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N
° 931

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 avril 2013

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 426)
autorisant la ratification du traité instituant un partenariat
de
défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire

PAR M. Bernard DEFLESSELLES

Député

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 426, 994.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. L’INDISPENSABLE MISE À JOUR DE NOS PARTENARIATS DE DÉFENSE AVEC LES PAYS AFRICAINS 6

A. La réorganisation de la présence militaire française au profit d’une coopération régionale 6

1. Un dispositif militaire considérablement allégé 6

2. Le soutien à l’Architecture africaine de paix et de sécurité 7

B. Une refonte complète de nos partenariats de défense initiée par le livre blanc de 2008 8

1. La réorganisation des bases militaires françaises en Afrique 8

2. La renégociation des accords de défense sur des principes nouveaux 9

II. LE TRAITÉ DE DÉFENSE AVEC LA CÔTE D’IVOIRE : UN PARTENARIAT GLOBAL POUR UN PAYS EN PLEINE RECONSTRUCTION 13

A. Un partenaire de premier plan pour la France 13

1. Un outil de défense à reconstruire 13

2. La force Licorne : un outil stratégique pour la France 15

3. Une coopération bilatérale qui redémarre 17

B. Le contenu du traité de défense 20

1. Les principes généraux du traité 20

2. Le statut du personnel 21

3. Autres dispositions 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

ANNEXES 25

ANNEXE 1 : Personne auditionnée par le rapporteur 25

ANNEXE 2 : Résolution 1528 du 27 février 2004 du Conseil de sécurité des Nations unies 27

ANNEXE 3 : Résolution 2062 du 26 juillet 2012 du Conseil de sécurité des Nations unies 33

ANNEXE 4 :  Accord de défense du 24 avril 1961 39

ANNEXE 5 : Accord d’assistance militaire technique du 24 avril 1961 43

ANNEXE 6 : Convention fixant les règles et conditions du concours de la République française au soutien logistique des forces terrestres, des forces aériennes et de la gendarmerie de la République de Côte d’Ivoire, signée le 8 avril 1965 50

INTRODUCTION

La France et la Côte d’Ivoire ont signé, le 26 janvier 2012, un traité instituant un partenariat de défense. Ce traité fait partie d’une série de huit, destinés à remplacer les accords signés au lendemain des indépendances africaines avec certaines anciennes colonies françaises. Outre la Côte d’Ivoire, il s’agit du Cameroun, de la République centrafricaine, des Comores, de Djibouti, du Gabon, du Sénégal et du Togo (1).

Cette révision des accords de défense s’inscrit dans le cadre de la rénovation de la relation entre la France et le continent africain, dont elle constitue un des éléments. Elle traduit dans les textes les orientations fixées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 : rebâtir la présence militaire française en Afrique sur des bases nouvelles, adaptées au temps présent et aux enjeux stratégiques de l’ensemble du continent.

Conformément à l’engagement du Président Sarkozy et à la volonté exprimée par le Parlement lors de la discussion de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, ces accords de défense ont été, pour la première fois, soumis au Parlement. Cette démarche permet de mieux associer le Parlement aux grandes orientations de la politique étrangère et de défense de la France.

Aujourd’hui, la France et la Côte d’Ivoire sont liées par un accord de défense du 24 avril 1961, un accord d’assistance militaire technique du 24 avril 1961 et une convention fixant les règles et conditions du concours de la France au soutien logistique des forces ivoiriennes du 8 avril 1965.

Ce traité de défense avec la Côte d’Ivoire a pour objectif de moderniser le cadre juridique de notre relation de défense en regroupant dans un seul texte les différents volets de celle-ci, notamment la coopération militaire technique et la présence de forces françaises sur le sol ivoirien.

Pour un pays qui sort exsangue de dix années de crise, la reconstruction de l’outil de défense et de sécurité est une priorité pour consolider l’État de droit. Grâce à son importante présence militaire sur place, la France est pleinement engagée, aux côtés de son partenaire, sur cette voie. La conduite de l’opération Serval au Mali depuis de début de l’année a par ailleurs mis en valeur le bénéfice stratégique que la France pouvait tirer de sa présence dans cette partie du continent africain.

I. L’INDISPENSABLE MISE À JOUR DE NOS PARTENARIATS DE DÉFENSE AVEC LES PAYS AFRICAINS

Les liens forts que la France entretient avec beaucoup de pays africains, riches d’une longue histoire commune, reposaient principalement, en matière de défense, sur des accords conclus au lendemain des indépendances de ces États.

Compte tenu de l’intérêt stratégique que représente l’Afrique aujourd’hui pour un grand nombre de puissances mondiales, une mise à jour de nos partenariats de défense était donc indispensable. Elle doit permettre une mise en conformité de ces textes avec la démarche adoptée par la France depuis quelques années, réaffirmée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 : le soutien à la mise en place d’une démarche collective de paix et de sécurité africaine.

A. LA RÉORGANISATION DE LA PRÉSENCE MILITAIRE FRANÇAISE AU PROFIT D’UNE COOPÉRATION RÉGIONALE

1. Un dispositif militaire considérablement allégé

La présence militaire française en Afrique traduit depuis son origine la solidarité de la France avec ses anciennes colonies. Déployées au début des années soixante pour encadrer les jeunes armées africaines, les forces de présence constituaient également pour les nouveaux États francophones du continent une garantie de préservation de leur souveraineté.

Les bases étaient stationnées au Sénégal, à Madagascar, en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Gabon et à Djibouti et l’effectif des forces françaises permanentes comptait à l’origine près de 30 000 hommes. Cet effectif n’a cessé de baisser depuis : de 20 000 hommes dans les années soixante-dix, il est passé à 15 000 à la fin des années quatre-vingt pour se situer aujourd’hui à un peu plus de 5 000.

Cette déflation continue des effectifs trouve son explication dans l’évolution des missions des militaires français, en conformité avec le nouveau contexte international issu de la fin de la Guerre froide.

De forces de présence destinées à former les armées et à garantir la souveraineté des États hôtes, les forces françaises en Afrique sont devenues, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, le premier niveau de réaction des forces françaises aux crises africaines et ont eu pour principale mission de préparer l’engagement de détachements plus conséquents. Puis, à partir de 1997, elles ont été orientées vers des missions de partenariat au travers du concept initié par la France, du programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP).

