d’un général, prise à la suite de l’adoption d’un amendement du commissaire communiste Fernand Grenier, pour que les femmes soient éligibles et qu’elles aient le droit de voter. Cette situation nous invite à poser un regard critique sur la cohérence républicaine.

Si l’on veut comprendre le décalage entre l’égalité de droit et l’inégalité de fait entre les hommes et les femmes, il faut dépasser l’idée que le seul problème à surmonter est celui de la mise en œuvre de beaux idéaux. Dans la citoyenneté française, la classe des égaux exclut les non-frères que sont les femmes et les non-Blancs. De plus, nous avons du mal à libérer l’égalité de la fraternité. Dans une période de crise de la cohésion sociale et nationale, on parle de faire vivre la fraternité. Mais nul ne mentionne la sororité, preuve que la démocratie a été exclusive et excluante.

La difficulté de penser une République égale entre les femmes et les hommes est inscrite dans l’ADN républicain. Il faut faire un travail qui relève de la psychanalyse politique pour adopter un regard critique mais constructif sur nos totems et nos tabous, notamment sur la Révolution française. Je n’ignore pas cependant que des voix dissonantes se sont élevées à cette époque, comme celle de Condorcet, pour souligner que ceux qui excluaient les femmes de l’exercice du droit naturel abjuraient eux-mêmes leurs droits, aussi sûrement que s’ils excluaient d’autres êtres, du fait de leur religion ou de leur race.

Ce rappel permet de comprendre notre héritage historique et théorique, conscient ou non. Dans l’agenda politique, la parité n’apparaît pas comme une priorité. Elle est parfois considérée comme une notion à laquelle on s’intéressera quand on aura supprimé les discriminations salariales ou les violences, dont le rejet est plus consensuel.

Si les femmes ont été privées du droit de vote ou de l’éligibilité, c’est parce qu’on leur a contesté le statut d’êtres de raison. Leur exclusion de la sphère publique et politique fait système avec leur infériorisation liée à l’idée qu’elles sont, face aux hommes, complémentaires mais non égales.

Penser une citoyenneté égale pour les hommes et les femmes, c’est déconstruire un système d’inégalité qu’il faut mettre en parallèle avec les violences de genre ou l’inégalité professionnelle. Le slogan féministe des années soixante-dix « Le privé est politique » rappelle que, contrairement à ce que pensait Rousseau, il ne faut pas faire sortir le politique de la sphère privée. Olympe de Gouges l’avait compris. Sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne évoque le contrat sexuel entre les femmes et les hommes : pour ne pas être dans une logique de domination, il faut aussi mettre du politique dans la sphère privée.

Nul ne conteste plus que le privé soit politique : il existe des lois sur la lutte contre les violences, le viol entre époux ou l’avortement. Mais il ne faut pas oublier que le politique lui-même est aussi politique, ce qui justifie les textes sur la parité.

Il faut une efficacité quantitative, qui consiste à se compter et à redistribuer les places, et une efficacité qualitative, c’est-à-dire une « reconnaissance à l’égalité » – pour citer une philosophe américaine, Mme Nancy Fraser. Il faut aussi reconnaître aux femmes une capacité à modifier les règles du jeu et le cadre. On tendra ainsi vers une égalité qui ne glisse pas vers la complémentarité.

Le terme de parité ne figure ni dans la Constitution, ni dans les lois relatives au partage des responsabilités politiques. Toutefois, il apparaît dans l’exposé des motifs, ainsi que dans la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche.

À la page 8 du rapport du HCEfh, figure un tableau qui montre comment est appliqué, en fonction du mode de scrutin, le principe d’un partage égal du pouvoir entre les hommes et les femmes. Là où prévalait une alternance par tranche de six, en fonction du nombre de tours, le système s’est homogénéisé. Prévaut désormais une alternance stricte femme-homme sur la liste au niveau des candidatures.

Nous recommandons d’étendre aux intercommunalités le principe de parité dans les exécutifs, qui s’applique au niveau régional et municipal. Il faut aussi travailler sur la continuité tout au long du mandat, pour qu’une personne qui démissionne soit remplacée par la personne du même sexe qui la suit dans la liste. Ce principe ne s’applique actuellement qu’au niveau des intercommunalités.

Une autre proposition concerne le rattachement des dissidents, qui explique en partie le différentiel entre le principe paritaire et son application. Ce différentiel est plus important pour les élections européennes, dans lesquelles il existe plusieurs têtes de liste.

En la matière, l’Assemblée nationale montre l’exemple, puisqu’elle prévoit que ceux qui se sont présentés en candidats dissidents ne pourront plus, une fois élus, être rattachés au groupe. Nous souhaitons que le Sénat adopte cette disposition, qui évitera certaines stratégies de contournement de la loi sur la parité.

Ces recommandations plaident pour une plus grande cohérence des lois qui se sont empilées depuis 1999, mais il ne faut pas oublier que l’objectif des lois est le partage du pouvoir. En matière d’égalité, Mme Nancy Fraser distingue trois versants.

Le premier est économique. Il s’agit de la distribution des places. Celle-ci a été effective dans les conseils municipaux, les communes de plus de 1 000 habitants, les conseils régionaux et la délégation française au Parlement européen.

Le second versant de l’égalité concerne la reconnaissance. On peut siéger dans une instance sans y exercer le pouvoir si les autres membres ne vous considèrent pas comme leur pair. Mme Nancy Fraser parle d’une parité de participation. Celle-ci est loin d’être acquise : très peu de femmes sont numéro un. Aucune femme n’a été Présidente de la République ni présidente de chambre et, dans un exécutif paritaire, les délégations sont réparties de manière genrée. Les hommes s’occupent de l’urbanisme et des finances, et les femmes de la petite enfance ou de la culture. C’est le cas dans le Gouvernement, où s’applique une répartition que l’on peut qualifier de « papa-maman ». Les hommes sont au ministère de l’intérieur, à la défense et aux affaires étrangères, tandis que les femmes sont dans le care, aux affaires sociales, à l’écologie et à la culture, partage qui se fonde sur une logique de complémentarité des sexes.

Dans les communes, les quatre premiers adjoints occupent des délégations dites masculines, comme le sont l’urbanisme, les transports et les finances. En politique, le papa est plus valorisé que la maman… La complémentarité des sexes est asymétrique.

Le troisième versant de l’égalité est la représentation. Posséder le pouvoir, c’est avoir la capacité de modifier le cadre, ce que peuvent faire les secrétaires fédéraux qui investissent les candidats. Leurs décisions se répercutent ensuite sur les têtes d’exécutifs.

Non seulement les femmes sont très rarement à la première place, mais elles sont sous-représentées à la deuxième. Il n’y a que 28 % de femmes premières adjointes. Nous souhaitons qu’une fois élue la tête de l’exécutif, la liste paritaire commence par un élu de sexe opposé. On évitera ainsi la concentration des hommes aux postes de président et de vice-président, ou de maire et de premier adjoint.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), chaque commune envoie des délégués. La parité est possible quand une commune en envoie deux, mais bien des communes n’en envoient qu’un seul : le maire, qui est généralement un homme. Il est donc très difficile d’assurer la parité quand dix communes entrent dans le dispositif. Je ne vois pas comment le problème peut être résolu techniquement.

Mme Réjane Sénac. Des progrès ont été accomplis dans les intercommunalités. Nous avons travaillé avec des juristes. Une solution pourrait être de demander à chaque organisme de proposer deux noms, celui d’un homme et celui d’une femme, et qu’une centralisation intervienne par la suite, qui assurerait la parité à une unité près. Ce sera plus facile si le maire et le premier adjoint forment un binôme homme-femme.

En 2015, le Haut Conseil travaillera sur les conseils départementaux, pour comprendre de quelle manière s’est appliqué le binôme paritaire. Celui-ci a-t-il permis une réelle égalité ou ne sert-il qu’à recomposer une forme de complémentarité ? Comment déconstruire le rôle du « chef gladiateur » sur son territoire, pour reprendre une image d’Édouard Herriot ? Pour ma part, j’interprète la préférence pour le binôme au détriment du scrutin de liste comme une manière de faire survivre le scrutin uninominal que les politiques jugent plus légitimant.

Le HCEfh évaluera aussi l’application des lois Copé-Zimmermann et Sauvadet, en partenariat avec le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP). Dans les instances du monde économique, le pourcentage de femmes à atteindre a été non de 50 %, mais de 20 puis de 40 %. On a donc privilégié plutôt une représentation miroir ou une logique de palier.

Le Haut Conseil, dans son avis sur le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, a plaidé pour l’application d’un référentiel paritaire commun aux responsabilités politiques, économiques, administratives et sociales. Nous regrettons en effet que deux systèmes se fassent concurrence.

En politique, la parité s’inspire d’un universalisme égalitaire sexué, alors qu’une logique de quota s’applique dans le monde économique, où prévaut l’idée que la représentation des femmes reflète un vivier. Une telle idée n’est pas acceptable : si on l’avait appliquée en politique, en considérant le vivier des militants ou des cadres, la parité ne se serait pas imposée. En outre, l’argument de la représentation miroir renvoie à une logique d’identité et non d’égalité, selon laquelle les femmes représenteraient les intérêts des femmes, ce qui ne peut se comprendre que dans une perspective essentialiste, car les femmes sont aussi diverses que les hommes.

Dans cette optique, les femmes seraient tenues de représenter certains secteurs comme les ressources humaines ou les services juridiques, de même qu’en politique, on a tendance à leur faire porter le renouvellement générationnel, l’ouverture à la société civile ou la représentation des intérêts d’un groupe. La déconstruction des discriminations structurelles n’a rien à voir avec la notion de représentation.

La France n’est pas seule à connaître ces débats, qui se sont également déroulés aux États-Unis. Les actions positives à l’américaine ont pour objectif de « déracialiser » la population, non pour que la peau n’ait plus de couleur, mais pour que celle-ci n’ait plus de sens ou de répercussion politique. De même, « dégenrer » la société vise non à produire une société d’hermaphrodites, mais à faire que notre sexe n’ait plus de répercussion sur notre reconnaissance ou notre position dans la société.

À mon sens, il faut éviter la logique de la représentation miroir, qui aboutit à un sexisme bienveillant ou à un néo-sexisme, et au terme de laquelle on inclut les femmes pour la raison qui a parfois justifié leur exclusion : leur différence, ce qui empêche de les reconnaître comme des semblables.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je partage votre point de vue. Dans le domaine sportif, on nous a souvent objecté l’absence d’un vivier de femmes. On justifie ainsi le fait que les femmes représentent les femmes, prélude à un sexisme bienveillant ou non.

Je rappelle toutefois que la France est l’un des seuls pays à avoir adopté la parité, alors que d’autres ont mis en place des quotas, auxquels personnellement je me suis toujours opposée. Il est vrai que le mot fait songer aux quotas laitiers, ce qui constitue un écho particulièrement désagréable.

Mme Maud Olivier. Nous avons débattu de ces questions lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. Quand j’étais déléguée syndicale dans une entreprise majoritairement composée d’hommes, j’ai souvent entendu des collègues justifier l’effet miroir. Ils pensaient qu’une femme n’était pas capable de défendre un homme, alors même qu’il ne s’agissait que de faire appliquer le droit du travail. Toutes les organisations syndicales que nous avons auditionnées, à deux exceptions près, disent vouloir respecter l’effet miroir, ce qui nous laisse sans voix.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous sommes restées stupéfaites de la position des représentants syndicaux. J’ai reçu un courrier très détaillé, qui s’appuie sur des chiffres, pour soutenir la représentation miroir. Il m’invite à réfléchir sur la situation d’une entreprise qui emploierait 70 % de femmes et 30 % d’hommes, lesquels seraient contraints de siéger dans toutes les instances et d’être partout. En somme, on nous décourage d’instaurer la parité en invoquant le risque d’une surreprésentation des hommes.

J’ai observé la même réaction de la part des fédérations sportives et du président du comité olympique, qui m’ont suggéré d’attendre deux ou trois olympiades pour laisser aux femmes, qui, selon eux, ne peuvent pas être immédiatement nommées à des postes de responsabilité, le temps de se former.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Dans ma communauté de communes située en milieu rural, il y a peu de femmes maires. Le conseil communautaire, qui compte soixante-quatre membres, en comprend 12 à 15 %. L’exécutif ne compte qu’une femme sur quatorze membres. Lorsque des voix se sont élevées pour demander un brin de parité, on leur a répondu que la composition de l’exécutif reflétant celle du conseil communautaire, il n’y avait aucune raison d’aller plus loin.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous lis la question de notre collègue Mme Édith Gueugneau :

« Élue d’un territoire rural, je peux témoigner que c’est la loi sur la parité qui m’a permis peu à peu de franchir les échelons qui m’ont menée jusqu’au Palais Bourbon. Le mécanisme est donc vertueux à condition que l’engagement des femmes, comme des hommes d’ailleurs, qui prétendent obtenir un mandat, soit réel.

« Il ne s’agit pas d’être une candidate femme pour être une candidate femme. Même si cela peut sembler une évidence, je le précise, car c’est encore trop souvent ce qui arrive. On cherche des femmes, car celles-ci n’osent pas, ne se sentent pas légitimes, et parfois ne parviennent pas à concilier vie personnelle et mandat électif.

« Pensez-vous néanmoins que les barrières que s’imposent les femmes soient progressivement en train de tomber, notamment dans la jeune génération pour qui – je l’espère – la question de la parité se pose moins ?

« Enfin, la question de la parité soulève celle de l’approche genrée des thématiques. En effet, si la parité est réalisée comme dans les conseils régionaux, on assiste encore trop souvent à une appropriation des sujets financiers par les hommes, tandis que les femmes se cantonnent à des sujets sociétaux ou sociaux. Comment remédier à cette situation ? Comment préserver la parité ? Comment imaginer une société du XXIsiècle qui conserve les valeurs de la République ? »

Pour ma part, j’ai été longtemps responsable de la question des transports publics, et vice-présidente du Groupement des autorités responsables de transport (GART). Certains contestaient ma légitimité sous le prétexte absurde que je n’étais pas capable de réparer un moteur, ce qu’on n’aurait jamais reproché à un élu masculin. J’ajoute que, dans les transports publics de province, les deux tiers des usagers sont des femmes.

