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N° 3954

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

sur la nouvelle chaîne publique d’information en continu : enjeux et financement

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Jean-Marie BEFFARA

Député

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : L’EMPREINTE DU SERVICE PUBLIC DANS L’OFFRE D’INFORMATION CONTINUE : LA MUTUALISATION DES COMPÉTENCES AU SERVICE DE LA QUALITÉ 11

I. LA GENÈSE : UN PROJET AU CŒUR DE LA STRATÉGIE DE LA NOUVELLE PRÉSIDENCE DE FRANCE TÉLÉVISIONS 11

A. LES OBJECTIFS DE LA NOUVELLE CHAÎNE D’INFORMATION EN CONTINU 11

B. UN PROJET PRÉCONISÉ DANS DE PRÉCÉDENTS RAPPORTS 13

1. Le rapport Schwartz 13

2. Le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur le modèle économique de l’audiovisuel public au 21e siècle 14

C. DES DÉLAIS EXTRÊMEMENT COURTS DE MISE EN œUVRE, SOURCE D’INQUIÉTUDES ET DE DIFFICULTÉS 15

II. LA VALORISATION DES COMPÉTENCES : L’APPORT ÉDITORIAL DE CHAQUE OPÉRATEUR POUR UNE INFORMATION EN CONTINU « DÉCRYPTÉE » 16

A. LE SERVICE PUBLIC : UNE PLACE DÉJÀ TRÈS AFFIRMÉE DANS LE DOMAINE DE L’INFORMATION 16

1. L’information en continu : l’expérience de France Info et de France 24 16

2. L’offre d’information de France Télévisions : une place prédominante dans l’univers audiovisuel 17

B. UN APPORT ÉDITORIAL PERMETTANT DE VALORISER LES CONTENUS ET LES SAVOIR-FAIRE 18

1. Les grandes lignes de l’ambition éditoriale de la chaîne d’information 19

2. L’apport éditorial de chaque opérateur 20

a. La responsabilité éditoriale de la direction de France Télévisions 20

b. Radio France 21

c. France Médias Monde 23

d. L’Institut national de l’audiovisuel 24

III. L’ANCRAGE NUMÉRIQUE DE LA CHAÎNE : L’INCONTOURNABLE CONVERGENCE DES MÉDIAS AU SERVICE DE L’INFORMATION 25

A. LES MODÈLES ÉTRANGERS 26

1. La RTBF : un modèle précurseur en matière de « cross media » () 26

2. La réussite incontestée de la logique multi-support de la chaîne Al Jazeera 27

B. LES AMBITIONS DE L’OFFRE D’INFORMATION EN CONTINU 29

1. Le choix du média global 29

2. Les difficultés de mise en œuvre de la convergence numérique entre France Télévisions et Radio France : les incertitudes sur la ligne éditoriale numérique 30

C. LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR UNE DIFFUSION HERTZIENNE 32

1. Le téléviseur n’est pas encore obsolète 32

2. Les enjeux de la préemption de fréquence en vue de la diffusion hertzienne 33

DEUXIÈME PARTIE : L’IMPACT DE LA CHAÎNE D’INFORMATION PUBLIQUE SUR L’ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL 35

I. LES TROIS CHAÎNES D’INFORMATION PRIVÉES : ÉTAT DES LIEUX 35

A. BFM TV : UNE POSITION DE LEADER INCONTESTÉ 35

1. Présentation générale de la chaîne 35

2. Ligne éditoriale issue de la convention avec le CSA 36

B. I-TÉLÉ : LA RECHERCHE D’UN POSITIONNEMENT DIFFÉRENCIANT 37

1. Présentation générale de la chaîne 37

2. Ligne éditoriale issue de la convention avec le CSA 37

C. LCI : LA PIONNIÈRE DES CHAÎNES D’INFORMATION EN CONTINU À L’ÉPREUVE DE LA TNT GRATUITE 39

1. Un passage en clair en avril 2016 reposant sur un tournant éditorial 39

2. L’évolution de la position du CSA entre 2014 et 2015 : éléments d’explications 40

II. L’ARRIVÉE DE LA CHAÎNE D’INFORMATION PUBLIQUE : UN IMPACT CONCURRENTIEL DIFFICILE À ÉVALUER 42

A. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE DES CHAÎNES PRIVÉES FORTEMENT SENSIBLE AUX AUDIENCES 42

1. Un budget financé à 99 % par les recettes publicitaires 42

a. Le bilan financier des trois chaînes privées 42

b. La dépendance aux audiences 43

2. Le micro-marché des chaînes d’information : une audience globale stable depuis quelques années et très sensible aux pics d’actualité 44

a. Le phénomène des pics d’audience : très caractéristique des chaînes d’information en continu 44

b. L’évolution de la tendance moyenne de 2007 à 2014 : stabilité et prédominance de BFM TV 45

3. L’arrivée d’une quatrième chaîne d’information, quel risque de transferts d’audience ? 46

a. Le cas général : la baisse des audiences face à l’arrivée des nouvelles chaînes sur la TNT 46

i. Les transferts de part d’audience 46

ii. L’impact au regard de la durée d’écoute individuelle 47

b. Les exemples étrangers dans le domaine de l’offre d’information en continu : la confirmation d’un risque potentiel de déversement lié au plafond d’audience global 49

i. Le champ de l’étude comparative : les chaînes nationales gratuites d’information en continu 49

ii. Des audiences contrastées selon les pays 49

B. UN NOUVEL ÉQUILIBRE CONCURRENTIEL QUI DEMEURE DIFFICILEMENT PRÉVISIBLE 51

a. L’absence de publicité : maintien des équilibres ou avantage concurrentiel ? 51

b. Les autres éléments qui sont à prendre en compte 53

i. La numérotation : un élément de l’équilibre concurrentiel qui ne favorise pas la nouvelle chaîne du service public 53

ii. La notoriété du service public 55

iii. La question de la promotion croisée 56

TROISIÈME PARTIE : LE FINANCEMENT DE LA CHAÎNE PUBLIQUE D’INFORMATION EN CONTINU 59

I. UN FINANCEMENT PRÉVISIONNEL FONDÉ SUR LES SYNERGIES 59

A. ÉLÉMENTS DE MÉTHODE : UNE ÉVALUATION DU SURCOÛT ET NON À COÛT COMPLET 59

B. LA GESTION DES EFFECTIFS : LE PRINCIPAL POSTE DE DÉPENSES 60

1. Le besoin de personnel dédié à la chaîne d’information 60

2. La mobilisation non évaluable des équipes non dédiées mais contribuant à la chaîne d’information : le point d’achoppement de l’évaluation 61

a. La mutualisation au sein de France Télévisions 62

b. Radio France 63

c. L’INA et France Médias Monde 64

C. DES DÉPENSES D’INVESTISSEMENT LIMITÉES GRÂCE À LA VALORISATION DES MOYENS TECHNIQUES EXISTANTS 64

II. LE SURCOÛT SUPPORTÉ PAR CHAQUE PARTENAIRE ET SES MODALITÉS DE FINANCEMENT 66

A. ÉVALUATION ET MODALITÉS DE FINANCEMENT DU SURCOÛT TOTAL 66

B. LA CRÉATION D’UN BESOIN DE FINANCEMENT POUR FRANCE TÉLÉVISIONS 67

C. UN SURCOÛT COMPATIBLE AVEC LE RESPECT DE LA TRAJECTOIRE DU COM POUR RADIO FRANCE ? 69

D. UN SURCOÛT NEUTRE POUR LE BUDGET DE FMM 70

E. UN SURCOÛT POUR L’INA COMPENSÉ PAR FRANCE TÉLÉVISIONS, HORS COÛTS EXTERNES 71

PRÉCONISATIONS ET PROPOSITIONS 73

EXAMEN EN COMMISSION 91

ANNEXE N° 1 : LE TRAITEMENT DE L’INFORMATION SUR LES CHAÎNES DE FRANCE TÉLÉVISIONS 99

ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 101

« La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits

n’est pas garantie. »

Hannah Arendt, La crise de la culture

INTRODUCTION

« Le service public doit tenir compte du développement des attentes du public : c’est le cas en matière d’information, avec le développement de la demande de programmes d’information " en continu ". Le secteur public se doit de répondre à cette demande, faute de quoi les téléspectateurs risqueront de se tourner vers les chaînes privées. Ce qui pose un problème de fond : le pluralisme peut-il être défendu sans un secteur public présent dans le domaine de l’information ? »

Cette phrase, pourtant d’une actualité criante, a été prononcée devant la commission des affaires culturelles du Sénat par M. Marc Teissier, alors président de France Télévisions, le 23 janvier 2001 ; il y a donc plus de quinze ans. Ce projet de chaîne d’information en continu s’inscrivait donc dans un contexte différent. En effet, seules deux chaînes privées étaient présentes sur ce marché, mais surtout elles étaient toutes deux payantes : LCI, créée par le groupe TF1 en 1994, et I-Télé en 1999 sous la houlette du groupe Canal +.

M. Marc Teissier avait pour projet de lancer une chaîne publique d’information en continu gratuite, programmée pour être diffusée sur la télévision numérique terrestre (TNT) déployée en 2002. Les objectifs attachés à cette chaîne ont été insérés à la fin de l’année précédente dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) du groupe pour la période 2002-2005, et le 26 mars 2002, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rendu un avis, notamment sur les modifications du cahier des missions et des charges des chaînes de France Télévisions induites par l’arrivée de cette nouvelle chaîne – à laquelle s’ajoutait une nouvelle « chaîne de rediffusion » dont le projet semblait quant à lui quelque peu inabouti. Le 2 mai 2002, à quelques jours du second tour de l’élection présidentielle, M. Lionel Jospin, premier ministre, publie le décret qui approuve le cahier des charges de la nouvelle chaîne (1). À son article 30, le cahier des charges préfigure les prémices d’une collaboration entre les différents acteurs de l’audiovisuel public (2).

Alors que la chaîne devait être lancée en septembre 2002, le nouveau ministre de la culture, M. Jean-Jacques Aillagon, décide néanmoins de stopper le projet, arguant d’un risque économique important pour les chaînes privées concurrentes. Il s’appuie notamment sur le rapport commandé par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin à M. Michel Boyon, futur président du CSA, sur la télévision numérique terrestre (3). Le constat de ce dernier est sans appel et légitime la position du Gouvernement : « La chaîne d’information continue appelle des réserves. Certes, son schéma a été bien préparé. Mais le caractère tardif de son arrivée dans l’offre de programmes constitue pour elle un handicap certain. Le service public de la radio a eu l’ingénieuse idée de prendre l’initiative en lançant France Info il y a quinze ans ; le service public de la télévision est resté en retrait, malgré les possibilités ensuite offertes par le câble et le satellite. Créer aujourd’hui une chaîne publique en ce domaine ne s’impose pas à l’évidence, alors que des opérateurs privés ont pris le risque de s’engager, d’investir des sommes importantes sans d’ailleurs encore parvenir à l’équilibre d’exploitation, et alors que l’un d’entre eux détient une place reconnue (4). Certes, on peut faire valoir que les chaînes d’information existantes ne sont accessibles que par abonnement ; l’argument a sa valeur. Mais l’attente du public en ce domaine reste très difficile à mesurer et à apprécier ; il n’est pas sûr qu’il y ait place actuellement pour un programme supplémentaire, compte tenu par ailleurs de l’existence d’Euronews. De surcroît, le coût de la chaîne envisagée par France Télévisions apparaît élevé, d’autant plus que certaines estimations sont sujettes à caution, notamment s’agissant des hypothèses de redéploiement de personnels et de l’importance des synergies au sein du groupe. » (5) Ce dernier argument peut s’entendre, mais il est utile de rappeler que le cahier des charges prévoyait cependant un financement de la chaîne par des recettes publicitaires et de parrainage (6), dans un contexte économique et concurrentiel qui en aurait fait une ressource substantielle.

À ces réserves s’ajoute l’émergence d’un projet concurrent portée activement par le Président de la République : une chaîne publique d’information internationale. Il faudra attendre la fin de l’année 2005 pour que soit créée France 24, chaîne de télévision française d’information en continu, détenue à parts égales par le groupe France Télévisions et le groupe TF1 (7). Le souci de préservation de la concurrence, incarnée notamment par TF1, demeure prégnant : à son lancement, la chaîne d’information internationale n’est pas diffusée sur le territoire français.

Parallèlement, cette même année, la configuration du marché de l’information en continu s’est trouvée fortement bouleversée. En effet, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, réuni en assemblée plénière le 9 mai 2005, a sélectionné huit nouveaux services nationaux pour la télévision numérique terrestre, dont la moitié sont des services gratuits. Parmi eux, une nouvelle chaîne d’information en continu détenue par le groupe NextRadio fait son apparition (BFM TV), et I-Télé abandonne son statut de service payant pour devenir un service gratuit. Ainsi, le monopole de LCI sur le marché de l’offre gratuite d’information en continu est remis en cause.

Finalement, le 29 mai 2005, le décret portant approbation du cahier des charges de la Chaîne d’information continue est abrogé, mettant un point final à ce projet avorté.

Dix ans plus tard, BFM TV est devenu leader sur le secteur avec une audience deux fois supérieure à celle de son concurrent direct LCI, invalidant par là même les analyses du rapport de Michel Boyon précité sur l’absence d’opportunité d’une nouvelle chaîne gratuite d’information en continu. L’avenir lui a cependant donné raison sur un point : l’arrivée dans les années 2000 d’une chaîne gratuite d’information en continu contenait des risques de déstabilisation du marché, notamment pour la chaîne du groupe TF1 qui n’a pas pu s’imposer face au dernier arrivé.

Au regard de cette chronologie, le choix politique qui a été fait après 2002 de favoriser l’émergence d’une troisième chaîne privée d’information en continu au détriment d’une chaîne publique peut surprendre. Il fait en effet de la France le seul pays européen où le service public est absent de ce secteur pourtant primordial pour la défense du pluralisme et l’enrichissement du débat démocratique. Le projet de création d’une chaîne publique d’information en continu porté par Delphine Ernotte, et qui constitue l’une des priorités affichées du programme qui l’a menée à la tête de France Télévisions, se propose justement de remédier à cette anomalie française.

Le Rapporteur ne peut que se féliciter de cette avancée tardive, mais primordiale. Les risques et les interrogations soulevés il y a quinze ans seront sûrement réactivés : le caractère tardif de son arrivée dans l’offre de programmes va-t-il être un handicap, qui plus est dans un univers concurrentiel désormais composé de trois chaînes privées gratuites ? Cette nouvelle chaîne ne va-t-elle pas mettre en danger la viabilité des chaînes privées ? L’audiovisuel public a-t-il les moyens de financer un tel projet sur le long terme ? Ces questionnements doivent trouver des réponses adéquates afin de mener le projet à son terme, tout en répondant dans le même temps aux problématiques nouvelles.

La chaîne publique d’information en continu, dénommée « Franceinfo: », doit être lancée le 1er septembre 2016 dans des délais de mise en œuvre exceptionnellement courts, pour que l’histoire ne se répète pas.

Dans le cadre de ses fonctions de Rapporteur spécial des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, le Rapporteur se donne pour objectif, dans le présent rapport d’information, d’analyser ce projet inédit, qui nécessite la synergie de quatre opérateurs de l’audiovisuel public, à savoir France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel et France Médias Monde. Cette chaîne doit, d’une part, relever le défi d’imprimer l’identité du service public par une offre d’information continue « différenciante », afin de se distinguer de la concurrence existant sur la TNT ; d’autre part, elle doit présenter un modèle économique efficient, reposant sur la mutualisation des moyens et des équipes. La situation financière de France Télévisions, et de l’audiovisuel public en général, étant encore fragile, ce rapport a entre autres pour objet d’évaluer la soutenabilité à court et long terme de ce projet ambitieux.

PREMIère partie : L’EMPREINTE DU SERVICE PUBLIC DANS L’OFFRE D’INFORMATION CONTINUE : LA MUTUALISATION DES COMPÉTENCES AU SERVICE DE LA QUALITÉ

I. LA GENÈSE : UN PROJET AU CŒUR DE LA STRATÉGIE DE LA NOUVELLE PRÉSIDENCE DE FRANCE TÉLÉVISIONS

A. LES OBJECTIFS DE LA NOUVELLE CHAÎNE D’INFORMATION EN CONTINU

À la suite de la nomination à la présidence de France Télévisions de Mme Delphine Ernotte Cunci le 23 avril 2015, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rendu public le projet stratégique de la chaîne (8).

La procédure de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public

La loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision avait retiré au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) le pouvoir de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public pour le confier au Président de la République. La loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a, entre autre mesure, rétabli le régime juridique en vigueur avant la réforme de 2009, en confiant de nouveau au CSA le pouvoir de nommer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde). Ainsi, l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit désormais que les présidents des sociétés nationales de programme sont nommés pour cinq ans par le CSA, à la majorité des membres qui le composent. Ces nominations font l’objet d’une décision motivée du Conseil se fondant sur des critères de compétence et d’expérience.

Les candidats doivent désormais présenter au CSA un projet stratégique. Afin de permettre une période de transition entre deux présidences, les nominations interviennent trois à quatre mois avant la prise de fonction effective. La loi prévoit en outre que quatre ans après le début du mandat des présidents de l’audiovisuel public, le CSA rend un avis motivé, transmis aux commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur les résultats des sociétés, au regard du projet stratégique qui avait été présenté au CSA par le candidat au moment du processus de sélection.

Par ailleurs, le Parlement n’étant plus associé à la procédure de désignation des présidents, le législateur a souhaité mettre en place un mécanisme d’information de la représentation nationale. Ainsi, la loi prévoit que dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, les présidents des sociétés nationales de programme transmettent au président de chaque Assemblée parlementaire et à la commission des affaires culturelles de ces mêmes assemblées un rapport d’orientation. Sur la base de ce rapport, les commissions parlementaires peuvent procéder à l’audition des présidents de l’audiovisuel public.

La chaîne d’information en continu est consubstantielle à ce projet stratégique, bien que les modalités de sa mise en œuvre n’y soient pas développées. Il s’agit avant tout de faire émerger une offre d’information répondant à la fois à la demande d’information immédiate renforcée par les nouveaux usages numériques, et à un objectif de qualité en lien avec les missions du service public audiovisuel. Comme le souligne Mme Delphine Ernotte dans cette feuille de route, « Dans un monde connecté à tous les niveaux, où une information chasse l’autre, avec le relais des réseaux sociaux et d’internet, il est de la responsabilité éthique et morale de l’audiovisuel public de sortir de cette logique du buzz permanent pour garantir à l’audience une information de qualité. L’enjeu est de passer d’une logique d’information continue à un objectif d’information permanente […]. Le projet d’information par le numérique est l’opportunité de faire émerger une chaîne de compréhension pour dépasser l’émotion. »

Cette chaîne d’information « décryptée », pilotée par France Télévisions, trouve les ressources nécessaires à la production d’une offre innovante dans le partenariat avec les autres acteurs de l’audiovisuel public. Le projet initial de Mme Delphine Ernotte ne mentionnait que Radio France et France Médias Monde, soit les deux acteurs produisant d’ores et déjà de l’information en continu : le premier apportant l’expérience de la station France Info, marque de référence incontestée dans les médias, et le second une vision ouverte sur le monde avec l’information internationale de France 24. Ajouté au déploiement des antennes régionales de Radio France et France Télévisions, y compris en outre-mer, la nouvelle chaîne d’information pourrait en principe couvrir un champ d’informations élargi dans l’espace, du local à l’international.

L’Institut national de l’audiovisuel (INA) a été associé au projet dans un second temps, et permet d’ajouter à la dimension spatiale, le décryptage dans le temps, grâce à son savoir-faire en matière de mise en perspective des images d’actualité d’archives qui éclairent le présent.

Enfin, à ce stade, Arte n’a pas été associée au projet, malgré la présence d’offres en lien avec le traitement de l’information dans sa programmation. Ce point fera l’objet d’une proposition du Rapporteur.

Il est important de préciser qu’il ne s’agit en aucun cas d’une structure préfigurant la construction d’une « BBC à la française », sous forme d’un « groupe unifié » de l’audiovisuel public, comme cela a pu être proposé dans le cadre d’un rapport sénatorial récent (9). En effet, la BBC est une holding publique qui centralise plusieurs « marques » d’offres télévisuelles (nationales et internationales), radiophoniques et numériques qui lui sont directement rattachées. À contrario, la future chaîne d’information « France Info » est une marque spécifique gérée et alimentée par plusieurs groupes bénéficiant d’une indépendance financière et éditoriale les uns par rapport aux autres. Il s’agit avant tout de la création d’une synergie sous forme de « démarche projet ». La logique est donc inversée, et nécessite par ailleurs des modalités complexes en matière de gouvernance et de responsabilité juridique.

Le Rapporteur se félicite que, par la concrétisation de ce projet, l’audiovisuel public puisse sortir de la seule démarche générale d’économies et de rationalisation des moyens, nécessaire mais très prégnante depuis quatre ans, et qui n’a pas permis jusqu’ici aux acteurs du secteur de se mobiliser au service d’un projet collectif.

B. UN PROJET PRÉCONISÉ DANS DE PRÉCÉDENTS RAPPORTS

1. Le rapport Schwartz

Le rapport du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions, de février 2015, qui a été coordonné par M. Marc Schwartz, (10) s’est penché sur l’avenir de France Télévisions « dans un contexte de forte mutation du paysage audiovisuel caractérisée par la convergence des services de médias et la transformation des usages ». Le rapport fait le constat que les pays européens ont, dans la majorité des cas, fait le choix de diversifier l’offre des médias du service public et d’enrichir leur bouquet. La diversification se réalise notamment par la création d’une chaîne jeunesse, à l’image de France 4, et d’une ou plusieurs chaînes d’information. Seul le Danemark a fait le choix de transformer, en 2013, sa chaîne d’information DR Update en chaîne jeunesse. Il est à ce jour le seul pays, avec la France, à ne pas avoir de chaîne d’information dans son bouquet public diffusé sur l’ensemble du territoire national (11).

Sur la méthode, le rapport de Marc Schwartz avait également constaté le manque de coordination des acteurs de l’audiovisuel public dans le domaine de l’information, malgré des moyens significatifs : « Dans le domaine de l’information, les stratégies des sociétés publiques ne sont pas coordonnées et les moyens s’additionnent au sein des trois entités concernées : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde. Les rédactions de ces sociétés totalisent environ 4 500 journalistes, au sein des rédactions nationales, des rédactions régionales et des réseaux internationaux. Cela représente une force de frappe considérable et un atout déterminant pour l’audiovisuel public français. Mais les coopérations restent limitées, sauf au sein d’une même société : France Bleu/France Inter ou France 24/RFI par exemple […] Le groupe de travail partage le diagnostic porté par plusieurs interlocuteurs d’une dispersion des moyens publics en matière d’information, et d’une lacune existant dans le dispositif public, qui ne dispose pas, en dépit de moyens conséquents, d’une chaîne d’information en continu destinée au public français. Il considère que tout projet dans ce domaine ne devrait se concevoir qu’en associant toutes les forces du secteur public, autour d’un projet commun ».

Le projet de chaîne d’information porté par France Télévisions a clairement intégré l’ensemble de ces recommandations.

2. Le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur le modèle économique de l’audiovisuel public au 21e siècle

Ce constat était largement partagé par votre rapporteur spécial, dans le cadre de sa fonction de rapporteur de la mission d’information sur le financement public de l’audiovisuel (12). Sa conclusion, commune à celle du président de la mission, met en avant l’opportunité que peut représenter un tel projet pour l’audiovisuel public, mais insiste également sur les risques financiers qu’il peut faire peser sur le secteur : « Par ailleurs, tout nouveau projet éditorial inscrit dans le nouveau COM, sauf à se réaliser à moyens constants, doit être transparent sur les moyens de financement. Le Rapporteur et le Président de la mission d’information s’interrogent ainsi sur les capacités financières actuelles de France Télévisions à lancer une chaîne d’information en continu, même sous forme numérique. L’information est au cœur des missions du service public télévisuel, qui représente en 2013 plus de 20 % de l’offre globale d’information. Le site « Francetv info » connaît par ailleurs une montée en puissance croissante. Il est donc nécessaire de s’interroger sur l’opportunité d’un tel projet, et sur son positionnement face une offre gratuite déjà existante sur la TNT. »

Les questions du financement et des modalités de coordination étaient également évoquées : « Si toutefois ce projet se confirme, il serait opportun de tirer profit des synergies possibles avec les autres acteurs de l’audiovisuel public, Radio France d’une part, mais également la chaîne d’information continue France 24 gérée par France Médias Monde. Elle pourrait, grâce à la mise en place de décrochages nationaux, constituer la matrice idéale à une chaîne d’information continue, à condition bien sûr de pouvoir faire son entrée sur la TNT nationale et non plus seulement en Île-de-France. Le coût de la diffusion est estimé à 2 millions d’euros en SD ou 7 millions d’euros en HD. »

Les solutions de financement avaient également été soulevées, au regard de la première décision du CSA relative au passage en gratuit de la chaîne LCI : « Par souci de cohérence, un financement de cette chaîne d’information par des recettes publicitaires n’est pas envisageable, dans l’état actuel du marché et dans la droite ligne du raisonnement qui avait été invoqué au moment de la demande de TF1 visant à intégrer LCI dans l’offre gratuite de la TNT. » Comme cela sera abordé ultérieurement, c’est effectivement le choix qui a été fait pour le financement du projet.

C. DES DÉLAIS EXTRÊMEMENT COURTS DE MISE EN œUVRE, SOURCE D’INQUIÉTUDES ET DE DIFFICULTÉS

La chaîne est configurée pour débuter au 1er septembre 2016, le premier projet finalisé ayant été présenté en comité central d’entreprise le 15 juin 2016. La date de septembre 2016 était d’ores et déjà évoquée dans le projet stratégique présenté par Mme Delphine Ernotte au CSA, ce qui démontre la volonté de la nouvelle présidente de tenir le calendrier de ses engagements.

La mise en œuvre effective du projet a donc été envisagée sur une période de huit mois seulement – bien que sa maturation ait débuté en amont − le mois d’août étant par ailleurs réservé aux « antennes à blanc », c’est-à-dire à un essai grandeur nature de la chaîne.

Le calendrier prévisionnel de mise en œuvre du projet, tel que présenté en janvier 2016, est le suivant :

Source : information/consultation sur le projet de lancement de la chaîne d’information-France Télévisions- janvier 2016.

Selon la direction de France Télévisions, il est à ce jour parfaitement respecté.

Il s’agit de la première phase du projet, devant aboutir à son lancement. Selon France Télévisions, dans une deuxième phase il sera procédé aux ajustements et aux coordinations qui se révéleront nécessaires en pratique – notamment en matière de coopération avec les rédactions régionales et ultramarines (rédaction de France 3 Toutes régions à Lyon et celle de France Ô à Malakoff), dont la participation est prévue mais ne fait pas l’objet d’une formalisation.

Les difficultés engendrées par les délais extrêmement réduits ont été évoquées par l’ensemble des représentations syndicales rencontrées par le Rapporteur. La première est sans aucun doute la capacité limitée des équipes à s’approprier le projet. Cette inquiétude est particulièrement prégnante dans le cadre du partenariat de France Télévisions avec Radio France, plus approfondi qu’avec les autres opérateurs (cf. infra). En effet, la complexité des modalités de coordination a nécessité la conclusion de plusieurs accords qui ne sont pas encore finalisés à deux mois du lancement de la chaîne, faisant peser des incertitudes sur l’organisation du travail et empêchant les directions des deux entreprises de communiquer en toute transparence sur l’ensemble des changements engendrés par la chaîne d’information.

II. LA VALORISATION DES COMPÉTENCES : L’APPORT ÉDITORIAL DE CHAQUE OPÉRATEUR POUR UNE INFORMATION EN CONTINU « DÉCRYPTÉE »

A. LE SERVICE PUBLIC : UNE PLACE DÉJÀ TRÈS AFFIRMÉE DANS LE DOMAINE DE L’INFORMATION

Si la création d’une offre d’information en continu tout support est innovante, le service public s’est affirmé de longue date dans le domaine de l’information, y compris dans celui de l’information en continu

1. L’information en continu : l’expérience de France Info et de France 24

La station France Info a été créée il y a vingt-neuf ans, en 1987. Historiquement, il s’agit de la première radio d’information en France, et la deuxième radio de France, toute programmation confondue. Elle est également la deuxième marque associée à l’information, juste après BFM TV. Malgré les évolutions des pratiques de consommation des media et la révolution numérique, France Info est parvenue à maintenir ses audiences, notamment grâce à une nouvelle grille mise en place en septembre 2015. Selon le rapport annuel de performance pour l’exercice 2015, son audience cumulée sur l’année s’élève à 7,8 %, pour un objectif de 8,1 %. Cependant, la dernière vague de l’année (13) a été marquée par des résultats à hauteur de 8,1 % d’audience cumulée, soit une progression de 0,1 % sur un an. Elle se place au cinquième rang des radios les plus écoutées, avec 4 285 000 auditeurs quotidiens (14).

Le site franceinfo.fr a par ailleurs enregistré une hausse de 8 % de ses visiteurs en un an, qui s’élèvent à 5,06 millions. Cette dynamique se retrouve également sur les réseaux sociaux, l’application mobile et le téléchargement de podcast qui ne faiblit pas (+ 28 % entre 2014 et 2015). Radio France a enfin créé récemment « le Live » de France Info : il s’agit d’une antenne augmentée disponible sur le site internet franceinfo.fr 24 h sur 24 et 7 jours sur 7, qui mêle la radio, la vidéo, les réseaux sociaux et produit des alertes afin de s’adapter à la dimension multimédia de l’information.