Ce programme vise à aider les Africains à se doter des moyens de concevoir et de mener de manière autonome des opérations de maintien de la paix sur le continent sous l’égide de l’ONU, en accord avec l’Union africaine et les organisations sous-régionales (2). Le principe du programme RECAMP est d’être ouvert aux armées des États voisins des régions d’implantation des forces françaises. Il comporte un important volet formation, qui s’appuie notamment sur le réseau des 17 écoles nationales à vocation régionale (ENRV) implantées en Afrique. Il organise des cycles réguliers d’entraînement.

2. Le soutien à l’Architecture africaine de paix et de sécurité

En 2006, la France a proposé à ses partenaires africains de faire évoluer son dispositif militaire permanent en Afrique pour accompagner la mise sur pied de l’Architecture africaine de paix et de sécurité.

L’Architecture africaine de paix et de sécurité

À la suite du sommet de Durban, en 2002, les États africains ont défini une Architecture de paix et de sécurité, qui se met progressivement en place depuis. Conjuguant approche préventive et gestion de crises, elle s’appuie sur les instruments suivants :

– le Conseil de paix et de sécurité (CPS). Organe pivot de l’Union africaine en matière de paix et de sécurité, il est installé depuis mai 2004 et tient une cinquantaine de réunions par an. Il est composé de quinze pays élus pour deux ans (dix membres) ou trois ans (cinq membres), avec une présidence tournante. Prenant des décisions sur les crises du continent, il a acquis au fil des années une véritable autorité ;

– la Force africaine en attente (FAA), composée de cinq brigades régionales adossées aux cinq organisations sous-régionales. Chaque région doit comprendre un état-major permanent, une brigade en attente un dépôt logistique militaire. Au niveau de la commission de l’Union africaine, un état-major à vocation continentale et une base logistique militaire doivent être mises en place ;

– un système continental de veille et d’alerte précoce, réseau de veille et de communication assurant, au profit des différents échelons, une information rapide, autonome et sécurisée. Ce réseau n’est pas encore pleinement connecté avec les réseaux régionaux existants ;

– un groupe de sages, composé de cinq personnalités africaines de premier plan, mis en place depuis décembre 2007, qui doit jouer un rôle de diplomatie préventive. Il ne semble pas avoir réussi pour l’instant à s’imposer comme un acteur incontournable de l’Architecture de paix et de sécurité ;

– le comité d’état-major, composé des attachés de défense des États représentés au CPS, est chargé d’aider le CPS dans ses décisions impliquant des composantes militaires. Il se réunit rarement.

La France apporte son soutien par la mise à disposition de conseillers auprès des différentes structures, tant à l’Union africaine que dans les organisations sous-régionales, l’envoi de missions d’expertise ponctuelles au profit des brigades régionales, le soutien financier (200 000 euros) au cycle de formation Amani Africa ainsi que par des missions d’appui technique ponctuelles fournies par les forces prépositionnées.

La présence française a en outre été réorganisée pour jumeler les grands commandements français interarmées aux quatre principales organisations sous-régionales africaines : l’état-major interarmées des forces françaises du Cap vert au Sénégal et la CEDEAO ; l’état-major interarmées des forces françaises au Gabon et la CEEAC, l’état-major interarmées des forces françaises de Djibouti et l’IGAD, le commandement supérieur de la zone Sud de l’océan Indien et la SADC.

Les forces françaises prépositionnées en Afrique (et les forces armées de la zone Sud de l’océan Indien) ont désormais une mission prioritaire de prévention des crises et de stabilisation régionale, par le soutien à la montée en puissance des brigades de la Force africaine en attente et l’appui à l’engagement des contingents africains dans les domaines de l’équipement, de la formation, de l’entraînement, du soutien et des relèves. Elles conservent leur rôle dans l’application éventuelle des accords de défense au profit des États hôtes et la mise en œuvre d’une base de soutien à vocation interarmées au profit des forces françaises en cas d’intervention. Comme par le passé, nos forces ont également pour mission de contribuer à la protection des intérêts français sur le continent (25 opérations d’évacuation de ressortissants ont été conduites par la France depuis la fin des années quatre-vingt).

B. UNE REFONTE COMPLÈTE DE NOS PARTENARIATS DE DÉFENSE INITIÉE PAR LE LIVRE BLANC DE 2008

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 avait placé l’Afrique au premier rang de la stratégie de prévention de la France pour les quinze années à venir, la prévention étant destinée à « éviter l’apparition ou l’aggravation de menaces contre notre sécurité. »

Qu’il s’agisse de risques de conflits, régionaux ou interethniques, de la menace terroriste dans les États de la zone sahélienne ou encore de la piraterie en Somalie, « les problèmes de sécurité des pays africains intéressent en effet, directement ou indirectement, la France et l’Europe ». Les enjeux liés à l’approvisionnement en matières premières stratégiques ainsi que l’importance des trafics transitant par l’Afrique vers l’Europe ne peuvent pas non plus laisser la France indifférente.

1. La réorganisation des bases militaires françaises en Afrique

Le Livre blanc avait souligné l’intérêt pour la France des forces prépositionnées : elles confèrent des avantages opérationnels dépassant le seul champ de la fonction de prévention ; elles contribuent au soutien et à l’aide logistique des interventions et aux actions de protection et d’évacuation de ressortissants ; elles permettent de conduire, pour nos forces et celles de nos partenaires, des exercices en commun, utiles en termes de préparation, d’entraînement et d’aguerrissement.

Le même Livre blanc prévoyait cependant leur reconfiguration, la France n’ayant plus vocation à être militairement présente en permanence sur les mêmes bases et devant « être capable de redéployer et de concentrer rapidement son action pour agir efficacement ».

« La France procédera donc à la conversion progressive de ses implantations anciennes en Afrique, en réorganisant ses moyens autour, à terme, de deux pôles à dominante logistique, de coopération et d’instruction, un pour chaque façade, atlantique et orientale, du continent, tout en préservant une capacité de prévention dans la zone sahélienne. Il s’agit de concentrer nos moyens tout en maintenant notre présence, là où elle est souhaitée, et une couverture stratégique des zones de prévention et d’action. Une importance accrue sera accordée aux moyens de surveillance aérienne et maritime à partir de ces points d’appui ».

