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N° 935

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 avril 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur le quatrième « paquet ferroviaire » (n° 905),

PAR M. Gilles SAVARY,

Député.

——

Voir le numéro : 905.

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 9

II.— EXAMEN DES ARTICLES 23

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 27

ANNEXE 33

Mesdames, Messieurs,

La commission des affaires européennes a adopté, le 3 avril 2013, sur la base du rapport d’information que j’ai présenté, une proposition de résolution sur le quatrième « paquet ferroviaire », ensemble législatif constitué de six propositions et adopté par le collège des commissaires européens le 30 janvier 2013. Le texte de la proposition de résolution européenne figure en annexe du présent rapport.

J’ai l’honneur d’être également rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le quatrième « paquet ferroviaire », et j’ai en conséquence présenté devant la commission, le 16 avril 2013, cette proposition de résolution européenne, qui a pour objectif d’expliquer les enjeux de ce « paquet » et de formuler quelques recommandations et mises en garde, notamment au regard des principes de proportionnalité et de subsidiarité.

S’il appartient au Parlement français d’être vigilant aux propositions législatives européennes en matière de transport - compétence partagée entre les États membres et l’Union européenne depuis le Traité de Rome de 1957 - les discussions au niveau européen sur le quatrième « paquet ferroviaire » requièrent une attention toute particulière de la part du Parlement français, pour les raisons suivantes.

D’une part, la négociation du quatrième « paquet ferroviaire » entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union et la Commission européenne intervient dans un contexte particulier, puisqu’elle débute seulement quelques semaines avant le dépôt, par le Gouvernement, du projet de loi portant réforme du système ferroviaire français, dont les grands axes ont été exposés par le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, M. Frédéric Cuvillier, le 30 octobre 2012. Pour la première fois en matière ferroviaire, un Gouvernement français a en effet décidé d’anticiper de façon globale et extrêmement volontariste les réformes qui seront introduites au niveau européen, afin de « peser » sur leurs cours, puisque le projet de loi, quel que soit son parcours législatif, sera adopté avant l’entrée en vigueur du quatrième « paquet ferroviaire », qui ne devrait pas être adopté avant fin 2015.

D’autre part, l’ambition du quatrième « paquet ferroviaire » est considérable puisqu’il s’agit de parachever la constitution d’un espace ferroviaire unique européen, en intervenant sur trois volets :

1. L’ouverture à la concurrence des services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs, qui représentent plus de 94 % du marché du transport ferroviaire de l’Union européenne :

Elle constitue l’ultime étape d’ouverture à la concurrence après celle du fret international en 2001(1), celle du fret national en 2004(2), et celle de « l’international passager » en 2007(3). Sauf modification de la proposition de la Commission européenne au cours des négociations, l’échéance pour l’ouverture du « national passager », c’est-à-dire des LGV intérieures, des Trains d’Équilibre du Territoire, des Trains Express Régionaux, sera fixée au 31 décembre 2019, date qui coïncide avec les annonces du ministre des transports français.

La Commission propose également de modifier le règlement « obligations de service public » de manière à rendre obligatoire la mise en concurrence en vue de l’attribution de contrats de service public de transport ferroviaire, à quelques exceptions près (seulement à partir d’un certain seuil, et si l’équilibre économique d’un contrat de service public n’est pas menacé).

2. La gouvernance des systèmes ferroviaires des États membres :

Suite au « bras de fer » entre l’Allemagne et la France d’un côté, et la Commission européenne de l’autre, deux modèles d’organisation seront réputés garantir un accès libre, transparent et non discriminatoire des entreprises ferroviaires aux fonctions essentielles :

– le modèle privilégié par la Commission européenne : la séparation stricte entre entreprise ferroviaire et gestionnaire d’infrastructure ;

– et le modèle « concédé » par la Commission : l’entreprise verticalement intégrée sous réserve de la mise en place de « murailles de Chine » pour prévenir les conflits d’intérêts. Cette conditionnalité génère des asymétries dénoncées dans la proposition de résolution européenne que j’ai présentée.

3. La consolidation de normes relatives à la sécurité et à l’interopérabilité ferroviaires, notamment à travers le renforcement des prérogatives et l’extension des missions de l’Agence ferroviaire européenne, créée en 2004.

Ce quatrième « paquet ferroviaire » ne se résume donc pas à une simple libéralisation du trafic ferroviaire de voyageurs, mais procède comme les précédents à une ambitieuse « re-réglementation » visant à passer de régulations monopolistiques nationales à une régulation concurrentielle européenne permettant à l’« Europe du rail » de faire face aux concurrences futures des pays émergents.

Enfin, la proposition de résolution européenne invite la Commission européenne à mettre en place des dispositions d’accompagnement social, concernant la certification des personnels de bord notamment, afin d’éviter le dumping social qui existe déjà dans les autres modes de transport.

L’impact du quatrième « paquet ferroviaire » sera donc considérable pour l’État, les régions, pour les acteurs du système ferroviaire ainsi que pour les usagers.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 16 avril 2013, la commission a examiné la proposition de résolution européenne sur le quatrième paquet ferroviaire (n° 905) sur le rapport de M. Gilles Savary.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. M. Gilles Savary va nous présenter une proposition de résolution adoptée, sur son initiative, par la commission des affaires européennes.

M. Gilles Savary, rapporteur. Il s’agit du quatrième « paquet ferroviaire », un « paquet » législatif composé de six propositions de directives et de règlements, et qui constitue l’acte final de la longue aventure, commencée dans les années quatre-vingt-dix, qu’est la constitution d’une « Europe du rail » sans frontières. Le texte originel, la directive 91/440, avait amené la France à séparer, en 1997, la SNCF et RFF. Contrairement à une idée reçue, cette notion de « paquet législatif » ne signifie pas seulement « libéralisation ». Il s’agit, certes, de « dé-monopolisation », mais aussi d’une nouvelle régulation, d’une démarche de « re-réglementation », qui est très importante, sur la gouvernance du système ferroviaire, la sécurité, l’accès aux sillons et aux gares, et le statut des services publics.

Les précédents « paquets ferroviaires » ont changé radicalement le management des systèmes ferroviaires.

Le premier « paquet », adopté en 2001, a amené la libéralisation, ou l’ouverture, du fret ferroviaire international. Le deuxième, en 2004, a ouvert le marché du fret national. Le troisième, adopté en 2007, a procédé à l’ouverture du marché du transport international de voyageurs, ouverture qui n’est devenue effective en France que tardivement, en décembre 2010. À ce jour, un seul train international se trouve en concurrence avec les trains de la SNCF, ceux de l’opérateur ferroviaire Thello, opérateur constitué par Trenitalia et Veolia Transdev.

Avec le quatrième « paquet », nous arrivons à la dernière étape, l’ouverture à la concurrence du trafic national de voyageurs. Celui-ci constitue l’essentiel du trafic, puisqu’il inclut tous les TER, tous les TET et Corail, tous les transports à grande vitesse circulant sur le territoire national, sur des trajets comme Paris-Lyon, Paris-Bordeaux ou Paris-Strasbourg. D’où l’extrême importance de ces propositions, qui sont d’une grande complexité.

Le premier texte du « paquet » est une proposition de directive qui porte sur deux sujets : d’une part, la date de l’ouverture de ce marché, que la Commission européenne propose de fixer au 31 décembre 2019, ce qui correspond à la date annoncée par le Premier ministre pour l’entrée en vigueur de la réforme ferroviaire française – il est probable que la Commission européenne a volontairement « calé » sa proposition sur l’échéance française.

D’autre part, la gouvernance. Sur ce sujet il y a eu une partie de « bras de fer » entre la Commission européenne d’une part, la France et l’Allemagne d’autre part. La Commission voulait aller jusqu’à la séparation absolue dans les systèmes ferroviaires, le cloisonnement total, alors que la France, à l’issue des Assises du ferroviaire, était parvenue à la conclusion qu’une séparation totale est potentiellement risquée, coûte cher et suscite des dysfonctionnements administratifs forts. En Allemagne le système est encore très intégré, plus intégré que la « fausse séparation » française. La Deutsche Bahn (DB) est un groupe très puissant, le premier en termes de chiffre d’affaires. Elle procède à un développement externe très important.

Le texte proposé par la Commission ouvre deux options : une séparation complète des fonctions pour éviter, en ce qui concerne la France, que la SNCF ne soit « juge et partie » et soit trop impliquée dans la gestion courante du réseau, ce qui la mettrait en position d’empêcher l’arrivée de nouveaux concurrents. C’est la ligne doctrinale forte de la Commission européenne.

