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No 990

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 avril 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 760), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives,

PAR M. Marc DOLEZ,

Député.

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Voir les numéros

Sénat : 1ère lecture : 169 (rect. bis), 355, 356 et T.A. 102 (2012-2013).

INTRODUCTION 5

I. L’AMNISTIE : UNE « TRADITION RÉPUBLICAINE » DE PARDON ET DE RÉCONCILIATION NATIONALE 6

II. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT : UNE AMNISTIE AU CHAMP D’APPLICATION STRICTEMENT DÉFINI 8

A. UN CHAMP D’APPLICATION STRICTEMENT DÉFINI 9

1. L’amnistie pénale 9

2. L’amnistie disciplinaire 10

B. UN CHAMP D’APPLICATION PLUS RESTREINT QUE CELUI DES LOIS D’AMNISTIE ANTÉRIEURES 11

III. MALGRÉ UN CHAMP D’APPLICATION DE L’AMNISTIE STRICTEMENT DÉFINI ET LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR, LA COMMISSION DES LOIS A REJETÉ LA PROPOSITION DE LOI 13

DISCUSSION GÉNÉRALE 15

EXAMEN DES ARTICLES 25

Chapitre Ier Amnistie des délits commis à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives 25

Article 1er A (nouveau)  Amnistie des mineurs condamnés à l’occasion des grèves de 1948 et 1952 25

Article 1er Définition du champ d’application de l’amnistie 26

Article 1er bis (nouveau) Exclusion du champ de l’amnistie des dégradations volontaires ayant pour conséquence de nuire aux travaux scientifiques ou de recherche 36

Article 2  Procédure de constatation de l’amnistie après condamnation définitive 37

Chapitre II Contestations relatives à l’amnistie 38

Article 3 (supprimé) Contestations relatives à l’amnistie 38

Chapitre III Amnistie des sanctions disciplinaires 39

Article 4  Amnistie des faits commis par des salariés ou agents publics passibles de sanctions disciplinaires 39

Article 5 Amnistie des faits commis par des étudiants ou élèves passibles de sanctions disciplinaires – Droit à réintégration 41

Chapitre IV Réintégration des salariés licenciés 43

Article 6 Réintégration des salariés et agents publics licenciés 43

Article 7 Contestations en matière d’amnistie des sanctions disciplinaires 47

Chapitre V Effets de l’amnistie 47

Article 8 Effets principaux de l’amnistie 47

Article 9 (supprimé) Autres effets de l’amnistie 51

Article 10 Préservation des droits des tiers victimes des faits amnistiés 52

Chapitre VI Fichage des informations nominatives et des empreintes génétiques 52

Article 11  Suppression des données personnelles enregistrées dans les fichiers de police – Amnistie du délit de refus de se soumettre à un prélèvement biologique ordonné consécutivement à une infraction amnistiée 52

Article 12 (nouveau) Application territoriale de la loi 55

TABLEAU COMPARATIF 57

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 63

AUDITION CONDUITE PAR LE RAPPORTEUR 69

MESDAMES, MESSIEURS,

Déposée le 28 novembre 2012 au Sénat par Mmes Annie David, Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues, la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives a été adoptée par le Sénat le 27 février 2013, après que la commission des Lois du Sénat l’avait rejetée le 13 février 2013.

Notre pays traverse actuellement une crise économique d’une particulière dureté. En six ans, le taux de chômage a augmenté de 3 points, passant de 7,5 % au 1er janvier 2007 à 10,6 % au 1er janvier 2013. En 2012, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A (1) a crû de 10 %, après une augmentation de 5,3 % en 2011 : en deux années, ce sont 427 000 personnes supplémentaires qui se sont retrouvées dans cette situation (2). Dans l’industrie manufacturière, en particulier, les effectifs salariés sont passés de près de 3,3 millions de personnes au 1er janvier 2007 à moins de 2,9 millions au 1er janvier 2013 (3).

Dans la fonction publique, la révision générale des politiques publiques (RGPP) mise en place à partir de 2007 a conduit à une importante dégradation des conditions de travail et à une hausse des risques psycho-sociaux et de la souffrance au travail parmi les agents publics, comme l’a mis en évidence le rapport remis au Premier ministre en septembre 2012 (4).

Confrontés aux licenciements et aux fermetures d’entreprises, à la dégradation de leurs conditions de travail et, plus largement, à la fragilisation de notre modèle social, les salariés, les agents publics, les jeunes, les citoyens se rassemblent et se mobilisent pour défendre leur droit à l’emploi et à une vie digne. Ils le font en exerçant leur droit syndical et leur droit de manifester, qui font partie des droits fondamentaux de tous les citoyens.

Cependant, il peut arriver que, à l’occasion de ces manifestations et activités revendicatives, des infractions soient commises. Si, bien évidemment, la violence ne saurait être un moyen d’expression permanent acceptable dans une société démocratique, il est aussi du devoir des pouvoirs publics de comprendre la souffrance exprimée au travers de ces activités revendicatives, et de savoir pardonner aux personnes qui ont commis, dans de telles circonstances, des infractions d’une gravité modérée.

Tel est précisément l’objet de la présente proposition de loi : accorder le pardon de la société à ceux de nos concitoyens qui, en luttant pour leurs droits fondamentaux dans une période économiquement et socialement troublée, ont pu commettre des infractions de faible gravité.

Connue depuis longtemps dans notre droit, l’amnistie est en effet une « tradition républicaine » de pardon et de réconciliation nationale (I). S’inscrivant dans cette tradition de l’amnistie, la proposition de loi adoptée par le Sénat a un champ d’application strictement défini et plus restreint que toutes les lois d’amnistie antérieures (II). Malgré ce champ d’application strictement défini et les modifications que votre rapporteur a proposé d’y apporter, la commission des Lois a rejeté la proposition de loi (III).

I. L’AMNISTIE : UNE « TRADITION RÉPUBLICAINE »
DE PARDON ET DE RÉCONCILIATION NATIONALE

Pratique ancienne connue depuis l’Antiquité, l’amnistie est une mesure d’oubli et de pardon des fautes pénales qui a pu être qualifiée de « tradition républicaine » par plusieurs ministres de la Justice de notre pays.

En 1995, s’interrogeant sur la légitimité de l’amnistie, M. Jacques Toubon s’exprimait en ces termes devant l’Assemblée nationale :

« Faut-il accorder régulièrement un tel oubli ? La question se pose en effet, et je sais que les arguments ne manquent pas à l’encontre de ce qui est devenu, au fil des années une "tradition républicaine". Mais le vote d’une loi d’amnistie est avant tout un geste politique d’apaisement et de pardon » (5).

En 2002, M. Dominique Perben justifiait l’utilité et la légitimité de l’amnistie par les nécessités de la réconciliation et de la cohésion nationales :

« Au-delà de sa portée symbolique et historique, l’amnistie est bien une tradition de la République, de cette République qui a dû, à mesure qu’elle s’est établie dans les institutions et dans les esprits, cicatriser les plaies de l’histoire, après la Commune, après l’affaire Dreyfus, aux lendemains des guerres ou des événements violents qui déchirèrent la nation.

« (…) C’est en effet une loi républicaine, de générosité et de tolérance, qui vient régulièrement, et en particulier après chaque élection présidentielle, affirmer, par l’effacement de certaines infractions, la valeur de la réconciliation et de la cohésion nationales » (6).

Comme le rappelle M. Jean-Marie Gonnard, de nombreuses lois d’amnistie ont été votées dans notre pays depuis la Révolution française : « De 1789 à l’an 10, on a compté 21 lois d’amnistie. Depuis 1895, environ une loi d’amnistie a été votée tous les deux ans, dont 26 à partir de 1947 » (7). Depuis le début de la Cinquième République, ce sont 16 lois d’amnistie qui ont été votées (8). Ces lois peuvent être réparties en deux catégories : les lois « présidentielles », d’une part, et les lois « ponctuelles » ou « événementielles », d’autre part.

Votées sous la Cinquième République après chaque élection présidentielle de 1959 à 2002, les lois d’amnistie dites « présidentielles » sont sans doute les mieux connues de nos concitoyens. La légitimité de ces lois d’amnistie présidentielles a été progressivement remise en cause, principalement en raison de leur prévisibilité et des conséquences que celle-ci pouvait avoir sur certaines formes de délinquance perçues comme banales et en particulier sur les infractions routières, et en raison de l’augmentation de la fréquence de ces lois qu’aurait pu impliquer la mise en place du quinquennat. Pour ces raisons, les présidents de la République élus en 2007 et 2012, MM. Nicolas Sarkozy et François Hollande, n’ont pas fait adopter de loi d’amnistie.

Aux côtés de ces lois d’amnistie présidentielles, notre République a également connu des lois d’amnistie que l’on pourrait qualifier de « ponctuelles » ou « événementielles », dont l’objet était de mettre un terme à des événements douloureux de notre histoire en permettant que soient réunies les conditions d’une réconciliation nationale. Ainsi, ont été votées des lois d’amnistie relatives aux événements d’Algérie dans les années 1950 et 1960, dans les universités en 1968, dans le cadre de manifestations d’agriculteurs, d’artisans et de commerçants au début des années 1970 ou encore dans certains départements et territoires d’outre-mer ou en Corse dans les années 1980.

Le tableau ci-dessous donne la liste des 16 lois d’amnistie intervenues depuis 1958 en indiquant si elles étaient de type présidentiel ou quels événements les avaient motivées.

LISTE DES LOIS D’AMNISTIE VOTÉES DEPUIS LE DÉBUT DE LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE

Texte concerné

Type d’amnistie
Événements ayant motivé l’amnistie

Loi du 31 juillet 1959

Présidentielle

Loi du 23 décembre 1964

Algérie

Loi du 17 juin 1966

Infractions contre la sûreté de l’État et infractions en lien avec les événements d’Algérie

Loi du 18 juin 1966

Présidentielle

Loi du 23 mai 1968

Événements survenus dans les universités
entre février et mai 1968

Loi du 31 juillet 1968

Algérie et infractions commises pendant l’Occupation nazie

Loi du 30 juin 1969

Présidentielle

Loi du 21 décembre 1972

Manifestations d’agriculteurs, d’artisans et de commerçants ; conflits du travail

Loi du 16 juillet 1974

Présidentielle

Loi du 4 août 1981

Présidentielle

Loi du 31 décembre 1985

Nouvelle-Calédonie

Loi du 20 juillet 1988

Présidentielle

Loi du 10 juillet 1989

Guadeloupe, Martinique et Corse

Loi du 10 janvier 1990

Nouvelle-Calédonie

Loi du 3 août 1995

Présidentielle

Loi du 6 août 2002

Présidentielle

II. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT : UNE AMNISTIE
AU CHAMP D’APPLICATION STRICTEMENT DÉFINI

La présente proposition de loi s’inscrit dans la lignée des précédentes lois d’amnistie votées depuis 1958, en proposant d’amnistier sur le plan pénal et disciplinaire des faits commis dans le cadre de différents mouvements sociaux, dans une période marquée par une grave crise économique et de fortes tensions sociales. En effet, toutes les lois d’amnistie « présidentielles » votées depuis le début de la Ve République ont comporté une amnistie des infractions commises dans le cadre de mouvements sociaux, en retenant des circonstances de commission dont la définition a été, au fil des années, en s’élargissant (9).

Le champ d’application de la présente proposition de loi d’amnistie est strictement défini (A) et, en tout état de cause, plus restrictif que celui prévu dans la loi d’amnistie du 6 août 2002 (B).

A. UN CHAMP D’APPLICATION STRICTEMENT DÉFINI

Comme les lois d’amnistie antérieures, la proposition de loi prévoit une amnistie pénale pour certaines infractions (1), mais aussi une amnistie disciplinaire des fautes disciplinaires commises par les salariés, les agents publics ou les étudiants (2).

1. L’amnistie pénale

Aux termes de l’article 1er du texte adopté par le Sénat, l’amnistie serait accordée de droit pour les contraventions et les délits contre les biens, le délit de diffamation et le délit de menaces – sauf s’il a été commis à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique – à condition :

—  qu’ils aient été commis entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013 ;

—  qu’ils soient passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans ;

—  et qu’ils aient été commis soit à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de salariés ou d’agents publics, soit à l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés au logement.

Le champ de l’amnistie défini par la proposition de loi adoptée par le Sénat est plus étroit que celui que prévoyait la proposition de loi initialement déposée par Mmes Annie David et Éliane Assassi. Le texte initial prévoyait d’amnistier toutes les contraventions et tous les délits, y compris contre les personnes, dès lors qu’ils étaient punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure à dix ans. Parmi les circonstances qui ouvraient droit à l’amnistie, figuraient, en plus de celles prévues par le texte adopté par le Sénat, les activités syndicales et revendicatives de professions libérales et d’exploitants agricoles, ainsi que les mouvements collectifs liés aux problèmes de l’éducation, de la santé, de l’environnement et des droits des migrants. À la suite de l’adoption de plusieurs amendements au Sénat, le champ d’application de l’amnistie de la proposition de loi a donc été considérablement resserré.

L’article 1er bis prévoit une exclusion du bénéfice de l’amnistie, dans le cas où ont été commises des dégradations volontaires « ayant pour conséquence de nuire au bon déroulement de travaux scientifiques ou de recherche ».

Les effets de l’amnistie, définis à l’article 8 de la proposition de loi, sont ceux de toute loi d’amnistie tels que les définissent les articles 133-9 à 133-11 du code pénal. L’amnistie emporte l’effacement des condamnations prononcées ou, si l’infraction n’a pas encore été jugée, l’extinction de l’action publique. Elle a pour effet d’interdire à une personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance d’une infraction amnistiée, d’en rappeler l’existence.

Conformément à l’article 133-10 du code pénal, l’amnistie ne préjudicie pas aux tiers. L’article 10 comporte une disposition destinée à préserver le droit à indemnisation des victimes, en prévoyant que la juridiction pénale déjà saisie demeure compétente après constatation de l’amnistie pour se prononcer sur les intérêts civils.

L’article 11 prévoit que l’amnistie prévue par la proposition de loi entraîne la suppression des empreintes génétiques enregistrées au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et celle des informations conservées dans les fichiers de police judiciaire, ainsi que l’amnistie du délit de refus de se soumettre à un prélèvement génétique consécutif à une infraction amnistiée.

2. L’amnistie disciplinaire

L’amnistie des fautes disciplinaires est une mesure classique dans les lois d’amnistie, comme le relève M. Jean-Marie Gonnard : « Traditionnellement les lois d’amnistie ont pour objet d’effacer non seulement des infractions à la loi pénale mais aussi les faits pouvant constituer des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles » (10). Dans la décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, le Conseil constitutionnel a validé la possibilité pour le législateur d’amnistier non seulement les condamnations pénales, mais aussi les sanctions disciplinaires.

L’article 4 prévoit une amnistie des fautes disciplinaires commises par les salariés et les agents publics, tandis que le premier alinéa de l’article 5 prévoit cette amnistie disciplinaire pour les fautes commises par les étudiants et les élèves, à condition que ces fautes aient été commises dans les circonstances mentionnées à l’article 1er. Si l’amnistie disciplinaire prévue à l’article 4 au bénéfice des salariés et agents publics ne soulève pas de difficulté, celle prévue à l’article 5 pour les étudiants et élèves est en réalité dépourvue de toute portée, puisque les circonstances liées aux problèmes de l’éducation ont été supprimées du champ de l’amnistie pénale lors des débats au Sénat.

L’article 6 et le second alinéa de l’article 5 prévoient un droit à réintégration au bénéfice des salariés et des agents publics licenciés, d’une part, et des étudiants et élèves exclus, d’autre part, lorsque les faits ayant motivé le licenciement ou l’exclusion sont amnistiés, à moins qu’il ne s’agisse de faits de violences.

B. UN CHAMP D’APPLICATION PLUS RESTREINT QUE CELUI DES LOIS D’AMNISTIE ANTÉRIEURES

Depuis le début de la Cinquième République, toutes les lois d’amnistie « présidentielles » ont prévu une amnistie des infractions commises dans le cadre de mouvements sociaux, dont la définition a été, au fil du temps, de plus en plus large. Ainsi, si les lois de 1959 et 1966 ne couvraient que les infractions commises dans le cadre de manifestations sur la voie publique et de conflits du travail, la loi de 1969 a ajouté à ces circonstances les infractions commises dans les établissements universitaires ou scolaires et celles en lien avec des problèmes agricoles, ruraux, commerciaux ou artisanaux. La loi de 1974 avait repris l’ensemble de ces circonstances, avant que celle de 1981 n’y ajoute les infractions commises dans le cadre d’activités syndicales et revendicatives de salariés et d’agents publics. Les lois de 1988 et 1995 avaient ensuite repris l’ensemble des circonstances ajoutées au fil des lois d’amnistie, avant que la loi de 2002 n’y ajoute également les infractions commises à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de membres de professions libérales.