Le Conseil de défense de février 2010 a traduit concrètement les objectifs à atteindre : de 6 500 militaires en 2011, le dispositif français permanent sera réduit à 4 100 militaires à l’horizon 2014. Il s’appuiera ainsi sur :

– deux bases opérationnelles avancées, sur chaque façade continentale de l’Afrique, à Djibouti et à Libreville, au Gabon ;

– deux pôles opérationnels de coopération, qui serviront de point d’appui, logistique et opérationnel, à Dakar, au Sénégal, et, à terme, à N’Djamena, au Tchad.

La base des forces françaises à Abou Dhabi pourra servir d’appui logistique.

La plus grande part de la déflation structurelle, soit plus de 1 000 postes militaires, a été opérée dès l’été 2011. Elle a été obtenue essentiellement par la dissolution ou le départ d’unités opérationnelles (dissolution du 23e BIMa au Sénégal et départ de la 13e DBLE de Djibouti). L’effort de réduction restant à accomplir, environ 500 postes militaires a fait l’objet d’un plan de déflation progressif jusqu’en 2014, affiné annuellement.

2. La renégociation des accords de défense sur des principes nouveaux

Dans son discours devant le Parlement sud-africain, au Cap, le 28 février 2008, le Président Nicolas Sarkozy avait énoncé les quatre principes sur lesquels devait reposer la refondation du partenariat entre la France et l’Afrique :

– les accords de défense « doivent refléter l’Afrique d’aujourd’hui et pas l’Afrique d’hier », ce qui signifie qu’ils doivent désormais reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains ;

– les relations seront fondées sur le principe de la transparence, c’est-à-dire que tous les accords de défense entre la France et les pays africains seront intégralement publiés et soumis au Parlement ;

– la présence militaire française doit servir en priorité à aider l’Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective ;

– l’Europe, enfin, doit devenir un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de sécurité, dans la lignée du partenariat conclu entre l’Union européenne et l’Union africaine au sommet de Lisbonne du 7 décembre 2007.

« Une Europe forte a besoin d’une Afrique forte », avait-t-il conclu.

Ces orientations ont été déclinées dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de juin 2008 qui a précisé que ces nouveaux accords auraient pour objet de fonder « une relation de coopération nouvelle ne reposant plus sur l’assistance militaire, mais sur un partenariat de défense et de sécurité ».

Dès le printemps 2008, un groupe de travail mixte, composé de représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère de la défense a été constitué pour réviser les accords de défense conclus avec huit pays africains (3). Il a effectué entre le printemps et l’été 2008 une mission de prise de contact dans les différents pays concernés avant de s’atteler à la rédaction des projets d’accords.

Un modèle d’accord de partenariat de défense destiné à servir de base aux négociations pour l’ensemble des pays concernés a ainsi été élaboré. Ce modèle se décline en deux accords type, selon que la France dispose ou non de forces militaires présentes dans le pays concerné. Si c’est le cas, l’accord comporte une annexe précisant les facilités accordées par le pays hôte pour la vie courante et l’entraînement des troupes.

Le nouveau modèle ne comporte plus, à l’exception de Djibouti, de stipulation impliquant une assistance de la France en cas d’agression extérieure ou de clause relative au maintien de l’ordre.

La suppression de la clause relative au maintien de l’ordre, à laquelle aucun des huit pays signataires n’a fait appel depuis leur indépendance, répond aux principes du Livre blanc : « Les clauses ou conventions relatives aux possibilités d’intervention de la France en vue du maintien de l’ordre dans certains pays, tels la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Togo, seront abrogées ».

La suppression de la clause d’assistance mutuelle vise à réserver à la partie française la liberté d’apporter son concours à un partenaire pour sa défense extérieure et d’inscrire ce soutien, le cas échéant, dans le cadre des systèmes de sécurité collective de l’ONU et de l’Union africaine.

Cette clause d’assistance mutuelle avait été invoquée à neuf reprises par quatre pays depuis un demi-siècle, et seulement au cours des quinze dernières années : le Cameroun (opération Aramis, 1996), les Comores (opérations Azalé 1 et 2, 1995), Djibouti (opération Khor Angar, 1999) et la République centrafricaine (opérations Almandin 1, 2 et 3, 1996 et 1997, Cigogne, 1997 et Boali, 2003).

Conformément à ce que prévoyait le Livre blanc, ces accords de défense sont, pour la première fois, soumis au Parlement, pour faire l’objet de « procédures d’approbation ou de ratification lorsque la Constitution le prévoit ». Selon l’article 53 de la Constitution, « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés ».

La mise en œuvre et le suivi des accords de défense sont assurés conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense.

Le ministère des affaires étrangères, par l’intermédiaire de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) s’occupe de la coopération structurelle, c’est-à-dire du soutien à la modernisation et à la restructuration des armées et forces de sécurité intérieure et la formation du personnel. La DCSD, qui prend ainsi en charge environ 300 projets de coopération, dispose pour cela d’un budget d’un peu plus de 100 millions d’euros.

La coopération opérationnelle, qui concerne l’entraînement opérationnel et l’engagement des armées ou forces de sécurité partenaires, relève en revanche de l’état-major des armées. Elle recouvre la formation collective d’unités constituées, la mise en condition opérationnelle d’unités militaires étrangères, les relations d’état-major ou encore la contribution au soutien aux exportations.

II. LE TRAITÉ DE DÉFENSE AVEC LA CÔTE D’IVOIRE : UN PARTENARIAT GLOBAL POUR UN PAYS EN PLEINE RECONSTRUCTION

La signature du traité ouvre une nouvelle page de la relation militaire bilatérale qu’entretiennent la France et la Côte d’Ivoire depuis de nombreuses années.

Ce partenariat doit permettre à ce pays ami de répondre avec efficacité aux nombreux défis inhérents à une sortie de crise : restructuration de son outil de défense, restauration de l’État de droit et réintégration dans l’architecture de paix et de sécurité régionale.

Pour la France, l’appui logistique que constitue sa base de Port-Bouët, qui héberge la force Licorne, a montré toute son utilité depuis le déclenchement de l’opération Serval au Mali. La constitution d’un second pôle de stabilité francophone en Afrique de l’Ouest, avec le Sénégal, est d’autant plus importante dans le contexte de crise en région sahélienne.