La France et l’Allemagne ont pesé sur la Commission pour que soit ouverte une deuxième option, l’organisation sous forme d’un groupe verticalement intégré, c’est-à-dire une holding. La Commission a accepté, mais en encadrant cette organisation par des « murailles de Chine », imposant une stricte indépendance de la filiale vouée au réseau. Cela signifierait pour le système français le rapatriement de 50 000 cheminots sous RFF ; ces cheminots seraient à l’intérieur d’une holding « SNCF », mais, par contre, aucun membre de la compagnie « SNCF » - celle qui fait rouler les trains - ne pourrait faire partie du conseil d’administration de RFF, et le patron de RFF serait nommé par le ministre chargé des transports et pas placé sous la tutelle du président de la SNCF.

Un État pourra donc faire le choix d’un groupe intégré, mais à condition que ce groupe garantisse la clarté et l’égalité d’accès aux « fonctions essentielles », c’est-à-dire aux sillons, aux rails, aux gares et aux installations, ce qui aujourd’hui n’est totalement assuré ni en France, ni en Allemagne.

Les principaux éléments de la proposition de résolution que je vous soumets sont les suivants :

L’article 2 porte sur le premier des six textes du « paquet » et réaffirme que les deux modèles d’organisation proposés supposent de garantir un accès libre, transparent et non discriminatoire aux fonctions essentielles.

Je note que le regroupement des métiers du réseau qui s’opère au sein de RFF constitue une première étape, en attendant l’indispensable regroupement du patrimoine : dans les gares, une partie du patrimoine appartient à la SNCF et une autre à RFF, de façon inextricable.

M. Martial Saddier. Il suffit d’avoir essayé une fois d’acheter un terrain à la SNCF ou à RFF pour comprendre cela !

M. Gilles Savary, rapporteur. Le texte proposé sur la gouvernance est asymétrique : la Commission européenne pose des conditions particulières pour les entreprises intégrées, qui conduiraient notamment à interdire tout lien financier entre la SNCF et RFF. Je vous propose – c’est l’alinéa 15 de l’article 2 de la proposition de résolution – d’approuver une interdiction des mouvements financiers mais uniquement dans un sens : il faut qu’il puisse y avoir des flux financiers de la SNCF vers RFF.

En Allemagne, le gestionnaire du réseau, DB Netz, a un budget très excédentaire : 1,5 milliard d’euros en 2012. Via la holding, cet excédent vient financer la Deutsche Bahn. C’est de cette manière que la DB a les moyens financiers d’acheter Veolia Transdev, ce qu’elle s’apprête à faire, grâce aux péages très élevés perçus par DB Netz.

Il ne faut pas faire la courte échelle à la DB ! En revanche il faut permettre à la SNCF de financer RFF, c’est-à-dire rendre possible l’affectation de profits de la SNCF au financement du réseau au lieu de les faire sortir du système ferroviaire en les versant à l’État sous forme de dividendes.

L’alinéa 16 de l’article 2 de la proposition de résolution concerne une disposition très particulière : la Commission européenne prévoit qu’à partir de 2019 il ne sera plus possible pour un État d’organiser son système ferroviaire en holding. C’est une asymétrie injustifiée. Ce qui est important, et conforme au principe de subsidiarité, c’est de garantir la liberté d’accès, l’équité et la transparence quel que soit le mode d’organisation choisi par chaque État.

L’alinéa 21 de l’article 2 de la proposition de résolution souligne l’intérêt que présentent les comités de coordination proposés par la Commission, car ils feront participer les nouveaux entrants à la gouvernance. Ces comités permettront de pointer les dysfonctionnements et de les régler en évitant les contentieux longs à résoudre.

Enfin, l’alinéa 25 de l’article 2 vise à prévenir dans le ferroviaire ce qui est advenu dans les secteurs routier, aérien et maritime : le dumping social. Un texte sur la certification des conducteurs existe déjà, et les personnels demandent qu’un texte soit élaboré sur la certification professionnelle des personnels de bord. J’appelle donc la Commission européenne à présenter une proposition en ce sens, car le « paquet » ferroviaire n’aborde pas cette question.

Le deuxième texte du « paquet » est une proposition de révision du règlement « OSP » qui concerne les aides d’État aux missions de service public. Il convient de ne pas laisser croire que les règles européennes empêchent l’exercice des missions de service public ! Dans le cadre de la mise en œuvre du quatrième « paquet », les autorités publiques continueront de conclure des contrats incluant toutes les obligations de service public qu’elles souhaitent y inclure, avec une compensation à due concurrence par des subventions, c’est-à-dire par des aides d’État.

Le « règlement OSP » prévoyait plusieurs exceptions : les métros, les tramways, et les chemins de fer lourds. Cette dernière exception avait été obtenue par M. Dominique Perben, afin de protéger le monopole de la SNCF. Bien sûr, cette exception va disparaître avec l’adoption du quatrième « paquet ». La proposition de résolution en prend acte. Je propose, dans l’alinéa 3 de l’article 3, que l’exception concernant les tramways soit également supprimée : il n’est pas acceptable qu’en Allemagne par exemple le marché des transports collectifs urbains demeure fermé alors qu’il est ouvert en France.

L’alinéa 6 de l’article 3 rappelle qu’il sera toujours possible, pour les élus locaux, en matière de transports collectifs, de choisir entre appel d’offres et régie. Il s’agit de mettre fin à la confusion, souvent faite, entre l’ouverture des TER à la concurrence et l’impossibilité de recourir à la régie pour les exploiter. Ce qui ne sera plus possible, c’est d’attribuer le marché directement à la SNCF : si une région choisit de procéder autrement qu’en régie directe, elle devra mettre la SNCF en concurrence avec d’autres entreprises dans le cadre d’un appel d’offres.

Le troisième texte du « paquet » porte sur l’Agence ferroviaire européenne, dont le siège est à Valenciennes, pour étendre fortement ses prérogatives. J’y suis favorable, sauf sur un point : la délivrance des certificats de sécurité pour le matériel roulant. Actuellement, les normes en la matière sont européennes, mais ce sont les agences nationales qui délivrent les certificats. Or il y a des pays, tels que l’Allemagne, où sous couvert d’exigences de sécurité, les agences nationales refusent de délivrer ces certificats d’une manière qui constitue du protectionnisme déguisé. Il est donc nécessaire que l’Agence européenne joue un rôle dans la délivrance des certificats, mais je propose qu’elle ne le fasse qu’en appel, au lieu de lui donner cette compétence totalement – elle n’aurait de toute façon pas les moyens de l’exercer. Il est utile qu’elle décide en dernière instance, y compris en s’auto-saisissant.

Les trois derniers textes du « paquet » sont également importants mais beaucoup plus techniques : une proposition de directive de refonte sur la sécurité ferroviaire, une proposition de règlement sur la comptabilité des entreprises ferroviaires, et une proposition de directive relative à l’interopérabilité.

La sécurité ferroviaire n’est en aucune façon remise en cause par la libéralisation, pas plus que dans le secteur aérien. En matière de sécurité aérienne il faut saluer les progrès remarquables qui ont été faits grâce à l’Union européenne. Les règles européennes de sécurité ferroviaire sont aussi un corps de règles très puissant. Le quatrième « paquet » va simplifier leur mise en œuvre et les étendre à l’ensemble des matériels, même ceux qui sont totalement nationaux.

Quant à l’interopérabilité, il s’agit d’un chantier considérable, lancé dans les années quatre-vingt-dix. Il porte sur une vingtaine de spécificités techniques. Des pools d’ingénieurs et de techniciens travaillent sur tous les composants des trains, mais aussi du ballast, du réseau et des voies. Ce chantier durera probablement plusieurs décennies, et ne pourra peut-être pas être complètement achevé – notamment en ce qui concerne le problème du gabarit des trains. Eurostar est plus « efflanqué » que le Thalys, parce que le gabarit des trains britanniques, et donc la taille des tunnels ferroviaires en Grande-Bretagne, imposaient un train moins large.

Les travaux d’interopérabilité en cours portent, par exemple, sur les systèmes de contrôle-commande qui guident le train sur la voie. Il y en a actuellement sept qui coexistent pour le Thalys !

Ces problèmes d’interopérabilité ne sont qu’une des illustrations de la difficulté particulière qu’il y a à faire progresser « l’Europe du rail », par rapport au secteur routier. Les systèmes ferroviaires nationaux ont été volontairement conçus, historiquement, comme hétérogènes, pour protéger l’économie nationale et pour protéger le territoire en entravant les intrusions des armées étrangères.

