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N° 302

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 octobre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2013 (n° 287)

TOME I

RECETTES ET ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

Par M. GÉrard BAPT,

Député.

___

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 1er à 6, 8, 9, 11 à 36, 75 et 76 figurent dans le rapport de M. Gérard Bapt, sur les recettes et l’équilibre général (n° 302, tome I).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 7, 10, 37 à 51, 56 à 59 et 65 à 70 figurent dans le rapport de M. Christian Paul, sur l’assurance maladie et les accidents du travail (n° 302, tome II).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 52 à 55 figurent dans le rapport de Mme Martine Pinville, sur le secteur médico-social (n° 302, tome III).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 60 à 64, 73 et 74 figurent dans le rapport de M. Michel Issindou, sur l’assurance vieillesse (n° 302, tome IV).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 71 et 72 figurent dans le rapport de Mme Geneviève Levy, sur la famille (n° 302, tome V).

Le tableau comparatif et l’annexe consacrée aux amendements examinés en commission figurent dans le fascicule n° 302, tome VI.

INTRODUCTION 7

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

I.- AUDITIONS 15

A. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 15

B. AUDITION DES MINISTRES 45

II.- EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL 79

PREMIÈRE PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2011 79

Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2011 79

Article 2 : Approbation du rapport figurant en annexe A, retraçant la situation patrimoniale des régimes et organismes de sécurité sociale et décrivant les modalités de couverture du déficit constaté de l’exercice 2011 90

DEUXIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2012 93

Section 1 : Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier de la sécurité sociale 93

Article 3 (art. L. 245-16 du code de la sécurité sociale ; art. L. 351-7 du code de la construction et de l’habitation ; art. L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles ; art. 1600-0 S [nouveau] du code général des impôts ; art. 22 de la loi n° 2010-1657 de finances pour 2011 ; art. 1er de la loi n° 2012-958 de finances rectificative pour 2012) : Clarification des impositions et taxes affectées à l’État et à la sécurité sociale 93

Article 4 : Prélèvement exceptionnel au profit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales 106

Article 5 : Rectification des prévisions de recettes et des tableaux d’équilibre pour 2012 111

Article 6 : Objectif d’amortissement rectifié de la Caisse d’amortissement de la dette sociale et prévisions de recettes rectifiées affectées au Fonds de réserve pour les retraites et mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse 116

Article 8 (art. L. 815-29 et L. 821-5 du code de la sécurité sociale ; art. 32 de la loi n° 2009-1646 de financement de la sécurité sociale du 24 décembre 2009) : Rationalisation des modalités de prise en charge par l’État, au titre de la gestion des prestations servies pour son compte, des pertes sur créances d’indus enregistrées par les organismes de sécurité sociale 119

Article 9 : Prévisions rectifiées des objectifs de dépenses par branche 121

TROISIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR 2013 124

Section 1 : Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement 124

Article 11 (art. L. 131-6, L. 133-6-8, L. 612-3, L. 612-4, L. 612-5, L. 612-13, L. 722-4, L. 756-3, L. 756-4 et L. 756-5 du code de la sécurité sociale) :  Alignement des prélèvements sociaux à la charge des travailleurs non salariés non agricoles 124

Après l’article 11 152

Article 12 (art. L. 651-1, L. 651-2-1 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale) : Modernisation et simplification de l’assiette de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés dans le secteur des assurances et clarification de l’affectation du produit des placements financiers de cette contribution 160

Après l’article 12 166

Article 13 (art. 231 du code général des impôts ; art. L. 131-8 du code de la sécurité sociale) Élargissement de l’assiette et renforcement de la progressivité de la taxe sur les salaires 168

Après l’article 13 178

Article 14 (art. L. 136-2, L. 136-5, L. 137-18 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale) : Réforme des prélèvements sociaux applicables aux carried interests 179

Article 15 (art. L. 133-7 du code de la sécurité sociale) : Suppression de l’assiette forfaitaire pour les salariés des particuliers employeurs 183

Après l’article 15 195

Article 16 (art. L. 14-10-4 et L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles) Contribution additionnelle sur les pensions de retraite et d’invalidité au profit de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie 202

Article 17 (art. L. 381-32, L. 382-31 [nouveau] et L. 412-8 du code de la sécurité sociale ; art. L. 2123-25-2, L. 2123-26, L. 2123-27, L. 2123-29, L. 2321-2, L. 2573-8, L. 3123-20-2, L. 3123-21, L. 3123-22, L. 3321-1, L. 3512-1, L. 4135-20-2, L. 4135-21, L. 4135-22, L. 4135-25 et L. 4321-1 du code général des collectivités territoriales) Élargissement de la couverture sociale des élus locaux 217

Article 18 (art. 28 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012) Alignement des taux de cotisations au régime général d’assurance maladie des salariés de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris 225

Article additionnel après l’article 18 (art. 37 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012) : Prolongation de la possibilité pour les pédicures-podologues de s’affilier au Régime social des indépendants 229

Article 19 (art. 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières) : Augmentation de la contribution tarifaire d’acheminement 230

Après l’article 19 235

Article 20 (art. L. 136-2, L. 137-15 et L. 137-16 du code de la sécurité sociale) Régime social de l’indemnité spécifique versée à l’occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail 236

Article 21 (art. L. 862-2 à L. 862-7 du code de la sécurité sociale) : Réforme des modalités de remboursement de la couverture maladie universelle complémentaire aux organismes gestionnaires 242

Article additionnel après l’article 21 (art. 995 du code général des impôts) : Exonération de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance des contrats couvrant les étudiants 248

Article 22 (art. 575 et 575 A du code général des impôts) : Mesures relatives à la fiscalité des tabacs 252

Article 23 (art. 520 A du code général des impôts ; art. L.241-2 du code de la sécurité sociale ; art. L. 731-3 du code rural et de la pêche maritime) Hausse de la fiscalité sur les bières 258

Article additionnel après l’article 23 (art. 520 C [nouveau] du code général des impôts) : Mise en place d’une taxe spécifique sur les boissons énergisantes 272

Article 24 (art. 1600-0 N et 1635 bis AE du code général des impôts ; art. L. 138-4, L. 138-12, L. 138-13, L. 245-5-1, L. 245-5-5 et L. 245-6 du code de la sécurité sociale) Simplification et sécurisation de la fiscalité relative aux produits de santé 275

Article additionnel après l’article 24 (art. L. 245-6 du code de la sécurité sociale) : Majoration du taux de la contribution due au titre du chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques 285

Article 25 : Fixation du taux K 293

Article 26 Approbation du montant de la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale 297

Section 2 : Prévisions de recettes et tableaux d’équilibre 303

Article 27 : Fixation des prévisions de recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base, du régime général et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base 303

Article 28 : Approbation du tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base 310

Article 29 : Approbation du tableau d’équilibre du régime général 312

Article 30 : Approbation du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base 317

Article 31 : Objectif d’amortissement de la dette sociale et affectation de recettes au Fonds de solidarité vieillesse et au Fonds de réserve pour les retraites 319

Article 32 : Approbation du rapport fixant un cadrage quadriannuel (annexe B) 321

Section 3 : Dispositions relatives à la trésorerie et à la comptabilité 325

Article 33 (art. L. 723-11, L. 726-2, L. 731-2, L. 731-3, L. 731-10, L. 731-13, L. 731-38, L. 731-45, L. 741-1, L. 762-11, L. 762-12, L. 762-21, L. 762-24, L. 762-33 du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 134-6, L. 134-9, L. 134-11-1 et L. 241-6 du code de la sécurité sociale) : Réforme du financement de la gestion administrative, de l’action sanitaire et sociale et du contrôle médical de la Mutualité sociale agricole 325

Article 34 (art. L. 255-2 du code de la sécurité sociale) : Avance consentie par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines et suppression de l’obligation de « vidage » des comptes des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales et des caisses générales de sécurité sociale 330

Article 35 (art. L. 114-5 et L. 114-8 du code de sécurité sociale) : Certification des comptes de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie 335

Après l’article 35 338

Article 36 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l’emprunt 339

QUATRIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR 2013 346

Section 6 : Dispositions relatives à la gestion interne des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement ainsi qu’au contrôle et à la lutte contre la fraude 346

Article 75 (art. L. 242-1-2, L. 243-7-5 [nouveau], L. 243-7-6 [nouveau], L. 243-7-7 [nouveau] du code de la sécurité sociale ; art. L. 725-3-2, L. 725-22-1 [nouveau] et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime) : Élargissement et majoration des redressements de cotisations sociales en cas de fraude 346

Article 76 (art. L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale) : Annulation des exonérations des entreprises en cas de manquement à leurs obligations, en tant que donneur d’ordre, en matière de prévention du travail dissimulé 349

Après l’article 76 351

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 355

INTRODUCTION

Y aurait-il quelque audace, sinon quelque présomption, à vouloir inaugurer de nouvelles fonctions de rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les recettes et l’équilibre général en assignant, à l’horizon de la fin de la présente législature, un objectif de retour à l’équilibre de nos comptes sociaux ?

La question se pose, car le prédécesseur de votre rapporteur dans ces mêmes fonctions s’était précisément placé dans cette perspective, à l’automne 2007, avant d’être amèrement démenti par la crise économique et, surtout, par les inconséquences de la précédente majorité.

Ni audace, ni présomption : le retour à l’équilibre constitue simplement une nécessité, celle du respect de nos engagements européens, mais plus encore d’une règle de bonne gestion que la Cour des comptes rappelle inlassablement, à savoir le devoir de ne pas reporter sur les générations futures le financement de dépenses courantes que sont les prestations sociales.

Ni audace, ni présomption : le retour à l’équilibre n’est pas un « impossible rêve » ou une « inaccessible étoile », tout simplement parce qu’il y a de bonnes raisons d’espérer que la présente législature permette d’y parvenir. En effet, non seulement le sentier, pour périlleux et escarpé qu’il soit, n’en est pas moins clairement tracé, mais par rapport à la décennie précédente, ce retour à l’équilibre se déroule sous les auspices d’un impératif essentiel, celui de la justice, particulièrement pertinent en matière de protection sociale.

Hier, aujourd’hui, demain : malgré une situation très dégradée à l’issue de deux législatures aussi indifférentes à l’équilibre qu’à l’équité, voici un projet de loi de financement qui confirme le tournant du printemps dernier et qui ouvre la voie à un retour à l’équilibre dans la justice.

1. Hier : dix années d’indifférence à l’équilibre et à l’équité

2002 : le déficit des quatre branches de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ne dépasse pas 5 milliards d’euros et il peut en outre être porté au crédit du gouvernement de M. Lionel Jospin d’avoir programmé, au travers de la mise en place du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), notre système de retraite aux conséquences du vieillissement des baby-boomers, tout en ayant promu des avancées sociales fondamentales telles que la couverture maladie universelle (CMU) et de nombreuses mesures en faveur des familles (création du congé de paternité, pérennisation de la majoration de l’allocation de rentrée scolaire et de l’indexation de la base mensuelle des allocations familiales sur les prix, ...).

2007 : le déficit cumulé des cinq exercices précédents dépasse, sur le même champ, 60 milliards d’euros. Entre-temps, les exonérations, réductions et abattements de cotisations et contributions se sont multipliés, pendant que les réformes adoptées durant cette législature soit invoquaient les contraintes financières à l’appui de l’injustice (loi de 2003 sur les retraites), soit les ignoraient, par manque d’ambition (loi de 2004 sur l’assurance maladie) ou par manque de moyens (mise en place de la prestation d’accueil du jeune enfant).

2012 : le déficit cumulé des cinq exercices précédents dépasse, toujours sur le champ du régime général et du FSV, 110 milliards d’euros, soit 170 milliards pour les années 2002-2012, produit d’un cocktail explosif à base de nouvelles pertes de recettes – à commencer, pour plus de 3 milliards d’euros pour les seuls régimes et organismes sociaux, par la contreproductive exonération des heures supplémentaires –, de réformes brutales et injustes (instauration des franchises médicales dans un contexte où le renoncement aux soins progresse, loi de 2010 sur les retraites prétendument financée) et, pour la branche famille, d’incantations tenant lieu d’action mais ne parvenant pas à masquer des déficits croissants. Même la branche des accidents du travail a accumulé des déficits, certes modestes en valeur absolue au regard de ceux des autres branches, mais sans précédent dans cette branche, qui, n’a échappé que de peu à la reprise de ses déficits par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), qui aurait gravement contrevenu à sa logique assurantielle.

Et la crise, pourra-t-on sans doute objecter ? Assurément, que ne l’aura-t-on évoquée ad nauseam... jusqu’à ce que la Cour des comptes, alors encore présidée par Philippe Séguin, vienne établir les faits : seul un tiers de la dérive des comptes pouvait, en réalité, lui être imputée, d’autant que les dix-huit premiers mois de cette législature en ont été épargnés.

Dans ces conditions, en 2010, la majorité d’alors, qui avait pris l’initiative, cinq ans plus tôt, d’inscrire dans la loi organique de 2005 la conditionnalité de tout transfert de dette à la CADES à l’augmentation de ses ressources, a préféré reporter sur le futur une inévitable hausse des prélèvements et n’a dès lors pas eu d’autre choix que de revenir sur cette règle, allongeant ainsi de quatre ans l’échéance de remboursement de la dette. Bel exemple de rigueur de la part d’une majorité pourtant toujours prompte à donner des leçons de gestion, à plaider pour des « règles d’or » aussi vaines que fragiles et à instruire des procès en incompétence !

Le bilan est accablant : un déficit structurel de 0,6 % du produit intérieur brut (PIB) pour des régimes sociaux qui, comme le fait observer la Cour des comptes, « devraient être au moins en équilibre structurel, voire en excédent si on considère que les régimes de retraite devraient accumuler des réserves pour faire face aux dépenses futures liées au vieillissement de la population » ; une dette sociale de près de 150 milliards d’euros, dont le coût annuel pour notre pays se mesure de façon très simple, puisque c’est celui correspondant à l’amortissement du principal et au remboursement des intérêts : 0,8 % du PIB, soit plus de 16 milliards d’euros, en 2012.

Or, 16 milliards d’euros, c’est quasiment, à 1 milliard d’euros près, le déficit de l’ensemble formé par le régime général et le FSV. Autrement dit, sont d’ores et déjà prélevés sur la richesse nationale des moyens financiers qui seraient suffisants à assurer le financement courant de notre protection sociale si nous n’étions pas contraints par la charge de la dette.

2. Aujourd’hui : un projet de loi de financement qui confirme le tournant pris au printemps dernier

Avant même le présent projet de loi de financement, le Gouvernement n’a pas tardé à respecter, dans le domaine social, les engagements pris par le Président de la République :

– dès un décret du 27 juin, la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, financée intégralement et de façon pérenne par une majoration du taux du prélèvement social sur les revenus du capital, sans détériorer ainsi une nouvelle fois les comptes d’une branche famille déjà bien dégradés.

– le retour partiel à la retraite à 60 ans, par décret en date du 2 juillet, lui aussi financé intégralement et de façon pérenne par une augmentation des cotisations sociales patronales et salariales à compter du 1er novembre prochain.

Au-delà de ces mesures immédiates et très attendues, la conférence sociale des 9 et 10 juillet, associant les partenaires sociaux et l’ensemble des parties prenantes, a tracé les premières orientations d’un retour à l’équilibre des comptes.

Ensuite, le collectif budgétaire discuté en juillet et promulgué en août est revenu sur certaines des décisions les plus contestées de la précédente législature – la TVA dite « sociale » et l’exonération des heures supplémentaires pour les entreprises de plus de vingt salariés – et a traduit un changement de nature dans l’effort requis de nos concitoyens pour résorber les déficits, avec la majoration du taux du forfait social et des contributions sur les stock-options et attributions gratuites d’actions mais aussi l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital des revenus immobiliers de source française perçus sur les non-résidents.

Voici maintenant le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature. Dans un contexte très difficile, il s’attache à préserver l’avenir de notre système de santé et à consolider notre protection sociale, en particulier pour les plus fragiles. Et, pour ce qui concerne les recettes et l’équilibre, il engage le redressement des comptes et rend les prélèvements sociaux plus justes.

Ce redressement des comptes s’inscrit dans la stratégie globale de redressement des finances publiques, grâce à un renforcement de la loi de programmation des finances publiques et, plus immédiatement, à des lois financières pour 2013 permettant d’assurer le retour à 3 % du PIB le déficit de l’ensemble des administrations publiques.

La dérive « tendancielle » des comptes pour 2013, hors mesures de la loi de finances rectificative de l’été 2012 et des deux projets de loi financiers en cours de discussion, serait de près de 25 milliards d’euros (régime général et FSV). L’effort réalisé est donc considérable – plus de 10 milliards d’euros – puisque le déficit de ces deux entités sera ramené à moins de 14 milliards d’euros. Au seul titre du projet de loi de financement pour 2013, l’amélioration se monte à 5,8 milliards d’euros (dont 1,1 milliard d’euros pour le FSV), dont 3,6 milliards d’euros de recettes nouvelles.

Cet effort s’ajoute à celui déjà accompli au titre de 2012, où le déficit tendanciel a déjà été ramené de 19,9 milliards d’euros à 17,4 milliards d’euros. En 2013, le déficit sera donc réduit de 3,5 milliards d’euros par rapport à 2012.

Pour ce qui est des recettes, l’effort ne porte pas de manière indifférenciée sur l’ensemble de nos concitoyens, voire relativement plus importante sur les moins favorisés, comme l’aurait fait, à compter du 1er octobre, l’augmentation de la TVA décidée précipitamment à la fin de la précédente législature.

Bien au contraire, les mesures relatives aux prélèvements traduisent un souci de justice, comme le déplafonnement de la cotisation d’assurance maladie des travailleurs indépendants et l’instauration d’une réduction de cotisation pour les plus petits revenus de ces professions, l’obligation, pour les particuliers employeurs, de déclarer le salaire réel (et non plus la possibilité d’opter pour un forfait égal au SMIC) et l’assujettissement aux cotisations sociales de l’ensemble des indemnités des élus locaux supérieures à 18 000 euros par an.

De même, une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie assise sur les revenus des retraités permettra, dès 2014, de constituer des réserves au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) en vue d’une prochaine réforme de la prise en charge de la dépendance. Dans le domaine de la vieillesse, des mesures réglementaires doivent également être prises en compte, puisqu’il s’agit de relèvement des taux de cotisation du régime général, de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL).

Par ailleurs, une réforme de la taxe sur les salaires touche les rémunérations les plus élevées et l’assiette de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) est aménagée afin de mieux appréhender l’assiette dans le secteur des assurances. En outre, diverses mesures tendent à mieux faire contribuer au financement de la protection sociale certains revenus jusqu’alors en tout ou partie exonérés, comme les indemnités de rupture conventionnelle, tandis que la suppression, en loi de finances, de l’abattement sur les plus-values sur les terrains constructibles apportera des recettes supplémentaires à la sécurité sociale.

Quant à la hausse des taxes dites « comportementales » sur les tabacs et les bières, elle n’aura pas pour seule finalité de contribuer à la réduction du déficit, car elle vise des consommations qui continuent de soulever de graves difficultés de santé publique, particulièrement pour la jeunesse.

Enfin, deux articles tendent à renforcer la lutte contre le travail dissimulé, en rendant plus dissuasifs les redressements de cotisations sociales, en renforçant les obligations de l’entreprise donneur d’ordres en cas de sous-traitance et en facilitant l’action des organismes de recouvrement, mais à sanctionner la récidive d’une entreprise réitérant des pratiques non conformes à la législation.

La majorité de notre commission des affaires sociales a pris acte avec satisfaction de l’ensemble de ces mesures, tout en souhaitant les préciser, les améliorer ou les compléter à plusieurs égards.

S’agissant de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, elle a ainsi entendu aller plus loin dans la logique de justice, en exonérant de cette contribution plus de 2,5 millions de retraités non imposés à l’impôt sur le revenu, tout en portant son taux à 0,3 % dès avril 2013 et en prévoyant, pour plus de clarté, son affectation à la CNSA, également dès 2013.

Pour ce qui est de la possibilité offerte aux particuliers employeurs de déclarer leurs salariés au forfait, notre commission s’est efforcée d’éviter que ce secteur riche en emplois peu qualifiés ne soit pas excessivement touché par la mesure et que celle-ci porte sur les ménages les plus favorisés. Elle propose ainsi de rétablir, à hauteur de 8 points, un abattement de cotisations sur les cotisations patronales versées par les particuliers employeurs, sur le modèle de l’abattement de 15 points autrefois applicable.

Des amendements au projet de loi de finances assureront la compensation de cette mesure, par réduction de l’avantage fiscal au titre de l’emploi de salariés à domicile, ces recettes supplémentaires pour l’État bénéficiant finalement aux régimes sociaux par le biais de l’affectation d’une fraction de TVA nette. Enfin, il a paru opportun de retenir une initiative de députés de l’opposition visant à mieux informer le Parlement sur les conséquences de ce changement de régime social des particuliers employeurs.

Notre commission a également souhaité mener jusqu’à son terme le déplafonnement des cotisations d’assurance maladie et en assurer l’équité la plus parfaite, en l’étendant à la cotisation spécifique assise sur les revenus à l’étranger de résidents affiliés aux régimes français de sécurité sociale. Dans le même ordre d’idées, à l’initiative de plusieurs groupes parlementaires, elle a décidé d’exonérer de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance les contrats d’assurance maladie complémentaire des étudiants.

Elle a par ailleurs été sensible au souci de mieux répartir le prélèvement supplémentaire sur les bières au titre de la majoration du tarif du droit de consommation, dont elle a souhaité exempter la production des petites brasseries artisanales (soit moins de 10 000 hectolitres par an). Elle a également adopté un amendement demandant au Gouvernement de présenter, durant l’année 2013, un rapport sur la fiscalité des alcools, les débats ayant fait apparaître un accord très large sur la nécessité de resituer celle-ci dans la perspective plus générale de notre politique de santé publique. C’est en même temps la confirmation de la pertinence du choix qu’a fait le Gouvernement d’inscrire au programme de travail législatif un projet de loi sur ces questions, dont la discussion a été sans cesse reportée sous la précédente législature.

Au demeurant, notre commission a montré que l’augmentation du tarif du droit sur les bières ne devait pas être interprétée comme le seul besoin de disposer de « recettes de poche » ou même comme la seule volonté de faire compenser par un secteur les charges qu’il fait peser sur l’assurance maladie, mais comme exprimant le souci plus général d’un recours à la fiscalité pour influer sur les comportements de santé publique, notamment des adolescents et jeunes adultes. C’est ainsi qu’il faut interpréter, à défaut d’une prohibition pure et simple que le droit communautaire semble au demeurant interdire, la création d’une contribution sur les boissons dites « énergisantes », dont la consommation progresse très rapidement et dont les effets sur la santé suscitent des craintes.

Enfin, notre commission a adopté deux dispositions relatives au secteur du médicament : à l’initiative de sa présidente Catherine Lemorton, elle propose de clarifier la définition de l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments et dispositifs médicaux ; elle a en outre prolongé jusqu’en 2016 la majoration du taux de la contribution due au titre du chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques, qui, depuis cette année, constitue l’une des ressources finançant la formation continue des professions médicales et pourrait également bénéficier, dans le même esprit d’indépendance à l’égard de ces entreprises, aux associations de malades qui en paraissent actuellement parfois excessivement tributaires.

3. Demain : le retour à l’équilibre dans la justice

L’état annexé B au présent projet de loi montre clairement la voie : d’abord parce qu’allant au-delà des exigences quadriannuelles (2013-2016) posées par la loi organique, il présente des projections jusqu’en 2017 et inscrit ainsi le redressement des comptes dans le cadre de la législature ; ensuite parce que l’amélioration des soldes, toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire sans préjudice des mesures qui seront prises ultérieurement, est lente, notamment pour la branche vieillesse, dont le retour à l’équilibre pour 2018 avait pourtant été annoncé à grand renfort de publicité au moment de la discussion de la loi de novembre 2010 sur les retraites.

La poursuite de la trajectoire d’équilibre se conformera à deux principes essentiels. D’abord la justice, bien sûr, sans laquelle il n’y a pas d’acceptation possible des prélèvements obligatoires, mais aussi le dialogue, au travers du Haut conseil du financement de la protection sociale qui, d’ici la fin de l’année, étudiera différents scénarios à même de concilier au mieux la nécessité de financer les besoins sociaux et l’exigence de renforcer la compétitivité de l’économie française. Car le dialogue et la justice, s’ils sont porteurs en eux-mêmes d’une efficacité qui a trop manqué au cours des dernières années, n’excluent pas une réflexion sur la manière d’orienter de façon plus appropriée notre système fiscalo-social, même s’il ne constitue évidemment pas la seule cause de nos difficultés à l’exportation.

L’effort, dès l’été dernier, a porté sur les recettes, car c’est celui qui permet de réduire le plus rapidement les déficits, mouvement qu’il était urgent d’enclencher. L’effet des actions sur les dépenses s’exerce à plus long terme, mais celles-ci sont tout aussi indispensables pour assurer la solidité du redressement. Dans cet esprit, les décisions à prendre pour les différentes branches de la sécurité sociale traduiront le même souci de dialogue :

– une concertation sur les retraites au printemps 2013, sur le fondement du diagnostic établi par le Conseil d’orientation des retraites (COR) et de scénarios établis par un comité d’experts, dans la perspective d’une réforme à la fois socialement équitable et financièrement soutenable ;

– la consultation du Haut conseil pour l’assurance maladie et du Haut conseil pour la famille afin d’évaluer au mieux la pertinence des prestations servies par ces deux branches ;

– une large réflexion sur le vieillissement de la population permettra notamment d’identifier les pistes d’une réforme des dispositifs d’aide aux personnes dépendantes, dont les premiers jalons financiers sont, comme on l’a vu, déjà posés et dont l’un des objectifs sera de mieux répartir la charge entre les foyers.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITIONS

A. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

La Commission des affaires sociales a entendu M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale au cours de sa séance du mardi 25 septembre 2012.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous entrons dans une période de turbulences avec le prochain examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est dans cette perspective que nous recevons aujourd’hui M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, à propos du rapport annuel par lequel la Cour procède à un tour d’horizon complet de la situation de la protection sociale et aborde plus précisément un certain nombre de thèmes relevant des différentes branches.

M. Migaud, vous êtes accompagné de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre, de M. Jean-Marie Bertrand, rapporteur général de la Cour, et de M. Jean-Pierre Laboureix, rapporteur général du présent rapport.

Comme chaque année, ce rapport particulièrement riche contribue à nourrir notre réflexion en vue du rétablissement de nos comptes sociaux et de l’amélioration de l’efficacité de notre système de santé, l’objectif étant de garantir pour tous l’accès aux soins, tout en améliorant la qualité de ceux-ci.

Le rapport confirme l’analyse déjà présentée par la Cour en juillet dernier sur la situation et les perspectives des finances publiques, estimant que 2011 n’a connu qu’une « amorce d’amélioration » et que « l’essentiel du chemin pour parvenir à l’équilibre des comptes sociaux reste à faire ».

L’équation paraît en effet difficile à résoudre : en face de déficits qui sont déjà là et sachant que les effets d’éventuelles réformes structurelles ne peuvent être immédiats, existe-t-il, à court terme, d’autres pistes que celle de l’augmentation des recettes ?

Dans la deuxième partie du rapport, la Cour se livre à des analyses plus ciblées et formule des recommandations précises méritant un examen approfondi. J’ai tout particulièrement relevé ses observations sur la mise en place des agences régionales de santé (ARS), notamment sur la nécessité de les doter de leviers financiers mieux adaptés à leurs missions, comme l’opposition parlementaire d’alors l’avait évoquée à maintes reprises ; sur le rôle de l’Ordre des médecins dans le respect de la déontologie médicale, en particulier pour le contrôle de l’application du principe « tact et mesure » afin de maîtriser les dépassements d’honoraires, l’opposition d’hier ayant également pointé l’absence de signification juridique de cette notion, et l’on peut maintenant en mesurer les effets sur le terrain ; sur la mise en place de l’interlocuteur social unique au sein du régime social des indépendants (RSI) ; enfin sur les dispositifs fiscaux et sociaux propres aux retraités, certaines de vos recommandations ayant suscité un certain émoi de la part des intéressés.

Parmi les réformes structurelles engagées par la majorité précédente afin d’améliorer l’efficience du système de soins, le dossier médical personnel (DMP), que nous avions qualifié d’usine à gaz, devait tenir une place importante. La Cour en avait traité dans ses rapports de 2008 et de 2009. Elle l’a fait à nouveau dans un rapport remis cet été à la commission des finances mais qui n’est pas encore publié. Le DMP, existant aussi sur clé USB, opacifie l’information sur les données de santé et sur les nouvelles technologies les concernant. Il aurait déjà coûté près de 500 millions d’euros : je vous demande de confirmer ce chiffre, qui me paraît très élevé eu égard aux seulement 170 000 dossiers créés, principalement chez les salariés des établissements hospitaliers sous la pression de leur hiérarchie. La Cour pense-t-elle que ce système pourra jouer le rôle imaginé par ses promoteurs ? Pensez-vous que le support par clé USB conserve sa pertinence ? Pensez-vous enfin que le dossier pharmaceutique, institué par les seuls pharmaciens, soit intégrable dans le DMP, les centres d’urgence et les SAMU s’étant déjà équipés de lecteurs de ces dossiers afin de gagner du temps lors de leurs interventions ?

M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. L’an dernier, la Cour avait constaté un déficit social historiquement sans précédent, aggravant une spirale de la dette dangereuse pour la pérennité même de notre protection sociale. Cette dette est devenue le poison de la sécurité sociale, le déficit des comptes sociaux étant, par lui-même, une anomalie.

Le rapport de cette année montre que le déficit a certes commencé à diminuer mais qu’il demeure à un niveau trop élevé. La dette sociale continue de s’accroître. L’impératif d’élimination des déficits des comptes sociaux reste d’une urgente actualité, comme l’a également indiqué le Président de la République devant la Cour le 7 septembre dernier.

Le rapport éclaire l’ampleur de l’indispensable redressement. Il montre que celui-ci est possible en identifiant de nombreuses marges de manœuvre mobilisables par une meilleure maîtrise des dépenses et une remise à plat des niches sociales et fiscales. Il conduit à quatre grandes conclusions : malgré les mesures déjà arrêtées, l’essentiel du chemin reste à faire pour parvenir à l’équilibre des comptes sociaux et mettre fin à l’augmentation de la dette sociale ; les réformes de structure et d’organisation sont les gages les plus sûrs d’un retour à l’équilibre durable des finances sociales ; une plus grande responsabilisation des acteurs conduirait à une meilleure efficacité de la protection sociale pour un moindre coût et permettrait d’exploiter d’importants gisements de productivité à tous les niveaux ; enfin l’effort de redressement offre l’opportunité d’une évolution de la protection sociale vers davantage de justice et de solidarité, principes fondateurs de notre système de sécurité sociale.

L’essentiel du chemin reste encore à parcourir pour parvenir à l’équilibre des comptes sociaux. Leur situation financière reste extrêmement préoccupante même si le redressement a été engagé en 2011. Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), soit le périmètre le plus large incluant notamment le régime général, ceux des travailleurs indépendants et la mutualité sociale agricole, a certes amorcé un repli. Mais il reste à un niveau exceptionnellement élevé, de 23,1 milliards d’euros, après avoir atteint, en 2010, le niveau sans précédent de 29,8 milliards. À l’intérieur du périmètre plus restreint comprenant seulement le régime général et le fonds de solidarité vieillesse, le déficit a atteint 20,9 milliards en 2011, soit 1 % du PIB, contre 28 milliards en 2010, soit plus du double de celui des années 2007 et 2008 qui précédaient la crise économique. Les avis rendus par la Cour sur la cohérence des tableaux d’équilibre et du tableau patrimonial, qui seront joints au projet de loi de financement de la sécurité sociale, attestent de l’état dégradé des comptes sociaux.

L’amorce d’amélioration constatée en 2011 s’explique, avant tout, par une bonne tenue de la masse salariale, par l’apport de ressources nouvelles et par une modération des dépenses, avec le respect pour la deuxième année consécutive, et la troisième fois seulement depuis son institution, de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Un pilotage plus fin et plus ferme de cet objectif ainsi qu’un niveau de dépenses inférieur aux prévisions de l’année précédente ont conduit à ce résultat appréciable. Mais ce début de redressement ne doit pas masquer le constat essentiel : les déficits sociaux se maintiennent à un niveau considérable. Le déficit du régime général en 2011 est le troisième plus élevé de son histoire, après ceux de 2009 et de 2010 et l’impact de la crise économique n’en explique qu’un tiers. Les deux autres tiers, soit 0,6 point de PIB, ou 12 milliards d’euros, revêtent un caractère structurel qui se situait encore, en 2011, dans la moyenne de la dernière décennie : l’essentiel reste donc à accomplir pour revenir à l’équilibre.

La répétition, année après année, des déficits sociaux reste une spécificité française : aucun de nos voisins européens n’accepte un déséquilibre aussi durable de ses comptes sociaux. Le besoin de financement des administrations sociales, concept un peu plus large que celui de la seule sécurité sociale puisqu’il comprend aussi l’assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite, s’élève à 0,6 point de PIB en 2011, alors qu’il est nul pour la moyenne des pays de la zone euro et excédentaire, également de 0,6 point, en Allemagne.

Les déficits des régimes de sécurité sociale se trouvant une nouvelle fois supérieurs à la capacité de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), qui se monte à 11,2 milliards d’euros, la dette sociale a continué d’augmenter, avec un encours de 147,4 milliards d’euros à la fin de 2011. Pour illustrer la longueur du chemin qui reste à parcourir, il suffit de rapprocher ces presque 150 milliards d’euros de dette sociale des 60 milliards d’euros de dettes amorties par la CADES depuis sa création en 1996.

Pour 2012 et les années suivantes, la Cour a actualisé ses prévisions au 1er septembre en partant des estimations de la commission des comptes de la sécurité sociale du 5 juillet dernier et en intégrant les mesures que vous avez adoptées cet été. Elle observe ainsi que le rythme de réduction des déficits sociaux marque le pas. Malgré les nouvelles ressources apportées par la loi de finances rectificative du 16 août dernier, le déficit du régime général devrait être, en 2012, supérieur de près d’un milliard aux objectifs fixés par la loi de financement pour 2012, soit 14,7 milliards d’euros contre 13,8 milliards d’euros en l’état actuel des décisions prises. Une nouvelle reprise de dettes apparaît donc indispensable dès la clôture de l’exercice 2012. Car si le transfert à la CADES jusqu’en 2018 des déficits prévisionnels de l’assurance vieillesse et du FSV est déjà organisé et financé, ce n’est pas le cas de ceux des branches maladie et famille, qui devraient atteindre plus de 9 milliards d’euros en 2012. Ce transfert inéluctable nécessitera un surcroît de ressources pour la CADES : si, comme la Cour l’a précédemment préconisé, il passait par un relèvement du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), ce dernier devrait alors passer de 0,50 % à 0,56 % en 2013.

Faute de nouvelles mesures de redressement, une spirale alarmante des déficits sociaux persisterait au-delà de 2012. En tenant compte de la dernière loi de finances rectificative et en retenant des hypothèses économiques prudentes, le déficit de l’assurance vieillesse et du FSV perdurerait après 2018 à un niveau de l’ordre de 9 milliards d’euros par an. Concernant l’assurance maladie, la Cour met en évidence deux scénarios à prélèvements obligatoires constants pour illustrer l’effort sur la dépense nécessaire afin de rééquilibrer la branche. Le premier permet un retour à l’équilibre en 2017 avec une croissance annuelle de l’ONDAM de 2,35 % à partir de 2014. Si ce taux demeurait à hauteur de 2,7 % au-delà de 2013, le déficit ne disparaîtrait que deux ans plus tard, en 2019. Dans la branche famille, les ressources diminuent progressivement et le déficit devrait être de l’ordre de 2 milliards d’euros par an, en l’absence de mesures nouvelles, en dépenses comme en recettes. Sans efforts complémentaires de redressement, près de 60 milliards d’euros de dettes sociales s’accumuleraient ainsi avant la fin de la décennie, en plus des 62 milliards d’euros que la loi a déjà prévu de transférer à la CADES au titre de la branche vieillesse et du FSV, de 2011 à 2018.

La dette sociale, je l’ai dit, constitue une anomalie profonde dès lors qu’elle pèse sur les générations futures. Le pays consacre déjà, chaque année, plus de 15 milliards d’euros de ressources publiques pour financer son remboursement et ses intérêts, soit deux fois plus que les dépenses budgétaires de l’État en faveur de la ville et du logement. La faiblesse conjoncturelle des taux d’intérêt ne saurait justifier une inflexion de la trajectoire de retour à l’équilibre des comptes sociaux ni la tentation de différer les transferts de dettes à la CADES, lesquelles doivent être financées, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, par des ressources suffisantes sans dégradation de l’équilibre financier de la sécurité sociale.

Pour éclairer les choix, et dans la continuité de ses rapports précédents, en particulier celui de l’an dernier, la Cour a examiné, dans les dix-huit thèmes qu’elle aborde cette année, 80 milliards d’euros de recettes et 40 milliards d’euros de dépenses. Cet examen l’a conduite à formuler un deuxième message : les réformes de structure et d’organisation représentent le gage le plus sûr d’un retour à l’équilibre durable des finances sociales. Encore faut-il que l’on soit attentif à leur conduite et à leur pilotage de manière à en dégager tous les effets attendus.

La Cour a ainsi étudié le financement de la sécurité sociale par l’impôt. Elle constate qu’à côté des cotisations sociales et de la contribution sociale généralisée (CSG), les impôts et taxes affectés constituent désormais le troisième pilier des ressources de la sécurité sociale. En 2011 ceux-ci représentaient 12 % des recettes des régimes de base, soit 54 milliards d’euros, à comparer aux 16 % tirés de la CSG. Ils ont connu une forte progression ces dernières années, notamment pour compenser le coût des allégements de charges sociales, et devraient atteindre environ 60 milliards d’euros en 2013. Or ce mode de financement est instable, peu lisible et peu responsabilisant pour l’ensemble des acteurs : il est fondé sur un foisonnement d’impôts – plus d’une cinquantaine –, avec des assiettes différentes – essentiellement la consommation (49 % du produit total) et les rémunérations (26 %) – qui n’évoluent pas de manière plus dynamique que la masse salariale. On ne peut donc attendre de l’évolution spontanée de ces impôts une contribution significative au rééquilibrage des comptes. La répartition de la ressource fiscale entre les différentes branches s’avère en outre d’une grande complexité, faisant désormais du financement de la sécurité sociale une affaire d’experts. C’est pourquoi la Cour appelle à une réflexion d’ensemble sur la place des ressources fiscales afin que le financement de la sécurité sociale redevienne un ensemble cohérent, transparent et stable. Ce qui exigera sans doute une réduction du nombre des impôts et taxes affectés.

Sans négliger la priorité absolue donnée à la maîtrise de la dépense et en raisonnant à niveau de ressources constant, différentes voies devraient être examinées. La Cour évoque notamment une augmentation de la fraction de TVA alimentant la sécurité sociale, le renforcement de la fiscalité environnementale et l’affectation de son produit à la protection sociale. Une discussion unique au Parlement de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, suivie d’un examen commun des recettes, devrait permettre de mieux prendre en compte la mesure des enjeux et des voies d’action possibles. En tout état de cause, la stabilisation du dispositif d’affectation des taxes pour compenser les exonérations de charges sociales pourrait conduire à les intégrer dans le barème des cotisations sociales, mettant ainsi fin à l’affichage d’un niveau de prélèvements sur les salaires supérieur à la réalité.

L’examen d’une réforme structurelle des régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP montre que l’aspect symbolique des changements opérés a été privilégié au détriment de leur contribution à l’équilibre des finances publiques. L’objectif d’harmonisation avec la fonction publique, poursuivi par les réformes entreprises en 2007 et en 2008, a été en partie atteint au prix du décalage de certains ajustements, qui se prolongera jusqu’en 2022. Il en va notamment ainsi de l’augmentation de la durée de service et d’âge pour pouvoir partir en retraite. Surtout, de nombreuses mesures de compensation conduisent à des surcoûts élevés pour les entreprises, particulièrement la SNCF. Ses agents ont bénéficié d’avantages appréciables et, parfois, de réels effets d’aubaine, que n’ont connus ni les salariés du secteur privé ni les fonctionnaires dans le cadre des réformes de leurs régimes de retraite. Les résultats prévisibles sont insuffisants pour garantir la soutenabilité financière de ces régimes et alléger la charge de l’État, qui leur verse près de 3,7 milliards d’euros de subventions d’équilibre en 2012, soit plus de la moitié de leurs ressources totales. Le bilan global de la réforme serait encore négatif pour la prochaine décennie et sans doute seulement légèrement positif pour les vingt ans qui viennent. Le rendez-vous de 2013 prévu par la loi sur les retraites éclairera plus largement les enjeux des réformes correspondantes et la nécessité de franchir de nouvelles étapes pour favoriser une plus grande équité.

La Cour appelle en troisième lieu à une amélioration de la fluidité du parcours sanitaire des patients bénéficiant de soins de suite et de réadaptation (SSR), autrement dit de soins hospitaliers de rééducation, de réadaptation à la vie quotidienne et de surveillance médicale de la convalescence. Situé à la charnière de la médecine de ville, du court séjour hospitalier et des prises en charge sociales ou médico-sociales, regroupant près de 1 800 établissements et accueillant chaque année 900 000 patients, ce secteur représente un enjeu important, bien que méconnu, générant des dépenses de l’assurance maladie estimées à 7,8 milliards d’euros en 2012. L’enquête de terrain conduite par la Cour et 14 chambres régionales des comptes montre que ces activités ont connu une expansion rapide mais sans véritable analyse des besoins. En outre, les patients peuvent être confrontés à des blocages, des délais excessifs, des orientations inadéquates et coûteuses pour leur entrée comme pour leur sortie de ces services : de 10 à 20 % des places sont occupées par des patients, soit qui devraient être pris en charge à domicile ou dans le secteur médicosocial, soit qui, au contraire, sont sortis trop tôt d’un établissement de court séjour. L’amélioration rapide du fonctionnement de la filière et la réalisation de gains d’efficience doivent donc constituer une priorité des agences régionales de santé, avant même d’envisager le passage à une tarification à l’activité qu’il serait prématuré de mettre en œuvre dès 2013 comme initialement prévu.

Au titre des réformes d’organisation évoquées par la présidente de la Commission, la Cour a étudié les conditions de mise en place des 26 agences régionales de santé. La réussite de cette réforme devrait bénéficier autant aux patients, avec une approche globale et cohérente de l’offre de soins, qu’à la maîtrise des plus de 170 milliards d’euros de dépenses d’assurance maladie. Les agences, créées en 2009, ont été installées rapidement et dans des conditions satisfaisantes. Cependant, elles ne disposent pas encore des marges de manœuvre suffisantes vis-à-vis des autres acteurs, qu’il s’agisse des préfets, de l’assurance maladie ou de l’administration centrale. En outre, elles n’ont un véritable pouvoir de décision que sur moins de 2 % des dépenses d’assurance maladie, soit 3 milliards d’euros malgré la création récente du Fonds d’intervention régional qui élargit un peu leurs possibilités d’action. Il apparaît désormais urgent de les doter des leviers indispensables à leurs missions, notamment des systèmes d’information et d’accès aux bases de données de l’assurance maladie.

La Cour a également étudié l’incidence de la création du Régime social des indépendants (RSI) en 2005. On voulait alors simplifier la gestion de la protection sociale des artisans, des commerçants et des professions libérales, notamment par le transfert du recouvrement de leurs cotisations aux URSSAF et par la mise en place, en 2008, d’un interlocuteur social unique. La réforme a provoqué des difficultés majeures pour nombre d’assurés, avec des risques de pertes de droits. À titre d’exemple, des assurés n’ont pu bénéficier de remboursements faute de carte Vitale, parfois sur des périodes de plusieurs mois. Plus de 20 000 d’entre eux ont été immatriculés avec deux ans de retard. À la mi-2011, les droits à retraite n’étaient pas à jour pour 25 à 40 % des comptes. On a aussi déploré des défauts d’encaissement de cotisations, à hauteur d’un à un milliard et demi d’euros en 2010, qui ont pesé sur les comptes sociaux, même si ce bilan reste provisoire. Certes, depuis la fin de 2011, de nombreux chantiers progressent mais le nouveau régime est encore aujourd’hui moins efficace et plus coûteux que les trois précédents. On peut, à propos de cette réforme ratée, parler d’un véritable accident industriel. Le rétablissement de la fonction de recouvrement est une priorité absolue, surtout pour un régime structurellement déficitaire et dont l’équilibre dépend d’un impôt affecté.

Le troisième constat de la Cour porte sur l’exigence d’une plus grande responsabilisation des acteurs de la protection sociale afin de mobiliser de nouvelles marges d’efficience. Ainsi la Cour a-t-elle conduit une enquête approfondie sur les transports de patients par les ambulances, les véhicules sanitaires légers (VSL) et les taxis, prestations de plus en plus nécessaires au bon fonctionnement du système de soins. La prise en charge de ces transports a bénéficié à cinq millions d’assurés en 2010, pour un coût global de 3,5 milliards d’euros à la charge de l’assurance maladie. Cette dépense a augmenté au rythme soutenu de 63 % au cours des dix dernières années. Elle représente désormais à elle seule l’équivalent de la moitié des remboursements des consultations de médecins généralistes en ville. Or des économies substantielles pourraient être obtenues par une plus grande responsabilisation des acteurs, ce dont témoigne la très grande variabilité du recours aux transports sanitaires selon les départements. Celui-ci varie en effet d’un à trois sans qu’aucune explication géographique puisse être fournie. Par exemple, dans les départements de l’Ain et de la Savoie, on dénombre 0,3 trajet par habitant en 2010, mais près d’un trajet par habitant dans les Bouches-du-Rhône, la Somme ou la Creuse.

La maîtrise de la dépense exige la mise en œuvre d’un pilotage plus ferme des prescriptions pour qu’elles respectent plus strictement la règle de l’établissement approprié le plus proche. Ainsi la caisse primaire d’assurance maladie du Val-d’Oise a mis en évidence, au travers de l’observation des transports prescrits pour les patients dialysés d’une clinique locale, que l’application effective de ladite règle se traduirait par une économie de plus de 30 % des dépenses concernées. La Cour recommande donc que certaines modalités de prise en charge soient redéfinies de façon plus rigoureuse et que le contingentement de l’offre de transport soit rendu plus efficace : le dispositif actuel facilite un suréquipement considérable en remplaçant les VSL par des taxis dont le nombre n’est pas plafonné. Le parc d’ambulances et de VSL est ainsi, dans les départements de la Somme et de la Réunion, plus de deux fois supérieur à ce qu’il devrait être. Ce dépassement atteint 65 % dans l’Aisne et 54 % en Seine-Saint-Denis. La maîtrise des dépenses passe aussi par un contrôle plus rigoureux de l’assurance maladie, notamment de la facturation par les transporteurs, et par un renforcement de la lutte contre la fraude, dont l’impact paraît très sous-évalué et la constatation rarement sanctionnée, comme dans les Bouches-du-Rhône. Au total, la Cour formule des propositions détaillées permettant d’économiser 450 millions d’euros par an, soit 13 % de la dépense totale, sans fragiliser pour autant l’accès aux soins.

Dans le même esprit, la Cour a analysé de façon approfondie les indemnités journalières pour maladie, servies par le régime général. Là encore, une plus grande responsabilisation des acteurs constituerait un levier d’économies pour des dépenses s’élevant à 6,4 milliards d’euros en 2011. Très dynamiques, elles ont progressé de près de 50 % sur la dernière décennie. Pourtant, les inégalités que la Cour a constatées, en termes de fréquence et de durée des arrêts, demeurent largement inexpliquées : d’un département à l’autre, la durée des journées indemnisées par salarié peut être multipliée par cinq. En 2010, 2,7 journées par salarié ont été indemnisées à Paris, contre 13 dans l’Ain et dans le Var. Alors que le nombre moyen de journées prescrites par médecin généraliste chaque année est de 2 700, les 10 % de médecins les plus actifs en la matière en prescrivent trois fois plus, soit 7 900. La gestion des indemnités journalières mobilise près de 10 % des effectifs de l’assurance maladie, soit 5 300 équivalents temps plein, avec un coût élevé et sans que la qualité de service soit satisfaisante : la Cour a ainsi observé des délais de règlements aux assurés pouvant atteindre plusieurs centaines de jours. Une vraie politique de régulation suppose de redéfinir les méthodes de contrôle ainsi qu’un pilotage plus ferme et plus responsabilisant de l’ensemble des acteurs, assurés sociaux, entreprises et corps médical. De nouveaux efforts de simplification et de modernisation sont également urgents pour accroître la qualité du service rendu et pour diminuer les coûts de gestion.

Enfin, la Cour a examiné les systèmes d’information de la branche famille, qui a versé près de 77 milliards d’euros de prestations en 2011 à plus de 11 millions d’allocataires. Elle a ainsi mis en lumière des priorités stratégiques floues, des retards de modernisation et des insuffisances de gouvernance. Il est donc indispensable que la négociation de la prochaine convention d’objectifs et de gestion qui lie la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à l’État redéfinisse en profondeur ses objectifs et ses modalités de pilotage et de gestion.

Le dernier message de la Cour est que les efforts de redressement ne sont pas seulement impératifs pour préserver l’avenir de notre système de protection sociale mais qu’ils fournissent aussi l’opportunité de le faire évoluer vers plus de justice et de solidarité, principes fondateurs du système français de sécurité sociale.

La question de l’accessibilité aux soins et des dépassements d’honoraires est ainsi au cœur de l’analyse que fait la Cour des missions de l’Ordre national des médecins. En effet, si la contribution de cette institution est satisfaisante pour le suivi de la profession, son rôle de contrôle du respect par les médecins du tact et de la mesure dans la détermination de leurs honoraires a une portée trop limitée. Les saisines des instances disciplinaires sont rares, et les condamnations, quand elles ont lieu, sont généralement peu sévères. Ainsi, sur les 61 prononcées au cours des quatre dernières années, 12 se sont limitées à un avertissement ou à un blâme, une seule radiation a été décidée. Devant l’inefficacité de l’Ordre, l’assurance maladie a déployé ses propres procédures. Il en résulte de trop nombreux dispositifs, qu’il faut maintenant rationaliser et renforcer afin que notre système de santé fonctionne mieux, non seulement dans l’intérêt de la profession mais surtout dans celui des patients.

La Cour a aussi analysé la prise en charge par l’assurance maladie de certaines cotisations sociales des professions libérales de santé, pour un coût de 2,2 milliards d’euros par an. Il s’agit d’une contribution substantielle au revenu des praticiens, représentant plus de 17 % des revenus des généralistes du secteur I en 2008. Pour chaque consultation d’un montant de 23 euros, un médecin généraliste perçoit en réalité près de 26 euros grâce à cette forme de prise en charge, sans qu’il en soit toujours conscient. Ces dépenses en croissance continue devraient être beaucoup plus activement mises au service des objectifs prioritaires de l’assurance maladie. En particulier, elles devraient contribuer à une meilleure répartition des professions de santé sur les territoires, notamment par une modulation en fonction de la zone d’implantation des médecins, soit une moindre prise en charge dans les régions déjà « surdotées » et une prise en charge plus incitative dans les zones les moins denses. Un tel système pourrait aussi contribuer à limiter les dépassements d’honoraires, qui ont représenté près de 2,5 milliards d’euros en 2011.

La Cour a examiné la réalité, contrastée et multiforme, de la situation des retraités. Ses analyses ont été abondamment commentées depuis dix jours, sans toujours en refléter toutes les nuances. Que l’on ne se méprenne pas sur le sens de nos considérations : il ne s’agit nullement d’attaquer, de toiser ou d’opposer les retraités aux actifs. La Cour commence d’ailleurs par mettre en lumière la situation des personnes âgées les plus pauvres au regard de leur couverture vieillesse. Le minimum vieillesse, couvrant toujours près de un million de personnes, conserve un rôle essentiel pour limiter le taux de pauvreté des retraités les plus modestes et représente une dépense annuelle de plus de 3 milliards d’euros. Ses allocataires sont des femmes pour plus de 55 %, dont un quart a plus de 80 ans. La généralisation, au sein des différents régimes de retraites, de pensions minimales n’a pas fait disparaître le dispositif : le nombre de bénéficiaires s’est stabilisé depuis 2007 mais pourrait augmenter sous l’effet de l’arrivée à l’âge de la retraite de générations ayant connu des carrières moins linéaires. La Cour avance des propositions fortes pour que le minimum vieillesse joue plus efficacement son rôle. Elle recommande une information plus active et plus précoce des personnes éligibles, car la population potentiellement concernée demeure encore pour partie méconnue. Elle estime aussi impératif d’assurer un financement clair et soutenable de cette dépense de solidarité par un relèvement des ressources affectées au fonds de solidarité vieillesse, qui la finance aujourd’hui par la dette. Malgré la persistance de situations individuelles préoccupantes, il reste que, contrairement à une idée reçue, les retraités se placent, sous l’angle financier, dans une situation globale moyenne légèrement plus favorable que celle des actifs, notamment des plus jeunes. Cette situation résulte pour une part de l’existence de nombreux dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires créés au fil du temps en leur faveur avec, à l’origine, un objectif d’égalisation de leur niveau de vie et de celui des actifs.

Ce travail s’inscrit dans le cadre des travaux de la Cour sur les niches sociales et fiscales, qui l’ont conduite à examiner chaque année de nouveaux dispositifs : l’an dernier, le rapport sur la sécurité sociale a évalué ceux en faveur de l’acquisition d’une couverture complémentaire santé collective pour les salariés. Cette année, la Cour a examiné certains dispositifs fiscaux dérogatoires en faveur des personnes retraitées, qui représentent un coût total de près de 12 milliards d’euros. Alors que la contrainte exercée sur les comptes publics exige une évaluation systématique de ces dispositifs dérogatoires pour s’assurer qu’ils apportent bien un soutien à ceux qui en ont le plus besoin, il convient de réexaminer cette accumulation de mécanismes dont l’objectif – la réduction de l’écart de niveau de vie entre actifs et retraités – semble désormais atteint. La Cour ne propose nullement des suppressions brutales et aveugles de tous les dispositifs fiscaux et sociaux pris en faveur des retraités. Au contraire, elle recommande une démarche progressive et attentive à la situation des pensionnés les plus fragiles. Si elle dresse un inventaire des options possibles, dans le prolongement direct de plusieurs de ses rapports antérieurs, celles-ci n’ont aucunement vocation à être mises en œuvre de façon cumulative.

Mais il convient, par exemple, de se pencher sur le taux de CSG auquel les retraités sont soumis, bénéficiant en fonction du montant de leur retraite de trois taux s’échelonnant entre 0 et 6,6 % alors que le taux applicable aux actifs est de 7,5 %. Avec toujours le souci de ne pas fragiliser les retraités les plus modestes, la Cour estime qu’on pourrait amener progressivement le taux de CSG applicable aux seuls retraités les plus aisés au niveau du taux de CSG appliqué aux actifs. Les autres retraités continueraient d’en être exonérés ou d’acquitter un taux réduit.

Autre exemple, les retraités soumis à l’impôt sur le revenu bénéficient, comme les salariés, d’un abattement de 10 % pour frais professionnels, qui profite surtout aux pensions les plus élevées. Or, par définition, les retraités ne supportent plus de tels frais. La recommandation de la Cour, consistant à supprimer progressivement l’abattement de 10 % sur les pensions dans le calcul de l’impôt sur le revenu, préserve les retraités aux pensions les plus faibles puisqu’ils ne sont pas imposables.

Dernier exemple, les retraités qui ont élevé au moins trois enfants bénéficient d’une majoration de 10 % de leur pension, contrepartie légitime des conséquences que cela a eues sur leur déroulement de carrière. Or cette majoration, qui augmente avec le montant des retraites lui-même et bénéficie donc davantage à ceux qui touchent déjà les retraites les plus élevées, n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu, ce qui constitue un avantage supplémentaire injustifié. Mais la Cour ne propose nullement la suppression de ces majorations en tant que telles.

Elle évoque, dans le même esprit, une mise sous condition de ressources de l’exonération de cotisations patronales accordées à tous les particuliers employeurs de plus de 70 ans, quel que soit leur niveau de revenu.

Ce réexamen nécessaire de dispositifs anciens ayant largement perdu leur justification initiale doit être mené en préservant, je le répète, les retraités les plus fragiles. Il s’inscrit aussi dans une démarche de redéploiement de moyens vers le financement de besoins sociaux accrus qui se font jour en certains domaines comme, au premier chef, la prise en charge de la perte d’autonomie des plus âgés, sans préjudice, le cas échéant, d’une contribution à l’effort de retour à l’équilibre des comptes publics.

L’analyse de la Cour se veut donc équilibrée, autant fondée sur des préoccupations financières que de justice et de solidarité. Votre Commission a d’ailleurs travaillé, dans un esprit comparable, sur la question des niches sociales.

La politique familiale est souvent citée en exemple de notre modèle social. Nous avons cherché à savoir dans quelle mesure les prestations familiales sous condition de ressources, représentant 13,3 milliards d’euros en 2010, contribuent à réduire effectivement les inégalités de revenus entre les familles. Leurs effets redistributifs sont moins marqués que ceux des prestations dites universelles, comme les allocations familiales, ce qui s’explique notamment par des plafonds de ressources trop élevés pour la prestation d’accueil du jeune enfant et par des modalités trop larges d’attribution du complément du mode de garde pour son financement à domicile. Celui-ci n’est en effet soumis à aucune condition de ressources et peut se cumuler avec des aides fiscales importantes. Les dispositions actuelles conduisent ainsi à verser un même montant de 171 euros par mois pour un enfant, que la famille dispose de 20 000 ou de 4 000 euros de revenus mensuels. Les montants en cause sont conséquents puisque les 20 % de familles bénéficiant des niveaux de vie les plus élevés reçoivent plus de 2 milliards d’euros au titre du seul complément de mode de garde. C’est pourquoi la Cour recommande que cette prestation soit soumise à une stricte condition de ressources.

Une évolution vers davantage de justice et de solidarité apparaît d’autant plus nécessaire que les récentes données sur la pauvreté rendues publiques par l’INSEE montrent que l’augmentation globale du taux de pauvreté, de 13,5 % en 2009 à 14,1 % en 2010, se concentre sur les enfants, dont le taux de pauvreté progresse de près de deux points en une seule année, passant de 17,7 % à 19,6 %, alors que celui des retraités a le moins augmenté, de 9,9 % à 10,2 %.

Ce rapport au champ très large aboutit à un total de 72 recommandations. La lecture de l’annexe consacrée au suivi de celles des trois derniers rapports sur la sécurité sociale montre que 65 % d’entre elles ont été suivies d’effet, intégralement ou partiellement.

Selon la Cour, « ce qui est déficitaire est précaire ». Si le retour à l’équilibre des comptes ne pourra se faire sans l’apport de ressources nouvelles, le redressement ne produira d’effets durables que s’il s’accompagne de progrès substantiels à tous les niveaux dans l’efficience des dépenses sociales. Cela exige une démarche volontaire, méthodique, rigoureuse et attentive au juste partage des efforts entre tous les acteurs. Plus fortement elle sera engagée, plus vite sera rétabli l’équilibre des comptes sociaux, mieux et plus durablement sera confortée notre sécurité sociale, non seulement en termes financiers mais au regard des valeurs essentielles de solidarité qui sont les siennes.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous venez de brosser un tableau plutôt noir de la situation, avec une paupérisation croissante de certaines catégories de la population, chez les retraités et chez les jeunes enfants, ce qui est fort inquiétant pour l’avenir de notre pays.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous avez exposé des perspectives difficiles pour nos comptes sociaux à moyen terme et présenté quelques pistes de réforme, notamment pour les retraités et pour les familles. Quelles réformes vous paraissent-elles envisageables concernant la branche maladie ? Comment assurer la progression annuelle de l’ONDAM que vous préconisez à hauteur de 2,4 %, quand le Gouvernement indique 2,7 % pour 2013 ?

Le redressement général des finances sociales passe aussi par des mesures relatives aux recettes. Votre rapport souligne que la fiscalité a pris une place croissante dans le financement de la protection sociale, juste derrière la CSG. Or la conférence sociale de juillet dernier a lancé une concertation à ces sujets avec les partenaires sociaux. Parmi les solutions envisagées et en tenant compte de l’exigence de la compétitivité de nos entreprises, lesquelles doivent, selon vous, être privilégiées ? L’augmentation de la TVA ou de la CSG pèserait sur le pouvoir d’achat, ce qui paraît bien difficile dans le contexte actuel. Une troisième formule résiderait dans la fiscalité environnementale. Mais sous quelle forme ?

Concernant la dette sociale, vous préconisez une augmentation d’urgence de la CRDS, de 0,5 % à 0,56 %, afin de permettre à la CADES de porter les déficits transférés. Pourquoi ne pas faire porter cette dette, encore soutenable, par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), la Caisse des dépôts et consignations et l’agence France Trésor, qui ont prouvé leur efficacité en la matière ?

Mme la présidente a évoqué les problèmes soulevés par le DMP, ce qui pose la question plus générale de la numérisation des données de santé. À la demande de notre Commission des finances, la Cour des comptes a déjà remis un rapport sur son coût et son incidence sur les budgets hospitaliers. Vous avez ainsi montré l’absence de véritable pilotage du fait de la multiplicité de pilotes non coordonnés ainsi que celle de traçabilité des conséquences financières de l’informatisation des hôpitaux, estimée au minimum à un demi-milliard d’euros. Mais la Cour ne s’est pas penchée sur l’utilisation concrète du système. Notre Commission avait réclamé des expérimentations de tenue de dossiers sur support mobile, qui aurait constitué une solution plus rapide et moins onéreuse. Sa demande n’a pas été satisfaite. Pour les praticiens, hospitaliers comme de ville, le DMP ressemble un peu à l’enfant monstrueux de l’absence de pilotage soulignée par la Cour. Celle-ci ne devrait-elle donc pas prolonger son enquête sur le coût de ce système ?

M. Christian Paul, rapporteur pour la branche assurance maladie. Vous préconisez de limiter la croissance annuelle de l’ONDAM à 2,4 %. Quel serait pour vous, au sein de cette enveloppe, le bon équilibre entre l’ONDAM hospitalier et l’ONDAM des soins de ville ? Plus précisément, comment développer l’offre de soins de ville pour limiter le recours à l’hôpital ?

Vous dénoncez des dysfonctionnements dans la prise en charge des transports. Certes, les disparités qui existent d’un département à l’autre doivent nous alerter. Mais avez-vous procédé à une analyse détaillée de la typologie des transports qui justifient aujourd’hui une prise en charge par l’assurance maladie ? Car s’il existe indéniablement des abus, il y a aussi des transports dont la prise en charge est insuffisante.

Vous consacrez par ailleurs un chapitre du rapport à la prise en charge par l’assurance maladie des cotisations des professionnels de santé libéraux, aide qui pourrait favoriser une meilleure répartition des professionnels sur le territoire. Plus généralement, comment évaluez-vous les outils qui existent pour inciter à une meilleure répartition des professionnels sur le territoire ? Quel bilan tirez-vous notamment de l’avenant 20 à la convention médicale, qui conduit à mieux rémunérer l’ensemble des professionnels de santé dans les zonages du territoire jugés déficitaires ? Nous considérons pour notre part ces zonages totalement inadaptés, et ces aides insuffisamment ciblées très peu efficaces.

Pour finir, j’aimerais vous interroger sur les suites données à quelques propositions de la Cour auxquelles nous attachons une grande importance. En 2011, vous remettiez en cause les aides publiques au financement de la couverture maladie complémentaire. Les mesures prises pour favoriser l’accès aux complémentaires répondent-elles suffisamment aux besoins ? En 2010, la Cour dénonçait les dysfonctionnements de la politique de prise en charge en matière de soins dentaires, qui obéit à une nomenclature obsolète, et rappelait que la moitié des renoncements aux soins concernent les soins dentaires. Quelles suites ont été données à vos propositions ? En 2011 encore, vous évoquiez la tarification à l’activité (T2A) et la convergence tarifaire. Vous connaissez les orientations du Gouvernement sur le second point. Sur la T2A telle qu’elle avait été mise en œuvre, qui déconnectait les tarifs des coûts hospitaliers sans pour autant faciliter la maîtrise de la dépense hospitalière, quelles suites ont été données à vos recommandations ? Quels sont pour vous les ajustements les plus urgents à introduire dans le dispositif pour contrebalancer, voire annuler, un certain nombre de ses effets pervers ?

Mme Martine Pinville, rapporteure pour le secteur médico-social. Comme les années précédentes, votre rapport relève une sous-consommation de l’objectif global de dépenses (OGD) de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). La budgétisation des crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement instaurée il y a deux ans était pourtant censée résoudre ce problème. Ces crédits étant destinés à financer des créations de places en établissement, leur sous-consommation traduit des retards dans le processus d’investissement. Comment expliquez-vous la persistance de ce problème ? Comment améliorer la prévision des dépenses et l’efficacité des consommations ?

Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) avait chiffré l’an dernier à 2 milliards d’euros les économies qui pourraient résulter d’une amélioration des parcours de soins des personnes âgées entre domicile, hôpital et établissements médico-sociaux. Quel rôle peuvent jouer les agences régionales de santé dans cette amélioration des parcours de soins ?

Les études menées sur les personnes âgées font ressortir que les situations économiques et sociales sont très disparates. Le processus de précarisation dénoncé par de nombreux acteurs de terrain devrait donc être apprécié non seulement en fonction des ressources financières, mais aussi d’autres éléments tels que l’habitat, la santé ou l’isolement. Ne faudrait-il pas définir les critères d’appréciation de la réalité des situations, identifier toutes les charges directes et indirectes qui affectent ces dernières et distinguer les différents phénomènes de pauvreté existant chez les personnes âgées, au regard des politiques publiques de prise en charge ?

M. Michel Issindou, rapporteur pour la branche vieillesse. Vous présentez une étude très intéressante du minimum vieillesse et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Deux de vos recommandations peuvent cependant sembler contradictoires. Sachant que de nombreuses personnes qui auraient droit à l’ASPA ne la réclament pas, vous souhaitez que les caisses de retraite communiquent mieux sur ce sujet, mais vous préconisez en même temps le déplafonnement des récupérations sur succession – qui pourraient dès lors porter sur l’intégralité de la prestation. Or c’est justement pour éviter le recours sur succession qu’une partie des personnes âgées qui auraient droit à l’ASPA s’abstiennent de la réclamer…

Selon votre rapport, qui a suscité nombre de commentaires ces derniers jours, les retraités bénéficient de 12 milliards d’euros de niches fiscales et sociales en vertu de leur seule qualité de retraités. À niveau de revenu égal, un retraité paye donc moins d’impôt sur le revenu et de CSG qu’un actif. Vous observez que la réforme des retraites de 2010 n’a pas demandé d’efforts aux retraités actuels : est-ce à dire que, dans la perspective du retour à l’équilibre des régimes de retraite, ils devraient participer à l’effort collectif ?

Enfin, vous avez dénoncé les difficultés que rencontre la mise en place de la réforme du Régime social des indépendants (RSI) et de l’interlocuteur social unique. Celles-ci vous paraissent-elles de nature à vouer à l’échec la création d’un régime de retraite unique et universel ?

Mme Bérengère Poletti, suppléant Mme Geneviève Levy, rapporteure pour la branche famille. La Cour met vivement en cause le complément de mode de garde (CMG) de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), au motif que cette prestation est en grande partie versée aux familles dont les revenus se situent dans les déciles supérieurs, et non pas aux familles aux revenus les plus faibles. Feignant d’en conclure qu’il s’agit d’une grave anomalie, elle préconise d’instaurer un plafond pour le bénéfice du complément de mode de garde. Or celui-ci n’est pas une prestation à finalité redistributive : il est versé aux foyers qui ont un besoin de garde de jeunes enfants, donc aux foyers où les parents travaillent, dont les revenus sont logiquement plus élevés que ceux des familles inactives ou faiblement actives. Si les montants cumulés versés aux foyers modestes sont faibles, ce n’est pas parce que la prestation n’est pas assez généreuse pour eux, mais parce que les enfants y sont très souvent gardés par un parent qui ne travaille pas – ou peu.

La Cour donne pourtant à penser que la prestation serait trop généreuse pour les familles aisées et qu’il faudrait la plafonner, sans fournir d’évaluation des effets de ce plafonnement au regard des finalités de la prestation. Faut-il rappeler que le complément de mode de garde finance l’emploi direct des assistants maternels, qui est le premier mode d’accueil des enfants de moins de trois ans et le moins coûteux pour la collectivité ? La place de crèche coûte toujours plus cher à la collectivité que la garde par un assistant maternel ; elle est à la charge à la fois de la branche famille, de l’État, des communes, des départements ou des employeurs. La Cour a-t-elle conscience que le bénéficiaire du complément de mode de garde est le plus souvent une jeune mère, active, membre d’un foyer où les deux parents travaillent, qui ne souhaite pas interrompre sa carrière professionnelle et a souvent recours à un mode de garde individuel faute de trouver une place en crèche ? En cas de plafonnement, combien coûterait à la collectivité le report des familles privées de la prestation sur les établissements d’accueil, dont le niveau de subvention est plus élevé ? Si la garde individuelle est remplacée par une place de crèche, la subvention publique aux familles que la Cour qualifie d’aisées s’accroîtrait donc : n’est-ce pas un effet anti-redistributif ?

Quelles seraient enfin les conséquences du renchérissement de la garde sur le taux d’activité des mères qui ne trouvent pas de place en crèche ? C’est tout le pays qui y perdrait si le taux d’activité déclinait, ou si la raréfaction de la garde conduisait à différer ou limiter les naissances, à l’instar de ce qui se passe chez nos voisins, qui nous envient les résultats de notre politique familiale…

La Cour avait en outre conduit des analyses concernant le risque de hausse du travail dissimulé parmi les assistants maternels et les auxiliaires familiaux – qui gardent les enfants au domicile des particuliers employeurs. Oublieriez-vous qu’en 1998, lorsque le gouvernement Jospin avait réduit le montant de l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED), ancêtre du complément de mode de garde, le nombre de bénéficiaires avait baissé essentiellement à cause d’une hausse du travail non déclaré ?

Le rapport estime, par ailleurs, que la modernisation du système d’information de la branche famille est cruciale pour garantir la qualité du service aux usagers et la bonne gestion des ressources. Un petit nombre de priorités bien hiérarchisées devraient ainsi figurer dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) liant l’État à la Caisse nationale des allocations familiales. Le Gouvernement vient pourtant à peine de lancer le chantier de la nouvelle convention, qui devait entrer en vigueur avant fin 2012 et se voit donc reportée – au mieux – à la mi-2013.

Concernant les prestations servies par la branche famille pour le compte de l’État et des départements, le rapport de 2011 préconisait l’inscription dans la loi d’un principe d’acquittement de frais de gestion sur la base des coûts réels constatés. Cette méthode est subordonnée à la mise en place d’une comptabilité analytique, que les retards au plan informatique rendent bien hasardeuse. Avez-vous évalué une option différente, consistant à fixer dans la convention d’objectifs et de gestion des objectifs de réduction progressive des frais de gestion engagés, qui tiendraient compte de l’évolution du nombre des bénéficiaires de ces prestations ? Là encore, on ne peut que regretter le retard pris par le Gouvernement en la matière.

Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis de la commission des finances. L’hypothèse d’une croissance annuelle de l’ONDAM de 2,4 % que vous vous donnez pour objectif vous paraît-elle réaliste ?

Vous visez en priorité, pour faire des économies, les niches sociales. Avez-vous procédé à une évaluation de l’efficacité de celles qui existent ? Le cas échéant, pouvez-vous nous en dire plus ?

Vous notez la grande hétérogénéité des plafonds de ressources des barèmes applicables aux différentes prestations familiales. Pensez-vous qu’il faille établir des barèmes homogènes ?

M. le premier président. Gérard Bapt, Christian Paul et Valérie Rabault m’ont tous trois interrogé sur l’ONDAM. Entendons-nous bien : lorsque nous émettons l’hypothèse d’un ONDAM à 2,4 %, c’est pour 2014, puisque s’agissant de 2013, nous enregistrons le chiffre proposé par le Gouvernement. Nous nous sommes livrés à des simulations sur les hypothèses permettant d’envisager un retour à l’équilibre en 2017 ou en 2019. Le maintien d’un taux de croissance de l’ONDAM à 2,7 % ne permettra pas d’assurer l’équilibre des comptes sociaux en 2017 – il faudrait pour cela le réduire à 2,4 %.

Deux dynamiques modératrices de la dépense devraient cependant conjuguer leurs effets dans les prochaines années. Il s’agit d’abord de la tendance à une légère diminution du nombre de médecins au cours de la décennie, avant une nouvelle progression après 2020 suite aux décisions qui ont été prises en matière de numerus clausus. J’observe en passant que pour notre part, nous recommandions plutôt de ne pas augmenter celui-ci. La seconde dynamique à l’œuvre devrait être une panne de l’innovation dans le domaine du médicament, qui conduira à l’absence de mise sur le marché de médicaments très innovants, donc chers.

Malgré ces facteurs conjoncturels qui devraient jouer le rôle de stabilisateurs automatiques de la dépense, seule une réforme en profondeur sur tous les postes de l’assurance maladie peut conduire à une maîtrise durable de l’ONDAM tout en préservant l’égalité d’accès aux soins. Comme l’an dernier, nous avons donc formulé plusieurs recommandations. La première porte sur le niveau des prescriptions médicales, qui reste très élevé par rapport aux pays comparables, sans que la santé des Français soit pour autant meilleure que celle des Allemands ou des Britanniques. Nous appelons, par ailleurs, à des progrès dans la mise en place du parcours de soins, à des décisions fortes dans le domaine des génériques, la proportion des médicaments génériques restant inférieure en France à ce qu’elle est dans les pays comparables, à une nouvelle fixation des prix du médicament et à une accélération des réorganisations hospitalières. Je pourrai développer toutes ces propositions si vous le souhaitez. Je prendrai un seul exemple : nous avions fait observer l’an dernier que 5 milliards d’euros pourraient être économisés, à terme, si la France parvenait à aligner sa consommation de médicaments rapportée à la richesse nationale sur celle de l’Allemagne. Vous conviendrez qu’il y a matière à réflexion, car encore une fois, les Allemands ne sont pas en moins bonne santé que les Français !

J’en viens à l’assurance vieillesse. Un rendez-vous sur les retraites est prévu en 2013. Dans cette perspective, les travaux du Conseil d’orientation des retraites, dont les conclusions sont attendues d’ici à la fin de l’année, devraient permettre de mettre à plat les paramètres à réajuster pour assurer un équilibre durable des systèmes de retraite. Néanmoins, toute réforme dans ce domaine a nécessairement des effets progressifs, à moyen ou long terme. Le rapport de la Cour de juillet dernier sur la situation et les perspectives des finances publiques identifiait parmi les pistes de redressement à court terme un éventuel réexamen des mécanismes d’indexation des pensions, à l’instar de ce qu’ont fait nombre de pays européens, en protégeant bien entendu le pouvoir d’achat des pensions les plus modestes.

S’agissant du financement de la protection sociale, quant au choix de telle ou telle méthode ou de tel ou tel impôt, nous avons livré notre analyse dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et dans les rapports sur les lois de financement de la sécurité sociale. Il vous appartiendra de vous prononcer sur les choix à opérer – TVA, CSG. Le problème de la compétitivité a été posé par le Président de la République et le Premier ministre. Dans ce cadre, nous avons proposé d’intégrer les allègements de cotisations sociales dans le barème des cotisations sociales, afin que le taux affiché corresponde au taux réel. La question est donc sur la table. Quant au choix de la méthode, il relève là encore de la responsabilité politique. Nous avons dit à plusieurs reprises que la piste de la CSG pouvait être privilégiée ; reste à voir dans quelle mesure. La fiscalité environnementale est une autre piste pour contribuer au financement de la protection sociale et accompagner la transition énergétique souhaitée par le Gouvernement. Nous avions d’ailleurs estimé, dans notre rapport sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne, que notre pays avait des marges de manœuvre en la matière. En revanche, on ne peut en attendre un rendement à la hauteur des besoins de financement de la sécurité sociale.

En ce qui concerne le dossier médical personnel (DMP), nous confirmons le chiffre de 500 millions d’euros pour les dépenses engagées à fin 2011, qui sont essentiellement à la charge de l’assurance maladie.

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. À la demande de la commission des finances de votre Assemblée, nous avons consacré au premier semestre de cette année une enquête au DMP. Nous en avons tiré un triple constat. Le premier est le caractère très imprécis des données de coût. Nous avons reconstitué une estimation de l’ordre de 500 millions d’euros, dont 210 ont été consacrés à des expérimentations préalables à la mise en place du dispositif et à son développement progressif, et environ 300 – dont nous ne pouvons assurer le suivi fin – qui concernent une série d’initiatives qui ont été lancées autour de l’informatisation de dossiers des patients. Il s’agit en particulier d’initiatives hospitalières, dont la restitution n’est guère aisée.

Deuxième constat : après de nombreuses difficultés, le dispositif est actuellement en phase de montée en charge. Au moment où nous avons achevé notre enquête courant juin, près de 1 000 DMP au contenu très hétérogène étaient créés chaque jour. Ces créations ont, pour l’essentiel, eu lieu dans le domaine hospitalier : très peu procèdent d’un dialogue entre le médecin de ville et son patient.

Troisième constat : aucun dispositif d’évaluation de l’apport du DMP n’a encore été mis en place. L’efficacité médico-économique du DMP ne sera donc pas susceptible d’être évaluée, sauf à ce que des mesures soient prises à très court terme.

Notre enquête s’est également intéressée à la dimension internationale du DMP. Nous avons conduit une enquête approfondie dans un grand nombre de pays européens, en particulier en Grande-Bretagne, ainsi qu’aux États-Unis. Nous avons ainsi repéré un certain nombre d’expérimentations de portage du DMP sur une clé USB, que nous n’avons cependant pu évaluer en raison de leur caractère récent.

M. le premier président. J’en reviens aux préconisations que nous faisons pour redresser la situation des comptes sociaux. Dès lors que la dette sociale augmente, il faudra bien la financer un jour. L’ACOSS gère aujourd’hui une grande partie – 49 milliards d’euros à fin 2010 – de cette dette. Or elle n’est pas outillée pour cela. Un certain nombre de dispositifs de gestion de la dette par la CADES sont prévus. Vous devez néanmoins, conformément à la loi organique, assurer son financement, ce qui entraîne des conséquences sur la CRDS. Bref, on aura beau la repousser, la décision devra bien intervenir à un moment ou à un autre.

M. le président de la sixième chambre. La question que pose M. Paul sur la part respective de l’ONDAM hospitalier et de l’ONDAM soins de ville dans l’effort de maîtrise des dépenses est particulièrement sensible. Ce que dit la Cour dans le rapport de cette année, c’est que la répartition des efforts entre le secteur hospitalier et le secteur ambulatoire reste ouverte dès lors que le tendanciel des deux secteurs – c’est-à-dire les hypothèses d’évolution toutes choses égales par ailleurs – est construit de manière différente. Autrement dit, on n’évalue pas de la même façon la tendance des dépenses des professionnels libéraux de santé et celle du secteur hospitalier. Nous préconisons bien sûr un mode d’approche homogène et transparent, qui permette de documenter précisément les efforts demandés à chaque acteur du système de soins.

M. le premier président. J’en viens aux dysfonctionnements observés dans la prise en charge des transports. Nous n’avons pas procédé à une analyse détaillée de tous les transports qui justifient une prise en charge par l’assurance maladie, monsieur Paul, mais à des sondages. L’essentiel des économies potentielles que nous avons identifiées correspond à des situations dans lesquelles les règles ne sont pas correctement appliquées. J’ai cité le cas du Val-d’Oise, où l’absence d’application de la règle de l’établissement approprié le plus proche se traduit par un surcoût de 30 % sur les dépenses de transport concernées. Par ailleurs, un certain nombre de ces règles pourraient être remises en cause. Il est certain que des économies substantielles pourraient être faites sur ces 3,5 milliards d’euros de dépenses sans remettre en cause l’accès aux soins.

Malgré leur coût pour l’assurance maladie, qui s’élève à 2,2 milliards d’euros, il n’existe pas de vraie réflexion sur la prise en charge par l’assurance maladie des cotisations des professionnels de santé libéraux. Nous proposons non de réduire cette somme, mais de l’utiliser de façon différenciée pour favoriser une meilleure répartition des médecins sur l’ensemble du territoire.

La Cour avait recommandé l’an dernier de revoir l’avenant 20 à la convention médicale pour éviter les effets d’aubaine qu’il avait suscités. Son coût s’est en effet élevé à 20 millions d’euros en 2010 pour 773 bénéficiaires, soit 27 000 euros par médecin concerné. J’avais même cité le cas d’un médecin qui avait touché une prime supérieure à 100 000 euros. La nouvelle convention médicale de juillet 2011 a donc instauré un plafonnement de cette aide à 20 000 euros.

Lorsque nous nous sommes penchés l’année dernière sur les aides publiques au financement de la couverture maladie complémentaire, nous avions noté qu’elles représentaient quelque 6 milliards d’euros. Notre principale recommandation concernait l’importante niche sociale – 2,3 milliards d’euros – dont bénéficient les contrats collectifs. Nous en avions demandé la modulation en fonction de critères d’éligibilité plus stricts, voire la suppression. Cette préconisation n’a pas encore eu de suites, mais l’analyse de la Cour n’a pas varié : il s’agit d’une aide qui constitue à certains égards un effet d’aubaine.

M. le président de la sixième chambre. S’agissant des soins dentaires, nous constatons qu’une partie des recommandations de la Cour ont été prises en compte. Notre première recommandation a ainsi abouti à la mise en œuvre d’une classification commune des actes médicaux pour l’activité de soins dentaires. La deuxième est en voie d’aboutir, puisque nous préconisions de rendre possible une différenciation des remboursements par les organismes complémentaires selon que les professionnels consultés font ou non partie des réseaux que ces organismes entendent promouvoir. Votre ancien collègue Yves Bur avait déposé un amendement visant à donner une base juridique à cette pratique dans le cadre de la discussion de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – dite loi HPST – en 2011, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Le problème reste donc entier.

Nous avons continué à suivre le sujet de la T2A, que nous avions analysé dans le rapport de l’an dernier. Nous avons constaté quelques progrès dans la récente campagne tarifaire : les modifications de la campagne 2012 ont été à la fois plus transparentes et plus limitées que les années précédentes. Or nous préconisions justement une certaine stabilisation des règles du jeu. Nous observons en revanche le maintien de la part importante des dotations pour les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation (MIGAC), dotations forfaitaires qui viennent compléter la T2A, ainsi que des coefficients géographiques bénéficiant aux établissements d’Ile-de-France, des DOM-TOM et de Corse.

M. le premier président. Comme le note Mme Pinville, on constate cette année encore une sous-consommation de l’objectif global de dépenses de la CNSA, et ce en dépit de la budgétisation des crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, qui aurait dû entraîner un progrès. Cette sous-consommation est liée aux mêmes raisons qu’auparavant, à savoir la difficulté de bien programmer les ouvertures de places attendues dans certains établissements. Néanmoins, elle a fortement baissé : elle passe de 539 millions d’euros en 2009 à 247 millions d’euros en 2011 pour le secteur des personnes âgées.

M. le président de la sixième chambre. Le rôle que peuvent jouer les agences régionales de santé dans l’amélioration du parcours de soins est un sujet crucial. À l’occasion d’une insertion au rapport public annuel de février 2012, nous avons constaté que, d’une manière générale, la prise en charge des personnes âgées a plutôt tendance à s’améliorer. Je pense notamment à l’accueil aux urgences hospitalières. Des progrès importants restent cependant à faire, notamment dans le maillage entre le rôle des intervenants libéraux de santé, le recours à l’hôpital en court séjour, la problématique des soins de suite et celle du médico-social. Ce sujet est au cœur des missions des agences régionales : il fait partie des priorités stratégiques qui leur ont été assignées. Nous n’avons pas encore évalué la manière dont elles ont rempli leurs objectifs à cet égard, puisqu’elles achèvent tout juste l’élaboration de leurs projets régionaux.

M. le premier président. Madame Pinville, nous ne remettons pas en cause, pour les personnes fragiles ou dépendantes, le principe de l’exonération de cotisations sociales patronales dont bénéficient les particuliers de plus de 70 ans employant un salarié à domicile. Toutefois, l’exonération étant accordée du seul fait de l’âge, indépendamment du niveau de revenus, une personne âgée de plus de 70 ans bien portante et dotée de revenus confortables est traitée de la même manière qu’un retraité modeste. C’est pourquoi la Cour propose de soumettre cette exonération à conditions de ressources. Il faut savoir que cette exonération, qui est aujourd’hui plafonnée à 65 fois le SMIC horaire par mois – soit une économie maximale de quelque 245 euros par mois – et profite à 585 000 bénéficiaires, coûte 380 millions d’euros.

Du reste, l’INSEE relève que le taux de dépendance des hommes et des femmes n’est que de 5 % jusqu’à 75 ans, l’âge moyen de la dépendance étant de 78 ans pour les hommes et de 83 pour les femmes. C’est pourquoi nous proposons la remise à plat de certains dispositifs, qui méritent d’être réévalués en fonction des besoins réels.

M. Issindou a pensé relever une contradiction entre deux des recommandations de la Cour. Celle-ci constate, en effet, que de nombreuses personnes éligibles à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ne la demandent pas, par manque d’information, ce dispositif ne faisant pas l’objet de campagnes de communication, contrairement à d’autres prestations. La Cour recommande donc de systématiser l’information à destination des personnes éligibles à l’ASPA. Cela ne lui interdit pas toutefois de demander en même temps le déplafonnement de la récupération sur succession, afin de mieux tenir compte, au nom de l’équité, de l’effort de solidarité nationale consenti envers les bénéficiaires du minimum vieillesse. Du reste, ce n’est pas tant son éventuel déplafonnement mais le principe même de la récupération sur succession qui peut conduire certaines personnes éligibles à renoncer au dispositif. Dès lors, la Cour estime que les conséquences de ce déplafonnement seraient faibles.

Madame Rabault, si la Cour s’est appesantie cette année sur la situation des retraités – l’ensemble des dispositions dérogatoires dont ils bénéficient s’élève à quelque 12 milliards d’euros –, c’est dans le cadre d’un travail continu sur les niches sociales et fiscales. Les dépenses fiscales, quelles qu’elles soient, sont insuffisamment évaluées alors même que, comme le relèvent plusieurs rapports de la Cour et de l’Inspection générale des finances, le rapport coût-efficacité de plusieurs niches fiscales est loin d’être pertinent, notamment au regard des nouveaux besoins ou des nouveaux objectifs définis par le pouvoir politique.

La situation des retraités est très contrastée. S’ils sont loin d’être tous des privilégiés, il convient néanmoins de réévaluer plusieurs mécanismes, tels que la CSG ou la fiscalisation des majorations de pension, qui ne sont pas fiscalisées pour les retraités ayant eu au moins trois enfants. De même, les retraités doivent-ils continuer de bénéficier de l’abattement de 10 % pour frais professionnels sur les pensions ? La Cour invite la représentation nationale à réexaminer l’ensemble de ces dispositions, tout en appelant son attention sur la situation très précaire dans laquelle se trouvent de nombreuses personnes âgées.

La Cour n’a pas abordé la question de la création d’un régime de retraite unique et universel dans le chapitre qu’elle consacre à l’interlocuteur social unique. Ce chapitre est essentiellement consacré aux perturbations du recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants. Le dispositif actuel est moins performant et plus coûteux que les précédents qui, déjà, ne donnaient pas satisfaction. Une nouvelle réforme s’impose donc.

S’agissant des différents modes de garde des enfants – je réponds aux questions de Mmes Rabault et Poletti sur le sujet –, l’État doit-il aider tous les foyers indépendamment de leur niveau de revenus ? Ma réponse est négative. Les prestations ne sauraient être toutes universelles.

M. le président de la sixième chambre. La question a été posée de savoir si la facturation au coût réel des frais de gestion des prestations versées par la CNAF pour le compte des départements et de l’État aurait un effet inflationniste sur sa gestion administrative. La Cour a proposé, l’an dernier, de diminuer à due concurrence l’enveloppe de frais de gestion qui serait directement financée par la branche, afin de provoquer un effet d’intéressement à la qualité de la gestion.

M. le premier président. Les recommandations de la Cour des comptes, ces dernières années, n’ont pas porté sur les niches fiscales ou sociales dont bénéficient les seuls retraités, mais également sur les parachutes dorés, les stock-options ou d’autres niches touchant d’autres catégories de citoyens. Certaines de ses recommandations ont d’ailleurs été suivies d’effet.

Nous pourrons, l’année prochaine, procéder à un récapitulatif de toutes nos recommandations en la matière.

M. Denys Robiliard. Monsieur le président, vous envisagez la diversification des assiettes fiscales, les prestations universelles ne devant pas continuer de reposer sur le seul travail. La Cour est-elle entrée plus en détail sur le sujet, en vue, notamment, de diminuer le coût du travail ?

Vous envisagez par ailleurs de moduler le montant de la prise en charge par l’assurance maladie des cotisations sociales des professionnels libéraux de santé en fonction de la densité médicale sur un territoire donné, de conditionner cette prise en charge au respect de certains plafonds et d’en exclure les revenus tirés de catégories d’actes donnant lieu à des dépassements quasi-systématiques : nous ne pouvons que nous en féliciter. Avez-vous identifié d’autres outils permettant d’agir sur la répartition géographique des professionnels de santé ?

La désertification médicale, en faisant disparaître les médecins de proximité, a pour effet d’augmenter le coût des transports de patients. En Loir-et-Cher, une convention signée avec l’agence régionale de santé avait permis d’étendre les horaires d’ouverture d’une maison médicale du sud rural du département de huit heures à vingt heures ainsi que le samedi matin, ce qui avait entraîné la baisse quasi immédiate de la fréquentation des urgences de l’hôpital et celle, corrélative, des frais de transport, l’économie réalisée étant dans un rapport d’un à sept – un euro investi permettant d’économiser sept euros. Malheureusement, l’agence régionale a refusé de continuer à financer l’expérience, les lignes de crédit n’étant pas fongibles. La Cour ne serait-elle pas favorable à une plus grande souplesse en la matière ?

M. Jean-Pierre Door. Le rapport de la Cour des comptes est chaque année très attendu.

Je constate tout d’abord que l’ONDAM de la médecine de ville est respecté depuis deux ou trois ans : le corps médical a donc rempli son rôle dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Nous prenons acte en revanche de l’insuffisante maîtrise en matière d’arrêts de maladie et de transports sanitaires, sans oublier les fraudes sociales. Il y a là des marges de manœuvre qui ne sont en aucun cas hors de portée.

Un précédent rapport de la Cour évoquait les progrès à réaliser en matière de gestion interne et d’organisation de la gouvernance hospitalière. Il est indispensable de les réaliser.

Pour l’UMP, ce serait une erreur de mettre fin à la convergence tarifaire public-privé et de revenir sur la tarification à l’activité – T2A. Nous sommes en revanche favorables à l’augmentation de la dotation des MIGAC, s’agissant notamment de sa composante MERIC – missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation.

Vous avez prôné une progression pluriannuelle de l’ONDAM à 2,35 %. À la suite des conclusions rendues par le comité de pilotage de l’ONDAM, conduit par M. Raoul Brillet, le gouvernement précédent avait évalué cette même évolution à 2,5 %. Aujourd’hui, le Gouvernement annonce 2,7 %, ce qui représente une augmentation de l’ordre de 4,7 milliards d’euros en 2013, augmentation irréalisable à moins de prélever de nouvelles recettes assises sur la CSG ou la TVA sociale. Qu’en pensez-vous ?

S’agissant des avantages sociaux des médecins libéraux, la remise en cause de la convention de 1971 ne risque-t-elle pas de susciter une réaction violente du monde médical ? En contrepartie des cotisations sociales payées par la sécurité sociale, les honoraires sont négociés et opposables, la consultation s’élevant aujourd’hui à 23 euros. Une remise en cause de la convention ne risque-t-elle pas de pousser la population médicale dans le secteur II, alors que 85 % des médecins généralistes sont aujourd’hui en secteur I ?

Enfin, le constat de la Cour des comptes sur la faillite du dossier médical personnel est sévère. Or qu’est devenue la disposition adoptée par le Parlement instaurant un DMP sur support mobile, qui pourrait être à disposition des praticiens ? Les décrets d’application ne sont toujours pas publiés, alors que cette solution serait plus simple et moins onéreuse.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je tiens à rappeler que le DMP sur clé USB était votre idée, monsieur Door. L’opposition de l’époque n’avait pas voté cette disposition.

M. Jean-Louis Roumegas. Les considérations des écologistes seront quelque peu décalées par rapport à celles de leurs collègues, en tout cas moins techniques.

Nous voudrions en effet mettre l’accent sur la crise sanitaire, qui est une dimension essentielle du financement de la sécurité sociale bien qu’elle soit absente de l’analyse de la Cour des comptes.

L’Organisation mondiale de la santé souligne l’apparition d’épidémies et de maladies chroniques propres à notre époque : plus 35 % de cancers chez les hommes et plus 43 % chez les femmes en vingt ans, 6 % de diabétiques supplémentaires par an, sans compter le développement de l’asthme ou de l’obésité.

Cette évolution de la situation sanitaire pèse lourdement sur les comptes de l’assurance maladie. On estime que, les dix dernières années, les dépenses liées à la prise en charge des cancers ont augmenté de 10 milliards d’euros. Le diabète coûte annuellement 12,5 milliards d’euros. Les dépenses liées au tabagisme s’élèvent à 18 milliards d’euros, alors que le tabac ne rapporte que 12 milliards d’euros à l’État.

La Cour des comptes s’est-elle déjà penchée sur les conséquences financières de la crise sanitaire pour confirmer ou infirmer ces chiffres qui proviennent du milieu associatif ?

À moyen et long termes des politiques de prévention sont nécessaires pour résoudre durablement les problèmes de financement de la santé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Roumegas, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a rendu, en début d’année, un rapport sur le sujet sous la plume de notre ancien collègue Jean-Luc Préel, qui s’appuyait sur une étude de la Cour des comptes.

M. le premier président. Monsieur Robiliard, la Cour des comptes a déjà constaté dans différents rapports que, contrairement à d’autres pays, le financement des politiques publiques était souvent assis en France sur le travail, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de compétitivité. Ne conviendrait-il pas, dès lors, de substituer aux cotisations reposant sur le travail des impôts à l’assiette élargie ? La Cour avait alors évoqué la TVA, la CSG ou la fiscalité environnementale. Elle rendra à la MECSS de l’Assemblée nationale au mois de mars 2013 un rapport sur le financement de la branche famille. En tout cas, les pouvoirs publics ont inscrit cette question au calendrier des partenaires sociaux.

S’agissant de la répartition des professionnels de santé et des déserts médicaux, le rapport de 2011 de la Cour des comptes a recensé toutes les dispositions pouvant contribuer à une meilleure répartition du corps médical, en insistant sur l’intérêt des maisons médicales ou du guichet unique. Toutefois, ces dispositifs étant disparates et peu lisibles, elle conseillait de recourir à la modulation du montant des exonérations sociales, tout en suggérant une meilleure orientation des flux de formation afin d’inciter les médecins à rester sur place.

L’exemple rapporté par M. Robiliard est révélateur d’une trop grande rigidité en matière de lignes budgétaires, dont certaines devraient être fongibles, ce qui permettrait aux agences régionales de santé de prendre des initiatives en matière d’économies. Nous en appelons à un accroissement des compétences des agences et à une plus grande responsabilisation des acteurs.

Monsieur Door, ce n’est pas la Cour des comptes qui prône une évolution de l’ONDAM à 2,35 % à partir de 2014. Elle ne fait que tirer les conséquences de l’objectif, affiché, de parvenir en 2017 à l’équilibre des comptes sociaux. Un ONDAM à 2,7 %, à prélèvements obligatoires constants, repousserait cet objectif à 2019.

