N° 1663
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 décembre 2013.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (n° 1380), pour l’égalité entre les femmes et les hommes,
Député
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1631, 1657.
Sénat : 717, 807, 808, 788, 794, 831 et T.A. 214 (2012-2013).
SOMMAIRE
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Pages
I. L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES RESTE BIEN TROP IMPARFAITE 24
A. L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES EST GARANTIE PAR DE NOMBREUX TEXTES 24
B. DES INÉGALITÉS PERSISTANTES, QUI TROUVENT LARGEMENT LEUR ORIGINE DANS LE MAINTIEN DE STÉRÉOTYPES SEXUÉS 26
1. L’égalité proclamée n’est pas devenue l’égalité réelle 26
a. Les inégalités salariales et de parcours professionnel restent fortes dans le secteur privé 26
b. Des écarts salariaux moins marqués dans la fonction publique 28
c. L’accès aux responsabilités économiques et sociales 28
d. Les femmes restent sous-représentées dans la sphère politique 29
e. La place des femmes dans le monde sportif 29
2. Des stéréotypes profondément ancrés dans les mentalités collectives 30
a. Des choix d’orientation différenciés selon le sexe 30
b. Les femmes consacrent deux fois plus de temps aux activités parentales 31
c. La place et l’image des femmes dans les médias 32
C. LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES RESTENT TROP FRÉQUENTES ET SONT UNE SOURCE D’INÉGALITÉS 32
II. UN PROJET DE LOI AMBITIEUX, POUR QUE L’ÉGALITÉ EN DROIT DEVIENNE UNE ÉGALITÉ RÉELLE 34
A. UN TEXTE INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE NOUVELLE 34
B. UNE APPROCHE INTÉGRÉE VISANT À COMBATTRE LES INÉGALITÉS DANS TOUTES LEURS DIMENSIONS 35
1. L’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle 35
a. Faire de la commande publique un levier économique au service de l’égalité professionnelle 35
b. Assurer une meilleure répartition des responsabilités parentales au sein du couple 35
2. La lutte contre la précarité 36
3. La protection des femmes contre les violences 37
4. La lutte contre les atteintes à la dignité et à l’image des femmes dans le domaine de la communication 39
5. La mise en œuvre de l’objectif constitutionnel de parité 40
C. UNE DÉMARCHE GLOBALEMENT CONFORTÉE PAR LES COMPLÉMENTS APPORTÉS PAR LE SÉNAT 42
1. Des dispositions relatives à l’égalité professionnelle complétées 43
2. La sanction des discriminations professionnelles fondées sur la parentalité 44
3. L’extension du congé de quatre jours prévu en cas de mariage à la conclusion d’un pacte civil de solidarité (PACS) 44
4. La recherche d’une solution aux insuffisances de la procédure disciplinaire à l’université 44
5. L’instauration d’une obligation de formation initiale et continue sur les violences intrafamiliales et aux femmes et sur les mécanismes d’emprise psychologique pour les différentes professions impliquées dans la prévention, la détection ou le traitement de ces violences 45
6. La promotion de la résidence alternée des enfants en cas de séparation des parents 46
7. Le renforcement de la protection des étrangers victimes de violences 46
8. La création ou la modification de dispositions pénales 47
a. L’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au fait d’empêcher l’accès à l’information sur l’IVG 47
b. L’incrimination de la diffusion d’images de harcèlement 47
c. L’interdiction des concours de beauté pour les mineurs de moins de seize ans 47
d. Une nouvelle incrimination de harcèlement 47
III. UNE AMBITION RENFORCÉE PAR LA COMMISSION DES LOIS 49
A. LA SÉCURISATION ET LE RENFORCEMENT DES DISPOSITIFS CONTENUS DANS LE PROJET DE LOI 49
1. La Commission a apporté des améliorations substantielles à de nombreuses dispositions du projet de loi 49
2. La Commission a souhaité réduire la durée des expérimentations prévues par le projet de loi 51
3. La Commission a supprimé plusieurs modifications adoptées par le Sénat 51
B. L’ADOPTION, POUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA SPHÈRE PROFESSIONNELLE, D’UNE DÉMARCHE ÉQUILIBRÉE DE PROMOTION DES DROITS DES FEMMES ET DES HOMMES 54
1. La préservation des intérêts des femmes 54
a. La suppression de certains effets pervers non souhaités de la réforme du complément de libre choix d’activité 54
b. L’expérimentation du versement du montant majoré de la prestation partagée aux parents de deux enfants 54
c. L’encouragement à l’entreprenariat féminin 55
2. La promotion de nouveaux droits pour les pères salariés 55
a. Protection des pères contre le licenciement durant les quatre semaines qui suivent la naissance de leur enfant 55
b. Octroi aux futurs pères de trois autorisations d’absence pour assister à certains examens prénataux de leur compagne 55
3. Des dispositions relatives à l’égalité professionnelle complétées 56
C. LE RENFORCEMENT DE LA PRISE EN COMPTE DE L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES PAR LE DROIT DES CONTRATS PUBLICS 56
D. LA RECONNAISSANCE DE L’INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE EN TANT QUE VÉRITABLE DROIT POUR LES FEMMES 57
E. LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES ET LE HARCÈLEMENT 58
F. DES DISPOSITIONS SUR LA PARITÉ RENFORCÉES ET COMPLETÉES 59
CONTRIBUTION DE MME MARIE-JO ZIMMERMANN, CO-RAPPORTEURE SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI 63
AUDITION DE MME NAJAT VALLAUD-BELKACEM, MINISTRE DES DROITS DES FEMMES 67
EXAMEN DES ARTICLES 85
Article 1er : Objectifs de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes 85
TITRE IER DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS LA VIE PROFESSIONNELLE 90
Article 2 A (supprimé) : Remise d’un rapport au Parlement sur l’harmonisation des différents types de congés familiaux existants 90
Article 2 B (supprimé) (art. L. 1225-57 du code du travail) : Élargissement du contenu de l’entretien préalable à la reprise d’activité à l’issue d’un congé parental d’éducation 90
Article 2 C (art. L. 2241-7 et L. 3221-6 du code du travail) : Réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans le cadre de la négociation quinquennale sur les classifications professionnelles 91
Article 2 D (art. L. 2242-2 du code du travail) : Actualisation du rapport de situation comparée lors de la négociation annuelle obligatoire 94
Article 2 E (art. L. 2242-5 et L. 2242-7 du code du travail) : Réforme de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes 97
Après l’article 2 E 100
Article 2 F (nouveau) (art. L. 3121-2 du code du travail) : Inclusion des déplacements entre deux lieux de travail dans le temps effectif de travail 101
Article 2 G (nouveau) (art. L. 3221-6 du code du travail) : Rapport quinquennal à la Commission nationale de négociation collective et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle sur la révision des classifications professionnelles 104
Après l’article 2 E 104
Article 2 (art. L. 531–1, L. 531–4, L. 531–9, L. 531–10, L. 532–2 et L. 552–1 du code de la sécurité sociale ; art. L. 1225–48 du code du travail) : Réforme du complément de libre choix d’activité : transformation en « prestation partagée d’accueil de l’enfant », dont une part est réservée à l’autre parent 105
Après l’article 2 119
Article 2 bis A (nouveau) (art. L. 1225–4–1 du code du travail) : Protection des pères salariés contre le licenciement durant les quatre semaines suivant la naissance de leur enfant 120
Article 2 bis B (nouveau) (art. L. 1225–16 du code du travail) : Octroi de trois autorisations d’absence à un père salarié pour assister à certains examens prénataux de sa compagne 122
Après l’article 2 123
Article 2 bis C (nouveau) (art. L. 1225–57 du code du travail) : Élargissement du contenu de l’entretien préalable à la reprise d’activité à l’issue d’un congé parental d’éducation 123
Après l’article 2 125
Article 2 bis D (nouveau) (art. 1er A de l’ordonnance n° 2005–722 du 29 juin 2005) : Inscription dans les statuts de la Banque publique d’investissement d’un objectif d’encouragement de l’entreprenariat féminin 127
Article 2 bis E (nouveau) : Expérimentation du versement du montant majoré de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (ex « COLCA ») aux parents de deux enfants 129
Après l’article 2 130
Article 2 bis (supprimé) : Remise d’un rapport au Parlement sur les effets de la réforme du complément de libre choix d’activité 130
Après l’article 2 bis 131
Article 2 ter (art. L. 531–4 et L. 531–4–1 [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Convention entre Pôle emploi et la Caisse nationale des allocations familiales en faveur des bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant non titulaires d’un congé parental d’éducation 132
Article 3 (art. 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics) : Interdiction de soumissionner aux marchés publics en cas de délit de discrimination ou de méconnaissance des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 134
Article 3 bis (nouveau) (art. 18 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics) : Conditions d’exécution de marchés publics visant à promouvoir l’égalité professionnelle 147
Article 4 (art. 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 ; art. 5 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008) : Modification du régime du contrat de collaboration libérale : protection du collaborateur libéral contre la rupture de son contrat en cas de maternité ou de paternité – protection contre les discriminations 149
Article 5 : Expérimentation de l’utilisation du compte épargne–temps pour financer des prestations de services à la personne 154
Article 5 bis (supprimé) (art. L. 1132–1 du code du travail) : Sanction des discriminations professionnelles fondées sur l’exercice des droits liés à la parentalité 157
Article 5 ter (art. L. 2323-47 et L. 2323-57 du code du travail) : Extension du champ du rapport de situation comparée à la sécurité et à la santé au travail 158
Article 5 quater A (nouveau) (art. L. 4121-3 du code du travail) : Prise en compte des inégalités entre les femmes et les hommes lors de l’évaluation par l’employeur des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs 159
Article 5 quater (art. L. 3142-1 du code du travail) : Extension du congé de quatre jours dont bénéficie tout salarié pour son mariage au salarié qui conclut un pacte civil de solidarité 160
Article 5 quinquies A (nouveau) : Remise d’un rapport au Parlement sur l’harmonisation des différents types de congés familiaux existants 162
Article 5 quinquies B (nouveau) (deuxième partie du code de la santé publique) : Modification de l’intitulé de la deuxième partie du code de la santé publique 163
Article 5 quinquies C (nouveau) (art. L. 2212-1 du code de la santé publique) : Suppression de la référence à la notion de détresse dans le cadre d’une demande d’interruption volontaire de grossesse 165
Après l’article 5 quater 171
Article 5 quinquies (art. L. 2223-2 du code de la santé publique) : Extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse 172
Article 5 sexies (supprimé) : Remise d’un rapport au Parlement sur l’indemnisation des périodes de congé maternité des femmes exerçant une profession discontinue 173
Après l’article 5 sexies 175
TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ 176
Article 6 Expérimentation en matière de lutte contre les impayés de pensions alimentaires 176
Article 6 bis (art. L. 2241-1 du code du travail) : Extension de la négociation de branche annuelle obligatoire sur les salaires aux mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle 183
Article 6 ter (art. L. 2323-57 du code du travail) : Analyse par le rapport de situation comparée des niveaux de rémunération et du déroulement des carrières des femmes et des hommes au regard de leurs qualification et ancienneté 183
Article 6 quater (supprimé) (art. L. 2323-57 du code du travail) : Insertion au sein du rapport de situation comparée d’un indicateur de promotion par sexe par métier dans une même entreprise 185
Article 6 quinquies (art. L 214–7 du code de l’action sociale et des familles) : Accès prioritaire des bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant aux places en établissement d’accueil pour enfants de moins de six ans 185
Article 6 sexies : Remise d’un rapport au Parlement sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises de moins de cinquante salariés 186
Article 6 septies : Expérimentation pour deux ans du versement direct à l’assistant maternel du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde perçu par les familles modestes 187
Après l’article 6 septies 190
TITRE III DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES PERSONNES VICTIMES DE VIOLENCES ET À LA LUTTE CONTRE LES ATTEINTES À LA DIGNITÉ ET À L’IMAGE À RAISON DU SEXE DANS LE DOMAINE DE LA COMMUNICATION 191
Chapitre Ier – Dispositions relatives à la protection des personnes victimes de violences 192
Article 7 (art. 515-10, 515-11, 515-12 et 515-13 du code civil) : Amélioration des dispositions relatives à l’ordonnance de protection prononcée en faveur d’une personne victime de violences au sein du couple ou d’une personne menacée de mariage forcé 192
Article 8 (art. 41-1 du code de procédure pénale) : Encadrement du recours à la médiation pénale en cas de violences commises au sein du couple 213
Après l’article 8 219
Article 9 (art. 41-1, 41-2 et 138 du code de procédure pénale ; art. 132-45 du code pénal) : Renforcement des dispositions permettant, dans le cadre pénal, d’ordonner l’éviction du conjoint violent du domicile 219
Après l’article 9 222
Article 10 (art. 41-3-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Généralisation du dispositif de téléprotection « femmes en très grand danger » 223
Article 11 (art. 5 et 10 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948) : Conséquences civiles de l’éviction du conjoint violent du domicile 227
Article 11 bis (nouveau) (art. 222-16 du code pénal) : Incrimination de l’envoi réitéré de messages électroniques malveillants 229
Article 12 (art. 222-33-2 et 222-33-2-1 du code pénal) : Harmonisation des définitions des délits de harcèlement moral et de harcèlement au sein du couple avec la définition du harcèlement sexuel 230
Article 12 bis AA (nouveau) (art. 222-33-2-2 [nouveau] du code pénal) : Création d’un délit général de harcèlement, susceptible d’être aggravé en cas de communication par l’utilisation d’un moyen de communication au public en ligne 233
Article 12 bis A (supprimé) (art. L. 712-4 du code de l’éducation) : Possibilité de dépaysement de poursuites disciplinaires dans le domaine universitaire 238
Article 12 bis B (nouveau) (art. L. 1153-5 du code du travail) : Obligation pour l’employeur de mettre fin au harcèlement sexuel commis dans l’entreprise et de le sanctionner 239
Article 12 bis (art. 222-33-3 du code pénal) : Incrimination de l’enregistrement et de la diffusion d’images relatives à des faits de harcèlement sexuel 240
Article 13 (art. L. 114-3 du code de l’action sociale et des familles) : Organisation, dans le cadre de la politique de prévention du handicap, d’actions de prévention et de sensibilisation concernant les violences faites aux femmes en situation de handicap 241
Après l’article 13 243
Avant l’article 14 244
Article 14 (art. L. 311-17 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. 6-9 [nouveau] de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte) : Exonération des taxes de délivrance et de renouvellement des titres de séjour pour les étrangers victimes de violence 245
Après l’article 14 248
Article 14 bis (supprimé) (art. L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Délivrance de plein droit d’une carte de séjour « vie privée et familiale » aux victimes de la traite des êtres humains 249
Article 14 ter (art. L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Renouvellement de plein droit de la carte de séjour délivrée aux victimes de la traite des êtres humains jusqu’à la fin de la procédure pénale 253
Article 14 quater (supprimé) (art. L. 316-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Délivrance de plein droit d’une carte de séjour « vie privée et familiale » à l’étranger victime de violences 254
Après l’article 14 quater 256
Article 14 quinquies (nouveau) (art. L. 316-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Interdiction de fonder le refus de délivrer une carte de résident à une victime de violences conjugales sur la rupture de la vie commune 257
Article 15 (art. 41-1 et 41-2 du code de procédure pénale ; art. 132-45 et 222-44 du code pénal) : Possibilité d’astreindre l’auteur de violences conjugales à suivre un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes 258
Article 15 bis (art. 21 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010) : Obligation de formation initiale et continue sur les violences intrafamiliales et aux femmes et sur les mécanismes d’emprise psychologique pour les différentes professions concernées 260
Article 15 ter (art. 8 du code de procédure pénale) : Modification de coordination en matière de délai de prescription pour les agressions sexuelles commises contre les mineurs 265
Article 15 quater (supprimé) (art. 24 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010) : Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur le traitement des violences envers les femmes et institution par chaque département d’un dispositif d’observation de ces violences 266
Article 15 quinquies A (nouveau) (art. L. 712-6-2 du code de l’éducation) : Possibilité de récusation ou de dépaysement dans le cadre des procédures disciplinaires universitaires 269
Après l’article 15 quater 275
Chapitre Ier bis – Dispositions relatives à la lutte contre les mariages forcés (Division et intitulé nouveaux) 277
Article 15 quinquies (supprimé) (art. 34 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010) : Extension à toutes les formes de violences de l’obligation pour les autorités consulaires françaises de prendre les mesures adaptées pour assurer le retour sur le territoire français des personnes de nationalité française ou résidant habituellement en France qui en ont été victimes à l’étranger 277
Article 15 sexies (art. 34 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010) : Application aux personnes étrangères victimes d’un mariage forcé, résidant habituellement en France mais retenues à l’étranger depuis plus de trois ans, de l’obligation pour les autorités consulaires françaises de prendre les mesures adaptées pour assurer leur retour sur le territoire français 279
Article 15 septies (nouveau) (art. 202-3 [nouveau] du code civil) : Possibilité d’annuler un mariage conclu en contrariété avec les règles du code civil sur le consentement des époux, quelle que soit leur loi personnelle 280
Après l’article 15 sexies 282
Chapitre II – Dispositions relatives à la lutte contre les atteintes à la dignité et à l’image à raison du sexe dans le domaine de la communication 282
Article 16 (art. 3-1, 20-1 A [nouveau] et 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986) : Renforcement des prérogatives du Conseil supérieur de l’audiovisuel et des obligations des sociétés audiovisuelles en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans la programmation audiovisuelle 283
Article 16 bis (nouveau) : Formation des élèves journalistes à l’égalité entre les femmes et les hommes 290
Article 17 (art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004) : Extension du dispositif de signalement de contenus illicites sur Internet aux faits d’incitation à la haine en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap et aux faits de diffusion d’images de violence 291
Après l’article 17 295
TITRE III BIS DISPOSITIONS VISANT À PRÉSERVER L’AUTORITÉ PARTAGÉE ET À PRIVILÉGIER LA RÉSIDENCE ALTERNÉE POUR L’ENFANT EN CAS DE SÉPARATION DES PARENTS (Division et intitulé supprimés) 296
Article 17 bis (supprimé) (art. 373–2, 373–2–9, 373–2–10 et 388–1 du code civil ; art. 227–2 du code pénal) : Partage des responsabilités entre les deux parents en cas de séparation : délit d’entrave à l’exercice de l’autorité parentale par un ascendant – incitation à une résidence alternée égalitaire – médiation familiale obligatoire en cas de désaccord – modification des règles d’audition des mineurs par le juge 297
Article 17 ter (nouveau) (art. 99-1 [nouveau] de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social) : Interdiction des concours de beauté pour les enfants de moins de treize ans et création d’un régime d’autorisation préalable des concours pour les enfants âgés de treize à seize ans 304
Article 17 quater (supprimé) (art. 222-14-3-1 [nouveau] du code pénal) : Création d’un délit de soumission d’une personne à des humiliations ou intimidations répétées ou d’atteintes répétées à sa vie privée 311
TITRE IV DISPOSITIONS VISANT À METTRE EN œUVRE L’OBJECTIF CONSTITUTIONNEL DE PARITÉ 315
Chapitre Ier A – Dispositions relatives à l’égalité dans le domaine de la création, de la production culturelle, intellectuelle et patrimoniale (Division et intitulé supprimés) 315
Article 18 A (nouveau) : Égalité de traitement et égal accès des femmes et des hommes en matière de création et de production culturelle, artistique, intellectuelle et patrimoniale 315
Chapitre Ier – Dispositions relatives au financement des partis et groupements politiques et aux candidatures pour les scrutins nationaux 317
Article 18 (art. 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie politique) : Parité aux élections législatives 317
Après l’article 18 327
Chapitre Ier bis – Dispositions relatives à la parité et à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les collectivités territoriales (Division et intitulé nouveaux) 328
Article 18 bis (nouveau) (art. L. 2122-7-2, L. 3122-5 et L. 4133-5 du code général des collectivités territoriales) : Instauration de la parité à la tête des exécutifs locaux 328
Article 18 ter (nouveau) (art. L. 2311-1-1-1, L. 3311-3 et L. 4311-1-1 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Présentation, avant la discussion du budget des communes de plus de 10 000 habitants, des départements et des régions, d’un rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes intéressant le fonctionnement de la collectivité 330
Après l’article 18 331
Article 18 quater (nouveau) (art. L. 273-10 du code électoral) : Clarification des règles de remplacement des conseillers communautaires 334
Chapitre II – Dispositions relatives à l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sportives 335
Article 19 (art. L. 131-8 du code du sport) : Représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les instances dirigeantes des fédérations sportives 335
Après l’article 19 344
Avant l’article 20 344
Article 20 (art. 4 et 6-1 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public) : Représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans le secteur public 345
Article 20 bis (art. 5 de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle) : Avancée de la date d’entrée en vigueur de l’obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des conseils d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes non cotées 351
Article 20 ter (nouveau) (art. 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Nullité des nominations aux emplois d’encadrement supérieur de la fonction publique intervenues en violation de l’obligation d’égal accès des femmes et des hommes à ces emplois 353
Article 21 (art. L. 713-16 du code de commerce) : Représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les chambres de commerce et d’industrie 355
Article 22 (art. L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime) : Représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les chambres d’agriculture 357
Article 22 bis (nouveau) (art. L. 4134-2, L. 4422-34 et L. 4432-9 du code général des collectivités territoriales et art. 2 et 3 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique) : Parité dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux 359
Article 22 ter A (nouveau) (art. L. 1431-3 du code général des collectivités territoriales) : Parité des conseils d’administration des établissements publics de coopération culturelle 363
Après l’article 22 bis 364
Article 22 ter (art. 7 du code de l’artisanat) : Représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les chambres de métiers et de l’artisanat 364
Article 22 quater (supprimé) : Rapport au Parlement sur la présence des femmes au sein des chambres consulaires 366
Article 22 quinquies (supprimé) : Remise d’un rapport au Parlement sur la présence des femmes à la direction des institutions culturelles 367
Après l’article 22 quinquies 368
Article 23 : Égalité entre les femmes et les hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des commissions et instances consultatives ou délibératives de l’État 370
Article 23 bis A (nouveau) (art. L. 231-1 et 231-3 du code de la sécurité sociale) : Égal accès des femmes et des hommes aux conseils et conseils d’administration des caisses nationales de sécurité sociale 375
Article 23 bis (art. L. 4122-5, L. 4123-3, L. 4312-3, L. 4312-5, L. 4312-7, L. 4231-4, L. 4321-20 et L. 4322-13 du code de la santé publique, art. 21-1 et 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et art. 23 et 24 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture) : Habilitation à adopter les mesures assurant une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des instances dirigeantes des ordres professionnels et des mutuelles 376
Après l’article 23 bis 379
TITRE V DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES 380
Article 24 (supprimé) : Entrée en vigueur des articles 2, 18 et 20 du projet de loi 380
Article 25 : Application des dispositions du projet de loi dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie 380
LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR LA COMMISSION DES LOIS
Au cours de ses deux réunions du mercredi 18 décembre 2013, la commission des Lois a adopté le projet de loi, adopté par le Sénat en première lecture, pour l’égalité entre les femmes et les hommes, en y apportant les principales modifications suivantes.
● Sur l’initiative du rapporteur, l’article 1er a été réécrit, afin d’améliorer la hiérarchisation des objectifs assignés à la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, parmi ces objectifs, l’égalité salariale a été ajoutée à l’égalité professionnelle et l’égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales est venu compléter l’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Les dispositions relatives à l’égal accès à la création et à la production culturelle et artistique qui figuraient à l’article 18 A ont été transférées au sein de cet article.
● Un objectif de mixité des emplois a été ajouté à l’article 2 C et à l’article 2 E sur l’initiative de la commission des Affaires sociales.