Enfin, la dernière proposition de règlement vise à abroger le règlement 1192/69 qui n’a jamais été appliqué en France. Ce règlement demandait aux États d’assainir la situation financière de leurs opérateurs ferroviaires, c’est-à-dire de récupérer la dette et de faire en sorte que les systèmes de retraite ne relevant pas du régime de base soient pris en charge par les États, ce qui n’est que partiellement le cas en France. C’est ce qui explique que le système français soit lourdement endetté alors que le système allemand, lui, s’est désendetté. Ce règlement n’est plus nécessaire puisque de nouveaux textes régissent l’assainissement financier des compagnies ferroviaires.

Le quatrième « paquet ferroviaire » constitue globalement un dispositif lourd, complexe et plein de nuances.

M. Rémi Pauvros. Je remercie notre collègue Gilles Savary pour son exposé très complet des motifs de sa résolution. Celle-ci met parfaitement en lumière le caractère extrêmement complexe des textes présentés par la Commission européenne.

Le quatrième « paquet ferroviaire » est en effet un texte ambitieux : M. Jean-Éric Paquet, directeur en charge de l’Unité « Réseaux transeuropéens de transport » à la Commission européenne, a eu l’occasion de nous le rappeler lors du colloque sur la réforme du système ferroviaire organisé jeudi dernier à l’Assemblée nationale.

Il ressort de ce colloque, comme de cette proposition de résolution, que la France est décidée à ne pas subir, mais plutôt à relever le défi de la libéralisation du rail européen. Le texte de M. Gilles Savary s’en fait parfaitement l’écho, en devançant à la fois le débat qui va avoir lieu au Parlement européen – avant ou après son prochain renouvellement, on ne sait pas encore – et la remise du rapport de M. Jean-Louis Bianco sur la « réforme » – ou plutôt la « refondation », pour reprendre ses propres termes – du système ferroviaire français.

La réflexion enclenchée à travers la résolution était plus que nécessaire pour poser les bases du débat qui va avoir lieu très prochainement au sein de notre Assemblée. Cette réflexion rend compte des enjeux qui se dessinent pour la France, dans ce qui est appelé à être un véritable « changement de paradigme » pour le rail français – puisque la nouvelle phase d’ouverture à la concurrence va désormais toucher les 94 % restants du trafic ferroviaire de voyageurs en Europe.

Nous partons dans l’optique que la France doit soutenir la mise en place d’un espace ferroviaire européen unique et qu’elle doit donc accueillir favorablement les propositions de la Commission contenues dans ce quatrième « paquet ferroviaire », qui s’inscrivent bien dans cette perspective.

Le groupe socialiste considère néanmoins que l’ouverture à la concurrence n’est pas une fin en soi, qu’elle doit être réalisée progressivement pour se prémunir des excès, dont certains exemples étrangers ont pu montrer la dangerosité, et que cette réforme ne doit donc pas voir son calendrier avancé. La libéralisation du fret à l’occasion des deux premiers « paquets ferroviaires » et l’échec relatif de sa mise en œuvre en France démontrent clairement la nécessité d’aborder cette nouvelle phase très tôt en amont.

Nous estimons enfin que l’accès non discriminatoire au réseau n’est pas incompatible avec la mise en place d’un pôle public ferroviaire unifié et que le rattachement du futur gestionnaire d’infrastructures unifié (GIU) à la SNCF doit permettre d’améliorer les prestations d’ensemble du secteur et les services fournis aux usagers, à travers une meilleure intégration.

La volonté de la Commission européenne de dresser, selon ses propres termes, une « muraille de Chine » entre l’opérateur et le gestionnaire du réseau ne nous semble pas pertinente dans le cadre de ce système intégré, qui a fait ses preuves aussi bien en France qu’en Allemagne. La décision du 28 février 2013 de la Cour de justice de l’Union européenne donne d’ailleurs raison, en la matière, à l’Allemagne et à l’Autriche contre la Commission européenne. La France s’attachera donc à assurer un fonctionnement impartial du futur GIU, mais la transparence est un meilleur gage d’impartialité que le cloisonnement de ses activités.

En nous saisissant très tôt du sujet de la place de la France dans le rail européen, nous serons ainsi capables de dresser un constat lucide sur les atouts et les difficultés du secteur et d’aborder avec pragmatisme et force de conviction les propositions de la Commission européenne. Il nous appartient également de réaffirmer le rôle du pouvoir politique dans les profondes mutations à venir : notre rôle comme parlementaires est de faire émerger un consensus sur la nécessité d’un État stratège dans ce secteur, qui développe une vision de long terme, capable de poser des bases solides à la construction d’un nouveau cadre social harmonisé pour les salariés du rail et, en définitive, apte à porter le rail français à son plus haut niveau d’excellence dans toute l’Europe.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste se prononcera en faveur de cette proposition de résolution européenne.

M. Alain Gest. Je voudrais tout d’abord saluer la qualité de la présentation du rapporteur, qui ne nous surprend pas compte tenu de sa compétence reconnue sur l’ensemble de ces sujets et même si nous n’en partageons pas toutes les analyses. Il a réussi à introduire un peu de clarté dans un ensemble de textes complexes.

Les propositions du quatrième « paquet ferroviaire » visent à achever un marché ferroviaire unique à l’échelle de l’Union européenne, à ouvrir le trafic national de passagers à plus de concurrence et à assurer une totale interopérabilité au sein du réseau transeuropéen, sous le contrôle de régulateurs indépendants. Le marché de l’électricité a connu, dans un passé récent, une évolution assez similaire.

Le groupe UMP est très favorable à l’ensemble des principes sous-jacents à ce mouvement. Nous souhaitons que s’établisse un espace ferroviaire unique européen, qui fonctionne et au sein duquel la concurrence transfrontalière puisse se déployer sans entraves.

Le quatrième « paquet ferroviaire » doit néanmoins être replacé dans la perspective de la réforme ferroviaire en France, qui doit conduire à un système unique intégré et un pôle ferroviaire public unifié à travers le rapprochement de la SNCF et de RFF.

La question de la compatibilité de ces deux approches, celle de la Commission européenne et celle de la France, me conduit à présenter trois remarques sur les propositions présentées par le rapporteur.

Je souscris au propos de notre collègue Rémi Pauvros, lorsqu’il estime que la concurrence n’est pas une fin en soi. Ce n’est pas, à l’évidence, une condition suffisante de qualité et de compétitivité du rail. Mais quelle peut être alors sa justification ? Elle constitue, pour le groupe UMP, un formidable outil d’amélioration de la performance et de stimulation de l’innovation des entreprises ferroviaires, au service de leurs clients – État, régions, entreprises, particuliers. Si l’on prend pour postulat que l’ouverture à la concurrence dans notre pays permettrait d’atteindre des coûts similaires à ceux de l’Allemagne, la facture ferroviaire des conseils régionaux s’en trouverait allégée d’au moins 25 % – je rappelle, en passant, que les conducteurs de train allemands sont aujourd’hui mieux payés que leurs homologues français.

Le président de la SNCF, M. Guillaume Pepy, a maintes fois expliqué qu’il avait besoin de concurrence pour faire progresser son entreprise. C’est d’ailleurs bien la raison pour laquelle le précédent Gouvernement avait planifié une ouverture progressive du secteur à la concurrence, en commençant par quelques lignes de TET en 2014. Nous regrettons que l’actuel Gouvernement ait renoncé à cette ouverture, car cela aurait permis à la SNCF de se comparer à ses concurrents et de se préparer à l’échéance de l’ouverture totale en 2019.

Ma deuxième remarque porte sur le fait que la proposition de résolution met sur un pied d’égalité les deux systèmes de gouvernance ferroviaire possibles et renvoie, sur ce point, au libre choix des États en vertu du principe de subsidiarité. La Commission soutient le modèle dit de « séparation » et ne tolère le modèle dit « intégré » que dans les seuls pays où il existe déjà – et encore, sous certaines conditions.

Nous estimons que la Commission européenne est fondée à vouloir orienter les systèmes de gouvernance nationaux et qu’elle a raison de défendre la solution de séparation. Le premier argument en faveur de la séparation tient au développement de la concurrence qu’elle autorise : il ne peut y avoir de véritable concurrence que si toutes les entreprises ferroviaires sont à égalité devant le gestionnaire d’infrastructures, opérateur en situation de monopole par nature.