La Cour, monsieur Roumegas, qui n’ignore pas l’existence de besoins sanitaires très importants, sait très bien que les dépenses de santé continueront d’augmenter. Cela n’en rend la maîtrise des dépenses actuelles que plus impérieuse encore. Or des marges existent et des économies peuvent être réalisées dans nombre de secteurs pour redresser les comptes sociaux, en agissant à la fois sur les dépenses et sur les recettes.

Il faut, en matière de recettes, réexaminer l’ensemble des niches fiscales et sociales, voire recourir à de nouveaux impôts et, en matière de dépenses, prendre en considération les propositions contenues dans de nombreux rapports. La représentation nationale pourra ainsi répondre à l’augmentation prévisible des besoins, qui ne passe pas obligatoirement par une augmentation des dépenses : des efforts sont à réaliser pour réduire les coûts dans certains domaines, y compris celui des affections de longue durée.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Door, la loi de finances rectificative a déjà permis d’apporter de nouvelles recettes. Le Gouvernement agit : vous pouvez être rassuré.

M. Jean-Louis Touraine. Le rapport souhaite l’amélioration des relations entre les différents organismes de santé, qu’il s’agisse des relations entre l’assurance maladie et les agences régionales de santé, ou l’Ordre des médecins pour limiter les abus de dépassements d’honoraires, maîtriser les prescriptions ou assurer la permanence des soins, ou des relations entre l’Ordre des médecins et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour prévenir les conflits d’intérêts. Quelles mesures préconisez-vous pour renforcer les liens entre ces différents organismes, en vue d’accroître leur efficacité respective ?

M. Bernard Perrut. Vous êtes particulièrement sévère avec la CNAF : évoquant une gouvernance inefficiente, une stratégie incertaine ou une trop grande dispersion des structures et des moyens, vous préconisez d’« axer la prochaine convention d’objectifs et de gestion sur un petit nombre de priorités hiérarchisées ». Quelles missions des caisses d’allocations familiales convient-il de redéfinir, notamment pour recentrer leur action sur les familles les plus vulnérables ? Comment redéfinir les modalités de pilotage et de gestion ? Quels objectifs vous paraissent stratégiques ? Quel bilan tirez-vous de la réorganisation récente des caisses sur le territoire ?

M. Gérard Sebaoun. Le rapport observe que les branches maladie et famille sont les premières bénéficiaires d’impôts et de taxes sans cesse plus nombreux – vous en répertoriez une cinquantaine.

Vous notez également que les taxes augmentent année après année, celles sur le tabac et les alcools constituant des recettes importantes mais peu vertueuses en termes de santé publique. Que pensez-vous d’un système qui se donne, de manière paradoxale, bonne conscience en capitalisant sur la consommation de produits nocifs ? Ne conviendrait-il pas d’affecter ces taxes à un autre secteur que la maladie dans le cadre d’une simplification des recettes fiscales ? Le choix appartiendrait à la représentation nationale, votre rapport ouvrant plusieurs pistes.

Mme Kheira Bouziane. La prévention, en évitant des dépenses, permettrait de réaliser des économies importantes. Or, en raison de l’évolution de la démographie médicale, elle risque d’être sacrifiée. Est-il besoin d’insister sur l’insuffisance de la prévention en direction des enfants ou des salariés, compte tenu de l’état de la médecine scolaire ou de la médecine du travail ? Quant à la prévention en direction des personnes âgées, elle relève aujourd’hui d’actions volontaristes d’associations et de centres communaux d’action sociale. La développer en vue d’éviter des pathologies ne serait-il pas préférable à la réduction des prestations ?

S’agissant du nombre des indemnités journalières versées au titre de la maladie par le régime général, vous avez évoqué la disparité entre les territoires. Avez-vous aussi observé des disparités entre les catégories socioprofessionnelles et pris en compte les tensions pouvant exister sur le marché du travail ?

M. Dominique Tian. La possibilité pour le patient de masquer certaines données du DMP le rend, à mon avis, totalement inopérant – c’est un vice de conception, qui l’empêchera de connaître le succès. En revanche, l’idée de la clé USB, dont Jean-Pierre Door est à l’origine, pourra réussir puisqu’elle ne vise que les patients souffrant d’une ALD, c’est-à-dire un public ciblé, et que les données ne sont pas masquées.

S’agissant de l’explosion du nombre des indemnités journalières – plus 50 % en dix ans –, je sais que les Bouches-du-Rhône, en termes de disparités régionales, ne donnent pas l’exemple. Il existe un problème, déjà ancien, de gouvernance entre les caisses primaires et la Caisse nationale d’assurance maladie. Le rapport oublie en revanche de mentionner les disparités existant entre le privé et le public – vingt-deux jours de maladie dans un conseil général ou régional contre onze jours dans le secteur privé.

Dans Les Échos, ce matin, les directeurs des hôpitaux publics demandent le maintien du jour de carence adopté l’année dernière, qui a déjà permis aux hôpitaux de réaliser plus de 60 millions d’euros d’économies, et entre 120 et 140 millions d’euros dans la fonction publique. Or le Gouvernement a engagé des négociations sur ce sujet avec les syndicats. La Cour des comptes ne pourrait-elle pas lui recommander de conserver cette mesure juste et efficace ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je me suis rendue vendredi dernier au Forum de l’exclusion sociale, avec ATD Quart Monde, aux côtés de M. Martin Hirsch. Certes, les fraudes sociales existent, mais il ne faut pas non plus oublier que, selon les secteurs, entre 50 % et 60 % de personnes éligibles à certains dispositifs sociaux ne demandent pas à en bénéficier par manque d’information.

Le coût de l’exonération des cotisations sociales des professionnels de santé ayant encore augmenté pour atteindre quelque 2 milliards d’euros, cette exonération doit servir, dans les négociations, de levier pour inciter ces professionnels à s’installer là où on a besoin d’eux. Il est tout de même paradoxal que la solidarité nationale, qui déjà solvabilise ces professions, leur finance en plus les cotisations sociales. Il serait bon d’enseigner l’économie de la santé aux étudiants des professions médicales.

Monsieur le président, vous avez déclaré que le prix des médicaments allait se stabiliser durant quelques années, faute de médicaments innovants. N’oublions pas toutefois que nous nous orientons vers des stratégies médicamenteuses ciblées, qui, en s’adressant à des populations étroites, coûteront de plus en plus cher. En biomédecine, les traitements peuvent atteindre entre 25 000 et 30 000 euros. On peut toujours refuser, comme aux États-Unis, de gagner six mois de vie sur une grosse pathologie, mais je ne souhaite pas que mon pays fasse ce choix.

M. le premier président. C’est bien parce que des besoins ne sont pas couverts qu’il faut être exigeant sur l’efficacité de la dépense et réaliser toutes les économies possibles. À l’exception des Pays-Bas ces dernières années, la France est le seul pays à accepter un déficit durable de ses comptes sociaux, dont nous reportons la charge sur les générations futures, alors même que, comme vous l’avez noté, elles seront confrontées au financement de traitements très lourds. Notre génération doit s’interroger sur sa responsabilité, d’autant que la dette sociale demeure très élevée – 145 milliards d’euros. À un moment donné, c’est l’existence même du dispositif qui sera remise en cause. Il faut, à la fois, ajuster les recettes en s’interrogeant sur la pertinence de certains mécanismes dérogatoires et réduire les dépenses, grâce à une meilleure organisation du système de santé et à une meilleure maîtrise des prescriptions, sans remettre en cause l’accès aux soins.

M. le président de la sixième chambre. Il est vrai que l’assurance maladie a été très hostile à la création des agences régionales de santé. Certes, des progrès sont en cours – l’assurance maladie a ouvert ses bases de données aux médecins des agences –, mais la région n’est pas encore un niveau d’organisation reconnu par tous les partenaires. Par exemple, l’Ordre des médecins est historiquement organisé en conseils départementaux. La légitimité des conseils régionaux de l’Ordre, récemment créés, est faible.

Quant aux relations entre les caisses primaires d’assurance maladie et l’Ordre, elles sont aisées sur le plan personnel mais conflictuelles sur le plan institutionnel. Plus les agences régionales de santé s’inscriront dans un paysage régional clair et seront capables de nouer des liens avec les différents partenaires, plus fluides seront les relations entre ces institutions puissantes.

S’agissant des systèmes d’information de la Caisse nationale des allocations familiales, notre constat, il est vrai sévère, en rejoint d’autres : le réseau des caisses est mal piloté et très lâche, ce qui n’est pas sans incidence sur la fiabilité des comptes des organismes de la branche. C’est pourquoi nous avons refusé de les certifier au mois de juin. La réorganisation des caisses sur le territoire n’a donc eu aucun effet sur le plan comptable. En a-t-elle eu sur celui de leur efficacité ? Elle est encore trop récente pour en juger.

L’affectation des taxes sur le tabac et l’alcool aux organismes de sécurité sociale répond à la logique du pollueur-payeur : elle est donc cohérente. D’un autre côté, elle peut les mettre en porte-à-faux, d’autant que nous pouvons légitimement espérer que l’effort de prévention se traduira par une diminution des recettes.

Nous avons remis l’an dernier à la MECSS un rapport sur la prévention sanitaire, qui fait le point sur son organisation. C’est un dispositif insuffisamment coordonné entre l’État et l’assurance maladie et très insuffisamment financé, même si une bonne partie de l’effort passe par les consultations des médecins et n’est donc pas identifié en tant que tel. La MECSS a repris nombre de nos propositions dans son propre rapport.

La Cour ne s’est pas penchée sur le fonctionnement du DMP : elle a cherché à en connaître les coûts, à travers un véritable travail de détective, qui n’est pas encore achevé. Nous y reviendrons.

La partie relative aux indemnités journalières est la synthèse d’un rapport de 150 pages que nous vous avons remis courant juillet. Il analyse de manière plus complète les disparités territoriales, en fonction notamment de l’environnement de travail des différents bassins.

Nous savons que, d’ici à quelques années, des molécules innovantes entreront sur le marché, provoquant une augmentation des prix. La panne de l’innovation à laquelle nous assisterons entre-temps aura un effet de régulation de la dépense pharmaceutique, dont le chiffre d’affaires s’oriente à la stabilité, voire à la baisse dès cette année.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie, messieurs.

B. AUDITION DES MINISTRES

La Commission des affaires sociales a entendu Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget, et Mmes Michèle Delaunay, Dominique Bertinotti et Marie-Arlette Carlotti, ministres déléguées auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargées respectivement des personnes âgées et de l’autonomie, de la famille et des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, au cours de sa séance du mercredi 10 octobre 2012.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous débutons aujourd’hui le long marathon de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 en accueillant plusieurs membres du Gouvernement – dont trois, que je salue avec bonheur, étaient députés de l’opposition pendant la précédente législature. Je tiens – dernière infraction à l’impartialité à laquelle est tenue la présidence – à saluer aussi la qualité de ce projet de loi de financement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Je suis particulièrement heureuse de me retrouver parmi vous pour vous présenter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et de reprendre des débats que nous avons déjà eus ensemble pour les poursuivre dans un climat que j’espère serein.

Ce projet s’inscrit dans une stratégie globale de rétablissement des comptes publics. Le déficit de la sécurité sociale s’élève à plus de 17 milliards d’euros en 2012 et il atteindrait 19,7 milliards d’euros en 2013 en l’absence de mesures de notre part. Nous entendons le ramener à 13,9 milliards d’euros. Cependant, en rupture avec ce qui se pratiquait au cours des années précédentes, nous n’avons pas l’intention de faire porter aux assurés le poids d’une diminution de la protection sociale qu’ils peuvent attendre. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi de financement, loin de les restreindre, réaffirme et même étend les droits de nos concitoyens en matière de santé, de retraite et de famille.

Nous avons fixé le taux de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) à 2,7 %, au lieu de 2,5 % l’année dernière, tant il nous importe d’investir dans la santé et dans l’innovation, à l’hôpital comme pour les soins de proximité.

D’autre part, nous nous engageons en faveur de l’équilibre des systèmes de retraite qui, en dépit de la réforme de 2010, demeurent dans une situation préoccupante. Ne voulant surtout pas fragiliser les pensions de nos concitoyens, nous avons réduit dans de fortes proportions le déficit de la branche vieillesse tout en abondant le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Dans le prolongement de décisions que le Gouvernement a prises avant ou au cours de l’été – relèvement de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, au bénéfice de près de trois millions de familles, et rétablissement pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt de la possibilité de partir en retraite dès 60 ans –, ce projet de loi de financement instaure de nouveaux droits. Les travailleurs de l’amiante bénéficiaires de l’allocation de cessation d’activité anticipée pourront désormais partir en retraite à 60 ans, quel que soit leur régime ; les non-salariés agricoles en situation d’invalidité ou de maladie se verront attribuer des points de retraite proportionnelle à titre gratuit ; quant aux exploitants agricoles, qui étaient jusqu’à présent les seuls à être privés de cette possibilité, ils pourront désormais percevoir des indemnités journalières.

Nous nous engageons dans la voie d’une réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie et nous proposons une mesure forte en faveur des femmes, à savoir la prise en charge à 100 % par l’assurance maladie des interruptions volontaires de grossesse.

En attendant la réforme des retraites que nous avons programmée pour 2013, le présent projet annonce avec force la modernisation de notre système de santé.

Cette modernisation se traduit à la fois par une politique d’économies concernant le médicament comme l’organisation de l’hôpital et la médecine de ville, et par la restructuration de notre système de soins autour des deux piliers que sont l’hôpital public et la médecine de proximité. Ce texte revient sur la suppression par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) de la notion de « service public hospitalier », supprime la convergence tarifaire entre le public et le privé et sécurise l’accès des hôpitaux au crédit.

Nous allons d’autre part restructurer l’offre de soins de proximité en instaurant la rémunération forfaitaire du travail en équipes, en mettant en place les parcours de santé pour les personnes âgées en perte d’autonomie et en expérimentant dans un certain nombre de territoires de santé le décloisonnement entre médecine de ville et médecine hospitalière.

Ce projet de loi de financement traduit donc notre détermination à redresser la situation financière de notre système de soins tout en étendant les droits sociaux de nos concitoyens. Cette politique équilibrée passe par un certain nombre de propositions concrètes, en matière de recettes, que va vous présenter Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget. Entre 2002 et 2011, le déficit cumulé de la sécurité sociale a atteint 160 milliards d’euros. Cette somme a été transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), dont la durée de vie a été prolongée de quelques années, ce qui reporte sur les générations futures le soin d’acquitter des dettes issues de dépenses de fonctionnement dont elles ne sont évidemment pas à l’origine.

Convaincus qu’il fallait en finir avec cette pratique, et sachant que le déficit de 2012 approcherait 20 milliards d’euros, nous avons jugé nécessaire de prendre des mesures de redressement, ce qui supposait à la fois des économies et des recettes nouvelles.

La limitation à 2,7 % de la progression de l’ONDAM suppose ainsi une économie de 2,4 milliards d’euros tous régimes confondus – de 2,1 milliards pour le seul régime général. Quant aux recettes, elles ont été conçues pour réduire le déficit de 3,8 milliards d’euros par rapport à la précédente loi de financement et de 5,9 milliards d’euros en exécution budgétaire.

Dans un souci d’équité, les travailleurs indépendants, dont les gains dépassant 180 000 euros par an n’étaient pas soumis à cotisation, devront désormais contribuer davantage au financement de leur protection sociale, puisque l’intégralité de leurs revenus sera désormais soumise à cotisation. Les auto-entrepreneurs, quant à eux, conservent le bénéfice d’une déclaration simplifiée et d’une cotisation nulle en l’absence de chiffre d’affaires, mais leur taux de cotisation sera aligné sur celui de leurs concurrents qui ont opté pour le statut classique d’entrepreneur. Je salue le sens des responsabilités dont ont fait preuve les intéressés puisqu’en dépit des efforts qui leur sont demandés, le Régime social des indépendants (RSI) a donné un avis favorable à ce projet de loi de financement.

Dans un souci de justice sociale, le projet propose d’élargir l’assiette de la taxe sur les salaires, afin de l’aligner sur celle de la CSG, et de supprimer la possibilité pour les particuliers employeurs de cotiser au forfait, ceux-ci continueront néanmoins à bénéficier d’un régime fiscal favorable. L’année dernière, la précédente majorité avait supprimé l’abattement de 15 % sur les cotisations sociales payées par les ménages employant à domicile une personne déclarée au réel, ce qui a entraîné un recours accru au forfait. Il nous a paru nécessaire de supprimer cette option, ce qui nous apparaît comme un bon compromis entre la nécessité de préserver les emplois et celle de protéger les droits des salariés.

Ce projet de loi de financement contient également plusieurs dispositions de santé publique comme la modification structurelle de la fiscalité du tabac ou le relèvement des droits d’accise sur la bière.

Le tabac fait l’objet d’une double imposition, l’une spécifique et l’autre proportionnelle. En France, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays européens, la taxation spécifique est plus importante que la taxation proportionnelle, ce qui fait que lorsque les prix augmentent, celui des cigarettes les plus chères augmente davantage que celui des cigarettes les moins chères. Cela a pour effet de reporter la consommation sur les secondes, au préjudice de la santé publique comme des recettes. Il nous fallait inverser ce rapport afin de rendre notre fiscalité sur le tabac « eurocompatible ». Si le Parlement adopte cette disposition, nous amorcerons ainsi une harmonisation de notre fiscalité avec celle des pays voisins dès le 1er juillet prochain tout en nous procurant un gain de 125 millions d’euros.

Quant aux droits d’accise sur la bière, l’augmentation du droit spécifique correspond à une augmentation de 3 à 8 centimes par verre de bière ordinaire, ce qui contribuera à nous rapprocher de nos voisins européens. Je comprends l’émotion que suscite cette disposition, mais je rappelle que ces droits sont trois ou quatre plus élevés en Irlande, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas. Il ne s’agit pas d’empêcher la consommation de bière, plaisir auquel chacun de nous pourra continuer à s’adonner, mais d’éviter la consommation excessive qui touche une partie de notre jeunesse.

Enfin, ce texte met en place un certain nombre de contributions destinées à assurer le financement des pensions de différents régimes de retraite. Pour sauver la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), il relève le taux de la contribution tarifaire d’acheminement sur les prestations de distribution d’électricité et de gaz, ce qui représente un gain de 160 millions d’euros ; pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), il relève les taux de cotisation des assurés de 8,63 à 9,75 %, et cela avec l’accord des professionnels ; pour la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), il relève de 1,35 point le taux de cotisation des employeurs publics. Si rien n’avait été fait, celle-ci n’aurait pas été en mesure de servir les pensions jusqu’au 31 décembre 2013. J’espère que cette hausse nous permettra d’envisager sereinement la suite, mais je crains qu’un effort supplémentaire ne soit nécessaire en 2014.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je remercie le Gouvernement pour ce projet de loi qui allie souci de justice et souci des comptes publics.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Mes questions porteront sur les recettes et, surtout, sur l’équilibre des comptes. Vous nous présentez un projet de loi de financement volontariste, avec un objectif de réduction du déficit pour atteindre 11 milliards d’euros pour le régime général et 5 milliards d’euros pour l’assurance maladie. Reste le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui demeurera élevé.

Il fait partie des deux déficits particulièrement inacceptables, avec celui de la branche famille, qui atteint 2,4 milliards d’euros malgré les recettes nouvelles que vous lui consacrez. Ne jugez-vous pas nécessaire de rééquilibrer dès l’an prochain une branche dont les dépenses correspondent au versement de prestations ?

De même, comme toutes les dettes en matière de protection sociale, la dette du Fonds de solidarité vieillesse doit être rapidement prise en charge car le recours à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) est pervers : en asséchant le marché à court terme, cette agence obère la capacité qu’ont les entreprises de se financer.

Vous proposez de déplafonner les cotisations au Régime social des indépendants (RSI) des travailleurs indépendants, mais les revenus perçus à l’étranger de résidents en France, qui sont affiliés à l’assurance maladie, continueront de bénéficier de ce plafonnement. J’espère que vous accorderez un avis favorable à un amendement visant à mettre fin à cette discordance.

M. Christian Paul, rapporteur pour la branche maladie. Nous soutenons bien sûr ce projet de loi de financement qui combat les inégalités et nous en partageons l’inspiration et l’orientation : promouvoir la médecine de proximité et redonner toutes ses chances à l’hôpital public.

Ma première question concerne l’accès aux soins, qui est une préoccupation majeure des Français. Nous avons en la matière une obligation de résultats. La création de postes de praticiens territoriaux de médecine générale et l’instauration de nouveaux modes de rémunération incitant au travail en équipe vont dans le bon sens, mais ne faut-il pas aller plus loin pour inciter les jeunes praticiens à s’installer dans les déserts médicaux ? La tiédeur des mesures prises à cet égard sous la précédente législature ne pouvait conduire qu’à un échec. Aujourd’hui, pourquoi ne pas recentrer les incitations financières, faciliter la transmission des cabinets des médecins partant à la retraite et réfléchir à un développement de la médecine salariée ? Pourquoi ne pas inciter aussi les praticiens des centres ou des établissements mutualistes à exercer dans les zones sous-dotées ?

L’accès aux soins a aussi un aspect financier. Quel est l’état d’avancement des négociations visant à encadrer les dépassements d’honoraires ? Ne faut-il pas encadrer davantage l’exercice de la médecine libérale à l’hôpital, sachant que certains excès rejaillissent malheureusement sur l’ensemble des professionnels de santé ? Où en est la réflexion du Gouvernement pour améliorer l’accès aux soins optiques et dentaires, qui sont ceux auxquels nos concitoyens renoncent le plus souvent ?

En ce qui concerne l’hôpital, nous nous félicitons de l’abandon de la convergence tarifaire, mais nous devons tourner la page de la tarification à l’activité (T2A), tout au moins sous la forme brutale et aveugle qu’elle a prise jusqu’à ce jour. La Cour des comptes et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en ont dénoncé les effets pervers. La part de la T2A dans le financement des établissements est disproportionnée quand on sait qu’elle ne permet pas de prendre en compte et de valoriser des activités qui, bien que nécessaires, ne sont pas « standardisables ».

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2013-2017 prévoyait la réserve, au début de chaque exercice, d’une partie des dotations relevant de l’ONDAM affectées aux missions d’intérêt général. Nous sommes hostiles à ce gel, et nous souhaiterions donc connaître les intentions du Gouvernement sur ce point.

Concernant la branche accidents du travail et maladies professionnelles, je salue les avancées que constituent la prestation d’aide à l’emploi d’une tierce personne, la prise en compte du caractère professionnel des préjudices et la garantie pour les victimes de l’amiante de percevoir une indemnisation.

Mme Martine Pinville, rapporteure pour le secteur médico-social. Ce projet de loi de financement confirme la détermination du Gouvernement à redresser les comptes de la sécurité sociale tout en préservant notre système de soins. Je salue en particulier les investissements en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, en particulier la création de places dans les établissements spécialisés.

Ma première question concerne la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Afin de mettre en œuvre votre politique médico-sociale, comptez-vous accélérer la signature des conventions tripartites de médicalisation des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ?

Il me semblerait intéressant que soient associés au parcours de santé des personnes âgées en perte d’autonomie les services d’aide et de soins infirmiers à domicile, ainsi que les services de soins de suite et de réadaptation.

Quelles actions le Gouvernement entend-il engager pour encadrer la consommation des médicaments dans les EHPAD ?

Le délai de facturation à l’assurance maladie des établissements pour personnes handicapées est ramené à un an, ce qui risque de poser problème pour le traitement des dossiers dans les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Comment comptez-vous surmonter cette difficulté technique ?

M. Michel Issindou, rapporteur pour la branche vieillesse. Je remercie les ministres de nous présenter un projet de loi de financement susceptible de mettre enfin un terme à la dégringolade des comptes de la protection sociale, voire à les redresser puisque le déficit prévisionnel pour 2013 ne sera que de 4 milliards d’euros pour la branche vieillesse et de 2,6 milliards d’euros pour le FSV.

Le chiffre de 160 milliards d’euros de déficit cumulé est insupportable pour les générations futures. Il nous appartient de le réduire.

L’ensemble des régimes de retraite bénéficieront de 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2013, dont 3,4 milliards d’euros compte tenu du collectif budgétaire de cet été au bénéfice de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et un milliard d’euros qui permettent d’assurer la viabilité de plusieurs régimes.

Il ne faut pas non plus oublier la mesure de justice prise dans le décret du 2 juillet 2012 qui répare une injustice en permettant de partir à la retraite à 60 ans ceux qui ont commencé à travailler jeune et ont cotisé pendant 41 annuités.

Ce projet, à travers un certain nombre de mesures, va permettre de sauver plusieurs régimes de retraite en difficulté : la CNAV donc, la CNRACL (collectivités locales et hôpitaux), la CNAVPL (professions libérales) et la CNIEG (industries électriques et gazières). Il va améliorer la situation des victimes de l’amiante, qui pourront partir à la retraite à 60 ans, et celle des agriculteurs dont certains se verront attribuer des points de retraite gratuits, sans oublier des mesures ponctuelles pour les veuves et les enfants de marins.

Enfin, le prélèvement de 0,15 % sur les pensions des retraités fait débat mais il ne concerne que les retraités imposables, et épargne donc les personnes qui perçoivent une petite pension. Mais pouvons-nous être certains que les sommes qui seront affectées au FSV cette année serviront réellement, les années suivantes, à la future réforme de la dépendance ?

Mme Geneviève Levy, rapporteure pour la branche famille. Ma première question s’adresse à la fois à Mme Touraine et à M. Cahuzac et porte sur le financement de la branche famille. Pourquoi renoncez-vous à redresser les comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) dont le déficit ne sera pas amélioré en 2013, contrairement aux branches maladie ou vieillesse ? Vous annoncez 700 millions d’euros de recettes nouvelles, mais cela complète juste le panier hérité du transfert à la CADES en 2010. La seule recette supplémentaire est annulée par la hausse de l’allocation de rentrée scolaire. Dans le même temps, dans le projet de loi de finances, vous diminuez de 500 millions d’euros l’avantage procuré par le quotient familial. Vous prenez cet argent aux familles, mais vous ne l’utilisez pas pour financer la politique familiale ou pour redresser les comptes de la branche.

Ne pouvez-vous faire un geste pour la branche famille en affectant à la CNAF, à titre exceptionnel pour 2013, le produit de l’économie sur le quotient familial ? Ce geste, neutre pour les finances publiques, serait une marque d’intérêt envers les familles.

Ma deuxième question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la famille. Lundi dernier, à Bercy, lors de la présentation à la presse du projet de loi de financement, vous avez indiqué, s’agissant du complément de libre choix du mode de garde, qu’il s’agissait « pour les classes modestes, de la prise en charge de la rémunération des assistants maternels ». Je crains que vous ne soyez dans l’erreur car le complément ne finance jamais la totalité du salaire de l’assistant maternel, et ce texte n’y changera rien car il ne supprime pas le reste à charge : il dispense seulement d’avancer la partie du salaire qui est ensuite remboursée.

Le complément de libre choix du mode de garde représente 5,7 milliards d’euros en 2013 et intéresse 870 000 familles – elles étaient 317 000 en 2005, lorsque Christian Jacob a créé la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).

Que de faux espoirs pour une mesure qui rapportera au plus 6 à 12 millions d’euros d’ici deux ans, et dont l’incidence financière s’élèvera au mieux à 1/1 000e des montants du complément, voire à 1/10 000e des dépenses de la branche !

En outre, madame la ministre déléguée, vous demandez au Parlement d’autoriser quelque chose qui existe déjà puisque les caisses d’allocations familiales peuvent d’ores et déjà aider les parents à avancer les frais en utilisant leur dotation d’action sociale. Depuis 2007, celle de l’Essonne et la ville de Grigny aident les parents isolés allocataires du revenu de solidarité active (RSA) majoré à employer une assistante maternelle dans le cadre du parcours de réinsertion. La CNAF pourrait très bien organiser une telle initiative au niveau national. Le Gouvernement pourrait lui en confier la mission dans le cadre de la prochaine convention d’objectifs et de gestion qui prendra effet en janvier 2013 et qu’il serait temps, d’ailleurs, de négocier.

Cette « mesurette », qui risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel parce qu’elle s’apparente à un cavalier social, a-t-elle vraiment sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale ?

Il y a pourtant des choses à faire. Au cours des auditions que j’ai menées dans le cadre des débats sur la prestation d’accueil du jeune enfant, j’ai reçu de nombreuses assistantes maternelles. Toutes ont évoqué le reste à charge, trop élevé lorsque les deux parents perçoivent un salaire du niveau du SMIC. Le crédit d’impôt qui s’ajoute au complément de libre choix du mode de garde arrive trop tard. Pourquoi ne pas le fusionner avec la prestation et augmenter d’autant son montant, mesure qui aurait parfaitement sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale ?

En présentant un texte qui ne contient aucune mesure pour les familles, vous ne réformez pas à la marge, vous marginalisez les familles !

Ma dernière question s’adresse à M. Cahuzac. En 2011, la loi a supprimé l’exonération de 15 points de cotisation patronale en faveur des particuliers employeurs s’acquittant de cette cotisation sur la base de l’assiette réelle. L’économie était faible, mais elle nous a privés d’un levier pour le développement de la garde à domicile. La possibilité de cotiser au forfait demeurait, certes, mais elle fait perdre des droits sociaux aux salariés. Le projet de loi la supprime : pourquoi pas, mais le secteur de l’emploi à domicile, dont le développement ne date que du plan Borloo de 2005, est encore fragile. Pourquoi l’accabler ? Ne pourriez-vous rétablir l’exonération de l’assiette réelle, qui pourrait être compensée par un abaissement du plafond de l’avantage fiscal ? Tout le monde doit certes consentir des efforts, mais ne détruisons pas un secteur si prometteur pour les familles !

Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur Paul, nous avons le même souci que vous de combattre les inégalités dans l’accès aux soins, qu’elles soient d’origine financière ou qu’elles tiennent à la géographie. Ne pensez donc pas que les dispositions de ce projet de loi destinées à réduire les déserts médicaux sont là pour solde de tout compte. Aucune mesure n’ayant été prise depuis de nombreuses années pour garantir la présence médicale sur tous les territoires, il nous appartient d’y remédier.

Les médecins et l’ensemble des professionnels de santé souhaitent que l’exercice de la médecine s’adapte aux aspirations des jeunes générations. Or ceux-ci ne considèrent plus la médecine comme devant être un exercice solitaire et souhaitent entretenir de nouvelles relations avec les autres professionnels de santé et avec le secteur hospitalier. Ils nous ont aussi fait part de leur désir de pouvoir compter sur une aide administrative et, le cas échéant, financière lorsqu’ils démarrent leur activité. Face à ce constat, nous avons décidé de poser une première pierre en faisant de la lutte contre les déserts médicaux l’une de nos priorités, en créant des postes de praticiens locaux de médecine générale et en finançant les équipes territorialisées, mesures qui rendront plus attractif l’exercice de la médecine dans des territoires sous-dotés.

Mais nous ne devons pas en rester là : nous devons faire en sorte que les stages effectués par les étudiants en médecine leur permettent de mieux connaître les conditions d’exercice de la médecine libérale, et mettre en place un guichet administratif dans chaque agence régionale de santé afin de simplifier les procédures pour les jeunes médecins.

Vous suggérez de développer davantage la médecine salariée. Nous n’avons pas d’a priori sur les conditions d’exercice de la médecine, ni de préférence pour la médecine libérale, salariée ou hospitalière : nous nous devons, bien au contraire, d’utiliser ces trois composantes pour répondre aux besoins de nos territoires. Ainsi j’étudie attentivement le devenir des hôpitaux locaux, dont la suppression remet en cause l’action des professionnels de santé libéraux, et nous proposerons dans les prochaines semaines un plan d’ensemble pour lutter contre les déserts médicaux.

En ce qui concerne la T2A, dans le cadre du pacte de confiance pour l’hôpital, j’ai confié une concertation à M. Édouard Couty, mission qui débouchera prochainement sur l’installation d’une commission de la transparence et de la qualité chargée de déterminer les nouveaux critères de financement de l’hôpital public. Nous n’entendons pas remettre en cause la T2A, mais elle ne doit plus être l’unique fondement du financement de l’hôpital public. Un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale du Sénat, adopté à l’unanimité des membres de celle-ci, soulignait d’ailleurs récemment la nécessité de revenir sur ce financement exclusif. C’est dans cet esprit que, dès l’année prochaine, nous reviendrons sur le gel des dotations « MIGAC » – missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation.

Je ne suis pas en mesure aujourd’hui de vous dire quelle sera l’issue des négociations sur les dépassements d’honoraires entre les partenaires conventionnels, mais j’ai toujours indiqué que je souhaitais les voir aboutir. Pour autant, je le dis clairement, je ne me satisferai pas d’un accord a minima. Dans la période particulièrement difficile que traverse notre pays, certains devraient éviter de prôner la liberté absolue des tarifs médicaux car les Français ne l’acceptent pas.

Pour ce qui est des soins dentaires, un avenant à la convention dentaire, signé le 31 juillet dernier, comporte des avancées en matière de prévention, notamment pour les femmes enceintes, de répartition et de permanence des soins. Tous ces éléments devraient produire des effets dans les prochains mois.

S’agissant de l’optique, il me paraît nécessaire d’agir sur deux leviers : les tarifs, pour lesquels nous devons engager des discussions avec les professionnels, et l’accès aux soins, par une réduction des délais d’attente, ce qui passe par une meilleure articulation entre les interventions des différentes professions du secteur, à savoir les ophtalmologistes et les orthoptistes.

L’indemnisation des victimes de l’amiante sera pleinement garantie. Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) disposait d’un important fonds de roulement qui ne pouvait se justifier au regard de la situation générale des établissements publics. Mais tous les moyens d’indemnisation sont garantis sur la période et les dotations seront ajustées en fonction des demandes. Ma préoccupation, je le dis très clairement, porte sur le rythme d’instruction des dossiers. Certaines victimes attendent plus d’un an avant que leur demande d’indemnisation soit prise en compte. Ce n’est pas acceptable. Si, comme nous l’espérons, le rythme d’instruction des dossiers s’accélère, nous reverrons les dotations en conséquence.

Madame Pinville, un effort important sera fait en faveur du secteur médico-social, dans le cadre d’une politique coordonnée entre le secteur de ville, le secteur hospitalier et le secteur médico-social.

Monsieur Issindou, nous nous engageons très fortement pour garantir de manière structurelle tous les régimes de retraite, y compris ceux dont l’avenir n’était pas assuré. Cela ne peut passer que par des mesures fortes.

Nous mettons en effet à contribution les retraités à hauteur de 0,15 % en vue de financer la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie. Nos concitoyens n’ont que trop attendu en la matière. Si nous avons choisi de ne pas engager de grand débat sur le sujet, c’est qu’il a déjà eu lieu, sans être suivi du moindre effet. Nous ne pouvons nous en satisfaire.

Je vous remercie, madame Levy, pour votre sens de l’humour. Vous nous rappelez que la politique de l’ancienne majorité consistait à transférer des ressources de la branche famille vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), accroissant ainsi son déficit, et vous avez l’honnêteté de nous demander pourquoi nous ne faisons pas plus que compenser vos malversations ! Mais si nous n’avions rien fait pour cette branche, ce n’est pas le maintien du déficit à son niveau précédent que vous constateriez, mais bien un déficit de 700 millions d’euros !

La mesure affectant le quotient familial a bel et bien profité aux familles puisque l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire a bénéficié à trois millions de familles et à cinq millions d’enfants. Ce n’est pas une « mesurette » ! Nous ne marginalisons pas les familles. Bien au contraire, nous leur donnons la place qui doit être la leur dans notre société, dans un souci de justice et en renforçant notre soutien aux plus modestes d’entre elles.

M. le ministre délégué chargé du budget. Monsieur Bapt, le stock de dette transféré à la CADES a quasiment doublé entre 2007 et 2011, passant de 107 à 207 milliards d’euros. Il reste 21 milliards à financer par l’ACOSS au titre de l’année 2012. La Caisse des dépôts a été sollicitée, mais beaucoup moins qu’elle ne le fût par le passé, et beaucoup moins que les conventions passées entre l’ACOSS et elle ne le permettraient : elles autorisent des avances jusqu’à un montant de 14 milliards d’euros, et la caisse n’avancera en réalité que 900 millions d’euros au régime général, via l’ACOSS. Pour le reste, celle-ci se finance sur le marché dans d’excellentes conditions : sa signature est équivalente à celle de l’État.

L’an prochain, ce besoin de financement s’élèvera à 27 milliards d’euros. Le plafond d’avances qu’il vous est proposé d’adopter est de 29,5 milliards d’euros : c’est beaucoup, mais tout à fait raisonnable au regard de ce que ces organismes ont connu ces dernières années : en 2010, sous la majorité précédente, ce plafond était fixé à 65 milliards d’euros.

Pour la CNAV et le FSV, les transferts à la CADES ont été réalisés par anticipation : il est donc normal que les montants correspondants ne se retrouvent pas dans les comptes.

Madame Levy, sauf à considérer que cette politique ne concerne que les familles imposables, on peut difficilement soutenir que le transfert de presque 500 millions d’euros de certaines familles vers d’autres irait à l’encontre de la politique familiale. Le projet de loi de finances prévoit que le plafond de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial sera abaissé de 2 336 à 2 000 euros : cela concerne les familles que leurs revenus situent dans les deux derniers déciles. Ces 480 millions d’euros – qu’il faut comparer aux 13 à 14 milliards d’euros que met en jeu le quotient familial – sont déplacés vers des familles qui ne sont pas imposables. Vous pouvez naturellement contester cette forme de solidarité des familles les plus aisées envers d’autres plus modestes, mais vous ne pouvez pas dire que cette somme ne profite pas à la politique familiale : l’allocation de rentrée scolaire, comme l’a dit Marisol Touraine, bénéficie à cinq millions d’enfants et à trois millions de familles. Votre position est certes respectable ; nous pensons pour notre part que cette solidarité s’impose, et qu’elle permettra d’améliorer le pouvoir d’achat des unes sans compromettre celui des autres. Comptez sur nous pour défendre hautement ce choix lors du débat en séance publique.

S’agissant de l’abattement de 15 points consenti aux employeurs familiaux, vous nous proposez d’une certaine manière de revenir sur une mesure décidée sous la législature précédente. Il arrive parfois qu’au nom de la continuité de l’État ou tout simplement parce qu’une mesure nous paraît judicieuse, nous choisissions de la conserver : c’est le cas de celle-ci, et nous assumons parfaitement ce choix. Elle correspond à la réalité de la situation : alléger les cotisations, c’est toujours fragiliser les recettes, et il faut donc que cela repose sur une justification solide – convenez d’ailleurs, madame la députée, qu’il est délicat, dans la même intervention, de regretter une fragilisation des recettes pour suggérer tout de suite après une mesure qui ferait empirer la situation. La suppression de la possibilité de cotiser au forfait protège les droits des salariés sans revenir sur l’essentiel de l’avantage fiscal dont bénéficient les familles qui les emploient à leur domicile. Cela nous semble un bon compromis.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame Pinville, vous m’interrogez sur l’article 53, qui réduit le délai dans lequel les établissements médico-sociaux pour personnes handicapées doivent transmettre leurs factures à l’assurance maladie. Ces établissements ont pris l’habitude d’une transmission extrêmement tardive – au bout de deux ans, voire parfois de cinq –, ce qui entraîne dans le pilotage de l’ONDAM médico-social des difficultés relevées à plusieurs reprises par la Cour des comptes et par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) : songez que les factures transmises plus d’un an après la réalisation de la prestation représentent aujourd’hui un montant de 50 millions d’euros, soit 0,5 % de la dépense des établissements pour personnes handicapées ! C’est donc une mesure de bonne gestion que nous avons prise là.

Toutefois, vous soulevez une question importante : nous avons déjà été alertés sur les risques d’une application aveugle de cet article. Les caisses d’assurance maladie attendent les notifications pour accepter les factures et les MDPH disposaient pour ces notifications d’un délai très long, d’où un vrai dysfonctionnement. Il est impensable de pénaliser les établissements pour des difficultés dont ils ne sont en rien responsables. Nous examinons donc avec eux, ainsi qu’avec l’assurance maladie, les moyens d’une gestion plus fluide de ces procédures.

Nous allons donc nous pencher sur ces questions techniques dans l’année qui vient, comme nous allons travailler sur les questions de fond : accueil des jeunes adultes conformément à l’ « amendement Michel Creton », dépistages précoces…

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Je veux souligner le caractère novateur de la politique de l’âge que nous mettons en place en expérimentant dans quatre régions le parcours de soins, qui constitue sans aucun doute une voie d’avenir pour notre système d’assurance maladie.

Les mesures contenues dans ce projet de loi de financement concourent à la bataille pour l’emploi décrétée par le Président de la République. Grâce à un ONDAM en progression de 4,6 milliards d’euros, nous dégagerons 147 millions d’euros pour améliorer la médicalisation, ce qui permettra de créer 6 400 à 8 200 postes et nous mettra sur le bon chemin pour couvrir les besoins tels que les a analysés la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) – créer 300 000 emplois dans le secteur de l’aide à domicile d’ici à 2020. Nous avons prélevé sur les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) 50 millions d’euros destinés à ce secteur : ce sont des milliers d’emplois qui sont ainsi sauvés. Enfin, la masse salariale sera revalorisée de 1,4 % afin de rendre plus attractifs ces métiers qui exigent un engagement très fort.

Monsieur Issindou, avec ce projet de loi, la prise en charge de la perte d’autonomie est en quelque sorte inscrite dans la loi, grâce à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA).

Sur la consommation des médicaments dans les EHPAD, une expérimentation est en cours, mais nous savons déjà qu’elle ne donnera pas de grands résultats – nous allons donc la prolonger de six mois, afin de la réorienter. En attendant, des mesures doivent être prises pour favoriser les pharmacies à usage interne et, quand celles-ci n’existent pas, pour intégrer les officines dans le parcours de soins que j’évoquais. Nous entendons également mener des actions très ciblées en direction des très gros prescripteurs.

Vous évoquez la sous-consommation des crédits de la CNSA. Je l’ai dénoncée dès mon arrivée au ministère. Nous avons décaissé 50 millions d’euros au mois de juillet, pour l’investissement, et signé des autorisations d’engagement pour 50 autres millions, destinés à la médicalisation. Nous avons interrogé les agences régionales de santé sur la campagne budgétaire en cours : leurs réponses sont plutôt réconfortantes puisqu’elles prévoient souvent une consommation de 98 % des crédits.

Certaines conventions tripartites, c’est vrai, ne sont pas encore signées ; les départements et les agences régionales se renvoient la balle. Nous avons des idées pour résoudre ces difficultés, mais nous n’en avons pas encore discuté avec les intéressés.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame Levy, un Gouvernement qui inscrirait des dépenses supplémentaires au budget de la branche famille sans prévoir les recettes correspondantes ne mènerait pas une politique familiale très audacieuse ! D’autre part, pour cette même politique, je doute que le fait de limiter la revalorisation des prestations familiales et des plafonds de ressources ait été un signal très favorable en 2012.

Vous avez qualifié de « mesurettes » les dispositions que nous proposons pour permettre aux familles modestes de faire garder leurs enfants. Les femmes qui renoncent à travailler, non par choix, mais faute de solutions de garde ou de moyens suffisants, apprécieront ! La possibilité donnée aux caisses d’allocations familiales d’avancer jusqu’à 85 % du montant du salaire de l’assistante maternelle les incitera au contraire fortement à reprendre un emploi. Cela renforcera aussi l’égalité entre hommes et femmes, puisque ce sont souvent les mères qui gardent leurs enfants.

Avec cette aide, comme avec l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, nous venons au soutien des familles modestes ; si l’expérimentation se révèle positive, elle sera généralisée.

Quant à ce que nous faisons pour l’accueil du jeune enfant, comment pouvez-vous tenir de tels propos ? Vous prétendiez créer 200 000 places de crèche, vous n’en avez créé que 100 000 – et dans le même temps, on a vu une chute brutale de la scolarisation des moins de trois ans – le taux oscille maintenant entre 24 et 70 % selon les départements. Je vous appelle donc à un peu plus de retenue.

Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur Paul, je précise que j’ai confié à Mme Dominique Laurent, conseillère d’État et ancienne directrice des affaires juridiques de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, la mission d’examiner le cadre dans lequel se pratiquent les dépassements d’honoraires à l’hôpital. Ceux-ci ne peuvent en effet être analysés en faisant abstraction de l’existence d’un secteur privé au sein de l’hôpital public. Recourir à ce secteur libre est trop souvent le seul moyen d’obtenir un rendez-vous dans un délai rapproché, ce qu’on ne saurait accepter.

M. Jean-Marc Germain. Le groupe SRC votera évidemment ce projet de loi de financement, dont les choix sont conformes à nos convictions. Après dix années qui n’ont pas été roses et malgré une crise qui pourrait pousser au renoncement, c’est un texte qui fait des choix qui correspondent à nos convictions profondes ! C’est d’abord le choix du progrès avec la retraite à 60 ans, une progression de l’ONDAM à 2,7 %, l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, etc. C’est également le choix de l’avenir avec la modernisation de notre système de soins, ce qui est fondamental. Troisièmement, ce projet fait le choix du sérieux dans la justice, puisqu’il ramène le déficit de la sécurité sociale à 11 milliards d’euros en dessous de son niveau tendanciel, cela sans déremboursement, mais en agissant sur les dépassements d’honoraires, en alignant le régime des indépendants sur celui des autres cotisants, en élargissant l’assiette de la taxe sur les salaires, en créant un forfait social patronal sur les ruptures conventionnelles, ou encore en relevant les droits d’accise sur le tabac et la bière.

La contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) est, je crois, bien comprise : son taux demeure modeste et elle sera affectée à la prise en charge de la dépendance. Dès lors, pourquoi attendre 2014 pour affecter cette contribution à la CNSA ? Ce n’est affaire que de tuyauterie…

M. Jean-Pierre Door. Cinq ministres et de très nombreux collaborateurs : c’est la première fois que notre Commission accueille autant de monde ! J’espère qu’ainsi les comptes seront bien équilibrés.

Nous avons reçu ce projet de loi tardivement, et je le regrette.

Le groupe UMP constate qu’il ne comporte aucune réforme de structure ni aucune réduction de dépense ; par contre, une avalanche de taxes et de prélèvements obligatoires s’ajoutent à ceux déjà prévus dans la loi de finances rectificative d’août 2012. L’effort portera sur 11 milliards d’euros, qui proviendront pour une grande part des entrepreneurs. Nous voyons là un risque majeur pour la croissance et pour l’emploi. La moitié de la hausse de 3,4 milliards d’euros prévue dans ce projet de loi sera à la charge des entreprises, des indépendants, des artisans, des auto-entrepreneurs et des retraités !

Vous fixez la progression de l’ONDAM à 2,7 %, contre 2,5 % en 2012. Or la Cour des comptes proposait 2,4 % et le comité de pilotage de l’ONDAM, sous la conduite de M. Raoul Briet, suggérait 2,1 %. Le Gouvernement précédent, souvent mis ici au banc des accusés, a réussi à respecter l’ONDAM de 2010 à 2012 – une première depuis 1997 ! À l’inverse, j’ai entendu le candidat François Hollande proposer un ONDAM à 3 %… Votre pari est d’autant plus dangereux que la croissance sera encore inférieure à vos prévisions : nous verrons cela d’ici quelques mois.

Vous tournez le dos aux réalités économiques. Vous taxez à nouveau l’industrie pharmaceutique d’un milliard d’euros, ce qui entraîne des risques importants de pertes d’emplois et de fermetures de sites : on ne ronge plus l’os, on en est à la moelle ! Vous tournez le dos aux travailleurs indépendants, aux artisans, aux professions libérales, aux auto-entrepreneurs ; vous tournez le dos aux établissements hospitaliers privés en bloquant la convergence tarifaire, au risque d’entraîner des faillites ; vous tournez le dos aux laboratoires d’analyse médicale et aux cabinets de radiologie, au risque d’accélérer la disparition de ces professionnels de santé, surtout dans les territoires ruraux. Vous agressez les brasseurs de bière, en augmentant les taxes de 120 % ! Vous renoncez à restructurer les hôpitaux publics, sans entendre les préconisations faites par les inspections générales des affaires sociales et des finances dans leur rapport paru il y a quelques mois.

Comment expliquez-vous l’avis défavorable des conseils d’administration de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Door, les grandes orientations de ce projet ont été dévoilées par les ministres lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale il y a dix jours. Peut-être aviez-vous l’habitude, en tant que rapporteur, de disposer d’avant-projets dont l’opposition n’avait pas connaissance mais, cette année, tous les parlementaires ont été traités de la même façon.

Quant aux conseillers qui accompagnent les ministres, j’ai vu Bernard Accoyer – qui est déjà parti – les compter en arrivant. J’espère que vous n’êtes pas son porte-parole sur ce genre de remarques !

M. Jean-Pierre Door. C’était un petit trait d’humour !

M. Francis Vercamer. En cette période de crise où 15 % des Français déclarent renoncer parfois à se soigner pour des raisons financières, on attendait une surprise, mais celle-ci vient plutôt ici d’une certaine continuité – en moins bien. La seule vraie surprise, c’est le terme de « malversations » employé par Mme Touraine : j’en ai été choqué.

Vous affichez un déficit en baisse, mais il est fondé sur une hypothèse de croissance irréaliste : l’emploi va continuer de se dégrader, et les cotisations rentreront mal. L’ONDAM que vous fixez ne permettra pas d’atteindre l’équilibre en 2017, comme le candidat Hollande l’avait promis ; la Cour des comptes recommandait d’ailleurs une progression de 2,4 %. Enfin, vous préférez un matraquage fiscal et social à une véritable stratégie de réduction des dépenses.

Votre projet politique est surtout peu lisible. Ainsi, on peut comprendre l’instauration d’une fiscalité « comportementale », à condition qu’elle soit bien ciblée, pertinente, efficace, et qu’elle ne pénalise pas la compétitivité ; est-ce le cas de l’augmentation du droit d’accise sur la bière ? N’aurait-on pas pu frapper plutôt les alcools forts ? De même, vous abandonnez la hausse de la TVA qui devait contribuer au financement de la protection sociale – au profit d’un autre financement qu’on ne connaît pas encore, mais dont beaucoup imaginent que ce sera une hausse de la CSG. Il y a certes la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), qui frappera durement les retraités ; pour le moment, vous n’avez peut-être pas entendu beaucoup de protestations, mais je peux vous assurer qu’on en entendra parler dans les chaumières lorsqu’elle sera effectivement prélevée !

L’absence de lisibilité est tout aussi criante en ce qui concerne l’amélioration des parcours de soins, la coordination entre la médecine de ville et les hôpitaux, les maladies chroniques – dont le traitement est très coûteux et qui amènent souvent les patients à l’hôpital car, en raison du paiement à l’acte, les médecins de ville s’en détournent. Même constat s’agissant de la réforme de l’offre hospitalière : où en est le plan « Hôpital 2012 » ? Quelle politique allez-vous mener en matière de restructuration hospitalière ?

Notre ancien collègue Jean-Luc Préel était, vous le savez, très attaché aux objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie (ORDAM). Vous vous dites attachés à la décentralisation : pourquoi ne travaillez-vous pas à concrétiser cette idée ?

Avez-vous l’intention de réfléchir à une refonte des dispositions organiques régissant les lois de financement de la sécurité sociale ? Il serait intéressant que celles-ci aient un contenu clair.

Enfin, le Président de la République a annoncé une réforme de l’école qui nécessitera des garderies périscolaires. Ce projet ne prévoit aucun financement à cette fin. Qui va payer ?

M. Jean-Louis Roumegas. Il n’est pas facile de réagir à un projet présenté ce matin seulement, mais je veux d’ores et déjà saluer certaines orientations de ce projet de loi de financement, notamment la pérennisation de dispositifs en faveur des familles en difficulté, la taxation accrue des industries pharmaceutiques et l’encadrement renforcé de leur publicité, la prise en charge à 100 % de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la fin de la convergence tarifaire entre les secteurs public et privé, ainsi que l’expérimentation en vue de faire reculer les déserts médicaux – même si l’on peut regretter que ce ne soit qu’une expérimentation.

Le groupe écologiste appellera votre attention sur certains sujets peu présents dans votre projet de loi, notamment sur l’importance de la prévention dont l’enjeu n’est pas que sanitaire : les affections de longue durée étant responsables d’un surcoût de 10 milliards d’euros au cours de la dernière décennie, investir dans ce domaine permettra aussi de réduire le déficit de la sécurité sociale.

Vous annoncez un relèvement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), mais que comptez-vous faire pour remédier à la très grande lenteur de la commission chargée d’attribuer ces indemnisations ?

Nous considérons également qu’il faut faciliter l’accès des étudiants aux soins : beaucoup renoncent à se soigner, en raison du reste à charge mais aussi de la difficulté de souscrire une assurance complémentaire.

M. Jean-Philippe Nilor. Le groupe GDR attend de la majorité une nouvelle approche, plus respectueuse des patients, et une défense du service public de la santé.

Nous approuvons certaines des mesures qui figurent dans ce projet de loi de financement : la réintroduction du service public hospitalier dans la loi et la fin de la convergence tarifaire, l’orientation vers davantage de prévention, le remboursement à 100 % de l’IVG, la mise en place du parcours de soins coordonné pour les personnes âgées… Nous sommes plus circonspects sur la progression de l’ONDAM à 2,7 % : s’il y a un léger progrès par rapport à l’année précédente, ce taux se situe encore bien en deçà de l’évolution spontanée des dépenses, notamment celles de l’hôpital public, que celui-ci ne maîtrise pas car elle tient notamment à la hausse du prix des médicaments et du coût de l’énergie, ou encore à l’augmentation de la masse salariale.

Surtout, vos propositions demeurent insuffisantes : vous ne résorberez pas le déficit avec ces mesurettes, dont certaines n’auraient pas été reniées par le gouvernement précédent. Il faut augmenter les recettes, et pour cela moduler les cotisations selon la politique d’emploi menée par les entreprises : il est nécessaire de taxer plus lourdement celles qui licencient tout en distribuant des dividendes aux actionnaires. Nous regrettons également le maintien des exonérations de cotisations sociales pour les bas salaires. Elles n’apportent absolument rien à l’emploi mais coûtent plus de 20 milliards d’euros par an à la collectivité, soit bien plus que le déficit prévisionnel de la sécurité sociale pour 2013.

Pour finir, nous sommes heureux de relever que le Gouvernement porte un regard nouveau sur les outre-mer ; ses engagements sont tout à fait positifs. Mais certains points demeurent en suspens : que comptez-vous faire, par exemple, pour indemniser les victimes du chlordécone, ce poison déversé sur nos terres pendant des années, entraînant une augmentation exponentielle du nombre de cancers ?

M. Jean-Noël Carpentier. Ce projet de loi de financement sera, n’en doutons pas, largement débattu. Élaboré dans un contexte de crise, il ne trahit pas les engagements de la majorité. Nous approuvons tout particulièrement la volonté de conjuguer maîtrise du déficit et équité et celle de ne restreindre en rien les droits sociaux : les propos tenus sur le sujet par Mme la ministre à cet égard sont tout à fait positifs.

À l’heure où nombre de nos concitoyens renoncent à se soigner pour des raisons financières, nous avons plus que jamais besoin d’un service public de santé fort. Le groupe RRDP est donc satisfait de l’abandon de la convergence tarifaire, qui risquait de handicaper nos hôpitaux publics, et il approuve la volonté de placer ces mêmes établissements au centre des préoccupations, avec le « pacte de confiance » auquel il faudra donner corps en concertation avec l’ensemble des personnels.

Toutes ces orientations marquent une véritable rupture avec la politique de l’ancienne majorité. L’orthodoxie comptable ne convient guère à la santé – la gestion responsable n’est pas la course à l’austérité. L’équilibre à trouver est toutefois délicat : vous tentez de l’atteindre, et ces efforts devront être poursuivis. En aucun cas il ne faut réduire l’offre de soins ; au contraire, une société moderne doit se soigner mieux. Cela demande de l’imagination, en matière de dépenses mais surtout de recettes : la majorité de gauche doit en débattre pour relever ce grand défi.

Vous avez parlé de retour à l’équilibre financier des hôpitaux ; comment comptez-vous y parvenir ? Quid de leur endettement, et des prêts toxiques que certains ont souscrits ?

Enfin, il faut, je crois, travailler à plus de synergie avec la médecine ambulatoire, car là est la clé de grandes avancées, ainsi qu’à l’amélioration de la prévention – notamment en direction de notre jeunesse – et au renforcement de la médecine scolaire.

Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur Door, votre mauvaise foi m’a quelque peu étonnée : comment pouvez-vous prétendre que ce projet n’engage pas une véritable réorientation de notre système de soins ? Nous travaillons justement à mettre en place un parcours de soins qui ne repose pas exclusivement sur l’hôpital.

Monsieur Germain, je vous remercie de votre soutien. Vous m’interrogez sur l’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). On pourrait effectivement affecter cette ressource directement à la CNSA, mais je ne suis pas sûre de l’intérêt que présenterait cette opération. La loi dispose explicitement que cette contribution ira à la CNSA, et à titre transitoire seulement au Fonds de solidarité vieillesse : il n’y a donc pas de doute à entretenir. D’autre part, cette période de transition permet de ne pas préjuger de l’affectation de cette contribution additionnelle entre les différentes sections de la CNSA, mais de la soumettre à un arbitrage. Le dispositif présenté me semble donc permettre de préparer la réforme du financement de la perte d’autonomie tout en assurant transitoirement le financement du FSV, qui connaît encore un déficit important. Mais le travail parlementaire ne fait que commencer : nous examinerons évidemment les propositions que vous présenterez.

Cher Jean-Pierre Door, nous avons présenté ce projet de loi à la commission des comptes de la sécurité sociale il y a un certain temps déjà. Je n’imagine pas que vous n’ayez pas pu accéder à ce texte ! Sinon, je vous l’aurais envoyé ; la prochaine fois, téléphonez-moi !

S’agissant de l’évolution de l’ONDAM, il y aurait beaucoup à dire sur la différence entre taux affiché et taux effectivement réalisé, ou sur ce que recouvrent exactement les dépenses de l’année écoulée. Quoi qu’il en soit, je ne comprends pas très bien votre procès : vous semblez nous reprocher de ne pas fixer l’augmentation de l’ONDAM à 3 %, mais aussi de le fixer trop haut en le plaçant à 2,7 %. Faisons-nous trop ou pas assez ? Mais peut-être faisons-nous juste ce qu’il faut…

Si nous avons choisi 2,7 %, plutôt que d’en rester à 2,5 %, c’est parce que nous devons investir dans des réformes de structure, investir dans les hôpitaux, mais aussi dans l’aménagement du parcours de soins. Vous savez mieux que personne qu’il n’est pas possible de restructurer, de réorganiser sans investir : en passant de 2,5 % à 2,7 %, nous dégageons pour cela 350 millions d’euros.

Monsieur Vercamer, vous avez raison, le mot de « malversations » était inapproprié ; il n’était pas question de malhonnêteté. J’aurais dû parler de mauvaise gestion. Mais celle-ci est bien réelle.

Je suis très sensible à votre engagement pour la lutte contre l’alcoolisme chez les jeunes : je vous invite à présenter des amendements ; je les examinerai et le Parlement se prononcera.

Le débat sur les objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie est ouvert depuis plusieurs années et je sais qu’une proposition de loi en ce sens a été déposée. C’est certainement une question qui mérite d’être examinée ; pour ma part, je demeure dubitative, même si je ne demande après tout qu’à être convaincue : cela ne revient-il pas à inscrire des différences, des inégalités, dans la loi ? Ne risque-t-on pas de faire porter des responsabilités à des populations qui n’y sont pour rien ? Certaines régions souffrent, c’est un fait, de problèmes de santé plus aigus que d’autres. Il faut une politique nationale ; il faut aussi des programmes mieux adaptés aux problèmes rencontrés par chaque région. Pour cela, il faudra sans doute renforcer la marge de manœuvre des agences régionales de santé.

Les hôpitaux, piliers majeurs de notre système de santé, doivent être confortés. Monsieur Carpentier, certains établissements, peu nombreux, sont effectivement en déficit : le Gouvernement est à leurs côtés pour les aider à retrouver l’équilibre financier, gage de leur pérennité au service de la population. Dans ce projet de loi figure une mesure ouvrant à certains un accès plus facile au crédit. Nous travaillons par ailleurs à la recherche de financements extérieurs, notamment pour l’immobilier hospitalier, sujet de préoccupation très largement partagée.

Monsieur Roumegas, les expérimentations territoriales ont vocation à être généralisées : elles ne visent pas à tester le principe de la coordination et du travail en équipe, mais à identifier les obstacles précis qui pourraient entraver la généralisation de ces dispositifs. C’est donc bien une politique structurelle que nous amorçons là.

Je partage les préoccupations qui ont été exprimées à propos de l’expansion des maladies chroniques : nous devons effectivement consentir un effort plus important en faveur de la prévention ; c’est l’un des enjeux de cette réorganisation du système de soins.

S’agissant des victimes de l’amiante, j’ai fait part au FIVA de ma volonté de voir accélérer le traitement administratif des dossiers.

Nous devons, c’est vrai, consentir un effort particulier pour la santé des étudiants : nous devons définir des politiques de prévention et de santé publique adaptées. Nous pouvons réfléchir aussi à la question des mutuelles étudiantes, mais nous devrons traiter, de façon beaucoup plus générale, la question des contrats proposés par les mutuelles et autres organismes complémentaires, afin de renforcer la prise en charge « vertueuse » des soins. Une discussion va s’engager avec ces acteurs. Faut-il traiter à part le cas des mutuelles étudiantes ? Nous aurons sans doute l’occasion d’en discuter.

Monsieur Nilor, l’équilibre qu’établit ce projet entre prélèvements et économies me semble bon. Je vous remercie de ce que vous avez dit sur la prise en compte par le Gouvernement de la situation sanitaire particulière outre-mer ; mon cabinet a d’ailleurs reçu les élus de la Martinique à ce sujet, la semaine dernière.

Je partage évidemment votre préoccupation à propos des déversements de chlordécone. Ce produit est interdit depuis 1993. Un plan de santé publique a été élaboré et il nous faut développer les actions de prévention et éviter que les populations n’entrent en contact avec tel ou tel élément contaminé.

M. le ministre délégué chargé du budget. Je remercie Jean-Marc Germain de ses propos et du soutien qu’à travers lui, l’ensemble du groupe SRC apporte à ce projet de loi de financement.

Très cher Jean-Pierre Door, vous regrettez que l’ONDAM progresse de 2,7 % en 2013 contre 2,5 % seulement en 2012, dites-vous. En réalité, il ne progresse que de 2,5 % par rapport à l’ONDAM prévisionnel de la loi de financement de l’an passé. La progression ne s’établit à 2,7 % que par rapport à l’exécuté. Et alors que vous vous prévalez d’avoir contenu cette année l’augmentation à 2,5 %, elle atteindra en réalité 2,8 % par rapport à l’exécuté 2011. En vérité, si l’on se réfère à ce qui s’est passé en 2010, 2011 et 2012, nous maîtrisons mieux que vous la dépense – de budget exécuté à budget exécuté, la progression est de 2,7 %, quand elle était de 2,8 % de votre temps. Vos critiques sur ce point ne sont donc pas recevables.

Vous déplorez les mesures concernant les travailleurs indépendants, que vous qualifiez « d’agression ». Le conseil d’administration du Régime social des indépendants (RSI) a pourtant donné un avis favorable à ce projet de loi de financement, sans doute pour la raison simple que 480 000 assujettis à ce régime, les plus modestes, y gagneront. En effet, pour un chiffre d’affaires faible ou nul, la cotisation minimale, dont je n’aurai pas la cruauté de rappeler qui l’a instaurée, puis augmentée, sera diminuée de moitié.

Monsieur Vercamer, vous regrettez le relèvement des droits d’accise sur la bière. Ils représenteront désormais huit centimes d’euros pour un verre de bière ordinaire titrant 4,5°, contre trois centimes auparavant. Si l’augmentation peut paraître élevée en pourcentage, elle demeure tout à fait raisonnable en valeur absolue. En outre, ce prélèvement demeure 4,4 fois inférieur à ce qu’il est aux Pays-Bas par exemple. Pour le reste, permettez-moi de reprendre l’argumentation de Marisol Touraine : puisque vous semblez regretter que les alcools forts n’aient pas été davantage taxés, il vous est loisible de proposer des amendements en ce sens en séance. Parfaitement recevables au titre de l’article 40 et ne constituant pas des cavaliers, ils ont des chances d’être adoptés…

Puisque Jean-Philippe Nilor a dû nous quitter, je lui dis simplement qu’entre la loi de finances rectificative de cet été et ce projet de loi de financement, l’effort pour rétablir les comptes de la sécurité sociale se monte à près de 10 milliards d’euros. On ne peut donc pas parler de « mesurettes ». Je lui rappelle enfin que les dividendes versés par les sociétés à leurs actionnaires sont taxés à 3 % depuis cet été.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Juste un mot. Chers collègues de l’opposition qui vous inquiétez de la future contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), puis-je vous faire remarquer que vous aviez été beaucoup moins soucieux du sort des retraités lorsque vous aviez voté la TVA sociale, que nous avons abrogée ? En effet, celle-ci les aurait touchés indistinctement, qu’ils soient imposables ou non, alors que seuls les retraités imposables s’acquitteront de la nouvelle contribution.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Dans une période budgétaire extrêmement difficile, l’effort fait dans ce projet de loi de financement marque une volonté de justice pour tous, notamment entre les générations. Tout en veillant au redressement des comptes publics, le Gouvernement réaffirme et même étend des droits sociaux conformément à nos convictions. Les ressources nouvelles attribuées à la CNSA par le biais de la future contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie permettront d’amorcer la réforme tant attendue pour relever le défi du vieillissement de la population et de la perte d’autonomie. Un effort substantiel est également consenti en faveur du secteur médico-social.

Madame Carlotti, quelles sont les grandes priorités de ce projet de loi pour les personnes handicapées et quels engagements pouvez-vous prendre ? Vous avez souhaité à la fois soutenir l’existant, ce qui est judicieux car des établissements connaissent aujourd’hui des difficultés, mais aussi créer de nouvelles places pour répondre aux besoins.

Dans un rapport d’information remis sous la précédente législature par une mission présidée par notre collègue Laurence Dumont et dont Bérengère Poletti était la rapporteure, avait été pointée la sous-consommation des crédits de la CNSA. Il faut regarder cette question délicate de près. Tout en soutenant la présentation qui nous a été faite de la situation, nous formulerons sans doute en séance d’autres propositions d’utilisation des crédits non consommés, pour la prévention, le dépistage et l’éducation à la santé par exemple.

Mme Bérengère Poletti. Chacun sait les combats que je mène pour faciliter l’accès à la fois à la contraception et à l’IVG. Pourquoi, madame la ministre, avoir choisi, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, d’étendre le remboursement à 100 % de l’IVG alors que tant reste à faire en matière d’accès à la contraception, notamment pour les mineures ? En effet, l’IVG est d’ores et déjà intégralement prise en charge pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) et de la CMUc, ainsi que pour les mineures.

Ma deuxième question concerne l’ONDAM médico-social pour les personnes âgées. L’objectif global de dépense (OGD) s’établit à 9,3 milliards d’euros, dont 672 millions de mesures nouvelles. Or, chaque année, les crédits ne sont pas entièrement consommés. Diverses solutions ont été essayées pour y remédier, notamment des inscriptions en crédits de paiement plutôt qu’en autorisations d’engagement, ou bien encore le recours à des appels à projet. Les blocages semblent tenir surtout à la mécanique budgétaire. Une notification des crédits aux agences régionales de santé de manière anticipée à partir de juillet a déjà été expérimentée dans de précédentes lois de financement, sans que cela règle le problème. Or, vous semblez vous aussi vous orienter dans cette voie.

Ma troisième question porte sur les conventions tripartites. Fin 2014, les conventions dites de deuxième génération arriveront à leur terme. Certains établissements attendent d’ores et déjà les conventions de troisième génération. Avez-vous réfléchi à ce que pourrait être leur contenu ?

Ma dernière question a trait à l’expérimentation, prévue à l’article 41, de nouveaux modes d’organisation des soins « afin d’optimiser le parcours de soins des personnes âgées en risque de perte d’autonomie. » L’article 70 de la loi de financement de l’an passé avait commencé de tracer des pistes d’économies. Vous préconisez que les personnes âgées puissent quitter l’hôpital pour un établissement médico-social avec prise en charge par l’assurance maladie de la totalité des frais durant trente jours. Un décret encadrera-t-il ce dispositif ? Quels seront les établissements éligibles ? Quels seront les tarifs appliqués ? Qu’adviendra-t-il au 31e jour ?

M. Gérard Sebaoun. Madame Touraine, pensez-vous que la liberté d’installation des médecins – sujet sensible s’il en est – n’a pas à être encadrée, avec tous les risques que cela comporte, comme nous le constatons déjà dans certains territoires ?

Monsieur Cahuzac, comment se justifie la différence de taxation entre les cigarettes, les cigarillos et le tabac à rouler ? Sommes-nous contraints par la réglementation européenne ou serait-il envisageable d’aligner tous les taux ?

Je m’interroge sur les avantages fiscaux et sociaux accordés pour les dispositifs de prévoyance collective dans les entreprises. Ces dispositifs sont, je ne l’ignore pas, très appréciés des salariés, moins nombreux toutefois qu’on ne pourrait le penser à en bénéficier. C’est une forme de rémunération accessoire qui échappe partiellement aux cotisations sociales. Faut-il conserver le dispositif en l’état ?

M. Denis Jacquat. Bien que ce projet de loi de financement comporte peu de dispositions relatives aux dépenses d’assurance vieillesse, leur liste ne s’apparente pas moins à un inventaire à la Prévert. Cela explique sans doute le vote négatif du conseil d’administration de la CNAV.

Pour le monde agricole, il y va du respect des promesses faites l’an passé dans le cadre d’un calendrier arrêté avec la Mutualité sociale agricole (MSA). Le plan pluriannuel alors établi sera-t-il bien appliqué car il manque déjà des éléments ?

Par l’augmentation prévue de la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) de l’électricité et du gaz, on continue de faire financer par les consommateurs le régime surcomplémentaire de retraite des ressortissants d’un régime spécial. On ne peut qu’être surpris qu’il ait ainsi été fait droit à la demande de ce régime !

Pour ce qui est de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, dont l’institution n’est pas sans rappeler celle en son temps de la vignette automobile, comment être dès aujourd’hui sûr qu’un taux de 0,3 % sera suffisant en 2013 ? Mme Touraine nous a dit ne pas souhaiter de « nouvelle grand-messe » pour la réforme de la dépendance. Soit. Chacun s’accordait d’ailleurs peu ou prou sur les conclusions des travaux engagés par Mmes Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp. Je suis sensible à la mise en place par Mme Michèle Delaunay de trois groupes de travail thématiques, réunissant chacun des personnalités de la plus haute compétence. Mais il faut aller vite et prendre rapidement de vraies mesures, pas des mesurettes.

J’ai noté que si Mme Touraine et Mme Delaunay ont bien parlé dans leur intervention de réforme de la perte d’autonomie, il est toujours question dans l’exposé des motifs de l’article 16 de « réforme de la dépendance ». Or, les deux concepts n’ont rien à voir. Pour ma part, je souhaite une loi sur la perte d’autonomie, pas sur la dépendance.

Lors de la réforme des retraites, un rendez-vous avait été prévu en 2013. Plus personne n’en parle. Où en est-on ? Ce rendez-vous est essentiel car il est évident que l’équilibre des régimes de retraite ne sera pas assuré en 2017 et que l’on va au-devant de graves problèmes.

M. Olivier Véran. Madame Touraine, vous avez déjà répondu à la plupart des questions que je souhaitais vous poser. Je n’en ai plus qu’une qui d’ailleurs ne porte pas sur ce projet de loi de financement mais concerne les négociations conventionnelles avec les médecins. Je la crois néanmoins légitime dans la mesure où vous n’excluez pas de saisir le Parlement si ces négociations n’aboutissaient pas.

Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à renoncer à des soins pour des raisons financières. Alors que les soins dentaires et les frais d’optique sont, on le sait, très mal remboursés et que la cotisation à une complémentaire santé pèse lourd dans le budget des ménages, l’augmentation régulière des dépassements d’honoraires entrave encore davantage l’accès aux soins. Ce qui choque le plus nos concitoyens, ce sont les abus de certains praticiens. Ce qui les effraie, c’est la perspective d’un système de soins dérégulé, où l’insécurité sociale l’emporterait sur la sécurité sociale.

De l’autre côté, les praticiens aussi s’inquiètent. Dans nombre de disciplines, où les tarifs opposables ne sont plus adaptés aux pratiques, ils considèrent les compléments d’honoraires comme un moyen de pouvoir continuer à exercer leur métier dans de bonnes conditions. La grande majorité des médecins et des chirurgiens du secteur II qui fixent leurs honoraires « avec tact et mesure », comme cela leur est demandé, et accueillent sans distinction tous les malades, sont blessés par les polémiques suscitées par les pratiques abusives de certains de leurs confrères. Il faudrait revoir totalement le mode de tarification ainsi que la valorisation des actes pour mettre un terme à la dérégulation actuelle, à laquelle a conduit l’inaction des gouvernements précédents.

Le système actuel ne satisfait pas les usagers sans convenir non plus aux professionnels. Les pouvoirs publics n’ont pas jusqu’à présent prêté assez d’attention au sujet. Les attentes sont immenses de part et d’autre. L’enjeu des négociations en cours est crucial. Nous ne saurions nous satisfaire d’un accord a minima. Pouvez-vous, madame la ministre, faire le point sur ces négociations et nous dire quelles sont les pistes explorées ?

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur Cahuzac, la loi de finances rectificative de cet été et ce projet de loi de financement se soldent par 18 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les entreprises. Comment dans ces conditions pourraient-elles aller chercher les points de croissance nécessaires à la création d’emplois dans notre pays ?

Madame Touraine, je me réjouis que le Gouvernement se préoccupe des hôpitaux de proximité – ex-hôpitaux locaux. Certains d’entre eux font des efforts considérables depuis plusieurs années pour équilibrer leurs comptes et beaucoup ont des projets de rénovation immobilière. Ils demandent depuis longtemps à bénéficier des crédits nécessaires pour ce faire et pour continuer à développer leur activité. Avez-vous donné des instructions aux agences régionales de santé sur ce point ?

J’ai cru comprendre que les cotisations patronales augmenteraient dans les hôpitaux, au risque de fragiliser encore l’équilibre des comptes des établissements. Par ailleurs, l’instauration d’un jour de carence en matière d’arrêts maladie a été, d’une manière générale, plutôt positive. Mais ce jour de carence ne risque-t-il pas d’être remis en question dans la fonction publique ?

Madame Carlotti, je vous ai adressé un courrier pointant le manque de places dans les centres d’hébergement spécialisés pour jeunes adultes autistes. Que pouvez-vous me répondre ?

Mme Chaynesse Khirouni. Lors de son audition la semaine dernière par notre commission, j’ai interrogé le président de la Haute Autorité de santé, le professeur Harousseau, sur le conditionnement des médicaments. Sa réponse m’a, hélas, laissée sur ma faim. Dans certains pays et en France pour certaines maladies, il est possible de ne délivrer au malade que le nombre exact de comprimés ou gélules nécessaires au traitement prescrit, ce qui permet d’éviter les gaspillages. Est-il envisageable de généraliser cette forme de dispensation ?

M. Dominique Tian. En augmentant la contribution tarifaire d’acheminement de l’électricité et du gaz, comme il est prévu à l’article 19, vous mettez les consommateurs une nouvelle fois à contribution pour équilibrer le régime spécial, très spécial devrais-je dire, de retraite des salariés des industries électriques et gazières. 8,5 milliards d’euros ont déjà été affectés à ce régime au profit d’agents qui, il faut le rappeler, bénéficient de la quasi-gratuité de l’électricité et du gaz, ce qui explique sans doute d’ailleurs qu’ils en consomment trois fois plus que les autres ! Il faudra bien un jour dénoncer ce scandale.

L’abandon de la convergence tarifaire entre secteur hospitalier public et privé constitue une grave erreur. Cela se traduira dès l’année prochaine par une dépense supplémentaire de 150 millions d’euros.

Lorsqu’un malade quitte une clinique, il se voit remettre une facture qui lui permet de connaître exactement la nature et le coût des soins qu’il a reçus. Pourquoi renoncez-vous à ce qu’il en soit de même dans les hôpitaux, alors qu’il avait été décidé que ce serait systématique à compter du 1er janvier 2013 ? Quel recul ! L’inorganisation de certains hôpitaux, incapables d’éditer un tel document, fait-elle donc tache d’huile sur l’ensemble des établissements ? Il n’est tout de même pas si compliqué de remettre à chaque malade une facture à sa sortie ! Les conséquences financières du renoncement à cette obligation seront catastrophiques.

Enfin, pourriez-vous m’expliquer le sens de l’article 50 ? « Les établissements de santé (…) disposant d’une pharmacie à usage intérieur peuvent confier à un établissement pharmaceutique (…) le stockage, la détention et l’approvisionnement de certains de leurs produits de santé. » Je ne comprends pas ce que cela signifie – les professionnels non plus, d’ailleurs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ils l’ont parfaitement compris.

Mme Gisèle Biémouret. Je suis sensible à la volonté du Gouvernement de rétablir l’égalité entre les citoyens mais aussi entre les territoires en matière de santé. Nos territoires ruraux notamment souffrent d’un manque cruel de médecins, les praticiens qui partent en retraite ne trouvant pas de successeur. Les contrats de praticien local de médecine générale, dont vous proposez la création, devraient inciter de jeunes médecins à s’installer dans nos campagnes. Quelle est la montée en charge prévue du dispositif ? Combien de professionnels pourraient être concernés ? Pourquoi d’ailleurs ne pas ouvrir ce dispositif aux médecins exerçant en établissement de santé ?

Mme Véronique Louwagie. Je déplore les mesures prévues concernant les cotisations sociales des travailleurs non-salariés. Elles pénaliseront les travailleurs indépendants et les très petites entreprises (TPE) alors même qu’ils contribuent fortement à la création d’emplois dans les territoires. Si 450 000 travailleurs indépendants gagneront peut-être à la réforme, 850 000, hélas, y perdront.

Le dispositif de rupture conventionnelle du contrat de travail, créé en 2008, a permis de désengorger les conseils de prud’hommes. Il constitue une bonne solution dans les cas où il n’est possible d’envisager ni une démission du salarié ni son licenciement. L’assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social de 20 % risque de freiner le recours à cette procédure. Ce sont les relations entre salariés et employeurs dans les entreprises qui en pâtiront.

S’il faut bien entendu lutter contre toutes les formes de fraude sociale, vous mettez l’accent sur la fraude aux cotisations patronales. Les sanctions prévues pour les donneurs d’ordre qui n’auraient pas vérifié la situation chez leurs sous-traitants – alors que des failles administratives expliquent parfois cet état de fait – sont disproportionnées : il ne s’agit de rien de moins que de l’annulation des exonérations ou réductions de cotisations et d’une majoration de 25 % des sommes dues ! Les entreprises vivent mal la suspicion générale que cela traduit à leur égard.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je me réjouis que ce Gouvernement montre son attachement à la politique familiale. Après la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire intervenue en juillet dernier, un milliard d’euros pour la branche famille l’an prochain, ce n’est pas rien !

Durant le dernier quinquennat, les annonces se sont succédé en matière d’accueil de la petite enfance. La promesse de créer 200 000 places n’a, hélas, pas été tenue. Et avec la forte diminution de la scolarisation en maternelle dès 2 ans, le solde est plutôt négatif sur les cinq années. Ce Gouvernement ne s’orientera certainement pas dans la même voie. Quel bilan tirez-vous, madame la ministre, des jardins d’éveil ? Qu’allez-vous faire pour accroître l’offre d’accueil de la petite enfance sur l’ensemble du territoire, ce qui est indispensable pour permettre aux parents de concilier vie familiale et vie professionnelle ?

Mme Kheira Bouziane. Le caractère volontariste de ce projet de loi de financement mérite d’être souligné en ces temps difficiles. L’un de ses objectifs est de réformer l’organisation des soins afin d’accompagner les évolutions sanitaires et sociétales, mais aussi d’accroître l’efficacité de notre système de soins, que menace, entre autres, le déclin de la démographie médicale.

La semaine dernière, je participais à Dijon à un colloque consacré à l’accès aux soins, et organisé à l’initiative d’associations d’usagers, lesquelles sont des acteurs à part entière du système de soins qu’il conviendra d’associer aux futurs projets. Ce colloque réunissait l’ensemble des acteurs de terrain, institutionnels et praticiens. Il y a été rappelé que plusieurs facteurs peuvent entraver l’accès aux soins : manque de moyens financiers, absence ou éloignement excessif des établissements ou des praticiens sur le territoire – cette accessibilité territoriale relève, elle, de la politique d’aménagement du territoire –, ruptures dans la continuité des soins. Diverses initiatives et expérimentations locales y ont été présentées qui pourraient enrichir notre réflexion. Tous les acteurs de terrain sont disposés à évoluer et à s’impliquer davantage dans les projets de santé. Ils ont insisté sur la nécessité d’ouvrir la frontière aujourd’hui étanche qui existe entre le secteur médical et le secteur médico-social. Ils sont prêts aussi à mettre en place un parcours de soins pour les patients, parcours qui pourrait débuter chez le pharmacien ou l’infirmier car si on déplore de nombreux déserts médicaux, les déserts paramédicaux sont plus rares.

Vous avez, madame la ministre, évoqué le problème de la prise en charge des soins dentaires et des frais d’optique. Je mentionnerai celui de la prise en charge des problèmes médico-psychologiques chez l’enfant, toujours préjudiciables à la scolarité.

M. Jérôme Guedj. Un effort particulier est consenti dans ce projet de loi de financement en faveur du secteur médico-social, notamment pour l’aide à domicile des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Au-delà de l’enveloppe prévue de 50 millions d’euros, il faudra expérimenter une dotation globale pour les associations, sur la base des propositions formulées par l’Association des départements de France (ADF) en concertation avec une dizaine d’associations du secteur. Nous avons besoin d’une telle impulsion.

L’instauration d’une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie n’est pas une « mesurette ». Elle confirme qu’une réforme de la perte d’autonomie sera bien engagée, ce dont il faut se féliciter. On peut même se demander s’il n’aurait pas été opportun de porter le taux de cette contribution à 0,3 % dès 2013. Cela aurait donné des marges de manœuvre supplémentaires.

Enfin, les conseils généraux, dont beaucoup ont du mal à assumer la lourde charge de la politique en faveur des personnes âgées, apprécieraient que leur soit affecté tout ou partie des crédits non consommés de la CNSA.

M. le ministre délégué chargé du budget. Monsieur Sebaoun, l’harmonisation que vous appelez de vos vœux est en cours. En effet, nous relevons de 60 % à 62 % le taux normal du droit de consommation applicable au tabac à rouler, tandis que celui applicable aux cigarettes passe de 64,25 % à 64,7 %, et nous réduirons encore l’écart, progressivement.

C’est délibérément que nous n’avons pas, cet été, augmenté de 8 % à 20 % le forfait social sur les contributions de prévoyance, et ce pour deux raisons. D’une part, des discussions sont en cours entre les partenaires sociaux qui sont les gestionnaires de ces contrats : c’eût donc été une mauvaise manière à leur égard à un moment où nous souhaitons rétablir avec eux un climat de confiance, qui avait été sérieusement altéré ces dernières années. D’autre part, nous ne pouvions traiter ainsi, au détour d’une loi de finances rectificative, la question des contrats responsables.

Monsieur Jacquat, le régime spécial d’assurance vieillesse des industries électriques et gazières a été mis en place dans les conditions que vous savez. Quant à la contribution tarifaire d’acheminement, qui finance une partie des droits spécifiques de ce régime, elle a été instituée par une majorité à laquelle vous apparteniez. Comme vous le savez, il est rare qu’une taxe, une fois créée, n’augmente pas ! Surtout quand, comme celle-ci, elle sert à financer des besoins placés hors bilan à l’occasion d’une privatisation ! Il faut assumer les conséquences des décisions prises par la majorité de l’époque, d’autant que lors de la réforme des régimes spéciaux, des avantages considérables ont été accordés en fin de carrière aux ressortissants de ce régime de retraite pour faire accepter ladite réforme par les personnels. Je ne vous reproche pas ces décisions. Je dis seulement qu’il nous revient de les assumer et nous le faisons, quoi que nous ayons pensé à l’époque de cette réforme.

Madame Le Callennec, je vous renvoie au bilan de l’évolution des prélèvements au cours des dernières années, tel que l’a dressé de manière objective le quotidien Les Échos. En trois ans, les prélèvements auront augmenté de 60 milliards d’euros, ce qui est considérable. Mais ce montant se répartit à parts égales entre les mesures prises par les gouvernements Fillon I et Fillon II, et celles que nous-mêmes avons prises dans la loi de finances rectificative de l’été, le projet de loi de finances initiale et ce projet de loi de financement pour 2013 : 30 milliards d’euros dans chaque cas. J’imagine que les parlementaires qui ont voté 30 milliards de prélèvements sous les deux gouvernements Fillon étaient aussi soucieux que nous de la croissance. La différence est que, nous, nous nous efforçons d’épargner les classes populaires et les classes moyennes quand la majorité précédente, elle, « tirait large ».

S’agissant de la croissance, je vous renvoie à la prévision de Mme Mathilde Lemoine, chef économiste de la banque HSBC, très respectée de ses pairs et peu suspecte de complaisance à l’égard du pouvoir actuel – elle était la conseillère de M. Dominique de Villepin en matière fiscale et budgétaire à Matignon. Mme Lemoine prévoit une croissance de 0,9 % en 2013. Quant au FMI, il est vrai qu’il s’inquiète mais n’avait-il pas prévu une croissance de 0,8 % pour 2010 alors qu’elle fut de 1,6 % ? Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur le sujet en séance.

Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Madame Poletti, je n’oppose pas IVG et contraception. L’IVG, qui est un droit, est aujourd’hui remboursée à 100 % pour certaines catégories de la population. Il n’empêche que certaines femmes ont encore des difficultés à y accéder et que la prise en charge de cet acte par les complémentaires santé est très variable selon les contrats. Ainsi certaines remboursent le forfait hospitalier, d’autres non. Cette inégalité de traitement justifie la décision que nous avons prise. Cela ne signifie nullement que nous nous désintéressions de la contraception. J’ai d’ailleurs demandé une évaluation des dispositifs mis en place par certaines régions, comme le Pass contraception. Nous réfléchissons à une mesure susceptible d’être appliquée rapidement pour faciliter l’accès à la contraception des 15-18 ans par exemple.

Un décret d’application précisera très vite les modalités de mise en œuvre des expérimentations prévues à l’article 41 pour optimiser le parcours de soins des personnes âgées en perte d’autonomie. Nous avons prévu une prise en charge durant trente jours parce que cela correspond en moyenne au temps nécessaire à la stabilisation de l’état d’une personne âgée après hospitalisation. C’est d’ailleurs la durée recommandée par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

Monsieur Sebaoun, s’agissant des contrats de prévoyance, l’idée est d’engager une large discussion avec les organismes complémentaires afin de redéfinir la nature et le contenu des contrats responsables, et de voir quel rôle vertueux pourraient jouer ces organismes non seulement en solvabilisant la demande de soins mais aussi en contribuant à optimiser les parcours de soins.

Pour le reste, nous n’entendons pas remettre en question la liberté d’installation des médecins, je le redis ici. Il faut trouver le moyen de lever les freins qui empêchent les jeunes médecins de s’installer dans certains territoires urbains ou ruraux. C’est en répondant à leurs préoccupations et en leur proposant des dispositifs attractifs que nous résoudrons le problème.

Madame Bouziane, comme vous l’avez entendu lors du colloque auquel vous avez assisté, une redéfinition des relations entre les médecins et les autres professionnels de santé, à commencer par les pharmaciens et les infirmiers, et une meilleure articulation des compétences et des responsabilités de chacun constituent en effet des pistes à explorer pour mieux répondre aux attentes de la population dans les territoires ruraux.

Madame Khirouni, c’est essentiellement pour des raisons de sécurité sanitaire qu’on ne délivre pas aujourd’hui les médicaments à l’unité. La traçabilité de chacun des comprimés ou gélules ne serait pas suffisamment garantie, sans compter que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela augmenterait les coûts de distribution. C’est donc là une fausse bonne idée d’économies. Les instances compétentes évaluent aujourd’hui la tarification au traitement et non à l’unité.

Monsieur Tian, je crois profondément néfaste la convergence tarifaire qui avait été engagée entre établissements hospitaliers publics et privés. Elle revient en effet à nier la spécificité des missions des établissements publics. Je ne peux que vous conseiller à nouveau la lecture d’un rapport que la MECSS du Sénat a consacré au sujet, et qui a été adopté à l’unanimité, certains de vos amis politiques partageant les mêmes doutes que nous sur ce mécanisme.

Pour ce qui est de la facturation individuelle des consultations et séjours dans les établissements de santé, l’article 49 du texte ne fait qu’en décaler le calendrier de mise en œuvre. Le dispositif sera généralisé d’ici à la fin 2015. Il était impossible d’y parvenir plus tôt. Cette facturation individuelle doit permettre, notamment dans les établissements publics, de mieux suivre les dépenses et donc de les optimiser.

Madame Biémouret, deux cents contrats de praticiens locaux de médecine générale devraient être conclus dès la première année et le dispositif a vocation à s’élargir les années suivantes. Pourquoi en effet ne pas l’ouvrir également aux praticiens hospitaliers ? Cela permettrait une plus grande fluidité entre les deux types d’exercice de la médecine, en ville et à l’hôpital.

M. Jacquat ayant dû nous quitter, c’est en séance que je lui répondrai sur la réforme des retraites.

Madame Le Callennec, alors que la majorité précédente avait multiplié les promesses en matière de projets immobiliers dans les établissements hospitaliers, elle n’en a réalisé que très peu et n’a laissé aucun financement pour ce faire dans le cadre du plan « Hôpital 2012 ». Il nous faut reprendre l’ensemble. Nous mobiliserons des crédits d’investissement pour des projets d’ampleur visant par exemple à installer des plateaux techniques ultra-modernes, à développer la recherche ou à mettre en place des systèmes d’information plus performants, bref à bâtir l’hôpital de l’avenir. Dans les hôpitaux de proximité, pour des projets immobiliers plus classiques, les ressources existantes dans l’ONDAM et au niveau des agences régionales de santé seront mobilisées en fonction des besoins. Ces dernières examinent au cas par cas les demandes des établissements et d’ores et déjà donnent une suite favorable à certains projets.

Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame Carrillon-Couvreur, 9 milliards d’euros seront en effet consacrés en 2013 aux services et établissements accueillant des personnes handicapées, ce qui représente, avec 286 millions d’euros de plus qu’en 2012, une augmentation de 3,3 %. En même temps que nous créerons l’an prochain 3 000 places supplémentaires, nous mettrons l’accent sur l’aspect qualitatif pour mieux accompagner les personnes en situation de handicap dans leur parcours de vie. Nous redonnerons de l’oxygène à l’ensemble de ces services et établissements qui, depuis deux ans, ont été soumis à de telles contraintes financières que beaucoup sont aujourd’hui « au bout du rouleau ». La masse salariale n’y a été revalorisée que de 0,8 % en 2012 et de 1 % en 2011. Tout le secteur s’en est trouvé étouffé, avec même à la clé des problèmes de qualité de l’encadrement. Nous proposons aujourd’hui d’augmenter cette masse salariale de 1,4 %. Nous allons aussi faire le point sur le manque de places : il en manque pour la prise en charge des autistes, des handicapés psychiques, des polyhandicapés et des handicapés vieillissants. Nous nous efforcerons de réduire les très fortes disparités de capacités d’accueil entre territoires.

Madame Le Callennec, mes services sont en train de répondre à votre courrier concernant la prise en charge de l’autisme. Le plan lancé en 2008 prévoyait 4 100 nouvelles places d’accueil pour autistes : 2 100 pour enfants - 1 500 en établissement et 600 dans les services – et 2 000 pour adultes. Si les 2 100 places pour enfants ont été quasiment toutes réalisées, à peine la moitié de celles prévues pour les adultes l’ont été. Nous regarderons donc de près les appels à projet en 2013 pour rattraper le retard pris. Nous lancerons aussi un troisième plan Autisme, qui sera l’occasion de faire le point sur l’existant, de voir comment créer de nouvelles places, mais aussi de lancer des initiatives nouvelles car tout n’est pas qu’affaire de places en ce domaine. Un effort est également nécessaire en matière de recherche ou bien encore de formation des personnels. Vous êtes bien entendu, madame, la bienvenue si vous souhaitez vous associer à nos réflexions.

Mme la ministre déléguée chargée de la famille. Vous avez raison, madame Clergeau, pour ce qui est du bilan de la majorité précédente en matière d’accueil de la petite enfance. Seules 60 000 places d’accueil ont été physiquement créées quand, dans le même temps, 55 000 enfants âgés de 2 à 3 ans n’ont plus pu être scolarisés en maternelle, si bien que le solde est très faible, sinon nul. L’augmentation du nombre de places en crèche a été très insuffisante. Nous allons, nous, changer de méthode. Dans le cadre de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion qui doit être conclue avec la CNAF, la précédente étant arrivée à échéance, nous réorienterons la politique de développement des structures d’accueil de la petite enfance, au travers notamment de la mobilisation des crédits du Fonds national d’action sociale. Pour répondre au mieux aux attentes des parents, nous prendrons en compte l’échelon des territoires. Nous lançons jusqu’à la mi-janvier, dans quatre régions – Bourgogne, Midi-Pyrénées, Pays de Loire et Nord-Pas-de-Calais –, une concertation au cours de laquelle les citoyens et l’ensemble des partenaires de l’accueil de la petite enfance seront invités à recenser les demandes et les besoins, à réfléchir au choix du pilote susceptible d’être l’interlocuteur de l’État, et à évaluer combien de places de quel type sont nécessaires. Nous espérons pouvoir redéfinir ainsi les grandes orientations de la politique de développement des structures d’accueil pour les 0-3 ans. Je parle à dessein des 0-3 ans car le renforcement de la scolarisation des enfants âgés de 2 à 3 ans fait partie de notre réflexion. Une fois les nouvelles orientations définies, nous abrogerons le « décret Morano » relatif aux jardins d’éveil, qui n’ont pas donné satisfaction. Cette abrogation marque notre souhait qu’on passe de ce qui était conçu comme une simple garde des enfants à un véritable accueil, qui suppose tout un travail d’éveil et de socialisation, indispensable à la correction que nous souhaitons de certaines inégalités.

Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Madame Poletti, nous sommes en train de travailler sur les conventions tripartites dites de « pathossification ».

J’ai déjà répondu sur la sous-consommation des crédits de la CNSA.

Monsieur Guedj, je vous remercie infiniment d’avoir réaffirmé que le Gouvernement était déterminé à engager une réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie. Mais nous n’avons pas souhaité, je le reconnais, fixer d’emblée un taux trop élevé pour la contribution additionnelle afin de ne pas prendre les retraités de court. D’ailleurs, la mithridatisation n’est-elle pas une excellente technique médicale ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je remercie l’ensemble de nos collègues, de la majorité comme de l’opposition, – essentiellement des femmes d’ailleurs – qui ont assisté à cette longue audition jusqu’à son terme. Je remercie également les ministres pour leur grande disponibilité. Je remercie également leurs collaborateurs de les avoir accompagnés ici, n’en déplaise à ceux qui les trouvent trop nombreux. Au moins, nous ne pourrons pas dire qu’il s’agit de collaborateurs de l’ombre !

II.- EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

La Commission a procédé à l’examen des articles du présent projet de loi au cours de ses séances des mardi 16 et mercredi 17 octobre 2012.