En 2005, la chaîne France 24 est lancée sous l’impulsion du Président de la République, qui souhaite doter la France d’une chaîne d’information internationale en continu, dix après le lancement de BBC World et treize ans après celui de Deutsche Welle. Le choix ayant été fait de ne pas la diffuser sur le territoire national, il faudra attendre septembre 2014 pour qu’elle rejoigne le canal 33 de la TNT diffusé uniquement en Île-de-France. La marque réunit dans le monde 50,9 millions de téléspectateurs. L’audience en France progresse également depuis son passage sur la TNT : elle totalise près de 3 millions de téléspectateurs mensuels au 1er semestre 2015. Sur le volet numérique, France 24 enregistre globalement une fréquentation moyenne de plus de 16 millions de visites par mois – la plateforme numérique de France Médias Monde n’étant pas intégrée au projet de la chaîne d’information compte tenu de ses objectifs éditoriaux internationaux et du multilinguisme qui la caractérise. Des liens sont néanmoins envisagés afin de renforcer l’exposition de France 24.

2. L’offre d’information de France Télévisions : une place prédominante dans l’univers audiovisuel

L’offre d’information de France Télévisions sur l’ensemble de ses chaînes (France 2, France 3, France 5 et France Ô) et en premier lieu sur France 2 et France 3 se distingue à la fois par sa richesse et par des parts d’audience très substantielles. Selon les opérateurs privés, la voix du service public représente aujourd’hui près de 50 % de l’audience d’information sur l’ensemble des médias.

En effet, les plages réservées à l’information sont multiples : le matin de 7 h à 9 h, à midi de 12 h à 14 h et le soir de 18 h à 21 h, en semaine comme le week-end. Selon les résultats de la saison 2015-2016, ces rendez-vous quotidiens constituent des « carrefours d’audience ». C’est particulièrement le cas de l’information nationale sur France 2, qui enregistre des parts d’audience conséquentes avec l’émission Télématin (29,9 % des audiences en semaine et 22,3 % le samedi), mais aussi les journaux télévisés de 13 heures (19,3 % des audiences en semaine et 20,9 % le week-end) et de 20 heures (20,4 % et 21,7 % le week-end). Ces chiffres illustrent la force de frappe de France Télévisions en matière d’information, tant en matière d’information généraliste tels que les journaux télévisés, que par le biais de documentaires ou magazines en lien avec l’actualité : des émissions telles que C dans l’air, Envoyé spécial, Complément d’enquête, Des paroles et des actes ou encore Cash investigation affichent des résultats d’audience entre 10, 5 % et 12 %, et jusqu’à 14,5 % pour l’émission Cash investigation.

En annexe du présent rapport est présenté un tableau récapitulatif des plages réservées au traitement de l’information par France Télévisions.

L’information régionale est également puissante, puisque sur France 3 les parts d’audience se divisent de manière équilibrée entre les journaux nationaux et régionaux. Les journaux de 13 heures nationaux et régionaux enregistrent respectivement, 12,5 % et 11,8 % de part d’audience en semaine et la similarité des audiences entre information nationale et régionale se retrouve le soir.

Parallèlement, France Télévisions a développé son offre numérique en matière d’information via la création, en 2011, de sa plateforme Francetv info. Cette dernière a acquis une forte visibilité (30 et 35 millions de visites par mois entre mai 2015 et mai 2016), qui renforce le positionnement multimédia du groupe dans le domaine de l’information.

La nouvelle chaîne d’information viendra ainsi compléter l’offre d’information du réseau de France Télévisions sans pour autant la concurrencer. Le seul programme susceptible de concurrencer la chaîne d’information serait le créneau de Télématin (7 heures-9 heures), qui est l’une des plages importantes des chaînes d’information en continu dans le traitement de l’actualité dite chaude. Il était d’ailleurs prévu dans le projet présenté en janvier que la nouvelle structure mutualise avec Télématin les ressources pour la fabrication des sujets des journaux télévisés du matin.

Concernant la diffusion en TNT, la nouvelle offre n’a pas vocation, selon la direction de France Télévisions, à « cannibaliser » les offres existantes, qui sont performantes par ailleurs. Les offres d’information du groupe France Télévisions demeureront complémentaires. La chaîne d’information proposera peu de sujets longs et elle entend développer des formats spécifiques destinés à tous les supports et répondant donc à une écriture particulière. Concernant les contenus proposés par les autres éditions et valorisés sur la chaîne info, celle-ci leur offrira une visibilité supplémentaire en soulignant leurs particularités.

L’expérience des autres chaînes d’information en continu adossées ou non à une chaîne historique, confirme qu’il n’y a aucun risque de concurrence entre les plages d’information des chaînes généralistes et la programmation de la chaîne d’information en continu, le 20 h demeurant traditionnellement la plage du journal télévisé et une plage secondaire des offres d’information continue, souvent détachée de l’actualité chaude.

B. UN APPORT ÉDITORIAL PERMETTANT DE VALORISER LES CONTENUS ET LES SAVOIR-FAIRE

Point central de la programmation différenciante de la nouvelle chaîne, le partenariat avec trois autres acteurs de l’audiovisuel public se traduit par des apports qui sont fonction de la plus-value de chacun. Il s’agit de mettre en valeur la force de frappe globale de l’audiovisuel public français.

La chaîne va également pouvoir s’appuyer, au-delà des services et des effectifs spécifiques dédiés, sur une structure particulièrement puissante puisque les synergies entre les différents opérateurs de l’audiovisuel public dessinent les contours de la plus grande rédaction nationale d’Europe au service de la chaîne d’information, forte des 3 000 journalistes de France Télévisions, des 750  de Radio France et des 450, dont 160 francophones, de la rédaction de France 24. S’ajoutent à ces derniers le réseau de correspondants à l’international de France Médias Monde, qui compte près de 300 journalistes.

1. Les grandes lignes de l’ambition éditoriale de la chaîne d’information

L’objectif est bien de proposer une alternative de service public aux offres actuelles d’information en continu.

Il s’agit d’abord de tirer profit de la valeur ajoutée des rédactions du service public :

− en donnant du sens et des clés de compréhension de l’actualité qui soient accessibles au plus grand nombre, et presque en temps réel via les plateformes numériques ;

− en faisant de l’information en continu mais avec moins d’immédiateté et de répétition d’images en boucle, au profit du décryptage et des explications. Selon la direction de France Télévisions, la nouvelle offre présentera « une forte dimension pédagogique pour mettre à distance l’émotion de l’info chaude ». Ce sera l’objectif principal des « modules », d’une durée maximale de six minutes, qui rythmeront le déroulé linéaire de la chaîne, mais qui viendront également enrichir l’offre numérique.

L’antenne linéaire sera structurée autour de trois périodes distinctes :

− des périodes rouges le matin et le soir en semaine, où un présentateur « anchorman » (présentateur-médiateur de l’ensemble de la plage qui en assure la cohérence) aura pour rôle de faire le lien en direct entre les journaux télévisés et les modules de décryptage de l’actualité. Ces périodes correspondent aux pics de consommation de l’information sur le numérique et les chaînes d’information en continu. Dans ce mode, trois périodes sont recensées : 6 h-9 h, 18 h-20 h et 22 h-00 h. Dans ces périodes, deux journaux (JT) par heure sont programmés ;

− une période verte sur les autres plages horaires. Dans cette tranche de programmation, les programmes pourront se détacher de l’actualité chaude, tout en gardant un objectif de mise en valeur à l’antenne de la vie des réseaux sociaux. Seront ainsi programmées en direct, des émissions plus longues en direct type talk (émissions de plateau) développées par la rédaction de France Info en lien avec les équipes de France Télévisions – par exemple dans le domaine du sport dans la plage horaire 20 h/22 h − ou des formats unitaire – de type édition spéciale à l’occasion d’événements. Dans ces périodes, un journal (JT) et un flash info par heure sont programmés.

Le tempo de l’antenne est marqué par les « rappels de titres » toutes les dix minutes, sous forme de pastille. Soit un total de quatre-vingt-trois rappels de titres par jour pour une durée quotidienne cumulée de 1 h 23 (15), qui renforce la nécessité pour la chaîne d’information publique de se différencier des autres offres sur les autres programmes ;

− la nuit, où il est prévu de diffuser le signal de France 24 de minuit à 6 h, dès lors consacré à l’actualité internationale.

La vocation de la nouvelle offre est également de proposer des programmes facilement exportables sur tous les supports de diffusion. Ainsi, la programmation sera constituée de sujets et de modules courts pouvant souvent être visionnés sans le son (écrans dans des espaces collectifs, consommation en mobilité).

2. L’apport éditorial de chaque opérateur

France Télévisions incarne la colonne vertébrale de ce projet, sa présidence assurant la responsabilité éditoriale de la chaîne dans son ensemble en dehors des domaines partagés, comme le volet numérique. De ce fait, les relations éditoriales, l’apport de chaque partenaire et les modalités de prise en charge du surcoût engendré sont fixés par voie de conventions bilatérales entre France Télévisions et ses partenaires. Elles sont au nombre de cinq : trois ont été nécessaires afin de déterminer les modalités de coopération avec Radio France, une a été conclue avec France Médias Monde et une dernière avec l’INA.

Au jour de la rédaction du rapport, le Rapporteur n’a pas pu consulter ces conventions, qui n’ont été conclues que tardivement. Elles ont été présentées au conseil d’administration de Radio France le 8 juillet, et le sont devant celui de France Télévisions le 13 juillet.

a. La responsabilité éditoriale de la direction de France Télévisions

France Télévisions est au cœur de ce projet, mais le partenariat avec Radio France apparaît comme central et plus complexe à mettre en œuvre que les autres, car il s’agit de créneaux communs, et donc de « co-production ». L’apport de France 24 et de l’INA est plus délimitable d’un point de vue temporel, et indépendant d’un point de vue éditorial.

Ainsi, en dehors des plages communes avec Radio France, où la responsabilité est partagée, et de la diffusion nocturne de France 24, la direction de France Télévisions est l’unique responsable éditoriale de l’offre d’information linéaire et numérique. Le groupe porte en conséquence, comme cela sera exposé ultérieurement, presque l’intégralité du surcoût engendré par ce projet.

De nombreuses directions de France Télévisions vont participer, de manière directe ou indirecte, à la programmation de l’offre d’information en continu. La rédaction de la chaîne d’information va intégrer la direction de l’information de France Télévisions, tandis que l’offre numérique de la chaîne devrait se construire autour du site francetv info. La chaîne déléguera par ailleurs des productions aux rédactions de France 3 Toutes régions à Lyon, à la rédaction de Malakoff en charge de l’Outre-mer, ou encore à la rédaction des sports, le service météo etc. En outre, elle réexposera, dans des conditions qui restent à déterminer et sans les modifier, les contenus produits par les réseaux régionaux et les stations ultramarines du groupe.

L’offre numérique associée à la chaîne d’information sera articulée autour du site francetv info, fort d’une équipe d’une quarantaine de journalistes web d’ores et déjà spécialisée dans le traitement et le décryptage de l’information.

b. Radio France

Il s’agit de la contribution majeure de la station France Info à l’offre publique d’information en continu. Cette contribution, qui donnera lieu à des diffusions simultanées à la radio et à la télévision, intervient sur plusieurs volets :

− les rappels de titres fournis par France Info, sont des modules d’informations brèves, repérées, vérifiées et éditées par la rédaction de France Info. Ils alimenteront la chaîne d’info en informations chaudes de 6 h à minuit du lundi au dimanche, quel que soit le programme diffusé en direct sur l’antenne broadcast. Ces éléments seront produits au cœur de la rédaction de France Info, créant un flux continu d’éléments prêts à être diffusés à sur les ondes, sur les écrans, sur le web ;

− le second type de contenus proposé par les équipes de Radio France sur la chaîne d’information en continu sera composé de tranches d’information produites et diffusées à la fois sur les antennes en direct du média global France Info et celles de la chaîne d’information en continu. Il s’agira soit d’émissions quotidiennes, c’est-à-dire programmées et inscrites dans la grille en direct de la chaîne d’information en continu, soit d’éditions spéciales en fonction de l’actualité.

À ce titre, au lancement de la chaîne d’info, France Info proposera du lundi au dimanche sur ses antennes et celles de la chaîne d’info une émission politique matinale de trente minutes autour d’un entretien politique de référence et une deuxième tranche d’émissions en soirée avec une heure de « talk (16) généraliste » et trente minutes de « talk sport ».

− en cas d’édition spéciale, le « Live » de France Info, offre visuelle constituée d’une captation vidéo de l’antenne de France Info enrichie de données associées (tweets sélectionnés par la rédaction, photos et vidéos), pourra également être diffusé d’un commun accord entre les équipes de Radio France et celles de la chaîne d’information en continu. France Info a en effet redéfini sa stratégie d’antenne autour de la capacité à produire une édition spéciale dès que l’actualité l’exige.

Il a par ailleurs été indiqué au Rapporteur lors de ses auditions que l’orchestre de Radio France devrait être en charge de produire l’identité musicale de la chaîne d’information, sans que des précisions puissent être apportées sur ce point. Par ailleurs, l’annonce récente dans la presse de la collaboration de M. Jean-Michel Jarre à l’habillage sonore de la chaîne suscite des interrogations sur le coût engendré par ce partenariat, dont il n’avait pas été fait mention au Rapporteur.

Au total, 12 % du temps d’antenne de la radio France Info sera diffusé à la télévision. Il est à noter que France Info s’est déjà engagé dans une logique de média global, avec le lancement en mars 2015 du « Live » de France Info, nouvelle antenne visuelle permettant d’accéder à l’antenne de la chaîne en direct sur tous les écrans (17). De plus, comme dans le cas de France Télévisions, les antennes régionales du réseau France Bleu pourraient être amenées à alimenter le flux d’informations, dans des conditions qui demeurent à clarifier mais qui pourraient prendre la forme d’interviews téléphoniques diffusées en plateau.

Le site franceinfo.fr deviendra également une composante de l’offre numérique de la chaîne d’information, dans le cadre d’une plateforme commune aves francetv info. Il est à noter que France Info a été précurseur en étant la première radio européenne à se doter d’un site internet, en 1996.

Le partenariat approfondi entre Radio France et France Télévisions, un facteur de tensions sociales

Contrairement à France Médias Monde et à l’INA, le partenariat entre Radio France et France Télévisions va donner lieu à des plages de co-production, impliquant une coordination éditoriale étroite, y compris dans la gestion de l’actualité chaude. Le projet prévoit également la convergence numérique entre les deux offres audiovisuelles, selon des modalités qui ne sont pas encore finalisées. Le mariage entre les deux plus grandes entités de l’audiovisuel public est également consacré par le choix du nom de la chaîne d’information, qui se nommera « France Info », du nom de la station de Radio France.

Le choix de ce nom a fait fortement débat et a suscité de vives oppositions. Au sein de Radio France, ce choix a été ressenti comme une dépossession d’une marque emblématique du groupe, à laquelle s’est ajoutée la crainte d’en perdre partiellement la maîtrise éditoriale, en l’absence de précisions sur le partage de la responsabilité éditoriale avec France Télévisions. Au sein de France Télévisions, les journalistes des rédactions de France 2, France 3 et Francetvinfo.fr ont été invités à répondre à la question : « Selon vous, la future offre d’information (chaîne tout-info et site internet) peut-elle être baptisée France Info, comme la radio du même nom ? ». Sur les 627 journalistes de France 2, France 3 et Francetv Info consultés, 287 ont voté (46 % de participation), 270 ont répondu non (94 % des votes exprimés), 11 ont répondu oui (4 %) et 6 ne se sont pas prononcés (2 %). Les représentants desredevance

journalistes de France Télévisions et de Radio France estimaient, par ailleurs, ce nom inadapté et ont évoqué la confusion qu’il susciterait dans l’esprit des téléspectateurs, des auditeurs et des internautes entre la radio, la télévision et la plateforme numérique. Mme Delphine Ernotte a souligné, lors de l’audition menée par le Rapporteur, que les délais ne permettaient pas de créer une nouvelle marque, qui aurait de surcroît engendré des surcoûts supplémentaires de communication.

Afin de réguler les coopérations entre France Télévisions et Radio France, les deux groupes ont été amenés à négocier trois conventions distinctes, contre une seule pour les autres opérateurs :

– une convention relative à la marque : ce contrat de licence de marque fixe les modalités d’exploitation de la marque « France Info », ainsi que les responsabilités juridiques et éditoriales qui découlent de son usage. Cette convention devrait, quand elle sera finalisée et rendue public, être à même d’apaiser les tensions, en prévoyant notamment une gouvernance partagée de cette marque ;

– une convention relative à la chaîne linéaire : il s’agit de la convention globale fixant les modalités de coopération et le partage de la responsabilité éditoriale qui en découle sur les plages communes ;

– une convention relative à la convergence numérique des offres de Radio France et France Télévisions : hautement stratégique autant que polémique, ce volet de la négociation est essentiel au regard des inquiétudes des équipes numériques de francetv info et de franceinfo.fr.

À la date de rédaction du rapport, les conventions ne sont pas encore finalisées et n’ont donc pu être transmises au Rapporteur. Les délais très courts de mise en œuvre n’ont en effet pas permis aux deux directions de faire aboutir les négociations avant début juillet.

c. France Médias Monde

La participation de France 24 au contenu de la chaîne d’information prévoit :

− la reprise du signal de nuit de France 24 en français entre minuit et 6 heures du matin ;

− des modules produits spécifiquement pour la future chaîne nationale publique d’information :

● trois Journaux du monde de 6 minutes, 7 jours sur 7, tout en images : Ces Journaux du monde proposent un résumé de l’actualité internationale de la journée au travers de quatre à cinq sujets courts et actualisés trois fois par jour,

● trois duplex quotidiens en direct de la rédaction de France 24 permettant de faire intervenir les rédacteurs en chef, les chroniqueurs spécialisés afin de commenter et d’analyser les titres principaux de l’actualité internationale,

● trois modules hebdomadaires de deux minutes : Les Observateurs qui est une émission phare de France 24 réalisée à partir de contenus amateur validés éditorialement (photos, vidéos et témoignages) pour comprendre l’actualité internationale à travers les yeux de ceux qui en sont les témoins. La déclinaison mensuelle Ligne Directe sera également reprise ;

− une capacité à prendre en charge les éditions spéciales en cas d’événement majeur à l’international ;

− des passerelles en matière d’offres numériques : il n’est pas exclu que France 24 participe également à l’enrichissement de l’offre numérique de la chaîne d’information par le biais d’une reprise en direct de l’antenne de France 24 ou de contenus vidéos à la demande et des contenus enrichis. Ce point est en cours de négociation avec France Télévisions.

À ce stade, France 24 serait amenée à fournir 26 % du volume horaire de diffusion sur 24 heures, ce qui fait d’elle le principal partenaire de la chaîne en termes de volumes fournis. La responsabilité éditoriale de France Médias Monde demeure totale pour ce qui concerne l’ensemble des programmes produits par France 24.

d. L’Institut national de l’audiovisuel

L’INA produira pour la chaîne d’information des programmes permettant, grâce au recours aux images d’archives, d’éclairer l’événement présent et de le mettre en perspective. Le développement de ces programmes apparaît cohérent avec les objectifs fixés dans le contrat d’objectifs et de moyens de l’institut, visant notamment à mettre en valeur les collections de l’INA sous de nouvelles formes, à développer le caractère multimédia de cette offre, et à affirmer la place des archives à l’heure du numérique et des médias sociaux.

Quatre types de programmes seront fournis à la chaîne à l’appui de la mission de décryptage :

− l’archive du jour, module tout image : une archive titrée et légendée issue de la programmation hebdomadaire de la plateforme ina.fr, d’une durée maximale de deux minutes ;

− l’archive du jour, module incarné par un(e) présentateur (trice) d’une durée de 2,30 minutes ;

− la data du jour : un chiffre (sondage, date, résultat, montant…) en résonance avec l’actualité, illustré par une vidéo mis en perspective par une infographie et commenté, d’une durée totale de deux minutes ;

− le best of de la semaine (seul module hebdomadaire et non quotidien) : un module tout image d’une durée maximale de dix minutes, monté par la chaîne d’information à partir des modules quotidiens et destinés à la diffusion du week-end.

L’INA participe également à la mise en œuvre de la chaîne d’information en assurant, dans le cadre d’une convention, la formation aux nouveaux métiers de l’image des techniciens de Radio France.

Lors des auditions menées par le Rapporteur, l’ensemble des acteurs impliqués ont souligné l’important moteur de changement que représente ce projet dans les entreprises partenaires, au-delà de l’ambition collective qu’il représente. En effet, il permet à la fois une meilleure valorisation des contenus existants et des savoir-faire, ainsi qu’une visibilité accrue de chacune des marques dans un environnement multimédia. Il représente donc une occasion majeure d’évolution et de développement.

Par ailleurs, la production de programmes spécifiques en synergie avec d’autres opérateurs de l’audiovisuel public représente un puissant levier d’évolution. Cela est particulièrement prégnant pour l’INA, qui doit désormais produire dans une logique de flux et non plus seulement dans celle de la « rétro-actualité », comme c’est le cas actuellement.

III. L’ANCRAGE NUMÉRIQUE DE LA CHAÎNE : L’INCONTOURNABLE CONVERGENCE DES MÉDIAS AU SERVICE DE L’INFORMATION

La journaliste Isabelle Repiton s’est attachée à décrire, dans un article consacré à l’impact de la convergence des médias sur la pratique du journalisme, les changements à l’œuvre dans la consommation des médias : « On n’écoute plus seulement France Inter : on la regarde. L’interview du matinal est diffusée en vidéo sur le web. Le Figaro, lui aussi, n’est plus seulement à lire mais à voir. Buzz média, talk… le studio du quotidien produit pour le web des interviews résumées dans le journal du lendemain. Les correspondants étrangers ou les journalistes experts des grandes chaînes comme TF1, France 2, tiennent leurs blogs… Un article sur le site Internet d’information Rue 89 mêle souvent textes, vidéos et sons, de façon fluide, composant un moment d’information multimédia. Les frontières entre les médias traditionnels, définis par leur support de diffusion
– papier, ondes radio, TV – s’effacent.

« Ce bouleversement touche profondément les médias d’information, ceux dont la matière première est le travail de journalistes. Désormais, dès le stade de sa production, cette matière première – texte, son, image – est un fichier numérique, qui peut circuler indifféremment sur les réseaux numériques. Quel que soit le support traditionnel auquel elle était destinée, elle converge aisément sur les plateformes web, mobiles… et cette évolution oblige les médias d’information à une mutation accélérée.

« En effet, les flux numériques imposent le tempo. Les périodicités des médias traditionnels, fussent-ils d’information chaude, étaient notamment liées à des délais incompressibles de fabrication matérielle : le temps d’imprimer et de transporter un journal, de tourner, monter, commenter des reportages, de les hiérarchiser et de les rassembler en un journal télévisé quotidien. Le réseau numérique permet l’immédiateté : vu, pris, mis en ligne. Pour l’actualité, le web a toujours un temps d’avance. Après lui, chaque média cherche l’équilibre entre fournir l’information plus vite ou avec plus de valeur ajoutée. » (18)

A. LES MODÈLES ÉTRANGERS

La direction de projet de France Télévisions s’est appuyée sur plusieurs analyses comparées disponibles en interne et sur l’expérience de certains collaborateurs qui ont travaillé par le passé pour des offres concurrentes. Elle a par ailleurs effectué plusieurs visites à l’étranger, notamment à la RTBF pour mieux connaître son dispositif « cross média » de mise en image d’émissions de radio, et à Al Jazeera Plus pour appréhender la manière de fournir des nouveaux contenus innovants de par leur forme et leur traitement particulier de l’actualité.

1. La RTBF : un modèle précurseur en matière de « cross media » (19)

Née en 1977, la « Radio Télévision belge de la Communauté française » (RTBF), a construit son développement autour de la radio, puis de la télévision. Entreprise de service public, la RTBF développe aujourd’hui des activités de plus en plus diversifiées et marque sa différence en visant d’abord l’enrichissement durable, culturel et citoyen.

Bien que les programmes de radio et de télévision soient encore les plus importants pourvoyeurs d’audience du groupe, l’un des objectifs que s’est fixé la RTBF, dans son plan stratégique d’avenir 2013-2016, est de développer son offre internet et cross-media (20) afin de s’adapter aux nouvelles pratiques de consommation. Chaque département médias (radio, télévision et internet) est invité à proposer de nouveaux types de programmes et de contenus à même de servir cet objectif commun. En effet, la RTBF, à l’image de l’ensemble des médias historiques, a besoin de rajeunir ses auditeurs/téléspectateurs, notamment en renforçant la fréquentation de ses sites internet.

Dans le cadre de sa stratégie cross media, la RTBF a élaboré, au cours des trois dernières années, de nouveaux formats de contenus adaptés à l’utilisation en ligne et sur les téléphones portables et/ou tablettes, tels que les web-séries, de nouvelles façons de faire de la radio (radio hybride et radio filmée), des programmes participatifs (appels à projets, participation active du public à la fabrication de web-séries). Dans le domaine de l’information, la RTBF a lancé la stratégie « web-first » qui joue sur la complémentarité cross-media et permet à la RTBF de se maintenir en première position en termes de qualité, de fiabilité et de rapidité de l’information. Une équipe de six à sept personnes est dédiée au « web-first » et fonctionne comme une agence de presse interne. Ses membres trient, vérifient et diffusent sur toutes les plates-formes les informations tout support transmises par les journalistes de la RTBF (photo, vidéo, texte). Cette équipe est également en charge de l’envoi des alertes flash-info.

La stratégie globale, le développement de la radio hybride ainsi que la création en janvier 2016 d’une agence interne de onze à douze personnes centralisant l’ensemble des informations, n’est pas sans rappeler les récentes évolutions au sein de France Info, qui seront mises au service de la nouvelle chaîne d’information.

Des projets techniques connexes lourds mais à forte valeur ajoutée mis en œuvre par la RTBF 

Le « Semantic Media Player » est une base de données et un outil de recherche intelligent connectant plusieurs bases de données, internes (archives son et image) et externes (audio, vidéo et textes). L’interface montre, pour chaque recherche, les données connexes. Il est rapide et facile pour un journaliste de trouver n’importe quel sujet déjà traité par la RTBF et d’accéder immédiatement aux archives audio ou vidéo. Le système propose en outre des informations complémentaires (par exemple biographie de la personne citée, référence à d’autres fichiers son et image concernant la même personne, etc.). Les utilisateurs peuvent compléter l’index d’une quelconque donnée saisie.

Le projet Big Data vise à récolter et à analyser toutes les données possibles sur les internautes, fournies indirectement par ceux-ci lorsqu’ils visitent les sites web de la RTBF, ou se connectent à la RTBF via les médias sociaux. L’objectif pour la RTBF est de mieux connaître son public et, par conséquent, de mieux répondre à ses attentes. Le projet fait appel aux fonctions GRC (Gestion de la relation client), marketing et informatique. Aucun résultat n’est disponible à ce jour.

Le centre technologique Reyers 2020 est chargé de définir les technologies et les espaces associés nécessaires au nouvel immeuble de la RTBF (21). Le défi est de construire pour le futur (investissements à vingt ans) sans savoir quel(s) type(s) de plateforme seront utilisés et d’anticiper les évolutions technologiques. L’ambition de la RTBF pour le projet Reyers 2020 est de créer non seulement un nouveau bâtiment professionnel, mais aussi un « Media Park » où les diffuseurs de service public, les studios audiovisuels, les sociétés de production, l’école, etc. seront regroupés.

2. La réussite incontestée de la logique multi-support de la chaîne Al Jazeera

La chaîne de télévision Al Jazeera, première chaîne d’information en continu du monde arabe, est basée à Doha et est entièrement financée par l’État du Qatar. Présente dans trente-cinq pays, elle est diffusée via satellite et regardée par près de quarante-cinq millions de personnes dans le monde.

Cette chaîne de télévision traditionnelle s’est diversifiée en septembre 2014 avec le lancement d’Al Jazeera Plus (AJ+). Ce nouveau concept d’information a pour cible un public plus jeune que le public habituel de la chaîne. Il vise « les gens qui n’ont pas de télévision et dont la consommation d’informations commence et finit avec les (appareils) portables », comme l’a précisé M. Yaser Bishr, directeur général chargé de la stratégie et du développement chez Al-Jazeera.

La chaîne qatarie a ainsi lancé un service de vidéos d’information uniquement en ligne. Les vidéos sont diffusées via l’application mobile sur iOS et Android, via les réseaux sociaux comme YouTube, Facebook, Instagram et Twitter, ainsi que sur les plates-formes de Smart TV comme Apple TV, TV Android et Amazon Feu TV. Trois versions sont disponibles, la version anglaise initiale, suivie de la version en langue espagnole puis celle en langue arabe. Elle s’adapte ainsi à l’évolution des modes de consommation de l’information. La vidéo de lancement de la chaîne AJ+ promet de donner la possibilité aux internautes de « revisiter l’actualité, la culture et les événements à travers le monde ».