● L’égalité entre les femmes et les hommes en matière de déroulement des carrières a été ajoutée aux articles 2 E, 5 ter et 6 ter sur l’initiative de la commission des Affaires sociales et de Mmes Axelle Lemaire et Barbara Romagnan.
● Sur l’initiative de Mme Catherine Coutelle, un article 2 F a été adopté afin d’inclure les temps de déplacement entre deux lieux de travail, pour un même employeur et dans la même journée, dans le temps effectif de travail, comme le prévoit la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.
● Sur l’initiative de Mme Catherine Coutelle, un nouvel article 2 G prévoit que les branches professionnelles présenteront un rapport quinquennal à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur la révision des classifications professionnelles.
● S’agissant de la réforme du complément de libre choix d’activité (CLCA), la Commission a, sur l’initiative du rapporteur et de la commission des Affaires sociales, modifié le nom de la prestation en « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (PreParE), supprimé les effets pervers qu’aurait induit au rang 1 l’intégration du congé de maternité dans le calcul de la durée de versement de la prestation et exclu expressément du champ de l’obligation de partage les couples dont l’un des membres n’est pas éligible à la prestation, faute d’avoir exercé une activité professionnelle dans les conditions exigées par le code de la sécurité sociale. Il a, en outre, été adopté un amendement de la commission des Affaires sociales qui élargit la durée du congé parental d’éducation que peut prendre le parent de triplés (article 2).
● Sur l’initiative du rapporteur et de Mme Axelle Lemaire, la Commission a adopté deux amendements renforçant les droits des pères salariés : le premier leur assure une protection contre le licenciement durant les quatre semaines qui suivent la naissance de leur enfant (article 2 bis A) ; le second leur octroie trois autorisations d’absence pour assister à certains examens prénataux de leur compagne (article 2 bis B).
● Sur l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à faciliter le retour à l’emploi des parents – et singulièrement des femmes – qui cessent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant en autorisant l’expérimentation du versement aux parents de deux enfants – contre trois aujourd’hui – du montant majoré de la PreParE (anciennement complément optionnel de libre choix d’activité, COLCA) ; cette expérimentation est prévue pour une durée de dix–huit mois (article 2 bis E).
● Sur l’initiative du Gouvernement, la Commission a supprimé l’extension des interdictions de soumissionner prévue par l’article 3 à l’obligation de négociation obligatoire portant sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail prévue par l’article L. 2248-8 du code du travail, qui avait été ajoutée par le Sénat et dont le champ dépassait celui de l’égalité entre les femmes et les hommes.
● Sur l’initiative du rapporteur, la Commission a étendu les interdictions de soumissionner prévues par l’article 3 aux contrats de partenariat régis par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, auxquels elles ne s’appliquaient pas. Elle a également étendu l’ensemble des interdictions de soumissionner, existantes et nouvelles, aux délégations de service public régies par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993.
● Sur l’initiative de Mme Axelle Lemaire, la Commission a adopté un nouvel article 3 bis qui modifie l’article 18 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics afin de permettre aux pouvoirs adjudicateurs relevant de cette ordonnance d’imposer des conditions d’exécution visant à promouvoir l’égalité professionnelle.
● Sur l’initiative du rapporteur, elle a réécrit l’article 4 afin de mieux protéger le collaborateur libéral contre la rupture discriminatoire de son contrat de collaboration.
● La Commission a encadré l’expérimentation permettant l’utilisation du compte-épargne–temps pour financer des prestations de services à la personne, limitant cette utilisation à 50 % des droits accumulés sur le compte afin de ne pas détourner ce dernier de son objet premier (article 5).
● Sur l’initiative du rapporteur, elle a supprimé l’article 5 bis qui visait à sanctionner les discriminations professionnelles fondées sur l’exercice des droits liés à la parentalité au motif que le critère de la situation de famille permet d’ores et déjà de sanctionner de telles discriminations et que la rédaction de cet article pourrait, en fragilisant des jurisprudences établies, s’avérer contre-productive pour les salariés.
● Sur la proposition de Mme Catherine Coutelle, un nouvel article 5 quater A prévoit que l’évaluation par l’employeur des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs devra prendre en compte l’impact des inégalités entre les femmes et les hommes.
● Sur l’initiative de la commission des Affaires sociales et de Mme Axelle Lemaire, la Commission a adopté un article 5 quinquies B qui actualise le titre de la deuxième partie du code de la santé publique, aujourd’hui intitulé « Santé de la famille, de la mère et de l’enfant », pour le renommer « Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant », ainsi qu’un article 5 quinquies C supprimant, dans le code de la santé publique, la référence à un état de « détresse » aujourd’hui prévue dans le cadre d’une demande d’interruption volontaire de grossesse.
● Sur l’initiative du rapporteur, elle a réduit à dix-huit mois la durée de l’expérimentation prévue à l’article 6 en matière de lutte contre les impayés de pensions alimentaires ; elle a en outre supprimé la possibilité pour les caisses d’allocations familiales de transmettre des éléments d’information sur la solvabilité des débiteurs directement au juge aux affaires familiales, estimant qu’il sera loisible au créancier de porter ces éléments à la connaissance du juge.
● Sur l’initiative de la commission des Affaires sociales, la Commission a réécrit l’article 6 septies relatif à l’expérimentation du versement direct à l’assistant maternel du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde perçu par les familles modestes, afin de clarifier les objectifs qui sous-tendent l’expérimentation, d’associer le cas échéant les collectivités territoriales et de préciser que la convention inclura non seulement l’assistant maternel et la caisse d’allocations familiales, mais aussi le parent employeur.
● À l’article 7 relatif à l’ordonnance de protection, la Commission a, sur l’initiative du rapporteur, prévu que la convocation des parties devrait se faire par les modes les plus rapides – la voie administrative ou l’assignation en la forme des référés – en cas de danger grave ou imminent pour la personne demanderesse ou un ou plusieurs enfants. Sur l’initiative de Mme Édith Gueugneau, la Commission a introduit la possibilité pour la victime d’élire domicile, pour les besoins de la vie courante, chez une personne morale qualifiée et prévu la possibilité de prolonger l’ordonnance de protection dans le cas où le juge aux affaires familiales a été saisi d’une requête sur l’exercice de l’autorité parentale.
● À l’article 8, la Commission a, sur l’initiative du rapporteur substitué à l’interdiction du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales, qu’avait votée le Sénat, un encadrement strict du recours à cette procédure, qui ne sera possible que si la victime la demande expressément, devra obligatoirement être accompagnée d’un rappel à la loi et sera exclue en cas de renouvellement des violences après une première médiation.
● Sur l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté deux nouveaux articles visant à mieux lutter contre le harcèlement. L’article 11 bis étend le champ d’application du délit d’appels téléphoniques malveillants à l’envoi réitéré de messages électroniques malveillants (« sms », « mms » ou courriers électroniques). L’article 12 bis AA – qui se substitue à l’article 17 quater, supprimé par la Commission – crée un nouveau délit général de harcèlement, dont le champ d’application n’est pas limité à la sphère professionnelle comme le harcèlement moral ou à la vie conjugale comme le harcèlement au sein du couple, et dont les peines sont aggravées s’il est commis en utilisant Internet.
● La Commission a amélioré la rédaction de l’article 12 bis A – déplacé à l’article 15 quinquies A – relatif à la procédure disciplinaire à l’université, en complétant la possibilité de dépaysement pour cause de partialité de la section disciplinaire prévue par le Sénat par la possibilité de demander la récusation en cas de doute sur la partialité d’un membre de la section, et en permettant à la personne poursuivie et au médiateur académique de former ces demandes de dépaysement ou de récusation.
● Sur l’initiative du Gouvernement, la Commission a supprimé l’article 14 bis. À l’appui de cette suppression, le Gouvernement a fait valoir que cet article conduirait à la délivrance de plein droit d’une carte de séjour à tout étranger qui porte plainte, qui témoigne dans une affaire de traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui signale de tels faits à la police, que ces faits soient avérés ou non. Il a également souligné que la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 29 novembre 2013, modifiait déjà la disposition visée.
● Sur l’initiative du Gouvernement, la Commission a supprimé l’article 14 ter. À l’appui de cette suppression, le Gouvernement a fait valoir que cet article conduirait à régulariser tous les étrangers en situation irrégulière qui sont victimes de violences. Selon lui, une définition aussi large ne peut qu’être la source de détournements.
● À l’article 16, sur l’initiative de la commission des Affaires culturelles, la Commission a prévu que les indicateurs sur l’égalité entre les femmes et les hommes, dont le texte adopté par le Sénat prévoyait qu’ils seraient élaborés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), devront être fournis par les services nationaux de télévision et de radio afin que le Conseil évalue la juste représentation des femmes et des hommes et le respect de l’image des femmes. Sur l’initiative du rapporteur, ces indicateurs devront être élaborés par le CSA en concertation avec les services concernés.
● Sur l’initiative du rapporteur et de Mme Axelle Lemaire, la Commission a supprimé l’extension au délit de diffusion d’images de violences, votée par le Sénat, du champ d’application de l’article 17 relatif aux obligations des hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet en matière de prévention de certaines infractions.
● Sur l’initiative de Mme Marie-Anne Chapdelaine, la Commission a supprimé l’article 17 bis relatif à la résidence alternée des enfants après séparation des parents, estimant que cet article ne relève pas du champ du présent projet de loi, mais d’une prochaine loi sur la famille.
● Sur l’initiative du rapporteur, la Commission a substitué un nouveau dispositif à celui prévu par le Sénat à l’article 17 ter s’agissant des concours de beauté pour les mineurs. Elle l’a remplacé par un régime d’autorisation administrative préalable pour les concours de beauté ouverts aux mineurs de treize à seize ans, et par une interdiction des concours ouverts aux mineurs de moins de treize ans. Les peines prévues en cas de violation de ces dispositions sont désormais contraventionnelles (une amende de 1 500 euros, qui est portée à 3 000 euros en cas de récidive).
● À l’article 18, sur l’initiative de M. Bruno Le Roux, la Commission a relevé le taux de modulation financière applicable à la première fraction de l’aide publique attribuée aux partis politiques qui ne respectent pas la parité de 150 % à 200 %.
● Sur l’initiative de M. Vincent Feltesse, un nouvel article 18 bis instaure la parité à la tête des exécutifs locaux, en prévoyant que le premier adjoint, dans les communes de 1 000 habitants et plus, et le vice-président, dans les conseils départementaux et régionaux, devra être du sexe opposé à celui du maire ou du président du conseil départemental ou régional. Cet article s’appliquera à compter du prochain renouvellement des conseils généraux suivant la promulgation de la présente loi.
● Sur la proposition de M. Vincent Feltesse, un nouvel article 18 ter prévoit que, avant la discussion du budget des communes de plus de 10 000 habitants, des départements et des régions, devra être présenté un rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes intéressant le fonctionnement de la collectivité concernée et les politiques qu’elle mène.
● Sur l’initiative du rapporteur, l’article 18 quater clarifie les règles de remplacement des conseillers communautaires.
● Sur l’initiative de la commission des Affaires culturelles, l’obligation prévue par l’article 19 relatif aux fédérations sportives a été assouplie pour les fédérations dans lesquelles la proportion du sexe minoritaire parmi les licenciés est inférieure à 25 %, avec l’insertion d’une phase transitoire, lors du premier renouvellement suivant la promulgation de la présente loi, au cours de laquelle la proportion de membres au sein des instances dirigeantes du sexe le moins représenté pourra être au moins égale à sa proportion parmi les licenciés, sans pouvoir être inférieure à 15 %.
● Sur l’initiative du rapporteur, à l’article 20, l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance applicable aux établissements publics de moins de 200 salariés ou mentionnés aux annexes II et III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée, qui n’était applicable qu’aux personnalités qualifiées, a été étendue aux représentants de l’État nommés par décret.
● Sur la proposition de Mme Marie-Jo Zimmermann, la Commission a réécrit l’article 20 bis afin d’avancer la date d’entrée en vigueur de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance des sociétés non cotées du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2017.
● Sur la proposition du rapporteur, un nouvel article 20 ter renforce l’effectivité de l’obligation mise en place par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 en matière de nominations dans les emplois supérieurs de la fonction publique, selon laquelle ces nominations doivent comporter au moins 40 % de personnes de chaque sexe. Il prévoit que les nominations intervenues en violation de cette obligation seront nulles, sans entraîner celle des décisions auxquelles a pris part la personne irrégulièrement nommée.
● À l’article 22, sur l’initiative de Mme Catherine Coutelle, la Commission a rétabli l’obligation de parité s’agissant des candidatures aux chambres d’agriculture, à compter du deuxième renouvellement suivant la promulgation de la présente loi.
● Sur l’initiative de Mme Catherine Coutelle, un nouvel article 22 ter A prévoit une obligation de parité dans les conseils d’administration des établissements publics de coopération culturelle.
● Sur la proposition du rapporteur, la Commission a supprimé les articles 22 quater et 22 quinquies qui étaient relatifs à la remise de rapports au Parlement
● Sur l’initiative du rapporteur, à l’article 23, l’habilitation du Gouvernement à adopter par ordonnance des mesures visant à assurer l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des commissions ou instances consultatives ou délibératives de l’État a été remplacée par un dispositif alternatif, encadrant les nominations opérées au sein de ces organes.
● Sur l’initiative de Mme Catherine Coutelle, l’égal accès des femmes et des hommes au sein des conseils et des conseils d’administration des caisses de sécurité sociale fait désormais l’objet d’un nouvel article 23 bis A, qui opère directement les modifications nécessaires aux dispositions pertinentes du code de la sécurité sociale.
● Sur l’initiative du Gouvernement, l’article 23 bis, relatif à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes des ordres professionnels, a été remplacé par une habilitation à adopter des mesures par ordonnance dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution. Cette habilitation inclut également l’égal accès au sein des conseils d’administration des mutuelles.
La commission des Lois est saisie, en première lecture, du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Déposé sur le bureau du Sénat le 3 juillet 2013 et adopté par le Sénat le 17 septembre 2013, le projet de loi a pour objet de franchir une étape supplémentaire dans l’égalité entre les femmes et les hommes, en retenant, pour la première fois, une approche transversale et intégrée visant à combattre les inégalités dans toutes leurs dimensions.
Ce projet de loi comportait, dans le texte initial du Gouvernement, 25 articles visant à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes dans tous les domaines dans lesquels elles existent : monde du travail, monde politique, sphère familiale, médias ou encore monde sportif. Il comportait également un important volet relatif à la lutte contre les violences faites aux femmes, destiné à renforcer les efforts accomplis au cours des dernières années pour mieux prévenir et sanctionner ce fléau et accompagner ses victimes.
Il a été complété, lors de son examen au Sénat, par 38 articles supplémentaires qui ont globalement consolidé sa démarche, mais dont quelques-uns ne présentaient pas nécessairement de lien avec la question de l’égalité entre les femmes et les hommes ou n’offraient pas toutes les garanties de sécurité juridique souhaitables.
La Commission des Lois a supprimé seize des articles qui avaient été ajoutés par le Sénat, en particulier – conformément à sa position traditionnelle – ceux qui prévoyaient la remise d’un rapport au Parlement, mais a également créé 25 nouveaux articles.
Les nombreuses auditions menées par votre rapporteur, qui adresse ses remerciements les plus sincères à l’ensemble des personnes qu’il a entendues pour la qualité de leurs contributions (1), ont confirmé à quel point l’égalité entre les femmes et les hommes restait encore bien trop imparfaite (I). Pour que l’égalité de droit devienne une égalité réelle, le projet de loi est porteur d’une grande ambition (II), confortée par les modifications apportées par la commission des Lois (III).
Bien qu’acquise en droit et garantie par la Constitution et de nombreux textes conventionnels et législatifs (A), l’égalité entre les femmes et les hommes peine à se concrétiser dans les faits (B). Ces inégalités s’accompagnent malheureusement d’une persistance des violences faites aux femmes (C).
● Au niveau constitutionnel, le troisième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 pose le principe de l’égalité des droits entre hommes et femmes, en affirmant : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a consacré dans la Constitution de 1958 le principe de « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (article 3, alinéa 5) et invité le législateur ainsi que les partis et les groupements politiques à le mettre en œuvre (article 4, alinéa 2 de la Constitution). La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a réaffirmé son importance en l’inscrivant à l’article 1er de la Constitution et l’a complété par celui de l’égal accès des femmes et des hommes « aux responsabilités professionnelles et sociales ».
● Aux niveaux international et européen, la France est liée par de nombreux textes garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes. Peuvent notamment être cités la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 (ratifiée par la France le 14 décembre 1983), ainsi que les articles 2 et 3 du traité sur l’Union européenne (TUE), les articles 8, 153 et 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’article 23 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.
● Au niveau législatif, un très grand nombre de textes a été adopté pour assurer l’égalité entre les sexes.
Il s’est d’abord agi, dans une première génération de droits des femmes, d’accorder aux femmes l’ensemble des droits civils et politiques dont elles étaient injustement privées. Ainsi, en 1938, l’incapacité juridique de la femme mariée est supprimée, mais l’époux conserve le droit d’imposer le lieu de résidence du couple et d’autoriser ou non l’exercice d’une activité professionnelle à son épouse. À la Libération, les femmes obtiennent le droit de vote et d’éligibilité avec l’adoption de l’ordonnance du 21 avril 1944. En 1965, les femmes obtiennent le droit d’exercer une activité professionnelle et d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari. L’autorité paternelle est remplacée par l’autorité parentale en 1970, les époux assurant ensemble la « direction morale et matérielle de la famille ».
Cette première génération des droits des femmes a été suivie par une deuxième génération de droits visant à garantir le droit des femmes à disposer de leur corps. La contraception est autorisée par la loi du 28 décembre 1967 dite « loi Neuwirth » de 1967 ; ses décrets d’application ne seront pris qu’en 1971. La loi du 15 janvier 1975, dite « Loi Veil », légalise pour une période de cinq ans l’interruption volontaire de grossesse (IVG). La loi définitive est adoptée en 1979. En 1982, l’IVG devient remboursée par la sécurité sociale. L’année suivante, la loi établit une nouvelle définition du viol, tenant compte notamment du viol conjugal. En 2001, la loi du 4 juillet 2011 modernise celle de 1975 : le délai de recours à l’IVG est allongé de dix à douze semaines, l’IVG peut être pratiquée en médecine de ville et les mineures peuvent y avoir accès sans autorisation parentale, sous certaines conditions.
Cette deuxième génération de droits vise également à garantir l’égalité professionnelle. Ainsi, la loi du 22 décembre 1972 inscrit dans le code du travail le principe de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes : l’article L. 140-2 dispose que « tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail, ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ». Plusieurs textes relatifs à l’égalité professionnelle ou salariale entre les femmes et les hommes sont ensuite successivement adoptés.
La loi du 13 juillet 1983, dite « loi Roudy », réforme le code du travail et le code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. En 2001, la loi du 9 mai 2001, dite « loi Génisson », actualise et renforce cette loi. En 2006, la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes vient compléter ces dispositions.
En 2000, la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes ayant levé l’obstacle constitutionnel auquel s’étaient heurtées de précédentes tentatives en 1982 (2) et en 1999 (3), la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives est adoptée. Elle sera suivie par de nombreuses autres lois ayant pour objet de mettre en œuvre l’objectif constitutionnel de parité en 2003, 2006, 2007 et 2008 (4).
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ayant étendu le principe d’égal accès des femmes et des hommes, qui était jusqu’alors limité aux mandats électoraux et aux fonctions électives, aux « responsabilités professionnelles et sociales », le législateur a pu adopter, en 2011 et en 2012, des mesures prévoyant une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance des grandes sociétés (5) et en matière de nominations aux emplois supérieurs de la fonction publique (6).
B. DES INÉGALITÉS PERSISTANTES, QUI TROUVENT LARGEMENT LEUR ORIGINE DANS LE MAINTIEN DE STÉRÉOTYPES SEXUÉS
Les inégalités entre les femmes et les hommes perdurent aussi bien dans le monde du travail, qu’il s’agisse du secteur privé ou public, que dans l’accès aux responsabilités économiques, sociales, politiques et sportives.
Le revenu salarial des femmes reste nettement inférieur à celui des hommes. En 2010, dans le secteur privé, il était ainsi inférieur de 28 % (7), contre 34 % en 1995. Cet écart s’explique par un niveau de salaire horaire moyen inférieur de 18 % à celui des hommes, combiné à un nombre d’heures travaillées dans l’année inférieur de 13 % en moyenne à celui des hommes. Ce moindre volume horaire s’explique lui-même par des périodes de chômage et d’inactivité plus importantes (les femmes travaillent 293 jours dans l’année, contre 303 pour les hommes), par le fait que les femmes occupent plus souvent des postes à temps partiel et que, lorsqu’elles travaillent à temps complet, leur durée hebdomadaire de travail est inférieure (elles effectuent, en particulier, moins d’heures supplémentaires).
Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être titulaires d’un contrat à durée déterminée (10,4 % contre 6,6 %) et surtout à travailler à temps partiel (30,1 % contre 6,9 %).
Plus diplômées que les hommes (la part des femmes diplômées du supérieur est de 30 % dans le secteur privé, contre 23 % pour les hommes), les femmes occupent pourtant encore plus de 70 % des postes d’employés, catégorie dont le revenu salarial est le plus faible.
La répartition des femmes et des hommes entre les différents secteurs d’activité reste très inégale. Dans le secteur privé, presqu’une femme sur neuf (87 %) travaille dans le secteur tertiaire (contre 66 % pour les hommes), où les revenus salariaux moyens sont sensiblement inférieurs. Au sein du secteur des services, les activités où les revenus sont les plus faibles, comme l’action sociale (76 % de femmes), qui inclut notamment l’hébergement social et médico-social et les services d’aide à domicile et d’accompagnement, ou le commerce de détail (64 %) sont les plus féminisées. L’industrie, où les revenus salariaux sont supérieurs, reste à prédominance masculine (77 % d’hommes).
Si l’on adopte une approche par familles professionnelles, on constate que près de la moitié des emplois occupés par des femmes (49,8 %) sont concentrés dans 12 des 87 familles professionnelles (8), dans lesquelles la part des femmes est prédominante (77,4 % en moyenne).
Les femmes se heurtent en outre plus que les hommes à la difficulté de concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle. Le taux d’activité des femmes ayant des enfants est ainsi bien moindre que celui des hommes, comme l’illustre le tableau ci-après :
TAUX D’ACTIVITÉ DES FEMMES ET DES HOMMES AVEC DES ENFANTS
Âge et nombre des enfants |
Femmes |
Hommes | |
Le plus jeune est âgé de moins de trois ans |
1 enfant |
69,2 % |
89,8 % |
2 enfants |
59,6 % |
90,9 % | |
3 enfants en ou plus |
36,2 % |
85,1 % | |
Le plus jeune est âgé de plus de trois ans |
1 enfant |
73,2 % |
81,6 % |
2 enfants |
80,7 % |
91,1 % | |
3 enfants en ou plus |
66,0 % |
87,4 % |
Source : INSEE – Enquêtes emploi–traitement DREES
L’interruption d’activité des femmes à la naissance de leurs enfants diminue leur capacité à réintégrer par la suite le marché du travail et ce, d’autant plus que la durée d’interruption a été longue.
Au total, entre 15 et 64 ans, 66,2 % des femmes sont actives, contre 74,8 % pour les hommes. Le taux d’emploi des femmes s’élève à 59,7 % contre 68,2 % pour les hommes. L’écart entre les taux d’activité féminin et masculin tend cependant, sur le long terme, à se réduire : de 27,6 points en 1978 il s’est réduit à 8,6 en 2011.