PREMIÈRE PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2011

Article 1er

Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2011

Conformément aux dispositions organiques, le présent article tend à approuver les tableaux d’équilibre par branche du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) constatées lors de cet exercice ainsi que les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette, c’est-à-dire les recettes affectées respectivement au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ainsi que le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).

En vertu de ces mêmes dispositions, la Cour des comptes a pour mission de présenter un avis sur les tableaux d’équilibre et de certifier les comptes des régimes et branches, travaux qui apportent une contribution indispensable à l’analyse des résultats définitifs de l’exercice.

1. La cohérence des tableaux d’équilibre de l’exercice 2011

L’avis de la Cour des comptes sur la cohérence des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos est présenté chaque année dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS). Comme pour les exercices précédents, elle estime que les tableaux d’équilibre pour l’exercice 2011 « fournissent une image cohérente des résultats des régimes obligatoires de base, du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse ».

Toutefois, comme pour les exercices précédents, la Cour assortit son avis de quatre observations récurrentes, regrettant :

– des indications trop sommaires sur la composition des produits et des charges ;

– la persistance de transferts non éliminés ou imparfaitement éliminés ainsi que des minorations de produits et de charges et une traçabilité insuffisante des modifications apportées aux données transmises par les régimes ;

– des contractions excessives de produits et de charges, dont les incidences ne sont pas précisées par les documents annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

– la qualité perfectible des comptes des régimes de sécurité sociale qui, par construction, rejaillit sur la fiabilité des données figurant dans les tableaux d’équilibre.

2. La certification des comptes pour 2011

Conformément aux dispositions organiques, la Cour des comptes a arrêté le 26 juin dernier son rapport de certification des comptes du régime général. Parallèlement, les autres régimes et organismes ont fait certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes, dont les rapports sont remis au plus tard le 1er juin. La Cour dispose ainsi, pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, d’une vision complète de la qualité des comptes sociaux.

Comme chaque année, elle se prononce sur les comptes des quatre établissements publics nationaux du régime général (CNAMTS, CNAF, CNAV, ACOSS), des quatre branches (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, vieillesse) et de l’activité de recouvrement.

Comme pour les trois exercices précédents, la Cour des comptes estime qu’elle est en mesure de certifier les comptes combinés du recouvrement et les comptes de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), lève partiellement quatre des réserves émises sur les comptes de 2010 et formule huit réserves, dont la plupart avaient déjà été énoncées l’an dernier.

Elle souligne notamment de nouveau les incertitudes portant sur la réalité aussi bien que sur l’exhaustivité et l’exactitude des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, principalement en raison des dysfonctionnements persistants du dispositif de l’interlocuteur social unique (ISU).

De même, comme pour les trois exercices précédents, la Cour certifie les comptes de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la branche maladie, levant deux des six réserves exprimées sur les comptes de 2010 et formulant cinq réserves au titre de 2011.

En revanche, la Cour maintient le refus de certifier les comptes de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) opposé l’année passée. Elle avance cinq motifs à l’appui de ce refus, dont les deux premiers déjà énoncés à propos des comptes de 2010 :

– les insuffisances cumulatives du contrôle interne dans la branche et dans l’activité de recouvrement, qui portent atteinte à l’exhaustivité et à l’exactitude des cotisations sociales affectées à cette branche ;

– les insuffisances du contrôle interne en matière de prestations en nature de soins de ville et de prestations hospitalières déjà relevées à propos de la branche maladie ;

– l’absence de comptabilisation de provisions pour risques et charges au titre des réductions de produits de cotisations sociales consécutives au dénouement défavorable d’une partie des litiges relatifs à l’application de législation des accidents du travail et des maladies professionnelles ;

– la persistance de risques élevés d’erreurs de portée financière en matière de prestations en espèces ;

– l’absence d’évaluation fiable des provisions pour dépréciation de créances.

Comme en 2010, le refus de certifier les comptes de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles n’entraîne pas pour autant la même décision à l’égard de ceux de la CNAMTS, en raison de la part réduite de cette branche dans l’ensemble des recettes et dépenses de la caisse.

En revanche, comme en 2008, la Cour des comptes refuse de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), avançant six motifs à l’appui de ce refus, dont les quatre premières consistent en des réserves formulées l’an passé sur les comptes de 2010 :

– les lacunes du contrôle interne se traduisent par une forte augmentation du montant des erreurs portant sur les prestations – le montant des erreurs serait ainsi passé de 1,2 à 1,6 milliard d’euros entre 2010 et 2011 pour les seules prestations légales – et les systèmes d’information demeurent insuffisamment fiables ;

– la complexité du dispositif de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) continue d’induire une incertitude sur la réalité et l’exhaustivité du montant des cotisations à la charge de la branche famille ;

– certaines estimations comptables demeurent insuffisamment fiables ;

– l’annexe aux comptes combinés comporte des erreurs, omissions et imprécisions ;

– les charges relatives à la correction de l’erreur liée à l’absence de comptabilisation de provisions pour risques et charges au titre de la part des subventions d’investissement en action sociale attribuées et restant à verser à la clôture de l’exercice 2011 (540 millions d’euros), ont été imputées directement aux capitaux au lieu d’être intégrées au résultat de l’exercice ;

– les cotisations d’allocations familiales dues par les entreprises habilitées à gérer des prestations pour le compte de la branche famille ne sont pas contrôlées.

Enfin, après avoir refusé de les certifier en 2008 et 2009, la Cour confirme pour 2011 la certification des comptes de la branche vieillesse et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) accordée au titre de 2010, au bénéfice de six réserves, dont la plupart avaient déjà été énoncées l’année passée :

– une incertitude demeure quant à l’exhaustivité et à l’exactitude du processus de report des salaires aux comptes individuels de carrière des assurés ;

– des progrès restent à accomplir pour parvenir à une maîtrise complète des risques d’anomalies significatives dans le processus de liquidation des droits ;

– une partie des montants mis en paiement et comptabilisés demeurent incertains ;

– des ruptures de la piste d’audit subsistent, induisant notamment une limitation à l’audit des estimations comptables ;

– la séparation des tâches entre gestion des données de paiement des titulaires de prestations et des opérations de paiement demeure encore imparfaitement assurée ;

– l’exhaustivité et l’exactitude des produits comptabilisés au titre des relations financières avec la branche famille et le FSV ne sont pas assurées.

3. L’analyse des données pour 2011

● Le tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base, excluant donc les résultats des organismes concourant à leur financement, à savoir le seul FSV.

Le tableau ci-après rapproche les montants que le présent article 1er soumet à l’approbation du Parlement de ceux des prévisions initiales (article 34 de la loi de financement pour 2011) ou révisées (article 4 de la loi de financement pour 2012).

Tableau d’équilibre 2011 de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2011)

Prévisions révisées
(LFSS 2012)

Réalisé
(PLFSS 2013)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

172,2

183,5

– 11,3

171,8

181,3

– 9,5

171,8

180,3

– 8,5

Vieillesse

193,7

202,3

– 8,5

194,5

202,6

– 8,1

194,6

202,4

– 7,9

Famille

53,1

55,8

– 2,7

52,9

55,5

– 2,6

52,7

55,3

– 2,6

AT-MP

13,1

13,0

+ 0,1

13,0

12,9

– 0,1

12,8

13,0

– 0,1

Total

426,7

449,0

– 22,4

422,0

442,2

– 20,1

421,7

440,8

– 19,1

(*) Hors transferts entre branches

Sources : LFSS 2011, LFSS 2012 et PLFSS 2013.

Le résultat définitif pour 2011 fait apparaître un déficit de 19,1 milliards d’euros, contre 25,5 milliards d’euros en 2010, 21,7 milliards d’euros en 2009, 9,7 milliards d’euros en 2008, 9,1 milliards d’euros en 2007, 7,8 milliards d’euros en 2006 et 11,6 milliards d’euros en 2005. Pourtant, l’exécution se révèle plus favorable que la prévision initiale et que la prévision révisée en loi de financement pour 2012, à hauteur respectivement de 3,3 milliards d’euros et 1 milliard d’euros.

Cette relative amélioration tient à l’adoption de mesures de recettes nouvelles (augmentation du droit de consommation sur les tabacs, du taux de la taxe sur les contrats maladie et du taux des prélèvements sociaux sur les revenus du capital). Elle a bénéficié à toutes les branches – essentiellement à la branche maladie – à l’exception de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, où le produit des cotisations s’est avéré significativement inférieur aux prévisions.

En outre, la progression de la masse salariale, sur laquelle sont assis deux tiers des recettes des régimes sociaux, s’est montée à + 3,6 %, alors que la loi de financement pour 2011 ne prévoyait que + 2,9 %, soit un apport spontané de recettes d’environ 1,5 milliard d’euros.

Le rapport présenté le 1er octobre dernier à la Commission des comptes de la sécurité sociale permet de disposer de données sur les autres régimes que le régime général.

Le déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a légèrement reculé (375 millions d’euros). La Cour des comptes, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, précise que l’amélioration constatée en 2011 doit être relativisée :

– elle tient à l’incidence favorable de régularisations au titre du dispositif de neutralisation de l’intégration dans la fonction publique territoriale de personnels de l’État en application de la loi de décentralisation de 2004 ;

– le déficit tendanciel de la CNRACL pour 2012 doublerait pour atteindre 750 millions d’euros, malgré les effets de la suppression de la compensation démographique spécifique aux régimes spéciaux d’assurance vieillesse, qui faisait peser une charge de 270 millions d’euros sur la caisse.

Le déficit de la branche vieillesse des exploitants agricoles demeure à des niveaux comparables à ceux des exercices passés (1,2 milliard d’euros), dans la mesure où ses ressources sont structurellement insuffisantes pour couvrir ses charges.

Le besoin de financement de la branche maladie du Régime social des indépendants (RSI) s’est accru de 68 millions d’euros tandis que le résultat de la branche vieillesse s’est amélioré de 180 millions d’euros, principalement du fait d’opérations de régularisation et de transferts, le déficit net atteignant près de 1,7 milliard d’euros.

Enfin, pour appréhender la dimension globale de la situation des comptes sociaux, il convient d’ajouter au déficit des régimes obligatoires de sécurité sociale celui du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) : le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale indique que le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV a atteint 22,6 milliards d’euros en 2011, contre 29,6 milliards d’euros en 2010, 24,9 milliards d’euros en 2009 et 11,2 milliards d’euros en 2008.

● Le tableau d’équilibre du régime général

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre du seul régime général. Comme pour l’ensemble des régimes (cf. supra), le tableau ci-après rapproche les montants que le présent article 1er soumet à l’approbation du Parlement de ceux des prévisions initiales (article 35 de la loi de financement pour 2011) ou révisées (article 4 de la loi de financement pour 2012) :

Tableau d’équilibre 2011 du régime général

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2011)

Prévisions révisées
(LFSS 2012)

Réalisé
(PLFSS 2013)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

147,8

159,3

– 11,5

147,9

157,4

– 9,5

148,0

156,6

– 8,6

Vieillesse

100,0

106,8

– 6,8

100,6

106,6

– 6,0

100,5

106,5

– 6,0

Famille

52,6

55,3

– 2,7

52,4

55,0

– 2,6

52,2

54,8

– 2,6

AT-MP

11,7

11,6

+ 0,1

11,6

11,6

0,0

11,3

11,6

– 0,2

Total

306,7

327,6

– 20,9

303,3

321,3

– 18,8

302,8

320,3

– 17,4

(*) Hors transferts entre branches

Sources : LFSS 2011, LFSS 2012 et PLFSS 2013.

Le déficit du régime général a donc atteint 17,4 milliards d’euros, contre 11,6 milliards d’euros en 2005, 8,7 milliards d’euros en 2006, 9,5 milliards d’euros en 2007, 10,2 milliards d’euros en 2008, 20,3 milliards d’euros en 2009 et 23,9 milliards d’euros en 2010. Compte tenu de la prépondérance du régime général, les causes de l’évolution précédemment décrite pour l’ensemble des régimes sont en grande partie identiques, les prévisions de déficit ayant été fixées à 20,9 milliards d’euros en loi de financement pour 2011 puis révisées à 18,8 milliards d’euros en loi de financement pour 2012.

Dès lors, la variation de trésorerie de l’ACOSS (hors apurement de la dette de l’État et reprise de dette de la CADES) s’est élevée à – 20,5 milliards d’euros, contre – 16,9 milliards d’euros en 2005, – 11,4 milliards d’euros en 2006, – 12,5 milliards d’euros en 2007, – 7,2 milliards d’euros en 2008, – 23,8 milliards d’euros en 2009 et – 25,4 milliards d’euros en 2010.

La dégradation du solde de trésorerie (hors reprise de dette) a donc été significativement supérieure au déficit comptable du régime général en 2011
(– 17,4 milliards d’euros). Cet écart de 3,1 milliards d’euros se justifie par la forte dégradation de la situation du FSV (– 4,8 milliards d’euros), qui n’est que très partiellement corrigée par des crédits de compensation supérieurs au montant des exonérations (600 millions d’euros) et par diverses corrections comptables (400 millions d’euros).

● Tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre du seul organisme qui concourt actuellement au financement des régimes obligatoires de base, à savoir le FSV.

Depuis 2009, le solde du fonds est très largement déficitaire : 3,2 milliards d’euros en 2009, 4,1 milliards d’euros en 2010 et plus de 3,4 milliards d’euros en 2011.

Les comptes du FSV, comme ceux des régimes de base, présentent toutefois une légère amélioration, tant par rapport aux prévisions de l’article 36 de la loi de financement pour 2011 (– 3,9 milliards d’euros) qu’aux prévisions révisées par l’article 4 de la loi de financement pour 2012 (– 3,8 milliards d’euros).

Ce léger redressement tient à une situation relativement moins dégradée du marché de l’emploi : les charges du fonds, particulièrement sensibles à l’évolution du taux de chômage, ont peu progressé au titre de la prise en charge de cotisations. Corrélativement, à compter de 2011, de nouvelles recettes, anciennement affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), ont bénéficié au FSV, qui a également reçu un produit exceptionnel de contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S).

Depuis 2011, il revient au FSV de financer la prise en charge du minimum contributif, mais ce transfert s’est accompagné de l’affectation de nouvelles recettes (fractions de taxe sur les salaires, de C3S additionnelle et de forfait social, majoration des prélèvements sur les retraites chapeau), ce qui explique la très forte progression de ses charges (+ 26,4 %) et, plus encore, de ses produits (+ 43,7 %). Malgré la diminution qui en est résultée en 2011, le déficit atteint encore près de 20 % de ses charges nettes.

● L’objectif national de dépenses d’assurance maladie

Le du présent article porte approbation du montant des dépenses constatées en 2011 entrant dans le champ de l’ONDAM. Ce montant s’élève à 166,3 milliards d’euros, pour un objectif fixé à 167,1 milliards d’euros par l’article 90 de la loi de financement pour 2011 et maintenu à ce montant par l’article 9 de la loi de financement pour 2012.

Cette exécution inférieure d’environ 800 millions d’euros au montant initialement voté traduit une augmentation globale de 2,7 % (contre 2,3 % en 2010). La sous-exécution se décompose en 600 millions d’euros au titre des soins de ville (avec des tendances différentes selon les postes) et 200 millions d’euros pour les charges relatives aux établissements de santé, le sous-objectif médico-social ayant été respecté. L’exécution de l’ONDAM 2011 a bénéficié pour partie d’un « effet base » très favorable, avec une baisse de 500 millions d’euros environ entre la base initialement estimée et celle actualisée en fonction des données comptables disponibles au titre de 2010.

● Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites

Le du présent article porte approbation du montant de la dotation au FRR, que la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a mis en extinction, de telle sorte qu’il a commencé ses décaissements au profit de la CADES et que les recettes qui lui ont été affectées sont nulles.

Au 31 décembre 2011, la valeur des actifs du fonds était de 35,1 milliards d’euros, contre 37 milliards d’euros fin 2010, un premier décaissement de 2,1 milliards d’euros étant intervenu en cours d’exercice. L’actif net du fonds permet de payer 1,37 fois le passif, qui est constitué des treize flux annuels de 2,1 milliards d’euros chacun restant à verser à la CADES.

La performance du fonds s’est élevée à 0,37 % en 2011 et sa performance globale, depuis sa création, à 2,65 % (contre 3 % fin 2010 mais 0,8 % fin 2008). Conformément à la nouvelle allocation stratégique définie par le conseil de surveillance sitôt la loi portant réforme des retraites entrée en vigueur, son portefeuille est désormais constitué d’une « poche de couverture » (actifs obligataires) et d’une « poche de performance » (actifs diversifiés visant un rendement plus élevé). La répartition entre ces deux types d’actifs était respectivement de 62,3 % et 37,7 % au 31 décembre 2011. Leur performance respective, au cours de 2011, s’est montée à + 4,5 % et – 5,9 %, traduisant la situation difficile des marchés financiers.

S’il est demeuré positif, le résultat financier est toutefois en recul, passant de 662 millions d’euros en 2010 à 369 millions d’euros en 2011. L’annexe 8 au présent projet de loi de financement précise que cette diminution s’explique par le résultat négatif des cessions des valeurs mobilières (– 379 millions d’euros), consécutives au renouvellement de douze mandats de gestion arrivés à échéance en 2011, et des opérations de change (– 229 millions d’euros), en raison de la dépréciation de l’euro face aux devises étrangères. En revanche, les revenus de valeurs mobilières de placement se sont montés à 938 millions d’euros, contre 842 millions d’euros en 2010, et les instruments financiers à terme ont permis un gain de 71 millions d’euros (au lieu d’une perte 74 millions d’euros en 2010).

● Les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse

Le du présent article porte approbation du montant des recettes mises en réserve par le FSV. Il s’agit ici aussi d’une incidence de loi de novembre 2010 portant réforme des retraites, qui a créé, au sein du FSV, une seconde section dédiée à la mise en réserve de recettes qui seront affectées, à compter de 2016, au financement du maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou, sous certaines conditions, pour les parents d’enfant handicapé.

Ces recettes se composent de 0,77 % du produit du forfait social et 0,2 point de prélèvement social sur les revenus du capital, soit un total de 400 millions d’euros, dont le présent 6° sollicite l’approbation. Ce montant est supérieur à celui fixé par l’article 37 de la loi de financement pour 2011 et confirmé par l’article 5 de la loi de financement pour 2012, qui n’était que de 350 millions d’euros.

● La dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

Le du présent article porte approbation du montant de la dette amortie par la CADES en 2011, à savoir 11,7 milliards d’euros. En raison des reprises de dette successives, notamment les 67,8 milliards d’euros repris durant l’exercice 2011, ce montant est en forte progression depuis plusieurs années : de 2,6 milliards d’euros en 2005 il est passé à 5,3 milliards d’euros en 2009 ; pour 2011, il est légèrement supérieur à celui fixé par l’article 37 de la loi de financement pour 2011 (11,4 milliards d’euros) et confirmé par l’article 5 de la loi de financement pour 2012.

Ce montant s’analyse comme le principal de la dette sociale remboursé par la CADES, qui correspond au résultat brut d’exploitation.

En recettes, la CADES reçoit désormais, outre le produit des contributions pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), soit 6,3 milliards d’euros en 2011, celui de 0,48 point de CSG (5,5 milliards d’euros), une fraction du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (1,6 milliard d’euros en 2011) et un versement annuel de 2,1 milliards d’euros du FRR, soit un total de 15,1 milliards d’euros en 2011. Déduction faite du produit net bancaire, autrement dit la charge nette des intérêts (3,8 milliards d’euros), c’est donc bien un montant de 11,7 milliards d’euros qui a pu être amorti en 2011.

Au 31 décembre 2011, le montant de la dette reprise par la CADES s’élevait à 202,4 milliards d’euros. La situation nette négative – c’est-à-dire le montant de la dette restant à amortir – est donc passée de 86,7 milliards d’euros fin 2010 à 142,8 milliards d’euros fin 2011. La dette amortie par la CADES depuis sa création, soit près de 60 milliards d’euros, est ainsi inférieure à la reprise effectuée pour la seule année 2011.

L’importante reprise de dette effectuée durant l’exercice 2011 a donné lieu à un programme d’émissions d’environ 73 milliards d’euros, dont 31,4 milliards d’euros refinancés à moyen et long termes.

Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes souligne que durant les cinq dernières années, le coût de financement de la CADES s’est révélé comparable à celui de l’État. Cela tient notamment à ce qu’à la différence de l’Agence France Trésor, elle émet en différentes devises (30 % de la dette est ainsi émise en dollars américains), arbitre régulièrement entre taux fixe et taux révisable (la part à taux fixe s’élevant, fin 2010, à 76 %) et négocie des produits de taux.

L’écart sur les émissions de long terme en euros, qui s’est accru avec la crise financière, passant de 11,4 points de base en 2005 à 42,8 points de base en 2009, est compensé par les arbitrages que la CADES a pu effectuer sur son endettement à moyen terme en devises. La Cour des comptes estime que « le pilotage de la dette par la CADES aboutit sur 2005-2010 à un coût de financement similaire (à + 2 points de base près) à celui qu’aurait obtenu l’État, toutes choses égales par ailleurs », étant précisé que « ce résultat est essentiellement lié aux choix relatifs à l’endettement à taux révisable et à l’arbitrage performance/risque qu’ils supposent ».

La Cour observe par ailleurs que la CADES a bénéficié de taux d’intérêt extrêmement bas : si le taux de financement global s’établissait à 3,56 % fin 2010 contre 3,30 % fin 2009 (avec même un point bas à 3,11 % en cours d’année), c’est non pas en raison d’une hausse des taux, mais d’un refinancement à moyen et long termes des emprunts à court terme contractés pour assurer la première phase de la reprise de dette à opérer durant l’année 2009, alors même qu’arrivaient à échéance des emprunts contractés à des taux beaucoup plus élevés.

*

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2

Approbation du rapport figurant en annexe A, retraçant la situation patrimoniale des régimes et organismes de sécurité sociale et décrivant les modalités de couverture du déficit constaté de l’exercice 2011

Conformément aux dispositions organiques applicables aux lois de financement de la sécurité sociale, le présent article prévoit l’approbation d’un rapport dont l’objet est désormais double :

– depuis la loi de financement pour 2012, un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

– une description des mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés au titre du dernier exercice clos.

Ce rapport, qui constitue l’annexe A au présent projet de loi de financement, est divisé, comme l’an dernier, en deux parties :

– une première partie consacrée à la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2011 ;

– une seconde partie décrivant les mesures prises pour assurer la couverture des déficits constatés en 2011.

1. Le tableau présentant la situation patrimoniale de la sécurité sociale

Il revient à la Cour des comptes, comme pour les tableaux d’équilibre du dernier exercice clos présentés à l’article 1er (cf. supra), de produire un avis sur la cohérence de ce tableau. Cet avis est inclus dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2012.

La Cour estime, comme l’an dernier, que le tableau patrimonial « fournit une image cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale », moyennant quatre réserves, dont les trois premières déjà exprimées à propos du tableau de l’exercice précédent :

– les rubriques de l’actif et du passif circulant, à la différence des autres rubriques, sont présentées en agrégeant les données relatives à l’ensemble des entités (ou catégories d’entités) du périmètre du tableau ;

– l’hétérogénéité des pratiques comptables des entités du périmètre du tableau continue d’affecter des opérations éliminées dans le cadre de son élaboration ;

– la qualité des comptes des régimes de sécurité sociale intégrés au tableau, du fait notamment des insuffisances des dispositifs de contrôle interne, demeure perfectible ;

– les montants retenus au titre du Régime social des indépendants (RSI) sont issus d’informations insuffisamment justifiées sur le point de savoir si ces montants correspondent effectivement et exclusivement à des éléments d’actif et de passif relatifs aux régimes de base.

En outre, la Cour, comme l’année dernière, « appelle l’attention » sur trois éléments :

– dans ce tableau, la part de la reprise des déficits relative à 2011 a été reclassée en dettes et seules figurent dans les capitaux propres de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) les reprises au titre de 2009 et de 2010, comme pour les entités bénéficiaires de cette reprise de dette ;

– les dettes comptabilisées par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à l’égard de la CADES au titre du versement annuel de 2,1 milliards d’euros par le FRR à la CADES entre 2011 et 2024 également prévu par la loi de financement pour 2011 ont été neutralisées en raison de l’absence de comptabilisation par la CADES de créances sur le FRR ;

– le montant des valeurs mobilières de placement détenues par le FRR incorpore des plus-values latentes au regard de leur valeur d’acquisition, car le FRR valorise les actifs financiers qu’il détient à leur valeur de marché.

Le « passif net » (100,6 milliards d’euros) et l’« endettement financier » (170,1 milliards d’euros) des régimes de base et organismes considérés ont augmenté en 2011, sous l’effet des déficits enregistrés au titre de cet exercice. La Cour, pour sa part, préfère calculer un « passif financier net » correspondant à la différence entre le passif financier (essentiellement les dettes financières portées par la CADES) et l’actif financier (titres de placement et disponibilités détenus principalement par le FRR et par la CADES) : s’élevant au 31 décembre 2011 à 111,2 milliards d’euros, il s’est accru de plus de 15,2 milliards d’euros durant l’exercice, pour atteindre 5,5 % du PIB.

2. La description des mesures prévues pour la couverture des déficits constatés

Les déficits du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont respectivement atteint 17,4 milliards d’euros et 3,4 milliards d’euros en 2011 : une part, correspondant aux branches maladie et famille (11,2 milliards d’euros), a été transférée à la CADES avant la fin de l’exercice 2011 ; une autre part, correspondant à la branche vieillesse et au FSV (9,4 milliards d’euros), est transférée durant l’exercice 2012.

Pour ce qui est des autres régimes de base, seuls d’entre eux ont enregistré des résultats déficitaires :

– dans la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, si les déficits jusqu’à 2010 ont été repris par la CADES, le déficit pour 2011, soit 1,2 milliard d’euros, a fait l’objet d’un financement bancaire, dans le respect du plafond de découvert de trésorerie de 4,5 milliards d’euros fixé, pour ce régime, par l’article 47 de la loi de financement pour 2011 ;

– pour la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le déficit pour 2011, soit 375 millions d’euros, a pu être financé, comme celui de 2010, par les réserves financières constituées grâce aux excédents des exercices antérieurs, ce que l’annexe A omet de préciser explicitement.

*

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 204, AS 205, AS 206 et AS 207 de M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, puis l’article 2 modifié.

Elle adopte ensuite la première partie du projet de loi.

DEUXIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2012

Section 1

Dispositions relatives aux recettes
et à l
équilibre financier de la sécurité sociale

Article 3

(art. L. 245-16 du code de la sécurité sociale ; art. L. 351-7 du code de la construction et de l’habitation ; art. L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles ;
art. 1600-0 S [nouveau] du code général des impôts ; art. 22 de la loi n° 2010-1657 de finances pour 2011 ; art. 1er de la loi n° 2012-958 de finances rectificative pour 2012)


Clarification des impositions et taxes affectées à l’État et à la sécurité sociale

Le présent article complète l’article 38 du projet de loi de finances pour 2013, l’objectif affiché de ces deux dispositions combinées étant d’orienter vers les régimes et organismes sociaux le produit de prélèvements affectés aujourd’hui à l’État, au Fonds national d’aide au logement (FNAL) et à la compensation de l’exonération des heures supplémentaires afin de clarifier les circuits de financement entre les deux sphères publiques.

Faisant intervenir l’État ainsi que de très nombreux organismes, au-delà même du champ de la sécurité sociale, cette opération partagée entre les deux projets de loi financière de l’automne et portant sur plus de 1 milliard d’euros de recettes, se fait à taux de prélèvement constant, mais les transferts qu’elle organise ne sont pas entièrement neutres. En tout état de cause, elle exerce une incidence sur les comptes des régimes et organismes concernés, et ce dès 2012, ce qui justifie son placement en deuxième partie du projet de loi de financement.

1. De nombreux changements d’affectation

Le présent article aménage la répartition du produit des prélèvements sur les revenus du patrimoine et les produits de placements, tandis que le projet de loi de finances procède à la réaffectation de certaines recettes fiscales.

a) Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements

● Les prélèvements existants

Modifiant l’article L. 245-16 du code de la sécurité sociale, le I du présent article réduit le taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements prévus respectivement aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du même code et répartit cette baisse du taux sur certains des affectataires du produit de ces prélèvements.

Le A diminue de 0,8 point le taux de ces prélèvements, qui passe ainsi de 5,4 % à 4,6 %. Le B diminue en conséquence la part du produit de ces prélèvements destinée à certains des affectataires :

– la fraction affectée au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) passe de 0,3 % à 0,1 %, par suppression de la fraction de 0,2 % affectée jusqu’alors à la seconde section du fonds (article L. 135-3-1 du code de la sécurité sociale). Cette section, qui demeurera financée par l’affectation de 0,5 point de forfait social, est chargée de la mise en réserve de recettes destinées, à compter de 2016, à financer le maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou, sous certaines conditions, pour les parents d’enfant handicapé ;

– la fraction de 1,3 % affectée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) demeure inchangée ;

– la fraction affectée à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) passe de 2,9 % à 2,75 % ;

– la fraction affectée à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) passe de 0,6 % à 0,15 % ;

– la fraction de 0,3 % affectée à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) demeure inchangée.

Dans le même esprit, le VII procède à des modifications d’affectation du produit du prélèvement social sur les produits de placements payés ou réalisés selon les cas du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, pour lesquels la loi de finances rectificative du 16 août 2012 avait prévu une clef de répartition spécifique. La fraction attribuée à la CNAV passe ainsi de 2,2 % à 1,85 %, le solde de 0,35 % ainsi dégagé étant affecté au Fonds national des solidarités actives (FNSA), qui conjointement avec les départements, finance le revenu de solidarité active (RSA).

● La création de nouveaux prélèvements de solidarité

Le II crée un nouvel article 1600-0 S du code général des impôts, instituant des prélèvements de solidarité sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement, dont le régime est identique à celui des prélèvements sociaux sur ces mêmes revenus (et donc à celui de la CSG), tant pour l’assiette que pour le contrôle et le recouvrement.

Le taux en est fixé à 1,9 % et le produit réparti selon la clef suivante :

– une fraction de 1,45 % au profit du FNSA ;

– une fraction de 0,45 % au profit du FNAL.

La contribution additionnelle de 1,1 % qui était jusqu’alors affectée au FNSA et dont les missions sont étendues par le présent article, affirme ainsi sa vocation de financer des dépenses de solidarité situées hors du champ de la sécurité sociale proprement dite.

En conséquence, les III et IV substituent les fractions respectives de ces nouveaux prélèvements à certaines des recettes actuelles des deux fonds, pour un montant équivalent :

– pour le FNSA, la fraction des nouveaux prélèvements non seulement remplace la contribution additionnelle de 1,1 % aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placements mais permet aussi une augmentation de ses ressources de 450 millions d’euros (article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles) ;

– de même, pour le FNAL, non seulement elle remplace la fraction de 1,48 % du produit du droit de consommation sur les tabacs mais elle permet aussi une augmentation nette de ses ressources de 430 millions d’euros (article L. 351-7 du code de la construction et de l’habitation).

Le VI prévoit les dates d’entrée en vigueur de ces différentes modifications, qui s’appliquent :

– aux revenus du patrimoine perçus à compter du 1er janvier 2012 ;

– aux produits de placements payés ou réalisés à compter du 1er janvier 2013 ou à la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter de cette même date.

Enfin, le V procède à une coordination rendue nécessaire par la modification de la composition des recettes du FNSA, dans le cadre de la répartition de la recette supplémentaire résultant, entre 2011 et 2019, de l’assujettissement au fil de l’eau des compartiments en euros des contrats multisupports aux prélèvements sociaux : le préciput effectué au profit de la CNAF sur la contribution additionnelle de 1,1 % est transféré sur la part de 1,45 % du nouveau prélèvement de solidarité attribuée au FNSA.

b) La réaffectation de recettes fiscales par le projet de loi de finances

Par ailleurs, l’article 38 du projet de loi de finances pour 2013 modifie les affectations suivantes au sein de la sphère sociale :

– pour la TVA, la part bénéficiant à l’assurance maladie passe de 5,75 % à 5,88 % tandis qu’une part de 0,33 % est destinée à la compensation de l’exonération des heures supplémentaires (maintenue dans les entreprises de moins de vingt salariés) et à se substituer ainsi à la compensation assurée jusqu’alors par une fraction de 87,13 % de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés, par la TVA brute sur les boissons alcoolisées et par une fraction de 3,89 % du droit de consommation sur les tabacs. Les versements de TVA nette à la branche maladie et au titre de la compensation de l’exonération des heures supplémentaires seront retracés par un compte de concours financiers intitulé « Avances aux organismes de sécurité sociale » ;

– pour le droit de consommation sur les tabacs, la fraction affectée à la branche maladie passe de 58,10 % à 63,47 %, compte tenu de la suppression, à compter du 1er janvier 2013, de l’affectation de la fraction de 3,89 % affectée à la compensation de l’exonération des heures supplémentaires et de la fraction de 1,48 % affectée au FNAL (remplacée par une fraction des nouveaux prélèvements de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placements, cf. supra).

Ce même article dirige en totalité vers le fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire le produit des contributions sur les boissons contenant des sucres ajoutés (article 520 B du code général des impôts) et sur les boissons contenant des édulcorants (article 520 C du même code), précédemment affecté au budget de l’État et, pour la moitié du produit de la première de ces contributions, à la CNAMTS. On rappellera que les recettes du fonds sont actuellement constituées du seul produit de la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé et, le cas échéant, d’une subvention d’équilibre de l’État.

2. Le bilan des changements proposés

L’exposé sommaire comme l’étude d’impact insistent sur la portée simplificatrice de ces nombreux aménagements et sur leur neutralité financière. Cette double appréciation doit cependant être relativisée.

a) Une simplification inaboutie

Si des éléments de simplification sont introduits, la clarification dispose encore de larges marges de progression.

 Des éléments de simplification

À l’issue de ces mouvements, la TVA nette devient la seule recette partagée entre l’État et la sécurité sociale. De fait :

– l’État ne reçoit plus de produit du droit de consommation sur les tabacs ;

– la sphère sociale, en l’occurrence le fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire, est désormais entièrement attributaire du produit des contributions sur les boissons contenant des sucres ajoutés ou des édulcorants, jusqu’alors partiellement affecté à l’État.

Cette simplification s’inscrit dans une démarche cohérente : la vocation du produit des taxes dites « comportementales », compte tenu de leur dimension de santé publique, est d’être affecté aux organismes sociaux, plus particulièrement à ceux qui interviennent dans le domaine de la maladie.

La simplification vise en outre à rendre plus lisibles les affectations de recettes, notamment en vue d’améliorer l’information du Parlement : c’est pourquoi l’évolution de la fraction de TVA bénéficiant à l’assurance maladie et à la compensation de l’exonération des heures supplémentaires sera retracée dans un nouveau compte de concours financiers qui permettra de faire apparaître clairement les mouvements en question.

Par ailleurs, la répartition entre contributions sur les revenus du patrimoine et les produits de placements sera définie à raison de leur finalité respective.

Certes, en 2012, une fraction de 0,35 % de la contribution sur les produits de placements sera destinée au FNSA, comme le montre le tableau ci-dessous :

Clef de répartition du prélèvement social sur les produits de placements (2012)

(en points)

 

Avant lois financières de 2013

Après lois financières de 2013

CNAV

2,2

1,85

CADES

1,3

1,3

CNAF

1

1

CNAMTS

0,6

0,6

FNSA

0,35

FSV
dont Section II

0,3
0,2

0,3
0,2

Total

5,4

5,4

Mais à partir de 2013, la séparation sera nettement établie :

– d’une part, une contribution sociale (au taux de 4,6 %) affectée aux organismes sociaux (CNAV, CNAMTS, CNAF, FSV et CADES) ;

Clef de répartition des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine
et les produits de placements (2013)

(en points)

 

Avant lois financières de 2013

Après lois financières de 2013

CNAV

2,9

2,75

CADES

1,3

1,3

CNAMTS

0,6

0,15

CNAF

0,3

0,3

FSV
dont Section II

0,3
0,2

0,1

Total

5,4

4,6

– une contribution de solidarité (au taux de 1,9 %) affectée à des dépenses non incluses dans le champ de la sécurité sociale (FNSA et FNAL).

Clef de répartition des prélèvements de solidarité sur les revenus
du patrimoine et les produits de placements (2013)

(en points)

Fonds affectataire

Taux

FNSA

1,45

FNAL

0,45

Total

1,9

Globalement, à compter de 2013, la clef de répartition de l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, à taux de prélèvement inchangé, sera donc la suivante :

Clef de répartition de l’ensemble des prélèvements sociaux
sur les revenus du capital (2013)

(en points)

 

Avant lois financières de 2013

Après lois financières de 2013

CNAMTS

6,55

6,1

CNAV

2,9

2,75

CADES

2,28

2,28

FSV

1,15

0,95

CNAF

1,12

1,12

FNSA

1,1

1,45

CNSA

0,4

0,4

FNAL

0,45

Total

15,5

15,5

 Une clarification inachevée

Tout le produit des taxes comportementales n’est pas affecté à la couverture maladie et une fraction de ce produit ne bénéficie toujours pas aux régimes de sécurité sociale.

D’une part, le produit du droit de consommation sur les tabacs continuera d’être réparti entre de multiples affectataires, comme le montre le tableau ci-dessous :

Clef de répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs (2013)

(en %)

 

2012

2013 avant lois financières de 2013

2013 après lois financières de 2013

CNAM

52,33

58,10

63,47

MSA maladie

15,44

15,44

15,44

CNAF

11,17

7,86

7,86

Salariés agricoles

10,00

9,18

9,18

Compensation heures supplémentaires

3,89

État

3,89

MSA régime complémentaire obligatoire

1,89

1,89

1,89

AT-MP

1,58

FNAL

1,48

1,48

Fonds de solidarité (chômage)

1,25

1,25

1,25

Divers régimes spéciaux

0,66

0,60

0,60

Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA)

0,31

0,31

0,31

Total

100

100

100

De 2012 à 2013, la part affectée à la prise en charge de prestations de santé passe certes d’un peu moins de 75 % à près de 85 %. Mais il restera encore près de 8 % affectés à la branche famille et un peu plus de 6 % à des dépenses de retraite. S’agissant de ces régimes vieillesse, on peut d’ailleurs noter que s’il s’agit le plus souvent de régimes de base (salariés agricoles et divers régimes spéciaux), une quote-part de 1,89 % bénéficie à un régime certes obligatoire, mais complémentaire, celui de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) des exploitants agricoles. Enfin, 1,25 %, soit environ 120 millions d’euros, demeurent affectés au fonds de solidarité finançant notamment l’allocation de solidarité spécifique et l’allocation équivalent retraite, c’est-à-dire hors du champ de la sécurité sociale.

D’autre part, le produit des droits sur les boissons, s’il est intégralement affecté aux régimes sociaux, ne l’est pas principalement à la branche maladie (en l’occurrence à celle du régime des exploitants agricoles), puisque celle-ci n’est attributaire que de 43,7 % du produit du droit de consommation sur les alcools et que la totalité du produit des autres droits et de la cotisation sur les boissons alcooliques de plus de 18 % en volume bénéficie à la branche vieillesse. L’article 23 du présent projet de loi fait en revanche bénéficier la CNAMTS d’un peu plus des deux tiers du produit de la hausse du droit spécifique sur les bières.

Enfin, la Cour des comptes, dans son rapport de septembre dernier sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, plaide pour une meilleure structuration des impôts et taxes (autres que le CSG) affectés à la sécurité sociale, en particulier, dans un triple souci de transparence, de dynamisme de la recette et de diversification des assiettes, pour un recentrage de son financement fiscal autour d’un nombre plus réduit d’impôts et d’un grand « impôt de référence ». À cet égard, elle suggère soit un partage accru du produit de la TVA au profit de la sécurité sociale, soit un renforcement de la fiscalité environnementale, soit un rapprochement entre les impôts et taxes affectés et la CSG. Incidemment, elle estime que devrait être réexaminé « l’intérêt de maintenir l’affectation de taxes dont l’assiette est susceptible de placer la sécurité sociale en porte-à-faux par rapport aux politiques de santé publique (consommation de tabacs et d’alcools) ».

b) Une neutralité relative

Appréciée de façon globale, l’opération est neutre, mais elle a bien évidemment une incidence, tantôt positive, tantôt négative, sur les organismes concernés par ces différents mouvements.

 Une neutralité globale

Si l’on considère l’ensemble des administrations publiques, le bilan de cette opération est effectivement neutre. L’étude d’impact jointe au présent projet de loi fait certes apparaître à compter de 2013 un gain de 77 millions d’euros pour la « sphère État » et même de 198 millions d’euros pour la « sphère protection sociale », mais c’est parce que ce montant total de 275 millions d’euros correspond en réalité au changement d’affectation du produit de 0,2 point de prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placements au détriment de la seconde section du FSV, laquelle n’est pas intégrée aux soldes présentés en loi de financement.

Si l’on considère l’ensemble des mesures proposées en loi de financement et en loi de finances, on constate que leur incidence est globalement neutre pour les administrations publiques mais que la « sphère publique » se trouve légèrement avantagée par rapport à la « sphère sociale ».

Impact des articles 3 du PLFSS 2013 et 38 du PLF 2013 (2013)

(en millions d’euros)

 

État

FNAL

FNSA

Total « Sphère État »

CNAMTS

CNAV

FSV

Fonds CMU

Total « Sphère sociale »

Contribution sucres ajoutés

– 153

   

– 153

– 153

   

+ 306

+ 153

Contribution édulcorants

– 61

   

– 61

     

+ 61

+ 61

TVA nette

– 189

   

– 189

+ 189

     

+ 189

Droits tabacs

– 449

– 170

 

– 619

+ 619

     

+ 619

Prélèvements de solidarité

 

+ 619

+ 480

1 099

– 619

     

– 619

Prélèvement social

         

– 205

– 275

 

– 480

Total

– 852

+ 449

+ 480

+ 77

+ 36

– 205

– 275

+ 367

– 77

Les montants figurant en italiques sont ceux résultant du présent article.

Source : d’après l’étude d’impact jointe au PLFSS 2013.

Le tableau permet en outre de faire apparaître les grandes lignes de ces transferts : en loi de financement, une fraction des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements jusqu’alors affectés à la branche vieillesse ou au FSV est transférée au FNAL et au FNSA ; en loi de finances, le produit de taxes comportementales sur les boissons et les tabacs jusqu’alors affecté à l’État, au FNAL ou à la compensation des heures supplémentaires ainsi qu’une fraction de TVA nette sont transférés vers la branche maladie et le fonds CMU.

 Gagnants et perdants

Les tableaux ci-après font apparaître, pour l’ensemble des comptes concernés, le détail de ces opérations et leur solde.

Pour la CNAMTS, l’opération est légèrement favorable, le supplément de 0,13 % de TVA nette étant un peu supérieur à l’abandon de la fraction de 50 % du produit de la contribution sur les boissons sucrées :

Recettes de la CNAMTS modifiées par les lois financières pour 2013

(en millions d’euros)

2013 avant lois financières

2013 après lois financières

 

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (0,6 point)

765

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (0,15 point)

146

 

Droit de consommation sur les tabacs (58,10 %)

5 246

Droit de consommation sur les tabacs (63,47 %)

5 865

 

Contribution sur les boissons contenant des sucres ajoutés (50 %)

153

 

TVA nette (5,75 %)

8 609

TVA nette (5,88 %)

8 798

 

Total

14 773

Total

14 809

Solde

+ 36

Pour la CNAV, l’opération est défavorable à hauteur de 145 millions d’euros en 2012 puis de 205 millions d’euros à compter de 2013, en raison de la perte de 0,15 point de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements :

Recettes de la CNAV avant et après les lois financières pour 2013

(en millions d’euros)

2012 avant lois financières

2012 après lois financières

 

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (1,2 point)
Prélèvement social sur les produits de placements au titre de 2012 (2,2 points)

1 927

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (1,2 point)
Prélèvement social sur les produits de placements au titre de 2012 (1,85 point)

1 782

 

Total

1 927

Total

1 782

Solde

– 145

2013 avant lois financières

2013 après lois financières

 

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (2,9 points)

3 699

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (2,75 points)

3 494

 

Total

3 699

Total

3 494

Solde

– 205

Pour le FSV (seconde section), l’opération se solde par une perte de recettes, du fait de l’abandon de 0,2 point de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements :

Recettes de la seconde section du FSV

(en millions d’euros)

2013 avant lois financières

2013 après lois financières

 

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (0,2 point)

255

 

Total

255

Total

Solde

– 255

À l’occasion de cette opération, le « panier fiscal » destiné à compenser l’exonération des heures supplémentaires est redéfinie, afin de tirer les conséquences de la réforme du régime des heures supplémentaires à laquelle a procédé la loi de finances rectificative d’août dernier :

Recettes du « panier fiscal » compensant l’exonération des heures supplémentaires

(en millions d’euros)

2012

2013

 

TVA brute sur les producteurs d’alcools

1 849

TVA nette (0,33 %)

500

 

Droit de consommation sur les tabacs (3,89 %)

384

 

CSB (42,11 %)

145

 

Autres

45

 

Total

2 423

Total

500

Solde

– 1 923

Le fonds CMU reçoit 367 millions d’euros de recettes supplémentaires, mais cette somme lui permettra de financer le passage de 370 euros à 400 euros du montant du forfait annuel servant de base pour le remboursement aux organismes gestionnaires des dépenses de CMU complémentaire :

Recettes du fonds de financement de la couverture maladie universelle
complémentaire modifiées par les lois financières pour 2013

(en millions d’euros)

2013 avant lois financières

2013 après lois financières

 

Contribution sur les boissons contenant des sucres ajoutés

306

 

Contribution sur les boissons contenant des édulcorants

61

 

Total

Total

+ 367

Solde

+ 367

Pour l’État, la situation est en apparence très défavorable, avec une perte nette de 852 millions d’euros :

Recettes de l’État modifiées par les lois financières pour 2013

(en millions d’euros)

2013 avant lois financières

2013 après lois financières

 

Droit de consommation sur les tabacs (3,89 %)

449

 

TVA transférée (5,75 %)

– 8 609

TVA transférée (6,21 %)

– 8 798

 

Contribution sur les boissons contenant des sucres ajoutés (50 %)

153

 

Contribution sur les boissons contenant des édulcorants

61

   

Total

–7 946

Total

– 8 798

Solde

– 852

Il faut toutefois relativiser cette présentation, dans la mesure où la contribution de l’État au FNAL diminuera de 594 millions d’euros en 2013. En outre, l’État réalise une économie de 200 millions d’euros en 2012 et de près de 2 milliards d’euros en année pleine à compter de 2013 du fait de la forte diminution de la compensation de l’exonération des heures supplémentaires.

Pour le FNSA, le solde est positif à hauteur de 145 millions d’euros dès 2012, puis de 480 millions d’euros en année pleine à partir de 2012, par affectation de 0,35 point des prélèvements de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placements :

Recettes du FNSA avant et après les lois financières pour 2013

(en millions d’euros)

2012 avant lois financières

2012 après lois financières

 
 

Prélèvement sur les produits de placements au titre de 2012 (0,35 point)

145

 

Total

Total

145

Solde

+ 145

2013 avant lois financières

2013 après lois financières

 

Contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (1,1 point)

1 403

Prélèvements de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (1,45 point)

1 883

 

Total

1 403

Total

1 883

Solde

+ 480

Ces sommes supplémentaires permettront de financer l’élargissement des missions du FNSA, à savoir la pérennisation des primes de Noël versées aux bénéficiaires du RSA, de l’allocation spécifique de solidarité (ASS), de l’allocation équivalent retraite (AER) et de l’allocation transitoire de solidarité (ATR).

Pour le FNAL, le solde est positif à hauteur de 449 millions d’euros, étant toutefois rappelé que la contribution de l’État diminuera de 594 millions d’euros en 2013.

Recettes du FNAL avant et après les lois financières pour 2013

(en millions d’euros)

2013 avant lois financières

2013 après lois financières

 

Droit de consommation sur les tabacs (1,48 %)

170

Prélèvements de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (0,45 point)

619

 

Total

170

Total

619

Solde

+ 449

*

La Commission adopte successivement l’amendement de précision AS 208, l’amendement de conséquence AS 210 et l’amendement de précision AS 209 de M. Gérard Bapt, rapporteur, puis l’article 3 modifié.

Article 4

Prélèvement exceptionnel au profit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales

Le présent article vise à réaliser un transfert des excédents du fonds relatif à l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales et du fonds de compensation pour la cessation progressive d’activité à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) respectivement à hauteur de 450 millions d’euros et 240 millions d’euros, afin de faire face aux besoins de trésorerie de la caisse de retraite avant la fin de l’exercice 2012.

1. La caisse connaît un déficit important et des problèmes de trésorerie qui justifient une intervention rapide des pouvoirs publics

La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a été créée par l’ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et communes et de leurs établissements publics, puis modifiée à plusieurs reprises jusqu’au décret n° 2007-173 du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Cette caisse est un établissement public administratif dont la gestion est confiée à la Caisse des dépôts et consignations.

La CNRACL est en charge du versement des pensions de vieillesse et d’invalidité aux agents titulaires des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs, et aux agents titulaires de la fonction publique hospitalière, ainsi qu’à leurs ayants droit. La caisse comptait, au 31 décembre 2011, 2 337 578 actifs et 1 063 057 pensionnés affiliés.

Le régime fonctionne selon le principe de la répartition et les droits des ressortissants du régime (1) sont comparables à ceux du régime de retraite des fonctionnaires de l’État.

Le régime est financé par des cotisations employeurs et salariales. La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites prévoit un alignement progressif du taux de cotisation applicable aux fonctionnaires sur celui applicable aux salariés du secteur privé. Le taux de cotisation salariale est ainsi progressivement relevé depuis 2010 à raison de 0,27 point par an : de 7,85 % en 2010, il doit atteindre 10,55 % en 2020. À cette mesure, il convient d’ajouter la hausse de 0,1 point des taux de cotisation salariale et patronale prévue par le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 afin de financer l’élargissement de la retraite anticipée pour carrières longues, effective au 1er novembre 2012.

Le taux de retenue salariale s’élève ainsi à 8,49 % à compter du 1er novembre 2012 et le taux de cotisation patronale à 27,4 %.

La situation financière de la CNRACL continue à se dégrader progressivement malgré ces hausses de cotisations. Le déficit pour l’exercice 2011 s’élève à 375,1 millions d’euros. La Commission des comptes de la sécurité sociale estime les déficits pour les années 2012 et 2013, en l’absence de mesures de redressement, respectivement à 785,7 millions d’euros et 1,3 milliard d’euros.

Cette situation s’explique, d’une part, par une hausse rapide des prestations, liée notamment à l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom et à une plus forte revalorisation des pensions en 2011. Les dépenses de prestations nettes ont ainsi augmenté de 7,6 % en 2011. Le solde entre le montant des cotisations perçues et le montant des prestations versées reste cependant positif en 2011 (+ 1,4 milliard d’euros).

D’autre part, les dépenses du régime au titre de la compensation démographique inter-régimes (1,6 milliard d’euros en 2011) et sa contribution au dispositif de neutralisation financière des coûts du transfert des personnels de l’État dans la fonction publique territoriale dans le cadre de l’acte II de la décentralisation pèsent sur les charges de la caisse. Si le montant du transfert de décentralisation a connu une baisse notable en 2011, il devrait retrouver un niveau plus élevé en 2012 et 2013 (respectivement 517 millions d’euros et 505 millions d’euros contre 434 millions d’euros en 2011).

Les charges nettes seraient ainsi en progression de 4,6 % en 2012 et de 5,9 % en 2013, atteignant respectivement 17,6 milliards d’euros et 18,7 milliards d’euros.

À ce déficit s’ajoutent des difficultés à assurer les besoins de financement courant qui ont conduit à une augmentation particulièrement importante du plafond de recours à des ressources non permanentes pour l’année 2012. Le plafond a été porté à 1,4 milliard d’euros par l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (contre 400 millions d’euros en 2011).

La caisse a ainsi fait appel en 2012 aux réserves du fonds relatif à l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales via une convention de mise à disposition temporaire et rémunérée des réserves du fonds à hauteur de 380 millions d’euros et à un prêt de la Banque postale, en plus des interventions de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) lors des pics de trésorerie. Ce dispositif prend cependant fin en décembre 2012, date à laquelle la CNRACL devra rembourser ces prêts (1,15 milliard d’euros).

La CNRACL est donc confrontée à un déficit structurel qui grève ses fonds propres et qui pèse sur sa trésorerie, obligeant à une intervention rapide des pouvoirs publics. À la fin de l’année 2011, après imputation du résultat de l’exercice, les capitaux propres qui finançaient jusqu’à présent les déficits s’élevaient à 1,3 milliard d’euros. Ces réserves devraient baisser pour atteindre 527 millions d’euros en 2012 et s’épuiser en 2013 (le besoin de financement atteignant 724 millions d’euros).

2. Un transfert financièrement viable qui s’accompagne de mesures de pérennisation pour assurer un financement du fonds à long terme

Le présent article propose de transférer à la CNRACL une partie des réserves de deux fonds :

– 450 millions d’euros prélevés sur le fonds relatif à l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales ;

– 240 millions d’euros prélevés sur le fonds de compensation pour la cessation progressive d’activité à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (FCCPA).

Le premier finance l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales (ATIACL). Cette allocation a été créée à titre facultatif par la loi de finances rectificative pour 1961 (2), puis rendue obligatoire en 1969 (3). Elle est actuellement régie par le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005. Elle constitue la « couverture » accidents du travail des agents permanents des collectivités locales et de leurs établissements publics. La gestion du fonds a été confiée à la Caisse des dépôts et consignations.

Ce fonds est principalement financé par des cotisations à la charge des collectivités employeurs. Le taux des cotisations est fixé par arrêté conjoint des ministres de l’intérieur, de l’économie et des finances, de la santé et de l’équipement, il s’applique au traitement soumis à retenue pour la retraite CNRACL. Ce taux est fixé à 0,5 % depuis le 1er janvier 1982. Les autres recettes alimentant le fonds sont constituées par un double prélèvement d’équilibre sur le fonds de compensation pour la cessation progressive d’activité des agents territoriaux et sur le fonds pour l’emploi hospitalier.

Le fonds de l’ATIACL dégage des excédents depuis 2007. Ils se sont élevés à 380,1 millions d’euros en 2011 et les prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale font état d’excédents atteignant 455,4 millions d’euros en 2012 et 531,8 millions d’euros en 2013.

Le FCCPA assure le financement de la cessation progressive d’activité (CPA) qui permet aux agents des collectivités territoriales de pouvoir bénéficier d’une réduction progressive du temps de travail sous certaines conditions (4). Il est également géré par la Caisse des dépôts et consignations. Dans le cadre de ce dispositif, les collectivités territoriales supportent l’ensemble des coûts de la cessation progressive d’activité en versant aux agents concernés la totalité de leur rémunération, le fonds ne remboursant ces surcoûts qu’à hauteur des deux tiers.

Après plusieurs modifications, le dispositif a été supprimé par l’article 54 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. Les agents bénéficiant déjà du dispositif conservent leurs droits à titre individuel, le FCCPA continuant à rembourser les collectivités jusqu’à expiration des derniers droits. Depuis 2011, en raison de son abrogation, les cotisations au fonds (5) ne sont plus dues.

Le rapport annuel du fonds fait état d’excédents cumulés à hauteur de 267,5 millions d’euros à la fin de l’exercice 2011.

Le prélèvement total de 690 millions d’euros proposé dans le présent article permettra de réduire le déficit prévisionnel de la CNRACL au 31 décembre 2012 à 77 millions d’euros, contre 767 millions d’euros sans ce transfert. Il permettra par ailleurs de soulager la trésorerie de la caisse en allégeant les charges liées au remboursement des prêts qui arrivent à échéance fin décembre 2012.

Le fonctionnement des deux fonds concernés par les prélèvements ne sera pas altéré par le transfert. Les réserves du fonds de l’ATIACL s’élèveront à 24 millions d’euros fin 2012 et 60 millions d’euros en 2013. Celles du FCCPA s’établiront à 27,9 millions d’euros en 2012 et 28,3 millions d’euros en 2013.

La dernière phrase du présent article dispose que les règles de recouvrement, de contentieux et de garanties relatives à ce prélèvement sont les mêmes que les règles s’appliquant à la taxe sur les salaires. En vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une telle opération de prélèvement sur les personnes morales que constituent ces fonds s’apparente à une imposition de toute nature. L’article 34 de la Constitution contraignant le législateur à fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement de celles-ci, une telle précision est nécessaire dans le cadre de cet article.

Dans un souci de simplification du droit, il est proposé de renvoyer à un impôt existant. Ce renvoi reste cependant purement formel, le transfert s’effectuant par un simple virement entre deux comptes. En pratique, le transfert sera réalisé à l’amiable, ce qui dispense par exemple de suivre le calendrier afférent à la taxe sur les salaires.

En sus du renforcement du fonds de roulement de la CNRACL proposé par le présent article, la présente loi de financement prévoit à l’article 13 le maintien du plafond de recours à des ressources non permanentes à 1,4 milliard d’euros.

Enfin, le financement du fonds à plus long terme est également prévu. Le Gouvernement, par voie réglementaire, augmentera les cotisations employeurs de 1,35 point en 2013 et 1,35 point en 2014. Le taux de cotisation employeur passera alors à 28,75% en 2012 et 30,1% en 2013, ce qui devrait engendrer 630 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2013. Cette hausse nécessitera une modification de l’article 5 du décret n° 91-613 du 28 juin 1991 fixant les taux des cotisations de divers régimes spéciaux de sécurité sociale qui prévoit actuellement une augmentation progressive des cotisations employeurs jusqu’en 2016, date à laquelle le taux de cotisation atteindra 27,55 %.

Il convient également de rappeler que les mécanismes de compensation au titre de la décentralisation ont vocation à représenter un produit net pour la caisse lorsque tous les agents décentralisés auront atteint l’âge de la retraite, aux alentours de 2020.

*

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5

Rectification des prévisions de recettes et des tableaux d’équilibre pour 2012

Conformément aux dispositions organiques, le présent article propose de rectifier les prévisions de recettes et les tableaux d’équilibre pour 2012, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du régime général, la rectification de leurs objectifs de dépenses étant opérée à l’article 9, ainsi que les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Le présent article rectifie ainsi quatre articles de la loi de financement pour 2012 : 31, fixant les prévisions de recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base, du régime général et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, 32, approuvant le tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base, 33, approuvant le tableau d’équilibre du régime général, et 34, approuvant le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, c’est-à-dire le seul FSV.

1. Les régimes obligatoires de base

Le porte rectification, pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, des prévisions de recettes telles que fixées par l’article 31 de la loi de financement pour 2012, et du tableau d’équilibre, tel qu’approuvé par l’article 32 de la même loi, ces données étant mises en regard, dans le tableau ci-après, des rectifications que propose d’y apporter le présent article.

Tableau d’équilibre 2012 de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2012)

Prévisions révisées
(PLFSS 2013)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

180,4

186,2

– 5,8

179,4

184,9

– 5,5

Vieillesse

202,6

210,4

– 7,8

202,9

210,0

– 7,1

Famille

54,4

56,5

– 2,0

54,4

56,9

– 2,5

AT-MP

13,4

13,3

+ 0,1

13,3

13,3

– 0,1

Total (*)

440,2

455,8

– 15,6

439,5

454,7

– 15,2

(*) Hors transferts entre branches

Sources : LFSS 2012 et PLFSS 2013.

Pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO) au sens de la comptabilité nationale, intégrant par conséquent l’assurance chômage et les régimes complémentaires obligatoires, le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2013 indique que le taux de prélèvements obligatoires devrait progresser moins vite qu’en 2011 (+ 0,4 point au lieu de + 0,7 point), pour atteindre 24,3 % du PIB.

L’augmentation s’explique principalement par les différentes mesures de recettes nouvelles adoptées au fil des lois financières : hausse de 1,2 point des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements (+ 1,1 milliard d’euros), suppression de l’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires et complémentaires (+ 1 milliard d’euros), suppression de l’exonération partielle de taxe spéciale sur les conventions d’assurance pour les contrats solidaires et responsables (+ 1 milliard d’euros) et réduction de l’abattement forfaitaire pour frais professionnels pour le calcul de la CSG (+ 800 millions d’euros). En outre, hors mesures nouvelles, les prélèvements obligatoires croîtraient un peu plus vite que le produit intérieur brut (+ 2,1 %).

2012 ne marquerait ainsi qu’un ralentissement dans la croissance des recettes des ASSO : + 3,3 % contre + 5,5 % en 2011, + 2 % en 2010 et – 0,4 % en 2009. L’évolution tient d’abord au dynamisme moins marqué de la masse salariale privée (+ 2,5 % contre + 3,6 %) mais aussi à un moindre montant de mesures nouvelles, soit 6,5 milliards d’euros (limitation des niches sociales sur l’épargne salariale, hausse de 2 points du taux de prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placements) au lieu de 12 milliards d’euros en 2011.

Pour ce qui est de l’évolution par rapport aux montants fixés par la loi de financement pour 2012, les recettes se montrent quasiment stables (– 0,2 %). Certes, à la différence de 2010 et 2011, les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre avaient été construits sur des hypothèses trop optimistes, à savoir une progression de 1 % du PIB et de 3 % de la masse salariale, désormais révisées respectivement à 0,3 % et 2,5 %. S’y ajoutent les effets de la revalorisation de 2 % du SMIC au 1er juillet, dont l’incidence nette sur les recettes est évaluée à plus de 400 millions d’euros. Mais ces pertes de recettes sont en grande partie compensées par les effets, dès 2012, des mesures adoptées dans le cadre du collectif budgétaire de l’été dernier : 800 millions d’euros au titre de l’augmentation de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements, 550 millions d’euros résultant de la hausse de 12 points du taux du forfait social, 200 millions d’euros apportés par la majoration de 0,2 point du taux des cotisations d’assurance vieillesse et 80 millions d’euros provenant de la majoration du taux des contributions sur les stock-options et attributions gratuites d’actions.

Compte tenu de l’évolution des dépenses (cf., infra, article 9), le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base s’améliorerait légèrement, à hauteur de 400 millions d’euros, par rapport au montant fixé par la loi de financement pour 2012, pour s’établir à 15,2 milliards d’euros, en recul de près de 4 milliards d’euros par rapport à 2011.

Par branche, les évolutions sont très diverses :

– le déficit de la branche maladie n’atteint que 5,5 milliards d’euros, au lieu des 5,8 milliards d’euros attendus ;

– le déficit de la branche vieillesse ne s’élève qu’à 7,1 milliards d’euros, au lieu des 7,8 milliards d’euros initialement prévus ;

– en revanche, atteignant 2,5 milliards d’euros, le déficit de la branche famille est significativement aggravé par rapport aux prévisions, qui le situaient à 2 milliards d’euros.

On peut relever à cet égard que la branche vieillesse a été la principale bénéficiaire, avec près de 700 millions d’euros, de l’effet dès 2012 des mesures nouvelles prises dans le collectif budgétaire d’août dernier, contre 400 millions d’euros pour la branche famille et 100 millions d’euros pour la branche maladie.

2. Le régime général

Le du présent article porte rectification, pour le régime général, des prévisions de recettes, telles que fixées par l’article 31 de la loi de financement pour 2012, et du tableau d’équilibre, tel qu’approuvé par l’article 33 de la même loi, ces données étant mises en regard, dans le tableau ci-après, des rectifications que propose d’y apporter le présent article.

Tableau d’équilibre 2012 du régime général

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2012)

Prévisions révisées
(PLFSS 2013)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

155,7

161,6

– 5,9

155,0

160,5

– 5,5

Vieillesse

104,7

110,6

– 5,9

105,2

110,4

– 5,2

Famille

53,9

56,0

– 2,0

53,9

56,4

– 2,5

AT-MP

12,0

11,9

0,0

11,8

11,9

– 0,1

Total (*)

316,7

330,5

– 13,8

316,4

329,7

– 13,3

(*) Hors transferts entre branches

Sources : LFSS 2012 et PLFSS 2013.

Le déficit pour 2012 s’établirait à 13,3 milliards d’euros, qui n’est pas exactement le montant figurant dans le rapport présenté le 1er octobre à la Commission des comptes de la sécurité sociale (13,1 milliards d’euros). En effet, établis avant les mesures incluses dans le présent projet de loi, les comptes, par construction, ne pouvaient anticiper le VII de l’article 3 (cf. supra), qui attribue au Fonds national des solidarités actives (FNSA), dès 2012, d’une fraction égale à 0,35 point de prélèvement social sur les produits de placements (soit 145 millions d’euros) jusqu’alors affecté à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV). De ce fait, le déficit de la branche vieillesse (5,2 milliards d’euros) serait légèrement supérieur à celui figurant dans le rapport à la Commission des comptes (5 milliards d’euros).

Le déficit serait donc réduit de 500 millions d’euros par rapport au montant fixé par la loi de financement pour 2012. Comme pour l’ensemble des régimes (cfsupra), l’exécution se révèlerait meilleure pour les branches vieillesse et maladie, à hauteur respectivement de 700 millions d’euros et de 400 millions d’euros, mais moins favorable pour la branche famille, à hauteur de 500 millions d’euros.

Cette amélioration globale se produit alors même que la croissance du PIB et de la masse salariale se révèle assez nettement en retrait par rapport aux hypothèses associées à la loi de financement. Mais les recettes nouvelles apportées par le collectif budgétaire d’août dernier, soit 1 390 millions d’euros selon le chiffrage établi par la Cour des comptes dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, ont permis de contrebalancer les pertes de recettes dues à cette mésestimation de la situation économique.

Par rapport à 2011, le déficit de la branche maladie serait réduit de 3,1 milliards d’euros mais ceux des branches vieillesse et famille respectivement de 800 millions d’euros et de 100 millions d’euros seulement.

3. Les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base

Le du présent article porte rectification, pour les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base (c’est-à-dire le seul FSV), du tableau d’équilibre, tel qu’approuvé par l’article 36 de la loi de financement pour 2012, ces données étant mises en regard, dans le tableau ci-après, des rectifications que propose d’y apporter le présent article.

Tableau d’équilibre 2012 des organismes concourant
au financement des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2012)

Prévisions révisées
(PLFSS 2013)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

FSV

14,2

18,3

– 4,1

14,6

18,6

– 4,1

Sources : LFSS 2012 et PLFSS 2013.

Le solde du FSV serait donc conforme aux prévisions de la loi de financement pour 2012, l’évolution de ses dépenses à la hausse, en raison de l’augmentation de la prise en charge des cotisations au titre du chômage, ayant été équilibrée par les nouvelles recettes qui lui ont été affectées : principalement la hausse du taux du forfait social et de la part du FSV dans la répartition de son produit, mais aussi le doublement du taux des contributions patronales sur les retraites chapeau.

Cela étant, alors que le déficit du fonds en 2011 a été repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), sa dette va donc commencer immédiatement à se reconstituer.

4. Le solde d’ensemble 2012

La consolidation des chiffres rectifiés de l’ensemble des régimes obligatoires de base avec ceux des recettes et dépenses des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base permet d’appréhender la situation financière prévisionnelle pour l’exercice 2012 de l’ensemble de la sécurité sociale au sens de la loi de financement. Si les dispositions organiques ne rendent pas obligatoire le calcul de ce total, le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale ne manque pas de le présenter.

La somme du solde de l’ensemble des régimes (– 15,2 milliards d’euros) et de celui du FSV (– 4,1 milliards d’euros) révèle un déficit total de 19,3 milliards d’euros en 2012, à comparer à 11,1 milliards d’euros en 2007, 11,2 milliards d’euros en 2008, 24,9 milliards d’euros en 2009, 29,6 milliards d’euros en 2010 et 22,6 milliards d’euros en 2011. Mesurée selon les agrégats de la loi de financement, l’amélioration globale par rapport à 2011 s’élève donc à 3,2 milliards d’euros : inférieure à celle constatée entre 2010 et 2011, elle traduit quasi-exclusivement celle de la situation de la branche maladie.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 104 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à affecter à la branche famille de la sécurité sociale les 470 millions d’euros attendus de la réforme du quotient familial. La semaine dernière, j’ai interrogé les ministres sur le coût et le financement des garderies périscolaires qui devront être créées dans le cadre de la réforme de l’école. Je n’ai pas eu de réponse, et je crains que ce financement ne soit à la charge des communes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Quel que puisse être le bien-fondé de cet amendement, il n’est pas possible d’affecter une recette du budget de l’État à la branche famille. J’appelle donc la Commission à le rejeter.

La Commission rejette l’amendement AS 104.

Elle adopte ensuite l’article 5 sans modification.

Article 6

Objectif d’amortissement rectifié de la Caisse d’amortissement de la dette sociale et prévisions de recettes rectifiées affectées au Fonds de réserve pour les retraites et mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse

Conformément aux dispositions organiques, le présent article rectifie l’objectif assigné aux organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et les prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve à leur profit. Il s’agit respectivement de l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), des prévisions de recettes du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et des prévisions de recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont les montants ont été initialement fixés par l’article 35 de la loi de financement pour 2012.

1. La Caisse d’amortissement de la dette sociale : 12,1 milliards d’euros de dette amortie

Le I du présent article prévoit que l’objectif 2012 d’amortissement initialement fixé pour la CADES, soit 11,1 milliards d’euros (contre près de 11,7 milliards d’euros en 2011), serait dépassé en 2012, puisqu’il atteindrait finalement 12,1 milliards d’euros.

Cette évolution favorable s’explique à la fois par la bonne tenue des recettes et par la modération des taux d’intérêt : l’amortissement réalisé correspondant à la différence entre les ressources de la caisse et ses frais financiers, il s’est donc révélé supérieur à ce qui était prévu.

En 2012, les recettes s’accroîtraient de 1 milliard d’euros, pour atteindre 16,1 milliards d’euros, tandis que les intérêts ne progresseraient que de 200 millions d’euros, pour s’élever à 4 milliards d’euros, soit un amortissement de 12,1 milliards d’euros. L’amortissement cumulé s’élèverait ainsi, fin 2012, à 71,7 milliards d’euros. L’ensemble des dettes sociales reprises par la CADES depuis sa création en 1996 se montant, à la même date, à 209 milliards d’euros, 137,3 milliards d’euros resteraient donc à amortir (contre 142,8 milliards d’euros fin 2010), sachant toutefois que certains déficits n’ont pas été repris.

L’annexe 8 au présent projet de loi indique que, pour 2012, la CADES a réalisé presque entièrement son programme de financement (40 milliards d’euros) durant le premier semestre. Pour les deux tiers, il fait appel au marché de l’euro, le reste étant réalisé en devises étrangères (dollar américain, puis livre sterling et yen). Au sein de ce programme, 12 milliards d’euros consistent en des emprunts à court terme, essentiellement liés à la dette transférée à la caisse durant l’exercice. Pour ce qui est des emprunts à moyen et long terme, 27,2 milliards d’euros des 28 milliards d’euros du programme avaient déjà été empruntés au 31 août.

Dans un contexte exceptionnellement favorable, le taux global de refinancement de la CADES demeure à la fois stable et peu élevé (2,84 % au 31 août).

2. Le Fonds de réserve pour les retraites : aucune recette affectée

Depuis que la loi de novembre 2010 portant réforme des retraites a transformé le FRR en fonds fermé, dont la mission est de verser à la CADES, en avril de chaque année, 2,1 milliards d’euros (en nominal), de 2011 à 2024, soit un total (non actualisé) de 29,4 milliards d’euros, aucune recette ne lui est affectée, ce que confirme le II du présent article.

L’annexe 8 précise qu’au 31 juillet dernier, la valeur de marché du portefeuille du FRR s’élevait à 35,4 milliards d’euros, déduction faite du deuxième versement de 2,1 milliards d’euros à la CADES effectué le 25 avril 2012, soit une performance nominale annualisée de 3,3 % depuis l’origine du fonds. En application de la nouvelle allocation définie en décembre 2010, le portefeuille se décompose désormais en 57,5 % d’actifs obligataires et de trésorerie et en 42,5 % d’actifs de performance (actions, matières premières, immobilier, dette des pays émergents). Le versement à la CADES s’est opéré par prélèvement, pour les trois quarts, sur les actifs de couverture et, pour le quart restant, sur les actifs de performance.

Le comité stratégie investissement du fonds s’attache à maintenir son ratio de financement, c’est-à-dire le rapport entre son actif net et son passif, dans une fourchette comprise entre 130 % et 160 %. Au 31 juillet, ce ratio était ainsi de 137 %. Autrement dit, l’actif pourrait couvrir le passif même si les actions subissaient une baisse de 66 % de leur valeur.

En 2012, une forte baisse des charges financières devrait se traduire par une progression de l’excédent financier, qui passerait de 369 millions d’euros à 1 280 millions d’euros.

3. Le Fonds de solidarité vieillesse : 400 millions d’euros mis en réserve

Le III confirme la prévision de recettes mises en réserve par le FSV fixée par la loi de financement pour 2012, à savoir 400 millions d’euros.

Il s’agit d’alimenter la seconde section du fonds, dédiée à la mise en réserve des recettes affectées, à compter de 2016, au financement du maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou parents d’enfant handicapé. Ces recettes proviennent de 0,5 point du forfait social, soit 148 millions d’euros en 2012, d’une part, et de 0,2 point du prélèvement social sur les revenus du capital, soit 252 millions d’euros en 2012, d’autre part.

Le total des recettes s’élève donc à 400 millions d’euros, auquel viennent s’ajouter 4 millions d’euros de produits financiers. Avec les produits de 2011, le montant mis en réserve fin 2012 s’élèvera donc à 768 millions d’euros.

*

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Article 8

(art. L. 815-29 et L. 821-5 du code de la sécurité sociale ;
art. 32 de la loi n° 2009-1646 de financement de la sécurité sociale du 24 décembre 2009)


Rationalisation des modalités de prise en charge par l’État, au titre de la gestion des prestations servies pour son compte, des pertes sur créances d’indus enregistrées par les organismes de sécurité sociale

Le présent article vise à simplifier les modalités de prise en charge par l’État des indus au titre des prestations gérées pour son compte par certains organismes de sécurité sociale.

1. La procédure de mise à la charge de l’État des indus au titre des prestations gérées pour son compte

Les organismes de sécurité sociale gèrent plusieurs prestations pour le compte de l’État, dont l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) et l’allocation de parent isolé (API).

Jusqu’en 2010, le financement des pertes résultant du non-recouvrement des indus sur les prestations servies pour le compte d’un tiers était intégralement à la charge de ce dernier, c’est-à-dire des organismes prestataires. L’article 32 de la loi de financement pour 2010, qui, faisant suite à une observation formulée par la Cour des comptes dans son rapport de certification des comptes de 2008, a clairement défini le financeur de ces prestations et a par ailleurs mis fin à cette anomalie : le financeur, c’est-à-dire l’État, doit désormais supporter les pertes résultant du non-recouvrement des indus.

Toutefois, afin de maintenir une responsabilisation des organismes et d’améliorer la prévention ainsi que le recouvrement de ces indus, un plafonnement de leur prise en charge a été instauré. Pour chacune des trois prestations servies pour le compte de l’État, il a donc été précisé que la prise en charge par l’État de créances d’indus ne peut excéder une fraction des prestations versées dans l’année, dans des conditions fixées par décret. Il revient donc au pouvoir réglementaire de déterminer les taux d’indus pris en charge par l’État, au vu des caractéristiques de chaque prestation et des objectifs de performance assignés à la branche.

Le décret n° 2011-371 du 4 avril 2011 relatif à la prise en charge des pertes sur créances d’indus enregistrées par les organismes de sécurité sociale servant des prestations pour le compte de l’État au titre de l’année 2010 est intervenu à cette fin. Cette prise en charge est fixée, en pourcentage du montant des prestations versées (net des indus constatés), à 0,13 % pour l’ASI, à 0,25 % pour l’AAH et à 0,57 % pour l’API. Un arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en date du 7 avril 2011, a fixé les montants exacts mis à la charge de l’État et les a répartis entre organismes assurant le service des prestations concernées : 0,3 million d’euros au titre de l’ASI – Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV), Mutualité sociale agricole (MSA) et Régime social des indépendants (RSI) –, 13,7 millions d’euros au titre de l’AAH
– Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et MSA – et 0,8 million d’euros au titre de l’API – CNAF.

En revanche, aucun texte réglementaire n’a encore été publié au titre de l’année 2011.

2. Une prise en charge directe des indus par l’État

Dans un souci de simplification des circuits financiers entre administrations publiques et de rationalisation des modalités de prise en charge par l’État de ces pertes sur créances d’indus, le I du présent article propose de fixer le plafond de prise en charge des pertes sur créances d’indus par l’État non plus comme une fraction des prestations versées dans l’année mais comme une fraction de ces pertes représentative des indus considérés comme non recouvrables et incombant au financeur.

En conséquence, l’article L. 815-29 du code de la sécurité sociale (pour l’ASI), l’article L. 821-5 du même code (pour l’AAH) et l’article 32 de la loi de financement pour 2010 (pour l’API) mettent désormais directement à la charge de l’État une fraction des pertes sur créances d’indus représentative des indus considérés comme non recouvrables. Cette fraction sera arrêtée conjointement par les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Le II prévoit que ce nouveau dispositif s’appliquera à compter des pertes sur créances d’indus enregistrées pour l’exercice 2012, ce qui justifie la place du présent article dans la deuxième partie du projet de loi, qui comprend les dispositions relatives à 2012.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 211 de M. Gérard Bapt, rapporteur, puis elle adopte l’article 8 modifié.

Article 9

Prévisions rectifiées des objectifs de dépenses par branche

Conformément aux dispositions organiques, le présent article porte rectification des objectifs de dépenses par branche pour 2012 de l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du régime général, qui avaient été fixés par les articles 32 et 33 (au titre des tableaux d’équilibre), ainsi que 83 (branche maladie, maternité, invalidité et décès), 95 (branche vieillesse), 101 (branche accidents du travail et maladies professionnelles) et 106 (branche famille) de la loi de financement pour 2012.

1. Les régimes obligatoires de base

Le I du présent article fixe les prévisions rectifiées pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Le tableau ci-après permet de mesurer l’évolution des objectifs de dépenses, pour chaque branche, depuis le vote de la loi de financement initiale pour 2012.

Objectifs de dépenses 2012 de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2012)

Prévisions révisées
(PLFSS 2013)

Évolution
PLFSS 2013/LFSS 2012

(en montant)

(en %)

Maladie

186,2

184,9

– 1,3

– 0,6

Vieillesse

210,4

210,0

– 0,4

– 0,2

Famille

56,5

56,9

+ 0,4

+ 0,7

AT-MP

13,3

13,3

Total (*)

455,8

454,7

– 1,1

– 0,2

(*) Hors transferts entre branches

Sources : LFSS 2012 et PLFSS 2013.

Le montant total des dépenses de l’ensemble des régimes est légèrement révisé à la baisse en 2012 (– 0,2 %). Par rapport aux prévisions initiales, ce sont les dépenses de la branche maladie qui reculent le plus, traduisant le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), et les dépenses de la branche famille qui progressent le plus.

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2013, pour le champ des administrations de sécurité sociale – plus large que celui de la loi de financement –, indique que la croissance des dépenses ralentirait en 2012 (+ 2,8 % contre + 3,2 % en 2011). Mais cette évolution recouvre une accélération de la progression des prestations (+ 3,5 % au lieu de + 3,2 %), dont celles au titre du chômage (+ 5,8 % après – 0,3 % en 2011), et, en sens inverse, une réduction des charges d’intérêts.

Les dépenses sous ONDAM croîtraient de 2,6 %, demeurant ainsi inférieures à l’objectif voté en loi de financement (cf., infra, article 10).

Malgré une revalorisation plus élevée en moyenne annuelle (+ 2,1 % contre + 1,8 %), du fait de la hausse des prix, la croissance des prestations vieillesse serait légèrement plus faible (+ 3,9 % au lieu de + 4,0 %), mais la progression des pensions serait moins dynamique (+ 1,8 % contre + 2,3 %), notamment sous l’effet de la montée en charge des mesures prises par la loi de novembre 2010 portant réforme des retraites.

Malgré le gel à 1 % de la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), la croissance des prestations servies par la branche famille serait plus marquée (+ 2,8 % contre + 1,9 %), en raison de la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire applicable dès la dernière rentrée.

2. Le régime général

Les principales tendances décrites pour les dépenses de l’ensemble des régimes valent évidemment aussi pour celles du régime général, dont le II du présent article fixe les prévisions rectifiées. Le tableau ci-après permet de mesurer l’évolution des objectifs de dépenses, pour chaque branche, par rapport aux montants fixés par la loi de financement pour 2012.

Objectifs de dépenses 2012 du régime général

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2012)

Prévisions révisées
(PLFSS 2013)

Évolution
PLFSS 2013/LFSS 2012

(en montant)

(en %)

Maladie

161,6

160,5

– 1,1

– 0,7

Vieillesse

110,6

110,4

– 0,2

– 0,2

Famille

56,0

56,4

+ 0,4

+ 0,7

AT-MP

11,9

11,9

Total (*)

330,5

329,7

– 0,8

– 0,2

(*) Hors transferts entre branches

Sources : LFSS 2012 et PLFSS 2013.

Les principales évolutions d’une branche à l’autre sont les suivantes :

– pour la branche maladie, l’ONDAM serait sous-exécuté à hauteur d’environ 350 millions d’euros (du fait des produits de santé et des indemnités journalières), de telle sorte qu’il ne progresserait que de 2,6 % par rapport à 2011 ;

– pour la branche vieillesse, malgré une revalorisation plus forte qu’en 2011, la croissance des prestations de retraite se ralentit (+ 4 % au lieu de + 4,7 %), sous l’effet des mesures de la loi de novembre 2010 ;

– pour la branche famille, la majoration de 25 % du montant de l’allocation de rentrée scolaire et la montée en charge de la réforme d’unification des majorations pour âge des allocations familiales se traduisent par une augmentation des prestations sensiblement plus forte en 2012 (+ 2,9 %) qu’en 2011 (+ 1,6 %).

*

La Commission adopte l’article 9 sans modification.

TROISIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES
ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR 2013

Section 1

Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement

Article 11

(art. L. 131-6, L. 133-6-8, L. 612-3, L. 612-4, L. 612-5, L. 612-13, L. 722-4, L. 756-3, L. 756-4 et L. 756-5 du code de la sécurité sociale)


Alignement des prélèvements sociaux à la charge des travailleurs non salariés non agricoles

Dans le souci de résorber une niche sociale, le présent article entend rapprocher du régime général, du point de vue des prélèvements sociaux, le régime des travailleurs non salariés non agricoles, prolongeant ainsi un mouvement parachevé depuis de nombreuses années en matière de prestations sociales. Mais cet article témoigne également d’un esprit d’équité, car il s’attache également à mieux répartir la charge entre les ressortissants de ce régime.

1. Les prélèvements sociaux sur les travailleurs non salariés non agricoles

a) La notion de travailleur non salarié non agricole

À la notion de « travailleur indépendant », le droit de la sécurité sociale préfère celle de « travailleur non salarié non agricole ». Cette notion ne coïncide donc pas avec les catégories fiscales des BIC (bénéfices industriels et commerciaux, provenant d’une activité commerciale exercée par une personne physique) ou des BNC (bénéfices non commerciaux, provenant d’une activité libérale, d’une charge ou d’un office). Les revenus de certains « non non » peuvent être ainsi assimilés, pour leur imposition, à des salaires (gérants majoritaires de société, associés de société en nom collectif) ou à des revenus de capitaux mobiliers (administrateurs des sociétés anonymes).

Il est vrai que cette catégorie, qui compte plus de 2,5 millions de travailleurs (dont 800 000 auto-entrepreneurs), se caractérise par sa grande hétérogénéité, rassemblant entrepreneurs individuels (artisans, commerçants), professions libérales et associés gérants majoritaires de société. Le régime social regroupe de ce fait des activités exercées sous différents statuts : personne physique (entreprise individuelle), entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), gérant majoritaire de société à responsabilité limitée (SARL) ou de société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), associé de SNC, administrateur de société civile ou membre de conseil de surveillance de SARL.

b) L’assiette des cotisations et contributions sociales

Définie à l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, l’assiette est constituée par le revenu net fiscal, incluant un abattement de 10 % pour frais professionnels. Plusieurs éléments fiscalement déductibles sont cependant réintégrés dans l’assiette sociale : primes souscrites dans le cadre de la « loi Madelin » (épargne retraite facultative), certaines exonérations d’impôt, reports déficitaires et amortissements réputés différés, provisions pour investissement ou mise en conformité, revenu tiré de la location d’un fonds de commerce.

Les cotisations sociales sont assises sur le revenu de l’année n–2, à titre provisionnel, puis régularisées durant l’année n+1. Deux exceptions sont toutefois prévues pour rapprocher le montant des cotisations payées durant une année n du revenu effectivement perçu durant cette année : d’une part, pour toutes ses cotisations sociales, l’assuré peut demander que les cotisations appelées durant cette année soient calculées à partir d’un revenu estimé pour ladite année, une majoration de 10 % étant cependant prévue si l’estimation du revenu a été inférieure au revenu réel ; d’autre part, les cotisations des micro-entreprises peuvent être appelées durant l’année sur la base du revenu effectivement réalisé pendant cette année.

Toutefois, pour les deux premières années d’activité (à l’exception des avocats), l’assiette est établie de manière forfaitaire : pour la première année civile d’activité, elle est plafonnée à 19 % du plafond annuel de la sécurité sociale (6 911 euros en 2012) et, pour la deuxième année civile d’activité, à 29 % de ce même plafond (10 548 euros en 2012). Le montant est proratisé en cas de début d’activité en cours d’année.

Par ailleurs, les créateurs ou repreneurs d’entreprises bénéficient d’un report de leurs cotisations et contributions sociales pendant une année (pour les chômeurs, la mesure ne porte que sur les contributions sociales). Aucune cotisation n’est donc exigée pendant les douze premiers mois d’activité et le paiement des cotisations et contributions définitives dues au titre de la première année peut être étalé sur cinq ans.

c) Le calcul des cotisations et contributions sociales

● Les cotisations au titre de la maladie, de la maternité et des indemnités journalières

Pour l’assurance maladie-maternité, la cotisation est plafonnée et varie selon le revenu d’activité :

– une cotisation minimale forfaitaire pour les travailleurs dont les revenus sont déficitaires ou inférieurs à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale (soit 14 549 euros en 2012), d’un montant de 945 euros ;

– une cotisation au taux de 6,5 % (depuis 2001) pour les revenus compris entre 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale et le plafond annuel de la sécurité sociale (36 372 euros) ;

– une cotisation de 5,9 % pour la part des revenus comprise entre une fois et cinq fois (181 860 euros) le plafond annuel de la sécurité sociale ;

– la cotisation étant plafonnée pour les revenus supérieurs à cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale, la cotisation maximale annuelle s’élève donc à 10 948 euros.

Pour les artisans et commerçants, une cotisation supplémentaire contribue au financement des indemnités journalières. Son taux est de 0,7 % et s’applique dans les mêmes conditions : une cotisation minimale pour les revenus inférieurs à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale (102 euros), un plafonnement pour les revenus supérieurs à cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit une cotisation maximale de 1 273 euros) et une cotisation forfaitaire pour les deux premières années (102 euros la première année et 74 euros la deuxième année).

Le principe d’une cotisation minimale constitue le pendant, dans le régime des indépendants, de l’exigence, dans le régime général, d’une durée minimale d’activité pour l’ouverture des droits. Au total, la cotisation annuelle minimale des artisans et commerçants au titre de la maladie, de la maternité et des indemnités journalières s’élève à 1 047 euros (respectivement 551 et 757 euros pour la première et la deuxième année d’activité), tandis que la cotisation annuelle maximale est de 12 221 euros.

● Les cotisations au titre de la vieillesse, de l’invalidité et du décès

Il faut distinguer ici entre deux régimes.

Pour les artisans, industriels et commerçants, affiliés au Régime social des indépendants (RSI), le taux de la cotisation au régime de base est de 16,65 %, appliqué à une assiette plafonnée à un plafond annuel de la sécurité sociale, avec une cotisation minimale calculée sur une assiette égale à 5,25 % du plafond annuel de la sécurité sociale (1 910 euros). La cotisation minimale est donc égale à 318 euros et la cotisation maximale à 6 056 euros. Une cotisation forfaitaire est prévue pour les deux premières années, sur la même assiette que pour la cotisation maladie, soit une cotisation de 1 151 euros la première année et 1 750 euros la deuxième année.

Au titre de l’invalidité et du décès, une distinction est opérée entre artisans, d’un côté, et industriels et commerçants, de l’autre :

– pour les premiers, une cotisation de 1,8 %, plafonnée à un plafond annuel de la sécurité sociale, avec une cotisation minimale sur une assiette égale à 20 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 131 euros, et une cotisation forfaitaire pour les deux premières années (131 euros la première année et 327 euros la deuxième année) ;

– pour les seconds, une cotisation invalidité de 1,2 % et décès de 0,1 %, avec une cotisation minimale sur une assiette égale à 20 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 94 euros (= 87 + 7), et une cotisation forfaitaire pour les deux premières années (94 euros la première année et 137 euros la deuxième année).

De même, pour le régime complémentaire obligatoire (RCO), il faut distinguer entre artisans, d’un côté, et industriels et commerçants, de l’autre :

– pour les premiers, il est financé par une cotisation de 7,2 % sous un plafond spécifique égal à 35 876 euros, puis de 7,6 % entre ce plafond et quatre plafonds annuels de la sécurité sociale (145 488 euros), avec une cotisation minimale calculée sur l’assiette retenue pour le régime de base, soit 138 euros, et une cotisation forfaitaire pour les deux premières années, sur la même assiette que pour la cotisation maladie, soit une cotisation de 498 euros la première année et 683 euros la deuxième année ;

– pour les seconds, la cotisation est de 6,5 % dans la limite de trois plafonds annuels de la sécurité sociale (109 116 euros), avec une cotisation minimale calculée sur l’assiette retenue pour le régime de base, soit 124 euros, et une cotisation forfaitaire pour les deux premières années, sur la même assiette que pour la cotisation maladie, soit une cotisation de 449 euros la première année et 683 euros la deuxième année.

Pour les professions libérales, affiliées à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), le taux de la cotisation pour l’allocation vieillesse de base est de 8,6 % jusqu’à 80 % du plafond annuel de la sécurité sociale puis de 1,6 % dans la limite de cinq plafonds annuels de la sécurité sociale (181 860 euros), avec une cotisation minimale sur une assiette correspondant à 200 heures de SMIC, soit 159 euros, et une cotisation forfaitaire pour les deux premières années, sur la même assiette que pour la cotisation maladie, soit une cotisation de 594 euros la première année et 907 euros la deuxième année.

Pour l’assurance invalidité-décès et la retraite complémentaire obligatoire des professions libérales, les modalités de calcul des cotisations varient suivant les différentes professions.

● Les cotisations au titre de la famille

Les cotisations dues à ce titre sont calculées sur une assiette déplafonnée et au taux de 5,4 %. Il n’existe pas de cotisation minimale en matière d’allocations familiales, mais en cas de revenu professionnel inférieur à la base mensuelle des allocations familiales (4 788 euros), la cotisation personnelle d’allocations familiales fait l’objet d’une dispense.

Une cotisation forfaitaire est prévue pour les deux premières années, sur la même assiette que pour la cotisation maladie, soit une cotisation de 373 euros la première année et 567 euros la deuxième année.

● La CSG et CRDS

La CSG et la CRDS sont dues sur une assiette incluant la totalité des cotisations personnelles, au taux de 8 %, soit 7,5 % (CSG) et 0,5 % (CRDS). Comme pour les cotisations d’allocations familiales, il n’existe pas de cotisation minimale en matière d’allocations familiales, mais en cas de revenu professionnel inférieur à la base mensuelle des allocations familiales (4 788 euros), la cotisation personnelle d’allocations familiales fait l’objet d’une dispense.

Des cotisations forfaitaires sont prévues pour les deux premières années, sur la même assiette que pour la cotisation maladie, soit des contributions de 553 euros la première année et 841 euros la deuxième année.

2. Un régime caractérisé par plusieurs anomalies

Le régime se caractérise par un effort contributif non seulement inégal en son sein même mais aussi inférieur à celui des autres régimes, alors même que ses prestations sont désormais alignées sur celles du régime général, que son équilibre financier demeure fragile et que le régime de l’auto-entrepreneur paraît particulièrement avantageux.

a) Un effort contributif inégal au sein même du régime...

La structure des cotisations sociales à la charge des travailleurs indépendants rejaillit sur l’équité de l’effort contributif au sein même de ces régimes.

Dans un rapport de mars 2008 (Les prélèvements obligatoires des indépendants), le Conseil des prélèvements obligatoires fait ainsi ressortir le poids des cotisations minimales qui, si elles sont justifiées pour des raisons de principe mais aussi pour des motifs d’ordre économique, financier et social, n’en concernent pas moins de 30 % des redevables du régime maladie. On rappellera qu’en 2012, la cotisation minimale annuelle s’élève à 1 634 euros pour les artisans et à 1 636 euros pour les commerçants.

Mais l’anomalie la plus frappante tient à la dégressivité des prélèvements sociaux. Pour les artisans et commerçants, le rapport montre ainsi que les revenus inférieurs à 800 SMIC par an (7 520 euros) supportent un taux de prélèvement respectivement de 46,05 % et 46,3 %. Le taux est ensuite de 45,05 % jusqu’au plafond de la sécurité sociale, puis diminue jusqu’à 20 % à partir de trois plafonds, et même 13,4 % au-delà de cinq plafonds. Outre les différences – évidentes – de taux, ce phénomène tient également à la coexistence d’assiettes minimales et maximales, qui majorent l’assiette de prélèvement des plus bas revenus et minore celle des plus élevés, s’accompagnant en outre d’effets de seuil très marqués.

Le rapport indique ainsi que « pour les revenus inférieurs au plancher, l’assiette minimale aboutit à plus que doubler l’assiette qui aurait résulté strictement des revenus déclarés. À l’inverse, plus de 40 % des revenus supérieurs à cinq fois le plafond sont exclus de l’assiette. » Il estimait qu’en 2004, l’assiette minimale avait rapporté 215,8 millions d’euros, tandis que l’assiette maximale avait entraîné une perte de 186 millions d’euros.

En outre, la rémunération des gérants majoritaires ou associés de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés est soumise à l’impôt sur le revenu en tant que traitements et salaires et non en tant que BIC ou BNC. Les règles de déduction pour frais professionnels sur les salaires lui sont donc applicables, dont l’abattement forfaitaire de 10 %. Or, s’agissant de gérants majoritaires, ils peuvent donc déterminer le niveau des frais professionnels que leur société prend en charge et qui réduisent le résultat comptable. L’abattement forfaitaire permet ainsi de déduire à deux niveaux successifs les mêmes frais professionnels et de minorer à due concurrence le revenu d’activité soumis aux contributions et cotisations sociales, alors même que l’abattement d’assiette représentatif des frais professionnels a été réduit de 3 % à 1,75 % pour les salariés au titre de la CSG.

Par ailleurs, du fait de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu de la rémunération des gérants majoritaires ou associés dans la catégorie des traitements et salaires, le montant des intérêts d’emprunt exposés pour l’acquisition des parts sociales des associés de certaines sociétés peut être déduit, avantage dont ne bénéficient pas les travailleurs indépendants imposés dans les catégories des BIC ou des BNC.

Il faut enfin noter que pour les membres de professions libérales, l’étendue de l’assiette a pu soulever d’importants problèmes de principe.

C’est d’abord le cas des avocats, médecins ou chirurgiens-dentistes ayant opté pour l’organisation de leur activité sous forme de société. L’arbitrage réalisé, en matière fiscale, entre rémunération et dividendes (et, de ce fait, entre droits sociaux à venir et revenu disponible à court terme), n’est pas sans incidences sur l’assiette sociale, les caisses compétentes ayant décidé de réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales les dividendes perçus au travers de ces sociétés, ainsi assimilés à des rémunérations.