On croit souvent que les délégations techniques reviennent de droit aux hommes. À cet égard, je crois que nous avons très peu progressé.

Mme Réjane Sénac. J’ai écrit un ouvrage intitulé L’égalité sous conditions. Genre, parité, diversité, qui vient de paraître aux Presses de Sciences po. Il montre qu’on offre à ceux qui ont été exclus de la fraternité républicaine – les femmes et les populations issues de la diversité – une égalité sous conditions de performance de la différence.

En politique, on inclut des femmes avec une forme de résilience électorale. On choisit celles qui ont un profil particulier, en leur demandant de constituer un atout électoral. Elles doivent être là en tant que femmes, faire de la politique autrement, apporter une autre sensibilité, précisément parce qu’elles n’exercent pas les mêmes emplois, qu’elles ne sont pas socialisées de la même manière et qu’elles effectuent chez elles les trois quarts des tâches domestiques, avec une notion de performance au sens de mise en scène notamment. Les femmes n’ont pas leur place si elles ne « performent » pas leur différence.

La France est très habile pour devenir un exemple, même quand son comportement n’est pas exemplaire. De même que, depuis la Révolution, elle est devenue le pays des droits de l’homme, elle s’est appropriée l’idée de parité, qui s’est imposée dans des débats internationaux, au détriment des quotas, notamment lors de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, qui s’est tenue à Pékin. La France, premier pays à avoir dépassé les quotas d’un tiers de femmes dans les instances de décision politique, a ensuite été imitée, mais sa place a baissé dans le classement international, depuis le vote de la loi sur la parité. D’autres pays ont progressé plus vite qu’elle, particulièrement ceux d’Asie ou d’Afrique, où des sièges sont réservés aux femmes, le Rwanda arrivant en première position. Enfin, les quotas sont très efficaces en cas de scrutin de liste aux élections législatives, alors qu’ils ne fonctionnent pas si le scrutin est nominal.

On prétend souvent que les femmes sont adeptes de la servitude volontaire ou s’autolimitent. N’est-ce pas le cas de tous les dominés ? Les élèves socialement défavorisés ont une orientation scolaire moins stratégique que les autres. La reproduction des inégalités ne concerne pas seulement les femmes.

Il est cependant dangereux d’en attribuer la responsabilité aux intéressées, accréditant l’idée, conforme à une logique individualiste, voire néolibérale en vogue, que, si les femmes voulaient être plus présentes, elles le seraient. Selon certains, dès lors que les politiques publiques créent des moyens, des bourses sociales et des actions positives, les femmes et les fils d’ouvriers devraient se bouger davantage pour progresser.

Si l’on gomme la responsabilité sociale et structurelle pour ne retenir que la responsabilité individuelle, la seule réponse aux inégalités est le coaching : il faut apprendre aux femmes à oser et leur proposer des formations. C’est oublier que les responsabilités ne sont pas de leur fait. Il ne suffit pas d’oser pour être élue présidente de région ou chef d’État. Le rapport à la légitimité ne réside pas uniquement dans le moteur individuel de chacun. Il dépend aussi de ce qui est structurellement audible.

Nous devons tous nous penser comme égaux, mais ce ne sera possible que grâce à un changement des normes et des règles collectives. Veillons à ne pas inverser les responsabilités.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il me semble que l’on peut apporter des nuances. Je vous rejoins quand vous soulignez l’importance de ne pas culpabiliser les individus, ce que font parfois certaines femmes de pouvoir. À ce titre, certains modèles sont des contre-modèles, qui prétendent qu’il suffit de vouloir pour pouvoir.

En revanche, je peux témoigner que les formations à la parole en public ont leur utilité. Quand il y a un conflit concernant une demande de poste ou de responsabilité, ce sont très souvent les femmes qui se retirent. Je l’ai observé dans les partis politiques comme dans les mairies.

M. Jacques Moignard. Il existe un exemple de parité fameux : la cellule familiale, au sein de laquelle le partage du pouvoir doit être pris en compte. S’il était plus égal dans ce cadre, il le serait sans doute davantage dans les institutions.

Mme Réjane Sénac. On a calqué la répartition des rôles et des tâches dans toutes les sphères à partir de la complémentarité dans la procréation puis dans la cellule familiale. Si, à la Révolution, on a coupé la tête du roi, on n’a pas fait subir le même sort aux pères et aux frères, qui continuaient, dans le monde privé, à être « chefs de famille », terme qui ne figure plus dans notre droit depuis les années soixante-dix, mais que l’on utilise encore.

Il a fallu attendre une date récente pour que l’on ne puisse plus invoquer la provocation en cas de violence de la part du conjoint sur la conjointe, et pour que la violence du père sur l’enfant cesse d’être un droit. Ce modèle très asymétrique des rapports entre le père et la mère a été déconstruit par le législateur, mais l’inertie demeure dans la répartition des tâches ménagères et domestiques.

On parle beaucoup des nouveaux pères, mais, si les femmes ont gagné dix minutes de liberté par jour sur les tâches ménagères entre 1999 et 2010, c’est grâce, non pas à un meilleur partage des tâches entre les hommes et les femmes, mais aux produits surgelés ! La non-répartition des tâches dans la sphère privée a des répercussions dans la sphère publique, politique et économique. Elle explique par exemple que 30 % des femmes travaillent à temps partiel et qu’elles décrochent de l’emploi à partir du troisième enfant.

Il faut en revenir à l’idée que le privé est aussi politique, notamment parce qu’il a des répercussions sur la sphère publique.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans la troisième partie de votre livre L’égalité sous conditions, vous écrivez qu’il faut repenser les rapports entre égalité, liberté et fraternité de façon à promouvoir une égalité réelle, sans conditions, et en libérant ce concept de la soumission.

Mme Régine Saint-Criq. J’ai confiance dans la mise en œuvre de la parité politique. Nous avons su éviter le piège des quotas toujours humiliants. Par ailleurs, je ne pense pas qu’une élue représente uniquement les femmes. Quand je regarde nos ministres femmes lors de la séance des questions au Gouvernement, je me dis que les femmes ont accompli un travail considérable.

Une manière d’assurer une représentation paritaire au niveau intercommunal serait de choisir un scrutin de listes, qui, malheureusement, ne correspond pas à l’esprit des maires ruraux, attachés à la proximité. Cette solution serait la plus logique, mais le souci de la logique n’est pas communément partagé en politique. Je crains que la réforme attendue ne soit pas encore à l’ordre du jour.

J’engage la Délégation aux droits des femmes à continuer d’exercer sa vigilance pour faire progresser la participation des femmes à la vie politique, qui est indissociable de la démocratie.

L’octroi du droit d’amendement à tout un chacun ne concernera qu’un nombre infime de citoyens, alors que des exemples de démocratie participative surgissent dans nombre de communes. Il suffit que les exécutifs les mettent en place avec des règles strictes.

J’ai interpelé récemment le Président de la République au nom de l’association. J’approuve qu’à la suite des événements de Sivens, il souhaite instaurer une démocratie participative sur les sujets environnementaux, mais il faut d’abord combler le fossé entre les citoyens et les politiques, en se souvenant que la parité contribue aux bonnes pratiques démocratiques.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie encore de votre contribution à nos travaux. Les responsables d’associations et le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) sont pour nous de précieux interlocuteurs.

Colloque, ouvert au public, sur l'implication des hommes pour l'égalité
et remise des prix du concours vidéo " Ton court pour l'égalité "

Compte rendu du colloque organisé le jeudi 1er octobre 2015

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je suis heureuse de vous accueillir aujourd’hui à l’Assemblée nationale, en remerciant les organismes à l’initiative de cet évènement : le Comité ONU Femmes France et sa présidente, Mme Miren Bengoa, le Centre Hubertine Auclert, présidé par Mme Djénéba Keita, et l’université Paris Diderot, qui est la seule université en France disposant d’un pôle dédié à l’égalité femmes-hommes, dirigé par Mme Anne Kupiec.

Je félicite les jeunes lauréats du concours vidéo « Ton court pour l’égalité » et salue l’ensemble de celles et ceux, ici présents, qui agissent à nos côtés, au quotidien, pour faire avancer les droits des femmes, et en particulier les partenaires de la campagne He for She : le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), représenté par Margaux Collet – son secrétaire général, M. Romain Sabathier, devrait nous rejoindre prochainement –ainsi que le Groupe Generali, dont le directeur général, M. Eric Lombard, interviendra dans quelques instants.

Lancée en septembre 2014, la campagne He for She, qui rencontre un grand succès, porte un message clair : elle invite les filles et les garçons à réfléchir aux enjeux de l’égalité, avec l’ambition de sensibiliser les hommes et les garçons à la lutte contre les discriminations et les stéréotypes de sexe. Cette initiative affirme avec force que l’égalité femmes-hommes est un combat partagé qui nécessite l’engagement de toutes et tous. De nombreux hommes, inconnus ou célèbres, ont répondu à l’appel, et nous ne pouvons que nous en féliciter, d’autant que nous n’avons encore de nombreux combats à mener.

En effet, les inégalités salariales perdurent, même s’il y a eu des améliorations dans ce domaine, et les femmes consacrent encore deux fois et demie plus de temps aux tâches domestiques que les hommes, et c’est là un enjeu essentiel en termes d’égalité des sexes. En France, le taux d’activité des mères chute avec le nombre d’enfants, quand celui des pères remonte, et plus de 50 % des femmes actives se concentrent dans 12 familles de métiers, tandis que 30 % des femmes actives travaillent à temps partiel, contre 7 % des hommes. Les femmes sont aussi les principales victimes de violences sexuelles et sexistes. Il reste donc des inégalités, même si nous faisons aussi beaucoup pour essayer d’améliorer cette situation.

Nous y contribuons à travers les combats que nous menons à l’Assemblée nationale, en particulier dans le cadre de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui examine les différents projets de loi sous ce prisme en vue de les amender pour faire progresser l’égalité réelle. Nos travaux ont par exemple permis d’enrichir le projet de loi sur la santé, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, et bien d’autres encore, et nous travaillons actuellement sur les femmes et le numérique, dans la perspective de l’examen du projet de loi qui sera présenté par Mme Lemaire. Nous en sommes convaincus : rassemblés, nous serons plus fortes et plus forts.

Je suis frappée par les discriminations qui touchent aujourd’hui encore les femmes et les filles, et notamment celles mises en lumière par le rapport récent d’une commission des Nations Unies sur le harcèlement sur Internet dont sont victimes les femmes et les jeunes filles, et sur lequel le Centre Hubertine Auclert a d’ailleurs mené des travaux intéressants. Cette étude en appelle à une prise de conscience mondiale, alors que 73 % des femmes auraient déjà été confrontées, d’une manière ou d’une autre, à des violences en ligne ou en auraient été victimes, avec de lourdes répercussions. Or très peu d’entre elles portent plainte.

La lutte contre les discriminations, c’est aussi le combat pour l’appropriation de l’espace public par les femmes. Vivre la ville lorsqu’on est une femme, c’est encore trop souvent être confrontée à d’importantes inégalités. L’étude du HCEfh sur le harcèlement sexuel et sexiste dans les transports l’a démontré : 100 % des femmes interrogées disaient effet avoir déjà subi ce type de harcèlement.

Pour répondre à ces enjeux, l’éducation des garçons et des filles, par les pères et les mères, est primordiale. Lancée par ONU femmes, la campagne He for She participe à cette bataille pour l’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge.

S’engager pour les droits des femmes, c’est s’engager pour les droits humains et pour une société plus humaine, plus juste, et plus égalitaire, et c’est un combat qui traverse les frontières et doit se mener au niveau international : c’est le sens de votre démarche et je souhaitais, en vous accueillant ici aujourd’hui, vous en féliciter.

Mme Miren Bengoa, présidente du Comité ONU Femmes France. Au nom du Comité ONU Femmes France, je suis très honorée d’intervenir aujourd’hui dans ces lieux et nous remercions vivement Mme la présidente Catherine Coutelle pour son accueil. Cette manifestation est pour nous très symbolique, car ONU Femmes France a été créé il y a deux ans et, outre les différents partenariats noués, nous espérons continuer à promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans différents espaces, et aujourd’hui dans ce lieu si prestigieux.

Je voudrais également remercier chaleureusement le Centre Hubertine Auclert et le pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot qui ont organisé, avec le comité ONU Femmes, le concours vidéo « Ton court pour l’égalité », ainsi que le HCEfh, partenaire de l’évènement, les membres du jury qui ont participé à la sélection des films, et l’ensemble de l’équipe, dont l’engagement, bien souvent bénévole, a permis l’aboutissement de ce projet.

Quelques mot d’abord sur les raisons qui nous ont conduit à envisager l’organisation d’un concours vidéo dans le cadre de la campagne mondiale He for She. Nous sommes une jeune instance, créée en 2013, qui a pour mission de sensibiliser et de relayer les actions d’ONU Femmes, agence intergouvernementale onusienne pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, qui est elle aussi très jeune – elle a été créée en 2010 par les États, dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies, avec un mandat global, ce qui était très nouveau. Il s’agissait avant tout d’indiquer à la communauté internationale que sans l’égalité femmes-hommes, les objectifs de développement ne pourraient être atteints.

Cette volonté a d’ailleurs été réitérée il y a quelques jours, lors de l’adoption des nouveaux objectifs de développement durable (ODD), qui fixent l’agenda de l’accompagnement au développement des pays jusqu’en 2030. Grâce à l’implication d’ONU Femmes notamment, ils incluent un objectif spécifique sur l’égalité femmes-hommes, avec aussi la prise en compte de cet enjeu dans le cadre des indicateurs transversaux relatifs aux autres objectifs.