Dans la loi d’amnistie du 6 août 2002, la définition des infractions amnistiables en raison des circonstances de leur commission était la suivante :

« Art. 3. – Sont amnistiés, lorsqu’ils sont passibles de moins de dix ans d’emprisonnement, les délits commis dans les circonstances suivantes :

« 1° Délits commis à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de salariés, d’agents publics et de membres de professions libérales, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ;

« (…)

« 3° Délits commis à l’occasion de conflits relatifs aux problèmes de l’enseignement ou délits relatifs à la reproduction d’œuvres ou à l’usage de logiciels à des fins pédagogiques et sans but lucratif ;

« 4° Délits en relation avec des conflits de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ; »

La liste des infractions pour lesquelles l’amnistie était exclue comprenait 49 cas d’exclusion, dont les plus susceptibles de trouver à s’appliquer aux infractions commises dans le cadre de mouvements sociaux étaient les suivants : violences contre des mineurs de quinze ans ou des personnes particulièrement vulnérables ; délits de violences, d’outrage, de rébellion, de diffamation et d’injures commises à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ; délits de destructions, dégradations ou détériorations aggravées (notamment lorsqu’elles sont commises en réunion, contre une personne vulnérable, au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique, ou sur un bien destiné à l’utilité ou à la décoration publiques et appartenant à une personne publique ou chargée d’une mission de service public) ; délits et contraventions de la 5e classe commis en état de récidive légale.

Comparé au périmètre de la disposition correspondante de la loi d’amnistie du 6 août 2002, le périmètre de l’amnistie était plus large dans la proposition de loi initiale, mais il est, compte tenu des modifications qui y ont été apportées, nettement plus restrictif dans la proposition de loi adoptée par le Sénat.

S’agissant tout d’abord du niveau de peine maximale encourue retenu dans la présente proposition de loi, le texte initial de la proposition de loi avait le même champ que celui de la loi d’amnistie du 6 août 2002 – moins de dix ans d’emprisonnement –, mais la proposition de loi dans le texte adopté par le Sénat a un champ plus restrictif – cinq ans d’emprisonnement au plus.

S’agissant ensuite des infractions contre les personnes entrant dans le champ de l’amnistie, la proposition de loi dans son texte initial était plus large que la loi du 6 août 2002, puisqu’elle n’excluait aucune infraction. La proposition de loi dans le texte adopté par le Sénat est, en revanche, plus restrictive, puisque l’amnistie ne concerne aucune infraction contre les personnes, à l’exception des menaces – sous réserve, toutefois, qu’elles n’aient pas été proférées à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique.

Il n’y a que pour les infractions contre les biens que la proposition de loi, tant dans son texte initial que dans le texte adopté par le Sénat, a un champ d’application plus large que la loi du 6 août 2002. En effet, la proposition de loi amnistie tous les délits contre les biens, alors que la loi de 2002 excluait les délits de destructions, dégradations ou détériorations aggravées.

S’agissant, enfin, de la définition des circonstances des infractions amnistiées, le texte initial de la proposition de loi comprenait des circonstances communes avec la loi du 6 août 2002 – conflits du travail, activités syndicales et revendicatives de salariés, d’agents publics, de professions libérales ou d’exploitants agricoles, mouvements en lien avec les problèmes de l’éducation – mais aussi des circonstances nouvelles – mouvements en lien avec les problèmes du logement, de la santé, de l’environnement ou des droits des migrants. Mais, comme votre rapporteur l’a indiqué précédemment, le Sénat a supprimé du champ de l’amnistie les infractions commises à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de professions libérales et d’exploitants agricoles, ainsi que celles commises à l’occasion de mouvements collectifs liés aux problèmes de l’éducation, de la santé, de l’environnement et des droits des migrants. La définition des circonstances des infractions amnistiables est ainsi devenue, dans la proposition de loi adoptée par le Sénat, plus étroite que celle qu’avait retenue la loi du 6 août 2002, à la seule exception des circonstances liées aux problèmes du logement.

III. MALGRÉ UN CHAMP D’APPLICATION DE L’AMNISTIE STRICTEMENT DÉFINI ET LES MODIFICATIONS PROPOSÉES
PAR VOTRE RAPPORTEUR, LA COMMISSION DES LOIS
A REJETÉ LA PROPOSITION DE LOI

Le texte adopté par le Sénat était le fruit de la recherche d’un point d’équilibre entre l’écoute de la souffrance de ceux qui se battent pour leur emploi et leur dignité, d’une part, et la préservation de l’ordre public et de la crédibilité de la loi pénale, d’autre part. Compte tenu des modifications que le Sénat y avait apportées, votre rapporteur considère que la proposition de loi constituait un texte équilibré et raisonnable.

Du reste, tel semblait également être l’avis du Gouvernement à l’issue de la discussion au Sénat. Si la garde des Sceaux s’en était remise à la sagesse du Sénat s’agissant du vote sur le texte, elle avait néanmoins indiqué que son adoption constituait « un acte de très grande qualité et de justice, un acte qui honore la République » et que le Gouvernement était « heureux d’y avoir été associé, et d’avoir contribué à une écriture plus fine, plus subtile, plus élaborée de ce texte » (11).

Partageant ce point de vue, votre rapporteur a choisi de proposer à la commission des Lois de conserver la logique des modifications opérées par le Sénat et d’apporter des modifications s’inscrivant dans la même perspective de recherche du meilleur point d’équilibre possible. Ainsi a-t-il proposé, lors de la discussion en commission, de ne modifier ni la limitation du champ de l’amnistie aux délits punis de cinq ans d’emprisonnement ou moins, ni la restriction des circonstances ouvrant droit à l’amnistie aux situations en lien direct avec la crise économique qui touche notre pays (12). S’agissant de la définition des circonstances ouvrant droit à l’amnistie, votre rapporteur a proposé de rectifier l’erreur de rédaction ayant conduit à viser les activités syndicales ou revendicatives, au lieu des activités syndicales et revendicatives comme dans les lois d’amnistie antérieures. Cette erreur aurait pu avoir pour conséquence d’amnistier des délits financiers commis dans le cadre de la gestion de syndicats, ce qui n’était évidemment pas l’objet de la proposition de loi.

S’inscrivant dans la même volonté de recherche d’un texte équilibré que celle qui avait guidé les travaux du Sénat, les autres modifications proposées par votre rapporteur étaient de deux ordres.

D’un côté, votre rapporteur a proposé à la Commission, à l’article 1er, de procéder à un léger élargissement du champ des infractions amnistiables :

—  premièrement, en complétant le champ de l’amnistie par deux délits moins sévèrement punis que ceux qui y étaient déjà inclus, mais qui sont fréquemment commis dans le cadre des mouvements sociaux, à savoir le délit d’injure et le délit d’entrave à la circulation routière ;

—  deuxièmement, en rendant l’amnistie applicable à toutes les contraventions, à l’exclusion de celles de violences, ce qui aurait permis de couvrir des contraventions de déversement d’objets sur la voie publique, de menaces contraventionnelles ou encore de diffamation et injure non publiques.

L’élargissement du périmètre de l’amnistie proposé était à la fois modéré et cohérent avec le texte issu des travaux du Sénat, puisqu’il n’aurait conduit à inclure dans le périmètre de l’amnistie que des infractions moins sévèrement punies que des infractions qui s’y trouvaient déjà.

D’un autre côté, votre rapporteur a proposé de préciser ou de restreindre le périmètre de l’amnistie sur deux points :

—  à l’article 1er, en précisant que, parmi les délits contre les biens, seuls seraient amnistiés les délits de dégradations et destructions, afin de mettre en évidence de façon très claire que l’amnistie ne concernait pas des délits tels que le vol, l’escroquerie, l’extorsion ou encore l’abus de confiance ;

—  à l’article 6, en définissant de façon plus stricte les conditions du droit à réintégration des salariés ou agents publics licenciés pour des fautes disciplinaires amnistiées : la réintégration aurait été écartée lorsque la faute commise était une faute lourde, et son bénéfice aurait été limité aux représentants du personnel, conformément à la décision précitée du Conseil constitutionnel sur la loi d’amnistie de 1988.

La commission des Lois n’a pas suivi la démarche constructive proposée par votre rapporteur et a rejeté la proposition de loi. Votre rapporteur regrette ce vote négatif et souhaite que la présente proposition de loi, justifiée par la situation sociale de notre pays et équilibrée dans son champ d’application, puisse être adoptée par notre assemblée lors de son examen en séance publique.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine la présente proposition de loi lors de sa séance du mercredi 24 avril 2013.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. On n’a pas cessé, sous le précédent mandat présidentiel, de pointer un doigt accusateur vers certaines catégories de la population : étrangers, chômeurs, jeunes, laïques, fonctionnaires, etc. Les syndicalistes en particulier ont fait l’objet de ces attaques. À chacune de ces sorties douteuses, notre société perdait un peu de sa cohésion et de sa sérénité, au point que notre pacte républicain était menacé. Fort heureusement, les Français ont très clairement choisi de mettre un terme à ces pratiques.

Les syndicats sont une composante majeure du corps social. Leur force et leur capacité à agir sont les garantes d’une société juste et apaisée ; en dépend aussi le relèvement économique de notre pays. Or tout cela a été foulé aux pieds par la majorité précédente : accords de branches non respectés, consultations à l’emporte-pièce, propos parfois insultants. Dans ces conditions, l’exaspération des syndicalistes était légitime et leurs revendications ont parfois débouché sur des actions aux frontières de la légalité.

Que nous comprenions ces agissements ne doit cependant pas nous amener à les accepter. Alors que nous entamons une profonde réforme de l’action et des pratiques politiques, sur la base de la responsabilisation et de la sanction, notre société comprendrait difficilement que nous amnistiions des actes que le droit ne tolère pas. En tout état de cause, le texte ne peut pas être voté en l’état, notamment parce qu’il inclut des délits financiers dans le champ de l’amnistie, ou parce que la période qu’il vise ne correspond pas au moment de vives tensions sociales que j’évoquais. Il en va du respect de la philosophie de notre majorité, il en va aussi du respect et de l’acceptation des actes syndicaux de demain.

Je suis fière d’appartenir à une majorité qui se sert de l’index, non pour stigmatiser, mais pour indiquer et proposer un chemin : celui du respect des différences tout autant que celui de la responsabilisation de chacun, quelle que soit sa place dans la société. C’est au nom de cette exigence morale et politique que le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera contre cette proposition de loi.

M. Georges Fenech. Vous prétendez, madame, que votre majorité ne stigmatise personne. Nous apprenons pourtant ce matin l’existence dans les locaux du syndicat de la magistrature d’un « mur des cons » où sont épinglées les photos de personnalités politiques et médiatiques. Or je crois savoir qu’un certain nombre des magistrats qui composent le cabinet de la ministre de la Justice sont issus de ce syndicat.

La pondération dont vous avez fait preuve dans votre exposé, monsieur le rapporteur, me semble trahir une certaine gêne face à une proposition d’amnistie qui, quoi que vous en disiez, ne fait plus partie de notre tradition républicaine depuis dix ans. Vous tentez donc de ressusciter une pratique que nos concitoyens n’acceptent plus. D’autre part, les lois d’amnistie historiques dont vous faites état ont été prises pour mettre un terme à des crises majeures. Or on ne voit pas ce qui justifierait aujourd’hui une amnistie : la crise économique que nous traversons aujourd’hui ne suffit pas à excuser les violences et les atteintes à l’outil de travail que vous voulez amnistier. Ce serait de surcroît adresser un message d’impunité au monde syndical et au monde du travail en général. Encore heureux que vous ayez exclu de cette amnistie les délits de vol et d’abus de confiance : le fait d’être syndicaliste ne peut excuser tout !

Une telle loi serait aussi une forme de régression de notre droit, en ce qu’elle contreviendrait au principe d’égalité des citoyens devant la loi. Ce serait enfin porter atteinte à l’indépendance de la justice puisqu’il s’agirait d’une amnistie in rem, c’est-à-dire une amnistie des faits, et non pas seulement des condamnations. Ces exactions ne pourraient plus faire l’objet de poursuites, même devant une juridiction civile, au détriment des victimes.

Nous perdons notre temps à discuter de ce texte inapproprié et malvenu, d’autant qu’il semble que le groupe socialiste ne le votera pas.

M. Sébastien Pietrasanta. Je ne suis pas favorable à cette proposition de loi. Dans une société tourmentée comme la nôtre, il est impératif d’affirmer que toute violence est contraire à l’ordre républicain. Je fais partie de ceux qui ont été extrêmement choqués par les voies de fait dont les forces de l’ordre ont été victimes lors de la manifestation des Goodyear. Nous qui disons depuis des années aux jeunes des quartiers défavorisés que la crise économique et sociale ne pouvait en aucun cas excuser la violence, nous qui dénoncions ces dernières semaines les violences commises par certains groupuscules opposés au mariage pour tous, nous devons être cohérents et refuser ce texte.

M. Patrice Verchère. Je m’oppose vivement à la proposition de loi de nos collègues : on ne peut pas amnistier des personnes qui se sont rendues coupables de délits passibles de cinq ans d’emprisonnement sous le prétexte que ceux-ci auraient été commis à l’occasion de conflits du travail ou d’activités syndicales. Les combats menés pour la défense de l’emploi, s’ils sont en eux-mêmes légitimes, ne légitiment en rien le recours à la violence.

Cette proposition de loi est inopportune parce qu’elle va à l’opposé du dialogue social, qui doit être apaisé et constructif. Elle est dangereuse parce qu’elle envoie aux casseurs le message qu’ils ne risqueront plus rien, et aux employeurs qu’ils ne seront plus en sécurité lors des mouvements sociaux.

Fort heureusement, le ministre des Relations avec le Parlement vient d’annoncer que le Gouvernement s’opposerait à ce texte. C’est ce même gouvernement pourtant qui avait au Sénat, par la voix de Mme Taubira, salué le courage des auteurs de ce texte, précisant même qu’il s’agissait de faire « œuvre de justice ».

Même si on ne peut que se réjouir de cette reculade, un tel revirement, en l’espace de quelques semaines, témoigne de l’impuissance du Gouvernement à affirmer des choix clairs, tiraillé qu’il est entre son aile gauche et son aile sociale-démocrate.

M. Philippe Gosselin. Voter un tel texte dans le contexte actuel reviendrait à agiter un chiffon rouge ! Certes, on ne peut que faire preuve de compréhension pour ceux qui luttent pour leur emploi, car il en va de leur dignité, mais, outre que l’amnistie est tombée en désuétude depuis 2002 et que son caractère de « pardon républicain » est discutable, adopter cette proposition de loi reviendrait à cautionner la violence à un moment où c’est le dialogue social qu’il faut privilégier. Je la refuse pour ma part d’où qu’elle vienne, et c’est ainsi que j’ai condamné les atteintes aux biens et aux personnes qui ont eu lieu en marge des manifestations de ces dernières semaines. D’autre part, je trouve parfaitement scandaleuse la distinction que vous établissez entre les voies de fait contre les forces de l’ordre, qui seraient inacceptables, et les voies de fait contre les patrons, qui seraient, elles, amnistiables.

Pour toutes ces raisons je me félicite du revirement du Gouvernement, tout en m’étonnant de cette volte-face sur un sujet aussi important. C’est sans doute ce qui explique la position alambiquée du groupe socialiste. Nous ne sommes pas aux frontières de l’illégalité, madame Chapdelaine, nous sommes en plein dedans ! Sinon, à quoi bon une amnistie d’ailleurs ? Cette navigation à vue du Gouvernement m’engage à poser la question que beaucoup se posent : y a-t-il un pilote dans l’avion ?

M. Gilbert Collard. Je suis opposé à ce texte, non par principe car l’amnistie peut être un facteur d’apaisement, mais parce que, dans le cas présent, je crois qu’elle deviendrait facteur de division.

La fin, fût-elle syndicale et prolétarienne, s’agît-il même de combattre le mariage pour tous, ne justifie pas tous les moyens. Or l’adoption de ce texte serait un encouragement à tous ceux qui pensent le contraire.

En outre, monsieur le rapporteur, si vous proposez, à l’article 1er, d’exclure du champ de cette amnistie le vol et l’abus de confiance, cela laisse subsister tous les autres délits visés au livre III du code pénal : extorsion, chantage, escroquerie, organisation frauduleuse de l’insolvabilité, accès frauduleux aux systèmes informatiques, etc. Vous conviendrez qu’il s’agit là de faits d’une gravité certaine.

Dans une société qui cherche toutes les occasions d’affrontement, il faut affirmer que les actes portant atteinte à l’ordre public ne peuvent être amnistiés, qu’ils soient motivés par l’action syndicale, par l’intégrisme religieux ou par la défense de grands principes. La loi républicaine doit être respectée : si vous y contrevenez, vous êtes condamné et vous ne pouvez pas être amnistié.

Si ce texte était voté, les syndicalistes, fatigués par leur condamnation, pourraient aller se reposer dans les châteaux de la CGT…

M. Jacques Bompard. Je mets régulièrement en garde contre le danger de multiplier les lois. Or cette proposition de loi est l’exemple même du texte inutile.

Son adoption créerait, en outre, une nouvelle forme d’inégalité devant la loi : il est absolument essentiel que chacun soit soumis aux mêmes lois.

Personne ne conteste l’intérêt de l’action syndicale ni la nécessité de la favoriser, mais elle doit s’inscrire dans le cadre de la loi. Elle ne peut être un prétexte pour s’affranchir de la règle commune.

M. Patrick Devedjian. Je prends acte des propos pondérés du rapporteur. Le principe de l’amnistie n’est pas en cause, mais la rédaction du texte soulève plusieurs difficultés graves.

S’agissant de l’article 1er A, il ne convient pas de laisser au Conseil d’État le soin de définir les conditions de l’amnistie prévue par cet article, sauf à s’exposer à la censure du Conseil constitutionnel. Il serait également utile de préciser quels sont les « mineurs » visés par cet article afin de lever toute ambiguïté. Cela étant, l’amnistie de faits datant de 1948 et de 1952 ne pose pas de problème.