C’est également la situation des avocats résidant en France mais exerçant à la fois en France et à l’étranger, notamment dans une société de personnes (partnership) britannique, dont les revenus sont fiscalement assujettis dans le pays où ils ont été versés mais dont le statut en matière de cotisations et contributions sociales françaises est longtemps resté incertain, jusqu’à ce que la Cour de justice des communautés européennes, dans un arrêt de 2008, admette l’exclusion de l’assiette de la CSG et de la CRDS des revenus non salariés de source étrangère d’un travailleur non salarié non agricole résidant et exerçant en France dès lors que la convention fiscale applicable ne reconnaît pas à la France le droit d’y rendre ses revenus imposables.

Le législateur a d’ailleurs eu l’occasion de se saisir de ces deux problèmes dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 :

– pour les sociétés d’exercice libéral (SEL), l’article 22 a intégré dans l’assiette des cotisations sociales les dividendes versés excédant 10 % des capitaux propres de l’entreprise, mais dans les autres formes de société, les indépendants peuvent s’accorder sans limitation des dividendes soumis aux seuls prélèvements sociaux sur les revenus du capital (et déclarer parallèlement une très faible rémunération d’activité) ;

– l’article 24 assujettit à la cotisation d’assurance maladie majorée applicable aux personnes non domiciliées fiscalement en France mais relevant à titre obligatoire d’un régime français d’assurance maladie les assurés d’un régime français d’assurance maladie exonérés en tout ou partie d’impôts directs en application d’une convention internationale. Il n’est pas indifférent de relever que le Sénat, finalement suivi par la commission mixte paritaire, avait alors refusé le déplafonnement de cette cotisation adopté par l’Assemblée nationale en première lecture...

b) ... et inférieur à celui des autres régimes, ...

● La comparaison avec le régime général

Le tableau ci-après met en regard les cotisations et contributions sociales aux régimes obligatoires de base pour les salariés (parts patronale et salariale), d’une part, et pour les artisans et commerçants, d’autre part.

Taux des cotisations et contributions sociales

(en %)

 

Salariés

Artisans

Commerçants

Maladie, maternité, invalidité, décès

13,55

Maladie, maternité

7,2 [1P]

6,6 [5P]

Invalidité, décès

1,8 [1P]

Total : 9 [1P], 8,4 [5P]

Maladie, maternité

7,2 [1P]

6,6 [5P]

Invalidité, décès

1,3 [1P]

Total : 8,5 [1P], 7,9 [5P]

Autonomie

0,3

Famille

5,4

5,4

5,4

Vieillesse de base

16,65
dont 14,95 [1P]

16,65 [1P]

16,65 [1P]

Retraite complémentaire

7,5 [1P]

20 [3P]

7,2 [1P]

7,6 [4P]

6,5 [3P]

CSG et CRDS

7,86 [4P]

8

8

8

[Cotisations plafonnées : plafond exprimé en fonction du plafond annuel de la sécurité sociale (P), soit 36 372 euros par an]

Par tranche de revenu, la différence d’effort contributif apparaît de manière non moins nette pour l’ensemble des cotisations et contributions sociales (patronales et salariales, le cas échéant), hors chômage, construction et logement, apprentissage, formation professionnelle et transports :

Taux de prélèvements sociaux par régime et par tranche de revenu

(en %)

 

< 1P

De 1P à 3P

De 3P à 4P

De 4P à 5P

De 5P à 8P

> 8P

Salariés

56,0

53,75

54,05

51,98

51,98

31,43

Artisans

46,25

27,6

27,6

20

13,4

13,4

Commerçants

45,05

26,5

20

20

13,4

13,4

P = plafond de la sécurité sociale (36 372 euros)

L’étude d’impact jointe au projet de loi souligne que l’ensemble des cotisations des travailleurs indépendants est calculé sur une assiette nette des cotisations payées, alors que pour les salariés, elles sont assises sur un revenu brut. Dès lors, « proche de 45 % facialement, le taux global des cotisations et contributions sociales, exprimé suivant une convention identique à celle qui prévaut dans le régime général, serait d’environ 33 % ». En outre, « alors que, dans un cadre salarial, la rémunération du travail n’est qu’une partie de la valeur ajoutée – une autre partie constituant la rémunération du capital –, le revenu des indépendants intègre non seulement une rémunération du travail mais aussi une rémunération du capital ».

Globalement, l’écart apparaît particulièrement marqué pour les revenus supérieurs au plafond de la sécurité sociale (3 031 euros par mois) et se creuse encore jusqu’à huit plafonds. Au-delà, il se réduit, en raison du plafonnement des cotisations de retraite complémentaire des salariés.

Si l’on apprécie cet écart prélèvement par prélèvement, il est légèrement défavorable aux travailleurs indépendants en matière de CSG et de CRDS, compte tenu de l’abattement de 1,75 % appliqué sur l’assiette de ces contributions au profit des salariés (jusqu’à quatre plafonds de la sécurité sociale).

En revanche, l’écart est nul en matière d’allocations familiales et faible en matière de retraites, quoique pas inexistant, dans la mesure où la cotisation est déplafonnée à hauteur de 1,7 point dans le régime général.

Surtout, l’écart est particulièrement caractérisé en matière d’assurance maladie : non seulement le taux de cotisation est significativement inférieur, mais le RSI est le seul régime dont la cotisation n’est pas déplafonnée, alors qu’elle l’est entièrement, bien entendu, dans le régime général (depuis 1984) mais aussi dans un autre régime de travailleurs indépendants, celui des exploitants agricoles.

Dès lors, cette moindre cotisation pourrait-elle se justifier par une moindre consommation de soins ? Cette thèse est parfois soutenue ici ou là, et une étude publiée en mars 2007 par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) tend effectivement à montrer que la consommation de soins des ressortissants du RSI est un peu inférieure à celle des salariés.

Cela étant, non seulement cet écart n’est pas aussi considérable que celui entre les cotisations, mais en tout état de cause, entrer dans un tel raisonnement reviendrait à nier le principe de solidarité sur lequel est bâti notre système de protection sociale.

En tout état de cause, on se trouve bien en présence d’une « niche sociale » : l’une des fiches de l’annexe 5 au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, relative aux exonérations de cotisations et contributions sociales, est ainsi consacrée à la cotisation d’assurance maladie réduite au-delà d’un plafond de la sécurité sociale, au plafonnement de cette cotisation maladie au-delà de cinq plafonds de la sécurité sociale et à l’exonération de cotisations à la branche famille et de contributions sociales pour les faibles revenus. L’assiette exemptée pour ces trois mesures est respectivement évaluée à 15 milliards d’euros, 4 milliards d’euros et 70 millions d’euros.

● La comparaison avec le régime agricole

Une étude comparative réalisée par la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, citée par le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport de mars 2008, fait apparaître que si la différence n’est pas très nette pour les revenus les moins élevés (inférieurs à 40 % du plafond de la sécurité sociale), elle est en revanche avérée à partir de ce seuil, où l’effort contributif du régime agricole est plus important, et encore plus marquée au-delà d’un plafond de la sécurité sociale. Le Conseil relève toutefois qu’il convient de rester prudent dans l’interprétation de ces données, dans la mesure notamment où les différences d’assiette peuvent également interférer.

c) ... alors même que les prestations sont désormais alignées sur celles du régime général, ...

L’insuffisance de l’effort contributif surprend d’autant plus que l’alignement des prestations servies par les régimes de travailleurs non salariés non agricoles sur celles servies par le régime général a été mené à son terme :

– le taux de remboursement des prestations en nature maladie-maternité pour les affiliés au RSI est aligné sur celui du régime général depuis 2001 et des indemnités journalières ont été mises en place pour les artisans en 1995 puis pour les industriels et commerçants en 2000 (et fusionnées en 2007), prestations dont le Conseil des prélèvements obligatoires estimait, dans son rapport de 2008, que « les conditions d’ouverture des droits et les modalités de calcul sont plutôt favorables aux indépendants » ;

– les pensions servies par le RSI sont alignées sur celles du régime général depuis 1973 ;

– depuis 1978, les prestations familiales sont accordées sans condition d’activité professionnelle à toute personne résidant en France.

Seules les pensions servies par la CNAVPL demeurent déconnectées du régime général, les ressortissants de ces régimes étant très largement tributaires des assurances complémentaires (et ne bénéficiant pas, par ailleurs, d’indemnités journalières).

d) ... que l’équilibre financier du régime demeure fragile...

L’insuffisance de l’effort contributif de ce régime soulève également la question de son équilibre financier.

La branche maladie du RSI – l’ancienne Caisse nationale d’assurance maladie des professions indépendantes (CANAM) – est financée par les cotisations sociales et par la CSG, la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) venant équilibrer le régime.

Financement de la branche maladie du RSI

(en %)

 

2004

2007

2010

2013 (**)

Cotisations nettes

36,7

36,9

37,8

43,4

CSG

35,1

31,9

37,9

40,1

C3S

20,4

18,3

21,0

13,3

Besoin de financement (*)

9,1

4,9

10,9

14,6

(*) Rapporté aux prestations sociales nettes.
(
**) Avant mesures PLFSS 2013.

Il en va de même pour la branche vieillesse du RSI – les anciennes Caisse autonome nationale de compensation d’assurance vieillesse artisanale (CANCAVA) et Organisation autonome nationale de l’industrie et du commerce (ORGANIC) – dont les ressources ne comprennent toutefois pas de CSG mais bénéficient de versements au titre de la compensation généralisée entre régimes.

Financement de la branche vieillesse du RSI

(en %)

 

2004

2007

2010

2013 (**)

Cotisations nettes

49,2

46,6

47,2

49,9

Compensation

23,0

17,8

20,2

16,1

C3S

19,1

21,5

25,8

25,2

Besoin de financement (*)

20,2

22,8

27,2

26,6

(*) Rapporté aux prestations nettes.
(
**) Avant mesures PLFSS 2013.

Autrement dit, la solidarité à l’égard des travailleurs indépendants s’exerce au travers des mécanismes légitimes de la compensation généralisée mais aussi de la CSG, perçue sur l’ensemble des revenus, et de la C3S, acquittée par les grandes entreprises. Or, l’intervention de tels mécanismes de solidarité paraît difficilement compatible avec l’effort contributif relativement moins important exigé des ressortissants de ce régime.

e) ... et que le régime de l’auto-entrepreneur paraît particulièrement avantageux

Créé par la loi de modernisation de l’économie d’août 2008 en vue de favoriser la création d’entreprise par simplification des démarches des futurs travailleurs indépendants en termes de formalités, de calcul et de règlement des cotisations et contributions sociales, de comptabilité et de fiscalité, le régime de l’auto-entrepreneur a été mis en place le 1er janvier 2009.

Le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale le 1er octobre dernier présente les principales caractéristiques de ce régime.

La loi du 4 août 2008 portant modernisation de l’économie a instauré un dispositif (appelé régime microsocial simplifié ou encore auto-entrepreneur) permettant aux travailleurs indépendants relevant du régime micro-fiscal d’imposition de procéder à la déclaration et au paiement de leurs cotisations suivant des modalités simplifiées. Ce statut est entré en vigueur au 1er janvier 2009 et était initialement ouvert aux artisans et commerçants. Il a été par la suite étendu aux professionnels libéraux relevant de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) : d’abord aux créateurs à compter du 17 février 2009 puis à l’ensemble des affiliés de la CIPAV depuis le 1er janvier 2010.

Le bénéfice de ce statut est réservé aux activités dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas, en 2010, 80 300 euros [2012 : 81 500 euros] pour un commerçant et 32 100 euros [2012 : 32 600 euros] pour un artisan ou un professionnel libéral (ces montants correspondent aux seuils du bénéfice du régime micro-fiscal).

L’auto-entrepreneur effectue une déclaration mensuelle ou trimestrielle du chiffre d’affaires réalisé au titre du mois ou du trimestre précédent et s’acquitte en même temps du versement de l’ensemble de ses cotisations et contributions sociales, ainsi que, sur option, de l’impôt sur le revenu. Le montant à verser se calcule simplement en appliquant au chiffre d’affaires déclaré un taux forfaitaire qui dépend de la nature de l’activité exercée :

– 12 % pour les commerçants, majoré éventuellement de 1 % au titre du versement fiscal ;

– 21,3 % pour les artisans, majoré éventuellement de 1,7 % au titre du versement fiscal ;

– 18,3 % pour les activités libérales relevant de la CIPAV, majoré éventuellement de 2,2 % au titre du versement fiscal.

Ces taux sont inférieurs (en moyenne de 15 %) aux taux applicables aux travailleurs indépendants dans le droit commun. La perte de recettes qui en découle pour les régimes sociaux est compensée par l’État. Toutefois, la loi de financement pour 2010 a limité le champ de la compensation aux auto-entrepreneurs dont le revenu déclaré est au moins égal à 200 heures de SMIC (afin d’éviter un effet d’aubaine qui aurait permis aux auto-entrepreneurs de valider un trimestre de retraite quasiment gratuitement, grâce à la compensation de l’État).

Depuis le 1er mai 2009, le statut d’auto-entrepreneur est cumulable, pour une durée maximale de 3 ans, avec le bénéfice de l’aide au chômeur créateur ou repreneur d’entreprise. Ce cumul se traduit par un abattement sur les taux applicables : cet abattement se monte à 75 % la première année, 50 % la deuxième année et 25 % la troisième.

Depuis le 1er janvier 2010, il est cumulable avec le bénéfice des exonérations de cotisations dans les départements d’outre-mer, dès la première année d’activité pour les affiliés à la CIPAV (avec un taux d’abattement des taux applicables de 66% les 24 premiers mois et de 33% ensuite) et à partir de la troisième année d’activité pour les artisans et les commerçants (avec un abattement de 33 %).

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, octobre 2011.

La création de ce régime a permis de simplifier les formalités et de limiter les effets de seuil pénalisant actuellement les travailleurs percevant les revenus les plus faibles. L’annexe 5 au présent projet de loi de financement fait toutefois apparaître clairement les mécanismes par lesquels les auto-entrepreneurs bénéficient d’un avantage substantiel :

« Les taux de cotisations applicables aux auto-entrepreneurs ont été déterminés sur la base des taux moyens des cotisations applicables au revenu des travailleurs indépendants, compte tenu des abattements forfaitaire prévus dans le cadre du régime fiscal de la micro entreprise; ces abattements, qui dépendent du type d’activité exercée, permettent de passer du chiffre d’affaires au revenu. Il s’élève à 50 % pour les artisans, 71 % pour les commerçants et 34 % pour les professions libérales.

« Une minoration supplémentaire de l’ordre de 15 % est appliquée afin de renforcer le caractère attractif du dispositif.

« Ce dispositif exonère de fait son bénéficiaire des cotisations minimales dont sont redevables les travailleurs indépendants de droit commun qui exercent leur activité à titre principal. »

Ces avantages sont bien évidemment constitutifs d’une « niche sociale », qui fait l’objet à ce titre d’une fiche spécifique dans cette annexe 5.

La perte de recettes pour les régimes sociaux est compensée par l’État, ainsi que l’indique l’encadré ci-dessous. La perte de recettes et le coût budgétaire de la compensation, tel que retracé dans le programme n° 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », ont évolué comme suit :

Pertes de recettes associées au régime des auto-entrepreneurs et leur compensation

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

Pertes de recettes

54

87

160

31

Crédits État

57

237

95

31

Sources : annexe 5 des PLFSS 2012 et 2013.

L’ACOSS suit l’évolution du dispositif depuis sa création. Son dernier bilan, en date de juillet dernier, fournit des indications arrêtées au 31 mai. Il dénombrait un peu plus 800 000 auto-entrepreneurs, contre 629 000 fin 2010, malgré l’augmentation du nombre de radiations faisant suite à l’entrée en vigueur de la disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoyant la radiation automatique de ceux qui ne déclarent pas de chiffre d’affaires pendant huit trimestres consécutifs. L’auto-entrepreneur est en outre redevable, pour chaque déclaration non souscrite, d’une pénalité d’un montant égal à 1,5 % du plafond mensuel de sécurité sociale et peut faire l’objet d’une taxation d’office calculée en fonction du nombre de déclarations non transmises au terme de l’année.

À cet égard, moins de la moitié des auto-entrepreneurs déclarent avoir généré un chiffre d’affaires positif. Le chiffre d’affaires enregistré à ce titre par les URSSAF au cours du premier trimestre de 2012 dépasse 1,2 milliard d’euros. Alors que le plafond pour bénéficier de ce régime est de 32 600 euros ou 81 500 euros selon les secteurs, 5,2 % des auto-entrepreneurs ont déclaré plus de 7 500 euros au titre du premier trimestre de 2012.

La comparaison avec les plus de 760 000 travailleurs indépendants qui se sont immatriculés entre 2009 et 2012 ne fait pas apparaître de différence dans l’âge moyen ou dans la répartition géographique. En revanche, il en ressort que les auto-entrepreneurs, comme les travailleurs indépendants, sont fortement représentés dans les secteurs du commerce, de la réparation d’automobiles et de motocycles et du bâtiment, mais sont davantage représentés dans les activités de services (notamment activités scientifiques et techniques, éducation, services administratifs et de soutien) et moins nombreux dans l’hébergement-restauration, la santé et les industries agro-alimentaires.

3. Un indispensable effort d’équité

Visant à remédier à cette situation peu satisfaisante en termes d’équité, aussi bien au sein même du régime que par rapport aux autres régimes obligatoires, le présent article propose un important ensemble de mesures, qui, ainsi que le prévoit le II, s’appliquent aux cotisations de sécurité sociale et contributions sociales dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2013.

Ces mesures portent sur la cotisation d’assurance maladie, sur l’assiette sociale des indépendants exerçant en société et sur les auto-entrepreneurs.

Pour l’ensemble des administrations publiques, elles se traduiront par une recette supplémentaire nette de 1,1 milliard d’euros dès 2013. En raison de la déductibilité des cotisations des travailleurs indépendants de leur revenu fiscal mais aussi des modalités et du calendrier de recouvrement de leurs cotisations, le gain diminue les deux années suivantes (920 millions d’euros en 2014 et 750 millions d’euros en 2015), mais se stabilise à partir de 2016 (920 millions d’euros).

L’étude d’impact précise en outre que pour 827 000 des 1 800 000 travailleurs indépendants, ces mesures se traduiront par une charge supplémentaire moyenne de 1 105 euros par an, s’élevant jusqu’à 10 769 euros pour les revenus supérieurs à cinq plafonds de la sécurité sociale. 499 000 travailleurs indépendants verront leur situation inchangée, tandis que 486 000 acquitteront un montant moindre de cotisations, à hauteur de 167 euros en moyenne (mais de 227 euros pour 310 000 d’entre eux, dont le revenu est inférieur 4 788 euros).

a) Une cotisation d’assurance maladie plus équitable

Le présent article entend agir à la fois sur le plafonnement de la cotisation maladie, qui bénéfice aux plus hauts revenus, et sur les modalités défavorables aux revenus les plus faibles.

● Le déplafonnement de la cotisation

Modifiant l’article L. 612-4 du code de la sécurité sociale, le D du I supprime la référence à un plafond pour le calcul des cotisations d’assurance maladie et maternité. Leur taux demeure bien évidemment fixé par décret, de même que la possibilité d’une réduction des cotisations pour les deux premières années d’activité est maintenue ; sa base juridique est même consolidée par rapport à la rédaction en vigueur du dernier alinéa de l’article L. 612-4, qui renvoie à un décret la fixation de ses dispositions d’application, « notamment le taux et les modalités de calcul des cotisations, ainsi que les seuils d’exonération totale ou partielle ». Les modalités de détermination de l’assiette et de paiement des cotisations (articles L. 131-6 à L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale) demeurent inchangées.

De même, le G du I aménage la rédaction de l’article L. 722-4 du code de la sécurité sociale afin de déplafonner la cotisation (maladie) sociale additionnelle de solidarité des praticiens et auxiliaires médicaux (PAM), tandis que le C du I précise, à l’article L. 612-3 du même code, que le taux en sera désormais fixé par décret et non plus par arrêté interministériel.

Les H, I et J du I procèdent à un toilettage rédactionnel de certaines dispositions suite à l’article 37 de la loi de financement pour 2012, qui avait simplifié certaines dispositions relatives aux cotisations et contributions des travailleurs indépendants.

Le taux de la cotisation demeurant inchangé, soit 6,5 %, le gain escompté de ce double déplafonnement, s’élève, selon l’étude d’impact, à 410 millions d’euros en 2013, 345 millions d’euros en 2014, 280 millions d’euros en 2015 et 345 millions d’euros en 2016. Il est important de préciser que le bénéficiaire n’en est pas réellement le RSI, mais le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) : en effet, dans la mesure où une fraction du produit de la C3S joue le rôle d’une subvention d’équilibre de la branche maladie du RSI, un moindre recours à la C3S bénéficiera donc au FSV, attributaire de troisième rang, après le RSI et la branche maladie du régime des exploitants agricoles, du produit de la C3S.

Environ 500 000 travailleurs indépendants ont un revenu annuel supérieur au plafond de la sécurité sociale. Le supplément annuel maximal de cotisation pour cette catégorie s’élèvera à 1 091 euros, pour un revenu égal à cinq fois le plafond de la sécurité sociale. Seuls 3 % des travailleurs indépendants, soit moins de 80 000 personnes, perçoivent un revenu annuel supérieur à cinq fois le plafond de la sécurité sociale : pour un revenu annuel de 250 000 euros, le supplément atteindra 5 300 euros, portant ainsi le taux effectif de cotisation de 4,4 % à 6,5 %.

● L’instauration d’une réduction sur la cotisation minimale

Le principe d’une cotisation minimale n’est pas remis en cause, mais le présent article propose que cette cotisation minimale fasse désormais l’objet d’une réduction.

Rétablissant un article L. 612-5 au sein du code de la sécurité sociale, le E du I instaure en effet une réduction sur la cotisation minimale, sous la forme d’une exonération. Son montant est maximal lorsque les revenus d’activité sont négatifs ou nuls et il est alors égal au produit du taux de cotisation et d’un pourcentage, fixé par décret, du plafond de la sécurité sociale, à savoir, selon l’indication fournie par l’étude d’impact, 307 euros. Pour les revenus d’activité positifs, le montant de l’exonération décroît ensuite linéairement pour s’annuler lorsque le revenu atteint le niveau de l’assiette minimale de cotisation. La réduction ne bénéficiera qu’aux cotisants dont les cotisations sont au moins égales au montant des cotisations minimales.

La cotisation minimale exigible sera donc désormais de 638 euros – pour un revenu déclaré nul – et progressera pour atteindre 945 euros à un niveau de revenu égal à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale (14 549 euros).

Deux dispositions réglementaires viendront compléter cette mesure :

– un plafond de chiffre d’affaires sera fixé afin d’exclure du bénéfice de cette mesure ceux qui, bien qu’ayant un chiffre d’affaires élevé mais ayant abondamment fait usage de dispositifs d’optimisation, ne déclarent que de faibles revenus. Selon les informations communiquées par le Gouvernement, il s’agirait du seuil du régime micro-fiscal, à savoir un chiffre d’affaires annuel ne dépassant pas 81 500 euros pour un commerçant et 32 600 euros pour un artisan ou un professionnel libéral. Il faudra toutefois veiller à la faisabilité administrative de la prise en compte du chiffre d’affaires, qui constitue en effet un critère inconnu jusqu’alors dans le calcul des cotisations sociales et requiert donc une modification de la déclaration commune ;

– par cohérence, l’assiette de cotisation minimale en deuxième année d’activité sera abaissée de 29 % à 27 % du plafond annuel de la sécurité sociale (soit une moindre cotisation de 47 euros). Il s’agit ainsi d’éviter qu’à revenu identique, la cotisation due au titre de la troisième année d’activité ne devienne inférieure à celle due au titre de la deuxième année.

Enfin, cette réduction sera exclusive du bénéfice d’autres dispositifs de réduction ou d’abattement plus favorables, comme les cotisations réduites des deux premières années d’activité ou les exonérations applicables dans les DOM, et, en l’état actuel de la rédaction du présent article, sera compensée par l’État.

520 000 ressortissants, dont 160 000 déclarant un revenu nul ou une perte, devraient bénéficier de cette mesure, dont le coût est évalué à 90 millions d’euros en 2013, 80 millions d’euros en 2014, 70 millions d’euros en 2015 et 80 millions d’euros en 2016. De même que le déplafonnement de la cotisation maladie profite en dernier ressort au FSV (cf. supra), c’est le fonds qui supportera in fine le coût de cette mesure.

● Le maintien du plafonnement pour la cotisation finançant les indemnités journalières

Les cotisations destinées à financer les prestations supplémentaires d’assurance maladie des artisans et commerçants, en l’occurrence les indemnités journalières, étaient jusqu’à présent calculées par référence aux modalités de calcul des cotisations d’assurance maladie proprement dites (article L. 612-4 du code de la sécurité sociale), lesquelles ne prévoiront plus de plafond.

Le choix du maintien d’un plafonnement pour ces cotisations nécessite donc que ce plafonnement soit explicitement prévu. Le F du I aménage en conséquence la rédaction de l’article L. 612-13 du code de la sécurité sociale.

Le régime actuellement applicable de cotisations minimales demeure également inchangé.

b) Une assiette plus large pour les revenus tirés d’un exercice en société

Le I du présent article vise à mieux appréhender les frais professionnels et les dividendes pour les travailleurs indépendants exerçant en société.

 L’intégration des frais professionnels

Ainsi que cela a été précédemment rappelé, du fait de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu de la rémunération des gérants majoritaires ou associés dans la catégorie des traitements et salaires, le montant (réel ou selon un forfait de 10 %) des frais professionnels peut être déduit de l’assiette sociale, avantage dont ne bénéficient pas les travailleurs indépendants imposés dans les catégories des BIC ou des BNC.

Le 1° du A met fin à cette double possibilité de déduction, au titre du résultat de la société et au titre du revenu imposable comme traitement et salaire. Il modifie donc l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale afin d’intégrer dans la définition de l’assiette des revenus les déductions à effectuer, pour la détermination du revenu fiscal, du chef des frais professionnels et des frais, droits et intérêts d’emprunt versés pour acquérir ou souscrire des parts ou des actions d’une société.

Aux termes de l’article 83 du code général des impôts, la déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts. Fixée à 10 % du montant de ce revenu, elle est limitée à 14 157 euros pour l’imposition des rémunérations perçues en 2011, ce plafond étant relevé, chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Le même article 83 précise que les frais, droits et intérêts d’emprunt versés pour acquérir ou souscrire des parts ou des actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale dans laquelle le salarié ou le dirigeant exerce son activité professionnelle principale sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels dès lors que ces dépenses sont utiles à l’acquisition ou à la conservation de ses revenus.

La mesure concerne 660 000 gérants majoritaires et revient à augmenter l’assiette de 11 % pour un cotisant appliquant l’assiette forfaitaire de 10 %. L’impact financier de cette mesure est évalué à 575 millions d’euros en 2013, 460 millions d’euros en 2014, 355 millions d’euros en 2015 et 460 millions d’euros en 2016. Elle bénéficie, au titre des cotisations sociales, au FSV et, au titre de la CSG et de la CRDS, aux différents attributaires de ces deux contributions (CNAMTS, CNAF, FSV, CADES et CNSA).

Compte tenu des modalités de déclaration des revenus des travailleurs indépendants d’un exercice sur l’autre, le 1° du II prévoit une disposition transitoire visant à approcher dès 2013 l’effet de la suppression de ces déductions. En effet, en l’absence d’un tel dispositif transitoire, l’effet de la réintégration de ces déductions ne serait pris en compte que fin 2014, c’est-à-dire au moment de la régularisation des cotisations dues au titre de 2013 : celle-ci pourrait se révéler très élevée et entraîner, par conséquent, des difficultés pour certains travailleurs indépendants. Le dispositif transitoire prévoit donc que le montant des cotisations provisionnelles dues au titre des années 2013 et 2014 sera égal au montant des cotisations provisionnelles calculé pour ces deux années en application des règles actuellement en vigueur et majoré de 11 %. Cette majoration ne pourra être supérieure à la limite de réduction prévue par l’article 83 du code général des impôts, soit 14 157 euros.

● Un plus large assujettissement des dividendes aux cotisations sociales

Actuellement, seuls les indépendants exerçant leur activité au travers d’une société d’exercice libéral se voient opposer une limite de 10 % des capitaux propres de l’entreprise pour l’exonération de leurs dividendes au titres des cotisations sociales. Dans les autres formes de société, les indépendants peuvent s’accorder sans limitation des dividendes soumis aux seuls prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

Modifiant lui aussi l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, le 2° du A propose donc d’élargir la prise en compte des dividendes à l’ensemble des travailleurs indépendants exerçant leur activité dans le cadre de sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés.

Environ 50 000 travailleurs indépendants seraient concernés. L’impact financier de cette mesure est évalué à 75 millions d’euros en 2013, 65 millions d’euros en 2014, 55 millions d’euros en 2015 et 65 millions d’euros en 2016, au bénéfice des régimes des indépendants et du FSV.

À l’image du dispositif transitoire prévu pour l’intégration des déductions pour frais professionnels et dans le même objectif d’éviter des régularisations trop importantes en 2014 et en 2015 (cf. supra), le 2° du II prévoit que la part des dividendes perçus en 2013 et en 2014 retenue pour la détermination du revenu d’activité sera prise en compte pour le calcul des cotisations provisionnelles dues au titre de ces deux années : ces revenus feront l’objet d’une déclaration obligatoire dans le délai de trente jours à compter de leur perception, afin que les caisses dont relèvent les travailleurs indépendants concernés puissent prendre en compte ces dividendes.

c) Une contributivité accrue pour les auto-entrepreneurs

Même s’il a été réduit, l’écart subsistant entre le régime des auto-entrepreneurs et le régime de droit commun des travailleurs indépendants demeure problématique du point de vue de l’équité et de la concurrence.

Le B du I du présent article complète donc l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que le taux de cotisation des auto-entrepreneurs garantisse désormais un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui acquitté aux mêmes titres par les travailleurs indépendants. Il confère donc une base législative à une évolution conjointe des taux de ces cotisations et contributions.

Un décret interviendra donc afin de relever les taux de cotisation des auto-entrepreneurs. Selon l’étude d’impact jointe au présent projet de loi de financement, le Gouvernement envisage de les porter de 12 % à 14 % pour les commerçants dont le chiffre d’affaires est inférieur à 81 500 euros, de 21,3 % à 24,6 % pour les artisans dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 32 600 euros et de 18,3 % à 21,3 % pour les professionnels libéraux relevant de la CIPAV dont les recettes sont inférieures à 32 600 euros.

Le supplément de recettes procuré par cette mesure est évalué à 130 millions d’euros à partir de 2013. Il bénéficiera à l’État, dans la mesure où les pertes de recettes résultant, pour les organismes de sécurité sociale, du régime de l’auto-entrepreneur sont compensées.

La majoration des taux n’aura bien entendu d’incidence que sur les 350 000 auto-entrepreneurs qui déclarent un revenu. L’étude d’impact jointe au présent projet de loi donne l’exemple d’un ressortissant de la CIPAV déclarant le montant moyen de recettes annuelles des auto-entrepreneurs en activité, soit 15 000 euros : sa cotisation augmentera de 37 euros par mois.

Enfin, cette mesure ne préjuge pas de l’évolution du régime de l’auto-entrepreneur que le Gouvernement a indiqué vouloir mettre en œuvre dans le courant de l’année prochaine.

*

La Commission est saisie des amendements AS 32 de Mme Bérengère Poletti et AS 49 de M. Dominique Tian de suppression de l’article.

M. Jean-Pierre Door. Nous proposons de supprimer l’article 11, qui prévoit une hausse des cotisations sociales des commerçants, artisans et professions libérales. Nous l’avons dit la semaine dernière devant le ministre délégué au budget, celle-ci est particulièrement dommageable pour ces gens qui travaillent et créent des emplois. Depuis 2007, la progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est votée en dessous de 3 % et est strictement respectée ; le déficit de la branche maladie est revenu de 11,6 milliards d’euros en 2010 à 5,5 milliards en 2012 ; nous sommes donc dans une dynamique de redressement. Selon le ministre délégué au budget, il y aura des gagnants du fait de cet article – de l’ordre de 400 000 personnes. Pour ma part, je sais qu’il y aura plus de 800 000 perdants !

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’article 11 vise à remédier aux difficultés du Régime social des indépendants (RSI), qui présente plusieurs défauts. Tout d’abord, l’effort contributif est très inégalement réparti : les assurés sociaux qui perçoivent plus de 180 000 euros par an ne payent pas de cotisations au-dessus de ce plafond. Ensuite, le niveau des contributions en vigueur dans le régime est inférieur à celui des autres régimes. De plus, les commerçants et artisans dénoncent la concurrence déloyale du régime des auto-entrepreneurs. Enfin, le conseil d’administration du RSI a approuvé cet article. Il y aura en effet 486 000 gagnants, puisque la cotisation minimale sera diminuée. Ce nombre est bien supérieur à celui des assurés que le déplafonnement contraindra à cotiser davantage.

M. Michel Issindou. Le RSI est un régime nouveau, qui connaît des difficultés, notamment du fait de l’affiliation des auto-entrepreneurs. Il était donc temps de réagir si nous voulions sauver le régime, ce que son conseil d’administration a parfaitement compris. Cela se fera en fonction des capacités contributives de chacun.

Vous écrivez dans votre exposé des motifs que « le Gouvernement préfère augmenter les impôts pour tous les Français plutôt que de baisser les dépenses publiques improductives ». Faut-il vous rappeler que vous avez considérablement augmenté les impôts et taxes lorsque vous étiez au pouvoir ? Nous n’avons rien contre les artisans et les commerçants, mais il est juste qu’ils contribuent comme les autres à l’effort collectif.

Mme Véronique Louwagie. Les commerçants, artisans et professions libérales travaillent beaucoup et sont très présents dans nos territoires ruraux. Ne pas appeler leurs cotisations maladie au-delà de cinq fois le plafond de la sécurité sociale me paraît une juste reconnaissance du temps et de l’énergie qu’ils consacrent à leur métier.

D’autant plus que les calculs de cotisations sont particulièrement délicats dans ce régime : les appels de cotisations s’effectuent en année n sur les bases de n-2, avec une régularisation en n+1 en fonction des revenus réels de l’année n. Je crains donc que ces modifications n’entraînent d’importantes difficultés pour les assurés.

Enfin, vous supprimez la déduction de 10 % pour frais professionnels pour les gérants majoritaires, au motif que ces frais professionnels sont pris en charge par les sociétés. Mais cela n’est pas toujours le cas. Lorsqu’il y a plusieurs gérants, par exemple, chacun assume personnellement ses charges. Vous introduisez donc une inégalité.

M. Christian Paul. Ainsi, l’un de vos premiers amendements sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale tend à refuser un prélèvement qui s’applique à des revenus annuels supérieurs à 180 000 euros ! Pour nous, redressement va de pair avec justice. Il faut faire un exercice nouveau pour entrer dans la logique de ce projet de loi, monsieur Door : les ressources et les économies nouvelles financent les dépenses nouvelles qui sont nécessaires à la santé des Français et permettent de stopper la dégradation des comptes de l’assurance maladie et de notre protection collective.

M. Bernard Perrut. Le Gouvernement a indiqué récemment qu’il souhaitait faire évoluer le régime de l’auto-entrepreneur. Peut-on connaître ses intentions ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce sujet ne relève pas du projet de loi de financement ; il me semble, de plus, relever davantage de la compétence de la Commission des affaires économiques.

M. Jean-Pierre Door. Le RSI connaît des difficultés de gestion que ses responsables ont évoquées à plusieurs reprises devant notre Commission, à telle enseigne que le régime a pu être contesté par les artisans et les commerçants. C’est sans doute cela qui explique le vote de son conseil d’administration.

Cette hausse des cotisations des artisans et commerçants vient s’ajouter à la suppression des exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires de leurs employés. Vous nous dites que les assurés dont les revenus annuels sont inférieurs à 180 000 euros par an seront moins taxés que les autres : êtes-vous certain que ces différences de prélèvements n’entraînent pas un risque d’inconstitutionnalité ?

M. Dominique Tian. Nous avons auditionné deux fois les responsables du RSI. Ce régime a été géré de façon approximative – pour ne pas dire avec un certain amateurisme –, et il y a eu des contentieux entre les gestionnaires et les assurés. Je ne voterai donc pas cette hausse des cotisations que la plupart des artisans et des commerçants ne sont pas en état de supporter.

Mme Isabelle Le Callennec. Certes, il faut faire des économies, mais cet article envoie un très mauvais signal à l’adresse des artisans et des commerçants de notre pays, qui sont déjà en proie à de grandes difficultés. Je pense en particulier aux artisans du bâtiment. Or, non seulement ces personnes travaillent énormément, mais elles s’efforcent d’embaucher et de former des jeunes, notamment dans les métiers manuels – que nous avons le devoir de revaloriser.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le seuil de 180 000 euros annuels conduit à toucher principalement les gros cabinets d’avocats, d’experts comptables ou de consultants. Les commerçants et artisans seront très peu concernés par ce déplafonnement qui ne concernera que 80 000 assurés. Convenez tout de même qu’il n’était pas équitable de voir disparaître toute cotisation au-delà de 180 000 euros de revenus annuels !

Parmi les 486 000 gagnants de la réforme figurent une majorité de commerçants et d’artisans, qui verront diminuer leurs cotisations minimales.

Quant aux heures supplémentaires, je vous rappelle, madame Louwagie que l’exonération n’a pas été supprimée pour les entreprises de moins de 20 salariés.

Le déficit de la branche maladie du RSI s’élève à 1,1 milliard d’euros, monsieur Door, et il est actuellement compensé par les autres régimes de sécurité sociale. Un amendement ultérieur vous proposera une recette supplémentaire pour tenter de le combler. Quoi qu’il en soit, il est de bonne pratique de réduire les disparités existantes aussi bien au sein du régime qu’entre celui-ci et le régime général.

La Commission rejette les amendements de suppression de l’article AS 32 et AS 49.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 50 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. C’est le même sujet : il est défendu.

Mme Véronique Louwagie. La grande majorité des entreprises françaises du secteur marchand non agricole sont dirigées par des chefs d’entreprise non salariés, les travailleurs indépendants. En proposant de réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales les dividendes versés dépassant 10 % des capitaux propres, vous faites un amalgame entre les revenus du capital et ceux du travail. Les dividendes sont d’une autre nature que les revenus du travail : ce sont des revenus du capital, qui sont d’ailleurs imposés comme tels. Il convient de maintenir cette distinction.

M. Gérard Bapt, rapporteur. On ne peut parler de revenus du capital, puisqu’il s’agit ici pour l’entreprise de contourner la distribution de revenus du travail en distribuant les bénéfices par le biais des dividendes. La fiscalité sur les dividendes est en effet inférieure aux cotisations sur le salaire déclaré du gérant.

M. Denys Robiliard. Lorsqu’on est comme moi un professionnel libéral, ou encore un artisan ou un commerçant, et qu’on exerce dans une structure de ce type, le choix du mode de rémunération prend en considération la fiscalité. Il s’agit cependant bien de la rémunération d’un travail, et non d’un capital. À cet égard, la disposition proposée à l’article 11 est particulièrement pertinente.

L’exposé des motifs de l’amendement évoque la « confusion » partielle ou totale entre le patrimoine personnel des dirigeants indépendants et celui de l’entreprise. S’agissant des sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) et des sociétés anonymes (SA), on est là dans l’abus de bien social. Comment peut-on justifier un amendement par une pratique délictueuse ?

M. Dominique Tian. Comment pouvez-vous dire cela ? Ceux qui connaissent la réalité de l’entreprise personnelle et familiale savent que des apports personnels peuvent être faits, par exemple en cas de problème de trésorerie. De grâce, mesurez vos propos !

M. Denys Robiliard. La confusion de patrimoine est une cause d’extension d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mettons-nous donc d’accord en qualifiant ces pratiques d’optimisation fiscale. Nous vous proposons simplement de limiter celle-ci.

La Commission rejette l’amendement AS 50.

Elle rejette ensuite l’amendement AS 52 de M. Dominique Tian.

Puis elle est saisie des amendements identiques AS 33 de Mme Bérengère Poletti et AS 51 de M. Dominique Tian.

Mme Bérengère Poletti. Nous souhaitons supprimer l’alinéa 5 de l’article 11, qui porte atteinte au statut d’auto-entrepreneur, dont chacun connaît le succès. Ce statut présente un double intérêt. Il permet aux entrepreneurs de développer leurs projets sans risque : si l’auto-entreprise se développe, elle peut dépasser le plafond de chiffre d’affaires et s’intégrer plus facilement dans le droit commun. Il permet aussi à de nombreuses personnes, par exemple les retraités ou les étudiants, de bénéficier d’un revenu complémentaire. Plusieurs aménagements y ont été apportés, notamment par la loi de financement pour 2012. En alignant ses cotisations sur le régime de droit commun, le Gouvernement tue le régime de l’auto-entreprise.

Mme Isabelle Le Callennec. Le statut d’auto-entrepreneur, qui a permis de créer des emplois et des entreprises, a donc aussi procuré des rentrées de cotisations. Y porter atteinte constitue un mauvais signal.

Beaucoup d’artisans, du bâtiment notamment, qui connaissent mal le dispositif, considèrent que les auto-entrepreneurs leur font une concurrence déloyale. S’il y a des problèmes, il faut y remédier, mais certainement pas en portant un mauvais coup à ce statut comme vous le faites en augmentant les cotisations.

M. Michel Liebgott. En réalité, la baisse du nombre de créations d’entreprises de droit commun a été compensée par la hausse des créations d’auto-entreprises – depuis 2009, de 40 000 à 50 000 seraient créées chaque mois. C’est dire l’effet de substitution ! Mais qu’est-ce qui se cache derrière ces pseudo-entreprises ? Souvent des petits boulots exercés par des retraités, dont la retraite est insuffisante pour vivre décemment, ou des étudiants, alors que ceux-ci devraient pouvoir étudier sans avoir besoin de travailler parallèlement ! Mais j’ai aussi connu dans ma ville un fonctionnaire qui avait développé une auto-entreprise avec sa femme, et qui était de surcroît sapeur-pompier. Est-il juste qu’une personne puisse ainsi cumuler trois revenus alors qu’à côté, des entreprises déposent leur bilan ?

M. Jean-Pierre Door. Le statut d’auto-entrepreneur visait aussi à lutter contre le travail au noir. Des personnes ayant des compétences en matière par exemple de maçonnerie, peinture, couture, jardinage, ont ainsi pu, en toute légalité, se procurer un petit revenu supplémentaire. Avec votre mesure, vous les condamnez à dissimuler de nouveau. Un retraité de 60 ans est tout à fait apte à travailler encore. Il n’est pas anormal qu’il puisse compléter sa pension. Et mieux vaut qu’il soit auto-entrepreneur que travailleur au noir ! Cet amendement est donc tout à fait justifié.

M. Christian Paul. Chers collègues de l’opposition, vous manquez de cohérence. Vous invoquiez tout à l’heure la défense des entreprises du bâtiment, alors qu’elles n’étaient pas concernées. Leur sort semble vous importer moins lorsque l’une de leurs revendications est d’être mieux protégées de la concurrence déloyale des auto-entrepreneurs ! S’il y a quelque chose de positif à retenir dans ce statut, c’est la simplification des démarches et le différé du règlement des cotisations. Pour le reste, il est normal d’aligner les taux de cotisation.

M. Dominique Tian. Avec un chiffre d’affaires annuel limité à 32 600 euros dans les prestations de services et à 81 500 euros dans les activités d’achat et de vente, il ne peut s’agir que d’activités complémentaires, d’ailleurs souvent exercées par des fonctionnaires, des enseignants, des étudiants, des retraités, bref des personnes qui ont du temps libre et préfèrent travailler ainsi de façon déclarée plutôt qu’au noir. Vous commettez une grave erreur car vous allez favoriser le développement du travail au noir. Et vous touchez des personnes modestes.

M. Rémi Delatte. L’auto-entreprise ne doit pas être considérée comme une concurrente de l’entreprise de droit commun, mais un tremplin vers elle. C’est aussi, beaucoup l’ont dit, un moyen efficace de lutter contre le travail au noir.

M. Dominique Dord. Ce statut est aussi parfois le seul moyen pour certains de nos concitoyens qui ont perdu leur emploi d’en retrouver un grâce à leur savoir-faire. Or, que je sache, les chiffres du chômage ne s’améliorent pas dans notre pays, loin de là. Vous commettez donc une faute sociale en réduisant l’intérêt de ce statut.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur Paul, le secteur du bâtiment n’est pas celui dans lequel on trouve le plus d’auto-entreprises. Lorsque se posent des problèmes de concurrence, et je reconnais qu’il s’en pose dans le bâtiment, il faut y remédier, mais n’allez pas, sous ce prétexte, remettre en question toutes les auto-entreprises, lesquelles créent de l’emploi – je pense en particulier au secteur informatique. Et comme l’ont dit mes collègues, ce statut contribue à réduire le travail dissimulé.

M. Bernard Accoyer. Le chômage, hélas, continue d’augmenter dans notre pays et les perspectives sont sombres. La disposition proposée est donc particulièrement inopportune. Le statut d’auto-entrepreneur peut constituer une solution pour certains chômeurs qui, au-delà de la cinquantaine, n’ont que peu de chances de retrouver un emploi. Sous ce statut, ils peuvent exercer quantité de petits métiers que plus personne ne veut exercer – laveur de vitres, dépanneur de petit matériel. En même temps que cela leur procure un supplément de revenu, ils y trouvent le moyen de se sentir de nouveau utiles à la société.

M. Michel Issindou. Il faudrait dresser un bilan précis du développement des auto-entreprises car tout n’a pas été positif. Les représentants du Régime social des indépendants (RSI) nous ont expliqué que les auto-entrepreneurs constituaient plutôt une charge pour leur régime : ils y acquièrent en effet des droits alors qu’ils ne cotisent pas ou très peu. Il ne semble pas scandaleux qu’ils contribuent, comme les autres, à proportion de leurs revenus. Et ne nous dites pas que cela tuera ce statut !

M. Jean-Louis Touraine. À entendre nos collègues de l’UMP, nous voudrions faire disparaître ce statut. C’est un mensonge, comme c’en était un de prétendre que nous voulions supprimer les heures supplémentaires lorsque nous avons décidé de les soumettre à cotisations sociales et à impôt dans les conditions de droit commun. Dans les deux cas, nous n’avons fait que corriger des anomalies que la situation dramatique des finances publiques de notre pays rend inacceptables. N’ayez crainte, il y aura encore demain des auto-entrepreneurs dans notre pays, comme il y a toujours des salariés qui font des heures supplémentaires.

Mme Véronique Louwagie. Cet article ne tue pas en soi le statut d’auto-entrepreneur mais il y conduira en lui faisant perdre tout intérêt. Dans ma ville, un professeur de musique, sollicité par diverses structures pour donner des cours, a pu répondre à la demande en créant son auto-entreprise sans avoir à payer trop de cotisations. Voilà ce qui demain ne sera plus possible, en tout cas n’aura plus d’intérêt ! Très vite, dans quelques mois seulement peut-être, le nombre d’auto-entreprises va s’effondrer.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet article ne touche pas au régime de l’auto-entrepreneur. Je ne peux d’ailleurs pas répondre à la place du Gouvernement sur une éventuelle évolution de ce statut : une mission a été confiée sur le sujet à Mme Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, suite aux vives protestations du monde de l’artisanat qui se plaint d’une concurrence déloyale. Cet article vise seulement à ce que les auto-entrepreneurs contribuent comme les autres, ni plus ni moins, au financement de leur protection sociale : comme ils paient moins aujourd’hui, ce sont les autres commerçants, artisans et indépendants qui paient pour eux !

Nous ne nions pas l’intérêt de ce statut, notamment pour favoriser le retour à une activité ou à un emploi – j’aurais d’ailleurs mieux compris vos amendements si vous aviez en même temps proposé une limitation de ce statut dans le temps. Mais lorsque nous voyons des cadres supérieurs ou des membres de la fonction publique se lancer, en sus de leur activité principale, dans une activité sous le régime de l’auto-entreprise, nous pensons qu’ils peuvent cotiser comme les autres. En tout cas, les dispositions proposées sont très attendues des artisans.

La Commission rejette les amendements AS 33 et AS 51.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 212 de M. Gérard Bapt, rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 105 de M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Supprimer l’exonération de charges dont bénéficient les auto-entrepreneurs si leur chiffre d’affaires est nul reviendrait à casser un statut qui permettait à des personnes de prendre des risques pour se sortir du chômage. D’où notre proposition de supprimer l’alinéa 17.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet alinéa fixe précisément les plafonds en dessous desquels l’auto-entrepreneur bénéficie de dispositions plus favorables. Le supprimer irait à l’encontre de votre objectif.

L’amendement AS 105 est retiré.

La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel AS 213, l’amendement de coordination AS 214 et l’amendement rédactionnel AS 215 de M. Gérard Bapt, rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 203 de M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement remédie à une anomalie source d’inéquité. Par cohérence avec le déplafonnement de la cotisation d’assurance maladie des travailleurs indépendants, nous proposons de déplafonner celle sur les revenus d’activité et de remplacement perçus sur les revenus étrangers de personnes qui relèvent à titre obligatoire d’un régime français d’assurance maladie. Il s’agit d’harmoniser le taux de cotisation de tous les ressortissants d’un régime français, quel que soit le lieu d’origine de leurs revenus.

M. Bernard Accoyer. Quelles sont les personnes réellement visées ? Quel type de métiers ou fonctions exercent-elles ? Je m’en inquiète quand on sait par ailleurs que le Gouvernement s’apprête à supprimer la liberté de choix de leur régime d’assurance maladie pour certains de nos compatriotes qui travaillent à l’étranger.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas de cela dont il est question ici. Seraient concernés des résidents percevant des revenus d’une activité à l’étranger. Pourquoi ne cotiseraient-ils pas comme les autres ? Permettez-moi de vous faire observer qu’il s’agit d’un amendement proposé en 2009 par la majorité de l’époque, qui avait été accepté à l’Assemblée nationale, avant d’être repoussé au Sénat.

M. Jean-Pierre Door. Cela concernerait-il aussi les revenus perçus à l’étranger ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit seulement d’harmoniser les taux de cotisation de tous nos ressortissants. Je ne peux pas vous indiquer le rendement de la mesure.

M. Dominique Tian. Comment allez-vous connaître les revenus perçus par nos compatriotes à l’étranger ? Par ailleurs, lorsqu’on travaille en Afrique, on paie ses impôts et ses cotisations en Afrique.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous souhaitons seulement que des personnes résidant en France s’acquittent, dans les mêmes conditions que les nationaux, de leurs cotisations sur d’éventuelles activités qu’elles auraient exercées à l’étranger.

M. Denis Jacquat. En Moselle, beaucoup de gens travaillent au Luxembourg, où l’impôt est prélevé à la source. Que va-t-il se passer pour eux ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il ne s’agit pas d’impôts, mais de cotisations sociales. Si les personnes que vous évoquez perçoivent également des revenus en France, elles doivent s’acquitter de cotisations en France.

M. Bernard Accoyer. Ne pénalisez pas nos compatriotes expatriés, qui méritent au contraire tous nos égards. Ils contribuent au rayonnement de notre langue et de notre culture à l’étranger, mais aussi à notre économie en nous faisant gagner des marchés à l’exportation.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Un avocat installé à Paris peut avoir une grosse activité à Londres. Il est normal qu’il paie ses cotisations sociales dans les mêmes conditions sur ses deux activités.

Je demanderai au Gouvernement des chiffres précis sur le rendement attendu de la mesure. Nous pourrons en reparler en séance.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce serait bienvenu pour que nous puissions nous prononcer en toute connaissance de cause. Pour le dire sans détour, à qui pensez-vous ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je pense aux finances sociales, au déficit public et à la dette de notre pays. Pourquoi certains verraient-ils leurs cotisations plafonnées alors que pour tous les autres, celles-ci sont déplafonnées ? C’est une question de principe.

La Commission adopte l’amendement AS 203.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

La Commission est saisie de l’amendement AS 139 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 11. Tous visent à donner des moyens supplémentaires à notre protection sociale, à empêcher certains excès inadmissibles et à corriger des inégalités flagrantes.

L’amendement AS 139 tend à assujettir les personnes morales à la contribution sociale sur les produits de placement, dont ne n’acquittent aujourd’hui que les personnes physiques. Le taux serait égal à celui de la CSG sur les revenus d’activité, additionné aux cotisations sociales assises sur les salaires. Les produits d’épargne comme les livrets d’épargne populaire, les livrets A, les livrets bleus, les comptes et plans d’épargne logement seraient exonérés.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je comprends l’intention de Jacqueline Fraysse : lutter contre les déficits et alléger pour l’avenir la charge de la dette. Néanmoins, le Haut Conseil du financement de la protection sociale mène actuellement une réflexion sur le sujet et un débat a été ouvert sur la compétitivité. Je propose à la Commission de rejeter, à ce stade, cet amendement.

M. Christophe Cavard. La piste proposée par Jacqueline Fraysse est intéressante. Si je comprends bien le rapporteur, il s’agit non pas d’évacuer le débat sur l’élargissement de l’assiette des cotisations aux personnes morales, mais de le renvoyer à une discussion plus générale.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Deux débats ont, je le répète, été lancés : l’un par le Premier ministre au sein du Haut Conseil du financement de la protection sociale, l’autre sur la compétitivité. En outre, ce projet de loi de financement comporte de nombreuses mesures tendant à mettre davantage à contribution les revenus du capital par rapport à ceux du travail. Elles pourront être complétées à l’issue des débats que j’ai évoqués. Cet amendement me paraît donc prématuré.

La Commission rejette l’amendement AS 139.

Elle en vient à l’amendement AS 136 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement procède de la même préoccupation que le précédent : dégager des moyens et dissuader certains excès. Actuellement, dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies – retraites chapeaux –, une contribution additionnelle de 30 % à la charge de l’employeur est exigible sur les rentes excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 288 000 euros par an, ce qui est exorbitant. Nous proposons que la contribution soit prélevée dès que les rentes excèdent trois fois le plafond de la sécurité sociale, soit 108 000 euros an. C’est une mesure d’équité.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cette contribution additionnelle s’ajouterait à celle dont s’acquittent déjà les employeurs sur les retraites chapeaux et qui a été portée, sur notre initiative, à 32 %. Cela ferait une contribution totale de 62 %, qui apparaît élevée, y compris au regard des plafonds que vous indiquez. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Fraysse. S’agissant de tels montants de rémunération, ce taux ne me choque pas.

La Commission rejette l’amendement AS 136.

Elle examine l’amendement AS 140 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de créer une nouvelle contribution s’appliquant à l’ensemble des rémunérations, indemnités et avantages visés aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, c’est-à-dire aux contrats instaurant des rémunérations différées au bénéfice des mandataires des sociétés cotées, qui sont soumis, depuis 2005, au régime des conventions réglementées. Nous proposons d’en fixer le taux à 30 %. Sont concernées, là encore, des rémunérations très élevées. Cette mesure équitable, source de recettes, vise également à dissuader les excès.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit des « parachutes dorés », sur lesquels nous avons déjà considérablement accru les prélèvements. Même remarque que sur l’amendement précédent. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 140.

Elle est saisie de l’amendement AS 147 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Les opérateurs de marchés financiers, couramment appelés « traders », perçoivent une part de rémunération fixe, sur laquelle sont prélevées des cotisations sociales. Cependant, ils perçoivent également une part de rémunération variable non soumise à cotisations. Cette part variable peut être très importante et représenter jusqu’à dix fois la part fixe. Nous proposons de mettre à contribution les traders sur cette part variable, dès qu’elle excède le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 36 000 euros par an.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les bonus accordés aux traders sont déjà concernés, d’une part, par les prélèvements sociaux supplémentaires instaurés récemment et, d’autre part, par les mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances en cours d’examen. Avis défavorable.

Néanmoins, je connais l’obstination de Jacqueline Fraysse : nous en reparlerons.

Mme Jacqueline Fraysse. Sans doute.

M. Christophe Cavard. Nous comprenons la logique exposée par le rapporteur. Cependant, il est bien question de salaires. Or, même si des mesures fiscales supplémentaires ont été décidées par ailleurs, il semble logique que tout salaire, quelles qu’en soient l’origine et la forme, soit appelé à contribuer au financement des régimes sociaux. C’est d’autant plus vrai du salaire des traders, même s’il ne s’agit pas de les stigmatiser. Le groupe écologiste soutient cet amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. Mon obstination ne concerne pas les traders en tant que profession, mais les rémunérations excessives, que nous devrions ensemble limiter, voire supprimer.

Je suis heureuse des propos de Christophe Cavard : toutes les rémunérations devraient contribuer au financement de la protection sociale, à plus forte raison celles qui sont très élevées.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Lorsque je parle d’obstination, je reconnais une qualité, qui devrait d’ailleurs être davantage cultivée en politique.

Ces revenus sont assujettis à la CSG, aux prélèvements sociaux et au forfait social. Ils seront en outre soumis à un impôt sur le revenu plus progressif. La mesure proposée est intéressante, mais superfétatoire dans la phase actuelle.

La Commission rejette l’amendement AS 147.

Elle examine l’amendement AS 142 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous déposons souvent cet amendement, qui tend à supprimer les exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires. D’une part, il n’est, hélas, pas démontré que ces exonérations limitent le chômage. D’autre part, elles tirent l’ensemble des salaires vers le bas. Cette suppression permettrait de dégager des moyens, sinon pour le financement de la protection sociale, du moins pour le budget de l’État.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les exonérations générales de cotisations sociales patronales n’empêchent pas, il est vrai, la montée du chômage. En revanche, toutes les études montrent que leur suppression détruirait des emplois et serait dissuasive pour l’embauche dans un certain nombre de secteurs, notamment de services.

Ce débat renvoie plus généralement au problème du financement de la protection sociale. Des propositions devraient être faites en la matière dans les mois qui viennent.

Avis défavorable.

M. Michel Issindou. L’obstination positive de Jacqueline Fraysse mérite d’être saluée. Dans le cadre d’une mission d’information présidée par Gérard Bapt, au cours de la précédente législature, nous avions essayé de mesurer l’impact de ces allégements. Nous avons constaté de nombreux effets d’aubaine : si ces exonérations pouvaient avoir du sens dans le cas d’entreprises tentées de délocaliser pour réduire leurs coûts, elles n’en avaient guère pour les entreprises de nettoyage ou de la grande distribution.

Pour autant, les enjeux sont considérables : le montant de ces exonérations s’établit aujourd’hui à 20 milliards d’euros, qui manquent au budget de l’État. Nous pourrions envisager des solutions intermédiaires, les exonérations s’appliquant de manière dégressive entre 1 et 1,6 SMIC. Il faudra revoir le dispositif dans son ensemble au cours de cette législature. Mais il n’apparaît pas opportun de procéder, au détour de l’examen de ce projet de loi de financement, à une suppression pure et simple de ces exonérations, qui serait lourde de conséquences.

M. Jean-Marc Germain. Lorsque ces allégements de charges ne sont pas conditionnés à des créations d’emplois, leur efficacité est très faible au regard de leur coût. Tel était le cas des premiers allégements instaurés par le gouvernement Balladur et étendus par le gouvernement Juppé. À l’inverse, lors du passage aux 35 heures, ces exonérations avaient une contrepartie claire et les créations d’emplois ont été au rendez-vous. La suppression de cette contrepartie en 2002 a eu des effets opposés.

Une nouvelle contrepartie sera instaurée dans le cadre des contrats de génération : dans les entreprises de plus de 300 salariés, le maintien des exonérations sera conditionné à l’embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée et au maintien dans l’emploi de salariés seniors pendant trois ans. Les implications seront massives : il s’agit de conclure 500 000 contrats dont la moitié dans les entreprises de plus de 300 salariés. Mais nous ne sommes pas favorables, à ce stade, à une suppression pure et simple du dispositif.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement ouvre un débat très important sur le financement de la protection sociale, notamment sur notre spécificité nationale : un financement assis presque exclusivement sur la production, les entreprises et les salariés. La priorité est désormais, nous en convenons tous, la lutte contre le chômage. Il faut cesser de taxer l’emploi. Or, c’est ce que fait le financement actuel de la protection sociale. C’est paradoxal et schizophrénique. Il ne s’agit pas de trancher ce débat aujourd’hui, mais il devra avoir lieu.

En outre, un consensus existe parmi les économistes sur les effets positifs des exonérations de charges sur les bas salaires pour l’emploi des salariés peu qualifiés. Mais elles sont aussi, Jacqueline Fraysse l’a dit, une trappe à bas salaires, ce qui incite à réfléchir à un changement d’assiette.

Enfin, le passage aux 35 heures, décidé il y a douze ans par la France, seule contre tous les autres pays du monde, représente une exonération annuelle de charges sociales de 22 milliards d’euros. Sur douze ans, cela correspond à environ 30 % de notre dette publique.

M. Jean-Marc Germain. Les exonérations de charges instaurées par les gouvernements Balladur et Juppé ont coûté à l’époque 40 milliards de francs ; celles qui ont été instituées au moment du passage aux 35 heures n’ont représenté que 7 des 22 milliards d’euros que cite Bernard Accoyer ; les extensions décidées par M. Fillon en 2002 expliquent le reste.

Le coût des exonérations liées au passage aux 35 heures doit être rapporté aux 2 millions d’emplois créés entre 1997 et 2002. Certes, ces créations ne sont pas imputables aux seules 35 heures, mais à une politique de l’emploi vigoureuse et multiforme. Jamais notre pays n’avait connu un tel dynamisme en matière de créations d’emplois au cours de son histoire. Il faut en tirer des enseignements pour l’avenir. Nous aurons, je l’espère, un débat serein sur les contrats de génération, afin de donner à ces exonérations une efficacité maximale en matière d’emploi.

La Commission rejette l’amendement AS 142.

Elle en vient à l’amendement AS 141 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à favoriser l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que le dispositif d’exonérations de cotisations sociales ferait l’objet d’un débat approfondi et serait corrigé. Si nous ne le modifions pas à ce stade dans sa globalité, nous pourrions au moins le faire évoluer au regard de cet objectif
– essentiel – d’égalité entre les hommes et les femmes. Aux termes de l’amendement que je propose, les entreprises n’appliquant pas l’égalité salariale entre les hommes et les femmes n’auraient pas droit au cadeau que constituent les exonérations de charges.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’objectif de Jacqueline Fraysse est très noble : combattre les inégalités professionnelles et de salaire entre les hommes et les femmes. Toutefois, cette question mérite d’être traitée dans un cadre plus large que celui d’un simple amendement à un article du projet de loi de financement. En outre, à la suite de la conférence sociale, les partenaires sociaux ont engagé un dialogue spécifique sur les questions d’égalité entre les hommes et les femmes. Avis défavorable.

M. Jean-Marc Germain. Comme Jacqueline Fraysse, j’estime nécessaire de renforcer les sanctions prévues en cas de non-respect des obligations en matière d’égalité salariale. Nous aurions tort de penser que la lenteur de la réduction – pour ne pas dire le maintien – des inégalités salariales résulte simplement d’une insuffisante application des lois. Il convient de renforcer les sanctions pour inciter à négocier sur ces questions. Il faut non seulement réaliser l’égalité salariale poste à poste, mais surtout l’égalité des parcours professionnels : les différences dans l’accès aux postes les plus qualifiés et les moins précaires expliquent 80 % des inégalités entre les hommes et les femmes.

Nous aurons, je l’espère, l’occasion de revenir sur ce sujet. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer un nouveau quinquennat sans avancées en la matière.

M. Christophe Cavard. Nous comprenons le souci de traiter la question de manière plus globale. Cependant, il est normal que nous en débattions dans le cadre du projet de loi de financement. Il serait dommage de n’obtenir aucune avancée aujourd’hui et de renvoyer à un hypothétique débat législatif ultérieur. En outre, il s’agit non pas de sanctionner des entreprises, mais de s’abstenir de faire un cadeau à celles qui ne respecteraient pas des règles que nous approuvons unanimement. Le groupe Écologiste soutient cet amendement.

M. Christian Paul. Il ne s’agit pas de choisir entre le vote de cet amendement et le renvoi à un débat lointain et illusoire. Cette proposition figure dans le projet socialiste, dans le programme du candidat François Hollande et dans celui que nous avons défendu pour les élections législatives. Nous irons dans cette direction, mais il convient de respecter le rythme propre à ce type de décisions et le cadre posé par la conférence sociale. Nous souhaitons des décisions rapides, si possible au cours de l’année 2013, et d’ici au prochain projet de loi de financement.

M. Jean-Marc Germain. Premièrement, nous ne sommes pas démunis : il existe déjà une possibilité de sanction à hauteur de 1 % de la masse salariale. Deuxièmement, dans le cadre de la loi portant création des emplois d’avenir, nous avons mis en place le chaînon manquant en matière de sanctions : il est désormais possible de constater l’absence de négociation et de transmettre un procès-verbal de carence à l’administration du travail pour déclencher le processus de sanction. Nous avons progressé et devons continuer à le faire pour que les négociations s’engagent.

M. Jean-Pierre Door. Nous voilà devenus spectateurs d’un dialogue un peu ubuesque entre les différentes forces de la gauche. Il m’avait pourtant semblé que vous étiez unis derrière le Président de la République et défendiez le même programme législatif. Ces discussions vont-elles durer encore longtemps ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie, cher collègue, de souligner le débat démocratique qui existe au sein de la majorité.

La Commission rejette l’amendement AS 141.

Elle examine l’amendement AS 148 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de lutter contre le recours excessif au temps partiel pratiqué par certaines entreprises. Je propose de majorer de 10 % les cotisations patronales dans les entreprises de plus de 20 salariés qui emploient plus de 20 % de leur effectif à temps partiel.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous sommes d’accord sur le fond : il convient de réduire la part du travail à temps partiel subi. Les entreprises de la grande distribution sont particulièrement concernées. Toutefois, ce débat devrait plutôt avoir lieu dans le cadre de l’examen d’un texte relatif au droit du travail ou à l’emploi. Avis défavorable.

M. Jean-Marc Germain. La réponse est un peu la même que pour l’amendement précédent. À l’issue de la conférence sociale, un chantier très important a été ouvert sur la sécurisation des parcours professionnels, dans l’objectif à la fois d’améliorer la protection des salariés et de permettre aux entreprises de s’adapter à la mondialisation.

Trois sujets sont plus particulièrement abordés dans le cadre de ce chantier : les contrats précaires – il convient de favoriser les contrats à durée indéterminée et une négociation est en cours sur la réduction des cotisations pour les contrats de durée plus longue ; le temps partiel subi – il s’agit de décourager les entreprises d’y recourir de manière excessive ; les licenciements – il convient de donner aux salariés le pouvoir d’intervenir en amont des licenciements et d’éviter toutes les solutions défavorables à l’emploi.

Nous sommes tout à fait d’accord quant à l’esprit de votre amendement, madame Fraysse. Cependant, il convient de laisser la négociation aller à son terme. Les partenaires sociaux se sont donné jusqu’à la fin de l’année ; nous légiférerons ensuite sur ces questions fondamentales.

Mme Jacqueline Fraysse. Il me semble tout de même que l’amendement entre bien dans le cadre du financement de la sécurité sociale ! Dans un élan d’optimisme, je retiendrai de vos propos que ces mesures sont actuellement en débat – et j’espère que l’année prochaine, nous pourrons enfin remédier à toutes ces anomalies.

La Commission rejette l’amendement AS 148.

Elle en vient à l’amendement AS 138 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Entreprises et banques engrangent aujourd’hui presque 318 milliards d’euros de revenus financiers : 218,4 milliards pour les premières et 99,5 pour les secondes. Dès lors que ces revenus ne sont pas investis pour favoriser l’emploi et le développement économique, ils devraient être soumis aux taux actuels de la cotisation patronale. Tel est l’objet de cet amendement, qui permettrait de dégager des recettes considérables pour la sécurité sociale et, surtout, engagerait les entreprises à investir plutôt qu’à spéculer. La financiarisation de l’économie est néfaste ; notre rôle est de faire en sorte que les richesses produites soient mises au service de l’intérêt général !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable : votre amendement s’inscrit dans un débat bien plus vaste qui inclut l’instauration de la contribution sur les transactions financières, la discussion en cours dans l’hémicycle, et la modification de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés prévue par l’article 12 du présent projet de loi.

La Commission rejette l’amendement AS 138.

Article 12

(art. L. 651-1, L. 651-2-1 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale)


Modernisation et simplification de l’assiette de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés dans le secteur des assurances et clarification de l’affectation du produit des placements financiers de cette contribution

Le présent article vise à clarifier et à harmoniser l’assiette de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) dans le secteur des assurances.

1. La contribution sociale de solidarité sur les sociétés

Régie par les articles L. 651-1 à L. 651-9 du code de la sécurité sociale, la C3S a été instituée par la loi n° 70-13 du 3 janvier 1970 portant création d’une contribution sociale de solidarité au profit de certains régimes de protection sociale des travailleurs non salariés.

Son rôle est de compenser les pertes de ressources des régimes de protection sociale des professions des non-salariés non agricoles consécutives à la dégradation du rapport démographique de ces régimes et au développement de l’emploi salarié. Son taux est fixé par décret dans la limite de 0,13 % du chiffre d’affaires des sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 760 000 euros, soit environ 300 000 redevables. Les principaux secteurs assujettis sont le commerce, l’industrie manufacturière et le secteur financier (banques et assurances), qui constituent 70 % de l’assiette de la contribution.

La contribution additionnelle, prévue par l’article L. 243-13 du code de la sécurité sociale, a été instaurée par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie et prélevée pour la première fois en complément de la C3S en 2005. Son taux est fixé à 0,03 % du chiffre d’affaires des sociétés.

Le produit de la C3S est attribué tous les ans à la Caisse nationale du Régime social des indépendants (RSI) et, marginalement, au régime complémentaire des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics, au prorata et dans la limite du déficit comptable résultant de la couverture obligatoire de base gérée par chacune des branches. Ce mode d’affectation implique que le rendement des taxes doit être suffisant pour couvrir les besoins de financement du RSI jusqu’au recouvrement des deux contributions.

Le cas échéant, le solde du produit de la C3S est versé soit au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), soit au Fonds de réserve pour les retraites (FRR). En outre, depuis la loi de financement pour 2011, la branche maladie du régime des exploitants agricoles, suite à la suppression de la compensation généralisée maladie, favorable au RSI, est affectataire d’une quote-part de 30,89 % du produit de la C3S.

La recette collectée durant un exercice étant assise sur le chiffre d’affaires réalisé l’année précédente, l’effet de la crise s’est fait sentir sur les montants enregistrés en 2010 : le produit a reculé de 6,8 %, pour s’établir à 4,1 milliards d’euros. En 2011 et 2012, il s’est en revanche révélé beaucoup plus dynamique, avec des progressions respectives de 4,3 % et 4,9 %. Cette évolution serait toutefois contrecarrée en 2013 par la faiblesse de la croissance économique, de telle sorte que le produit ne croîtrait que de 1,9 %.

Initialement affecté à la branche maladie du régime général, le produit de la C3S additionnelle a été transféré au FSV par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Son évolution est bien évidemment parallèle à celle de la C3S : le FSV recevra à ce titre 1 043 millions d’euros en 2012 et 1 063 millions d’euros en 2013.

En 2012, la hausse des besoins du RSI s’est faite au détriment du FSV. Tendanciellement, cette évolution devait se poursuivre en 2013, mais le FSV bénéficiera en réalité de davantage de versements de C3S, du fait du renforcement des ressources de la branche maladie du RSI résultant de l’article 11 du présent projet de loi.

Affectation du produit de la C3S et de la C3S additionnelle (2010-2013)

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013 (*)

C3S (y compris produits financiers)
Régimes de non-salariés
Branche maladie du régime des exploitants agricoles
Fonds de solidarité vieillesse
Mise en réserve

4 145
3 667

300
178

4 328
2 435
1 325
569

4 537
2 885
1 402
250

4 624
3 172
1 428
23

C3S additionnelle
Branche maladie du régime général
Fonds de solidarité vieillesse

953
953

1 046

1 046

1 043

1 043

1 063

1 063

Total

5 098

5 374

5 580

5 687

(*) Évolution tendancielle avant mesures du PLFSS 2013.

Sources : rapports à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2011 et octobre 2012).

2. La modernisation et la simplification de l’assiette de la C3S dans le secteur des assurances

Le régime en vigueur distingue entreprises d’assurance, d’un côté, mutuelles et institutions de prévoyance, de l’autre.

Pour les sociétés d’assurances et de capitalisation régies par le code des assurances et les sociétés de réassurance, l’assiette de la contribution sociale de solidarité est constituée, pour leur activité principale, par les primes et acceptations de l’exercice, nettes de cessions et rétrocessions, telles qu’elles ressortent du compte de résultat, conforme aux dispositions relatives à la comptabilité des entreprises d’assurances et de capitalisation.

Pour les mutuelles et unions de mutuelles relevant du code de la mutualité, pour les institutions de prévoyance et unions d’institutions de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale et pour les institutions de prévoyance relevant du code rural, l’assiette est constituée, pour leur activité principale, par les cotisations, primes et acceptations de l’exercice, nettes de cessions et de rétrocessions, telles qu’elles ressortent du compte de résultat, conforme aux dispositions relatives à la comptabilité des mutuelles et institutions de prévoyance. Ne sont pas comprises dans le chiffre d’affaires retenu pour asseoir la contribution les subventions accordées par le fonds national de solidarité et d’actions mutualistes.

Pour l’ensemble des entreprises, mutuelles et institutions de prévoyance, ne sont comprises dans le chiffre d’affaires retenu pour asseoir la contribution ni les cotisations, primes et acceptations provenant de contrats d’assurance maladie relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion obligatoire ou facultative remplissant certaines conditions, ni les remises qui leur sont versées dans le cadre de leur participation à la gestion d’un régime légal d’assurance maladie et maternité.

Renforçant l’efficacité du contrôle sur pièces du recouvrement de la C3S, l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a permis de faire apparaître de fortes variations, d’une entreprise à l’autre, quant à la détermination de l’assiette dans le secteur bancaire. L’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 est intervenu pour clarifier et harmoniser la définition de l’assiette de la contribution pour les établissements de crédit mais aussi pour plafonner le produit de la contribution sur ces établissements. Le rendement de cette mesure avait été évalué à 150 millions d’euros par an.

L’opportunité de procéder à un aménagement comparable dans le secteur des assurances avait alors été évoquée. Selon l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, l’examen de l’assiette déclarée par les redevables du secteur a fait apparaître que des améliorations étaient souhaitables, quoique dans une moindre mesure que pour le secteur bancaire l’année dernière.

Une adaptation de l’assiette semble donc opportune dans le secteur des assurances. À cette fin, le A du I procède à la séparation entre banques et assurances au sein de l’article L. 651-1 du code de la sécurité sociale, qui fixe la liste des secteurs assujettis à la C3S. Dans la définition qui en est ainsi donnée, le secteur des assurances continue bien entendu d’inclure les entreprises d’assurance mais aussi les mutuelles et les institutions de prévoyance.

Le C du I précise, à l’article L. 651-5 du même code, la définition du chiffre d’affaires pour les entreprises relevant du secteur des assurances en l’alignant sur celle du chiffre d’affaires retenue dans le cadre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (article 1586 sexies du code général des impôts), comme l’an passé pour les établissements bancaires, à savoir :

– les primes ou cotisations ;

– les autres produits techniques ;

- les commissions reçues des réassureurs ;

- les produits non techniques, à l’exception de l’utilisation ou de reprises des provisions;

– les produits des placements, à l’exception des reprises de provisions pour dépréciation, des plus-values de cession et de 95 % des dividendes afférents aux placements dans des entreprises liées ou avec lien de participation, des plus-values de cession d’immeubles d’exploitation et des quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun.

L’assiette des mutuelles et des institutions de prévoyance est alignée sur celle des entreprises d’assurance.

En outre, deux aménagements sont prévus :

– le chiffre d’affaires d’annuel afférent aux opérations sur devises est constitué par le résultat net positif de cette catégorie ;

– les exclusions en vigueur au profit de certains contrats d’assurance maladie (cf. supra) demeurent valables.

Le II précise que ces modifications apportées à l’assiette sont applicables à la contribution due à compter du 1er janvier 2013. Comme elles se traduisent par un léger élargissement de l’assiette, incluant désormais par exemple les ajustements dits « ACAV » (assurance à capital variable) et les commissions reçues des réassureurs, le Gouvernement estime qu’elles devraient rapporter 55 millions d’euros par an (dont 7 millions d’euros au titre des mutuelles et institutions de prévoyance), à comparer aux 150 millions d’euros escomptés de la mesure adoptée en loi de financement pour 2012 à l’égard du secteur bancaire. Compte tenu du rôle dévolu à la C3S, ces recettes supplémentaires bénéficient au FSV.

3. Une clarification de l’affectation du produit des placements financiers de contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés

À l’issue de l’exercice 2010, compte tenu de tensions financières nées notamment de la crise économique, 178 millions d’euros de C3S ont été mis en réserve au lieu d’être affectés au FSV, qui ne bénéficiait alors pas encore de plein droit de l’intégralité du solde de cette contribution. L’objectif était de garantir en toute circonstance la capacité à équilibrer les comptes du RSI via cette seule ressource. La somme mise en réserve s’inscrivait également dans une logique de trésorerie : la C3S étant recouvrée en mai, il était opportun de conserver de la ressource pour soutenir la trésorerie du RSI au cours des premiers mois de l’année mais aussi de permettre au RSI de faire face à d’éventuelles difficultés de recouvrement de la C3S.

Gestionnaire du recouvrement de la C3S, le RSI procède à des placements du produit de cette contribution.

Les produits des placements de la CSSS proviennent dans leur grande majorité des souscriptions de billets de trésorerie de l’ACOSS. Celle-ci profite ainsi du calendrier de recouvrement de la CSSS, qui prévoit une seule échéance annuelle, au mois de mai, générant d’importantes disponibilités de trésorerie le temps qu’une partie des sommes soient affectées au RSI, en fonction des besoins de trésorerie de ce régime, répartis tout au long de l’année.

Ces placements génèrent des ressources, de l’ordre de 18 millions d’euros en 2011, premier exercice à compter duquel le traitement en droits constatés a permis de les identifier de manière comptable. C’est précisément à l’occasion de la clôture des comptes de cet exercice qu’est apparue l’absence de disposition juridique relative à l’affectation de ces produits financiers, qui devraient se maintenir à 18 millions d’euros en 2012 et 2013.

Le B du I, modifiant l’article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale, prévoit donc désormais explicitement l’affectation au FSV, bénéficiaire du solde de C3S après répartition du produit de cette contribution entre régimes attributaires, des produits financiers résultant des placements de C3S. Cette affectation s’inscrit également dans une préoccupation plus large, celle de la mutualisation des trésoreries sociales, les produits financières résultant, pour leur quasi-totalité, de telles opérations de mutualisation.

Le II prévoit que cette affectation au FSV s’applique dès l’exercice 2012.

*

L’amendement AS 106 de M. Francis Vercamer, visant à supprimer l’article, est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements de conséquence AS 216 à 218 du rapporteur.

M. Denis Jacquat. Le texte est-il si mal écrit qu’il faille adopter tant d’amendements de précision, de coordination ou de conséquence ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Comme si cela n’était jamais arrivé durant la précédente législature ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. En effet, madame la présidente, et si le rapporteur a changé, les membres du secrétariat de la Commission des affaires sociales sont toujours aussi attentifs à la qualité rédactionnelle des textes. Ne faites pas d’esprit partisan !

La Commission adopte l’article 12 modifié.

Après l’article 12

La Commission examine l’amendement AS 54 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Comme chaque année, nous proposons de rendre la gestion des mutuelles plus transparente. L’enjeu est de taille, puisque les réserves de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) dépassent le milliard d’euros : sa marge de solvabilité est bien supérieure aux normes en vigueur !

Mme Isabelle Le Callennec. Dans le domaine du logement social, on appelle les organismes HLM qui disposent de fortes réserves les « dodus dormants » ! J’ai été étonnée de voir que certaines mutuelles entraient dans cette catégorie.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Un amendement similaire avait été présenté l’an dernier ; ayant fait l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement, il avait été rejeté par la majorité de l’époque. Je rappelle que les mutuelles sont astreintes à constituer des réserves de solvabilité et que ces exigences ont été accrues par les accords de Bâle. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement AS 54.

Elle examine ensuite l’amendement AS 53 de M. Dominique Tian.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement a déjà été adopté l’an passé : il est donc satisfait.

M. Arnaud Robinet. À propos, le candidat Hollande n’avait-il pas affirmé, durant la campagne présidentielle, qu’il reviendrait sur l’application de la taxe sur les conventions d’assurance (TSCA) aux contrats de complémentaire santé ? Les responsables des organismes complémentaires y comptent !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vous mets au défi de trouver une telle mesure parmi les engagements de campagne du Président de la République ! Quoi qu’il en soit, dans l’état actuel des finances publiques, il serait impossible de réduire cette taxe. D’autre part, les organismes de complémentaire santé auront, à l’issue des actuelles négociations sur les dépassements d’honoraires, à étudier la proposition de la ministre des affaires sociales et de la santé de mettre en place un contrat de solidarité d’accès aux soins, afin d’améliorer la couverture sociale de nos concitoyens.

M. Christian Paul. C’est la précédente majorité qui a institué cette taxe sur les mutuelles. À l’époque, vous aviez soutenu que la charge ne serait pas répercutée sur les tarifs. Résultat : les Français ont payé plus cher !

Aujourd’hui, nous sommes amenés à évaluer le coût de la santé pour les Français – et, en particulier, le « reste à charge ». C’est dans ce cadre que la question de la taxe sur les mutuelles a été soulevée. Toutefois, nous avons auditionné les représentants de la Mutualité française pour préparer ce texte : la question essentielle à leurs yeux, ce n’est pas la taxe, mais l’amélioration du système de protection sociale et le « reste à charge » pour chaque Français. Le Président de la République se rendra prochainement au congrès de la Mutualité, où il s’exprimera sur ces questions.

M. Jean-Pierre Door. Quel don pour le slalom verbal, monsieur Paul ! Nous assumons d’avoir pris la décision d’augmenter la TSCA, après avoir constaté, à la suite du rapport de l’IGAS et de l’IGF, que les organismes complémentaires d’assurance maladie disposaient de réserves de trésorerie et qu’ils présentaient des frais de gestion importants. Mais vous, pendant la campagne électorale, vous avez laissé entendre que vous supprimeriez cette taxe : souvenez-vous de vos pétitions et de vos grandes déclarations dans l’hémicycle ! Nous avons, nous aussi, reçu les représentants de la Mutualité française, qui s’étonnent que la mesure n’ait pas été encore prise – et ils poseront la question au Président de la République à la fin de la semaine à Nice.

Mme Isabelle Le Callennec. Pour en revenir à l’amendement, l’article 10 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 prévoyait la communication annuelle aux assurés des frais de gestion des organismes complémentaires santé, mais un récent arrêté a reporté cette obligation d’un an. Pourquoi ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est à la demande des organismes complémentaires, pour des raisons techniques. Il reste que les frais de gestion des organismes complémentaires – qui, inclus dans les cotisations, font partie du « reste à charge » – sont bien plus importants que ceux de la sécurité sociale, et que nous sommes tous d’accord pour vouloir en accroître la transparence ; il serait bon de connaître le montant des frais de marketing organisme par organisme : on pourrait certainement faire des économies dans ce domaine !

Je suggère donc aux auteurs de retirer leur amendement, et de demander en séance publique des explications à Mme la ministre sur les raisons qui l’ont poussée à signer l’arrêté en question.

M. Dominique Tian. Je maintiens l’amendement, car il n’est pas satisfait : il n’y a aucune raison que la loi de financement de la sécurité sociale ne soit pas appliquée.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 53.

Article 13

(art. 231 du code général des impôts ; art. L. 131-8 du code de la sécurité sociale)


Élargissement de l’assiette et renforcement de la progressivité de la taxe sur les salaires

Le présent article vise à élargir l’assiette de la taxe sur les salaires et à en renforcer la progressivité, afin de résorber une niche sociale, le produit de cette mesure étant affecté à la branche famille.

1. La taxe sur les salaires

La taxe sur les salaires (article 231 du code général des impôts) est acquittée par les employeurs établis en France non soumis à la TVA : lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la TVA l’année du versement des rémunérations à leur salariés (ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au cours de l’année civile précédant celle du paiement de ces rémunérations), ils sont redevables de cette taxe.

Les employeurs soumis à la TVA sur 90 % au moins de la totalité de leur chiffre d’affaires ne sont pas soumis à la taxe sur les salaires. Cette limite de 90 % minimum doit être respectée pour l’année précédant celle du versement des rémunérations. Les employeurs dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas les limites du régime de la franchise en base de TVA ne sont également pas soumis à la taxe sur les salaires.

En revanche, les employeurs soumis à la TVA sur moins de 90 % du chiffre d’affaires total de l’année précédant celle du versement des rémunérations sont redevables de la taxe sur les salaires : les rémunérations sont alors imposables en fonction du rapport d’assujettissement à la taxe. Ce rapport est égal au chiffre d’affaires qui n’a pas été passible de la TVA l’année précédente, comprenant la somme des recettes et autres produits qui n’ont pas ouvert droit à déduction de la TVA, divisé par le chiffre d’affaires total de l’année précédente, comprenant le total des recettes et autres produits réalisés par l’employeur, quelles qu’en soient l’origine et la qualification.

L’employeur est la seule personne imposable même lorsque le paiement est assuré matériellement par une autre personne. La taxe est due notamment par :

– les membres de certaines professions libérales ;

– les propriétaires fonciers ;

– les organismes coopératifs, mutualistes et professionnels agricoles ;

– les sociétés exerçant une activité civile (sociétés d’investissement, sociétés immobilières à l’exception de celles ayant pour objet la construction d’immeubles ou le négoce de biens) ;

– les établissements bancaires et financiers ;

– les établissements d’assurances ;

– les organismes sans but lucratif ;

– les entreprises de transports sanitaires pour leur activité non soumise à la TVA (transport de malades ou de blessés) ;

– les syndicats de copropriétaires ;

– les centres techniques industriels ;

– les centres d’aide par le travail et les ateliers protégés.

Un employeur est considéré comme établi en France quand il y possède un centre d’opérations présentant un caractère de permanence suffisant et doté d’une certaine autonomie. Dans ce cas, l’employeur est imposable, que les rémunérations proviennent de ressources propres du centre d’opérations ou de l’entreprise située à l’étranger. Les rémunérations sont imposables qu’elles soient payées par l’établissement français ou, pour le compte de ce dernier, par une entreprise située à l’étranger.

La base de calcul de la taxe est, pour l’essentiel, alignée sur celle des cotisations de sécurité sociale. Elle est donc constituée par le montant total des rémunérations imposables et des avantages en nature effectivement versés durant l’année civile à l’ensemble du personnel. En revanche, toutes les sommes qui ne constituent pas des rémunérations au sens de la réglementation sociale, comme l’intéressement, la participation, les contributions patronales de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire ainsi que, dans certaines limites, les indemnités liées à la rupture du contrat de travail et à la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux ne sont pas intégrées à l’assiette, échappant ainsi aux cotisations sociales mais étant par ailleurs soumises à la CSG et à la CRDS.

Pour la majorité des employeurs concernés par la taxe sur les salaires et relevant du régime général de la sécurité sociale, les rémunérations imposables sont donc principalement :

– les salaires ou gains ;

– les indemnités de congés payés ;

– le montant des cotisations salariales ;

– les indemnités ;

– les primes et gratifications ;

– tous les autres avantages en argent et en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire ;

– les indemnités versées en cas de licenciement ou de mise à la retraite (à hauteur de la fraction de ces indemnités soumise à l’impôt sur le revenu).

Pour les employeurs de salariés agricoles, l’assiette de la taxe sur les salaires est évaluée selon les règles prévues par les articles L. 722-20, L. 751-1 et L. 741-10 du code rural. À l’exception des avantages en nature « nourriture » et « logement » et du régime des options de souscription ou d’achat d’actions, les règles définies pour le régime général de la sécurité sociale s’appliquent de la même manière pour la mutualité sociale agricole.

Le barème de la taxe n’a pas été modifié depuis plus de trente ans. Le taux en est fixé à 4,25 % pour la fraction de rémunérations individuelles annuelles inférieure à 7 604 euros, à 8,5 % pour la fraction comprise entre 7 604 euros et 15 185 euros et à 13,6 % pour la fraction excédant 15 185 euros. Afin d’atténuer son montant pour les employeurs dont le pourcentage d’imposition à la TVA est situé entre 80 % et 90 %, le pourcentage de taxe sur les salaires à retenir est échelonné linéairement entre 0 % et 20 %. Dans les départements d’outre-mer, le taux de 4,25 % est réduit et les taux majorés ne sont pas applicables. Les associations, fondations, syndicats professionnels et mutuelles bénéficient d’un abattement sur le montant de la taxe normalement due. Celle-ci n’est pas due lorsque son montant annuel n’excède pas 840 euros.

En outre, dans certains cas, les employeurs suivants sont autorisés à calculer leur pourcentage de non-imposition à la TVA sur la base du chiffre d’affaires existant l’année même du paiement des rémunérations :

– les entreprises nouvelles, pour la taxe sur les salaires due au titre de la première année d’activité ;

– les entreprises qui optent pour la TVA, pour la taxe sur les salaires due au titre de l’année au cours de laquelle l’option prend effet et pour l’année suivante ;

– les employeurs qui deviennent passibles de la TVA en cours d’activité, autrement que sur option, pour le calcul de la taxe due au titre de l’année où ils deviennent redevables de la TVA et l’année suivante ;

– les employeurs qui connaissent une variation importante d’une année à l’autre du rapport existant entre le chiffre d’affaires soumis à la TVA et le chiffre d’affaires total, sur demande adressée au directeur des services fiscaux.

Selon les données fournies par le tome I (Recettes) de l’évaluation des voies et moyens jointe au projet de loi de finances pour 2013, le produit de la taxe s’élève à 11,7 milliards d’euros en 2011, 11,9 milliards d’euros en 2012 et 12,1 milliards d’euros en 2013.

La répartition de ce produit est fixée par le 1° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale. Longtemps affecté à la compensation (« panier fiscal ») de l’exonération de la réduction générale de cotisations sociales (« Fillon »), il est désormais réparti entre la branche vieillesse, pour 59,03 %, la branche famille, pour 24,27 %, et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour 16,7 %.

2. Les modifications proposées au régime et à l’affectation de la taxe sur les salaires

Le présent article propose de modifier l’assiette, le taux et l’affectation de la taxe.

a) L’élargissement de l’assiette de la taxe

L’assiette de la taxe étant identique à celle des cotisations de sécurité sociale, elle n’inclut donc pas, à la différence de la CSG ou du forfait social, ces rémunérations complémentaires que sont l’intéressement, la participation et la prévoyance. Compte tenu de la forte croissance, au cours des dernières années, de ces modalités de rémunération par rapport aux rémunérations incluses dans l’assiette des cotisations sociales, tout particulièrement dans le secteur financier, l’assiette subit une érosion progressive.

Le 1° du I modifie donc l’article 231 du code général des impôts afin d’aligner l’assiette de la taxe sur les salaires sur celle de la CSG sur les revenus d’activité, par référence à l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale.

Le III prévoit que cet élargissement d’assiette portera sur les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013.

b) L’introduction d’une nouvelle tranche supérieure de taxation

Le 2° du I introduit, toujours à l’article 231 du code général des impôts, une nouvelle tranche supérieure pour le taux de la taxe : la fraction de rémunérations individuelles annuelles excédant 150 000 euros sera assujettie à un taux de 20 % (au lieu de 13,6 %). L’objectif est de faire contribuer au financement de la sécurité sociale les très hautes rémunérations, en particulier certains bonus versés par les établissements bancaires à leurs salariés opérateurs de marchés.

Le III prévoit que ce nouveau taux s’appliquera aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013.

c) La modification de la clef de répartition du produit de la taxe

Le produit de l’élargissement de l’assiette et de la hausse du taux de la taxe sur les salaires s’élève à 470 millions d’euros par an dès 2013, respectivement à hauteur de 380 millions d’euros et de 90 millions d’euros. Le II du présent article affecte ce produit à la branche famille au moyen d’une modification de la clef de répartition du produit de l’ensemble de la taxe entre ses trois affectataires actuels : la part de la branche famille passe donc de 24,27 % à 27,1 %, tandis que les parts respectives de la branche vieillesse et du FSV reculent de 59,03 % à 56,8 % et de 16,7 % à 16,1 %.

*

La Commission est saisie de deux amendements visant à supprimer l’article : l’amendement AS 34 de Mme Bérengère Poletti et l’amendement AS 55 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. L’intéressement, la participation et la prévoyance sont des rémunérations complémentaires pour les salariés. Si on les inclut dans l’assiette de la taxe sur les salaires, dans nombre de cas le taux applicable passera à 13,60 %. Cette mesure, cumulée avec la récente hausse du forfait social de 8 à 20 %, aboutira à une augmentation de 25,60 % de la taxation sur les salaires de plus de 15 185 euros par an. C’est du matraquage social !

La taxe sur les salaires s’applique, non aux seuls organismes financiers, mais aussi aux petites entreprises, aux agents et courtiers d’assurance, aux cabinets médicaux, aux vétérinaires, aux associations, aux établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) et aux services de soins infirmiers à domicile, où il n’y a pas de hautes rémunérations. Vous allez « tuer » les accords d’intéressement et les contrats de prévoyance, qui ne seront pas renouvelés !

Avec la création d’une tranche additionnelle à 20 % pour les rémunérations supérieures à 150 000 euros par an, l’augmentation atteindra 32 % : il est inconcevable de faire subir aux entreprises de telles charges, qui plus est sur des dispositifs louables, qui profitent aux salariés !

M. Bernard Accoyer. Je crois que le Gouvernement a mal évalué les conséquences de l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les salaires, qui s’en prend à des dispositifs jusqu’alors consensuels : la participation, l’intéressement, les plans d’épargne d’entreprise, l’actionnariat salarié. Ce changement de cap est préoccupant.

Quant aux rémunérations supérieures à 150 000 euros – bruts – par an, elles correspondent à des qualifications élevées, c’est-à-dire à des salariés jouant un rôle décisif dans l’entreprise. La mesure conduira soit à réduire leur performance, soit à externaliser ces emplois : ce ne seront plus des Français qui les occuperont. Le Gouvernement et la majorité devraient mieux évaluer les conséquences de l’article 13, qu’il serait raisonnable de supprimer.

M. Michel Issindou. N’oublions pas que notre objectif est de trouver des recettes pour la protection sociale. Sans remettre en cause le principe même de l’intéressement et de la participation, convenons qu’il s’agit souvent d’un salaire différé en l’absence d’une véritable politique salariale d’entreprise !

M. Bernard Accoyer. Mais non !

M. Michel Issindou. Si : cela permet de ne pas augmenter les salaires et d’échapper aux cotisations sociales !

Au départ, ces sommes étaient taxées à 2 %, mais vous avez fini par admettre qu’il fallait relever le taux – jusqu’à 8 %. Nous, nous estimons qu’il s’agit de salaires comme les autres, qui doivent être taxés comme tels.

M. Jean-Pierre Door. Il ne s’agit pas de salaires différés, mais de contrats de prévoyance signés à l’intérieur des entreprises, au bénéfice des salariés. Si vous augmentez la fiscalisation de ces contrats, l’employeur changera d’attitude à leur égard ; ce ne sont pas les entreprises, mais les salariés qui seront pénalisés. Ce que vous faites est grave !