Nous sommes aussi dans une année phare pour les droits des femmes : en effet, il y a exactement vingt ans, se tenait une conférence internationale à Pékin pour les droits des femmes, dont le bilan apparaît en demi-teinte. De fait, ONU Femmes et les pays membres de l’Assemblée générale qui portent ces enjeux, n’ont pas souhaité lancer une nouvelle conférence internationale à cette occasion, dans la mesure où les mouvements conservateurs pourraient remettre en cause certains acquis obtenus en 1995. Il est très important pour nous de sensibiliser à cette dimension internationale des droits des femmes dès lors que des inégalités persistent.

La campagne internationale He for She a été lancée après le discours prononcé en septembre 2014 par l’actrice Emma Watson, à l’Assemblée générale des Nations Unies, en défendant une idée assez nouvelle, au moins dans sa formulation. En substance, son message était celui-ci : le combat pour l’égalité doit être l’affaire de tous, porté par des ambassadeurs hommes, et ce dès maintenant. Un mouvement de solidarité est nécessaire, parce que l’égalité ne peut être portée par une moitié seulement de la population.

Cette campagne a démarré avec un objectif ambitieux : obtenir un milliard de signatures. Si cet objectif n’a pas été atteint, on dénombre aujourd’hui près de 500 000 signatures, dont au moins une dans chaque pays du monde. Certes, cela ne suffit pas mais en même temps, il est important que dans des pays où les femmes n’ont pas le droit d’hériter, de posséder de terres ou encore de divorcer et d’avoir la garde de leurs enfants, il existe des hommes qui souhaitent faire avancer l’égalité.

En France, nous avons lancé une campagne le 8 mars 2015, avec l’appui de différentes personnalités et qui sera suivie d’autres manifestations.

Le concours vidéo « Ton court pour l’égalité » s’inscrit pleinement dans les objectifs de la campagne He for She. Nous avons ciblé les étudiantes et les étudiants, car c’est à la fois un relais indispensable vers la population jeune, et un levier de changement ; leur regard est important, notamment pour savoir si nos campagnes institutionnelles sont en phrase avec leurs attentes et leurs modes de de communication.

Mme Anne Kupiec, vice-présidente chargée des relations humaines et directrice du pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot. Je voudrais tout d’abord remercier chaleureusement la présidente Catherine Coutelle de nous accueillir aujourd’hui dans ce lieu chargé d’histoire, ainsi que du soutien apporté à notre projet.

L’université Paris Diderot, dont la présidente, Mme Chrisitine Berici, n’a pu être présente aujourd’hui en raison d’un empêchement de dernière minute, est une université pluridisciplinaire, reconnue dans le milieu académique pour son engagement depuis plusieurs années sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, à travers la création d’un pôle dédié que je dirige. Je précise que cet engagement remonte en fait aux années 1970, à travers les activités de recherches et d’enseignements. En effet, l’université a été pionnière dans les études scientifiques sur le genre. Ainsi, bien avant l’institutionnalisation des études de genre, l’historienne Michelle Perrota pu commencer en 1973, grâce au soutien de l’université, un cours intitulé « Les femmes ont-elles une histoire ? ».

En 1985, nous avons été l’une des trois premières universités françaises à avoir créé un poste de maître de conférences sur les études féministes, qui sera occupé par Mme Claude Zaiman. En 2001, un poste de professeur « Genre et société » a également été créé.

Aujourd’hui, nous avons une quinzaine d’enseignantes et d’enseignants-chercheurs travaillant sur le genre dans différentes disciplines, comme la sociologie, l’histoire, la géographie, les lettres, les arts et le cinéma, mais aussi les études psychanalytiques ou les études interculturelles en langues appliquées. L’existence de ces postes a permis la mise en place d’enseignements et de diplômes sur le genre. Il existe en effet un master en sociologie qui a pour titre « Genre et changement social et politique ».

Dans la continuité de cette tradition, l’université Paris Diderot a été la première – et la seule à ce jour – à avoir créé en 2010 un service dédié à l’égalité femmes-hommes. Ce service s’est vu confier trois missions par le conseil d’administration de l’établissement.

La première consiste à dresser le constat des inégalités dans l’université, à travers des études quantitatives, et à rechercher des explications, par des études qualitatives. Depuis la création du pôle égalité femmes-hommes (PEF), cinq études ont été réalisés sur la communauté universitaire : enseignantes et enseignants-chercheurs, personnels administratifs et techniques, étudiantes et étudiants.

La deuxième mission du PEF est de sensibiliser les acteurs et actrices de l’université sur les inégalités femmes-hommes, notamment en diffusant les données issues des études produites, mais aussi à travers une série de conférences annuelles sur l’égalité des sexes, destinées aux chercheurs et au grand public.

Enfin, le PEF a pour mission de proposer des mesures concrètes pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes à l’université. Depuis sa création, il a ainsi défini deux plans d’action : l’un, adopté en juin 2011 par le conseil d’administration de l’université, et le second, défini pour répondre à un appel à projets de la Commission européenne, qui date de 2013. Les mesures prévues par ces deux plans d’action s’adressent à l’ensemble de la communauté universitaire et touchent aussi bien la sphère professionnelle (recherche, enseignement, politique générale de l’établissement) que privée, notamment en vue d’améliorer l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.

Certains pourraient s’interroger sur les raisons d’un tel engagement. En effet, le monde académique est souvent perçu comme démocratique, ouvert à la société et dédié à la transmission égalitaire des savoirs. Cependant, les données statistiques et sociologiques disponibles montrent qu’un plafond de verre existe également dans le monde académique.

L’université Paris Diderot est engagée sur ces questions, car nous sommes convaincus de l’importance du rôle de l’université pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes ; c’est aussi un lieu d’innovation sociale, et notamment dans le domaine des droits des femmes. Les recherches sur le genre, qui nous permettent de mieux comprendre les mécanismes de construction et de reproduction des inégalités, ainsi que les formations dispensées nous permettront d’atteindre notre objectif : l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Nous dispensons chaque année, depuis 2011, une formation obligatoire à l’égalité femmes-hommes à destination de l’ensemble des étudiants de première année de licence, et au fil des ans, nous avons constaté une nette évolution : en effet, si au début les étudiants s’interrogeaient sur la nécessité de suivre ce cours, leur discours a aujourd’hui changé. L’action des pouvoirs publics, les initiatives de différents organismes, tels que le Centre Hubertine Auclert et ONU Femmes, ont favorisé une prise de conscience du grand public.

Au cours de ces formations, nous constatons que certains étudiants s’interrogent sur les moyens dont ils disposent pour faire changer les choses. Le concours vidéo « Ton court pour l’égalité » répond précisément à leur envie de s’investir pour promouvoir l’égalité des sexes. Mobiliser les étudiantes et les étudiants sur cette thématique, la lutte contre les discriminations sexistes et l’implication des hommes et des garçons, est pour nous un enjeu et un défi majeur, et pour l’ensemble de la société. À cet égard, la campagne internationale He for She, dans le cadre de laquelle s’inscrit ce concours, et dont l’objectif est de sensibiliser les hommes pour qu’ils prennent eux aussi conscience de la nécessité de soutenir et de s’engager dans cette cause, est une initiative formidable.

Pour l’ensemble de ces raisons, lorsque ONU Femmes nous a proposé de s’associer à ce projet, nous n’avons pas hésité une seconde. L’idée d’inviter les jeunes générations à réfléchir aux enjeux de l’égalité et promouvoir l’implication des hommes nous a semblé intéressante, et surtout nécessaire.

Aujourd’hui encore, quand nous organisons des manifestations sur l’égalité, scientifiques ou culturelles, nous dressons le même constat : peu d’hommes ou de garçons y participent car ils ont peu conscience du problème, et en particulier du fait que les inégalités ne nuisent pas seulement aux femmes. Par ailleurs, si ce concours vidéo visait notamment à encourager l’implication des hommes et des garçons, il est bien évident que les questions d’inégalités entre les sexes, de lutte contre le sexisme ou des violences faites aux femmes se posent également aux filles.

En tant qu’organisateurs du concours, avec le centre Hubertine Auclert et le comité ONU Femmes, nous avons insisté sur la nécessité d’une réflexion menée par les filles et par garçons et les filles : la mixité des équipes proposant un court-métrage était d’ailleurs l’un des critères du règlement du concours.

Pour conclure, je voudrais remercier la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, en soulignant le plaisir que nous avons eu à travailler sur ce concours vidéo avec le Centre Hubertine Auclert et ONU Femmes, en remerciant en particulier Béatrice Audollent, Pauline Chabbert et Amandine Berton-Schmitt notamment, ainsi que l’ensemble des partenaires et les membres du jury.

Un travail formidable a été réalisé et, si le choix n’a pas été facile, compte tenu de la qualité des courts-métrages proposés, les débats ont été constructifs et ont abouti à un consensus, dans une ambiance chaleureuse. Je me félicite également de la diversité des personnes et organismes impliqués dans ce projet, et cette diversité, qui a certainement contribué au succès du projet, est à l’image de la campagne He for She, qui a pour objectif, en s’adressant à des personnalités issues de différents milieux, notamment politiques, économiques et académiques, la dissémination à une large échelle d’un message optimiste et inclusif sur l’égalité.

Mme Djénéba Keita, présidente du Centre Hubertine Auclert. Mme la Présidente, mesdames, messieurs. Je remercie tout d’abord la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale de nous accueillir aujourd’hui. Il fallait pour cette première édition du prix « Ton court pour l’égalité » un lieu symbolique, et quel lieu plus symbolique que l’enceinte de la représentation nationale pour remettre un prix dédié à l’égalité ? Ici, le peuple et ses représentantes et représentants débattent des règles et des lois qui régissent notre vie commune. Ici, la citoyenneté s’apprend et se forge. Ici, l’égalité est inscrite dans la pierre. Pour qu’elle ne s’efface pas, malgré les coups répétés qui lui sont portés, nous devons être vigilantes et vigilants.

L’éducation à l’égalité est donc fondamentale, et notamment au cœur des missions du Centre Hubertine Auclert. L’éducation, c’est bien sûr l’école, car nous savons combien les stéréotypes y sont forts et perpétués. Notre nouvelle étude, qui paraîtra dans les prochains jours sur les manuels de lecture de cours préparatoire (CP) et qui analyse les représentations sexistes et sexuées, montre une nouvelle fois combien les enfants apprennent dès le plus jeune âge les inégalités. En avant-première, je peux donc vous dévoiler que les seules carrières professionnelles qui s’offrent aux femmes, selon ces manuels, sont… maman et princesse !

Nous voyons bien que les mentalités doivent évoluer, et les pratiques professionnelles dans l’éducation se modifier. Éduquer, c’est donc sensibiliser aussi bien les jeunes que les adultes.

C’est dans ce cadre que le concours « Ton court pour l’égalité » a été pensé. Mobiliser la jeunesse, mobiliser les étudiantes et les étudiants sur ces questions est un enjeu important, d’abord parce que nous voulons leur permettre de s’exprimer et de transmettre à leur tour une culture de l’égalité, mais aussi parce qu’il est toujours judicieux d’écouter leur vision du monde.

Les nombreuses créations que nous avons reçues et celles qui seront primées ce soir sont autant d’outils qui vont permettre de sensibiliser, d’ouvrir le débat et defaire réfléchir. La forme d’un film est d’autant plus forte qu’elle incarne un projet commun dans lequel de nombreuses personnes sont impliquées (acteurs et actrices, techniciennes et techniciens, spectateurs et spectatrices…) et peuvent à leur tour diffuser une culture de l’égalité.

Le prix « Ton court pour l’égalité » est aussi un projet commun dans lequel je suis heureuse de voir des partenaires impliquées et dynamiques. Porté à la fois par le Comité France d’ONU Femmes dans le cadre de la campagne He for She, par le Centre Hubertine Auclert, institution régionale de ressources pour l’égalité femmes-hommes, ainsi que par l’université Paris Diderot, dynamique sur ces questions, que je tiens à remercier à nouveau, ce concours est parti pour s’inscrire durablement dans le paysage audiovisuel, surtout s’il est soutenu par des partenaires engagés.

J’en profite donc pour remercier le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), avec qui nous travaillons régulièrement sur de nombreux sujets et qui participe, comme nous, au groupe de travail initié par ONU Femmes France sur l’implication des hommes dans le féminisme et l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je remercie aussi le Festival international des droits de l’Homme de Paris, qui bien qu’ayant le terme « homme » dans son titre, contribue au rayonnement des idées et des valeurs de l’égalité entre les femmes et les hommes. Un évènement est d’ailleurs prévu en 2016, au carrefour des droits humains et des droits des femmes. Enfin, je remercie le groupe Generali, qui soutient financièrement notre prix et permet de lui donner une attractivité plus forte, tout en permettant de renflouer les bourses étudiantes encore trop souvent trop vides aujourd’hui.

Ce soir, au travers de cet évènement, nous assistons à une belle dynamique qui associe acteurs et actrices de la vie civile, institutionnelle, politique et professionnelle. Cette synergie, nous la construisons au quotidien, vous la construisez au quotidien, et nous travaillons ensemble pour qu’elle se développe et se répande à tous les niveaux de la société.

M. Éric Lombard, directeur général de Generali France. Je voudrais tout d’abord revenir sur les raisons pour lesquelles l’entreprise Generali a apporté son soutien à cette initiative, en ajoutant qu’à titre personnel, je suis aussi très engagé sur ces questions.

Je travaillais auparavant à BNP Paribas et j’y ai assisté à la création, il y a environ une quinzaine d’années, d’un réseau de femmes cadres, « MixCity », qui existe toujours. J’ai été invité à la première réunion de ce réseau. Ayant la réputation d’être un manager attentif à l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai été invité à la première réunion de ce réseau, ce qui m’a conduit à m’exprimer devant des centaines de femmes cadres. Ce type de déséquilibre numérique est assez inhabituel pour un homme, et malheureusement les femmes sont davantage confrontées à ce type de situation.