L’article 1er prévoit en revanche l’amnistie de faits commis jusqu’au 1er février dernier ! Vous avez qualifié la loi d’amnistie de loi d’oubli. Dans le cas présent, il conviendrait plutôt de parler de « loi Alzheimer » ! Il n’est pas raisonnable d’amnistier des infractions datant de moins de trois mois.

Dans ce même article, sont exclues du bénéfice de l’amnistie la diffamation et les menaces à l’encontre des seules personnes dépositaires de l’autorité publique. Je comprends cette exception dans le cas des menaces, mais il est amusant de voir qu’on pourrait diffamer impunément n’importe qui, sauf ces dépositaires de l’autorité publique qui formeraient ainsi une sorte de noblesse, mieux protégée que toutes autres personnes.

La référence au livre III du code pénal aboutirait comme on l’a dit à amnistier de trop nombreuses infractions, mais vous y remédiez par votre amendement CL 7, semble-t-il, monsieur le rapporteur.

Aux termes du deuxième paragraphe de l’article 4, « l’inspection du travail veille à ce qu’il ne puisse être fait état des faits amnistiés ». Autrement dit, ces faits ne pourront être invoqués dans aucune instance, ce qui privera leurs victimes de toute possibilité de réparation au civil. C’est audacieux…

Enfin, l’article 11 dispose que l’amnistie « entraîne la suppression des empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies dans les fichiers de police ». Pour ma part, je ne jugerais nullement humiliant que mes empreintes figurent dans un tel fichier. Vous prenez là le risque de priver la police de moyens d’investigation !

Pour toutes ces raisons, je considère que ce texte n’a pas été convenablement réfléchi.

M. Sergio Coronado. En cohérence avec la position du groupe écologiste du Sénat – qui était aussi celle du groupe socialiste –, le groupe écologiste de l’Assemblée votera ce texte, sur lequel il a toutefois déposé plusieurs amendements.

J’ai appris par la radio ce matin que le Gouvernement avait, pour employer des termes diplomatiques, « évolué » sur le sujet. J’avais pourtant en mémoire les propos de la garde des Sceaux saluant le travail du Sénat et qualifiant le vote d’œuvre de justice !

Que l’amnistie suscite débat, soit, mais ce n’est pas l’impunité : c’est pour le législateur un moyen d’œuvrer à la réconciliation et d’apaiser les tensions. Il ne faut pas oublier que les rapports sociaux dans le monde du travail sont parfois d’une grande violence. Pour autant, le texte n’organise pas une amnistie générale des actes délictueux commis à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives : il ne porte que sur des infractions bien définies, commises au cours de périodes clairement circonscrites.

En 2002, lors de la discussion du projet de loi portant amnistie, M. Dominique Perben a tenu des propos qui me semblent particulièrement justes : l’amnistie, affirmait-il, est « une loi républicaine, de générosité et de tolérance, qui vient régulièrement et, en particulier après chaque élection présidentielle, affirmer par l’effacement de certaines infractions la valeur de la réconciliation et de la cohésion nationales ». Il est vrai que les deux dernières élections présidentielles n’ont pas donné lieu à l’adoption de lois similaires, mais cet abandon récent de la tradition ne peut abolir une longue histoire. Je considère que, dans l’esprit du discours de M. Perben, le Gouvernement se doit d’adresser un message politique au monde du travail, qui traverse de grandes difficultés.

Pour toutes ces raisons, comme je l’ai dit, le groupe écologiste s’apprête à amender et à voter ce texte. Je veux féliciter le rapporteur pour son travail, pour son souci d’équilibre et pour son ton mesuré, en regrettant que tout cela ne semble pas en voie d’être payé de retour.

M. Sylvain Berrios. La discussion de cette proposition de loi est un signal désastreux à trois égards.

Elle contribue d’abord à affaiblir l’autorité de l’État. Comment le ministre de l’Intérieur pourra-t-il, chaque semaine, lors des questions au Gouvernement, continuer de proclamer qu’il fera respecter la loi républicaine si la majorité vote une amnistie qui fait fi de cette même loi ?

Elle affaiblit aussi le Parlement : non seulement ce texte, bancal comme M. Patrick Devedjian l’a brillamment démontré, suscite des désaccords entre le Sénat et l’Assemblée nationale ainsi qu’au sein même de la majorité, mais, alors même que la commission des Lois ne s’est pas encore prononcée, le ministre des Relations avec le Parlement vient d’annoncer la position défavorable du Gouvernement. Il est humiliant pour le Parlement d’être ainsi ballotté pour être in fine désavoué.

Enfin, ce texte affaiblit les syndicats : alors que l’accord national interprofessionnel de janvier dernier, auquel l’Assemblée a donné force de loi, a ouvert la voie à un nouveau mode de concertation entre partenaires sociaux, il vient donner une prime à ceux qui préfèrent à la négociation le recours à la force. C’est un coup porté à tous ceux qui pourraient travailler à la paix sociale !

Il ne s’agit donc ni d’une loi d’équilibre, ni d’une loi de cohésion sociale, mais d’une loi de circonstance au profit de quelques-uns.

M. Patrick Mennucci. Il est rare que ma position contredise celle du groupe auquel j’appartiens mais, en conscience, je voterai ce texte. Cette proposition de loi ne va nullement à l’encontre de ma conviction social-démocrate.

Depuis des mois, je soutiens pleinement, comme vous, chers collègues de mon groupe, la difficile politique de redressement du pays que conduit le Gouvernement et qui est parfois mal comprise des électeurs. Cette politique est en effet rendue nécessaire par la situation catastrophique que nous avons héritée de nos prédécesseurs : 700 milliards de dette supplémentaire, qui nous interdisent une politique économique cohérente, et des plans sociaux qui se multiplient après avoir été « mis sous le tapis » pendant des mois.

Il n’est pas aisé pour les parlementaires que nous sommes d’assumer cette politique. Pourtant, chaque jour, à l’Assemblée nationale comme dans ma circonscription, je l’assume et je la défends.

Si je soutiens cette proposition de loi, ce n’est parce que je partage les orientations politiques du groupe qui en est à l’origine, mais par cohérence avec mes convictions : en tant que sociaux-démocrates, nous devons être capables d’assumer tous les aspects de la politique que nous voulons mener.

Cette proposition de loi pose une question symbolique : celle du soutien que nous, militants socialistes, devons apporter aux organisations syndicales, en essayant de les orienter vers des actions positives. Après les difficultés que notre pays a traversées et qu’il connaît encore, ce texte est un gage d’équilibre donné à notre électorat.

Or, ce matin, j’ai appris qu’il nous était interdit d’adresser un tel signe. Je ne l’accepte pas. Je prends mes responsabilités pour dénoncer la façon dont nous sommes traités. Ce texte n’a même pas fait l’objet d’un débat au sein du groupe socialiste !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Puis-je vous rappeler que vous intervenez au sein de la commission des Lois et que tous vos collègues présents ne sont pas des militants socialistes ? Je vous invite à conclure et à ne pas oublier le cadre dans lequel vous vous exprimez.

M. Patrick Mennucci. Je ne crois pas déroger à ma mission de parlementaire en exprimant ma conviction profonde. Vous ne trouverez pas un député dans les Bouches-du-Rhône qui soutienne plus activement que moi le Gouvernement alors que nombreux sont ceux aujourd’hui, y compris au sein de ce même Gouvernement, qui prennent leurs distances. Je crois donc avoir le droit de dire que nous commettons une erreur politique en rejetant la proposition de loi.

Je voterai en faveur de ce texte et j’en assumerai les conséquences politiques.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je regrette que l’intéressante envolée de M. Mennucci ait été aussi brève…

Le Gouvernement n’est pas le seul à avoir modifié sa position sur ce texte. La teneur de l’explication de vote donnée au Sénat par M. Assouline, porte-parole du groupe socialiste, était assez proche de celle des propos tenus à l’instant par M. Mennucci. Le parti socialiste doit assumer ses contradictions. La commission des Lois n’est certes pas le lieu où expliquer ce changement de pied, mais j’espère que la clarification viendra dans l’hémicycle.

La rédaction proposée pour l’article 1er mentionne les activités « syndicales ou revendicatives » alors que les textes précédents utilisaient l’expression « activités syndicales et revendicatives ». En dissociant ainsi activités syndicales et activités revendicatives, le texte permet une amnistie très large. Cette formulation ne relève certainement pas de l’oubli ou de la maladresse. Au contraire, elle est très cohérente avec l’inclusion dans le champ de l’amnistie – inclusion sur laquelle le rapporteur s’apprête à revenir, il est vrai – des délits à caractère financier qui ne concernent certainement pas des activités revendicatives, mais des activités syndicales dont chacun connaît la nature.

Tout en partageant l’ensemble des remarques faites par mes collègues, j’insiste donc sur l’étendue de l’amnistie permise par l’usage de cette expression « syndicales ou revendicatives », qui me semble incompatible avec l’honneur des activités syndicales et avec le maintien de l’ordre public comme avec la nécessaire justice.

M. Gilles Bourdouleix. Ce débat nous aura éclairés sur le déficit démocratique dont souffre le groupe socialiste !

Alors que la moralisation de la vie politique occupe l’actualité et que le ministre de l’Éducation instaure des cours de morale laïque, il s’impose de rappeler que cette dernière consiste d’abord dans le respect de loi.

Nous devons bien sûr faire preuve, en particulier dans la période de crise que nous connaissons depuis plusieurs années, de compréhension à l’égard des difficultés des salariés et de leurs revendications. Mais il n’est pas tolérable que ces dernières autorisent à sortir du cadre de la loi. Contrairement à un orateur précédent, je considère que l’amnistie est une impunité a posteriori. Nous devons donc nous montrer fermes dans la condamnation des débordements.

De manière excessive selon moi, le président de l’Assemblée nationale a hier qualifié d’ennemis de la démocratie des perturbateurs dont les agissements doivent évidemment être condamnés. Est-ce à dire qu’avec l’amnistie, ils deviendraient des amis de la démocratie ? Je ne crois pas que cette solution soit bonne pour personne. Nous ne pouvons tolérer des syndicats ce que nous refusons à d’autres.

Le groupe UDI est fermement et unanimement opposé à la proposition de loi.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Je ne partage pas l’opinion de M. Patrick Mennucci qui, je l’espère, me le pardonnera.

Je respecte le travail du rapporteur et l’objectif qui sous-tend l’initiative du groupe GDR. Je n’ignore rien de la souffrance sociale qui découle de l’échec de la politique que les Français ont sanctionnée en mai 2012. Mais je m’interroge sur le message que nous adressons avec ce texte aux investisseurs internationaux, qui sont aussi des créateurs d’emplois.

La sécurité des biens et des personnes comme la paix sociale sont des critères pris en compte pour décider d’investir dans un pays plutôt qu’un autre. Jusqu’à mon élection, j’ai participé à une aventure industrielle en me battant pour faire prévaloir le choix de notre pays auprès de patrons américains qui regardaient avec circonspection le cadre social français. Il faut garder à l’esprit que les éléments constitutifs de la paix sociale pèsent dans le choix d’un investissement local et dans la création d’emplois qui s’ensuit.

Si je comprends la philosophie qui inspire l’initiative du groupe GDR, je ne peux donc m’y rallier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Sans vouloir nourrir la psychothérapie du groupe socialiste, je rappelle qu’au Sénat, ce texte extravagant n’a pas été adopté en commission et ne l’a été en séance publique qu’à deux voix de majorité.

L’amnistie, dont la tradition a été abandonnée, peut néanmoins être admise. La liberté syndicale et le droit de grève sont en effet des principes à valeur constitutionnelle. Mais l’amnistie proposée dans ce texte porte sur des infractions qui pourraient être punies de cinq ans d’emprisonnement.

En outre, ce texte me paraît créer une discrimination entre bons et mauvais manifestants, entre ceux qui peuvent être pardonnés et ceux qui ne peuvent l’être.

On ne peut pas, par cette proposition de loi très mal écrite, laver de toutes les exactions au prétexte qu’elles seraient intervenues dans le cadre d’un conflit du travail.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Étudiant la proposition soutenue par le groupe GDR, je me suis posé deux questions.

La première a consisté à me demander si la démarche était légitime.

Le rapporteur l’a dit : seize amnisties ont été votées depuis 1958, certaines après une élection présidentielle, d’autres à propos d’événements ou de faits ponctuels. Parmi ces dernières, l’amnistie de 1972 – qui a suivi la « jacquerie » des commerçants et artisans réunis dans la CIDUNATI – semble la plus proche de celle qui est envisagée aujourd’hui. Mais elles diffèrent sur un point : en 1972, tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale avaient déposé une proposition de loi en faveur de l’amnistie, ce qui avait convaincu le Premier ministre, Pierre Messmer, de présenter à son tour un projet de loi. La démarche du groupe communiste du Sénat me paraît donc légitime, mais originale dans l’histoire de la Cinquième République : c’est la première fois qu’une amnistie est proposée à l’initiative d’un seul groupe parlementaire.

Deuxième question : cette démarche est-elle opportune ? Je suis plus réticent sur ce point. La réponse suppose de s’entendre sur l’objet de l’amnistie. Il ne s’agit pas, comme l’a affirmé un collègue du Sénat de manière excessive, de clore une guerre civile. Mais, selon l’acception générale, l’amnistie doit permettre au législateur de dénouer une situation inextricable, résultant de troubles qui ont gravement porté atteinte à l’unité nationale ou sont susceptibles d’obérer une future paix civile. Ce fut la justification de l’amnistie du 10 janvier 1990, prévue par les accords de Matignon, portant sur les événements qui s’étaient déroulés en Nouvelle-Calédonie.

L’intention louable des auteurs du texte, de même que les positions du groupe socialiste et du Gouvernement au Sénat, sont pleinement compréhensibles mais je crains que le résultat ne soit à l’opposé de ce que recherche le législateur, à savoir l’apaisement social. Pour moi, le monopole de la violence appartient à l’État. Toute autre violence n’est jamais légitime même si elle s’inscrit dans un combat social. Quand nous appelons à la négociation entre partenaires sociaux et approuvons l’accord national interprofessionnel de janvier dernier, nous ne pouvons pas dans le même temps laisser penser que nous admettons le recours à la violence de la part du mouvement syndical. C’est la raison pour laquelle je partage la position défavorable du groupe socialiste sur cette proposition de loi.

M. le rapporteur. Tout en tentant d’apporter quelques améliorations à la proposition de loi et en réduisant encore le champ de l’amnistie, j’ai essayé de m’inscrire dans la même logique que le texte relativement équilibré adopté par le Sénat grâce au rassemblement de toute la gauche et au soutien bienveillant de la garde des Sceaux. J’estime en effet nécessaire d’avoir un geste d’apaisement à l’égard de celles et ceux qui subissent la violence sociale. Cela étant, ayant pris connaissance des dépêches de ce matin, j’ai bien conscience des difficultés de l’exercice…

Cette proposition de loi fait légitimement débat au sein de la Commission. Mais, comme l’a souligné M. Devedjian, ce n’est pas le principe même d’une amnistie qui est en cause. Il y a eu par le passé des circonstances qui ont justifié l’adoption de telles lois ; si nous en proposons une aujourd’hui, c’est que la violence de la crise et la souffrance sociale qu’elle entraîne le nécessitent. J’ajoute que l’amnistie ne concernant par définition que des faits passés, elle ne peut valoir impunité pour l’avenir.

Que le texte soit mal rédigé, c’est possible, mais nous sommes là précisément pour l’améliorer. Et les mêmes critiques pourraient être adressées à la loi du 6 août 2002, dont il s’inspire largement – tout en allant moins loin, puisque cette loi de 2002 concernait toutes les infractions passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à dix ans, contre cinq ici.

S’agissant de la référence au livre III du code pénal, je présenterai un amendement qui répondra aux inquiétudes de MM. Collard et Devedjian en précisant que seules seront amnistiables les destructions, dégradations et détériorations de biens.

Quant à l’effacement de toute mention des faits amnistiés prévu à l’article 4, il ne porte que sur l’aspect disciplinaire ; les articles 8 et 10 préservent les droits de la victime, qui pourra être indemnisée.

M. Patrick Devedjian. Dans ce cas, il conviendrait de le préciser !

M. le rapporteur. C’est ce qui est fait à l’article 10.

M. Patrick Devedjian. Pas assez clairement : il faudrait en revoir la rédaction.

M. le rapporteur. Madame Chapdelaine, monsieur Poisson, mon amendement visant à rétablir l’expression, habituelle en la matière, d’« activités syndicales et revendicatives » évitera que l’amnistie ne porte sur des délits à caractère financier.

La Commission passe à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier
Amnistie des délits commis
à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives

La Commission rejette l’amendement CL 6 du rapporteur tendant à modifier l’intitulé du chapitre Ier.

Article 1er A (nouveau)

Amnistie des mineurs condamnés à l’occasion des grèves de 1948 et 1952

Issu de l’adoption par le Sénat, lors de l’examen en séance publique, d’un amendement de M. Dominique Watrin, cet article a pour objet de faire bénéficier les mineurs condamnés à l’occasion des grèves de 1948 et de 1952 d’une mesure d’amnistie, dans des conditions qui seront définies par un décret en Conseil d’État.