M. Jean-Marc Germain. Il ne s’agit pas d’une mesure contre les entreprises. Nous n’avons rien contre l’intéressement et la participation, mais, pour nous, le cœur de la rémunération doit être le contrat de travail, qui seul permet de vivre et de se projeter dans l’avenir. Le salaire est principal, l’intéressement accessoire – et pas le contraire. Dans cette optique, nous souhaitons assurer la neutralité fiscale entre les revenus tirés de l’intéressement et de la participation et ceux tirés du salaire, afin que chacun contribue de manière égalitaire à la protection sociale, qui s’applique à tous. Nous en sommes encore loin !

Mme Véronique Louwagie. Le contrat d’intéressement n’est pas un salaire déguisé ! Il doit posséder un caractère aléatoire, sous peine d’être refusé par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRRECTE), au contrôle de laquelle il est soumis. L’entreprise ne supporte que des charges : ce sont les salariés qui profitent du dispositif. Il faut promouvoir ce type de contrat, qui assure le partage des richesses et renforce le lien entre l’entreprise et ses salariés. Une hausse de 32 % de la taxation aboutira à leur disparition et ce sont les salariés qui seront les perdants !

M. Michel Liebgott. Nous touchons là à une différence idéologique et sociale fondamentale entre la droite et la gauche. Le ministre Xavier Bertrand avait fait de l’intéressement et de la participation l’un des principaux axes de sa politique ; nous, nous souhaitons répartir au mieux les richesses de la Nation afin que chacun puisse trouver un emploi. Les lois que nous avons fait adopter entre 1997 et 2002 ont bien fonctionné, puisqu’elles ont permis de créer 2 millions d’emplois et de réduire de 1 million le nombre de chômeurs. Dans les années suivantes, vous avez préféré augmenter la rémunération des salariés qui avaient déjà un emploi, via des heures supplémentaires ou des procédures d’intéressement et de participation. Aujourd’hui, notre priorité est que chacun puisse trouver un emploi bien rémunéré.

Mme Isabelle Le Callennec. Le forfait social passant de 8 à 20 %, bien des chefs d’entreprise ont dû décider de geler l’intéressement et la participation. Augmenter sans cesse la taxation de l’épargne salariale finira par tuer ce dispositif qui est pourtant à double égard bénéfique pour notre économie. Outre l’avantage financier réel pour les salariés, il a en effet le mérite de susciter chez eux un attachement plus important à l’entreprise et un intérêt pour son devenir. Alors qu’on souhaite promouvoir le dialogue entre les partenaires sociaux, c’est non seulement dans le principe, mais également dans les faits qu’il faut soutenir ce dispositif.

M. Dominique Tian. L’article 13 concerne l’élargissement de l’assiette et le renforcement de la progressivité de la taxe sur les salaires. Or, les indemnités versées en cas de licenciement ou de mise à la retraite seront également concernées. Devant une mesure aussi « sociale » et aussi « populaire », j’appelle mes collègues de gauche à mesurer la gravité de leurs décisions.

Mme la présidente Catherine Lemorton. On s’écarte à nouveau du sujet.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mme Louwagie fait une erreur : pour les revenus de 15 000 à 150 000 euros par an, le taux restera inchangé à 13,6 % ; en revanche, à partir de 150 000 euros par an – salaires élevés qui concernent essentiellement les cadres bancaires de haut niveau – on propose de le monter à 20 %. Le barème de la taxe n’ayant pas été modifié depuis trente ans, il s’agit de renforcer sa progressivité en tenant compte de l’évolution des rémunérations dans ce secteur. Je suggère donc d’adopter cet article.

Mme Véronique Louwagie. Jusqu’à présent, dans la tranche de 15 185 à 150 000 euros par ans, l’intéressement n’était pas taxé ; désormais il le sera au taux de 13,6 %. Le forfait social passant de son côté de 8 % à 20 %, cet intéressement sera bien, au total, taxé à 25,6 %.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’article propose uniquement de passer de 13,6 % à 20 % pour les salaires supérieurs à 150 000 euros par an. Les mesures qui ont été prises par ailleurs concernant le forfait social sur l’intéressement sont hors propos.

La Commission rejette les amendements de suppression AS 34 et AS 55 de l’article.

Puis elle examine les amendements identiques AS 8 de M. Arnaud Robinet, AS 57 de M. Dominique Tian et AS 107 de M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Robinet. Comme vous le savez, les établissements de santé dont l’objet social est d’intérêt général connaissent depuis plusieurs années de fortes contraintes budgétaires en raison de l’écart constaté entre l’évolution mécanique de leurs charges et celle de leurs recettes. Ainsi est-il proposé d’exclure ces établissements de la mesure prévue.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les établissements sanitaires sociaux et médico-sociaux ne sont pas concernés par cette mesure, les salaires de plus de 150 000 euros par an y étant rares.

M. Arnaud Robinet. Pas dans les établissements privés.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Si les établissements privés offrent un intéressement de ce niveau, il serait normal qu’il soit aussi concerné.

Mme Martine Pinville. Ces établissements ont généralement le statut d’associations ou de sociétés, et doivent à ce titre respecter les règles fiscales en vigueur.

M. Arnaud Richard. Le rapporteur laisse entendre que la mesure est sans conséquences pour ces établissements ; l’étude d’impact qui accompagne le texte précise pourtant qu’un effet, même minime, est attendu. L’amendement est donc fondé.

M. Jean-Marc Germain. Les revenus supérieurs à 150 000 euros par an doivent être très rares dans ces établissements, et en tout état de cause, ne doivent pas être encouragés. Par ailleurs, il faut être cohérent : si l’intéressement et la participation sont liés aux résultats de l’entreprise, en quoi concernent-ils les établissements en difficulté ? Nous sommes devant un faux problème : soit un établissement est en bonne santé, il verse de l’intéressement et de la participation, et il n’y a alors pas de raison qu’il soit soumis à un régime dérogatoire ; soit il est en difficulté, et alors il n’en versera pas.

M. Bernard Accoyer. La vision de la société que vous avez, monsieur Germain, est celle où l’on coupe les têtes. Notre société a besoin de commerciaux, d’ingénieurs, de chercheurs qu’on se dispute au niveau international. Vous êtes convaincu qu’il faut niveler par le bas ; nous sommes convaincus du contraire : il faut regarder vers le haut, et ne partager les richesses qu’une fois qu’elles sont créées.

M. Jean-Marc Germain. Ma vision n’est pas celle que vous décrivez. J’ai simplement du mal à croire que le travail d’un homme puisse valoir plus de quinze fois celui d’un autre. Il s’agit non de nier tout écart de revenus, mais d’affirmer que ces écarts doivent rester décents. Dans les années 1960, il y avait des inégalités, mais chacun profitait de la croissance. Aujourd’hui, ses fruits sont captés par les milieux financiers qui ne représentent que 0,1 % de la population. Cet état de fait est inacceptable, et nous essayons de le corriger par une fiscalité qui aligne les revenus du capital sur ceux du travail, et par la création de nouvelles tranches d’impôt : celle de l’impôt pour le revenu pour les revenus supérieurs à un million d’euros par an, et celle de la taxe sur les salaires pour les rémunérations supérieures à 150 000 euros par an. On n’interdit pas ces revenus, mais on estime légitime que ceux qui les perçoivent contribuent au redressement de la Nation dont par ailleurs ils sont souvent responsables des difficultés.

Mme Véronique Louwagie. Un tiers des salariés n’ont aujourd’hui pas de mutuelle, et plus nombreux encore sont ceux qui ne bénéficient pas d’un contrat de prévoyance. En cas d’accident de travail ou d’invalidité, aucun complément de revenu ne leur est donc versé. Face à ces situations difficiles, il faudrait promouvoir la prévoyance, et non la taxer à hauteur de 25,6 %.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous nous éloignons de l’objet des amendements.

M. Michel Issindou. Nous sommes d’accord, monsieur Accoyer, pour promouvoir l’entreprise et la réussite de l’entrepreneur individuel. Mais vous avez, depuis dix ans, développé un système de niches sociales exorbitantes, exonérant de cotisations tantôt l’intéressement, tantôt la participation, tantôt les hauts revenus, pour aboutir à un déficit de la sécurité sociale de 160 milliards d’euros. On ne peut pas exonérer un revenu sous le seul prétexte que celui qui le perçoit produit de la richesse pour la France. C’est un principe : tout revenu doit être soumis à une cotisation sociale, chacun contribuant en proportion de ses facultés. Ces exonérations permanentes seraient acceptables si les comptes étaient équilibrés et la croissance importante ; mais pour redresser les comptes, il faut inverser la tendance.

M. Bernard Accoyer. En revenant sur certains plafonnements, vous remettez en cause tout le fonctionnement de notre économie. Si les 150 000 euros renvoient à une rémunération brute, le montant net sera d’au moins 20 % inférieur, ce qui correspond à un revenu – certes encore très élevé – d’environ 10 000 euros par mois. Les entreprises n’octroient un salaire aussi important que parce qu’elles ont besoin de collaborateurs capables d’assurer la survie et l’essor de l’entreprise dans un monde concurrentiel. Il faudrait en finir avec cette obsession de vouloir tout taxer, et surtout de vouloir limiter ceux qui, par leurs capacités, leurs compétences et leur mobilité, sont indispensables à leur pays.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle que nous ne sommes pas dans une discussion générale.

M. Dominique Tian. Un mot encore. On cherche à promouvoir les accords d’entreprise et de branche ; or, qu’arrivera-t-il des accords d’intéressement déjà conclus dont les chefs d’entreprise pensaient connaître le coût, si ce dernier change pour monter à 20 % ? Leur remise en cause sera préjudiciable aux salariés ; il ne s’agit donc pas d’entretenir des niches, mais de préserver le pouvoir d’achat. Avec cette mesure, vous allez provoquer la dénonciation de plus en plus d’accords de participation, comme cela s’est passé récemment dans une entreprise aéronautique. Ne parlez plus de négociations entre les chefs d’entreprise et les syndicats, si la loi défait ce qu’ils ont essayé de mettre en place ensemble.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je propose de rejeter ces amendements dont l’incidence – l’étude d’impact le montre – serait totalement marginale. Je rappelle également que les revenus complémentaires tels que l’intéressement et la participation, exonérés de cotisations, ont augmenté, ces dernières années, deux fois plus vite que les salaires. Il est donc normal, alors qu’on cherche à combler des déficits, de solliciter davantage ces revenus pour le financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, chers collègues de l’opposition, si le coût de la prévoyance complémentaire pris en charge par les entreprises est passé de 11,7 milliards d’euros en 2010 à 13,9 en 2013, c’est à cause de vos décisions. Lorsque vous avez plus que doublé les prélèvements et les taxes sur les organismes complémentaires, l’augmentation s’est reportée sur le prix des contrats et les charges en matière de prévoyance complémentaire des entreprises. Vous avez donc vous-même contribué à cette augmentation des charges des entreprises que vous voulez aujourd’hui limiter.

La Commission rejette les amendements AS 8, AS 57 et AS 107.

Elle examine ensuite l’amendement AS 56 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. L’élargissement de l’assiette de la taxe sur les salaires aux indemnités de rupture conventionnelle de contrat risque de remettre en cause ce dispositif qui représente pourtant une souplesse à la fois pour les salariés et pour les chefs d’entreprise.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 56.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 58 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. On a le sentiment que tout est fait pour décourager le travail, y compris celui de ceux qui sont les plus utiles à l’entreprise.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 58.

Puis, elle adopte l’article 13 sans modification.

Après l’article 13

La Commission examine l’amendement AS 13 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. L’article additionnel vise à exclure les établissements de santé de l’augmentation de la taxe sur les salaires que le Gouvernement veut mettre en place.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà qui me semble paradoxal. Dans l’exposé des motifs, Arnaud Robinet précise que les établissements de santé « connaissent depuis plusieurs années de fortes contraintes budgétaires ». Or, si le gouvernement précédent a fait subir à ces établissements ces contraintes budgétaires, c’était sans doute pour essayer de limiter le déficit de nos comptes sociaux. Et aujourd’hui, pour alléger les contraintes pesant sur ces établissements, vous proposez de diminuer les recettes de cette même protection sociale. Je propose le rejet de l’amendement.

La Commission rejette l’amendement AS 13.

Article 14

(art. L. 136-2, L. 136-5, L. 137-18 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale)


Réforme des prélèvements sociaux applicables aux carried interests

Le présent article vise à rendre plus conformes à la réalité de ces rémunérations les prélèvements sociaux sur les distributions et gains nets afférents à des parts de fonds communs de placement à risques, des actions de sociétés de capital-risque ou des droits représentatifs d’un placement financier et connus sous le nom de carried interests.

1. Le régime des carried interests

Afin de valoriser l’investissement personnel et le travail des salariés chargés de constituer des fonds communs de placement à risques (FCPR) et des sociétés de capital-risque, les conventions de mise en place de ces fonds ou sociétés prévoient que des parts ou actions leur sont versées. Ces parts ou actions constituent un bonus, complément de rémunération mais aussi incitation financière pour les salariés, en même temps qu’elles les lient en quelque sorte aux investisseurs des fonds, titulaires de parts ou actions dans les mêmes conditions.

La perception de cette rémunération complémentaire est conditionnée par l’obtention d’un taux minimal de retour sur investissement fixé à l’avance, généralement à hauteur de 8 %. À la différence des attributions gratuites d’actions et des stock-options, elle ne relève pas du code de commerce, mais elle peut être appréhendée de manière comparable, d’abord au stade de la souscription puis au moment où les parts ou actions sont réalisées, se traduisant alors par une plus-value éventuelle.

Les sommes ou valeurs auxquelles donnent droit ces parts ou actions ainsi que les plus-values réalisées lors de leur cession ou de leur rachat sont soumises à l’impôt sur le revenu suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers, soit un taux de 19 %. Sur ce point, l’article 15 de la loi de finances rectificative pour 2009 a confirmé la solution retenue par une circulaire de 2002 et en a également retenu le respect de certaines conditions pour bénéficier de ce régime, en particulier un pourcentage minimum d’investissement (1 %, mais avec la possibilité de pourcentages inférieurs, fixés par décret, pour certains types de fonds), une durée minimale entre l’émission et la distribution des parts ou actions (cinq ans) et une rémunération normale au titre du contrat de travail ou du contrat de mandat.

Mais pour les fonds communs de placement à risque créés à compter du 30 juin 2009 et pour les autres structures d’investissement de capital-risque européennes émises à compter de cette même date, lorsque ces conditions prévues pour l’application du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers ne sont pas respectées, ces distributions et gains sont imposables à l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. En pratique, les conditions étant le plus souvent respectées, cette disposition ne concerne toutefois que 1,5 % de ces opérations.

De même, au titre des contributions sociales, ces rémunérations sont soumises au régime des revenus du patrimoine et n’acquittent donc qu’un prélèvement social de 15,5 %, à la charge du bénéficiaire. Quand les conditions posées depuis 2009 pour bénéficier du régime applicable aux revenus du capital ne sont pas respectées, l’article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a complété par un volet social le volet fiscal introduit l’année précédente.

Une contribution sociale libératoire et forfaitaire a ainsi été instaurée, au taux de 30 %, à la charge du salarié, sur les distributions et gains nets afférents à des parts de fonds communs de placement à risques, des actions de sociétés de capital-risque ou des droits représentatifs d’un placement financier mentionnés à l’article 80 quindecies du code général des impôts (article L. 137-18 du code de la sécurité sociale). Aucune contribution ne pèse en revanche sur l’employeur, au stade de la souscription des parts ou actions.

2. Un prélèvement social plus juste

Les salariés de sociétés de gestion ont un contrat de travail ou sont titulaires d’un mandat social : à ce titre, ils perçoivent une rémunération qu’ils cumulent avec le mécanisme précédemment décrit, qui bénéficie de conditions très favorables tant à l’entrée qu’à la sortie.

On voit également que le carried interest s’apparente davantage à une rémunération à la performance qu’une plus-value ordinaire constituant un revenu du capital : il convient donc de considérer ces rémunérations comme un revenu du travail, du moins pour la part qui dépasse le montant attribué à l’ensemble des investisseurs et qui caractérise donc un élément distinct, résultant spécifiquement de l’activité du salarié.

Parallèlement à l’article 6 du projet de loi de finances pour 2013, qui prévoit l’imposition de la totalité des distributions et gains nets dans la catégorie des traitements et salaires, le présent article propose d’assimiler ces rémunérations à des rémunérations d’activité de nature non salariale et de les assujettir :

– pour le gestionnaire, à la CSG sur les revenus d’activité et à la CRDS, soit un taux de 8 % ;

– pour le fonds ou la société de gestion, au forfait social, soit un taux de 20 %.

Le 1° du I complète donc l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale afin d’inclure dans l’assiette de la CSG sur les revenus d’activité les distributions ou les gains nets afférents à des parts de fonds communs de placement à risque, des actions de sociétés de capital-risque ou des droits représentatifs d’un placement financier dans une entité, donnant lieu à des droits différents sur l’actif net ou les produits du fonds, de la société ou de l’entité et attribués en fonction de la qualité de la personne. Parallèlement, le 4° du I modifie l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale afin d’exclure expressément ces sommes de l’assiette des cotisations sociales.

De ce fait, les carried interests seront soumis au forfait social, qui s’applique de droit aux gains et rémunérations assujettis à la CSG mais exclus de l’assiette des cotisations sociales. À cet égard, afin d’éviter tout problème d’application du forfait social provenant de ce que la société de gestion employeur et le fonds d’investissement sont juridiquement séparés, le 3° du I précise dans l’article L. 317-15 du code de la sécurité sociale que cette contribution est à la charge de l’employeur ou de toute autre personne débitrice des sommes en cause.

Par ailleurs, le 5° du I supprime la contribution sociale forfaitaire et libératoire de 30 % prévue à l’article L. 137-18 du code de la sécurité sociale, qui ne se justifie plus compte tenu de l’application du droit commun à ces sommes.

Le b du 2°du I précise dans l’article L. 136-5 du même code que la CSG due sur ces revenus est établie, recouvrée et contrôlée, comme celle due sur les revenus de source étrangère, dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l’article L. 136-6, c’est-à-dire selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l’impôt sur le revenu.

Le a du 2° du I reformule ce même article L. 136-5 afin de tenir compte du fait que la CSG sur les revenus d’activité est en principe prélevée à la source, ce qui n’est pas possible pour les carried interests, dont le recouvrement est assuré selon les modalités de la CSG sur les revenus du patrimoine.

Enfin, le II prévoit que le nouveau régime s’applique aux sommes versées à compter du 1er janvier 2013.

Estimant à 400 millions d’euros l’assiette concernée, l’étude d’impact jointe au présent projet de loi évalue le rendement de cette mesure à 80 millions d’euros par an au titre du forfait social dès 2013 et, en raison du décalage de l’établissement de l’impôt sur le revenu, à 32 millions d’euros par an au titre de la CSG sur les revenus d’activité à compter de 2014.

*

La Commission examine l’amendement AS 35 de Mme Bérengère Poletti supprimant l’article 14.

Mme Véronique Louwagie. L’article 14 soumet les prestations complémentaires à la fois à la CSG et à la CRDS – qui représentent 7,5 % – et au forfait social de 20 %, la nouvelle contribution s’élevant au total à 27,5 %. Par ailleurs, il ne s’agit pas vraiment de revenus du travail, mais du capital, et qui profitent en plus à des entreprises innovantes, qui investissent et prennent des risques. La demande de suppression de cet article est ainsi motivée à la fois par le taux de prélèvement important qu’il instaure et par la nature des revenus qui y sont soumis.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces prélèvements s’apparentent à des clauses de retour à bonne fortune. Mais si bonne fortune il y a pour l’entreprise, les sociétaires ou les salariés, elle doit également profiter à nos finances sociales. C’est ce que vise l’article 14.

La Commission rejette l’amendement AS 35.

Puis elle adopte l’amendement de coordination AS 219 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 14 modifié.

Article 15

(art. L. 133-7 du code de la sécurité sociale)


Suppression de l’assiette forfaitaire pour les salariés
des particuliers employeurs

Le présent article vise à mettre fin à la possibilité, pour les particuliers employeurs, d’acquitter les cotisations sociales dues pour l’emploi de leur salarié sur une assiette forfaitaire, cette possibilité étant constitutive d’une niche sociale.

1. Le régime social et fiscal des services à la personne

Si la plupart des dispositifs d’exonération bénéficiant aux particuliers employeurs sont anciens, leur développement récent a répondu à un double objectif : inciter à la régularisation du travail non déclaré et encourager le secteur des services à la personne, considéré comme un important gisement d’emplois.

On dénombre ainsi trois dispositifs distincts dans le domaine social, qui se combinent à un régime fiscal spécifique.

a) Trois dispositifs d’exonération de cotisations sociales

L’un de ces dispositifs a une vocation générale, tandis que les deux autres sont destinés aux personnes dites « fragiles ».

● Une exonération à vocation générale

Afin d’assurer un meilleur respect des obligations déclaratives des employeurs mais aussi une meilleure solvabilisation des ménages souhaitant recourir aux services à la personne, la possibilité leur est ouverte, depuis un arrêté du 23 décembre 1968, de ne pas acquitter l’intégralité des cotisations et contributions sociales sur le salaire versé et d’opter en conséquence pour une assiette forfaitaire ramenée au montant du SMIC par heure de travail (article L. 133-7 du code de la sécurité sociale). Des assiettes forfaitaires dérogatoires sont en outre prévues dans les départements d’outre-mer : 76 % en Guadeloupe, Guyane et Martinique, 40 % à La Réunion.

Ce régime a été confirmé et codifié par une ordonnance du 18 décembre 2003, qui a également ouvert la faculté de cotiser sur l’assiette réelle. Cette possibilité a été encouragée entre 2006 et 2010, car alors assortie d’un abattement de 15 points des cotisations patronales, de telle sorte qu’en 2010, deux employeurs sur trois avaient choisi l’assiette réelle. En effet, cet avantage rendait la déclaration du salaire réel plus favorable pour l’employeur que l’assiette forfaitaire jusqu’à un salaire équivalent à environ 1,4 SMIC.

Sont dues sur l’assiette forfaitaire les cotisations de sécurité sociale, la CSG, la CRDS, la contribution solidarité autonomie, la contribution au Fonds national d’aide au logement (FNAL) ainsi que les cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire et d’assurance chômage.

Sont éligibles tous les particuliers employant un employé de maison ou un salarié affecté à l’une des activités de services à la personne effectuées à domicile énumérées à l’article D. 7231-1 du code du travail. Le choix de l’assiette forfaitaire doit faire l’objet d’un accord de l’employeur et du salarié, de telle sorte qu’à défaut d’accord, c’est l’assiette réelle qui est retenue. L’exonération peut être cumulée avec l’aide à domicile employée par un particulier fragile (cf. infra). En pratique, le cumul des deux dispositifs permet dans la plupart des cas une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale et le calcul et le paiement sur la base forfaitaire des cotisations et contributions salariales ainsi que des contributions patronales hors sécurité sociale.

Il est important de souligner que la minoration de l’assiette de calcul des cotisations et contributions a également des incidences pour le salarié : elle se traduit certes par une meilleure rémunération nette – et ce, à coût horaire équivalent pour l’employeur – mais elle entraîne du même coup une diminution de ses droits futurs à prestations, qu’il s’agisse des pensions de retraite de base et complémentaire, des indemnités journalières ou des allocations chômage.

La mesure bénéficie à 225 000 employeurs. S’agissant d’une exonération mise en place avant 1994, la perte de recettes qu’elle occasionne pour les régimes et organismes sociaux ne leur est pas compensée par l’État. Elle était évaluée entre 200 et 300 millions d’euros en 2010 et à 340 millions d’euros en 2011.

● Des exonérations en faveur des publics fragiles

Des exonérations de cotisations et contributions sociales sont par ailleurs spécifiquement destinées aux employeurs dits « fragiles » au sens de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale. Il s’agit des personnes âgées de 70 ans ou plus, des parents d’un enfant handicapé ouvrant droit au complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, des personnes titulaires de la prestation de compensation du handicap ou percevant une majoration pour tierce personne au titre d’une invalidité, des personnes âgées bénéficiant de l’ancienne prestation spécifique dépendance, des personnes remplissant la condition de perte d’autonomie requise pour prétendre à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), indépendamment de l’âge et des ressources (GIR 1 à 4), des personnes bénéficiaires de prestations d’aide-ménagère aux personnes âgées ou handicapées au titre de l’aide sociale légale ou conventionnée (GIR 5 et 6) et des familles en difficulté bénéficiaires de l’intervention d’un technicien de l’intervention sociale et familiale ou d’une auxiliaire de vie sociale.

– L’aide à domicile employée par un particulier fragile

Afin de favoriser le maintien à domicile, les particuliers employeurs fragiles bénéficient depuis 1948 d’une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale, à l’exclusion des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles, sans plafond de rémunération.

Restent dues, outre les cotisations accidents du travail et maladies professionnelles, les cotisations salariales de sécurité sociale, la CSG, la CRDS, la contribution solidarité autonomie, la contribution au FNAL ainsi que les cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire et d’assurance chômage.

Pour les personnes éligibles du seul chef de l’âge (au moins 70 ans), la franchise n’est applicable que dans la limite de 65 fois le SMIC horaire par mois, soit 611 euros. En ce cas, l’exonération est appliquée automatiquement, sans qu’il soit nécessaire pour les intéressés d’en faire la demande.

L’exonération est accordée au titre des employés de maison, quelles que soient la forme et la durée du contrat de travail. Elle n’est pas cumulable avec le complément de libre choix du mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant versé au titre de la garde à domicile.

La mesure bénéficie à 960 000 employeurs, pour un coût qui a évolué comme suit :

Coût de l’exonération de l’aide à domicile employée par un particulier fragile

(en millions d’euros)

2005

2008

2011

2012

2013

799

845

850

871

896

Sources : annexe 5 des PLFSS 2007, 2010, 2012 et 2013.

– L’aide à domicile employée par une association ou une entreprise auprès d’une personne fragile

Un dispositif d’exonération a été mis en place en 1993 en faveur des structures intervenant dans le domaine des services à la personne. Lorsque ces services sont assurés auprès d’une personne fragile par des salariés d’une structure déclarée, ils bénéficient d’une franchise (totale depuis 1999) de cotisations patronales de sécurité sociale, à l’exclusion des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles, sans plafond de rémunération, sur la partie de la rémunération versée au titre de l’activité effectuée auprès du public visé. Lorsque le salarié intervient auprès d’une personne âgée d’au moins 70 ans et non dépendante, cette franchise de cotisations est limitée à 65 fois le SMIC horaire par mois

Les employeurs doivent être des personnes morales de droit public ou privé déclarées (associations, entreprises, centres communaux et intercommunaux d’action sociale, organismes habilités au titre de l’aide sociale ou conventionnés avec un organisme de sécurité sociale, ...).

Restent dues les cotisations accidents du travail et maladies professionnelles, les cotisations salariales de sécurité sociale, la CSG, la CRDS, la contribution solidarité autonomie, la contribution au FNAL, le versement transport ainsi que les cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire et d’assurance chômage.

Les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale bénéficient pour leurs salariés, agents titulaires relevant du cadre d’emploi des agents sociaux et exerçant des fonctions d’aide à domicile auprès de personnes âgées ou dépendantes, d’une exonération totale de la cotisation d’assurance vieillesse due à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) fraction de la rémunération correspondant à ces fonctions.

Un même salarié peut ouvrir droit à cette exonération au titre de ses heures passées auprès de publics fragiles et à la réduction générale des cotisations patronales de sécurité sociale au titre de ses heures passées auprès d’un autre public.

Le dispositif concerne 240 000 personnes et bénéficie à 7 059 établissements déclarants, pour un coût qui a évolué comme suit :

Coût de l’exonération de l’aide à domicile employée par une association
ou une entreprise auprès d’une personne fragile

(en millions d’euros)

2005

2008

2011

2012

2013

438

638

751

805

852

Sources : annexe 5 des PLFSS 2007, 2010, 2012 et 2013.

b) Un avantage fiscal spécifique

Depuis 1991, les contribuables recourant, à titre privé dans leur résidence principale ou secondaire en France, aux services d’employés déclarés bénéficient d’un avantage fiscal, sous la forme d’un crédit d’impôt pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d’emplois depuis plus de trois mois et, dans les autres cas, d’une réduction d’impôt.

Les services éligibles à cet avantage peuvent être rendus soit par un salarié dont le contribuable est l’employeur direct, soit par une association, une entreprise ou un organisme déclaré rendant exclusivement des services à la personne, soit par un organisme habilité ou conventionné à but non lucratif ayant pour objet l’aide à domicile.

L’avantage est égal à 50 % du montant des dépenses effectivement supportées. Les dépenses retenues sont plafonnées à 12 000 euros, majorés de 1 500 euros par enfant à charge et par membre du foyer fiscal âgé de plus de 65 ans, sans pouvoir excéder au total 15 000 euros. Le plafond est porté à 20 000 euros pour les personnes invalides (ou ayant à leur charge une personne invalide).

Le coût de cette dépense fiscale pour le budget de l’État est évalué à près de 3,7 milliards d’euros en 2013.

2. Une mesure de justice et d’efficacité

Le présent article s’attache à corriger une double injustice.

D’une part, le salarié déclaré au forfait par son employeur est lésé : il acquitte certes moins de cotisations salariales sur cette assiette réduite au SMIC, mais il perd en même temps des droits à prestations.

L’étude d’impact jointe au présent projet de loi donne ainsi l’exemple d’un salarié né en 1960 et ayant effectué toute sa carrière dans les services à la personne, ayant été déclaré au forfait durant 20 ans et ayant atteint en 2022 la durée d’activité requise pour bénéficier d’une pension à taux plein. Pour un salaire de référence au niveau du SMIC, la pension est, par construction, identique à celle résultant d’une déclaration du salaire réel. Mais pour un salaire de référence de 1,1 SMIC, 1,5 SMIC et 2 SMIC la perte nette mensuelle de pension (de base et complémentaire) par rapport à un salarié déclaré au réel atteint respectivement 11,1 %, 18,3 % et 22,8 %. Cet écart est d’autant plus significatif qu’il est établi que le salaire moyen effectif des employés déclarés au forfait est supérieur à celui des employés déclarés au réel.

D’autre part, l’employeur qui déclare le salaire réel est paradoxalement désavantagé par rapport à celui qui déclare le seul SMIC ; non seulement le premier ne bénéficie plus d’abattement de cotisations patronales, mais le second fait subir une perte de recettes aux organismes sociaux.

Mais le présent article s’inscrit en même temps dans une démarche d’efficacité. Dans la mesure où la suppression de l’abattement de 15 points rend automatiquement plus attractif le recours à l’assiette forfaitaire, il paraît opportun de mettre fin au développement de cette évasion sociale légale, d’autant que celle-ci, malgré son coût, n’a pas fait la preuve de son efficacité : dans son rapport de juin 2011, le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales lui attribue en effet la note de 1, sur une échelle de 0 à 3.

Dès lors, la suppression de cette option exorbitante du droit commun accordée aux particuliers employeurs se justifie pleinement.

Le I supprime donc, dans l’article L. 133-7 du code de la sécurité sociale, la mention de l’assiette forfaitaire et de l’option avec l’assiette réelle, et procède à un aménagement rédactionnel de l’ensemble de cet article.

Le II précise que le nouveau régime s’appliquera aux cotisations et contributions sociales dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013.

L’étude d’impact consacre d’importants développements au chiffrage de cette mesure. En effet, le chiffrage proprement dit se fonde sur les 190 millions d’heures déclarées au forfait en 2010 et sur une rémunération moyenne réelle de 1,45 SMIC pour ces heures : le gain global pour le régime général, le régime complémentaire et l’assurance chômage s’élèverait à environ 500 millions d’euros.

Mais il est ensuite beaucoup plus difficile d’évaluer les incidences de la suppression de l’assiette forfaitaire sur les comportements des employeurs, qui auront le choix entre déclarer le salaire réel, mettre fin au contrat ou même ne pas déclarer, c’est-à-dire recourir au travail dissimulé. Or, on sait d’autant mieux que de tels phénomènes risquent de se produire qu’ils ont été observés lorsque l’abattement de 15 points a été supprimé.

Pour un salarié à 1,3 SMIC et 1,45 SMIC, l’augmentation de cotisation sera respectivement de 0,55 euro et de 1,04 euro par heure après prise en compte du crédit d’impôt. Le Gouvernement estime toutefois que le crédit d’impôt demeure une incitation suffisamment puissante à déclarer et que, dès lors, l’érosion par rapport à l’économie qu’on peut attendre mécaniquement de la suppression de l’assiette forfaitaire ne sera que de 5 %. Dans ces conditions, le rendement de cette mesure serait de 475 millions d’euros, dont 340 millions d’euros au profit du régime général.

En revanche, l’État devrait perdre 200 millions d’euros par an à compter de 2014 : en effet, les montants déclarés étant plus élevés, les sommes éligibles au crédit d’impôt seront plus importantes et, même si, par le jeu du plafonnement, la répercussion n’est pas intégrale, elles se traduiront nécessairement par une dépense fiscale supérieure.

Dans le même ordre d’idées, la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ouvre droit à la prise en charge par la branche famille, au bénéfice des particuliers employeurs, de 50 % des cotisations sociales dans le cadre de la garde à domicile des enfants de moins de 6 ans. Cette prise en charge est limitée à 425 euros par mois pour les enfants de moins de 3 ans et à 213 euros par mois pour ceux de moins de 6 ans. Elle est accordée indifféremment de l’option exercée par le particulier employeur au profit du salaire réel ou de l’assiette forfaitaire. Le coût pour la branche famille se monterait à près de 200 millions d’euros en 2013 (contre 177 millions d’euros en 2010).

Même si elle minoritaire parmi les modes de garde des enfants, la part de cette activité dans l’ensemble des services à la personne est d’environ 10 %. La suppression de l’assiette forfaitaire augmentera mécaniquement le niveau de la prise en charge des cotisations des employeurs d’une garde à domicile, mais l’étude d’impact estime que cet effet sera marginal en raison du plafond de prise en charge et de l’effectif relativement peu élevé de personnes concernées.

*

La Commission examine les amendements AS 36 de Mme Bérengère Poletti et AS 59 de M. Dominique Tian portant suppression de l’article.

M. Bernard Perrut. L’article 15 supprime l’assiette forfaitaire pour les salariés des particuliers entrepreneurs, qui répondait pourtant à un double objectif : inciter à la régularisation du travail non déclaré et encourager le secteur des services à la personne qui représente 1,7 million d’emplois. Si cet article est adopté, la France pourra connaître un plan social d’ampleur avec la destruction de plus de 85 000, voire 100 000 emplois, et la disparition de certaines entreprises. Vous-même, monsieur le rapporteur, partagez cette inquiétude, notant dans le commentaire des articles qu’il est « difficile d’évaluer les incidences de la suppression de l’assiette forfaitaire sur les comportements des employeurs, qui auront le choix entre déclarer le salaire réel, mettre fin au contrat ou même ne pas déclarer, c’est-à-dire recourir au travail dissimulé ».

Le projet de loi méconnaît la limite contributive de la grande majorité des Français ; un récent sondage Ifop montre ainsi que le prix moyen d’une heure de service à domicile augmentant de 20 %, seuls 14 % des Français conserveront leur niveau de recours aux services. Les entreprises mandataires ne pourront pas non plus amortir ce renchérissement du coût, sous peine de ne plus être concurrentielles ; c’est donc l’offre illégale de travail à domicile qui se développera.

Nous sommes également en désaccord sur les chiffres : en évoquant 475 millions de ressources supplémentaires, vous ignorez la baisse du nombre de salariés concernés.

Nous sommes inquiets, et nos concitoyens également, comme le montrent les messages que nous recevons dans nos circonscriptions. Pour revenir sur cette disposition, vous invoquez la justice et l’efficacité ; mais lorsqu’il y a trois millions de chômeurs dans le pays, l’efficacité exige plutôt de soutenir l’emploi.

M. Jean-Pierre Door. L’article 15 est regrettable : grâce à un ancien ministre, M. Jean-Louis Borloo, les services à la personne – auxquels recourent aussi bien les particuliers employeurs que les associations – ont connu un essor important dans toutes nos petites villes au profit des personnes âgées, handicapées et seules – les personnes âgées s’étant en outre vu accorder des aides.

Or, cet article augmente le prix moyen d’une heure de service à domicile d’au moins 20 %, empêchant ainsi certaines personnes d’y recourir, contrairement au principe de solidarité que prétend promouvoir un projet de loi qui se dit « juste ». D’ici la fin de l’année, les députés de la majorité seront saisis par les associations de personnes âgées : lorsqu’on leur annoncera cette augmentation de 20 %, je vous laisse deviner leur réaction.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous avons déjà enregistré de vives réactions dans nos circonscriptions : le dispositif présente en effet un risque réel de voir supprimer des contrats de personnes travaillant à domicile, diminuer le nombre d’heures travaillées et s’accroître le travail dissimulé. C’est pourquoi, si l’article 15 a pour objet d’augmenter les recettes de la sécurité sociale, ne va-t-il pas au contraire les faire diminuer ? Qui plus est, les particuliers employeurs ne sont pas uniquement des personnes aisées : les classes moyennes y font également appel.

M. Michel Liebgott. Il n’est pas question de remettre en cause des interventions créatrices d’emploi. Pour trois heures de ménage hebdomadaires, la différence ne dépassera pas 7,15 euros par mois. Cela ne menace en rien les publics susceptibles de faire appel aux services à la personne.

Comme vous le faites souvent, vous essayez d’opposer les employeurs aux bénéficiaires du dispositif. Pourquoi faudrait-il systématiquement choyer les employeurs, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, sans prendre en considération la protection sociale des salariés qu’ils emploient ?

La mesure est équilibrée. Si l’on avait, dès le départ, fondé les cotisations sur une assiette non pas forfaitaire mais réelle, ces emplois à domicile se seraient également développés ; rien ne prouve, par conséquent, que le dispositif disparaîtra à la suite de la réforme proposée. Enfin, les autres avantages applicables sont maintenus, en particulier les réductions d’impôt en vigueur – non négligeables même si le projet de loi de finances en prévoit le plafonnement à 10 000 euros.

M. Bernard Accoyer. Cette disposition aura les mêmes effets que la suppression de la défiscalisation et des exonérations de charges sur les heures supplémentaires : tous les députés, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, ont pu juger des effets dévastateurs de cette suppression pour les salariés eux-mêmes. Et je m’étonne que la majorité propose une telle mesure alors que c’est elle qui fut à l’origine du chèque emploi service universel (CESU), véritable réussite ayant indiscutablement permis de déclarer des emplois souvent non déclarés auparavant.

Contrairement à ce qui vient d’être dit, la mise en œuvre de l’article 15 entraînera une hausse du coût du travail comprise entre 10 et 50 % des charges sociales acquittées mensuellement par les particuliers ou associations employeurs, et, par conséquent, une diminution du nombre d’heures travaillées et du nombre de salariés employés ainsi qu’une augmentation du travail non déclaré. Surtout, il aura un effet dévastateur, une fois cumulé avec le plafonnement des niches fiscales. C’est donc bien davantage qu’un ménage sur dix qui sera touché par ces hausses.

De surcroît, les femmes, à qui ces services permettent de faire garder leurs enfants et donc de bénéficier de la liberté suffisante pour exercer leur activité professionnelle, vont voir cette liberté fondamentale remise en cause – ce qui est paradoxal puisque nous partageons tous le souhait de leur offrir les meilleures conditions possibles pour le faire.

Enfin, beaucoup de personnes âgées seront touchées de plein fouet par cet article alors qu’elles ne bénéficient pas toutes d’une retraite importante.

Pour toutes ces raisons, la majorité ferait mieux de reconsidérer cette mesure.

Mme Geneviève Levy. La suppression du forfait, en 1985, avait abouti à une chute considérable des emplois et des heures travaillées. Il avait donc ensuite fallu le rétablir. Si on le supprimait à nouveau, le particulier employeur, aux revenus souvent modestes, deviendrait le seul employeur de France à ne bénéficier d’aucun allégement de charges associé à son statut.

M. Denis Jacquat. Les réactions à cet article sont extrêmement vives. En effet, la conjugaison de celui-ci avec le plafonnement des niches fiscales par le projet de loi de finances entraînera de toute évidence une diminution de ces emplois non délocalisables ainsi qu’une recrudescence du travail dissimulé.

M. Arnaud Robinet. Le Gouvernement a-t-il bien calculé l’impact de la mesure ? Il espère faire économiser à l’État 300 millions d’euros par an. Or, selon certaines études indépendantes, la suppression du forfait détruirait à court terme 85 000 emplois, soit l’un des plus grands plans sociaux jamais connus, et coûterait 350 millions d’euros à l’État, du fait de la baisse d’activité salariale.

M. Christian Paul. Vous avez bien assimilé vos « éléments de langage » !

M. Arnaud Robinet. En outre, en invoquant la justice sociale, la majorité considère les retraités comme des riches qu’elle va taxer de plus en plus, comme le montre d’autre part l’augmentation de la CSG. Les personnes âgées sont les premiers employeurs de services à domicile, dont le coût horaire va augmenter d’environ 2 euros. La justice sociale n’est donc pas définie de la même manière par la majorité et par l’opposition !

M. Christian Paul. Là, vous avez raison !

M. Jean-Marc Germain. Nous nous étranglons un peu en vous entendant défendre la justice sociale ! Qui plus est, le dispositif ne concerne pas les personnes âgées dépendantes !

Bien que le système du forfait existe depuis longtemps, chacun convient de son imperfection : en effet, aider un secteur à émerger en pénalisant les droits sociaux de salariés précaires n’est satisfaisant pour personne. Pour des raisons financières, l’exonération de 15 % qui avait été mise en place afin d’inciter les employeurs à déclarer sur une assiette réelle a été supprimée il y a deux ans par le Gouvernement précédent.

Avec l’amendement AS 234, nous proposerons un compromis, en rétablissant une exonération de 8 % de cotisations sociales pour les employeurs. J’associe Christian Eckert et Valérie Rabault à cet amendement car ils en déposeront un complémentaire, qui permet de compenser cette exonération dans le cadre du projet de loi de finances, afin de diminuer de 50 à 45 % le crédit d’impôt pour les contribuables dont le revenu est supérieur à 50 000 euros par an.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les préoccupations exprimées par nos collègues de l’opposition étant prises en compte dans l’amendement AS 234 qui suit, je propose donc le rejet de leur amendement de suppression.

M. Dominique Tian. À la page 75 de l’étude d’impact, on lit que la mesure devrait permettre une économie d’environ 340 millions d’euros mais que « la perte de recettes pour l’État pourrait atteindre 200 millions d’euros ». Bien qu’affectant environ un million d’employeurs, elle ne permettra donc aucune économie mais fera augmenter le travail au noir tout en gênant les centres communaux d’action sociale et les associations.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous confondez budget de l’État et finances sociales : cette perte de recettes pour l’État est en effet due à la hausse attendue des montants déclarés et, par conséquent, à une augmentation des sommes éligibles au crédit d’impôt dont bénéficient les contribuables exerçant une activité professionnelle.

La Commission rejette les amendements AS 36 et 59.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS 234 du rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Comme je l’indiquais, cet amendement vise à tenir compte d’un certain nombre de préoccupations suscitées par cet article.

M. Jean-Marc Germain. Il institue une exonération de 8 % sur les cotisations sociales. La perte de recettes qu’il induit sera compensée par une augmentation des droits sur le tabac dans le cadre de ce projet de loi de financement et sera financée, dans le projet de loi de finances, par un aménagement du crédit d’impôt – diminué de 50 à 45 % pour les contribuables dont le revenu dépasse 50 000 euros par an.

M. Jean-Pierre Door. En somme, c’est un mea culpa. Nous aurions préféré la suppression de l’article, mais une exonération de 8 % n’est pas négligeable.

La Commission adopte l’amendement AS 234.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 220 du rapporteur.

Puis, elle examine les amendements AS 60 à AS 63 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. L’exposé des motifs de l’article 15 du projet dispose que « les ménages ayant des besoins importants d’aide à domicile (personnes âgées, personnes dépendantes et en situation de handicap, familles avec enfants en bas âge) bénéficient d’autres dispositifs d’aide ». Il peut notamment s’agir d’aides départementales. Or, ces dispositifs varient beaucoup d’un département à un autre. En outre, la définition figurant dans cet exposé des motifs est insuffisamment précise. C’est pourquoi nous proposons diverses exemptions.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces amendements visent à exonérer tour à tour les personnes âgées de plus de 80 ans, les parents d’enfants âgés de 10 ans – mais pourquoi ce seul âge de 10 ans ? –, les structures de musique à domicile et les particuliers employeurs recourant au soutien scolaire.

Mais lorsque l’employeur opte pour le régime du forfait, indépendamment du niveau de salaire versé, le salarié se voit privé de certains droits à prestations : ainsi que le précise l’étude d’impact, page 73, selon que l’employeur aura déclaré au réel ou au forfait, la différence de montant de pension nette mensuelle d’une personne dont le salaire de référence s’élève à deux fois le SMIC sera de 459 euros. L’article 15 vise donc également à protéger les droits à pension du salarié et sans doute aussi ses droits à indemnités journalières en cas d’arrêt maladie. C’est pourquoi je propose le rejet des amendements AS 60 à AS 63.

M. Michel Issindou. Il est toujours regrettable de regrouper les contribuables par tranche d’âge au lieu de le faire par tranche de revenus. Toutes les personnes âgées de plus de 80 ans n’ont pas nécessairement des revenus modestes.

Mme Isabelle Le Callennec. Certains particuliers employeurs ayant opté pour le forfait rémunèrent actuellement leurs salariés au-delà du SMIC. La remise en cause de ce régime risque de les inciter à ne plus les rémunérer qu’au niveau du SMIC, voire à diminuer le nombre d’heures d’emploi.

En outre, la rémunération varie d’une région à une autre : par exemple, une femme de ménage est sans doute mieux rémunérée en Île-de-France qu’en Bretagne.

M. Dominique Tian. L’important, c’est que le choix du forfait résulte d’un accord entre l’employeur et l’employé.

M. Bernard Accoyer. J’espère encore convaincre la majorité de ne pas adopter l’article. Certes, il permet d’un côté d’espérer une amélioration des recettes de la sécurité sociale, mais de l’autre, il conduit à réduire celles de l’État. De plus, après l’adoption de l’amendement AS 234, le texte prévoit un abattement de 8 points sur les cotisations versées par certains employeurs. C’est une véritable usine à gaz ! Il faudra changer les logiciels et recruter du personnel rien que pour faire fonctionner le dispositif. Pourquoi remettre en cause ce qui fonctionne ? Vous donnez vraiment des verges pour vous faire battre.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le salaire peut être beaucoup plus élevé que 12 ou 13 euros de l’heure. Dans ce cas, le calcul des charges sociales à partir du SMIC entraîne pour le salarié concerné une réduction considérable de ses droits à la retraite. Vous ne pouvez donc pas nier que cette disposition soit conforme à la justice. Quant à son efficacité, nous l’avons renforcée en adoptant l’amendement qui introduit un abattement de 8 points sur les cotisations patronales.

Je rappelle que les charges sociales versées par les particuliers employeurs avaient fait l’objet d’une première réforme, soutenue par nos collègues de l’actuelle opposition. Elle consistait à supprimer l’abattement de 15 % qui était alors appliqué sur ces charges, quelle que soit leur assiette, forfait ou frais réels. Il eût été préférable de supprimer le forfait tout en conservant l’abattement : de cette façon, les salariés n’auraient pas été pénalisés.

La Commission rejette successivement les quatre amendements AS 60 à AS 63.

Puis elle examine l’amendement AS 64 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. Je propose un rapport pour faire le point dans un an. Compte tenu des nombreuses interrogations que suscite cette mesure, il serait souhaitable d’en mesurer l’impact en aval de son adoption. Nous verrons alors qui avait raison ou tort.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le débat sur cet article a permis d’identifier un certain nombre de préoccupations qui nous sont communes. Je suis donc favorable à ce qu’une nouvelle étude nous informe, dans un an, sur ses conséquences.

La Commission adopte l’amendement AS 64.

Elle adopte ensuite l’article 15 modifié.

Après l’article 15

La Commission est saisie de l’amendement AS 42 de Mme Bérengère Poletti, portant article additionnel après l’article 15.

M. Jean-Pierre Door. Je ne doute pas que notre rapporteur acceptera cet amendement destiné à apporter une bouffée d’oxygène aux zones manquant de médecins. Il s’agit de favoriser dans ces territoires l’exercice des médecins retraités, dont le nombre s’élève aujourd’hui à plus de 10 000.

À 65 ou 70 ans, beaucoup d’entre eux sont encore tout à fait capables d’exercer et peuvent faire des vacations, des remplacements, voire participer à des consultations avancées ou donner des consultations dans des hôpitaux locaux ou des maisons de retraite, à raison de quelques journées ou demi-journées par semaine. L’objet de l’amendement est de les exonérer alors d’une partie des cotisations à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF). En effet, dès lors qu’ils sont déjà à la retraite, ces cotisations ne sont pas créatrices de droits supplémentaires. Bien entendu, le régime fiscal applicable aux honoraires resterait inchangé. Cette exonération permettrait de trouver, j’en suis certain, bon nombre de praticiens disposés à continuer d’exercer à temps partiel.

M. Rémi Delatte. L’inégalité de l’accès aux soins en raison du manque de personnel médical frappe tout particulièrement les zones rurales et les zones urbaines sensibles. L’exercice de professionnels retraités est une aubaine pour ces territoires. Il faut les encourager et non les dissuader. Dans les zones sous-dotées, on le sait, les mesures coercitives ne donnent aucun résultat. Or l’exonération proposée serait à la fois juste et incitative.

M. Bernard Accoyer. La crise de la démographie médicale constitue, nous en sommes tous d’accord, un problème grave, qui tient à plusieurs facteurs : le départ à la retraite des générations du baby boom, les effets du numerus clausus, les changements sociologiques qui font naître parmi les jeunes générations de médecins des aspirations nouvelles. La question se pose de façon particulièrement aiguë en ce qui concerne les généralistes, qui font cruellement défaut dans certaines zones urbaines et rurales, mais aussi pour certaines spécialités – gynécologie-obstétrique, ophtalmologie, urologie...

D’autre part, la retraite des médecins libéraux est souvent relativement modeste. La retraite complémentaire ASV (allocation supplémentaire vieillesse), qui représente un peu plus d’un tiers des montants versés, est en train de fondre comme neige au soleil. Les engagements pris n’ayant pas été tenus, ce qui était au départ un régime par capitalisation est devenu au fil du temps un régime par répartition qui peine à faire face à ses besoins de financement.

Notre Commission doit remédier dans la mesure du possible à ces deux situations et encourager l’exercice des praticiens retraités en les exonérant d’une partie des cotisations de retraite lorsqu’ils acceptent de poursuivre leur activité.

M. Denis Jacquat. Cet amendement apporte une solution partielle au problème de la pénurie de médecins qui affecte beaucoup de zones rurales et de zones urbaines sensibles. Certains médecins retraités souhaiteraient travailler « à la carte » une ou deux journées par semaine et sont prêts à le faire dans ces territoires, mais les cotisations de retraite sont très élevées. L’exonération partielle prévue par l’amendement serait un premier pas pour remédier à une pénurie qu’aggraveront encore les très nombreux départs à la retraite des prochaines années. Elle ne coûterait rien à l’État, puisque les praticiens qu’elle ramènera vers un exercice partiel ne travaillent pas actuellement ; elle rapporterait même un peu d’argent, puisque les cotisations seraient en partie recouvrées.

Bref, cet excellent amendement mérite un vote unanime de notre Commission.

M. Arnaud Robinet. La mesure proposée est d’abord pragmatique dans la mesure où elle vise à faire reculer les déserts médicaux que sont devenus de nombreux territoires et, par exemple, dans ma région, les départements des Ardennes et de la Haute-Marne.

Cela dit, nous devons porter notre réflexion plus loin et donner un véritable statut juridique aux médecins retraités actifs. Pourquoi ne pas recourir au statut d’auto-entrepreneur, de travailleur indépendant ou encore à un statut de salarié ? Mais on pourrait aussi bien, après avoir auditionné les syndicats de médecins libéraux, envisager une contractualisation entre le médecin retraité actif et l’agence régionale de santé. On relèverait ainsi en partie le défi posé par la désertification médicale.

Mme Jacqueline Fraysse. Combien de médecins la mesure peut-elle concerner ? Quels sont les montants en jeu ? Et comment se fait-il que la droite, qui n’a pas adopté cette disposition auparavant, se réveille brusquement – sans pour autant nous fournir de chiffres précis ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement aurait pu être adopté il y a quelques années, en effet !

J’ai du mal à suivre le raisonnement selon lequel la mesure rapporterait de l’argent alors qu’elle entraînera une baisse des cotisations à la CARMF…

M. Jean-Pierre Door. Si des médecins retraités se remettent au travail, ils paieront des cotisations.

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’entends bien mais, sur les 10 578 médecins retraités âgés de 65 à 70 ans, plusieurs milliers participent déjà à l’offre de soins.

M. Denis Jacquat. Il y en aurait davantage grâce à cette exonération.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne nie pas que vous posiez un problème réel, mais je ne suis pas en situation d’accepter votre amendement ce soir. Cela étant, je propose que vous le redéposiez en vue du débat en séance publique et, dans l’intervalle, j’interrogerai la ministre à ce sujet afin qu’elle se détermine. Une mesure ayant l’agrément du Gouvernement serait en effet la bienvenue : j’ai entendu à plusieurs reprises des représentants de syndicats médicaux soulever la question.

M. Christian Paul. Je ne suis pas surpris que la majorité précédente n’ait pas adopté un tel dispositif au cours des cinq dernières années. Elle a en effet perdu beaucoup de temps en matière de lutte contre les déserts médicaux. Nous avons consacré au sujet de longues heures de discussion en commission et plusieurs missions d’information, mais la loi « HPST » n’a pas apporté le moindre début de solution concrète.

M. Rémi Delatte. Mais si !

M. Christian Paul. Vous me présenterez alors les médecins implantés dans les zones déficitaires de la Côte-d’Or grâce à cette loi ! Pour ma part, je n’en ai encore croisé aucun.

Cela dit, nous cherchons tous des solutions. Le problème ne tient pas tant au nombre de médecins en France qu’à leur très mauvaise répartition sur l’ensemble du territoire. La liberté d’installation poussée à l’extrême a provoqué une crise de la démographie médicale qui touche la moitié du territoire français, villes comme campagnes, et qui affecte aussi bien l’exercice libéral que l’exercice salarié. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comprend donc plusieurs outils pour lutter contre ce phénomène et la majorité déposera des amendements pour enrichir encore cet arsenal.

Pour en revenir à l’amendement AS 42, nous approuvons l’idée de soumettre la mesure au Gouvernement. Nous remarquons toutefois que la question des exonérations de cotisations sociales se pose chaque fois qu’il y a cumul emploi-retraite. Je ne suis pas sûr que ces exonérations doivent aller en priorité à l’exercice des médecins retraités. Il existe d’autres moyens, comme les solutions conventionnelles ou les surrémunérations, pour les inciter à exercer dans les zones déficitaires. Nous sommes donc quelque peu réservés sur cette proposition. Nous souhaitons refonder avec le Gouvernement la politique d’incitation qui jusqu’à présent a échoué. Les incitations financières dont vous en êtes les zélateurs ne suffisent pas. Notre objectif est donc d’élargir la gamme d’outils mis à la disposition des territoires et des professionnels qui souhaitent s’y installer.

Pour résumer, nous accueillons cet amendement avec une grande réserve sans pour autant le condamner sans appel. On peut essayer d’en évaluer l’efficacité dans les prochains jours mais, pour l’instant, la démonstration n’est pas faite.

M. Denis Jacquat. La liberté d’installation est un des facteurs qui incitent les étudiants à s’engager dans des études de médecine. Si on la supprimait, beaucoup renonceraient à suivre cette voie. Il est vrai qu’il existe des zones surdotées et des zones sous-dotées mais, s’il existait une solution miracle, elle serait déjà appliquée ! L’incitation que nous proposons fait seulement partie des moyens à déployer à court terme pour remédier à une pénurie qui est en train de s’aggraver rapidement.

Je ferai d’autre part observer qu’une personne bénéficiant d’une retraite à taux plein qu’elle cumule avec un emploi paie des cotisations à taux plein à raison de ce travail sans pouvoir prétendre à des prestations supplémentaires à ce titre.

Enfin, pourquoi appartiendrait-il au Gouvernement de trancher ? Notre Commission est chargée d’étudier les mesures proposées. Il lui est arrivé à maintes reprises d’affirmer ses choix face au Gouvernement. Ce n’est pas à ce dernier de nous dire ce que nous devons faire.

M. Michel Issindou. Je doute que l’exonération de cotisations constitue un véritable moteur pour les médecins retraités visés par l’amendement. Si l’on reprend le travail après l’âge de 65 ans, ce n’est pas forcément pour l’argent : c’est parce que l’on en a envie ou parce que l’on souhaite rendre service. L’attrait d’une telle exonération doit être relativisé !

Certes, la cotisation versée par le retraité ne lui sert à rien puisqu’elle ne lui procure aucun droit supplémentaire. Mais si l’on octroie une exonération aux médecins exerçant dans les déserts médicaux, pourquoi ne pas l’accorder aussi aux couvreurs dans les zones où les effectifs de cette profession sont insuffisants ? Tous les métiers en déficit ou en pénurie de professionnels pourront prétendre à une telle mesure.

Je pense donc que cette dérogation, qui du reste ne serait guère incitative, n’a pas lieu d’être.

M. Jean-Pierre Door. Je m’explique mal la frilosité de la majorité sur un sujet qui appelle des solutions pragmatiques. Nous aurons l’occasion de revenir sur la démographie médicale dans d’autres débats. Ce que nous proposons ici, c’est une solution partielle et immédiate. Aujourd’hui, quelque 2 000 à 2 500 médecins retraités ont accepté de travailler dans certaines zones mais la CARMF évalue la population susceptible d’être mobilisée à plus de 10 000 praticiens. Si ces derniers souhaitent exercer quelques demi-journées par semaine ou par mois, il faut leur en donner la possibilité. Sans l’exonération de charges de retraite qui ne leur ouvrent plus droit à prestations, ils risquent de ne pas se décider, d’autant que le revenu supplémentaire qu’ils tireront de leur activité sera imposable.

En outre, les retraites versées par la CARMF se réduisent de plus en plus. Le régime ASV des médecins, comme celui des chirurgiens-dentistes, est en difficulté. Les médecins seront donc volontaires si on leur propose une petite activité supplémentaire tant que leur condition physique et intellectuelle le leur permet.

Pourquoi ne pas tenter l’essai, monsieur le rapporteur ? Il sera toujours temps ensuite d’évaluer les effets de cette mesure.

M. Gérard Sebaoun. Alors que les situations sont diverses, la mesure paraît bien univoque ! Les médecins arrivant à 65 ans après avoir eu une importante activité de généraliste, par exemple, prennent souvent du recul. Lorsqu’ils continuent une activité, c’est sur un tout petit pied : quelques vacations dans le centre médical ou dans l’hôpital où ils ont longtemps exercé, pour garder le contact avec leurs collègues mais certainement pas pour bénéficier d’une réduction de leur cotisation ! D’autres, praticiens libéraux, peuvent agir de même pour des raisons financières, mais il est peu probable alors qu’ils soient tentés d’aller dans des zones manquant de médecins. Enfin, les médecins exerçant dans des zones très tendues sont plutôt enclins à s’arrêter définitivement, par lassitude – sans d’ailleurs toujours trouver un successeur.

Il existe donc plusieurs cas de figure. Votre amendement, louable dans son intention, ne correspond pas à la diversité des pratiques des médecins libéraux arrivés à l’âge de la retraite.

Mme Véronique Louwagie. Nous souhaitons tous enrichir une palette de dispositions qui ne peuvent être que complémentaires les unes des autres. Les collectivités territoriales, communes et communautés de communes, se sont saisies les premières du problème en créant des pôles de santé et des maisons de santé. Beaucoup de départements et de régions accordent des bourses aux étudiants en médecine pour les inciter à rester sur place. Le gouvernement précédent avait quant à lui adopté des mesures d’exonération fiscale pour faciliter l’organisation des astreintes et pour favoriser l’installation sur certains territoires. Il faut tout essayer ! Au surplus, la mesure proposée peut faciliter le passage de relais entre les médecins retraités et les jeunes médecins qui s’installent dans les pôles de santé et cela sans rien coûter : elle procurera même des recettes supplémentaires !

M. Denys Robiliard. Je partage l’avis du rapporteur. Nous ne disposons pas des informations nécessaires pour nous prononcer ce soir. Un certain nombre de médecins retraités poursuivent aujourd’hui une activité partielle pour laquelle ils paient des cotisations, mais il nous faudrait savoir combien d’autres seraient susceptibles de les imiter, afin d’évaluer la perte de recettes que subirait le régime vieillesse du fait de cette exonération.

Pour ma part, je ne pense pas que la perspective de devoir cotiser à un régime de retraite arrêtera un médecin ayant envie – par sens du devoir, souvent – de continuer à exercer.

Lors de la séance de questions au Gouvernement de cet après-midi, certains orateurs ont dénoncé les discordances supposées entre les propos d’un député et la position d’un ministre. Que la majorité parlementaire veuille au contraire discuter et se coordonner avec le Gouvernement ne se résume pas à un acte de soumission : ce n’est qu’une procédure normale. Vous ne pouvez pas à la fois nous reprocher de tenir parfois un discours différent de celui du Gouvernement et nous demander de voter sans discuter préalablement avec ce dernier.

En l’état, je ne voterai pas cet amendement. S’il pouvait inciter des médecins retraités qui ne le feraient pas sinon à continuer à exercer, je le soutiendrais mais, ce soir, je ne suis pas du tout convaincu que ce soit le cas.

M. Olivier Véran. Les problèmes de l’accessibilité géographique ou financière aux soins, et à des soins de qualité, se posent de façon d’autant plus aiguë que le patient s’est mué en « usager du système de soins ». La pression est alors forte sur les pouvoirs publics, alors même qu’il est extrêmement difficile de répondre à cette demande.

Des solutions existent pourtant, mais elles doivent être pragmatiques et pérennes. Or, pour louable que soit son intention, la mesure proposée par l’amendement est clairement une recette du passé.

Je doute que le médecin qui a exercé toute sa vie dans une zone urbaine puisse se trouver alléché par un allégement de cotisations au point d’aller s’installer en zone rurale pour y travailler après 65 ans. Quant au médecin de famille « taillable et corvéable à merci », dont toute la carrière s’est déroulée en zone rurale ou périurbaine, il arrive à 65 ans à bout de souffle et ce n’est pas une exonération de cotisations qui l’incitera à renoncer à sa retraite.

En revanche, la mesure peut avoir un coût et constituer une aubaine pour les médecins qui, de toute façon, auraient continué leur activité en zone sous-dotée après 65 ans.

Soyez certains, en tout cas, que la majorité proposera une palette de mesures ambitieuses et pragmatiques pour améliorer l’accessibilité aux soins de l’ensemble des Français sur tout le territoire.

M. Christian Paul. Je suis ravi de voir l’opposition prendre enfin la pleine mesure du problème que posent les déserts médicaux.

Permettez-moi un rappel à l’intention de nos jeunes collègues. Sous la législature précédente, cette Commission avait adopté à l’unanimité trente propositions pour lutter contre les déserts médicaux. Ces dispositions faisaient suite à une mission d’information rapportée par notre ancien collègue Marc Bernier. Lorsqu’elles sont arrivées en discussion dans le cadre de l’examen du projet de loi « HPST », le Gouvernement et la majorité d’alors n’en ont retenu aucune. Vos leçons d’indépendance parlementaire ou de clairvoyance à ce sujet, monsieur Jacquat, font l’impasse sur cet épisode !

Notre objectif est que toutes les dispositions destinées à lutter contre ce problème soient en cohérence. Le présent projet en contient certaines, la grande loi pour l’accès aux soins annoncée par la ministre des affaires sociales et de la santé pour l’année 2013 en contiendra d’autres.

Enfin, nous sommes un peu échaudés par certaines incitations financières qui, par le passé, se sont révélées inopérantes. Nous n’écartons pas a priori ce type de mesures, mais il nous faut au moins nous donner le temps de la réflexion avant le débat en séance publique.

Mme Monique Iborra. Le problème déjà ancien des déserts médicaux est très difficile à résoudre. Ce n’est pas au détour d’un amendement, pour louable que soit son intention, que l’on parviendra à une solution. Il faut un projet beaucoup plus ample et cohérent que cette « mesurette ».

M. Gérard Bapt, rapporteur. De toute façon, il conviendra de revoir l’amendement avant la discussion dans l’hémicycle. Sa rédaction actuelle le rendrait inapplicable puisqu’elle ne précise pas à quelle hauteur se monterait l’exonération de cotisations. Je suggère à ses auteurs de le retravailler tandis que nous nous concerterons avec le Gouvernement, et nous reprendrons la discussion en séance publique.

La Commission rejette l’amendement AS 42.

Article 16

(art. L. 14-10-4 et L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles)


Contribution additionnelle sur les pensions de retraite et d’invalidité au profit de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

Le présent article crée une contribution assise sur les pensions de retraites et d’invalidité et sur les préretraites, affectée au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) en 2013 et à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) à partir de 2014.

Cette contribution permet une participation des retraités au financement de la politique de prise en charge de la dépendance, jusqu’à présent financée uniquement par les salariés et, pour une plus faible part, par les revenus du capital.

1. La situation des pensions de retraite au regard des prélèvements sociaux

La part du financement de la protection sociale assurée par des cotisations patronales et salariales a diminué sensiblement depuis plusieurs années, au profit de la fiscalité et d’une plus forte participation des revenus du capital. Pour autant, le poids des prélèvements assis sur les salaires reste prépondérant dans la structure des recettes de la protection sociale. En 2011, les recettes des régimes sociaux étaient constituées à plus de 80 % de prélèvements assis sur les revenus d’activité (cotisations sociales, CSG, contribution au remboursement de la dette sociale - CRDS).

Le rattrapage du niveau de vie des retraités sur celui des actifs a longtemps constitué un objectif de politique publique, et les systèmes fiscal et social ont contribué, parallèlement au développement de notre système de retraite, à l’atteinte de cet objectif. Alors que la population retraitée s’avère aujourd’hui, sous l’angle financier, dans une situation financière globale légèrement plus favorable que celle des actifs, la Cour des comptes s’interroge, dans son rapport de septembre 2012 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, sur la situation socialement et fiscalement avantageuse des retraités qui n’est pas « sans poser une question d’équité par rapport au reste de la population ».

a) Le régime social des avantages de retraite, d’invalidité et de préretraite

Au regard des cotisations tout d’abord, seuls les avantages de préretraite et les avantages de retraite autres que ceux versés par les organismes de base sont soumis à une cotisation d’assurance maladie à la charge du bénéficiaire aux taux respectifs de 1,70 % et 1 %. Par ailleurs, bénéficient d’une exonération de la cotisation d’assurance maladie les titulaires d’avantages de retraite dont la situation fiscale donne lieu soit à exonération de l’impôt sur le revenu, soit à exemption du paiement de cet impôt en raison de son montant. Il en est de même des titulaires d’avantages de vieillesse ou d’invalidité non contributifs.

Au regard de la CSG et de la CRDS, les avantages de retraite, qu’ils soient servis par les organismes de base de sécurité sociale, par les régimes de retraite complémentaire, par l’ancien employeur ou par un organisme tiers, sont soumis à la CSG au taux réduit de 6,6 % (contre 7,5 % pour le taux de droit commun).

Les personnes titulaires d’avantages non contributifs attribués sous conditions de ressources (allocation de solidarité aux personnes âgées) sont exonérées de CSG et de CRDS. En outre, sont exonérés de CSG et de CRDS les avantages de retraite perçus par les personnes dont le revenu fiscal de référence n’excède pas le montant maximal ouvrant droit aux allègements de la taxe d’habitation.

Sont soumis au taux réduit de CSG (6) de 3,8 % les avantages de retraite perçus par les personnes dont le montant du revenu fiscal de référence excède les seuils retenus pour l’application de la taxe d’habitation mais dont la cotisation d’impôt de l’année précédente est inférieure au seuil de mise en recouvrement prévu en matière fiscale (61 euros).

Enfin, les avantages de préretraite sont soumis, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, à la CSG au taux de droit commun de 7,5 % (antérieurement 6,6 %).

Les mêmes règles sont applicables aux pensions d’invalidité versées par les organismes de base et aux pensions d’invalidité ou d’incapacité permanente versées par les organismes de prévoyance complémentaire.

b) Le financement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

Les contributions qui financent la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ne portent actuellement que sur les revenus salariaux et les revenus du capital.

En contrepartie de la mise en place d’une « journée nationale de solidarité », journée travaillée non payée, l’article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a institué à compter du 1er juillet 2004 une contribution de solidarité pour l’autonome (CSA) dont le taux est fixé à 0,3 %, assise sur les revenus salariaux des secteurs privé et public (article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles). Elle a été complétée par une contribution portant sur les revenus du patrimoine et les produits de placement au même taux. En 2011, ces contributions représentaient 2,3 milliards d’euros, affectés à la CNSA.

Sont exclus du champ de la CSA les revenus d’activité non salariée, de même que les avantages de retraite et les revenus de remplacement (allocations de chômage, avantages de préretraite) (7).

2. Le dispositif proposé : création d’une contribution additionnelle sur les pensions de retraite et d’invalidité

Le présent article crée une contribution additionnelle de solidarité.

Le du I modifie l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles relatif à la contribution de solidarité pour l’autonomie pour y ajouter un bis créant une contribution due sur les pensions de retraite et d’invalidité ainsi que sur les allocations de préretraite, au taux de 0,3 % (ce taux est le même que celui de la CSA).

Sont redevables les personnes dont le montant des revenus de l’avant dernière année tels que définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts sont supérieurs au seuil retenu pour l’allègement de la taxe d’habitation, qui est aussi celui retenu pour l’exonération de la CSG et de la CRDS (8).

Ainsi, les titulaires de pensions de retraite ou d’invalidité non redevables de la CSG et la CRDS seront exemptées de la nouvelle contribution. En revanche, ceux qui se voient appliquer le taux réduit de CSG de 3,8 % seraient redevables de la contribution. La commission a adopté un amendement de votre rapporteur visant à les en exempter également.

Sont exonérées de cette contribution les pensions suivantes :

– les pensions militaires d’invalidité et la retraite du combattant (a du 4° de l’article 81 du code général des impôts) ;

– les retraites mutuelles servies aux anciens combattants (12° de l’article 81) ;

– la pension temporaire d’orphelin pour la fraction qui correspond au montant des prestations familiales auxquelles aurait eu droit le parent décédé (14° bis de l’article 81) ;

– l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), le minimum vieillesse et l’allocation supplémentaire d’invalidité.

Cette contribution est recouvrée selon les règles, garanties et sanctions applicables pour les mêmes revenus au titre du recouvrement de la CSG (article L. 136-5 du code de la sécurité sociale). Cela signifie que la contribution devra être précomptée par l’organisme qui sert le revenu de remplacement (par exemple, la Caisse nationale d’assurance vieillesse) et versée en même temps que la cotisation d’assurance maladie et la CSG-CRDS à l’organisme de recouvrement dont il relève, aux dates d’exigibilité prévues aux articles R. 243-27 (avantages de retraite et de prévoyance de base), R. 243-29 (avantages de retraite et de prévoyance versés par d’autres organismes) et R. 243-36 (avantages de préretraite) du code de la sécurité sociale. Les caisses de retraites devront prévoir d’informer les pensionnés sur ce prélèvement.

Le fait que les exemptions et exonérations de contribution prévues par le projet soient les mêmes qu’en matière de CSG et de CRDS dues sur les pensions de retraite et d’invalidité devrait faciliter le recouvrement de cette contribution.

Le du I modifie l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles relatif à l’organisation comptable de la CNSA, en lui ajoutant une septième section, consacrée à la mise en réserve du produit de la contribution additionnelle de solidarité. Ces réserves devront contribuer au financement des mesures qui seront prises dans le cadre d’une réforme sur la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées annoncée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.

Le c du 2° du I précise que la nouvelle section ne reçoit pas de versement au titre de frais de gestion. Il change également les recettes affectées aux charges de gestion des autres sections de la CNSA. Il n’y a plus que les contributions additionnelles.

Le II prévoit des dispositions non codifiées dérogatoires pour l’année 2013 :

– le taux de la contribution est fixé à 0,15 % pour 2013 ;

– à titre exceptionnel, les recettes sont affectées au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour cette année. En effet, dans l’attente de la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie annoncée, ces recettes permettent de diminuer le déficit du Fonds qui s’établirait à 2,6 milliards d’euros en 2013.

Votre rapporteur préfèrerait que cette contribution assise sur les retraites puisse être affectée dès 2013 au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées. La commission a adopté un amendement en ce sens, compensé pour qu’il soit neutre pour le FSV.

Les recettes de la contribution ont été estimées à 350 millions d’euros en 2013, en prenant comme référence un montant agrégé de pensions de retraites entrant dans le champ de la mesure de 23,3 milliards d’euros.

Afin de compenser la perte de recettes résultant de l’exonération des retraités imposables au taux de CSG de 3,8 %, la commission propose de porter à 0,3 % le taux de la contribution dès la première année, tout en repoussant son entrée en vigueur au 1er avril 2013, afin que le montant dus par les personnes imposables soit compensé par la réévaluation annuelle des pensions de retraite.

Ainsi, en 2013, compte tenu des amendements adoptés par la commission, la contribution devrait rapporter 450 millions d’euros dont 350 millions seraient reversés par la CNSA au FSV de façon exceptionnelle, et 100 millions d’euros resteraient dans les comptes de la CNSA.

En 2014, avec un taux de 0,3 %, 700 millions d’euros devraient être versés à la CNSA. Compte tenu de l’exonération précitée, le produit de la contribution est ramené à 600 millions d’euros.

Les montants prélevés sur les retraites resteront modiques. Par exemple, pour une pension de 1 300 euros pour une personne seule, le montant prélevé sera de 3,90 euros par mois en 2014.

*

La Commission est saisie de trois amendements identiques, AS 37 de Mme Bérengère Poletti, AS 65 de M. Dominique Tian et AS 149 de Mme Jacqueline Fraysse, tendant à supprimer l’article 16.

M. Denis Jacquat. L’article 16 est surprenant. Il crée une taxe destinée, dans un premier temps, à combler très partiellement un trou avant d’être affectée, à partir de 2014, à une prestation relative à la dépendance et à la perte d’autonomie dont on ne sait ce qu’elle permettra de prendre en charge. Cela rappelle fâcheusement l’épisode de la vignette automobile !

J’ai déjà eu l’occasion de le dire à Mme la ministre : la dépendance et la perte d’autonomie sont deux choses différentes. Au niveau national, les problèmes de solvabilité se posent en rapport avec la perte d’autonomie, qui concerne aussi bien les personnes handicapées que les personnes âgées. La dépendance, en revanche, concerne principalement les personnes âgées. Alors que certains voudraient cantonner le débat sur la dépendance aux groupes iso-ressources (GIR) 1 et 2, je pense que l’approche doit être globale et concerner l’ensemble de la perte d’autonomie. Or le texte du Gouvernement et l’exposé des motifs parlent tantôt de dépendance, tantôt de perte d’autonomie. Je vous renvoie au « Livre noir » et au « Livre blanc » où les associations ont répertorié, il y a quelques années, tout ce qui n’allait pas dans notre pays et tout ce qu’il était souhaitable de faire. Nous pouvons nous inspirer des travaux existants et des nombreux colloques qui se sont tenus à ce sujet. Le tour de France réalisé en son temps par Mmes Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp avait permis de dégager des conclusions qui ont recueilli l’unanimité.

Par ailleurs, les 0,3 % de la contribution que vous instituez sur les pensions de retraite seront bien insuffisants pour financer la prise en charge de perte d’autonomie ou de la dépendance. Mieux vaut prendre des mesures que des mesurettes !

Les associations de retraités rappellent que cet article représente une perte de pouvoir d’achat. Le prélèvement de 0,15 % au bénéfice du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dans un premier temps est déjà très injuste, mais verser une cotisation de 0,3 % pour une prestation inconnue est encore plus difficile à admettre !

Je souhaite donc que l’on nous présente un texte cohérent optant clairement entre la perte d’autonomie et la dépendance, et que l’on indique le coût de la mesure et les recettes qu’il faudra mettre en face. Pour avoir longtemps défendu la notion de cinquième risque et de cinquième branche, je sais que les Français sont tout disposés à faire un effort si on leur explique quelles prestations correspondent à quelles cotisations.

Cela dit, j’ai aussi pris connaissance des amendements AS 199 et AS 202, qui viendront en discussion immédiatement après et qui visent à remodeler le texte gouvernemental.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vois mal comment la perte d’autonomie ne pourrait pas déboucher sur la dépendance.

Mme Isabelle Le Callennec. Avant de voter un tel dispositif, nous aimerions en savoir un peu plus sur la future réforme de la dépendance et sur son calendrier. Ceux qui nous accusent de ne pas être allés au bout de notre propre réforme ignorent la crise sans précédent que nous avons vécue. L’article 16 met la charrue avant les bœufs : il instaure un prélèvement sans que l’on sache dans quel cadre il s’inscrira.

Mme Jacqueline Fraysse. Il y avait bien d’autres moyens d’améliorer le financement de la protection sociale sans taxer les retraités, ce qui est d’autant plus inopportun que certains vont devenir imposables du fait que vous maintenez le gel du barème de l’impôt sur le revenu ! J’ai proposé pour ma part, après l’article 11, huit mesures propres à dégager des recettes nouvelles et à lutter contre des inégalités flagrantes dans les prélèvements sociaux. Aucune n’a été retenue. On a jugé mes amendements pertinents mais prématurés et nécessitant des perfectionnements. On m’a également renvoyée au travail en cours. Or je note que, pour les personnes âgées, le dispositif est tout prêt et les études déjà réalisées : il ne resterait plus qu’à voter !

Cet article constituant un mauvais signal à bien des égards, nous considérons qu’il n’est pas recevable en l’état.

M. Bernard Accoyer. Cet article soulève en premier lieu un problème de constitutionnalité, car il est l’exemple même d’un dispositif insincère. Son exposé des motifs explique, d’un côté, que l’on veut mettre en place un mécanisme de prise en charge de la dépendance et, d’un autre, que l’on affecte, pour 2013, les 350 millions d’euros attendus de la nouvelle contribution au FSV… tout en annonçant une augmentation de 100 % de ce prélèvement pour 2014 et son affectation à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – dont la création, en même temps que l’institution de la journée de solidarité, avait pourtant provoqué les hurlements de l’opposition de l’époque.

En deuxième lieu, avant d’imaginer des prélèvements nouveaux sur les retraites, il conviendrait de se préoccuper du financement de celles-ci. Or, comme le montre le projet de loi de financement, celui-ci n’est toujours pas complètement assuré : la branche vieillesse sera de nouveau déficitaire, pour 6 milliards d’euros. La mesure proposée relève donc de la cavalerie et de la fuite en avant.

De surcroît, le rétablissement partiel de la retraite à 60 ans vient encore déséquilibrer un peu plus le régime général, ainsi qu’un régime complémentaire dont on ne sait comment il pourra se refinancer après avoir consommé toutes ses réserves dans les deux années qui viennent. Il en va de même des régimes alignés et de ceux de la fonction publique, qui creusent le déficit de l’État.

On aurait pu se dispenser de cette mesure incompréhensible si on avait retenu pour l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) le même taux de progression que l’année dernière, en prenant des dispositions pour qu’il soit respecté comme il l’a été au cours des trois dernières années.

M. Christian Paul. Bernard Accoyer trouvera une partie des réponses à ses questions dans des amendements qui vont venir en discussion, en particulier dans les amendements AS 201 et AS 200 qui fixent le taux du prélèvement et, surtout, sa destination : il servira à la préparation de la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie et de la dépendance.

Notre objectif est en effet de procéder à une réforme réelle, après que vous avez passé cinq ans à parler d’une réforme virtuelle, qui a été finalement enterrée. Il nous paraît important de lancer ce chantier dès le début de la législature, c’est-à-dire dès ce premier projet de loi de financement, qui n’est pas un texte de transition mais bien un texte qui fixe le cap, en vue d’inverser un certain nombre de tendances. La réforme ne ressortira pas de l’assurance mais bien de la solidarité et de la protection collective et nous en amorçons dès maintenant le financement.

Mme Martine Pinville. Denis Jacquat a rappelé que, sous la précédente législature, nous étions parvenus à une position unanime sur les conclusions des différents groupes de travail sur la dépendance. Mais cela n’a débouché sur aucune mesure concrète. À travers cet article, nous montrons clairement notre volonté de travailler à la prise en charge de la perte d’autonomie. Mme Michèle Delaunay, ministre chargée des personnes âgées et de l’autonomie, situe d’ailleurs cette réforme dans le cadre plus large de l’adaptation de la société au vieillissement. La perte d’autonomie n’est pas seule en cause, en effet : il faut aussi prendre en compte les thèmes de la prévention, de l’habitat et de l’urbanisme, afin de parvenir en 2013 à un projet global.

M. Dominique Tian. Il est étonnant de voter des recettes supplémentaires en se fondant sur une étude d’impact à peu près vide : elle ne dit pas qui sera concerné, ni comment le prélèvement sera calculé, ni combien il rapportera… En outre, des amendements à venir vont modifier sensiblement le texte initial. Nous naviguons donc dans la nuit et dans le brouillard ! On sait seulement que des millions de retraités vont supporter une charge nouvelle. Ce qui correspond à l’une des obsessions de ce Gouvernement : frapper au portefeuille les plus modestes – tout à l’heure 10 millions de particuliers employeurs et maintenant autant de retraités –, ce qui est tout de même paradoxal de la part d’une majorité prétendument de gauche. Si l’UMP avait proposé de telles mesures, j’imagine les réactions…

M. Michel Issindou. Les leçons que voudrait nous donner l’opposition m’obligent à rappeler que le précédent gouvernement et sa majorité ont instauré quarante taxes nouvelles et laissé un déficit de 170 milliards qu’il nous faut combler.

La réforme des retraites n’est pas seulement incomplète, monsieur Accoyer : elle n’est pas assurée du tout et ne tiendra pas au-delà de 2017. Tous les régimes sont déjà dans le rouge. Mais nous proposerons des solutions.

Le coût de la réforme de la dépendance, à laquelle nous avons consacré de nombreuses auditions lors de la précédente législature, était alors estimé à 5 ou 6 milliards d’euros sur un coût total déjà évalué à 30 milliards. Les 350, puis 700 millions d’euros résultant du prélèvement que nous proposons sont donc encore loin de couvrir les besoins. Mais c’est un premier pas vers une réforme de solidarité très attendue par nos anciens.

M. Jean-Louis Roumegas. Notre groupe n’est pas choqué par l’instauration d’une contribution à la charge des retraités, mais nous aurions souhaité qu’elle fût plus juste et plus efficace grâce à une progressivité qui aurait permis d’exonérer les petites retraites. Nous défendrons le même point de vue concernant la CSG.

M. Michel Liebgott. Le courage politique doit s’exprimer dès le début de la législature. La réforme des retraites votée à la fin de la précédente législature ne résout pas le problème de leur financement puisqu’il faudra la remettre sur le métier dès 2013, malgré le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), créé par le gouvernement Jospin et utilisé à d’autres fins par les gouvernements de droite ultérieurs.

Cette première démarche en annonce d’autres. Elle confirme la priorité accordée à la prise en charge de la dépendance, selon le principe de la solidarité plutôt qu’en faisant payer les collectivités territoriales comme vous l’avez fait pendant des années.

Mme Bérengère Poletti. On nous propose, dans cet article, une mesure incantatoire qui permet seulement au parti socialiste d’essayer de faire croire qu’il va traiter le problème de la dépendance. On commence par instaurer un prélèvement, minime au regard des besoins. Ceux-ci atteignent en effet 7 ou 8 milliards d’euros, en plus des 22 à 23 milliards déjà inscrits en dépit de la crise que nous avons essuyée au cours de ces années. C’est pourquoi nous avions dû, à regret, repousser la réforme.

De surcroît, le nouveau prélèvement sera affecté à un autre objectif en 2013.

M. Arnaud Robinet. Le passage du taux de prélèvement de 0,15 à 0,30 % – le « durcissement » du dispositif, pour reprendre un terme employé par notre rapporteur dans une interview au Figaro – servirait à exonérer les retraités modestes, redevables d’un impôt sur le revenu inférieur à 61 euros, tout en assurant l’équilibre des comptes. Mais de quels comptes ? Nous ne connaissons pas aujourd’hui les objectifs de votre plan dépendance. La nouvelle taxe, qui va toucher 8 millions de retraités et donc réduire leur pouvoir d’achat, ne va pas financer la dépendance mais se fondre dans la masse des besoins non couverts.

M. Jean-Marc Germain. On ne redressera le pays que dans la justice, condition nécessaire de toute réforme sociale. Il faut donc rééquilibrer les comptes en faisant davantage contribuer les plus fortunés et en veillant à améliorer le sort de ceux qui ont moins. Tels sont les objectifs assignés aux amendements que nous allons vous proposer.

Les retraités sont prêts à participer à cet effort national et ne sont pas choqués qu’on leur demande une contribution de 2 ou 3 euros par mois, si elle sert effectivement à prendre en charge la dépendance. C’est pourquoi nous voulons que, dès la première année, cette contribution alimente la CNSA.

Pour que le prélèvement soit juste, nous en exonérons les retraités non imposables et souhaitons encore étendre cette exonération aux personnes imposables mais dont l’impôt n’est pas recouvré parce qu’inférieur à 61 euros. Les recettes en seront certes diminuées de 100 millions d’euros en régime de croisière, puisque la disposition bénéficiera à 2,5 millions de contribuables supplémentaires, mais c’est une mesure de justice.

Le prélèvement est présenté de façon parfaitement transparente. Nous souhaitons que, dès 2013, son produit soit affecté à la CNSA et son taux fixé à 0,3 %. Tel est l’objet des amendements AS 199 à AS 202.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne peux que donner un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article.

Un prélèvement a déjà été créé en faveur de l’autonomie : la journée nationale de solidarité. Et le taux en était déjà de 0,3 %. Mais on l’avait assis uniquement sur les salariés, en épargnant les professions libérales et indépendantes, de même que les retraités. Or, aujourd’hui, les associations de retraités se disent toutes disposées à participer à l’effort de solidarité nécessaire pour mieux prendre en charge la dépendance, à condition que le prélèvement soit bien consacré à cette fin. Nous entendons rester dans cette logique.

Quel objectif de déséquilibre – et non hélas d’équilibre – des comptes pouvons-nous tenir ? En 2012, sans le milliard et demi de recettes supplémentaires apporté aux différents régimes, les objectifs de la loi de financement de la sécurité sociale n’auraient pu être tenus. Le précédent gouvernement a certes subi la crise économique mais nous, nous en vivons les conséquences – déficit, dettes, chômage – et la façon dont elle fut gérée. Nous entendons la gérer différemment et c’est pourquoi nous demandons cette contribution de solidarité visant à préparer la loi annoncée par le Gouvernement, qui concernera le vieillissement en général et visera à préserver l’autonomie.

La Commission rejette les amendements de suppression AS 37, AS 65 et AS 149.

Elle examine ensuite les amendements AS 199 à AS 202 de M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement AS 199 vise à limiter l’assiette de la contribution additionnelle sur les retraites aux retraités assujettis à la CSG au taux de 6,6 %, à l’exclusion de ceux qui bénéficient du taux réduit de 3,8 %, que l’on appelle les « imposables non recouvrés », leur cotisation à l’impôt sur le revenu étant inférieure à 61 euros.

Dans l’amendement AS 202, nous proposons que le dispositif ne s’applique qu’à compter du 1er avril 2013.

L’amendement AS 201 précise que le produit du prélèvement alimentera la CNSA tout en préservant les ressources du FSV.

Enfin, l’amendement AS 200 porte le taux de la contribution additionnelle à 0,3 %, mais il serait satisfait par l’adoption de l’amendement AS 201.

M. Bernard Accoyer. Notre rapporteur a déclaré dans la presse qu’il déposerait un amendement afin de supprimer, avant sa venue à échéance, le droit d’option pour les travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant dans un autre pays de l’Union européenne. Cet amendement sera-t-il déposé en séance ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce que vous évoquez là n’a pas de rapport avec notre présente discussion.

M. Bernard Accoyer. Mais si ! Car notre rapporteur explique que son amendement permettra de diminuer le taux du prélèvement dont nous sommes en train de parler.

M. Denis Jacquat. Ces amendements me donnent l’impression d’un vaste bricolage. Nous avons, il y a quelques jours, en présence des ministres compétents, examiné un texte pour cet article 16. Et voici que maintenant nous assistons à un exercice de rétropédalage tel que ce Gouvernement semble les aimer. Nous n’avons toujours pas de texte relatif à la perte d’autonomie. Mme Michèle Delaunay, ministre chargée des personnes âgées, a constitué à cet effet trois groupes de travail, présidés par des personnalités éminentes. Nous devrions donc attendre leurs conclusions avant d’instituer des recettes sans savoir encore à quoi on les affectera, sauf à constituer une cagnotte pour la CNSA.

Au regard des mesures attendues par les associations intervenant dans la prise en charge de perte d’autonomie, un taux de prélèvement de 0,3 % ne sera pas suffisant, même si certaines associations de retraités se disent prêtes à un effort de solidarité dès lors que la nouvelle contribution sera parfaitement fléchée.

Il serait donc préférable de nous présenter un projet d’ensemble.

Le choix du 1er avril correspond à la date de réajustement des pensions mais il est cocasse de lire, dans l’exposé sommaire de l’amendement AS 202, que le coût de la taxe sera compensé par la revalorisation annuelle des retraites : on indique ainsi aux retraités qu’on leur donnera d’un côté ce qu’on leur reprendra de l’autre, ce qui se traduira par une diminution de leur pouvoir d’achat, sans qu’ils sachent pour autant quelle sera la destination d’une partie de leur contribution.

Je ne peux donc approuver ces quatre amendements qui nous laissent dans le brouillard.

Mme Isabelle Le Callennec. Notre rapporteur a indiqué dans son commentaire daté du 16 octobre que, pour 2013, les recettes du nouveau prélèvement seront, à titre exceptionnel, affectées au FSV. Or l’amendement AS 201 vise à les affecter dès la même année à la CNSA « tout en préservant les recettes du FSV ». Je voudrais donc comprendre comment on passe d’un dispositif à l’autre. Dans quel but et sur quel fondement ?

M. Dominique Tian. Nous sommes vraiment dans « Nuit et Brouillard ». Ce que vous voulez faire est absolument incompréhensible, pour la majorité probablement comme pour l’opposition. Les taux changent, les modalités d’exonération et les dates d’application aussi. Comment s’y retrouver ? Une petite étude d’impact me semble indispensable pour nous indiquer quelles sont les recettes escomptées, le montant du produit attendu, les personnes concernées, lesquelles bénéficieront d’une exonération en fonction de leur taux d’imposition et de la CSG, … Qu’on puisse au moins y voir un peu plus clair !

M. Jean-Pierre Door. Je sens notre rapporteur, qui connaît parfaitement bien les arcanes des projets de loi de financement, très gêné par ce qui se passe. Nous savons depuis hier, par la presse, que le Gouvernement et sa majorité veulent faire marche arrière. Vous avez donc cherché plusieurs formules afin de réduire la contribution des retraités, envisageant par exemple de taxer les boissons énergisantes ou les travailleurs transfrontaliers. Mais vous restez dans le flou !

M. Jérôme Guedj. Les commissaires, notamment socialistes, ont cherché à enrichir le texte présenté par le Gouvernement. On ne saurait nous reprocher à la fois de nous comporter comme des godillots et, dans d’autres situations, d’amender un projet de loi.

Le seul argument de l’opposition à l’encontre de l’article 16 consiste à contester la création de la nouvelle taxe au service de la future réforme de la perte d’autonomie en disant que nous mettons « la charrue avant les bœufs. » Venant de ceux qui, pendant cinq ans, ont contemplé le bœuf d’un côté et la charrue de l’autre sans chercher à les rapprocher, il y a de quoi s’étonner…

La contribution additionnelle de solidarité vise précisément à crédibiliser la réforme de la perte d’autonomie que nous allons mettre en place alors que, pendant des années, vous vous êtes contentés de déclarations de principe en accumulant études et rapports sans qu’il en sorte jamais rien – le précédent Président de la République annonçait tous les six mois une réforme qui ne venait pas.

Vient un moment où il faut créer les conditions d’une réforme effective. Il se trouve que je suis administrateur de la CNSA. Depuis quelques années, nous regardons attentivement l’évolution et l’utilisation de son budget dans ce but. Mais nous dégageons d’autres moyens : quand l’ONDAM médico-social progresse de 4,6 % au bénéfice des personnes âgées, cela permet de consacrer 146 millions d’euros supplémentaires à la médicalisation des maisons de retraite et de créer, dans chacun des 900 établissements, six à sept postes de personnel soignant. Le projet de loi de financement contribue également à la réforme en mettant en œuvre certains des engagements qui figuraient dans le plan « Solidarité grand âge » mais qui n’étaient pas financés.

Depuis deux ans, le plan d’aide à l’investissement des établissements et services pour personnes âgées et pour personnes handicapées (PAI) était gelé, rendant impossible le financement de projets par la puissance publique. Il a été dégelé en 2012, permettant à la CNSA de relancer des investissements et, là encore, d’amorcer la réforme de la perte d’autonomie.

Le dispositif proposé s’insère donc dans un projet global, qui impliquera aussi une réforme de l’aide personnalisée d’autonomie (APA) et de l’aide sociale.

Certains se sont offusqués de ce que nous mettions à contribution les retraités imposables, soit 10 millions sur 16 millions. Le cœur de l’amendement AS 199 consiste à limiter encore, dans un souci de justice sociale, le champ du prélèvement à 7,5 millions de retraités. Nous proposons de la sorte un compromis responsable, là où vous n’avez pas eu le courage de prendre les mesures nécessaires, et nous fléchons clairement le dispositif vers la CNSA. L’attribuer momentanément au FSV risquait de brouiller un peu le message. C’est pourquoi l’amendement AS 201, par un subtil mécanisme de vases communicants du fait de l’affectation d’une partie de la CSG à la fois à la CNSA et au FSV, permet d’augmenter les crédits du second en diminuant, à due concurrence, la base de l’abondement de 0,1 % en faveur de la première.

Il faudra bien sûr dégager d’autres recettes pour financer la réforme de la perte d’autonomie. Elles pourront provenir de l’assurance maladie, de l’ONDAM sanitaire, des départements et de certains organismes.

Mme Bérengère Poletti. Je rappelle que c’est nous qui avons créé le plan d’aide à l’investissement pour en finir avec la non-consommation des crédits de la CNSA censés aller à la médicalisation des établissements. Malheureusement, cette situation perdure.

Les amendements dont nous discutons permettent certes de mieux orienter le nouveau prélèvement vers la prise en charge de la dépendance, mais ils vont aussi grossir les crédits non consommés. Va-t-on les répartir entre les départements pour compenser la charge de l’APA ? Ou bien les mettre de côté pour alimenter une future réforme dont on ignore encore les contours ? Vous créez une taxe dont nous ignorons à quoi elle sera utilisée.

M. Jean-Marc Germain. Vous voici amplement informé, monsieur Tian. Les amendements sont peut-être compliqués, mais leur objet est simple. Nous avons fixé la date d’entrée en application au 1er avril parce que c’est celle à laquelle les retraites sont augmentées. Pour donner un ordre de grandeur, si l’inflation constatée est de 1,5 %, une retraite de 1 000 euros augmentera de 12 euros au lieu de 15 du fait de l’instauration du prélèvement. D’autre part, il était compliqué de prévoir un taux de 0,15 % la première année et de 0,3 % les années suivantes, avec en outre des affectations différentes. Nous proposons donc de fixer d’emblée ce taux à 0,3 %. Quant au public concerné par l’exonération, il s’agit des retraités qui sont assujettis à l’impôt sur le revenu, mais ne subissent aucun prélèvement à ce titre parce que celui-ci serait inférieur au seuil forfaitaire de recouvrement – autrement dit ceux qui se situent juste au-dessus des foyers non imposables. Cela représente 2,5 millions de personnes sur les 10 millions de retraités.