L’application mobile se fixe comme objectif de permettre à la génération connectée de former une communauté d’information globale. Pour cela, l’application dispose de différentes rubriques :

– la rubrique vidéo, proposant des vidéos allant de 15 secondes à 10 minutes permettant de contextualiser une problématique et de l’analyser de manière pertinente. Des sujets très variés y sont abordés (22;

– la rubrique débat, confrontant différents points de vue sur une question donnée, à travers des votes permettant de prendre et de défendre une position au sein de la communauté ;

– la rubrique conversation, approfondissant certaines questions à travers une discussion dans la communauté ;

– la rubrique quiz, testant les connaissances acquises à travers les différentes vidéos ;

– la rubrique d’art, combinant les points de données clés en infographie, citations ou statistiques, étant conçus pour être partagés sur les réseaux sociaux ;

– la rubrique ressources, permettant de trouver facilement des informations supplémentaires, des liens ou articles sur les différents sujets abordés.

Pour la présentation des sujets, le concept de « stacks-and-cards »
− littéralement « piles et cartes »
 − a été choisi. Il repose sur une logique de navigation contemporaine, permettant simultanément l’approche rapide et globale d’un sujet, et une exploration en profondeur des problématiques qu’il recouvre. Les six rubriques présentées enrichissent chacune un volet différent de la même l’information, dans une logique de complémentarité permettant à l’internaute de moduler son degré d’approfondissement.

À l’automne 2015, 1,2 million de personnes étaient abonnées aux pages Facebook, Twitter et YouTube de AJ+. Un an après le lancement, 1,1 milliard de vues étaient comptabilisées sur la totalité des vidéos. En seulement neuf mois, AJ+ a acquis une position de numéro deux en producteur de vidéos sur Facebook.

AJ + peut représenter une source d’inspiration et un moteur d’innovation, mais non un modèle pour le projet français. Il présente en effet plusieurs particularités, dont en premier lieu sa dimension internationale et l’importance de ses ressources financières – le financement étant à ce jour très difficilement évaluable − qui empêchent toute comparaison sérieuse avec l’offre envisagée en France. Par ailleurs, l’objectivité et la neutralité de ce media a été remise en cause à maintes reprises, tandis que l’objectif d’éclairage citoyen est au cœur du projet de France Télévisions et de ses partenaires.

B. LES AMBITIONS DE L’OFFRE D’INFORMATION EN CONTINU

1. Le choix du média global

Le projet de la chaîne d’information publique a pour ambition de séduire un public qui ne regarde plus aujourd’hui les rendez‐vous d’information classiques et qui a évolué vers de nouveaux usages. Pour cela, la stratégie mise en œuvre consiste à créer un vrai média global d’information, c’est-à-dire une offre complète répondant à tous les usages, à la fois télé, radio et numérique (dont les réseaux sociaux). Le nouveau service entend en effet instaurer autant que possible une conversation permanente avec l’audience via plusieurs dispositifs interactifs innovants sur le numérique, mais aussi à l’antenne.

Selon le projet de lancement de la chaîne d’information présenté au comité central d’entreprise du 15 janvier 2016, la stratégie éditoriale est la suivante : « Pour répondre aux nouveaux usages et conquérir une cible plus connectée, la nouvelle offre serait hybride, à la fois multiforme et originale en proposant de nouveaux formats éditoriaux. Deux offres complémentaires seraient développées dans un écosystème cohérent : une offre linéaire qui constituerait un véritable enjeu tant sur le plan du modèle éditorial, que des méthodes de fabrication et de fonctionnement avec les autres rédactions ; une offre délinéarisée qui s’appuierait sur l’actuelle plateforme francetv Info, laquelle muterait, pour accueillir de façon plus interactive, à la fois l’offre linéaire et plus de modules vidéo. S’inscrivant dans une logique multi‐écrans répondant aux pratiques médiatiques contemporaines, les supports de diffusion de cette nouvelle offre auraient vocation à être multiples : une offre sur les mobiles (applications et site mobile), sur les plateformes numériques, sur les réseaux sociaux mais aussi dans le bouquet des offres box et adsl et en TV connectée. »

Lorsque l’idée d’une chaîne d’information publique a de nouveau émergé, la place du numérique a été immédiatement au cœur des préoccupations stratégiques. Il a ainsi été relayé l’idée d’une chaîne d’information fondant son innovation sur le « mobile first » (23). La piste d’une chaîne « tout numérique » a également été évoquée, parmi d’autres, dans le projet stratégique de la nouvelle présidente. Selon la description qui en est faite dans le projet de lancement (cf. supra), et telle qu’il ressort des auditions menées par le Rapporteur, le projet consiste à construire une offre multi-support intégrée, dans une logique de média global.

Le concept « mobile first » évoqué par France Télévisions pourrait s’appliquer à la construction de l’offre numérique, mais le Rapporteur ne dispose pas à ce jour des informations nécessaires à la qualification de ce volet.

2. Les difficultés de mise en œuvre de la convergence numérique entre France Télévisions et Radio France : les incertitudes sur la ligne éditoriale numérique

Bien que cela ne soit pas explicitement précisé dans le projet initial, la plateforme numérique associée à la chaîne France Info résulte d’une coopération entre la plateforme existante de France Télévisions (francetv info) et la plateforme de Radio France, en lien avec la radio France Info (franceinfo.fr). Les difficultés qui se posent dans la mise en place de ce partenariat sont diverses :

− elles tiennent tout d’abord à une différence de positionnement dans l’univers médiatique. Depuis sa création en 2011, le site d’information de France Télévisions est monté en puissance. Il totalise désormais entre mai 2015 et mai 2016, de 30 à 35 millions de visites par mois et 63,5 millions de pages vues en janvier 2016, tout support confondu. Il est le septième site d’information le plus fréquenté (24), et le onzième sur l’ensemble des sites de presse et d’information. Comparativement, le site de France Info créé en 1996 comptabilise 5 à 6 millions de visites totales sur la même période, et 11,1 millions de pages vues en janvier 2016 (25). Il n’apparaît pas dans le classement des trente premiers sites ;

− elles tiennent ensuite à la différence de dimensionnement entre les deux équipes : l’équipe numérique de France Info compte moins de cinq personnes − à laquelle on peut ajouter les onze personnes affectées à la nouvelle agence de France Info qui travailleront également en lien avec le numérique − tandis qu’elles sont environ quarante au service du numérique au sein de France Télévisions ;

− elles tiennent enfin à l’éloignement géographique des deux équipes, à laquelle s’ajoute le relatif isolement de l’équipe numérique au sein des locaux de France Télévisions par rapport à la rédaction qui sera en charge de la chaîne d’information.

Face à ce constat, l’absence de communication précise sur la ligne éditoriale et les modalités de coordination entre ces deux équipes à deux mois du lancement de la chaîne a engendré de part et d’autre des inquiétudes qui ont été exprimées lors des auditions menées par le Rapporteur. Tandis que les équipes de Radio France craignent une absorption complète de leur site au profit de francetvinfo, les équipes numériques de France Télévisions redoutent une perte de souplesse, des difficultés de coordination et d’arbitrage en cas de gestion commune de l’actualité chaude et une perte d’identité liée au choix de la marque « France Info » pour l’ensemble de la nouvelle offre d’information publique.

Conséquence de ces inquiétudes, le Syndicat national des journalistes (SNJ) de France Télévisions avait appelé les journalistes du site de francetvinfoà une grève illimitée à partir du 28 juin. Cependant, un protocole de levée de préavis de grève a été conclu avec la direction de France Télévisions, à la suite de la transmission de la convention chargée de définir les modalités de coopération en matière numérique entre les deux partenaires, qui préserve vraisemblablement l’indépendance éditoriale des deux maisons. Début avril, le site s’était déjà mis en grève pendant une journée pour protester contre le choix du nom de la chaîne d’information.

La convention a fait l’objet d’une négociation difficile entre France Télévisions et Radio France, notamment sur le partage de responsabilité en matière de « push » (c’est-à-dire les notifications envoyées sur les supports mobiles), qui devrait in fine rester aux mains des équipes de France Télévisions. Le Rapporteur n’a pas eu connaissance des modalités précises de ce partage, cette convention étant présentée en conseil d’administration le 13 juillet à France Télévisions.

Il semble que le choix ait été fait de limiter la durée de contractualisation en matière numérique à une année, afin de faciliter les évolutions au regard de des difficultés qui pourraient apparaître dans la mise en œuvre. Cette décision témoigne de la difficile articulation entre les deux offres, et de la collaboration encore hésitante entre les équipes de la radio et de la télévision.

C. LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR UNE DIFFUSION HERTZIENNE

1. Le téléviseur n’est pas encore obsolète

Le rapport d’information sur le modèle économique de l’audiovisuel public au 21e siècle s’est attaché à décrire la révolution technologique qui sous-tend la transition numérique des médias (26). Bien que l’inflexion en matière de taux de pénétration des téléviseurs soit historique, il demeure néanmoins l’écran principal (94,8 % en 2015, contre 96,2 % des foyers en 2014), devant l’ordinateur (83,2 % en 2015, contre 80,3 % en 2014), les smartphones (68 % en 2015 contre 59,3 % en 2014) et les tablettes tactiles (40,2 % en 2015 contre 32 % en 2014) (27) . Le taux de pénétration des smartphones atteint cependant 81 % parmi la population des 18-24 ans. Au premier trimestre 2016 la tendance à la baisse constatée tout au long de l’année 2015 se confirme, avec 94,1 % des foyers équipés en téléviseur. Le graphique suivant illustre cette tendance à la baisse :

Source : Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers, Résultats du 4e trimestre 2015 et du 1er trimestre 2016 pour la télévision.

Mais les usages n’évoluent que très lentement : en 2014, le visionnage classique, à savoir des programmes en direct sur un poste de télévision, concerne encore 93 % des Français, par rapport au visionnage en replay de programmes télévisés sur un téléphone mobile (7 %). De plus, la télévision reste le support de diffusion par excellence. En 2015, la télévision s’est imposée comme le média du rassemblement, « en moyenne près de 45 millions de personnes étaient devant leur petit écran chaque jour en 2015… la durée d’écoute du média sur le téléviseur de 3 h 44 par personne et par jour a progressé de 3 minutes en 2015 et se stabilise à un niveau élevé. Les Français regardent en moyenne 6,1 chaînes chaque jour et 92 % d’entre eux ont un contact hebdomadaire avec la télévision (28». Ces chiffres démontrent tout l’intérêt pour l’entreprise publique de s’approprier le terrain de la TNT, encore inexploré par le service public.

Ces chiffres concernent l’ensemble des programmes télévisuels. L’information, que l’on veut immédiate, qui se passe de l’exigence de confort dans le visionnage et dont la diffusion sur internet est massive, semble par nature plus sensible au besoin de mobilité et à la logique multi-support.

Il semblerait cependant prématuré à ce jour de lancer un projet de chaîne d’information tout-numérique, la diffusion hertzienne apportant une meilleure visibilité de l’offre. Le Rapporteur souscrit donc à la stratégie de complémentarité qui a été choisie par la direction de la future chaîne d’information, et qui pourrait évoluer, dans quelques années, pour ne maintenir que le support numérique.

2. Les enjeux de la préemption de fréquence en vue de la diffusion hertzienne

Plusieurs hypothèses ont été envisagées pour doter la future chaîne d’un canal de diffusion sur la TNT. Si le canal 23 a été évoqué, il semble que le choix se soit finalement orienté vers une utilisation du multiplex GR1 en réduisant la bande passante attribuée à l’une des autres chaînes du service public. Ainsi, une chaîne actuellement diffusée en haute définition (HD) serait passée en simple définition (SD), permettant ainsi la diffusion de la chaîne d’information également en SD. La chaîne concernée serait France Ô. À terme, l’objectif est de diffuser France Ô et France Info en HD, dès lors que les normes de compression seront améliorées ou que des canaux seront libérés.

Le changement de la qualité de diffusion de France Ô s’inscrit dans le cadre de la négociation en cours du nouveau plan stratégique de la chaîne ultramarine. L’objectif principal, en accord avec une demande forte des territoires ultramarins, est de recentrer l’ambition éditoriale de la chaîne sur sa vocation initiale, à savoir la découverte et la mise en valeur de l’Outre-mer. Ce virage se veut aussi un moyen de recréer un réseau puissant avec les chaînes Outre-mer 1ère, qui ont vocation à produire davantage afin d’alimenter massivement la programmation de France Ô. Or, si la couverture TNT en Outre-mer existe depuis 2010 (elle est limitée à huit chaînes publiques, les chaînes historiques privées refusant de financer une diffusion outre-mer peu rentable et coûteuse), le passage en HD le 5 avril dernier ne s’est réalisé qu’en France métropolitaine, le multiplex ultramarin n’étant pas suffisant pour la diffusion en HD. Les chaînes Outre-mer 1ère vont donc continuer de produire des programmes en SD, ce qui rendait partiellement inutile, dans la nouvelle configuration, la diffusion en HD de la chaîne France Ô qui recevrait ces programmes.

Cette solution a pour avantage de présenter un coût de diffusion quasi-nul, étant considéré que la diffusion en HD n’est pas une priorité pour une chaîne d’information en continu.

Le second enjeu du canal de diffusion est le choix de la numérotation attribuée à la nouvelle chaîne, qui revêt un caractère hautement stratégique au regard des chaînes privées d’information en continu concurrentes. En effet, le numéro de la chaîne est l’un des éléments déterminant de la visibilité de la marque. Ce point sera abordé dans la seconde partie du rapport consacrée à l’environnement concurrentiel de la nouvelle chaîne d’information.

La ministre de la culture a envoyé le 10 juin 2016 une lettre au Conseil supérieur de l’audiovisuel afin de préempter, à partir du 1er septembre, un canal hertzien pour la chaîne d’info du service public. Au vu des délais très courts avant le lancement de la chaîne, le CSA a rendu très peu de temps après son avis, le 6 juillet 2016.

Dans le cadre de cette décision, il a donné « une suite favorable à la demande de réservation prioritaire présentée au nom du Gouvernement par la ministre de la culture et de la communication pour la diffusion en définition standard du nouveau service de télévision public à compter du 1er septembre 2016. Il a également décidé d’attribuer le numéro 27 de la TNT à cette nouvelle chaîne publique d’information. Dans le même temps, le Conseil a décidé, conformément à la demande qui lui était faite, de libérer de la ressource sur le multiplex R1 de la TNT métropolitaine en autorisant France Télévisions à diffuser France Ô en définition standard, permettant ainsi la diffusion de la chaîne d’information en continu.

« Ce nouveau service de télévision public sera accessible pour l’ensemble des téléspectateurs métropolitains recevant la télévision par voie hertzienne terrestre ainsi que pour les abonnés aux différentes plateformes de distributions de services (câble, ADSL, fibre, satellite…) ».(29)

DEUXIÈME PARTIE : L’IMPACT DE LA CHAÎNE D’INFORMATION PUBLIQUE SUR L’ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

I. LES TROIS CHAÎNES D’INFORMATION PRIVÉES : ÉTAT DES LIEUX

L’absence de chaîne d’information en continu proposée par le service public est présentée comme une anomalie française. Il est également important de souligner qu’à cette exception, s’ajoute la particularité nationale de disposer de trois chaînes privées d’information en continu diffusées sur la TNT gratuite. Jusqu’en avril 2016, date à laquelle le CSA a autorisé le passage en gratuit de la chaîne du groupe TF1 (LCI), elles n’étaient que deux.

Ainsi, en cinq mois, le marché concurrentiel des chaînes d’information en continu diffusées sur la TNT gratuite a doublé. Il est donc nécessaire de tenter d’évaluer les conséquences de ces évolutions pour les deux chaînes diffusées sur la TNT gratuite depuis 2005, mais également pour les deux nouveaux entrants sur ce marché.

A. BFM TV : UNE POSITION DE LEADER INCONTESTÉ

1. Présentation générale de la chaîne

BFM TV est une chaîne de télévision française d’information nationale en continu, filiale du groupe NextRadioTV. Elle est librement accessible principalement sur la TNT, le câble, le satellite, la télévision par ADSL (IPTV), la télévision mobile personnelle (sur smartphones et tablettes) et en lecture en continu sur internet.

Lancée en novembre 2005, BFM TV a démarré avec un effectif de 80 personnes. Aujourd’hui l’effectif est de 387 employés dont 60 % de journalistes. Les résultats d’audience classent BFM TV première chaîne d’information sur la TNT depuis 2007 et première chaîne d’information de France depuis 2008, tous supports de réception confondus. Le format a donc rapidement trouvé son public. BFM TV regroupe chaque jour environ dix millions de téléspectateurs ; I-Télé en compte sept millions alors que les trois journaux télévisés historiques (les 20 heures de TF1 et France 2 et le 19-20 de France 3) affichent près de dix-sept millions de téléspectateurs à eux trois.

L’audience de la chaîne poursuit sa tendance à la hausse, et confirme sa situation de leader sur le marché des chaînes privées. Elle se situe autour de 2 % des parts d’audience en moyenne, un niveau supérieur à ses équivalents britanniques ou américains. La chaîne développe également un portail d’information en continu, BFMTV.com, qui se place désormais devant le site d’information du service public (qui est en cinquième position selon les données de mars 2016 (30)) et totalise 42,4 millions de visites sur le mois de février 2016. Il constitue donc une concurrence de taille pour l’ensemble du secteur, y compris dans sa dimension multimédia.

1. Ligne éditoriale issue de la convention avec le CSA

Les conventions des éditeurs s’apparentent à des contrats liant le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), agissant au nom de l’État, et les éditeurs de services. Elles fixent les obligations générales et particulières pesant sur les services de télévision et de radio. En matière de diffusion par voie hertzienne (analogique ou numérique), la conclusion d’une convention est un préalable indispensable à la délivrance de l’autorisation de diffusion. Les manquements d’un éditeur aux stipulations de sa convention peuvent justifier le prononcé d’une mise en demeure ou, en cas de récidive, l’engagement d’une procédure de sanction à son encontre.

Une convention a été conclue entre le CSA et la société BFM TV le 19 juillet 2005, et a été modifiée à plusieurs reprises (31).

La nature et la durée de la programmation y sont détaillées (32) : « Le service est consacré à l’information, notamment à l’information économique et financière. Il offre un programme réactualisé en temps réel couvrant tous les domaines de l’actualité. En outre, la programmation peut être complétée, le samedi et le dimanche, par des rediffusions d’événements d’anthologie du sport, dont la durée quotidienne ne peut être supérieure à 3 heures 30 entre 6 heures et 22 heures. La durée totale de ces programmes ne peut excéder 10 % du temps d’antenne hebdomadaire. L’ensemble du programme diffusé est conçu ou assemblé par l’éditeur. La durée quotidienne du programme est de 24 heures. L’éditeur informe le Conseil supérieur de l’audiovisuel en cas de modification de la durée quotidienne de son programme. Une grille de programmes figure à titre indicatif à l’annexe 2 de la présente convention. »

La ligne éditoriale de BFM TV demeure ainsi centrée sur l’actualité généraliste en continu, sous tous ses angles et à toutes les heures. Quelques émissions thématiques (politique, économie, débat, etc.) sont proposées en plus de sa principale composante d’information non-stop : journaux et éditions « tout en images ».

B. I-TÉLÉ : LA RECHERCHE D’UN POSITIONNEMENT DIFFÉRENCIANT

1. Présentation générale de la chaîne

I-Télé (anciennement I-Télévision et prochainement renommée en Canal News sous le logo CNews (33)) est une chaîne de télévision française d’information nationale en continu, filiale du groupe Canal+. Elle est librement accessible principalement sur la TNT, le câble, le satellite, la télévision par ADSL, la télévision mobile personnelle (sur smartphones et tablettes) et en lecture en continu sur internet.

Lancée le 4 novembre 1999 comme une chaîne à péage (34) concurrente de LCI appartenant au groupe TF1 qui a été lancée cinq ans plus tôt, I-Télé se transforme en une chaîne gratuite à compter de son arrivée sur la TNT en octobre 2005. L’effectif est de 300 collaborateurs, dont 200 journalistes, 19 rédacteurs en chef, 14 correspondants en région (Marseille, Lille, Bordeaux, Lyon, Nantes, Toulouse et Strasbourg) auxquels s’ajoutent des envoyés spéciaux à l’étranger.

I-Télé se positionne également comme une offre multimedia, accessible sur le canal 16 de la TNT gratuite, sur le câble, le satellite et l’ADSL, ainsi que sur internet via son site news 100 % vidéo (www.itele.fr), déclinée en applications iPhone, iPad, Android et Windows Phone 7 et sur TV connectée (HbbTV). La chaîne se caractérise par le dynamisme de son offre numérique, mais les chiffres permettent également de constater l’écart considérable entre I-Télé et BFM TV : au mois de mai 2016, une différence de plus de 15 millions de vues se creuse entre les sites web de BFM TV et le site I-Télé, ce dernier enregistrant 88,1 % de visites en moins que celui de BFM TV.

2. Ligne éditoriale issue de la convention avec le CSA

Une convention a été conclue entre le CSA et la société I-Télé le 19 juillet 2005 et a été modifiée à plusieurs reprises (35).

La nature et la durée de la programmation y sont détaillées : « Le service est consacré à l’information. Il offre un programme réactualisé en temps réel couvrant tous les domaines de l’actualité. L’ensemble du programme diffusé est conçu ou assemblé par l’éditeur. La durée quotidienne du programme est de 24 heures. L’éditeur informe le Conseil supérieur de l’audiovisuel en cas de modification de la durée quotidienne de son programme. Une grille de programmes figure à titre indicatif à l’annexe 2 de la présente convention » (36).

La formule éditoriale et le concept d’antenne ont évolué : lors de son lancement en 1999, I-Télévision se présente comme « la chaîne de la France exacte », l’axe éditorial est voulu comme celui d’un quotidien populaire, dans le but de séduire les téléspectateurs au plan national.

Lors de la fusion des rédactions d’I-Télévision et de Canal + en 2001, la chaîne s’est voulue « plus moderne et moins institutionnalisée », afin de séduire les téléspectateurs âgés de 15 à 34 ans. C’est à cette époque qu’intervient le changement de nom, I-Télévision devient donc I-Télé. En 2007, I-Télé se définit comme une télévision « d’actualité généraliste dans son contenu et dans son ambition » et une chaîne « qui s’attache à rendre l’information lisible et accessible à tous » (37). Le but de la chaîne, tel que le décrit la directrice générale de l’époque, Mme Valérie Lecasble, est de « proposer des journaux réactifs et denses toutes les heures et toutes les demi-heures, être au cœur du débat sur tous les sujets qui font l’actualité : voilà l’alchimie, de sérieux dans le fond et de décontraction dans la forme, qui fait la qualité d’I-Télé. ». Cette approche sera abandonnée en septembre 2008, dans le but de se recentrer sur l’information afin de reconquérir une partie de l’audience de BFM TV.

Enfin, à la rentrée 2012, la ligne éditoriale est encore remaniée, face au flux continuel et incessant d’informations dans le but d’« apporter au téléspectateur de la valeur ajoutée avec des choix de sujets, des angles et des points de vue distinctifs » (38) en abandonnant le précédent positionnement axé sur la seule information chaude et le sport.

Ces changements récurrents de stratégie éditoriale démontrent la difficulté, pour les chaînes d’information en continu, de parvenir à se différencier dans un marché de l’information fortement concurrentiel et multimédia.

C. LCI : LA PIONNIÈRE DES CHAÎNES D’INFORMATION EN CONTINU À L’ÉPREUVE DE LA TNT GRATUITE

1. Un passage en clair en avril 2016 reposant sur un tournant éditorial

Le 24 juin 1994, la Chaîne Info, plus connue sous le sigle LCI, propriété du groupe Bouygues, ouvre la voie de la chaîne d’information en continue, mais elle est à l’époque payante. M. Patrick Le Lay, à l’époque PDG du groupe TF1, souhaite lancer une offre télévisuelle d’information en continu, alors que celle-ci n’existe qu’à la radio. À la fin de l’année 1994, elle est la seule chaîne à filmer l’assaut par le GIGN de l’Airbus détourné par des islamistes algériens, ce qui lui permet de légitimer sa présence au sein de l’offre d’information.

En 2005, M. Patrick Le Lay décide de ne pas présenter un dossier pour le passage de la chaîne pionnière LCI sur la TNT gratuite, contrairement à sa concurrente I-Télé. Ce choix se révélera être une erreur stratégique au regard de l’évolution du marché.

Elle est, aujourd’hui, accessible notamment par le satellite, le câble, les réseaux de télécommunication à haut débit (IPTV, xDSL, ADSL, fibre optique, Wimax, etc.) et, depuis le 5 avril 2016, diffusée en clair sur la TNT gratuite sur le canal 26. L’équipe éditoriale est composée de 232 personnes.

Une convention a été conclue entre le CSA et la société LCI le 10 juin 2003 et a été modifiée à plusieurs reprises (39). L’avenant n° 6 signé le 17 février 2016 valide le passage en clair par la voie hertzienne terrestre et en énonce les conditions. L’article 3-1-1 de la convention est ainsi modifié, et indique que « le service est consacré à l’information qui représente au moins 80 % de son offre de programmes. Il offre un programme, réactualisé en temps réel, notamment par la présence permanente de bandeaux apportant des éléments d’information aisément lisibles, couvrant tous les domaines de l’actualité ».

Ce même article poursuit avec la répartition des programmes : « les journaux télévisés et rappels de titres n’excédant pas 30 % du temps total de diffusion. Ce plafond s’applique également entre 6 heures et minuit. Ces programmes comprennent au plus un journal d’information par heure et un rappel des titres par demi-heure. Elle comporte par ailleurs d’autres magazines consacrés à la vie européenne, la santé, la technologie, l’écologie et l’environnement, les régions et les départements. L’éditeur diffuse, chaque semaine, entre 6 heures et 10 heures et entre 18 heures et minuit, une ou plusieurs émissions consacrées chacune à l’une des dominantes suivantes : culture, actualités internationales, économie, diversité de la société française. La durée de traitement de chaque thématique est, en moyenne hebdomadaire, d’au moins vingt minutes. Il propose, chaque semaine, un magazine d’information accessible aux enfants et aux adolescents ».

Ces obligations peuvent subir des dérogations en cas d’événement exceptionnel, de nature à justifier le fait de casser l’antenne : « ces obligations prennent en compte l’éventualité pour l’éditeur d’adapter sa programmation lorsque survient un événement exceptionnel et majeur lié à l’actualité tel que notamment : attentats, inondations, libération d’otage ».

2. L’évolution de la position du CSA entre 2014 et 2015 : éléments d’explications

L’enjeu du passage en clair de LCI est d’importance pour les trois acteurs impliqués, face à une audience globale qui semble plafonner et un transfert d’audience possible. Un acteur supplémentaire pourrait donc ébranler le modèle économique d’un secteur où le marché de la publicité est de surcroît en récession. C’est l’argument que retiendra le CSA pour s’opposer finalement le 30 juillet 2014 au passage de LCI sur la TNT gratuite : « […] il ne ressort pas de l’étude d’impact que la ligne éditoriale de la chaîne, telle qu’elle résulte de son projet, même modifié par ses engagements éditoriaux postérieurs complémentaires, se différencierait très fortement des deux autres chaînes d’information en continu BFM TV et I-Télé ». Cependant, le 17 décembre 2015, le CSA se prononce de nouveau sur la demande de passage en clair de LCI, en raison de l’annulation de sa décision par le Conseil d’État pour un motif de procédure (40). Dans le même temps, la même démarche est entreprise par les chaînes Paris Première (groupe M6) et Planète + (groupe Canal +).

La décision relative à LCI valide son passage en clair (41). En effet, le CSA considère qu’« il ressort de l’étude d’impact que le demandeur met en avant dans son projet son intention éditoriale de se différencier des autres chaînes d’information en abordant une « palette plus large de sujets » et « une variété de thèmes qui intéresse tous les Français » ; que le demandeur ne souhaite pas limiter son projet aux sujets liés à la politique, l’économie et à l’international, mais traiter aussi ceux qui concernent le quotidien des téléspectateurs afin d’apporter « des solutions et des clefs d’analyse » ; qu’il entend proposer des reportages, de nombreux magazines et des émissions de débats renouvelées. »

Dans la suite de sa décision, le CSA souligne le fait que l’arrivée en clair de LCI ne devrait pas affecter la chaîne I-Télé « si le service I-Télé prend les mesures nécessaires pour faire face à la concurrence accrue […], la viabilité de la chaîne est susceptible de ne pas être remise en cause ». Le même raisonnement est appliqué à BFM TV.

Le même jour, le CSA a refusé le passage en clair de Paris Première et Planète + pour deux raisons : d’une part, le constat que le passage en gratuit de ces services n’était pas nécessaire à leur viabilité, puisqu’ils bénéficiaient d’une situation financière et d’un niveau d’audience stabilisé ; d’autre part, l’absence de spécificité et d’apport réel en termes de qualité par rapport à l’offre existante sur la TNT gratuite.

Le cadre juridique de l’autorisation d’usage de la ressource radioélectriqueaux éditeurs de la TNT

La loi du 1 août 2000 (42) modifie la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le CSA est dès lors responsable de plusieurs missions, entre autres celle d’autoriser l’usage de la ressource radioélectrique aux éditeurs publics et privés sur la TNT, ou encore celle de conventionner les éditeurs pour l’exploitation des services privés.