En 1948 et 1952, d’importantes grèves avaient eu lieu dans les bassins miniers des départements du Nord et du Pas-de-Calais. Lors de la discussion au Sénat, M. Dominique Watrin a rappelé que « la grève de 1948, qui avait été votée et suivie à l’unanimité par l’ensemble des organisations syndicales de tous les bassins et puits des Charbonnages de France, a donné lieu à une répression brutale qui s’est soldée par plus de 2 000 licenciements, cinq morts et de nombreux blessés » (13).

Si les condamnations pénales dont ces mineurs ont pu faire l’objet sont aujourd’hui réhabilitées, tel n’est pas le cas des sanctions disciplinaires et des licenciements qui ont suivi leurs actions revendicatives (14). Cependant, le caractère discriminatoire des mesures dont ils ont fait l’objet n’a été officiellement reconnu qu’en 2004, par une disposition de la loi de finances pour 2005 (15: auparavant, ces mineurs n’avaient jamais pu bénéficier de la reconnaissance de l’injustice qui leur avait été faite.

Les mineurs licenciés encore vivants à cette date ou leurs ayants-droit ont, en se fondant sur cette disposition légale de 2004, saisi la justice prud’homale pour faire constater le caractère discriminatoire de leur licenciement. Après que leur action avait été accueillie en première instance puis en appel par la cour d’appel de Versailles, ils ont finalement été déboutés de leur demande par la Cour de cassation qui a considéré, dans un arrêt du 9 octobre 2012, que le délai de prescription trentenaire courait à compter du licenciement et était, par conséquent, écoulé (16).

Faisant valoir qu’il ne s’agissait pas « d’une question de délais mais de mémoire », M. Dominique Watrin a estimé que l’amnistie prévue par le présent article, applicable aux sanctions disciplinaires et aux licenciements discriminatoires subis par ces mineurs grévistes, constituerait une « première étape significative vers la reconnaissance du préjudice moral et matériel qu’ils ont subi » (17).

La Commission rejette l’article 1er A.

Article 1er

Définition du champ d’application de l’amnistie

L’article 1er a pour objet de définir le champ d’application temporelle et matérielle de l’amnistie.

1. Le champ d’application temporelle de l’amnistie

La proposition de loi initiale avait prévu que l’amnistie s’appliquerait aux infractions commises avant le 6 mai 2012, date de la dernière élection présidentielle.

Deux amendements adoptés par le Sénat ont modifié ce champ d’application temporelle, d’une part en prévoyant un point de départ fixé au 1er janvier 2007, d’autre part en fixant au 1er février 2013 la fin de la période au cours de laquelle doivent avoir été commises les infractions amnistiables.

La fixation d’un point de départ à la période de commission des infractions amnistiables résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement de Mme Virginie Klès. Initialement, l’amendement déposé par Mme Virginie Klès fixait ce point de départ au 1er janvier 2008, pour tenir compte de la conjonction de deux phénomènes : la « politique pénale extrêmement répressive » mise en place à l’initiative de M. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, d’une part, et la crise économique « qui, petit à petit, par une vague qui s’est étendue sur le monde entier, a touché la France à partir de l’année 2009, en tout cas d’un point de vue comptable », d’autre part (18).

M. Jean-Étienne Antoinette, sénateur de Guyane, ayant fait valoir que la situation économique des outre-mer était difficile bien avant cette date du 1er janvier 2008 et que d’importants conflits sociaux y avaient eu lieu en 2007, l’amendement déposé par Mme Virginie Klès a été rectifié, sur la suggestion de la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Éliane Assassi, pour fixer au 1er janvier 2007 la date de point de départ de la période retenue pour définir les infractions amnistiables.

Une seconde modification, adoptée sur l’initiative de Mme Cécile Cukierman, a fixé au 1er février 2013 la date ultime de commission des infractions amnistiables. À l’appui de cette modification, elle avait fait valoir que « les graves conséquences des politiques dévastatrices menées par la droite au cours des dix dernières années » et la « lame de fond [qui] a submergé l’ensemble de notre industrie » n’avaient pas disparu le soir du second tour de la dernière élection présidentielle (19).

2. Le champ d’application matérielle de l’amnistie

Le champ d’application matérielle d’une amnistie se définit par deux critères principaux : la définition des infractions qui y sont incluses, d’une part, et la liste des infractions qui en sont exclues, d’autre part.

Dans les 26 lois d’amnistie votées depuis 1947, dont 16 depuis le début de la Cinquième République, les infractions peuvent être amnistiables sur la base de cinq critères différents, parfois croisés entre eux :

—  la nature de l’infraction : la loi d’amnistie fixe une liste d’infractions amnistiées ; c’était le cas, par exemple, de l’article 2 de la loi d’amnistie du 6 août 2002, qui amnistiait les délits de presse et une liste de délits prévus par le code de justice militaire ;

—  la peine encourue : la loi d’amnistie définit des infractions qui sont amnistiées en raison de la peine que prévoit le texte d’incrimination ; c’était le cas, par exemple, de l’article 2 de la loi d’amnistie du 3 août 1995, qui amnistiait les délits pour lesquels seule une peine d’amende était encourue ;

—  la peine prononcée : la loi d’amnistie fixe un plafond de peine prononcée en deçà duquel l’infraction est amnistiée ; les articles 5 et 6 de la loi d’amnistie du 6 août 2002 avaient ainsi amnistié les délits pour lesquels seule une peine d’amende ou de jours-amende, une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à trois ou six mois d’emprisonnement – selon qu’elle était ou non assortie d’un sursis – avait été prononcée ;

—  les circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise : la loi d’amnistie définit des circonstances permettant qu’une infraction– sous réserve que la peine encourue ne dépasse pas un certain quantum – soit amnistiée ; par exemple, l’article 3 de la loi d’amnistie du 6 août 2002 avait amnistié les délits « commis à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de salariés, d’agents publics et de membres de professions libérales, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics », les délits « commis à l’occasion de conflits relatifs aux problèmes de l’enseignement » ou encore les délits « en relation avec des conflits de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics » ;

—  la qualité de la personne condamnée : la loi d’amnistie peut fixer une liste de personnes qui, en raison de circonstances particulières, peuvent être amnistiées par décret individuel du président de la République ; c’est ainsi que l’article 13 de la loi d’amnistie du 6 août  2002 permettait que bénéficient d’une amnistie par décret présidentiel les personnes âgées de moins de 21 ans au moment de l’infraction, les anciens combattants, les déportés résistants ou politiques, les engagés volontaires de l’une des deux guerres mondiales ainsi que les personnes qui « se sont distinguées d’une manière exceptionnelle dans les domaines humanitaire, culturel, sportif, scientifique ou économique ».

Le second critère de définition du champ de l’amnistie est la liste des infractions qui en sont expressément exclues. On peut relever que, au fil du temps, la liste des infractions exclues du champ de l’amnistie n’a cessé de s’allonger. Ainsi, par exemple, en matière d’infractions contre les personnes, si les lois d’amnistie des 3 août 1995 et 6 août 2002 excluaient toutes deux les violences aggravées par la minorité de la victime, la liste des exclusions de la loi d’amnistie de 2002 a été complétée par les violences aggravées par la particulière vulnérabilité de la victime ou par sa qualité de personne dépositaire de l’autorité publique.

Avant de présenter le champ d’application matérielle de la présente proposition de loi, tel qu’il a été prévu successivement dans la proposition de loi initiale et dans celle adoptée par le Sénat, le présent commentaire présentera les dispositions des lois d’amnistie antérieures qui prévoyaient l’amnistie des faits commis dans les mouvements sociaux et dont s’est inspirée la proposition de loi.

a) Les dispositions des lois d’amnistie antérieures qui prévoyaient l’amnistie des faits commis dans les mouvements sociaux

Depuis le début de la Cinquième République, toutes les lois d’amnistie « présidentielles » ont comporté une amnistie des infractions commises dans le cadre de mouvements sociaux (20). En outre, parmi les lois d’amnistie événementielles, deux se rapportent à des mouvements sociaux :

—  la loi n° 68-457 du 23 mai 1968, qui portait sur les « événements survenus dans l’Université et les manifestations auxquelles ils ont pu donner lieu » ;

—  la loi n° 72-1127 du 21 décembre 1972, qui portait sur des « conflits relatifs à des problèmes agricoles, ruraux, artisanaux ou commerciaux ou de conflits du travail » survenus au tout début des années 1970.

Si la formulation des circonstances des mouvements sociaux pour lesquels le législateur prévoyait l’amnistie a pu évoluer, la tendance générale a été à une extension des différentes circonstances pouvant ouvrir droit à l’amnistie. Ainsi, si les lois de 1959 et 1966 ne couvraient que les infractions commises dans le cadre de manifestations sur la voie publique et de conflits du travail, la loi de 1969 a ajouté à ces circonstances les infractions commises dans les établissements universitaires ou scolaires et celles en lien avec des problèmes agricoles, ruraux, commerciaux ou artisanaux. La loi de 1974 avait repris l’ensemble de ces circonstances, avant que celle de 1981 n’y ajoute les infractions commises dans le cadre d’activités syndicales et revendicatives de salariés et d’agents publics. Les lois de 1988 et 1995 avaient ensuite repris l’ensemble des circonstances ajoutées au fil des lois d’amnistie, avant que la loi de 2002 n’y ajoute également les infractions commises à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de membres de professions libérales.

Dans la loi d’amnistie de 2002, la définition des circonstances de commission justifiant l’amnistie des infractions commises dans le cadre de mouvements sociaux était la suivante :

« Art. 3. – Sont amnistiés, lorsqu’ils sont passibles de moins de dix ans d’emprisonnement, les délits commis dans les circonstances suivantes :

« 1° Délits commis à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de salariés, d’agents publics et de membres de professions libérales, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ;

« (…)

« 3° Délits commis à l’occasion de conflits relatifs aux problèmes de l’enseignement ou délits relatifs à la reproduction d’œuvres ou à l’usage de logiciels à des fins pédagogiques et sans but lucratif ;

« 4° Délits en relation avec des conflits de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ; »

La liste des infractions pour lesquelles l’amnistie était exclue était fixée par l’article 14. Parmi les 49 cas d’exclusion prévus à cet article, les plus susceptibles de trouver à s’appliquer aux infractions commises dans le cadre de mouvements sociaux étaient les suivants :

—  violences contre des mineurs de quinze ans ou des personnes particulièrement vulnérables (3°) ;

—  délits de violences, d’outrage, de rébellion, de diffamation et d’injures commises à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (27°) ;

—  délits de destructions, dégradations ou détériorations aggravées (notamment lorsqu’elles sont commises en réunion, contre une personne vulnérable, au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique, ou sur un bien destiné à l’utilité ou à la décoration publiques et appartenant à une personne publique ou chargée d’une mission de service public) (34°) ;

—  délits et contraventions de la 5e classe commis en état de récidive légale (45°).

b) Le champ d’application matérielle de l’amnistie défini par la proposition de loi initiale

La proposition de loi initialement déposée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues prévoyait une amnistie applicable aux infractions passibles de moins de dix ans d’emprisonnement, niveau de peine encourue identique à celui qui avait été retenu par la loi du 6 août 2002.

Pour être amnistiées, les infractions devaient avoir été commises dans les circonstances suivantes :

« 1° À l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales ou revendicatives de salariés, d’agents publics, de professions libérales ou d’exploitants agricoles, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ;

« 2° À l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés à l’éducation, au logement, à la santé, à l’environnement et aux droits des migrants, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. »

Les circonstances liées aux conflits du travail et aux mouvements relatifs aux problèmes de l’éducation sont classiques et figuraient dans la loi d’amnistie du 6 août 2002 – qui visait les problèmes de l’« enseignement », mais les termes « éducation » et « enseignement » doivent sans doute être considérés comme équivalents.

La notion d’activités syndicales et revendicatives n’est pas nouvelle non plus, puisqu’elle a figuré dans toutes les lois d’amnistie depuis 1981. Toutefois, la proposition de loi a remplacé le « et » qui figurait dans les lois antérieures par un « ou », pour viser les « activités syndicales ou revendicatives ». Cette évolution pourrait avoir pour effet d’amnistier des infractions commises en dehors de toute activité revendicative mais dans le cadre de mandats syndicaux, telles que des délits financiers commis dans la gestion de syndicats ou de comités d’entreprise, ce qui ne correspond manifestement pas à l’intention des auteurs. En attestent tant le titre de la proposition de loi et l’intitulé de son chapitre Ier – qui visent bien tous deux les activités syndicales et revendicatives – que l’exposé des motifs de la proposition de loi. Votre rapporteur a proposé à la Commission une modification du texte sur ce point.

Comme dans la loi d’amnistie de 2002, ces activités syndicales et revendicatives peuvent être le fait de salariés, d’agents publics et de membres de professions libérales. La mention des activités syndicales et revendicatives des « exploitants agricoles » est nouvelle, mais elle a le même objet et le même effet que la mention, dans le 4° de l’article 3 de la loi d’amnistie de 2002, des délits en relation avec des conflits de caractère agricole ou rural.

En revanche, constituent des circonstances nouvelles que les lois d’amnistie antérieures ne prévoyaient pas les circonstances tenant aux problèmes liés « au logement, à la santé, à l’environnement et aux droits des migrants ». L’ajout de ces circonstances peut être justifié par le fait que les dernières années ont été marquées par l’émergence ou l’aggravation de difficultés dans ces domaines, qui a justifié des mouvements revendicatifs ayant conduit, dans certains cas, à la commission d’infractions. Ainsi, la proposition de loi dans le texte initialement déposé pouvait concerner :

—  pour les problèmes liés au logement, des personnes mal-logées ayant occupé des logements vacants ;

—  pour les problèmes liés à la santé, des personnes ayant occupé des hôpitaux dont la fermeture était projetée ou manifesté contre ces projets de fermeture ;

—  pour les problèmes liés à l’environnement, des personnes ayant fauché des champs de culture OGM ou libéré des animaux de laboratoire ;

—  pour les problèmes liés aux droits des migrants, des personnes ayant commis le délit d’aide au séjour irrégulier en apportant une aide humanitaire à des personnes en situation irrégulière.

Le dernier alinéa de l’article 1er du texte initial de la proposition de loi prévoyait enfin qu’étaient exclues du champ de l’amnistie « les infractions commises en matière de législation et de réglementation du travail, par les personnes mentionnées à l’article L. 1441-4 du code du travail ou par la personne morale qu’ils représentent, ainsi que celles commises directement ou par l’intermédiaire d’un préposé doté d’une délégation de pouvoir ». Cette disposition visait à exclure du champ de l’amnistie les membres du collège employeurs des conseils de prud’hommes. Dans son rapport, Mme Éliane Assassi avait cependant estimé que « les infractions visées ici n’ont pas de rapport avec les conflits du travail ou les mouvements collectifs » et avait en conséquence proposé de supprimer cet alinéa (21).

c) Le champ d’application matérielle de l’amnistie défini par la proposition de loi adoptée par le Sénat

Le Sénat a, sur l’initiative de Mme Virginie Klès au cours de la discussion en séance publique, apporté plusieurs modifications à la définition du champ d’application matérielle de l’amnistie.

Tout d’abord, le Sénat a abaissé à cinq ans d’emprisonnement le niveau maximal de la peine encourue des infractions amnistiables.

En deuxième lieu, il a, s’agissant des infractions entrant dans le champ de l’amnistie, inversé la logique de toutes les dispositions des lois d’amnistie antérieures applicables aux mouvements sociaux – qui étaient applicables à tout délit ou contravention, à l’exclusion d’une liste limitative d’infractions – en définissant une liste positive des infractions entrant dans le champ de l’amnistie. Ainsi, le texte adopté par le Sénat prévoit que l’amnistie sera applicable :

-  aux contraventions et aux délits prévus au livre III du code pénal, c’est-à-dire aux infractions contre les biens ;

-  à la diffamation prévue à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, délit puni de 12 000 euros d’amende s’il est commis envers des particuliers (article 31 de la loi de 1881) et de 45 000 euros s’il est commis envers une autorité publique (articles 30 et 31 de la même loi) ;

-  aux menaces prévues aux articles 222-17 et 222-18 du code pénal, délit dont les peines sont comprises, selon les circonstances, entre six mois et cinq ans s’agissant de la peine d’emprisonnement et entre 7 500 euros et 75 000 euros s’agissant de la peine d’amende ; toutefois, sont exclues du champ de l’amnistie les menaces « proférées à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public ».

L’amnistie n’est donc applicable à aucune autre infraction contre les personnes, y compris contraventionnelle, que les menaces ; elle n’est pas applicable, par exemple, aux violences sans incapacité de travail punies par l’article R. 624-1 du code pénal d’une amende de la quatrième classe, ou à l’injure non publique punie par l’article R. 621-2 du même code d’une amende de la première classe.

En deuxième lieu, le Sénat a supprimé certaines des circonstances de commission prévues par le texte initial de la proposition de loi qui ouvraient droit à l’amnistie. Ont été supprimées les circonstances suivantes :

-  les activités syndicales et revendicatives de professions libérales ou d’exploitants agricoles (1° de l’article 1er) ;

-  les mouvements collectifs relatifs aux problèmes liés à l’éducation, à la santé, à l’environnement, et aux droits des migrants (2° de l’article 1er).