Voilà des années que nous dépensons de l’argent que nous n’avons pas. Nous vous proposons aujourd’hui de mettre de l’argent de côté pour répondre à un besoin croissant, celui de la dépendance. C’est une meilleure politique que celle qui a été mise en œuvre durant les dix dernières années !

M. Denis Jacquat. J’ai écouté Jérôme Guedj avec intérêt. En tant que rapporteur du projet de loi qui l’a créée, je ne peux que me réjouir d’entendre la gauche chanter les louanges de la CNSA. Cela change du discours que nous entendons depuis quelques mois !

La perte d’autonomie pose avant tout le problème de la solvabilité des personnes concernées et de leurs familles. Les pensions de retraite ne permettent en effet pas toujours d’assumer le coût du maintien à domicile ou du placement en institution spécialisée. Nous devons donc assurer la pérennité des ressources permettant de faire face à ce cinquième risque. En ce sens, je me félicite que l’on s’attache à garantir des ressources à la CNSA, dont la création constitue une réussite. En l’absence de plan d’ensemble, il est cependant malaisé d’appréhender la recette que vous proposez avec cette contribution de 0,3 %. Il eût mieux valu estimer la dépense avant de trouver les recettes, en l’expliquant aux Français. Je me méfie des recettes « à tiroirs ». Dois-je rappeler que le gouvernement Jospin n’a jamais réussi à abonder le FRR comme il était prévu ?

Parmi les pistes à étudier, on pourrait prévoir une cotisation dès le premier salaire pour la perte d’autonomie. En tout état de cause, je crains que les conseils généraux ne puissent payer leur part : cela représente une charge bien trop lourde pour eux, alors même que le coût de la perte d’autonomie est appelé à augmenter.

Nous devons donc aller vite, et nous impliquer tous ensemble dans la réflexion.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je suis rapporteur de la partie recettes et équilibre général du projet de loi de financement, monsieur Accoyer. Il n’y a aucun rapport entre la suppression du droit d’option dont bénéficient les frontaliers et la contribution additionnelle au profit de la CNSA, si ce n’est l’objectif du Président de la République – qui était aussi celui de son prédécesseur – de limiter le déficit public à 3 % du PIB en 2013. Or vous demandez la suppression de nombreuses recettes, mais vous nous proposez bien peu de mesures permettant d’atteindre cet objectif ! Par ailleurs, vous ne pouvez nous reprocher à la fois de nous comporter en godillots et de présenter des amendements au projet du Gouvernement !

Le dispositif que nous proposons assure à la CNSA une recette de 525 millions d’euros en 2013, recette qui se verra amputée de 75 millions par l’amendement AS 199. Elle s’établira donc à 450 millions. Pour 2014, année pleine, elle sera de 600 millions d’euros. Conformément à ce que le Gouvernement a prévu, le déficit du FSV, qui s’établira néanmoins à 2,6 milliards en 2013, sera réduit. Si cette contribution est affectée à la CNSA, le FSV recevra, à titre exceptionnel, une partie des recettes de CSG de la caisse. Au bout du compte, le dispositif aboutit à une recette nette de 100 millions d’euros pour la CNSA. Le président du conseil général de mon département a autorisé la création d’établissements médico-sociaux, mais il manque toujours la part de l’État. Ces sommes pourront donc être utilisées, madame Poletti.

S’agissant de la justice et de l’équité, je rappelle que la journée nationale de solidarité que vous avez instituée était financée par une contribution de 0,3 % sur les salariés actifs. Cette contribution était due pour un salarié rémunéré au SMIC ou légèrement au-dessus, tandis qu’un retraité percevant plusieurs milliers d’euros de retraite en était exonéré – alors même que la dépendance concerne davantage de retraités que d’actifs. Notre proposition va au contraire dans le sens d’une prise en charge solidaire de la dépendance.

Vous dites que la réforme a été reportée à cause de la crise, madame Poletti. Mais nous ne l’avons jamais vue ! Certes, il y a eu des débats – Mme Bachelot est venue en personne à Toulouse. Nous n’en avons cependant jamais vu le contenu envisagé, notamment pour ce qui est de la part que vous entendiez attribuer respectivement à la solidarité et à l’assurance individuelle.

Tout cela me paraît clair. Je vous appelle donc à voter ces amendements.

La Commission adopte successivement les amendements AS 199, AS 202 et AS 201.

En conséquence, l’amendement AS 200 devient sans objet.

La Commission adopte l’article 16 modifié.

Article 17

(art. L. 381-32, L. 382-31 [nouveau] et L. 412-8 du code de la sécurité sociale ; art. L. 2123-25-2, L. 2123-26, L. 2123-27, L. 2123-29, L. 2321-2, L. 2573-8, L. 3123-20-2, L. 3123-21, L. 3123-22, L. 3321-1, L. 3512-1, L. 4135-20-2, L. 4135-21, L. 4135-22, L. 4135-25 et L. 4321-1 du code général des collectivités territoriales)


Élargissement de la couverture sociale des élus locaux

Le présent article vise à mettre fin aux différentes lacunes qui caractérisent l’affiliation, la couverture et, partant, la contribution des élus locaux aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

1. Le régime social des élus locaux

Le code de la sécurité sociale ne consacre aux « titulaires de mandats locaux » – sans autre précision, au demeurant – qu’une section : placée à la fin du chapitre relatif aux personnes rattachées au régime général pour certains risques ou charges, après les dispositions relatives aux bénéficiaires de certaines prestations (complément familial, prestation d’accueil du jeune enfant, allocation aux vieux travailleurs salariés, allocation aux mères de famille, allocation aux adultes handicapé), aux personnes assumant la charge d’un handicapé, aux étudiants, aux invalides de guerre, aux sapeurs-pompiers volontaires et aux détenus et personnes retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, elle est composée d’un unique article L. 381-32, issu de l’article 37 de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.

Or, il appert que cet article n’appréhende que les élus ayant volontairement cessé leur activité pour exercer leur mandat et limite leur couverture sociale à certains risques.

a) Un champ incomplet

Par renvoi aux articles pertinents du code général des collectivités territoriales, l’article L. 381-32 affilie au régime général les élus locaux suivants :

– tous les maires, y compris des arrondissements de Paris, Lyon et Marseille ;

– les adjoints aux maires des communes de 20 000 habitants au moins et des arrondissements de Paris, Lyon et Marseille ;

– les conseillers d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille ;

– les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des syndicats mixtes constitués de collectivités territoriales ;

– les vice-présidents de ces établissements et syndicats lorsque ceux-ci regroupent 20 000 habitants au moins ;

– les présidents de conseil général ;

– les vice-présidents de conseil général ayant délégation de l’exécutif ;

– les présidents de conseil régional ;

– les vice-présidents de conseil régional ayant délégation de l’exécutif ;

– le président du conseil exécutif de Corse, le président de l’assemblée de Corse et les vice-présidents ayant délégation de l’exécutif.

Un mandat local n’étant pas assimilable à une activité professionnelle, les indemnités autres que celles visées à l’article L. 381-32 ne sont pas concernées, ni au titre du régime général, ni à celui du régime des travailleurs non salariés. En outre, les indemnités des élus exerçant par ailleurs une activité professionnelle (ou bénéficiant par ailleurs d’un régime de protection sociale) ne sont pas assujetties aux cotisations sociales, ainsi que le précisent expressément les différents articles pertinents du code général des collectivités territoriales.

En cas de cumul d’un mandat visé à cet article et d’un autre mandat, les indemnités versées au titre du premier mandat sont donc soumises à cotisations sociales tandis que celles versées au titre du second mandat n’acquittent que la CSG et la CRDS.

Le fait que certaines indemnités échappent ainsi aux cotisations sociales a une triple conséquence :

– cette situation est constitutive d’une niche sociale, certaines indemnités étant assujetties alors que d’autres ne le sont pas ;

– la couverture sociale des élus locaux, en contrepartie, se trouve réduite, dans la mesure où en l’absence de cotisations, ce sont autant de droits à prestations dont les intéressés ne peuvent bénéficier ;

– la différence de traitement entre élus locaux est difficilement justifiable, un élu exonéré de cotisations et n’exerçant pas d’activité professionnelle n’acquérant par exemple aucun droit à la retraite alors qu’il bénéficie des prestations servies pour la couverture des risques non contributifs.

En revanche, le d du 3° du II de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale inclut dans l’assiette de la CSG sur les revenus d’activité (et donc dans celle de la CRDS) les indemnités versées par les collectivités locales, leurs groupements ou leurs établissements publics aux élus municipaux, cantonaux et régionaux. Ces indemnités sont également soumises à l’impôt sur le revenu par retenue libératoire à la source ou, sur option, dans la catégorie des traitements et salaires (article 204-0 bis).

b) Une couverture incomplète

Les risques couverts au titre de l’article L. 381-32 pour les élus qu’il affilie au régime général sont :

– la maladie, la maternité, l’invalidité et le décès (prestation en nature, le cas échéant, et, depuis 2002, prestations en espèces) ;

– la vieillesse.

Le taux de cotisation correspondant, appliqué à la totalité des indemnités considérées, est celui de droit commun : 12,8 %, 9,9 % et 0,3 % à la charge des collectivités territoriales respectivement pour la maladie, la vieillesse et la contribution solidarité autonomie, 0,75 % et 6,75 % à la charge des élus respectivement pour la maladie et la vieillesse.

Par ailleurs, comme toutes les personnes résidant en France, les élus bénéficient des prestations familiales. En revanche, aucune couverture systématique et spécifique n’est prévue au titre des accidents du travail et maladies professionnelles (y compris les accidents de trajet) : les conséquences de ces risques professionnels sont actuellement remboursées directement par les collectivités territoriales sur leur budget de fonctionnement.

2. Une couverture sociale améliorée

Le présent article rend universels le champ des élus couverts et l’étendue de cette couverture, mais l’assiette des cotisations de sécurité sociale ne présente en revanche pas un caractère exhaustif.

a) Un champ et une couverture universels

Le 1° du I abroge l’article L. 381-32 du code de la sécurité sociale et le 2° du I déplace, au sein de ce code, les dispositions relatives à la couverture sociale des titulaires de mandats locaux, qui rejoignent, dans un unique et nouvel article L. 382-31, le chapitre consacré à la protection sociale des personnes rattachées au régime général pour l’ensemble des risques, après les artistes auteurs puis les ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses.

Ce déplacement est donc d’autant moins formel qu’il s’accompagne d’une nouvelle rédaction, traduisant un double changement de fond :

– tous les élus des collectivités territoriales mentionnées à l’article 72 de la Constitution (communes, départements, régions, collectivités à statut particulier, collectivités d’outre-mer) dans lesquelles s’applique le régime général ainsi que les délégués de ces collectivités membres d’un EPCI seront désormais affiliés au régime général. Les départements d’outre-mer seront donc concernés, ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– ces élus sont affiliés au régime général pour l’ensemble des risques, le 3° du I venant en outre les inclure dans la liste des bénéficiaires des dispositions relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles.

En termes de prestations sociales, les progrès seront sensibles pour l’ensemble des risques :

– pour la maladie, tous les élus locaux seront désormais affiliés en propre et bénéficieront d’indemnités journalières ;

– pour les accidents du travail et maladies professionnelles, tous les élus disposeront désormais de droits en propre, selon les règles applicables à l’ensemble des salariés ;

– pour la vieillesse, tous les élus cotisants pourront systématiquement valider quatre trimestres par an, c’est-à-dire davantage que les droits qu’ils sont le plus souvent susceptibles d’acquérir s’ils travaillent à temps partiel, tout en améliorant le salaire annuel moyen pris en compte pour le calcul de leur pension du régime général ou, s’ils n’étaient pas encore affiliés à ce régime, en s’y ouvrant des droits. Cette évolution sera sans incidence sur la retraite complémentaire (par capitalisation), sinon que tous les élus, bénéficiant désormais de droits en vue d’une pension de base, auront la possibilité d’y souscrire.

b) Une niche sociale résiduelle

Afin de ne pas pénaliser les élus ne disposant que d’une faible indemnité, le futur article L. 382-31 du code de la sécurité sociale prévoit que les indemnités de fonction – les indemnités représentatives de frais demeurent exclues de l’assiette en vertu de l’article L. 242-1 – ne seront assujetties aux cotisations sociales que lorsque leur montant excèdera une fraction de la valeur du plafond de la sécurité sociale fixée par décret. Elles seront assujetties à la CSG et à la CRDS, mais il demeurera donc une niche résiduelle de cotisations.

Selon les indications fournies par l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, ce seuil sera fixé à la moitié du plafond de la sécurité sociale, soit 1 516 euros par mois. Il permettra ainsi d’exonérer les maires des villes de moins de 1 000 habitants, soit environ 27 000 maires, ainsi que tous les adjoints aux maires des villes de moins de 50 000 habitants, de telle sorte que seuls 700 des 160 000 adjoints resteraient ainsi assujettis. Bien entendu, tous les conseillers généraux et régionaux seront assujettis. Au total, sans préjudice d’éventuels cumuls, plus de 17 000 élus, dont plus de la moitié sont des maires, disposent d’indemnités dépassant le seuil de 1 516 euros par mois.

Plusieurs commentaires importants doivent être formulés à propos de ce seuil :

– il est apprécié collectivité par collectivité, pour l’ensemble des indemnités versées à l’élu par chaque collectivité ;

– il ne s’applique pas à la CSG et à la CRDS, prélevées sur la totalité des indemnités ;

– il empêche d’ouvrir des droits au profit de ceux dont les indemnités se situent à un niveau inférieur ;

– il n’évite pas une rémanence de niche sociale ;

– il ne constitue pas une franchise de cotisations, de telle sorte que les indemnités, dès lors qu’elles seront assujetties, le seront au premier euro.

Le II procède, dans le code général des collectivités territoriales, aux adaptations rédactionnelles et aux aménagements de références nécessaires pour l’ensemble des collectivités : communes (1° à 5°), départements (6° à 9°) et régions (10° à 15°). En particulier, la condition de cessation de toute activité professionnelle est ainsi effacée, tant pour l’assurance maladie que pour l’assurance vieillesse, au profit de la référence aux nouvelles conditions d’affiliation fixées par l’article L. 382-31 du code de la sécurité sociale.

Enfin, le III prévoit que le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2013.

Retenant l’hypothèse que seuls 20 % des élus ont cessé toute activité professionnelle et sont déjà affiliés au régime général pour les seuls risques maladie et vieillesse, le Gouvernement évalue à 140 millions d’euros par an la recette supplémentaire procurée au régime général par cette réforme. Environ un cinquième de ces nouvelles cotisations seront à la charge des élus, le reste revenant aux collectivités territoriales.

Pour les élus déjà affiliés au titre du régime en vigueur, l’impact sera inexistant, puisqu’ils acquittent déjà des cotisations maladie et vieillesse ainsi que la CSG et la CRDS au taux de droit commun. Pour les autres, déjà assujettis à la CSG et à la CRDS, le taux de cotisation supplémentaire sera de 7,5 %.

Pour les collectivités territoriales, la charge nette sera légèrement inférieure à la charge brute (112 millions d’euros), dans la mesure où elles bénéficieront d’un transfert de charges d’indemnités journalières (13 millions d’euros) et de dépenses d’accidents du travail et maladies professionnelles (7 millions d’euros), désormais supportées par le régime général.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 150 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai déposé cet amendement quelque peu provocateur, puisqu’il vise à supprimer l’article 17, pour susciter le débat. Si les objectifs d’harmonisation, d’équité et d’amélioration de la couverture invoqués par le Gouvernement sont louables, cet article soulève en effet deux interrogations. La première tient au glissement de la notion d’indemnité d’élu vers celle de salaire, alors qu’être élu n’est pas une profession, et ne doit pas le devenir – un mandat procède du suffrage universel. La seconde concerne le statut de l’élu. Ces dispositions auraient davantage leur place dans une réforme d’ampleur de ce statut, permettant de mieux reconnaître celui-ci et de faciliter l’exercice de la démocratie dans notre pays.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Être élu n’est pas une profession, mais un état qui, comme la santé, est transitoire…

Dans le contexte actuel, les élus de la Nation doivent apporter la preuve qu’ils participent à l’effort général. Je suis donc au regret de donner un avis défavorable à cet amendement.

M. Denis Jacquat. Je ne comprends pas la réponse du rapporteur. Qui dit cotisations sociales dit prestations. Or il existe déjà des régimes de retraite complémentaire pour les élus. Tout cela manque de clarté.

Ceci étant, je suis d’accord avec l’argumentation de Jacqueline Fraysse. Voilà des années qu’on nous explique en long et en large la différence entre indemnités et revenus. Il importe que nous restions cohérents.

Quoi qu’il en soit, il faut savoir si cette cotisation ouvre droit à des prestations.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet article rend universels le champ des élus couverts et l’étendue de la couverture. Il ouvre donc droit à des prestations auxquelles un certain nombre d’élus n’accédaient pas jusqu’à présent.

La Commission rejette l’amendement AS 150.

M. Dominique Tian. Le rapport parle de niche sociale, certaines indemnités étant assujetties alors que d’autres ne le sont pas. Mais à quoi ces cotisations donnent-elles droit ? Au versement de retraites ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Elles ouvrent droit à toutes les prestations des régimes de base.

M. Dominique Tian. C’est donc du « lourd », comme on dit. Je réitère ma question : ces cotisations ouvrent-elles droit au versement de retraites ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet article a trois mérites. Tout d’abord, il était anormal que certaines indemnités d’élus soient assujetties à cotisations alors que d’autres ne l’étaient pas. Ensuite, la différence de traitement entre élus locaux était difficilement justifiable. Enfin, le champ des prestations est désormais ouvert aux élus qui ne cotisaient pas auparavant.

Mme Bérengère Poletti. Il y a là une modification importante du statut de l’élu, qui est traitée de manière bien légère, sans que nous ayons la moindre idée de son impact potentiel. J’aimerais tout de même pouvoir comprendre les conséquences que cet article pourrait avoir sur la prise en charge des retraites des élus.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous renvoie à l’étude d’impact jointe au projet de loi : il suffit de la lire !

M. Dominique Tian. Que dit-elle ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Que le seuil sera fixé à la moitié du plafond de la sécurité sociale, soit 1 516 euros par mois. Il permettra ainsi d’exonérer les maires des villes de moins de 1 000 habitants, soit environ 27 000 maires, ainsi que tous les adjoints aux maires des villes de moins de 50 000 habitants, de telle sorte que seuls 700 des 160 000 adjoints resteraient ainsi assujettis. Tous les conseillers généraux et régionaux seront assujettis. Au total, sans préjudice d’éventuels cumuls, plus de 17 000 élus, dont plus de la moitié sont des maires, disposent d’indemnités dépassant le seuil de 1 516 euros par mois.

Trois commentaires importants doivent être formulés à propos de ce seuil : il empêche d’ouvrir des droits au profit de ceux dont les indemnités se situent à un niveau inférieur ; il n’évite pas une rémanence de niche sociale ; il ne constitue pas une franchise de cotisations, de telle sorte que les indemnités, dès lors qu’elles seront assujetties, le seront au premier euro.

L’article procède donc aux adaptations rédactionnelles et aux aménagements de références nécessaires pour l’ensemble des collectivités. En particulier, la condition de cessation de toute activité professionnelle est ainsi effacée, tant pour l’assurance maladie que pour l’assurance vieillesse, au profit de la référence aux nouvelles conditions d’affiliation fixées par l’article L. 382-31 du code de la sécurité sociale.

Enfin, le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2013.

Retenant l’hypothèse que seuls 20 % des élus ont cessé toute activité professionnelle et sont déjà affiliés au régime général pour les seuls risques maladie et vieillesse, le Gouvernement évalue à 140 millions d’euros par an la recette supplémentaire procurée au régime général par cette réforme. Environ un cinquième de ces nouvelles cotisations seront à la charge des élus, le reste revenant aux collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Door. Poursuivons donc la lecture : « pour les collectivités territoriales, la charge nette sera légèrement inférieure à la charge brute, qui s’élève à 112 millions d’euros, dans la mesure où elles bénéficieront d’un transfert de charges d’indemnités journalières et de dépenses d’accidents du travail et maladies professionnelles ». Je réitère à nouveau la question : à quelles prestations ces cotisations ouvrent-elles droit ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il suffit. Nous avons déjà rejeté cet amendement. Vous aviez tout le temps de prendre la parole après Jacqueline Fraysse ; vous attendez que le vote soit intervenu pour le faire ; vous vous inquiétez maintenant de l’étude d’impact. Vous avez huit jours pour la lire. Vous poserez vos questions dans l’hémicycle.

M. Dominique Tian. Les élus vont donc pouvoir être en arrêt maladie…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous réclamiez un statut, nous y venons !

La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel AS 221, les amendements de conséquence AS 222 et AS 223 et l’amendement de rectification d’une erreur AS 224, tous de M. Gérard Bapt, rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 17 modifié.

Article 18

(art. 28 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement
de la sécurité sociale pour 2012)


Alignement des taux de cotisations au régime général d’assurance maladie des salariés de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris

Le présent article contient trois dispositions qui tendent à appliquer aux salariés de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) affiliés au régime général d’assurance maladie le même régime de cotisations que les fonctionnaires :

– précision du fait que les salariés de la CCIP ne bénéficient pas des prestations en espèces du régime général ;

– exemption de la cotisation salariale d’assurance maladie et application des taux de cotisation des fonctionnaires affiliés au régime général uniquement pour les prestations en nature ;

– modification de l’article 28 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, qui prévoit le transfert des affiliés du régime spécial de la CCIP vers le régime général.

1. Un régime spécial de la CCIP progressivement intégré au régime général d’assurance maladie

a) Une intégration rendue nécessaire par les évolutions de la chambre

Le personnel titulaire de la CCIP relève d’un régime spécial de sécurité sociale. Ce régime est la conséquence de leur statut particulier. Les salariés de la CCIP sont des agents consulaires : ce ne sont pas des fonctionnaires mais des agents de droit public titulaires. Leur statut est fondé sur l’arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, des chambres régionales de commerce et d’industrie et des groupements interconsulaires. Cependant, ils bénéficient de dispositions analogues à celles prévues pour les fonctionnaires, notamment au regard de la sécurité sociale.

Dépourvu d’une personnalité juridique propre, le régime spécial de la CCIP est géré par une section distincte de la CCIP en tenue de compte et en trésorerie. Le régime est contrôlé par un conseil paritaire de surveillance qui regroupe six représentants de la chambre et six représentants de son personnel, et est placé sous la présidence du vice-président trésorier de la chambre. En 2011, il protégeait un peu plus de 18 000 personnes pour un montant de prestations délivrées d’un peu plus de 18 millions d’euros par an.

Le personnel de la CCIP est progressivement intégré au régime général. L’article 70 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises avait prévu l’affiliation des salariés et anciens salariés de la CCIP au régime général pour les risques vieillesse et invalidité, à compter du 1er janvier 2006. Seul le risque vieillesse avait été transféré en pratique, la couverture du risque invalidité continuant d’être gérée par le régime spécial de la CCIP.

Il était nécessaire d’aller plus loin dans le contexte de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, avec laquelle le maintien du régime spécial de la CCIP était incompatible. En effet, cette loi disposait que les chambres départementales d’Ile-de-France seraient fondues le 1er janvier 2013 en une chambre de commerce et d’industrie de la région Paris-Ile-de-France. Les personnels de cette chambre devaient relever d’un statut unique, or le personnel des autres chambres était déjà couvert par le régime général d’assurance maladie. Le maintien du régime spécial de la CCIP aurait donc conduit à des difficultés de gestion et à une inégalité de traitement.

b) Le transfert définitif organisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Dans la continuité de la loi de 2005, l’article 28 de la loi de financement pour 2012 prévoit donc l’intégration au régime général du régime spécial d’assurance maladie de la CCIP pour les risques maladie et maternité. Ces dispositions, ainsi que leur affiliation effective au régime général pour le risque invalidité, doivent être appliquées à compter du 1er janvier 2013. À cette date doit donc disparaître le régime spécial d’assurance maladie de la CCIP. La CCIP et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ont approuvé cette décision.

Il est prévu que le régime général prenne en charge uniquement les prestations en nature servies au titre des risques maladie, maternité, invalidité et décès. Les personnels de la CCIP ne sont donc pas concernés par les prestations en espèces du régime général. Ils bénéficient d’une prise en charge de ces prestations par la CCIP : les statuts du personnel prévoient ainsi le maintien du salaire même en cas d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle. Les autres chambres de commerce, elles, ne prennent pas en charge les prestations en espèces, qui sont donc versées par le régime général.

D’après la loi de financement pour 2012 et en application des articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de la sécurité sociale, des dispositions réglementaires devaient déterminer les taux de cotisation de la CCIP au régime général, pour permettre d’atteindre le taux de cotisation des assurances maladie, maternité, invalidité et décès du régime général à la charge des employeurs.

La période transitoire devait durer du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2018. Au cours de cette période, le taux de cotisation de la CCIP devait passer de son taux actuel, fixé à 5,1 % selon l’article 16 du décret n° 91-613 du 28 juin 1991, au taux du régime général, fixé à 12,8 %.

2. Application aux salariés de la chambre intégrés dans le régime général des mesures relatives aux fonctionnaires

Les trois mesures prévues par le présent article sont pleinement justifiées, car elles tiennent compte du statut particulier des salariés de la CCIP : comme pour les fonctionnaires, en effet, les prestations en espèces versées aux salariés affiliés au régime général sont à la charge de l’employeur. Il est donc logique de procéder à l’alignement des taux de cotisations sur ceux des fonctionnaires de l’État pour les prestations en nature, et à l’exemption de cotisation salariale d’assurance maladie pour les prestations en espèces.

Ces trois mesures prennent la forme de modifications apportées à l’article 28 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

a) Précision du fait que les salariés de la CCIP ne bénéficient pas des prestations en espèces du régime général

Le a du I apporte une précision omise dans la loi de financement pour 2012. Il s’agit de rappeler que l’affiliation des salariés de la CCIP au régime général ne vaut que pour les prestations en nature. Le présent article précise donc que l’affiliation des salariés de la CCIP au régime général ne concerne pas les prestations en espèces prévues au 5°) de l’article L. 321-1 et à l’article L. 331-3 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire les indemnités versées respectivement en cas d’arrêt maladie et d’arrêt maternité. En effet, les salariés sont pris en charge par la CCIP pour ces risques.

b) Maintien de l’exemption de la cotisation salariale d’assurance maladie pour les salariés de la chambre

Par ailleurs, le b du I du présent article prévoit le maintien de l’application aux personnels de la CCIP des dispositions de l’article L. 131-9 du code de la sécurité sociale. En application de cet article, les personnels de la CCIP ne sont pas redevables de la cotisation salariale d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès du régime général. Cet article a été introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, et s’applique depuis le 1er janvier 1998.

Le maintien de l’absence de cotisation salariale maladie nécessite une disposition législative, qui avait été omise dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Sans une telle disposition, les personnels de la CCIP seraient assujettis au taux de cotisation applicable au régime général, soit 0,75 %.

Cette cotisation salariale est destinée à financer les prestations en espèces du régime général, dont ne bénéficient pas les salariés de la CCIP. Il est donc logique que, comme les fonctionnaires, ils soient dispensés de cette cotisation. En effet, appliquer le taux de cotisation salariale aux personnels de la CCIP affiliés au régime général constituerait une rupture d’égalité.

c) Application aux salariés de la chambre des taux de cotisations des fonctionnaires affiliés au régime général pour les prestations en nature

Enfin, le présent article modifie les dispositions concernant les taux de cotisations de l’employeur afférents aux salariés de la CCIP intégrés au régime général. En effet, il prévoit que les taux seront identiques à ceux acquittés par l’État pour les fonctionnaires affiliés au régime général selon les mêmes modalités, c’est-à-dire uniquement pour les prestations en nature.

Le II de l’article modifie donc l’article 28 de la loi de financement pour 2012, qui renvoie désormais à l’article L. 712-9 du code de la sécurité sociale. Selon cet article, la couverture des prestations en nature est assurée par une cotisation de l’État et par une cotisation des fonctionnaires.

Un décret simple devra fixer les taux de cotisation, qui devront passer de 5,1 % à 9,7 %. Au cours d’une période de montée en charge s’étalant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2018, le taux devra progresser de 0,7 % chaque année.

*

La Commission adopte l’article 18 sans modification.

Article additionnel après l’article 18

(art. 37 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement
de la sécurité sociale pour 2012)


Prolongation de la possibilité pour les pédicures-podologues de s’affilier au Régime social des indépendants

Une dérogation ouvrant l’option RSI aux podologues la possibilité de s’affilier au Régime social des indépendants (RSI) a été ouverte par la loi de financement pour 2012. Or, cette mesure n’était pas reconductible. De plus, elle a été mal comprise par les intéressés qui craignaient en passant au RSI d’être déconventionnés, sachant qu’ils sont par ailleurs très attachés au régime des praticiens et auxiliaires médicaux.

C’est la raison pour laquelle cet article additionnel vise à reconduire cette possibilité pour 2013.

*

La Commission examine l’amendement AS 244 du rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur. Cet amendement vise à reconduire l’option offerte aux pédicures-podologues de s’affilier au RSI jusqu’en 2013, le temps que les négociations conventionnelles aboutissent.

M. Bernard Accoyer. Peut-être faudrait-il, pour la séance publique, changer l’exposé sommaire qui est rédigé à la première personne du pluriel. Il y est question de « nos confrères et consœurs »…

La Commission adopte l’amendement AS 244.

Article 19

(art. 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité
et du gaz et aux entreprises électriques et gazières)


Augmentation de la contribution tarifaire d’acheminement

Le présent article vise à relever le plafond du taux de la contribution tarifaire d’acheminement portant sur la distribution de gaz, afin de couvrir les besoins de financement du régime spécial de retraites des industries électriques et gazières (IEG).

1. Les taux actuels de la contribution ne permettent plus de couvrir les charges du régime de retraite des industries électriques et gazières

La contribution tarifaire d’acheminement (CTA) est une imposition de toute nature instituée par l’article 18 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, au profit de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG).

Cette taxe finance une partie des « droits spécifiques » du régime spécial de retraites des industries électriques et gazières (IEG) qui ne sont pas pris en compte dans l’adossement du régime aux régimes de retraite de droit commun (Caisse nationale d’assurance vieillesse – CNAV – et AGIRC-ARRCO).

Elle assure le financement :

– des droits spécifiques du régime spécial des IEG constitués avant le 31 décembre 2004, pour les agents travaillant dans les activités régulées que sont le transport et la distribution (9) ;

– d’une partie du coût de l’adossement financier de ce régime spécial aux régimes de droit commun, à travers des annuités sur 20 ans correspondant à une quote-part de la soulte due par le régime spécial à la CNAV ; cette soulte neutralise financièrement l’effet de l’adossement sur le ratio démographique du régime général ;

– des charges financières engendrées par le décalage de trésorerie entre les flux d’encaissement et de décaissement de la taxe.

La taxe est due par les gestionnaires des réseaux de transport ou de distribution et par les fournisseurs d’électricité et de gaz qui la perçoivent auprès des consommateurs finals sur le paiement de leurs factures, puis la déclarent et la reversent mensuellement ou trimestriellement à la CNIEG. Elle est assise sur la part fixe hors taxe des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de l’électricité et sur une quote-part hors taxes des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution du gaz naturel. Sa charge financière est donc assumée par le consommateur final, particulier comme entreprise.

La CTA est calculée à partir de quatre taux différents (transport de gaz, distribution de gaz, transport d’électricité, distribution d’électricité), fixés par arrêté des ministres chargés de l’énergie, du budget et de la sécurité sociale, après avis de la Commission de régulation de l’énergie, en fonction des besoins prévisionnels des cinq prochaines années de la CNIEG pour le financement des charges précitées. Un arrêté a été pris en ce sens le 29 décembre 2005.

Chacun des quatre tarifs évolue dans la limite de fourchettes fixées par la loi du 9 août 2004 :

– entre 1 % et 10 % en ce qui concerne les consommateurs raccordés au réseau public de transport d’électricité et entre 10 % et 20 % en ce qui concerne les consommateurs raccordés aux réseaux publics de distribution d’électricité ;

– entre 1 % et 10 % en ce qui concerne l’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel et entre 10 % et 20 % concernant l’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel.

Le rendement de cette contribution a été pour 2011 de 1,14 milliard d’euros, dont 73 % financent les droits spécifiques et 27 % sont reversés au titre de la soulte annuelle due au régime général.

Le montant de la CTA figure sur une ligne distincte sur les factures d’électricité ou de gaz.

En 2010, lors de la révision prévue par la loi, le Gouvernement précédent a fait le choix de ne pas revoir ces taux en raison d’un surcroît de financement exceptionnel dans le cadre de la clause de revoyure de l’adossement avec l’AGIRC et l’ARRCO qui a donné lieu à un reversement de ces organismes à la CNIEG d’un montant d’environ 230 millions d’euros.

Cependant, les projections financières établies par la CNIEG montrent que, dès 2013, le relèvement des taux est nécessaire pour reconstituer des réserves suffisantes permettant de couvrir l’augmentation des charges. Ne pas augmenter les taux remettrait en cause l’équilibre instauré par la loi du 9 août 2004, qui garantit l’autonomie financière du régime et la neutralité financière pour le régime général de l’adossement du régime spécial.

Les augmentations envisagées pour faire face aux besoins de financement des cinq prochaines années se situent à l’intérieur des fourchettes actuelles pour la distribution d’électricité, le transport d’électricité et le transport du gaz (qui passeraient respectivement à 23,65 %, 9,51 % et 5,77 %).

En revanche, pour ce qui concerne la distribution du gaz, un élargissement de la fourchette prévue par la loi est nécessaire car il faudrait relever le taux à 21 %.

On aurait pu imaginer d’augmenter davantage les taux sur les trois autres assiettes, puisque les bornes maximales ne sont pas atteintes, évitant ainsi une mesure législative. Toutefois, une telle mesure remettrait en cause l’économie générale du système qui a été validé par la Commission européenne en ce qu’il ne constitue pas une aide d’État.

2. Le dispositif proposé consiste à relever la borne haute pour le seul taux de distribution du gaz

Le présent article modifie le V de l’article 18 de la loi du 9 août 2004, remplaçant l’actuelle fourchette des taux s’appliquant à la distribution de gaz (10 % à 20 %) par une nouvelle fourchette de 15 % à 25 %.

La recette supplémentaire pour la CNIEG est estimée à 45 millions d’euros en 2013 en ce qui concerne la distribution de gaz, et à 160,5 millions d’euros pour l’ensemble des quatre tarifs.

L’impact de cette hausse pour les consommateurs devrait être modéré, de l’ordre de 10 à 40 centimes par mois. Par exemple, pour un foyer de cinq personnes pour une maison de 120 m², l’impact sera de 2,45 euros annuels, soit 20 centimes par mois, pour un logement exclusivement équipé au gaz (pour un montant total de CTA de 28,72 euros par an), et de 3,28 euros annuels, soit 27 centimes par mois, pour un logement exclusivement équipé à l’électricité (pour un montant total annuel de CTA de 33,24 euros).

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 38 de Mme Bérengère Poletti.

M. Denis Jacquat. Cet amendement vise à supprimer l’article 19. J’en ai parlé la semaine dernière au nom de mon groupe devant les ministres. On peut s’étonner que les retraites dites « surcomplémentaires » d’un régime spécifique soient payées par l’ensemble des personnes qui acquittent leurs factures d’électricité. La ligne « CTA » – contribution tarifaire d’acheminement – qui figure sur ces factures alimente en effet le financement de ces retraites « surcomplémentaires ». Personnellement, j’ai toujours été opposé au principe de cette contribution.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le groupe UMP ne cesse de présenter des amendements de suppression, mais il ne fait aucune proposition ! Il s’agit pour nous de répondre aux besoins de financement d’un régime spécial de retraite, besoins qui découlent des dispositions que vous avez vous-mêmes adoptées dans le cadre de la loi du 9 août 2004. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Dominique Tian. Le scandale continue ! Lors de l’examen de la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie, nous avons défendu des amendements pour rappeler que 300 000 personnes en France ne payent pas leur énergie. Plus exactement, elles payent entre 5 et 10 % du montant de la facture réelle. Je veux parler des agents d’EDF et de leurs conjoints et enfants, sachant que cet avantage vaut à vie et concerne aussi bien la résidence principale que la résidence secondaire. C’est d’autant plus choquant que selon la Cour des comptes, ces personnes consomment trois fois plus d’électricité que la moyenne.

Vous nous proposez maintenant de demander aux consommateurs de payer plus cher leur électricité, pour que le régime des industries électriques et gazières continue à permettre à ses agents de partir à la retraite plus tôt et de cotiser moins ! Ne comptez pas sur nous pour soutenir cette flagrante injustice !

M. Michel Issindou. La CTA a une histoire. Elle découle de la réforme des retraites de 2003, dite réforme Fillon, qui a rapproché les régimes spéciaux du régime des fonctionnaires. En contrepartie, le gouvernement de l’époque avait accepté de créer cette contribution. Ne venez donc pas nous reprocher de chercher à préserver un dispositif que vous avez vous-mêmes instauré et que vous aviez tout le temps de supprimer…

M. Denis Jacquat. C’est exact. Je tiens cependant à rappeler qu’il s’agit de financer un régime « surcomplémentaire ». Nous n’avons peut-être pas fait au mieux en 2004, mais nous vous offrons ce soir l’occasion de réparer cette erreur en votant notre amendement…

M. Dominique Tian. Le tarif préférentiel de l’électricité et du gaz accordé par EDF et GDF à leurs agents induit un manque à gagner de 2,5 milliards d’euros. Ce n’est pas rien ! Nous avions en son temps proposé que ces agents s’acquittent de 50 % du montant de leurs factures. Tout en restant un avantage considérable par rapport au citoyen ordinaire qui doit bien, lui, les payer en totalité, c’eût été mieux que 5 % seulement ! Au surplus, il a déjà fallu voler au secours du régime spécial de retraite de ces salariés et le renflouer à hauteur de 8 milliards d’euros. Ce scandale devra bien cesser un jour.

La Commission rejette l’amendement AS 38.

Puis elle examine l’amendement AS 66 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. La hausse prévue concernera-t-elle également les agents statutaires d’EDF et de GDF, en activité ou non ? Ce serait la moindre des choses.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oui, ils supporteront eux aussi cette augmentation. Votre amendement est donc satisfait.

S’agissant des modalités de prise en charge de leurs factures d’énergie par leurs employeurs, elles ne peuvent être modifiées que par accord professionnel. Cela n’est pas de la compétence du Parlement.

La Commission rejette l’amendement AS 66.

Puis elle adopte l’article 19 sans modification.

Après l’article 19

La Commission est saisie de l’amendement AS 67 de M. Dominique Tian portant article additionnel après l’article 19.

M. Dominique Tian. Je ne m’étends pas davantage ici sur le problème de la fourniture d’électricité et de gaz par EDF et GDF, à tarif très préférentiel, à leurs salariés et retraités. Nous y reviendrons en séance publique.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 67.

Article 20

(art. L. 136-2, L. 137-15 et L. 137-16 du code de la sécurité sociale)


Régime social de l’indemnité spécifique versée à l’occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail

Le présent article vise à assujettir au forfait social la part de l’indemnité liée à une rupture conventionnelle du contrat de travail inférieure à son montant minimal conventionnel ou légal.

1. Le régime social des indemnités de rupture du contrat de travail

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, la rupture du contrat de travail peut donner lieu à indemnités non seulement en cas de licenciement, de mise à la retraite ainsi que de départ volontaire versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mais aussi du fait d’une nouvelle forme de rupture, régie par les articles L. 1237-11 à L. 1237-15 du code du travail. Il s’agit de la rupture dont peuvent convenir en commun, à l’issue d’un ou plusieurs entretiens, l’employeur et le salarié.

La convention définit les conditions de la rupture, notamment le montant de l’indemnité spécifique, qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité de licenciement. La convention fait l’objet, sous quinze jours, d’une homologation par l’autorité administrative ou, pour les salariés protégés, d’une autorisation de l’inspection du travail.

Cette modalité de rupture, demandée en majorité par l’employeur et concernant proportionnellement davantage les salariés âgés, s’est rapidement imposée : en extrapolant les chiffres du premier semestre, le nombre de conventions homologuées devrait atteindre 300 000 en 2012, à rapprocher des 305 000 licenciements et 30 500 mises à la retraite comptabilisés en 2010.

L’indemnité de rupture conventionnelle est soumise au même régime social que les autres indemnités de rupture. Les cotisations et contributions sociales dues sur ces indemnités diffèrent selon le montant considéré :

– la part inférieure au montant conventionnel ou, à défaut, à l’indemnité légale n’est assujettie à aucune cotisation ou contribution (cotisations sociales, CSG, CRDS, retraite complémentaire, chômage, transport, ...). Pour les salariés relevant de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2009 sur la modernisation du marché du travail, c’est-à-dire tous les salariés du secteur privé à l’exception de ceux des professions libérales, des associations et du secteur agricole, il est à noter que l’indemnité minimale de rupture conventionnelle est égale à l’indemnité légale de licenciement, de telle sorte qu’elle n’est ainsi jamais entièrement exonérée de cotisations et contributions ;

– la part comprise entre ce montant et deux plafonds annuels de la sécurité sociale (72 344 euros), dans la limite de 50 % du montant de l’indemnité (ou de deux fois le salaire brut annuel si ce montant est supérieur) pour les indemnités de mise à la retraite et hors plan de sauvegarde de l’emploi, est assujettie à la CSG et à la CRDS ;

– la part supérieure à deux plafonds annuels de la sécurité sociale est soumise aux cotisations et contributions sociales de droit commun ;

– pour les indemnités dont le montant est supérieur à dix plafonds annuels de la sécurité sociale (363 720 euros), l’assujettissement aux cotisations et contributions sociales se faite au premier euro. En outre, quand bien même elle serait inférieure à ce montant, l’indemnité de rupture conventionnelle versée à un salarié pouvant bénéficier d’une retraite d’un régime légalement obligatoire est, elle aussi, assujettie au premier euro dans les conditions de droit commun (article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, par renvoi au 1 de l’article 80 duodecies du code général des impôts).

2. Un régime social plus adapté à la nature de l’indemnité de rupture conventionnelle

Bien que de nature juridiquement quelque peu différente, puisque consécutive à une rupture non imputable à une décision unilatérale de l’employeur créant un préjudice et fondant ainsi la nature de l’indemnité, l’indemnité de rupture conventionnelle est actuellement soumise au même régime social que les autres indemnités de rupture.

Le présent article propose de prendre en compte cette différence de nature et de soumettre au forfait social, dont le taux (20 % depuis la loi de finances rectificative d’août dernier) est désormais du même ordre que celui des cotisations non créatrices de droits, la part de l’indemnité de rupture conventionnelle exclue de l’assiette de la CSG, c’est-à-dire celle inférieure au montant prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.

Le 1° du I exclut donc ces indemnités de rupture conventionnelle de la liste des exceptions à l’assujettissement au forfait social établie par l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale et, symétriquement, le 2° du I les assujettit à cette contribution pour leur part exclue de l’assiette de la CSG.

Le II aménage la rédaction de l’article L. 136-2 du même code afin de clarifier la lecture des dispositions relatives à la CSG, en précisant explicitement que l’assujettissement à la CSG n’est pas conditionné à celui prévu pour l’impôt sur le revenu.

Se fondant sur une estimation de 250 000 ruptures conventionnelles homologuées en 2013 et prenant en compte le montant moyen de l’indemnité (7 430 euros en 2010), l’étude d’impact jointe au présent projet de loi évalue à 330 millions d’euros les recettes supplémentaires attendues de cette mesure.

Le III procède à l’affectation de cette somme à la seule Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), modifiant en conséquence la clef de répartition du produit du forfait social sur les rémunérations et gains soumis au taux de 20 %, telle que fixée à l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale.

Répartition du taux du forfait social à 20 %

(en %)

 

Avant PLFSS 2013

Après PLFSS 2013

CNAMTS

5

6,1

CNAV

6

5,6

FSV
dont section II

9
0,5

8,3
0,5

La baisse des taux pour les autres affectataires est sans incidence sur les ressources qu’ils doivent recevoir au titre du forfait social, dans la mesure où ces taux s’appliquent à l’assiette telle qu’élargie par le présent article.

*

La Commission est saisie de trois amendements identiques, AS 39 de Mme Bérengère Poletti, AS 68 de M. Dominique Tian et AS 109 de M. Arnaud Richard, tendant à supprimer l’article.

Mme Véronique Louwagie. Nous proposons de supprimer l’article 20 qui assujettit à un forfait social de 20 % l’indemnité de rupture conventionnelle du contrat de travail.

Alors qu’il n’existait auparavant que deux façons de mettre fin à un contrat de travail – le licenciement, à l’initiative de l’employeur, ou la démission, à l’initiative du salarié, – le dispositif de rupture conventionnelle permet aujourd’hui à un salarié et à son employeur de convenir d’une rupture d’un commun accord. C’est d’ailleurs souvent à la demande du salarié que l’employeur propose une rupture conventionnelle. En même temps qu’elle ouvre des droits au salarié, elle limite le risque pour l’employeur d’une procédure devant le conseil des prud’hommes, voire ensuite en appel. Le dispositif connaît un grand succès puisque quelque 300 000 ruptures de ce type ont d’ores et déjà eu lieu. Cela a désengorgé la justice prud’homale et les cours d’appel.

Taxer davantage l’indemnité de rupture conventionnelle dissuadera les employeurs de recourir à un mécanisme qui fonctionne à la satisfaction des deux parties. Vous allez tuer ce dispositif !

M. Dominique Tian. Dispositif dont on perçoit tout l’intérêt quand on sait qu’à Marseille par exemple, il faut en moyenne attendre trois ans avant qu’une affaire ne soit jugée aux prud’hommes ! Taxer davantage ce dispositif souple, plébiscité par les salariés comme par les employeurs, n’aboutira qu’à encombrer un peu plus la justice prud’homale. Vous prenez là une très mauvaise mesure.

M. Francis Vercamer. Le dispositif de la rupture conventionnelle, issu de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, a fait ses preuves : il évite les conflits, toujours dommageables aux entreprises, entre employeur et salariés. Il mérite d’être maintenu tel quel. Notre amendement vise donc à supprimer l’article qui inévitablement le rendrait moins attractif.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce dispositif marche bien, en effet. En attestent les quelque 300 000 conventions qui devraient être homologuées en 2012 – à rapprocher de 305 000 licenciements et 30 500 mises à la retraite.

Vous vantez les mérites d’une rupture qui se ferait toujours à l’amiable, dites-vous. Les syndicats ne voient pas les choses du même œil : la CGT dit qu’une seule rupture conventionnelle sur dix intervient à la demande du salarié ; la CFDT pense qu’il y en a tout au plus trois sur dix. Même avec accord entre les parties, il n’en reste pas moins que c’est souvent une manière d’alléger les effectifs de l’entreprise.

D’autre part, cette indemnité de rupture n’est pas une véritable indemnité, dans la mesure où, un accord étant intervenu, il n’y a pas préjudice. Elle s’apparente davantage à une rémunération. Il est donc logique qu’elle soit en partie assujettie au forfait social, au taux de 20 % tel que fixé par la loi de finances rectificative d’août dernier.

M. Michel Issindou. Notre philosophie est simple : tous les revenus, quelle qu’en soit l’origine, doivent contribuer d’égale façon à la solidarité nationale et au rétablissement des comptes sociaux.

Chers collègues de l’opposition, vous refusez toutes les recettes que nous proposons. Faudrait-il donc, selon vous, continuer à laisser filer les déficits ? Si vous pensez que non, proposez au moins d’autres recettes pour renflouer la sécurité sociale.

Mme Isabelle Le Callennec. À vous entendre, chers collègues de la majorité, vous n’avez rien contre les auto-entrepreneurs, non plus que contre l’intéressement, les particuliers employeurs et la rupture conventionnelle du contrat de travail. Seulement, par toutes vos mesures, vous cassez la dynamique de ces dispositifs souples qui favorisent l’emploi et améliorent le dialogue entre employeur et salarié. Où seront désormais les incitations ?

M. Denys Robiliard. Le dispositif de la rupture conventionnelle demeure très incitatif. Selon le Centre d’études pour l’emploi, c’est l’employeur qui, dans 61 % des cas, prend l’initiative d’y recourir. Et, même avec des indemnités assujetties au forfait social, il y aura toujours intérêt car le coût est moindre – si, comme dans 88 % des cas, la convention de rupture est homologuée, il n’a à payer que l’équivalent de l’indemnité de licenciement – et le risque judiciaire en est considérablement amoindri, même si un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation a annulé une rupture conventionnelle consécutive à un conflit. N’ayez donc crainte : le dispositif continuera d’être très largement utilisé par les entreprises. Au premier semestre de 2012, le nombre de ces ruptures a augmenté de 22 % par rapport au premier semestre de 2011.

Il n’est du rôle ni de l’État ni du législateur d’inciter de quelque façon que ce soit à la rupture du contrat de travail. La situation est bien sûr tout autre une fois que les partenaires sociaux se sont accordés sur un mode de rupture déterminé : il nous appartient alors de leur donner la possibilité légale d’agir en conséquence.

M. Arnaud Robinet. Taxer à 20 % les indemnités de rupture conventionnelle – qui ne sont pas un revenu ! –, voilà un nouvel exemple de votre folie taxatrice ! Vous n’avez en tête que de taxer et taxer encore et toujours, bref de chercher de l’argent partout où vous pouvez en trouver, fût-ce au prix de la destruction de dispositifs qui fonctionnent. Mais au moins ne biaisez pas, soyez francs vis-à-vis de nos concitoyens.

Mme Jacqueline Fraysse. Les ruptures conventionnelles interviennent surtout à l’initiative des employeurs et à leur bénéfice. Il est normal de taxer à 20 % les indemnités : cela procurera des ressources supplémentaires et cela dissuadera peut-être les employeurs d’y recourir autant qu’ils le font aujourd’hui.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Un million de ruptures conventionnelles, intervenues donc « de gré à gré » : cela laisse dubitatif quand on sait la difficulté pour les salariés de retrouver un travail aujourd’hui en pleine crise économique. C’est à se demander si le dispositif n’a pas été détourné.

M. Gérard Sebaoun. D’autant que, comme l’indique l’étude d’impact, 40 % des ruptures conventionnelles concernent des salariés âgés de 55 à 60 ans…

M. Arnaud Richard. Ce dispositif séduit et les employeurs et les salariés. Voulez-vous dire, madame la présidente, que les employeurs exercent des pressions sur les salariés ? Je ne nie pas que cela puisse arriver, mais cette rupture intervient bien de gré à gré car personne n’est obligé de signer quoi que ce soit ! Du point de vue fiscal, les indemnités sont considérées comme des revenus exceptionnels. Je ne comprends pas votre frénésie à taxer toujours davantage ni votre défiance quasi psychotique vis-à-vis de tout assouplissement de la relation employeur-salarié.

Mme la présidente Catherine Lemorton. À chacun sa psychose !

Mme Véronique Louwagie. La rupture conventionnelle, qui se substitue à une démission ou à un licenciement – et ne vient pas en sus –, satisfait les deux parties.

La Commission rejette les amendements identiques AS 39, AS 68 et AS 109.

Puis elle examine l’amendement AS 69 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Vous voudriez qu’il en aille de la rupture entre employeur et salarié comme il en allait par le passé du divorce qui, ne pouvant être prononcé que pour faute, exigeait de chacun des époux qu’il invente des griefs contre l’autre et donnait lieu à d’homériques batailles d’avocats, Je ne comprends pas qu’enfermés dans votre tour d’ivoire, aveugles aux évolutions, vous vous défiiez ainsi de la nouveauté, refusiez la souplesse et cherchiez toujours à entraver ce qui marche – et qui, en l’espèce, est accepté par les syndicats. Vous oubliez en effet que le dispositif de la rupture conventionnelle a été institué en accord avec les syndicats patronaux et ouvriers. Continuez à servir le lobby des avocats, dont le poids me surprendra toujours. Pendant ce temps, des ouvriers attendront plusieurs années une décision des prud’hommes !

Mme la présidente Catherine Lemorton. On recourt aussi à des avocats dans beaucoup de ruptures conventionnelles.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 69.

Puis elle adopte l’article 20 sans modification.

Article 21

(art. L. 862-2 à L. 862-7 du code de la sécurité sociale)


Réforme des modalités de remboursement de la couverture maladie universelle complémentaire aux organismes gestionnaires

Le présent article vise à rationaliser les modalités de remboursement par le Fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) (Fonds CMU) des organismes gestionnaires de celle-ci et l’amélioration des règles de contrôle de la dépense.

1. Le Fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire ne couvre que partiellement les dépenses engagées à ce titre

Le Fonds CMU est un établissement public national à caractère administratif. Il a été institué par la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle afin de financer le volet complémentaire de la couverture maladie universelle (CMUc). Il assure également la gestion de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS).

Pour l’année 2011, ses recettes ont été exclusivement constituées par une taxe à laquelle sont assujettis les organismes d’assurance complémentaire intervenant dans le domaine des soins de santé sur leur chiffre d’affaires santé (6,27 % depuis 2011).

Pour mémoire, les prestations de la CMUc sont servies au choix du bénéficiaire, par son régime obligatoire d’assurance maladie, ou par un organisme complémentaire (mutuelle, institution de prévoyance, société d’assurance) inscrit sur la liste des organismes habilités à gérer la CMUc. En 2011, le nombre d’organismes gestionnaires de la CMUc est de 477 contre 495 en 2010, soit 69,9 % de l’ensemble des organismes complémentaires cotisant à la contribution CMUc.

Chaque bénéficiaire de la CMUc ouvre droit pour le gestionnaire à un forfait égal à 370 euros.

Le Fonds CMU verse aux régimes obligatoires la somme de ces forfaits. Quant aux organismes complémentaires, ils les déduisent du montant de la taxe due. Lorsque ce montant est inférieur aux sommes engagés, le Fonds reverse aux organismes la différence.

Or ce système ne permet pas de couvrir l’intégralité des sommes engagées par les gestionnaires au titre des dépenses de CMUc et nuit au pilotage du dispositif.

En effet, même si le Fonds CMU est excédentaire, le montant forfaitaire sur la base duquel les organismes gestionnaires se voient rembourser les dépenses engagées n’a pas été revalorisé depuis 2009, alors même que le coût de la CMUc augmente, comme le montre le tableau ci-dessous.

Remboursement dépenses couverture maladie universelle complémentaire

 

2009

2010

2011

2012 (P)

2013 (P)

Nombre de bénéficiaires de la CMUC, en millions

Évolution prévisionnelle

 

0,3 %

2,8 %

2,7 %

3,5 %

CNAMTS

3,32

3,33

3,42

3,52

3,64

CCMSA

0.11

0,10

0,10

0,10

0,11

RSI

0,15

0,16

0,16

0,17

0,17

OC

0,59

0,63

0,65

0,67

0,69

Autres

0,05

0,04

0,05

0,05

0,05

Dépenses moyennes annuelles par bénéficiaire

Montant du forfait de remboursement par bénéficiaire

370 €

370 €

370 €

370 €

370 €

Taux d’évolution global des dépenses moyennes

 

2,2 %

3,56 %

3,00 %

3,00 %

CNAMTS

417 €

430 €

445 €

458 €

472 €

CCMSA

370 €

366 €

380 €

391 €

403 €

RSI

334 €

314 €

330 €

340 €

350 €

OC

367 €

368 €

379 €

390 €

402 €

Reste à charge tendanciel par organisme en M€

CNAMTS avant affectation des réserves du Fonds CMU

157

199

257

311

372

CNAMTS après affectation des réserves du Fonds CMU

74

95

128

185

263

CCMSA

0

0

1

2

4

RSI

-5

-9

-7

-5

-3

OC

-2

-2

6

14

22

Source : Étude d’impact.

Cette situation est particulièrement préjudiciable pour la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), qui couvre 77 % des dépenses de CMUc et affiche un coût moyen par bénéficiaire de 445 euros en 2011, ce que le forfait versé par le Fonds CMU ne couvre qu’en partie (supérieur de 83 euros par bénéficiaire en métropole au forfait de 370 euros) et qui est très supérieur aux autres organismes gestionnaires. Cette situation aboutit à une forme de financement par le régime général de l’assurance complémentaire. Ainsi, le reste à charge en 2012, après affectation des réserves du Fonds CMU s’élève à 185 millions d’euros.

De plus, cet écart entre la participation du Fonds CMU et le coût réel du dispositif nuit à la lisibilité de la dépense engagée et votée chaque année par le Parlement.

La loi de finances pour 2013 prévoit de compléter le financement du Fonds CMU par l’affectation du produit de la taxe sur les boissons à sucre ajouté ainsi que du produit de la taxe sur les boissons contenant des édulcorants.

En cohérence avec l’augmentation des ressources du Fonds CMU, le présent projet de loi propose de rationaliser les modalités de compensation du coût de la CMUc pour les organismes gestionnaires et d’améliorer l’information relative aux dépenses prises en charge par le Fonds CMU.

2. Une meilleure compensation des dépenses de la couverture maladie universelle complémentaire aux organismes de gestion et une meilleure information du Parlement sur les dépenses engagées

Le présent article modifie profondément les modalités de remboursement des dépenses de CMUc aux organismes gestionnaires du dispositif.

Le I modifie le code de la sécurité sociale, afin de prévoir que les régimes d’assurance maladie et les organismes complémentaires seront remboursés sur la base des dépenses réelles, dans la limite d’un montant forfaitaire fixé par voie réglementaire.

Le 1° du I modifie les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 862-2, qui fixent la nature des dépenses du Fonds CMU, afin de prévoir qu’elles seront constituées par :

– « le remboursement aux organismes gestionnaires mentionnés aux a et b de l’article L. 861-4, c’est-à-dire à la fois les organismes d’assurance maladie et les organismes complémentaires, des sommes correspondant à la prise en charge des dépenses » des bénéficiaires de la CMUc, « dans les conditions fixées par l’article L. 861-3 (10) » ;

– le remboursement aux organismes gestionnaires complémentaires du crédit d’impôt mentionné à l’article L. 863-1, ce qui correspond aux dépenses au titre de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.

Le remboursement des organismes gestionnaires de la CMUc demeurera assis, pour tous, sur une base forfaitaire. Le montant du forfait sera désormais fixé sur une base annuelle par décret, soit pour 2013 un montant qui devrait être fixé à 400 euros. Ce forfait sera revalorisé au 1er janvier de chaque année du niveau de l’hypothèse d’inflation retenue dans le rapport joint au projet de loi de finances de l’année.

Par ailleurs, l’article prévoit que « le remboursement effectué à la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés sera en outre majoré, dans la même limite, d’un versement du fonds permettant la prise en compte du niveau plus important des dépenses mentionnées à l’article L. 861-3 du fait des dispositions de l’article L. 861-6 ».

Ainsi, la CNAMTS, qui gère les droits de la majorité des bénéficiaires et supporte le coût moyen le plus élevé, continuera de recevoir un versement complémentaire pris sur les excédents du Fonds CMU.

Cependant, plutôt que de retenir l’actuel mécanisme correcteur de transfert de tout ou partie du report à nouveau du fonds (qui revient à transférer en n+1 les excédents du fonds pour l’année n une fois ceux-ci constatés à la clôture des comptes et passés au bilan), le transfert du Fonds CMU à la CNAMTS sera majoré dès l’exercice en cours, ce qui permettra de mieux évaluer le montant des dépenses affectées au financement de la CMUc et améliorera la gestion de ces dépenses par la CNAMTS.

Enfin, les remboursements aux organismes gestionnaires ne pourront aller au-delà de leurs dépenses réelles. Autrement dit, dans le cas où le forfait est supérieur au coût moyen par bénéficiaire enregistré par chaque organisme, le remboursement est limité aux dépenses réelles. Comme le précise l’étude d’impact, l’innovation permettra de garantir que les ressources du Fonds CMU sont en totalité orientées pour l’accès à la complémentaire santé des publics les plus modestes, et d’éviter les points de fuite.

Il est également prévu que « le Fonds CMU transmet au Gouvernement, au plus tard le 1er septembre de chaque année, l’état des sommes correspondant à la prise en charge pour l’ensemble des organismes gestionnaires » des dépenses au titre de la CMUc.

Les modalités d’application de cette réforme seront précisées par décret.

Le 2° supprime le dernier alinéa de l’article L. 862-3 mentionnant les frais de gestion administrative du fonds.

Le 3° modifie le III de l’article L. 862-4 afin de préciser que les modalités de remboursement des organismes gestionnaires de la CMUc seront précisées par décret.

Le 4° modifie le premier alinéa de l’article L. 862-5 du code de la sécurité sociale, afin d’améliorer le contrôle des taxes perçues au profit du Fonds CMU.

Il est précisé que la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance est recouvrée et contrôlée suivant les règles, garanties et sanctions prévues aux I et V de l’article L. 136-5 du code de la sécurité sociale (c’est-à-dire celles relatives à la CSG).

Les orientations en matière de contrôle sont définies par le Fonds CMU, au vu notamment des vérifications opérées par celui-ci, en liaison avec les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général concernés.

Ainsi, si le contrôle et le recouvrement des taxes seront effectués par les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), le Fonds CMU, qui bénéficie d’une expertise de tout premier plan sur ces matières, continuera de pouvoir s’adresser aux organismes gestionnaires pour obtenir en amont toute information ou justificatifs qu’il juge utiles pour la vérification des montants déclarés. Il définira les orientations du contrôle qui sera effectué par les Urssaf selon les modalités et garanties propres au recouvrement des cotisations du régime général.

Le 5° modifie l’article L. 862-6 du code de la sécurité sociale qui fixe les conditions de remboursement aux organismes complémentaires gestionnaires de la CMUc lorsque le montant de la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance est inférieur au montant des imputations au titre de la CMUc, afin de prévoir que les modalités de remboursement de ces sommes seront effectuées dans des conditions fixées par décret.

Enfin, le 6° modifie l’article L. 862-7 du code de la sécurité sociale, afin de prévoir que le Fonds CMU est habilité à procéder à toute vérification relative à l’assiette de la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance ou au calcul des demandes de remboursements effectués par les organismes de base complémentaires.

Le II du présent article prévoit que « à titre exceptionnel en 2013, la majoration du remboursement effectué à la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés en application des dispositions du 1° du I du présent article tient compte des sommes engagées par la caisse au titre des exercices 2013 et 2012 dans la limite du résultat comptable du fonds en 2013. »

Selon l’étude d’impact, en tenant compte sur les exercices suivants d’une revalorisation du forfait de + 1,75 % chaque année et une évolution de la taxe sur les boissons à sucre ajouté et contenant des édulcorants à hauteur de + 2 %, le mécanisme mis en place permet, toutes choses égales par ailleurs, une amélioration allant jusqu’à 0,4 milliard d’euros pour la CNAMTS à l’horizon 2016.

Si votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette mesure de rationalisation des dépenses de CMUc, il estime que les modalités d’application du présent article devront être clarifiées.

Ces nouvelles dispositions concerneront 12 régimes d’assurance maladie et 422 organismes complémentaires inscrits en tant que gestionnaires du dispositif de la CMUc (dont 360 d’entre eux déclarent effectivement des bénéficiaires de la CMUc), soit près de 434 organismes au total.

L’impact le plus important concernera les organismes complémentaires. En effet, à la différence des caisses d’assurance maladie qui sont déjà remboursées par acompte et régularisation, les organismes complémentaires imputent trimestriellement les dépenses de CMUc sur le montant de la taxe CMU dont ils sont redevables. Dès lors, trois options sont possibles pour mettre en œuvre la mesure proposée :

– un premier schéma où le remboursement des organismes serait effectué distinctement de leur déclaration trimestrielle dans le cadre d’une procédure spécifique ;

– un second schéma qui consisterait à maintenir la procédure déclarative habituelle, c’est à dire que le remboursement des organismes serait réalisé par imputation sur le montant de la taxe due en retenant une base forfaire ;

– un troisième schéma qui consisterait à maintenir le remboursement des organismes par imputation sur le montant de la taxe due mais en retenant le montant moyen des dépenses payées en trésorerie au cours de l’année n-1.

Quelle que soit la solution retenue, les dépenses réelles sont forcément connues avec un certain décalage ce qui impliquera de mettre en place une procédure de régularisation auprès de tous les organismes, ce qui n’existe pas aujourd’hui (d’autant plus probable que la majorité des 422 organismes complémentaires gérant la CMUc seront en 2013 en dessous du montant plafonné de 400 euros). Dans ce cadre, les organismes complémentaires seront dans l’obligation de transmettre un état de leurs dépenses de CMUc. Dès 2013, les nouvelles dispositions législatives induiront au-delà du travail de contrôle actuel, un contrôle sur les dépenses pour l’ensemble des organismes concernés. Il conviendra de définir avec précision les modalités de ce contrôle – notamment les pièces qui seront sollicitées pour justifier du niveau de leurs dépenses en matière de CMUc.

*

La Commission adopte l’article 21 sans modification.

Article additionnel après l’article 21

(art. 995 du code général des impôts)


Exonération de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance des contrats couvrant les étudiants

Cet article additionnel a pour objet d’exonérer les contrats d’assurance de santé complémentaire couvrant les étudiants de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance (TSCA).

*

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS 131 de M. Jean-Louis Roumegas et AS 180 de M. Jean-Marc Germain, et l’amendement AS 108 de M. Francis Vercamer.

Mme Véronique Massonneau. Aujourd’hui, 19 % des étudiants n’ont pas de complémentaire santé. Par manque de moyens, beaucoup d’entre eux se soignent par eux-mêmes. Pour leur faciliter l’accès aux soins, nous proposons d’exonérer de taxe spéciale sur les contrats d’assurance (TSCA) les contrats d’assurance complémentaire qui les couvrent.

Le coût de la mesure s’élève à 8 millions d’euros. Pour compenser cette perte de recettes, nous suggérons d’augmenter la contribution des entreprises de l’industrie pharmaceutique. Pour nous, cette mesure serait temporaire et n’exclut bien sûr pas d’ouvrir un chantier plus vaste sur l’accès aux soins des étudiants, et de la jeunesse en général.

Divers rapports ont souligné les difficultés de gestion que rencontrent les mutuelles étudiantes. Cela milite en faveur d’une grande réforme. En attendant, il est urgent de prendre pour notre jeunesse une première mesure du type de celle que nous préconisons.

M. Arnaud Robinet. L’idée est généreuse mais la solution proposée n’est pas acceptable. Vous ne pouvez pas une nouvelle fois faire payer l’industrie pharmaceutique. Elle connaît des difficultés aujourd’hui dans notre pays, comme en atteste la diminution de 1,5 % ou de 2 %, si ce n’est de 5 %, de son chiffre d’affaires. Acteur majeur de la politique de santé et de sécurité du médicament, elle ne saurait être une vache à lait – non plus qu’un bouc émissaire. Sans compter qu’il en va aussi d’emplois, et de recherche et d’innovation sur le territoire national : quand on la met ainsi à mal, il ne faut pas s’étonner que certaines firmes, notamment étrangères, commencent à fermer des centres de recherche en France, comme on le voit à Dijon et à Reims, et dégraissent leurs effectifs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous vous éloignez du sujet de cet amendement, la santé des étudiants.

M. Jean-Marc Germain. La situation sanitaire des jeunes est inquiétante, de même d’ailleurs que leur situation générale. Notre jeunesse en effet se paupérise. Alors qu’il y a trente ans, les pauvres dans notre pays étaient les personnes âgées, ce sont aujourd’hui les jeunes. Face au doublement du nombre d’étudiants dépourvus de couverture complémentaire, nous proposons, sans remettre en question le principe de la TSCA, de faire un geste en leur faveur en venant en aide à ces mutuelles. Le coût de la mesure, 8 millions d’euros, serait supporté par l’industrie pharmaceutique que cela ne mettra pas en difficulté. C’est peu d’ailleurs par rapport à l’effort qui lui sera demandé au travers de la baisse des prix des médicaments par exemple.

M. Arnaud Richard. Considérant, pour notre part, que tout n’a pas à être gratuit, nous ne pensons pas de bonne méthode d’exonérer totalement de TSCA les contrats d’assurance santé complémentaire des étudiants. Nous proposons simplement d’en ramener le taux de 7 % à 3,5 %. Tel est l’objet de l’amendement AS 108.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Chers collègues de l’opposition, du moins les plus anciens d’entre vous, vous vous souvenez certainement que notre commission avait déjà évoqué le sujet sous la présidence de notre ancien collègue Jean-Michel Dubernard. Celui-ci avait déjà alerté à l’époque sur la situation sanitaire des étudiants, laquelle ne s’est pas améliorée depuis lors, bien au contraire comme l’ont établi plusieurs rapports. La situation sanitaire de notre jeunesse en général n’est plus acceptable.

M. Christian Paul. Nous soutenons l’amendement de notre collègue Jean-Marc Germain. Le diagnostic est posé : les étudiants ont des difficultés à accéder aux soins et la prévention sanitaire est insuffisante dans cette catégorie de la population. Nous faisons le choix politique de remédier à cette situation. Un autre constat s’impose : vous avez laissé les mutuelles étudiantes dans une situation très difficile. Celles-ci ont connu de graves difficultés de trésorerie à cause, d’une part, de relations compliquées avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et, d’autre part, d’insuffisantes remises de gestion pour le traitement des dossiers de leurs adhérents. Une bouffée d’oxygène leur est donc aujourd’hui indispensable.

Cela ne nous dispense pas de les inviter à améliorer leur mode de gestion, leurs délais de traitement et leurs politiques de prévention. Tout en faisant ce geste, nous devons par conséquent l’assortir de préconisations en ce sens.

Par cet amendement, nous revenons sur l’ensemble de la taxe que vous aviez, chers collègues de l’opposition, votée en deux fois : en l’instaurant à un taux de 3,5 % puis en portant celui-ci à 7 %. Peut-être conviendra-t-il également, dans les mois qui viennent, de revenir au moins en partie sur la taxation des mutuelles, s’agissant de certains publics confrontés à des difficultés sociales ou en situation de précarité. Les étudiants ne sont pas les premiers à bénéficier d’une exonération de la TSCA : c’est déjà le cas des adhérents de la Mutualité sociale agricole (MSA) et d’autres catégories sociales ou professionnelles. La taxation généralisée des mutuelles n’était pas une bonne mesure. Une approche sélective semble nécessaire. C’est un chantier que nous ouvrons.

M. Francis Vercamer. L’amendement AS 108 vise, comme l’a dit Arnaud Richard, à revenir au taux antérieur de 3,5 %. Le groupe UDI a déjà défendu une mesure analogue l’année dernière lors de l’examen du projet de loi de financement pour 2012. Les étudiants doivent pouvoir s’offrir une mutuelle à moindre coût. Or les tarifs de ces complémentaires explosent de sorte que 19 % d’entre eux n’y ont toujours pas accès, cette proportion ayant d’ailleurs tendance à augmenter.

Il ne nous paraît toutefois pas pédagogique d’exonérer entièrement les mutuelles étudiantes. Chacun doit participer à l’effort national, le groupe SRC le rappelle à l’envi. Il convient donc de maintenir une cotisation réduite.

M. Dominique Tian. Le problème de la médecine scolaire en France n’est jamais évoqué alors qu’elle est l’une des plus mauvaises en Europe, voire au monde. Pourquoi manque-t-on de médecins et d’infirmières scolaires ? Pourquoi la prévention fait-elle défaut ? L’état de délabrement physique, voire psychologique, dans lequel les étudiants arrivent à l’université devrait nous interpeller.

Pour complaire aux syndicats, vous avez préféré conserver cette compétence à l’État plutôt que de la confier aux régions. Or la médecine scolaire, en l’état, ne rend pas les services qu’on est en droit d’attendre d’elle.

Nous sommes tous d’accord pour améliorer le régime des mutuelles étudiantes. En revanche, il est malvenu de le faire en créant des taxes supplémentaires sur l’industrie pharmaceutique qui connaît une situation difficile, comme en atteste le plan social chez Sanofi. Nous devrions plutôt débattre des économies à réaliser. Vous vous êtes prononcés contre le jour de carence pour les fonctionnaires qui permet pourtant d’économiser plus de 200 millions d’euros. Mais d’autres pistes existent : la lecture attentive des rapports de la Cour des comptes révèle que 10 milliards d’euros d’actes inutiles sont pratiqués chaque année dans notre pays.

M. Arnaud Richard. Nous sommes tous très attachés à la santé des étudiants. Pour autant, nous n’avons pas de raison de nous féliciter de la situation de leurs mutuelles. L’UFC-Que Choisir, dont le sérieux est reconnu, a publié une étude critique à leur égard. Elles gèrent un service public obligatoire de la sécurité sociale, distinct du régime général. Leurs coûts de gestion sont cependant largement supérieurs à ceux de l’assurance maladie et leurs délais de traitement peu satisfaisants. La publication prochaine du rapport du Sénat sur la protection sociale des étudiants nous amènera à examiner leur situation de plus près, le cas échéant en séance.

M. Jean-Pierre Door. Les amendements de Jean-Marc Germain et Jean-Louis Roumegas constituent un mauvais signal : outre qu’ils suppriment complètement la TSCA pour les mutuelles étudiantes, ils instaurent une taxe sur l’industrie pharmaceutique, ce qui est révélateur du manque d’intérêt de certains pour ce secteur.

L’amendement de Francis Vercamer paraît, lui, tout à fait satisfaisant : il se contente de réduire la taxation de 7 % à 3,5 %, la perte de recettes étant compensée de façon classique par la création d’une taxe additionnelle sur les tabacs.

Je rappelle aussi qu’il existe une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, qui a été réévaluée et peut aller jusqu’à 500 euros.

Je soutiendrai donc l’amendement de Francis Vercamer.

Mme Isabelle Le Callennec. Il est question, dans l’exposé sommaire de l’amendement de Jean-Marc Germain, d’assurer la pérennité du régime étudiant de sécurité sociale. La taxation de l’industrie pharmaceutique semble être la solution de court terme. D’autres pistes sont évoquées : la baisse du prix des complémentaires santé, des efforts de gestion pour améliorer la qualité de service et, à moyen terme, l’engagement de discussions avec l’ensemble des acteurs.

Avez-vous, monsieur le rapporteur, obtenu des assurances de la part du Gouvernement sur l’ouverture de telles discussions ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La ministre des affaires sociales et de la santé a évoqué, notamment lorsqu’elle a présenté le présent projet de loi devant notre Commission, le problème d’accès aux soins auxquels sont confrontés de trop nombreux étudiants. Elle a précisé que son ministère réfléchissait à des mesures allant au-delà de l’exonération de la TSCA pour les mutuelles étudiantes, qui ne suffira évidemment pas à le régler. La discussion en séance avec Mme la ministre pourra porter sur ces points.

J’émets un avis favorable aux amendements identiques de Jean-Marc Germain et Jean-Louis Roumegas.

Je suis sensible à l’acte de contrition de Jean-Pierre Door, qui accepte aujourd’hui ce qu’il avait refusé l’an dernier à Francis Vercamer.

Je suis également sensible au souci manifesté par Arnaud Robinet pour la santé de l’industrie pharmaceutique. Il semble en cela regretter ses précédents votes : les prélèvements sur le chiffre d’affaires des industries pharmaceutiques ont atteint des sommets en 2010 et 2011.

La Commission adopte les amendements identiques AS 131 et AS 180.

En conséquence, l’amendement AS 108 devient sans objet.

Article 22

(art. 575 et 575 A du code général des impôts)


Mesures relatives à la fiscalité des tabacs

Le présent article s’attache à modifier la fiscalité des tabacs dans une double perspective de simplification et de santé publique.

1. La fiscalité des tabacs

En vertu de l’article 575 du code général des impôts, les tabacs manufacturés vendus dans les départements de la France continentale et les tabacs ainsi que le papier à rouler les cigarettes qui y sont importés sont soumis à un droit de consommation.

Ce droit est proportionnel pour tous les produits à l’exception des cigarettes autres que celles de la « classe de prix de référence ». Pour les cigarettes, il comporte en effet une « part spécifique » par unité de produit et une « part proportionnelle » au prix de détail.

La classe de prix de référence correspond au prix moyen pondéré de vente au détail exprimé pour mille cigarettes et arrondi à la demi-dizaine d’euros immédiatement supérieure. Un « prix moyen pondéré de vente au détail » est calculé en fonction de la valeur totale de l’ensemble des cigarettes mises à la consommation (basée sur le prix de vente au détail toutes taxes comprises), divisée par la quantité totale de cigarettes mises à la consommation. Le prix moyen pondéré de vente au détail et la classe de prix de référence sont établis au plus tard le 31 janvier de chaque année, sur la base des données concernant toutes les mises à la consommation effectuées l’année civile précédente, par arrêté du ministre chargé du budget.

La part spécifique est égale à 12 % de la charge fiscale totale afférente aux cigarettes de la classe de prix de référence et comprenant le droit de consommation et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Elle est exprimée en euros pour 1 000 cigarettes.

Pour les cigarettes de la classe de prix de référence, la part proportionnelle est réputée égale à la différence entre le montant total du droit de consommation et la part spécifique. Le rapport entre cette part proportionnelle et le prix de vente au détail de ces cigarettes constitue le taux de base. Le droit de consommation est ainsi exprimé en appliquant le taux normal (64,25 %) à leur prix de vente au détail.

Pour les autres cigarettes, la part proportionnelle est déterminée en appliquant le taux de base à leur prix de vente au détail. La part proportionnelle et la part spécifique se calculent par rapport au prix de vente au détail des cigarettes de la classe de prix de référence, de telle sorte que la somme de la part spécifique et de la part proportionnelle soit égale à 64,25 % du prix de vente d’un paquet de la classe de prix de référence. Le montant du droit de consommation applicable aux cigarettes ne peut être inférieur à un minimum de perception fixé par 1 000 unités, majoré de 10 % pour les cigarettes dont le prix de vente est inférieur à 94 % de la classe de prix de référence. Lorsque la classe de prix de référence est inférieure de plus de 3 % à la moyenne des prix homologués, le pourcentage de 94 % peut être augmenté jusqu’à 110 % au titre de l’année en cours par arrêté du ministre chargé du budget.

Pour les tabacs manufacturés autres que les cigarettes (cigares et tabacs à rouler, à priser ou à mâcher), le droit de consommation résulte de l’application du taux normal à leur prix de vente au détail, dans la limite d’un plancher (« minimum de perception »), par mille unités ou par mille grammes du produit.

Lorsque le prix de vente au détail homologué des cigarettes ou des tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes est inférieur, respectivement, à 95 % et 97 % du prix moyen de ces produits constaté par le dernier arrêté de prix, le montant des minimums de perception peut être relevé par arrêté du ministre chargé du budget, dans la limite de 25 %.

L’article 575 A du code général des impôts fixe les taux normaux du droit de consommation par produit (cf. tableau ci-après) ainsi que les minima de perception :

Taux normal du droit de consommation

(en %)

 

Avant PLFSS 2013

Cigarettes

64,25

Cigares et cigarillos

27,57

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

58,57

Autres tabacs à fumer

52,42

Tabacs à priser

45,57

Tabacs à mâcher

32,17

Le minimum de perception est fixé à 183 euros pour les cigarettes, à 115 euros pour les tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes, à 60 euros pour les autres tabacs à fumer et à 89 euros pour les cigares. Les tabacs à priser et les tabacs à mâcher ne font pas l’objet d’une accise minimale, à la différence des autres produits du tabac, en raison notamment du poids très faible de ces produits dans la consommation totale (environ 0,5 % des volumes).

L’article 575 B précise que pour les tabacs manufacturés importés en métropole et dans les départements d’outre-mer soumis à des droits de douane, il est fait abstraction de ceux-ci pour le calcul du droit de consommation.

L’article 575 C dispose que le droit de consommation est exigible à la mise à la consommation ou lors de l’importation. Il est liquidé le dernier jour de chaque mois d’après la déclaration des quantités de tabacs manufacturés mis à la consommation. Il est payé par le fournisseur à l’administration au plus tard le 5 du deuxième mois suivant celui au titre duquel la liquidation a été effectuée.

En ce qui concerne les tabacs manufacturés fabriqués dans les départements de France métropolitaine ou dans un autre État membre de l’Union européenne ou mis en libre pratique dans un autre État membre, le droit de consommation est recouvré selon les procédures et sous le bénéfice des sûretés prévues par le code général des impôts en matière de contributions indirectes. À l’importation, le droit est dû par l’importateur ; il est recouvré comme en matière de douane.

Enfin, l’article 575 D prévoit que les unités de conditionnement pour la vente au détail des tabacs doivent être revêtues d’une marque fiscale représentative du droit de consommation. Ces marques sont suivies en compte pour la valeur fiscale qu’elles représentent. Les quantités manquantes sont soumises au droit de consommation dès leur constatation par l’administration.

2. Une fiscalité sur les tabacs simplifiée et en lutte contre ce fléau sanitaire

Le présent article procède à un ample réaménagement de la fiscalité sur les tabacs, dont témoigne la réécriture globale des articles 575 et 575 A du code général des impôts à laquelle procèdent respectivement le I et le II, qui, en application du III, entreront en vigueur au 1er janvier 2013.

a) La généralisation de la part spécifique

La nouvelle rédaction de l’article 575 prévoit que le droit de consommation sur les tabacs comportera désormais pour tous les produits une part spécifique par unité de produit ou de poids et une part proportionnelle au prix de vente au détail.

Le mode de calcul de la part spécifique est simplifié : au lieu de découler de la charge fiscale totale afférente au produit de la classe de prix de référence, elle exprimera directement un taux appliqué à la classe de prix de référence. Elle est ainsi désormais définie comme résultant de l’application du taux spécifique à la classe de prix de référence.

Les définitions de la part proportionnelle, de la classe de prix de référence et du prix moyen pondéré restent en revanche identiques. De même, le montant du droit de consommation applicable à un groupe de produits demeure toujours défini comme ne pouvant être inférieur à un minimum de perception fixé par 1 000 unités ou 1 000 grammes, majoré de 10 % pour les produits dont le prix de vente est inférieur à 94 % de la classe de prix de référence du groupe considéré.

En outre, il est toujours prévu que :

– lorsque la classe de prix de référence d’un groupe de produits est inférieure de plus de 3 % à la moyenne des prix homologués de ce groupe, le pourcentage de 94 % peut être augmenté jusqu’à 110 % au titre de l’année en cours par arrêté du ministre chargé du budget ;

– lorsque le prix de vente au détail homologué d’un produit est inférieur à 95 % du prix moyen des produits du même groupe constaté par le dernier arrêté de prix, le montant des minimums de perception peut être relevé par arrêté du ministre chargé du budget, dans la limite de 25 %.

Il est toutefois précisé que les pourcentages de 84 % et 110 % sont fixés respectivement à 84 % et à 100 % pour les cigares et cigarillos.

Les taux spécifiques s’établiront comme suit :

Taux spécifique du droit de consommation à compter du 1er janvier 2013

(en %)

Cigarettes

12,5 (*)

Cigares et cigarillos

5

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

30

Autres tabacs à fumer

10

Tabacs à priser

0

Tabacs à mâcher

0

(*) 15 % à compter du 1er juillet 2013.

b) La hausse du taux normal et des minimums de perception

La nouvelle rédaction de l’article 575 A fixe les taux normaux suivants, mis en regard, dans le tableau ci-dessous, des taux actuellement en vigueur :

Taux normal du droit de consommation

(en %)

 

Avant PLFSS 2013

Après PLFSS 2013

Cigarettes

64,25

64,25 (*)

Cigares et cigarillos

27,57

28

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

60

60 (**)

Autres tabacs à fumer

52,42

55

Tabacs à priser

45,57

50

Tabacs à mâcher

32,17

35

(*) 64,7 % à compter du 1er juillet 2013.
(*) 62 % à compter du 1er juillet 2013.

Au 1er juillet, le taux du droit de consommation applicable aux cigarettes et au tabac à rouler sera augmenté dans le cadre de la politique de lutte contre le tabac par la hausse des prix.

Les minimums de perception, quant à eux, vont évoluer comme indiqué dans le tableau ci-après.

(en euros)

 

Avant PLFSS 2013

Après PLFSS 2013

Cigarettes (pour 1 000 unités)

183

195

Cigares et cigarillos (pour 1 000 unités)

89

90

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes (par kilo)

115

125

Autres tabacs à fumer (par kilo)

60

70

Ils sont ajustés dans la même proportion que la hausse des prix du tabac intervenue le 1er octobre dernier (+ 6,5 % pour les cigarettes), afin de prévenir toute velléité de baisse de prix chez les fabricants.

Le rendement supplémentaire attendu au titre de cette mesure est de 125 millions d’euros en 2013, à rapprocher du montant total des droits initialement prévu pour la même année, à savoir 11,5 milliards d’euros. On rappellera (cfsupra, article 3) que l’essentiel du produit du droit de consommation sur les tabacs est affecté à différents régimes d’assurance maladie, qui seront donc les principaux bénéficiaires de cette recette supplémentaire.

Au-delà de cette incidence financière mécanique, dont il faut se féliciter qu’elle profite quasi-intégralement à la sécurité sociale, ces augmentations de prix ont avant tout une portée de santé publique, car les expériences passées ont prouvé qu’une action forte sur les prix constitue un moyen simple et efficace de faire reculer la consommation de tabac.

*

La Commission examine l’amendement AS 137 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à corriger une injustice : pourquoi les cigares et cigarillos seraient-ils moins taxés que d’autres formes de tabac ? Ils sont tout aussi meurtriers.

Néanmoins, la lutte contre les deux grands fléaux que sont le tabac et l’alcool ne peut pas passer uniquement par une augmentation indéfinie des taxes qui s’y appliquent. Si elles présentent un intérêt, ces taxes ont aussi leurs limites : au-delà d’un certain niveau, elles peuvent avoir des effets pervers et ne répondent plus à l’objectif fixé.

Puisque la droite ne l’a pas fait, il convient de s’attaquer à la question de fond : celle des moyens consacrés à la prévention sanitaire. Nous manquons cruellement, dans notre pays, d’actions de prévention et de moyens pour les financer. Dominique Tian se plaint de la situation de la médecine scolaire, mais ses amis politiques n’ont rien fait pour y remédier lorsqu’ils étaient au pouvoir.

La situation sanitaire préoccupante des étudiants a été évoquée, je n’y insiste pas. Une étude a révélé que nous consacrions à peine 1 euro par an et par étudiant aux actions de prévention qui leur sont destinées. Il est nécessaire d’aller au-delà de l’augmentation des taxes sur les tabacs et les alcools, et de revoir notre politique de prévention.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’article 22 concerne également les cigares : le taux normal du droit de consommation qui leur est applicable passe de 27,57 à 28 %, alors que celui qui est applicable aux cigarettes demeure inchangé, à 64,25 %.

Le Gouvernement propose une réforme structurelle de la fiscalité sur les tabacs. Il augmente tout d’abord les droits de consommation sur l’ensemble des produits à base de tabac, augmentation qui s’appliquera indépendamment du prix de vente afin que la hausse des taxes ne se traduise plus par une augmentation du chiffre d’affaires des fabricants de cigarettes. D’autre part, il procède aussi à un rattrapage pour certains de ces produits – le tabac à mâcher ou à priser – qui bénéficiaient d’un avantage de prix. Il convient en effet d’éviter que les jeunes ne se tournent vers ces formes de tabac moins chères.

Enfin, cette réforme va s’insérer dans un nouveau plan de lutte contre le tabagisme annoncé par Mme la ministre.

Votre amendement, madame Fraysse, aurait pour effet de doubler le prix des cigares. Avis défavorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Dans les commentaires sur l’article 22, il est expliqué que cette mesure profite « quasi intégralement » à la sécurité sociale. À quel autre dispositif bénéficie-t-elle ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Une petite part revient au fonds de solidarité ainsi qu’au Fonds national d’aide au logement (FNAL).

La Commission rejette l’amendement AS 137.

Puis elle adopte l’article 22 sans modification.

Article 23

(art. 520 A du code général des impôts ; art. L.241-2 du code de la sécurité sociale ; art. L. 731-3 du code rural et de la pêche maritime)


Hausse de la fiscalité sur les bières

Le présent article augmente la fiscalité sur les bières et affecte le produit de cette augmentation aux régimes de sécurité sociale.

1. La fiscalité sur les bières

Intégralement affectée aux régimes sociaux, en l’occurrence à la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, la fiscalité sur les bières ne tient qu’une place assez marginale dans la fiscalité sur les boissons, son produit n’atteignant même pas 10 % de celui de la fiscalité sur les alcools.

a) La fiscalité sur les boissons affectée aux régimes sociaux

Outre une cotisation sociale sur les alcools de plus de 18 % en volume (article L. 245-7 du code de la sécurité sociale), une taxe sur les boissons dites « premix » (article 1613 bis du code général des impôts) et une contribution sur les boissons contenant des sucres ajoutés (article 520 B du même code), les principaux instruments de la fiscalité sur les boissons affectée aux régimes sociaux sont des droits de consommation :

– sur les vins doux naturels, vins de liqueur et autres produits intermédiaires (article 402 bis du code général des impôts) ;

– sur le rhum et autres alcools (article 403 du même code) ;

– sur les vins et cidres (article 438 du même code)

– sur les bières et boissons non alcoolisées (article 520 A du même code).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a introduit un mécanisme d’indexation automatique du taux de l’ensemble des droits sur les alcools et de la cotisation sur les alcools forts, mettant fin à la lente érosion qui les touchait depuis de nombreuses années.

La loi de financement pour 2012, quant à elle, a introduit un plafonnement de cette indexation à 1,75 % par an et, surtout, a augmenté le montant du droit sur les alcools et étendu l’assiette de la cotisation sociale sur les boissons alcooliques aux alcools de plus de 18 % en volume.

Le produit de la fiscalité sur les boissons a évolué comme suit durant les dix dernières années :

Produit de la fiscalité sur les boissons (2003-2013)

(en millions d’euros)

 

2003

2008

2011

2012

2013 (*)

Produits intermédiaires

142

107

94

100

74

Alcools

1 883

2 005

2 392

1 970

2 340

Vins, poirés, cidres et hydromels

123

114

122

125

127

Bières et boissons non alcoolisées

375

375

375

370

370

Alcools > 18 % en volume

379

416

592

590

680

Boissons contenant des sucres ajoutés

150

153

Total en valeur

2 902

3 017

3 575

3 305

3 744

(*) Avant mesures du présent article.

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (octobre 2012).

La progression apparaît globalement forte en 2013, du fait d’un phénomène conjoncturel : la hausse du droit sur les alcools début 2012 a provoqué un comportement d’anticipation et de stockage fin 2011, qui s’est traduit par une consommation significativement plus faible durant le premier semestre de 2012.

L’évolution du produit (en euros courants) de la fiscalité sur les boissons est clairement marquée par deux phénomènes :

– une forte progression pour les alcools ;

– une stagnation pour les vins et les bières.

Enfin, le produit de la fiscalité sur les boissons est affecté depuis 2009 au seul régime des exploitants agricoles, rare exemple d’attribution à la fois logique et cohérente d’un bloc homogène de fiscalité : la branche vieillesse en reçoit près des trois quarts, seule une fraction du produit des droits sur les alcools étant affectée à la branche maladie.

b) La fiscalité spécifique sur les bières

Pour ce qui concerne les bières, le droit de consommation est actuellement fixé, par hectolitre, à 1,38 euro par degré alcoométrique pour les bières dont le titre alcoométrique est compris entre 0,5 et 2,8 % en volume et à 2,75 euros au-delà (article 520 A du code général des impôts).

Trois tarifs dérogatoires sont prévus pour les bières de plus de 2,8 % en volume produites par les petites brasseries indépendantes, croissant en fonction de l’importance de leur production : 1,38 euro par degré alcoométrique pour les bières brassées par les entreprises dont la production annuelle est inférieure ou égale à 10 000 hectolitres ; 1,64 euro par degré alcoométrique pour les bières brassées par les entreprises dont la production annuelle est supérieure à 10 000 hectolitres et inférieure ou égale à 50 000 hectolitres ; 2,07 euro par degré alcoométrique pour les bières brassées par les entreprises dont la production annuelle est supérieure à 50 000 hectolitres et inférieure ou égale à 200 000 hectolitres.

Le produit de ce droit spécifique, estimé à 300 millions d’euros pour 2013, est entièrement affecté à la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles.

2. Une hausse mesurée de la fiscalité sur les bières

Très peu touchée par les mesures adoptées dans le cadre des lois de financement pour 2009 et pour 2012, la fiscalité sur les bières n’a pas évolué depuis une quinzaine d’années. Elle demeure peu élevée par comparaison avec ce qui s’observe dans l’Union européenne, où seuls cinq États membres – par ordre décroissant, la Lituanie, le Luxembourg, l’Allemagne, la Bulgarie et la Roumanie – la taxent moins que la France.

De fait, le produit du droit spécifique sur les bières se révèle stable – en euros courants, qui plus est – depuis 2003, alors qu’une approche en termes de santé publique suffit à légitimer des prélèvements plus dissuasifs, notamment à l’égard de la jeunesse.

Le I du présent article propose d’augmenter de 160 % les cinq taux composant ce droit. Le barème sera donc le suivant :

Taux du droit spécifique sur les bières

(en euros par hectolitre et par degré alcoométrique)

 

2012

2013

Titre alcoométrique ≤ 2,8 % vol.

1,38

3,60

Titre alcoométrique > 2,8 % vol.

   

Production > 200 000 hl

2,75

7,20

50 000 hl < Production ≤ 200 000 hl

2,07

5,40

10 000 hl < Production ≤ 50 000 hl

1,64

4,32

Production ≤ 10 000 hl

1,38

3,60

Selon l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, le niveau de taxation se situerait alors au dixième rang de l’Union européenne, tout en demeurant cependant encore nettement inférieur à celui appliqué en Irlande, au Royaume-Uni, en Espagne et, plus encore, aux Pays-Bas. L’incidence de cette hausse de la fiscalité sur le prix d’un litre de bière à 4,5° serait de l’ordre de 20 centimes, soit 5 centimes pour un verre de 25 centilitres.

En outre, compte tenu la manière dont est établie l’assiette du droit spécifique sur les bières, qui accorde des réductions de 30 % à 50 % aux plus petites brasseries (produisant moins de 200 000 hl par an) mais aussi une réduction de 50 % aux bières titrant moins de 2,8°, l’impact ne sera pas aussi fort sur l’ensemble de la production nationale.

Le tarif applicable aux boissons non alcoolisées, dont le droit de consommation est prévu au même article 520 A du code général des impôts que celui sur les bières, reste pour sa part inchangé.

Le rendement actuel du seul droit sur les bières étant de 300 millions d’euros, la mesure rapporterait, à volume de consommation inchangé, 480 millions d’euros. Le choix est d’en attribuer 330 millions d’euros à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et 150 millions d’euros au régime agricole.

Le présent article prévoit donc de répartir le produit de ce droit spécifique, jusqu’alors exclusivement affecté à la branche vieillesse des exploitants agricoles : le III en attribue 61 % à cette branche et le II 39 % à la CNAMTS.

Si la part du régime agricole diminue de 100 % à 61 %, ses recettes à ce titre, tout en permettant à la CNAMTS de disposer de 330 millions d’euros supplémentaires, n’en augmenteront pas moins de 150 millions d’euros compte de la progression du taux du droit spécifique, soit une modeste contribution à la résorption d’un déficit structurel s’élevant à plus de 1 milliard d’euros par an.

*

La Commission est saisie des amendements identiques AS 22 de M. Arnaud Robinet, AS 23 de Mme Dominique Orliac, AS 40 de Mme Bérengère Poletti, AS 70 de M. Dominique Tian et AS 111 de M. Francis Vercamer, tendant à supprimer l’article.

M. Arnaud Robinet. L’article 23 répond à la philosophie du Gouvernement et de la majorité consistant à toujours taxer davantage. Vous avez choisi cette fois-ci de vous attaquer à l’une de nos boissons nationales, en prévoyant d’augmenter dans des proportions insupportables – soit plus de 150 % – les droits d’accises sur la bière.