Un régime juridique particulier est défini par la loi pour les opérateurs du secteur public. Plus précisément, la loi prévoit un droit d’accès à la ressource radioélectrique prioritaire pour l’accomplissement, par les sociétés nationales de programme, de leurs missions de service public. Avant l’ouverture d’une nouvelle chaîne publique, la loi ne prévoit pas d’étude d’impact. Ces chaînes ont des obligations définies par un cahier des charges fixé par décret (43) .

La procédure de sélection des services privés est différente, c’est une procédure d’appel aux candidatures. L’organisation d’une consultation publique est obligatoire, préalablement au lancement d’un appel, dès lors que les décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique sont susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause (44). Les autorisations ont une durée maximale de dix ans . Une reconduction de cinq ans est possible sur demande, le CSA a un an avant la fin de la convention initiale pour se prononcer sur la reconduction (45).

II. L’ARRIVÉE DE LA CHAÎNE D’INFORMATION PUBLIQUE : UN IMPACT CONCURRENTIEL DIFFICILE À ÉVALUER

A. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE DES CHAÎNES PRIVÉES FORTEMENT SENSIBLE AUX AUDIENCES

1. Un budget financé à 99 % par les recettes publicitaires

a. Le bilan financier des trois chaînes privées

Les chaînes d’information ont un modèle économique particulier. Absentes de la production audiovisuelle et cinématographique, elles ne peuvent, en effet, espérer d’autres ressources propres que celles issues des recettes publicitaires, en plus des éventuels transferts de ressources issues du groupe auquel elles appartiennent.

Le cas de LCI est quelque peu différent, puisque son modèle économique jusqu’en avril 2016 reposait sur la publicité, mais également sur le paiement des droits d’abonnement. Le passage sur la TNT gratuite va faire converger son modèle économique vers celui des deux autres chaînes privées d’information en continu.

Les ressources de chaînes privées d’information en continu diffusées gratuitement proviennent à 99 % de la publicité. Il est à noter que les conventions passées avec le CSA réglementent les conditions de diffusion de la publicité.

Les conditions de diffusion de la publicité sur les chaînes d’information privées

BFM TV (46) et I-Télé (47) sont soumises aux conditions suivantes : « Les messages publicitaires sont insérés dans les conditions prévues par le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié. Le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires n’excède pas six minutes par heure d’antenne en moyenne quotidienne, sans dépasser douze minutes pour une heure donnée (soixante minutes). La diffusion d’une œuvre audiovisuelle ne peut faire l’objet de plus d’une interruption publicitaire, sauf dérogation accordée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. La publicité clandestine, telle que définie à l’article 9 du décret précité est interdite. L’éditeur s’efforce d’éviter les variations de niveau sonore entre les programmes et les écrans publicitaires. »

Les conditions imposées à LCI sont similaires, bien que moins développées (48) : « Le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires n’excède pas neuf minutes par heure en moyenne quotidienne, ni douze minutes pour une heure d’horloge donnée ».

Le budget des chaînes privées, ainsi que leur santé financière, est cependant très variable. BFM TV a débuté en 2005 avec un budget de 13 millions d’euros. Celui-ci est évalué à environ 60 millions d’euros aujourd’hui, soit presque le double de celui de LCI (36 millions d’euros environ), et de celui d’I-Télé (35 millions d’euros environ) (49). La progression de l’audience de BFM TV a donc permis un développement porteur pour la chaîne, qui se positionne désormais en leader incontesté du secteur.

La situation financière de BFM TV se démarque également par sa bonne santé : la chaîne qui a accusé six années de pertes est désormais profitable depuis quatre ans. A contrario, I-Télé, après une perte de 16 millions d’euros en 2014 et de 20 en 2015, devrait être en déficit de 24 millions d’euros en 2016. De même, LCI ne parvient pas à équilibrer son budget et n’a été rentable qu’une seule fois en vingt-et-un ans, en 2001. C’est la situation financière très dégradée de LCI qui a également motivé sa demande de passage en gratuit sur la TNT, son modèle économique ne lui permettant plus de survivre sur le marché des chaînes payantes et menaçant d’entraîner un plan massif de licenciements.

b. La dépendance aux audiences

Le lien entre recette publicitaire et audience est très fort, selon une logique de marché « bi-face » (50). En effet, dans le cas des services audiovisuels gratuits, la programmation s’adresse simultanément à deux clientèles à savoir les auditeurs, qui cherchent à maximiser leur satisfaction, et les annonceurs, qui recherchent les émissions ayant un grand nombre de téléspectateurs ou un public correspondant à leur cible commerciale. Ce modèle s’applique également à la radio et de plus en plus aux réseaux sociaux qui sont gratuits pour les utilisateurs. Le prix facturé aux annonceurs est fonction des performances d’audience à la fois qualitatives et quantitatives : il s’appuie sur le calcul du « gross rating point » (GRP) ou « point de couverture brute ». Le calcul de cet indicateur repose sur la multiplication de deux déterminants :

– la couverture que peut espérer la plage publicitaire, c’est-à-dire le nombre ou la proportion de personnes d’une cible donnée regardant le programme, sur une période donnée. Il s’agit de ce qu’on nomme communément l’audience ;

– la répétition, c’est-à-dire le nombre de fois où un message publicitaire est vu, en moyenne, par la cible.

Ainsi, toute évolution concurrentielle pouvant avoir un impact sur l’audience fait peser un risque sur les recettes publicitaires des chaînes présentes sur le marché. Il est également démontré que le développement digital, s’il est aujourd’hui indispensable, ne constitue pas pour les medias un relais de croissance des recettes publicitaires, à cause du faible prix des espaces publicitaires (51).

Dès lors, la question de l’évaluation de l’impact d’un doublement de l’offre gratuite d’information en continu se pose.

2. Le micro-marché des chaînes d’information : une audience globale stable depuis quelques années et très sensible aux pics d’actualité

a. Le phénomène des pics d’audience : très caractéristique des chaînes d’information en continu

Contrairement aux chaînes généralistes, les pics d’audience des offres d’information en continu ne sont pas la résultante d’une programmation éditoriale bien choisie, mais d’une actualité qui échappe par nature à la maîtrise des équipes en charge de la diffusion de l’information. On constate ces pics d’audience dans l’ensemble des medias d’information, quel que soit le support médiatique (radio, télévision, site internet).

Ainsi, l’audience des chaînes d’information en continu n’a jamais été aussi forte qu’en 2015 : avec 2,2 % pour BFM TV et 1 % pour I-Télé, les deux chaînes ont enregistré des résultats historiquement élevés. Cette progression s’explique par les attentats de janvier et novembre 2015, qui ont engendré des pics d’audience à hauteur de 3 % pour BFM TV et de 1,2 % pour I-Télé.

Cette forte sensibilité des audiences à l’actualité chaude est illustrée par le graphique suivant :

PARTS D’AUDIENCE DE BFM TV ET I-TÉLÉ DE SEPTEMBRE 2013 À SEPTEMBRE 2015

Source : Médiamétrie, Médiamat, Individus de 4 ans et plus équipés de téléviseurs en France métropolitaines - Étude d’impact de la demande de passage sur la TNT gratuite de la chaîne LCI, CSA.

Cependant, au regard de la moyenne de part d’audience de février 2015 à septembre 2015, proche de 2 points pour BFM TV et de 0,9 point pour I-Télé, (soit la même que celle mesurée sur l’année 2014), il est possible de conclure que leur audience s’est stabilisée, indépendamment des pics constatés.

b. L’évolution de la tendance moyenne de 2007 à 2014 : stabilité et prédominance de BFM TV

Si en 2007, l’audience d’I-Télé était légèrement plus élevée que celle de BFM TV, (0,3 % contre 0,2 %), celle de BFM TV s’est rapidement accrue pour atteindre 2 % en 2014 tandis que celle de son concurrent n’a pas dépassé le seuil des 1 % (0,9 % d’audience pour I-Télé en 2014). La part d’audience de l’ensemble des chaînes gratuites d’information en continu a été multipliée par quasiment six en 2007 et 2014, passant de 0,5 % d’audience agrégée à 2,9 %. Une hausse qui est principalement le fait de la progression de BFM TV sur cette période, mais qui semble désormais stabilisée à son point le plus haut.

Le graphique suivant illustre l’évolution des audiences des deux chaînes gratuites d’information en continu sur la période 2007-2014 :

PARTS D’AUDIENCE DE BFM TV ET I-TÉLÉ ENTRE 2007 ET 2014

Source : Médiamétrie, Médiamat, Individus de 4 ans et plus équipés de téléviseurs en France métropolitaine - Étude d’impact de la demande de passage sur la TNT gratuite de la chaîne LCI, CSA.

L’audience des chaînes d’information constitue donc un micro-marché. Il a évolué à la hausse très rapidement, mais semble désormais bloqué à un palier se situant aux alentours de 3 %. Ce plafond d’audience pourrait laisser prévoir que l’arrivée d’une nouvelle chaîne, à défaut de créer une nouvelle audience, se traduirait par un transfert de la part existante et donc d’un affaiblissement individuellement ressenti par les autres concurrents

En 2016, l’arrivée de LCI sur ce marché est encore trop récente pour en tirer des conclusions fiabilisées. On peut cependant constater que la part d’audience de la chaîne du groupe TF1, – qui était payante jusqu’alors –, est passée de 0,1 %, en début d’année, à environ 0,3 %, à fin avril – pour un objectif d’audience de 1 % en 2019. La première conséquence visible a été la légère diminution d’audience de BFM TV au mois d’avril qui a atteint 1,8 %. Cette baisse peut cependant être attribuée à une absence de pics d’actualité mais également à un effet de curiosité provoqué par l’arrivée de LCI, effet qui serait par nature provisoire. La chaîne a en effet enregistré 0,5 % de part d’audience pour la seule journée de lancement, soit cinq fois plus que la moyenne constatée lors de ses dernières semaines sur la TNT payante.

Par ailleurs, lors des auditions menées par le Rapporteur, il lui a été indiqué que l’univers à trois chaînes privées existait antérieurement dans le cadre du bouquet Canalsat et qu’un phénomène de déversement d’audience a été constaté entre les trois opérateurs qui fait peser des inquiétudes sur le secteur.

Ainsi, si l’impact de l’arrivée d’une troisième chaîne d’information sur la TNT gratuite est incertain, celui d’une quatrième chaîne, si différenciante soit-elle, l’est d’autant plus.

3. L’arrivée d’une quatrième chaîne d’information, quel risque de transferts d’audience ?

a. Le cas général : la baisse des audiences face à l’arrivée des nouvelles chaînes sur la TNT

La reconfiguration du paysage audiovisuel, tout type de chaîne confondu, a été progressive mais permanente. En 1990, il existait six chaînes gratuites et seize chaînes payantes. Aujourd’hui, on compte 237 chaînes au total dont 154 chaînes locales (52).

i. Les transferts de part d’audience

Le développement des nouvelles chaînes de la TNT gratuite a également été un élément majeur de la reconfiguration du paysage audiovisuel et publicitaire. Jusqu’à la fin 2012, la TNT gratuite était composée d’une offre de dix-neuf chaînes télévisées diffusées en clair sans abonnement. Depuis décembre 2012, six nouvelles chaînes ont été autorisées par le CSA (HD1, l’Équipe 21, 6ter, Numéro 23, RMC Découverte, Chérie 25). Le nombre de chaînes gratuites de la TNT s’élève désormais à vingt-six, en incluant le récent passage en gratuit de LCI, dont sept sont publiques (les cinq chaînes du groupe France Télévisions, Arte et LCP-Public Sénat).

Quel a été l’impact constaté sur les chaînes existantes de l’élargissement de l’offre gratuite et peut-on en tirer une règle générale qui s’appliquerait au marché des chaînes d’information ?

On constate que l’augmentation du nombre de chaînes gratuites a provoqué, de manière sensible, une diminution des audiences des chaînes historiquement présentes : l’ensemble des chaînes historiques ont vu leur part d’audience s’affaiblir, passant de 82,9 points en 2007 à 63 points en 2015. Cette baisse d’audience des chaînes historiques semble avoir profité aux chaînes gratuites de la TNT lancées en 2005, qui ont collectivement gagné 16,5 points de part d’audience.

Aujourd’hui, de nombreuses chaînes lancées en 2005 semblent avoir atteint un palier qui s’élève à 21 points de part d’audience. Cette stagnation s’explique d’une part, par une plus forte résistance des chaînes historiques et d’autre part, par la concurrence des nouvelles chaînes lancées en 2012. Ces dernières ont eu une audience de 2,3 points en 2013, de 3,8 points en 2014, et de 5,1 points en 2015.

ii. L’impact au regard de la durée d’écoute individuelle

L’étude de la durée d’écoute individuelle (DEI) corrobore le constat d’une consommation télévisuelle peu élastique à l’augmentation de l’offre de programme, et d’un phénomène de transfert entre anciennes et nouvelles chaînes. Dans un premier temps, l’élargissement progressif de l’offre de chaînes payantes a certes été le premier facteur de la hausse de consommation de la télévision, (53) cependant, lors de l’arrivée de douze nouvelles chaînes en 2005, la DEI des chaînes historiques a baissé de 31 minutes entre 2004 et 2012, celle des chaînes de la TNT lancées en 2005 est passée de 0 à 49 minutes et enfin la DEI des autres chaînes a gagné 8 minutes.

Ainsi, la hausse de près de 49 minutes de la DEI des nouvelles chaînes de la TNT arrivées en 2005 est due pour près de 31 minutes à un transfert du temps d’écoute depuis les chaînes historiques (soit près de 63 %), et de seulement 18 minutes environ pour une hausse réelle de la consommation de la télévision (soit près de 38 %).

Enfin, dans un troisième et dernier temps, le lancement de six chaînes en 2012 a affaibli les chaînes historiques qui ont connu une baisse significative avec leur arrivée (– 11 minutes entre 2013 et 2014). Parallèlement, les chaînes de la TNT lancées en 2005 ont subi deux baisses consécutives entre 2012 et 2014, soit une diminution de 5 minutes de leur DEI (44 minutes en 2014).

Ainsi, la hausse de la consommation de la télévision n’a pas suivi avec la même ampleur l’élargissement de l’offre de chaînes : plus le bouquet de chaînes disponibles s’est agrandi, plus ces chaînes ont principalement constitué leur audience à partir de celles des chaînes existantes. Ce phénomène de baisse de la DEI par agrégat est accentué par la diminution globale de la durée d’écoute.

Le graphique suivant illustre l’évolution de la DEI globale :

DURÉE D’ÉCOUTE INDIVIDUELLE PAR AGRÉGAT DE CHAÎNES DE 1999 À 2014 EN HEURES ET MINUTES

(En heures)

Source : Médiamétrie, Médiamat, Individus de 4 ans et plus équipés de téléviseurs en France métropolitaine - Étude d’impact de la demande de passage sur la TNT gratuite de la chaîne LCI, CSA.

De janvier à mai 2016, la DEI s’élève à 3 heures et 50 minutes, soit une hausse de 6 minutes par rapport aux données 2015. Cependant, cette augmentation à rebours du mouvement entamé depuis 2012 doit être nuancée car elle résulte en partie de l’évolution de la méthodologie de mesure.

En effet, depuis le 4 janvier 2016, les résultats des chaînes comprennent les audiences des programmes visionnés en direct, en différé et en catch up sur un jour donné quelle que soit la date de diffusion initiale en direct des programmes rattrapés. En outre, depuis le mois d’avril 2016, les premiers résultats de la mesure « 4 écrans » (télévision, ordinateur, smartphone et tablette) sont fournis pour un ensemble de treize chaînes (TF1, TMC, NT1, HD1, France 2, France 3, France 5, France 4, France Ô, M6, W9, 6 ter et Arte).

L’arrivée de nouvelles chaînes semble donc entraîner, de manière inévitable, un transfert partiel de l’audience des chaînes existantes, ou du moins a minima une stagnation de cette audience corrélée au décollage progressif des nouvelles offres. En effet, ni les parts d’audience, ni la durée d’écoute individuelle ne progressent proportionnellement à l’augmentation de l’offre télévisuelle et atteignent des plafonds. Ces éléments laissent cependant penser que l’élasticité de la demande est d’autant plus grande que l’offre est différenciante, et donc capable de créer de nouvelles attentes. Ainsi, dans le cas de la nouvelle chaîne d’information, l’objectif de décryptage pourra être facteur différenciant majeur, notamment sur l’actualité tiède. Les chaînes privées craignent cependant que la concurrence, et donc les risques de transfert d’audience, soient maximaux dans le cadre de l’actualité chaude.

b. Les exemples étrangers dans le domaine de l’offre d’information en continu : la confirmation d’un risque potentiel de déversement lié au plafond d’audience global

i. Le champ de l’étude comparative : les chaînes nationales gratuites d’information en continu

Les comparaisons internationales, dans le cadre de l’étude d’impact de la demande de passage sur la TNT gratuite de la chaîne LCI, permettent de simuler un niveau d’audience que pourrait atteindre le segment des chaînes d’information en continu dans un paysage à quatre chaînes gratuites nationales d’information en continu. Pour mener à bien cette comparaison, certaines précautions méthodologiques ont été prises : les pays d’analyse ont été choisis en fonction de caractéristiques communes (54) et le choix des chaînes étudiées a répondu à des critères homogènes dans chaque pays. Ensuite, ces chaînes devaient proposer une offre d’information en continu conséquente.

Notons que compte tenu des perspectives d’évolution de la programmation de LCI, l’étude avait eu une acception plus large de la notion de chaîne d’information en continu, incluant les chaînes ayant une part importante de magazines.

ii. Des audiences contrastées selon les pays

État des lieux dans chaînes nationales gratuites d’information en continu

CHAÎNES NATIONALES GRATUITES D’INFORMATION EN CONTINU EN 2016 EN ALLEMAGNE, ESPAGNE, FRANCE, ITALIE ET ROYAUME-UNI

Nature États

de la chaîne

Allemagne

Espagne

France

Italie

Royaume-Uni

Chaînes publiques d’information en continu

Phoenix

24 Horas

France Info (septembre 2016)

Rai News

BBC News

Tagesschau24

Chaînes privées d’information en continu

NTV

 

BFM TV

Tg Com 24

Sky News

I-Télé

N24

LCI

Total

4

1

4

2

2

Source : étude d’impact de la demande de passage sur la TNT gratuite de la chaîne LCI par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

La France, avec quatre chaînes d’information en continu à partir du 1er septembre, en possédera autant que son voisin allemand, et deux à trois de plus que l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. Cependant, la répartition entre chaîne publiques et privées dans ce secteur sera une exception française : en avril 2016, la France est en effet devenu le pays disposant du plus grand nombre de chaînes privées d’information en continu.

Notons aussi que cette répartition fait abstraction des chaînes internationales gratuites d’information en continu comme France 24 en France, CNN + en Espagne – à la fois nationale et internationale – ou encore BBC World News et Sky News au Royaume-Uni.

L’audience globale des chaînes d’information en continu en Europe

En 2014, les chaînes gratuites d’information en continu ont réuni 2,9 % de l’audience en France. Seule l’Allemagne a enregistré une part d’audience plus élevée avec 3,1 %. Ce chiffre a été inférieur en Espagne (0,8 %), en Italie (0,9 %) et au Royaume-Uni (1,7 %).

La particularité de la situation française est représentée par l’importance de la part d’audience de BFM TV qui, à 2 %, a dépassé les chaînes d’information en continu qui réalisent les meilleures performances dans les pays voisins (1 % pour la BBC News au Royaume-Uni, 1,1 % pour Phoenix en Allemagne).

Entre 2008 et 2014, les parts d’audience des chaînes gratuites d’information en continu sont passées de 0,7 % à 2,9 % en France. En Allemagne, sur la même période, la part d’audience de ces chaînes ne s’est accrue que de 0,4 % (2,7 % en 2008 à 3,1 % en 2014).

En Espagne, l’audience de ces chaînes a progressé de 0,5 % entre 2008 et 2014, mais a chuté de 0,9 % entre 2013 et 2014. Ainsi, le niveau d’audience de l’information gratuite en continu y atteignait 0,8 % en 2014 contre 1,7 % en 2013. Cette situation s’explique, selon le CSA, par l’arrêt de la chaîne Intereconomia.

Entre 2008 et 2014, en Italie et au Royaume-Uni, les chaînes d’information en continu ont vu leur audience s’affaiblir de seulement 0,1 % (0,9 % en Italie et 1,7 % au Royaume-Uni en 2014), avec des audiences globales qui demeurent bien plus faibles qu’en France.

Enfin, dans les pays où se concurrencent les chaînes publiques d’information et les chaînes privées d’information en continu, le duel a tourné en faveur des premières, nonobstant la potentielle préexistence des premières sur les secondes et inversement. Ainsi, en 2014, au Royaume-Uni, BBC News, avec 1 % de l’audience, dépasse Sky News (0,7 %), et en Italie la chaîne Rai News, avec 0,6 % de part d’audience, a une audience deux fois plus élevée que son concurrent privé Tg Com 24.

Les exemples étrangers démontrent ainsi que l’audience française globale en faveur des chaînes d’information en continu se situe d’ores et déjà à un niveau élevé, certainement proche de son maximum − évalué par les spécialistes du secteur autour de 3,1-3,2 % d’audience. Ainsi, si la nouvelle chaîne France Info parvient à un niveau d’audience avoisinant les 1 % à l’image de BBC News, il est probable qu’il sera atteint grâce à un transfert, du moins partiel, de l’audience des chaînes privées existantes. Ce transfert sera cependant d’autant moins marqué que la chaîne parviendra à accentuer le caractère différenciant de sa programmation et sera ainsi en mesure de conquérir une nouvelle audience.

Le choix du Danemark de supprimer une chaîne publique d’information en continu

Au Danemark, il existait jusqu’en mars 2013, une chaîne publique d’information en continu appelée DR Update et appartenant au groupe public Danmarks Radio (DR). Après six ans, celle-ci fut supprimée est remplacée par DR Ultra, une chaîne destinée aux enfants de 7 à 12 ans. Sa suppression est issue d’une restructuration plus générale des six chaînes de télévision du groupe DR, ce groupe comptant aujourd’hui six chaînes publiques (DR1, DR2, DR3, DR Ultra, DR Ramasjang et DR K).

Le Danemark possède, en plus du groupe public DR, un autre radio-télédiffuseur public qui est TV2/Danemark. À la différence du groupe DR, TV2/Danemark est une société anonyme financée par les revenus publicitaires, malgré sa mission de service public. La société diffuse plusieurs chaînes : TV 2, TV 2 Zulu (jeune public), TV 2 Charlie (seniors), TV 2 News (informations en continu), TV 2 Sport, TV 2 Fri (nature et loisirs), TV 2 Sputnik (internet pay-per-view channel) et TV 2 Film (cette dernière a arrêté ses activités en janvier 2015).

Le Danemark est le seul pays européen où les chaînes de télévision publiques attirent plus de la moitié des audiences quotidiennes. DR et TV2 dominent le marché télévisuel danois, en proposant des contenus variés et originaux, qui reflètent la culture danoise et rencontrent un large public.

B. UN NOUVEL ÉQUILIBRE CONCURRENTIEL QUI DEMEURE DIFFICILEMENT PRÉVISIBLE

a. L’absence de publicité : maintien des équilibres ou avantage concurrentiel ?

Le modèle économique de la nouvelle chaîne d’information en continu a été construit sans recettes publicitaires, afin de garantir l’indépendance de la chaîne.

France Télévisions souligne par ailleurs que l’absence de publicité sur la future chaîne d’information en continu est en tant que telle de nature à préserver l’équilibre économique du secteur, notamment pour les chaînes privées d’information. Ce point a d’ailleurs été relevé par le CSA dans son avis du 4 mai 2016 sur le projet de décret modifiant les cahiers des charges de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (55). En effet, à l’occasion des débats qui entourent le potentiel retour de la publicité entre 20 heures et 21 heures sur les chaînes publiques, les opérateurs privés font valoir le mouvement de transfert d’investissements des annonceurs qui pourrait bénéficier à la régie de France Télévisions, ainsi que la pression à la baisse du prix des écrans publicitaires qui en résulterait dans un marché d’ores et déjà fragilisé (56).

Ces risques sont donc écartés par l’absence de publicité sur la nouvelle chaîne d’information.

Selon les informations communiquées par France Télévisions, le parrainage sera pour sa part autorisé, dans le respect de la réglementation applicable − laquelle interdit le parrainage, par les sociétés nationales de programme, des émissions d’information politique, de débats politiques et des journaux d’information. Il est prévu que seuls les bulletins d’information météorologique soient parrainés, pour un chiffre d’affaires estimé à moins de 0,5 million d’euros, conditionné bien entendu par la part d’audience de la chaîne.

À l’inverse, les trois chaînes d’information privées diffusées gratuitement sur la TNT se finançant quasi-exclusivement par les recettes publicitaires, cela se traduit dans leur programmation par une forte présence des plages de publicité. À titre d’exemple, BMF TV indique que sa réglementation lui impose un volume maximal de publicité de neuf minutes par heure en lissé, ce qui représente en réalité douze minutes par heure de diffusion (20 % du temps d’antenne) en l’absence de programmation de nuit.

Les chaînes privées ont donc pris conscience que l’absence de publicité sur la chaîne publique était un avantage concurrentiel de taille pour le téléspectateur, qui risquait de se détourner plus facilement de l’offre privée. Dans cette logique, l’absence de dépréciation des prix et de détournement des investissements pourrait être indirectement compensée par une baisse d’audience, qui se traduirait in fine par une baisse des recettes publicitaires.

L’avantage concurrentiel émanant de l’absence de publicité est cependant difficilement évaluable : en effet, la suppression de la publicité en soirée sur les chaînes du service public en 2009 n’a pas entraîné une hausse des audiences au profit de ces dernières − sans qu’il soit possible de déterminer si ce phénomène était lié ou non à la spécificité de la plage horaire ou de la programmation.

Selon BFM TV, une perte de 0,1 % d’audience génère une baisse des recettes publicitaires de l’ordre de 4 millions d’euros.

b. Les autres éléments qui sont à prendre en compte

i. La numérotation : un élément de l’équilibre concurrentiel qui ne favorise pas la nouvelle chaîne du service public

La demande de préemption d’une fréquence hertzienne par la ministre de la culture le 10 juin dernier recouvrait un enjeu important : la numérotation attribuée à la nouvelle chaîne publique.

Dans l’intérêt du public et afin d’assurer l’égalité entre les chaînes de même catégorie, le CSA a retenu un principe de numérotation par bloc homogène, suivant les caractéristiques de ces services. Il a réuni les chaînes de télévision métropolitaines diffusées par voie hertzienne terrestre en trois ensembles : les services de télévision nationale en clair ou anciennement diffusés en mode analogique, les services de télévision à vocation locale et, enfin, les services de télévision payants. Au sein des services de télévision nationale en clair, les numéros 1 à 29 leur sont réservés. Les derniers numéros attribués sont le 26 et le 27 : le premier l’a été au profit de LCI et le second au profit de la nouvelle chaîne publique d’information en continu France Info.

La numérotation est devenue un enjeu majeur pour les distributeurs de services : en 2015, les dix premières chaînes de la TNT agrégeaient 72,1 % de part d’audience et en scindant le bloc des chaînes historiques et celui des chaînes lancées en 2005, on observe une diminution de l’audience au fur et à mesure de l’avancement dans le plan de numérotation (57).

PART D’AUDIENCE DES CHAÎNES GRATUITES DE LA TNT (HORS CHAÎNES LANCÉES APRÈS 2005) PAR ORDRE DE NUMÉROTATION EN 2015.

Source : Médiamétrie, Médiamat annuel 2015.

Il s’agit d’une tendance globale faisant apparaître des exceptions : on constate une hausse importante de l’audience en passant de France 5 à M6 (+ 6,5 % en 2015) ou entre D17 et Gulli (+ 0,4 % en 2015), cette dernière chaîne étant dédiée à la jeunesse (dessins animés, séries TV jeunesse…) mais aussi entre France 4 et BFM TV (+ 0,5 % en 2015).

Ainsi, le niveau d’audience entre chaînes de télévision – dès lors que le numéro des chaînes est tiré au sort sans regroupement par thématique – peut varier sensiblement entre deux chaînes selon leur placement dans le plan de numérotation. Les écarts de part d’audience sont considérables entre TFI, sur le canal numéro 1, et D8 sur le canal numéro 8 (+ 18 % pour TF1), et pourtant seul sept chaînes les séparent dans le plan de numérotation.

Ce phénomène de recul de l’audience au fur et à mesure de l’avancée dans le plan de numérotation est d’autant plus accentué lorsque des chaînes proposant une même thématique sont éloignées l’une de l’autre.

Un exemple illustre ce phénomène. En effet, jusqu’en 2010 sur les bouquets Canalsat, BFM TV était séparée de LCI et I-Télé dans l’ordre de numérotation par les deux canaux réservés à Euronews et à La Chaîne Parlementaire. Postérieurement au changement de numérotation de BFM TV qui l’a placée à la suite directe de LCI et I-Télé en 2010, l’audience de la chaîne du groupe NextRadioTV s’est fortement accrue sur la cible des abonnés payants aux offres payantes de Canalsat et du câble. La chaîne était jusqu’alors très en dessous de ses résultats d’audience mesurés sur l’ensemble de la population équipée en télévision (0,7 % de part d’audience moyenne en 2009 et 0,9 % en 2010).