À l’appui de cette modification, Mme Virginie Klès a estimé nécessaire de « limiter le champ d’application de cette loi d’amnistie aux infractions commises à l’occasion de conflits du travail ou d’activités syndicales ou revendicatives de salariés et d’agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique, ainsi qu’en matière de logement. (…) Il ne convient pas d’étendre ce champ à d’autres domaines » (22).

S’agissant de la suppression du champ de l’amnistie des infractions en lien avec les droits des migrants, on peut relever que la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour (23) a élargi la définition des immunités applicables au délit d’aide au séjour irrégulier et, en particulier, celle de l’immunité dite « humanitaire » prévue au 3° de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) (24). En application de la règle de la rétroactivité de la loi pénale plus douce, cette nouvelle disposition est de nature à permettre aux militants associatifs ou aux particuliers ayant apporté une telle aide, dans des circonstances dont la légitimité est désormais reconnue par la loi, de ne plus être poursuivis et, s’ils ont été condamnés, d’obtenir le retrait de la condamnation de leur casier judiciaire. Dès lors – et même si votre rapporteur aurait jugé préférable que le « délit de solidarité » soit supprimé, plutôt que les immunités de l’article L. 622-4 du CESEDA soient simplement élargies (25) –, la mention dans la présente proposition de loi d’amnistie des infractions en lien avec les droits des migrants n’est pas nécessaire.

Enfin, le Sénat a supprimé l’alinéa qui excluait l’application de l’amnistie aux employeurs. Soutenue par la commission des Lois et par le Gouvernement, cette suppression a été justifiée par la garde des Sceaux par le fait qu’il serait injuste d’exclure les employeurs du bénéfice de l’amnistie, celle-ci devant obéir « à l’exigence républicaine de la concorde nationale » (26).

En conclusion, la rapporteure de la proposition de loi au Sénat, Mme Éliane Assassi, a estimé que ces différentes modifications (27) avaient pour effet de « limiter de manière excessive la portée du texte initial de la proposition de loi », en excluant du champ de l’amnistie « les outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique, les atteintes à la liberté du travail ou encore les violences punies de simples contraventions, toutes infractions souvent reprochées aux personnes engagées dans les mouvements sociaux » (28).

Tout en proposant de conserver l’essentiel des modifications apportées par le Sénat à la définition du champ de l’amnistie, votre rapporteur a présenté à la Commission un amendement ayant pour objet de préciser et d’aménager la liste des infractions amnistiables, en cohérence avec le texte adopté par le Sénat. S’agissant des infractions contre les biens, cet amendement précisait que seuls seraient amnistiables les délits de destructions, dégradations et détériorations, ce qui aurait mis en évidence sans aucune ambiguïté que l’objet du texte n’était pas d’amnistier des délits tels que le vol, l’escroquerie, l’extorsion ou l’abus de confiance. Il proposait, en outre, d’étendre le champ de l’amnistie à un certain nombre d’infractions fréquemment commises dans le cadre de mouvements sociaux qui, par leur niveau de peine, ne sont pas d’une gravité supérieure à celle des infractions déjà incluses dans le champ de l’amnistie.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 7 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement très important vise à rendre l’article 1er – qui est le cœur du texte – à la fois plus clair et plus lisible, tout en conservant pour l’essentiel le champ d’application adopté par le Sénat.

Il y est proposé que, s’agissant des infractions contre les biens mentionnées au livre III du code pénal, seules soient amnistiables les destructions, dégradations et détériorations. Les diffamations commises à raison d’un motif discriminatoire seraient en outre exclues du champ de l’amnistie. En revanche, y entreraient certaines infractions susceptibles d’être commises dans le cadre de mouvements sociaux et qui, par leur niveau de peine, ne sont pas d’une gravité supérieure à celles déjà incluses dans le champ de la proposition de loi – notamment le délit d’injure, le délit d’entrave à la circulation et toutes les contraventions, à l’exclusion de celles pour faits de violence.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements CL 1 et CL 2 de M. Sergio Coronado, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

M. Sergio Coronado. Ces deux amendements visent à élargir le champ de l’amnistie, le premier aux destructions de parcelles d’organismes génétiquement modifiés (OGM) – ce qui me semble d’autant plus nécessaire que la loi relative à la protection des lanceurs d’alerte trouve son origine dans l’action des « faucheurs volontaires », qui a permis d’attirer l’attention de nos concitoyens sur les dangers que les OGM peuvent représenter pour la santé publique –, le second au délit d’entrave à la liberté du travail, parfois utilisé pour engager des poursuites.

M. le rapporteur. Sans vouloir remettre en cause l’utilité qu’a pu avoir l’action des faucheurs d’OGM, il ne me paraît pas justifié de l’inclure dans le champ d’une amnistie qui se veut avant tout sociale. L’objet de la proposition de loi est, dans le contexte de la crise actuelle, de répondre à la situation de celles et ceux qui se sont battus pour ces droits fondamentaux que sont le droit au travail et le droit au logement. Avis défavorable, donc – de même que sur l’amendement CL 2.

M. Sergio Coronado. La rapporteure au Sénat avait de ce texte une vue moins étroite que la vôtre… Mon soutien n’est pas payé de retour, pas plus que votre modération M. le rapporteur !

La Commission rejette les amendements CL 1 et CL 2.

Elle passe à l’examen, en discussion commune, des amendements CL 8 du rapporteur et CL 3 de M. Sergio Coronado.

M. le rapporteur. Afin d’éviter les effets pervers signalés par plusieurs collègues, il convient de revenir à la notion traditionnelle d’« activités syndicales et revendicatives » qui figure dans toutes les lois d’amnistie depuis 1981 ; mais pour ce faire, la rédaction de mon amendement me semble préférable à celle de l’amendement de M. Coronado.

M. Sergio Coronado. J’en conviens, et je retire l’amendement CL 3.

L’amendement CL 3 est retiré. La Commission rejette l’amendement CL 8.

Elle en vient à l’amendement CL 4 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à inclure dans le champ de l’amnistie les délits commis à l’occasion d’actions revendicatives relatives à l’environnement, à la santé, à l’éducation, à la culture, aux langues régionales et aux droits des migrants.

M. le rapporteur. Avis défavorable : il est préférable de s’en tenir à l’équilibre trouvé au Sénat.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL 5 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Mon amendement tend à amnistier les délits d’aide au séjour irrégulier d’un étranger dès lors que les faits relèvent du « délit de solidarité », qui a été profondément revu par la loi du 31 décembre 2012. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) a recensé plusieurs personnes ayant été condamnées sur cette base. Il serait cohérent de procéder à leur amnistie.

M. le rapporteur. À première vue seulement, car les personnes poursuivies ou condamnées pour des faits commis avant la loi du 31 décembre 2012, mais remplissant les nouvelles conditions de l’immunité humanitaire, bénéficient du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce : les poursuites en cours doivent être interrompues, la peine prononcée ne peut plus être exécutée et le retrait des mentions au casier judiciaire peut être obtenu auprès du ministère public. Il n’y a pas lieu d’amnistier des faits qui ont déjà perdu leur caractère d’infraction pénale. Avis défavorable, donc.

M. Sergio Coronado. Si je lui reconnais le mérite de la cohérence, je regrette votre position, monsieur le rapporteur. Néanmoins, je m’obstine
– peut-être par masochisme – à soutenir ce texte !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 1er bis (nouveau)

Exclusion du champ de l’amnistie des dégradations volontaires ayant
pour conséquence de nuire aux travaux scientifiques ou de recherche

Issu de l’adoption par le Sénat, lors de l’examen en séance publique, d’un amendement de Mme Virginie Klès, le présent article a pour objet d’exclure du bénéfice de l’amnistie les dégradations volontaires ayant pour conséquence de nuire au bon déroulement de travaux scientifiques ou de recherche.

À l’appui de son amendement, Mme Virginie Klès a fait valoir que cet amendement s’inscrivait « dans la tradition républicaine de protection de notre patrimoine » en protégeant le patrimoine scientifique.

Adopté avec un avis favorable de la commission des Lois du Sénat et un avis de sagesse du Gouvernement, cet amendement a fait l’objet de réserves exprimées à titre personnel par la rapporteure, Mme Éliane Assassi, qui a estimé qu’il réduisait excessivement le champ de l’amnistie (29).

La Commission rejette l’article 1er bis.

Article 2

Procédure de constatation de l’amnistie après condamnation définitive

L’article 2 définit la procédure de constatation de l’amnistie lorsque celle-ci intervient après condamnation définitive.

Reprenant le même texte que celui qui figurait au dernier alinéa de l’article 3 de la loi d’amnistie du 6 août 2002, le présent article dispose que lorsqu’elle intervient après condamnation définitive, l’amnistie est « constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, agissant soit d’office, soit sur requête du condamné ou de ses ayants droit ». En pratique, compte tenu de la nature de l’amnistie prévue par la présente proposition de loi, la requête émanera de la personne condamnée, le ministère public n’ayant pas la capacité, au seul vu des décisions enregistrées au casier judiciaire, de savoir quelles condamnations remplissent les conditions de l’amnistie au regard des circonstances de leur commission.

La décision du ministère public peut être contestée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 778 du code de procédure pénale. La contestation est faite par requête auprès du président de la juridiction qui a refusé l’amnistie. Après communication de la requête au ministère public, un magistrat est désigné par le président pour établir un rapport, avant que les débats aient lieu et que le jugement soit rendu en chambre du conseil.

On rappellera ici que, pour les faits non encore définitivement jugés, l’amnistie a pour effet d’éteindre l’action publique (30). Le constat de l’extinction de l’action publique dépend du stade où en est l’exercice de l’action publique : si l’affaire est au stade de l’examen par le parquet, celui-ci classera l’affaire sans suites ; si un juge d’instruction est saisi, celui-ci prendra une ordonnance de non-lieu fondée sur l’amnistie ; enfin, si l’affaire est soumise à une juridiction de jugement, c’est à elle qu’il reviendra de constater l’extinction de l’action publique.

Votre rapporteur a proposé à la Commission de compléter cet article par un alinéa disposant qu’« [e]n l’absence de condamnation définitive, les contestations sont soumises à la juridiction compétente pour statuer sur la poursuite ». Cet alinéa, qui figurait à l’article 3 de la proposition de loi, avait été supprimé par erreur par le Sénat (31). Votre rapporteur a donc proposé de le faire figurer à l’article 2, qui aurait ainsi comporté toutes les dispositions relatives aux contestations – qu’elles portent sur une infraction ayant fait l’objet d’une condamnation définitive ou non.

*

* *

La Commission rejette successivement l’amendement rédactionnel CL 9 et l’amendement de précision CL 10, tous deux du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 2.

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Chapitre II
Contestations relatives à l’amnistie

La Commission rejette l’amendement CL 11 du rapporteur tendant à supprimer le chapitre II.

Article 3 (supprimé)

Contestations relatives à l’amnistie

L’article 3, qui prévoyait des dispositions relatives aux contestations en matière d’amnistie, a été supprimé par le Sénat sur l’initiative conjointe de Mme Éliane Assassi et de M. Hugues Portelli.

Le premier alinéa de l’article 3 prévoyait que « Les contestations relatives à l’amnistie de droit prévue par le présent chapitre sont soumises aux règles de compétence et de procédure prévues par les deuxièmes et troisième alinéas de l’article 778 du code de procédure pénale ». Cette disposition était redondante avec les dispositions de l’article 2 (32).

Le second alinéa de l’article 3 disposait qu’« En l’absence de condamnation définitive, les contestations sont soumises à la juridiction compétente pour statuer sur la poursuite ».

La suppression de ce second alinéa soulevait une difficulté. Prévue dans toutes les dernières lois d’amnistie (33), cette disposition est nécessaire pour encadrer de façon suffisamment précise la procédure de constatation de l’amnistie. Dans son rapport, Mme Éliane Assassi n’avait envisagé de supprimer que le premier alinéa de l’article 3 (34), et l’exposé des motifs de son amendement de suppression mentionnait un amendement destiné à rattacher son second alinéa à l’article 2, qui n’a pas été déposé. Votre rapporteur a, en conséquence, proposé à la Commission de réintroduire cet alinéa à l’article 2.

La Commission maintient la suppression de l’article.

Chapitre III
Amnistie des sanctions disciplinaires

Article 4

Amnistie des faits commis par des salariés ou agents publics
passibles de sanctions disciplinaires

L’article 4 a pour objet de prévoir l’amnistie des sanctions disciplinaires prises ou susceptibles d’être prises à l’encontre de salariés ou d’agents publics pour des faits commis dans les circonstances mentionnées à l’article 1er de la présente proposition de loi.

Cette amnistie disciplinaire est classique dans les lois d’amnistie, comme le relève M. Jean-Marie Gonnard : « Traditionnellement les lois d’amnistie ont pour objet d’effacer non seulement des infractions à la loi pénale mais aussi les faits pouvant constituer des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles » (35).

Le Conseil constitutionnel a validé, dans une décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, la possibilité pour le législateur d’amnistier non seulement les condamnations pénales, mais aussi les sanctions disciplinaires. Rappelant les termes de l’article 34 de la Constitution, qui mentionne parmi les domaines relevant de la compétence législative « la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables », « la procédure pénale », « l’amnistie », « la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats », le Conseil constitutionnel a considéré « que l’on ne saurait déduire des termes de ces dispositions qui ne concernent pas seulement le droit pénal et de la place qui y est faite à l’amnistie que la Constitution aurait limité la compétence du législateur en matière d’amnistie au domaine des crimes et délits et, plus généralement, des infractions pénalement réprimées ». En conséquence, il a décidé que « le législateur a pu, sans méconnaître aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle, étendre le champ d’application de la loi d’amnistie à des sanctions disciplinaires ou professionnelles dans un but d’apaisement politique ou social » (36)

Reprenant les dispositions figurant dans les dernières lois d’amnistie, le premier alinéa de l’article 4 dispose que « [s]ont amnistiés les faits commis dans les circonstances mentionnées à l’article 1er, en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu’ils sont susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur, par tout salarié ou agent public à l’exception des personnes visées au dernier alinéa de cet article ». Cette amnistie des fautes disciplinaires peut concerner tout fait commis dans les circonstances mentionnées à l’article 1er, les restrictions prévues à cet article quant à la nature des infractions incluses dans le champ de l’amnistie pénale ne s’appliquant naturellement pas à cette amnistie disciplinaire. Toutefois, la nature des faits commis est prise en compte en matière de réintégration, pour exclure la réintégration des étudiants lorsqu’ils ont été exclus pour des faits de violence (article 5) et celle des salariés ou agents publics lorsqu’ils ont été licenciés pour une faute lourde constituée par des violences (article 6) (37).

L’exception concernant les personnes visées au dernier alinéa de l’article 1er se rapportait aux employeurs, que le texte initial de la proposition de loi excluait du champ de l’amnistie. Cet alinéa de l’article 1er ayant été supprimé par le Sénat (38), les termes « à l’exception des personnes visées au dernier alinéa de cet article » figurant à la fin du premier alinéa de l’article 4 devraient également, par coordination, être supprimés.

À la différence des articles des dernières lois d’amnistie prévoyant l’amnistie des sanctions disciplinaires, l’article 4 de la proposition de loi ne comporte pas de précision quant à la date de commission des faits bénéficiant de l’amnistie disciplinaire. Or, la date prévue à l’article 1er pour l’amnistie pénale n’étant pas applicable à l’amnistie disciplinaire si aucune disposition ne le prévoit, il est nécessaire de prévoir une telle date pour ne laisser aucune incertitude sur l’application temporelle de l’amnistie disciplinaire. Dans les précédentes lois d’amnistie, la date retenue pour l’amnistie disciplinaire était toujours identique à celle retenue pour l’amnistie pénale. Votre rapporteur a donc proposé à la Commission de compléter l’article 4, pour prévoir qu’il s’applique aux faits commis dans les circonstances de temps et de fait mentionnées à l’article 1er, c’est-à-dire entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013.

Afin d’éviter que les faits amnistiés puissent nuire à la suite de la carrière du salarié ou de l’agent public, le second alinéa de l’article confie à l’inspection du travail la mission de veiller « à ce qu’il ne puisse être fait état des faits amnistiés » en s’assurant « du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l’amnistie ».

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* *

La Commission rejette successivement les amendements de précision CL 12 et CL 13 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 4.

Article 5

Amnistie des faits commis par des étudiants ou élèves
passibles de sanctions disciplinaires – Droit à réintégration

L’article 5 a pour objet de prévoir l’amnistie des sanctions disciplinaires prises ou susceptibles d’être prises à l’encontre d’étudiants ou d’élèves pour des faits commis dans les circonstances mentionnées à l’article 1er de la présente proposition de loi, ainsi qu’un droit à réintégration pour ces étudiants ou élèves.

Des dispositions ayant le même objet étaient prévues par les lois d’amnistie des 4 août 1981 (article 15) et 20 juillet 1988 (article 16), mais pas par les deux dernières lois d’amnistie des 3 août 1995 et 6 août 2002.

—  Amnistie des faits commis par des étudiants ou élèves
passibles de sanctions disciplinaires

Le premier alinéa de l’article 5 dispose que sont amnistiés « les faits commis dans les circonstances mentionnées à l’article 1er de la présente loi par les étudiants ou élèves des établissements universitaires ou scolaires, ayant donné lieu ou pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires ».