Sachant que 70 % de la bière que nous consommons est produite en France, cette mesure sera très préjudiciable à la filière agricole concernée, notamment aux producteurs de malt, en particulier dans les régions frontalières comme la Champagne-Ardenne.

Elle aura aussi un impact négatif sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, surtout les plus modestes.

Comme le disait Charles de Gaulle, lorsqu’on demande aux états-majors de faire des économies, il faut les empêcher de les faire sur les haricots du soldat !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous ai senti moins ému lorsqu’il s’est agi d’augmenter la TVA sur les médicaments d’automédication.

Mme Dominique Orliac. Mon amendement va dans le même sens que celui d’Arnaud Robinet.

M. Denis Jacquat. L’amendement AS 40 se justifie pleinement. L’exposé des motifs de l’article indique qu’une partie de la consommation d’alcool a pu se reporter sur la bière du fait de son prix relatif ; or la consommation de celle-ci diminue d’année en année. De plus, taxer l’alcool et le tabac constitue une mesure de facilité : nous demandons plutôt une véritable loi de santé publique dans ce domaine. Nous avions d’ailleurs déjà abordé la question de la bière au sein de cette commission dans le cadre d’un rapport rédigé par notre ancienne collègue Hélène Mignon en 1998 : il avait démontré que l’alcoolisme du samedi soir n’était pas dû à cette boisson mais à un phénomène de polytoxicomanie, associant alcool et produits illicites. Il faut en finir avec cette politique à l’aveugle consistant à taxer à tour de bras !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Depuis 1998, le comportement des jeunes a beaucoup évolué !

Mme Isabelle Le Callennec. La pression, dans ce domaine, semble porter ses fruits, puisqu’une réunion s’est tenue à Matignon sur cette mesure avec des représentants de la majorité et de l’opposition. Peut-on dès lors espérer que l’on revienne dessus pour tenir compte des nombreuses réticences qu’elle suscite ?

M. Francis Vercamer. L’augmentation prévue, qui est de 161,8 %, va non seulement pénaliser la filière de production de la bière, mais aussi porter atteinte à un certain nombre de cafés et de lieux de convivialité, qui sont les derniers endroits où les Français peuvent se rencontrer.

Or, dans ma région du Nord-Pas-de-Calais, la consommation de bière est une institution : les brasseries artisanales y ont un poids économique important et représentent de nombreux emplois, alors que cette partie du territoire est relativement sinistrée après les crises de la houille, de la sidérurgie et du textile.

Le Gouvernement – quel qu’il soit d’ailleurs – a tendance à réaliser des recettes de poche sur les boissons alcoolisées pour combler des besoins budgétaires, mais sans véritable coordination d’ensemble. Il faudrait plutôt se pencher sur la proportionnalité réelle de ces taxes et définir une fiscalité éducative, tendant à taxer davantage les boissons addictives ou ayant des effets néfastes sur la santé – ce qui n’est pas le cas de la bière.

M. Dominique Dord. Je ne suis pas l’élu d’une région brassicole, mais il existe dans celle-ci beaucoup de petites brasseries artisanales pour lesquelles l’augmentation proposée sème doute et panique.

Une hausse de 161,8 % est proposée, mais pourquoi pas 200 % ou 153 % ? On a l’impression d’une mesure à l’emporte-pièce. Si la bière est si dangereuse que cela, il faut expliquer clairement en quoi.

Enfin, il s’agit d’un très mauvais coup porté aux bières françaises dans leur compétition avec les bières étrangères, alors que nos compatriotes consomment pour l’instant principalement des bières nationales. Il faut donc retirer cette mesure.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle que lors de l’examen de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (« HPST »), nous avions trouvé de semblables convergences de vue au sujet du vin.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. L’accumulation des taxes au fil des lois de financement de la sécurité sociale sur le tabac ou les alcools, qui s’est accompagnée de commerces illicites et de contrebandes, doit nous conduire à nous interroger et à avoir un débat approfondi sur ces questions en vue d’une loi ambitieuse sur la santé publique.

Mme Bérengère Poletti. Si le milieu brassicole, notamment les brasseurs artisanaux, peuvent comprendre certaines hausses de taxes, en particulier sur les produits nocifs à la santé, ils sont choqués par l’ampleur de l’augmentation proposée, qui est inadmissible au regard des répercussions économiques qu’elle peut avoir, surtout dans les régions frontalières. Je suis donc favorable à ces amendements.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les centres d’addictologie vont apprécier la teneur des débats parlementaires !

M. Jean-Pierre Door. La mesure proposée dans ce projet de loi de financement aura un coût très élevé pour les brasseurs et les cafetiers. D’autant que l’essentiel de l’alcoolisation n’est pas liée à la bière, mais à d’autres boissons ! Pourquoi, dans ce cas-là, ne pas taxer aussi le cidre, dont le degré d’alcool est comparable ? Une telle augmentation est déraisonnable.

M. Michel Issindou. L’opposition ne donne pas dans la demi-mesure ! L’augmentation proposée est limitée à 5 centimes alors que nous avons les droits d’accises parmi les plus faibles d’Europe : ils sont beaucoup plus élevés en Allemagne sans que cela tue pour autant la fête de la bière à Munich !

Nous sommes tous pour préserver les bars de nos villages, mais le prix d’un demi est très variable, puisqu’il va de 4 à 5 euros selon l’endroit où l’on se trouve. Ces 5 centimes d’augmentation ne vont donc pas modifier les habitudes de consommation, même si certains marchands de bière pourraient en profiter pour augmenter leurs prix.

Mme Monique Iborra. Je suis d’accord avec Martine Carrillon-Couvreur : eu égard à l’indigence de la santé publique en France – nous avions d’ailleurs, lors de l’examen de la loi « HPST », souligné les lacunes législatives dans ce domaine lorsque nous étions dans l’opposition –, nous aurons à légiférer sur le fond plutôt qu’à multiplier les taxes.

Monsieur Jacquat, pourquoi n’avez-vous pas réclamé la loi que vous appelez de vos vœux lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Bernard Perrut. Nous sommes tous attachés à une consommation d’alcool modérée et à un plan de santé publique, lequel passe par des mesures d’éducation et de responsabilité du consommateur, notamment des jeunes. Mais ce n’est malheureusement pas le motif que vous mettez en avant : vous cherchez avant tout à obtenir des recettes supplémentaires. L’activité brassicole représente un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros et 71 000 emplois : on peut se demander si la contribution de l’ordre de 800 millions d’euros que vous prévoyez n’est pas excessive.

Par ailleurs, il est fait état, dans le pré-rapport, de la stagnation du produit de la fiscalité pour les bières et pour les vins : avez-vous l’intention d’aller plus loin et de taxer aussi plus lourdement ceux-ci – ce qui serait inadmissible quand on sait que la filière viticole rapporte déjà 2,2 milliards d’euros par an au budget de l’État ?

M. Gérard Sebaoun. Il faut en effet une grande loi sur la santé publique, mais nous avons également besoin de financer celle-ci : les taxes servent à cette fin.

Je suis d’accord avec la présidente Catherine Lemorton pour dire que la bière est un véritable problème pour les jeunes : il suffit de se promener après minuit dans n’importe quelle ville de la banlieue parisienne, où des packs de bière sont massivement achetés autour des gares et des points de vente, pour s’en rendre compte.

En outre, le secteur de la bière ne se porte pas si mal. Et si aujourd’hui les consommateurs sont moins nombreux, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une tendance qui date d’environ trente ans. Pour autant, le chiffre d’affaires du secteur a sensiblement augmenté ces dernières années et dépasse à présent les 2 milliards d’euros.

Par ailleurs, si on consommait auparavant des bières ayant un faible taux d’alcool, aujourd’hui un tiers d’entre elles a un taux supérieur à 5 degrés. Or c’est précisément celles-ci qui enregistrent les augmentations de ventes les plus fortes.

La hausse proposée de 5 centimes est relativement modeste : soit les brasseurs industriels l’absorberont, soit ils la répercuteront sur les consommateurs. Quant aux petits brasseurs, qui représentent environ 410 sites sur 440, un amendement du rapporteur tend à les exclure de la mesure.

Enfin, mesdames, messieurs de l’opposition, quand vous parlez d’augmentation, ayez l’honnêteté de ne pas toujours le faire en pourcentage, faites-le aussi en valeur absolue, ce qui aidera à la compréhension de la réalité. Si ces taxes rapportent à la santé publique, tant mieux !

Je rappelle que la baisse de la TVA sur la restauration que vous avez adoptée coûte 3 milliards d’euros. J’ajoute que la première action des bénéficiaires de cette baisse a été de faire passer le prix du « petit noir » pris dans un café de 1,30 euro à 1,10 euro… avant de revenir rapidement au prix initial.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Ce débat est transpartisan, Christian Hutin ayant signé l’amendement d’Arnaud Robinet et Dominique Orliac ayant présenté un amendement de suppression comme Francis Vercamer.

Monsieur Door, c’est avec la bière Desperados, à haut degré d’alcool, que les jeunes s’alcoolisent avant d’aller en boîte de nuit : on ne peut nier ce phénomène !

Je vous propose donc, mes chers collègues, de rejeter ces amendements, sous réserve d’un amendement que je présenterai ultérieurement et qui devrait vous donner satisfaction.

M. Denis Jacquat. Il faudrait arrêter de mettre en marche la machine à taxer et prendre un engagement en faveur d’une véritable loi de santé publique.

Madame Iborra, je connais le refrain consistant à dire : pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Nous n’avons pas toujours été bons et c’est pour cette raison que nous avons été battus ! Mais si vous commencez ainsi, dans quatre ans et demi, c’est vous qui le serez !

La Commission rejette les amendements AS 22, AS 23, AS 40, AS 70 et AS 111.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 112 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Au cours de la discussion précédente, le rapporteur et plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que l’augmentation du tarif du droit sur les bières représentait une hausse de 5 centimes par demi. Ce chiffre s’entend à la production. Or, cette mesure induit un montant de 480 millions d’euros de taxe supplémentaires pour 2 milliards de chiffre d’affaires, soit une majoration du prix du demi de 24 % et non de 5 centimes.

Cet amendement vise à demander au Gouvernement qu’il présente, avant le 28 février 2013, un rapport au Parlement sur les conditions de mise en place d’un dispositif parafiscal cohérent sur les boissons alcoolisées afin d’élaborer une véritable loi de santé publique. L’objectif est de décourager la part de la consommation d’alcool qui peut avoir des conséquences sur la santé.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne peux que souscrire au souhait exprimé par Francis Vercamer de voir réactualisée la loi du 9 août 2004 relative à la santé publique. Mme Roselyne Bachelot nous avait promis la mise à jour de ce texte, mais il s’agit d’une des nombreuses promesses qu’elle n’a pas tenues. Au cours des dernières années, nous avons regretté que le débat sur la santé publique ait été cantonné à la discussion de telle ou telle disposition d’un projet de loi de financement. En outre, certaines mesures adoptées dans ce cadre ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Nous solliciterons, au nom de l’ensemble de la commission, le Gouvernement et, en son sein, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, afin que soit rapidement discuté un projet de rénovation de la loi relative à la santé publique.

Cependant, la date pour la remise du rapport – le 28 février 2013 – est trop proche. Il conviendrait de sous-amender cet amendement en remplaçant la date prévue par la formule « en 2013 ».

M. Francis Vercamer. D’accord.

Mme Bérengère Poletti. Il serait préférable de préciser « avant fin septembre 2013 » afin que ce rapport soit disponible pour la discussion du projet de loi de financement pour 2014.

M. Christian Paul. Si cet amendement devait être réécrit, la nouvelle rédaction devrait, outre la date de la remise du rapport par le Gouvernement au Parlement, modifier la première phrase, qui prévoit de « remplacer » les dispositions de l’article 23.

Nous avons exprimé à plusieurs reprises notre souhait d’adopter une véritable stratégie de santé publique – notamment dans le domaine des addictions – qui fait aujourd’hui cruellement défaut. Afin de contribuer à l’élaborer, un rapport pourrait en effet être produit en 2013.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ainsi sous-amendé, l’amendement AS 112 viendrait à compléter l’article 23 du projet de loi et la date de remise du rapport serait le 30 septembre 2013 au plus tard.

M. Christian Paul. Si nous souhaitons effectuer un travail sérieux sur cette question, le délai pour la rédaction de ce rapport devrait être porté à la fin de l’année 2013. S’il peut être conçu avant l’été 2013, nous en bénéficierons pour la discussion du projet de loi de financement pour 2014. Dans le cas contraire, il sera inutile de n’en disposer que huit jours avant la présentation de celui-ci. Nous préférerions pouvoir lire ce rapport le plus tôt possible, mais il s’agit d’un sujet important qui nécessitera la conduite d’auditions nombreuses et d’études d’impact précises. Il serait donc contre-productif d’arrêter un calendrier trop contraignant.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je suis d’accord avec les propositions de Christian Paul et, sous ces conditions, je donne un avis favorable à l’amendement AS 112.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La date de remise devient donc le 31 décembre 2013 au plus tard.

Puis elle adopte l’amendement AS 112 ainsi modifié.

La Commission est saisie de l’amendement AS 72 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. J’attends toujours une réponse, monsieur le rapporteur, à ma question sur les discussions qui ont pu se tenir sur ce sujet à Matignon.

Quant à l’amendement, il vise à atténuer la charge qui va peser sur les brasseurs.

Nous partageons tous les mêmes préoccupations de santé publique. Un grand travail de prévention contre toutes les conduites d’addiction – parmi lesquelles l’alcool et la drogue – doit être mené dans notre pays. Les jeunes doivent être éduqués à consommer l’alcool avec modération. Dans cette optique, si une grande loi peut être utile, il convient avant tout de soutenir toutes les actions menées sur le terrain pour prévenir l’absorption d’alcool, de drogue et de tabac. Le dispositif des appels à projets, lancé par M. Martin Hirsch, a rencontré un succès qui appelle sa poursuite. C’est en effet au plus près du terrain que ce combat est mené par de nombreux acteurs. Le rôle de l’État et des pouvoirs publics est de soutenir l’ensemble des initiatives mises en place.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Juste une précision, madame Le Callennec, la loi ne connaît pas le terme de « drogue » mais celui de « substance psychoactive ». Dans cette catégorie sont inclus le tabac, l’alcool, les drogues et certains médicaments.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vais vous décevoir, madame Le Callennec, mais j’ignore ce qui a pu se dire à Matignon, n’ayant pas participé à cette rencontre.

M. Jean-Pierre Door. Nous sommes en accord avec le message que vous souhaitez transmettre, mes chers collègues de la majorité, sur les risques que fait courir la consommation d’alcool. Néanmoins, vous allez trop loin en augmentant aussi fortement le prix de la bière – et non de quelques centimes, monsieur Paul. Cet amendement de repli a pour objet de limiter cette hausse.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les partisans de cet amendement seraient donc prêts à accepter une hausse de 75 % qui toucherait les brasseries locales que nous souhaitons défendre et non accabler. Cette taxation serait trop lourde pour les brasseries artisanales. J’émets donc un avis défavorable à son adoption.

La Commission rejette l’amendement AS 72.

Elle examine ensuite l’amendement AS 259 de M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 4 de l’article 23 afin qu’il ne soit procédé à aucune augmentation du tarif du droit de consommation pour les brasseries artisanales – celles dont la production annuelle de bière est inférieure ou égale à 10 000 hectolitres. Voilà pourquoi j’étais opposé à l’amendement précédent. Adopté, l’amendement que je présente permettra à 442 sites de production – dont 52 brasseries artisanales, 225 microbrasseries, 73 brasseries intégrées à un bar, un hôtel ou un restaurant, 54 fermes-brasseries et 19 brasseries pédagogiques – de ne subir aucun accroissement de taxation. Les brasseries artisanales et locales – auxquelles nombre de nos collègues sont attachés pour des motifs de culture et de terroir – seront ainsi protégées.

M. Dominique Dord. Je suis surpris par cet amendement. Soit vous considérez, mes chers collègues de la majorité, que la bière est un produit dangereux et une mesure de santé publique est adoptée dans le cadre du projet de loi de financement ; soit ce n’est pas le cas, l’article 23 est alors une pure disposition fiscale – ce dont nous sommes persuadés – et cet amendement n’a d’autre objet que d’en limiter le désagrément.

Cela dit, cet amendement, dans la mesure où il limite la portée de la mesure fiscale proposée, recueille mon soutien, mais la majorité, si elle était cohérente, ne devrait pas le voter. Toutefois, dans la mesure où il induit un effet de seuil arbitraire, je propose d’élever ce seuil de 10 000 à 100 000 hectolitres car, en l’état, il ne protège que les très petites brasseries.

Mme Véronique Louwagie. S’il était adopté dans sa rédaction actuelle, cet amendement exonérerait les brasseries produisant jusqu’à 10 000 hectolitres de bière par an mais les autres paieraient davantage de droit de consommation dès le premier hectolitre produit. Cela créerait un frein à la production et au développement des entreprises. Il convient donc de ne faire porter l’augmentation de la fiscalité qu’à partir du premier litre produit au-dessus du seuil de 10 000 hectolitres par an.

M. Denis Jacquat. Je comprends l’objectif économique de protection des microbrasseries, qui se sont beaucoup développées ces dernières années et qui emploient un à trois salariés en moyenne. Mais ces microbrasseries peuvent produire des bières fortement alcoolisées. Nous avons donc besoin d’une nouvelle loi sur la santé publique pour éviter la progression des polytoxicomanies dans notre pays.

M. Christian Paul. Mes chers collègues de l’opposition, souffrez que nous puissions poursuivre à la fois des objectifs de santé publique et de financement de la protection sociale. L’article 23 est conçu dans ce double dessein.

Oui, l’amendement présenté par le rapporteur crée un effet de seuil. Pendant dix ans, les lois que vous avez adoptées contenaient des effets de seuil. Nous en établissons à notre tour : ainsi, l’imposition des revenus supérieurs au seuil d’un million d’euros sera portée à 75 %. La loi, notamment fiscale et sociale, repose souvent sur des effets de seuil.

Le rapporteur a choisi ce seuil car le code général des impôts définit la brasserie artisanale comme celle produisant 10 000 hectolitres de bière par an.

Les brasseries artisanales et les microbrasseries sont des entreprises de quelques salariés qui fabriquent des boissons à forte identité locale et non des produits industriels consommés de façon massive. Ces derniers sont à la source des comportements d’addiction, situation que seules la présidente et Martine Carrillon-Couvreur ont dénoncée avec fermeté.

J’invite l’ensemble des membres de la Commission à se retrouver sur la mesure proposée par le Gouvernement et amendée par le rapporteur.

M. Francis Vercamer. Cet amendement est intéressant puisqu’il vise à exonérer les microbrasseries, les brasseries artisanales et les brasseries écologiques de toute augmentation du tarif du droit de consommation. Il crée cependant un effet de seuil redoutable. Il serait préférable d’exonérer les 10 000 premiers hectolitres de bière produite. Cela aurait un faible impact pour les grosses brasseries et ne dissuaderait pas les plus petites à produire davantage afin de ne pas être plus lourdement taxées.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur, a-t-il été procédé à une estimation de la mise en place d’un tel dispositif, notamment dans son aspect de contrôle du seuil de production ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces seuils existent déjà. À l’heure actuelle, le droit spécifique à la production de bière est frappé d’un taux de 1,38 % jusqu’à 10 000 hectolitres produits par an. Ce taux est de 1,64 % pour une production comprise entre 10 000 et 50 000 hectolitres, de 2,07 % pour 50 000 à 200 000 hectolitres fabriqués et de 2,75 % au-delà.

Les brasseries artisanales ne cherchent pas, elles, à produire des boissons très alcoolisées. Elles ne seront donc pas concernées par la taxation spécifique sur les hauts degrés d’alcoolémie comme le sera la bière Desperados.

Par ailleurs, le taux de la taxation resterait à 1,38 % pour toutes les exploitations artisanales. Le texte du projet de loi, monsieur Jacquat, prévoyait d’augmenter ce taux à 3,60 %, accroissement effectivement énorme pour les petites exploitations. Si l’amendement que je présente était adopté, cette hausse n’aurait pas lieu.

La proposition subsidiaire avancée par Francis Vercamer pourrait être présentée sous forme d’amendement déposé pour la séance ; elle favoriserait cependant des boissons comme la bière Desperados dont le tarif du droit de consommation serait moins augmenté si les grosses brasseries bénéficiaient de l’abattement sur les 10 000 premiers hectolitres produits. En outre, elle diminuerait fortement le montant des recettes attendues.

Cette mesure est-elle conçue pour la santé publique ou est-elle une recette de poche ? Nous avons déjà eu cette discussion à plusieurs reprises au cours des années passées. Je me souviens ainsi d’allers-retours entre la majorité de l’époque et le Gouvernement ayant abouti à faire disparaître la taxation sur les boissons sucrées et à la créer pour les boissons non sucrées. Ce débat sera tranché au moment de la réactualisation de la loi relative à la santé publique.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je tiens à rappeler à la représentation nationale que la précédente majorité a autorisé la publicité pour l’alcool sur Internet, spécificité de notre pays qui n’est pas anodine.

La Commission adopte l’amendement AS 259.

Elle en vient à l’amendement AS 233 de M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’affecter aux régimes de sécurité sociale concernés – branche maladie du régime général, branches maladie et vieillesse du régime des exploitants agricoles, fonds CMU – l’ensemble du produit de la fiscalité sur les boissons de manière plus simple et plus lisible.

M. Bernard Accoyer. Les tuyaux du financement social forment un véritable labyrinthe et j’aimerais des explications claires sur les réorientations auxquelles notre rapporteur entend procéder.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’affecter le plus possible les taxes sur les boissons au régime agricole.

M. Bernard Accoyer. Quels sont les montants en cause ? À quoi ces taxes sont-elles aujourd’hui affectées et où iront-elles ? Au fil des ans, le financement social devient de plus en plus illisible ; les parlementaires votent chaque année des changements d’affectation substantiels sans même le savoir.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vous propose de compléter mon rapport par un tableau. En substance, cet amendement vise à diriger de façon préférentielle les taxes sur les boissons vers le régime agricole et le régime vieillesse.

M. Bernard Accoyer. À quel titre, le régime vieillesse ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Parce que c’est déjà le cas. Par ailleurs, mon amendement va dans votre sens dans la mesure où plus on affecte une recette à un objet précis, plus le système est lisible. Ne me cherchez pas de mauvaise querelle.

M. Bernard Accoyer. Se développe en France ce que j’appelle une fiscalité punitive. Nous nous préoccupons pour le moment des boissons alcoolisées, mais que tous nos collègues qui ont dans leur circonscription de l’industrie laitière ou des salaisons sachent que leur tour viendra.

S’agissant d’une loi budgétaire, nous devons savoir exactement ce que nous votons, et ne pas nous contenter d’un hypothétique tableau pour voter des amendements.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Quand les franchises médicales ont été adoptées, le fléchage n’était pas vraiment précis.

M. Jean-Pierre Door. Les franchises ont été dirigées, vous le savez, vers le plan cancer et le plan Alzheimer…

M. Gérard Bapt, rapporteur. … qui n’a jamais vu le jour !

M. Jean-Pierre Door. Vous avez chaque année un rapport ministériel sur les franchises.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il n’y en avait pas au moment où elles ont été votées !

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’était même pire, puisqu’il a fallu se contenter de l’exposé des motifs alors que je vous propose un mécanisme précis.

La Commission adopte l’amendement AS 233.

L’amendement AS 71, de M. Dominique Tian, est retiré car il est satisfait.

La Commission adopte ensuite l’article 23 modifié.

Article additionnel après l’article 23

(art. 520 C [nouveau] du code général des impôts)


Mise en place d’une taxe spécifique sur les boissons énergisantes

Cet article additionnel propose de mettre en place une taxe spécifique sur les boissons énergisantes contenant un seuil minimal de 220 mg de caféine pour 1 000 ml ou un seul minimal de 300 mg de taurine pour 1000 ml.

Ces boissons favorisent l’alcoolisme des jeunes. Le plus souvent, ils mélangent l’alcool avec ces boissons énergisantes, qui masquent le goût et les font tenir plus longtemps. Ce qui les pousse à consommer davantage d’alcool. Ce cocktail détonnant correspond au binge drinking (« ivresse express »), très en vogue chez les jeunes.

Depuis la mi-2008, la surveillance des boissons énergisantes par l’Institut de veille sanitaire (InVS), puis par l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) a permis de signaler trente cas d’ordre cardiologique (dont deux cas mortels récents), crises d’épilepsie ou psychiatriques souvent consécutifs à la consommation d’alcool.

En effet, environ 40 millions de litres de ces boissons dites « énergisantes » sont consommés chaque année dans notre pays et leur taxation est actuellement similaire à celle d’un soda.

Ainsi, cet article propose de mettre en place une contribution spécifique sur les boissons énergisantes. Il vise à dissuader le consommateur – souvent des adolescents – de consommer à l’excès des « boissons énergisantes » riches en caféine et/ou taurine, qu’ils mélangent fréquemment avec de l’alcool.

Cette mesure contribue donc à renforcer la politique de santé publique menée par le Gouvernement, notamment vis-à-vis des plus jeunes.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 260 de M. Gérard Bapt, rapporteur, tendant à insérer un article additionnel après l’article 23.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit de mettre en place une taxe spécifique sur les boissons énergisantes, qui posent un problème de santé publique. Mme Bachelot avait bien tenté de s’opposer à la mise sur le marché des boissons contenant de la taurine, mais elle a perdu son bras de fer contre la Commission européenne. Ces produits sont sous la surveillance des agences de sécurité alimentaire parce que, mélangés à des boissons alcoolisées, leur consommation peut avoir des conséquences dramatiques, allant jusqu’au décès. Nous proposons donc de les taxer davantage que les sodas, en les ciblant précisément.

M. Bernard Accoyer. Outre le soin méthodique qu’apportent le Gouvernement et sa majorité à ce que toutes les catégories de Français soient concernées par ce projet de loi de financement, il faut noter que, une nouvelle fois, nous allons nous éloigner des réglementations européennes. Mais la France ne s’en sortira pas mieux en se singularisant.

M. Jean-Pierre Door. Qu’espérez-vous de cette taxe ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Une dizaine de millions d’euros, environ, mais la consommation étant très dynamique, soutenue par une publicité très active, comme le sponsoring par l’une des marques concernées des exploits d’un parachutiste, la recette associée devrait l’être aussi.

M. Gérard Sebaoun. Je vous signale un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec – une référence –, qui consacre 150 pages sur le sujet. Sans dénoncer une toxicité massive, cet institut lance une mise en garde contre ces boissons dont les ventes connaissent une explosion. Aujourd’hui, les marques, comme Red Bull, utilisent les manifestations et les sports extrêmes comme une vitrine, poussant ainsi les jeunes à la surconsommation. Ce sont d’ailleurs les
15-30 ans qui en sont les plus gros consommateurs. Compte tenu de leurs effets secondaires importants, l’Agence nationale de sécurité sanitaire – ANSES – a mis ces produits sous surveillance. Ils demeurent un problème de santé publique, d’autant qu’ils sont couramment mélangés à de l’alcool, et même désormais vendus sous cette forme. Il n’y a pas de raison que ces produits à risque ne soient pas taxés.

Mme Monique Iborra. Je suis plus choquée que la réglementation européenne nous ait imposé la mise sur le marché de telles boissons, que par le fait que nous nous en écartions. La nocivité de ces boissons associées à l’alcool est prouvée, mais leur taxation ne nous exonérera pas du devoir d’informer les jeunes et leurs parents.

M. Michel Liebgott. Le Guronsan contient déjà 50 milligrammes de caféine. Autrement dit, le Red Bull peut avoir des effets secondaires importants, comme la tachycardie.

Étant également l’élu d’un département frontalier, monsieur Accoyer, je vous invite à venir voir au Luxembourg ces magasins aux murs entièrement tapissés de tabac ou d’alcool, et qui ne vendent rien d’autre. Eh bien, mieux vaut être en avance qu’en retard !

M. Arnaud Robinet. Nous partageons le constat sur les méfaits de l’alcool chez les jeunes. Mais taxer les boissons énergisantes ne suffira pas ; il faut mener auprès d’eux une véritable politique de prévention, contre l’alcool, contre les stupéfiants. C’est pourquoi nous nous sommes insurgés contre les propos du ministre de l’éducation nationale sur la dépénalisation du cannabis. Travaillant à l’hôpital dans un service de toxicologie qui analyse des prélèvements sanguins, je sais quels mélanges les jeunes peuvent ingurgiter, démultipliant ainsi les effets de l’alcool, de la drogue, ou autre. Il faut en la matière une véritable politique de santé publique.

J’anticipe vos reproches concernant notre inaction, mais nous n’avons pas pu tout faire en cinq ans. Cela dit, nous sommes prêts à travailler de façon constructive avec la majorité actuelle pour faire des propositions en vue d’une loi de santé publique.

M. Bernard Accoyer. La politique menée a des effets désastreux sur les départements frontaliers. C’est ainsi que prospère une véritable contrebande de cigarettes qui n’est pas sans conséquences sur la santé publique, puisqu’elles font parfois l’objet de contrefaçons. Les mêmes phénomènes se produiront si, parce que nous sommes les plus intelligents et les plus forts, nous sommes les seuls en Europe à instaurer ce type de taxe. Je ne comprends pas ce refus de la convergence européenne, pourtant prônée par les responsables gouvernementaux.

M. Christian Paul. Le comique de répétition a ses limites. Menacer la France d’une contrebande de boissons énergisantes n’est pas sérieux.

M. Jean-Pierre Door. On connaît bien la France rurale !

M. Christian Paul. Je ne suis pas sûr que vous connaissiez celle qui est la plus défavorisée.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il y a une chose dont je suis sûre, c’est que nous connaissons mieux la jeunesse que vous !

M. Gérard Bapt, rapporteur. À l’occasion de la mission d’information sur le Mediator, nous avons découvert que certains étudiants en consommaient pour préparer leurs examens car il était de nature amphétaminique.

Mme Bachelot a dû plier devant les règles européennes car il s’agissait non d’un médicament – à la commercialisation duquel il est toujours possible, même s’il est autorisé à l’échelle européenne, de s’opposer au plan national, grâce au non-remboursement par la sécurité sociale – mais d’une substance alimentaire. Nous n’avons donc que l’outil fiscal à notre disposition.

En ce qui concerne l’information et l’éducation, elles risquent de peser peu face à la notoriété des exploits qui servent de support publicitaire. Toutefois, cela ne doit pas nous dissuader d’utiliser la taxation.

Bien entendu, il faudra une loi de santé publique. La dernière remonte à 2004, son actualisation était prévue en 2009, et nous la réclamons depuis.

La Commission adopte l’amendement AS 260.

Article 24

(art. 1600-0 N et 1635 bis AE du code général des impôts ; art. L. 138-4, L. 138-12, L. 138-13, L. 245-5-1, L. 245-5-5 et L. 245-6 du code de la sécurité sociale)


Simplification et sécurisation de la fiscalité relative aux produits de santé

Le présent article vise à sécuriser et simplifier les modalités déclaratives et de paiement des prélèvements spécifiques portant sur les produits de santé.

Dans le cadre de la réforme relative à la sécurité du médicament et des produits de santé de 2011, il a été décidé que le financement de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) serait assuré par dotation de l’État.

En conséquence, les taxes et redevances versées auparavant par les laboratoires pour financer l’agence du médicament ont été reversées à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Or le mode de calcul et le recouvrement de certaines taxes et redevances portant sur les produits de santé méritent d’être améliorés.

1. Clarification de l’assiette de la taxe sur les premières ventes de médicaments

L’article 1600-0 N du code général des impôts prévoit que les personnes assujetties à la TVA qui effectuent la première vente en France de médicaments et autres produits sont soumises à une taxe annuelle perçue au profit de la CNAMTS sur le produit de cette vente.

Les médicaments et produits concernés sont les médicaments et produits ayant fait l’objet d’un enregistrement, d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’ANSM, d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Union européenne ou d’une autorisation d’importation parallèle conformément aux dispositions de l’article L. 5124-13 du code de la santé publique, c’est-à-dire une autorisation d’importation parallèle.

L’assiette de la taxe est constituée par le montant total hors TVA des ventes, quelle que soit la contenance des conditionnements dans lesquels ces médicaments ou produits sont vendus, réalisées au cours de l’année civile précédente, à l’exclusion des ventes des médicaments et produits qui sont exportés hors de l’Union européenne, ainsi que des ventes de médicaments et produits expédiés vers un autre État membre de l’Union européenne et des ventes de médicaments orphelins au sens des dispositions du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins.

Le montant de la taxe est fixé forfaitairement pour chaque médicament ou produit selon les modalités détaillées dans le tableau ci-après.

Montant de la taxe sur le chiffre d’affaires des produits pharmaceutiques

(En euros)

Montant des ventes hors taxe

Tarifs

<= à 76 000

499

> 76 000 et <= à 380 000

1 636

> 380 000 et <= à 760 000

2 634

> 760 000 et <= à 1 500 000

3 890

> 1 500 000 et <= à 5 000 000

6 583

> 5 000 000 et <= à 10 000 000

13 166

> 10 000 000 et <= à 15 000 000

19 749

> 15 000 000 et <= à 30 000 000

26 332

> 30 000 000

33 913

La première vente en France s’entend de la première vente intervenant après fabrication en France, ou après introduction en France en provenance de l’étranger de médicaments et produits soumis à la taxe. Pour les entreprises pharmaceutiques dont le siège social et les filiales seraient à l’étranger, il est nécessaire de passer par un exploitant français, qui lui-même devra payer la taxe sur le chiffre d’affaires.

Le fait générateur de la taxe intervient lors de la première vente de chaque médicament ou produit mentionné au II. La taxe est exigible lors de la réalisation de ce fait générateur.

Comme l’indique l’étude d’impact, dans sa rédaction actuelle, l’article 1600-0 N laisse à penser que le redevable de la taxe peut être le fabricant (façonnier, sous-traitant) en lieu et place de l’exploitant des médicaments et produits de santé.

Cette rédaction a un effet sur le rendement de la taxe puisqu’il s’avère que la taxation au niveau du sous-traitant concerne une valeur ajoutée moindre qu’au niveau de l’exploitant de l’autorisation de mise sur le marché. Cette rédaction peut également être mise à profit à des fins d’optimisation fiscale grâce à des transferts de produits intragroupe (valeur ajoutée diminuée dans ce cas dans un rapport de 1 à 3).

Ainsi, le rendement de la taxe est sensiblement inférieur aux prévisions : moins de 31 millions d’euros au 31 juillet 2012 contre 40 millions d’euros espérés lors de la création de la taxe, soit près de 25 % de moins qu’attendu.

Ainsi, le A du I du présent article vient préciser la rédaction de l’article 1600-0 N du code général des impôts.

Il est ainsi prévu au I de l’article 1600-0 N que le redevable de la taxe annuelle sur les premières ventes de médicaments s’applique aux « personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l’article 256 A qui assurent en France l’exploitation, au sens de l’article L. 5124-1 du code de la santé publique. »

Ainsi, les personnes qui interviennent dans le circuit de production (ex. : façonniers, sous-traitants) ou de distribution des médicaments et produits de santé concernés (ex. : grossiste-répartiteur) ne sont pas redevables de la taxe.

Le V du même article est également modifié afin de préciser que « le fait générateur et l’exigibilité de la taxe interviennent lors de la vente de chaque médicament ou produit de santé. »

2. Instauration d’un droit d’enregistrement pour les demandes d’autorisations préalables de publicité

En l’état actuel du droit, l’article L. 1635 bis AE du code général des impôts prévoit que toute demande de visa ou de renouvellement de visa de publicité pour un médicament, mentionné aux articles L. 5122-8 et L. 5122-14 du code de la santé publique, est subordonnée au paiement d’un droit perçu par la CNAMTS.

Contrairement aux médicaments à usage humain, les autorisations préalables de publicité relatives aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux in vitro délivrées par l’ANSM ne donnent pas lieu au versement d’un droit.

Par ailleurs, certains termes utilisés dans le code général des impôts apparaissent impropres depuis l’intervention de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé : les publicités pour les médicaments font en effet désormais l’objet d’une demande de visa a priori auprès de l’ANSM et non plus d’un dépôt donnant lieu à contrôle a posteriori.

Par conséquent, le du B du I du présent article modifie l’article L. 1635 bis AE du code général des impôts :

– le 6° de l’article est complété afin d’y ajouter la référence à la publicité pour des dispositifs médicaux mentionnées à l’article L. 5122-14 du code de la santé publique ;

– le 7° est modifié afin de mentionner non pas les « dépôts de publicité » auprès de l’ANSM mais les « demandes d’autorisation ou de renouvellement d’autorisation de publicité », mentionnée aux articles L. 5213-4 et L. 5223-3 du même code.

Par ailleurs, le III de l’article L. 1635 bis AE du code général des impôts est modifié afin de supprimer la référence inutile à la publicité pour les médicaments ou dispositifs médicaux.

3. Simplification et harmonisation du recouvrement de certaines taxes pharmaceutiques

Le II du présent article vise à harmoniser et simplifier le recouvrement de certaines taxes pharmaceutiques.

En effet, chaque contribution a ses propres règles : assise sur le chiffre d’affaires de l’année civile ou sur les charges comptabilisées au cours du ou des derniers exercices clos depuis la dernière échéance, fonctionnement par acompte provisionnel et régularisation avec des dates d’exigibilité différentes.

Les dates de mise en recouvrement des taxes, aujourd’hui complètement différentes d’une taxe à l’autre, compliquent et alourdissent inutilement la charge de gestion, tant pour les entreprises redevables que pour les organismes en charge du recouvrement.

Il s’agit donc d’améliorer les conditions de recouvrement et d’harmoniser les règles applicables aux taxes suivantes :

– la taxe sur le chiffre d’affaires, prévue par l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, due par toute entreprise assurant l’exploitation en France, d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d’assurance maladie ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités ;

– la taxe sur les ventes en gros, prévue à l’article L. 138-1 du code de la sécurité sociale, due par les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et par les entreprises assurant l’exploitation d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques lorsqu’elles vendent en gros des spécialités remboursables auprès des pharmacies d’officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de sociétés de secours minières. La contribution est assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France auprès des pharmacies ;

– la taxe sur les dépenses de promotion des médicaments, prévue à l’article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, due par les entreprises assurant l’exploitation en France d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques, dont le chiffre d’affaires est au moins égal à 15 millions d’euros. L’assiette de la contribution est égale au total des charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance, au titre des rémunérations et frais liés à la publicité des médicaments remboursables, ou agréés à l’usage des collectivités ;

– la taxe sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux, prévue à l’article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale, due par les entreprises assurant la fabrication, l’importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux à usage individuel, de tissus et cellules issus du corps humain. La contribution est assise sur les charges comptabilisées au titre du ou des exercices clos depuis la dernière échéance, au titre des rémunérations de toutes natures et des frais professionnels ainsi que des frais de publicité liés à ces produits et prestations ;

– la clause de sauvegarde, prévue à l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, due par les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France, au cours de l’année civile, au titre des médicaments remboursables, par l’ensemble des entreprises assurant l’exploitation d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques et n’ayant pas passé convention avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), s’est accru par rapport au chiffre d’affaires réalisé l’année précédente, au titre des médicaments remboursables, par l’ensemble de ces mêmes entreprises, d’un pourcentage excédant le taux de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Il est prévu, pour toutes ces taxes, que la contribution est versée à titre provisionnel ou au plus tard le 1er juin de l’année, et que, le cas échéant, la régularisation intervient au 1er mars de l’année suivante, à l’exception de la clause de sauvegarde, pour laquelle la régularisation a lieu le 1er juin de l’année suivante.

Les économies générées par ces dispositions sont évaluées par l’étude d’impact à 10,7 millions d’euros.

*

La Commission examine l’amendement AS 261, de Mme la présidente Catherine Lemorton.

Mme la présidente Catherine Lemorton. On ne peut pas déplorer chaque année, au moment de l’examen du projet de loi de financement, que les Français consomment trop de médicaments, avec des conséquences en termes d’iatrogénie et d’hospitalisation, sans agir sur tous les supports qui peuvent induire à la consommation de médicaments, y compris par la taxation. Nous devons cibler les interstices dans lesquels se faufile l’industrie pharmaceutique pour assurer son existence. Mon amendement vise les pages de publicité sur lesquelles figure seulement le nom du laboratoire, sans allusion à une spécialité quelconque. Quand on imprime le nom d’une marque dans la tête des gens, ils finissent, au bout d’un certain temps, par être attirés par les produits qu’elle fabrique.

Si je précise que tous les supports sont concernés, c’est que l’industrie, taxée au titre de la publicité qu’elle fait dans la presse spécialisée, s’est tournée vers la presse grand public - Voici, Gala – et même vers des hebdomadaires de qualité, dont un plutôt classé à gauche, dans lequel un médecin a vanté les mérites d’un vaccin fabriqué par un laboratoire pour lequel il travaille. Il faut vraiment taxer tout ce qui peut pousser nos concitoyens à consommer du médicament.

M. Jean-Pierre Door. J’apprécie votre présidence, madame la présidente, mais pas votre remarque sur la meilleure connaissance que le Parti socialiste aurait de la jeunesse, que je juge déplacée.

Je connais votre combat contre la publicité des médicaments, nous avons même travaillé ensemble sur le sujet. Aujourd’hui, la presse médicale est en souffrance, vous ne l’ignorez pas. Votre exposé sommaire dénonce l’effet « inflationniste » de la promotion de médicaments. Est-ce sur la consommation ? Sur le prix ? Ou encore sur le nombre de marques ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. On voit de plus en plus à la télévision des publicités qui vantent les laboratoires, faute de pouvoir promouvoir le médicament. C’est une manière de contourner la loi, puisque, dans la presse médicale, le nom du laboratoire est simplement apposé à celui du médicament. L’amendement prend donc en compte cette réalité et ne concerne que la presse grand public.

M. Arnaud Robinet. J’ai l’impression, madame la présidente, que vous faites de vos attaques permanentes contre l’industrie pharmaceutique votre fonds de commerce, et que la haine de la majorité pour les entrepreneurs s’étend désormais à cette industrie. Vous ne nous ferez pas croire que vanter le nom d’un laboratoire suffira à inciter nos concitoyens à consommer des molécules produites par ledit laboratoire ! Tout au plus sont-ils attachés au nom commercial des molécules. C’est pour cette raison que, dans la loi sur le médicament, il était prévu que les médecins prescrivent en dénomination commune internationale – DCI. Il faut aller au fond des choses et ce n’est pas avec une taxe, qu’elle frappe la bière, les boissons énergisantes et maintenant le nom des laboratoires, que l’on résoudra les problèmes.

Il ne faut pas s’étonner qu’aujourd’hui les dirigeants décident de quitter la France et de fermer des centres de recherche ou de production. L’industrie pharmaceutique est en récession et, depuis dix ans, aucune molécule n’est sortie d’un laboratoire ou d’un centre de recherche français. Continuons ainsi et nous perdrons encore des pans de notre recherche scientifique, avec des conséquences sur l’emploi et la compétitivité.

Arrêtez de faire de l’industrie pharmaceutique votre bouc émissaire. La loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé sur le médicament permet de travailler en toute transparence. Personne ne veut revivre un scandale comme celui du Mediator, qui a éclaboussé l’ensemble de l’industrie pharmaceutique. Faisons le distinguo entre les bons et les mauvais, mais cessez de mettre tout le monde dans le même sac !

M. Christian Paul. Les propos que je viens d’entendre sont hors sujet, parfaitement déplacés et insultants. Je le dis au nom de mon groupe.

Monsieur Robinet, qui a utilisé l’industrie pharmaceutique pour se faire un fonds de commerce ? Ceux qui se sont insurgés contre les scandales survenus ces dernières années, qui ont souligné l’absolue nécessité de la pharmacovigilance, qu’ils appartiennent à notre groupe – je songe en particulier à Mme la présidente Lemorton et à Gérard Bapt – ou qu’ils aient fait partie de la majorité de l’époque ? Ils sont l’honneur de l’Assemblée nationale ! Ou bien les lobbyistes zélés de l’industrie pharmaceutique, y compris au sein de notre commission, ou encore ceux qui se sont fait les fidèles avocats de M. Servier pendant des années ?

M. Bernard Accoyer. Notre débat est en train de déraper ; nous ferions bien de nous en tenir au projet de loi. Merci de bien vouloir y veiller, madame la présidente. Notre collègue Paul aurait pu se passer d’employer les qualificatifs que nous venons d’entendre.

L’amendement AS 261 ne fait pas moins de deux pages alors que la complexité de la loi en France est devenue un problème majeur, pour le plus grand plaisir des avocats, et que nous avons plus de normes – généralement plus sévères qu’ailleurs – que notre économie n’en peut supporter. Nous, parlementaires, sommes responsables de cette inflation que nous devons juguler.

Quant au fond, l’amendement procède à une forme de censure fiscale de la presse. Chacun a le droit de s’exprimer ! Je le dis avec modération, madame la présidente : vous donnez l’impression que les industries pharmaceutiques sont dans votre collimateur alors que vous présidez la commission permanente chargée de ce secteur à l’Assemblée nationale, dans un grand pays d’industrie pharmaceutique. Cette posture est très préoccupante. L’industrie pharmaceutique, qui emploie des centaines de milliers de personnes, est l’un des rares secteurs dans lesquels notre balance commerciale reste bénéficiaire – pour combien de temps encore ? En outre, députée de Haute-Garonne, vous savez combien est fragile la localisation en France de ses emplois – en particulier des emplois de recherche hautement qualifiés, que l’on s’évertue à taxer de tous côtés.

Mme Monique Iborra. Sanofi !

M. Bernard Accoyer. Vous devriez être fiers de cette très grande entreprise plutôt que d’en faire la cible à abattre.

Cette logique destructrice d’emplois appauvrira la France et nous nous en mordrons tous les doigts.

M. Jean-Louis Roumegas. Il s’agit d’un débat de valeurs. Ce sont des amendements comme celui-là, c’est le courage avec lequel le Gouvernement refuse la publicité sur les médicaments, qui me rendent fier d’appartenir à la majorité – et je pèse mes mots.

L’industrie pharmaceutique est financée par la solidarité nationale ; il est inacceptable et dangereux que celle-ci soit peu à peu remplacée par la marchandisation du médicament. En outre, en luttant contre ce phénomène, la loi et le présent amendement préservent aussi notre économie.

Du point de vue sanitaire, enfin, il faut développer la prévention pour lutter contre l’inflation de la consommation médicamenteuse. Pour cette raison, l’on pourrait envisager d’affecter les recettes dégagées au financement d’outils de prévention.

Mme Véronique Louwagie. Madame la présidente, avez-vous évalué les recettes attendues de la disposition ?

Mme Jacqueline Fraysse. Je tiens à exprimer mon indignation. Arnaud Robinet a employé le terme de « haine » à propos de la présidente ; c’est tout à fait inadmissible. Nous sommes ici pour tenter de trouver des solutions aux problèmes qui se posent à nous.

S’agissant des laboratoires pharmaceutiques, l’opposition devrait se montrer plus modeste compte tenu des scandales qui ont émaillé ces dernières années.

Catherine Lemorton et Gérard Bapt ont fait un travail remarquable, qui a permis de dénoncer enfin une situation scandaleuse qui mettait la population en danger. Je soutiens donc l’amendement.

Certains pleurent sur les laboratoires pharmaceutiques alors que, globalement, ils se portent bien – et tant mieux ! Mais puisqu’ils doivent beaucoup à la protection sociale, il est logique qu’ils contribuent en retour à la financer. Leur bonne santé ne les empêche d’ailleurs pas de licencier des centaines de salariés, comme le montre l’exemple de Sanofi.

Nous devrions par ailleurs réfléchir à un pôle public du médicament, car celui-ci ne peut être traité comme n’importe quel produit mis sur le marché : la commercialisation d’un produit d’intérêt général doit être mieux maîtrisée par les pouvoirs publics – ce qui n’empêche pas de travailler avec des laboratoires privés.

M. Denys Robiliard. Aucune des mesures proposées par la majorité ne trouve grâce aux yeux de l’opposition. Mais y a-t-il, oui ou non, un déficit de la sécurité sociale ? Et dans ce déficit, y a-t-il, oui ou non, un déficit particulier de l’assurance maladie, en partie imputable à une surconsommation médicamenteuse qui est bien établie ? Faut-il, oui ou non, lutter contre ce phénomène ? Je suis favorable au développement de l’industrie pharmaceutique, mais pas au prix de la santé des gens, et pas par le financement public, par l’impôt et par le déficit !

M. Jean-Patrick Gille. Il est pour le moins curieux d’entendre Bernard Accoyer, qui a présidé l’Assemblée nationale au cours des cinq dernières années, affirmer que, depuis des années, nous faisons de mauvaises lois, des lois trop bavardes. Souffrirait-il d’une forme d’amnésie ?

Je suis tout aussi stupéfait de la manière dont il a mis en cause la présidente et le rapporteur. Il faut croire que leurs travaux respectifs sur le médicament et sur le Mediator dérangent… J’aurais préféré qu’il soit plus actif à propos du lobbying lorsqu’il était président de l’Assemblée. Nul n’ignore que les laboratoires pharmaceutiques constituent l’un des lobbys les plus puissants et les mieux organisés, l’un de ceux qui ont le plus de contacts et qui dépensent le plus d’argent.

M. Bernard Accoyer. Personnellement mis en cause, je veux répondre. En matière de lobbying, s’il y a quelqu’un qui a agi, c’est bien moi ! Je rappelle que nous avons institué un code de déontologie. Cela a visiblement échappé à Jean-Patrick Gille, qui était pourtant déjà député.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les propos qui ont visé notre présidente sont doublement injurieux étant donné sa profession. Catherine Lemorton se fait une haute idée de la fonction parlementaire, qui ne se réduit pas au fait de venir aboyer en commission ou dans l’hémicycle ni de voter les lois, mais qui consiste aussi à contrôler l’action du Gouvernement et, selon les compétences que nous donne l’Assemblée nationale, à enquêter, puis à adresser nos propositions au Parlement et à l’ensemble de nos concitoyens. Pendant des années, Catherine Lemorton a sonné l’alarme à propos des déficiences de notre système de sécurité sanitaire : il ne s’agit pas là d’un fonds de commerce, mais de l’honneur d’une parlementaire. Et que certains d’entre nous se soient saisis de ces sujets et y aient travaillé des mois durant, tentant de convaincre leur propre groupe parfois, le Gouvernement, le Parlement, la société tout entière, est tout à leur honneur. Ils ne se considèrent pas comme représentants d’une circonscription ou d’une activité professionnelle, mais comme investis par la Nation d’une fonction particulière qui implique l’indépendance dans l’analyse comme dans l’action.

Monsieur Door, loin de pénaliser la presse médicale, on lui assure des conditions de concurrence plus acceptables en étendant à la presse généraliste les dispositions fiscales qui la touchent.

Je vous invite donc à adopter l’amendement de Catherine Lemorton.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je répondrai aux questions précises qui m’ont été posées.

Madame Louwagie, nous allons vous donner le montant de la recette, qui ne sera qu’indicatif puisque nous ne pouvons connaître par avance la stratégie des laboratoires. Ainsi un laboratoire qui commercialise un vaccin contre le cancer du col de l’utérus peut-il aujourd’hui décider de ne faire figurer dans sa publicité que le logo de l’entreprise : c’est contre ce procédé que je veux lutter. Il explique également le terme « inflationniste », monsieur Door.

Il ne s’agit évidemment pas du seul moyen de lutter contre l’abus de médicaments, mais d’un outil qui, joint à d’autres, nous permettra d’aider les Français à rompre avec la culture du médicament. Ce qui compte, c’est la santé de nos concitoyens d’abord, la santé de nos comptes publics ensuite, qui en est indissociable, la santé de notre industrie pharmaceutique enfin.

Je suis si loin de faire de la lutte contre cette industrie mon fonds de commerce que le LEEM, dont j’ai rencontré les représentants il y a deux semaines, a applaudi aux deux mesures que je lui ai proposées et que la précédente majorité n’avait pas formulées. Il s’agit, d’une part, d’organiser un comité stratégique des industries de santé tous les ans, et non simplement dans les moments de crise ; d’autre part, de progresser en matière de recherche sur les embryons dans le cadre de la loi de bioéthique. Je leur ai fait comprendre que c’est à la victoire de la gauche que l’on devra cette dernière avancée, qu’ils attendent, comme les chercheurs du secteur public. Je vous suggère de demander au président du LEEM ce qu’il a conclu de mon intervention.

Je vous invite, mes chers collègues, à adopter mon amendement.

M. Céleste Lett. À propos de surconsommation de médicaments, je pourrais présenter à nouveau l’amendement que j’avais défendu ici même il y a deux ans et qui avait été repoussé par la droite comme par la gauche, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. Dans les établissements accueillant les personnes âgées dépendantes, on constate un décalage de 30 centimes entre la prescription médicale et la facturation, ce qui représente un coût annuel non négligeable. Pour réaliser des économies, j’avais donc proposé que l’on fabrique des piluliers destinés aux pharmaciens. Je vous renvoie pour plus de précisions au compte rendu de la réunion en question.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mme la ministre a répondu par avance à cette question la semaine dernière, lors de son audition par notre commission. La structure du prix du médicament et la traçabilité du lot requièrent le conditionnement dans des boîtes, qui protège notre pays de la contrefaçon même s’il n’est pas toujours parfaitement adapté.

La Commission adopte l’amendement AS 261.

Puis elle adopte l’article 24 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 24

(art. L. 245-6 du code de la sécurité sociale)


Majoration du taux de la contribution due au titre du chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques

Cet article additionnel vise tout d’abord à prolonger la majoration du taux de la contribution due au titre du chiffre d’affaire des entreprises pharmaceutiques jusqu’en 2016.

Le principe de cette majoration avait été adopté en loi de financement pour 2012, et est destiné à financer la formation continue des médecins. Le financement de la formation professionnelle continue des médecins hospitaliers et libéraux était en effet largement dominé par l’industrie pharmaceutique, pour un montant annuel estimé entre 400 à 600 millions d’euros. Le législateur a donc souhaité à la fois réinvestir ce champ et responsabiliser les entreprises, en haussant la contribution sur le chiffre d’affaires des produits pharmaceutiques.

Il est ici proposé de prolonger cette majoration jusqu’en 2016, afin de ne pas fragiliser le dispositif de formation continue des professions médicales, enjeu majeure de l’amélioration de notre système de santé publique.

Il est en outre proposé de procéder à une majoration à la marge de ce taux, qui pourrait être destiné à assurer un financement indépendant des associations de patients, aujourd’hui largement dépendantes de l’industrie pharmaceutique. Le rapport de la Haute Autorité de santé de 2011 portant sur les aidées versées au titre de l’année civile 2010 chiffre celles-ci à près de 5 millions d’euros. Il s’agit ainsi de renforcer la démocratie sanitaire, en assurant un financement pérenne aux représentants des patients, tout en renforçant leur légitimité.

Pour mémoire, la contribution est assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer au cours d’une année civile au titre des médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché et inscrits sur les listes des médicaments remboursables ou sur la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l’usage des collectivités et divers services publics. Ne sont pas pris en compte dans le calcul du chiffre d’affaires les spécialités génériques qui ne donnent pas lieu à remboursement sur la base d’un tarif forfaitaire de responsabilité, les remises commerciales accordées par l’entreprise, les produits bénéficiant d’une autorisation temporaire d’utilisation et les médicaments orphelins, sous réserve que le chiffre d’affaires des médicaments remboursables ne soit pas supérieur à 20 millions d’euros.

*

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AS 238 de M. Christian Paul, et l’amendement AS 144 de Mme Jacqueline Fraysse, qui portent articles additionnels après l’article 24.

M. Christian Paul. L’amendement AS 238 vise à prolonger jusqu’en 2016 la majoration du taux de la contribution due au titre du chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques. Le législateur a adopté cette majoration en loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 afin de financer la formation continue des médecins et responsabiliser ainsi les entreprises pharmaceutiques. Il s’agit ici de consolider le dispositif, à la demande des professions médicales elles-mêmes.

Il est en outre proposé d’affecter une partie de la même ressource à un financement indépendant des associations de patients. Au nom de la démocratie sanitaire, les bénévoles de ces associations doivent pouvoir se rendre aux réunions des instances qui les concernent, à l’échelon local, régional et même national – voilà pourquoi le financement doit être substantiel. Aujourd’hui, bien souvent, les manifestations et colloques organisés par les associations de patients, notamment à des fins de prévention, sont directement financés par les laboratoires. Ils doivent l’être dans un cadre public – reste à déterminer comment, au niveau national, et au niveau des régions avec le concours des agences régionales de santé.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce dispositif de financement, d’ailleurs étendu à la formation continue des médecins hospitaliers, avait été adopté par l’Assemblée sur proposition de M. Xavier Bertrand.

Par ailleurs, de récents articles de presse montrent dans quelle mesure les associations de patients sont financées par l’industrie pharmaceutique. Il faut un financement public pour couvrir au moins en partie leurs frais de fonctionnement, notamment la participation aux conférences nationale et régionales de santé. On sait qu’à partir d’une certaine date, les membres de ces associations ne peuvent, faute de crédits, se faire rembourser ne serait-ce que leurs frais de transport, ce qui est anormal et entrave le fonctionnement harmonieux de la démocratie sanitaire. Le patient devrait être au cœur de notre système de santé.

M. Denis Jacquat. On tape beaucoup sur l’industrie pharmaceutique, mais mon rapport sur l’éducation thérapeutique du patient, adopté à l’unanimité ici même, montre que sans cette industrie elle n’aurait pu être instituée, en particulier en milieu hospitalier. Cela s’est fait sans le moindre détournement, bien que l’on ait d’abord craint que l’industrie pharmaceutique ne nourrisse des arrière-pensées.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur Jacquat, il n’est pas question d’insulter l’industrie pharmaceutique, mais bien de lutter contre des excès que nous avons constatés et qui compromettent la santé et la sécurité de nos concitoyens, dont nous sommes tous comptables quelle que soit notre sensibilité politique.

Voilà pourquoi je propose par l’amendement AS 144 de relever le taux de la contribution due au titre du chiffre d’affaires des laboratoires. En effet, leurs dépenses de promotion et de lobbying témoignent de leur aisance financière, laquelle doit beaucoup aux remboursements de la sécurité sociale, donc à l’action publique, et ne les empêche pas de licencier au lieu d’investir – voyez Sanofi. Loin de leur être dommageable, l’amendement est aussi très avantageux pour les comptes publics. Il propose de relever le taux à 5 % ; on peut être moins ambitieux, sans toutefois en rester au niveau actuel.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement de Christian Paul satisfait en partie le vôtre, madame Fraysse, même si l’augmentation proposée est moindre. Elle me semble toutefois plus adaptée avec la volonté de l’industrie pharmaceutique – que je partage – de défendre une certaine lisibilité fiscale sur le long terme. C’est d’ailleurs pourquoi je souhaite également que le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) continue son action auprès du Premier ministre afin que la recherche et la production demeurent dans notre pays.

Avis défavorable à l’amendement AS 144.

M. Jean-Pierre Door. Un récent rapport de la Haute Autorité de santé montre que l’industrie pharmaceutique soutient financièrement certaines associations de patients dont, par exemple, l’Association française des diabétiques, les montants variant d’ailleurs selon les objectifs de ces dernières. Comment s’effectuera désormais ce financement ? Les associations devront-elles déposer des dossiers ? Auprès de qui ? Quels seront les critères pris en compte ?

Mme Monique Iborra. Certains tiennent à nous faire passer pour des contempteurs de l’industrie pharmaceutique. Or, les réactions que nous avons entendues suite aux propos de la présidente Lemorton témoignent d’une susceptibilité épidermique dont l’étiologie est évidemment clientéliste. Ceux qui défendent Sanofi, entreprise florissante dont les bénéfices sont élevés mais qui décide néanmoins de procéder à des licenciements massifs, n’honorent pas la fonction qui est la leur ! Ils sont partisans et insultants ! C’est inadmissible !

Mme Véronique Louwagie. La majoration de la contribution avait été prévue pour 2012 seulement, son taux avait été fixé à 1,60 % et son objectif visait à financer la formation continue des médecins. Aujourd’hui, vous voulez la pérenniser au moins jusqu’en 2016, en augmenter le taux et en modifier l’orientation puisque, outre la formation continue des médecins, elle doit permettre un financement indépendant des associations de patients. Je suis un peu choquée d’une telle modification.

De surcroît, l’affectation de son produit n’est guère lisible puisque l’exposé sommaire dispose qu’il « pourrait être » destiné à assurer ce financement.

Cette porosité entre deux utilisations différentes ne me paraît pas de bonne politique.

M. Christian Paul. Je regrette l’absence de Bernard Accoyer qui, depuis le début de la séance, a fortement contribué à laisser entendre que nous étions tentés par je ne sais quelle diabolisation de l’industrie pharmaceutique, ce qui n’est pas du tout le cas. J’espère donc que nous éviterons ce genre de procès d’intention pendant notre discussion.

Entre le soutien inconditionnel à cette industrie et un livre récemment paru qui met en cause de manière probablement inconsidérée et sans grande rigueur un certain nombre de médicaments – au risque de susciter bien des confusions –, il existe une voie médiane, celle que nous avons choisie avec Catherine Lemorton, d’une approche responsable, adulte et sereine des relations entre les pouvoirs publics et l’industrie du médicament.

La question des lobbys, en effet, se pose. Ainsi, le commissaire européen à la santé a dû démissionner hier suite à une accusation de corruption. Certes, c’est l’industrie du tabac qui, en l’occurrence, est en cause, mais il n’en reste pas moins que l’industrie pharmaceutique constitue également un groupe de pression puissant.

Assurer l’indépendance des associations de patients à travers ce mode de financement est une vraie conquête. Madame Louwagie, je suis plus choqué par la lisibilité des logos sur les plaquettes d’organisation de colloques que par le risque de confusion induit selon vous par cet amendement.

S’agissant du circuit de décision, il conviendra sans doute d’agir sur deux niveaux : sur le plan régional, tout d’abord, en organisant une répartition des demandes à partir de dossiers comme les agences régionales de santé le font par exemple dans le domaine de la prévention ou de la santé ; sur le plan national, ensuite, qui concerne plus largement le financement de la démocratie sanitaire ainsi que les commissions siégeant au ministère des affaires sociales ou travaillant avec l’assurance maladie.

L’adoption de mon amendement permettra de donner à notre pays les moyens nécessaires au développement d’une véritable démocratie sanitaire.

Mme Jacqueline Fraysse. Je donne acte au rapporteur de ses arguments mais je regrette cette augmentation à la marge du taux. Passer à 1,65 % me semble en effet très insuffisant alors que le produit de la taxe permet de financer la formation continue des médecins et de favoriser la démocratie sanitaire ainsi que l’indépendance des associations de patients. Je voterai certes l’amendement de Christian Paul, mais je maintiens tout de même le mien.

M. Francis Vercamer. Notre débat ne me semble pas réaliste.

Ce projet de loi de financement crée des taxes « en veux-tu, en voilà » et les rapporteurs en ajoutent encore, alourdissant ainsi un peu plus la fiscalité des entreprises ! Il est vraiment temps de travailler au financement de la protection sociale !

On est en train de tuer l’industrie et la production françaises ! On a oublié que les entreprises se délocalisent ! La proposition de « TVA sociale » formulée par le Nouveau Centre lors de la dernière législature permettait au moins de taxer également les produits français et importés. Aujourd’hui, en taxant les entreprises françaises qui produisent en France, vous les incitez à partir ! Je ne nie pas qu’il soit nécessaire de favoriser la formation continue des médecins, des pharmaciens et de l’ensemble des professions de santé, qu’il soit utile de promouvoir la prévention et de réaliser des économies dans le secteur hospitalier et, donc, de maîtriser les dépenses, mais il n’est pas moins nécessaire de changer profondément le financement de la protection sociale. Il n’est pas possible de continuer à taper sur l’industrie et la production françaises à chaque projet de loi de financement ! Or, depuis ce matin, on ne fait que cela ! Je suis atterré !

M. Jean-Pierre Door. Le financement des associations de patients s’apparente à une étatisation dès lors que le produit de la taxe pourra être mis à disposition, par exemple, par les agences régionales de santé.

On accuse l’ancienne majorité d’avoir succombé au lobbying de l’industrie pharmaceutique. Madame la présidente sait pourtant très bien qu’aucun des 47 médicaments qui, en 2011, ont reçu une autorisation de mise sur le marché européenne n’ont été fabriqués en France.

En outre, plus de 40 000 salariés travaillent dans le secteur de la pharmacie. Avec 60 % d’exportations, notre balance commerciale est excédentaire et nous risquons de la fiche en l’air !

J’encourage quant à moi notre Commission, sa présidente et le rapporteur à faire en sorte que le Comité stratégique des industries de santé se réunisse auprès du Premier ministre ou du Président de la République afin de conclure un pacte industriel permettant de sauvegarder nos emplois. Une étude récente montre qu’en 2020, 11 000 postes auront disparu dans l’industrie pharmaceutique. Sanofi ou les Laboratoires Servier disposent d’autres siègent dans d’autres pays ! Nous ne sommes pas un petit village gaulois qui doit rester à l’écart. Je souhaite donc que le comité se remette rapidement au travail.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est ce que nous disons depuis quelques semaines.

M. Christophe Cavard. Je comprends les postures de nos collègues de l’opposition, conformes à la politique qu’ils défendent en faveur des grandes entreprises conçues comme autant de fleurons qui permettraient de résoudre les problèmes de chômage.

Sanofi a lancé une OPA sur la société américaine Genzyme. Plusieurs milliards de dollars étant en jeu, je vois mal en quoi cette entreprise traverserait de grandes difficultés au point de ne pas pouvoir faire profiter les Français du produit de quelques taxes.

La question des dividendes perçus par les actionnaires est également importante. En dix ans, ils ont augmenté de 35 % et, entre 1995 et 2000, de 309 % ! Alors que notre régime de sécurité sociale connaît quelques difficultés, il est temps que les actionnaires partagent avec les Français les richesses accumulées pendant les années fastes !

Mme Fanélie Carrey-Conte. En 2011, les industriels de santé ont déclaré avoir versé 100,8 millions d’euros aux associations de patients, ce qui témoigne des marges de manœuvre dont elles disposent. Le système actuellement en vigueur constitue une véritable aberration démocratique : il s’agit non de générosité mais d’une volonté de contrôler les associations de patients. Il est urgent de sécuriser le mode de financement de ces dernières afin de leur garantir une véritable indépendance et de favoriser le développement d’une vraie démocratie sanitaire. Nous devons soutenir l’amendement de Christian Paul et en être fiers.

M. Christian Paul. Jean-Pierre Door évoque une étatisation de la démocratie sanitaire mais le problème ne concerne pas tant les secteurs public et privé que l’intérêt général et les intérêts particuliers, si légitimes que puissent être d’ailleurs ces derniers à condition de ne pas être invasifs dans le domaine qui nous intéresse. Et c’est l’État, précisément, qui est le garant de l’intérêt général, sous le contrôle du Parlement. Si je ne croyais pas qu’il en soit ainsi, je ne serais pas là.

M. Rémi Delatte. Certaines considérations me surprennent. Notre industrie pharmaceutique est en effet fragilisée alors qu’elle constitue l’un de nos fleurons. Veillons donc à ne pas trop charger la barque !

Élu de Côte-d’Or, je constate que les sites de Sanofi, de Fournier et d’Abbott ferment les uns après les autres. Le site de recherche de Dijon a ainsi été délocalisé aux États-Unis.

Par ailleurs, il est faux de prétendre que tout va bien dans l’industrie pharmaceutique. Aucune molécule nouvelle d’importance n’a été récemment découverte en France.

M. Denis Jacquat. Certaines associations de patients, dirigées ou non par des bénévoles, sont très bien organisées. L’Association française des diabétiques, par exemple, est indépendante, accomplit un très bon travail et reçoit de l’argent de l’industrie pharmaceutique.

Il me semble que c’est le Parti socialiste qui a demandé que les patients soient représentés au conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et cela me semble très bien.

L’industrie pharmaceutique, comme toute industrie, a besoin de réaliser des bénéfices, en l’occurrence afin d’investir dans la recherche, laquelle a un coût très élevé. Or, la perte d’un laboratoire de recherche a un impact financier, certes, mais aussi un impact scientifique. Pensez à Toulouse !

M. Pierre Morange. L’industrie pharmaceutique participe à la fois de la compétition internationale et de l’action sociale et sanitaire.

Je rappelle que, sous la précédente législature, un excellent rapport a été consacré à la fiscalité du médicament et aux rapports coût-efficacité. À l’unanimité, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) avait rappelé la nécessité d’assurer la stabilité des règles fiscales dans ce secteur, et donc des contributions. Cela me semble essentiel pour la santé publique.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Certains propos me paraissent quelque peu outrés.

L’amendement de Christian Paul prolonge un dispositif voté par l’ancienne majorité sans qu’il ait alors été question d’étatisation et il prend en compte les besoins de la démocratie sanitaire, dont le fonctionnement d’instances comme les conférences nationales ou régionales de santé, mais aussi d’autres structures où figurent les représentants des patients ou des usagers.

Selon l’opposition, il accablerait de surcroît notre industrie pharmaceutique, mais c’est l’un des rares secteurs dont la balance commerciale est encore positive.

M. Denis Jacquat. « Encore » le mot est juste !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Précisément, lorsque vous étiez au pouvoir, le solde stagnait voire baissait.

S’agissant des médicaments génériques, une forte production pourvoit à nos besoins mais nous n’exportons pas. Je plaide donc pour que les économies en matière de médicaments intègrent le fait de leur bien moindre rentabilité par rapport à la production des médicaments princeps.

J’ajoute que, l’an dernier, vous avez réduit le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique en réalisant des économies de 1 milliard d’euros.

Enfin, l’indépendance des associations à l’endroit de l’industrie pharmaceutique est une question importante. Dans le domaine des maladies rares, par exemple, certaines d’entre elles sont intégralement financées par un seul laboratoire, qui, comme par hasard, produit le médicament qui les intéresse. Il n’est pas question d’étatiser mais d’élargir la possibilité pour la Direction générale de la santé de conserver des relations avec les associations de patients.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter l’amendement de Christian Paul.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Que chacun d’entre vous s’intéresse de plus près à l’association de Sanofi avec Coca-Cola pour fabriquer des boissons qui seront vendues dans les supermarchés. Voilà qui, peut-être, sera l’occasion d’une future taxe…

La Commission adopte l’amendement AS 238.

En conséquence, l’amendement AS 144 n’a plus d’objet.

Article 25

Fixation du taux K

Le présent article tend à fixer le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde (dit « taux K ») à 0,4 % pour l’année 2013.

1. Le mécanisme de la clause de sauvegarde (dit « taux K »)

L’article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, dont les dispositions sont codifiées au I de l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, a assujetti les entreprises exploitant des médicaments remboursables dispensés en officine à une contribution au titre de l’accroissement du chiffre d’affaires qu’elles réalisent au titre de ces médicaments. Les entreprises pharmaceutiques participent ainsi à la régulation des dépenses de l’assurance maladie.

En application de ces dispositions, chaque entreprise n’est redevable de cette contribution que lorsque le chiffre d’affaires hors taxes réalisé au titre des spécialités pharmaceutiques remboursées – à l’exception des médicaments orphelins à l’exception de ceux dont le chiffre d’affaires dépasse 30 millions d’euros – au cours d’une année civile, en France, par l’ensemble des entreprises assurant l’exploitation de ces spécialités, s’est accru par rapport à l’année précédente d’un pourcentage excédant le taux déterminé, appelé « taux K ».

Le montant de cette contribution est calculé à partir d’une comparaison entre le taux d’accroissement du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables (appelé « taux T » à l’article L. 138-10) et le taux K.

L’assiette de la contribution correspond ainsi à la part du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables, qui résulte d’une croissance du produit de leurs ventes de médicaments remboursables plus rapide que le rythme de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Le taux de cette contribution est progressif par tranches. Ces tranches sont définies en fonction du niveau de dépassement du « taux K » par le « taux T », comme l’indique le tableau ci-après.

Calcul de la contribution instituée par l’article L. 138-10
du code de la sécurité sociale

Taux d’accroissement du chiffre d’affaires T de l’ensemble des entreprises redevables

Taux de la contribution globale exprimé en pourcentage de la tranche du chiffre d’affaires déclaré par l’ensemble des entreprises redevables

T supérieur à K et/ou égal à K + 0,5 point

50 %

T supérieur à K + 0,5 point et inférieur ou égal à K + 1 point

60 %

T supérieur à K + 1 point et plus

70 %

Selon l’article L. 138-11 du code de la sécurité sociale, le montant de la contribution tel que calculé en application de l’article L. 138-10 précité, est ensuite réparti entre les entreprises redevables selon trois critères :

– à concurrence de 30 %, le niveau brut de leur chiffre d’affaires ;

– à concurrence de 40 %, la progression de leur chiffre d’affaires ;

– à concurrence de 30 %, leurs dépenses de publicité.

Toutefois, les entreprises créées depuis moins de deux ans ne sont pas redevables de la part de la contribution calculée en fonction de la progression de leur chiffre d’affaires, sauf si leur création résulte d’une scission ou d’une fusion d’une entreprise ou d’un groupe.

En outre, l’article L. 138-12 du code de la sécurité sociale limite le montant de la contribution versée par chaque entreprise assujettie à 10 % de son chiffre d’affaires hors taxes.

On soulignera aussi que l’article L. 138-10 précité exonère de cette contribution les entreprises qui ont conclu avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) une convention comportant des engagements sur leur chiffre d’affaires réalisé au titre des médicaments concernés, et dont le non-respect entraîne soit un ajustement des prix, soit le versement d’une remise conventionnelle au bénéfice des régimes obligatoires d’assurance maladie.

Le dispositif de l’article L. 138-10 précité constitue ainsi une clause permanente de sauvegarde, qui compense une partie des charges qui résultent pour ces régimes d’une progression incompatible avec l’ONDAM du chiffre d’affaires des entreprises qui exploitent des médicaments remboursés, sans être engagées dans un processus de maîtrise des dépenses par voie de convention avec le CEPS.

Le champ d’application de ce mécanisme a été étendu à deux reprises :

– l’article 21 de la loi de financement pour 2006, dont les dispositions sont codifiées au II de l’article L. 138-10, a créé un mécanisme identique pour les médicaments rétrocédés, c’est-à-dire les spécialités pharmaceutiques vendues au détail et au public par certains établissements de santé en application de l’article L. 5126-4 du code de la santé publique ;

– le 1° du I de l’article 15 de la loi de financement pour 2009 a étendu le champ de la clause de sauvegarde prévue au I de l’article L. 138-10 aux spécialités prises en charge par l’assurance maladie en sus des tarifs hospitaliers.

En pratique, le produit des contributions instituées par l’article L. 138-10 est quasiment nul. Le mécanisme de cet article est, en effet, repris dans l’accord-cadre sectoriel conclu entre le CEPS et Les entreprises du médicament (LEEM) pour déterminer le montant des remises conventionnelles dues par les laboratoires.

En principe, le « taux K » constituant le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde correspond, selon l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, au taux de progression de l’ONDAM.

Toutefois, depuis 2000, la valeur du « taux K » a été fixée directement par les lois de financement successives, par dérogation aux dispositions de l’article L. 138-10 précité, à des niveaux inférieurs au taux de progression de l’ONDAM comme le montre le tableau présenté ci-après.

Évolution du « taux K » et de l’ONDAM

(en %)

Année

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Taux K

4,0

3,0

1,0

1,0

1,0

1,4

1,4

1,0

0,5

0,5

0,4

ONDAM voté

5,3

4,0

3,2

2,5

2,6

3,3

3,3

3,0

2,9

2,8

2,7

ONDAM réalisé

6,4

5,2

3,2

3,1

4,2

3,5

3,4

2,6

2,9 (p)

2,8

2. Fixation du seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde à 0,4 % pour l’année 2012

Le présent article prévoit que pour le calcul des contributions dues par les entreprises pharmaceutiques au titre de l’année 2012 en application de la « clause de sauvegarde », le taux de 0,4 % sera substitué au taux K mentionné dans les deux tableaux figurant à l’article L. 138-10.

Cet article comporte, en effet, deux tableaux qui définissent le taux des deux contributions qu’il met à la charge des entreprises pharmaceutiques :

– la première, prévue au I de cet article, est assise sur l’accroissement du chiffre d’affaires réalisé par ces entreprises au titre des médicaments remboursables en ville ;

– la seconde, prévue au II du même article, est assise sur la progression du chiffre d’affaires réalisé par les mêmes entreprises au titre des médicaments rétrocédés.

Votre rapporteur se félicite de la baisse du taux K à 0,4 %. Dans la mesure où l’industrie pharmaceutique est en grande partie solvabilisée par la solidarité nationale, il convenait de doter le CEPS d’un outil plus performant de négociation des prix à la baisse.

En effet, la quasi-totalité des entreprises assujetties préfèrent s’exonérer du paiement de la contribution en versant des remises conventionnelles dans le cadre d’accords avec le CEPS. Ces remises viendront en déduction des dépenses d’assurance maladie. Selon les prévisions gouvernementales, le montant des remises conventionnelles versées par l’industrie pharmaceutique serait de 333 millions d’euros en 2011 – pour mémoire, il était de 245 millions en 2010.

Le rendement du taux K anticipé sur 2012 serait de 50 millions d’euros, sous forme de remises.

*

La Commission adopte l’article 25 sans modification.

Article 26

Approbation du montant de la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale

Conformément aux dispositions organiques, le présent article approuve le montant, figurant dans l’annexe 5 au présent projet de loi, de la compensation par l’État des pertes de recettes résultant, pour les organismes sociaux, des différents mécanismes d’exonération, de réduction ou d’abattement d’assiette en matière de cotisations et contributions sociales.

Mais l’approbation de ce seul montant, qui ne porte que sur les exonérations ciblées, ne donne qu’un aperçu très partiel de la situation dans le domaine des allégements généraux (« Fillon » et heures supplémentaires), des exonérations ciblées et des exemptions d’assiette, qu’ils soient ou non compensés.

1. Les exonérations ciblées

Le présent article porte sur les exonérations ciblées compensées, mais certaines autres exonérations ciblées, pour un montant du même ordre, demeurent non compensées.

a) Les exonérations ciblées compensées

Le présent article reprend, en l’arrondissant, le montant de 3 067 millions d’euros donné en annexe 5 : il recouvre l’ensemble des exonérations ciblées compensées par des crédits budgétaires inscrits dans les différents programmes correspondants du projet de loi de finances pour 2013.

Coût des exonérations ciblées compensées (2009-2013)

(en millions d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

4 051

3 958

3 362

3 301

3 067

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012 et 2013.

Ce montant est en baisse par rapport à 2012 et s’inscrit ainsi dans la tendance de ces dernières années, qui traduit l’effet de la réduction des dispositifs d’exonérations ciblées. En 2013, la principale diminution (127 millions d’euros) est ainsi imputable au régime de l’auto-entrepreneur.

Parmi ces plus de 3 milliards d’euros, la place la plus importante revient aux exonérations en faveur des entreprises et des travailleurs indépendants implantés en outre-mer (plus de 1,1 milliard d’euros), du contrat d’apprentissage (908 millions d’euros) et des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (406 millions d’euros). Ces trois mesures constituent à elles seules les quatre cinquièmes du coût des exonérations ciblées compensées.

Cela étant, une fois posé le principe de la compensation du coût pour les organismes sociaux, l’exécution ne coïncide pas nécessairement avec les montants initialement prévus, au titre tant des pertes de recettes que des montants inscrits en loi de finances, comme le montre le tableau ci-après :

Compensation budgétaire des exonérations ciblées compensées (2009-2013)

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

Coût

4 051

3 958

3 362

3 301

3 067

Compensation

3 466

3 997

3 455

3 092

3 074

Solde

– 585

+ 39

+ 93

– 209

+ 7

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012 et 2013.

Néanmoins, la compensation de l’État au titre des exonérations ciblées demeure satisfaisante. Fin 2011, l’état semestriel des sommes restant dues par l’État aux organismes de sécurité sociale faisait même apparaître une créance nette de l’État, à hauteur de 329 millions d’euros, et même de 412 millions d’euros à l’égard du seul régime général (l’État étant débiteur de 83 millions d’euros à l’égard des autres régimes).

À cette date, l’État n’était débiteur que pour trois dispositifs d’exonérations : travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (84 millions d’euros), jeunes entreprises innovantes (23 millions d’euros) et entreprises implantées dans les départements d’outre-mer (21 millions d’euros).

b) Les exonérations ciblées non compensées

Soit qu’elles aient été instaurées avant les obligations de compensation posées en 1994 et étendues en 2004 et 2005, soit qu’elles aient été instaurées postérieurement mais assorties d’un refus explicite de compensation, plusieurs exonérations ciblées ne sont pas compensées, pour un montant qui, à la différence de celui des exonérations compensées, ne diminue pas :

Coût des exonérations ciblées non compensées (2009-2013)

(en millions d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2 969

3 061

3 049

3 078

3 282

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012 et 2013.

Comme pour les exonérations compensées, les trois principales mesures (aide à domicile des personnes fragiles sous le régime du particulier employeur ou bien par le biais d’une association ou d’une entreprise, contrat unique d’insertion), constituent à elles seules les quatre cinquièmes du coût.

En 2013, le dynamisme de ces exonérations tiendrait principalement à l’aide à domicile intervenant auprès de personnes fragiles (+ 73 millions d’euros) et au contrat unique d’insertion, dans le cadre de la mise en place des emplois d’avenir (+ 64 millions d’euros).

2. La quasi-disparition des « paniers » fiscaux

Entre 2007 et 2010, les deux allégements à portée générale – la réduction de cotisations « Fillon » sur les bas salaires et l’exonération des heures supplémentaires –, c’est-à-dire les deux montants les plus importants de pertes de recettes pour la sécurité sociale, ont été compensées par le biais de « paniers » de recettes affectées aux régimes et organismes touchés par ces pertes de recettes. Ces affectations étaient assorties de garanties quant au maintien effectif, au vu de l’exécution constatée, des recettes sociales.

a) La compensation de la réduction « Fillon »

À partir de 2011, le principe du panier a été abandonné pour la plus importante de deux exonérations générales, à savoir la réduction (dite « Fillon ») de cotisations sociales patronales (20,8 milliards d’euros en 2013). Autrement dit, la sécurité sociale a conservé à titre permanent les recettes de l’ancien « panier » fiscal, tandis que l’exonération n’est plus compensée.

S’il est en partie conventionnel, compte tenu des modifications ayant porté tant sur le régime de la réduction générale de cotisations patronales que sur les recettes autrefois affectées à sa compensation, et s’il devient nécessairement, année après année, de moins en moins pertinent, l’exercice consistant à comparer l’évolution du coût de l’exonération et l’évolution du produit de l’ancien « panier » n’est cependant pas dépourvu d’intérêt.

Sous ces réserves, il révèle en effet que ce changement de dispositif n’a pas été défavorable à la sécurité sociale, dans la mesure où les pertes de recettes au titre de la réduction générale de cotisations sociales se sont légèrement érodées sous l’effet de plusieurs mesures visant à en restreindre quelque peu le coût ; en même temps, les ressources fiscales transférées à titre permanent ont connu une évolution assez dynamique.

Évolution comparée du coût de la réduction « Fillon »
et du « panier » de compensation (2011-2013)

(en millions d’euros)

 

2011

2012

2013

Coût de la réduction

20 201

20 777

20 761

Produit de l’ancien panier

22 651

23 361

23 739

Solde

+ 450

+ 2 584

+ 2 978

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire écrit du rapporteur.

b) Les exonérations ciblées non compensées

La compensation de la perte de recettes occasionnée par le recours aux heures supplémentaires et complémentaires, dans le cadre du régime mis en place par la trop fameuse loi « TEPA » de l’été 2007, demeure effectuée sous la forme d’une affectation de recettes fiscales, mais la nature de ce panier fiscal a profondément évolué.

D’une part, le montant de la perte de recettes est appelé à diminuer quelque peu en 2012 puis très fortement à compter 2013 du fait de la loi de finances rectificative d’août 2012, qui a restreint considérablement le champ de l’exonération, en la limitant, à compter du 1er septembre dernier, aux cotisations patronales et aux entreprises de moins de vingt salariés.

Coût de l’exonération des heures supplémentaires (2009-2013)

(en millions d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

3 065

3 189

3 394

2 824

499

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012 et 2013.

D’autre part, le « panier », composé de trois recettes (ou fractions de recettes) depuis 2007 – produit de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés (CSB), de la TVA « brute » sur les boissons alcoolisées et d’une fraction de 3,89 % de droit de consommation sur les tabacs – n’en est plus vraiment un : à compter de 2013, suite à la réforme de l’exonération des heures supplémentaires, il va se réduire, en vertu de l’article 38 du projet de loi de finances pour 2013, à une seule recette, à savoir une fraction de 0,33 % de la TVA nette.

Au cours des dernières années, non seulement la charge pour le budget de l’État a été excessive, s’agissant du financement d’une mesure économiquement injustifiée, mais la compensation n’a pas été correctement assurée, comme le montre le tableau ci-dessous :

Évolution comparée du coût de l’exonération des heures supplémentaire
et du « panier » de compensation (2009-2013)

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

Coût de la réduction

3 065

3 189

3 394

2 824

499

Produit du panier

3 018

3 120

3 122

2 930

500

Solde

– 47

– 69

– 272

+ 106

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012 et 2013.

Le dynamisme des exonérations et l’insuffisance des recettes de compensation, notamment de la CSB, se sont traduits par des déficits de compensation au titre des exercices 2009 à 2011, pour un total de plus de 400 millions d’euros. Fin 2011, l’État se trouvait donc débiteur à l’égard du régime général de 341 millions d’euros à ce titre. Le VII de l’article 3 de la loi de finances rectificative d’août dernier a cependant affecté au financement de cette somme le reliquat de CSB libéré par le moindre recours à cette ressource rendu possible par l’économie consécutive au changement de régime d’exonération des heures supplémentaires.

3. La vision d’ensemble des « niches sociales »

L’annexe 5 au présent projet de loi ne considère pas seulement les allégements généraux et les exonérations ciblées ainsi que les modalités de leur compensation mais, dans l’esprit de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, s’attache à identifier et à chiffrer l’ensemble des taux, assiettes et dispositifs dérogatoires susceptibles de faire perdre des recettes aux organismes sociaux.

Cette partie de l’annexe fait notamment apparaître l’ensemble des éléments qui sont totalement ou partiellement exemptés de prélèvement social, autrement dit les niches sociales, et évalue les pertes de recettes potentielles qui en résultent pour la sécurité sociale.

Dès lors, le coût de l’ensemble des allégements, exonérations et niches peut ainsi être établi :

Pertes de recettes résultant des exonérations et exemptions d’assiette de cotisations
et de contributions (2009-2013)

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

Allégements généraux

25,4

25,1

24,2

23,6

21,3

Exonérations ciblées compensées

4,1

4,0

3,4

3,3

3,1

Exonérations ciblées non compensées

2,9

3,1

3,0

3,1

3,3

Exemptions d’assiette

8,8

8,8

9,2

8,3

6,5

Total des pertes de recettes

41,1

41,0

39,8

38,3

34,1

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012 et 2013.

Le mouvement de réduction des « niches sociales » (au sens large du terme), engagé au cours des dernières années, s’accélérerait en 2013, où il devrait être plus important en volume que pour l’ensemble des trois exercices précédents. Il faut y voir l’expression d’une volonté politique clairement affirmée, celle d’un assujettissement à la fois plus juste et plus efficace de l’ensemble des revenus aux cotisations et contributions sociales.

*

La Commission adopte l’article 26 sans modification.

Niches sociales : assiettes exemptées et pertes de recettes potentielles (2010-2013)

(en milliards d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

Assiettes exemptées

Pertes de recettes

Assiettes exemptées

Pertes de recettes

Assiettes exemptées

Pertes de recettes

Assiettes exemptées

Pertes de recettes

Participation

6,6

 

8,1

 

8,0

 

8,0

 

Intéressement

6,3

 

7,8

 

7,8

 

7,8

 

Plan d’épargne d’entreprise

1,3

 

1,3

 

1,2

 

1,2

 

Stock-options

1,8

 

2,1

 

2,0

 

1,9

 

Participation financière et actionnariat salarié

16,1

2,8

19,2

3,2

19,1

2,3

18,9

0,5

Prévoyance complémentaire

11,7

 

12,7

 

13,3

 

13,9

 

Retraite supplémentaire

3,8

 

2,6

 

2,6

 

2,5

 

Plan d’épargne pour la retraite collectif

0,3

 

0,3

 

0,4

 

0,4

 

Protection sociale complémentaire en entreprise

15,7

2,8

6,8

2,1

7,1

2,2

7,4

2,3

Titres-restaurant

2,7

 

2,8

 

3,0

 

3,2

 

Chèques-vacances

0,8

 

0,8

 

0,8

 

0,9

 

Avantages accordés par les comités d’entreprise

3,0

 

2,9

 

2,9

 

2,9

 

Chèque emploi-service universel préfinancé

0,3

 

0,3

 

0,3

 

0,4

 

Aides directes consenties aux salariés

6,7

2,1

6,8

2,1

7,1

2,2

7,4

2,3

Indemnités de licenciement

3,4

 

3,6

 

3,8

 

4,0

 

Indemnités de mise à la retraite

0,4

 

0,1

 

0,1

 

0,1

 

Indemnités de rupture conventionnelle

0,8

 

0,8

 

0,8

 

0,9

 

Indemnités de rupture

4,6

1,1

4,5

1,1

4,7

1,2

4,9

1,3

Prime de partage des profits

0,7

0,1

0,6

0,1

0,6

0,0

Total niches sociales

43,2

8,8

46,9

9,2

47,7

8,3

48,7

6,5

Sources : PLFSS 2010, 2011, 2012 et 2013.

Section 2

Prévisions de recettes et tableaux d’équilibre

Article 27

Fixation des prévisions de recettes de l’ensemble des régimes obligatoires
de base, du régime général et des organismes concourant au financement
des régimes obligatoires de base

Conformément aux dispositions organiques, le présent article prévoit, par branche, les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base et de manière spécifique, celles du régime général, ainsi que les recettes des organismes concourant au financement de ces régimes. Visé par le présent article, l’état annexé C répartit ces prévisions de recettes par catégorie, tandis que l’annexe 9B au projet de loi de financement permet d’apprécier l’effet sur les comptes des régimes de base pour 2013 des mesures figurant dans le projet de loi ou qui lui sont associées.

1. Les recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

Le du présent article fixe, par branche, les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale pour 2013, soit un montant total de 457,1 milliards d’euros (hors transferts entre branches).

Par rapport aux prévisions rectifiées de recettes pour 2012 figurant à l’article 5 du présent projet (cf. supra), la progression atteint 4 %, ainsi que le montre le tableau ci-après.

Recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base (2012-2013)

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

Évolution

Maladie

179,4

185,0

+ 3,1 %

Vieillesse

202,9

213,2

+ 5,1 %

Famille

54,4

55,9

+ 2,8 %

AT-MP

13,3

13,7

+ 3,0 %

Total (hors transferts)

439,5

457,1

+ 4,0 %

Source : PLFSS 2013.

Sur le champ – plus large que celui des régimes obligatoires de base – des administrations de sécurité sociale (ASSO), le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances pour 2013 indique que les recettes des administrations de sécurité sociale seraient plus dynamiques qu’en 2012 (+ 4,0 % au lieu de + 3,3 %), malgré la poursuite du ralentissement de la masse salariale privée (+ 2,3 % contre + 2,5 %).

En effet, l’ensemble des mesures nouvelles, résultant de la loi de finances rectificative d’août 2012 ou incluses dans les projets de loi de finances et de loi de financement pour 2013, rapporteraient environ 10 milliards d’euros dans le champ social, dont un peu moins de la moitié au titre des textes de l’automne.

L’état annexé C permet quant à lui de préciser les évolutions par catégorie de recettes, par rapport au détail des montants révisés pour 2012 fourni par l’annexe 4 :

Recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base par catégorie (2012-2013)

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

Évolution

Cotisations effectives

239,0

250,4

+ 4,8 %

Cotisations fictives d’employeur

38,0

39,2

+ 3,2 %

Cotisations prises en charge par l’État

3,4

3,4

CSG

72,8

74,7

+ 2,6 %

Impôts et taxes affectés

53,3

55,7

+ 4,5 %

Transferts reçus

28,3

29,2

+ 3,2 %

Produits financiers

0,2

0,1

– 50 %

Autres produits

4,5

4,4

– 2,2 %

Total recettes

439,5

457,1

+ 4,0 %

Source : PLFSS 2013.

Le tableau suivant, fondé sur les données issues de l’annexe 9C, détaille l’impact des mesures du présent projet de loi de financement ainsi que de la loi de finances pour 2013 sur les recettes pour 2013 de l’ensemble des régimes de base et du régime général, par rapport à l’évolution tendancielles décrite par le récent rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Impact des mesures nouvelles sur les recettes 2013

(en millions d’euros)

Mesures nouvelles

Tous régimes

Régime général

Transfert de 0,2 point de prélèvement social à la CNAV (art. 3 PLFSS)

+ 280

+ 280

Affectation de 0,45 point de prélèvement de solidarité au FNAL (art. 3 PLFSS)

– 620

– 620

Affectation de 0,35 point de prélèvement de solidarité au FNSA (art. 3 PLFSS)

– 480

– 480

Prélèvements sociaux des travailleurs indépendants (art. 11 PLFSS)

+ 820

+ 180

Réforme de la taxe sur les salaires (art. 13 PLFSS)

+ 470

+ 470

Assujettissement des carried interests (art. 14 PLFSS)

+ 40

+ 40

Suppression de l’assiette forfaitaire des particuliers employeurs (art. 15 PLFSS)

+ 340

+ 340

Élargissement de la couverture sociale des élus locaux (art. 17 PLFSS)

+ 140

+ 140

Forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle (art. 20 PLFSS)

+ 330

+ 330

Réforme des modalités de remboursement au fonds CMU (art. 21 PLFSS)

+ 320

+ 320

Hausse de la fiscalité sur les tabacs (article 22 PLFSS)

+ 125

+ 90

Hausse de la fiscalité sur les bières (art. 23 PLFSS)

+ 480

+ 330

Simplification des taxes pharmaceutiques (art. 24 PLFSS)

+ 11

+ 11

Majoration de la dotation de la CNAM au FIR (art. 41 PLFSS)

– 45

– 45

Rationalisation de l’affectation des remises et taxes santé (art. 57 PLFSS)

+ 70

Suppression de l’abattement sur les plus-values sur les terrains constructibles (art. 10 PLF)

+ 130

+ 130

Affectation de TVA nette et de droit sur les tabacs à la CNAM (art. 38 PLF)

+ 810

+ 810

Affectation de la taxe sur les boissons sucrées au fonds CMU (art. 38 PLF)

– 153

– 153

Augmentation des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles

+ 200

+ 200

Augmentation des cotisations CNRACL

+ 630

Augmentation des cotisations CNAVPL

+ 200

Recours contre tiers

+ 50

+ 50

Impact des mesures nouvelles sur le montant de C3S affecté au RSI

– 610

Impact des mesures de transferts sur les subventions d’équilibre du régime général

– 10

Total

+ 3 640

+ 2 490

Source : annexe 9 au PLFSS 2013.

Il s’agit, dans leur quasi-totalité, de mesures pérennes qui contribueront donc au redressement des comptes au-delà du seul exercice 2013.

2. Les recettes du régime général

Le du présent article porte sur les recettes du régime général, dont l’évolution est très largement comparable à celle des recettes de l’ensemble des régimes.

Recettes du régime général (2012-2013)

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

Évolution

Maladie

155,0

159,9

+ 3,2 %

Vieillesse

105,2

111,3

+ 5,8 %

Famille

53,9

55,5

+ 3,0 %

AT-MP

11,8

12,2

+ 3,4 %

Total (hors transferts)

316,4

329,0

+ 4,0 %

Source : PLFSS 2013.