Voici en substance le discours que j’ai tenu alors : l’égalité entre les femmes et les hommes est une évidence, et de ce point de vue, il est un peu triste qu’en 2015 il faille encore s’engager et militer pour assurer cette égalité. S’il faut naturellement une égalité de représentation et de salaires, il est aussi nécessaire que les formes de travail dans les grandes entreprises intègrent mieux une façon peut-être féminine d’organiser le travail… Par certains aspects, l’organisation du travail est en effet très masculine dans des entreprises. J’ai donc dit à ces femmes de prendre le pouvoir, car c’est seulement ainsi que les modes de fonctionnement des entreprises sont susceptibles d’évoluer et d’être plus propices à la mixité et à une représentation plus égalitaire des femmes et des hommes, ce qui n’a d’ailleurs pas été sans susciter les inquiétudes du directeur des ressources humaines du groupe…

En tout état de cause, et pour faire le lien avec la campagne He for She, et le discours très beau et émouvant prononcé par l’actrice Emma Watson, les hommes doivent eux aussi militer pour l’égalité et pour la reconnaissance de la place des femmes dans l’entreprise.

Dans le secteur de la finance, une étude a été faite sur les entreprises qui prennent des risques financiers et font des pertes. Cette analyse a fait apparaître que le niveau de risques et pertes était en lien avec la proportion de femmes dans l’encadrement ; plus la proportion était élevée et plus la gestion des entreprises était prudente, et donc plus conforme à l’intérêt général. Ceci illustre clairement le caractère indispensable de la parité, et bien évidemment, quel que soit le secteur d’activité, la parité est un facteur d’efficacité essentiel.

Alors, pourquoi n’y est-on pas encore ? Probablement parce que l’on ne s’en occupe pas encore assez. Pour donner un exemple concret, dans l’entreprise Generali, qui compte environ 7 000 personnes, il y a 60 % de femmes, 50 % de femmes cadres, 30 % s’agissant des cadres dirigeants, et enfin 20 % de femmes au comité exécutif. C’est à la fois injuste et inefficace, mais nous avons décidé de veiller à la parité lors des promotions de cadres, et cela se fait d’ailleurs très naturellement, sans qu’il soit besoin de faire de la discrimination positive : il suffit de prendre des femmes et des hommes aptes à devenir cadres, et on arrive ainsi à la parité.

Il en va de même pour les nominations de cadres dirigeants, qui interviennent environ chaque année, et nous allons parvenir à augmenter la proportion de femmes au comité exécutif, même si cela prend du temps. Lors d’une récente réunion interne, des hommes se sont d’ailleurs inquiétés de la place qui leur serait réservée, ce à quoi j’ai répondu que cela serait fonction des talents.

Les choses peuvent d’ailleurs évoluer rapidement. Ainsi, dans une filiale d’assurance de BNP Paribas, Cardif, que j’ai précédemment dirigée, et si le comité exécutif ne comportait aucune femme lorsque j’ai pris mes fonctions, il en comptait 30 % lorsque j’en suis parti ; par ailleurs des femmes dirigeaient les principaux centres, en France et en Italie.

Il faut donc s’occuper de ces questions et, comme le met en lumière la campagne He for She, c’est aussi aux hommes qu’il appartient de s’en saisir. Pour donner quelques exemples des multiples initiatives concrètes que nous avons prises en ce sens, un observatoire des femmes dans l’assurance a été lancé par Generali. C’est un réseau très efficace, et les réseaux sont importants dans la vie professionnelle. Nous avons d’ailleurs entendu récemment la directrice de l’École nationale d’administration, Mme Loiseau. Nous avons également pris des initiatives dans le domaine sportif, avec un projet autour de la voile en particulier.

En saluant toutes celles et tous ceux ici présents qui se mobilisent pour cette cause, je veux souligner, pour conclure, que l’égalité entre les femmes et les hommes devrait être une évidence aujourd’hui et nécessite la mobilisation de tous.

Après un échange avec la salle, a eu lieu la remise des prix aux lauréates et lauréat du concours vidéo, en présence de Mme Blandine Lenoir, réalisatrice, de M. Laurent Duarte, secrétaire d’Alliance Ciné, de M. Romain Sabathier, secrétaire général du HCEfh, de Mme Marie-Christine Lanne, directrice de la communication et des engagements sociaux de Generali, de M. Stéphane Foenkinos, réalisateur, et de Mme Laetitita Puertas, du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, suivie de la projection des courts-métrages primés.

Mme Fanny Benedetti, directrice exécutive d’ONU Femmes France. Madame la présidente, je vous remercie de me faire l’honneur de clore cette magnifique manifestation. Je ne suis pas la seule à être émue et admirative de ce que l’on a pu voir ce soir. Pour le Comité ONU Femmes, il n’a pas été évident de s’engager dans ce projet dans la mesure où il a dû mobiliser beaucoup de ressources, avec l’implication de bénévoles et différents partenariats, et cela a été un travail de longue haleine pour arriver aujourd’hui à ce résultat très satisfaisant.

Cet effort participe, au niveau local, à quelque chose de mondial. Comme Mme Miren Bengoa l’a souligné au début de cette réunion, le moment est important : nous venons de célébrer les vingt ans de la conférence de Pékin, mais aussi d’adopter les objectifs de développement durable (ODD). Quatre-vingt chefs d’État et de gouvernement se sont engagés récemment à New York, à l’Assemblée générale des Nations unies, pour faire progresser plus vite l’égalité entre les femmes et les hommes d’ici quinze ans. Nous savons bien effet qu’au rythme actuel, il faudrait près de cent ans pour atteindre une égalité formelle.

Il faut se situer du côté des optimistes et nous avons des raisons d’y croire : la campagne He For She illustre à cet égard le changement qui peut se produire grâce à l’implication de l’ensemble de la société. Vous l’avez dit, M. Lombard, en écoutant Emma Watson, vous avez réalisé que non seulement les femmes devaient prendre le pouvoir mais aussi que les hommes avaient l’obligation de soutenir et promouvoir l’égalité. Des changements rapides sont possibles.

Je tiens enfin à remercier vivement la présidente de la Délégation aux droits des femmes, Mme Catherine Coutelle, ainsi que les intervenants, les membres du jury et les jeunes lauréats, ainsi que l’ensemble des personnes ayant contribué à l’organisation de cet évènement. Je vous annonce d’ailleurs que nous commençons déjà à préparer la prochaine édition de cette manifestation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Au début de cette législature, je me suis rendue à l’Organisation des Nations Unies (ONU) avec la ministre Mme Najat Vallaud-Belkacem, et nous y avons rencontré Mme Michelle Bachelet, qui était alors directrice d’ONU Femmes. Nous avions alors évoqué le vingtième anniversaire du Sommet du Caire sur la population et le développement, en 2014, et celui du sommet de Pékin, en 2015. Mme Bachelet nous avait alors répondu que pour l’instant, la priorité était de ne pas reculer, et qu’un grand évènement ne serait pas organisé de ce fait.

Nous avions pourtant réussi, à travers ces grandes conférences organisées dans les années 1990-2000, à réunir une majorité d’États qui avaient pris des engagements en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cependant, face aux réactions d’un certain nombre de pays et aux conservateurs qui s’organisent très bien, et peut-être mieux que celles et ceux qui défendent l’égalité et la liberté, l’ONU n’avait pas alors souhaité le faire. Pour l’ensemble de ces raisons, je suis très heureuse que nous ayons pu aujourd’hui organiser cet évènement et célébrer les vingt ans du Sommet de Pékin.

Je remercier les jeunes générations, filles et garçons, qui continuent de porter ce flambeau. Le féminisme existe encore, et aussi longtemps que subsisteront des inégalités salariales, dans l’accès aux postes à responsabilité, et des discriminations, avec par exemple des questions posées à des femmes lors d’entretiens d’embauches concernant leurs projets parentaux. Je vous remercie toutes et tous pour votre présence et pour cette si belle initiative, en formant le vœu qu’elle fasse l’objet d’une seconde édition.

Audition de Mme Luce Pane, députée, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2016 (mission Solidarité, insertion et égalité des chances), sur les crédits du programme budgétaire 137 « Égalité entre les femmes et les hommes »

Compte rendu de l’audition du mercredi 14 octobre 2015

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous allons entendre notre collègue, Mme Luce Pane, rapporteure pour avis au nom de la de la commission des affaires sociales, sur les crédits pour 2016 du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », qui relève du Secrétariat d’État chargé des droits des femmes.

La politique de l’égalité femmes-hommes est transversale – en incluant les mesures prises récemment par Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et la contraception, mais aussi les actions relevant de la politique éducative en faveur de l’égalité entre les filles et les garçons, pour ne citer que quelques exemples. Ces mesures et actions n’apparaissent pas dans le budget consacré au programme 137, l’un des plus faibles de l’État. Je précise, au passage, que le souci de simplification qui a présidé à l’élaboration de ce budget ne nous simplifie pas la vie, mais Mme Luce Pane va nous en parler.

Mme Luce Pane. Madame la présidente, mes chers collègues, je suis ravie de vous présenter le programme 137, spécifique à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, programme intégré à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2016.

Les crédits alloués à ce programme permettent surtout de financer des dépenses d'intervention. En effet, les actions programmées sont conduites dans le cadre de partenariats. Aussi les crédits d'intervention ont-ils vocation à servir d'effet levier en engageant des acteurs associatifs ou institutionnels et des financements non seulement nationaux, mais aussi européens, régionaux, départementaux et locaux, dans une dynamique d'action pour l'égalité réelle. D'ailleurs, le ministère a à cœur de pérenniser ces partenariats avec les différents acteurs et surtout les associations, en multipliant, lorsque cela est possible, les conventions pluriannuelles d'objectifs afin de travailler sur le plus long terme.

Vous l’avez évoqué, madame la présidente, une modification importante de l'architecture budgétaire du programme est intervenue. En effet, alors que le programme 137 était décomposé en cinq actions dans la loi de finances pour 2015, à compter de 2016, et par souci de lisibilité, les actions n° 11 et n° 14 sont dorénavant fusionnées. Cette simplification de la maquette budgétaire regroupe donc dans une même action les crédits budgétaires consacrés à l'égalité dans la vie professionnelle, économique et sociale, et ceux consacrés à la conduite d'expérimentations innovantes en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Par conséquent, le programme 137 se décompose dorénavant en quatre actions : l’action n° 11 « Actions et expérimentations pour la culture de l'égalité et en faveur de l'égalité professionnelle, politique et sociale » (libellé modifié par rapport à l'année dernière), dotée de 5 023 900 euros ; l’action n° 12 « Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes », dotée de 15 754 300 euros ; l’action n° 13 « Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes », dotée de 1 195 500 euros ; et l’action n° 15 : « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », dotée de 4 983 960 euros. Au total, 26 957 660 euros sont accordés au programme, contre 25 295 021 l'année dernière, soit une hausse de 6,6 %.

À première vue, on peut se féliciter de cette hausse des crédits du programme. Néanmoins, il faut noter que la hausse observée résulte d'un transfert de 2,8 millions d’euros en provenance de trois autres programmes du budget général : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », le programme 101 « Accès au droit et à la justice » et le programme 176 « Police nationale », et ce afin d'alimenter le fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. J’y reviendrai à propos de l'action n° 15.

Au-delà de ce transfert, il faut également noter une baisse des crédits accordés à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui avait été prévue dans le budget triennal pour 2015-2017 et qui touche principalement la première action du programme 137.

En effet, l'action n° 11 « Actions et expérimentations pour la culture de l'égalité et en faveur de l'égalité professionnelle, politique et sociale », qui regroupe l'ancienne action n° 11 « Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale » et l'ancienne action n° 14 « Action de soutien, d'expérimentation en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes », est dotée de 5,02 millions d’euros pour 2016, alors que les actions n° 11 et n° 14 réunies étaient dotées de 6,49 millions en 2015. C'est cette action qui subit le plus fortement la baisse des crédits prévus par le budget triennal 2015-2017. En effet, elle concerne principalement des actions expérimentales cofinancées par l'État visant à créer un effet de levier important, ces cofinancements n'ayant pas forcément vocation à être pérennisés puisque certaines expérimentations sont arrivées à terme et d'autres ont été intégrées dans le droit commun. Cette baisse n'est donc pas aveugle : elle avait été prévue dès le départ.

Cette action se décompose en trois sous-actions, qui ont évolué depuis l'année dernière. La première, intitulée « Égalité et mixité professionnelles », est dotée de 3,99 millions d’euros destinés à soutenir les associations qui favorisent l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Elle vise également à lutter contre les stéréotypes à l'école, dans l'enseignement supérieur et sur le marché du travail. Elle soutient l'entreprenariat féminin et finance les bureaux d'accompagnement individualisé vers l'emploi, présents au sein des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). La deuxième sous-action « Égalité dans la vie politique, sociale, culturelle et sportive » est pourvue de 0,15 million, et la troisième sous-action « Études, expérimentations et évaluations » de 0,89 million d’euros. La comparaison plus précise des crédits par rapport aux années précédentes est tout de même difficile à faire, les sous-actions ayant été profondément remaniées.

L’action n° 12 « Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes », la plus importante et la plus structurante puisqu'elle représente 60 % des crédits du programme, est dotée de 15 754 300, contre 15 175 561 l'année dernière. Cette hausse de 600 000 euros, importante en cette période d'économies budgétaires, témoigne clairement de la volonté du ministère d’être actif dans ce domaine. Les financements inscrits au titre de cette action portent sur des actions d'information et d'orientation des femmes, sur la prévention, l'accompagnement et la prise en charge des femmes victimes de violences physiques et sexuelles. Pour cela, elle se décline en deux sous-actions.