Un autre argument est lié à la construction d’un espace ferroviaire unique au sein de l’Union européenne, car le développement des trains à grande vitesse encourage les déplacements de voyageurs à longue distance et la route a évincé le fret ferroviaire du transport de marchandises à courte distance. Le ferroviaire doit s’adapter à l’enjeu de la distance et, à cette fin, les gestionnaires d’infrastructures nationaux doivent se rapprocher les uns des autres et coopérer plus étroitement. Ce n’est pas en reconstituant des bastions nationaux, reposant sur des couples gestionnaire-opérateur historiques, que nous inciterons les uns et les autres à construire cet espace intégré et nous sommes donc profondément en désaccord, sur ce point, avec la proposition de résolution.

Ma dernière remarque tient à l’opacité, souvent dénoncée, des flux financiers entre l’État, RFF et la SNCF. Il nous semble qu’un effort de simplification s’impose et qu’il est impératif de prévenir tout flux entre le gestionnaire d’infrastructures et l’opérateur historique.

Quant aux flux inverses, de l’opérateur vers le gestionnaire, ils sont constitués par les péages et les redevances d’infrastructures. Si l’opérateur fait des bénéfices considérés comme trop importants, on peut soit augmenter les péages, soit prévoir un dividende exceptionnel à l’État actionnaire, susceptible d’être ensuite reversé par celui-ci au gestionnaire sous forme de subvention. Nous sommes donc également opposés à votre proposition d’autoriser les flux unilatéraux de l’opérateur vers le gestionnaire : celle-ci aboutirait à une complexification inopportune d’un système déjà passablement intriqué.

M. Bertrand Pancher. Le groupe UDI considère que le texte présenté comprend une série d’orientations de bon sens, s’agissant de grands opérateurs comme la SNCF et RFF.

Des réformes d’envergure du secteur ferroviaire ne sont pas envisageables sans le soutien de ces opérateurs. L’idée de pousser à la mise en place d’une holding, supervisant d’un côté l’exploitation, de l’autre le réseau, est largement soutenue et permettrait très certainement de faire baisser les coûts à travers une optimisation du fonctionnement.

Nous ne pouvons donc que soutenir un projet qui fait consensus, tout en soulignant que, quelle que soit l’architecture finale retenue, des mesures de rationalisation et d’économie ne pourront pas être évitées. Les trois milliards d’euros de déficit annuel de l’ensemble du système ne sont plus supportables.

Par ailleurs, la libéralisation du système ferroviaire européen appelle un véritable changement culturel chez tous les acteurs français – il me semble que la SNCF et RFF en sont pleinement conscients.

M. François-Michel Lambert. Il convient de prendre des précautions quand on parle d’aménagement du territoire et de transports. Comparer notre pays avec d’autres, ou encore comparer l’Île-de-France à d’autres régions, nécessite d’être prudent, surtout si l’on considère que la politique d’aménagement du territoire a déstructuré nos espaces. Contrairement à ce que l’on entend souvent, le transport ferroviaire est majoritairement un transport de proximité, alors qu’il y a stagnation du transport de longue distance. Nos travaux doivent être conduits à l’aune des besoins de nos concitoyens, afin de coupler l’aménagement du territoire à une politique intelligente de territorialisation.

À mon sens, ce quatrième « paquet ferroviaire » ne répond pas aux besoins quotidiens des usagers. La vision de la Commission européenne – analyser le rail comme un mode opératoire au même titre que la route – ne correspond pas à la réalité physique et n’a aucun sens : un train est prisonnier de ses rails et n’a pas la même souplesse qu’un véhicule routier ou qu’un avion...

Plusieurs députés. Les avions ont besoin de pistes pour décoller ou atterrir !

M. François-Michel Lambert. Mme Isabelle Durand, vice-présidente du Parlement européen, estime que – je la cite – « cette obsession de la Commission en faveur d’un éclatement du quatrième ‘paquet ferroviaire’, d’un cloisonnement strict de ses composantes, montre qu’elle n’a pas tiré les enseignements des conséquences de la faillite de son modèle et de celui du fret ferroviaire, ni des conclusions que les Britanniques tirent eux-mêmes de la libéralisation de leurs chemins de fer. Il convient au contraire de conserver une certaine souplesse dans le modèle de séparation et d’appel à la concurrence convenant le mieux à chaque État membre ». M. Jean-Jacob Bicep, membre de la commission des transports du Parlement européen, a mis pour sa part en lumière le fait que la concurrence n’avait apporté ni une diminution des coûts, ni une amélioration des services et qu’elle ne portait pas la moindre attention au statut des travailleurs.

La Commission européenne est portée par une idéologie libérale, loin des préoccupations sociales et écologiques. Il nous faut donc adopter une attitude offensive à son encontre. C’est bien ce que j’ai senti dans les propos de notre rapporteur. Il nous faut une Europe sociale. La mise en concurrence des travailleurs ne peut avoir que des conséquences désastreuses. La question fondamentale, que défend notre Gouvernement, est de garantir un service public de qualité pour les transports de proximité, d’assurer une égalité des tarifs ainsi qu’une véritable politique d’aménagement du territoire.

M. Michel Heinrich. Ce débat me rappelle celui sur l’ouverture du marché de l’électricité, auquel j’avais participé. Nous attendions la baisse des prix grâce à la concurrence. Nous en sommes très loin… Pouvons-nous attendre une diminution des coûts ou une amélioration du service ? Comment garantir l’existence des lignes peu ou pas rentables ?

M. Jean-Marie Sermier. Je salue l’excellence du travail de notre rapporteur. J’opérerai la même analyse que notre collègue François-Michel Lambert, mais avec des conclusions différentes. Quand M. Jean-Claude Gayssot avait accepté la libéralisation du fret, l’objectif était de 100 milliards de tonnes/km alors que le chiffre actuel n’est que de 34 milliards. Comme l’a révélé l’audition du directeur de Euro Cargo Rail, il me semble difficile de revenir à un seul opérateur, à la fois gestionnaire du réseau et organisateur des sillons. Il existe de nombreux obstacles en France pour trouver des sillons aussi facilement que dans d’autres pays européens. Je rejoins donc mon collègue Alain Gest contre cette proposition de résolution.

M. Martial Saddier. Je tiens à mon tour à souligner la compétence de notre rapporteur, mais je suis effrayé par les positions du groupe SRC. Nous connaissons bien cette question pour avoir organisé les Assises ferroviaires. Mes chers collègues, 2019 approche et il s’agit de trouver le moyen de traverser facilement l’Europe, tant pour des impératifs de communication que pour la préservation des équilibres écologiques. Notre débat donne l’impression que la majorité tergiverse, alors que s’agissant d’infrastructures lourdes, les décisions ont un effet sur 15 à 20 ans. Le groupe SRC semble avoir écouté le chant des sirènes des syndicats. Apparemment, ces derniers ont chanté très fort… (Murmures)

J’aimerais qu’on ne revienne pas sur des décisions qui correspondent à l’intérêt général. Sur les flux financiers, il ne fait par ailleurs aucun doute que la Commission européenne examinera le volet juridique.

Je profite enfin de cette réunion pour demander à notre président s’il connaît le calendrier parlementaire de ce texte ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. On parle d’un dépôt du projet de loi au mois de juin…

M. Gilles Savary, rapporteur. Je ne peux apporter de réponses catégoriques à des questions marquées par de fortes convictions, mais je peux vous livrer quelques éléments, eux-mêmes fonction de mes propres convictions. Il est probable que la réforme ferroviaire interviendra en France avant l’adoption du quatrième paquet ferroviaire. Nous ne sommes pas certains en effet que le Parlement européen puisse en débattre avant son renouvellement. La France devra donc se prononcer à partir de son modèle ferroviaire, sachant que l’Union européenne ne sera pas en mesure de se prononcer sur le système français réformé au regard des dispositions du quatrième paquet, puisque celui-ci ne sera adopté qu’ensuite. Si on parvient à un texte équilibré, on peut faire prévaloir un modèle français.

Ce que je vous propose est intermédiaire entre le modèle allemand et le modèle ultralibéral, et quand j’évoque les transferts financiers de SNCF vers RFF, de l’opérateur du réseau vers le gestionnaire d’infrastructures, je suis sur une ligne différente du système allemand tout en offrant une perspective à la Commission européenne. En outre, nous gérerions 500 millions d’euros par an, qui ne sortiraient pas de notre système. C’est certes complexe, avec soit le versement de dividendes, soit l’augmentation des péages, mais il est plus simple de ne pas distribuer de dividendes et d’affecter les sommes afférentes sur les infrastructures. Si je propose un mécanisme asymétrique, c’est pour mettre fin au système allemand, qui biaise la concurrence.