Les femmes sont aussi davantage touchées par le chômage : en 2011, le taux de chômage des femmes était de 9,7 % contre 8,8 % pour les hommes.
Selon l’INSEE, environ 4,7 millions de femmes vivent sous le seuil de pauvreté (soit un niveau de vie inférieur de 60 % au niveau de vie médian), contre 3,9 millions d’hommes.
Les montants des retraites perçues par les femmes sont sensiblement inférieurs (– 33 %) à ceux des hommes, les femmes (47,7 %) validant bien moins souvent une carrière complète que les hommes (83,1 %).
Les femmes sont largement majoritaires dans les trois fonctions publiques, où elles occupent 59,7 % des effectifs. Elles sont plus nombreuses parmi les catégories A au sein des fonctions publiques de l’État (58 %), hospitalière (63,1 %) et territoriale (60,2 %), mais sont cependant majoritaires parmi les catégories B au sein des fonctions publiques territoriale (65,1 %) et surtout hospitalière (84,9 %).
L’écart de revenu salarial entre les femmes et les hommes, pour les trois fonctions publiques confondues, était de 18 % en 2010, soit dix points de moins que dans le secteur privé. Dans la fonction publique de l’État, cet écart était de 18 %, dans la fonction publique territoriale de 17 % et dans la fonction publique hospitalière de 21 %.
Les femmes restent sous-représentées parmi les cadres (34,7 % en 2010). Elles le sont encore plus nettement parmi les dirigeants salariés d’entreprises (17,6 %). La part des femmes parmi les créateurs d’entreprises est également faible, de l’ordre de 30 %.
La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle impose, selon un calendrier progressif, aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance des sociétés cotés et non cotées de comporter une proportion minimale de 40 % de représentants de chaque sexe. En janvier 2012, les femmes ne représentaient encore que 22,3 % des membres des conseils d’administration de sociétés cotées (ce qui représente cependant une nette progression par rapport à 2009, où ce taux s’établissait à 10,5 %).
Les femmes ne représentent que 12 % des élus des chambres de commerce et d’industrie.
Au sein des conseils de prud’hommes, les femmes ne sont que 28,4 % depuis le renouvellement de décembre 2008. Elles représentent environ un tiers des élus dans les comités d’entreprise.
Au sein de la fonction publique de l’État, en 2012, les femmes ne représentaient que 9,5 % des préfets, 14,7 % des ambassadeurs et 7,1 % des trésoriers payeurs-généraux. Dans l’enseignement supérieur, les présidentes d’université sont une minorité (14,8 %).
Malgré la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives et les lois dont elle a rendu l’adoption possible, les femmes restent nettement sous-représentées dans les différentes instances de la vie politique, que ce soit au niveau national ou local.
Au niveau national, les femmes ne représentent que 26,9 % des députés après les élections législatives de 2012. Cette part a significativement progressé par rapport aux législatures précédentes : elle était de 18,5 % en 2007, de 12,1 % en 2002, de 10,9 % en 1997 et de 5,9 % en 1993. La France reste cependant 38e dans le classement mondial des parlements selon la présence des femmes, juste derrière les Philippines et l’Afghanistan.
Au Sénat, depuis le renouvellement de 2011, les femmes représentent 21,8 % des sénateurs, soit une part en diminution par rapport à 2008, où elles étaient 21,9 %.
Au niveau local, la France ne compte que 13,9 % de conseillères générales, 5 % de présidentes de conseils généraux, 13,8 % de maires et 7,2 % de présidentes d’établissement de coopération intercommunale.
Grâce aux lois sur la parité de 2000, 2003, 2007 et 2008, qu’une loi est venue conforter en 2013 (9), des progrès ont cependant été accomplis : les femmes représentent 48 % des conseillers régionaux (soit presque deux fois plus qu’en 1998), 35 % des conseillers municipaux (48,5 dans les communes de plus de 3 500 habitants) et 44,4 % des parlementaires européens. Au niveau des exécutifs régionaux, on observera que seules trois femmes sont présidentes d’un conseil régional.
La pratique sportive reste légèrement moins répandue parmi les femmes (87 %) que les hommes (91 %), mais les écarts se sont significativement réduits (en 1968, seules 9 % des femmes pratiquaient une activité sportive). La part des femmes au sein des licenciés des fédérations sportives agréées est en revanche nettement plus faible que celle des hommes : elles représentent 37 % des licences délivrées.
Les situations sont cependant très variables d’une fédération à l’autre. Certaines fédérations, comme celle d’éducation physique et de gymnastique volontaire (93 %), le twirling bâton (90 %), la danse (88 %), les sports de glace (85 %), l’équitation (82 %) et la gymnastique (78 %) sont très féminisées, tandis que d’autres sont à forte dominante masculine, comme celles de football (96 %) ou de rugby (95 %).
La place des femmes dans les instances dirigeantes des groupements sportifs reste faible. En 2012, seules 35 % des fédérations respectaient l’obligation, établie par une disposition réglementaire du code du sport jusqu’à son annulation par une décision du Conseil d’État du 10 octobre 2013, de garantir la représentation des femmes au sein de leurs instances dirigeantes en leur attribuant un nombre de sièges en proportion du nombre de licenciées éligibles.
Dans les disciplines reconnues de haut niveau, la part relative des femmes atteint aujourd’hui 36 %. Lors des Jeux olympiques de Londres de 2012, les femmes représentaient 43,8 % des athlètes de la délégation française. Elles ont obtenu 44 % des médailles françaises, dont 36 % des médailles d’or.
Les inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde du travail et la sphère politique trouvent pour une large part leur origine dans la persistance de stéréotypes sexués, ancrés dans les mentalités et tendant à assigner aux femmes et aux hommes des rôles distincts. Ces stéréotypes sont inculqués aux enfants dès le plus jeune âge, comme le révèlent les choix d’orientation différenciés opérés par les filles et les garçons. Ils se retrouvent tout au long de la vie, comme l’illustre la répartition inégalitaire des responsabilités parentales, et sont bien souvent entretenus par les médias.
Les filles réussissent en moyenne mieux dans leurs études, depuis l’école élémentaire jusqu’au supérieur. Ainsi, 3,7 % des filles sont en retard en cours préparatoire, contre 5,3 % des garçons. Elles obtiennent le baccalauréat à 89,6 %, contre 86,7 % pour les garçons. Dans l’enseignement supérieur, les femmes sont 66 % à poursuivre leurs études contre 56 % pour les hommes, qui sont plus nombreux à s’orienter vers des carrières professionnelles. Les femmes sont largement majoritaires à l’université (57,2 %).
En dépit de ces meilleurs résultats, les filles choisissent moins souvent que les garçons des filières sélectives (10), comme les classes préparatoires aux grandes écoles où elles ne sont que 41,9 %. Les femmes sont également minoritaires dans les filières à caractère scientifique (26,1 % dans les écoles d’ingénieurs, 29,7 % des étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles en filière scientifique). À l’université, les femmes sont majoritaires dans les disciplines littéraires (74,1 % en langues).
Une récente étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (11) a montré que les mères consacrent en moyenne deux fois plus de temps aux activités parentales que les pères : en moyenne une heure et demie chaque jour contre environ quarante-cinq minutes pour les hommes. Les activités réalisées ne sont pas exactement les mêmes : les temps parentaux liés aux soins et aux déplacements sont plutôt féminins, alors que les hommes s’investissent plus dans les sphères de sociabilité et de loisirs, comme l’illustre le tableau ci-après s’agissant des parents d’au moins un enfant mineur vivant dans le même logement :
Temps moyens consacrés aux activités parentales quotidiennes
En minutes
Femmes |
Hommes |
Ensemble | |
Soins à l’enfant |
53 |
20 |
38 |
Déplacements de l’enfant |
19 |
10 |
15 |
Sociabilité et loisirs de l’enfant |
13 |
11 |
12 |
Dont jeux à domicile |
7 |
8 |
8 |
Aide au travail scolaire de l’enfant |
7 |
3 |
5 |
Total |
93 |
44 |
70 |
Source : INSEE, enquête Emploi de temps 2010, in étude de la DREES précitée.
L’étude montre que les comportements des parents varient aussi selon le nombre et l’âge des enfants : à partir de trois enfants, le temps parental s’accroît fortement pour les mères, augmentant encore l’écart avec leur conjoint. De la même manière, la présence d’au moins un enfant de moins de trois ans fait plus que doubler le temps consacré aux enfants et va de pair avec une répartition encore plus inégalitaire des tâches parentales entre hommes et femmes.
L’étude fait en outre apparaître de fortes disparités socio-économiques : être diplômé de l’enseignement supérieur accroît le temps parental des mères comme des pères. En revanche, à caractéristiques identiques, l’augmentation du niveau de vie du ménage n’influence significativement que le temps consacré par les pères à leurs responsabilités parentales : ils y consacrent en moyenne treize minutes de plus, rendant le partage un peu plus égalitaire.
Alors que les médias jouent, aujourd’hui, un rôle déterminant dans le façonnage de la culture collective, il est inquiétant de constater que la place des femmes y demeure secondaire et que leur image reste encore trop souvent marquée par des stéréotypes sexistes.
En effet, selon les données publiées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans le cadre de son « baromètre annuel de la diversité », la représentation des femmes dans la programmation audiovisuelle demeure en décalage par rapport à leur importance numérique dans la société française. En outre, les rôles que les femmes occupent dans les médias sont, plus fréquemment que les hommes, des rôles secondaires. Ainsi, alors qu’en 2012 elles représentaient 52 % de la population française, les femmes ne comptaient que pour 35 % des personnages apparaissant dans l’ensemble des programmes audiovisuels (en dehors des publicités). Leur part était de 40 % dans les programmes de divertissement, de 35 % dans les documentaires et les magazines, de 34 % dans les programmes de fiction, de 33 % dans les programmes d’information et de 14 % dans les programmes sportifs. En matière d’information, si les journalistes présents à l’antenne sont des femmes à hauteur de 46 %, celles-ci sont manifestement sous-représentées parmi les « sachants » invités sur les plateaux de télévision, puisque les trois quarts des invités, chroniqueurs et experts sont des hommes.
Les violences faites aux femmes font partie des facteurs qui contribuent à la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes. Comme le soulignait la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, « il n’y a pas d’égalité pour une femme qui ne peut sortir de chez elle ou qui fait l’objet de harcèlement dans le cadre de son travail, par exemple » (12).
Qu’elles soient commises dans le foyer ou à l’extérieur de celui-ci, les violences faites aux femmes demeurent une réalité difficile à mesurer précisément, car une large majorité de ces violences ne sont ni dénoncées par les victimes elles-mêmes, ni repérées par les autorités publiques ou sanitaires, ni, a fortiori, jugées et sanctionnées. Selon une étude de l’INSEE, seulement 9,3 % des femmes de 18 à 75 ans qui se déclarent victimes de violences conjugales
– qu’elles soient physiques ou sexuelles – de 2006-2007 à 2010-2011 ont dit avoir porté plainte à la suite de l’un au moins des actes subis. S’agissant des violences sexuelles commises en dehors du couple, 10 % des femmes de 18 à 75 ans s’étant déclarées victimes de violences sexuelles hors ménage sur la même période de 2006-2007 à 2010-2011 ont déposé plainte (13).
Du fait de ce très faible taux de dépôt de plainte, les données fournies par les services de police et de gendarmerie sont extrêmement partielles et doivent être complétées par les études de victimation. En matière de violences conjugales, l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) indiquait dans son rapport annuel pour 2012 que 146 personnes (122 femmes et 24 hommes) étaient décédées en 2011 sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. À ces 122 décès de femmes, il convient d’ajouter 100 tentatives d’homicide sur des femmes par leur conjoint ou ex-conjoint enregistrées par les services de police et unités de gendarmerie en 2011. En 2011, ont également été recensés par l’ONDRP 53 868 faits de violences non mortelles sur des femmes au sein du couple, auxquels doivent être ajoutées 108 504 « mains courantes » comptabilisées par les services de police. Enfin, 906 plaintes pour des faits de viol commis sur des femmes au sein du couple ont été dénombrées en 2011, ce nombre étant extrêmement en deçà de la réalité du phénomène compte tenu de la difficulté à déclarer de tels faits (14).
Si le nombre de décès de femmes victimes de violences conjugales a, heureusement, tendance à régresser depuis quelques années – en 2007, ce nombre était de 166 –, il n’en demeure pas moins à un niveau intolérable, et ce d’autant plus qu’un certain nombre de ces faits sont commis par des personnes ayant déjà commis antérieurement des violences.
À l’extérieur du foyer conjugal, les femmes sont également les premières victimes des violences sexuelles. Sur la base d’études de victimation, l’ONDRP a, dans son rapport annuel, estimé le nombre de femmes de 18 à 75 ans « victimes déclarées » de violences sexuelles hors ménage en 2010-2011 à 210 000, dont 154 000 victimes de viol ou tentatives de viol. Sur la même période, 80 000 hommes se sont déclarés victimes de violences sexuelles (15). Les femmes sont donc trois fois plus fréquemment victimes que les hommes de violences sexuelles.
Le présent projet de loi s’inscrit dans une démarche nouvelle et repose sur une approche intégrée visant à combattre les inégalités dans toutes leurs dimensions.
La nomination en mai 2012 du premier gouvernement paritaire de l’histoire de notre République et le rétablissement d’un ministère des Droits des femmes de plein exercice ont indubitablement marqué une étape symboliquement très forte dans la mise en œuvre de la politique de l’égalité entre les femmes les hommes.
Depuis 2012, la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes est inscrite au cœur de l’action publique, dans une « approche intégrée », c’est-à-dire interministérielle, mobilisant des éléments transversaux, mais aussi spécifiques : à une approche transversale, prenant en compte les besoins respectifs des femmes et des hommes dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques (emploi, éducation, santé, lutte contre les violences…), se mêle une approche spécifique, destinée à lutter contre les inégalités qui subsistent par des mesures positives en faveur des femmes (notamment dans les domaines de l’accès au droit, de la dénonciation des violences dont elles sont victimes, ou en matière de création d’entreprise).
La politique de l’égalité entre les femmes et les hommes est une politique transversale impliquant la totalité des ministères, comme l’illustre le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances chaque année. En 2014, ce ne sont pas moins de trente et un programmes qui concourent à la politique transversale.
Sur un plan opérationnel, l’approche nouvelle se concrétise par un pilotage assuré par la déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, directrice générale de la cohésion sociale. Le comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, présidé par le Premier ministre, arrête les grandes orientations que doit mettre en œuvre le réseau de hauts fonctionnaires en charge de l’égalité des droits, animé par la ministre des Droits des femmes.
Cette approche intégrée est affirmée par l’article 1er du présent projet de loi. Celui-ci définit les objectifs et les champs d’intervention de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Il souligne la dimension transversale de l’égalité entre les sexes, afin que la lutte contre les inégalités soit prise en compte dans l’ensemble des politiques publiques.
Le projet de loi s’inscrit dans une logique d’approche intégrée, destinée à combattre les inégalités dans toutes leurs dimensions, que les modifications apportées par le Sénat à ses dispositions initiales ont globalement permis de consolider. Ainsi, le projet de loi s’attache à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle (1), à lutter contre la précarité (2), à améliorer la protection des femmes contre les violences (3), à combattre les atteintes à la dignité et à l’image des femmes dans le domaine de la communication (4) et, enfin, à mettre en œuvre l’objectif constitutionnel de la parité (5).
L’article 3 du projet de loi vise à faire de la commande publique un levier économique pour inciter les entreprises à se conformer à leurs obligations légales en matière d’égalité professionnelle. À cette fin, il complète les interdictions de soumissionner aux marchés publics prévus par l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relatives aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
Ces interdictions, applicables à l’ensemble des marchés publics et aux accords-cadres, qu’ils relèvent ou non du code des marchés publics, incluront désormais la condamnation définitive depuis moins de cinq ans pour le délit de discrimination prévu par l’article 225-1 du code pénal, la méconnaissance des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévues aux articles L. 1142-1 et L. 1142-2 du code du travail ainsi que le non-respect de l’obligation de négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévue à l’article L. 2242-5 du code du travail. Cet article s’inspire des législations belge et québécoise.
Lors de l’examen au Sénat, le champ de ces nouvelles interdictions de soumissionner a été étendu au respect de l’obligation de négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail prévue par l’article L. 2248-8 du code du travail.
Permettre une meilleure articulation des temps constitue un des objectifs poursuivis par la politique intégrée d’égalité femmes–hommes, comme en atteste d’ailleurs le récent élargissement du champ des attributions du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes par décret du 30 avril 2013 (16) à l’articulation des temps, aux modes de garde et aux congés familiaux.
Au sein du titre Ier du présent projet de loi, relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, figurent des dispositions visant à assurer un meilleur partage des responsabilités parentales au sein du couple, afin que leur répartition « ne joue plus systématiquement en défaveur des femmes » (17). L’article 2 du projet de loi prévoit ainsi un partage entre les deux parents de l’actuel complément de libre choix d’activité (CLCA), que le Sénat a choisi de dénommer désormais « prestation partagée d’accueil de l’enfant », afin non seulement de favoriser le retour des mères vers l’emploi, mais également d’encourager un plus grand investissement des pères dans l’éducation de leurs enfants. Une telle mesure est de nature à favoriser le rééquilibrage de l’image des salariés hommes et femmes face à ce que les entreprises pourraient considérer comme un « risque parentalité », qui aujourd’hui joue en défaveur des seules femmes.
Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes s’est félicité à propos de cet article de ce que le Gouvernement établisse « un lien direct entre la répartition des rôles sociaux – et notamment un partage inégal de la parentalité et des tâches domestiques entre les parents en tant que conséquence de la persistance de stéréotypes sexistes – et les inégalités professionnelles » (18).
Le titre II du projet de loi est composé de dispositions visant à lutter contre la précarité. Parce que la précarité touche tout particulièrement les femmes élevant seules leurs enfants, l’article 6 du projet de loi met en place l’expérimentation d’un nouveau dispositif permettant de mieux protéger le parent vivant seul avec ses enfants contre les impayés de pensions alimentaires, en renforçant le dispositif existant de garantie publique contre ces impayés (19).
L’expérimentation ainsi mise en place entend, en premier lieu, faciliter la transmission des informations relatives au parent débiteur d’aliments afin d’aider les juges aux affaires familiales à fixer le niveau de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Elle permettra en outre d’ouvrir le droit au versement d’une allocation différentielle à tout parent créancier d’une pension alimentaire d’un montant inférieur à celui de l’allocation de soutien familial (ASF). Elle ouvre enfin de nouvelles voies pour améliorer le recouvrement par les caisses d’allocations familiales des pensions alimentaires impayées.
Si certains progrès ont incontestablement été accomplis au cours des dernières années en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, grâce à une prise de conscience de la gravité et de l’ampleur du phénomène, beaucoup de chemin reste encore à parcourir pour mieux prévenir ces violences et protéger les femmes qui en sont victimes. La loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, puis la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, ont créé de nouveaux outils juridiques en la matière, en particulier en développant l’éviction du conjoint violent du domicile commun et en créant l’ordonnance de protection.
S’inscrivant dans la lignée de ces deux lois, le titre III du projet de loi comporte plusieurs mesures destinées à améliorer encore la protection des femmes victimes de violences.
L’article 7 a pour objet d’améliorer le dispositif de l’ordonnance de protection, mesure civile instituée aux articles 515-9 à 515-13 du code civil par la loi du 9 juillet 2010 précitée dans le but d’assurer, en urgence, la protection des personnes victimes de violences de la part de leur conjoint. Ainsi, dans le but de réduire le délai dans lequel est prononcée l’ordonnance de protection, l’article 515-11 du code civil est complété pour prévoir que l’ordonnance de protection doit être prise « dans les meilleurs délais » (1° du II du texte adopté par le Sénat). Ensuite, le 4° de ce même article 515-11 est modifié pour prévoir que, en cas de violences commises au sein d’un couple non marié, la jouissance du logement commun est, sauf circonstances particulières, attribuée à la personne victime des violences (2° du II). En troisième lieu, la durée maximale de l’ordonnance de protection est portée de quatre à six mois (III).
Le Sénat a adopté plusieurs amendements à l’article 7 qui apportent au dispositif de l’ordonnance de protection d’autres modifications poursuivant le même objectif de perfectionnement du dispositif. Ainsi, une modification de l’article 515-10 du code civil a été adoptée pour définir de nouvelles modalités de déroulement des auditions de la victime et de l’auteur des violences par le juge aux affaires familiales (JAF). Alors que, aujourd’hui, cet article prévoit que les auditions des parties par le JAF saisi d’une demande d’ordonnance de protection peuvent avoir lieu séparément et se tenir en chambre du conseil, le texte adopté par le Sénat prévoit que le juge doit solliciter l’avis de la victime sur l’opportunité de tenir les auditions séparément et que les auditions se tiennent obligatoirement en chambre du conseil (I). Ensuite, le Sénat a modifié l’article 515-11 du code civil pour prévoir que la priorité devant être donnée au maintien de la victime des violences dans le logement du couple doit s’appliquer même si la victime a bénéficié d’un hébergement d’urgence (1° ter du II). Dans le but d’améliorer la protection des enfants vivant dans des foyers dans lesquels la violence est présente, le Sénat a adopté une modification de l’article 515-11 prévoyant de rendre systématique la transmission de l’ordonnance de protection au procureur de la République, lorsque des enfants sont présents et en danger (premier alinéa du 3° du II). Le Sénat a également prévu que, en cas de délivrance d’une ordonnance de protection au bénéfice d’une personne étrangère, le JAF doit la notifier à l’autorité administrative compétente, afin de permettre à cette dernière de délivrer la carte de séjour temporaire à laquelle la victime peut avoir droit (deuxième alinéa du 3° du II). A également été ajoutée la possibilité pour le JAF d’ordonner une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences dans le cadre de l’ordonnance de protection (dernier alinéa du 3° du II). En dernier lieu, l’article 515-13 du code civil a été modifié pour donner un caractère automatique à la délivrance de l’ordonnance de protection dans les cas de menace de mariage forcé (IV).
L’article 8 est relatif au recours à la médiation pénale dans les situations de violences conjugales. Depuis la loi du 9 juillet 2010, le recours à la médiation pénale est limité aux cas où la victime le demande ou y consent expressément, et, en cas de violences conjugales, le non-consentement de la victime est présumé lorsqu’elle a saisi le JAF d’une demande d’ordonnance de protection. Dans le texte initial du Gouvernement, l’article 8 prévoyait de substituer à la présomption de non-consentement de la victime de violences conjugales l’impossibilité de recourir à cette procédure sans une demande expresse de sa part. Cependant, lors de l’examen en séance publique, le Sénat a, contre l’avis du Gouvernement et de la commission des Lois, substitué au renforcement de l’encadrement du recours à la médiation pour les violences conjugales une interdiction absolue d’y recourir en cette matière.
L’article 9, que le Sénat a adopté sans modification, a pour objet de renforcer les dispositions permettant, dans le cadre pénal, d’ordonner l’éviction du conjoint violent du domicile. Dorénavant, dès lors que l’éviction du conjoint sera possible – que ce soit dans le cadre d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire, d’une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’un aménagement de peine –, l’avis de la victime sur l’opportunité de cette éviction devra obligatoirement être recueilli, et, sauf circonstances particulières, priorité devra être donnée au maintien de la victime dans le domicile commun, si sont en cause des faits de violences susceptibles d’être renouvelés et que la victime la sollicite.