Une sous-action « Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes », au titre de laquelle le ministère a noué un partenariat avec le Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles, association tête de réseau de 111 centres répartis sur le territoire, et avec d'autres associations locales intervenant dans différents champs – santé, lutte contre les violences faites aux femmes, etc. Des partenariats ont également été conclus avec des associations à vocation nationale, les mêmes que l'année dernière : l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), le Collectif féministe contre le viol (CFCV), ainsi que le Mouvement français pour le planning familial (MFPF). Il faut relever que ces partenariats avec les associations ont été pérennisés grâce à des conventions pluriannuelles d'objectifs qui inscrivent les actions dans la durée. Cela témoigne d’une volonté très positive du ministère.

La seconde sous-action concerne la mise en œuvre du « Quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016) ». Cinq dispositifs sont financés dans le cadre de ce plan : l'accueil de jour pour les femmes victimes de violences ; les lieux d'accueil, d'écoute et d'orientation ; le numéro national de référence d'accueil téléphonique et d'orientation des femmes victimes de violences (39.19 « Violences femmes info ») ; la poursuite de la généralisation du dispositif de télé-protection d'alerte grave danger (TGD) ; et enfin les actions locales de formation et de prévention en faveur de la lutte contre la récidive.

L’action n° 13, « Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes », dotée de 1,2 million d’euros – contre 1,38 en 2015 – couvre les dépenses de fonctionnement courant des délégations régionales aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, les dépenses liées aux actions de communication autour des politiques en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi celles liées à l'accueil de jeunes en service civique. La diminution de ces crédits s'explique par les économies générées par la réforme territoriale sur les dépenses de fonctionnement courant, mais également par la volonté du ministère de diminuer les dépenses de communication.

Enfin, l’action n° 15, « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », connaît une forte hausse de ses crédits, qui passent de 2,2 millions en 2015 à 5 millions pour 2016. Cette forte augmentation est due, comme je l'ai dit précédemment, au transfert de crédits depuis trois programmes du budget général – santé, justice, intérieur. Cette action représente aujourd'hui 18,5 % du programme et a donc pris beaucoup d'importance. Cela s’explique par l'engagement de constituer et de doter, au sein du budget de l'État, un fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, prévu par le plan national de lutte contre la traite des êtres humains pour 2014-2016, et par l'article 4 de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, que vous connaissez bien pour l'avoir portée. Ce fonds financera le parcours de sortie de la prostitution et l'insertion sociale et professionnelle des personnes concernées. L'autre partie des crédits alloués à l'action n° 15 sera destinée au financement d'actions locales de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains.

Voilà brossé le tableau des crédits alloués à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui répondent à la problématique du Gouvernement : surveiller les dépenses publiques, tout en réaffirmant la priorité donnée à l'égalité entre les femmes et les hommes. Des équilibres ont été trouvés. Chacun sera juge des arbitrages opérés, qui me semblent tout de même positifs puisque les crédits du programme progressent, conformément aux promesses du Gouvernement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce budget relève du Secrétariat d’État chargé des droits des femmes, mais la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes pose le cadre d’une politique intégrée de l’égalité. Nous attendons d’ailleurs avec impatience le prochain comité interministériel des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui doit se tenir théoriquement chaque année.

M. Christophe Sirugue. Je félicite Mme Luce Pane pour son travail. Une modification de l’architecture budgétaire est toujours préjudiciable, car elle se solde le plus souvent par une remise en cause des crédits. D’ailleurs, après soustraction des 2,8 millions d’euros en provenance des trois ministères – santé, justice, intérieur –, le programme 137 enregistre une baisse de près de 1,5 million d’euros de crédits. Ce budget est donc en baisse par rapport aux années précédentes, ce qui me semble préoccupant.

En effet, si l’action n° 12 voit ses crédits augmenter d’environ 600 000 euros, le regroupement des actions n° 11 et n° 14 se solde par une diminution des crédits de 1,3 million. Certes, ce regroupement se justifie par la mise en place d’expérimentations en 2013 dans plusieurs régions, mais il avait été dit à l’époque qu’une évaluation du dispositif serait assurée avant la fin 2014 pour proposer la généralisation des dispositifs les plus pertinents. Les dispositifs expérimentés sont-ils si peu pertinents qu’ils ne méritent pas d’être généralisés ?

D’autre part, la diminution des crédits inscrits à l’action n° 13 (300 000 euros) fait craindre une baisse des dépenses de fonctionnement courant des délégations régionales aux droits des femmes, alors que nous avions alerté l’année dernière sur le niveau déjà très faible de leurs moyens de fonctionnement. Dans ces conditions, ne va-t-on pas leur demander l’impossible ?

Enfin, les associations nous disent être très inquiètes. Qu’en est-il du budget accordé au mouvement associatif dans son ensemble ?

Sur tous ces points, il me semble nécessaire d’interroger le Gouvernement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Des crédits ont été gelés cette année : il serait intéressant d’avoir des précisions sur le budget réel par rapport au budget prévisionnel.

À La Rochelle, Mme la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a annoncé un doublement des crédits alloués à la lutte contre la traite des êtres humains. Cet après-midi, le Sénat examine en deuxième lecture la proposition de loi de lutte contre le système prostitutionnel, qui prévoit la création d’un fonds de 20 millions, ce dont je me félicite, mais qui sera prélevé sur le fonds AGRASC (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués). Autrement dit, des crédits sont prélevés ailleurs pour abonder ceux dévolus aux droits des femmes. De la même manière, le transfert de crédits du programme 101 « Accès au droit et à la justice » concerne-t-il l’aide juridictionnelle ? Il est important de le savoir, car l’aide juridictionnelle bénéficie surtout aux femmes. Je me pose la même question pour les programmes 176 « Police nationale » et 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » : les crédits prélevés sur les ministères de l’intérieur et de la santé portent-ils sur des actions en faveur des femmes ?

Comme Christophe Sirugue, je regrette la diminution des crédits, à hauteur de 300 000 euros, à l’action n° 13, les délégations ayant déjà des marges de manœuvre très réduites. Sans compter que le rapprochement des actions n° 11 et n° 14 entraîne une baisse des crédits de 1,3 million d’euros.

Au total, le programme 137 augmente, certes, de 6,6 %, mais par un « jeu » des actions qui me laisse interrogative. Si, chaque année, 1,5 million d’euros est prélevé sur ce budget de 26 millions, il n’y aura plus de budget aux droits des femmes dans dix ans ! Certes, nous devons tous consentir des efforts pour le redressement des comptes publics, mais des efforts sur un budget de 26 millions et des efforts sur un budget de plusieurs milliards, comme celui de la défense, n’entraînent pas les mêmes conséquences !

Mme Maud Olivier. Pour l’action n° 13, il est indiqué que la baisse des crédits résulte du transfert de charges vers le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » et le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ». Il serait intéressant de savoir si ce transfert correspond au différentiel entre 2015 et 2016.

Je regrette la diminution de l’accueil des jeunes en service civique, alors que nous savons à quel point les délégations ont besoin d’aide.

De la même manière, il est dommage de diminuer les dépenses de communication, surtout quand on connaît l’importance des campagnes d’information.

Enfin, concernant le programme « Police nationale », il faudrait effectivement savoir quels crédits sont transférés.

Mme Luce Pane. Le ministère m’a indiqué que le transfert de crédits des programmes « Prévention, sécurité sanitaire et offres de soins », « Accès au droit et à la justice » et « Police nationale » vers le programme 137 sera pérennisé et que la hausse des crédits de l’action n° 15 est actée dans la durée. Pour le détail, il faudrait interroger le Gouvernement, car je ne dispose pas d’éléments supplémentaires.

Mme Maud Olivier. Sur le principe, des transferts à partir d’autres budgets ne me choquent pas – les droits des femmes sont une question transversale –, mais ils ne devraient pas venir combler une baisse des crédits du budget des droits des femmes.

Mme Luce Pane. Le principe est confirmé que le fonds de lutte contre la traite sera alimenté par le produit des saisies et confiscations perçu lors de la condamnation des criminels, mais je ne dispose pas de chiffres. Là encore, il faudrait que le ministère nous réponde.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mme Monique Orphé avait demandé que l’enquête Violences et rapports de genre, dite VIRAGE, réalisée par l’INED, tienne compte des territoires d’outre-mer. Qu’en est-il ?

Le dispositif du 39.19 bénéficie-t-il d’un budget dédié ?

Mme Luce Pane. Dans sa réponse au questionnaire que nous lui avions transmis, le ministère continue d’utiliser le terme « envisager » en évoquant le projet de dupliquer l’enquête VIRAGE dans les DOM, tout en indiquant attendre le retour d’une étude de faisabilité menée cette année aux côtés de la Direction générale des outre-mer.

Le dispositif du 39.19, numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, a été renforcé depuis janvier 2014, en faisant l’objet d’une budgétisation au sein de l’action n° 12 à hauteur de 1,57 million, contre 1,55 en 2015. Le bleu du programme 137 indique qu’une progression importante des appels reçus sur la plateforme téléphonique 39.19 est constatée en 2014 – plus de 52 % d’appels traitables reçus par rapport à 2013, soit 72 138 appels contre 47 380 en 2013 –, avec en parallèle une amélioration quantitative et qualitative de la réponse apportée. Le bleu ajoute qu’il convient toutefois de mieux faire connaître et reconnaître sur le territoire l’existence de ce numéro et le nouveau rôle confié au 39.19 qui s’adresse désormais aux femmes victimes de toutes violences.

M. Christophe Premat. La lutte contre le cybersexisme entre-elle dans le cadre de l’action n° 12, plus précisément du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le travail de notre Délégation sur la loi numérique comprend un volet sur la cyberviolence et le cybersexisme, ce qui nous a amenés à auditionner deux avocats et des représentants du Centre Hubertine Auclert. Sans doute sera-t-il nécessaire de renforcer la législation, car les avocats ont pointé la difficulté à porter les affaires devant la justice. En outre, je ne suis pas sûre que la lutte contre la cyberviolence puisse se traduire en actions budgétaires pour l’instant.

Des femmes m’ont dit avoir découvert ou pris conscience de la violence qu’elles subissaient dans leur couple grâce aux campagnes d’information, ce qui les a aidées à porter plainte. C’est dire l’importance de la communication. Le Centre Hubertine Auclert a réalisé un document et une affiche sur la cyberviolence chez les jeunes.

Mme Luce Pane. Il serait intéressant d’interroger le Gouvernement sur cette question très importante, dont se sont emparées les associations dans certaines collectivités locales pour organiser des formations, en lien avec les centres de prévention, dans les collèges et les lycées. Ce travail de prévention est donc très différent selon les territoires. Il est primordial au regard des violences dont sont victimes – le plus souvent – les jeunes filles et les femmes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. L’action n° 12 subventionne les associations pour les interventions sur l’éducation à la sexualité dans le cadre scolaire. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes réalise un travail à ce sujet.

On observe une transformation rapide des relations filles-garçons au travers de leurs échanges sur les réseaux sociaux, avec la multiplication des textos sexistes, humiliants et insultants – dont les filles sont davantage victimes que les garçons –, et des injonctions à la virilité notamment. Les associations devront prendre en compte ces nouveaux phénomènes, sur le danger desquels les jeunes n’ont pas forcément conscience.

Des contrats sur trois ans pour les associations nationales constituent un réel progrès, sachant que les appels à projets annuels sont chronophages.

Enfin, je pensais que l’expérimentation des territoires d’excellence allait déboucher sur leur généralisation. Sans doute ne sera-ce pas le cas si les crédits diminuent…

Mme Luce Pane. Il y a une nouvelle vague de territoires d’excellence avec neuf régions supplémentaires. Selon le ministère, la fin de la phase d’expérimentation suivie d’une nouvelle mise en place entraîne un glissement budgétaire à la baisse, car il faut repartir de zéro.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie beaucoup, madame la rapporteure.

II. EXAMEN DU RAPPORT D’ACTIVITÉ PAR LA DÉLÉGATION

La Délégation a examiné le présent rapport d’information lors de sa réunion du mercredi 22 juin 2016, sous la présidence de la présidente Catherine Coutelle.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le bilan d’activité de la Délégation aux droits des femmes, prévu par la loi, permet de se rendre compte de l’ampleur du travail accompli tout au long de l’année 2015, et je vous invite d’ailleurs à le faire connaître dans vos circonscriptions. Avec le recul, je suis moi-même surprise de tout le travail réalisé !

La première partie de ce rapport présente les différentes activités législatives de la délégation, dans le cadre notamment des projets de loi dont elle s’est saisie l’année dernière, en rappelant nos recommandations ainsi que les principaux amendements que nous avons présentés, en commission et en séance publique.

La délégation a tout d’abord été saisie du projet de loi relatif à la santé, sur lequel Catherine Quéré et moi-même avons été désignées rapporteures. À cet égard, j’ai assisté ce matin, au ministère des Affaires sociales et de la Santé, à la présentation par la ministre Marisol Touraine d’une campagne d’information intitulée « Au moins six bonnes raisons de consulter une sage-femme », et celles-ci ont trait pour partie aux dispositions introduites par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, sur lesquelles nous avions travaillé. En effet, nous avions souhaité confier aux sages-femmes des compétences accrues en matière de vaccination et d’interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse, outre l’accompagnement et le suivi des grossesses. La présidente de l’Ordre des sages-femmes nous a d’ailleurs remerciés pour notre écoute et le soutien apporté. Pour ma part, j’ai tenu à souligner la qualité du travail que nous avons mené avec le ministère.

Portée par Mme Marisol Touraine, alors ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, cette loi a permis, plus largement, d’améliorer l’accès à l’IVG. Ainsi, à l’initiative de la Délégation aux droits des femmes, l’obligation du délai de réflexion de sept jours entre la première et la deuxième consultation pour une IVG a été supprimée par l’Assemblée nationale, et ces dispositions ont été maintenues dans le texte définitivement adopté par le Parlement.