PART D’AUDIENCE DE LCI, BFM TV ET I-TÉLÉ SUR LES ABONNÉS AUX OFFRES PAYANTES DE CANALSAT ET DU CÂBLE

(en %)

Source : Conseil supérieur de l’audiovisuel, Étude d’impact de la demande de passage sur la TNT gratuite de la chaîne LCI d’après Médiamétrie – Médiamat Thématik de la vague 19 à la vague 26 (S1 : janvier-juin ; S2 : septembre-février).

Positionnée sur le canal 15 de la TNT, la chaîne BFM TV est espacée de onze canaux de LCI qui est située sur le canal 26. Même s’il est encore trop tôt pour évaluer l’influence de cet espacement sur l’audience de ces deux chaînes, BFM TV réalisait 2,2 % de part d’audience contre 0,2 % pour LCI en mai 2016. La conclusion est identique concernant l’écart entre BFM TV et I-Télé (canal 16), puisqu’il existait un écart de 1,2 % (1,1 % en 2014) de part d’audience entre les deux chaînes en 2015 – le succès de BFM TV n’étant bien entendu que partiellement imputable à sa numérotation.

En revanche, si l’on procède à un regroupement des quatorze premières chaînes qualifiées de généralistes, le résultat indique des audiences très éparses et moins systématiquement corrélées à la numérotation.

Il serait donc, à terme, préférable de regrouper l’ensemble des chaînes d’information en continu autour d’un bloc homogène de numérotation afin de neutraliser cet élément de concurrence indépendant de la ligne éditoriale de la chaîne.

Ainsi France Info, placée à son lancement sur le canal 27, ne bénéficierait ni de l’avantage concurrentiel dont disposent les chaînes BFM TV et LCI – dont elle serait éloignée de douze et onze canaux – ni de celui des autres chaînes qui résulte de leur meilleur positionnement dans le plan de numérotation. Néanmoins, cet effet pourrait être atténué par deux facteurs, sans qu’il soit possible de faire une projection précise :

– d’une part la présence en Île-de-France de France 24, chaîne d’information internationale en continu diffusée sur le canal 33 ;

– d’autre part à l’échelle nationale avec la présence sur le canal 26, depuis avril 2016, de la chaîne LCI. Ainsi l’une comme l’autre des chaînes d’information en continu pourrait tirer un avantage de leur proximité en termes d’audience.

Parallèlement, LCI devrait être impactée plus directement par l’avantage concurrentiel lié à l’absence de publicité sur la chaîne publique, le déversement étant plus immédiat dès lors que la numérotation se suit.

ii. La notoriété du service public

L’audiovisuel public bénéficie, dans l’univers des medias, d’un positionnement fort et d’une audience puissante, notamment dans le domaine de la diffusion d’information. La nouvelle chaîne d’information arrive cependant tardivement dans le paysage audiovisuel, alors que trois chaînes privées préexistent depuis dix ans.

Certes, la préexistence d’une chaîne n’est pas le garant d’un avantage d’audience à long terme. En effet, la chaîne I-Télé existait préalablement dans l’offre payante avant de rejoindre la TNT gratuite, et bénéficiait à ce titre d’une notoriété supérieure à sa concurrente BFM TV qui a seulement vu le jour au lancement de la TNT gratuite en 2005. Cet avantage n’a cependant été que de courte durée. En 2008, BFM TV a dépassé I-Télé en part d’audience et sa notoriété est aujourd’hui nettement supérieure. Notons cependant qu’I-Télé semble toujours bénéficier d’un avantage d’audience auprès des individus abonnés à une offre payante, celle-ci égalisant auprès d’eux sa part d’audience sur l’ensemble de la population (autour de 0,9 %) alors que BFM TV est nettement en dessous (1,3 % au lieu de 2 %), ce qui peut traduire des habitudes d’écoutes importantes.

En outre, les classements de notoriété ne sont pas nécessairement corrélés aux classements d’audience. Ainsi, l’Observatoire de notoriété des chaînes de complément de l’institut de sondages CSA montre qu’Arte est connue, du moins de nom, par 94 % des Français et TMC par 81 % d’entre eux. Or, la part d’audience moyenne de la première était de 2,2 % contre 3,1 % pour la seconde en 2015. La notoriété est bien l’un des déterminants de l’audience, mais elle n’est pas l’unique ou le principal.

Lors des auditions menées par le Rapporteur, les présidents de France Télévisions et de Radio France, principaux moteurs du projet, ont insisté sur le caractère secondaire de l’objectif d’audience de la chaîne d’information dans la conduite du projet. Si le chiffre de 1 % de part d’audience a été évoqué, la ligne éditoriale et l’absence de publicité renforcent l’exigence de service public qui se veut par nature détachée de la logique concurrentielle.

iii. La question de la promotion croisée

Par ailleurs les distributeurs pourraient être amenés à utiliser la puissance de leurs différentes chaînes gratuites, soit sous forme de promotion croisée, soit par le biais de campagnes publicitaires, pour informer largement le public de sa présence en clair et de sa numérotation.

Réuni en assemblée plénière le 22 juillet 2008, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a décidé, au vu de la position de la Commission européenne et des possibilités ouvertes aux chaînes publiques par leurs cahiers des missions et des charges, d’autoriser les éditeurs privés à pratiquer, lorsqu’elle revêt un caractère informatif, la promotion croisée entre chaînes de télévision, gratuites ou payantes, d’un même groupe. Cette promotion peut également concerner les services de télévision de rattrapage.

Est considéré comme informative l’annonce, par une bande-annonce, d’un programme mentionnant son titre, le service de télévision sur lequel il sera diffusé, la date et l’heure de cette diffusion, sans mention du nom du distributeur. Cette bande-annonce, qui peut comporter un extrait de cette émission, ne saurait en aucun cas être laudative. À défaut de revêtir un caractère purement informatif, les messages seront soumis aux règles relatives à la publicité télévisée. Dès lors qu’un service est présumé exercer le contrôle d’un autre au sens de l’article L.233-3 du code de commerce, ces services peuvent annoncer réciproquement leurs programmes dans les conditions définies ci-dessus.

Le décret du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, pris sur le fondement de l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, prévoit, à l’article 24 de son annexe, que « France Télévisions assure sur ses différents services la promotion à des fins d’information des programmes de ses services de télévision et de services de médias audiovisuels à la demande. Elle diffuse gratuitement sur ses services de brèves séquences présentant le programme d’Arte, ainsi que des séquences produites par la société Radio France, selon des modalités définies d’un commun accord ».

Il s’agit d’un véritable avantage pour la nouvelle chaîne publique d’information en continu France Info qui verra ses programmes promus, directement ou par l’intermédiaire de messages publicitaires, sur les autres chaînes du groupe France Télévisions dans les conditions prévues par la décision du CSA le 22 juillet 2008. Cette promotion croisée aura pour objectif de développer les audiences, la visibilité et la notoriété de la chaîne.

Pourtant étendue aux éditeurs privés par le CSA, la promotion croisée n’est pas pratiquée par ces derniers notamment en matière d’information en continu. En effet, dès 2010, TF1 s’était engagée, tant dans le cadre de l’acquisition des services de TMC et NT1, que dans le cadre de la modification des modalités de financement de LCI, à ne procéder à aucune promotion des programmes de TMC, NT1 et LCI et à ne diffuser aucun message publicitaire destiné à promouvoir les programmes de ces services. Par avenant à sa convention conclu le 19 février 2016 entre le CSA et TF1, dans le cadre du passage sur la TNT gratuite de la chaîne LCI, la société éditrice a renouvelé son engagement de ne procéder à aucune promotion croisée ou à ne diffuser aucun message publicitaire destiné à promouvoir les programmes du service LCI.

Ce choix est conforme au second avis de l’Autorité de la concurrence du 21 octobre 2015 relatif à l’impact concurrentiel du basculement sur la TNT gratuite des chaînes LCI, Paris Première et Planète + (58)Après avoir souligné « l’effet de levier » qui pouvait résulter de la pratique de la promotion croisée,  « particulièrement efficace entre deux chaînes gratuites », l’Autorité « propose de laisser la chaîne LCI développer son audience en TNT gratuite par ses seuls mérites en interdisant les pratiques de promotion croisée ».

Cette question est moins prégnante dans le cas de BFM TV et d’I-Télé, qui ne sont pas adossées à une chaîne historique gratuite et bénéficiant d’une large audience. L’engagement de LCI était ainsi un moyen de réguler la concurrence entre les chaînes d’information, puisque quelle que soit la position de leur groupe dans le paysage télévisuel, celui-ci ne pouvait constituer un avantage concurrentiel.

De ce point de vue, l’arrivée de la nouvelle chaîne d’information publique et de la promotion croisée dont elle pourra faire l’objet dans le cadre des antennes de France 2 et France 3, peuvent perturber l’équilibre concurrentiel du secteur.

Il semble ainsi difficile de saisir l’impact réel qu’aura cette chaîne sur le paysage des chaînes d’information en continu, bien que des éléments évoqués laissent à penser que cette arrivée peut difficilement s’avérer neutre pour ses concurrents.

C’est pourquoi le Rapporteur préconise que France Télévisions, dont le caractère public ne doit pas faire oublier qu’il évolue dans un marché concurrentiel, renonce également à la promotion croisée dans les mêmes conditions que le groupe TF1 vis-à-vis de LCI. Cette précaution permettrait de limiter les distorsions de concurrence, et de maintenir un équilibre entre les acteurs de l’information en continu.

TROISIÈME PARTIE : LE FINANCEMENT DE LA CHAÎNE PUBLIQUE D’INFORMATION EN CONTINU

I. UN FINANCEMENT PRÉVISIONNEL FONDÉ SUR LES SYNERGIES

A. ÉLÉMENTS DE MÉTHODE : UNE ÉVALUATION DU SURCOÛT ET NON À COÛT COMPLET 

Le projet de la chaîne d’information doit également être considéré sur le plan financier, afin d’évaluer sa soutenabilité dans un contexte global de restriction budgétaire. Comme cela a été évoqué précédemment, le budget des chaînes privées d’information en continu oscille entre 30 et 60 millions d’euros. Cet ordre de grandeur pourrait amener les pouvoirs publics à s’interroger sur la capacité des financements de l’audiovisuel public à absorber ce coût, de surcroît si une hausse de la contribution à l’audiovisuel public n’est pas envisagée.

Le projet monté par les opérateurs de l’audiovisuel public ne se construit pas à partir de rien : comme cela a été explicité précédemment, il s’appuie sur de nombreuses synergies et sur des compétences et des moyens qui existent pour la plupart au sein des partenaires engagés dans le projet. Il est donc très difficile, dans cette configuration, de réaliser une évaluation à coût complet de la nouvelle chaîne d’information, puisque la mutualisation des moyens et les redéploiements de personnel utilisent des moyens déjà existants – moyennant des restructurations et des aménagements spécifiques.

Le financement du projet a donc été présenté par la présidente de France Télévisions en termes de surcoût que la chaîne d’information va représenter annuellement, tant en investissement qu’en fonctionnement. C’est ce surcoût qui devra être absorbé dans les plans de financement des opérateurs qui le supportent, à savoir en premier lieu France Télévisions et dans une moindre mesure Radio France.

Dans le document de présentation du projet, il est spécifié que trois volets doivent être distingués dans le cadre du budget global de la chaîne :

– les coûts spécifiques liés au lancement de cette nouvelle offre (investissements financiers ; travaux ; recours à des CDD ponctuellement le temps que les collaborateurs internes soient formés…) ;

– les coûts fixes en vitesse de croisière, et notamment l’ensemble des effectifs dédiés à la chaîne (nouveaux métiers de coordination, rédacteur de la chaîne d’information…) ;

– les apports des contributeurs internes et externes qui passent par de l’approvisionnement en contenus que ce soit des images ou des « prêts à diffuser » (PAD), et par de la mobilisation en industrie (moyens humains et techniques) (59).

Radio France ayant réussi à financer l’ensemble des surcoûts engendrés par le lancement de la chaîne par redéploiement et réallocation de ressources, (cf. infra), le coût additionnel net pesant sur le financement de l’audiovisuel public se concentre sur le budget de France Télévisions.

B.  LA GESTION DES EFFECTIFS : LE PRINCIPAL POSTE DE DÉPENSES

1. Le besoin de personnel dédié à la chaîne d’information

La chaîne d’information nécessite la prévision d’effectifs dédiés au fonctionnement éditorial et technique de la nouvelle programmation. En effet, les dépenses de personnel constituent le principal poste des dépenses de fonctionnement dans le modèle économique des chaînes d’information en continu.

La masse d’effectifs dédiés est bien entendu très variable entre les partenaires, et pèse principalement sur France Télévisions. Le total est évalué, dans le cadre du projet initial, à 213 postes. Le tableau suivant récapitule le nombre de postes dédiés prévus par opérateur :

LES EFFECTIFS DÉDIÉS À LA NOUVELLE CHAÎNE D’INFORMATION

(en ETP)

 

France Télévisions

Radio France

FMM

INA

TOTAL

Nombre d’ETP dédiés/ajoutés

175

28

9

1

213

dont création

87,5

28

9

1

125,5

dont redéploiement

87,5

0

0

0

87,5

Part du redéploiement

50 %

0 %

0 %

0 %

41 %

Source : réponses au questionnaire de la mission d’information.

Pour rappel, les effectifs de BMF TV s’élèvent, selon les informations transmises au Rapporteur, à 387 personnes dont 60 % de journalistes. Ceux d’I-télé se composent de 300 personnes environ, donc 65 % de journalistes, et enfin l’équipe éditoriale de LCI est composée de 232 personnes (la part de journalistes n’est pas connue).

Avec un effectif de 213 postes dédiés, la nouvelle chaîne apparaît ainsi légèrement sous-dimensionnée par rapport à ses concurrents. Ce sous-dimensionnement ne doit cependant pas apparaître comme une anomalie, ou un risque, pour la nouvelle chaîne. Reposant à France Télévisions sur la mutualisation et la synergie avec les autres rédactions et directions techniques des opérateurs, ces moyens seront en pratique complétés par les contributions plus ou moins régulières des équipes constituées pour la programmation des autres chaînes.

En revanche, la proportion d’effectifs dédiés au volet éditorial sur le panel des postes attribués à la nouvelle chaîne est similaire à celle des chaînes privées :

− sur les 175 postes pourvus par France Télévisions, 112 relèvent de la direction de l’information (52,5 % des effectifs) ;

− sur les 28 créations de postes à Radio France, 13 sont affectés au volet éditorial de la chaîne (46,4 %) ;

− les 9 créations de postes au sein de France Médias Monde sont dédiées à des postes de journalistes rédacteurs et rédacteurs en chef ;

− enfin, la création de poste à l’INA correspond à un nouveau métier de « coordinateur éditorial » en charge du pilotage et de la coordination de l’ensemble de la chaîne éditoriale.

Ainsi, sur la totalité des postes dédiés à la chaîne d’information, 63,4 % correspondent à des postes consacrés au volet éditorial de la chaîne et 36,6 % au volet technique. La proportion est donc relativement similaire à celle des chaînes privées d’information en continu.

Les nouveaux effectifs correspondent à la fois à des besoins complémentaires sur des postes existants, mais également à de nouveaux postes devenus nécessaires dans le cadre du lancement de la chaîne d’information. Il s’agit par exemple de la création du nouveau métier précité de « coordinateur éditorial » à l’INA, ou encore des postes créés à France Télévisions en lien avec la production des modules (rédacteur en chef et assistant de production des modules), ou celui de rédacteur de la chaîne d’information, qui a été au cœur des négociations avec les organisations syndicales.

À Radio France, les nouveaux postes du volet éditorial répondent au besoin complémentaire en présentateurs « titreurs » par rapport aux équipes de présentateurs déjà présentes à France Info et à une partie du besoin pour les éditeurs visuels afin d’enrichir les contenus radio avec des éléments visuels, nécessaire à la marche vers le média global.

2. La mobilisation non évaluable des équipes non dédiées mais contribuant à la chaîne d’information : le point d’achoppement de l’évaluation

La plus-value de la nouvelle chaîne d’information émane également de la capacité des opérateurs à mettre en œuvre des synergies. Les actifs de la chaîne d’information publique seront essentiellement constitués de ceux existants au sein de l’audiovisuel public, au travers des contenus déjà produits par les équipes de ces sociétés, et grâce à la participation des rédactions et des directions existantes. Comme cela a été rappelé antérieurement, France Télévisions et Radio France représentent à elles deux un total de près de 3 750 journalistes, et bénéficient d’une expérience riche et reconnue en matière de diffusion de l’information.

Cette plus-value fondée sur la mobilisation partielle, et conditionnée par la teneur de l’actualité, échappe cependant à toute forme d’évaluation financière, ce qui en fait un risque potentiel de dérapage des dépenses. Elle ne fait l’objet d’aucune contractualisation, et sa planification devrait se définir simultanément à sa mise en œuvre.

a. La mutualisation au sein de France Télévisions

Dans le cas de France Télévisions, ce sont les rédactions nationale, régionale et ultramarine qui seront mobilisées, ainsi bien entendu que l’équipe numérique en charge du site d’information Francetv Info. Les tranches horaires d’information communes entre les chaînes généralistes du groupe et la chaîne d’information devraient faire également l’objet d’une mutualisation partielle, lorsque l’actualité le justifie. C’est le cas par exemple de Télématin, programmation diffusée dans une tranche horaire « rouge » de la chaîne d’information. Dans le projet de développement précité présenté par la direction de France Télévisions en janvier dernier, il était en effet évoqué que « la couverture à l’heure actuelle de l’actualité par les équipes de Télématin correspond à une tranche d’actualité en continu. Dans un esprit de mutualisation des moyens et de logique de fabrication, il semblerait pertinent de mutualiser sur la tranche du matin les ressources tout en maintenant une incarnation distincte des journaux télévisés afin de conserver l’identité de chaque édition […]. Les sujets alimentant les éditions seraient produits par une seule équipe de rédacteurs rattachée à la chaîne d’information qui nourrirait les deux éditions. L’analyse d’impact de cette mutualisation est reprise au sein de chaque service de la direction de l’information dans les chapitres consacrés ».

Ainsi, la direction de la chaîne d’information au sein de la direction de l’information devrait être inscrite. Cette intégration aurait pour objectif de faciliter les relations et de fluidifier les échanges au sein de la direction de l’information et avec les services communs. Elle a aussi pour conséquence de ne pas pouvoir rendre quantifiable l’apport réel à la chaîne d’information.

L’organigramme suivant explicitant le positionnement de la nouvelle direction, à partir des données contenues dans le projet initial de la chaîne d’information, témoigne du niveau d’interaction envisagé :

Source : Information/consultation sur le projet de lancement de la chaîne d’information-France Télévisions - CCE du 15 janvier 2016.

Cette rédaction est encore isolée de l’équipe numérique, malgré la complémentarité multimédia exposée dans le projet et la volonté de faire de la nouvelle chaîne d’information la première plateforme d’information dans ce domaine. Cette organisation pourrait donc être amenée à évoluer ultérieurement, afin de rationaliser l’organisation du travail et la coordination.

b. Radio France

L’apport principal et non chiffrable, en dehors des créations de postes, est constitué par le savoir-faire de l’équipe de France Info, la nouvelle offre s’appuyant très majoritairement sur la valorisation des productions existantes.

Radio France a par ailleurs mis en place au début de l’année 2016 un nouveau service, qui se présente comme une agence d’information interne à Radio France – qui n’est pas sans rappeler le modèle belge – permettant de centraliser le traitement de l’information et de la fiabiliser. Cette information peut, en effet, émaner de diverses sources comme l’antenne France Info, des informations récoltées par les journalistes de terrain et les antennes décentralisées de France Bleu, ou encore de l’action de veille des journalistes sur les réseaux sociaux, l’Agence France presse (AFP), ou les chaînes concurrentes… Composée d’une dizaine de journalistes issus de la radio et du web, elle a vocation à alimenter à la fois les autres rédactions de Radio France, l’univers numérique du groupe (site et application), et bien entendu les écrans de la nouvelle chaîne d’information publique.

Cette structure pourrait devenir l’un des points forts de la chaîne d’information publique, sans pour autant apparaître dans le personnel dédié spécifiquement à la chaîne d’information.

c. L’INA et France Médias Monde

L’utilisation des moyens et les ressources humaines internes de l’INA sont également fortement mobilisée. Certains postes existants au sein du département des éditions multimédia, de la direction des contenus, de la direction des collections et de la direction des productions audiovisuelles ont vocation à se consacrer partiellement à la chaîne d’information. Par ailleurs, la sélection des sujets s’appuiera sur l’organisation du site ina.fr.

Dans le cas de France Médias Monde, l’intégration de la chaîne d’information est d’autant plus forte que les postes dédiés se présentent comme un effectif supplémentaire à la rédaction existante, afin d’absorber la surcharge de travail liée à la nouvelle chaîne.

Cette mutualisation des moyens et des compétences, qui tire profit de l’ensemble des synergies au sein de chaque partenaire, démontre la capacité de l’audiovisuel public à mener ce projet ambitieux. Cette organisation présente cependant l’inconvénient de ne pas permettre une évaluation globale des moyens mis en œuvre et fait également peser le risque que, lors de la mise en œuvre du projet à court et moyen termes, apparaisse un besoin de renforcement des équipes impliquées nécessitant ainsi de nouveaux financements. Par ailleurs, le développement de la chaîne peut également entraîner un dépassement des coûts de fonctionnement et d’investissement initialement provisionnés.

C. DES DÉPENSES D’INVESTISSEMENT LIMITÉES GRÂCE À LA VALORISATION DES MOYENS TECHNIQUES EXISTANTS

Des investissements initiaux sont nécessaires pour la mise en place de la nouvelle chaîne d’information. Ils sont supportés par France Télévisions et Radio France.

France Télévisions prévoit ainsi des investissements en 2016 pour un montant total de 5,73 millions d’euros, qui se répartissent comme suit :

− décors pour 1,3 million d’euros ;

− habillage pour 3,3 millions d’euros ;

− autres investissements techniques pour 5,3 millions d’euros ;

– immobilier pour 0,6 million d’euros.

Parallèlement, Radio France réalise des investissements dédiés à la mise à disposition d’un studio, à son aménagement technique en qualité broadcast et au déploiement de l’infrastructure des services d’information reliant Radio France et France Télévisions. Les montants d’investissement ainsi réalisés en 2016 s’élèvent au total à 3,9 millions d’euros et se décomposent de la manière suivante :

– aménagements régie, réseaux, broadcast : 1,5 million d’euros ;

– solutions logicielles : 1,1 million d’euros ;

– isolation acoustique, scénographie, électricité, plomberie : 0,6 million d’euros ;

– décors : 0,2 million d’euros ;

– matériels : 0,5 million d’euros.

En termes d’investissements techniques, France Médias Monde a dû également financer la mise en œuvre des duplex, qui nécessite l’aménagement d’un point de duplex auto-opéré (journaliste seul, sans technicien) pour un montant d’investissement de 30 000 euros. L’INA n’a pas indiqué d’investissements initiaux.

Ainsi, au regard des éléments chiffrés transmis par chacun des partenaires, le montant des investissements initiaux de la chaîne d’information s’élèverait à 9,66 millions d’euros.

Ce montant d’investissement initial peut apparaître faible au regard de l’ampleur du projet mais cette maîtrise des dépenses s’explique par une synergie équivalente à celle qui prévaut au sein des rédactions et des services des différents opérateurs. Ainsi, les locaux mis à disposition pour la chaîne d’information y compris pour la réalisation de son studio font partie de France Télévisions et plus précisément des espaces qu’occupe la direction de l’information. Les coûts engendrés ne concernent que des coûts d’aménagements (figurant en investissements immobiliers) ou des charges immobilières marginales (énergie, climatisation) incluses dans le plan d’affaire pour un montant estimé à 68 000 euros par an.

Dans le cas de Radio France, une évaluation des moyens de production de France Info a été menée dans le cadre du projet de la chaîne publique d’information. L’antenne France Info possède actuellement un bloc antenne composé des studios 411 et 421, studios conçus pour assurer une production radiophonique de qualité et équipés d’un système de captation vidéo automatique.

Si les images produites via ce dispositif sont de qualité broadcast, la qualité de l’éclairage et des éléments de décor de ces studios connaît des limites. Il a donc été jugé nécessaire, au vu des conclusions de l’évaluation des moyens de production, de doter France Info d’outils télévisuels permettant une captation de qualité. Afin de couvrir le besoin éditorial de la future chaîne, trois lieux complémentaires ont été identifiés : le studio 221 (à rénover afin d’accueillir les émissions et les duplex), la zone rappels de titres (à aménager au sein de la rédaction de France Info), et le studio 421 (deuxième studio de radio à réaménager afin d’y accueillir les éditions spéciales). La production de l’antenne radio sera inchangée : la production du direct de France Info se fera dans les mêmes lieux, dans les studios 411 et 421.

Radio France a donc concentré ses investissements sur l’aménagement et l’adaptation de l’existant et limite ainsi le surcoût lié à la chaîne d’information, en s’appuyant sur des moyens techniques d’ores et déjà performants.

II. LE SURCOÛT SUPPORTÉ PAR CHAQUE PARTENAIRE ET SES MODALITÉS DE FINANCEMENT

A. ÉVALUATION ET MODALITÉS DE FINANCEMENT DU SURCOÛT TOTAL

L’impact financier est évalué à 12,8 millions d’euros en 2016 pour France Télévisions, à 24,3 millions en 2017, pour atteindre une dépense stabilisée autour de 25 millions d’euros dans les deux ans suivant le lancement (1). Ces coûts s’entendent hors redéploiement, et comprennent les compensations dues à France Médias Monde et l’INA.

L’impact pour Radio France, hors redéploiement, est de 2,4 millions d’euros en 2016, puis 3,5 millions d’euros en rythme de croisière.

Il faut également ajouter le surcoût de 1,3 million d’euros supporté par l’INA et correspondant au coût interne non compensé par France Télévisions

Le coût total s’élève donc, pour l’ensemble des partenaires, à 16,5 millions d’euros en 2016, 25,6 millions d’euros en 2017, et 29,8 millions d’euros dès lors que le lancement de la chaîne sera stabilisé.

Grâce à la mutualisation et aux redéploiements, le surcoût net s’élevera, selon les données transmises au Rapporteur, à 10,3 millions d’euros en 2016, à 15,9 millions d’euros en 2017, et à environ 14 millions d’euros en rythme de croisière, après la réalisation de l’ensemble des redéploiements.

(1) Réponse aux questionnaires du Rapporteur.

Le financement de ce surcoût total peut cependant recouvrir différentes modalités, qui présentent des impacts très différenciés sur le budget des opérateurs concernés :

− le surcoût peut représenter un surcoût net créant un besoin de financement à celui qui le supporte (à hauteur ou inférieur à « l’impact cash », si plusieurs sources de financement sont associées) ;

− le surcoût peut être partiellement ou totalement financé par redéploiement de financements ou de moyens existants ou prévus ;

− le surcoût peut enfin être compensé totalement ou partiellement, et s’imputer sur le budget d’un autre partenaire.

Ces trois modalités de financement se combinent dans le plan de financement global de la chaîne, tel qu’il résulte de la compilation des plans d’affaires de chacun des partenaires impliqués.

B. LA CRÉATION D’UN BESOIN DE FINANCEMENT POUR FRANCE TÉLÉVISIONS

Le tableau suivant présente le plan d’affaires de la chaîne jusqu’en 2020, tel que présenté par France Télévisions dans le cadre des auditions menées par le Rapporteur :

PLAN DE FINANCEMENT DE LA CHAÎNE D’INFORMATION – FRANCE TÉLÉVISIONS

Source : réponses aux questionnaires du Rapporteur.

L’« impact cash » représente l’effet de trésorerie du projet de chaîne d’information. Plus élevé l’année du lancement de la chaîne du fait des investissements initiaux, il se réduit ensuite aux frais de fonctionnement de la chaîne, hors dépenses d’investissement.

Pour France Télévisions, l’impact financier hors redéploiement est quant à lui évalué à 12,8 millions d’euros en 2016, à 24,3 millions en 2017, pour atteindre une dépense stabilisée autour de 25 millions d’euros dans les deux ans suivant le lancement. Le taux de redéploiement est cependant conséquent :

− le redéploiement des effectifs (volet éditorial et technique) représente 50 % des ETP créés, et limite ainsi fortement les dépenses de personnel associé à la chaîne, puisqu’il s’agit d’effectifs d’ores et déjà budgétés dans les comptes du groupe et non remplacés dans leur service d’origine. En masse financière, cela représente une économie de fonctionnement de près de 6,5 millions d’euros (sur une dépense évaluée à environ 13 millions d’euros) lorsque l’ensemble des redéploiements seront effectifs, soit en 2018 ;

− le redéploiement des charges d’exploitation s’élève, en rythme de croisière, à 5,4 millions d’euros sur un total de 10,6 (en incluant le poste « autres dépenses » dans les charges d’exploitation), soit un taux de redéploiement de 50 %, identique à celui des charges de personnel.

Après redéploiements, le tableau ci-dessus fait apparaître le coût net pour le groupe, soit 12,7 millions d’euros par an en rythme de croisière à partir de 2018, impact des investissements compris. C’est ce montant qui constitue un surcoût non financé pour France Télévisions, et qui nécessite de nouvelles marges d’économies ou de nouvelles sources de financement.

Pour rappel, le budget global pour 2016 de France Télévisions s’élevait, toutes ressources confondues, à 2 881 millions d’euros en retenant l’hypothèse de ressources publicitaires stables par rapport à 2015 à hauteur de 320 millions d’euros. Le surcoût de la chaîne d’information représente donc 0,4 % des ressources de France Télévisions.