L’article 10 a pour objet de permettre la généralisation du dispositif de téléprotection appelé « femmes en très grand danger ». Ce dispositif consiste en l’attribution, aux femmes ayant été victimes de violences de la part de leur conjoint ou ancien conjoint qui s’est vu interdire d’entrer en contact avec elles, d’un téléphone portable d’alerte équipé d’un bouton d’appel préprogrammé renvoyant directement vers des écoutants professionnels qui disposent déjà de toutes les informations relatives à la victime – en particulier, son nom et ses coordonnées – et peuvent prendre contact directement, par une ligne dédiée, avec les services de police ou de gendarmerie pour que ces derniers interviennent dans les plus brefs délais. Lors de l’examen au Sénat, le champ d’application de l’article a été étendu aux victimes de viol.
L’article 13 vise à améliorer la prise en compte des violences faites plus particulièrement aux femmes en situation de handicap, en complétant, dans le code de l’action sociale et des familles, la liste des actions devant être menées par les pouvoirs publics dans le cadre de la politique de prévention du handicap par l’organisation d’actions de prévention et de sensibilisation concernant les violences faites aux femmes en situation de handicap.
L’article 14 vise à exonérer les étrangers victimes de violence ou de la traite des êtres humains des frais de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour. Ces frais s’élèvent à 260 euros pour la première délivrance et à 106 euros pour un renouvellement. Les victimes qui doivent les acquitter sont généralement réduites à l’indigence au moment de la demande de titre de séjour.
L’article 15 a pour objet d’améliorer l’individualisation de la réponse pénale apportée aux auteurs de violences conjugales, en créant un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes auquel ces auteurs pourront être astreints dans le cadre d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’un aménagement de peine, ainsi qu’à titre de peine complémentaire pour les personnes condamnées pour une infraction d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne.
4. La lutte contre les atteintes à la dignité et à l’image des femmes dans le domaine de la communication
Deux articles du projet de loi ont pour objectif d’améliorer la lutte contre les atteintes à la dignité et à l’image des femmes dans le domaine de la communication, l’un dans le domaine de la communication audiovisuelle (article 16), l’autre dans le domaine de la communication au public en ligne (article 17).
L’article 16 renforce les prérogatives du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), d’une part, et les obligations des sociétés audiovisuelles, d’autre part, en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans la programmation audiovisuelle. Le 1° complète l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui définit les attributions du CSA, par un alinéa le chargeant expressément d’assurer « le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle ». Le 2° insère dans la même loi un nouvel article 20-5 instaurant une obligation, pour les services de télévision et de radio diffusés par voie hertzienne terrestre, de contribuer « à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes en diffusant des programmes relatifs à ces sujets ». Alors que le texte initial du Gouvernement n’était applicable qu’aux seuls services nationaux de télévision, le Sénat a étendu le champ d’application de ce nouvel article aux radios et a supprimé la limitation aux services nationaux. Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a également complété ce nouvel article 20-5 par une phrase mettant à la charge du CSA la responsabilité de mettre en place « des indicateurs chiffrés de l’évolution de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les services privés nationaux de télévision hertzienne ». Enfin, le 3° de l’article 16 modifie l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, qui définit les obligations particulières que le législateur met à la charge des sociétés de l’audiovisuel public, afin de mentionner explicitement les droits des femmes dans la liste des domaines dans lesquels ces sociétés doivent mener des actions spécifiques.
L’article 17 a pour objet d’étendre le dispositif de signalement de contenus illicites sur Internet aux faits d’incitation à la haine en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. À la suite d’un ajout du Sénat sur l’initiative de Mme Catherine Tasca, le champ d’application de l’article a, en outre, été étendu aux faits de diffusion d’images de violence.
Six articles du projet de loi visent à mettre en œuvre l’objectif constitutionnel affirmé par l’article 1er de la Constitution selon lequel la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
Le chapitre Ier de ce titre porte sur le financement des partis et groupements politiques et aux candidatures pour les scrutins nationaux. Il est composé d’un article unique, l’article 18, qui double le montant de la réduction applicable à la première fraction d’aide publique attribuée aux partis qui ne respectent pas les objectifs de parité, en relevant son taux de 75 % à 150 % (20) . Cet article modifie également les modalités de rattachement des candidats aux partis et groupements politiques utilisés pour le calcul de cette minoration.
Le chapitre II de ce titre est relatif à l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités sociales et professionnelles. Il comporte cinq articles.
L’article 19 a pour objet d’assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les instances dirigeantes des fédérations sportives. Il met en place un dispositif différencié et progressif :
– dans les fédérations dont la proportion de licenciés de chacun des deux sexes est supérieure ou égale à 25 %, les statuts devront prévoir l’application de la parité dans les instances dirigeantes. Une dérogation temporaire est cependant prévue, avec la possibilité, selon les fédérations et pour le premier renouvellement de leurs instances suivant la promulgation de la loi, de prévoir une proportion minimale de sièges définie par décret en Conseil d’État, qui ne pourra être inférieure à 25 % ;
– dans les fédérations où la proportion de l’un des deux sexes est inférieure à 25 %, les statuts devront prévoir une proportion minimale de sièges pour les personnes de chaque sexe prenant en compte la répartition par sexe des licenciés, sans pouvoir être inférieure à 25 %.
L’article 20 soumet les établissements publics industriels et commerciaux de moins de 200 salariés et ceux mentionnées aux annexes II (tels que la société Air France ou la Caisse nationale de crédit agricole) et III (tels que la Banque de France ou la Comédie Française) de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public à une obligation d’intégrer dans leurs conseils d’administration et de surveillance une proportion de personnalités qualifiées de chaque sexe d’au moins 40 %.
L’article 21 a pour objet de renforcer la présence des femmes au sein des chambres de commerce et d’industrie. Il prévoit, à cette fin, que le membre titulaire d’une chambre de commerce et d’industrie de région (CCIR) et son suppléant doivent être de sexe différent, étant entendu que les titulaires siègent aux chambres de commerce et d’industrie de région et territoriales, ou départementales, et les suppléants siègent en chambres de commerce et d’industrie territoriales ou départementales. Cet article prévoit également la remise au Parlement d’un rapport sur la progression des femmes élues au sein des chambres de commerce et d’industrie.
L’article 22 prévoit que, lors du prochain renouvellement (en 2019), les listes électorales pour les élections aux chambres d’agriculture comportent au moins un candidat de chaque sexe par groupe de trois candidats, sauf impossibilité tenant soit au nombre de sièges à pourvoir soit, pour les élections aux chambres régionales, à la condition qui serait imposée à certains candidats d’être élus dans une chambre départementale. À compter du deuxième renouvellement suivant la promulgation de la loi (soit en 2025), l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne pourra être supérieur à un, sous les mêmes réserves.
L’article 23 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, afin de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes au sein :
– des autorités administratives indépendantes ;
– des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre, des ministres ou de la Banque de France dont la composition est collégiale ;
– des conseils et conseils d’administration des caisses nationales de la sécurité sociale.
Le délai d’habilitation prévu est de douze mois. Un projet de loi de ratification devra être présenté au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant chaque ordonnance.
Les 38 nouveaux articles introduits par le Sénat poursuivent des objectifs divers :
– compléter les dispositions du texte relatives à l’égalité professionnelle, notamment en donnant une traduction législative de certains points de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 (1) ;
– sanctionner les discriminations professionnelles fondées sur la parentalité (2) ;
– étendre le congé de quatre jours dont bénéficie tout salarié qui se marie au salarié qui conclut un pacte civil de solidarité (3) ;
– rechercher une solution aux insuffisances de la procédure disciplinaire à l’université (4) ;
– instaurer une obligation de formation initiale et continue sur les violences intrafamiliales et aux femmes pour les différentes professions concernées par ces violences (5) ;
– promouvoir la résidence alternée des enfants en cas de séparation des parents (6) ;
– modifier le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) afin de renforcer la protection des étrangers victimes de violence (7) ;
– créer ou modifier un certain nombre de dispositions pénales (8)
– assouplir et compléter les dispositions sur la parité (9).
a. La traduction législative de certains points de l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013
En séance publique, le Sénat a adopté plusieurs amendements traduisant certains points de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle. Ainsi, l’article 2 A, issu d’un amendement de Mme Catherine Génisson, prévoit, dans la droite ligne de l’article 11 de l’ANI, la remise d’un rapport au Parlement sur l’harmonisation des différents types de congés familiaux, tant parentaux que personnels. L’article 2 B, introduit quant à lui sur l’initiative du Gouvernement et se fondant sur l’article 8 de ce même accord, étend le contenu de l’entretien préalable à la reprise d’activité à l’issue d’un congé parental d’éducation.
L’article 2 C porte sur la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, grâce à la revalorisation des métiers à prédominance féminine. Il prévoit notamment que, dans le cadre des négociations quinquennales que mènent les branches sur la révision des classifications professionnelles, si un écart de rémunération entre les femmes et les hommes est constaté, la priorité doit être accordée à sa réduction. Il impose également d’analyser les critères d’évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail afin d’identifier et corriger ceux d’entre eux qui sont susceptibles d’induire des discriminations entre les femmes et les hommes.
L’article 2 D transcrit dans le code du travail l’article 5 de l’ANI. Il vise à créer une obligation d’actualisation du rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et hommes dans l’entreprise (dit « rapport de situation comparée ») lors de la négociation annuelle obligatoire en entreprise.
L’article 2 E réforme l’obligation annuelle de négocier sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, prévue par l’article L. 2242-5 du code du travail et l’obligation de négocier sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, prévue par l’article L. 2242-7 du code du travail. Il répond au souhait de simplification exprimé par les partenaires sociaux à l’article 4 de l’ANI. Ces deux obligations sont fusionnées au sein d’une négociation unique et globale sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.
Par ailleurs, à la suite de l’adoption d’un amendement de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, un article 6 bis a été inséré par le Sénat afin de prévoir que les négociations de branche et professionnelle annuelles obligatoires sur les salaires, qui prennent déjà en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portent également sur les mesures permettant de l’atteindre.
b. Un rapport de situation comparée renforcé
Issu d’un amendement de la commission des Affaires sociales du Sénat, l’article 5 ter étend le champ du rapport de situation comparée à la sécurité et à la santé au travail.
Les articles 6 ter et 6 quater complètent également le contenu du rapport de situation comparée, afin, d’une part, qu’il analyse dans quelle mesure les niveaux de rémunération des salariés des deux sexes s’expliquent par leur niveau de qualification et leur ancienneté et, d’autre part, qu’il décrive l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans une même entreprise.
Les entreprises de moins de 50 salariés n’étant pas concernées par de nombreuses obligations prévues par le code du travail (telles que l’établissement d’un rapport de situation comparée), le Sénat a également introduit un article 6 sexies prévoyant la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans ces entreprises.
Issu d’un amendement proposé par Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat, l’article 5 bis du projet de loi vise, afin de protéger les salariés contre toute discrimination fondée sur leurs décisions de faire usage de leurs droits en matière de parentalité, à compléter l’article du code du travail dressant la liste des motifs pour lesquels une telle discrimination est interdite ; ainsi désormais, aucune personne ne pourrait être écartée d’une procédure de recrutement ou d’accès à un stage, aucun salarié ne pourrait être sanctionné ou licencié en raison de l’utilisation de ses droits en matière de parentalité, et notamment en raison de la prise d’un congé.
3. L’extension du congé de quatre jours prévu en cas de mariage à la conclusion d’un pacte civil de solidarité (PACS)
Issu d’un amendement du Gouvernement, l’article 5 quater étend le congé de quatre jours dont bénéficie tout salarié pour son mariage au salarié qui conclut un pacte civil de solidarité (PACS). Cette mesure vise à assurer l’égalité entre les salariés qui choisissent le PACS et ceux qui choisissent le mariage. Elle a également été présentée par le Gouvernement comme répondant une exigence du droit de l’Union européenne.
Introduit par le Sénat sur l’initiative de Mme Françoise Laborde, l’article 12 bis A a pour objet de prévoir une possibilité de dépaysement des poursuites disciplinaires exercées dans le domaine universitaire en cas de suspicion légitime sur l’impartialité de la section disciplinaire.
Cette disposition a pour objet de répondre aux situations
– malheureusement relativement fréquentes – de harcèlement sexuel à l’université qui ne reçoivent pas toujours une réponse appropriée de la part des autorités disciplinaires. En effet, les étudiants – et plus particulièrement les doctorants – se trouvent dans une situation de dépendance vis-à-vis des enseignants qui dirigent leurs travaux et peuvent, en conséquence, être placés en situation de vulnérabilité. De plus, les enseignants auteurs de faits de harcèlement sexuel peuvent bénéficier d’une « impunité » qui, selon Mme Françoise Laborde, « tient largement au prestige dont ils jouissent dans leur discipline et, dans la mesure où ils sont jugés par leurs pairs, à l’embarras qu’éprouvent leurs collègues à sanctionner un confrère qu’ils connaissent et qu’ils estiment pour la qualité de ses travaux (21).
5. L’instauration d’une obligation de formation initiale et continue sur les violences intrafamiliales et aux femmes et sur les mécanismes d’emprise psychologique pour les différentes professions impliquées dans la prévention, la détection ou le traitement de ces violences
La question de la formation des personnels chargés de prévenir, détecter ou traiter les violences faites aux femmes a toujours fait partie des préoccupations des pouvoirs publics depuis qu’ils se sont emparés de la question de ces violences. La loi du 9 juillet 2010 précitée avait prévu, dans son article 21, la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en place d’une formation spécifique en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes et des violences commises au sein du couple. Mais ce rapport, qui aurait dû être présenté au Parlement avant le 30 juin 2011, n’a jamais été établi.
Dans le texte initial du Gouvernement, le II de l’article 23 prévoyait une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance, en application de l’article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour prévoir une obligation de formation sur les violences faites aux femmes et leurs conséquences dans la formation initiale et continue des professionnels impliqués dans la prévention et la détection de ces violences.
Cependant, la commission des Lois du Sénat a estimé que le principe général de l’obligation de formation devait être inscrit dans la loi, mais que sa « déclinaison (…) au sein des dispositions relatives à la formation de chacune des professions concernées [relevait] de la compétence du pouvoir réglementaire » (22). Pour cette raison, elle a, sur l’initiative de sa rapporteure, supprimé le II de l’article 23 et introduit dans le projet de loi un article 15 bis ayant pour objet d’inscrire dans la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes le principe d’une obligation de formation initiale et continue sur les violences intrafamiliales et aux femmes et sur les mécanismes d’emprise psychologique pour les différentes professions impliquées dans la prévention, la détection ou le traitement de ces violences.
Sur l’initiative de M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues, le Sénat a adopté – malgré l’avis défavorable tant de la commission des Lois du Sénat que du Gouvernement – un article 17 bis relatif au partage des responsabilités parentales en cas de séparation du couple ; cet article instaure un délit d’entrave à l’exercice de l’autorité parentale par un ascendant, modifie les règles d’audition des mineurs, et, surtout, prévoit par principe le recours à une résidence alternée égalitaire, sauf décision contraire motivée du juge.
Le Sénat a ajouté trois articles additionnels dont l’objet est de renforcer la protection des étrangers – le plus souvent des femmes – victimes de violences.
L’article 14 bis apporte deux modifications au premier alinéa de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui permet la délivrance d’une carte de séjour « vie privée et familiale » aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme qui, soit dépose plainte, soit témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces infractions. La première est que cette délivrance n’est plus discrétionnaire, mais devient de plein droit. La seconde est qu’elle est prévue non plus seulement quand l’étranger dépose plainte ou témoigne dans une procédure pénale, mais aussi s’il signale aux services de police ou de gendarmerie le fait d’être victime d’une telle infraction.
L’article 14 ter prévoit le renouvellement de plein droit de la carte de séjour délivrée aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévu par le même premier alinéa de l’article L. 316-1 du CESEDA, jusqu’à la fin de la procédure pénale.
L’article 14 quater prévoit la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à l’étranger victime de violences, exercées dans l’espace public, sur le lieu de travail, au sein de la famille ou au sein du couple ou à l’étranger menacé de mariage forcé ou de mutilation sexuelle ainsi qu’aux personnes victimes de la traite des êtres humains si des procédures civiles et pénales liées à ces violences sont en cours.
a. L’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au fait d’empêcher l’accès à l’information sur l’IVG
Issu d’un amendement de Mme Laurence Rossignol, l’article 5 quinquies a pour objet d’étendre le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables (consultations, etc.) prévus par le code de la santé publique afin d’y inclure le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de s’informer sur l’IVG ou sur ces actes préalables.
Sur l’initiative de Mme Catherine Tasca, le Sénat a introduit dans le projet de loi, lors de l’examen en commission des Lois, un article 12 bis ayant pour objet d’étendre le champ d’application du délit d’enregistrement et de diffusion d’images de violences, prévu à l’article 222-33-3 du code pénal, à l’enregistrement et à la diffusion d’images relatives à des faits de harcèlement sexuel.
La modification apportée par le Sénat à l’article 222-33-3 du code pénal permettrait de poursuivre la personne qui enregistrerait des images de harcèlement sexuel comme complice du délit, encourant des peines de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en l’absence de cause d’aggravation et trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en présence de l’une des causes d’aggravation prévues au III de l’article 222-33. La personne qui diffuserait ces images encourrait, quant à elle, des peines de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, en application du deuxième alinéa de l’article 222-33-3.
Sur l’initiative de Mme Chantal Jouanno, le Sénat a introduit dans le projet de loi un article 17 ter qui vise à interdire les concours de beauté pour les enfants de moins de seize ans. Cette interdiction, destinée à lutter contre le phénomène d’« hypersexualisation » des enfants, en particulier des petites filles, est assortie d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros. Les personnes qui favorisent, encouragent ou tolèrent l’accès des enfants à ces concours. La constitution de partie civile des associations ayant pour objet la protection de l’enfance est également prévue.
Sur l’initiative de sa commission des Lois, le Sénat a introduit dans le projet de loi un article 17 quater ayant pour objet de créer dans le code pénal un délit de soumission d’une personne à des humiliations ou intimidations répétées ou d’atteintes répétées à sa vie privée, dont l’objectif principal était de lutter contre le « cyber-harcèlement ». La rédaction adoptée pour définir ce nouveau délit ne vise pas explicitement la commission de ces faits par le biais de moyens de communication en ligne, car, selon la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, auteure de l’amendement, il n’aurait pas été possible de « viser uniquement les nouvelles technologies de l’information et de la communication », mais l’intention poursuivie est bien de permettre la poursuite des faits de « cyber-harcèlement » (23).
9. Des dispositions sur la parité assouplies et complétées
En premier lieu, le Sénat a assoupli plusieurs des dispositifs prévus en matière de parité pour l’accès aux responsabilités professionnelles et sociales.
À l’article 19, il a assoupli les obligations applicables aux fédérations sportives. Il a ainsi substitué à l’obligation de parité applicable aux fédérations sportives dans lesquelles la proportion de licenciés de chacun des deux sexes est supérieure ou égale à 25 % l’obligation de garantir une proportion minimale de 40 % des sièges pour les personnes de chaque sexe.
À l’article 22, le Sénat a supprimé l’obligation de parité pour les listes de candidats aux chambres d’agriculture, applicable à compter de 2025.
En second lieu, le Sénat a ajouté plusieurs dispositions visant à mettre en œuvre l’objectif de parité dans d’autres organismes ou secteurs professionnels :
– il a inséré un article 22 bis relatif à la parité dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) ;
– un article 22 ter a été introduit, qui prévoit une obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les chambres de métiers et de l’artisanat ;
– un nouvel article 22 quater prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur la présence des femmes au sein des chambres consulaires et un nouvel article 22 quinquies sur leur présence à la direction des institutions culturelles ;
– enfin, le Sénat a inséré un nouvel article 23 bis relatif à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes de certains ordres professionnels.
En troisième lieu, le Sénat a ajouté un article 20 bis dont l’objet est de clarifier le calendrier d’entrée en vigueur, pour les sociétés non cotées, de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance prévue par la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur le fait qu’elle ne s’appliquera qu’à compter du 1er janvier 2020.
Souscrivant totalement à la démarche intégrée sous-tendant le projet de loi, la Commission a renforcé son ambition en lui apportant un certain nombre de modifications. Une partie de ces modifications a eu pour objet de sécuriser ou de renforcer certains de ses dispositifs (A). Le projet de loi a, ensuite, été complété par plusieurs dispositions nouvelles tendant :
– à adopter, pour les dispositions relatives à la sphère professionnelle, une démarche équilibrée entre les hommes et les femmes (B) ;
– à renforcer la prise en compte de l’égalité professionnelle par le droit des contrats publics (C) ;
– à reconnaître que l’interruption volontaire de grossesse est un véritable droit pour les femmes (D) ;
– à renforcer la lutte contre les violences et le harcèlement (E) ;
– à compléter et à renforcer les dispositions relatives à la parité entre les femmes et les hommes (F).
Au total, la Commission a adopté 148 amendements, dont 83 présentés par votre rapporteur et 6 par le Gouvernement ; elle a également adopté 27 amendements présentés par les deux commissions saisies pour avis – 18 de la commission des Affaires sociales et 9 de la commission des Affaires culturelles.
1. La Commission a apporté des améliorations substantielles à de nombreuses dispositions du projet de loi
— Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a réécrit l’article 1er afin d’améliorer la hiérarchisation des objectifs de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes. La rédaction adoptée accorde ainsi la priorité à la lutte contre les violences faites aux femmes et les atteintes à leur dignité et à la lutte contre les stéréotypes sexistes, qui sont des préalables indispensables aux autres actions menées. Elle a également ajouté l’égalité salariale à l’égalité professionnelle et l’égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales à l’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Les dispositions relatives à l’égalité de traitement et d’accès dans le domaine de la création et de la production culturelle et artistique qui figuraient, à la suite d’un ajout du Sénat, à l’article 18 A ont par ailleurs été transférées à cet article, où elles avaient davantage leur place.
— Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a réécrit l’article 4 afin de mieux protéger le collaborateur libéral contre la rupture discriminatoire de son contrat de collaboration, suivant en cela les préconisations tant de la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme que du Défenseur des droits.
— Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a par ailleurs encadré l’expérimentation permettant l’utilisation du compte épargne-temps pour financer des prestations de services à la personne, limitant cette utilisation à 50 % des droits accumulés sur le compte afin de ne pas détourner ce dernier de son objet premier, qui est de permettre au salarié de capitaliser du temps de repos (article 5).
— Sur l’initiative de la commission des Affaires sociales, la Commission a réécrit l’article 6 septies relatif à l’expérimentation du versement direct à l’assistant maternel du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde perçu par les familles modestes, afin de clarifier les objectifs qui sous-tendent l’expérimentation, d’associer le cas échéant les collectivités territoriales et de préciser que la convention inclura non seulement l’assistant maternel et la caisse d’allocations familiales, mais aussi le parent employeur.
— À l’article 6, la Commission a par ailleurs supprimé, sur l’initiative de votre rapporteur, la possibilité pour les caisses d’allocations familiales de transmettre des éléments d’information sur la solvabilité des débiteurs directement au juge aux affaires familiales, estimant qu’il sera loisible au créancier de porter ces éléments à la connaissance du juge. La transmission directe de tels éléments au juge aurait contrevenu aux règles procédurales habituelles devant le juge civil, règles selon lesquelles il appartient aux parties de produire leurs pièces, dans le respect du contradictoire.
— À l’article 7 relatif à l’ordonnance de protection, sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a substitué au recueil de l’avis de la seule victime sur l’opportunité de tenir les auditions séparément le recueil de l’avis des parties, afin de respecter le principe du contradictoire (2° du I).
— La Commission a amélioré la rédaction de l’article 12 bis A – déplacé à l’article 15 quinquies A – relatif à la procédure disciplinaire à l’université. Elle a, tout d’abord, complété la possibilité de dépaysement pour cause de partialité de la section disciplinaire prévue par le Sénat par la possibilité de demander la récusation en cas de doute sur la partialité d’un membre de la section. Elle a, ensuite, permis à la personne poursuivie et au médiateur académique de former ces demandes de dépaysement ou de récusation.