Par ailleurs, lorsque l’on évoque les droits des femmes et leur santé, les questions liées aux droits sexuels ou reproductifs viennent spontanément à l’esprit, mais la santé des femmes recouvre aussi des enjeux majeurs en termes d’accès aux soins, de prévention et de prise en charge, avec des traitements adaptés. Il s’agit donc un projet de loi important auquel nous avons contribué.

La délégation a ensuite été saisie du projet de relatif au dialogue social et à l’emploi, porté par M. François Rebsamen, alors ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. Plusieurs recommandations présentées par la rapporteure, Mme Sandrine Mazetier, ont été adoptées par la délégation en mai 2015. Elles figurent en annexe de ce rapport d’activité, qui présente également les nombreux amendements que nous avons portés, et plus particulièrement ceux qui ont été adoptés par l’Assemblée nationale. Dans le cadre des travaux menés sur ce texte important, nous avions notamment évoqué la négociation sur l’égalité professionnelle en entreprise et le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes (RSC).

Par ailleurs, dans la perspective de l’examen du projet de loi pour une République numérique, la délégation a adopté l’année dernière un rapport d’information sur les femmes et le numérique, avec plusieurs points d’entrée. Le premier a trait au nombre insuffisant de femmes dans le secteur du numérique, d’où l’importance de l’orientation et de l’accompagnement. D’autre part, il est apparu nécessaire d’examiner l’impact de la révolution digitale sur les emplois, en particulier les métiers d’accueil et de médiation.

Enfin, j’ai souhaité que des travaux soient menés sur les cyberviolences et cyberharcèlements, qui tendent à se développer, avec de lourdes répercussions pour les victimes. Nous avons mené des auditions particulièrement intéressantes sur ces questions, et ces travaux nous ont permis de présenter plusieurs amendements, dont l’un relatif aux « vengeances pornographiques » ou revenge porn. J’ajoute qu’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce texte devrait se réunir prochainement.

Outre ces trois textes dont la délégation a été saisie, des travaux ont également été menés sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ainsi que sur le projet de loi de finances pour 2016, avec en particulier l’adoption d’un amendement visant à diminuer le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux produits de protection féminine, ou « taxe tampon », bien que ce soit finalement le Sénat qui ait introduit ces dispositions, dans le prolongement des débats ayant eu lieu en première lecture à l’Assemblée nationale.

Nous avons également entendu notre collègue Mme Luce Pane, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, sur les crédits pour 2016 du programme budgétaire 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », rattaché à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

La seconde partie du rapport d’activité de la délégation est consacrée aux différents travaux d’information et d’évaluation menés en 2015. À ce titre, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a tout d’abord organisé deux colloques, ouverts au public.

Le premier, qui a eu lieu en octobre, portait sur la campagne « He for She » et l’implication des hommes pour l’égalité des sexes. Ces débats ont été suivis par la remise des prix du concours vidéo « Ton court pour l’égalité », organisé par le Centre Hubertine Auclert, le Comité ONU Femmes France et le pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot. Le second colloque avait pour thème la « Lutte contre le dérèglement climatique : les femmes en première ligne ». Ce colloque, organisé le 1er décembre 2015, a eu un impact important, avec la participation de nombreuses associations et organisations non gouvernementales (ONG) telles que CARE France, l’Association des femmes peules autochtones du Tchad, Women’s environment and development organization (WEDO) et Genre en action, réseau international francophone pour l’égalité des femmes et des hommes dans le développement.

Plusieurs autres travaux thématiques ont été menés. Ainsi, concernant la place des femmes en politique, nous avons auditionné, en juillet 2015, Mme Régine Saint-Criq, fondatrice de l’association Parité, ancienne maire et conseillère régionale, et Mme Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), chargée de recherche au CNRS et au Centre de recherches sur la vie politique française de Sciences Po (CEVIPOF). En octobre, nous avons également célébré à l’Assemblée nationale le soixante-dixième anniversaire de l’élection des trente-trois premières femmes députées.

Nous avons par ailleurs entendu Mme Pascale Boistard, alors secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, sur ses priorités pour 2015.

En outre, pour faire le point sur l’organisation, les moyens et l’action du service central et du réseau déconcentré des droits des femmes, nous avons auditionné le directeur général de la cohésion sociale (DGCS) et délégué interministériel aux droits des femmes et à l’égalité, M. Jean-Philippe Vinquant, ainsi que la cheffe du Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), adjointe au directeur général, Mme Stéphanie Seydoux, en septembre 2015.

Concernant le plan pluriannuel contre la pauvreté et les dispositifs de soutien aux travailleurs modestes, la délégation a auditionné, d’une part, M. François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales, qui nous a livré une analyse très intéressante quant à la mise en œuvre de ce plan. Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion, nous a par ailleurs présenté la nouvelle feuille 2015-2017 du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

En outre, l’attention de la Délégation aux droits des femmes a été appelée par notre collègue M. Ibrahim Aboubacar sur la situation des femmes à Mayotte, en lien avec le document stratégique « Mayotte 2025 », signé en juin 2015, qui prévoyait l’élaboration d’un plan d’action transversal pour l’égalité femmes-hommes. Avec mes collègues Mmes Virginie Duby Muller et Monique Orphé, nous avons ainsi effectué une mission à Mayotte en novembre dernier, et nous présenterons très prochainement à la délégation un rapport d’information suite à ce déplacement.

La dernière partie du rapport porte sur les différentes activités européennes et internationales de la délégation, avec tout d’abord l’audition, conjointe avec la commission des Affaires étrangères, en mars 2015, de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, sur l’action de la France en matière de droits des femmes à l’international.

Par ailleurs, quatre déplacements à l’étranger ont eu lieu l’année dernière. Je me suis ainsi rendue à Bruxelles, avec Mme Martine Faure, pour participer à une réunion interparlementaire organisée par la Commission des droits des femmes du Parlement européen, ainsi qu’à New York, dans le cadre de la session annuelle de la Commission pour le statut de la femme des Nations Unies (CSW).

Notre collègue Mme Édith Gueugneau a également effectué un déplacement à Berlin, dont un compte rendu nous a été présenté lors d’une réunion de la délégation, tandis que Mme Maud Olivier a participé à un séminaire sur la prostitution organisé en novembre au Parlement européen.

Nous avons également accueilli de nombreuses personnalités et délégations étrangères, et hier encore je me suis entretenue avec une ministre africaine chargée des droits des femmes, concernant la mise en œuvre d’une loi-cadre sur l’égalité femmes-hommes.

Un mot pour finir sur les suites données à nos travaux : j’ai participé récemment à un colloque, organisé à la mairie de Paris par le Laboratoire de l’égalité, au cours duquel le travail mené par la délégation, dans le cadre du rapport sur le projet de loi pour une République numérique, a été salué par des chercheuses et membres d’associations, qui ont trouvé ce rapport particulièrement intéressant.

De même, lors de l’audition conjointe qui a eu lieu ce matin, avec la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, à l’occasion de la publication récente du rapport du HCEfh sur l’éducation à la sexualité, sa présidente, Mme Danielle Bousquet, a souligné que les travaux du Haut Conseil avaient intégré plusieurs développements relatifs au harcèlement issus du rapport que nous avions adopté sur les femmes et le numérique. De façon générale, je me félicite des travaux importants menés à la délégation. Notre travail a d’ailleurs été salué notamment par la ministre Mme Marisol Touraine.

Mme Édith Gueugneau. Il est vrai qu’à la Délégation aux droits des femmes, nous avons le sentiment de faire œuvre utile. Un travail important est en effet mené sur différents thèmes mais, au-delà des rapports, il est aussi intéressant d’en voir les traductions concrètes dans divers projets de loi, à travers l’adoption de nombreux amendements.

Nos préoccupations ont ainsi été entendues par la ministre Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui avait retenu plusieurs de nos préconisations dans le cadre de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, mais aussi par la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Mme Marisol Touraine, et la secrétaire d’État chargée du Numérique, Mme Axelle Lemaire.

En tant que parlementaires, il est très important que nos travaux se traduisent par des avancées concrètes dans les textes soumis au Parlement, comme c’est le cas à la Délégation aux droits des femmes.

La délégation a adopté le rapport d’information.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
DISPOSITIONS PRÉVUES PAR LA LOI CONCERNANT LES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES AUX DROITS DES FEMMES

Sont reproduites ci-après les dispositions de l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, issu de la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et modifié par la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 (23).

*

Article 6 septies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (introduit par la loi du 12 juillet 1999)

« I. – Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Chacune de ces délégations compte trente-six membres.

II. – Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.

La délégation de l'Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci.

La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.

III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des commissions chargées des affaires européennes, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ont pour mission d'informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. En ce domaine, elles assurent le suivi de l'application des lois.

En outre, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :

– le bureau de l'une ou l’autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;

– une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation.

Enfin, les délégations peuvent être saisies par les commissions chargées des affaires européennes sur les textes soumis aux assemblées en application de l’article 88-4 de la Constitution.

Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

IV. – Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l'assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu'aux commissions chargées des affaires européennes. Ces rapports sont rendus publics.

Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence.

V. – Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.

La délégation de l'Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.

VI. – Les délégations établissent leur règlement intérieur. »

ANNEXE 2 :
LISTE CHRONOLOGIQUE DES 33 RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION EN 2015 ET DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Dates

Personnes auditionnées

Thème de l’audition

13 janvier 2015

Audition de Mme Véronique Séhier, coprésidente du Mouvement français du Planning familial, et de Mme Marie-Pierre Martinet, secrétaire générale, sur le projet de loi relatif à la santé (n° 2302).

Projet de loi relatif à la santé

27 janvier 2015

Audition de M. François Bourdillon, directeur général par intérim de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), directeur général de l’Institut de veille sanitaire (InVS), médecin de santé publique, sur le projet de loi relatif à la santé (n° 2302).

3 février 2015

Audition, sous forme de table ronde, sur les femmes et la santé au travail et sur le projet de loi relatif à la santé (n° 2302), de :

– Mme Florence Chappert, responsable du projet " Genre, santé et conditions de travail " à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) ;

– Mme Nadine Khayi, membre du bureau de l'association Santé et médecine au travail (A-SMT), et M. Alain Randon, secrétaire adjoint de l'A-SMT, médecins du travail ;

– M. Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SPNST).

10 février 2015

Audition de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, sur le projet de loi relatif à la santé (n° 2302).

11 février 2015

Audition de M. Claude Évin, directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, ancien ministre, sur le projet de loi relatif à la santé (n° 2302).

17 février 2015

Audition de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des Droits des femmes, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, sur ses priorités pour 2015.

Politique des droits des femmes

18 février 2015

Examen du rapport d'information sur le projet de loi relatif à la santé (n° 2302) (Mmes Catherine Coutelle et Catherine Quéré, rapporteures).

Projet de loi relatif à la santé

4 mars 2015

Audition, commune avec la commission des Affaires étrangères, de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, sur l’action de la France en matière de droits des femmes à l’international.

Droits des femmes à l’international

18 mars 2015

Audition de M. François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales, président de l'Agence du service civique, sur l'évaluation du plan pluriannuel contre la pauvreté et les dispositifs de soutien aux travailleur.se.s modestes.

Plan de lutte contre la pauvreté

24 mars 2015

Audition de Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), sur le sexisme dans le monde du travail et sur la négociation collective sur l'égalité dans les entreprises de moins de 300 salarié.e.s.

Sexisme au travail et négociation collective sur l’égalité

1er avril 2015

– Examen du rapport d’activité de la délégation pour l'année 2014.

– Nomination d'une rapporteure sur le projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social.

Bilan d’activité 2014 de la Délégation

15 avril 2015

Audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

Plan de lutte contre la pauvreté

5 mai 2015

Audition sous forme de table ronde, sur certaines dispositions du projet de loi relatif au dialogue social et au soutien à l’activité des salariés, de :

– Mme Dominique Marchal, secrétaire confédérale chargée de l’égalité, responsable de la Commission confédérale femmes, Mme Joëlle Delair et M. Thierry Treffet, secrétaires confédéraux, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ;

– Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale chargée de l’égalité professionnelle, de Force ouvrière (FO) ;

– Mme Céline Verzeletti et Mme Sophie Binet, membres de la direction confédérale, chargées des questions relatives aux femmes, de la Confédération générale du travail (CGT) ;

– Mme Pascale Coton, secrétaire générale confédérale, et M. Jean-Michel Cerdan, secrétaire confédéral, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ;

– M. Franck Mikula, secrétaire national chargé de l’emploi et de la formation, de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

Projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi

13 mai 2015

Audition, sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739), de :

– M. Philippe Chognard, conseiller aux affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ;

– M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, conseillère technique, de l’Union professionnelle artisanale (UPA).

19 mai 2015

Examen du rapport d'information sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi (n° 2739) (Mme Sandrine Mazetier, rapporteure).

9 juin 2015

Audition de Mme Marine Aubin, co-présidente de Girlz in Web, consultante en innovation et management des nouvelles technologies, et de Mme Amira Lakhal, membre du bureau de Duchess France – Women in Tech, développeuse Java à Valtech, groupe de conseil international spécialisé dans les technologies de l’e-business, sur les femmes et le numérique.

Femmes et numérique

16 juin 2015

Audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits.

Défenseur des droits

23 juin 2015

– Audition de Mme Véronique Di Benedetto, présidente de la commission « Femmes du Numérique » du syndicat professionnel SYNTEC Numérique et directrice générale d’Econocom France, sur les femmes et le numérique.

– Communication de Mme Édith Gueugneau sur son déplacement à Berlin, les 16 et 17 avril 2015, dans le cadre de la Conférence internationale des parlementaires organisée en amont du Sommet du G7 de 2015, sur « L’autonomisation des femmes et des filles pour mener des vies autodéterminées, saines et productives », avec notamment le Forum parlementaire européen sur la population et le développement (EPF).