France Télévisions a indiqué qu’une budgétisation à hauteur de 6 millions d’euros avait d’ores et déjà été prévue pour 2016, pour un coût net de 9 millions d’euros. La différence devrait être résorbée en exécution, et ne représente pas, en tout état de cause, un risque de déstabilisation financière pour le groupe.

Point sur la situation financière de France Télévisions

France Télévisions clôt l’exercice 2015 avec un résultat net de 0,2 million d’euros (60). Elle affiche un résultat 2015 en amélioration par rapport au budget qui s’établissait à
– 9,8 millions d’euros, mais également par rapport à la nouvelle prévision en cours d’exercice (– 9,6 millions d’euros), et ce malgré une perte de près de 19 millions d’euros de recettes publicitaires par rapport au budget initial. Pour rappel, le résultat net à la clôture de l’exercice 2014 était de – 38,4 millions d’euros. Le résultat d’exploitation demeure cependant très dégradé, à – 30,1 millions d’euros, mais cependant meilleur que la prévision actualisée (– 37,3 millions d’euros) et en nette amélioration par rapport à l’exercice précédent (– 50,7 millions d’euros).

La présidente de France Télévisions a par ailleurs indiqué lors des auditions menées par le Rapporteur que le groupe présenterait à l’issue de l’année 2016 un résultat d’exploitation équilibrée, suite aux diverses mesures d’économies et d’optimisation des ressources mises en œuvre. Les projections confirment donc la consolidation financière du groupe, notamment grâce aux mesures d’économies mises en œuvre et à la dotation complémentaire de 25 millions d’euros votée en loi de finances initiale pour 2016, à l’initiative du Rapporteur spécial.

C. UN SURCOÛT COMPATIBLE AVEC LE RESPECT DE LA TRAJECTOIRE DU COM POUR RADIO FRANCE ?

Le plan d’affaires de Radio France a été bâti jusqu’en 2019. Aligné sur la période du contrat d’objectifs et de moyens, il n’est donc pas établi sur la même durée que celui de France Télévisions, qui a établi des projections jusqu’en 2020.

Le tableau ci-dessous présente la ventilation des coûts complémentaires générés par le projet au-delà des moyens de France Info déjà existants, et leur source de financement :

PLAN DE FINANCEMENT DE LA CHAÎNE D’INFORMATION – RADIO FRANCE

(En millions d’euros)

 

2016

2017

2018

2019

Coûts additionnels fonctionnement courant

1,0

0,8

0,8

0,8

Masse salariale éditoriale et technique

1,2

2,1

2,1

2,1

Amortissements

0,2

0,6

0,6

0,6

Total

2,4

3,5

3,5

3,5

 

     

 

Redéploiement identifié

     

 

Réallocation budget de fonctionnement

0,5

0,5

0,5

0,5

Redéploiement amortissements

0,2

0,6

0,6

0,6

Autres redéploiements

1,7

2,4

2,4

2,4

Total

2,4

3,5

3,5

3,5

Source : réponses aux questionnaires du Rapporteur.

La chaîne d’information devrait se réaliser sans surcoût pour Radio France, par rapport à la trajectoire financière pluriannuelle prévue dans le contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019. En effet, l’ensemble des postes seraient financés grâce à la fongibilité des moyens d’ores et déjà budgétée dans le cadre du COM.

Dans le cas de la masse salariale dédiée à la chaîne d’information, il a ainsi été indiqué au Rapporteur que les vingt-huit postes supplémentaires, nécessaires notamment pour assurer la liaison avec France Télévisions, résulteraient partiellement du redéploiement de postes prévus initialement dans le COM pour le recrutement de nouveaux postes dédiés au développement numérique et au renforcement des effectifs de la Maison de la radio et de ses activités évènementielles. Sur les quinze postes créés sur le volet éditorial, douze ont été pourvu en interne.

Bien que ce nouveau fléchage permette de réaliser le projet de la chaîne de d’information à coût constant au regard de la trajectoire budgétaire, il brouille la stratégie globale de l’entreprise et nécessiterait une clarification quant aux conséquences sur l’activité commerciale de Radio France, qu’il est prévu, par ailleurs, de développer.

Comme expliqué précédemment, la marque « France Info » a également fait l’objet d’une négociation. En effet, ce nom appartenant au groupe Radio France, son extension à l’ensemble de la nouvelle offre implique la mise en place d’un contrat de licence de marque permettant à France Télévisions de porter partiellement la responsabilité éditoriale qui est associée à son exploitation. Selon les éléments communiqués au Rapporteur lors des auditions, la cession partielle de la marque a été évaluée au prix de 1,2 million d’euros. Cependant, elle ne devait faire l’objet d’aucun versement au groupe Radio France, puisqu’il a été considéré que l’apport de visibilité qui va résulter du projet correspondait au même prix. Par ailleurs, un « comité de marque » a été mis en place, les deux groupes disposant d’un droit de veto dans l’utilisation qui en est faite. Est également prévue une clause de sortie, volontairement très désincitative afin de consolider l’accord.

Le Rapporteur ne bénéficie pas à ce jour d’informations plus précises, les conventions ne lui ayant pas été transmises à la date de la présentation du rapport. La presse a cependant relayé l’information selon laquelle France Télévisions a acquis le droit d’utilisation de la marque contre redevance. Ce point doit donc être précisé, ainsi que ses conséquences financières.

Point sur la situation financière de Radio France

Radio France affiche en 2014 un résultat net de –13 millions d’euros, en baisse par rapport à l’exercice précédent où il s’établissait à − 2 millions d’euros. Son résultat d’exploitation négatif à hauteur de − 16,5 millions d’euros, est fortement dégradé par rapport 2014
(− 8,2 millions d’euros). La santé financière de Radio France est en partie affaiblie par le surcoût engendré par le chantier de la Maison de la radio, qui a constitué un facteur d’augmentation de 6,1 millions d’euros des dotations aux amortissements et aux provisions, ainsi qu’un facteur de diminution de 14 millions d’euros de la trésorerie nette, qui s’établit désormais à – 5,5 millions d’euros. La situation financière de Radio France étant encore fragile, le projet de la chaîne d’information ne doit donc pas constituer une charge préjudiciable au retour à l’équilibre du groupe, notamment si les ressources s’écartent de la trajectoire du COM – ce qui fut presque systématique dans le cadre de la dernière contractualisation.

Le Rapporteur tient à souligner que le risque de dérapage des coûts liés à la chaîne d’information doit être particulièrement maîtrisé dans le cas de Radio France, le groupe étant par ailleurs engagé dans d’importantes restructurations visant à rationaliser ses coûts et ses effectifs.

D. UN SURCOÛT NEUTRE POUR LE BUDGET DE FMM

Les coûts induits pour France 24 par la fabrication des contenus spécifiques pour la future chaîne d’information ainsi que par la libération des droits pour un montant global d’un million d’euros n’aura pas d’impact budgétaire pour France Médias Monde.

Le chiffrage est neutre budgétairement pour France Médias Monde puisque les coûts estimés sont financés par la mise à disposition, désormais à titre gratuit, des sujets d’information de France Télévisions, ce qui l’exonère désormais du paiement annuel à France Télévisions à hauteur d’un million d’euros pour acquérir ces mêmes sujets. Ce budget d’un million d’euros pourra ainsi être réinvesti par France 24 pour développer des programmes en vue de leur diffusion sur la chaîne d’information en continu et notamment les dépenses de personnel supplémentaire. Ceci devrait permettre à France 24 d’acquérir le gain de visibilité associé et de libérer les droits des tiers.

Par ailleurs, France Médias Monde se caractérise par sa gestion saine et efficace, avec à l’issue de l’exercice 2015 et pour la troisième année consécutive, un résultat net à l’équilibre, et un résultat d’exploitation légèrement positif à 0,45 million d’euros.

Ce million d’euros, qui représente une perte de recettes pour France Télévisions, semble avoir été intégré aux dépenses totales de France Télévisions, et être identifié dans le surcoût global engendré par la chaîne d’information.

E. UN SURCOÛT POUR L’INA COMPENSÉ PAR FRANCE TÉLÉVISIONS, HORS COÛTS EXTERNES

Les coûts de production des modules livrés à la chaîne sont estimés à 1,8 million d’euros, pour une diffusion de 62,5 minutes par semaine, soit 54 heures et 10 minutes par an. Ce surcoût se divise en deux volets :

− les coûts externes (droits et personnel intermittent), qui représentent 500 000 euros ;

− les coûts internes à l’INA (personnel et moyens techniques), à hauteur de 1,3 million d’euros.

Dans le cadre des négociations avec France Télévisions, l’INA a inscrit dans la convention bilatérale qui le lie à cette dernière la prise en charge de l’ensemble des coûts externes. Parallèlement, les coûts internes induits par la création de la chaîne d’information seront assumés par l’INA et principalement financé par redéploiement entre les directions de l’institut. Ils ne devraient donc pas non plus constituer un facteur de déstabilisation pour la gestion financière de l’institut, qui présente par ailleurs à l’issue de l’exercice 2015 un résultat d’exploitation à – 5 millions d’euros, et un résultat avant impôt et intéressement positif à 0,85 million d’euros.

PRÉCONISATIONS ET PROPOSITIONS

I. Renforcer la cohésion sociale au sein des groupes : une mesure essentielle dans une période marquée par les restrictions budgétaires et les restructurations

1. Des équipes fortement impactées par l’évolution des métiers et les restructurations en cours au sein de l’audiovisuel public

Le Rapporteur a tenu à rencontrer, dans le cadre de ses travaux, l’ensemble des organisations syndicales représentatives ainsi que les sociétés de journalistes de France Télévisions et de Radio France. Ces dernières ont tout d’abord insisté sur le fait qu’elles étaient, sur le principe, favorables à ce projet ambitieux et légitime qui recueille donc l’unanimité des équipes impliquées.

Les points de désaccord se sont cristallisés sur la méthode, fortement contrainte par les délais très courts de mise en œuvre. Le Rapporteur a pu, en effet, constater que, à deux mois du lancement de la chaîne, plusieurs incertitudes demeuraient quant aux modalités organisationnelles de sa mise en œuvre.

Cette absence partielle d’informations a engendré un sentiment de manque de transparence auprès des équipes concernées, ainsi que des inquiétudes sur la coopération entre Radio France et France Télévisions. De surcroît, la volonté de lancer la chaîne au 1er septembre a logiquement écourté les délais de négociation collective, ce qui a partiellement dégradé le climat social entourant la création de la nouvelle chaîne.

a. Les transformations métier : assurer l’avenir sans dénaturation des compétences

Les syndicats ont récemment dénoncé la mise en place unilatérale d’un métier de « journaliste desker » pour la future chaîne d’information France Info. Auditionné par le Rapporteur, les représentants du syndicat majoritaire de France Télévisions ont, en effet, souligné un risque de déqualification qui pouvait peser sur la création du nouveau métier de « rédacteur de la chaîne d’information » (61). Il y est décrit comme « un salarié hybride sur les épaules duquel s’empilent pas moins d’une dizaine de compétences complémentaires », puisqu’à ses tâches purement journalistiques s’ajoute un certain nombre de tâches techniques et numériques, qui transformerait le journaliste en « technicien de l’information » (62). Cette polyvalence leur apparaît comme un frein à la qualité garantie par la spécialisation des tâches, et un risque pour la capacité de différenciation de la nouvelle chaîne publique d’information par rapport à l’offre existante.

Deux des syndicats représentatifs de France Télévisions vont même plus loin, considérant que, bien que limitée pour le moment au périmètre de la chaîne d’information, la création de postes comportant des compétences complémentaires aurait dû faire l’objet d’une négociation collective en amont. Ils ont porté ce contentieux devant la justice. Cette action fait suite à l’impossibilité, pour la direction de France Télévisions, de mener une négociation métier approfondie et sécurisante pour les salariés, qui aurait sans aucun doute compromis un lancement au 1er septembre 2016. Ces délais semblent avoir également empêché les quatre comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’entreprise d’être en mesure de rendre un avis motivé en amont du comité central d’entreprise (CCE), « en l’absence de réponse sur des points fondamentaux engageant la santé et les conditions de travail des salariés et notamment sur les effectifs réduits, les polycompétences et la planification. Il est à noter que la DDSQVT (direction déléguée à la santé et à la qualité de vie au travail) n’avait pas remis de manière préalable de plan de prévention. » (63)

Selon le rapport de la commission économique du CCE des 6 et 7 avril 2016, la direction de France Télévisions se serait engagée à proposer un avenant à l’accord collectif sur la création de nouveaux emplois (huit emplois concernés sur les vingt-sept types d’emplois identifiés comme nécessaires par le service des ressources humaines). Cet avenant ne serait applicable qu’à la chaîne d’information. Comme dit précédemment, la conclusion de cet avenant n’a pu aboutir faute de temps, avant le lancement de la chaîne d’information.

Le Rapporteur encourage vivement la direction de France Télévisions à faire aboutir ces négociations au plus vite, dès les premiers mois de lancement de la chaîne d’information, ainsi qu’à transmettre les informations nécessaires au CHST et à la DDSQVT afin de sécuriser les conditions de travail afférentes à ce nouveau projet.

Cette recommandation est en totale cohérence avec les ambitions définies dans l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions pour la période 2013-2015, le chapitre 3 fixant comme objectif de « faire de l’entreprise commune un modèle d’organisation responsable et efficace » . Cette ambition se décline en plusieurs sous-objectifs, dont le premier est le renforcement de la cohésion sociale de l’entreprise, notamment en « donnant de la visibilité sur l’évolution de l’emploi, des métiers et des compétences » (64). Dans le cadre du prochain COM de France Télévisions, qui devrait être finalisé à l’issue de l’année 2016, pourrait être ajoutée à ce volet la négociation sur les nouveaux métiers nécessités par la chaîne d’information en continu.

Il s’agit d’une problématique également présente au sein de Radio France. Engagé dans de nouveaux projets dans le cadre de son nouveau contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019 signé en décembre 2015, le développement du numérique et de la radio filmée préfigurait d’ores et déjà la montée en puissance de journalistes « multimédia ». Dans le cadre de la chaîne d’information, les métiers en lien avec la production des titres seront ainsi pourvus par des professionnels de la radio amenés à faire de la télévision. Ces évolutions semblent pour le moment rencontrer moins de réticences à Radio France qu’à France Télévisions. Cela s’explique en partie par le fait que le passage à la « radio filmée » et ses conséquences apparaissent comme une évolution naturelle et nécessaire pour préserver la visibilité du média radio, face à la modification des modes de consommation audiovisuelle.

b. La chaîne d’information n’est pas le seul projet de restructuration en cours ayant un impact sur les équipes

L’ensemble de l’audiovisuel public est engagé depuis plusieurs années dans une démarche de maîtrise des coûts et des effectifs. Depuis 2012, la situation financière particulièrement dégradée de France Télévisions et de Radio France a nécessité, pour ces deux acteurs, de réfléchir aux moyens de parvenir à l’équilibre tout en répondant aux défis que représente la révolution numérique.

C’est pourquoi France Télévisions, tout comme Radio France, doivent mener, parallèlement à la chaîne d’information, des projets de restructuration d’ampleur qui ont également des impacts sur l’organisation du travail et qui sont de ce fait des facteurs de tensions sociales. Ils concernent d’ailleurs un nombre bien plus important de salariés que ceux directement concernés par la chaîne d’information.

Au sein de France Télévisions tout d’abord :

− France Télévisions a achevé à la fin de l’année 2015 un plan de départs volontaires, qui s’inscrivait dans une démarche globale de réduction des effectifs prévue dans l’avenant au COM 2013-2015. Cet avenant reposait sur une hypothèse de réduction du volume de l’emploi total permanent et non permanent de 650 équivalents temps plein (ETP) nets à l’horizon de la fin 2015, par rapport au niveau d’emploi prévu au budget 2012. En réalité, la baisse aura atteint 558 ETP entre l’exécution 2012 (10 490 ETP) et la fin 2015 (9 932 ETP), le plan de départs volontaires n’ayant pas pu être réalisé en totalité au 31 décembre 2015 (65;

− dans le cadre du « plan info 2015 », l’entreprise a également entrepris de fusionner les rédactions de France 2 et France 3 afin de remplacer la « logique de rédaction par chaîne » par une logique « tous contenus sur tous supports ». Tous les services des deux chaînes couvrant les mêmes thématiques auront à terme vocation à travailler ensemble. S’il ne s’agit pas d’une réorganisation entraînant à court terme une baisse des effectifs, il n’en découle pas moins que cela engendre d’importants changements dans l’organisation du travail et la gestion d’équipe ;

− il est également prévu, après la réforme territoriale votée à la fin de l’année 2014, de réorganiser les antennes territoriales de France 3 Régions afin de les mettre davantage en adéquation avec le nouveau maillage territorial. Il s’agit donc d’une troisième réforme organisationnelle, à moyens constants selon toute probabilité, et qui aura des impacts sur une partie des rédactions.

Radio France a également entamé un tournant dans sa gestion, en engageant l’année dernière dans le cadre du nouveau COM un plan d’économies structurelles de 22 millions d’euros sur la masse salariale, grâce au non-remplacement partiel des départs à la retraite à partir de 2016 sur la totalité de la période du contrat. Ainsi, 270 ETP ont été rendus en deux ans.

Pour rappel, le groupe Radio France a connu la plus longue crise sociale de son histoire en mars-avril 2015. En effet, l’ensemble des antennes du groupe sont restées en grève pendant une durée de 28 jours, la mobilisation ayant pris fin le 15 avril 2015. M. Dominique-Jean Chertier a été nommé médiateur du conflit afin de faciliter la négociation avec l’intersyndicale, à la demande des syndicats et du CSA. La principale revendication était l’abandon du plan de départs volontaires, qui concernait 300 à 380 départs. La direction de Radio France a renoncé à ce plan de départ, au profit d’un non-remplacement partiel des départs à la retraite.

Par ailleurs, le 27 juin 2016, le réseau France Bleu a été touché par une grève de vingt-quatre heures, visant notamment à dénoncer la baisse des budgets de remplacement et la précarisation (66). Les tensions sociales sont donc présentes, et exacerbées dans un contexte global de restriction budgétaire. Le 29 juin 2016, les équipes de France Inter ont également débuté une grève, « en opposition à la stratégie de l’entreprise ».

Ce contexte global de mise en œuvre de réformes structurelles participe de manière évidente aux crispations sociales qui ont pu être exprimées lors de la mise en œuvre du projet de chaîne d’information.

2. Clarté, communication et concertation : la mise en œuvre des comités de suivi

Dans ce contexte, la concertation est essentielle, tant au sein de chaque organisme, qu’entre les partenaires du projet qui sont amenés à collaborer à son bon déroulement du projet. Il ressort des auditions menées par le Rapporteur que cette concertation multipartite s’est effectuée avec succès au niveau des directions des groupes engagés dans le projet. Ont ainsi été mis en place des comités de pilotage éditoriaux, numériques et techniques, à parité entre les groupes concernés, et notamment entre France Télévisions et Radio France. Ces réunions paritaires nombreuses et peu formalisées ont été décisives dans l’avancement du projet.

Cependant, la complexité des sujets n’a pas permis de faire aboutir les accords rapidement, renforçant l’absence de communication précise à l’approche de l’échéance sur les modalités pratiques de coopération et les impacts sur l’organisation du travail et des responsabilités. Ce manque de transparence lié aux incertitudes de l’issue des négociations a été particulièrement prégnant sur le volet numérique, comme explicité précédemment (67).

Les conventions négociées avec Radio France n’étaient pas encore finalisées fin juin. Sur le volet numérique, la convention fera l’objet d’une approbation définitive auprès des instances de France Télévisions mi-juillet, soit un mois et demi avant le lancement de la chaîne et deux semaines avant le début des « antennes à blanc ». Les services ont cependant été informés en amont de son contenu, permettant d’éviter in extremis le déclenchement d’une grève illimitée de l’équipe de France tv info, qui avait déposé un préavis pour le 28 juin.

Le Rapporteur insiste sur le fait que des délais très courts de mises en œuvre étaient sans nul doute nécessaires à l’aboutissement de ce projet, le lancement de la chaîne devant intervenir avant les élections de 2017 et la finalisation du COM. Ils posent cependant d’importantes difficultés d’appropriation par les équipes, auxquelles il faudra remédier dans les premiers mois de mise en œuvre.

Il est à noter que les organisations représentatives du personnel de France Télévisions ont acté la mise en place, au moment de l’avis négatif rendu par le CCE le 7 avril 2016, d’une commission d’analyse, de mise en œuvre et d’ajustement ( CASMOA) de l’offre de la chaîne d’information, « qui permettrait de suivre, de proposer et d’adapter le projet dans ses différentes composantes, au fil de l’eau, sur une période de 18 mois à compter du rendu de cet avis ». Cette commission s’est réunie pour la première fois mi-juin. Comme l’expose le syndicat Force Ouvrière sur son site : « dans le cadre d’un dialogue social renforcé, la direction et ces trois organisations syndicales (68) ont souhaité s’adjoindre les renforts d’une tierce personne pour les aider dans leur analyse afin de se projeter vers l’avenir. Il s’agit de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Cette association a réclamé de part et d’autre « la suspension des jugements et des a priori ». »

Le Rapporteur se félicite de la création de cette structure en faveur du dialogue social. Elle a sans aucun doute participé à l’apaisement du climat social sur le volet télévisuel du projet.

Le Rapporteur a cependant établi deux constats plus problématiques lors des auditions des organisations syndicales représentatives qu’il a menées dans le cadre de la mission :

− tout d’abord, l’absence de structure équivalente au « CASMOA » au sein de Radio France. Cette structure équivalente permettrait cependant un suivi précis des conventions mises en œuvre en partenariat par Radio France, et offrirait une meilleure visibilité des évolutions que cela implique, et leur relais par les organisations syndicales auprès des équipes concernées ;

− l’absence flagrante et préjudiciable de dialogue entre les équipes et les organisations syndicales de France Télévisions et de Radio France, y compris au sein d’un même syndicat. Si la coopération et la coordination a été productive au niveau des directions, elle a été occultée par « la base », engendrant un climat non dénué de concurrence et de méfiance mutuelle vis-à-vis du partenaire.

Il apparaît ainsi indispensable de favoriser le dialogue social, non seulement au sein de chaque organisme, mais également entre les partenaires. Cette coordination, d’ores et déjà complexe d’un point de vue éditorial et technique, ne saurait faire l’économie d’une structure salariale de suivi, soit sous la forme d’un comité créé à Radio France et apte à se concerter avec le CASMOA de France Télévisions, soit par l’ambitieux projet d’un comité commun, réunissant les représentants de deux, voire de l’ensemble, des partenaires.

Le suivi des ajustements et des évolutions sera essentiel jusqu’en 2018, date à laquelle le plan d’affaires devrait afficher une stabilisation des coûts, grâce à la finalisation et la consolidation des redéploiements.

***

II. La mise en œuvre d’un suivi consolidé du coût et des objectifs : l’indispensable maîtrise des risques de dérapage des dépenses au cours de la mise en œuvre de la chaîne d’information

Au regard de l’ensemble des éléments recueillis par le Rapporteur, il lui semble à ce jour incontournable de consolider le suivi financier de la chaîne d’information en continu. Cela s’impose pour plusieurs raisons :

− il s’agit d’un projet dont les délais ont obligé les initiateurs à définir les objectifs et les modalités pratiques en même temps qu’elles étaient mises en œuvre. Cette simultanéité empêche tout recul, et fait peser un risque de sous-évaluation des moyens nécessaires à l’accomplissement des objectifs qui ont été fixés ;

− ce risque est renforcé par l’ampleur des synergies mises en œuvre, notamment avec les rédactions et services existants et pour lesquels il est impossible d’évaluer l’impact réel de la nouvelle chaîne d’information et l’éventuel besoin en effectifs qui pourraient en résulter. Il n’existe à ce jour aucune contractualisation permettant de définir les contours de ces contributions internes ;

− dans le cas des moyens humains et techniques dédiés à la nouvelle chaîne d’information, qui sont à la fois fléchés et chiffrés, se pose le problème de leur compatibilité avec les trajectoires financières définies dans les contrats d’objectifs et de moyens négociés entre toutes les sociétés de l’audiovisuel public et l’État. Cette compatibilité doit se retrouver à la fois en investissement et en fonctionnement, à court et moyen terme.

Ce dernier point est essentiel, car le financement de l’audiovisuel public est fondé sur une enveloppe globale, exclusivement abondée depuis 2016 par le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, qui recueille en recettes le produit de la contribution à l’audiovisuel public et, depuis cette année, une part de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques. Ainsi, tout dérapage dans l’équilibre financier d’un des bénéficiaires pourrait avoir un impact direct, s’il fait l’objet d’un abondement public, sur les autres opérateurs.

Les conventions bilatérales qui unissent désormais France Télévisions et ses partenaires ne permettent pas en tant que telles d’assurer ce suivi, puisque le contrôle de l’État ne s’applique pas à cette forme de contractualisation : le CSA n’émet pas d’avis (il le fait uniquement sur les modifications des cahiers des charges qui en découlent, en dehors de tout élément financier), et il n’existe aucune obligation pour les opérateurs de procéder à un bilan de l’exécution annuelle des conventions, comme c’est le cas pour les contrats d’objectifs et de moyens. Le Parlement n’aurait alors aucun élément de suivi précis.

Au regard de ces éléments, le Rapporteur préconise :

1. De procéder dans les plus brefs délais à la modification des contrats d’objectifs et de moyens d’ores et déjà finalisés pour la période 2015-2019, comme c’est le cas pour l’INA et Radio France, par exemple par la voie d’un avenant. Cela permettrait d’y inscrire de manière détaillée les objectifs afférant à la chaîne d’information (objectifs éditoriaux et en matière de gouvernance et de gestion des ressources humaines), de détailler les modalités de synergies avec les autres rédactions et directions du groupe, et de modifier si besoin les trajectoires financières en fonction de ces nouveaux éléments.

Ainsi, Radio France a par exemple procédé à un nouveau fléchage des effectifs prévus dans le COM : prévu initialement pour le développement des activités numériques et digitales de la chaîne, ils sont désormais dédiés à la nouvelle offre d’information (69). Si cette mesure est budgétairement efficiente, elle a cependant l’inconvénient de nuire à la lisibilité de la dépense – et pose la question des modalités de développement des activités commerciales dans ces conditions. Il serait donc nécessaire de faire apparaître de manière transparente l’ensemble des moyens techniques et humains dédiés, ainsi que leurs conséquences sur la stratégie du groupe dès lors qu’ils résultent de redéploiements.

2. D’inscrire l’ensemble de ces éléments dans les contrats d’objectifs et de moyens en cours de négociation, couvrant la période 2016-2020, comme c’est le cas pour France Télévisions et France Médias Monde. Au regard de l’ampleur, de la complexité et du caractère inédit du projet, les éléments spécifiques à la chaîne d’information (description des conventions, objectifs éditoriaux, moyens mobilisés et trajectoires financières) pourrait être présenté dans le cadre du COM de France Télévisions sous forme d’une annexe dédiée, contenant notamment le plan d’affaires et peut-être enrichie par l’expérience des premiers mois de diffusion de la chaîne. Cette solution aurait comme avantage de faciliter le suivi annuel du déploiement au moment du bilan d’exécution, au moins jusqu’en 2018 – date à laquelle la gestion de la chaîne devrait entrer dans sa phase de stabilisation organisationnelle et financière.

3. Enfin, de prendre acte de cette coopération inédite entre les opérateurs de l’audiovisuel public en tendant vers un pilotage consolidé du secteur, conformément aux propositions du rapport d’information précité sur le financement de l’audiovisuel public (cf. encadré infra). Cette coopération pourrait se traduire par l’élaboration d’une contractualisation commune à l’ensemble des partenaires du projet avec le Gouvernement, regroupant les objectifs et les projections financières consolidées de la chaîne d’information, sous la forme de ce qui pourrait s’apparenter à un contrat d’objectifs et de moyens thématique. Cette formule aurait pour avantage une lisibilité optimisée des interactions et des moyens publics mis en œuvre pour le fonctionnement de la chaîne d’information, et permettrait une meilleure maîtrise des risques de dérapages financiers, préjudiciables à l’ensemble du secteur.

Cette avancée serait cohérente avec la création par le Gouvernement en octobre 2015, à la suite de la remise du rapport du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions (70), du Comité stratégique de l’audiovisuel public (CSAP) visant à favoriser les synergies entre les sociétés de l’audiovisuel public. Il réunit autour de la ministre l’ensemble des présidents des organismes de l’audiovisuel public, afin de faire face « aux défis communs ».

Les propositions du rapport d’information sur « le modèle économique de l’audiovisuel public adapté au 21e siècle » relatives au pilotage financier de l’audiovisuel public

Les trois premières propositions du rapport de MM. Jean-Marie Beffara et Éric Woerth du 30 septembre 2015 tirent les conséquences de l’absence de vision globale du financement de l’audiovisuel public, et ce malgré une enveloppe commune. Ces pistes d’évolutions se révèlent d’autant plus pertinentes lorsqu’il s’agit du développement de projets communs, situation inédite mais dont la chaîne d’information n’est peut-être que la première occurrence.

Ces propositions sont les suivantes :

● « Améliorer la prévisibilité de la ressource publique en fixant une clef de répartition du produit de la contribution à l’audiovisuel public entre les opérateurs de l’audiovisuel public fiabilisée sur cinq ans, en corrélation avec les orientations financières des contrats d’objectifs et de moyens. Systématiser la pratique des avenants en cas de modification du contexte économique.