L’Allemagne, avec la Deutsche Bahn (DB), convoite le marché français : il est inutile de le cacher. Il nous faut donc envoyer des messages. Les profits de DB Netz basculent automatiquement dans les comptes de la Deutsche Bahn. Tout entrant sur le marché allemand paie une double dîme, une pour l’accès au marché via des péages très élevés, l’autre pour acquitter l’électricité produite par DB. Avec ces sommes, DB conduit une stratégie de croissance externe, notamment en Espagne, encerclant ainsi le marché français.

M. Martial Saddier. La Suisse fait obstacle ! (Sourires)

M. Gilles Savary, rapporteur. S’accoler à DB peut être intéressant dans un premier temps, mais j’y reviendrai, de même que je reparlerai de la nécessité d’un groupe intégré. Il faut dissocier les vertus de la concurrence de la politique industrielle. La Commission européenne réduit la politique industrielle à la politique de la concurrence, ce qui est dangereux et affaiblit, voire démantèle, les grands groupes européens.

Il est nécessaire de clarifier et de simplifier la gouvernance de notre système ferroviaire, notamment en fonction de ce principe simple : qui décide paye ! Ce qui est proposé à travers le quatrième « paquet ferroviaire », ce n’est ni plus ni moins que la construction de « l’Europe du rail », en même temps que la transformation de la SNCF en opérateur majeur de cette Europe en devenir, en prenant en compte ses obligations de service public.

La concurrence dans le domaine ferroviaire prend d’abord la forme de celle qui voit s’affronter quotidiennement le rail et la route. Je rappelle qu’en France 83 % du trafic intérieur transite par la route, 17 % seulement par le réseau ferré, et que celui-ci génère 29 milliards d’euros de recettes, dont 13 qui bénéficient directement aux opérateurs ferroviaires. Nous avons tous collectivement été impuissants à modifier cet équilibre : le port du Havre n’est par exemple toujours alimenté qu’à 5 % par le réseau ferré qui le relie à son hinterland ! Nous avons donc besoin d’une vision logistique stratégique. Il ne suffit malheureusement pas de sauter comme un cabri en disant « Le fret, le fret » - comme le disait le général de Gaulle à propos de l’Europe – pour faire avancer sa cause.

En 2001, la relance du fret ferroviaire s’est soldée par un échec. Pour une bonne raison, quasiment culturelle : notre système ferroviaire privilégie le trafic voyageurs, et on imagine mal un train de ligne bondé patienter quatre heures sur une voie de garage pour laisser passer un train de marchandises ! Tout le contraire du modèle américain, dans lequel la priorité va très clairement au fret, et qui comporte très peu de trafic voyageurs.

La concurrence n’est donc pas une fin en soi. Conduit-elle dans le domaine ferroviaire à une baisse des prix ? J’en doute, car les investissements colossaux à réaliser sur le réseau et la nécessité de les amortir imposent rapidement une augmentation des péages et des redevances d’utilisation. Une solution pourrait être d’adopter la logique du modèle allemand, qui consiste à augmenter les péages au fur et à mesure de l’apparition des nouveaux entrants sur le marché. Nous ne pouvons cependant y songer pour ce qui nous concerne, car elle aboutirait à peser lourdement sur les finances de notre opérateur historique, et donc à le pénaliser, ce que je refuse.

Prenez les TER : nous en conservons une approche un peu mythique, auréolée de leur succès. Dans quelle situation se trouvent-ils en réalité ? Les voyageurs les plébiscitent s’ils n’ont pas à contribuer à leur financement – ils ne le font aujourd’hui qu’à hauteur de 28 %… Les présidents de région, qui sont aujourd’hui financièrement « au taquet », connaissent le coût exorbitant des rames cadencées en heure creuse, circulant à vide en rase campagne : ils évoluent vers une gestion mixte, en lançant notamment des liaisons par car.

Pour répondre à M. Alain Gest, nous n’avons aucune volonté de casser l’opérateur historique. L’exemple de la Grande-Bretagne nous enseigne que ce risque existe en cas d’ouverture non maîtrisée de l’espace ferroviaire à la concurrence : l’Angleterre est découpée en 27 régions ferroviaires, chacune desservie par un opérateur exclusif, dont aucun n’a la taille critique européenne pour affronter la concurrence mondiale, notamment chinoise, qui a déjà pris position au sein de l’Union, par exemple à Stockholm.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je dois dire que la tonalité de certaines interventions me surprennent : il me semble que les auditions que nous avons organisées très en amont sur la réforme ferroviaire, qu’il s’agisse de celle du président Guillaume Pepy ou celle de M. Jean-Louis Bianco, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par le Gouvernement, avaient été reçues positivement et avaient permis de lever les légitimes interrogations des commissaires.

M. Martial Saddier. Nos inquiétudes portent pour l’essentiel sur ce qu’il adviendra du projet de loi réformant notre système ferroviaire à l’issue du débat au Parlement.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous aurons l’occasion de poursuivre ce débat lors de l’examen des textes – je pense au projet de loi sur la réforme ferroviaire, mais aussi à ceux portant « acte III » de la décentralisation, qui comporteront des dispositions liées aux transports – qui viendront à l’ordre du jour de notre assemblée.

M. Martial Saddier. Le président Jean-Paul Chanteguet a très bien compris ce que je voulais dire. (Sourires)

II.— EXAMEN DES ARTICLES

Avant l’article premier

La commission a adopté les amendements rédactionnels n° CD 20 et CD 1, au troisième visa.

Article premier

« Quatrième paquet ferroviaire »

La commission a successivement adopté les amendements rédactionnels ou de cohérence CD 5, CD 8, CD 10, CD 22, CD 24 et CD 12.

M. Alain Gest. Le groupe UMP s’abstiendra sur cet « article » premier.

La commission a adopté l’article premier ainsi modifié.

Article 2

Proposition de directive modifiant la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant
un espace ferroviaire unique européen, en ce qui concerne l'ouverture
du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin
de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire (COM [2013] 29 final)

La commission a ensuite adopté les amendements rédactionnels CD 14, CD 16, CD 3, CD 6, CD 26, CD 9, CD 27, CD 18 et CD 11 du rapporteur.

M. Alain Gest. Le groupe UMP s’abstiendra également sur cet « article ».

La commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement 1370/2007/CE en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer (dit « Règlement OSP ») (COM [2013] 28 final)

La commission a successivement adopté les amendements rédactionnels CD 28 du rapporteur, CD 29 du président Jean-Paul Chanteguet, CD 13, CD 15, CD 19, CD 17 et CD 21 du rapporteur.

La commission a adopté à l’unanimité l’article 3 ainsi modifié.

Article 4

Proposition de règlement du Parlement et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement
(CE) no° 881/2004 (COM [2013] 27 final)

La commission a adopté les amendements rédactionnels du rapporteur CD 4 et CD 7. Puis elle a adopté à l’unanimité l’article 4 ainsi modifié.

Article 5

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité ferroviaire (Refonte) (COM [2013] 31 final)

La commission a ensuite adopté les amendements rédactionnels du rapporteur CD 2 et CD 23. Puis elle a adopté l’article 5 ainsi modifié.

Article 6

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) n° 1192/69 relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer (COM [2013] 26 final)

La commission a adopté l’article 6 sans modification.

Article 7

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l’Union européenne (Refonte) (COM [2013] 30 final)

La commission a adopté l’article 7 sans modification, le rapporteur ayant retiré son amendement CD 25.

*

M. Alain Gest. Vous aurez compris, monsieur le président, que nos hésitations sur la philosophie générale du texte se nourrissent de nos craintes de le voir dénaturé lors de son examen au Parlement. Pour cette raison, nous nous abstiendrons sur les deux premiers articles de la résolution. Nous resterons vigilants ensuite quant aux textes qui préciseront l’évolution de notre système ferroviaire, sans nous interdire de revoir alors notre position d’attente de ce jour.

M. Rémi Pauvros. S’il fallait trouver une raison supplémentaire de voter ce projet, nos 50 000 cheminots nous la fournissent.

La commission a alors adopté l’ensemble de la proposition de résolution ainsi modifiée, le groupe UMP s’abstenant.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CD 1 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Avant l’article 1er

Au 2 du troisième visa, substituer au mot : « nations », le mot : « nationaux ».