Cependant, la suppression par le Sénat, au 2° de l’article 1er, de la mention des infractions commises à l’occasion de mouvements collectifs relatifs aux problèmes liés à l’éducation prive l’article 5 de portée réelle. En visant les faits commis « dans les circonstances mentionnées à l’article 1er de la présente loi par les étudiants ou élèves », l’article 5, compte tenu de la rédaction de l’article 1er adoptée par le Sénat, ne permettrait d’amnistier les sanctions disciplinaires que pour des faits commis par les étudiants ou les élèves dans le cadre de conflits du travail, d’activités syndicales et revendicatives de salariés ou d’agents publics, ou de mouvements collectifs relatifs aux problèmes liés au logement. Or, si rien n’empêche un étudiant ou un élève de participer à ce type de conflits ou de mouvements en qualité de salarié ou de membre d’association ou de syndicat, il est en revanche peu probable que ces activités se soient déroulées dans l’établissement auquel il appartient ou aient présenté un lien suffisant avec cet établissement pour justifier que soit prise à l’encontre de cet étudiant ou élève une sanction disciplinaire. Dès lors, l’article 5 ne permettra d’amnistier au plan disciplinaire que des sanctions qui ne pourront que difficilement, en pratique, avoir été prises par l’université ou l’établissement scolaire de l’étudiant ou de l’élève.

Comme l’article 4 relatif à l’amnistie des faits commis par les salariés ou agents publics passibles de fautes disciplinaires, l’article 5 ne comporte pas de précision quant à la date de commission des faits bénéficiant de l’amnistie disciplinaire (39). Or, une telle date est nécessaire pour ne laisser aucune incertitude sur l’application temporelle de l’amnistie disciplinaire. Votre rapporteur a donc proposé à la Commission de compléter l’article 4 pour prévoir qu’il s’applique aux faits commis dans les circonstances de temps et de fait mentionnées à l’article 1er, c’est-à-dire entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013.

—  Droit à réintégration

Le second alinéa de l’article 5 complète cette amnistie des sanctions disciplinaires par un droit à réintégration : « L’amnistie implique le droit à réintégration dans l’établissement universitaire ou scolaire auquel le bénéficiaire de l’amnistie appartenait, à moins que la poursuite de ses études ne l’exige pas ». Également prévu dans les lois précitées des 4 août 1981 (article 15) et 20 juillet 1988 (article 16), le droit à réintégration était déjà, dans ces deux lois, écarté lorsque la poursuite des études de l’étudiant ou élève concerné ne l’exigeait pas.

Dans sa décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 précitée, le Conseil constitutionnel a validé la possibilité pour le législateur de prévoir une mesure de réintégration dans le cadre d’une loi d’amnistie : « S’il est exact, notamment en matière pénale, que l’amnistie ne comporte pas normalement la remise en l’état de la situation de ses bénéficiaires, l’exception que le législateur peut juger opportun d’apporter à cette règle ne contrevient à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, sous l’expresse réserve, cependant, que la remise en l’état ne soit pas contraire aux droits et libertés de personnes tierces » (40).

Sur l’initiative de Mme Virginie Klès et de M. Jacques Mézard, une exception au droit à réintégration a été prévue, dans le cas où « l’intéressé a été exclu de l’établissement à la suite de faits de violence ».

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La Commission rejette l’amendement de précision CL 14 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 5.

Chapitre IV
Réintégration des salariés licenciés

La Commission rejette l’amendement CL 15 du rapporteur visant à modifier l’intitulé du chapitre.

Article 6

Réintégration des salariés et agents publics licenciés

L’article 6 a pour objet de prévoir la réintégration des salariés et agents publics licenciés pour des faits commis dans les circonstances mentionnées à l’article 1er et amnistiés sur le plan disciplinaire en application de l’article 4.

Les lois d’amnistie des 3 août 1995 (article 20) et 6 août 2002 (article 20) avaient expressément exclu toute possibilité de réintégration des salariés ou agents publics ayant bénéficié d’une amnistie. En revanche, les lois d’amnistie des 4 août 1981 (article 13, II) et 20 juillet 1988 (article 15, II) avaient prévu la possibilité pour un salarié ayant été licencié pour une faute commise à l’occasion de l’exercice de sa fonction de représentant du personnel d’invoquer cette qualité pour obtenir sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent chez le même employeur ou chez l’employeur qui lui a succédé.

L’article 6 définit les conditions du droit à réintégration dans son premier alinéa et la procédure de réintégration dans ses deuxième à sixième alinéas.

—  Conditions du droit à réintégration.

Le premier alinéa de l’article 6 dispose :

« Tout salarié ou agent public licencié pour une faute, autre qu’une faute lourde constituant une atteinte à l’intégrité physique ou psychique des personnes, ayant fait l’objet d’une amnistie au titre de l’article 4 est, sauf cas de force majeure, réintégré dans le poste qu’il occupait avant son licenciement ou dans un poste équivalent. »

La disposition prévue à l’article 6 de la proposition de loi présente deux différences par rapport aux dispositions de 1981 et 1988. D’une part, elle n’est pas applicable uniquement aux salariés du secteur privé, mais également aux agents publics. Cependant, si la possibilité pour les agents publics de bénéficier d’une réintégration est une nouveauté dans une loi d’amnistie, l’administration a toujours eu la faculté de décider de réintégrer un agent ayant bénéficié d’une amnistie : « les pouvoirs publics ont évidemment la faculté de réserver une suite favorable aux demandes de réintégration aux fins par exemple de reconstitution de carrière » (41). La nouveauté de cet article est d’instaurer, pour les agents publics, un véritable droit à réintégration.

D’autre part, la possibilité de réintégration n’est pas limitée aux seuls représentants du personnel, mais applicable à « tout salarié ou agent public ». Or, comme votre rapporteur l’a déjà indiqué précédemment, si le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 20 juillet 1988 précitée, validé la possibilité pour le législateur de prévoir une mesure de réintégration dans le cadre d’une loi d’amnistie, il a néanmoins considéré que cette possibilité devait être conciliée avec la liberté d’entreprendre et la liberté personnelle de l’employeur et des salariés et, en conséquence, être limitée au cas où elle est justifiée par un motif suffisant d’intérêt général. Dans le cas de la loi d’amnistie de 1988, c’est parce que la faculté de réintégration prévue par l’article 15 de cette loi était limitée aux seuls représentants du personnel et qu’elle ne s’appliquait pas dans le cas où la faute ayant motivé le licenciement était constitutive d’une faute lourde, que le Conseil constitutionnel a décidé qu’elle était conforme à la Constitution (42).

Dès lors, en ne limitant pas le bénéfice du droit à réintégration aux seuls représentants du personnel, le dispositif prévu par la proposition de loi est certainement contraire à la Constitution. Ce risque d’inconstitutionnalité avait d’ailleurs été soulevé par la rapporteure de la proposition de loi au Sénat, Mme Éliane Assassi, qui avait fait adopter en commission un amendement « limitant la possibilité de réintégration aux représentants élus du personnel, aux représentants syndicaux au comité d’entreprise et aux délégués syndicaux » (43). Cependant, la proposition de loi n’ayant pas été adoptée en commission, cet amendement n’avait pas été intégré au texte de la proposition de loi ; il n’avait, ensuite, pas été redéposé pour l’examen du texte en séance publique.

La précision selon laquelle la faute commise par le salarié ou l’agent pouvant prétendre à la réintégration ne doit pas avoir consisté en une atteinte à l’intégrité physique ou psychique des personnes est issue d’un amendement de Mme Virginie Klès. À l’appui de cette disposition, Mme Virginie Klès avait fait valoir que, dans la mesure où la jurisprudence définit comme étant une faute lourde toute action entraînant un blocage de l’entreprise – par exemple par des piquets de grève –, la faute lourde pourrait être « trop facilement ou trop souvent invoquée vis-à-vis des organisateurs des mouvements sociaux » dès lors que toute grève désorganise nécessairement le fonctionnement de l’entreprise. Cet amendement a donc limité l’exception au droit à intégration au seul cas où la faute lourde était constitutive de violences.

Cependant, le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision précitée du 20 juillet 1988, estimé que le législateur devait écarter le droit à réintégration pour toute faute lourde, et pas uniquement pour une faute lourde ayant consisté en des violences. Pour cette raison, il avait censuré la disposition de la loi qui limitait cette exception au droit à réintégration au cas où cette faute lourde était constitutive de « coups et blessures », en considérant que le fait que « la réintégration serait de droit dans tous les cas où la faute lourde aurait été constituée par une infraction autre que celle de coups et blessures » dépassait « manifestement les limites que le respect de la Constitution impose au législateur en matière d’amnistie » (44).

La précision selon laquelle la réintégration n’est écartée qu’en cas de faute lourde consistant en une atteinte à l’intégrité physique ou psychique pourrait donc être contraire à la Constitution.

Votre rapporteur a, en conséquence, proposé un amendement ayant pour objet d’exclure la réintégration des salariés et agents publics lorsque la faute ayant motivé leur licenciement était une faute lourde, et pas uniquement lorsqu’ils avaient commis des violences, d’une part, et de limiter le bénéfice du droit à réintégration aux salariés ou agents publics exerçant un mandat syndical.

—  Procédure de réintégration

Les deuxième à sixième alinéas de l’article 6 définissent la procédure suivie pour la réintégration.

Le deuxième alinéa prévoit que la demande de réintégration est présentée à l’auteur du licenciement dans un délai d’un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit du prononcé de la sanction. Le troisième alinéa précise qu’en cas de changement d’employeur en application des articles L. 1224-1 ou L. 1224-3 du code du travail – dispositions du code du travail qui régissent les différents cas de transfert du contrat de travail –, la réintégration du salarié s’effectue chez l’employeur succédant.

Aux termes du quatrième alinéa, le silence de l’employeur pendant deux mois à la suite de la réception de la demande de réintégration vaut acceptation. Si l’employeur refuse de mettre en œuvre la réintégration de façon effective, le cinquième alinéa prévoit la possibilité pour le salarié ou l’agent public de saisir en référé la juridiction compétente pour la relation de travail – juge prud’homal ou juge administratif, selon le cas – afin qu’elle délivre un titre exécutoire sous astreinte.

Enfin, afin d’éviter que le salarié réintégré puisse avoir à pâtir de difficultés ou de sanctions injustifiées à la suite de sa réintégration, le sixième alinéa prévoit qu’il bénéficie pendant douze mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée au délégué syndical prévue aux articles L. 2411-1 à L. 2437-1 du même code. Ainsi, son licenciement ou la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée ne sera possible qu’après autorisation de l’inspecteur du travail (articles L. 2411-3 et L. 2412-2).

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La Commission est saisie de l’amendement CL 16 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi d’amnistie présidentielle de 1988, cet amendement a pour objet d’exclure la réintégration des salariés et agents publics ayant commis une faute lourde.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 6.

Article 7

Contestations en matière d’amnistie des sanctions disciplinaires

L’article 7 a pour objet de définir la procédure applicable aux contestations en matière d’amnistie des sanctions disciplinaires. Des dispositions similaires figurent classiquement à la suite de tous les articles des lois d’amnistie qui prévoient une telle amnistie (45).

Les deux premiers alinéas de l’article sont applicables au cas où a été prononcée une sanction disciplinaire ayant acquis un caractère définitif. Le premier alinéa dispose que « les contestations relatives au bénéfice de l’amnistie des sanctions disciplinaires définitives sont portées devant l’autorité ou la juridiction qui a rendu la décision ». Le deuxième alinéa donne à l’intéressé la possibilité de « saisir cette autorité ou juridiction en vue de faire constater que le bénéfice de l’amnistie lui est effectivement acquis ».

Le troisième alinéa régit les situations dans lesquelles aucune sanction n’a encore été prononcée ou la sanction prononcée n’est pas encore définitive. Dans ce cas, les contestations sont soumises à l’autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite.

Le dernier alinéa prévoit la suspension de l’exécution de la sanction jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande et confère un caractère suspensif au recours contentieux exercé contre la décision de rejet de la demande. Une telle mesure, destinée à préserver les droits du salarié ou de l’agent demandant à bénéficier de l’amnistie disciplinaire, figure dans toutes les lois d’amnistie depuis 1981.

La Commission rejette l’article 7.

Chapitre V
Effets de l’amnistie

Article 8

Effets principaux de l’amnistie

L’article 8 a pour objet de définir les effets principaux de l’amnistie, qui sont :

—  l’effacement des condamnations, l’extinction de l’action publique et la remise de toutes les peines et mesures de sûreté ;

—  la dispense de paiement du droit fixe de procédure ;

—  l’interdiction sous peine d’amende de rappeler l’existence de condamnations amnistiées.

Les effets de l’amnistie sont définis par des règles permanentes figurant aux articles 133-9 à 133-11 du code pénal ainsi qu’aux articles 6 et 769 du code de procédure pénale. Cependant, dans un souci de clarté quant aux effets de la présente loi et comme dans toutes les lois d’amnistie antérieures, les règles énoncées à ces articles sont reprises dans la présente proposition de loi d’amnistie.

—  Effacement des condamnations, extinction de l’action publique et remise de toutes les peines et mesures de sûreté

Le premier effet de l’amnistie est énoncé par le premier alinéa de l’article 8 :

« L’amnistie efface les condamnations prononcées ou éteint l’action publique en emportant les conséquences prévues aux articles 133-9 à 133-11 du code pénal et 6 et 769 du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté. »

L’article 133-9 du code pénal définit l’effet de l’amnistie à l’égard des condamnations déjà prononcées : « L’amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure. »

L’article 133-10 du code pénal prévoit que l’amnistie ne préjudicie pas aux tiers : si le fait amnistié perd son caractère délictueux, il n’en conserve pas moins, le cas échéant, son caractère de faute civile ouvrant droit à indemnisation. L’article 10 de la proposition de loi prévoit d’ailleurs une disposition de procédure destinée à garantir les droits des tiers (46).

La règle énoncée à l’article 133-11 du code pénal – qui interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations amnistiées, d’en rappeler l’existence – est, quant à elle, rappelée au dernier alinéa du présent article (47).

La règle d’extinction de l’action publique à l’égard des infractions n’ayant pas encore fait l’objet d’un jugement définitif est énoncée à l’article 6 du code de procédure pénale : « L’action publique pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la chose jugée ».

Enfin, l’effacement des condamnations amnistiées du casier judiciaire est prévu au troisième alinéa de l’article 769 du code de procédure pénale : « Sont retirées du casier judiciaire les fiches relatives à des condamnations effacées par une amnistie ».

S’agissement de la remise des mesures de sûreté, la proposition de loi s’inscrit dans la lignée des lois d’amnistie des 3 août 1995 (article 17) et 6 août 2002 (article 17), qui avaient toutes deux prévu que, par principe, l’amnistie entraînait la remise des mesures de sûreté et de police, à l’exception de celles limitativement énumérées par la loi. Cette règle s’appliquait que les mesures de sûreté et de police aient été prononcées à titre de peine principale ou à titre de peine complémentaire.

—  Dispense de paiement du droit fixe de procédure

Comme les lois d’amnistie des 3 août 1995 (article 21) et 6 août 2002 (article 15), le deuxième alinéa du présent article prévoit que l’amnistie fait obstacle au recouvrement du droit fixe de procédure prévu à l’article 1018 A du code général des impôts.

Fixé à des montants variant en fonction de la juridiction saisie et du stade de la procédure – 22 euros en matière contraventionnelle et pour les ordonnances pénales, 90 euros pour les décisions des tribunaux correctionnels, 120 euros pour les décisions des cours d’appel et 375 euros pour les décisions de la Cour de cassation –, le paiement de ce droit ne pourra pas être exigé des personnes amnistiées.

—  Interdiction sous peine d’amende de rappeler l’existence de condamnations amnistiées

Le dernier alinéa de l’article 8 dans le texte adopté par le Sénat dispose : « Sous peine d’une amende de 5 000 €, il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdiction, déchéances et incapacités effacées par l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit ou d’en laisser subsister l’existence dans un document quelconque ».

L’interdiction de rappeler l’existence de condamnations amnistiées est classiquement prévue par toutes les lois d’amnistie et assortie d’une peine d’amende (48). Ces dispositions présentent une caractéristique commune, qui est d’être d’application générale, c’est-à-dire d’interdire à quiconque de faire référence à une condamnation amnistiée (49). Ainsi, l’article 15 de la loi du 6 août 2002 prévoit-il que « Toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée sur le fondement de la présente loi est punie d’une amende de 5 000 euros ». Le montant de l’amende encourue avait été fixé à 25 000 francs en 1995 et à 5 000 euros en 2002. C’est ce même montant de 5 000 euros d’amende que retient le présent article.

Depuis 1994, l’article 133-11 du code pénal prévoit également une règle d’interdiction de rappel de l’existence d’une condamnation amnistiée. Applicable y compris si la loi d’amnistie ne le mentionne pas expressément, cette interdiction présente toutefois deux différences avec les interdictions généralement incluses dans les lois d’amnistie. D’une part, elle n’est pas applicable à toute personne, mais seulement à celles qui, « dans l’exercice de [leurs] fonctions, [ont] connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdictions, déchéances et incapacités effacées par l’amnistie ». D’autre part, elle n’est assortie d’aucune sanction. Toutefois, l’existence de cette disposition générale dont l’application se limite aux personnes ayant fait référence à des faits amnistiés dont elles avaient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions n’interdit pas au législateur de prévoir, au cas par cas dans chaque loi d’amnistie, une disposition plus large, applicable à l’égard de toute personne – quelle que soit l’origine de sa connaissance des faits amnistiés –, comme le montre l’exemple de l’article 15 de la loi du 6 août 2002 précité.