— La Commission a, sur l’initiative de la commission des Affaires culturelles, amélioré la rédaction de l’article 16 en prévoyant que les indicateurs sur l’égalité entre les femmes et les hommes, dont le texte adopté par le Sénat prévoyait qu’ils seraient élaborés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), devront être fournis par les services nationaux de télévision et de radio afin que le Conseil évalue la juste représentation des femmes et des hommes et le respect de l’image des femmes. Sur l’initiative de votre rapporteur, ces indicateurs devront être élaborés par le CSA en concertation avec les services concernés.
Votre rapporteur a interrogé le Gouvernement, mais aussi les administrations concernées, afin de savoir si la démarche expérimentale qui sous-tend certains articles du projet de loi se justifiait, au regard de la rupture d’égalité sur le territoire qu’elle induit.
Lors de son audition par votre Commission le 10 décembre 2013 (24), la ministre au Droits des femmes a estimé que « la démarche expérimentale ne doit pas donner lieu à malentendu : il ne s’agit aucunement de repousser les choix faits dans le cadre de ce projet, mais bien d’aboutir à une généralisation aussi rapide que possible, et en tout cas au cours du présent quinquennat. Nous souhaitons toutefois tester les dispositifs (…) ; cette manière de procéder me paraît plus intéressante que lorsque les lois, parce qu’elles n’ont pas été intériorisées par ceux qui sont chargés de les appliquer, ne le sont pas ».
Le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a ajouté que, s’agissant de l’expérimentation visée à l’article 6, les contraintes techniques qui pèsent sur le changement des circuits de paiement des prestations justifient à elles–seules le recours à une démarche expérimentale permettant d’éprouver les techniques retenues avant d’envisager leur généralisation à l’ensemble du territoire et qu’en outre une coordination serait nécessaire avec le ministère de la Justice afin que les juges aux affaires familiales s’emparent du nouveau dispositif.
Si votre rapporteur a entendu tous ces arguments, il n’en a pas moins gardé la conviction qu’il convient, afin de limiter les entorses au principe d’égalité, de réduire la durée des expérimentations, ce qu’il a proposé par amendement afin d’envisager une généralisation des dispositifs au 1er janvier 2016. Il plaide en outre, pour les mêmes raisons, pour le choix de l’application de l’expérimentation à un échantillon le plus large possible.
La Commission a considéré que plusieurs modifications adoptées par le Sénat – soit aux articles du projet de loi, soit introduisant de nouveaux articles – n’étaient pas justifiées, et les a donc supprimées.
— Sur l’initiative du Gouvernement, la Commission a supprimé l’extension des interdictions de soumissionner prévue par l’article 3 à l’obligation de négociation obligatoire portant sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail prévue par l’article L. 2248-8 du code du travail, dont le champ dépassait celui de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Gouvernement a fait valoir, à l’appui de cette suppression, que cette extension, qui résultait d’un ajout opéré par le Sénat, fragilisait le texte au regard du droit de l’Union européenne et du principe constitutionnel de libre accès à la commande publique ;
— Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a supprimé l’article 5 bis qui visait à sanctionner les discriminations professionnelles fondées sur l’exercice des droits liés à la parentalité au motif que le critère de la situation de famille permet d’ores et déjà de sanctionner de telles discriminations et que la rédaction de cet article pourrait, en fragilisant des jurisprudences établies, s’avérer contre-productive pour les salariés.
— Également sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a supprimé l’ajout, à l’article 7 relatif à l’ordonnance de protection, d’un alinéa qui entendait donner à la délivrance de l’ordonnance en cas de menace de mariage forcé un caractère automatique (IV), car cette modification aurait introduit une différence de formulation injustifiée selon que l’ordonnance est demandée en raison de violences ou en raison de menace de mariage forcé.
— À l’article 8 relatif au recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales, la Commission a, sur l’initiative de votre rapporteur, rétabli, à la place de l’interdiction du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales qu’avait votée le Sénat, un encadrement strict du recours à cette procédure. La Commission a, en effet, estimé qu’il n’était pas souhaitable de priver l’autorité judiciaire d’un outil procédural qui, dans certaines situations, peut être utile, mais qu’il était nécessaire de limiter autant que possible les risques de recours inapproprié à la médiation, en particulier en cas de réitération des violences. Ainsi, dans le texte adopté par la Commission, le recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales ne sera possible que si la victime la demande expressément, la médiation devra obligatoirement être accompagnée d’un rappel à la loi et elle sera exclue en cas de renouvellement des violences après une première médiation.
— Sur l’initiative du Gouvernement, la Commission a supprimé l’article 14 bis. À l’appui de cette suppression, le Gouvernement a fait valoir que cet article conduirait à la délivrance de plein droit d’une carte de séjour à tout étranger qui porte plainte, qui témoigne dans une affaire de traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui signale de tels faits à la police, que ces faits soit avérés ou non et que la compétence liée du préfet le priverait de toute marge d’appréciation. Il a également souligné que la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 29 novembre 2013, modifiait déjà la disposition visée.
— Sur l’initiative du Gouvernement, la Commission a supprimé l’article 14 ter. À l’appui de cette suppression, le Gouvernement a fait valoir que cet article conduirait à régulariser tous les étrangers en situation irrégulière qui sont victimes de violences, ce qui est le cas par exemple lors de bagarres. Il a souligné que c’est conférer au délit de violences non caractérisées un statut et une portée disproportionnés au regard de l’ensemble des crimes et délits. Selon lui, une définition aussi large ne peut qu’être la source de détournements.
— Sur l’initiative de votre rapporteur et du groupe socialiste, républicain et citoyen, la Commission a supprimé l’extension du champ d’application de l’article 17 relatif aux obligations des hébergeurs et fournisseurs d’accès à Internet en matière de prévention de certaines infractions au délit de diffusion d’images de violences, qu’avait adoptée le Sénat. Elle a, en effet, considéré que l’extension des obligations des acteurs de l’Internet au délit de diffusion d’images de violences fragiliserait l’équilibre nécessaire entre liberté d’expression et impératifs de sécurité, en permettant la mise en jeu de la responsabilité – pénale ou civile – des fournisseurs d’accès et des hébergeurs dans des situations où le caractère manifeste de l’illicéité du contenu serait discutable.
— La Commission a supprimé l’article 17 bis dont l’objet était de promouvoir par principe la résidence alternée des enfants en cas de séparation de leurs parents. Elle a estimé, d’une part, que cet article ne pouvait être maintenu dans sa rédaction adoptée par le Sénat, compte tenu des importantes difficultés juridiques qu’elle soulève. Elle a jugé, d’autre part, que cette question ne relevait pas principalement d’un enjeu d’égalité entre femmes et hommes mais bien davantage du souci de préserver l’intérêt des enfants et que le futur projet de loi relatif à la famille serait le bon vecteur pour légiférer sur cette question importante, une fois connues les conclusions des groupes de travail réunis sur les questions de coparentalité.
— La Commission a substitué un nouveau dispositif à celui prévu par le Sénat à l’article 17 ter s’agissant des concours de beauté pour les mineurs. Les dispositions proposées par le Sénat soulevaient en effet une série de difficultés constitutionnelles, au regard des principes de légalité des délits et des peines, de nécessité et de proportionnalité des peines et des sanctions, de la liberté individuelle et de la liberté de réunion. Sur l’initiative du rapporteur, la Commission les a donc remplacées par un régime d’autorisation administrative préalable pour les concours de beauté ouverts aux mineurs de treize à seize ans, et par une interdiction des concours ouverts aux mineurs de moins de treize ans. Les peines prévues en cas de violation de ces dispositions sont désormais contraventionnelles (une amende de 1 500 euros, portée à 3 000 euros en cas de récidive).
— Conformément à sa doctrine, la Commission a, en outre, supprimé de nombreux articles dont le seul objet était de demander la transmission au Parlement de rapports par le Gouvernement. L’article 15 quater, qui prévoyait la remise d’un rapport public annuel faisant le bilan de l’application de la loi en matière de traitement des violences envers les femmes, a été supprimé, car ses dispositions sont sans objet depuis la création en janvier 2013 de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). Il en a été de même des articles 22 quater (relatif à la présence des femmes au sein des chambres consulaires) et 22 quinquies (relatif à leur présence à la tête des institutions culturelles).
B. L’ADOPTION, POUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA SPHÈRE PROFESSIONNELLE, D’UNE DÉMARCHE ÉQUILIBRÉE DE PROMOTION DES DROITS DES FEMMES ET DES HOMMES
a. La suppression de certains effets pervers non souhaités de la réforme du complément de libre choix d’activité
S’agissant de la réforme du complément de libre choix d’activité (article 2) – que votre Commission a choisi de dénommer « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (PreParE) – la Commission a, sur l’initiative de votre rapporteur et de la commission des Affaires sociales, souhaité supprimer les effets pervers qu’aurait induit, pour les familles avec un seul enfant, l’intégration du congé de maternité dans le calcul de la durée de versement de la prestation et exclu expressément du champ de l’obligation de partage les couples dont l’un des membres n’est pas éligible à la prestation, faute d’avoir exercé une activité professionnelle dans les conditions exigées par le code de la sécurité sociale.
b. L’expérimentation du versement du montant majoré de la prestation partagée aux parents de deux enfants
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à faciliter le retour à l’emploi des parents – et singulièrement des femmes – qui cessent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant en autorisant l’expérimentation du versement aux parents de deux enfants –contre trois aujourd’hui – du montant majoré de la PreParE (anciennement complément optionnel de libre choix d’activité, COLCA) ; cette expérimentation est prévue pour une durée de dix–huit mois (article 2 bis E).
Votre rapporteur estime souhaitable, à terme, de réformer le congé parental d’éducation afin d’en réduire la durée et d’augmenter en contrepartie le niveau des prestations reçues ; un congé trop long a pour principal défaut d’éloigner trop longtemps la salariée du monde du travail alors même que, comme l’a souligné lors de son audition Me Pascale Taelman, avocate spécialisée en droit du travail et membre du bureau du Syndicat des avocats de France, la vie des entreprises est en constante réorganisation.
Une telle réforme suppose au préalable un développement des solutions d’accueil des jeunes enfants, ce que prévoit d’ailleurs la convention d’objectifs et de gestion que l’État vient de signer avec la Caisse nationale d’allocations familiales pour la période 2013–2017. Au cours des cinq prochaines années, il est prévu que 275 000 nouvelles solutions d’accueil des jeunes enfants soient proposées aux parents : 100 000 places seront ouvertes en accueil collectif ; autant d’enfants pourront être accueillis auprès d’assistants maternels agréés ; le ministère de l’Éducation nationale devrait ouvrir 75 000 places de maternelles à destination des enfants de deux à trois ans.
Sur l’initiative de Mme Axelle Lemaire et du groupe socialiste, républicain et citoyen, la Commission a adopté un amendement visant à inscrire dans les statuts de la Banque publique d’investissement (BPI) l’objectif d’encouragement de l’entreprenariat féminin. Il précise que l’égalité de traitement des entreprises ne s’oppose pas à ce que la BPI adopte des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser les désavantages subis par l’un des sexes dans l’accès à la création d’entreprise.
Sur l’initiative de votre rapporteur et du groupe socialiste, républicain et citoyen, la Commission a adopté deux amendements renforçant les droits des pères salariés.
a. Protection des pères contre le licenciement durant les quatre semaines qui suivent la naissance de leur enfant
Le premier des deux amendements assure aux pères salariés une protection contre le licenciement durant les quatre semaines qui suivent la naissance de leur enfant : le nouvel article 2 bis A rapproche ainsi la situation juridique des jeunes pères à celle des jeunes mères – le code du travail étend aujourd’hui la protection contre le licenciement de la femme salariée durant les quatre semaines suivant l’expiration de son congé de maternité – afin d’envoyer un message fort aux entreprises : les pères sont censés s’impliquer tout autant que les mères dans les responsabilités parentales à la naissance de leur enfant.
b. Octroi aux futurs pères de trois autorisations d’absence pour assister à certains examens prénataux de leur compagne
Le second amendement octroie aux futurs pères trois autorisations d’absence pour assister à certains examens prénataux de leur compagne. Le nouvel article 2 bis B précise que le conjoint salarié de la femme enceinte ou la personne salariée liée à elle par un partenariat civil de solidarité (PACS) ou vivant maritalement avec elle bénéficie d’une autorisation d’absence pour se rendre aux examens prénataux obligatoires, dans la limite maximale de trois. Il permettra ainsi aux salariés concernés de s’impliquer davantage dans leur rôle de futurs pères.
Plusieurs des dispositions insérées par le Sénat en matière d’égalité professionnelle ont été complétées :
– un objectif de mixité des emplois a été ajouté à l’article 2 C et à l’article 2 E sur l’initiative de la commission des Affaires sociales ;
– l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de déroulement des carrières a été ajoutée aux articles 2 E, 5 ter et 6 ter sur l’initiative de la commission des Affaires sociales et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Trois nouveaux articles ont été introduits au sujet de l’égalité professionnelle :
– sur l’initiative de Mme Catherine Coutelle, un article 2 F a été adopté afin d’inclure les temps de déplacement entre deux lieux de travail, pour un même employeur et dans la même journée, dans le temps effectif de travail, comme le prévoit la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation ;
– sur l’initiative de Mme Catherine Coutelle également, un nouvel article 2 G prévoit que les branches professionnelles présenteront un rapport quinquennal à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur la révision des classifications professionnelles ;
– sur la proposition de Mme Coutelle toujours, un nouvel article 5 quater A prévoit que l’évaluation par l’employeur des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs devra prendre en compte l’impact des inégalités entre les femmes et les hommes.
Par ailleurs, sur l’initiative du rapporteur, l’article 6 quater a été supprimé et ses dispositions transférées au sein de l’article 6 ter, qui modifie le même article du code du travail.
C. LE RENFORCEMENT DE LA PRISE EN COMPTE DE L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES PAR LE DROIT DES CONTRATS PUBLICS
— Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a étendu les interdictions de soumissionner prévues par l’article 3 aux contrats de partenariat régis par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, auxquels elles ne s’appliquaient pas. Elle a également étendu l’ensemble des interdictions de soumissionner, existantes et nouvelles, aux délégations de service public régies par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993. En l’état du droit, aucune interdiction de soumissionner ne s’appliquait aux délégations de service public.
— Sur l’initiative de Mme Axelle Lemaire et des autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, la Commission a adopté un nouvel article 3 bis qui modifie l’article 18 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics afin de permettre aux pouvoirs adjudicateurs relevant de cette ordonnance d’imposer des conditions d’exécution visant à promouvoir l’égalité professionnelle. Conformément au droit de l’Union européenne, ces clauses devront être en lien avec l’objet du marché et ne pourront avoir d’effet discriminatoire. Elles devront être indiquées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation.
D. LA RECONNAISSANCE DE L’INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE EN TANT QUE VÉRITABLE DROIT POUR LES FEMMES
Légalisée en France en 1975, d’abord à titre temporaire par la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, puis définitivement par la loi n° 79-1204 du 30 décembre 1979 relative à l’interruption volontaire de grossesse, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) concerne désormais plus d’une femme sur trois (36 %) au cours de sa vie (25). Pourtant, alors qu’environ 220 000 IVG sont pratiquées chaque année en France, ce qui correspond à 1,5 % des femmes entre 15 et 49 ans, l’IVG conserve dans la loi un statut dérogatoire et n’est pas reconnue comme un véritable droit pour les femmes.
Adoptant deux amendements identiques de la commission des Affaires sociales et de Mme Axelle Lemaire et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, la Commission a adopté un nouvel article 5 quinquies C qui consacre l’IVG en tant que véritable droit pour les femmes, en supprimant la référence à un état de « détresse » prévue à l’article L. 2212-1 du code de la santé publique (26).
Cette évolution est confortée par l’adoption d’un article 5 quinquies B, issu de l’adoption d’un autre amendement de Mme Axelle Lemaire, qui actualise le titre de la deuxième partie du code de la santé publique, aujourd’hui intitulé « Santé de la famille, de la mère et de l’enfant », pour le renommer « Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant ». La consécration de la notion de droits de la femme, et pas uniquement de la mère, permet de reconnaître solennellement les droits des femmes dans le domaine de la maîtrise de leur sexualité.
Ces deux ajouts viennent compléter l’article 5 quinquies, issu d’un ajout du Sénat, qui étend la définition du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse aux actes accomplis dans le but d’empêcher l’accès à l’information sur l’IVG.
Plusieurs des modifications adoptées par la commission des Lois ont pour objectif de renforcer la lutte contre les violences, dans la continuité des dispositions que comportait déjà le projet de loi transmis à l’Assemblée nationale, mais aussi la lutte contre le harcèlement.
À l’article 7 relatif à l’ordonnance de protection, la Commission a, tout d’abord, adopté une modification de l’article 515-10 proposée par votre rapporteur dans le but d’accélérer le délai de délivrance de l’ordonnance de protection, en prévoyant l’utilisation des modes de convocation les plus rapides en cas de danger grave ou imminent pour la personne demanderesse ou un ou plusieurs enfants (1° du I). Elle a, ensuite, prévu la possibilité pour la victime des violences de dissimuler son domicile en élisant domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée (2° bis du II). Elle a, enfin, permis la prolongation de l’ordonnance de protection lorsque le juge aux affaires familiales (JAF) est saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale (2° du III).
Par ailleurs, l’article 14 quinquies, issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Pascale Crozon, renforce la protection des étrangers victimes de violence commise dans le cadre du couple. À cette fin, il interdit à l’autorité administrative de se fonder sur la rupture de la vie commune pour refuser de délivrer une carte de résident à l’étranger ayant déposé plainte pour une infraction commise à son encontre par son conjoint, son concubin ou son partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.
Sur l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté trois nouveaux articles visant à mieux lutter contre le harcèlement. Prenant en considération le fait qu’une large part des faits de « cyber-harcèlement » sont commis par l’utilisation de téléphones portables, l’article 11 bis étend le champ d’application du délit d’appels téléphoniques malveillants à l’envoi réitéré de messages électroniques malveillants (« sms », « mms » ou courriers électroniques). L’article 12 bis AA – qui se substitue à l’article 17 quater, supprimé par la Commission – crée un nouveau délit général de harcèlement, dont le champ d’application n’est pas limité à la sphère professionnelle comme le harcèlement moral ou à la vie conjugale comme le harcèlement au sein du couple, et dont les peines sont aggravées s’il est commis en utilisant Internet. Inspiré, pour sa rédaction, des définitions données par le code pénal du harcèlement moral et du harcèlement au sein du couple, ce nouvel article punira d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le « fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». Ces peines seront aggravées pour quatre motifs : si les faits causent une incapacité de travail de plus de huit jours (1°), s’ils sont commis sur un mineur de moins de quinze ans (2°) ou une personne vulnérable (3°), ou s’ils sont commis en utilisant un service de communication au public en ligne (4°). Enfin, l’article 12 bis B, issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Catherine Coutelle, complète les obligations légales de l’employeur en cas de harcèlement sexuel commis dans l’entreprise, en lui faisant obligation d’y mettre fin et de le sanctionner.
a. Des dispositions sur la parité renforcées
En premier lieu, la Commission a adopté plusieurs amendements aux dispositions existantes du projet de loi afin de renforcer la parité.
À l’article 18, sur l’initiative de M. Bruno Le Roux, elle a relevé le taux de modulation financière applicable à la première fraction de l’aide publique attribuée aux partis politiques qui ne respectent pas la parité de 150 % à 200 %.
Sur l’initiative de votre rapporteur, à l’article 20, l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance applicable aux établissements publics de moins de 200 salariés ou mentionnés aux annexes II et III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée, qui n’était applicable qu’aux personnalités qualifiées, a été étendue aux représentants de l’État nommés par décret.
Sur la proposition de Mme Marie-Jo Zimmermann, la Commission a réécrit l’article 20 bis afin d’avancer la date d’entrée en vigueur de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance des sociétés non cotées du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2017.
À l’article 22, sur l’initiative de Mme Catherine Coutelle, la Commission a rétabli l’obligation de parité s’agissant des candidatures aux chambres d’agriculture, à compter du deuxième renouvellement suivant la promulgation de la présente loi.
Sur l’initiative de votre rapporteur, à l’article 23, l’habilitation du Gouvernement à adopter par ordonnance des mesures visant à assurer l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des commissions ou instances consultatives ou délibératives de l’État a été remplacée par un dispositif alternatif, encadrant les nominations opérées au sein de ces organes. Les autorités de désignation devront désormais faire en sorte, qu’après la désignation qu’elles ont opérée, parmi tous les membres en fonction dans le collège désignés par elle, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes se soit réduit, par rapport à ce qu’il était avant la décision de désignation, d’autant qu’il est possible en vue de ne pas être supérieur à un.
Par ailleurs, l’égal accès des femmes et des hommes au sein des conseils et des conseils d’administration des caisses de sécurité sociale fait désormais l’objet d’un nouvel article 23 bis A, issu de l’adoption d’un amendement de Mme Catherine Coutelle, qui opère directement les modifications nécessaires aux dispositions pertinentes du code de la sécurité sociale.
Sur l’initiative du Gouvernement, l’article 23 bis, relatif à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes des ordres professionnels, a été remplacé par une habilitation à adopter des mesures par ordonnance dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution. Cette habilitation inclut également l’égal accès au sein des conseils d’administration des mutuelles.
Par ailleurs – et il ne s’agit pas là d’un renforcement, mais d’un assouplissement – sur l’initiative de la commission des Affaires culturelles, l’obligation prévue par l’article 19 relatif aux fédérations sportives a été assouplie pour les fédérations dans lesquelles la proportion du sexe minoritaire parmi les licenciés est inférieure à 25 %, avec l’insertion d’une phase transitoire, lors du premier renouvellement suivant la promulgation de la présente loi, au cours de laquelle la proportion de membres au sein des instances dirigeantes du sexe le moins représenté pourra être au moins égale à sa proportion parmi les licenciés, sans pouvoir être inférieure à 15 %.
b. Des dispositions sur la parité complétées
En second lieu, la Commission a ajouté de nouvelles dispositions sur la parité, qui viennent compléter celles qui figuraient déjà dans le projet de loi.
Un nouveau chapitre Ier bis relatif à la parité et à l’égalité entre les femmes et les hommes, composé de trois nouveaux articles, a été introduit.
Issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de M. Vincent Feltesse et des autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, l’article 18 bis instaure la parité à la tête des exécutifs locaux, en prévoyant que le premier adjoint, dans les communes de 1 000 habitants et plus, et le vice-président, dans les conseils départementaux et régionaux, devra être du sexe opposé à celui du maire ou du président du conseil départemental ou régional.
Issu de l’adoption par la commission d’un amendement des mêmes auteurs, l’article 18 ter prévoit que, avant la discussion du budget des communes de plus de 10 000 habitants, des départements et des régions, devra être présenté un rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes intéressant le fonctionnement de la collectivité concernée et les politiques qu’elle mène.
Sur l’initiative de votre rapporteur, l’article 18 quater clarifie les règles de remplacement des conseillers communautaires.
Sur la proposition de votre rapporteur, un nouvel article 20 ter renforce l’effectivité de l’obligation mise en place par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 (27) en matière de nominations dans les emplois supérieurs de la fonction publique, selon laquelle ces nominations doivent comporter au moins 40 % de personnes chaque sexe. Reprenant l’une des propositions formulées par M. Alain Tourret, cet article prévoit que les nominations intervenues en violation de cette obligation seront nulles, sans entraîner celle des décisions auxquelles a pris part la personne irrégulièrement nommée.