Amendement CD 2 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 5

Rédiger ainsi le début de l’alinéa 1 :

« 1. Se félicite du renforcement et de la simplification des règles de sécurité prévus par la proposition de directive, tout en conservant… (le reste sans changement) ».

Amendement CD 3 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 14, supprimer les mots : « dans les deux cas ».

Amendement CD 4 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 4

À la fin de l’alinéa 5, substituer aux mots : « le règlement », les mots : « la proposition de règlement ».

Amendement CD 5 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 1, substituer aux mots : « voyageur national », les mots : « national de voyageurs ».

Amendement CD 6 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

Rédiger ainsi le début de l’alinéa 16 :

« 5. Récuse le traitement discriminant fait par la proposition de directive en son article 7 quater, au titre duquel, à la demande d’un État membre, la Commission européenne disposerait d’un pouvoir de contrôle de conformité des seules entreprises ferroviaires verticalement intégrées à l’exception des autres types d’entreprises ferroviaires, pouvant motiver une restriction de leurs droits d’accès… (le reste sans changement) ».

Amendement CD 7 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 4

À l’alinéa 6, substituer aux mots : « instaurées par les articles 21 et 22 de la proposition de règlement, mais estime que les pouvoirs qu’il confère », les mots : « instauré par les articles 21 et 22 de la proposition de règlement, mais estime que les pouvoirs que ces articles confèrent ».

Amendement CD 8 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 1er

À la fin de l’alinéa 1, substituer au mot : « passagers », le mot : « voyageurs ».

Amendement CD 9 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 19, supprimer le mot : « seuls ».

Amendement CD 10 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « la date d’ouverture totale au », les mots : « comme date d’ouverture totale le ».

Amendement CD 11 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 25, substituer aux mots : « le chemin de fer », les mots : « le secteur ferroviaire ».

Amendement CD 12 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 11, substituer aux mots : « d’en adapter la gouvernance », les mots : « d’adapter la gouvernance des systèmes ferroviaires nationaux ».

Amendement CD 13 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 3

À l’alinéa 4, substituer au mot : « suggestions », le mot : « sujétions ».

Amendement CD 14 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

Après le mot : « nationale », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 1 : « des dispositions suivantes avant la date butoir du 16 juin 2015 : ».

Amendement CD 15 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 3

À l’alinéa 6, substituer aux mots : « le projet », les mots : « la proposition ».

Amendement CD 16 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 11, substituer aux mots : « le nouveau projet », les mots : « la nouvelle proposition ».

Amendement CD 17 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 3

À l’alinéa 8, substituer aux mots : « le projet de texte », les mots : « la proposition de directive ».

Amendement CD 18 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 25, substituer aux mots : « 1er janvier », les mots : « 31 décembre ».

Amendement CD 19 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 3

À l’alinéa 7, substituer aux mots : « modifiant l’ », les mots : « insérant un ».

Amendement CD 20 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Avant l’article 1er

Rédiger ainsi le troisième visa :

« Vu l’ensemble de six propositions d’actes européens dénommé ‘quatrième paquet ferroviaire’ adopté… (le reste sans changement) ».

Amendement CD 21 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 3

À l’alinéa 9, après le mot : « actuel », insérer les mots : « du ‘règlement OSP’ ».

Amendement CD 22 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 1er

À la fin de l’alinéa 9, supprimer le mot : « notamment ».

Amendement CD 23 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 5

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « responsabilité et de clarté », les mots : « détermination de responsabilités et de nécessaire clarté dans la répartition des compétences ».

Amendement CD 24 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 10, substituer aux mots : « de celles de la route, de l’aérien et du maritime », les mots : « de l’abolition des frontières routières, aériennes et maritimes ».

Amendement CD 25 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 7

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « en marché des véhicules d’une part, et de mise en service », les mots : « sur le marché des véhicules, d’une part, et de mise en service des véhicules, ».

Amendement CD 26 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

Après les mots : « compagnie ferroviaire », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 17 : « appartenant à une entreprise verticalement intégrée, puissent demeurer dans le système ferroviaire pour être affectés au financement de l’infrastructure, et non au versement de dividendes ; ».

Amendement CD 27 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 24, substituer au mot : « est », le mot : « soit ».

Amendement CD 28 présenté par M. Gilles Savary, rapporteur :

Article 3

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « révision du », les mots : « proposition de règlement modifiant le ».

Amendement CD 29 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable :

Article 3

À l’alinéa 3, substituer aux mots : « , à l’instar de la France, », les mots : « , contrairement à la France, ».

ANNEXE

Texte de la proposition de résolution européenne adopté
par la commission des affaires européennes

L’Assemblée Nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 206, 207 et 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’ensemble de propositions d’actes communautaires dénommés « 4e paquet ferroviaire » adopté par le collège des commissaires européens le 30 janvier 2013, composé de :

1. La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen, en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire (COM [2013] 29 final),

2. La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement 1370/2007/ en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nations de transport de voyageurs par chemin de fer (dit « Règlement OSP ») (COM [2013] 28 final,

3. La proposition de règlement du Parlement et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement (CE) no 881/2004 (COM [2013] 27 final),

4. La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité ferroviaire (Refonte) (COM [2013] 31 final),

5. La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l’Union européenne (Refonte) (COM [2013] 30 final),

6. La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) no 1192/69 relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer (COM [2013] 26 final),

Vu les arrêts no 555/10, 556/10 et C-473/10 du 28 février 2013 de la Cour de justice de l’Union européenne, 

Article premier
Le « quatrième paquet ferroviaire »

1. Considérant que cet ensemble de propositions de la Commission européenne constitue la dernière étape d’ouverture des réseaux ferroviaires nationaux, portant sur le trafic voyageur national, consécutivement aux trois étapes précédentes de 2001 pour le trafic international de fret, de 2004 pour le trafic national de fret, et de 2007 pour le trafic international de passagers,

2. Souligne que l’ouverture des trafics nationaux de voyageurs concerne plus de 94 % de la totalité du trafic ferroviaire de voyageurs en Europe, et constitue donc l’étape d’ouverture la plus importante depuis la première directive 91/440/CE prolongée par le premier paquet ferroviaire (directive 2001/12/CE),

3. Observe que ce quatrième paquet ferroviaire intervient dans un contexte européen d’ouverture très divers, la Suède en 1990, l’Allemagne et le Royaume-Uni en 1996, les Pays-Bas en 1999, l’Italie en 2001, l’Autriche en 2002, et la République tchèque en 2011, ayant anticipé sur la législation européenne, l’ouverture des trafics passagers domestiques.

4. Note que l’objet du quatrième paquet ferroviaire est à la fois de proposer la date d’ouverture totale au 31 décembre 2019, mais également de tirer les enseignements des étapes précédentes, et de leurs insuffisances, en lui associant :

– des dispositions de gouvernance des systèmes ferroviaires nationaux, compatibles avec l’ouverture totale des réseaux, et préservant les contrats de service public des trains conventionnés ;

– des mesures de consolidation dans un seul texte des normes d’interopérabilité, de certification et d’homologation des matériels, afin de lever les obstacles à la mise en place d’une Europe du rail sans frontières, en renforçant notamment leur reconnaissance mutuelle par l’ensemble des États membres, ainsi que les prérogatives de l’Agence Ferroviaire Européenne ;

– des règles européennes de sécurité ferroviaire renforcées et leur consolidation en un seul texte.

5. Relève que par ailleurs, il est proposé d’abroger le règlement (CEE) no 1192/69 relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer.

6. Estime que l’ouverture à la concurrence des réseaux ferroviaires nationaux ne saurait constituer une fin en soi, ni une condition suffisante de compétitivité et de qualité de service du rail, qui dépendent de bien d’autres facteurs, comme des capacités ou de l’état du réseau et de la gestion des circulations, et des liens inter-modaux notamment.

7. Observe cependant qu’elle est la conséquence logique de l’abolition progressive des frontières ferroviaires en Europe à la suite de celles de la route, de l’aérien et du maritime, et s’inscrit dans un marché du transport où les concurrences intermodales et modales sont anciennes, et nécessitent que l’Europe garde sa position d’excellence.

8. Convient de la nécessité d’en adapter la gouvernance, les règles de sécurité et d’homologation des matériels ferroviaires, ainsi que le cadre social et la certification des personnels.