Dans le texte initial de la proposition de loi déposée au Sénat, la formulation retenue pour cette interdiction était celle figurant dans les lois d’amnistie antérieures, à savoir une interdiction de portée générale de faire référence à une condamnation amnistiée : « Toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée sur le fondement de la présente loi est punie d’une amende de 5 000 euros ».

Lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de Mme Virginie Klès remplaçant cette formulation générale par une formulation plus restrictive reproduisant l’interdiction déjà prévue à l’article 133-11 du code pénal, en l’assortissant d’une peine d’amende de 5 000 euros. À l’appui de cette modification, Mme Virginie Klès a fait valoir qu’il paraissait « peu évident de matérialiser l’infraction » telle que définie par le texte initial de la proposition de loi, qu’il était possible de « faire allusion à une infraction ayant été amnistiée sans savoir qu’elle l’a été » et que, dans ce cas, « il serait illogique d’être condamné à une amende de 5 000 euros ».

Les deux dernières phrases du dernier alinéa de l’article 8 sont relatives à la responsabilité pénale des personnes morales pour le délit prévu à cet article. Elles prévoient, d’une part, que « les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au présent alinéa » et, d’autre part, que « la peine encourue par les personnes morales est l’amende, dans les conditions prévues à l’article 131-38 du même code ». Cependant, la responsabilité pénale des personnes morales est, depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, devenue générale, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que le texte d’incrimination la prévoie expressément pour qu’elle s’applique. En outre, l’article 131-38 du code pénal dispose que les personnes morales encourent une peine d’amende dont le montant maximal est « égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction ». Les deux dernières phrases de l’article 8 étant inutiles, car redondantes avec des dispositions de portée générale, votre rapporteur a proposé à la Commission de les supprimer.

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La Commission rejette l’amendement rédactionnel CL 17 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 8.

Article 9 (supprimé)

Autres effets de l’amnistie

Cet article, qui définissait certains des effets de l’amnistie déjà prévus à l’article 8, a été supprimé par le Sénat.

L’article 8 prévoyait que l’amnistie :

—  « entraîne la remise de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires ainsi que de toutes les incapacités ou déchéances subséquentes » ;

—  « ne peut donner lieu à restitution » ;

—  « rétablit l’auteur de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui a pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure ».

Ces différents effets de l’amnistie sont déjà prévus à l’article 8, par un renvoi aux dispositions de l’article 133-9 qui mentionne ces différents effets. La suppression de cet article avait été votée une première fois par la commission des Lois du Sénat sur l’initiative de sa rapporteure (50), avant que le Sénat ne le supprime effectivement lors de l’examen en séance publique, sur l’initiative conjointe de Mme Virginie Klès et M. Hugues Portelli.

La Commission maintient la suppression de l’article.

Article 10

Préservation des droits des tiers victimes des faits amnistiés

L’article 10 a pour objet de préserver les droits des tiers victimes des faits amnistiés, en facilitant l’exercice de leur droit à indemnisation.

Des dispositions poursuivant le même objectif de préservation des intérêts des tiers sont prévues par toutes les lois d’amnistie (51). Prévue à l’article 8 de la présente proposition de loi, la règle d’absence d’effet de l’amnistie sur les droits des tiers est, depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994, une règle « permanente » de l’amnistie prévue à l’article 133-10 du code pénal. Comme le souligne M. Jean-Marie Gonnard, « la traditionnelle "réserve du droit des tiers" aujourd’hui consacrée par l’article 133-10 du code pénal procède du souci de ne pas léser les victimes des infractions objets de l’amnistie qui conservent le droit de faire reconnaître et réparer leur préjudice » (52).

Afin d’assurer aux tiers la préservation la plus effective possible de leur droit à indemnisation, le premier alinéa de l’article 10 prévoit qu’« en cas d’instance sur les intérêts civils, le dossier pénal est versé aux débats et mis à la disposition des parties », tandis que le second alinéa dispose que « si la juridiction de jugement a été saisie de l’action publique avant la publication de la présente loi, cette juridiction reste compétente pour statuer, le cas échéant, sur les intérêts civils ».

Ces deux dispositions permettent de faciliter la preuve des faits pour la victime et lui évitent, si une juridiction pénale était déjà saisie, d’avoir à introduire une nouvelle instance devant une juridiction civile. La disparition du caractère d’infraction pénale des faits amnistiés ne porte ainsi pas atteinte aux intérêts de la victime, qui pourra être indemnisée sans délai inutile.

La Commission rejette l’article 10.

Chapitre VI
Fichage des informations nominatives et des empreintes génétiques

Article 11

Suppression des données personnelles enregistrées dans les fichiers
de police – Amnistie du délit de refus de se soumettre à un prélèvement biologique ordonné consécutivement à une infraction amnistiée

Le présent article a pour objet de prévoir la suppression des données personnelles enregistrées dans les fichiers de police judiciaire pour des infractions amnistiées, ainsi que d’amnistier le délit de refus de se soumettre à un prélèvement biologique ordonné consécutivement à une infraction amnistiée.

—  Suppression des données personnelles enregistrées dans les fichiers de police

Le premier alinéa prévoit que « l’amnistie entraîne la suppression des empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies dans les fichiers de police ainsi que l’ensemble des informations nominatives relatives aux délits mentionnés à l’article 1er recueillies à l’occasion des procédures d’enquête et des procédures judiciaires dans les fichiers de police judiciaire ».

Cette disposition s’inscrit en opposition à l’article 17 de la loi d’amnistie du 6 août 2002 dont le dernier alinéa avait, au contraire, expressément prévu le maintien dans les fichiers de police judiciaire des infractions amnistiées : « Nonobstant toute disposition contraire, elle [l’amnistie] n’empêche pas le maintien dans un fichier de police judiciaire des mentions relatives à des infractions amnistiées ». Cette disposition avait été prévue pour tenir compte du fait que « désormais, avec le quinquennat, la fréquence des lois d’amnistie, si la tradition se poursuit, va devenir de plus en plus importante » et dans le but, en conséquence de ce possible rapprochement des lois d’amnistie, de préserver « l’efficacité des fichiers de police judiciaire, qui serait grandement affaiblie si leur contenu était effacé tous les cinq ans » (53). La doctrine avait vu dans cette évolution un resserrement de l’effet d’effacement de l’amnistie : « Dans ses conséquences on observe que l’amnistie a perdu en grande partie tout caractère de rétroactivité et se réduit à un effacement du caractère pénal des faits. Qu’il suffise à titre d’exemple de mentionner les dispositions de l’article 17, dernier alinéa, de la loi du 6 août 2002 qui prévoient le maintien dans les fichiers de police judiciaire des infractions amnistiées » (54).

Mme Éliane Assassi a, dans son rapport au nom de la commission des Lois du Sénat, fait valoir à l’appui de la disposition prévue au premier alinéa de l’article 11 que « compte tenu du fait que l’enregistrement d’empreintes génétiques ou de données nominatives dans des fichiers de police n’est possible que pour des personnes dont on soupçonne qu’elles ont commis certaines infractions, qui par hypothèse seront, en l’espèce, concernées par l’amnistie, il ne paraît pas déraisonnable de prévoir cet effacement » (55).

—  Amnistie du délit de refus de se soumettre à un prélèvement biologique ordonné consécutivement à une infraction amnistiée

Le second alinéa de l’article 11 prévoit l’amnistie du délit de refus de se soumettre à un prélèvement biologique ordonné consécutivement à une infraction amnistiée : « L’amnistie emporte amnistie de l’infraction prévue au premier alinéa du II de l’article 706-56 du code de procédure pénale, lorsque les faits qui ont été à l’origine de la demande de prélèvement biologique sont eux-mêmes amnistiés ».

Les articles 706-54 à 706-56-1 du code de procédure pénale prévoient l’enregistrement au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) de personnes condamnées ou poursuivies pour un certain nombre de crimes ou délits, et définissent les procédures permettant le prélèvement de ces empreintes. La liste des infractions donnant lieu à ce prélèvement est fixée à l’article 706-55 : elle comporte des infractions d’une particulière gravité, telle que les infractions sexuelles, les crimes contre l’humanité, les atteintes volontaires à la vie ou encore la traite des êtres humains, mais aussi toutes les violences correctionnelles même légères et les destructions ou dégradations. Un certain nombre de militants syndicaux ou associatifs condamnés pour des faits commis dans le cadre de mouvements sociaux ou même, dans certains cas, seulement soupçonnés d’avoir commis des infractions sans avoir été condamnés, doivent donc faire l’objet d’un enregistrement au FNAEG, pour des faits dont la gravité est sans commune mesure avec celle, par exemple, d’un viol ou d’un meurtre.

Le premier alinéa du I de l’article 706-56 du code de procédure pénale prévoit que l’officier de police judiciaire peut procéder ou faire procéder sous son contrôle à un prélèvement biologique destiné à permettre l’analyse d’identification de l’empreinte génétique des personnes devant être enregistrées au FNAEG. Le refus de se soumettre à ce prélèvement constitue un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende par le premier alinéa du II de ce même article 706-56. Comme l’a relevé la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Éliane Assassi, les représentants des syndicats et associations considèrent que l’application de ce délit « constitue un moyen trop souvent utilisé par les forces de l’ordre pour pouvoir entraver indirectement des actions qui ne peuvent, en elles-mêmes, tomber sous le coup d’aucune incrimination » (56).

Le fait de prévoir l’amnistie de ce délit, lorsque le refus de prélèvement aura été consécutif à une infraction amnistiée en application de la présente proposition de loi, apparaît logique et s’inscrit dans la logique d’apaisement des tensions sociales poursuivie par l’ensemble du texte.

La disposition selon laquelle l’amnistie du délit prévu au premier alinéa du II de l’article 706-56 ne s’applique que «  lorsque les faits qui ont été à l’origine de la demande de prélèvement biologique sont eux-mêmes amnistiés » est issue d’un amendement de Mme Virginie Klès adopté par le Sénat lors de l’examen en séance publique. Cet ajout a été adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement qui a néanmoins, par la voix de la garde des Sceaux, estimé qu’il était superfétatoire (57). En effet, le texte initial de la proposition de loi faisait déjà de l’amnistie de l’infraction pour laquelle le prélèvement biologique avait été ordonné la condition de l’amnistie du délit de refus de se soumettre à un prélèvement biologique. Le fait de subordonner l’amnistie de ce délit à l’amnistie des faits qui ont été à l’origine de la demande de prélèvement biologique apparaît donc redondant. Votre rapporteur a proposé à la Commission de supprimer cette précision.

*

* *

La Commission rejette successivement l’amendement de précision CL 18, l’amendement rédactionnel CL 19 et l’amendement de précision CL 20, tous du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL 21 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la fin du second alinéa, qui est inutile.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 11.

Article 12 (nouveau)

Application territoriale de la loi

Issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement de la rapporteure de sa commission des Lois, Mme Éliane Assassi, cet article a pour objet de prévoir l’application de la loi sur l’ensemble du territoire de la République, c’est-à-dire y compris dans les collectivités d’outre-mer soumises au principe de spécialité législative (58).

La Commission rejette l’article 12.

En conséquence du rejet de tous ses articles, l’ensemble de la proposition de loi est rejeté.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives (n° 760).

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte adopté par le Sénat

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives

Proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives

 

Chapitre IER

Chapitre IER

 

Amnistie des délits commis
à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives

Amnistie des délits commis
à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives

 

Article 1er A (nouveau)

Article 1er A

 

Les mineurs condamnés à l’occasion des grèves de 1948 et de 1952 sont amnistiés. Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article.

Supprimé

 

Article 1er

Article 1er

 

L’amnistie prévue par la présente loi bénéficie aux personnes physiques et aux personnes morales.

Supprimé

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Art. 29. – Cf. annexe

Code pénal

Art. 222-17 et 222-18. – Cf. annexe

Sont amnistiés de droit, lorsqu’ils ont été commis entre le 1er  janvier 2007 et le 1er février 2013, les contraventions et les délits prévus au livre III du code pénal ainsi que la diffamation prévue à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et les menaces prévues aux articles 222-17 et 222-18 du code précité à l’exception de celles proférées à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, passibles de cinq ans et moins d’emprisonnement commis dans les circonstances suivantes :

 
 

1° À l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales ou revendicatives de salariés, d’agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ;

 
 

2° À l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés au logement, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics.

 
 

Article 1er bis (nouveau)

Article 1er bis

 

Sont exclues du bénéfice de l’amnistie prévue par la présente loi les dégradations volontaires ayant pour conséquence de nuire au bon déroulement de travaux scientifiques ou de recherche.

Supprimé

 

Article 2

Article 2

Code de procédure pénale

Art. 778. – Cf annexe

Lorsqu’elle intervient après condamnation définitive, l’amnistie résultant du présent article est constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, agissant soit d’office, soit sur requête du condamné ou de ses ayants droit. La décision du ministère public peut être contestée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 778 du code de procédure pénale.

Supprimé

 

Chapitre II

Chapitre II

 

Contestations relatives à l’amnistie

Contestations relatives à l’amnistie

 

Article 3

Article 3

 

(Supprimé)

Maintien de la suppression

 

Chapitre III

Chapitre III

 

Amnistie des sanctions disciplinaires

Amnistie des sanctions disciplinaires

 

Article 4

Article 4

 

Sont amnistiés les faits commis dans les circonstances mentionnées à l’article 1er, en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu’ils sont susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur, par tout salarié ou agent public à l’exception des personnes visées au dernier alinéa de cet article.

Supprimé

 

L’inspection du travail veille à ce qu’il ne puisse être fait état des faits amnistiés. À cet effet, elle s’assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l’amnistie.

 
 

Article 5

Article 5

 

Sont amnistiés les faits commis dans les circonstances mentionnées à l’article 1er de la présente loi par les étudiants ou élèves des établissements universitaires ou scolaires, ayant donné lieu ou pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires.

Supprimé

 

L’amnistie implique le droit à réintégration dans l’établissement universitaire ou scolaire auquel le bénéficiaire de l’amnistie appartenait, à moins que la poursuite de ses études ne l’exige pas. Toutefois, l’amnistie n’implique pas le droit à réintégration lorsque l’intéressé a été exclu de l’établissement à la suite de faits de violence.

 
 

Chapitre IV

Chapitre IV

 

Réintégration des salariés licenciés

Réintégration des salariés licenciés

 

Article 6

Article 6

 

Tout salarié ou agent public licencié pour une faute, autre qu’une faute lourde constituant une atteinte à l’intégrité physique ou psychique des personnes, ayant fait l’objet d’une amnistie au titre de l’article 4 est, sauf cas de force majeure, réintégré dans le poste qu’il occupait avant son licenciement ou dans un poste équivalent.

Supprimé

 

La demande de réintégration est présentée à l’auteur du licenciement dans un délai d’un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit du prononcé de la sanction.

 

Code du travail

Art. L. 1224–1 et L. 1224–3. – Cf. annexe

En cas de changement d’employeur en application des articles L. 1224-1 ou L. 1224-3 du code du travail, la réintégration du salarié s’effectue chez l’employeur succédant.

 
 

En cas de défaut de réponse de l’employeur à la demande de réintégration, celle-ci est acquise dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.

 
 

En cas de refus de mise en œuvre effective de la réintégration, le salarié ou l’agent peut saisir, en référé, la juridiction compétente pour la relation de travail qui délivre, en application de la présente loi, un titre exécutoire sous astreinte.

 

Art. L. 2411–1 et L. 2437–1. – Cf. annexe

Le salarié réintégré bénéficie pendant douze mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée au délégué syndical prévue aux articles L. 2411-1 à L. 2437-1 du même code.

 
 

Article 7

Article 7

 

Les contestations relatives au bénéfice de l’amnistie des sanctions disciplinaires définitives sont portées devant l’autorité ou la juridiction qui a rendu la décision.

Supprimé

 

L’intéressé peut saisir cette autorité ou juridiction en vue de faire constater que le bénéfice de l’amnistie lui est effectivement acquis.

 
 

En l’absence de décision définitive, les contestations sont soumises à l’autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite.

 
 

L’exécution de la sanction est suspendue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande ; le recours contentieux contre la décision de rejet de la demande a également un caractère suspensif.

 
 

Chapitre V

Chapitre V

 

Effets de l’amnistie

Effets de l’amnistie

 

Article 8

Article 8

Code pénal

Art. 133-9 et 133-11. – Cf. annexe

Code de procédure pénale

Art. 6 et 769. – Cf. annexe

L’amnistie efface les condamnations prononcées ou éteint l’action publique en emportant les conséquences prévues aux articles 133-9 à 133-11 du code pénal et 6 et 769 du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté.

Supprimé

Code général des impôts

Art. 1018 A. – Cf. annexe

Elle fait obstacle au recouvrement du droit fixe de procédure mentionné à l’article 1018 A du code général des impôts.

 

Code pénal

Art. 121-2 et 131-38. – Cf. annexe

Sous peine d’une amende de 5 000 €, il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdiction, déchéances et incapacités effacées par l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit ou d’en laisser subsister l’existence dans un document quelconque. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au présent alinéa. La peine encourue par les personnes morales est l’amende, dans les conditions prévues à l’article 131-38 du même code.