● « Renforcer la coordination entre les opérateurs de l’audiovisuel public en établissant un document contractuel commun contenant une trajectoire financière globale fondée sur le produit de la contribution à l’audiovisuel public et mettre en œuvre le comité de pilotage stratégique réunissant l’ensemble des présidents de l’audiovisuel public proposé par la ministre de la culture.

● « Fiabiliser sur le long terme la corrélation entre les objectifs assignés au service public audiovisuel et le financement de ces missions ; conditionner la ressource publique stabilisée à la poursuite des économies structurelles mises en œuvre par l’ensemble des opérateurs. »

Si ces trois propositions demeurent pertinentes sur l’ensemble du secteur de l’audiovisuel public, elles peuvent utilement s’appliquer de manière plus ciblée au suivi financier de la chaîne d’information.

***

III. Le renforcement des obligations déontologiques dans le traitement de l’information : une révision nécessaire du cahier des charges de France Télévisions

Le caractère différenciant de la chaîne d’information nécessite de prendre d’importantes précautions quant aux obligations éthiques qui pèseront sur la programmation et le traitement de l’information par la nouvelle chaîne « Franceinfo: ». C’est dans cette perspective que le Rapporteur préconise de suivre les propositions de modifications du cahier des charges, évoquées par le CSA dans le cadre de son avis du 6 mai dernier (71) :

« Le Conseil estime que le cahier des charges de France Télévisions gagnerait à être complété : il considère en effet que celui-ci présente des insuffisances en matière de respect des droits et libertés, au regard des conventions des chaînes privées d’information en continu. Le Conseil propose ainsi que soient ajoutées des dispositions précises relatives :

« – à la nécessaire prudence requise lors de la diffusion d’informations ou d’images concernant une personne en situation de péril ;

« – au fait de veiller à ne pas inciter à des pratiques ou des comportements délinquants ou inciviques. Dans ce cadre, l’article 35 du décret fixant le cahier des charges de France Télévisions pourrait être complété comme suit : « La société veille dans ses programmes à ne pas inciter à des pratiques ou comportements délinquants ou inciviques ».

« Le 1er alinéa de l’article 36 du cahier des charges de France Télévisions pourrait être également complété par l’ajout, après « France Télévisions veille au respect de la personne humaine et de sa dignité », des mots suivants : « La société respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu’ils sont définis par la loi et la jurisprudence.

« La société veille en particulier :

« – à ce qu’il soit fait preuve de retenue dans la diffusion d’images ou de témoignages susceptibles d’humilier les personnes ;

« – à éviter la complaisance dans l’évocation de la souffrance humaine, ainsi que tout traitement avilissant ou rabaissant l’individu au rang d’objet ;

« – à ce que le témoignage de personnes sur des faits relevant de leur vie privée ne soit recueilli qu’avec leur consentement éclairé. Elle fait preuve de mesure lorsqu’elle diffuse des informations ou des images concernant une victime ou une personne en situation de péril ou de détresse. »

Le Rapporteur insiste sur l’importance de suivre l’ensemble de ces préconisations, qui pointent des dérives constatées dans la gestion de l’information par certaines chaînes privées, lors des derniers évènements dramatiques qui se sont déroulés en France. Le label « service public » ne pourrait en aucun cas s’accommoder de ces pratiques, certes pourvoyeuses d’audiences, mais en complète contradiction avec les objectifs d’intérêt citoyen qui l’anime.

Ces révisions des cahiers des charges pourront être couplées avec celles qui seront nécessaires suite à l’adoption de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, présentée MM. Bruno Leroux et Patrick Bloche, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 8 mars 2016 et au Sénat, le 26 mai 2016.

Parmi les mesures phares, il y est prévu de généraliser l’instauration de comités composés de personnalités indépendantes, dans l’ensemble des services de radio à vocation nationale et de télévision, publics et privés, diffusés par voie hertzienne dont la programmation comprend des émissions d’information politique et générale, chargés de contribuer au respect des principes d’honnêteté, d’indépendance, et de pluralisme de l’information et des programmes (article 7) . La chaîne parlementaire et civique, initialement exclue de ce dispositif y est désormais soumise, à la suite de l’adoption d’un amendement en ce sens par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, confirmée par un vote du Sénat (72). Par voie de conséquence, la nouvelle chaîne d’information en continu diffusée sur le canal 27 serait également pourvue d’un tel comité.

La cohérence thématique et éthique de ces dispositions justifie une révision commune du cahier des charges en vue de renforcer les obligations de déontologie incombant aux medias publics. France Télévisions envisagerait de procéder à ces modifications dès septembre. Le Rapporteur souscrit à ce calendrier qui correspond au lancement de la chaîne d’information.

Article 7 de la proposition de loi, à l’issue de la première lecture au Sénat :

L’article 30-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 30-8. – Un comité de déontologie indépendant est institué auprès de toute société éditrice d’un service de radio généraliste à vocation nationale ou de télévision qui diffuse, par voie hertzienne terrestre, des émissions d’information politique et générale. Chargé de contribuer au respect des principes énoncés au troisième alinéa de l’article 3-1, il peut se saisir de sa propre initiative ou à la demande d’un journaliste invoquant le respect de l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou être consulté pour avis à tout moment par la direction de la société, par le médiateur lorsqu’il existe ou par la société des journalistes. Il transmet un bilan annuel au Conseil supérieur de l’audiovisuel ainsi qu’au conseil d’administration ou au conseil de surveillance de la société.

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à l’indépendance des comités de déontologie dont les modalités de fonctionnement sont fixées par la convention qu’il conclut avec les éditeurs privés de services de radio ou de télévision ou par le cahier des charges des sociétés nationales de programme.

« Les membres des comités sont nommés par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de la société à l’exception du médiateur lorsqu’il existe qui est membre de droit. La nomination des membres, qui respecte une représentation équilibrée des femmes et des hommes, est notifiée au Conseil supérieur de l’audiovisuel qui dispose alors d’un délai de deux mois pour s’y opposer par un avis motivé.

« Lorsqu’une personne morale contrôle plusieurs services de radio et de télévision, ces comités peuvent être communs à tout ou partie de ces services. »

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IV. L’inclusion d’Arte dans le projet : Arte Journal junior quotidien de décryptage de l’information pour les plus jeunes, un programme qui pourrait contribuer à l’objectif de la chaîne d’information

La collaboration avec la chaîne Arte n’est pas prévue dans le projet commun de chaîne d’information telle qu’elle est définie à ce jour, l’information étant pourtant bien présente dans la programmation du groupe franco-allemand, dans une approche européenne et culturelle cohérente avec son identité.

La chaîne a notamment pris l’initiative de réfléchir à une offre de décryptage de l’information pour les plus jeunes. Ainsi, a été lancé en février 2014 Arte Journal Junior, sous forme d’un rendez-vous hebdomadaire le dimanche matin. Les récents événements tragiques qui se sont déroulés en France en 2015 ont renforcé la nécessité de rendre accessible l’information à un public d’enfants et de jeunes adolescents. La formule hebdomadaire a laissé la place, depuis septembre 2015, à un journal matinal et quotidien de six minutes adapté à la tranche d’âge des 10-14 ans. Parallèlement, la version hebdomadaire est amenée à évoluer vers un format plus porche du magazine et des sujets déconnectés de l’actualité.

Le JT pour enfants : le rendez-vous manqué de France Télévisions

France 3 a diffusé entre 2000 et 2005 l’émission Mon Kanar, un journal télévisé adapté aux enfants. L’émission traitait l’actualité sous plusieurs formes, avec des iconographies et donnait le micro aux enfants pour comprendre une loi ou un fait de société. D’abord quotidien, le journal devient hebdomadaire lors de sa dernière année de diffusion. Victime d’une baisse d’audience liée en partie à l’émergence d’une offre très riche et ludique en direction des enfants – comme la chaîne Gulli en 2005 – le programme est finalement abandonné. Les programmes multimédias en direction des jeunes publics demeurent (comme Un jour, une question), mais le décryptage de l’actualité chaude n’est pas au cœur de cette offre. L’autre JT de France 4 qui s’adressait par ailleurs aux jeunes adultes et non aux enfants, a cessé d’être diffusé en mai dernier.

La chaîne d’information LCI, du groupe TF1, a pris conscience de la nécessité de cette offre et de sa cohérence avec la ligne éditoriale d’une chaîne d’information qui se veut différenciante. Un an après Arte, LCI lance en mars 2015 le Petit JT qui s’adresse à la tranche d’âge des 10-15 ans. Avec le passage en gratuit de la chaîne, il semble qu’il ait vocation à devenir un rendez-vous quotidien.

À la télévision, Arte est donc la seule voix du service public sur le volet de l’information décryptée pour les plus jeunes. La ligne éditoriale ne diffère pas de celle du journal pour adultes, mais l’ambition principale demeure la fourniture de clés de compréhension sur l’actualité et bien entendu le respect de la sensibilité de ce jeune public.

L’offre est par ailleurs adaptée au nouveau mode de consommation des medias. Ainsi, M. Marco Nassivera, directeur de l’information d’Arte, a fait le choix d’inverser la logique de diffusion dans le cas d’Arte Journal Junior : enregistré dans l’après-midi la veille de sa diffusion à l’antenne, le journal est immédiatement mis en ligne sur le site Arte info et posté sur les réseaux sociaux, avant même sa diffusion télévisuelle. Le programme peut ainsi être visionné à la demande et sur l’ensemble des supports, ce journal ayant une durée de vie plus longue que les journaux pour adultes.

De plus, la station France Info propose un rendez-vous quotidien d’actualité à destination des plus jeunes : France Info Junior. D’un format de 6 minutes 30, cette émission permet à des enfants de poser des questions en lien avec l’actualité, et à des spécialistes d’y répondre. Il pourrait donc y avoir complémentarité entre ces deux offres existantes, afin de développer la dimension multimédia et la visibilité du décryptage d’information à destination des enfants proposé par le service public.

Le Rapporteur tient à souligner que la réflexion autour de l’intégration d’Arte Journal Junior au sein de la programmation télévisuelle ou numérique de la nouvelle chaîne d’information présente deux avantages majeurs :

− sur le fond, l’offre d’Arte, inédite au sein de l’audiovisuel public, aurait toute sa place dans la programmation de la nouvelle chaîne d’information publique, dont le principal objectif est le décryptage et qui se fonde sur une logique de média global. Elle pourrait constituer un élément supplémentaire de différenciation, et faire entendre la voix du service public auprès d’un public plus jeune ;

− sur la forme, elle permet de tirer profit de l’ensemble des synergies de l’audiovisuel public en incluant le cinquième acteur majeur du secteur. Marque identifiée et associée à une image de qualité qu’il serait opportun de mettre au service de la nouvelle chaîne d’information, Arte bénéficie également d’audiences dynamiques qui ne pourraient que se trouver renforcées du fait du surcroit de visibilité que permettrait une collaboration dans le cadre de la chaîne d’information.

Une négociation et une convention spécifique seraient bien entendu nécessaires afin de fixer l’ensemble des conditions dans lesquelles pourraient se réaliser le partenariat entre France Télévisions et Arte.

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V. Face à des projets ambitieux comme la chaîne d’information, réinterroger la pertinence du financement de l’audiovisuel public

Plus largement, ce projet amène à se réinterroger sur la pertinence du financement actuel de l’audiovisuel public, en lien avec les problématiques abordées dans le cadre du rapport d’information de septembre 2015 sur le financement public de l’audiovisuel précité (73) :

1. La modernisation de l’assiette de la CAP : une réforme de bon sens au regard du positionnement numérique de la nouvelle chaîne

La contribution à l’audiovisuel public (CAP) est considérée comme un « impôt sur les téléviseurs » : concernant les particuliers, une seule contribution est due par foyer détenteur d’un téléviseur, peu important le lieu de réception (résidence principale et/ou secondaire), et un paiement commun est effectué avec la taxe d’habitation. Sont également assimilés à des téléviseurs, quand ils sont associés à un écran, les magnétoscopes, lecteurs ou lecteurs-enregistreurs de DVD, vidéoprojecteurs équipés d’un tuner.

Il est désormais avéré que la transition numérique a modifié les modes de consommation audiovisuelle en profondeur, les exigences de mobilité engendrant une utilisation multisupport croissante, notamment par le biais des smartphones et des tablettes. La chaîne d’information a tiré les conséquences de ces évolutions, en développant une offre multimedia et multisupport, au sein de laquelle la composante numérique revêt une importance stratégique essentielle. Plus largement, ce projet a permis de mettre en exergue la puissance des plateformes numériques de l’audiovisuel public, le développement de ces dernières faisant par ailleurs partie des futurs projets du secteur – comme la mise en œuvre d’une plateforme commune de service vidéo à la demande (SVaD).

Il est à noter que depuis la loi de finances initiale pour 2016, les crédits budgétaires en faveur de l’audiovisuel public n’existent plus. La contribution à l’audiovisuel public (CAP), complétée par une part de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE), financent désormais intégralement l’audiovisuel public : ce mode de financement renforce encore l’urgence de la réforme, tant sur le plan financier que sur le plan de la justice fiscale.

Ce constat confirme l’inadéquation de l’assiette de la CAP avec l’offre désormais proposée par les opérateurs de l’audiovisuel public, telle qu’elle a évolué sous l’impulsion de la révolution numérique et technologique. L’assiette actuelle peut également, à moyen terme, constituer un risque pour le rendement de la CAP et mettre en danger les ressources dédiées à l’audiovisuel public.

Le Rapporteur plaide en faveur d’une réforme qui s’inscrirait dans une approche neutre du point de vue des supports utilisés pour accéder au service public audiovisuel. Chaque foyer fiscal paierait une fois la contribution quel que soit ce support, et quand bien même il en détiendrait plusieurs. Le seul fait générateur de la contribution serait l’accès au service audiovisuel public . Cette proposition, inspirée du modèle britannique, rejoint ainsi le premier scénario de réforme préconisé par Mme Irène Grenet dans son rapport de décembre 2014 (74). Le Rapporteur souhaite par ailleurs que soit instauré un demi-tarif (68 euros) pour les jeunes redevables jusqu’à 24 ans, non rattachés au foyer fiscal de leurs parents (jusqu’à 21 ans ou 25 ans lorsqu’ils sont étudiants), afin de ne pas pénaliser fiscalement les populations les plus précaires.

2. La prévisibilité et la sécurisation de la ressource publique : une question de survie pour l’ensemble des projets ambitieux de l’audiovisuel public

Le second point essentiel à une démarche projet efficace au sein de l’audiovisuel public est la prévisibilité et la stabilité de la ressource affectée à ce secteur. D’une part, le système de vases communicants entre les crédits budgétaires et le produit de la CAP a nui à la lisibilité et la stabilité des financements. Le financement intégral via les ressources du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public depuis 2016 a mis fin à ce facteur de déstabilisation. D’autre part, les décrochages par rapport à la trajectoire pluriannuelle initialement prévue par la précédente génération de contrats d’objectifs et de moyens ont été systématiques et conséquents. Dans le cas de France Télévisions, ils ont nécessité la conclusion d’un avenant pour la période 2013-2015. En 2014, l’écart entre le réel versé et la trajectoire initiale du COM s’élevait à 147 millions d’euros, et il était encore inférieur de près de 10 millions d’euros à celle inscrite dans le récent avenant.

Il est à noter que le groupe France Télévisions est également soumis à la variabilité de ses ressources publicitaires, qui représentent aujourd’hui un peu plus de 10 % de son budget.

À titre d’illustration, le graphique suivant récapitule les trajectoires financières de France Télévisions sur le précédent COM :

Source : Rapport d’information sur le « modèle économique de l’audiovisuel public adapté au 21e siècle » de MM. Jean-Marie Beffara et Eric Woerth.

Le Rapporteur insiste sur l’importance de la prévisibilité de la ressource publique, afin de permettre aux opérateurs de l’audiovisuel public de piloter leur entreprise et de mettre en œuvre des projets ambitieux. Cette ambition recouvre deux aspects principaux :

− la fiabilisation des contrats d’objectifs et de moyens conclus pour la période 2015-2019 et 2016-2020 : seul le non-respect des objectifs assignés, ou des engagements en matière d’économies structurelles initialement prévus, devrait justifier une trajectoire de ressources en diminution par rapport à la contractualisation pluriannuelle. Par ailleurs, toute modification de l’équilibre financier, émanant d’un changement de contexte économique ou de la mise en œuvre d’un nouveau projet doit faire l’objet d’un avenant et d’une re-prévision adéquate ;

− la sécurisation de la ressource publique : elle se traduit notamment par la pérennisation de l’affectation de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) a minima au niveau de 2016, soit 140,5 millions d’euros.

Ainsi, la prévision budgétaire des dépenses effective dans le cadre de la nouvelle chaîne d’information doit être respectée, et équilibrée avec une prévision de ressource stabilisée, afin de ne pas représenter un risque pour l’ensemble du secteur de l’audiovisuel public.

Le financement public de France Télévisions en 2016

Le mode de financement de France Télévisions évolue en 2016. En effet, la loi de finances a majoré le taux de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) de 0,9 % à 1,2 %, et a affecté à France Télévisions, par le biais du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, un montant de 74,3 millions d’euros par an, équivalent au produit attendu de ce relèvement du taux. Un amendement gouvernemental, adopté sur l’initiative du Rapporteur spécial, a permis d’annuler dès 2016 l’ensemble de la dotation budgétaire restante (40,5 millions d’euros) au profit d’une part supplémentaire de TOCE, mais également d’augmenter de 25 millions d’euros la dotation de France Télévisions. Cette dernière a été rendue possible par une hausse supplémentaire de la TOCE de 0,1 %, soit un taux global de 1,4 %.

Ainsi, la dotation publique de France Télévisions pour 2016 s’est élevée à 2 561 millions d’euros, soit une hausse de 1,2 % par rapport à la LFI 2015. Elle se répartit entre les deux taxes : 2 420,5 millions d’euros au titre de la CAP et 140,5 millions d’euros au titre de la TOCE. L’ensemble des crédits budgétaires du programme 313 ont été annulés en conséquence.

Source : rapport d’exécution pour l’exercice 2015 du Rapporteur spécial sur la mission Médias, livre et industries culturelles.

Plus largement, les restrictions budgétaires qui s’imposent à l’audiovisuel public dans le cadre de l’effort commun de rationalisation des dépenses obligent le secteur à s’interroger sur la diversification des ressources, notamment grâce au développement des ressources propres. Ces dernières recouvrent plusieurs volets :

– le développement des ressources commerciales, qui peuvent émaner soit du numérique, qui est un puissant relais de croissance, soit du développement de nouvelles activités, à l’instar des effets attendus de l’exploitation événementielle dont pourra faire l’objet la Maison de la Radio pour le groupe Radio France ;

– le développement des ressources liées à la production audiovisuelle, qui était l’une des propositions phare du rapport précité sur le financement public de l’audiovisuel. Lors des auditions menées par le Rapporteur dans le cadre de la mission d’information, la direction de France Télévisions a indiqué espérer une ressource supplémentaire de 10 millions d’euros par le biais du renforcement de sa filiale de distribution et de production ;

– la réflexion sur l’opportunité d’autoriser la publicité entre 20 heures et 21 heures sur les chaînes de France Télévisions, hors chaîne d’information en continu et chaîne jeunesse. Cette mesure, qui aurait comme conséquence d’accroître la compétitivité globale des écrans de France Télévisions, pourrait constituer une ressource s’élevant entre 70 et 100 millions d’euros selon les hypothèses.

Le Rapporteur a exposé à maintes reprises, et notamment dans le cadre du rapport précité de septembre 2015 sur le financement public de l’audiovisuel, sa position défavorable à un retour partiel de la publicité en soirée : en effet, la situation fragilisée du marché publicitaire couplée à la multiplication de l’offre audiovisuelle et digitale n’en fait pas une source pérenne et dynamique de financement. Cependant, si la ressource publique n’était ni stabilisée ni fiabilisée dans les années à venir, afin de permettre à l’audiovisuel public de mener à bien ses projets de développement, le débat sur le retour de la publicité sera inévitablement réactivé. Il pourrait alors aboutir à adopter cette solution court-termiste mais rentable, malgré son caractère préjudiciable pour le modèle économique du groupe et pour l’environnement concurrentiel partagé avec les chaînes privées.

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EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, lors de sa réunion du 13 juillet 2016, le rapport de la mission d’information sur la nouvelle chaîne publique d’information en continu.

M. Jean-Marie Beffara, rapporteur. Rapporteur spécial des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, il m’a semblé important de m’intéresser au lancement prochain de la nouvelle chaîne d’information en continu du service public, prévu pour le 1er septembre à 18 heures sur le canal 27 de la télévision numérique terrestre (TNT).

Au cours de cette mission, j’ai mené une quinzaine d’auditions. J’ai ainsi entendu les quatre opérateurs de l’audiovisuel impliqués, les services de la tutelle, les chaînes privées d’information en continu, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), mais également l’ensemble des syndicats représentatifs des deux principaux partenaires que sont France Télévisions et Radio France.

Les interrogations autour de cette nouvelle chaîne ont été nombreuses, et portent notamment sur son nom, sa numérotation, son coût, son incidence sur un univers médiatique où il existe déjà trois chaînes privées d’information en continu diffusées sur la TNT gratuite, depuis que le CSA a autorisé en avril dernier le passage en gratuit de LCI.

En cinq mois, ce seront donc deux nouvelles chaînes gratuites d’information en continu qui feront irruption dans le paysage audiovisuel, face au leader incontesté du marché qu’est BFM TV, du groupe Next Radio, et face à I-Télé, la chaîne du groupe Canal +.

Si ce projet inquiète, étonne parfois, il n’est pourtant pas nouveau. Il était sur le point d’aboutir en 2002, et a finalement été abandonné in extremis à quelques mois de son lancement au profit, en 2005, d’une nouvelle chaîne d’information internationale, France 24, souhaitée ardemment par le Président de la République de l’époque.

Cet abandon a eu pour conséquence de créer une exception – voire une anomalie – française, puisque la France est le seul pays européen à ne pas avoir de chaîne publique d’information en continu. Il apparaît cependant essentiel que la voix du service public apporte son éclairage sur l’actualité. Sur le principe du moins, personne, au cours des auditions, n’a remis en cause la légitimité de ce projet.

Le projet éditorial porté par Mme Delphine Ernotte dès la présentation de son document stratégique au CSA est cependant bien différent de celui d’il y a quinze ans, puisqu’il prend en compte les évolutions technologiques ainsi que les contraintes financières d’aujourd’hui.

Nouveaux supports de diffusion, mutualisation, optimisation, sont les maîtres-mots d’un projet innovant valorisant l’existant pour construire une offre nouvelle à moyens constants, ou du moins contenus.

« Franceinfo: » porte également une ambition inédite pour l’audiovisuel public : la collaboration étroite entre France Télévisions, colonne vertébrale du projet, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Il s’agit du premier projet commun aux groupes de l’audiovisuel public. Seul Arte manque à l’appel, mais j’y reviendrai.

Construite sur une logique de média global, la nouvelle chaîne combine à la fois une diffusion hertzienne, qu’il serait prématuré de négliger, et une solide offre numérique. Cette dernière s’appuie sur les sites existants de l’audiovisuel public : francetvinfo.fr et franceinfo.fr. Conçue également comme une offre mobile first, particulièrement adaptée à la consommation en mobilité et multisupport, elle se distingue en cela de ses concurrentes. Cette offre globale se veut donc en phase avec un large public, notamment les jeunes, pour qui l’accès à l’information ne passe plus par les grands rendez-vous de 20 heures.

La mise en œuvre du projet s’est faite dans des délais exceptionnellement rapides : à peine huit mois à compter de sa présentation. Si l’on peut saluer l’efficacité que cela révèle, les difficultés de communication engendrées n’ont pas toujours facilité notre travail.

La rapidité de mise en œuvre du projet n’a pas facilité non plus, et c’est plus préoccupant, le travail d’appropriation par les équipes touchées directement par ces mutations. La communication partielle a parfois été vécue comme un manque de transparence et a entraîné inquiétudes et crispations sociales.

Cela a été particulièrement prégnant sur le volet numérique, pour lequel les modalités de convergence des offres de Radio France et France Télévisions ont été finalisées il y a quelques jours. La convention a, par ailleurs, été conclue pour un an seulement, afin de permettre des marges d’adaptation. Cette clause de revoyure témoigne sans doute de la difficulté des négociations sur ce point.

Ma première proposition va donc dans le sens d’un renforcement de la cohésion sociale et d’un meilleur dialogue au sein et entre chaque entreprise. Les négociations collectives doivent se poursuivre sur les nouveaux métiers et la polyvalence. Des structures communes de dialogue réunissant les représentants du personnel, à l’image du comité d’analyse, de mise en œuvre et d’ajustement, mis en place uniquement au sein de France Télévisions, doivent se généraliser.

La première partie du rapport analyse l’ambition éditoriale de la nouvelle chaîne, qui veut se différencier de l’offre existante par un décryptage de l’information et un recul face à l’immédiateté de l’actualité chaude.

Ce sera possible grâce à la plus-value apportée par les quatre partenaires : France Télévisions, tout d’abord, apportera son expérience et la visibilité incontestable de ses antennes en matière d’information. Les 3 500 journalistes de ses rédactions, son ancrage à la fois local et ultramarin et ses 20 % de part d’audience du journal télévisé de 20 heures représentent une force de frappe évidente.

La station France Info, ensuite, est une référence dans le domaine de l’information, et de surcroît la seule offre d’information en continu du service public. Outre les rappels de titres – plus de quatre-vingt par jours –, les équipes de Radio France proposeront des tranches d’information produites et diffusées à la fois sur les antennes radio et sur celles de la chaîne d’information. La station participera également aux éditions spéciales via le « Live » de France Info. L’INA produira des programmes permettant, grâce aux images d’archives, d’éclairer l’événement présent dans une perspective historique. Cette participation prendra la forme de modules quotidiens et hebdomadaires. Enfin, France 24 en français sera diffusée entre minuit et 6 heures, évitant à la chaîne de fonctionner par rediffusion comme c’est le cas pour les chaînes privées. Elle fournira également des modules spécifiques sur des sujets internationaux.

Il s’agit donc d’une programmation ambitieuse, qui tire profit de l’ensemble des savoir-faire des opérateurs du service public.

J’ai cependant émis deux propositions en lien avec le volet éditorial. La première est de renforcer les obligations déontologiques dans le traitement de l’information. Préconisé par le CSA, ce renforcement doit être inscrit dans le cahier des charges de France Télévisions. Ce traitement éthique de l’information doit permettre d’incarner le label « service public » et prémunir de tout dérapage.

Ma seconde préconisation est d’associer Arte, aujourd’hui absente du projet, alors même qu’il s’agit d’un diffuseur reconnu de l’audiovisuel public. L’expérience de la chaîne en matière de décryptage de l’information pour les plus jeunes, acquise depuis 2014 par le lancement d’Arte Journal Junior, pourrait sans doute compléter utilement l’offre de « Franceinfo: ».

La seconde partie du rapport tente d’évaluer l’impact de l’arrivée de la nouvelle chaîne d’information pour les trois concurrents privés déjà diffusés sur la TNT gratuite. Ces trois chaînes sont financées par des recettes publicitaires : les risques de transferts d’audience liés à l’arrivée de la nouvelle chaîne publique ne sont donc pas neutres pour leurs ressources. Selon BFM TV, une perte de 0,1 point d’audience entraîne une perte de recettes publicitaires de l’ordre de 4 millions d’euros.

Au regard des comparaisons internationales et des évolutions du marché audiovisuel national exposées dans le rapport, l’audience globale des chaînes d’information en continu semble, en effet, plafonnée à 3 %, voire 3,2 %, 4 % au moment des pics d’actualité, l’audience étant très élastique en fonction de l’actualité.

Il est peu probable que l’offre du service public parvienne à conquérir une nouvelle audience sans capter une part de celle qui préexiste. Néanmoins, plus l’offre sera différenciée, moins le phénomène de vases communicants sera prégnant.

La chaîne d’information se financera sans publicité : il n’y aura donc pas de détournement des investissements des annonceurs. Pour autant, l’absence de publicité peut également représenter un avantage concurrentiel capable de capter l’audience. En revanche, la numérotation 27 attribuée par le CSA ne favorisera pas la chaîne publique, ni sa place de dernière arrivée sur le marché, mais celle-ci bénéficiera sans aucun doute de la notoriété des groupes de l’audiovisuel public.

Il est donc difficile, à ce stade, de mesurer les effets réels sur le marché de l’information en continu de la nouvelle offre du service public. Cette incertitude prédomine également sur le volet numérique, où le site de BFM TV bénéficie encore à ce jour d’un nombre de visites supérieures à francetvinfo.fr.

Un dernier point pourrait influer sur l’environnement concurrentiel, celui de la promotion croisée. Cette technique d’autopromotion entre les chaînes d’un même groupe sera possible pour France Télévisions, alors que TFl a renoncé à ce type de promotion dès 2010 avec ses autres chaînes de la TNT gratuite. Cette précaution, réitérée dans la convention établie entre LCI et le CSA, permet de ne pas fausser la concurrence face à I-Télé et BFM TV, qui ne sont pas adossées à une chaîne historique.