Femmes et numérique

Droits des femmes à l’international

1er juillet 2015

Audition sur la parité en politique de :

– Mme Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (rapport du HCEfh publié en 2015 sur la Parité en politique : entre progrès et stagnations. Évaluation de la mise en œuvre des lois dites de parité dans le cadre des élections de 2014), chargée de recherche CNRS au Centre de recherches sur la vie politique française de Sciences Po (CEVIPOF) et membre du comité de pilotage du programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE) ;

– Mme Régine Saint-Criq, fondatrice et membre du conseil d’administration de l’association Parité, auteure du Petit manuel à l’usage des femmes en politique, en quête de parité (2014), ancienne maire et conseillère régionale.

Parité en politique

15 septembre 2015

Audition, sur l'organisation, les moyens et l'action du service central et du réseau déconcentré des droits des femmes et de l'égalité, de :

– M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale (DGCS), délégué interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes ;

– Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), adjointe au directeur général, au ministère des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Service (SDFE) et réseau déconcentré des droits des femmes

29 septembre 2015

Audition de Mme Hélène Paumier, professeure de lettres et chargée de mission sur l'éducation et le numérique à l'association des centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active (CEMEA), sur le numérique et l'enseignement.

Femmes et numérique

1er octobre 2015

Colloque sur l'implication des hommes pour l'égalité et remise des prix du concours vidéo " Ton court pour l'égalité ", avec le programme suivant :

– Ouverture des débats par la présidente de la délégation.

– Première partie : campagne " He For She " et implication des hommes pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Interventions de :

- Mme Miren Bengoa, présidente du Comité ONU Femmes France, sur la campagne " HeForShe " et les enjeux de l'implication des hommes et des garçons pour l'égalité ;

- Mme Anne Kupiec, directrice du pôle égalité femmes-hommes de l'université Paris Diderot ;

- Mme Djénéba Keita, présidente du Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- M. Eric Lombard, directeur général de Generali France, sur l'engagement de cette entreprise dans la campagne " HeForShe ".

Échanges avec la salle.

– Deuxième partie : remise des prix du concours " Ton court pour l'égalité " et projection de courts-métrages.

Remise des prix aux gagnant.e.s par Mme Blandine Lenoir, réalisatrice, et M. Laurent Duarte, secrétaire d'Alliance Ciné, par M. Romain Sabathier, secrétaire général du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), et Mme Marie-Christine Lanne, directrice de la communication et des engagements sociaux de Generali, par M. Stéphane Foenkinos, réalisateur, et Mme Laetitita Puertas, du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, et projection des courts-métrages.

– Clôture des débats par Mme Fanny Benedetti, directrice générale du Comité ONU Femmes France.

Implication des hommes pour l’égalité (He for She) et concours vidéo « Ton court pour l’égalité »

6 octobre 2015

– Audition sur les cyberviolences faites aux femmes et aux jeunes filles de :

- M. Matthieu Cordelier, avocat au barreau de Paris, spécialisé notamment dans le droit des technologies de l’information et de la communication et de la « e-réputation » ;

- Mme Delphine Meillet, avocate au barreau de Paris, spécialisée notamment dans les atteintes à la vie privée ;

- Mme Aurélie Latourès, chargée d’étude à l’observatoire régional des violences faites aux femmes, du Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes.

– Nomination d’une rapporteure d’information sur les femmes et le numérique.

Femmes et numérique

14 octobre 2015

Audition de Mme Luce Pane, députée, rapporteure pour avis au nom de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2016 – mission Solidarité, insertion et égalité des chances, sur les crédits du programme 137 " Égalité entre les femmes et les hommes ".

Projet de loi de finances pour 2016 (programme 137)

20 octobre 2015

Audition, sur la transformation numérique, l'emploi et le travail des femmes, de :

– Mme Nathalie Andrieux, membre du Conseil national du numérique (CNN), chargée du groupe de travail du CNN sur l'emploi, le travail et le numérique, membre du conseil d'administration du groupe Casino et membre du conseil de surveillance de Lagardère ;

– M. Ludovic Guilcher, directeur adjoint des ressources humaines du groupe Orange et directeur du programme de transformation digitale (représentant M. Bruno Mettling, directeur général adjoint du groupe Orange, chargé des ressources humaines, et auteur du rapport Transformation numérique et vie au travail, publié en septembre 2015) ;

– Mme Nathalie Wright, directrice générale de la division Grandes entreprises et alliances de Microsoft France.

Femmes et numérique

Mayotte

Femmes et numérique

3 novembre 2015

– Audition de Mme Clémence Pajot, directrice du Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l’égalité femmes – hommes, sur les femmes et le numérique.

– Nomination de rapporteures d’information sur l’égalité entre les femmes et les hommes à Mayotte

17 novembre 2015

Audition de Mmes Somalina Pa, rapporteure générale du Conseil national du numérique CNNum, Judith Herzog-Bufalo, rapporteure des travaux du CNNum sur Inclusion et numérique, Sophie Pène, pilote du groupe de travail du CNNum sur Éducation et numérique et Marie Ekeland, membre du CNNum et co-présidente de la société France-Digitale, sur les femmes et le numérique.

1er décembre 2015

Colloque, ouvert au public, sur la « Lutte contre le dérèglement climatique : les femmes en première ligne », avec :

– M. Philippe Lévêque, directeur général de l’association humanitaire CARE France ;

– Mme Claudy Vouhé, féministe, co-fondatrice et militante de Genre en action, réseau international francophone pour l’égalité des femmes et des hommes dans le développement ;

– Mme Usha Nair, représentante (Pays du Sud) du Women and gender constituency (WGC) ;

– Mme Eleanor Blomstrom, directrice de programme, représentante du Women’s environment and development organization (WEDO) ;

– Mme Hindou Oumarou Ibrahim, coordinatrice de l'Association des femmes peules autochtones du Tchad.

Lutte contre le dérèglement climatique

2 décembre 2015

– Audition de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, sur les femmes et le numérique et sur l'avant-projet de loi pour une République numérique.

– Nomination d'une rapporteure d'information sur le projet de loi pour une République numérique (sous réserve de son dépôt).

Femmes et numérique/ avis sur le projet de loi pour une République numérique

15 décembre 2015

Examen du rapport d'information sur le projet de loi pour une République numérique (n° 3318) (Mme Catherine Coutelle, rapporteure).

ANNEXE 3 :
LISTE DES 64 RECOMMANDATIONS ADOPTÉES
PAR LA DÉLÉGATION EN 2015

Projet de loi relatif à la santé : les 21 recommandations adoptées en février 2015 (Mmes Catherine Coutelle et Catherine Quéré, rapporteures)

RÉDUIRE LES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES DE SANTÉ ET MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES ENJEUX SPÉCIFIQUES AUX FEMMES

§ Adapter le pilotage des politiques de santé

1. Intégrer des objectifs spécifiques sur les femmes dans la Stratégie nationale de santé et dans les plans régionaux de santé (PRS).

2. Publier tous les deux ans un « Baromètre Santé des femmes », avec une sélection d’indicateurs correspondant à des priorités de santé publique (tabagisme, renoncement aux soins chez les femmes, IVG, etc.).

3. Développer le recueil et la publication régulière de données sexuées en matière de santé au travail en s’appuyant notamment sur le rapport de gestion de la CNAMTS et sur les rapports annuels des médecins du travail.

4. Améliorer l’accès des femmes aux postes de direction dans les différentes instances sanitaires et publier rapidement l’ordonnance prévue par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes concernant les autorités administratives indépendantes (AAI).

5. Mieux associer les femmes à l’évaluation et à la conception des politiques de santé grâce à des questionnaires en ligne, etc.

§ Améliorer la prévention et l’accès aux soins

6. Renforcer la justice sociale en matière de santé par la généralisation du tiers payant avec les solutions techniques adaptées dès que possible.

7. Rendre obligatoire le logo nutritionnel prévu par le projet de loi.

8. Préciser les compétences des sages-femmes en matière de vaccination et de prescription de substituts nicotiniques :

– en précisant à l’article 31 du projet de loi que les sages-femmes peuvent « prescrire et » pratiquer des vaccinations pour les personnes qui vivent régulièrement dans l’entourage du nouveau-né ou assurent sa garde ;

– en prévoyant, à l’article 33, que la prescription de substituts nicotiniques soit possible pendant les deux premiers mois suivant l’accouchement.

§ Adapter la prise en charge en tenant compte des spécificités des femmes dans les diagnostics et les traitements

9. Améliorer la formation des médecins, initiale et continue, et des professionnel.le.s de santé pour mieux prendre en compte les spécificités des femmes dans les diagnostics et les traitements.

10. Diligenter une mission d’évaluation sur les conditions d’essais cliniques de médicaments et la représentation des femmes dans ces tests.

11. Développer un accompagnement de qualité en direction des parturientes pour faciliter le retour à domicile après la sortie de la maternité.

CONFORTER LES AVANCÉES EN MATIÈRE DE SANTÉ SEXUELLE ET REPRODUCTIVE

§ Améliorer l’accès à l’avortement sur l’ensemble du territoire : simplifier le parcours des femmes, renforcer l’offre de soins et éclairer les zones d’ombre

12. Permettre à des professionnel.le.s qualifié.e.s non médecins, telles que les sages-femmes et les infirmier.e.s, de réaliser la première consultation pour une demande d’IVG et de délivrer l’attestation correspondante.

13. Supprimer l’obligation du délai de réflexion entre la première et la deuxième consultation pour une IVG et supprimer les dispositions spécifiques issues de la loi de 1975 prévoyant qu'un médecin n’est pas tenu de pratiquer une IVG, compte tenu des dispositions déjà prévues par le code de la santé publique qui donne le droit aux médecins de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles.

14. Permettre la pratique des IVG instrumentales par anesthésie locale dans les centres de santé mais aussi les centres de planification ou d’éducation familiale (CPEF), les maisons de santé pluridisciplinaires et par les sages-femmes, sous réserve qu’ils répondent au cahier des charges défini par la Haute Autorité de santé concernant les conditions techniques et de sécurité nécessaires.

15. Renforcer l’offre d’IVG sur le plan qualitatif et quantitatif, en prévoyant dans la loi le principe de plans d’actions régionaux et en veillant à l’intégration de l’activité d’IVG dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) conclus entre les agences régionales de santé (ARS) et les établissements de santé.

16. Développer et financer des études et recherches pour mieux connaître les pratiques actuelles en matière d’IVG, notamment outre-mer, concernant le nombre de médecins qui pratiquent l’IVG et le nombre de ceux qui la pratiquent dans le délai de 10 à 12 semaines, la clause de conscience, l’estimation du nombre de femmes se rendant à l’étranger, les avortements concernant des mineures sans autorisation parentale, le rôle des différents professionnel.le.s de santé, etc.

§ Faciliter l’accès à la contraception et développer les actions d’éducation à la sexualité

17. Améliorer la formation initiale et continue des personnels médicaux appelés à prescrire des contraceptifs.

18. Harmoniser la couverture géographique des centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) et améliorer leur couverture horaire et leur communication sur Internet en fournissant des informations pratiques sur les lieux, horaires et prestations.

19. Prévoir la réalisation par la Haute Autorité de santé d’une étude sur la possibilité et la pertinence de mettre en vente libre dans les pharmacies les micro-progestatifs.

20. Encourager le développement d’initiatives de type « Pass contraception » dans les régions.

21. Rendre effective l’application de la circulaire de 2003 en inscrivant dans les programmes obligatoires et les horaires d’enseignement l’éducation à la sexualité.

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Projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi :
les 25 recommandations adoptées en mai 2015
(Mme Sandrine Mazetier, rapporteure)

COMMISSIONS PARITAIRES RÉGIONALES, INSTITUTIONS REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL (IRP), ORGANISATIONS SYNDICALES ET PROFESSIONNELLES D’EMPLOYEURS, CONSEILLERS PRUD’HOMAUX

1. Compléter l’article 5 (représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des IRP) en indiquant qu’il est nécessaire de prévoir des listes de candidats alternées.

2. Organiser, à partir du 1er janvier 2017, un système progressif permettant d’aboutir, à terme, à la parité entre les femmes et les hommes dans la composition des institutions représentatives du personnel. C’est ainsi que l’on pourrait prévoir une représentation proportionnelle des femmes et des hommes lors des premières élections ; puis, la réalisation de listes électorales comportant 40 % de femmes lors des élections suivantes ; et enfin, la parité intégrale lors des élections ultérieures.

3. Dans les articles 2 et 4 du projet de loi, abaisser la condition minimale de durée du mandat de représentant du personnel – condition nécessaire pour la reconnaissance du parcours professionnel – à 10 % du temps de travail.

4. Prévoir, dans les articles L. 2141-5 et L. 2242-20 du code du travail, que les entreprises doivent favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et électives en veillant à une bonne prise en compte de la nécessaire articulation entre vie personnelle et vie professionnelle.

5. Faire en sorte que les listes des candidats élaborées en vue de la désignation des membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) tendent à la parité. Dans ce but, à partir du 1er janvier 2017, il est procédé de la manière suivante :

– pour la première élection des délégués aux CHSCT, les listes des candidats doivent refléter le pourcentage d’hommes et de femmes existant au sein du corps électoral concernant les élections des délégués du personnel et celle des membres des comités d’entreprise ;

– pour la seconde élection des délégués aux CHSCT, les listes des candidats doivent représenter 40 % de femmes ;

– pour la troisième élection, ces listes sont établies en respectant la parité entre les femmes et les hommes.

6. Préciser les attributions des commissions paritaires régionales afin d’inclure dans leur champ de compétence les questions relatives à l’égalité professionnelle et au temps partiel.