Sur l’initiative de Mme Coutelle, un nouvel article 22 ter A prévoit une obligation de parité dans les conseils d’administration des établissements publics de coopération culturelle.
CONTRIBUTION DE MME MARIE-JO ZIMMERMANN, CO-RAPPORTEURE SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI QUI SERAIT ISSUE DE L’ADOPTION DÉFINITIVE DU PROJET DE LOI (NOMMÉE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 145-7 DU RÈGLEMENT)
Le projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes comporte un panel de dispositions qui visent à compléter ou à renforcer les règles existantes en matière d’égalité professionnelle, d’égale représentation des hommes et des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes. Bien qu’il soit louable de retenir une approche intégrée sur un sujet pour lequel il convient d’agir sur l’ensemble des politiques publiques en même temps, on peut cependant regretter qu’une approche plus ambitieuse – à la manière de la loi de programme espagnole – n’ait pas été retenue. En effet, en matière d’égalité ce sont bien les mentalités qu’il convient de faire évoluer et pour cela les symboles et l’action dans la durée sont importants.
Quoiqu’il en soit, ce projet de loi prévoit un certain nombre de dispositions qui se situent dans la continuation des lois déjà votées que ce soit en matière de protection des femmes victimes de violences ou que ce soit dans la suite de la loi de 2001 puis celle de 2006 et vise à les compléter utilement.
1. Le rapport de situation comparée
Le rapport de situation comparée entre la situation des hommes et des femmes dans l’entreprise (RSC) analyse, en fonction de critères pertinents, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion, de qualification, de conditions de travail, de rémunération et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice des responsabilités familiales.
Ce rapport est essentiel car il est un préalable à toute définition d’une politique de réduction des inégalités dans l’entreprise – sans diagnostic pas de mesures appropriées – mais plus encore parce que son élaboration même marque la prise de conscience que la question de l’égalité des femmes et des hommes dans l’entreprise se pose, et que cette question doit être discutée dans le cadre des négociations collectives.
C’est pourquoi, les compléments adoptés par le Sénat prévoyant que le RSC analyse les niveaux de rémunération des salariés des deux sexes au regard du niveau de qualification et de l’ancienneté et y introduisant un indicateur de promotion sexué sont utiles. On peut aussi se féliciter de la modification de l’article L. 2242-2 du code du travail qui prévoit que le rapport de situation comparée doit être actualisé lors de la négociation annuelle obligatoire.
Il reste que le RSC, qui a aujourd’hui plus de trente ans puisqu’il a été créé par la loi Roudy du 13 juillet 1983, n’est toujours pas l’outil qu’il devrait être pour les employeurs et pour les partenaires sociaux. Aussi, il est regrettable que ceux-ci, lors de la négociation de l’Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 dont les dispositions sont traduites par de nombreux articles de ce projet de loi, ayant fait le constat d’un exercice restant trop souvent formel, s’en soient simplement remis sur le sujet du RSC à un énième groupe de travail.
2. La négociation sur l’égalité professionnelle dans les entreprises et les branches
L’article 2 E du projet de loi transpose l’article 4 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 qui vise à simplifier le cadre juridique de la négociation annuelle portant sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, prévu par les articles L. 2245-5 et L. 2242-7 du code du travail.
La recherche d’une plus grande efficacité au travers de cette initiative des partenaires sociaux laisse, d’une part, espérer que cette volonté de réforme signifie que ceux-ci souhaitent s’emparer réellement de la question face à des inégalités en termes de salaires et de carrière qui sont persistantes. D’autre part, les premières pénalités à la charge de l’employeur au motif de défaut d’accord ou, lorsque la négociation a échoué, de plan unilatéral prévoyant des objectifs de progression, les actions permettant de les atteindre assorties d’indicateurs chiffrés ont commencé à s’appliquer.
Il va être indispensable, dans le cadre du suivi de l’application de la loi, de dresser un bilan des sanctions puisque celles-ci sont modulables par l’inspection du travail en fonction des « efforts constatés dans l’entreprise », la loi ne fixant qu’un montant maximum de pénalité égal à 1 % de la masse salariale. Il faudra aussi s’intéresser aux mises en demeure de l’inspection du travail pour mesurer comment celles-ci traduisent dans les faits les objectifs d’égalité en poussant les entreprises à agir.
Il va sans dire que cela suppose que les contrôles soient être effectifs et que l’inspection du travail dispose des moyens nécessaires à cette action. Il importera d’y veiller dans le suivi de ce projet de loi.
La négociation doit également inclure le sujet du temps partiel. Le ministre du travail l’a souligné devant la Délégation aux droits des femmes. Le temps partiel et plus encore le temps partiel subi, largement féminin, pénalise les femmes dans leur vie professionnelle. Il ne faut pas oublier ses conséquences lourdes aussi en termes de niveau de retraites.
3. L’extension des obligations de représentation équilibrée des femmes et des hommes
Le projet de loi étend, soit directement soit au travers d’une habilitation donnée au Gouvernement, le principe d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans une série d’organismes. Il prolonge ainsi les règles relatives à la composition des instances dirigeantes des entreprises et des nominations au sein de la fonction publique, règles rendues possibles par la révision constitutionnelle de 2008.
Au regard du premier bilan que l’on peut dresser aujourd’hui de l’introduction d’un minimum de 40 % de membres du même sexe dans les conseils de surveillance ou d’administration des entreprises, il est clair que cette obligation a constitué une impulsion décisive. La présence des femmes à des postes de décision s’inscrit progressivement comme une réalité incontournable, rendue possible par les quotas qui ne sont pas une position idéologique mais bien un outil, un moyen d’agir à un moment donné et dans une situation donnée, en l’occurrence une situation de blocage dans laquelle les femmes se heurtent au plafond de verre dans leur progression de carrière.
Il est clair aussi que si les résultats apparaissent progressivement en fonction de l’échéancier prévu par la loi (la part des femmes dans les CA est passée de moins de 11 % en 2009 à plus de 28 % en 2013) beaucoup de femmes dans les entreprises se sont emparées du sujet. Le développement de réseaux de femmes actifs, chose très nouvelle dans notre pays, en est le témoignage.
C’est pourquoi, l’échéancier prévu par le Sénat pour l’entrée en vigueur de cette obligation dans les entreprises non cotées mais répondant à certains seuils en termes de salariés et de chiffres d’affaires n’était pas admissible. Cette obligation doit s’appliquer non pas à partir de 2020 (presque 10 ans après le vote de la loi !) mais à partir de 2017 comme pour les autres entreprises, justement pour profiter du mouvement ainsi créé.
AUDITION DE MME NAJAT VALLAUD-BELKACEM, MINISTRE DES DROITS DES FEMMES
Au cours de sa séance du mardi 10 décembre 2013, la Commission procède à l’audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, sur le projet de loi.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, venue nous présenter le projet pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dont notre collègue Sébastien Denaja est le rapporteur et que notre Commission examinera le 18 décembre prochain. L’occasion vous est ainsi donnée, madame la ministre, de nous dire aussi votre sentiment sur l’enrichissement de ce texte au cours de sa lecture au Sénat, d’une manière quelque peu surprenante au regard de la cohérence que vous souhaitiez lui donner. Je ne doute pas que, si l’objectif initial a été dévié, l’Assemblée nationale s’attachera à redresser la trajectoire.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Un Gouvernement qui a souvent souligné que l’essentiel, en matière de droits des femmes, est l’effectivité de la législation existante devait-il élaborer un nouveau texte relatif à l’égalité entre les sexes ? Oui, il le devait. Depuis dix-huit mois, je me suis employée à faire appliquer le droit existant, notamment en matière d’égalité professionnelle, si bien que les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations sont finalement sanctionnées sur le plan financier. Toutefois, des lacunes demeurent, notamment dans notre législation sociale : ainsi, des femmes restent démunies en cas d’impayés de pensions alimentaires, et l’ordonnance de protection, utile dispositif adopté en 2010, doit être renforcée. Un texte devait combler ces failles, tout en apportant un souffle et une ambition à la politique suivie.
Pourquoi, par ailleurs, inclure dans le champ d’un seul texte des dispositions portant sur l’égalité professionnelle, d’autres sur les violences faites aux femmes, d’autres encore sur le respect de la parité ? C’est qu’il y a une continuité dans les inégalités, et que nous devons nous y attaquer de manière cohérente. Voilà pourquoi le projet traite à la fois de la répartition des tâches domestiques ; de la situation des femmes après que les couples se sont séparés ; de la lutte contre les violences faites aux femmes au sein des couples ; de la parité dans l’accès aux responsabilités. Ces questions intimement liées en disent long sur une structuration sociale qui tolère que les femmes soient systématiquement moins bien considérées que les hommes.
Telles sont les préoccupations que traduit le texte. Dans le premier titre, consacré à l’égalité professionnelle, le projet traite – enfin – de la répartition des tâches familiales. En proposant une réforme du congé parental, qui permet aux pères de prendre un tel congé de six mois – c’est une possibilité qui leur est offerte, non une obligation qui leur est faite –, nous agissons sur la sphère domestique car nous savons ses effets sur l’égalité professionnelle : tout en incitant les pères à partager les responsabilités parentales, nous visons à réduire l’éloignement des femmes du marché du travail pendant trois ans, dont toutes les études montrent l’effet préjudiciable pour la suite de leur carrière.
Par ailleurs, nous simplifions et rendons plus efficace la négociation sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise. Dans le rapport de situation comparée, des indicateurs plus lisibles permettront de mieux évaluer si l’entreprise se conforme ou non à ses obligations. Le projet prévoit ainsi la création d’un indicateur permettant de suivre la part des femmes dans les taux de promotion et le Sénat a ajouté l’analyse des écarts de rémunération par niveaux de qualification et par âge.
D’autre part, je recevrai sous peu le rapport de la mission sur les techniques de preuves en matière de discriminations collectives confiée à Mme Laurence Pécaut-Rivolier ; je proposerai par amendement d’introduire dans le texte ses recommandations tendant à rendre possible l’action de groupe en de tels cas.
Enfin, comme l’ont fait notamment le Québec et la Belgique, nous jouons sur le levier puissant de la commande publique : les entreprises de plus de cinquante salariés devront démontrer le respect de leurs obligations en matière d’égalité professionnelle pour soumissionner à des marchés publics.
Le deuxième titre du projet prévoit des dispositions relatives à la lutte contre la précarité des femmes. Ces dernières années, les pouvoirs publics ont ignoré les conséquences de la séparation d’un couple. Or, la séparation induit une vulnérabilité différente selon que l’on est une mère, qui se trouve souvent plongée dans la précarité économique, ou un père – dont les liens avec ses enfants se distendent, les hommes s’étant peu investis avant la séparation dans la vie domestique et dans le foyer. Sachant que 40 % des pensions alimentaires sont impayées ou payées irrégulièrement, il importait de faire sortir les mères concernées de la « galère » dans laquelle elles se trouvent alors plongées. Aussi avons-nous décidé d’instaurer une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaire, assurée par les caisses d’allocations familiales (CAF). Les caisses joueront le rôle de médiateur entre les membres du couple séparé et se substitueront au parent défaillant dès la première mensualité impayée en versant une allocation de soutien familial qu’elles se chargeront ensuite de recouvrer auprès du débiteur. C’est une belle réforme, que nous expérimenterons pendant dix-huit mois dans une vingtaine de départements pour mettre au point des techniques de médiation adaptées.
Toujours pour aider les familles monoparentales modestes après la séparation, nous instituons la prise en charge des frais de garde par des assistants maternels en tiers payant.
Le troisième titre du texte s’articule avec le 4e plan de lutte contre les violences faites aux femmes que j’ai annoncé il y a quelques jours : nous transcrivons dans la loi les mesures d’ordre législatif qu’il contient. L’efficacité de l’ordonnance de protection est renforcée, sa durée étant portée à six mois et sa délivrance accélérée ; le téléphone portable d’alerte « grand danger » est généralisé dans le cas de violences conjugales, mais aussi de viols – c’est un enrichissement du texte lors de sa lecture au Sénat ; mesure très attendue, la médiation pénale est supprimée dans les cas de violences conjugales ; l’éviction du conjoint violent du domicile est rendue systématique ; enfin, les femmes étrangères victimes de violences conjugales ou de traite sont exonérées de taxes et de timbres pour leur demande de titres de séjour.
Le projet crée aussi une mesure à laquelle je tiens particulièrement : le suivi des auteurs de violences et la prévention de la récidive par le biais de stages spécifiquement conçus pour les auteurs de violences faites aux femmes. Cette disposition pédagogique innovante est d’autant plus utile que, très souvent, le couple reste formé après que des violences ont été commises. Enfin, nous proposons de confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) une nouvelle prérogative, qui le conduira à veiller avec vigilance à ce que les médias ne diffusent rien qui porte atteinte à la dignité des femmes : images dégradantes, violences qui leur sont faites ou stéréotypes sexistes.
Le quatrième titre du projet contient des dispositions visant à mettre en œuvre la parité. Les obligations instituées en cette matière pour les élections législatives n’ont manifestement pas suffi ; nous proposons donc de doubler les sanctions financières encourues par les partis politiques qui ne respectent pas le principe de la parité. Le texte fait passer de 75 % à 150 % de l’écart entre le nombre de candidats et le nombre de candidates le taux de modulation prévu sur la première fraction de financement public des partis politiques. Cette mesure aura un effet dissuasif certain.
Enfin, le texte généralise le principe de la parité, qui s’imposera à tous les secteurs, toutes les responsabilités et toutes les fonctions, dans les fédérations sportives comme dans les organismes consulaires, ordres professionnels, autorités administratives indépendantes et commissions consultatives placées auprès de l’État. La composition de quelque six cents organismes devra ainsi être reconsidérée.
Je conclurai par un mot sur la manière dont le texte a été complété au Sénat. Je suis très attachée à ce que la colonne vertébrale du projet soit préservée. Il ne s’agit pas d’adopter un projet traitant de « diverses dispositions relatives aux femmes », et nous devons donc éviter de nous disperser. Ce disant, je pense notamment aux dispositions privilégiant le recours à la résidence alternée introduites par le Sénat contre l’avis du Gouvernement. Outre que l’amendement est critiquable sur le fond car il n’évoque pas l’intérêt supérieur de l’enfant comme pivot de la décision du juge, il n’a pas sa place dans ce texte. Je demanderai donc la suppression de cette disposition.
À l’initiative de Mme Chantal Jouanno, préoccupé par la question de l’hyper-sexualisation des petites filles, le Sénat a d’autre part introduit dans le projet l’interdiction des concours de beauté pour enfants, dit concours de « mini-miss ». Dans l’absolu le sujet mérite notre attention, et nous devons nous doter des outils nécessaires pour contrôler ce phénomène, mais j’estime que la mesure adoptée – de caractère général et assortie de peines très fortes en cas d’infraction – est excessive et je souhaite que votre Assemblée se saisisse de ce sujet. Je préconiserais de limiter l’interdiction aux concours de beauté pour les mineurs de 13 ans et de prévoir, pour les enfants âgés de 13 à 18 ans, un dispositif d’autorisation individuelle.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame la ministre, je vous remercie. La parole est à notre rapporteur, et j’indique d’emblée que je compte sur lui pour que les très nombreuses demandes de remise de rapports du Gouvernement au Parlement contenues dans le texte issu du Sénat ne franchissent pas le seuil de la salle de notre Commission.
M. Sébastien Denaja, rapporteur. La « jurisprudence Urvoas » sur les rapports demandés au Gouvernement sera appliquée sans faillir, monsieur le président.
Pendant l’un de ces moments de grâce où l’on peut mettre en adéquation ses convictions et ses actes, je m’occupais hier de mon fils de 22 mois, et regardais en sa compagnie une émission pour les enfants à la télévision. Il se trouve que celle-ci a été suivie d’une autre – Les Maternelles – au cours de laquelle je vous ai entendue défendre, madame la ministre, le projet de loi que vous êtes venue nous présenter aujourd’hui. J’ai alors assisté à un épisode instructif : le journaliste demandant à un jeune garçon si, selon lui, l’égalité entre les femmes et les hommes était réalisée en France, celui-ci a répondu : « Pas complètement, mais assez ». Cette réponse résume l’objectif du projet de loi : passer de « assez » à « complètement », c’est-à-dire aller à l’idéal en comprenant le réel selon les mots de Jean Jaurès.
Le texte aborde pour la première fois la question de l’égalité entre les femmes et les hommes de manière transversale. C’est nécessaire, car les inégalités persistantes appellent une réponse globale. Nous veillerons à ce que le texte issu du Sénat retrouve, par une rédaction resserrée, sa cohérence et sa clarté initiales. Pour ce qui est de l’égalité professionnelle, je vous ai entendue avec plaisir, madame la ministre, évoquer la possibilité d’éventuelles actions de groupe en matière de discriminations, salariales notamment, entre hommes et femmes. Sans revenir en détail sur le corps du texte, que vous nous avez présenté de manière exhaustive, je salue un projet qui fera considérablement progresser les droits des femmes. Nous répondrons ainsi au souhait exprimé par le président de la République : passer d’une égalité de droits à une égalité réelle.
Ma première question a trait à la démarche expérimentale prévue dans trois articles du projet : l’article 5, qui porte sur la conversion des droits accumulés sur le compte épargne-temps pour financer des prestations de garde d’enfant ; l’article 6, qui tend à améliorer les conditions de versement de l’allocation de soutien familial (ASF) en cas de non-paiement de la pension alimentaire ; l’article 6 septies, introduit par le Sénat en première lecture pour expérimenter le versement du complément de mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) directement à l’assistante maternelle. Pourquoi recourir ainsi aux expérimentations, au risque de créer des ruptures d’égalité entre les citoyens selon leur département de résidence ? J’envisage de proposer que la durée de ces expérimentations soit réduite à dix-huit mois et je souhaite connaître l’avis du Gouvernement à ce sujet.
L’article 2 institue le partage entre les parents du complément de libre choix d’activité (CLCA), dénommé « prestation partagée d’accueil de l’enfant » par le Sénat. Je lui préférerais un autre intitulé : la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE). Y seriez-vous favorable ?
Je salue à cet article l’une des mesures phares du projet, qui vise à impliquer davantage les pères dans l’éducation des jeunes enfants et à provoquer l’évolution des mentalités en incitant les hommes à prendre un congé parental à la naissance de leur enfant. Actuellement, seuls 18 000 pères le font chaque année ; à en croire l’étude d’impact, la mesure nouvelle permettrait que l’on parvienne à 100 000. Cependant, le niveau de remplacement du salaire pourrait contrecarrer cet objectif en dissuadant de nombreux pères de s’arrêter de travailler pendant six mois. Aussi conviendrait-il de compléter le dispositif de deux manières : d’une part, en étendant le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) – que le texte permet aussi de partager – aux parents de deux enfants et non plus aux seuls parents de trois enfants et plus, comme c’est le cas aujourd’hui ; d’autre part, en faisant obligation aux pères de prendre leur congé de paternité de 11 jours, ou de 3 jours à tout le moins. Le Gouvernement reprendra-t-il à son compte ces propositions que les contraintes de la recevabilité financière m’empêchent de porter ?
À l’article 3, seriez-vous favorable à l’idée d’étendre aux contrats de partenariat et aux délégations de service public l’interdiction de soumissionner aux marchés publics faite aux entreprises qui ne respectent pas l’égalité entre les femmes et les hommes ? Ne pourrait-on inclure aussi dans ce dispositif les mesures relatives à la représentation des femmes au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance des sociétés ?
Par ailleurs, la suppression « sèche », par le Sénat, de la médiation pénale en cas de violences conjugales ne laisse pas d’interroger. Si cette mesure est supprimée de la palette des juges, ne risque-t-on pas que les parquets classent sans suite nombre de requêtes ? Ne conviendrait-il pas de revenir aux dispositions prévues dans le texte initial ?
Enfin, le Sénat a complété le texte par une disposition interdisant les concours de beauté entre enfants – des fillettes dans la très grande majorité des cas – âgés de moins de 16 ans, dit concours de « mini-miss » et prévu une peine de deux ans d’emprisonnement pour ceux qui ne respecteraient pas cette interdiction. Cela me paraît excessif et je préférerais le dispositif « à deux étages » que vous avez mentionné, prévoyant l’interdiction de ces concours en deçà d’un certain âge et un régime d’autorisation préalable au-delà et jusqu’à seize ou dix-huit ans.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. J’indique que, selon notre pratique coutumière, l’audition, aujourd’hui, de Mme la ministre vaut discussion générale ; aussi engagerons-nous directement, le 18 décembre, l’examen des articles du projet de loi.
Mme Axelle Lemaire. Je vous remercie, madame la ministre, pour le travail que vous menez au Gouvernement et je vous félicite pour l’approche transversale que vous avez retenue. On la retrouve dans ce texte et elle donne une dynamique nouvelle à l’objectif d’égalité réelle que vous visez. Je puis témoigner que la diplomatie commence à porter ses fruits à l’international, même si je regrette amèrement que le Parlement européen, contrairement à ce que souhaitait le groupe socialiste, n’ait pas adopté le rapport Estrela.
J’aimerais connaître votre avis sur plusieurs sujets susceptibles de donner lieu à amendements. En premier lieu, le code du travail interdit l’emploi d’une salariée pendant une durée de huit semaines autour de la date de l’accouchement ; seriez-vous favorable à ce que la loi interdise aussi le travail des pères pendant trois jours, à la naissance de leur enfant, ce qui leur permettrait d’accompagner les mères à un moment crucial de l’exercice de la parentalité ?
Vous avez par ailleurs évoqué la « galère » vécue par certaines femmes élevant seules leurs enfants et qui subissent les contraintes du travail à temps partiel. De fait, 83 % des salariés à temps partiel sont des femmes, et nombre d’entre elles sont soumises à un travail précaire, singulièrement dans le secteur des emplois de services à la personne. Ces emplois exigent souvent la station debout, un travail répétitif, des postures contraignantes, de multiples déplacements, des horaires matinaux ou très tardifs et des amplitudes horaires excessives ; tout cela conduit bien souvent à des troubles musculo-squelettiques. Soutiendriez-vous un amendement faisant bénéficier les employés de ce secteur des mêmes examens médicaux que les autres professions à forte pénibilité ?
Dans un autre domaine, que penseriez-vous de la création d’une crèche à l’Assemblée nationale ?
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il ne me paraît pas que cela soit l’affaire du Gouvernement.
Mme Axelle Lemaire. Soit ; mais aurait son utilité le fait que la ministre des Droits des femmes exprime, par principe, le sentiment que, dans le temple de la démocratie, il est anormal qu’un service de garde des jeunes enfants ne soit pas proposé aux très nombreux salariés qui y travaille.
S’agissant du renforcement de la féminisation de la vie politique, approuveriez-vous que le statut du suppléant du député soit modifié pour permettre qu’il remplace une députée en cas de congé maternité, comme cela se pratique dans certains pays nordiques ?
Le Gouvernement s’est saisi de la préoccupante question des mariages forcés, et la loi du 5 août 2013 a introduit dans le code pénal une nouvelle incrimination permettant de sanctionner les parents qui envoient leur enfant « au pays » pour y être marié sous la contrainte. Vous avez aussi demandé à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) d’évaluer les conséquences de l’application du droit international privé sur le droit des femmes. Dans son avis, la CNCDH formule des propositions de nature législative propres à pallier les difficultés de coordination en droit international ; êtes-vous favorable à ce que de telles dispositions soient transcrites dans la loi ?
Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Nous sommes unanimes à considérer le texte qui nous est soumis aujourd’hui comme un progrès marquant sur la voie de l’égalité entre les femmes et les hommes. Je salue la démarche intégrée qui a été choisie ; elle montre votre volonté, madame la ministre, de conduire une politique transversale pour mettre fin aux inégalités, encore criantes, entre les sexes. Cependant, au cours des auditions, certaines interrogations, demandes et critiques ont été exprimées, sur lesquelles j’aimerais connaître votre position.
Que répondre aux associations qui voient dans le partage entre les parents du complément de libre choix d’activité (CLCA) une mesure d’économie davantage qu’un souci de partage des responsabilités ? Que dire à ceux qui jugent que l’inclusion du congé maternité dans le décompte de la durée du CLCA pénalisera les parents d’un seul enfant ? Seriez-vous favorable à l’extension du complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) aux familles de deux enfants et à l’allongement de la durée du congé parental pour les familles accueillant des triplés ? Que penseriez-vous de la fusion entre le congé de naissance et le congé de paternité en cas de naissances multiples ? Pourriez-vous envisager de rendre obligatoire la première fraction du congé de sept jours consécutifs à la naissance de l’enfant ?
S’agissant des violences faites aux femmes, seriez-vous favorable à la suspension de l’autorité parentale pour l’auteur des violences pendant la durée de l’ordonnance de protection ? Approuveriez-vous la suppression de l’autorité parentale quand il y a crime sur le conjoint ? Accepteriez-vous de reconnaître à l’enfant le statut de victime en cas de violences aggravées commises sur sa mère, et en cas de récidive ? Approuveriez-vous le principe de l’injonction d’expertise psychologique et d’obligation de soins pour les auteurs de violences ?
Enfin, envisagez-vous des dispositions sur l’inceste ?
M. Guy Geoffroy. J’approuve les orientations et le contenu du texte. Comme vous, madame la ministre, et comme le rapporteur, je serais favorable à ce que certaines des évolutions apportées par le Sénat ne prospèrent pas.
Pourriez-vous confirmer que rien n’est changé de l’esprit de la loi de 2010 relative aux violences faites aux femmes, et que l’on continuera de lutter contre ces violences après la dissolution du mariage ? Une ambiguïté dans votre propos évoquant les violences au sein des couples m’a fait douter qu’il en soit bien ainsi et il serait malencontreux que l’on revienne sur une disposition nécessaire.
Nous avions pensé avoir trouvé, en 2010, la solution répondant à toutes les attentes en définissant le moment à partir duquel on pouvait considérer que des violences conjugales sont avérées : quand l’ordonnance de protection est rendue. Il était établi qu’alors, sauf volonté expresse de la victime des violences, le recours à la médiation pénale serait impossible dans le cadre d’une procédure engagée pour obtenir une ordonnance de protection. Vous allez plus loin et j’en suis d’accord, mais les dispositions que vous proposez seront-elles aisément mises en œuvre ? À partir de quel moment et comment une juridiction considérera-t-elle que le « statut » de victime est avéré, de manière que le recours à la médiation pénale soit interdit d’office par le parquet ?
Mme Catherine Coutelle. Nous nous félicitons de ce projet de loi. La Délégation aux droits des femmes a auditionné la ministre, qui a d’ores et déjà répondu à certaines de nos préoccupations. Le texte doit conserver toute sa force, et ses orientations principales, leur clarté. À cet égard, nous avons voulu définir, à l’article premier, ce que doit comporter une politique d’égalité entre les hommes et les femmes ; je souhaite donc vivement la suppression, au deuxième alinéa, de l’adverbe « notamment », qui laisse entendre que cette politique pourrait avoir d’autres composantes, non dites. Par ailleurs, ne pourrait-on écrire que « la loi garantit la parité » ? La volonté de parité n’est jamais flagrante. D’ailleurs, depuis que ce projet est annoncé, on a entendu s’exprimer toutes sortes de frilosités et de corporatismes bien connus dans des secteurs où la parité est loin d’être acquise. Nous ne devons pas hésiter à agir pour qu’elle progresse assez vite – et, pour moi, la parité signifie 50 % d’hommes et 50 % de femmes, et cela exclusivement.
Le texte met avec raison l’accent sur certains aspects jusqu’ici occultés ou oubliés. Je suis particulièrement satisfaite que le projet souligne la précarité subie par les femmes chefs de famille après un divorce : une récente étude conduite par deux sociologues, qui ont suivi des juges aux affaires familiales pendant un an, a mis en lumière que les ressources des femmes diminuent de 20 à 25 % à la sortie du tribunal entérinant la séparation, alors que celles des hommes augmentent après le divorce. Il y a là une inégalité fondamentale à laquelle le texte apporte un début de correction.
En revanche, le projet ne dit rien de la féminisation des noms de métiers et des titres. Je sais l’objection qui me sera faite, une fois de plus : « L’Académie ! L’Académie ! ». Mais doit-on vraiment en rester à la France du XVIIe siècle et aux prescriptions des Académiciens français qui, en 1647, expliquaient posément que « le genre masculin étant le plus noble, il doit prédominer chaque fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble » ?
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Si vous ouvrez la liste des citations trouvées, à ce sujet, dans le dictionnaire de l’Académie française, nos débats risquent de perdre en sérénité…
M. Bernard Lesterlin. Je m’associe aux appréciations très positives déjà portées sur le texte. Je suis très attaché au travail que vous accomplissez, madame la ministre, à votre engagement et au projet auquel vous avez abouti. Je souhaite vous poser deux questions au nom de Mme Marie-Françoise Clergeau, qui est retenue par ses obligations de Questeure de l’Assemblée nationale. La première a trait au COLCA, actuellement réservé aux parents de trois enfants ; seriez-vous favorable à une expérimentation, dans certains départements, tendant à en étendre le bénéfice aux familles de deux enfants ? Notre collègue souhaite également savoir si vous accepteriez d’aligner la durée du congé parental d’éducation pour les familles qui accueillent des triplés sur celle de la prestation partagée d’accueil de l’enfant, qui peut atteindre six ans.
À titre personnel, j’aimerais des précisions sur les activités de l’Observatoire des violences faites aux femmes.
Mme Brigitte Bourguignon. Je vous remercie, madame la ministre, pour ce texte. Ma question portera sur le volet relatif à la parité. Nous savons, toutes et tous, que certains partis politiques préfèrent perdre une partie d’un financement public plutôt que de présenter des candidates aux élections législatives. Dans ce contexte, doubler la retenue sur ce financement en la faisant passer à 150 % aura-t-il un effet suffisamment dissuasif ? Ne faudrait-il pas faire passer la modulation de la première fraction du financement de 75 % à 200 % de l’écart entre le nombre de candidats et le nombre de candidates, et durcir aussi la modulation relative à sa deuxième fraction ? Enfin, la méthode du rattachement permet, on le sait, de présenter plus de candidats élus que de candidats investis.
La parité doit s’appliquer dans le sport, bien sûr, mais il convient surtout d’établir une règle générale valant pour toutes les structures, dans tous les domaines.
Mme Sophie Rohfritsch. Vous avez partiellement répondu, madame la ministre, à la question que je souhaitais vous poser sur la préférence affichée par le Sénat pour la résidence alternée des enfants lorsque les parents se séparent. J’appelle particulièrement votre attention sur les séparations faisant suite à des violences commises sur la femme. En ce cas, la résidence alternée ne serait à l’évidence pas une bonne solution pour l’enfant, qui a subi un traumatisme durable. J’espère donc que nos collègues reviendront sur cette disposition.
Mme Colette Capdevielle. Nous sommes assez nombreuses et assez nombreux à souhaiter le recentrage du texte sur ce qui en constitue le cœur : l’égalité entre les hommes et les femmes. Permettre qu’il se disperse réduirait sa portée, alors qu’il doit marquer durablement le quinquennat.
Le recours à l’ordonnance de protection progresse à l’allure d’une tortue tétraplégique et, de plus, de manière très inégale selon les départements. Cela peut avoir des conséquences dramatiques. En particulier, lorsqu’une plainte a été déposée au pénal, le juge civil ne veut pas se prononcer avant que cette plainte ait abouti. Tout se passe comme si, au moment d’accorder l’ordonnance de protection, les magistrats éprouvaient des difficultés à évaluer s’il existe des raisons sérieuses de considérer vraisemblables la commission des faits de violence allégués et les dangers auxquels la victime est exposée. Quels sont les freins à l’application de cette mesure ? Comment agir pour qu’elle soit généralisée en France comme elle l’est en Espagne depuis 1989 ?
Après qu’une ordonnance de protection a été rendue, le conjoint marié qui, par la suite, dépose une demande de divorce ou de séparation de corps peut de facto bénéficier du renouvellement de la mesure dans le cadre de l’ordonnance de non-conciliation. Mais encore faut-il que cette décision intervienne dans le délai de quatre mois actuellement - ce qui ne se peut aujourd’hui étant donné l’encombrement des juridictions - , et de six mois si le projet est adopté. Si le délai est dépassé, un vide juridique se crée qui entraîne des situations extrêmement difficiles, et quand le défendeur se livre à des manœuvres dilatoires en demandant des renvois successifs, la victime se trouve finalement sans protection, et le conjoint violent peut réintégrer le domicile conjugal. Le même vide juridique vaut pour les concubins et les couples mariés sans enfant ; que faire dans ces cas ? Au moins faudrait-il ouvrir aux victimes de violences domestiques la possibilité de renouveler une fois, sinon deux, l’ordonnance de protection. Pour les couples non mariés qui ont des enfants, le renouvellement pourrait intervenir dans le cadre de la saisine du juge aux affaires familiales appelé à régler les modalités de la vie de l’enfant ; qu’en pensez-vous ?
Mme Édith Gueugneau. Je juge ce texte d’une importance particulière car j’observe une régression de l’égalité entre les hommes et les femmes et la propagation d’une forme d’irrespect à l’égard des femmes. Des formations destinées aux élus hommes des collectivités locales, bien trop enclins à des attitudes dévalorisantes et sexistes à l’égard du personnel féminin, seraient nécessaires. Vous avez institué « l’ABC de l’égalité » pour les enfants, madame la ministre ; cette formation devrait être poursuivie tout au long de la vie.
Le Gouvernement a annoncé la création de 1 650 places d’hébergement d’urgence destinées aux femmes victimes de violences. Parallèlement, la loi de 2010 a prévu la possibilité de conventions entre l’État et les bailleurs d’une part, l’État et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) d’autre part, pour augmenter le nombre de logements destinés aux victimes de violences conjugales. Je sais que le CROUS de Versailles a signé une convention de ce type, mais la disposition est-elle généralisée, comme le souhaitait le législateur ? Certains départements, la Saône-et-Loire par exemple, n’ont pas davantage signé de convention à cette fin avec l’État ; là encore, comment inciter à la généralisation ? Enfin, ne pourrait-on envisager des conventions de ce type entre l’État et les collectivités et les communes, acteurs importants en matière de logements, particulièrement en milieu rural ?
Mme Maud Olivier. En matière de viol, le délai de prescription est de dix ans à partir du jour où il a été commis, sauf pour les mineurs de quinze ans, pour lesquels le délai, outre qu’il commence à courir le jour de leur majorité, est doublé. Seriez-vous favorable à l’allongement du délai de prescription à vingt ans pour les personnes majeures aussi ?
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame Zimmermann, vous qui avez présidé la délégation aux droits des femmes, souhaitez-vous dire un mot ?
Mme Marie-Jo Zimmermann. Puisque vous m’y invitez, monsieur le président, je dirai seulement que je suis très heureuse que ce projet nous soit présenté. Tout ce qui va dans le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes m’agrée.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Alors qu’un groupe de travail a été constitué pour étudier les modalités d’exercice de la coparentalité, l’ajout par le Sénat de dispositions relatives à la résidence alternée pour l’enfant en cas de séparation des parents me gêne ; je plaide en faveur de leur suppression. Le sujet n’est pas indifférent mais il doit être traité dans le cadre d’une réflexion globale, dans l’optique de l’intérêt supérieur de l’enfant, et trouver sa place dans un véhicule législatif plus approprié.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je crois comprendre que par « véhicule législatif plus approprié », vous faites allusion à la future loi sur la famille, dont la commission des Lois sera naturellement saisie.
Mme Cécile Untermaier. Je souhaite également la suppression de ces dispositions, et aussi de celles qui concernent les concours de beauté pour « mini-miss ». Ces deux sujets touchent à l’intérêt supérieur de l’enfant, non à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Je partage l’avis exprimé par Mme Colette Capdevielle à propos de l’ordonnance de protection, mais je souhaite que l’on aille plus loin en prévoyant qu’une fois l’ordonnance rendue, un délai d’un mois s’ouvre qui permette l’examen des droits sociaux ouverts à la personne ainsi reconnue victime de violences – droits sociaux que la séparation a modifiés.
Je souligne tout l’intérêt de l’article 4, grâce auquel le contrat de travail de la collaboratrice libérale ne pourra plus être rompu unilatéralement en cas de grossesse – ce qui est très souvent le cas dans les petites structures – mais seulement suspendu.
Enfin, je suis très réservée à l’idée qu’une victime de violences graves doive consentir à une médiation pénale.
Mme la ministre. Ces nombreuses questions montrent votre intérêt pour ce texte ; je vous en remercie. Je vous remercie aussi, monsieur le rapporteur, pour votre travail de qualité. La démarche expérimentale ne doit pas donner lieu à malentendu : il ne s’agit aucunement de repousser les choix faits dans le cadre de ce projet, mais bien d’aboutir à une généralisation aussi rapide que possible, et en tout cas au cours du présent quinquennat. Nous souhaitons toutefois tester les dispositifs, notamment pour le versement des pensions alimentaires. Je me suis rendue dans le Rhône et en Haute-Garonne, deux des vingt départements qui participeront à l’expérimentation, où j’ai rencontré des agents des CAF très engagés dans l’élaboration des nouvelles procédures. Cette manière de procéder me paraît plus intéressante que lorsque les lois, parce qu’elles n’ont pas été intériorisées par ceux qui sont chargés de les appliquer, ne le sont pas. Les expérimentations sociales ainsi menées créent une émulation entre les CAF, qui cherchent à développer une expertise propre – sur le difficile sujet du recouvrement des pensions alimentaires à l’étranger par exemple. Ces expérimentations se justifient pleinement, et la durée de dix-huit mois prévue me semble être la bonne. Nous avons par ailleurs, souhaité expérimenter la mesure relative au compte épargne-temps pour nous assurer, avant de la généraliser, qu’elle ne conduit pas, comme certains de ses détracteurs le disent, à revenir sur les 35 heures.
Votre proposition, monsieur le rapporteur, consistant à renommer « prestation partagée d’éducation de l’enfant », PreParE, la prestation partagée d’accueil de l’enfant me paraît excellente.
Les parents de trois enfants et plus peuvent actuellement renoncer à prendre le congé parental de trois ans au profit d’un COLCA, plus court – un an – mais mieux rémunéré – 800 euros au lieu de 400 ou 500 euros. Plusieurs d’entre vous, dont Mme Marie-Françoise Clergeau, ont suggéré d’ouvrir cette possibilité aux familles de deux enfants, à titre expérimental. Je me félicite de cette dernière précision, car il faut éviter qu’en ouvrant une possibilité supplémentaire, on n’incite des femmes qui ne l’auraient pas fait hors ce cadre à s’arrêter de travailler pendant un an, ce qui a un effet néfaste sur la suite de leur carrière. Je trouve intéressant d’avoir un outil de plus dans la palette à proposer aux ménages. Je suis donc favorable à cette proposition sous la forme d’une expérimentation dont le bilan sera évalué.
Vous avez suggéré, monsieur le rapporteur, de rendre obligatoire le congé de paternité. L’idée, séduisante, suscite une difficulté juridique : si l’obligation faite aux mères de ne pas travailler dans les semaines qui entourent la naissance se justifie par le souci de protéger leur santé, l’argument ne vaut pas pour les pères. D’autre part, étant donné le niveau d’indemnisation de ce congé, le rendre obligatoire pourrait poser des problèmes financiers à certaines familles. Je rappelle que le congé parental reste optionnel.
Cependant, la courbe du congé de paternité est fortement ascendante. Déjà, deux tiers des pères en usent, mais de manière contrastée : ils sont près de 100 % à le faire dans la fonction publique, et 30 % dans les professions indépendantes – mais comment obliger un boulanger, par exemple, à s’absenter trois jours ? Je privilégierais plutôt une autre approche. Les sommes dépensées par les employeurs pour financer les congés paternité sont prises en compte au titre de la prévoyance complémentaire, si bien qu’elles ouvrent droit à des déductions fiscales et sociales, mais cette disposition, méconnue, n’est presque jamais utilisée. Je serais donc favorable à la sensibilisation des employeurs à ce sujet, pour inciter les nouveaux pères à prendre le congé de paternité, dont l’attrait serait ainsi rappelé.
Je ne vois pas d’objection à étendre aux contrats de partenariat l’interdiction de soumissionner aux marchés publics faite aux entreprises qui ne respectent pas l’égalité entre les femmes et les hommes ; pour les délégations de service public, il nous faudra vérifier avec les services du ministère de l’Économie et des finances que la disposition est compatible avec la directive sur les concessions. En revanche, le Conseil d’État, considérant que la mesure introduirait une rupture d’égalité entre les hommes et les femmes et une atteinte à la liberté d’accès à la commande publique, nous a dissuadés d’inclure dans ce dispositif les mesures relatives à la représentation des femmes au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance des sociétés.
Pour ce qui concerne la médiation pénale en cas de violences conjugales, je suis comme vous, monsieur le rapporteur, favorable au retour au texte initial, qui laisse au juge un pouvoir d’appréciation.
La proposition faite par Mme Cécile Untermaier de retrancher du texte toute mesure relative aux concours de beauté pour « mini-miss » me surprend, car une disposition relative à des cas d’hyper-sexualisation des petites filles, selon le juste terme de la sénatrice Chantal Jouanno, a toute sa place dans un texte relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous pourrions nous mettre d’accord sur un dispositif « à deux étages » moins catégorique que l’interdiction absolue voulue par le Sénat, en prévoyant l’interdiction de tels concours pour les mineurs de 13 ans et, pour les enfants âgés de 13 à 16 ans, un régime d’autorisation individuelle tel qu’il en existe pour les enfants engagés dans les entreprises de spectacle ou employés comme mannequins.
Je partage les préoccupations exprimées par Mme Axelle Lemaire à propos des femmes employées dans le secteur des services à la personne, pour la plupart peu diplômées et d’un âge moyen assez élevé. Ces activités, pour lesquelles les conditions de travail laissent à désirer, devraient être un sas permettant la promotion à d’autres emplois, mais elles se révèlent vite une impasse faute de formation des salariées concernées. Cela étant, par leur présence, les employées du service à la personne permettent aussi à d’autres femmes de travailler. Mon collègue Michel Sapin, ministre du Travail, et moi-même, avons décidé d’engager une réflexion conjointe à ce sujet, à laquelle j’aimerais vous associer, madame Lemaire. Nous organiserons prochainement une conférence de progrès sur la qualité de l’emploi dans ce secteur. Nous voulons évaluer les perspectives qu’offrent les services à la personne, de manière que les dispositions nécessaires figurent notamment dans le texte à venir sur la formation professionnelle, qu’il s’agisse de la formation, de la mutualisation des employeurs ou de l’organisation de la journée de travail pour éviter l’émiettement des heures travaillées. Je suis assez ouverte aux propositions d’amendements sur la pénibilité, mais sachez que toutes les réponses à ces questions ne trouveront pas leur place dans le texte qui vous est présenté aujourd’hui.
Le Gouvernement n’a bien sûr aucune opinion sur la création d’une crèche à l’Assemblée nationale… mais je pourrais vous dire, hors les murs de votre Commission, tout le bien que j’en pense. De même, c’est du Parlement que relève la modification, qui me paraît très pertinente, du statut du suppléant permettant qu’il se substitue à une députée en congé de maternité. La question me semble devoir être creusée tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat et dans les assemblées locales.
Vous l’avez rappelé, le Gouvernement a introduit dans la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice une nouvelle incrimination visant les mariages forcés. Outre cela, j’ai demandé à M. Olivier Noblecourt, adjoint au maire de Grenoble, de présider une mission de réflexion sur les femmes migrantes et le droit. Il rendra ses conclusions sous peu et je compte m’appuyer sur ses préconisations pour enrichir le texte.
Non, madame Orphé, le partage du CLCA entre les parents n’est pas une mesure d’économie, puisque si les pères ne prenaient pas tous, tout de suite, le congé parental, les ressources ainsi rendues disponibles seraient intégralement consacrées à la création de places de crèches d’une part, à l’accompagnement des femmes sans emploi à la fin de la période de versement du CLCA d’autre part. Nous souhaitons vivement inciter à ce partage. C’est possible, la réforme allemande de 2007 qui a inspiré cette mesure le montre : cinq ans après son entrée en vigueur, 20 % des pères d’Allemagne avaient recours au dispositif ; ils n’étaient que 3 % avant la réforme.
Il n’est nullement question de réduire la durée du congé pour le premier enfant ; la rédaction du texte sera corrigée pour lever toute ambiguïté à ce sujet.
Je donnerais un avis favorable à un amendement qui viserait, comme Mme Marie-Françoise Clergeau et vous-même l’avez suggéré, à aligner la durée du congé parental d’éducation pour les familles qui accueillent des triplés sur celle de la prestation partagée d’accueil de l’enfant.
C’est exact, la législation n’est pas aussi claire qu’elle devrait l’être sur ce qu’il advient de l’autorité parentale de l’auteur de violences ou de crime sur conjoint. C’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit guider notre action. Je serais donc très favorable à ce qu’un amendement prévoie les règles de suspension de l’autorité parentale en ce cas.
Enfin, Mme Marie-Louise Fort avait déposé une proposition de loi relative à l’inceste, mais le texte, tel que complété par le Sénat, a été censuré par le Conseil constitutionnel. Je serais favorable à ce que l’on en revienne à l’esprit initial de la proposition et je serais favorable au dépôt d’un amendement en ce sens. Sur cette question, vous le savez, les avis sont partagés, certains estimant qu’une loi sur l’inceste n’aurait de valeur que symbolique. Mais la loi doit précisément avoir valeur symbolique ; de plus, ne pas devoir prouver le non-consentement à l’inceste modifie la perspective.
Sans doute ai-je parlé de manière elliptique, monsieur Geoffroy, mais soyez assuré que la lutte contre les violences faites aux femmes continuera tant pendant la vie conjugale qu’ultérieurement.
Je ne m’opposerais pas, madame Coutelle, à la suppression du mot « notamment » au deuxième alinéa de l’article premier, et j’approuverais l’introduction dans le texte de la phrase « la loi garantit la parité » ; j’ai même souhaité qu’elle figure dans la Constitution, sans obtenir gain de cause à ce jour. Peut-être le projet a-t-il perdu un peu, lors de son passage au Sénat, pour ce qui est des mesures relatives à la parité dans le sport ; je serais favorable, à ce sujet, au retour au texte initial, équilibré.
La féminisation des noms appelle une réflexion, mais les décisions éventuelles à ce sujet ne sont pas nécessairement d’ordre législatif.
Monsieur Lesterlin, l’Observatoire des violences faites aux femmes a été installé sous le nom de « mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains » (MIPROF). La MIPROF, outil d’innovation et de recherche, œuvre à la cohérence de notre politique de lutte contre les violences faites aux femmes. Elle travaille activement à la réalisation d’un plan de formation des professionnels concernés par les violences faites aux femmes et, avec les administrations de l’État, aux procédures qui permettront l’extension du téléphone « grand danger », ainsi qu’au dispositif d’hébergement d’urgence des femmes victimes de violence. Elle collationne les statistiques et mène des enquêtes. À ce sujet, j’indique qu’une nouvelle enquête nationale sur les violences et rapports de genre, dite enquête Virage, a été lancée, pour la première fois depuis douze ans ; elle se poursuivra jusqu’en 2016 et concernera également l’outremer.