Je suggère que France Télévisions, dont le caractère public ne doit pas faire oublier qu’elle évolue dans un marché concurrentiel, renonce également à la promotion croisée, dans les mêmes conditions que TFl. Cette mesure permettrait de limiter les risques de distorsion de concurrence avec les chaînes privées.

La troisième partie du rapport traite du financement de cette chaîne d’information.

De nombreux aspects de la nouvelle chaîne reposant sur des synergies et des mutualisations avec les chaînes publiques existantes, il est impossible de fournir une évaluation du coût complet de la chaîne. Ce chiffrage n’aurait d’ailleurs que peu de sens car, par exemple, l’utilisation d’images produites pour le journal télévisé de France 2 ou celle d’un son de Radio France, déjà valorisés dans les charges de la chaîne pour laquelle ils sont produits, ne peuvent être valorisés une deuxième fois.

Nous nous sommes donc attachés à valoriser seulement le surcoût qui découle des moyens nouveaux dédiés à la chaîne d’infos. Le nombre de postes dédiés à la chaîne d’information est évalué à 213 équivalents temps plein (ETP), dont 175 à France Télévisions. Près de 63 % des postes seront consacrés au volet éditorial et 41 % de ces postes seront pourvus par voie de redéploiement à partir des effectifs existants. Ce taux atteint 50 % au sein de France Télévisions, permettant d’économiser la moitié du coût. À Radio France, les 28 postes dédiés proviennent d’un refléchage de postes initialement prévu pour le développement commercial.

Le montant des investissements initiaux nécessaires au lancement de la chaîne d’information s’élève quant à lui à 9,6 millions d’euros pour l’ensemble des partenaires.

Ainsi, l’impact financier total est évalué, pour l’ensemble des partenaires, à 16,5 millions d’euros en 2016, 25,6 en 2017 et 29,8 en rythme de croisière dès lors que le financement de la chaîne sera stabilisé. Grâce à la mutualisation et les redéploiements, le surcoût net devrait s’élever à 10,3 millions d’euros en 2016, à 15,9 en 2017, et à environ 14 par la suite, après la réalisation de l’ensemble des redéploiements. Pour rappel, les ressources publiques dédiées à l’audiovisuel public s’établissent, au terme de l’exécution 2015, à 3,8 milliards d’euros : la chaîne d’information représenterait donc un surcoût de l’ordre de 0,3 % et risque peu de déséquilibrer l’ensemble du secteur.

Cependant, il s’agit de groupes différents aux financements indépendants et non d’une entreprise unique. Certains ont une situation financière particulièrement fragilisée
– notamment Radio France – et tous sont engagés dans un effort de rationalisation des dépenses.

C’est pourquoi ma principale préconisation consiste en la mise en œuvre d’un suivi consolidé du coût et des objectifs à court et moyen terme. Ce suivi doit se concrétiser par une inscription dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de chaque partenaire ou par avenant pour les COM déjà conclus, des objectifs et de la trajectoire financière de la chaîne d’information. En effet, ces éléments sont issus de conventions bilatérales qui, contrairement au COM, n’ont pas vocation à faire l’objet d’un rapport d’exécution annuel et d’une communication au Parlement. L’inscription dans les COM permettrait donc d’identifier plus facilement les risques de dérapages pouvant résulter d’un sous-dimensionnement initial des moyens nécessaires.

Nous pourrions être plus ambitieux et demander qu’un COM thématique rassemble l’ensemble des opérateurs, de façon à réaliser une évaluation globale.

En conclusion, ce projet permet de rappeler les interrogations qui pèsent sur l’audiovisuel public.

L’assiette de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) tout d’abord, toujours fondée sur les téléviseurs, est obsolète, alors même que la nouvelle chaîne développe une stratégie de média global et mobile first. Le décalage est donc de plus en plus flagrant entre la base d’imposition et le service financé.

D’autre part, on peut toujours demander aux acteurs de l’audiovisuel public de gérer les risques de dérapages, mais il faut alors garantir des trajectoires pluriannuelles certaines. Depuis plusieurs années, les COM font souvent l’objet de décrochages financiers, sans que les objectifs soient revus pour autant. Il est donc nécessaire que, dans les années à venir, la part affectée de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) soit reconduite pour un montant au moins égal à celui de 2016.

Le prochain projet de loi de finances sera, bien évidemment, l’occasion d’aborder l’ensemble de ces sujets, et peut-être de faire un bilan des premiers mois de fonctionnement de « Franceinfo: ».

M. le président Gilles Carrez. Il est très utile de disposer de ce rapport aujourd’hui, avant le lancement de la chaîne au mois de septembre. Comme chaque année, nous mènerons des auditions à l’automne dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2017 ; nous pourrons entendre la présidente de France Télévisions et peut-être le président de Radio France sur le contrat d’objectifs et de moyens.

Vous prenez clairement position contre la mise en place de promotion croisée au sein du groupe. Cette position a-t-elle des chances d’être suivie ? Il pourrait être tentant, surtout au moment du démarrage de la chaîne, de pratiquer cette promotion croisée, quitte à ralentir ensuite ou à la supprimer complètement après quelques mois.

M. le rapporteur. Cette position relève du bon sens et de l’équité. Lorsque TF1 a demandé le passage de LCI sur les canaux de la TNT, LCI était à l’époque la seule chaîne d’information adossée à la puissance d’une chaîne historique. Il a donc été proposé, et TF1 a accepté, de renoncer à la publicité croisée pour ne pas bénéficier d’un avantage concurrentiel autre que celui de la ligne éditoriale. Maintenant, une deuxième chaîne d’information adossée à une chaîne historique va venir faire concurrence aux trois autres. Deux solutions se présentent : soit TF1 est libéré de ses engagements, ce qui déséquilibrerait totalement la situation des deux chaînes préexistantes, soit l’on considère que la précaution qui valait pour l’une devrait valoir pour l’autre. Je fais donc cette proposition, dont je ne sais pas, à ce stade, si elle fait l’objet d’un consensus.

M. Christophe Castaner. La partie du rapport consacrée à l’ancrage numérique de la chaîne me paraît très importante. Aujourd’hui, le changement du mode de consommation des médias est évident : je suis le père de jeunes adolescentes qui ne regardent plus l’écran noir. En revanche, elles sont toujours devant un écran. Cette méthode d’utilisation de l’information mélange le texte, le son et l’image et créé des modes de consommation très différents. La convergence de ces médias est un enjeu, et il est important que le rapport insiste sur ces aspects. Les grands médias français, et pas seulement ceux du service public, ont aujourd’hui des sites internet intéressants, mais qui ne sont pas forcément au niveau pour accompagner cette convergence que nous connaissons sur d’autres médias internationaux.

C’est un enjeu essentiel : faire un produit de grande qualité qui n’est pas consommé, donc qui n’est pas entendu, vu ou diffusé, poserait un vrai problème. Mais comment faire un produit différent de celui que nous subissons, alors que notre rapport au temps nous installe dans le « vu-pris-mis en ligne » ? Comment marquer la patte du service public ? S’il s’agit de faire ce que d’autres font déjà, ce n’est pas la peine d’engager des fonds publics, avec les conséquences en termes de transferts publicitaires et de fragilisation des différents acteurs.

Il est difficile pour le rapporteur de poser la condition de qualité, mais il faudrait a minima s’assurer d’une différence.

M. Charles de Courson. Vous avez dit que l’information en continu, dans la plupart des démocraties équivalentes, représente une part de marché de 3 % à 4 %. Il y a déjà deux intervenants : BFM TV et I-Télé. Quels sont les objectifs de ce nouveau média en termes de parts de marché ?

Cette chaîne sera entièrement financée par la contribution à l’audiovisuel public, qui est une taxe. Vous nous avez dit que son fonctionnement représentera 10 à 15 millions d’euros en net, ce qui ne présente pas de problème. Sera-t-elle donc financée par redéploiement et n’y aura-t-il pas de hausse de la redevance télévisuelle dans la loi de finances pour 2017 suite au lancement de cette nouvelle chaîne ?

M. le président Gilles Carrez. C’est la mutualisation qui explique l’absence d’affectation d’une quote-part de la redevance à cette chaîne. Sur le papier, nous voyons bien qu’il serait possible de tirer des complémentarités d’intervenants tels que France Télévisions, France Info, l’INA, peut-être Arte demain. Nous voyons bien le type de produit qui pourrait être imaginé. Mais, ces acteurs divers n’ont pas toujours l’habitude de travailler ensemble, et peuvent avoir des intérêts différents. Même si la part de marché reste limitée à 1 % ou 2 %, c’est toujours autant que ces acteurs risquent de perdre, je pense en particulier à France Info. Il me sera répondu que l’on ne regarde pas la télévision et la radio de la même manière, mais n’y a-t-il pas des facteurs qui risquent de faire que ces acteurs ne jouent pas le jeu de la mutualisation ? Or à défaut de mutualisation, les coûts vont s’envoler.

M. le rapporteur. Sur les partenariats, le temps qui a été nécessaire pour conclure un certain nombre de conventions, notamment entre Radio France et France Télévisions, témoigne des difficultés rencontrées. Visiblement, tout ne coule pas de source.

Il y a trois conventions : une sur la marque, une sur la diffusion et une sur les sites internet. La convention sur les sites internet a été la plus compliquée, et elle prévoit une clause de revoyure au bout d’un an. Mais a contrario de ces éléments de concurrence, les partenaires peuvent espérer des gains de visibilité. L’exposition de la radio sur la télévision et celle de la télévision à la radio donnent une plus grande visibilité. Par exemple, le site internet de France Info est trois fois moins visité que celui de la télévision. La réunion de ces deux sites sur une seule plateforme permettra à France Info en radio de gagner en visibilité. Les dirigeants des chaînes font le pari que la concurrence éventuelle sera compensée par les gains en termes d’exposition des uns et des autres.

S’agissant des coûts de la mutualisation, je veux être clair : si j’insiste sur le fait que ces éléments doivent être prévus par le contrat d’objectifs et de moyens et que nous devons avoir un suivi à moyen et long termes, c’est parce qu’il existe un risque de dérapage si les choses ont été mal dimensionnées au départ. Faute de suivi spécifique de la chaîne, nous pouvons imaginer que des postes seront pris dans d’autres services pour venir renforcer discrètement la chaîne d’information, et de ce fait, ses coûts de fonctionnement augmenteraient. Il faut donc absolument que le Parlement effectue ce suivi.

La présidente de France Télévisions a clairement dit, lundi, qu’elle ne faisait pas de l’audience une priorité pour cette chaîne d’information, misant plutôt sur la construction d’une offre globale autour de nouveaux médias et de l’internet. Le chiffre de 1 % de part d’audience a été évoqué comme une perspective, pas comme un objectif à court terme. Je rappelle que la chaîne publique d’information en continu ne sera pas financée par la publicité. Il n’y a donc pas d’incidence de l’audience sur les recettes de cette chaîne.

Enfin, des engagements extrêmement clairs ont été pris en termes de ligne éditoriale. La volonté n’est pas de faire du scoop, mais de l’information décryptée et prendre le temps de vérifier plutôt qu’être les premiers. Le CSA a donné un certain nombre d’indications sur le respect du droit des victimes, de la notion de témoignage éclairé et un certain nombre de mesures qui doivent permettre de garantir le service public contre tout dérapage tels que ceux que nous avons pu connaître dans d’autres médias.

Dernier point : la chaîne est conçue mobile first, les reportages sont pensés pour être d’abord consultés sur les téléphones mobiles ou les tablettes. C’est différent de la culture des autres médias français, qui raisonnent autour du modèle de la télévision puis s’adaptent en réduisant le format pour diffuser sur les supports numériques.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le rapporteur, nous vous remercions.

En application de l’article 146 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’information sur la nouvelle chaîne d’information en continu du service public audiovisuel.

*

* *

ANNEXE N° 1 :
LE TRAITEMENT DE L’INFORMATION SUR LES CHAÎNES DE FRANCE TÉLÉVISIONS

Légende :

France 2 France 3 France 5 France O

 

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

Samedi

Dimanche

7h00

JT1ères Martinique – Guadeloupe

 
           

8h00

Télé Matin Flash Info

 

9h00

             

10h00

             

11h00

         

LVEL (75)

 

12h00

12-13 Régional

12-13 National

12-13 Régional

12-13 National 12-13 Dimanche

 

Info Midi

13h00

13 Heures semaine

13 Heures week-end 13h15

14h00

         

TCF (76)

 

15h00

             

16h00

         

Envoyé spécial

 

17h00

             

18h00

C Dans l’air

 

C Politique

18h30

Info soir

Info Soir

19h00

19-20 Régional

19-20 National

19-20 Régionale

19-20 National

20h00

20 Heures semaine

20 Heures week-end

20h55

 

Magazine investigations

Envoyé DPDA

spécial

 

Le Grand Soir 3

Soir 3 week-end

 

Soir 3 Régional

 

22h45

 

Case Magazines d’Info

CDE DPDA (77)

 

Magazine investigations

Un Œil sur la planète

C Dans l’air rediffusions

Soir3 week-end

ANNEXE N° 2 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

Institut national de l’audiovisuel (INA) : M. Laurent Vallet, directeur général

Cabinet de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication : MM. Roland Husson, directeur-adjoint de cabinet, et Romain Laleix, conseiller chargé de l’audiovisuel et du cinéma

Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) : M. Martin Ajdari, directeur général

BFM TV : M. Guillaume Dubois, directeur général

CGT France Télévisions : MM. Marc Chauvelot, délégué syndical central, et Jean-Hervé Guilcher, secrétaire du comité d’établissement du Pôle Nord-Ouest

FO France Télévisions : MM. Éric Vial, délégué syndical central, et Jean-Michel Seybald, délégué syndical central

Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) : M. Guillaume Blanchot, directeur général

Société des journalistes de Francetv Info : MM. Ilan Caro, président, et Bastien Hugues, journaliste à Francetv Info

CFDT Médias France Télévisions : M. Patrice Christophe, secrétaire général, Mme Yvonne Roehrig Siebert, secrétaire générale adjointe, et M. Thierry Vildary, délégué syndical central

France Médias Monde : Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale, M. Victor Rocaries, directeur général délégué, et Mme Geneviève Goëtzinger, directrice des relations institutionnelles

Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) : MM. Guillaume Blanchot, directeur général, et Tristan Julou, chargé de mission à la direction des programmes

Radio France : M. Mathieu Gallet, président directeur général, Mmes Maïa Wirgin, secrétaire générale, membre du comité exécutif, Sibyle Veil, directrice déléguée chargée des opérations et finances, MM. Laurent Guimier, directeur de France Info, Oliver Zegna-Rata, directeur des affaires institutionnelles et des affaires internationales, et Mme Marie Lhermelin, chargée des relations institutionnelles

LCI : MM. Jean-Michel Counillon, secrétaire général, et Nicolas Charbonneau, directeur général

I-Télé : MM. Guillaume Zeller, directeur de la rédaction, et Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations institutionnelles de Bolloré Média

CGT Radio France : M. Lionel Thompson, délégué national central, et Mme Frédérique Marié, journaliste à France Info

France Télévisions : Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente, MM. Christian Vion, directeur général délégué à la gestion et aux moyens, Francis Donnat, secrétaire général, et Germain Dagognet, directeur délégué à l’information

UNSA de Radio France : Philippe Ballet, délégué syndical central

SNJ de Radio France : Mme Célia Quilleret, journaliste à France Info, et M. Raphaël Ebenstein, journaliste à France Info

1 () Décret n°2002-752 du 2 mai 2002 portant approbation du cahier des charges de la société provisoirement dénommée "La Chaîne d'information continue".

2 () Article 30 : « Dans le cadre de partenariats avec La Chaîne parlementaire, RFO, TV 5, CFI, RFI et Radio France, notamment avec France Info, La Chaîne d'information continue met à disposition de ces sociétés des éléments de ses programmes et bénéficie en retour d'éléments des programmes produits par ces sociétés, selon des modalités fixées par convention. »

3 () Rapport sur la Télévision Numérique Terrestre, présenté au premier Ministre le 18 octobre.

4 () Il s’agit de LCI.

5 () Op.cit. – p.36.

6 () Chapitre IV du cahier des charges (article 23 à 28).

7 () Depuis 2008, cette chaîne est détenue à 100 % par l’État via l’agence des participations de l’État.

8 () Projet stratégique pour France Télévisions, Octobre 2015- Delphine Ernotte Cunci.

9 () Rapport d’information n° 709 fait au nom de la commission de la culture du Sénat sur le financement de l’audiovisuel public par MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux - septembre 2015.

10 () Rapport à la demande du Gouvernement :  France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition - février 2015.

11 () Cette précision a son importance puisque la France a, par le biais de France 24, une chaîne d’information internationale en continu. Cependant, celle-ci n’était pas diffusée sur le territoire national depuis sa création en 2005 jusqu’en septembre 2014, date à laquelle sa diffusion a été autorisée sur la TNT mais uniquement en Île-de-France (canal 33).

12 () « Un modèle économique de l’audiovisuel public adapté au 21e siècle » Rapport d’information n° 3098 présenté par M. Jean-Marie Beffara, Rapporteur, et M. Éric Woerth, Président – septembre 2015.

13 () Novembre et décembre 2015.

14 () Médiamétrie 126.000 - vague nov.-déc. 2014, audience cumulée du lundi au vendredi 5h-24h, 13 ans et plus.

15 () Rapport de la commission économique du CCE – 6 et 7 avril 2016.

16 () Émission de plateau.

17 () Selon les chiffres présentés par Radio France, le « Live » génère chaque mois près de 1,5 million de vues sur l’offre en direct ; cette antenne vidéo n’a porté aucun préjudice à la consommation du support radio sur les supports numériques - 2,1 millions de lecture audio par mois en moyenne sur l'année 2015, soit une augmentation de + 400 000 lectures audio par rapport à la moyenne mensuelle de l'année 2014.

18 () « Le journalisme s’adapte à la convergence des medias », par Isabelle Repiton (http://www.ina-expert.com/e-dossier-de-l-audiovisuel-les-metiers-de-l-audiovisuel-a-l-heure-du-media-global/le-journalisme-s-adapte-a-la-convergence-des-medias.html)

19 () Évaluation par les pairs des valeurs des MSP (médias de service public), Union européenne de radio-télévision (UER), novembre 2015 ; Rapport annuel 2015, RTBF.

20 () Le cross-media est la combinaison des médias (papier, web, télévision, cinéma, radio, téléphonie…). L’enjeu d’une stratégie cross-media est de favoriser les synergies entre les médias, permettant d’améliorer l’impact d’un message. Ce message pourra être mieux ciblé en fonction de la typologie du destinataire (tranche d’âge, région, goûts, heure d’écoute…), voire personnalisé et interactif.

21 () La RTBF a construit un studio de télévision dédié qui répond aux besoins du nouveau concept de radio filmée. Il combine les exigences de la radio en matière de qualité du son et celles de la télévision en matière de qualité d'image. Il peut être aisément rapproché du projet de rénovation du studio de Radio France en vue de la mise en œuvre de la chaîne d’information (cf. infra).

22 () Exemple de sujets : le référendum britannique relatif à la sortie de l’Union européenne, les victimes pakistanaises de l’ « honor killings » ou encore un sujet retraçant l’histoire d’un réfugié syrien devenu cuisinier dans un restaurant français.

23 () Le concept mobile first consiste à concevoir un site en concevant en priorité la version mobile et en adaptant progressivement celui-ci pour les écrans plus large. Cette façon de procéder est contraire à la manière ordinaire qui consiste à dégrader progressivement un site web pour l'adapter à un affichage sur des écrans plus petits. Cette approche peut être utile pour les sites web et applications web qui sont principalement utilisées sur mobile. Elle a l'avantage d'ajouter des effets/fonctionnalités pour les grands écrans au lieu d'en supprimer pour les petits.

24 () ACPM Classements Numériques OJD février 2016 - Special Sites Medias.

25 () Chiffres de l’Alliance pour les chiffres de la Presse et des Médias (ACPM).

26 () Op.cit. (p. 50 et suivantes).

27 () Troisième vague d’études de l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers, décembre 2014.

28 () Médiamétrie, communiqué de presse du 21 janvier 2016 « L’année TV 2015 : une télévision multi-écrans pour des contenus consultables à l’envie ».

29 () Communiqué du CSA du 6 juillet 2016- Autorisation pour la nouvelle chaîne publique d’information de France Télévisions

30 () ACPM Classements Numériques OJD février 2016 - Special Sites Medias

31 () Avenant n° 1 signé le 22 février 2008 (art. 2-1-2), avenant n° 2 signé le 21 décembre 2009 (art. 2-3-3 bis), avenant n° 3 signé le 30 septembre 2009 (art. 1-1, cinquième et sixième parties), avenant n° 3 (bis) signé le 23 mars 2010 (art. 3-1-3), avenant n° 4 signé le 25 juillet 2011 (art. 3-4-1 à 3-4-8) [avenant conclu pour une durée d’un an], avenant n° 5 signé le 14 janvier 2013 (art. 1-1, art. 5-1 à 5-7 sur la TMP supprimés, art. 6-1 devient l’art. 5-1), avenant n° 6 signé le 17 janvier 2013 (art. 3-4-1 à 3-4-8 : avenant applicable jusqu’au 31 décembre 2013), avenant n° 7 signé le 29 janvier 2014 (stipulations données associées applicables jusqu’au 31 décembre 2015) et l’avenant n° 8 signé le 18 novembre 2015 (art. 1-1, 2-1-1, 2-1-2, 3-1-2, 3-4-9).

32 () Partie 3, Stipulations particulières ; I, Programmes ; Article 3-1-1, Nature et durée de la programmation.

33 () Cette nouvelle appellation prendra effet le 5 septembre 2016 ; elle a été révélée lors de la conférence de presse annonçant les programmes de la rentrée 2016-2017, le lundi 27 juin.

34 () Une chaîne de télévision payante est une chaîne de télévision dont l'accès est (au moins partiellement) assujetti à une commercialisation, soit par abonnement, soit en paiement à la séance (pay-per-view, c'est-à-dire achat « impulsionnel » sur le principe de la VoD).

35 () Avenant n° 1 signé le 22 février 2008 (art. 2-1-2), avenant n° 2 signé le 25 janvier 2010 (art. 2-3-3 bis), avenant n° 3 signé le 16 février 2010 (art. 3-1-3), avenant n° 4 signé le 30 septembre 2009 (art. 1, cinquième et sixième parties), avenant n° 5 signé le 28 avril 2011 (art. 3-1-3), avenant n° 6 signé le 24 juin 2011 (art. 3.4-1 à 3-4-8) [avenant conclu pour une durée d’un an], avenant n° 7 signé le 29 mai 2012 (art. (5-1 à 5-7), avenant n° 8 signé le 4 septembre 2012 : les articles 3-4-1 à 3-4-8 (données associées) sont prorogés jusqu’au 31 décembre 2013, avenant n° 9 signé le 13 mars 2014 (stipulations données associées applicables jusqu’au 31 décembre 2015), avenant n° 10 signé le 4 février 2015 (art. 1-2 1er alinéa), avenant n° 11 signé le 18 novembre 2015 (art. 1-1, art. 2-1-1, art. 2-1-2, art. 3-1-2, art. 3-4-9).

36 () Partie 3, Stipulations particulières ; I, Programmes ; Article 3-1-1, Nature et durée de la programmation.

37 () « I-Télé, la chaîne d'info en continu » sur le site officiel d'I-Télé (dans sa version du 13 décembre 2007, archivée par Internet Archive).

38 () Propos de la nouvelle directrice de l’époque, Mme Cecilia Ragueneau, recueillis par Paule Gonzales, « La chaîne d’info I-Télé parie sur le décryptage », pour Le Figaro.

39 () Avenant n°1 signé le 29 novembre 2007 (art. 3-1-3), avenant n°2 signé le 11 mars 2008 (art. 2-1-2), avenant n°3 signé le 28 novembre 2009 (art. 3-2-1), avenant n°4 signé le 19 février 2010 (art. 3-1-3), avenant n°5 signé le 2 avril 2014 (art. 3-4-1, art. 3-4-2, art. 3-4-3, art. 3-4-4, art. 3-4-5, art. 3-4-6, art. 3-4-7, art. 3-4-8).

40 () Le Conseil d’État a annulé ces deux décisions pour un motif de procédure : leurs études d’impact n’ont été publiées qu’en même temps qu’elles, alors que la loi prévoit une publication de ces études avant que le CSA ne prenne ses décisions (CE, 17 juin 2015, n°384826).

41 () Décision n° 2015-526 du 17 décembre 2015 relative à la demande d'agrément de modification des modalités de financement du service de télévision hertzienne terrestre La Chaîne info (LCI).

42 () Loi n° 2000-719 modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

43 () Les cahiers des missions et des charges de France 2, France 3 et France 5 ont été remplacés par un cahier des charges unique de France Télévisions adopté par le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009. Il a été modifié par quatre décrets entre 2010 et 201. Il le sera une nouvelle fois dans le cadre de la mise en œuvre de la chaîne d’information en continu.

44 () Article 31 de la loi du 30 septembre 1986.

45 () Article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986.

46 () Article 3-1-4 de la convention consolidée de BFM TV.

47 () Article 3-1-4 de la convention consolidée d’I-Télé.

48 () Article 20 de l’avenant n° 6.

49 () Chiffres fournis lors des auditions menées par le Rapporteur

50 () Rapport d’information sur « le modèle économique de l’audiovisuel public au 21e siècle », op.cit.

51 () Rapport d’information sur « le modèle économique de l’audiovisuel public au 21ème siècle », op.cit. (« Des perspectives de recettes publicitaires digitales qui demeurent marginales mais qui peuvent être amenées à monter en puissance », p. 86 et suivantes).

52 () Rapport de la Cour des comptes, Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle : des changements nécessaires, avril 2014.

53 () Entre 1999 et 2004, la DEI des chaînes historiques gratuites était stable autour de 3 heures par individu et par jour, tandis que celle des chaînes payantes est passée de 8 minutes à 23 minutes.

54 () Les États-Unis sont écartés en raison de la taille de leur marché publicitaire, susceptible de permettre à une chaîne de réaliser des recettes publicitaires suffisantes pour une part d’audience plus faible que dans les pays européens, laissant ainsi un nombre plus élevé de chaînes atteindre l’équilibre.

55 () Avis n° 2016-9 du 4 mai 2016 relatif à la modification des cahiers des charges des sociétés nationales de programme France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (http://www.csa.fr/Espace-juridique/Avis-du-CSA-au-Gouvernement/Avis-n-2016-9-du-4-mai-2016-relatif-a-la-modification-des-cahiers-des-charges-des-societes-nationales-de-programme-France-Televisions-Radio-France-et-France-Medias-Monde).

56 () Rapport de MM. Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, op.cit. (« La vision économique : le risque de dévalorisation accrue du marché et un profit moindre pour France Télévisions » - p. 95 et suivantes).

57 () La plupart des chaînes lancées en 2012, aux thématiques très hétérogènes, sont encore en phase de croissance et ne peuvent pas être prises en compte.

58 () Avis 15-A-14 du 21 octobre 2015 relatif à une demande d'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur le fondement de l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986 sur la demande de passage sur la plateforme de TNT gratuite des chaînes LCI, Paris Première et Planète +.

59 () Information/consultation sur le projet de lancement de la chaîne d’information-France Télévisions- CCE du 15 janvier 2016.

60 () Selon les comptes définitifs 2015 arrêtés par France Télévisions.

61 () 32 créations de poste selon le projet initial présenté le 15 janvier 2016.

62 () Rapport de la commission économique du comité central d’entreprise (CCE) de France Télévisions des 6 et 7 avril 2016.

63 () Document « Chaîne info France Télévisions - Synthèse » à destination des salariés – CFDT Media de France Télévisions - 13 juin 2016

64 () Objectif 3.1.1 de l’avenant au COM de France Télévisions 2013-2015.

65 () Le plan de départs volontaires prévoyait un total de 339 départs, dont 35 n’ont pas été réalisés.

66 () Selon le communiqué du syndicat national des journalistes (SNJ), 90 % des journalistes de France Bleue étaient en grève, les quarante-quatre radios locales ayant été mobilisées.

67 () III-B de la première partie du présent rapport.

68 () Trois organisations syndicales de France Télévisions sont à l’origine de la création du CASMOA : la CGT, FO et le syndicat national des journalistes (SNJ). La quatrième organisation syndicale représentative au sein du groupe (CFDT) n’a, quant à elle, pas soutenu le projet.

69 () Cf . II-C Partie 3 du présent rapport.

70 () Groupe de travail coordonné par Marc Schwartz, France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition 
– février 2015.

71 () Avis n° 2016-9 du 4 mai 2016 relatif à la modification des cahiers des charges des sociétés nationales de programme France Télévisions, Radio France et France Médias Monde.

72 () La version adoptée en commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale avait même prévu d’étendre ces comités aux radios locales, mais cette disposition n’a pas été adoptée en séance.

73 () « Un modèle économique de l’audiovisuel public adapté au 21e siècle »- Rapport d’information n° 3098 déposé par la commission des finances de l’Assemblée nationale, présenté par M. Jean-Marie Beffara, Rapporteur, et M. Éric Woerth, Président – septembre 2015.

74 () Irène Grenet, « La réforme de la redevance audiovisuelle, panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l'ère numérique », avril 2015, étude réalisée à la demande des sociétés de l'audiovisuel public.

75 () « La voix est libre ».

76 () « Tout compte fait ».

77 () « Complément d’enquête » et « Des paroles et des actes ».


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