7. Faire en sorte que les organisations syndicales de salariés et que les organisations professionnelles d’employeurs pourvoient les sièges qui leur sont attribués au sein de ces commissions paritaires régionales en respectant la parité entre les femmes et les hommes. Lorsque le nombre de sièges à pourvoir est impair, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne peut être supérieur à un.

8. Inciter les organisations syndicales et les organisations professionnelles d’employeurs à réfléchir à leurs pratiques afin de faire progresser la mixité et viser la parité dans leurs instances de décision, tant au niveau national qu’au niveau départemental.

9. Compléter le projet de loi en vue de prévoir la parité femmes-hommes dans les instances prud’homales.

NÉGOCIATION COLLECTIVE SUR L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

10. Modifier le titre de la négociation sur la qualité de vie au travail pour la renommer : « Qualité de vie au travail et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».

11. Clarifier la rédaction de l’article L. 2242-9 (nouveau) du code du travail relatif à la pénalité financière concernant l’application de celle-ci aux entreprises qui n’ont pas conclu d’accord collectif sur l’égalité professionnelle, ou à défaut de plan d’action, pour plus de lisibilité.

12. Préciser dans la loi que la base de données unique reprend l’intégralité des informations tant quantitatives que qualitatives figurant antérieurement dans le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes (RSC) et le rapport sur la situation économique de l’entreprise (RSE).

13. Rétablir explicitement le lien entre les outils de diagnostic sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise et la négociation sur l’égalité professionnelle.

14. Ne pas permettre le caractère facultatif de la transmission des informations récurrentes au comité d’entreprise sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise.

Intégrer la dimension de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans chacun des trois blocs de négociations :

15. Réintroduire la question du suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise.

16. Concernant le champ de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, prévoir l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la mixité des métiers, afin de souligner la transversalité du thème de l’égalité professionnelle.

17. Préserver le caractère annuel de la négociation sur les rémunérations tant que les entreprises n’ont pas signé un accord collectif sur l’égalité professionnelle.

PRIME D’ACTIVITÉ EN DIRECTION DES TRAVAILLEUR.SE.S MODESTES

18. Exclure les pensions alimentaires des ressources prises en compte pour déterminer l’éligibilité à la prime d’activité et le calcul du montant de celle-ci, en raison de leur nature particulière.

19. Veiller au suivi statistique et à l’évaluation ex post sexuée de la prime d’activité (évaluation quantitative et qualitative de son impact, enquête auprès des bénéficiaires et publics cibles, documents budgétaires, etc.)

20. Mettre en œuvre un plan d’information sur la prime d’activité, avec des actions diversifiées en direction des publics cibles – par exemple, sous forme d’affiches et dépliants dans les organismes de protection sociale (CAF, CPAM, antennes de Pôle Emploi, etc.), PMI, missions locales et centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) notamment, de stands d’information dans les supermarchés low cost et les centres de la Poste, ou encore de courriels envoyés de façon ciblée à certains publics potentiellement éligibles, avec un lien vers le simulateur des droits qui sera prochainement mis en place, etc.

Veiller à la formation des agents des caisses et travailleurs sociaux sur le nouveau dispositif.

INTERMITTENT.TE.S DU SPECTACLE

21. Réaliser une étude sur la situation des intermittentes, avec des éléments d’analyse quantitative et qualitative, s’agissant en particulier de l’accès aux prestations maladie et maternité, et prévoir à cette fin une codification spécifique pour les salariés intermittents dans la nomenclature des familles professionnelles (DARES).

22. Veiller à l’application par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) des dispositions prévues par le code de la sécurité sociale en matière de droits aux prestations et rappeler ce principe dans la prochaine circulaire ministérielle sur le régime applicable aux personnes exerçant une profession discontinue pour l’accès aux prestations au titre de la maladie et de la maternité (direction de la sécurité sociale).

SÉCURISATION DES PARCOURS ET RETOUR À L’EMPLOI

23. Veiller à la prise en compte de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes dans le diagnostic préalable et la construction du compte personnel d’activité.

24. Préciser dans le code du travail que l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) contribue à l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers.

SEXISME AU TRAVAIL

25. Renforcer la lutte contre le sexisme dans le monde du travail.

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Projet de loi pour une République numérique :
les 18 recommandations adoptées en décembre 2015
(Mme Catherine Coutelle, rapporteure)

RÉVOLUTION NUMERIQUE, ÉDUCATION ET EMPLOI DES FEMMES

1. – Revoir en profondeur l’orientation à l’ère du numérique, dans l’enseignement, et en responsabilisant toutes les acteurs de l’éducation (enseignant.e.es, agent.e.s d’orientation, parents d’élèves), pour casser enfin les stéréotypes sexistes et permettre le libre choix des carrières des filles.

2. – Accélérer le déploiement de la charte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur afin de permettre aux filles d’être plus présentes et visibles dans l’enseignement supérieur.

3. – Développer dans les établissements d’enseignement une culture et un usage du numérique qui accompagnent la mise à disposition des équipements informatiques. Mettre en œuvre une pédagogie fondée sur le décloisonnement et la transversalité.

4. – Réaliser des études prospectives indiquant, à court, à moyen et à long terme, les conséquences prévisibles de la révolution numérique sur l’emploi féminin. Ces études devront également indiquer quelles pourraient être les formations d’avenir compte tenu de l’évolution de la structure de l’emploi.

DROITS ET LIBERTÉS DES FEMMES À L’ÈRE DU NUMERIQUE

Sur certaines mesures du projet de loi

5. – Compléter la loi pour que le rapport annuel de la CNIL comporte un bilan d’application sexué des dispositions prévues par le projet de loi en matière de droit à l’oubli (article 32), concernant l’effacement des données pour les personnes mineur.e.s.

6. – Généraliser la production de données sexuées par les administrations et organismes publics pour mieux permettre l’utilisation des données publiques ouvertes (open data) au service de l’égalité femmes-hommes.

Sur les cyberviolences sexistes et sexuelles

ü Mieux connaître pour mieux agir

7. – Améliorer le dispositif statistique du ministère de la justice (casier judiciaire national, etc.) pour pouvoir disposer d’informations plus précises sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées en matière de cyberharcèlement, atteintes au droit à l’image et à la vie privée sur internet (« vengeance pornographique »), etc.

8. – Améliorer les connaissances sur les violences en ligne et le cybersexisme :

– en complétant le champ des enquêtes sur les violences faites aux femmes de type VIRAGE pour mieux prendre en compte toutes les violences en ligne ;

– en saisissant le Conseil national du numérique (CNNum) d’une étude sur l’image des femmes, le sexisme et les violences sur internet, réseaux sociaux et jeux vidéos en ligne, en France et dans certains autres pays.

9. – Élargir les missions du Conseil national du numérique (CNNum), pour qu’il soit chargé de rendre publics des avis et des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société et sur l’économie « en prenant en compte les enjeux liés à l’égalité femmes-hommes » (modification du décret du 13 décembre 2012).

10. – Modifier le décret du 3 janvier 2013 relatif à la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF) pour faire explicitement référence aux violences en ligne.

ü Sanctionner et accompagner

11. – Modifier l’article 226-1 du code pénal pour mieux sanctionner les atteintes à la vie privée sur internet dans le cas de « vengeances pornographiques » :

– en prévoyant des circonstances aggravantes lorsque que les faits concernent l’enregistrement ou la diffusion, sans le consentement de la personne, de photos ou vidéos intimes à caractère sexuel, en renforçant ainsi les peines encourues dans ce cas ;

– en envisageant la possibilité d’engager des poursuites même si les images ont été prises dans un lieu public (et non seulement dans un lieu privé) ;

– en clarifiant les dispositions établissant une présomption de consentement, en prévoyant une exception dans le cas de photographies ou vidéos à caractère sexuel.

12. – Poursuivre les actions de formation des magistrat.e.s et agent.e.s de police en matière de cybercriminalité en veillant à la prise en compte des cyberviolences, notamment en direction des femmes, et en matière d’aide aux victimes.

ü Prévenir et sensibiliser

13. – Généraliser l’emploi de termes français pour mieux traduire la réalité des cyberviolences dans toutes les enquêtes, études, actions d’information et de sensibilisation, textes officiels et dans la communication politique.

Happy slapping → « vidéo-lynchage »

Slut shaming → « intimidations des "salopes" »

Revenge porn « vengeance pornographique »

Sexting « harcèlement sexuel par textos »

14. – Lancer un plan d’actions d’information et de sensibilisation en direction du grand public sur les cyberviolences, avec l’implication des ministères concernés, et plus particulièrement sur la diffusion de photographies ou vidéos intimes par un ex-partenaire, en s’inspirant des actions engagées au Royaume-Uni.

– En termes de moyens : site internet et communication sur les réseaux sociaux, ainsi que sur les sites tels que You Tube pour toucher les plus jeunes, ligne téléphonique d’urgence, etc. ;

– En termes d’objectifs : prévenir le partage de vidéos ou photographies intimes, libérer la parole, apporter un soutien aux victimes et des conseils juridiques, faire prendre conscience de la gravité des faits et communiquer sur les sanctions encourues, etc.

15. – Compléter les dispositions issues de la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’École pour que les formations à l’utilisation des outils et des ressources numériques, dispensées dans les écoles et les établissements d’enseignement, comportent une sensibilisation aux droits et aux devoirs liés à l’usage d’internet qui prenne en compte les enjeux liés à l’égalité entre les femmes et les hommes, et en particulier la prévention et la lutte contre les violences faites aux jeunes filles.

16. – Développer les bonnes pratiques et soutenir les initiatives locales en milieu scolaire pour sensibiliser les jeunes sur les droits et devoirs liés à l’internet et les usages responsables du numérique ainsi que sur les cyberviolences.

17. – Lutter contre le sexisme dans les jeux vidéos, par une modification des conditions d’éligibilité au crédit d’impôt jeux vidéos (CIJV), pour prendre en compte la présence de contenus sexistes, ou par la création d’un label.

18. – Encourager la réalisation d’une étude sur les applications mobiles en direction des jeunes enfants en vue de la diffusion d’une liste ou palmarès d’applications non-sexistes, voire d’un label.

1 () Loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

2 () Proposition de loi n° 1261 présentée par M. Laurent Fabius, Mme Martine Lignières-Cassou et les membres du groupe socialiste et apparentés, déposée le 14 décembre 1998.

3 () Article 6 septies (cf. annexe n° 1 du présent rapport) de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, issu de la loi du 12 juillet 1999 précitée).

4 () En incluant les amendements déposés en janvier 2016 sur le projet de loi pour une République numérique, dans le prolongement du rapport adopté par la Délégation aux droits des femmes sur ce projet de loi, le 15 décembre 2015 (Mme Catherine Coutelle, rapporteure).

5 () Dans le cadre du présent rapport, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale sera mentionnée sous l’appellation « la délégation » ou « la Délégation aux droits des femmes ».

6 () Voir la liste des personnes auditionnées en annexe n° 2 du présent rapport.

7 () Voir le précédent rapport d’activité de la Délégation aux droits des femmes, portant sur l’année 2014 (rapport d’information n° 2894 publié le 1er avril 2015).

8 () Ambition numérique. Pour une politique européenne et internationale de la transition numérique, rapport du Conseil national du numérique (CNNum), suite à la grande consultation nationale, remis au Premier ministre le 18 juin 2015.

9 () Voir le précédent bilan d’activité 2014 de la Délégation aux droits des femmes, avec notamment le compte rendu de cette audition.

10 () Étude sur les différences de prix entre certaines produits et services selon le genre, rapport au Parlement, ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique et ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes (15 décembre 2015).

11 () Lutte contre le dérèglement climatique : les femmes en première ligne, rapport d’information n° 3492 présenté par Mme Catherine Coutelle au nom de la Délégation aux droits des femmes (10 février 2016).

12 () Rapport d’information n° 765, présenté par Mme Catherine Coutelle, au nom de la Délégation aux droits des femmes, sur l’organisation, les moyens et l’action du Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (28 février 2013).

13 () Circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2015 relative à la réforme territoriale de l’État.

14 () Évaluation de la seconde année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, rapport de François Chérèque, Christine Abrossimov et Mustapha Khennouf, membres de l’IGAS (janvier 2015).

15 () Le sexisme dans le monde du travail, entre déni et réalité, rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), Brigitte Grésy et Marie Becker, corapporteures, publié le 6 mars 2015.

16 () Art. L. 1142-2-1. - Nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

17 () La négociation collective sur l’égalité professionnelle dans les entreprises de 50 à 300 salariés en 2012 et 2013, rapport du CSEP, publié le 2 décembre 2014.

18 () Décret n° 2012-1408 du 18 décembre 2012 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

19 () Article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, dont les dispositions sont reproduites dans l’annexe n° 1 du présent rapport.

20 () Projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (APIE), projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, projet de loi relatif à la réforme de l’asile, etc.

21 () Ce groupe de travail était constitué de Mme Maud Olivier (rapporteure), la présidente Catherine Coutelle, Mme Marie-George Buffet, M. Sergio Coronado (non membre de la Délégation mais associé au groupe de travail), M. Guy Geoffroy, Mme Édith Gueugneau, M. Jacques Moignard et Mme Ségolène Neuville.

22 () Les comptes rendus des auditions de M. François Chérèque (18 mars 2015) et de Mme Ségolène Neuville (15 avril 2015), sur le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et les dispositifs de soutien aux travailleur.se.s modestes, ainsi que celui de Mme Brigitte Grésy, sur le sexisme en milieu professionnel et la négociation collective sur l’égalité professionnelle (24 mars 2015), ne figurent donc pas ci-après dans la mesure où ils été publiés dans le rapport d’information sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, adopté par la délégation en mai 2015 (Mme Sandrine Mazetier, rapporteure).

23 () La loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative (article 2) a uniquement modifié l’article 6 septies précité, relatif aux délégations aux droits des femmes, pour remplacer le terme de « délégations pour l’Union européenne » par celui de « commissions chargées des affaires européennes ».


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