 
 

Article 9

Article 9

 

(Supprimé)

Maintien de la suppression

 

Article 10

Article 10

 

En cas d’instance sur les intérêts civils, le dossier pénal est versé aux débats et mis à la disposition des parties.

Supprimé

 

Si la juridiction de jugement a été saisie de l’action publique avant la publication de la présente loi, cette juridiction reste compétente pour statuer, le cas échéant, sur les intérêts civils.

 
 

Chapitre VI

Chapitre VI

 

Fichage des informations nominatives
et des empreintes génétiques

Fichage des informations nominatives
et des empreintes génétiques

 

Article 11

Article 11

 

L’amnistie entraîne la suppression des empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies dans les fichiers de police ainsi que l’ensemble des informations nominatives relatives aux délits mentionnés à l’article 1er recueillies à l’occasion des procédures d’enquête et des procédures judiciaires dans les fichiers de police judiciaire.

Supprimé

Code de procédure pénale

Art. 706-56. – Cf. annexe

L’amnistie emporte amnistie de l’infraction prévue au premier alinéa du II de l’article 706-56 du code de procédure pénale, lorsque les faits qui ont été à l’origine de la demande de prélèvement biologique sont eux-mêmes amnistiés.

 
 

Article 12 (nouveau)

Article 12

 

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.

Supprimé

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par MM. Coronado et Molac :

Article 1er

À l’alinéa 2, après les mots :

« les délits prévus au livre III du code pénal »

insérer les mots :

« et aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 671-15 du code rural et de la pêche maritime »

Amendement CL2 présenté par MM. Coronado et Molac :

Article 1er

À l’alinéa 2, après les mots :

« liberté de la presse et »

insérer les mots :

« le délit d’entrave à la liberté du travail prévu à l’article 431-1 du code pénal et »

Amendement CL3 présenté par MM. Coronado et Molac :

Article 1er

À l’alinéa 3, substituer à la deuxième occurrence du mot :

« ou »,

le mot :

« et ».

Amendement CL4 présenté par MM. Coronado et Molac :

Article 1er

À l’alinéa 4, après les mots :

« au logement, »

insérer les mots :

« à l’environnement, à la santé, à l’éducation, à la culture, aux langues régionales et aux droits des migrants, ».

Amendement CL5 présenté par MM. Coronado et Molac :

Article 1er

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également amnistiées de droit, lorsqu’elles ont été commises avant le 31 décembre 2012, les infractions prévues aux articles L. 622-1 à L. 622-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci. ».

Amendement CL6 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Avant l’article 1er

Dans l’intitulé du chapitre Ier, après les mots :

« Amnistie des »,

insérer les mots :

« contraventions et ».

Amendement CL7 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 1er

I. – Substituer à l’alinéa 2 les sept alinéas suivants :

« Sont amnistiées de droit, lorsqu’elles ont été commises entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013 dans les circonstances mentionnées aux a et b du présent article et qu’elles ne sont pas passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans, les infractions suivantes :

« 1° Les délits de destructions, dégradations et détériorations prévus au chapitre II du titre II du livre III du code pénal ;

« 2° Les menaces prévues aux articles 222-17 et 222-18 du même code, sauf lorsqu’elles ont été proférées à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public ;

« 3° La diffamation et l’injure prévues aux articles 29, 30 et 31, au premier alinéa de l’article 32 et aux deux premiers alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

« 4° Le délit d’entrave à la circulation prévu à l’article L. 412-1 du code de la route ;

« 5° Les contraventions, à l’exception des contraventions de violences.

« Les infractions mentionnées aux 1° à 5° du présent article sont amnistiées lorsqu’elles sont commises dans les circonstances suivantes : »

II. – Au début des alinéas 3 et 4, substituer aux références :

« 1° » et « 2° »,

les références :

« a) » et « b) ».

Amendement CL8 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 3, substituer aux mots :

« ou revendicatives de salariés, »,

les mots :

« et revendicatives de salariés ou ».

Amendement CL9 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 2

À la première phrase, substituer au mot :

« article »,

le mot :

« chapitre ».

Amendement CL10 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 2

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« En l’absence de condamnation définitive, les contestations sont soumises à la juridiction compétente pour statuer sur la poursuite. »

Amendement CL11 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Avant l’article 3

Supprimer l’intitulé et la division :

« Chapitre II

« Contestations relatives à l’amnistie »

Amendement CL12 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 4

I. – À l’alinéa 1, substituer aux mots :

« dans les circonstances »,

les mots :

« par tout salarié ou agent public dans les circonstances de temps et de fait ».

II. – En conséquence, au même alinéa, supprimer les mots :

« , par tout salarié ou agent public à l’exception des personnes visées au dernier alinéa de cet article »

Amendement CL13 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 4

À l’alinéa 2, substituer au mot :

« travailleurs »,

le mot :

« salariés ».

Amendement CL14 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 5

À l’alinéa 1, après les mots :

« dans les circonstances »,

insérer les mots :

« de temps et de fait ».

Amendement CL15 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Avant l’article 6

Dans l’intitulé du chapitre IV, après le mot :

« salariés »,

insérer les mots :

« ou agents publics ».

Amendement CL16 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 6

À l’alinéa 1, substituer aux mots :

« constituant une atteinte à l’intégrité physique ou psychique des personnes, ayant fait l’objet d’une amnistie au titre de l’article 4 »,

les mots :

« , ayant fait l’objet d’une amnistie au titre de l’article 4 et commise à l’occasion de l’exercice soit de l’une des fonctions mentionnées à l’article L. 2411-1 du code du travail, soit de l’une des fonctions de représentant du personnel ou de représentant des organisations syndicales mentionnées par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ou la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ».

Amendement CL17 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 8

Supprimer les deux dernières phrases de l’alinéa 3.

Amendement CL18 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 11

I. – À l’alinéa 1, après les mots :

« L’amnistie »,

insérer les mots :

« prévue par la présente loi ».

II. – En conséquence, rédiger ainsi le début de l’alinéa 2 :

« Cette amnistie ».

Amendement CL19 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 11

À l’alinéa 1, après les mots :

« ainsi que »,

insérer les mots :

« la suppression de ».

Amendement CL20 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 11

À l’alinéa 1, substituer aux mots :

« délits mentionnés »,

les mots :

« infractions mentionnées ».

Amendement CL21 présenté par M.  Dolez, rapporteur :

Article 11

Après les mots :

« code de procédure pénale »,

supprimer la fin de l’alinéa 2.

AUDITION CONDUITE PAR LE RAPPORTEUR

Ministère de la Justice : Direction des affaires criminelles et des grâces

—  M. François CAPIN-DULHOSTE, sous-directeur de la justice pénale générale

© Assemblée nationale

1 () Les demandeurs d’emploi de catégorie A sont ceux qui, n’ayant eu aucun emploi au cours du dernier mois, sont tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi.

2 () Direction de l’animation de la recherche et des études statistiques (DARES), « Conjoncture de l’emploi et du chômage au 4e trimestre 2012 », avril 2013, n° 24.

3 () Ministère du Redressement productif, direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services, « Tableau de bord de l’activité industrielle en France », mars 2013.

4 () Inspection générale de l’administration, inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, « Bilan de la RGPP et conditions de réussite d’une nouvelle politique de réforme de l’État », septembre 2012.

5 () Journal officiel Débats Assemblée nationale, séance du 27 juin 1995, p. 5.

6 () Journal officiel Débats Assemblée nationale, première séance du 9 juillet 2002, p. 1869.

7 () Jean-Marie Gonnard, « Aministie », Jurisclasseur Code pénal, articles 133-9 à 133-11, n° 3.

8 () À côté de ces 16 lois dont l’objet principal était l’amnistie, un certain nombre de lois n’ayant pas l’amnistie pour objet principal a comporté des mesures d’amnistie. C’était le cas, par exemple, de la loi n° 91-1264 du 19 décembre 1991 relative au renforcement de la lutte contre le trafic des stupéfiants, dont l’article 3 avait amnistié les officiers ou agents de police judiciaire ayant commis des infractions de trafic de stupéfiants dans le but de constater de telles infractions.

9 () Pour une présentation détaillée de la définition des différentes circonstances pour lesquelles les lois d’amnistie prévoyaient une amnistie, voir infra, le commentaire de l’article 1er.

10 () Jean-Marie Gonnard, op. cit., n° 64.

11 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1574.

12 () C’est-à-dire, aux termes de l’article 1er de la proposition de loi, les conflits du travail, les activités syndicales et revendicatives de salariés ou d’agents publics et les mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux relatifs aux problèmes liés au logement.

13 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1554.

14 () Sur la possibilité pour une loi d’amnistie de prévoir une mesure d’amnistie des sanctions disciplinaires, voir infra, le commentaire de l’article 4.

15 () L’article 107 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, issu d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, était ainsi rédigé :

« Les mineurs licenciés pour faits de grève, amnistiés en application de la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie, ainsi que leurs conjoints survivants, titulaires d’un avantage d’assurance vieillesse du régime de sécurité sociale dans les mines, bénéficient de prestations de chauffage et de logement en espèces.

« L’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs calcule les montants de ces prestations au prorata de la durée des services validés par la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, selon les règles applicables aux agents des Houillères de bassin convertis à compter du 1er janvier 1984. Elle les verse en une fois sous la forme d’un capital. »

16 () Cour de cassation, chambre sociale, 9 octobre 2012, pourvoi n° 11-17829.

17 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1554.

18 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1558.

19 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1560.

20 () Voir les lois :

—  n° 59-40 du 31 juillet 1959 (1° de l’article 2) ;

—  n° 66 du 18 juin 1966 (1° de l’article 2) ;

—  n° 69-700 du 30 juin 1969 (1° et 4° de l’article 2) ;

—  n° 76-643 du 16 juillet 1974 (2° et 3° de l’article 2) ;

—   n° 81-736 du 4 août 1981 (2° et 3° de l’article 2) ;

—  n° 88-828 du 20 juillet 1988 (2°, 3° et 4° de l’article 2) ;

—  n° 95-884 du 3 août 1995 (1°, 2° et 3° de l’article 2) ;

—  n° 2002-1062 du 6 août 2002 (1°, 3° et 4° de l’article 3).

21 () Rapport (n° 355, session ordinaire de 2012-2013) de Mme Éliane Assassi au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi de Mmes Annie David, Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives, p. 14.

22 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1561.

23 () Loi dont le titre intégral est le suivant : loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.

24 () Le 3° de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit désormais une immunité lorsque l’aide au séjour irrégulier est le fait « de toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ».

25 () Voir Journal officiel Débats Assemblée nationale, première séance du 11 décembre 2012, p. 6411.

26 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1562.

27 () Hormis la suppression du dernier alinéa de la proposition de loi initiale qui excluait du champ de l’amnistie les infractions commises par les employeurs, qu’elle avait approuvée. Voir son rapport (n° 355, session ordinaire de 2012-2013) précité, p. 14.

28 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1545.

29 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1562.

30 () Article 6 du code de procédure pénale.

31 () Voir infra, le commentaire de l’article 3.

32 () Voir supra, le commentaire de l’article 2. Sur ce point, voir infra, le commentaire de l’article 8.

33 () Voir, notamment, l’article 11 de la loi n° 81-736 du 4 août 1981, l’article 12 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988, l’article 12 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 et l’article 9 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002.

34 () Rapport (n° 355, session ordinaire de 2012-2013) précité, p. 16.

35 () Jean-Marie Gonnard, op. cit., n° 64.

36 () Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 sur la loi portant amnistie, considérants nos 14 et 15.

37 () Voir infra, les commentaires des articles 5 et 6.

38 () Voir supra, le commentaire de l’article 1er.

39 () Voir supra, le commentaire de l’article 4.

40 () Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 sur la loi portant amnistie, considérant n° 20. Sur les limites de ce droit à réintégration dans le cadre de la réintégration d’un salarié dans une entreprise, voir infra, le commentaire de l’article 6.

41 () Jean-Marie Gonnard, op. cit., n° 153.

42 () Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 précitée :

« 22. Considérant que les dispositions de l’article 15 risquent de mettre en cause la liberté d’entreprendre de l’employeur qui, responsable de l’entreprise, doit pouvoir, en conséquence, choisir ses collaborateurs ; que, dans certains cas, elles peuvent également affecter la liberté personnelle de l’employeur et des salariés de l’entreprise en leur imposant la fréquentation, sur les lieux de travail, des auteurs d’actes dont ils ont été victimes ; 

« 23. Considérant que le respect des droits et des libertés des personnes étrangères aux faits amnistiés et, a fortiori, de ceux qui ont pu, sans faute de leur part, en subir des conséquences dommageables, impose des limites à l’exercice de la compétence confiée au législateur en matière d’amnistie ; 

« 24. Considérant que c’est dans un souci d’apaisement politique ou social que le législateur recherche, par l’exercice de la compétence que la Constitution lui reconnaît en matière d’amnistie, l’oubli de certains faits et l’effacement de leur caractère répréhensible ; qu’il ne lui est pas interdit à cette fin de tenir compte des difficultés que présente l’exercice des fonctions de représentant élu du personnel ou de responsable syndical dont la protection découle d’exigences constitutionnelles ; qu’ainsi des dispositions spécifiques édictées au profit de la catégorie des salariés protégés ne sont pas contraires au principe d’égalité ; 

« 25. Considérant dès lors, compte tenu de la conciliation nécessaire qui doit être opérée entre les droits et les libertés de chacun et les droits et les libertés d’autrui, que la loi d’amnistie peut valablement prévoir qu’un représentant du personnel ou un responsable syndical qui, à l’occasion de l’exercice de fonctions difficiles, a commis une faute n’ayant pas le caractère de faute lourde, a droit, dans les conditions prévues par la loi, à être réintégré dans ses fonctions ; que les contraintes découlant de cette réintégration ne dépassent pas, par leur étendue, les charges que, dans l’intérêt général, la société peut imposer à ses membres et ne sont pas manifestement disproportionnées par rapport à ce but d’intérêt général ;

« 26. Considérant, par contre, que le droit à réintégration ne saurait être étendu aux représentants du personnel ou responsables syndicaux licenciés à raison de fautes lourdes ; qu’en effet, dans cette hypothèse, on est en présence d’un abus certain de fonctions ou mandats protégés ; qu’en outre, la contrainte qu’une telle réintégration ferait peser sur l’employeur qui a été victime de cet abus ou qui, en tout cas, n’en est pas responsable excéderait manifestement les sacrifices d’ordre personnel ou d’ordre patrimonial qui peuvent être demandés aux individus dans l’intérêt général ; qu’en particulier, la réintégration doit être exclue lorsque la faute lourde ayant justifié le licenciement a eu pour victimes des membres du personnel de l’entreprise qui, d’ailleurs, peuvent être eux-mêmes des représentants du personnel ou des responsables syndicaux ; ».

43 () Rapport (n° 355, session ordinaire de 2012-2013) précité, p. 19.

44 () Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 sur la loi portant amnistie :

« 27. Considérant que, sous réserve des exclusions générales du bénéfice de l’amnistie et de l’exception de force majeure, les dispositions du paragraphe II de l’article 15 précité de la loi ne privent du droit à la réintégration que les représentants du personnel ou les responsables syndicaux licenciés en raison d’une faute lourde ayant consisté en des coups et blessures sanctionnés par une condamnation non visée à l’article 7 de la loi ; qu’il en résulte que la réintégration serait imposée dans des hypothèses de coups et blessures volontaires ayant pu revêtir un caractère de réelle gravité ; que, de même, la réintégration serait de droit dans tous les cas où la faute lourde aurait été constituée par une infraction autre que celle de coups et blessures ; que de telles dispositions dépassent manifestement les limites que le respect de la Constitution impose au législateur en matière d’amnistie ;

« (…)

« Décide :

« Article 1er. – Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi portant amnistie : (…) à l’article 15-II, les mots : "ayant consisté en des coups et blessures sanctionnés par une condamnation non visée à l’article 7 de la présente loi". »

45 () Voir, par exemple, les articles 16 de la loi du 3 août 1995 et 13 de la loi du 6 août 2002.

46 () Voir infra, le commentaire de l’article 10.

47 () Voir infra, le commentaire du présent article.

48 () Voir, par exemple, les articles 25 de la loi du 4 août 1981, 26 de la loi du 20 juillet 1988, 23 de la loi du 3 août 1995 et 15 de la loi du 6 août 1995.

49 () Ce n’était pas le cas, toutefois, de la loi d’amnistie du 3 août 1995, dont l’article 23 reprenait les termes de l’article 133-11 du code pénal.

50 () Mais cette modification n’avait pas été intégrée au texte soumis au Sénat puisque la commission des Lois n’avait pas adopté la proposition de loi.

51 () Voir, par exemple, les articles 21 de la loi du 3 août 1995 et 21 de la loi du 6 août 2002.

52 () Jean-Marie Gonnard, op. cit., n° 171.

53 () Rapport (n° 23, XIIe législature) de M. Michel Hunault au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi portant amnistie, juillet 2002, p. 46.

54 () Jean-Marie Gonnard, op. cit., n° 88.

55 () Rapport (n° 355, session ordinaire de 2012-2013) précité, p. 22.

56 () Ibid.

57 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 27 février 2013, p. 1568.

58 () Nouvelle-Calédonie, Îles Wallis et Futuna, Polynésie française et Terres australes et antarctiques françaises