Article 2
Proposition de directive modifiant la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire
(COM [2013] 29 final)

1. Considérant que la proposition de directive concernant « l’ouverture du marché des services nationaux de transports de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire », vise à modifier la directive 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen qui devra, quoi qu’il advienne des textes du « quatrième paquet ferroviaire », faire l’objet d’un acte législatif de transposition nationale avant la date butoir du 16 juin 2015, des dispositions suivantes :

- indépendance de gestion des entreprises ferroviaires et des gestionnaires de l’infrastructure, entre eux et vis-à-vis de l’État ;

- garantie d’accès équitable et non discriminatoire aux fonctions essentielles qui doivent être assurées indépendamment de toute entreprise ferroviaire ;

- séparation entre la gestion de l’infrastructure et les différents types d’activité de transport ;

- accès aux services et aux installations de services non discriminatoire et transparent ;

- assainissement de la situation financière et transparence de la dette du système ferroviaire ;

- harmonisation des conditions d’obtention des licences ferroviaires ;

- système de tarification de l’infrastructure et de répartition des capacités avec des possibilités de modulation des redevances en fonction des coûts externes, la possibilité d’accords-cadres, ainsi que d’un régime d’utilisation des sillons, de responsabilité et de coordination en cas de travaux ou de saturation ;

- nature, missions et coordination des organismes de contrôle ;

- instauration facultative d’une redevance sur les transports commerciaux de voyageurs affectée au financement des contrats de service public.

2. Relève que le nouveau projet de directive vise à préciser ces dispositions et à les renforcer, le cas échéant, dans une approche plus globale de la gouvernance ferroviaire, distinguant :

- un modèle d’organisation juridiquement, organiquement et fonctionnellement séparé.

- un modèle intégré verticalement de type holding.

3. Souligne que dans les deux cas, le projet de directive énonce les règles d’indépendance et de cloisonnement organique, juridique et financier permettant, dans ces deux modèles d’assurer un accès libre, transparent et non discriminatoire aux fonctions essentielles et aux services ferroviaires des compagnies ferroviaire, en évitant tout conflit d’intérêt.

4. Considère que la nouvelle rédaction du paragraphe 5 de l’article 7 de la directive 2012/34/UE revenant à interdire implicitement de créer de nouvelles sociétés verticalement intégrées, à compter de la date d’entrée en vigueur de la directive modifiant la directive 2012/34/UE, n’est pas acceptable en cela qu’elle ne respecte pas le principe de subsidiarité, et entre en contradiction avec les articles 7 bis à 7 sexies ajoutés par le texte, qui énoncent des dispositions spécifiques d’indépendance du gestionnaire de l’infrastructure, au sein d’entreprises verticalement intégrées considérées comme parfaitement licites.

5. Récuse le traitement discriminant fait par le texte en son article 7 quater au titre duquel, à la demande d’un État membre, la Commission européenne disposerait d’un contrôle de conformité des seules entreprises ferroviaires verticalement intégrées à l’exception des autres types d’entreprises ferroviaires, pouvant motiver une restriction de ses droits d’accès sur un autre réseau, et considère que les procédures de contrôle, de traitement des litiges ou des réclamations doivent porter sur la conformité aux principes de transparence, d’impartialité, de libre accès et de non-discrimination, indépendamment du statut et de l’organisation de l’entreprise ferroviaire concernée.

6. Propose que les règles, introduites par le nouvel article 7 bis alinéa 3, de stricte indépendance financière et comptable des gestionnaires de l’infrastructure par rapport aux entreprises ferroviaires, soient aménagées de façon à ce que d’éventuels bénéfices d’autres entités, en particulier d’une compagnie ferroviaire d’une entreprise verticalement intégrée, puissent demeurer dans le système ferroviaire et être affectés au financement de l’infrastructure, à l’exclusion de l’inverse.

7. Souligne que des dérogations au principe de séparation entre gestionnaires d’infrastructure et compagnies ferroviaires, soient explicitement aménagées pour ce qui concerne des réseaux et des services spécifiques, de portée géographique limitée, en regard d’exigences particulières de service, de sécurité, ou de singularités géographiques, patrimoniales et touristiques.

8. Regrette que les incompatibilités de mobilité professionnelle de l’article 7 ter alinéa 4 ne concernent que les seuls dirigeants d’entités appartenant à une entreprise verticalement intégrée, et estime essentiel pour la « compétitivité réseau » et la « culture de sécurité » nécessaires aux chemins de fer, que des passerelles professionnelles soient préservées entre les différents métiers et les différentes entités des systèmes ferroviaires.

9. Attire l’attention sur le fait que l’alinéa 5 de l’article 7 ter, qui oblige à un strict cloisonnement physique des locaux et des personnels du gestionnaire de l’infrastructure d’une part, et de ceux de toute autre entité juridique d’une entreprise verticalement intégrée d’autre part, constitue une contradiction manifeste à l’égard de la possibilité ouverte par l’alinéa 4 de l’article 7 aux entreprises séparées, de sous-traiter entre-elles des taches d’infrastructure, et par conséquent une discrimination spécifique à l’encontre des entreprises verticalement intégrées.

10. Se félicite de la mise en place de comités de coordination pour chaque réseau afin d’associer à sa gouvernance les nouveaux entrants, les usagers des transports de voyageurs, et les utilisateurs de services de fret ferroviaire, afin de veiller à l’impartialité de l’accès aux capacités, aux fonctions essentielles, aux services ferroviaires, et plus généralement à la qualité et aux performances du réseau.

11. Se félicite de la mise en place à l’article 11 d’une procédure permettant à un État de limiter le droit d’accès à l’infrastructure dès lors qu’il mettrait en danger l’équilibre économique d’un service ferroviaire de service public.

12. Agrée l’opportunité de renforcer la coopération des gestionnaires de l’infrastructure au sein de l’Union, par la mise en place d’un réseau permettant d’en coordonner les investissements, d’en améliorer les normes techniques, et d’en comparer les performances, afin d’accélérer la construction de l’Europe du rail.

13. Appelle de ses vœux des dispositions plus précises permettant d’assurer que l’attribution des sillons est strictement coordonnée à l’accès aux services, notamment aux gares et aux installations de services de fret.

14. Estime absolument indispensable que la Commission européenne mette en place, en tout état de cause avant la date d’ouverture finale des réseaux proposée pour le 1er janvier 2019, des dispositions précises relatives aux travailleurs mobiles, permettant de prévenir et d’éviter dans le chemin de fer, les pratiques de dumping et de concurrence salariale, observées dans les secteurs routiers et maritimes, notamment en envisageant une procédure de certification spécifique aux personnels de bord.

Article 3
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement 1370/2007/CE en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer
(dit « Règlement OSP »)
(COM [2013] 28 final)

1. Prend acte que l’ouverture généralisée du trafic ferroviaire national de passagers, nécessite une adaptation du « règlement OSP », mettant un terme à l’exception de l’article 5 paragraphe 6, concernant les chemins de fer lourds.

2. Se félicite cependant que la révision du « règlement OSP » n’affecte pas le libre choix des autorités organisatrices de transport entre ouvrir leurs réseaux de chemins de fer à la concurrence à travers des délégations de service public, ou les opérer elles-mêmes en régie directe, alignant ainsi le régime des trains de service public régionaux ou inter-régionaux sur le régime des transports collectifs urbains, et plus généralement des services publics locaux.

3. Se félicite que la proposition de règlement modifiant le « règlement OSP » oblige les États membres qui n’ont pas encore ouvert leurs transports collectifs urbains à la concurrence (au titre de l’article 5 paragraphe 3), à l’instar de la France, à le faire à compter de 2019, et exprime le souhait que les tramways n’en soient pas exemptés.

4. Se félicite que l’exploitation des métros puisse continuer à bénéficier d’attributions directes, eu égard aux suggestions particulières et aux exigences de sécurité et de sûreté nécessitées par ces modes de transports de masse à haut cadencement.

5. Agrée l’obligation faite par l’article 1 alinéa 2, aux autorités organisatrices de transport de service public, d’établir des plans de transports publics de voyageurs, ainsi qu’il en est fait l’obligation en France aux agglomérations de plus de 100 000 habitants pour les plans de déplacements urbains, mais considère qu’il peuvent constituer des obligations bureaucratiques superflues et sans effet pour les trains grandes lignes conventionnés d’aménagement du territoire, et suggère d’en cantonner l’obligation aux seules agglomérations d’une certaine taille.

6. Se félicite qu’il soit possible de procéder par attribution directe, hors régies et hors procédures d’appels d’offres, pour des marchés de transports conventionnés inférieurs aux seuils prévus par le projet de directive.