Par rapport à la tendance prévisionnelle présentée à la récente Commission des comptes de la sécurité sociale, l’ensemble des mesures du présent projet de loi ou qui y sont associées permet d’augmenter les recettes du régime général de 2,5 milliards d’euros.

À partir des données fournies par l’annexe 9C au présent projet de loi de financement, le tableau ci-dessous décrit, par branche, les mesures du projet de loi de financement ou associées à ce texte ayant un impact sur les recettes du régime général pour 2013.

Le tableau fait apparaître que les mesures nouvelles nettes de recettes bénéficient pour près des deux tiers à la branche maladie, affectataire, hors transferts, de plus de 1,5 milliard d’euros, principalement le produit du forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle et d’une part importante de l’augmentation de la fiscalité sur les bières. Les recettes de la branche vieillesse ne sont quasiment pas modifiées et celles de la branche accidents du travail et maladies professionnelles profitent essentiellement de la hausse des cotisations à cette branche. Enfin, la branche famille, destinataire de la hausse de la taxe sur les salaires, voit ses recettes croître de près de 700 millions d’euros.

Impact des mesures nouvelles sur les recettes 2013

(en millions d’euros)

Mesures nouvelles de recettes

Maladie

AT-MP

Vieillesse

Famille

Toutes branches

Transfert de 0,2 point de prélèvement social à la CNAV (art. 3 PLFSS)

+ 280

+ 280

Affectation de 0,45 point de prélèvement de solidarité au FNAL (art. 3 PLFSS)

– 620

– 620

Affectation de 0,35 point de prélèvement de solidarité au FNSA (art. 3 PLFSS)

– 480

– 480

Prélèvements sociaux des travailleurs indépendants (art. 11 PLFSS)

+ 90

+ 90

+ 180

Réforme de la taxe sur les salaires (art. 13 PLFSS)

+ 470

+ 470

Assujettissement des carried interests (art. 14 PLFSS)

+ 20

+ 20

+ 40

Suppression de l’assiette forfaitaire des particuliers employeurs (art. 15 PLFSS)

+ 140

+ 30

+ 110

+ 60

+ 340

Élargissement de la couverture sociale des élus locaux (art. 17 PLFSS)

+ 60

+ 10

+ 40

+ 30

+ 140

Forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle (art. 20 PLFSS)

+ 330

+ 330

Réforme des modalités de remboursement au fonds CMU (art. 21 PLFSS)

+ 320

+ 320

Hausse de la fiscalité sur les tabacs (article 22 PLFSS)

+ 80

+ 10

+ 90

Hausse de la fiscalité sur les bières (art. 23 PLFSS)

+ 330

+ 330

Simplification des taxes pharmaceutiques (art. 24 PLFSS)

+ 10

+ 10

Majoration de la dotation de la CNAM au FIR (art. 41 PLFSS)

– 40

– 40

Suppression de l’abattement sur les plus-values sur les terrains constructibles (art. 10 PLF)

+ 80

+ 40

+ 20

+ 130

Affectation de TVA nette et de droit sur les tabacs à la CNAM (art. 38 PLF)

+ 810

+ 810

Affectation de la taxe sur les boissons sucrées au fonds CMU (art. 38 PLF)

– 153

– 153

Augmentation des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles

+ 200

+ 200

Recours contre tiers

+ 50

+ 50

Rationalisation de l’affectation des remises et diverses taxes santé

+ 70

+ 70

Impact des mesures de transferts sur les subventions d’équilibre du régime général

– 20

 

+ 0

– 10

Total

+ 1 560

+ 240

+ 10

+ 680

+ 2 490

Source : annexe 9 au PLFSS 2013.

3. Les recettes des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base

Le du présent article fixe les recettes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), seul organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base.

Recettes des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (2012-2013)

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

Évolution

FSV

14,6

16,7

+ 14,4 %

Source : PLFSS 2013.

Dans le compte tendanciel du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le montant des recettes du FSV atteint 15,6 milliards d’euros en 2013, soit une hausse de 7,5 %. Le fonds bénéficie, à hauteur de 2,2 milliards d’euros, de l’augmentation du taux et de l’élargissement de l’assiette opérés par le collectif d’août dernier pour certaines des recettes qui lui sont affectées.

Par rapport aux perspectives tendancielles, les ressources du FSV progresseront de plus de 1 milliard d’euros en 2013. Comme le montre le tableau ci-dessous, le fonds bénéficie en effet directement de certaines des mesures de recettes proposées dans le cadre du présent projet de loi, principalement l’affectation, au titre du seul exercice 2013, d’une contribution additionnelle de solidarité sur les retraités, dont le taux sera doublé en 2014 mais affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Mais l’essentiel de ses ressources supplémentaires (plus de 600 millions d’euros) proviendra de ce que le Régime social des indépendants (RSI), attributaire de recettes nouvelles, fera moins appel au produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et laissera donc un montant disponible plus important pour le FSV, attributaire de rang inférieur au RSI.

Impact des mesures nouvelles sur les recettes 2013

(en millions d’euros)

Mesures nouvelles

Régime général

Prélèvements sociaux des travailleurs indépendants (art. 11 PLFSS)

+ 20

Clarification de l’assiette de la C3S dans le secteur des assurances (art. 12 PLFSS)

+ 60

Assujettissement des carried interests (art. 14 PLFSS)

+ 30

Contribution additionnelle de solidarité sur les pensions de retraite (art. 16 PLFSS)

+ 350

Suppression de l’abattement sur les plus-values sur les terrains constructibles (art. 10 PLF)

+ 8

Recours contre tiers

+ 0

Impact des mesures nouvelles sur le montant de C3S affecté au RSI

+ 610

Total

+ 1 078

Source : annexe 9 au PLFSS 2013.

*

La Commission adopte l’article 27 sans modification.

Article 28

Approbation du tableau d’équilibre
de l’ensemble des régimes obligatoires de base

Conformément aux dispositions organiques, le présent article, pendant de l’article d’équilibre du projet de loi de finances, retrace l’équilibre financier de la sécurité sociale dans un tableau d’équilibre, présenté par branche et établi pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, dont il propose l’approbation.

Tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

179,4

184,9

– 5,5

185,0

190,1

– 5,1

Vieillesse

202,9

210,0

– 7,1

213,2

218,6

– 5,4

Famille

54,4

56,9

– 2,5

55,9

58,6

– 2,6

AT-MP

13,3

13,3

– 0,1

13,7

13,3

+ 0,4

Total (hors transferts)

439,5

454,7

– 15,2

457,1

469,8

– 12,7

Source : PLFSS 2013.

Par rapport aux prévisions révisées pour 2012 figurant à l’article 5 du présent projet loi de financement, le solde pour 2013 se redresserait de 2,5 milliards d’euros. En outre, si l’on prend en compte le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), le solde négatif de l’ensemble atteindrait 15,3 milliards d’euros contre 27,7 milliards d’euros en 2009, 29,1 milliards d’euros en 2010, 24 milliards d’euros en 2011 et 19,3 milliards d’euros en 2012.

Les aspects relatifs aux recettes ont déjà été examinés dans le commentaire de l’article 27 du présent projet de loi de financement, relatif aux prévisions de recettes (cf. supra). S’agissant des dépenses, selon le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances pour 2013, les dépenses sociales
– toujours au sens des administrations de sécurité sociale – progresseraient légèrement (+ 2,9 % contre + 2,8 %), malgré un ralentissement des prestations (+ 3,3 % au lieu de + 3,5 %) mais en raison d’une croissance des charges d’intérêts. Les prestations vieillesse devraient conserver leur rythme (+ 4,0 % contre + 3,9 %), la revalorisation des pensions, plus faible qu’en 2012, compensant globalement la montée en charge de l’élargissement du dispositif carrières longues. Enfin, avec une progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) à + 2,7 % (contre + 2,6 % en 2012), les dépenses d’assurance maladie accélèreraient légèrement.

Le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre dernier indique que le solde tendanciel de l’ensemble des régimes et du FSV devait se dégrader de 3 milliards d’euros en 2013. Or, on a vu que le déficit 2013 devrait finalement reculer de 2,5 milliards d’euros par rapport à 2012. Par conséquent, les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et celles qui, dans la loi de finances rectificative, dans le projet de loi de finances ou par voie réglementaire, y sont associées réduisent de 5,5 milliards d’euros le solde prévisionnel.

Le commentaire de l’article 29 du présent projet de loi (cf. infra) permettra d’aborder spécifiquement l’évolution du régime général, dont le déficit tendanciel hors FSV (– 16,1 milliards d’euros) serait inférieur à celui de l’ensemble des régimes (– 18,5 milliards d’euros).

Hors mesures du présent projet de loi, le solde global des régimes autres que le régime général serait donc négatif à hauteur d’environ 2,5 milliards d’euros, ce que traduit l’évolution des principaux d’entre eux : déficit, transfert d’équilibre inclus, de 926 millions d’euros pour le régime des exploitants agricoles, de 1,3 milliard d’euros pour la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et de près de 2 milliards d’euros pour le Régime social des indépendants (RSI).

Toujours en tendanciel, le déficit du régime des exploitants agricoles se redresserait néanmoins de près de 500 millions d’euros en 2013, grâce à une forte progression du produit des cotisations sociales et des droits sur les alcools. En revanche, le déficit de la CNRACL se détériorerait de plus de 500 millions d’euros par rapport à 2012, notamment sous l’effet de la montée en puissance du dispositif de départ anticipé pour carrières longues. Enfin, hors versements de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), le déficit de la branche maladie du RSI se dégraderait de 150 millions d’euros, pour dépasser 1,1 milliard d’euros ; dans la branche vieillesse, le déficit se dégraderait de 120 millions d’euros pour les artisans et de près de 20 millions d’euros pour les commerçants.

*

La Commission adopte l’article 28 sans modification.

Article 29

Approbation du tableau d’équilibre du régime général

Conformément aux dispositions organiques, le présent article retrace l’équilibre financier de la sécurité sociale dans un tableau d’équilibre, présenté par branche et établi de manière spécifique pour le régime général, dont il propose l’approbation.

Tableau d’équilibre du régime général (2012-2013)

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

155,0

160,5

– 5,5

159,9

165,0

– 5,1

Vieillesse

105,2

110,4

– 5,2

111,3

115,3

– 4,0

Famille

53,9

56,4

– 2,5

55,5

58,1

– 2,6

AT-MP

11,8

11,9

– 0,1

12,2

11,9

+ 0,3

Total (hors transferts)

316,4

329,7

– 13,3

329,0

340,4

– 11,4

Source : PLFSS 2013.

Au regard des prévisions révisées pour 2012 figurant à l’article 5 du présent projet de loi de financement, le solde du régime général s’améliorerait donc de 1,9 milliard d’euros en 2013. Le « tendanciel » présenté dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale au début de ce mois prévoyait toutefois une dégradation de 2,8 milliards d’euros, ce qui permet de mesurer l’apport du présent projet de loi de financement : un redressement des comptes de 4,7 milliards d’euros.

Pour 2013, le dosage des mesures permettant d’améliorer le solde paraît équilibré, faisant intervenir des recettes nouvelles, essentiellement pérennes, pour 2,5 milliards d’euros, et des économies sur les dépenses, pour 2,2 milliards d’euros. Dès lors, il sera difficile de reprocher au présent projet de loi de n’améliorer les comptes que par des mesures de recettes. Ou bien, dans ce cas, que faudra-t-il alors dire de la loi de financement pour 2012 ? Pour le coup, elle était en effet d’une toute autre ampleur en matière de recettes, avec 5,3 milliards d’euros de prélèvements nouveaux.

Les mesures ayant une incidence sur les recettes des régimes et des fonds en 2013 ont d’ores et déjà été présentées et commentées au titre de l’article 27 (cfsupra).

S’agissant des dépenses, le tableau ci-dessous, fondé sur les indications fournies par l’annexe 9C au présent projet de loi, précise l’impact, pour l’ensemble des régimes et pour le régime général, des mesures nouvelles, y compris celles qui ne figurent pas dans le dispositif proprement dit du présent projet de loi de financement.

Impact des mesures nouvelles sur les dépenses 2013

(en millions d’euros)

Mesures nouvelles

Tous régimes

Régime général

Actions de gestion du risque des agences régionales de santé (art. 46 PLFSS)

+ 25

+ 21

Amélioration de l’organisation des pharmacies à usage intérieur (art. 50 PLFSS)

+ 64

+ 54

Majoration de la dotation à l’ONIAM (*) (art. 57 PLFSS=

– 30

– 30

Baisses tarifaires médecins et biologistes

+ 155

+ 132

Amélioration de l’efficience des prescriptions de transports et harmonisation des remises

+ 70

+ 60

Baisses de prix de médicaments princeps et génériques

+ 530

+ 450

Baisses de prix des dispositifs médicaux

+ 75

+ 64

Mise en cohérence des prix des médicaments perdant leur brevet mais non substituables

+ 50

+ 42

Évaluation du service médical rendu de certaines spécialités

+ 26

+ 22

Optimisation de la tarification des génériques

+ 100

+ 85

Mesures de convergence de prix par classe thérapeutique

+ 95

+ 81

Maîtrise médicalisée des médicaments, dispositifs médicaux et autres prescriptions

+ 550

+ 468

Efficience de la prescription des médicaments d’exception

+ 15

+ 13

Lutte contre les fraudes

+ 50

+ 42

Rationalisation des achats hospitaliers

+ 250

+ 212

Amélioration de l’efficience des prises en charge

+ 123

+ 105

Renforcement de la pertinence des actes et prises en charge

+ 51

Amélioration de la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique

+ 10

+ 8

Baisses de prix sur les médicaments de la liste en sus

+ 50

+ 42

Baisses de prix des dispositifs médicaux de la liste en sus

+ 40

+ 34

Adaptation des indications de la liste en sus

+ 60

+ 51

Économie de frais financiers

+ 10

Total maladie
dont hors ONDAM (*)

+ 2 370
– 30

+ 2 020
– 30

Création d’une prestation complémentaire de recours à une tierce personne (art. 65 PLFSS)

– 40

– 40

Modification des règles relatives à la faute inexcusable de l’employeur (art. 66 PLFSS)

+ 30

+ 30

Réduction de la dotation au FIVA (art. 69 PLFSS)

+ 200

+ 200

Baisses de prix de médicaments et de dispositifs médicaux

+ 20

+ 20

Économie de frais financiers

+ 10

Total accidents du travail et maladies professionnelles

+ 220

+ 220

Expérimentation du tiers payant pour le complément de mode de garde (art. 71 PLFSS)

– 10

– 10

Total famille

– 10

– 7

Total toutes branches

+ 2 580

+ 2 240

Source : PLFSS 2013.

Compte tenu des mesures nouvelles de recettes, précédemment évoquées (cf. article 27), soit un apport de 2,5 milliards d’euros, l’amélioration par rapport au « tendanciel » présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale au début du mois dépasserait donc, pour le seul régime général, 4,7 milliards d’euros.

Incidences des mesures nouvelles sur l’équilibre 2013

(en millions d’euros)

 

« Tendanciel » 2013

Mesures nouvelles 2013

Équilibre 2013

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

158 440

167 134

– 8 694

+ 1 560

– 2 020

+ 3 580

160 000

165 114

– 5 114

AT-MP

11 917

12 071

– 154

+ 240

– 220

+ 260

12 157

11 851

+ 306

Vieillesse

111 314

115 280

– 3 966

+ 10

+ 10

111 324

115 280

– 3 956

Famille

54 793

58 074

– 3 281

+ 680

+ 7

+ 673

55 473

58 081

– 2 608

Total

326 704

342 800

– 16 096

+ 2 490

– 2 230

+ 4 720

329 194

340 570

– 11 376

Sources : PLFSS 2013 et rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (octobre 2012).

Trois branches demeureraient donc déficitaires, seule celle des accidents du travail et maladies professionnelles devant enregistrer un très léger excédent.

● La branche maladie

L’évolution spontanée des comptes pour 2013 se traduirait par un déficit accru de 3,2 milliards d’euros par rapport aux prévisions révisées de 2012 : l’augmentation des charges nettes (+ 4,1 %) serait, en effet, nettement supérieure à celle des produits nets (+ 2,2 %), les dépenses incluses dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) progressant pour leur part de 4,1 %.

Les mesures nouvelles pour 2013 amélioreraient le solde de la branche maladie de près de 3,6 milliards d’euros, soit 1,6 milliard d’euros de recettes supplémentaires (cf. article 27) et 2 milliards d’euros d’économies sur les dépenses. Autrement dit, les trois quarts de la réduction du déficit du régime général par rapport au compte tendanciel seraient réalisés sur la seule branche maladie.

Compte tenu d’une progression de l’ONDAM fixée à 2,7 % pour 2013 et du rythme d’évolution tendancielle des dépenses d’assurance maladie, les économies à réaliser dans le régime général se montent à 2,05 milliards d’euros. Comme de coutume, l’annexe 9C détaille la façon dont diverses mesures, la plupart hors du dispositif proprement dit du présent projet de loi de financement, permettent d’atteindre cet objectif.

● La branche vieillesse

L’amélioration tendancielle du solde de la branche vieillesse par rapport à l’exercice 2012 s’élèverait à près de 1,1 milliard d’euros en 2013, la croissance des charges (+ 3,7 %) se ralentissant alors que celle des produits est très soutenue (+ 5,6 %). Ne prévoyant aucune mesure significative en recettes ou dépenses pour cette branche, le présent projet de loi ne se contente pourtant pas de prendre acte des effets de la loi de novembre 2010 sur les retraites : les comptes incluent bien entendu la mesure de retour à la retraite à 60 ans prise sans tarder par la nouvelle majorité et son financement par une majoration de 0,2 point des cotisations vieillesse.

● La branche famille

Tendanciellement, le solde négatif de la branche famille se dégraderait de 800 millions d’euros en 2013 : la progression des charges nettes se ralentirait (+ 3,0 %), mais celle des recettes encore plus (+ 1,7 %).

La branche famille souffre en effet du faible rendement des impositions sur les assurances qui lui ont été transférées à partir de 2011 en contrepartie de la fraction de 0,28 point de CSG qu’elle a cédée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) :

– la taxe spéciale sur les contrats d’assurance maladie, dont le montant reste dynamique ;

– le prélèvement au fil de l’eau sur les contrats multisupports d’assurance vie, qui s’érode progressivement jusqu’à disparaître au bout de huit ans ;

– la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation, qui disparaît à partir de 2013.

En 2011 et 2012, l’écart avec ce qu’aurait rapporté 0,28 point de CSG est demeuré faible. En 2013, la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation disparaîtra et le produit de la mesure de taxation au fil de l’eau des contrats d’assurance vie continuera à décroître. Mais dès l’automne 2010 lors de la discussion du projet de loi de financement pour 2011, la chute prévisionnelle des recettes de la branche famille se dessinait avec une parfaite netteté : le législateur a alors décidé d’emblée que le produit de la contribution sur les véhicules terrestres à moteur (VTM), intégralement affecté à la branche maladie en 2011 et en 2012, le serait ensuite à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à compter de 2013, afin de pallier l’insuffisance prévisible de ses ressources (et moyennant une légère diminution de la CNAF dans la clef de répartition du droit de consommation sur les tabacs).

Pour 2013, même en tenant compte de ce basculement de la contribution sur les véhicules terrestres à moteur de la Caisse nationale maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) vers la CNAF, l’écart entre l’ancienne recette de CSG et les nouvelles taxes devait croître fortement, pour atteindre 355 millions d’euros. C’est pourquoi, afin de parvenir à un solde prévisionnel amélioré de 670 millions d’euros, la branche bénéficie exclusivement de recettes nouvelles, en particulier l’affectation du produit de l’augmentation de la taxe sur les salaires.

Mais avec 2,6 milliards d’euros de déficit en 2013, la branche famille n’en serait pas moins la seule dont le solde se détériorait par rapport à 2012 (d’environ 100 millions d’euros). Il faudra donc se pencher rapidement sur la situation de cette branche dont le déficit, s’il est en apparence assez réduit en valeur absolue, atteint une proportion importante au regard du volume de ses dépenses.

● La branche des accidents du travail et des maladies professionnelles

L’évolution tendancielle aurait conduit la branche à une très légère dégradation de son solde en 2013.

Avec une augmentation des cotisations de 200 millions d’euros et grâce à une baisse de 200 millions d’euros de la dotation au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), la branche redeviendrait excédentaire, à hauteur de 400 millions d’euros.

Ce retour à l’équilibre ne doit pas faire oublier plusieurs années consécutives de déficit (1,5 milliard d’euros entre 2009 et 2012) : une solution devra être trouvée pour résorber le stock de dette de trésorerie ainsi constitué, car il est hors de question, compte tenu de la nature spécifique de cette branche, que ses déficits puissent être repris par la CADES.

*

La Commission adopte l’article 29 sans modification.

Article 30

Approbation du tableau d’équilibre des organismes
concourant au financement des régimes obligatoires de base

Conformément aux dispositions organiques, le présent article approuve un tableau d’équilibre établi pour les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, qui se réduisent, depuis 2009, au seul Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Le tableau d’équilibre pour 2013 est rapproché, ci-après, du tableau d’équilibre pour 2012 tel que révisé par l’article 5 du présent projet de loi. Fondée sur des conventions comptables différentes, l’annexe 8 donne pour sa part des chiffres différents en recettes (21,4 milliards d’euros) et en dépenses (24 milliards d’euros), mais pour un solde rigoureusement identique.

Tableau d’équilibre des organismes concourant au financement
des régimes obligatoires de base

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

FSV

14,6

18,6

– 4,1

16,7

19,3

– 2,6

Sources : PLFSS 2013.

L’évolution tendancielle des comptes pour 2013 prévoyait un déficit en recul de 400 millions d’euros, résultant d’une progression des charges nettes (+ 3,6 %) en recul et, surtout, très inférieure à la forte hausse des produits nets (+ 7,5 %) : la progression des dépenses de prise en charge de cotisations (sur une hypothèse de 78 000 chômeurs supplémentaires), associée à une stabilisation des dépenses de prise en charge de prestations, est ainsi plus que couverte par le produit des recettes nouvelles résultant du collectif budgétaire d’août.

Par rapport au « tendanciel » présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit du FSV serait amélioré de 1 milliard d’euros, consistant en la quote-part de recettes supplémentaires bénéficiant au fonds au titre de l’harmonisation de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour le secteur financier, de la réforme du régime d’imposition des plus-values immobilières et de la modification des règles d’abattement pour frais professionnels sur les assiettes de la CSG et de la CRDS.

Incidences des mesures nouvelles sur l’équilibre 2013

(en millions d’euros)

 

« Tendanciel » 2013

Mesures nouvelles 2013

Équilibre 2013

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

FSV

15 649

19 283

– 3 634

+ 1 078

+ 1 078

16 727

19 283

– 2 556

Sources : PLFSS 2013 et rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (octobre 2012).

En application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le déficit du FSV et celui de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) peuvent être repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) dans la limite de 10 milliards d’euros chaque année jusqu’en 2018. En 2013, comme en 2012, cette limite ne serait pas atteinte, puisque le déficit des deux entités devrait s’élever à 6,6 milliards d’euros.

*

La Commission adopte l’article 30 sans modification.

Article 31

Objectif d’amortissement de la dette sociale et affectation de recettes
au Fonds de solidarité vieillesse et au Fonds de réserve pour les retraites

Conformément aux dispositions organiques, le présent article détermine l’objectif d’amortissement au titre de l’année à venir des organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit.

Il fixe donc l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) ainsi que les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et mises en réserve au profit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

1. L’objectif d’amortissement de la dette sociale

L’objectif d’amortissement pour 2013 est fixé à 12,4 milliards d’euros, en hausse par rapport à l’objectif pour 2012 confirmé à l’article 6 du présent projet de loi (12,1 milliards d’euros).

Ce montant est égal à la différence entre, d’un côté, les produits nets (6,8 milliards d’euros de CRDS, 5,9 milliards d’euros de CSG, 2,1 milliards d’euros provenant du FRR et 1,7 milliard d’euros de prélèvement social sur les revenus de capital), qui s’élèveraient à plus de 16,4 milliards d’euros (+ 1,9 %), et, de l’autre, les frais financiers nets et autres charges s’élevant à 4,0 milliards d’euros (– 0,4 %). Les recettes croissent moins vite qu’en 2012 mais les frais financiers sont stables, de telle sorte que l’amortissement devrait être supérieur à celui réalisé en 2012.

Un transfert supplémentaire de dette de 8,1 milliards d’euros devrait être effectué en 2013, correspondant aux déficits 2012 de la branche vieillesse du régime général et du FSV (9,3 milliards d’euros) et à une régularisation effectuée sur le montant des transferts opérés en 2011 et 2012, au vu des comptes définitifs de 2011 (– 1,2 milliard d’euros).

Fin 2013, l’amortissement cumulé s’élèverait donc à 84,1 milliards d’euros, avec, compte tenu d’un montant de dettes reprises porté à 217,1 milliards d’euros dans le courant de l’année, une situation nette s’élevant à – 132,9 milliards d’euros, en amélioration de 4,4 milliards d’euros par rapport à fin 2012.

Grâce à son modèle de gestion « actif-passif », qui lui permet de réaliser des simulations d’amortissement en fonction des paramètres ayant une incidence en la matière, à savoir principalement le rendement de ses ressources, l’évolution des taux d’intérêt et le taux d’inflation, la CADES est en mesure d’indiquer dans l’annexe 8 au présent projet de loi de financement que si l’hypothèse la plus probable demeure celle d’une extinction en 2024, la probabilité que cet objectif soit atteint dès 2023 comme celle qu’il ne le soit qu’en 2026 ne seraient que de 5 %. À cette échéance, la CADES aura amorti près de 270 milliards d’euros de dette et versé un peu plus de 80 milliards d’euros d’intérêts.

2. Les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites

Depuis 2011, suite à la loi de novembre 2010 portant réforme des retraites, le FRR n’est affectataire d’aucune recette. Ses seuls produits seront des produits financiers et l’en-cours de ses actifs lui permettra de continuer à procéder au versement annuel de 2,1 milliards d’euros au profit de la CADES.

3. Les prévisions de recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse

La loi de novembre 2010 relative aux retraites a créé au sein du FSV une seconde section, consacrée à la prise en charge du financement du maintien du bénéfice de l’âge d’annulation de la décote à 65 ans pour les parents de trois enfants les plus proches de l’âge de la retraite ainsi que pour les parents d’enfants handicapés.

Par rapport aux prévisions rectifiées pour 2012 (cf. article 6), soit 400 millions d’euros, le montant de ces recettes est fortement réduit en 2013 : la section perd en effet le produit de 0,2 point de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements, affecté au nouveau prélèvement de solidarité sur ces revenus du capital, mais conserve le produit de 0,5 point de forfait social (152 millions d’euros), auquel s’ajouteront 5 millions d’euros de produits financiers. Les sommes ainsi mises en réserve s’élèveront donc à 925 millions d’euros fin 2013.

*

La Commission adopte l’article 31 sans modification.

Article 32

Approbation du rapport fixant un cadrage quadriannuel (annexe B)

Conformément aux dispositions organiques, le présent article approuve un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour les quatre années à venir, en cohérence avec les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques présentées dans le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances de l’année.

Comme dans tous les précédents projets de loi de financement présentés sous l’empire de la loi organique de 2005, ce rapport constitue l’état annexé B au projet de loi. En revanche, au-delà même des exigences organiques, il porte non pas sur les quatre années à venir, mais sur les cinq années à venir (2013-2017), de telle sorte que la perspective est ainsi fixée à la fin de la présente législature. L’objectif est d’ailleurs annoncé dès le premier alinéa : le retour à l’équilibre financier de l’ensemble des comptes publics, et plus particulièrement de ceux des administrations de sécurité sociale hors Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Pour le reste, l’annexe, comme les années passées, se fonde, en cohérence avec le programme de stabilité européen et la loi de programmation des finances publiques, sur des hypothèses à moyen terme (croissance annuelle de 2 % pour le PIB et de 4 % pour la masse salariale, inflation de 1,75 % et ONDAM à 2,5 %), pour en déduire, toutes choses égales par ailleurs, l’évolution des soldes des différentes branches.

Malgré cette forte exigence sur les dépenses de soins, le déficit de la branche maladie ne recule que très lentement, pour demeurer encore à 1,1 milliard d’euros en 2017. Il en va de même pour la branche famille et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), tandis que le déficit de la branche vieillesse se dégrade progressivement, pour approcher 8 milliards d’euros en 2017. Pour l’ensemble de la période 2013-2007, le déficit cumulé de l’ensemble des régimes et du FSV se monterait à 67 milliards d’euros, certes loin du niveau atteint sous la précédente législature (110 milliards d’euros), mais à un niveau encore préoccupant compte tenu d’un contexte où les taux d’intérêt peuvent difficilement être plus bas qu’à l’heure actuelle.

Cela étant, le rapport relativise la portée du déficit des régimes obligatoires de base qui demeurera en fin de période (de l’ordre de 10 milliards d’euros en 2017), en relevant à juste titre que d’autres administrations de sécurité sociale (assurance chômage, retraites complémentaires), quant à elles, seront alors en mesure de dégager des excédents. Toutefois, comme l’a encore rappelé le premier président de la Cour de comptes à l’occasion de sa récente audition par notre commission des affaires sociales, le déficit ne saurait être admis en matière de sécurité sociale, dans la mesure où il revient, d’une façon ou d’une autre, à reporter le financement de dépenses courantes.

Par conséquent, en l’état, l’objectif de retour à l’équilibre nécessitera de nouvelles décisions, et ce à un double titre :

– d’abord quant au traitement de la dette ainsi constituée, car hormis pour la branche vieillesse et le FSV, les conditions de reprise de la dette ne sont pas encore prévues. Or, au titre des branches maladie et famille, la dette cumulée au titre des exercices 2012 à 2017, pour le seul régime général, s’élèverait respectivement à 22,1 milliards d’euros et 12,5 milliards d’euros, soit un total de 34,6 milliards d’euros ;

– surtout quant au moyen d’éviter que la dette ne se reconstitue, c’est-à-dire en rétablissant l’équilibre des branches.

De ce point de vue, le rapport trace les grandes lignes d’une action qui, dans tous les domaines, rompt avec le caractère souvent autoritaire et précipité de la précédente législature : travaux du Haut conseil du financement de la protection sociale, concertation avec les partenaires sociaux sur les retraites au premier semestre de 2013, réflexion dans le cadre du Haut conseil de la famille sur l’adéquation des dispositifs aux besoins des familles. Dans la branche maladie, la nécessité d’économiser 2,7 milliards d’euros par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses de santé requiert des actions susceptibles à la fois de respecter la contrainte financière et d’améliorer la qualité de la prise en charge : de ce point de vue, l’accent est d’ores et déjà particulièrement mis sur l’amélioration des parcours de soins et une coordination plus efficace entre les différents intervenants.

*

Suite à l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 73 de M. Tian.

Elle examine ensuite l’amendement AS 74 de M. Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. Il s’agit de substituer aux mots « hôpitaux publics » les mots « établissement de santé publics ».

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement vise à se conformer à la loi « HPST » qui a supprimé le statut d’« hôpitaux publics », ce que je regrette d’ailleurs. Avis favorable, néanmoins, jusqu’à ce que nous ayons modifié cette loi comme de nombreux acteurs hospitaliers publics nous le demandent.

M. Denys Robiliard. Une fois n’est pas coutume, je ne suis pas d’accord avec Gérard Bapt. Parce que nous entendons précisément rétablir la notion d’« hôpitaux publics », nous devons maintenir cette formulation.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il n’est pas possible de mentionner un statut qui n’a plus d’existence juridique. Nous devons évidemment légiférer à partir de la loi actuelle.

M. Denis Jacquat. Je rappelle que parmi les établissements de santé figurent également les établissements privés participant au service public hospitalier, établissements privés à but non lucratif présents dans de nombreuses régions.

Mme Jacqueline Fraysse. La modification proposée envoie un très mauvais signal à nos concitoyens. J’espère que la nouvelle majorité reviendra sur la disposition adoptée dans le cadre de la loi « HPST », laquelle devrait d’ailleurs être abrogée selon moi.

M. Christian Paul. La loi « HPST » a causé un profond désarroi parmi les personnels et les usagers de l’hôpital public. La démarche engagée depuis le printemps dernier par le Gouvernement, conformément aux engagements du candidat Hollande, vise à restaurer la confiance chez l’ensemble de nos concitoyens, qui restent attachés à l’hôpital public. La question n’est pas simplement juridique : notre souhait de voir la notion d’hôpital public inscrite dans les textes de la République est un choix politique. Nous y reviendrons d’ailleurs à l’occasion du débat pour mettre fin à la convergence tarifaire et aux excès de la tarification à l’activité.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il ne s’agit pas d’un texte législatif, mais de l’annexe.

M. Christian Paul. Certes, l’amendement de Dominique Tian ne déstabilise pas le système hospitalier, mais nous sommes au début de nombreux échanges et il ne me semble pas opportun de commencer de cette façon.

Mme Isabelle Le Callennec. En tant que législateurs, nous devons veiller à la conformité de ce texte aux règles existantes.

Mme la présidente Catherine Lemorton Nous avons certes un devoir de rigueur, mais il s’agit d’une annexe qui n’a en elle-même aucune valeur normative. La majorité reste attachée à la notion d’hôpital public.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Au cours de la discussion de la loi « HPST », l’opposition s’était battue pour que les établissements privés à but non lucratif ne disparaissent pas. Ce débat oppose un certain formalisme à un message politique.

M. Michel Liebgott. Nous pouvons réaffirmer la notion de service public hospitalier. Si le Gouvernement y voit un problème rédactionnel, il apportera une correction en séance publique.

La Commission rejette l’amendement AS 74.

Puis elle adopte successivement l’amendement de précision AS 225, l’amendement rédactionnel AS 226, l’amendement de précision AS 227 et l’amendement de rectification AS 228 de M. Gérard Bapt, rapporteur.

La Commission adopte enfin l’article 32 (Annexe B) modifié.

Section 3

Dispositions relatives à la trésorerie et à la comptabilité

Article 33

(art. L. 723-11, L. 726-2, L. 731-2, L. 731-3, L. 731-10, L. 731-13, L. 731-38, L. 731-45, L. 741-1, L. 762-11, L. 762-12, L. 762-21, L. 762-24, L. 762-33 du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 134-6, L. 134-9, L. 134-11-1 et L. 241-6 du code de la sécurité sociale)


Réforme du financement de la gestion administrative, de l’action sanitaire et sociale et du contrôle médical de la Mutualité sociale agricole

Le présent article vise à aligner les règles relatives à la gestion administrative, à l’action sanitaire et sociale et au contrôle médical de la Mutualité sociale agricole (MSA) sur celles des autres régimes de sécurité sociale.

1. Les modalités actuelles de financement de la gestion administrative, de l’action sanitaire et sociale et du contrôle médical

La gestion, le contrôle médical et l’action sociale des régimes de protection sociale agricole sont financés par exception au principe général retenu pour les autres régimes de sécurité sociale, dont les dépenses de gestion administrative sont financées à l’euro près, dans la limite des plafonds autorisés par les conventions d’objectifs et de gestion (COG), par un prélèvement sur leurs recettes.

En effet, dans les régimes agricoles, on distingue, parmi les cotisations sociales, entre :

– les cotisations techniques, affectées à la couverture des prestations ;

– les cotisations complémentaires, destinées à financer les frais de gestion, le contrôle médical, l’action sanitaire et sociale et les charges liées au non-recouvrement des cotisations.

Autrefois modulées par les caisses locales, qui disposaient d’une large autonomie, les cotisations complémentaires sont centralisées depuis 1999 à la caisse centrale de la MSA (CCMSA). Elles sont ensuite redistribuées aux caisses locales sous forme de dotations de gestion, calculées selon les critères du règlement de financement institutionnel de la MSA.

Par construction, ces modalités de financement ont pour inconvénient de déconnecter l’évolution des dépenses de celle des recettes, le montant des unes risquant de ne pas coïncider avec le montant des autres. Ainsi, les cotisations complémentaires évoluent parallèlement à leur assiette, à savoir le revenu professionnel et la masse salariale agricoles. En revanche, les dépenses de gestion relèvent en revanche d’enveloppes négociées dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion.

Cette situation est d’autant moins justifiée que la plupart des branches des régimes agricoles sont désormais adossées au régime général : c’est le cas des branches maladie et famille pour les exploitants agricoles et de toutes les branches, à l’exception de celle des accidents du travail et maladies professionnelles, pour les salariés agricoles. En outre, la part des recettes fiscales dans les ressources des régimes agricoles est de plus en plus importante. De ce fait, l’existence d’excédents de gestion dans certaines branches des régimes agricoles pose problème alors qu’elles font appel, tant en recettes qu’en dépenses, à la solidarité nationale ou à la solidarité entre régimes.

En outre, des réserves financières se forment à l’échelon des caisses locales. Elles servent pour partie à financer les restes à recouvrer dont le dénouement s’effectue, d’un point de vue comptable et financier, en plusieurs années. Le besoin de trésorerie de la caisse centrale s’en trouve accru, alors que son accès au crédit est de plus en plus difficile. Au demeurant, ces réserves ne permettent pas pour autant de majorer les enveloppes de dépenses autorisées par la convention d’objectifs et de gestion.

Dès lors, le suivi de la gestion de l’ensemble du réseau de la MSA manque de transparence : les résultats positifs des branches maladie, famille et vieillesse du régime des salariés agricoles masquent les déficits des branches homologues du régime des non-salariés. Cette situation est d’autant plus regrettable que la gestion du réseau a été réformée au cours des dernières années.

Ce financement soulève des problèmes croissants, comme l’illustre la suppression de la compensation de la réduction générale de cotisations patronales, intervenue en 2011. Jusque-là, les recettes de compensation étaient en effet considérées de même nature que les cotisations sociales et étaient donc partiellement mobilisées pour le financement de la gestion administrative. Or, l’affectation à titre définitif à la CCMSA de 15,44 % du produit du droit de consommation sur les tabacs, ressource fiscale destinée à financer des dépenses de prestations, a entraîné un sous-financement important de la section administrative.

Enfin, le financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime des salariés agricoles est en partie fondé sur un transfert de compensation versé depuis 1977 par le régime général. Dépassant 100 millions d’euros, soit plus d’un cinquième des recettes de cette branche, cette compensation trouve son origine dans sa situation démographique défavorable mais surtout dans les difficultés rencontrée : plus de 60 % de son budget était alors destiné à sa participation au Fonds commun des accidents du travail agricole (FCATA) au titre des rentes d’accidents survenus avant le 1er juillet 1973.

Une compensation, limitée aux charges liées à ces rentes, a donc été instituée, mais la complexité de ses règles de calcul plaide maintenant pour son abandon : un coefficient de réduction était appliqué au solde de compensation brut depuis la création du mécanisme, afin de favoriser la réduction de l’écart de taux de cotisations entre le régime des salariés agricoles et le régime général (pour les branches famille, maladie et vieillesse). Or, ces taux de cotisation sont harmonisés depuis 1994 et le maintien du coefficient est source de complexité, résultant d’une interprétation des textes qui vise à prendre en compte des exonérations de cotisations plus favorables pour le régime des salariés agricoles. Le recentrage de ces exonérations, notamment s’agissant des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi, conduira en tout état de cause à limiter ce constat.

2. Un important ensemble de réformes

Les nombreuses modifications apportées par le présent article portent sur trois domaines différents :

– l’alignement des règles de gestion de la MSA sur celles en vigueur dans les autres régimes ;

– la centralisation de la trésorerie du réseau ;

– la rationalisation de la compensation entre la branche des salariés agricoles et le régime général.

a) Un alignement sur les règles en vigueur dans les autres régimes

L’objectif consiste à assurer une prise en charge pérenne des moyens de fonctionnement du réseau de la MSA et de permettre le financement de la gestion au meilleur coût avec une meilleure affectation des ressources.

Dans le respect du plafond fixé par la convention d’objectifs et de gestion, il s’agit de garantir la couverture des dépenses complémentaires, c’est-à-dire notamment de gestion administrative, de contrôle médical et d’action sociale, par un prélèvement sur les recettes des régimes. Dès lors, la partition des cotisations ne se justifie plus et les charges de gestion des différentes branches des deux régimes pourront ainsi être directement imputées sur leurs ressources respectives et, pour les branches adossées au régime général, être intégrées dans le mécanisme d’équilibrage, à l’instar des dépenses de prestations.

À cette fin, le présent article modifie un grand nombre de dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives à la protection sociale des exploitants agricoles :

– le 2° du I et le 5° du I suppriment, respectivement aux articles L. 726-2 et L. 731-10, l’affectation de cotisations complémentaires au fonds spécial d’action sociale ;

– les 3° et 4° du I modifient respectivement les articles L. 731-2 et L. 731-3 afin d’aménager les ressources des branches maladie et vieillesse des exploitants agricoles de telle sorte que le financement des dépenses au titre de la maladie inclue désormais les dépenses complémentaires ;

– les 6° et 7° du I suppriment, respectivement aux articles L. 731-13 et L. 731-38, la référence aux cotisations techniques et complémentaires ;

– le 8° du I supprime, à l’article L. 731-45, le prélèvement sur le produit de la CSG jusqu’alors affecté à la gestion des caisses de la MSA ;

– les 10° et 11° du I procèdent, respectivement aux articles L. 762-11 et L. 762-12, aux aménagements requis pour la branche famille outre-mer ;

– les 12° et 13° du I procèdent, respectivement aux articles L. 762-21 et L. 762-24, aux aménagements requis pour la branche maladie outre-mer ;

– le 14° du I procède, à l’article L. 762-33, aux aménagements requis pour la branche vieillesse outre-mer.

De même, pour le régime des salariés agricoles, le 9° du I de l’article L. 741-1 supprime l’affectation partielle des cotisations aux dépenses complémentaires.

Par ailleurs, le 1° du II réécrit l’article L. 134-6 du code de la sécurité sociale pour mettre fin à la gestion des régimes sociaux agricoles par les caisses de la MSA.

Les 3° et 4° du II tirent les conséquences, respectivement aux articles L. 134-11-1 et L. 241-6 de la suppression des dépenses complémentaires dans les comptes de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Celle-ci prend en compte les dépenses complémentaires dans le calcul de la différence entre charges et produits concernant la branche maladie des exploitants agricoles. En outre, les charges des prestations familiales dont bénéficient les salariés et non-salariés agricoles ainsi que la population non active et les charges afférentes à la gestion et au service de ces prestations dans la couverture des cotisations sociales centralisées par la CNAF sont prises en compte, conséquence logique des modifications apportées au code rural et de la pêche maritime (cf. supra).

Afin de laisser le temps au réseau de mettre en œuvre ces évolutions d’une portée considérable, le 1° du III prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2014.

b) La centralisation de la trésorerie du réseau

Le 1° du I modifie l’article L. 723-11 du code rural et de la pêche maritime afin de compléter les missions de la caisse centrale, étendues à la gestion des budgets et, surtout, à la gestion commune de la trésorerie des organismes de MSA, étant précisé que l’individualisation de la trésorerie des différentes branches des régimes des salariés et des exploitants agricoles sera assurée par un suivi permanent en prévision et en réalisation comptable.

Les caisses locales bénéficieront d’un droit de tirage sur la trésorerie gérée à l’échelon central. Dans ces conditions, les réserves constituées à l’échelon local et ayant une contrepartie en trésorerie seront remontées à l’échelon central. Ces évolutions auront pour corollaire l’abandon du principe dit de « financement à l’émission », à savoir la remontée à la caisse centrale du montant des cotisations émises et non pas du montant des cotisations effectivement recouvrées. Dès lors, les restes à recouvrer ne seront plus financés par la constitution de réserves dans les caisses locales mais seront à la charge de l’échelon national. Ces opérations comptables n’auront donc plus d’impact sur les circuits de trésorerie.

De même que pour les dispositions sus-évoquées, le 1° du II prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2014. Le 3° du II précise en outre qu’au 31 décembre 2013, la propriété des réserves antérieurement constituées par les organismes de MSA est transférée à la caisse centrale, sans donner lieu à perception de droits impôts ou taxes.

c) La rationalisation de la compensation entre la branche des salariés agricoles et le régime général

S’inscrivant dans le réexamen entamé ces dernières années des mécanismes de compensation entre régimes, souvent anciens et complexes, le présent article permet également de rationaliser la compensation entre la branche des accidents du travail et maladies professionnelles du régime des salariés agricoles et celle du régime général s’agissant des rentes d’accidents. Cette évolution permet de tenir compte du fait que l’alignement du régime général et du régime des salariés agricoles constitue un acquis pour des relations financières assainies et pour le financement pérenne de ce dernier régime. Le coefficient de réduction appliqué au solde de compensation brut entre les deux régimes sera ainsi supprimé.

Le 2° du II abroge donc l’article L. 134-9 du code de la sécurité sociale, qui reportait la mise en œuvre intégrale de la compensation au moment où les taux globaux de cotisations dues au titre des salariés agricoles auront été harmonisés avec les taux de cotisations du régime général et qui, jusqu’à la réalisation de cette harmonisation, prévoyait que les transferts de compensation à la charge du régime général étaient calculés en tenant compte de la réduction de l’écart existant au 30 juin 1977 entre les taux de cotisations.

Le 2° du III prévoit que ces dispositions s’appliquent dès la compensation calculée pour l’exercice 2012.

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La Commission adopte l’amendement de coordination AS 235 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 33 modifié.

Article 34

(art. L. 255-2 du code de la sécurité sociale)


Avance consentie par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines et suppression de l’obligation de « vidage » des comptes des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales et des caisses générales de sécurité sociale

Le présent article prévoit deux mesures distinctes :

– une avance d’un montant maximal de 250 millions d’euros versée, à titre exceptionnel pour l’année 2013, par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

– une mesure relative à la trésorerie de l’ACOSS, à savoir la suppression du « vidage » des comptes des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales (URSSAF) et des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) vers le compte unique de l’ACOSS.

1. Le régime minier

La CANSSM a été créée par le décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946, portant organisation de la sécurité sociale dans les mines. Elle gère les risques vieillesse, invalidité, maternité et accidents du travail et maladies professionnelles des travailleurs exerçant leur activité professionnelle dans les mines, les ardoisières et d’autres entreprises assimilées, ainsi que d’une part importante du personnel assurant la gestion du régime minier lui-même.

En vertu du décret n° 2011-1034 du 30 août 2011, la CANSSM assure à l’échelon national la trésorerie des branches du régime, et joue le rôle de tête de réseau en matière d’accidents du travail et maladies professionnelles et d’assurance maladie. Elle en délègue la responsabilité aux organismes locaux : depuis la réforme de 2004, les caisses régionales minières (CARMI). Depuis le 1er janvier 2005, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), partenaire bancaire de la CANSSM depuis sa création, gère la branche vieillesse.

Le régime minier est un régime spécial au sens de l’article R. 711-1 du code de la sécurité sociale. Il est original à la fois par l’étendue des risques couverts et par l’appareil de soins très complet qu’il dirige : au 31 décembre 2011, il comptait 162 centres de santé, 22 établissements hospitaliers, 59 pharmacies, 5 laboratoires d’analyses médicales, 2 laboratoires de prothèses dentaires, 14 cabinets d’optique, 15 services de soins infirmiers à domicile et 3 services d’ambulances, regroupant près de 6 000 professionnels de santé, dont 500 médecins, 650 infirmiers et 40 chirurgiens-dentistes.

2. Un régime déficitaire en voie d’extinction

a) Un déclin démographique sensible

Le régime minier a fait face à une chute démographique extrêmement importante, avec le déclin puis la disparition de l’activité charbonnière. Les actifs cotisants, qui étaient 400 000 en 1950, sont moins de 10 000 aujourd’hui, de sorte que le dernier gros employeur immatriculé au régime minier est le régime minier lui-même. Le nombre de pensionnés est également en diminution depuis 1987, mais beaucoup plus lente que celle des cotisants : il est passé de 243 000 en 1950 à 438 000 en 1986 et 320 000 en 2011. Le nombre des bénéficiaires de l’assurance maladie est tombé de 1,2 million en 1950 à 163 000 en 2011.

b) Une fermeture progressive

Cette évolution démographique a plongé le régime minier dans des difficultés financières croissantes. Le régime a été réformé par le décret n° 2004-1172 du 2 novembre 2004. Celui-ci cherchait d’abord à assurer la pérennité de l’appareil de soins du régime minier, en l’ouvrant à l’ensemble de la population, alors qu’il relevait jusqu’à présent de la médecine de caisse. Par ailleurs, le décret a permis un premier pas dans la réduction des activités du régime minier, en transférant à la CDC, à compter du 1er janvier 2005, la gestion de l’assurance vieillesse et invalidité et le recouvrement des cotisations.

La Cour des comptes a consacré le chapitre XV de son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2009 au régime de sécurité sociale dans les mines, et en a tiré un bilan particulièrement négatif. Elle a fustigé notamment l’insuffisance des compétences du personnel de la CANSSM – en 2007 il ne comprenait que 8 % de cadres supérieurs et 30 % de cadres –, le manque de fiabilité de ses comptes et des difficultés de gestion.

La Cour concluait son analyse en recommandant de fermer l’affiliation au régime minier et d’organiser son transfert vers le régime général, regrettant que la réforme de 2004 n’ait pas voulu se lancer dans cette voie. Notre ancien collègue Yves Bur, dans son Rapport sur l’avenir du régime de sécurité sociale dans les mines d’octobre 2010, préconisait également de transférer les activités du régime minier au régime général.

À la suite des analyses de la Cour des comptes, le décret n° 2010-975 du 27 août 2010 a fermé l’affiliation au régime minier à compter du 1er septembre 2010. Il est donc désormais en voie d’extinction.

c) Des difficultés financières persistantes

Depuis 2007, la CANSSM fait face à des besoins de financement croissants que les ressources de la caisse, externes pour 90 %, ne suffisent pas à contenir. Le déficit s’accumule année après année et compromet sa capacité à assurer seule ses besoins de financement.

Cette situation est due d’une part aux décalages infra-annuels entre encaissements et décaissements pour l’ensemble des risques, et d’autre part aux déficits récurrents enregistrés par la branche maladie malgré un transfert de solidarité en provenance du régime général qui représente plus de 75 % des ressources de la branche. Pour 2012, ce déficit est estimé à 72 millions d’euros.

En conséquence de la dégradation rapide de la situation, le plafond d’emprunt fixé au régime par la loi de financement de la sécurité sociale a été relevé de 200 millions d’euros pour 2007 à 900 millions d’euros pour 2012, soit 700 millions d’euros d’augmentation en cinq ans. L’article 36 du présent projet de loi prévoit de porter le plafond à 950 millions d’euros.

La CANSSM bénéficie de concours de la CDC, mais depuis 2011 ils sont limités à 650 millions d’euros sous forme d’un prêt d’une durée maximale de douze mois, complété par des avances de trésorerie quotidiennes.

Depuis le plafonnement des concours de la CDC, les besoins de financement deviennent critiques : pour 2013, le point bas de la trésorerie de la CANSSM devrait atteindre – 795 millions d’euros. Ce montant dépasse largement les concours de la CDC, alors que la CANSSM ne parvient pas à diversifier son réseau de partenaires bancaires. Dès lors il est probable que la CANSSM ne parviendra pas à assurer en 2013 le service de l’ensemble des prestations dues aux assurés. Cette perspective justifie la mesure d’exception prévue par le présent article.

3. Une solution ponctuelle au déficit

L’article 42 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 avait ouvert la possibilité pour l’ACOSS de consentir à titre exceptionnel des avances d’une durée inférieure à un mois aux régimes de base autres que le régime général.

C’est de cette possibilité que le I du présent article propose de tirer parti au profit de la CANSSM, pour sécuriser le versement des prestations du régime dans le cas où il ne trouverait pas d’autre partenaire que la CDC. Le versement exceptionnel de l’ACOSS pourra donc s’ajouter au concours de 650 millions d’euros de la CDC, pour combler le besoin de financement de la CANSSM. Il est prévu par le présent article que ces avances ne pourront pas excéder 250 millions d’euros, afin que la CANSSM ne dépasse pas 900 millions d’euros d’emprunt.

Les conditions de ces avances rémunérées, en termes de durée et de tarif, devront faire l’objet d’une convention entre l’ACOSS et la CANSSM, soumise pour approbation au ministre chargé de la sécurité sociale et au ministre chargé du budget.

Ces avances devraient être neutres financièrement pour le régime général, car le prêt sera rémunéré par la CANSSM en compensation des charges financières engagées par l’ACOSS. En revanche pour la CANSSM, le coût de l’opération est estimé à 100 millions d’euros.

Ces avances sont une solution d’urgence et ne devraient pas être reconduites pour 2014. Selon l’étude d’impact jointe au présent article, d’autres solutions devraient être trouvées d’ici le 1er janvier 2014 pour assurer durablement le financement de la CANSSM, notamment grâce aux discussions avec les partenaires sociaux sur l’avenir du régime minier.

4. L’abrogation de l’article L. 255-2 du code de la sécurité sociale

Par ailleurs, le II du présent article propose d’abroger l’article L. 255-2 du code de la sécurité sociale, afin de tenir compte de la rationalisation des circuits permise par la gestion commune par l’ACOSS de la trésorerie des organismes du régime général. Cette démarche de rationalisation a été mise en place par l’ACOSS et la CDC, son partenaire bancaire et teneur de compte.

L’article L. 255-2 dispose que les montants encaissés par les URSSAF et les CGSS sur leurs comptes spéciaux d’encaissement doivent être obligatoirement transférés par virement vers le compte unique de disponibilités courantes de l’ACOSS. Cette obligation, dite de « vidage », a été introduite dans le code par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Or la mention particulière par l’article L. 255-2 de la remontée des sommes encaissées par les URSSAF et CGSS est désormais inutile, car la remontée des fonds de l’ensemble des organismes du régime général est déjà prévue par diverses dispositions de niveau réglementaire dans le cadre du nouveau dispositif.

*

La Commission examine l’amendement AS 75 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. Après avoir rencontré les syndicats, la ministre des affaires sociales a annoncé sa décision d’instaurer un moratoire sur l’application du décret réformant le régime de sécurité sociale dans les mines, et l’ouverture d’une nouvelle concertation dès le mois de septembre. L’arrêt de la réforme du régime minier, engagée par le précédent gouvernement, s’accompagne d’une demande exceptionnelle d’avances auprès de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Or, l’article 36 du projet de loi de financement autorise la Caisse autonome de la sécurité sociale dans les mines à recourir à des ressources non permanentes pour couvrir ses besoins de trésorerie. Il n’y a donc pas lieu d’accepter cette possibilité d’avance. D’où cet amendement de suppression de l’article 34.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable.

Le régime minier a fait face à une chute démographique extrêmement importante, avec le déclin, puis la disparition de l’activité charbonnière. Les actifs cotisants, qui étaient 400 000 en 1950, sont moins de 10 000 aujourd’hui. Le nombre de pensionnés est également en diminution depuis 1987, mais beaucoup plus lente que celle des cotisants. Quant au nombre des bénéficiaires de l’assurance maladie, il est tombé de 1,2 million en 1950 à 163 000 en 2011. L’avance de l’ACOSS prévue à l’article 34 est donc justifiée.

M. Michel Liebgott. Le moratoire s’explique par l’absence de négociations avec les organisations syndicales et l’application « brutes de décoffrage » des conclusions du rapport de notre ancien collègue Yves Bur. C’est pourquoi l’ensemble des organisations syndicales, soutenues par la quasi-totalité des parlementaires des bassins concernés, ont rencontré la ministre afin de vérifier comment le passage au régime général en 2014 peut préserver les droits des affiliés, qui bénéficient d’une prise en charge à 100 %, dont la plupart sont des personnes ayant pris leur retraite au bout de cinquante ans d’activité et atteintes de silicoses et diverses autres pathologies broncho-pulmonaires, ou des veuves de mineurs dont les ressources sont extrêmement faibles.

D’ailleurs, plutôt que de supprimer les 167 centres de santé polyvalents, nous pourrions imaginer qu’ils servent de modèle aux maisons médicales que nous préconisons. C’est l’objet de la concertation qui doit s’engager avec le Gouvernement pour aboutir à d’autres propositions que celles du rapport Bur.

J’ajoute que les personnels de ce régime minier, au nombre de 6 000, dont 4 400 relèvent de professions médicales et paramédicales, n’ont pas été consultés. Nous devons préserver leurs droits, mais aussi nous inspirer de leur mode de fonctionnement qui donne satisfaction, y compris dans des secteurs où se pose un problème de démographie médicale. Sachez qu’en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, les problèmes démographiques sont en partie résolus grâce à cette médecine salariée.

Pour toutes ces raisons, cet amendement me semble malvenu.

M. Michel Issindou. Certes, le régime minier est structurellement déficitaire, mais il sera probablement à l’ordre du jour de la vaste négociation sur les régimes de retraite qui s’ouvrira en 2013. Laissons-la se dérouler avant de prendre une décision.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous confirmer que l’avance par l’ACOSS sera versée à titre exceptionnel ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Absolument.

La Commission rejette l’amendement AS 75.

Elle adopte ensuite l’amendement de coordination AS 229 de M. Gérard Bapt, rapporteur.

Puis elle adopte l’article 34 modifié.

Article 35

(art. L. 114-5 et L. 114-8 du code de sécurité sociale)


Certification des comptes de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

Le présent article vise à appliquer les dispositions des articles L. 114-5 et L. 114-8 du code de la sécurité sociale à la Caisse nationale de solidarité de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dans le cadre de la réforme progressive de la comptabilité nationale, ce qui implique pour la CNSA le respect des normes comptables des organismes de sécurité sociale et la certification annuelle de ses comptes par un commissaire aux comptes.

1. Le dispositif prévu s’inscrit dans un long cycle de réformes comptables

Le principe de la certification, intrinsèquement lié à la notion de sincérité des comptes, a été introduit dans la sphère publique par les articles 27 et 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) qui disposent que « les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière » et que la Cour des comptes assure « la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État ».

L’obligation de certification a été étendue aux comptes de la sécurité sociale par la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. L’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose ainsi aux VII et VIII que « les comptes des régimes et organismes de sécurité sociale doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de leur patrimoine et de leur situation financière » et confie à la Cour des comptes la mission de certification des comptes consolidés des branches.

Ce principe est inspiré du droit privé des entreprises. Les articles L. 823-9 et suivants du code de commerce définissent ainsi les missions des commissaires aux comptes, chargés de la certification des entreprises, qui sont similaires à celles de la Cour vis-à-vis des comptes de l’État et des branches du régime général de la sécurité sociale.

Les comptes des régimes obligatoires de base autres que ceux du régime général ainsi que le Fonds solidarité vieillesse (FSV) ne sont pas certifiés par la Cour des comptes, mais la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a introduit, à compter de l’exercice 2008, une obligation de certification par des commissaires aux comptes (art. L. 114-8 du code de la sécurité sociale). De plus, conformément à l’article L. 114-5 du même code, introduit par la loi organique de 2005, ces organismes appliquent des normes comptables harmonisées qui sont définies dans le Plan comptable unique des organismes de sécurité sociale

Les articles L. 114-5 et L. 114-8 du code précité ne s’appliquent pas à la CNSA.

Or, étant donné que la CNSA gère plus de 20 milliards d’euros de dépenses publiques, et dont 16 milliards viennent de l’assurance maladie, la certification de ses comptes est souhaitable.

L’application du plan comptable unique et la certification des comptes ont été préparées par la convention d’objectifs et de moyens 2012-2015 signée entre la CNSA et l’État le 14 février 2012 et par un audit préparatoire à la certification des comptes réalisé en 2011 à l’initiative de la CNSA. Une politique de renforcement du contrôle interne a également été lancée depuis 2009 dans la perspective d’une future certification.

Dans l’attente des dispositions législatives et réglementaires que l’État s’engageait à prendre, la caisse s’était engagée, dans la convention, à nommer un commissaire aux comptes à partir de l’exercice 2012.

L’audit préparatoire a, quant à lui, mis en évidence le fait que l’absence de référentiel comptable précis constitue un frein important à la certification des comptes de la caisse, l’instruction M9-1, dont relève la CNSA en application du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, ne constituant pas véritablement un référentiel de comptabilité générale.

En outre, il convient de noter que l’application du plan comptable unique ne peut se faire par voie réglementaire. La CNSA étant définie par la loi comme un établissement public national à caractère administratif (11), elle est de fait soumise aux règles de la comptabilité publique. Le changement d’un tel référentiel doit donc emprunter la voie législative. L’article R.10-10-22 du code de l’action sociale et des familles ne fait que confirmer ce principe et ne peut constituer un vecteur d’action réglementaire.

2. L’application des dispositifs comptables relatifs aux organismes de sécurité sociale

Le présent article s’inscrit dans la continuité des réformes comptables des organismes publics déjà réalisées. La facilitation des échanges entre la Cour des comptes et les commissaires aux comptes dans le cadre des missions de certification des organismes de sécurité sociale introduite par la loi de financement pour 2011 (article 46) et le contrôle par la Cour des opérations réalisées par les régimes spéciaux de base pour le compte du régime général prévu par la loi de financement pour 2012 (article 43) sont les éléments les plus récents participant à l’amélioration de la certification.

Modifiant l’article L. 114-5 du code de la sécurité sociale, le prévoit que la CNSA, comme les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et le FSV, appliquera le plan comptable unique des organismes de sécurité sociale, fondé sur le principe de la constatation des droits et obligations, et non plus le règlement général de la comptabilité publique

Le 2°, modifiant l’article L. 114-8 du code de la sécurité sociale, soumet donc la CNSA à l’obligation de faire certifier ses comptes par un commissaire aux comptes.

*

La Commission adopte l’article 35 sans modification.

Après l’article 35

La Commission est saisie de l’amendement AS 76 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. La certification des comptes des établissements de santé avait été insérée dans la loi « HPST », mais le décret d’application n’a jamais été publié. Cet amendement vise à corriger cette erreur en rendant cette mesure d’application directe, conformément à l’engagement du Président de la République.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le Président de la République s’est engagé devant la Cour des comptes le 7 septembre 2012. Laissons faire les choses. Je propose aux membres de la Commission de rejeter cet amendement et de rappeler cet engagement à la ministre en séance publique.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Considérons qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

La Commission rejette l’amendement AS 76.

Article 36

Habilitation des régimes de base et des organismes concourant
à leur financement à recourir à l’emprunt

Conformément aux dispositions organiques, le présent article arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. Il porte donc habilitation de certains régimes et organismes à recourir à des ressources non permanentes.

Comme dans les trois lois de financement précédentes, les huit mêmes régimes ou organismes bénéficieront d’une telle habilitation : régime général, régimes des exploitants agricoles (CCMSA), Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE), Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et Caisse de retraite du personnel de la RATP.

1. Le régime général

Pour 2011, le plafond des besoins de trésorerie avait été fixé à 58 milliards d’euros jusqu’au 31 mai, puis à 20 milliards d’euros pour le reste de l’année, montant réduit à 18 milliards d’euros par la loi de financement rectificative. Cette évolution était justifiée par la reprise progressive par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) des déficits des exercices 2009 et 2010.

Fixé par l’article 44 de la loi de financement pour 2012, le plafond pour cet exercice est de 22 milliards d’euros. Il devrait permettre à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) de passer son point bas de trésorerie, attendu les 14 et 21 décembre (– 20,9 milliards d’euros), alors que le point haut, le 7 février, a été positif à hauteur de + 4,1 milliards d’euros. À – 8,3 milliards d’euros, le solde moyen de trésorerie serait ainsi le moins défavorable de ces dernières années.

Grâce au très bas niveau des taux d’intérêt des titres de créances négociables (respectivement en 2011 et 2012, en moyenne, 0,7 % et 0,2% à taux fixe et 0,88 % et 0,16 % à taux variable), le déficit de trésorerie serait très réduit (20 millions d’euros).

Dans le cadre de sa nouvelle convention avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), entrée en vigueur le 1er janvier 2011, l’ACOSS n’a pas eu à mobiliser de « prêt socle » ni d’avances à 24 heures ou au jour le jour pour les aléas de trésorerie, mais simplement des « prêts pensions » (à six jours), permettant de faire face à l’échéance mensuelle du versement des pensions de retraite (dans une limite de 3,5 milliards d’euros). Globalement, la CDC n’a financé que 9 % des besoins de trésorerie de l’ACOSS en 2012, ce qui confirme le changement fondamental de son rôle intervenu en 2011.

Le financement des besoins de l’ACOSS passe donc désormais essentiellement par les instruments de marché. Depuis 2007, elle émet des billets de trésorerie, qui couvrent cette année 14 % de ses besoins, et place des billets de trésorerie auprès d’autres acteurs publics, dans le cadre, comme les années passées, des opérations ponctuelles d’optimisation de la gestion des trésoreries publiques en fin d’année et de l’effort de mutualisation des trésoreries sociales, en l’occurrence celles de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), des régimes complémentaires du Régime social des indépendants (RSI), de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), de la CADES et de la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG).

L’ensemble de ces billets de trésorerie « sociaux » et « publics » a acquis une importance croissante au fil des années, pour assurer désormais 30 % du financement global (contre 4 % seulement en 2009). Le montant total autorisé pour les billets de trésorerie est de 25 milliards d’euros. En outre, le dépôt (contre rémunération) d’excédents de trésorerie, en l’occurrence celle de la CNSA, contribue pour 2 % du financement total.

Surtout, dans le but de compléter un financement qui était alors particulièrement tendu avant la reprise de dette par la CADES, elle a recouru à partir de 2010 au marché des euro commercial papers (ECP), avec l’assistance technique de l’Agence France Trésor. En 2012, l’encours moyen s’est élevé à 4,3 milliards d’euros, soit 45 % du financement de l’ACOSS, pour un montant maximal autorisé de 20 milliards d’euros.

En 2013, compte tenu de la reprise par la CADES des déficits 2012 de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), le besoin de trésorerie maximal de l’ACOSS atteindrait, le 27 avril, – 27,8 milliards d’euros, pour parvenir à un solde de – 26,3 milliards d’euros au 31 décembre (contre 18,6 milliards d’euros au 31 décembre 2012). La différence entre la variation de trésorerie (– 7,7 milliards d’euros après reprise de dette) et le déficit 2012 du régime général fixé par l’article 29 du présent projet de loi de financement (– 11,4 milliards d’euros) s’explique par plusieurs opérations affectant différemment les comptes et la trésorerie, principalement par le déficit prévisionnel du FSV, qui pèse en trésorerie sur le régime général.

Dès lors, le plafond de recours du régime général à des ressources non permanentes, qui intègre une marge d’aléa de 1,7 milliard d’euros, est fixé par le présent article à 29,5 milliards d’euros.

Le tableau ci-après permet de situer l’autorisation demandée pour 2013 par rapport aux plafonds fixés par les précédentes lois de financement.

Régime général
Plafond de recours à des avances de trésorerie (1997-2013)

(en milliards d’euros)

Année

Plafond (*)

1997

12,2

1998

4,7

1999

4,4

2000

4,4

2001

4,4

2002

4,4

2003

15

2004

33

2005

13

2006

18,5

2007

28

2008

36

2009

29 (**)

2010

65

2011

18 (***)

2012

21

2013

29,5

(*) Y compris, le cas échéant, relèvement ou abaissement en cours d’exercice.

(**) 35 milliards d’euros du 1er janvier au 31 mars.

(***) 58 milliards d’euros du 1er janvier au 31 mai.

2. Le régime des exploitants agricoles

Fin 2011, la CADES, pour la première fois, a repris des déficits de la CCMSA, en l’occurrence ceux des exercices 2009 et 2010.

En 2012, la caisse centrale a donc dû porter les déficits 2011 et 2012 (plus de 2,5 milliards d’euros), pour un point bas de 2,4 milliards d’euros attendu le 15 novembre, assez éloigné du plafond de 2,9 milliards d’euros fixé par la loi de financement pour 2012. Le besoin de trésorerie a été couvert par un financement bancaire accordé par un syndicat conduit par le Crédit agricole, grâce à un prêt à court terme en deux tranches : 2,2 milliards d’euros (quatorze tirages prédéfinis) à Euribor + 0,60 % et 200 millions d’euros (tirages de 1 à 7 jours) à Eonia + 1,2 %. Le coût des deux tranches de prêts se révèle ainsi supérieur à celui de 2010 et 2011.

En 2013, compte tenu du déficit prévisionnel du régime (700 millions d’euros), le point bas (le 21 novembre) se situerait à 3,7 milliards d’euros, avec un solde moyen de 2,6 milliards d’euros. Le plafond proposé par le présent article est donc de 4 milliards d’euros.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les responsables de la caisse centrale n’ont pas dissimulé que le financement d’un découvert de trésorerie résultant de déficits cumulés de plus de 3 milliards d’euros risque de devenir de plus en plus problématique et de plus en plus coûteux. Car si les comptes du régime sont désormais certifiés, la caisse ne peut pas pour autant se prévaloir de la garantie de l’État, ce qui rejaillit sur le coût de sa ressource.

3. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales

Pour 2012, le plafond de couverture des besoins de trésorerie de la CNRACL avait été fixé à 1 450 millions d’euros et devrait permettre de passer le point bas, attendu du 24 au 26 décembre à hauteur de – 1 350 millions d’euros.

La couverture des besoins a été assurée par une convention de mise à disposition des réserves du Fonds de l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales (ATIACL), conclue en mars dernier. Ces 380 millions d’euros ont été complétés en avril par un prêt de 200 millions d’euros de La Banque postale. La CDC, dont les avances de trésorerie sont limitées à 300 millions d’euros, est quant à elle intervenue pour couvrir les pics de trésorerie.

En 2013, grâce au prélèvement de 690 millions d’euros sur le fonds ATIACL et sur le fonds de compensation ou de cessation progressive d’activité (FCCPA), opéré par l’article 4 du présent projet de loi (cf. supra), et grâce au relèvement, par voie réglementaire, de la cotisation employeur, le point bas atteindrait 1,2 milliard d’euros fin décembre, ce qui justifie le maintien du plafond au niveau fixé pour 2012.

4. Le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État

En 2012, le point bas de la trésorerie du fonds, serait atteint fin décembre, à + 21 millions d’euros. Comme depuis 2007, l’autorisation d’emprunt (50 millions d’euros) accordée par la loi de financement se révélerait donc inutile en exécution.

Le profil de trésorerie pour 2013 est très proche, avec un point bas identique de + 21 millions d’euros fin décembre et un point haut de 824 millions d’euros le 28 janvier. Malgré ces conditions en apparence très favorables, il n’en est pas moins nécessaire de prévoir un plafond d’emprunt, dans la mesure où le versement de la subvention d’équilibre de l’État à ce régime intervient en deux temps : 60 % aux environs du 20 janvier et le solde aux environs du 20 juin. Le recours à l’emprunt pourrait donc s’avérer nécessaire, afin de prévoir une marge de manœuvre correspondant à un mois de trésorerie, en cas de décalage, en début d’année, dans le premier versement de l’État.

Fixé à 30 millions d’euros pour 2013, le plafond sera ainsi de nouveau abaissé, comme en 2010 et en 2012. En cas de besoin, le fonds peut recourir au découvert de trésorerie dont il dispose auprès de la CDC dans une limite de 5 millions d’euros (50 millions d’euros pour la période comprise entre le 15 décembre et le 18 janvier).

5. La Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines

En 2012, le point bas de trésorerie (– 642 millions d’euros) devrait être atteint mi-décembre, pour un plafond de 900 millions d’euros autorisé en loi de financement.

Pour son financement, la caisse autonome pouvait recourir à des avances de trésorerie de la CDC, mais celle-ci ayant limité son intervention à 650 millions d’euros (prêt court terme de 450 millions d’euros et avances de trésorerie de 200 millions d’euros), l’article 34 du présent projet de loi de financement (cfsupra) autorise l’ACOSS, à titre exceptionnel, à prêter à la caisse un montant maximal de 250 millions d’euros. Au-delà de cette « mesure de sécurisation immédiate », comme la qualifie l’annexe 9B, une solution plus durable sera trouvée dans le cadre de la réflexion sur l’avenir du régime.

En 2013, le point bas de trésorerie serait plus élevé (– 795 millions d’euros). Fixé à 200 millions d’euros pour 2007, puis à 400 millions d’euros pour 2008, à 700 millions d’euros pour 2009, à 750 millions d’euros pour 2010, à 800 millions d’euros pour 2011 et à 900 millions d’euros pour 2012, le plafond de ressources non permanentes de la caisse autonome poursuivrait donc sa progression pour passer à 950 millions d’euros en 2013.

6. La Caisse nationale des industries électriques et gazières

La CNIEG assure à la fois le versement des retraites de base (adossées sur le régime général) et complémentaires (adossées sur l’ARRCO-AGIRC), mais c’est seulement au titre des droits de base que le plafond de ses ressources non permanentes relève du champ de la loi de financement.

Le profil de trésorerie est tributaire du versement trimestriel des pensions de retraite et du transfert mensuel reçu de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV). En 2012, le point bas aurait été atteint début octobre, avec – 534 millions d’euros, inférieur au plafond de 600 millions d’euros autorisé par la loi de financement.

Le financement a été assuré par des lignes de crédit auprès de trois banques : Crédit agricole (350 millions d’euros), BRED (200 millions d’euros) et La Banque postale (150 millions d’euros), dans des conditions variant entre Euribor + 0,65 % et Euribor + 1,2 %. L’annexe 9 fait état de difficultés à trouver les concours bancaires requis, de telle sorte qu’il a été décidé de mensualiser le versement de la soulte annuelle due par la CNIEG à la CNAV dans le cadre de l’adossement, ce qui a ainsi permis de réduire de 250 millions d’euros le besoin de trésorerie.

Pour les trois premiers mois de l’année, le point bas se situera à 542 millions d’euros, ce qui justifie le maintien du plafond de 600 millions d’euros déjà voté l’an dernier. Toutefois, au 1er avril 2013, la mensualisation du versement des pensions sera mise en œuvre, de telle sorte qu’à compter de cette date, le plafond est abaissé à 400 millions d’euros, permettant de faire face à un point bas de trésorerie, début octobre, évalué à – 272 millions d’euros.

7. La Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF

Ce régime, qui bénéficie de l’autonomie de gestion depuis 2008, est structurellement équilibré par une subvention de l’État, d’un montant de près de 3,4 milliards d’euros en 2013. Mais son profil de trésorerie particulier, correspondant au décalage entre le versement des pensions, selon un rythme trimestriel, et l’encaissement des cotisations, selon un rythme mensuel, présente d’importants besoins au début de chaque trimestre, ce qui suppose donc de prévoir une autorisation d’emprunt.

En 2012, le point bas de trésorerie (– 670 millions d’euros) aurait été atteint en début d’année, pour un plafond de ressources non permanentes fixé à 650 millions d’euros (avec un plafond dérogatoire de 1,6 milliard d’euros du 1er au 15 janvier et du 15 au 31 décembre). Des lignes de crédit ont été ouvertes auprès de quatre établissements bancaires : Crédit agricole (250 millions d’euros), La Banque postale (140 millions d’euros), BRED (50 millions d’euros) et Crédit du Nord (50 millions d’euros).

Afin de faire face au contexte difficile des négociations de gestion de trésorerie avec les établissements financiers partenaires, un fractionnement du versement des pensions en deux acomptes et une mutualisation avec les fonds de trésorerie de la branche maladie du régime de la SNCF ont permis de limiter le creux de trésorerie, initialement prévu à – 1,5 milliard d’euros.

En 2013, le point bas de trésorerie serait atteint dès le début du mois de janvier mais, grâce à la reconduction du paiement fractionné des pensions, resterait comparable à celui de 2013 (– 692 millions d’euros). Dans ces conditions, il est proposé de fixer le plafond d’autorisation d’emprunt à 750 millions d’euros.

8. La Caisse de retraite du personnel de la RATP

Adossé au régime général fin 2005, le régime de retraite de la RATP est structurellement équilibré par une subvention de l’État (608 millions d’euros en 2013).

Pour 2012, le point bas de la trésorerie (– 2 millions d’euros) aurait été atteint début janvier, pour un plafond de 50 millions d’euros fixé en loi de financement. Il a été financé par un prêt d’un mois de la BRED à Euribor 3 mois + 40 points de base.

En 2013, le point bas (+ 1 million d’euros) est attendu mi-janvier, ce qui permet de réduire à 30 millions d’euros le plafond, fixé à 50 millions d’euros en loi de financement depuis 2007.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 77 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. Il serait économiquement plus responsable qu’EDF et GDF réforment le « tarif agent », qui, en 2010, a nécessité une provision à hauteur de 2,3 milliards d’euros.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable. Comme hier soir, vous remettez en question la possibilité de recourir à des ressources non permanentes pour préférer piocher dans les avantages acquis des salariés de la branche !

La Commission rejette l’amendement AS 77.

Puis elle adopte l’article 36 sans modification.

Elle adopte enfin la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, modifiée.

QUATRIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR 2013

Section 6

Dispositions relatives à la gestion interne des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement ainsi qu’au contrôle et à la lutte contre la fraude

Article 75

(art. L. 242-1-2, L. 243-7-5 [nouveau], L. 243-7-6 [nouveau], L. 243-7-7 [nouveau] du code de la sécurité sociale ; art. L. 725-3-2, L. 725-22-1 [nouveau] et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime)


Élargissement et majoration des redressements de cotisations sociales en cas de fraude

Le récent rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur la fraude sociale a montré que s’il était souvent question de fraude aux prestations, celle-ci, évaluée à 2 ou 3 milliards d’euros par an, demeurerait sans commune mesure avec la fraude aux cotisations sociales, de l’ordre de 14 milliards d’euros par an.

Le présent article vise donc à renforcer la lutte contre la fraude aux cotisations sociales et comprend trois mesures à cette fin : l’élargissement des modalités d’exploitation des procès-verbaux de travail dissimulé ainsi que la majoration du redressement de cotisations dû par l’employeur en cas de réitération d’une pratique non conforme à la législation, d’une part, et de constat d’un travail dissimulé, d’autre part.

1. L’élargissement des modalités d’exploitation des procès-verbaux de travail dissimulé

Les organismes chargés du recouvrement ne peuvent exploiter que de façon restrictive les procès-verbaux de travail dissimulé transmis par les inspecteurs et contrôleurs du travail, les officiers de police judiciaire et les agents des impôts et douanes. En effet, le redressement ne peut être opéré que sur une base forfaitaire, soit 3 500 à 4 000 euros par salarié en situation de travail dissimulé.

Le redressement au réel, sur la base des informations transmises, voire la taxation forfaitaire seraient souvent plus appropriés, mais ils ne sont actuellement possibles que si une nouvelle procédure de contrôle sur place est engagée par l’organisme de recouvrement. Il apparaît donc utile de faire en sorte que le redressement puisse être effectué sur la base de ces informations, pour peu qu’elles contiennent des précisions suffisantes sur la période d’emploi et le montant des rémunérations versées au salarié en situation de travail dissimulé.

C’est ce à quoi s’emploie le II du présent article, créant un nouvel article L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale. Désormais, les organismes de recouvrement pourront procéder au redressement des cotisations et contributions sociales dues sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis par les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail, c’est-à-dire les inspecteurs et les contrôleurs du travail, les officiers et agents de police judiciaire, les agents des impôts et des douanes, les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés, les officiers et les agents assermentés des affaires maritimes, les fonctionnaires des corps techniques de l’aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés, les fonctionnaires ou agents de l’État chargés du contrôle des transports terrestres et les agents de Pôle emploi chargés de la prévention des fraudes.

Il est à noter que cet élargissement se révèle favorable aux salariés en situation de travail dissimulé, dans la mesure où les conditions de validation des droits au titre de l’assurance vieillesse sont plus faciles à réunir en cas de redressement au réel qu’en cas de redressement forfaitaire.

2. La majoration du redressement de cotisations dû par l’employeur en cas de réitération d’une pratique non conforme à la législation

Actuellement, un employeur persistant, même intentionnellement, dans un comportement illégal à l’égard de ses obligations déclaratives n’encourt que la simple absence de remise de ses majorations de retard. De ce fait, certaines entreprises, plutôt que d’assurer la mise en conformité de leurs pratiques déclaratives, peuvent trouver leur intérêt à aller jusqu’à intégrer dans leur gestion du risque les conséquences financières d’un éventuel contrôle de l’organisme de recouvrement.

Dans le domaine fiscal, des sanctions ou majorations particulières sont prévues pour lutter contre de telles pratiques. Le II du présent article transpose ce dispositif dans le code de la sécurité sociale : il crée à cette fin un nouvel article L. 243-7-6, prévoyant que le montant du redressement des cotisations et contributions mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle de l’organisme de recouvrement sera majoré de 10 % en cas de constat d’absence de mise en conformité. Un tel constat sera dressé lorsque l’employeur n’aura pas pris en compte les observations notifiées lors d’un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non.

3. La majoration du redressement de cotisations dû par l’employeur en cas de constat d’un travail dissimulé

La majoration des cotisations dues suite à un constat de travail dissimulé apparaît limitée et manque de lisibilité. L’article R. 243-18 du code de la sécurité sociale prévoit, en effet, que la majoration de retard initiale passe de 5 % à 10 %, mais la pratique montre que cette sanction est insuffisamment dissuasive et inadaptée au préjudice causé aux finances sociales.

Le II du présent article introduit donc un nouvel article L. 243-7-6 dans le code de la sécurité sociale, afin que le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle ou dans le cadre d’un redressement opéré en application de l’article L. 243-7-5 (cf. supra) soit majoré de 25 % en cas de constat de travail dissimulé. Cette majoration présente un caractère indemnitaire en tant que compensation du préjudice subi par la sécurité sociale et sera donc notifiée indépendamment de l’engagement ou non de poursuites par le procureur de la République.

*

Le I du présent article procède à un toilettage du code de la sécurité sociale suite à l’entrée en vigueur du nouveau code du travail et le III transpose aux salariés agricoles, dans le code rural et de la pêche maritime, les dispositions du II applicables aux salariés du régime général.

L’étude d’impact jointe au présent projet de loi estime que compte tenu du délai moyen de recouvrement des redressements suite à contrôle et du délai de mise en œuvre de ces mesures, celles-ci pourraient avoir un impact financier à compter de 2014 (5 millions d’euros), croissant ensuite en 2015 (10 millions d’euros) et en 2016 (15 millions d’euros).

*

La Commission adopte les amendements rédactionnels AS 236 et AS 237 de M. Gérard Bapt, rapporteur

Elle adopte ensuite l’article 75 modifié.

Article 76

(art. L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale)


Annulation des exonérations des entreprises en cas de manquement à leurs obligations, en tant que donneur d’ordre, en matière de prévention du travail dissimulé

Le présent article vise à modifier les conditions requises pour l’annulation des exonérations de cotisations sociales des donneurs d’ordre en cas de travail dissimulé.

1. Le régime en vigueur

Les personnes bénéficiaires de contrats d’un montant de 3 000 euros ou plus portant sur l’exécution d’un travail, sur la fourniture d’une prestation de services ou sur l’accomplissement d’un acte de commerce par une autre personne sont soumises à des obligations en matière de travail dissimulé.

Ces obligations consistent à la fois en une obligation de vigilance qui contraint le donneur d’ordre à vérifier, au moment de la signature du contrat puis périodiquement jusqu’à la fin de son exécution, la situation de son sous-traitant en exigeant la production d’attestations et en en vérifiant l’authenticité et la validité (article L. 8222-1 du code du travail), et en une obligation de diligence, qui exige du donneur d’ordre ou maître d’ouvrage, sitôt informé d’une situation irrégulière, à enjoindre au sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation (article L. 8222-5 du même code).

Le manquement à ces obligations rend le donneur d’ordre solidairement tenu du paiement des impôts, taxes, contributions et cotisations dues par son sous-traitant et comptable du remboursement éventuel des aides publiques dont il aurait bénéficié.

Introduit par l’article 94 de la loi de financement pour 2010, l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale avait pour objectif de responsabiliser davantage encore le donneur d’ordre quant au respect de leurs obligations par ses sous-traitants. Pouvaient ainsi être annulées les exonérations et réductions de cotisations et contributions sociales applicables aux rémunérations des salariés employés par le donneur d’ordre au titre de la période de constatation du travail dissimulé. Toutefois, l’annulation n’était possible que si la complicité du donneur d’ordre avec son sous-traitant avait pu être établie par procès-verbal de travail dissimulé.

En pratique, la difficulté d’établir la complicité du donneur d’ordre avec son sous-traitant au moment du contrôle, alors qu’elle peut être plus facilement mise au jour par une enquête judiciaire, a cependant rendu cette disposition peu opérante.

2. Un remboursement des exonérations en cas de manquement par le donneur d’ordre à ses obligations de vigilance et de diligence

Procédant à une rédaction globale de l’article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, le présent article aligne, en matière de travail dissimulé, le régime des exonérations sociales sur celui du remboursement des aides publiques dont le donneur d’ordre a également pu bénéficier.

La condition préalable d’établissement de la complicité entre le donneur d’ordre et son sous-traitant pour exiger le remboursement des exonérations est ainsi abandonnée. Désormais, si le donneur d’ordre (ou, le cas échéant, le maître d’ouvrage) a manqué à ses obligations de vigilance et de diligence alors que son sous-traitant a recouru au travail dissimulé, l’organisme de recouvrement pourra procéder à l’annulation des réductions ou exonérations des cotisations et contributions dont le donneur d’ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.

Il est procédé à l’annulation dans les mêmes conditions que celles s’appliquant aux employeurs ayant eux-mêmes directement recouru au travail dissimulé (article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale). L’annulation s’appliquera pour chacun des mois au cours desquels la méconnaissance de ses obligations par le donneur d’ordre aura été constatée, mais le montant global de cette sanction administrative ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.

Enfin, les modalités d’application de cette annulation, notamment la manière dont est assuré le respect du principe du contradictoire, sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

*

La Commission adopte l’article 76 sans modification.

Après l’article 76

Les amendements AS 4 à AS 6 de M. Arnaud Robinet et AS 171 à AS 175 de M. Fernand Siré ne sont pas défendus.

La Commission est saisie de l’amendement AS 94 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. Le présent amendement vise à limiter le contentieux né des imperfections qui marquent le dispositif de contrôle de la tarification à l’activité en proposant que les commissions de contrôle soient constituées à parité de représentants des financeurs et de représentants des fédérations hospitalières publiques ou privées.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. Je ne nie pas que les contrôles des caisses d’assurance maladie et les sanctions des agences régionales de santé sont mal vécus par les personnels hospitaliers. Cependant, la solution que vous proposez est inopérante, les établissements ne pouvant être à la fois juge et partie. Par ailleurs, la situation s’est améliorée depuis la parution du décret du 29 septembre 2011 qui introduit un principe de compensation entre surfacturations et sous-facturations et fixe un montant maximal des sanctions. En outre, une circulaire du 20 octobre 2011 a fixé un délai d’un an entre deux contrôles dans le même établissement et portant sur le même champ.

La Commission rejette l’amendement AS 94.

Elle examine ensuite l’amendement AS 95 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement vise à permettre aux établissements de santé de demander au directeur général de l’agence régionale de santé de saisir l’Agence technique de l’information hospitalière, l’ATIH, afin d’obtenir son avis sur les manquements aux règles de facturation, erreurs de codages ou absences de réalisation d’une prestation facturée qui leur sont reprochés. La saisine de l’ATIH serait en ce cas obligatoire.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Un tel amendement ne ferait que rallonger inutilement les procédures en imposant un avis supplémentaire. De plus, si l’ATIH devait se prononcer sur les cas individuels, cette seule tâche absorberait la totalité de ses moyens. Je vous renvoie enfin aux garde-fous réglementaires que j’ai cités précédemment. Pour toutes ces raisons, je vous propose de rejeter cet amendement.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement est plus important que vous ne le dites, monsieur le rapporteur. il vise en effet à mettre à la disposition des établissements de santé un moyen de se défendre rapidement quand ils sont mis en cause par les caisses d’assurance maladie en raison d’erreurs de codage ou de facturations. Dans ce dispositif, l’ATIH jouerait le rôle d’un arbitre.

M. Gérard Bapt, rapporteur. On ne peut pas nier la réalité du problème que vous évoquez, pas plus qu’on ne peut nier qu’il y a parfois des sous-facturations, du fait notamment des insuffisances des systèmes d’information. La solution est à rechercher plutôt dans une harmonisation des procédures de recouvrement, et c’est ce que le gouvernement précédent a cherché à faire. Ensuite, il faut que les médecins en charge de l’informatique médicale dans les établissements ajustent au mieux la tarification à l’activité. Il peut certes y avoir des erreurs, mais l’agence régionale de santé joue déjà un rôle de juge de paix. En tout état de cause, ni la mission ni les moyens de l’ATIH ne lui permettent d’assumer la médiation que vous souhaitez.

M. Jean-Pierre Door. Nous ne voyons pas le mal partout. Mais nous estimons que la direction de l’hôpital, lorsqu’elle rencontre des difficultés avec les médecins contrôleurs de la caisse, aurait intérêt à recourir à un arbitre qui viendrait se pencher sur les résultats de l’hôpital.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne suis pas opposé à l’idée d’un arbitrage, mais je pense que l’ATIH n’a pas à occuper cette position d’arbitre. Ce pourrait être, par exemple, un consultant externe qui serait accepté par les deux parties. Encore faut-il que le litige soit important ; sinon, l’affaire se terminera par des compromis. Le mieux serait toutefois que les départements d’information médicale et les systèmes d’information soient suffisamment efficients pour éviter ce genre de litiges.

La Commission rejette l’amendement AS 95.

Elle examine ensuite l’amendement AS 102 de M. Dominique Tian.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement concerne la justification des arrêts de travail qui génèrent des indemnités journalières. Ces dernières ont connu une croissance forte – 13 milliards d’euros en 2011. Le dispositif d’une contre-visite effectuée à l’initiative de l’employeur, qui existe depuis de longues années maintenant, a été rendu plus efficace par de récentes modifications législatives. La Cour des comptes a estimé qu’on pouvait aller encore plus loin et a signalé le manque manifeste de coordination entre les différents intervenants. Sur la base des recommandations de la Cour, notre amendement vise précisément à améliorer ce dispositif.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Si j’ai bien compris votre amendement, le médecin qui a effectué une contre-visite à la demande de l’employeur pourrait conclure à l’absence de justification médicale d’un arrêt de travail, ce qui aboutirait à la suspension des indemnités journalières. Cette procédure serait mise en place sans contrôle, sans l’aval d’un médecin conseil et sans recours possible.

Mme Isabelle Le Callennec. Le médecin transmettrait directement son rapport au service du contrôle médical de la caisse.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Et la caisse, sans faire intervenir son propre médecin contrôleur, pourrait suspendre le versement des indemnités journalières. Ce dispositif accéléré, qui exclut toute expertise médicale, est dangereux et abusif. Il générerait bien des actions en justice. Je vous signale que l’assurance-maladie a déjà diligenté des procédures, destinées à intervenir auprès des médecins qui prescrivent de trop nombreux arrêts de travail. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 102.

Elle adopte ensuite la quatrième partie du projet de loi.

Elle adopte enfin l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 modifié.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) – M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d’administration

Ø Agence France Trésor – M. Philippe Mills, directeur général, Mme Maya Atig, directrice-adjointe de l’Agence France Trésor, et M. Arnaud Delaunay, responsable de la gestion de la trésorerie

Ø Délégation nationale à la lutte contre la fraude – M. Benoît Parlos, délégué national, et Mme Armelle Beunardeau, chargée de mission

Ø Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) – M. Philippe Renard, directeur, et M. Didier Malric, directeur délégué

Ø URSSAF de Paris et de la région parisienne – M. Vincent Ravoux, directeur général, et Mme Aurélie Naud-Bruyères, directeur du contrôle

Ø Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – M. François Joliclerc, secrétaire national pour la protection sociale, Mme Martine Vignau, secrétaire nationale, et M. Jean-Louis Besnard, conseiller national

Ø Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Jean Lardin, président, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

Ø Confédération générale du travail (CGT) – M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral

Ø Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) – M. Jean-Eudes Tesson, président du conseil d’administration, M. Pierre Ricordeau, directeur, M. Benjamin Ferras, secrétaire général du conseil d’administration et directeur de cabinet, et M. Alain Gubian, directeur de la direction financière et de la direction des statistiques, des études et de la prévision

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral, et M. Jean-Michel Lebas, en charge de l’ACOSS

Ø Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale chargée du pôle protection sociale, et Mme Anne Bernard, chef du service Économie et protection sociale

Ø Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – M. Jean-Louis Deroussen, président, M. Hervé Drouet, directeur, Mme Christine Chambaze, directrice du département des statistiques et des études, et Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec le Parlement

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Philippe Le Clezio, secrétaire confédéral chargé du financement de la protection sociale

Ø Force ouvrière (FO) – M. Jean-Marc Bilquez, secrétaire confédéral chargé de la protection sociale, Mme Marie-Claude Poggi, assistante Assurance maladie, et M. Patrick Brillet, administrateur de la CNAF

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Jean-François Pilliard, président de la commission Protection sociale, Mme Valérie Corman, directrice de la protection sociale, et Mme Laurence Durand-Mille, chargée de mission à la direction des affaires publiques

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales

Ø Régime social des indépendants (RSI) – M. Gérard Quévillon, président, Mme Stéphanie Deschaume, directrice de cabinet du directeur général, et M. Olivier Maillebuau, attaché de direction

Ø Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) – M. Gérard Pelhate, président du conseil d’administration, M. Michel Brault, directeur général, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

© Assemblée nationale

1 () Définis depuis la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la CNRACL.

2 () Loi de finances n° 61-1393 du 20 décembre 1961.

3 () Loi n° 69-1137 du 20 décembre 1969.

4 () Ordonnance n° 82-298 du 31 mars 1982 relative à la cessation progressive d’activité.

5 () Elles étaient assises sur le montant des rémunérations soumises à retenues pour les retraites de la CNRACL. Le taux était fixé à 0,5 % depuis le 1er janvier 2002.

6 () Article L. 136-2, III, 2° du code de la sécurité sociale.

7 () La question de l’imposition exclusive des revenus salariaux a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Dans sa décision n° 2011-148/154 QPC du 22 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif prévu à l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles. Le juge constitutionnel a notamment considéré que la contribution de solidarité était destinée à produire, pour les employeurs, un effet équivalent à la suppression d’un jour férié chômé, pour ce qui concerne les salariés et qu’il était loisible au législateur de faire spécialement appel à l’effort des salariés du secteur privé et du secteur public bénéficiant d’un régime de rémunération assorti d’une limitation de la durée légale du temps de travail. Dans ce cadre, la contribution acquittée par l’employeur étant « remboursée » par le gain associé à la journée de travail non rémunérée des salariés, ce sont bien ces derniers qui contribuent au financement de la CNSA.

8 () Le revenu fiscal de référence de l’année n-2 est déterminé en fonction du nombre de parts du quotient familial et du département concerné (France métropolitaine, Martinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane). Le seuil d’assujettissement à la taxe d’habitation est par exemple, en métropole, de 10 024 € par part + 2 676 € pour une demie part ou + 1 338 € pour un quart de part supplémentaire.

9 () Les autres droits spécifiques, c’est-à-dire ceux qui se rapportent aux agents travaillant dans les activités concurrentielles et ceux qui sont constitués à partir du 1er janvier 2005, sont financés par les entreprises des IEG.

10 () La CMUc prend en charge le ticket modérateur pour les soins de ville et hospitaliers et le forfait journalier. Au-delà des tarifs de l’assurance maladie, des forfaits de dépassements pour les lunettes, les prothèses dentaires, les dispositifs médicaux, les audioprothèses sont également pris en charge. Le bénéficiaire de la CMUc est exonéré de la participation forfaitaire de 1 euro et des franchises médicales. En l’absence de dispositions réglementaires, les majorations pour non-respect du parcours de soins sont à la charge des organismes gestionnaires.

11 () Article L. 14-10-2 du code de l’action sociale et des familles.