Compte tenu du poids économique et de l’influence de la Côte d’Ivoire au sein de la CEDEAO et des pays de l’Union économique et monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), ce partenariat permet de soutenir activement dans le domaine de la sécurité un pays-pilier de cette région africaine.

A. UN PARTENAIRE DE PREMIER PLAN POUR LA FRANCE

1. Un outil de défense à reconstruire

Selon un des interlocuteurs du rapporteur, la Côte d’Ivoire ressemble aujourd’hui à un « pays qui a eu un tremblement de terre et en subit encore les secousses ». Après presque dix années de guerre civile (cf. encadré infra), l’appareil de défense et de sécurité est à reconstruire intégralement.

Cela est d’autant plus difficile pour un pays qui ne disposait, avant la crise, que d’une petite armée, sa sécurité extérieure étant alors assurée par les accords de défense conclus avec la France.

Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire doit s’approprier la réforme de son secteur de la sécurité à laquelle la France contribue, et conduire une politique de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR), au bénéfice des populations ivoiriennes mais également pour les ressortissants et investisseurs étrangers afin de stimuler la relance économique du pays.

L’un des grands défis à relever est de surmonter les antagonismes qui existent au sein des forces armées ivoiriennes.

Pendant toute la crise, deux armées ont en effet cohabité : les Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire (FDSCI) au Sud, et les Forces armées des Forces nouvelles, au Nord (FAFN). Elles ont été agrégées par le Président Ouattara le 10 mars 2011 dans les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FCRI).

Le président Ouattara avait initialement formulé un objectif d’une armée à 31 000 hommes mais, pour éviter des troubles liés à une déflation brutale des effectifs, il a conservé la quasi-totalité du personnel, soit un peu plus de 40 000 hommes. L’amalgame au sein des unités existe en théorie mais la cohabitation reste difficile. Le brassage demeure incomplet et la confusion est générale entre les différentes catégories de personnel (ex-FAFN, FCRI, nouveaux recrutés…)

Les besoins en matière d’équipement sont très importants, le pays étant sous embargo depuis une dizaine d’années.

Dix années de crise

La Côte d’Ivoire a connu une grave crise politico-militaire après la tentative de coup d’État opérée par une rébellion armée en septembre 2002. La France, puis la CEDEAO, ont envoyé d’importants contingents militaires pour séparer les belligérants. Cette interposition a permis d’éviter une guerre civile et de nombreux massacres. Depuis le cessez-le-feu de 2003, la Côte d’Ivoire vivait au rythme d’un processus de sortie de crise pour lequel l’organisation d’élections présidentielles et législatives justes, transparentes, libres et démocratiques constituait une étape décisive.

La communauté internationale s’est largement investie depuis 2003 afin de progresser dans cette voie. Le Conseil de sécurité des Nations unies a ainsi créé par la résolution 1528 du 27 février 2004 une opération de maintien de la paix, l’ONUCI, soutenue par la force française Licorne, pour prendre le relais des contingents de la CEDEAO et accompagner le processus de paix (cf. annexe 2).

Le processus de paix a connu un brutal coup d’arrêt en novembre 2004, lorsque les forces loyalistes ont rompu le cessez-le-feu en lançant une offensive au cours de laquelle neuf soldats français ont été tués. La communauté française a alors été victime de nombreuses exactions et une partie a été évacuée (plus de 8 000 personnes). À la suite de ces événements, le Conseil de sécurité a décidé un embargo sur les armes, prévu un mécanisme de sanctions individuelles et renforcé le mandat de l’ONUCI.

Après l’échec successif des accords de Marcoussis, Accra et Pretoria, le nouveau président de la CEDEAO, le Président burkinabé Blaise Compaoré a organisé un dialogue direct inter-ivoirien qui a abouti à la signature, par le chef des Forces nouvelles, Guillaume Soro, et Laurent Gbagbo, 4 mars à Ouagadougou un accord sur un processus de transition conduisant à des élections fin 2007.

Dans ce contexte, le mandat des forces impartiales a été régulièrement renouvelé en vue d’accompagner la mise en œuvre de l’accord politique de Ouagadougou et d’aider à l’organisation des élections. Dans ce sens, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies (RSSGNU), M. Choi, avait la mission de certifier le processus électoral.

À l’issue des opérations de recensement et de validation des listes électorales, le premier tour de l’élection présidentielle s’est déroulé le 31 octobre 2010 et le président sortant Laurent Gbagbo et l’ex-Premier ministre Alassane Ouattara ont recueilli respectivement 38,30 % et 32,08 % des suffrages au premier tour. À l’issue du second tour qui s’est tenu le 28 novembre, alors que la Commission électorale indépendante (CEI) avait annoncé la victoire d’Alassane Ouattara avec 54,1 % des voix, le Conseil constitutionnel a invalidé la décision de la CEI et déclaré Laurent Gbagbo vainqueur.

Le RSSGNU, M. Choi, a, dans le cadre de son mandat de certification, validé les résultats proclamés par la CEI. La communauté internationale a alors logiquement reconnu Alassane Ouattara comme le Président élu et légitime de Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo s’est toutefois maintenu au pouvoir en nommant son propre « gouvernement » et en opérant un blocus de l’Hôtel du Golf où étaient installés le Président Ouattara et le gouvernement légitime.

Le Conseil de sécurité a adopté le 20 décembre 2010 à l’unanimité la résolution 1962 prolongeant pour une durée de 6 mois le mandat de l’ONUCI. Face au refus persistant de l’ancien président de quitter le pouvoir, l’Union européenne a pris des sanctions ciblées contre Laurent Gbagbo, son entourage et ceux qui le financent. Les États-Unis et le Canada ont également pris des sanctions individuelles. L’Union africaine avait exclu la Côte d’Ivoire de ses instances jusqu’à l’arrivée au pouvoir effectif d’Alassane Ouattara. Le Conseil des droits de l’homme à Genève a créé le 25 mars 2011 une commission d’enquête indépendante pour enquêter sur les exactions en Côte d’Ivoire. La Cour pénale internationale a affirmé à plusieurs reprises suivre de près la situation.

Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, ex-Forces nouvelles), favorables au Président Ouattara, ont finalement lancé le 28 mars 2011 une offensive d’envergure. Après avoir rapidement pris le contrôle de la majeure partie du pays, elles se sont engagées, le 31 mars au soir, dans Abidjan, où s’étaient retranchés les derniers éléments armés favorables à Laurent Gbagbo, notamment autour du palais présidentiel où elles leur ont opposé une forte résistance. Le Conseil de sécurité a adopté le 30 mars 2011, à l’unanimité, la résolution 1975 par laquelle il a autorisé l’ONUCI, soutenue par la force Licorne, comme le prévoit la résolution 1962, à « utiliser tous les moyens nécessaires pour s’acquitter de la tâche qui lui incombe de protéger les civils […], y compris pour empêcher l’utilisation d’armes lourdes contre la population civile ». Le 4 avril 2011, l’ONUCI et Licorne (sur demande expresse du SGNU) ont mis en œuvre cette résolution en attaquant les sites d’armes lourdes menaçant les civils. Laurent Gbagbo a été arrêté, ainsi que son épouse, dans sa résidence d’Abidjan par les FRCI le 11 avril et a été transféré à l’Hôtel du Golf.

Le Président Ouattara a été officiellement investi le 21 mai 2011 à Yamoussoukro et son premier gouvernement nommé le 1er juin 2011

Source : Site Internet du ministère des affaires étrangères.

2. La force Licorne : un outil stratégique pour la France

Depuis plus de dix ans, la France dispose sur le territoire ivoirien d’une importante présence militaire à travers la force Licorne, stationnée au camp de Port-Bouët.

Engagée initialement pour assurer la sécurité des ressortissants français après la tentative de coup d’État, cette force s’est rapidement transformée en force de contrôle du cessez-le-feu, puis de soutien du déploiement de la mission de la CEDEAO fin 2002, à laquelle a succédé début 2003 la mission de l’ONU. La signature de l’accord politique de Ouagadougou, en 2007 a confié à Licorne le soutien de l’ONUCI pour veiller à la mise en œuvre de cet accord. Le mandat des Nations unies a été régulièrement prorogé depuis, la résolution 2062 du 26 juillet 2012 ayant reconduit ce mandat pour un an (cf. annexe 3).

La normalisation de la situation dans le pays, à partir de l’automne 2011 a cependant conduit la France à réduire considérablement son dispositif militaire, qui est passé de plus de 4 000 hommes au plus fort de la crise à 466 aujourd’hui. Il devait même être réduit à 300 hommes mais cette réduction a été reportée une première fois pour prendre en compte le suivi des élections législatives en décembre 2011, puis une deuxième fois pour tenir une posture de vigilance liée aux événements au Mali.

La mission principale de la force, déployée uniquement à Abidjan, est désormais de défendre les intérêts et ressortissants français. Elle concourt également à des opérations dans la sous-région, comme le soutien de l’opération Serval au Mali. Elle accompagne enfin la reconstruction de l’armée ivoirienne.

Aux ordres du COMMANFOR et de son état-major, la force Licorne est principalement articulée autour d’un groupement tactique interarmes à deux unités (infanterie et blindés) d’une unité de soutien et d’un détachement air. Elle comprend, de plus, un détachement de soutien, fort d’une trentaine de personnes, chargé du soutien logistique des bataillons africains de l’ONUCI utilisant le matériel RECAMP (Bénin, Togo, Niger, Sénégal). Enfin, 21 militaires et gendarmes servent au sein de l’ONUCI.

La Côte d’Ivoire met à disposition des forces françaises le camp de Port-Bouët et l’installation abritant le détachement d’intervention lagunaire à Abidjan. La partie française peut utiliser les champs de tir de Lomo-nord et de Grand Bassam, à titre temporaire et non-exclusif.

Cette présence, complétée par les nombreuses facilités de transit qui lui sont accordées, offre de nombreux avantages stratégiques et opérationnels.

La force Licorne offre tout d’abord une réserve opérationnelle interarmées crédible, réactive et déployable en et hors de la Côte d’Ivoire. Les forces qui y stationnent possèdent l’ensemble de leurs moyens de combat, commandement, appui et soutien. Elles peuvent ainsi de manière autonome ou avec l’appui de moyens aériens ou maritimes (de l’opération Corymbe) se déployer dans la sous-région ou venir renforcer d’autres bases pré-positionnées en Afrique (Gabon – Tchad – Guépard venu de métropole). L’acclimatation des militaires aux conditions locales constitue également un avantage décisif pour la France lorsqu’elle intervient militairement dans cette partie du continent.

Ce hub stratégique garantit ensuite à la France un accès sécurisé et multimodal à la façade occidentale de l’Afrique. L’emprise de Port Bouët où stationne la force Licorne est à proximité immédiate de l’aéroport international Houphouët Boigny et du port d’Abidjan. Ces deux plates-formes offrent une porte d’entrée et de sortie pour la projection de force et les flux depuis la métropole tant pour le fret aérien et maritime (y compris le fret lourd et volumineux) que pour les personnels.

Enfin, l’emprise de Port-Bouët est une zone adaptée pour réceptionner, reconditionner et intégrer toutes forces et leur équipement avant leur engagement. Aussi, à partir de cette base, les armées sont en mesure de projeter (par voie routière, ferrée, maritime ou aérienne) les forces terrestres, maritimes et aériennes vers leurs différentes zones d’engagement puis de les soutenir. Cet aspect présente l’avantage d’être discret et sécurisé car éloigné des zones d’engagement et adapté car ne nécessitant que peu de modifications pour être totalement opérationnel.

Ces facilités ont montré toute leur pertinence durant la crise malienne :

• Dès le 11 janvier, une partie des capacités de Licorne est mise en alerte (un sous-groupement tactique blindé et son soutien). Elle a rejoint les éléments venus du Tchad et de la métropole à Bamako, le 14 janvier, après plus de 1 200 km par la route. Cette réserve de théâtre a ainsi armé la moitié du premier GTIA en apportant rapidement des moyens blindés crédibles (engin ERC90 Sagaie).

• Quelques jours plus tard, le hub d’Abidjan a accueilli le groupement tactique interarmes parachutiste et ses appuis spécialisés (moyens génie pour réparer des pistes – logistique de colisage pour le largage) venus de métropole en vue d’être projetés sur Gao et Tombouctou.