7. Considère comme particulièrement bienvenues les dispositions de l’article 1 alinéa 5 modifiant l’article 5 bis, proposant différents régimes de propriété du matériel roulant, et de prise en charge de la valeur résiduelle en cas de transfert, dans un contexte de mise en concurrence de contrats de service public de transport.

8. Se félicite que le projet de texte confirme la conformité à la législation européenne de diverses modalités de transfert des personnels, avec les mêmes obligations sociales, en cas de changement d’opérateur, sans préjudice d’autres dispositions nationales.

9. Insiste absolument pour le maintien en l’état de l’article 9 actuel, d’exemption des compensations de service public sans notification préalable à la Commission, tant dans la législation sectorielle (Règlement 1370/2007 dit « OSP ») que dans la législation transversale de l’Union en cours de révision (Règlement 994/98 dit « d’habilitation »).

Article 4
Proposition de règlement du Parlement et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement (CE) no 881/2004
(COM [2013] 27 final)

1. Se félicite de la clarification et du renforcement des missions de l’agence ferroviaire européenne en rapport avec la nécessité d’exiger un haut niveau de sécurité des matériels et des process, parallèlement à la dernière étape d’ouverture du marché, et avec la modification de la directive 2008/57/CE relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l’Union.

2. Agrée la fonction d’appui de l’Agence ferroviaire européenne aux organismes de contrôle nationaux en matière de sécurité et d’interopérabilité, instaurée par l’article 9.

3. Se félicite de l’association des syndicats de personnels dans les groupes de travail de l’Agence ferroviaire européenne ayant un rapport avec les conditions de sécurité et de santé des travailleurs, ainsi que de leur consultation formelle dans le cadre du dialogue social sectoriel sur les sujets ayant une incidence sur l’environnement social.

4. Considère que les nouvelles prérogatives de l’Agence ferroviaire européenne en matière de délivrance des certificats de sécurité, des autorisations de mise sur le marché des véhicules et de mise en service des sous-systèmes contrôle-commande, vont dans le sens de la construction d’un espace ferroviaire unique européen, de la levée des barrières techniques nationales à son accomplissement et de la constitution d’un marché intérieur des matériels susceptibles d’améliorer la compétitivité de l’Europe face aux concurrences émergentes.

5. Considérant que la grande majorité des décisions touchant à la sécurité resteront à prédominance nationale avant un stade d’accomplissement significatif de l’espace ferroviaire unique européen, estime que le transfert complet de la délivrance des certificats de sécurité à l’Agence ferroviaire européenne est excessif et prématuré, et qu’elle doit être conjointement assurée jusqu’à nouvel ordre, par les autorités de sécurité nationales en première instance, l’Agence ferroviaire européenne ayant pour mission d’en définir les procédures, d’en contrôler les décisions, et de s’y substituer en appel de plein exercice en cas de contestation ou de carence manifeste de l’autorité nationale, l’agence ferroviaire européenne disposant le cas échéant, d’une capacité d’auto-saisine dans des cas précisément prévus par le règlement.

6. Agrée un contrôle a priori des règles nationales d’interopérabilité et de sécurité instaurées par les articles 21 et 22 de la proposition de règlement, mais estime que les pouvoirs qu’il confère à la Commission européenne, manquent de transparence démocratique, à l’égard notamment des parlements nationaux du fait de l’extension des procédures de comitologie, et suggère qu’un rapport régulier leur soit adressé à cette fin.

7. Se félicite de la mise en place sous l’égide de l’Agence des organismes d’enquête et des organes représentatifs, afin de renforcer la collaboration entre les États-membres en matière de sécurité.

8. Approuve les dispositions de gouvernance de l’Agence ferroviaire européenne en considération des nouvelles missions qui lui sont conférées, sous réserve d’une moindre nécessité de renforcement de ses moyens, dès lors qu’elle ne bénéficierait pas d’un transfert complet pour l’ensemble du système ferroviaire européen de la compétence de délivrance des certificats de sécurité.

9. Attire l’attention sur le déficit de transparence des travaux de l’Agence ferroviaire européenne à l’égard des parlements nationaux, en regard de leur impact sur la sécurité des systèmes ferroviaires nationaux, et suggère que des rapports d’information réguliers y pallient.

Article 5
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité ferroviaire (Refonte)
(COM [2013] 31 final)

1. Se félicite des renforcements et de la simplification des règles de sécurité mise en place par la directive européenne, tout en conservant l’architecture initiale, et exprime le souhait que ces règles de sécurité s’appliquent sans préjudice des règles nationales plus strictes.

2. Agrée la mise en place d’une certification de sécurité simplifiée, à un seul volet, sans préjudice des exigences de haut niveau qui conditionnent sa délivrance.

3. Considère que la nouvelle compétence de délivrance de certificats de sécurité confiée à l’agence ferroviaire européenne, participe de la nécessité de lever le principal obstacle à l’homologation des matériels entre États membres mais juge prématuré que l’Agence ferroviaire européenne se substitue totalement aux autorités nationales de sécurité et suggère la mise en place d’un dispositif où elle interviendrait en appel de décisions contestées ou de carence manifeste, dans les délais prévus, des autorités nationales de sécurité, l’agence pouvant s’autosaisir dans des cas spécifiés.

4. Considère par conséquent, y compris pour des problèmes de responsabilité et de clarté entre États membres, que le rôle des autorités nationales ne peut se limiter à une mission de contrôle optionnel et ex-post des certifications de sécurité délivrées par l’Agence ferroviaire européenne, et demande une modification de la proposition de directive en ce sens.

5. Estime nécessaire d’envisager une compensation partielle des coûts de formation en cas de transfert d’un conducteur de train, de l’entreprise ferroviaire qui les a pris en charge à une autre.

Article 6
La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) no 1192/69 relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer
(COM [2013] 26 final),

1. Prend acte que des dispositions législatives européennes nouvelles – notamment la directive 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen – rendent caduques le règlement no 1192/69 et justifient son abrogation.

2. Souligne cependant que ce dernier n’a pas été accompagné d’un contrôle d’application suffisant de la Commission européenne de telle sorte que des distorsions importantes subsistent entre entreprises ferroviaires « historiques » et nouveaux entrants, notamment pour ce qui est du régime de la dette historique et de la prise en charge de régimes de pension spécifiques, et formule le souhait que la Commission européenne veille à ce que la dernière étape d’ouverture s’effectue dans un environnement de concurrence équitable.

Article 7
La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l’Union européenne (Refonte)
(COM [2013] 30 final)

1. Partage les objectifs attachés à l'interopérabilité des systèmes ferroviaires au sein de l'Union européenne et à la stratégie, à la fois coopérative, consensuelle, graduelle et adaptative retenue pour assurer la convergence technique progressive des systèmes, des sous-systèmes ferroviaires et de leurs composants, afin de garantir des exigences élevées de sécurité et d'harmonisation technique des systèmes ferroviaires européens, et de lever progressivement les obstacles à leur unification.

2. Approuve l'extension du champ de l'interopérabilité à la totalité des systèmes ferroviaires européens dans la perspective de l'ouverture généralisée des trafics ferroviaires, mais recommande une application souple et pragmatique de sa mise en œuvre en fonction de son coût pour le système ferroviaire afin de ne pas dégrader sa compétitivité intermodale.

3. Agrée les régimes d'exception et de dérogation permanents ou temporaires envisagés par la directive pour des raisons géographiques, transfrontalières, ou de compatibilité avec les systèmes techniques existants.

4. Se félicite de la mise en place d'une procédure de double autorisation, de mise en marché des véhicules d'une part, et de mise en service d'autre part, ainsi que de la systématisation des registres du matériel roulant tenus par l'Agence ferroviaire européenne permettant d'améliorer la connaissance, l'identification et la traçabilité des matériels en circulation au sein de l'Union européenne.

5. Suggère de ne pas multiplier et alourdir inconsidérément les structures et les procédures de notification et d'évaluation de la conformité par rapport à l'existant, afin d'en limiter les coûts au strict nécessaire pour les systèmes ferroviaires.

© Assemblée nationale

1 () Directives 2001/12/CE à 2001/16/CE - Transposition en France par le Décret n°2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferré national - Ouverture effective en France le 15 mars 2003

2 () Directives 2004/49/CE à 2004/51/CE – Transposition en France par la Loi n°2006-10 du 5 janvier 2006 - ouverture effective en France le 31 mars 2006

3 () Directives 2007/58/CE et 2007/59/CE – Transposition en France par la Loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 - Ouverture effective le 13 décembre 2009