• Le caractère interarmées de ce pré-positionnement a permis d’intégrer le déploiement des avions tactiques pour les opérations aéroportées, des Atlantique 2 ou des avions-ravitailleurs sur l’aéroport H. Boigny.

• Enfin, les armées utilisent les différentes plateformes pour désengager les forces (retrait des compagnies parachutistes) et assurer une part significative de la logistique de l’opération Serval (flux logistique de soutien et flux sortants de matériels).

Source : ministère de la défense.

3. Une coopération bilatérale qui redémarre

Les crises qui se sont succédé depuis plus de dix ans ont suspendu la coopération militaire entre la France et la Côte d’Ivoire. La résolution 1721 du Conseil de sécurité des Nations unies, votée le 15 décembre 2006, a en outre imposé un embargo sur les importations d’armement et l’assistance militaire. Depuis la résolution d’avril 2012, la Côte d’Ivoire bénéficie cependant d’un régime dérogatoire très souple, ce qui a permis une reprise de la coopération militaire.

La coopération militaire opérationnelle, pilotée par l’état-major des armées, a ainsi recommencé dès la fin de l’année 2011. Son objectif est d’aider la Côte d’Ivoire à construire un outil de défense crédible, au service de sa population, capable d’assurer à terme son rôle de nation cadre de la Force africaine en attente et de contribuer aux opérations de maintien de la paix sur le continent africain. Elle repose sur le triptyque formation, équipement et conseil et s’applique à toutes les forces armées, gendarmerie comprise, ainsi qu’aux forces de sécurité intérieure. Elle s’inscrit à la fois dans le long terme, autour d’une réflexion stratégique qui conduit à l’élaboration d’un Livre orange, sur le modèle du Livre blanc français, et sur les moyens et courts termes, avec des actions concrètes adaptées aux besoins immédiats. La force Licorne est naturellement le pivot de cette coopération.

Depuis l’investiture du président Ouattara, cette coopération s’est attachée à mener en premier lieu des actions dites « immédiates » afin d’accompagner la normalisation sécuritaire dans le pays et réaliser un début de valorisation de l’image des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FCRI) auprès des Ivoiriens.

Un audit des forces de défense et de sécurité et des actions de formation a été entrepris rapidement, par l’intermédiaire de la force Licorne mais aussi grâce aux bâtiments de l’opération Corymbe, qui ont embarqué des marins ivoiriens à leur bord. Il s’agissait de remettre les FCRI dans une logique de projet, d’encasernement et de formation.

La formation est ciblée sur celles des cadres, pour pallier les déficiences consécutives aux dix années de crise. Elle est principalement réalisée sous la forme de détachements d’instruction opérationnelle (DIO) ou de détachements d’instruction technique (DIT) au profit des forces armées ivoiriennes, avec un impératif de mixité entre les ex-FANCI et ex-FAFN pour les unités et stagiaires concernés. Cette mixité contribue au processus de réconciliation nécessaire à cette reconstruction.

Mi-novembre 2012, le premier exercice interarmes (AKWABA) depuis 1997 a été organisé avec les forces armées ivoiriennes, Licorne et les Forces françaises au Gabon (FFG).

Dans le cadre du soutien à la MISMA, la force Licorne, en partenariat avec les États-Unis, aide à la montée en puissance d’un bataillon logistique dont la projection des premiers éléments est attendue début mai. Cette formation s’est déroulée de février à mars et concernait 180 hommes. L’objectif, à moyen terme, est d’aider la Côte d’Ivoire à mettre sur pied un contingent dans le cadre d’une opération de soutien à la paix en appliquant l’effort sur la préparation d’un bataillon « pilote ».

À plus long terme, enfin, l’objectif poursuivi est la mise en œuvre du DDR et de la réconciliation au sein des forces de sécurité. C’est aussi la définition d’un nouvel outil de défense à partir de la vision structurante qu’apportera un Livre orange, en cours de rédaction. Le processus s’inscrit naturellement sur plusieurs années, puisqu’il faut définir une vision stratégique ivoirienne, organiser l’outil de défense, l’équiper, former et entraîner les hommes.

La coopération structurelle est assurée par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères. Ses crédits s’élèvent à 2,08 millions d’euros. Ils comprennent la mise à disposition de neuf coopérants permanents (et leurs familles, soit sept conjoints et quatre enfants), renforcés par cinq missions de renfort temporaire (MRT) et une aide logistique globale de 220 000 euros.

Elle est d’abord chargée d’apporter un appui à la réorganisation des forces de sécurité et de défense. Un conseiller français est ainsi placé auprès du président Ouattara et un autre l’est auprès du ministre délégué à la défense. En place depuis 2011, ils sont chargés de participer à la réflexion de niveau stratégique. Sous leur impulsion, de nombreux documents structurants pour la RSS de la Côte d’Ivoire ont été élaborés, dans le cadre d’un groupe de travail ivoirien auquel ils ont été associés, avec d’autres experts de l’ONUCI ou étrangers (un Américain et un Belge). Si leur positionnement a pu connaître des flottements dans un système décisionnel très changeant, ceux-ci semblent désormais pleinement intégrés dans les différents travaux de conception et de réflexion relatifs à la RSS. Il n’en demeure pas moins que peu de ces documents sont validés formellement, et que les réformes attendues ne sont pas encore lancées.

En matière d’appui au commandement et d’organisation des armées, un conseiller a été affecté auprès du chef d’état-major général des armées (CEMGA) en 2012. Dans ses fonctions de conseil, il intègre aussi une réflexion sur un plan d’équipement des armées. Un conseiller spécialisé dans le domaine des ressources humaines a aussi été placé à l’EMGA.

À la suite d’une étude de faisabilité et d’un accompagnement initial par deux officiers en retraite, un conseiller Service civique d’aide au développement a été mis en place en 2012. Mais le projet SCAD n’a pas encore démarré pour des raisons de dissensions entre ministères (de la Jeunesse et du service civique, de l’Emploi, de la Défense…) cherchant à se l’approprier. Un hébergement au sein du ministère de l’emploi semble actuellement privilégié.

Un projet d’appui au commandement et à l’organisation de la marine a vu le jour avec la mise en place en 2012 d’un coopérant placé comme conseiller auprès du COMAR. Ciblant son action de conseil sur la reconstruction des capacités de la marine, et sur le développement de l’action de l’Etat en mer, le coopérant assure la mise en œuvre locale du Fonds de Solidarité prioritaire ASECMAR (Appui à la Sécurité maritime dans le golfe de Guinée, six pays concernés pour 1,2 million d’euros sur trois ans).

Enfin, un projet d’appui au commandement et à l’organisation de l’armée de l’Air sera créé à l’été 2013, à la demande des autorités ivoiriennes. Un coopérant de l’armée de l’Air sera placé comme conseiller auprès du COMAIR, dans le cadre de la reconstruction des capacités de cette armée (ressources humaines, équipements, entraînement, infrastructure, organisation, doctrine).

En matière de formation, un projet de continuum de la formation des officiers est actuellement en cours d’élaboration. Un comité de pilotage franco-ivoirien est chargé d’étudier et de proposer le développement d’un outil de formation permettant de couvrir de manière cohérente l’ensemble du spectre de la formation des officiers, en répondant aux besoins :

– de formation initiale des officiers à partir de l’École des Forces armées de Zambakro ;

– d’enseignement militaire supérieur du premier et du second degré ;

– de formation de haut niveau avec un « institut de recherche et de réflexion stratégique » capable d’organiser des cycles de formation (type forum de l’IHEDN sur le continent africain – FICA–) et de fédérer la réflexion francophone dans ce domaine.

En accord avec les autorités ivoiriennes, la priorité sera donnée à l’Institut stratégique dont la première action (session type « FICA ») devra se tenir début décembre 2013.

B. LE CONTENU DU TRAITÉ DE DÉFENSE

Initiées en mai 2008, les discussions sur le traité ont été interrompues pour éviter toute instrumentalisation de l’accord par M. Gbagbo pour contourner l’embargo sur la coopération militaire avec la Côte d’Ivoire. Elles n’ont pu reprendre qu’avec l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités ivoiriennes.

Préparé par la partie française, le projet d’accord, annoncé par le Président de la République lors de sa visite à Abidjan en mai 2011, puis remis au Président ivoirien par le ministre français de la Défense début juillet 2011, n’a nécessité que deux sessions de négociations (le 19 juillet à Abidjan et le 19 septembre à Paris). Le traité a été paraphé le 16 novembre 2011 et signé le 26 janvier 2012, à Paris.

Le traité comporte 21 articles. Il ne s’écarte pas du modèle d’accord négocié récemment avec les autres pays africains (Gabon, Sénégal, Djibouti, Cameroun, Centrafrique, Togo, Comores). Sur ce point, le traité avec la Côte d’Ivoire se rapproche plus encore des accords conclus avec les quatre premiers États, puisqu’il contient, à l’instar de ces derniers, une annexe relative aux facilités accordées aux forces françaises stationnées ou en transit sur le territoire de République de Côte d’Ivoire.

Comme pour les pays précités, il a été décidé de fixer dans un texte unique le nouveau cadre juridique de notre relation de coopération de défense dans son ensemble.

1. Les principes généraux du traité

Les différentes formules du préambule visent à prendre en compte dans la relation de défense entre les deux pays la promotion des systèmes de sécurité collective des Nations unies et de l’Union africaine. La référence au respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des partenaires manifeste la volonté de non-ingérence dans les affaires intérieures des États concernés. Ces formules sont reprises dans tous les accords type.

La première partie expose les principes généraux du partenariat de défense. L’article 2 détaille les objectifs du partenariat, « concourir à une paix et une sécurité durables » sur le territoire des deux États, ainsi que « dans leur environnement régional respectif ». Sont mentionnés la constitution de la Force africaine en attente et le partenariat avec l’Union européenne et ses États membres.

L’article 4 du texte précise les domaines et les formes de la coopération en matière de défense. La liste, non exclusive d’autres actions, comprend les activités traditionnelles en matière de coopération de défense : échanges de vues et d’informations ; organisation de transits, d’escales aériennes et maritimes ; actions de formation et de conseil aux forces dans le cadre de la restructuration de l’outil de défense et de sécurité.

Comme les autres traités, le traité avec la Côte d’Ivoire ne comprend pas de clause d’assistance en cas d’agression extérieure ou de crise interne. L’article 4 dispose simplement que des « échanges de vues et d’information relatifs aux vulnérabilités, risques et menaces à la sécurité nationale et régionale » pourront avoir lieu entre les deux parties.

Il convient de noter que les clauses d’assistance mutuelle ou de maintien de l’ordre prévues par les accords précédents n’avaient jamais été mises en œuvre. En décembre 1999, au moment du coup d’État contre le Président Konan Bédié, la France n’avait ainsi pas jugé nécessaire d’appliquer les clauses de la convention relative au maintien de l’ordre. En 2006, le général Bentégeat, chef d’état-major des armées, avait écarté toute intervention à caractère automatique en application des accords de défense, en indiquant que « dans tous les cas, la France conservait la possibilité d’apprécier, en fonction de la situation si la demande d’un État correspond bien aux critères de mise en œuvre de l’accord ». Ceci est conforme au droit international puisque celui-ci prévoit que les parties à un traité gardent la liberté d’apprécier le « casus federis », c’est-à-dire les circonstances de son application.

L’article 6, prévoit, ce qui constitue une nouveauté, l’instauration d’un comité de suivi coprésidé par un représentant civil de chaque partie. Pas encore installé, ce comité de suivi pourrait associer l’ambassadeur de France près la Côte d’Ivoire et un représentant du ministère des affaires étrangères ivoirien. Il pourrait recevoir le soutien d’experts civils et militaires de chacune des deux parties en fonction de son ordre du jour. La création de ce comité devrait ainsi constituer un outil utile à la mise en œuvre de l’accord ainsi qu’une enceinte de discussion sur toute question relative à l’accord, y compris en cas de divergence d’interprétation.

L’entrée en vigueur des accords de défense avec le Togo, la Centrafrique et le Cameroun est trop récente pour que l’on puisse tirer un premier bilan de ces comités de suivi. Le premier comité pour le Togo, prévu en décembre 2012, a été reporté à mai prochain en raison de l’actualité politique locale mais aussi de la crise malienne.

2. Le statut du personnel

La deuxième partie du texte est consacrée au statut des membres du personnel engagés dans le partenariat de défense. Elle prévoit une réciprocité dans le statut des personnels français en Côte d’Ivoire et ivoiriens en France.

L’article 8 maintient pour nos coopérants militaires le port de l’uniforme ivoirien « lorsqu’ils participent pour une durée de plus six mois aux activités de formation ».

L’article 10 prévoit que les militaires de chaque pays se conforment, pour l’utilisation des armes, aux règles du pays d’accueil, à moins que les autorités d’accueil n’acceptent l’application des règles de l’État d’origine. Il s’agit là d’encadrer l’utilisation des armes des personnels français par référence à nos propres règles qui sont généralement plus restrictives que celles de nos partenaires africains.

L’article 14 sur les dispositions fiscales prévoit, pour les membres du personnel, le maintien de leur domiciliation fiscale dans l’État d’origine et l’imposition dans cet État des rémunérations perçues au titre des services rendus dans le cadre du présent accord.

L’article 15 confère aux civils et militaires français les garanties essentielles de protection de leurs droits. Les autorités compétentes de l’État d’origine exercent ainsi par priorité leur droit de juridiction en cas d’infraction d’un membre du personnel accompli dans l’exercice de ses fonctions officielles ou lorsqu’elle ne touche que des membres de son personnel. Dans les autres cas, l’État d’accueil exerce par priorité son droit de juridiction. L’État qui a le droit d’exercer par priorité sa juridiction peut cependant y renoncer, pour laisser un peu de souplesse à ce dispositif. L’article précise que les demandes de renonciation à ce droit doivent être examinées avec « bienveillance. »

Par ailleurs, tout membre du personnel de l’État d’origine ainsi que les personnes à leur charge bénéficieront des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. Il convient enfin de noter que la Côte d’Ivoire a aboli la peine capitale en 2000.

3. Autres dispositions

La troisième partie est consacrée aux dispositions finales.

L’article 19 prévoit, comme dans les autres accords de défense, que le règlement de différends relatifs à l’interprétation ou à l’application du traité serait assuré par un double mécanisme de consultation du comité de suivi prévu par l’article 6 ou de négociation par la voie diplomatique entre les deux parties. Il convient de signaler que les précédents accords conclus avec la Côte d’Ivoire n’ont donné lieu à aucun litige concernant leur interprétation ou leur application.

L’article 20 prévoit l’abrogation de tous les accords et arrangements conclus antérieurement en matière de défense entre les deux pays. Cette formule vise à marquer le nouveau départ de notre relation de défense en toute transparence sur la base du seul texte soumis à l’approbation des parlements.

Enfin, il est indiqué à l’article 21 que l’accord est conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable non par tacite reconduction mais par un nouvel accord. Il s’agit là d’une formule qui vise à rappeler que notre relation de défense évoluera naturellement au fur et à mesure que le système de sécurité collective africain se renforcera et de l’appréciation qu’en feront les deux partenaires.

L’annexe traite des facilités accordées aux forces françaises stationnées ou en transit sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire avec trois sections, la dernière concernant le régime des installations mises à disposition des forces françaises stationnées. L’article 7 dispose que la partie ivoirienne « met gracieusement à la disposition exclusive des forces françaises stationnées » le camp de Port-Bouët ainsi que l’installation abritant le détachement d’intervention lagunaire à Abidjan. Il prévoit également que la partie française peut utiliser librement les champs de tir de Lomo-Nord et de Grand Bassam, « à titre temporaire et non exclusif ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission examine pour avis le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire, au cours de sa réunion du mardi 16 avril 2013.

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. Damien Meslot. La reprise de la coopération militaire avec la Côte d’Ivoire inclut-elle la livraison d’armes ? Quel est le coût de notre coopération de défense avec ce pays ?

M. le rapporteur pour avis. La livraison d’armes n’a pas repris, le pays étant encore sous embargo. Cet accord de défense reprend la forme de ceux signés avec d’autres pays africains, comme le Togo, le Sénégal ou encore Djibouti. La Côte d’Ivoire est très proche de la France, par l’histoire comme par son envie de coopérer. Il s’agit d’un pays en devenir et le partenariat est notre intérêt mutuel.

La coopération de défense s’élève à deux millions d’euros pour le volet structurel, qui comprend notamment la mise à disposition de deux conseillers pour le Président de la République et le ministre de la défense.

M. Sylvain Berrios. Qu’en est-il de la coopération dans le domaine du renseignement ?

M. le rapporteur pour avis. Tous nos accords de défense incluent une clause relative à des échanges de vues sur les risques et vulnérabilités régionales. Mais dans le cas ivoirien, notre coopération reprend à peine. Attendons que ce pays arrête ses grandes orientations stratégiques dans son Livre orange pour voir comment notre coopération pourra se développer.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

ANNEXES

ANNEXE 1 :

Personne auditionnée par le rapporteur

Ø Colonel Marc Conruyt, chef du bureau Afrique à l’état-major des armées.

ANNEXE 2 :
Résolution 1528 du 27 février 2004 du Conseil de sécurité des Nations unies


ANNEXE 3 :

Résolution 2062 du 26 juillet 2012 du Conseil de sécurité des Nations unies

ANNEXE 4 :

Accord de défense du 24 avril 1961


ANNEXE 5 

Accord d’assistance militaire technique du 24 avril 1961











ANNEXE 6 :

Convention fixant les règles et conditions du concours de la République française au soutien logistique des forces terrestres, des forces aériennes et de la gendarmerie de la République de Côte d’Ivoire, signée le 8 avril 1965


© Assemblée nationale

1 () Quatre d’entre eux ont déjà été examinés par la Commission de la défense en avril 2011 (avis n° 3289 de M. Philippe Folliot sur le partenariat avec le Cameroun, avis n° 3290 de M. Philippe Vitel sur le partenariat avec le Gabon, avis n° 3291 de M. Christophe Guilloteau sur le partenariat avec le Togo, avis n° 3292 de Mme Patricia Adam sur le partenariat avec la République centrafricaine) et leur approbation a été autorisée par quatre lois du 20 avril 2011.

2 () Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Communauté Sud-africaine de développement (SADC), Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et une cinquième organisation à désigner, qui pourrait être l’Union du Maghreb arabe.

3 () Cameroun, République centrafricaine, Comores, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal et Togo.