Nous voulions, madame Bourguignon, supprimer tout financement public des partis politiques qui ne respectent pas strictement la parité hommes-femmes. Mais le Conseil d’État a considéré que, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à libre expression du suffrage, la diminution de la première fraction de ce financement ne devait pas excéder 150 % de l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté au nombre total de ces candidats. Pour la même raison, on ne peut agir sur la deuxième fraction de ce financement car ce sont les électeurs qui font le libre choix de leurs élus. La suppression complète du financement public d’un parti politique à raison du non-respect des règles de la parité n’aura donc jamais lieu.
L’article 18 du projet clarifie les modalités de la prise en compte du rattachement.
M. Bernard Lesterlin. Ne vient-on pas d’imposer par la loi la parité aux élections cantonales ?
Mme la ministre. On le peut pour les élections de listes et pour le cas particulier du binôme prévu pour les élections cantonales, pas pour les élections législatives, qui se font au scrutin uninominal.
Vos propos m’ont rassurée, madame Rohfritsch : je pense que le consensus se fera sur la nécessité de supprimer la disposition introduite par le Sénat relative à la garde alternée.
Il est vrai, madame Capdevielle, que le recours à l’ordonnance de protection progresse lentement ; avocats et magistrats doivent être sensibilisés à l’existence de cet outil. Je serais plutôt favorable à votre proposition tendant à ce que, dans le cas de couples non mariés avec enfants, le renouvellement de l’ordonnance de protection intervienne dans le cadre de la saisine du juge aux affaires familiales appelé à statuer sur les modalités de la vie des enfants. Nous nous sommes rendu compte, lors de l’élaboration du plan de lutte contre les violences faites aux femmes, que l’on peut obtenir une ordonnance de protection en dix jours si tous les acteurs concernés se sont organisés autour des besoins des victimes. C’est ce que nous nous efforçons de mettre en place dans les départements, mais certains éléments restent à préciser dans la loi. On pourrait notamment imposer que l’auteur des violences soit systématiquement convoqué par pli d’huissier, au lieu qu’il faille attendre qu’il aille retirer la lettre recommandée qui lui a été adressée, ce qui allonge les délais. Je suis ouverte aux propositions que vous pourriez faire à ce sujet.
Nous réfléchissons au délai de prescription pour les viols sur majeurs ; comme vous, madame Olivier, je serais plutôt favorable à l’allonger à 20 ans.
Vous avez rappelé, madame Gueugneau, que 1 650 places d’hébergement d’urgence destinées aux femmes victimes de violences seront créés d’ici 2017. Chacun doit prendre la mesure de cet effort : à ce jour, il existe 3 000 places de ce type sur l’ensemble du territoire. Ces créations ne suffiront pas à tout régler, mais l’éviction du conjoint violent du domicile familial devrait donner une solution à des situations critiques. Trop peu de départements ont signé des conventions avec les CROUS. Je ne pense pas qu’il faille modifier la loi sur ce point : il faut la faire appliquer. Aussi ai-je demandé aux préfets de solliciter les collectivités afin qu’elles utilisent systématiquement les possibilités qui leur sont ouvertes à ce sujet. J’ai aussi obtenu de ma collègue ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche – Geneviève Fioraso qui est formidable sur toutes ces questions – qu’elle signe une convention avec le Centre national des œuvres universitaires et scolaires pour donner une nouvelle impulsion à cette disposition.
Comme vous l’avez rappelé, madame Chapdelaine, un groupe de travail réuni sous l’égide de la ministre déléguée à la Famille étudie les modalités d’exercice de la coparentalité. Ses recommandations seront introduites dans le projet de loi sur la famille. De nombreux pères souffrent, et il est légitime de traiter ce sujet dans un cadre ad hoc.
Madame Untermaier, le plan de lutte contre les violences faites aux femmes prévoit la prise en compte de la nouvelle situation des victimes dans le calcul de leurs droits au revenu de solidarité active (RSA) ; une circulaire a été adressée aux CAF et aux caisses de la mutualité sociale agricole pour appeler leur attention sur ce point. Le plan prévoit aussi la disjonction des comptes bancaires et la désolidarisation des dettes. Une réflexion est en cours à ce sujet avec le ministère de l’économie ; ses conclusions n’appelleront pas obligatoirement une traduction législative, mais si ce devait être le cas, les dispositions nécessaires seront introduites dans le texte.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame la ministre, je vous remercie.
La Commission examine les articles du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes, au cours de ses séances du mercredi 18 décembre 2013.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, qui est aussi porte-parole du Gouvernement, se doit de participer au conseil des ministres qui se tient en ce moment. Elle ne pourra donc assister à nos travaux ce matin et nous rejoindra cet après-midi. Ce texte fait d’ailleurs l’objet de nombreux amendements, le Gouvernement continuant pour sa part de nous en adresser. La ministre est venue présenter le projet de loi à la Commission la semaine dernière et nous considérons, selon notre pratique coutumière, que son audition a valu discussion générale. Nous examinerons donc directement les articles. Ce texte a pour fil rouge le renforcement de l’égalité entre les femmes et les hommes ; cela doit nous inciter à repousser la tentation de chercher dans ce cadre à apaiser certaines souffrances, réparer diverses lacunes de notre droit ou faire prospérer des intérêts épars. Aussi bien le rejet de certains amendements devra-t-il être interprété non pas comme des manifestations d’indifférence aux sujets abordés, mais comme le souci de préserver la cohérence interne du texte initial, que les ajouts du Sénat ont peut-être obscurcie.
La Commission en vient à la discussion des articles du projet de loi.
Article 1er
Objectifs de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes
Cet article premier définit les objectifs et les champs d’intervention de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
Il affirme la dimension intégrée de cette politique, qui doit aborder de manière transversale la question de l’égalité entre les sexes, afin que la lutte contre les inégalités soit pris en compte dans l’ensemble des politiques publiques. Cette approche intégrée doit gouverner l’action de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics respectifs.
L’égalité entre les femmes et les hommes est, certes, déjà inscrite dans notre corpus juridique, aux niveaux constitutionnel, conventionnel et législatif :
– elle figure à l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui affirme que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » ainsi qu’au dernier alinéa de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes duquel, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ;
– elle fait partie des obligations internationales et européennes de la France, en application notamment de la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 (ratifiée par la France le 14 décembre 1983), des articles 2 et 3 du traité sur l’Union européenne (TUE), des articles 8, 153 et 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), de l’article 23 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ;
– elle a fait l’objet de nombreux textes législatifs, parmi lesquels peuvent être citées la loi nº 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (dite « loi Roudy »), la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, la loi nº 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (dite « loi Génisson ») ou encore la loi nº 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Les textes constitutionnels et internationaux affirment les grands principes, tandis que les directives européennes et les textes législatifs les déclinent et les mettent en œuvre dans des secteurs précis, sans qu’aucun d’entre eux ne définisse précisément les objectifs généraux de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes. L’objet du présent article est de combler cette lacune, afin de donner un cadrage général, de niveau législatif, à la politique transversale pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit, à ce titre, d’une loi-cadre, sur le modèle de la loi-cadre organique espagnole du 22 mars 2007 pour l’égalité effective entre les femmes et les hommes (28) ou de la loi belge du 12 janvier 2007 (29).
Le premier alinéa du présent article indique que « l’État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée ». Il précise également que ces acteurs de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes doivent veiller à l’évaluation de l’ensemble de leurs actions. La commission des Lois a précisé, sur l’initiative de votre rapporteur, que cette évaluation, qui était formulée en termes généraux, est effectuée « au regard du principe d’égalité entre les femmes et les hommes ».
Les alinéas suivants précisaient que la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes comportait notamment :
– des actions visant à garantir l’égalité professionnelle et la mixité dans les métiers ;
– des actions de lutte contre la précarité des femmes ;
– des actions tendant à faciliter un partage équilibré des responsabilités parentales ;
– des actions pour mieux articuler les temps de vie ;
– des actions destinées à prévenir les stéréotypes sexistes ;
– des actions de prévention et de protection contre les atteintes à la dignité des femmes ;
– des actions de prévention et de protection permettant de lutter contre les violences faites aux femmes.
Le Sénat a complété cette liste d’objectifs en adoptant deux amendements lors de la séance publique du 16 septembre 2013. Le premier de ces amendements, déposé par la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin, précise que la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes inclut également des actions en faveur de l’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Le second, déposé par la sénatrice Cécile Cukierman et les autres membres du groupe communiste républicain et citoyen, a ajouté au contenu de cette politique des actions visant à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse.
La Commission, sur l’initiative de votre rapporteur, a adopté un amendement, tel que sous-amendé par Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires culturelles, qui a réécrit les alinéas définissant les objectifs de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Outre des modifications rédactionnelles (telles que des regroupements au sein d’un même alinéa), cette nouvelle rédaction :
– améliore la hiérarchisation de ces objectifs. Il apparaissait étonnant, en particulier, que la prévention et la lutte contre les stéréotypes sexistes, les atteintes à la dignité des femmes et les violences aux femmes n’apparaissent respectivement qu’aux 5°, 6° et 7°. La rédaction adoptée par la Commission accorde la priorité à la lutte contre les violences faites aux femmes et les atteintes à leur dignité et à la lutte contre les stéréotypes sexistes, qui sont des préalables indispensables aux actions sectorielles menées en faveur de l’égalité ;
– transfère au sein de l’article 1er les dispositions qui figuraient à l’article 18 A, relatives à l’égalité de traitement et d’accès dans le domaine de la création et de la production culturelle, artistique, intellectuelle et patrimoniale, au sein du premier article, où elles ont davantage leur place. Ces dispositions ont, par ailleurs, été modifiées par un sous-amendement de Mme Sylvie Tolmont qui a substitué à « la création et à la production culturelle, artistique, intellectuelle et patrimoniale » l’expression « la création et la production culturelle et artistique » ;
– l’alinéa relatif à l’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives a été complété par l’objectif d’égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales, conformément à la rédaction du second alinéa de l’article 1er de la Constitution ;
– l’égalité salariale a été ajoutée à l’égalité professionnelle.
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La Commission examine l’amendement CL133 de Mme Françoise Guégot.
Mme Françoise Guégot. L’amendement traduit le fait que l’un des outils essentiels de la politique en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est la formation tout au long de la vie.
M. Sébastien Denaja, rapporteur. La rédaction proposée est ambiguë. On ne sait en effet si la formation tout au long de la vie est envisagée comme un objectif ou comme un moyen de la politique en faveur de l’égalité, et seuls les fonctionnaires semblent visés. Je suggère donc le retrait de cet amendement, qui pourrait être retravaillé avant l’examen du texte en séance publique.
Mme Françoise Guégot. L’amendement traite des fonctionnaires parce que le premier alinéa de l’article introduit les dispositions que l’État et les collectivités territoriales mettront en œuvre pour promouvoir l’égalité entre les sexes. Mais je le réécrirai.
L’amendement CL133 est retiré.
La Commission adopte l’amendement de précision CL197 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CL134 de Mme Françoise Guégot.
Mme Françoise Guégot. Il s’agit de faire obligation aux établissements publics de l’État et des collectivités territoriales de publier un rapport de situation comparée, outil qui a fait ses preuves.
M. le rapporteur. Je souscris au principe, mais il ne me semble pas judicieux d’inscrire cette mention à l’article 1er qui définit les objectifs du texte. L’amendement CL141 de M. Vincent Feltesse, que nous examinerons après l’article 18, devrait satisfaire votre préoccupation. Je vous invite donc à retirer l’amendement.
Mme Françoise Guégot. Je le retire, et je verrai en temps utile si la rédaction de l’amendement CL141 me convient.
L’amendement CL134 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL204 du rapporteur qui fait l’objet des sous-amendements CL308 et CL309 de Mme Sylvie Tolmont, ainsi que les amendements CL269 de la commission des Affaires sociales, CL20 de M. Sergio Coronado et CL260 de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation.
M. le rapporteur. Sans modifier l’esprit du texte issu du Sénat, l’amendement CL204 tend à améliorer la hiérarchisation des objectifs de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Priorité est ainsi donnée à la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les atteintes à leur dignité, préalable indispensable aux actions sectorielles menées en faveur de l’égalité. L’amendement satisfait par ailleurs l’amendement CL20 de M. Sergio Coronado en précisant que l’action de l’État et des collectivités territoriales doit tendre aussi vers l’égalité salariale. Enfin, il vise aussi à transférer à l’article 1er les dispositions de l’article 18 A relatives à l’égalité de traitement et d’accès dans le domaine de la création.
Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. Le sous-amendement CL308 vise à ce que la politique d’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la culture ait pour objectif de « garantir » l’égalité plutôt que de l’assurer. Le sous-amendement CL309 tend à préciser et à resserrer la rédaction de l’amendement CL204.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement CL20, car il est en effet satisfait par l’amendement du rapporteur.
L’amendement CL20 est retiré.
Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. L’amendement CL269 vise, comme celui du rapporteur, à améliorer la hiérarchie des actions composant la politique intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais de manière légèrement différente. La commission des Affaires sociales considère que les stéréotypes sexistes conditionnent les violences faites aux femmes et qu’il faut les éradiquer pour prévenir violences et discriminations.
M. le rapporteur. L’amendement CL204, notamment parce qu’il mentionne les actions visant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, est plus complet que l’amendement CL269, sur lequel j’exprime donc un avis défavorable. Avis favorable, en revanche, aux sous-amendements CL308 et CL309.
L’amendement CL260 est retiré.
La Commission adopte successivement les sous-amendements CL308 et CL309.
Elle adopte ensuite l’amendement CL204 sous-amendé.
En conséquence, l’amendement CL269 tombe.
La Commission adopte l’article 1er modifié.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS LA VIE PROFESSIONNELLE
Article 2 A (supprimé)
Remise d’un rapport au Parlement sur l’harmonisation des différents types de congés familiaux existants
Cet article, qui était issu de l’adoption par le Sénat en séance publique d’un amendement présenté par Mme Catherine Génisson et les autres membres du groupe Socialiste et apparentés, a été, pour la cohérence de la présentation de la loi, déplacé par amendement de votre rapporteur à l’article 5 quinquies A.
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La Commission examine l’amendement CL226 du rapporteur.
M. le rapporteur. Afin d’améliorer la cohérence du texte, l’amendement tend à supprimer l’article pour le déplacer.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 2 A est supprimé.
Article 2 B (supprimé)
(art. L. 1225-57 du code du travail)
Élargissement du contenu de l’entretien préalable à la reprise d’activité
à l’issue d’un congé parental d’éducation
Le présent article, qui était issu de l’adoption par le Sénat en séance publique d’un amendement du Gouvernement, a été, pour la cohérence de la présentation de la loi, déplacé par amendement de votre rapporteur à l’article 2 bis C.
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La Commission examine l’amendement CL227 de M. le rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement tend à supprimer l’article pour le déplacer afin d’améliorer la cohérence du texte.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 2 B est supprimé et l’amendement CL 270 de la commission des Affaires sociales devient sans objet.
Article 2 C
(art. L. 2241-7 et L. 3221-6 du code du travail)
Réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans le cadre de la négociation quinquennale sur les classifications professionnelles
Cet article concerne la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, grâce à la revalorisation des métiers à prédominance féminine. Il vise à concrétiser le principe « à travail de valeur égale, salaire égal ». Il est issu de l’adoption par le Sénat, lors de la séance publique du 16 septembre 2013, d’un amendement du Gouvernement, tel que sous-amendé par Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat.
La question des classifications professionnelles et de leur impact sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (les emplois à prédominance féminine étant généralement sous-valorisés, ce qui est une source importante de discriminations indirectes) a fait l’objet d’une importante étude du Défenseur des droits, qui a conduit à la publication, en mars 2013, d’un Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine » (30). Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a également été chargé de préparer des lignes directrices sur cette question et d’assurer un appui aux partenaires sociaux dans leurs négociations à ce sujet.
Ce nouvel article reprend, pour partie, les dispositions de l’article 13 de l’accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (extraits)
Article 13
« Lorsqu’un écart moyen de rémunération entre les hommes et les femmes est objectivement constaté, les branches professionnelles et les entreprises doivent faire de sa réduction une priorité. Outre la mise en œuvre des dispositions prévues dans les titres I à V ci-dessus du présent accord qui apporte les éléments structurels de réponse à la réduction de cet écart, des actions spécifiques de rattrapage progressif limitées dans le temps peuvent également être engagées à cet effet.
2. Dans les branches professionnelles, la réalisation de cet objectif passe par une analyse, à l’occasion du réexamen quinquennal des classifications, des critères d’évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail afin de repérer, de corriger ceux d’entre eux susceptibles d’induire des discriminations entre les hommes et les femmes et de prendre en compte l’ensemble des compétences mises en œuvre.
3. Lorsqu’il apparaît que l’ouverture au droit à certains éléments de rémunération est affectée par les absences autorisées liées à l’exercice de la parentalité, les entreprises et les branches ayant mis en place de tels dispositifs rechercheront les aménagements susceptibles d’y être apportés pour les absences en cause en vue de ne pas pénaliser la parentalité, sans pour autant dénaturer lesdits dispositifs. »
Son 1° complète l’article L. 2241-7 du code du travail par deux nouveaux alinéas. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois tous les cinq ans, pour examiner la nécessité de réviser les classifications professionnelles. Ces négociations quinquennales doivent prendre en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Le premier des deux nouveaux alinéas insérés dispose que, dans le cadre de la négociation quinquennale prévue audit article, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, doivent, lorsqu’un écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes est constaté, faire de sa réduction une priorité. Dans sa rédaction issue du Sénat, cet alinéa imposait aussi aux organisations liées par une convention de branche ou à défaut par des accords professionnels d’engager des actions spécifiques de rattrapage aux fins de réduire l’écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes. Cette phrase a été supprimée par la Commission, sur l’initiative du Gouvernement, au motif que ces actions doivent être menées non pas au niveau des branches, mais à celui de l’entreprise.
Le second prévoit que les critères d’évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail devront être analysés afin d’identifier et de corriger ceux d’entre eux susceptibles d’induire des discriminations entre les femmes et les hommes et afin de garantir la prise en compte de l’ensemble des compétences des salariés.
Sur l’initiative de Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, la Commission a, par ailleurs, ajouté un alinéa au sein de ce 1° dont l’objet est de compléter le dernier alinéa de l’article 2241-7 du code du travail, afin que les négociations quinquennales sur la révision de ces classifications professionnelles prennent en compte l’objectif de mixité des emplois.
Le 2° du présent article modifie la rédaction du second alinéa de l’article L. 3221-6 du code du travail.
Cet alinéa dispose, dans sa rédaction actuelle, que « [l]es catégories et les critères de classification et de promotion professionnelles ainsi que toutes les autres bases de calcul de la rémunération, notamment les modes d’évaluation des emplois, doivent être communs aux salariés des deux sexes ». La modification proposée vise à remplacer les mots « doivent être communs aux salariés des deux sexes » par « sont établis selon des normes qui assurent l’application du principe fixé à l’article L. 3221-2 », c’est-à-dire le principe selon lequel tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.
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La Commission est saisie de l’amendement CL65 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Bien que le Parlement ait légiféré plusieurs fois pour assurer l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, le salaire des femmes demeure inférieur de 27 % en moyenne à celui des hommes. Il est temps d’appliquer des mesures contraignantes à l’égard des entreprises. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le rapporteur. L’amendement présente deux inconvénients. Le premier est de faire disparaître les dispositions qui, dans l’article 2C actuel, transposent dans la loi les termes de l’accord interprofessionnel tendant à revaloriser les emplois à prédominance féminine. Le second est que la double sanction créée peut apparaître disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général visé. J’invite donc au retrait de l’amendement.
Mme Marie-George Buffet. Je le retire pour le retravailler.
L’amendement CL65 est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement CL271 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Bien que l’objectif de mixité des emplois constitue une dimension essentielle de la politique de promotion de l’égalité professionnelle, il n’a pas de traduction concrète dans le code du travail. L’amendement vise à remédier à cette situation en imposant aux branches de prendre en compte cet objectif lors des négociations quinquennales sur les classifications.
M. le rapporteur. Avis favorable à un amendement utile à la dynamisation de la lutte contre les discriminations.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL205 du rapporteur.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement de clarification CL300 du Gouvernement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL206 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 2 C modifié.
Article 2 D
(art. L. 2242-2 du code du travail)
Actualisation du rapport de situation comparée lors de la négociation annuelle obligatoire
Cet article vise à créer une obligation d’actualisation du rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise, lors de la négociation annuelle obligatoire. Il est issu d’un amendement présenté par le Gouvernement et adopté par le Sénat lors de la séance publique du 16 septembre 2013.
Il est en lien avec l’article 5 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013, intitulé « Vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle » (dit « ANI QVT »), dont l’objet est de « favoriser une utilisation dynamique du rapport de situation comparée », cette utilisation étant jugée trop formelle par les partenaires sociaux.
Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle (extraits)
Article 5 : Favoriser une utilisation dynamique du rapport de situation comparée
« Dans les entreprises qui y sont assujetties, le rapport de situation comparée est actuellement le document de base des négociations en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Cependant, force est de constater que l’utilisation qui en est faite peut rester relativement formelle.
Les organisations signataires du présent accord mettront donc en place un groupe de travail national paritaire chargé de réfléchir à l’utilisation des éléments de la base de données (ou du document unique), prévue à l’article L. 2323-7-2 du code du travail, sur lesquels doit aussi s’appuyer l’analyse de la situation comparée entre les femmes et les hommes, afin que celle-ci trouve sa pleine efficacité, en particulier pour les PME et ce, en vue d’atteindre l’égalité professionnelle. »
1. Le rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes
Le rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise (appelé le « rapport de situation comparée » ou RSC) a été créé par la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (dite « loi Roudy »). Il constitue le document de base des négociations en matière d’égalité professionnelle. Il n’est obligatoire que dans les entreprises de plus de cinquante salariés, selon des modalités différentes selon que l’entreprise concernée compte au moins 50 salariés ou au moins 300 salariés.
a. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés
Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, l’article L. 2323-57 du code du travail prévoit que ce rapport est soumis chaque année pour avis au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, soit directement, soit, si elle existe, par l’intermédiaire de la commission de l’égalité professionnelle.
Le rapport doit comporter une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.
Il est établi à partir d’indicateurs pertinents, reposant notamment sur des éléments chiffrés, définis par décret et éventuellement complétés par des indicateurs tenant compte de la situation particulière de l’entreprise.
Il établit un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l’année écoulée, ce plan d’action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre et l’évaluation de leur coût. Ce plan d’action est déposé auprès de l’autorité administrative.
L’article L. 2323-57 du code du travail prévoit que, après avoir été modifié, le cas échéant, pour tenir compte de l’avis motivé du comité d’entreprise, le rapport est transmis à l’inspecteur du travail accompagné de cet avis dans les quinze jours. Il est également mis à la disposition de tout salarié qui en fait la demande.
b. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés mais de moins de 300 salariés
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés mais de moins de 300 salariés, le rapport de situation comparée est inclus dans le rapport sur la situation économique de l’entreprise remis au comité d’entreprise, en application de l’article L. 2323-47 du code du travail. Le rapport établit un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui doit être déposé auprès de l’autorité administrative.
Ce rapport doit comporter une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.
Le rapport, modifié le cas échéant à la suite de la réunion du comité d’entreprise, est tenu à la disposition de l’inspecteur du travail, accompagné de l’avis du comité, dans les quinze jours qui suivent la réunion.
2. La modification adoptée par le Sénat
Le présent article, issu de l’amendement du Gouvernement adopté par le Sénat, vise à modifier le 2° de l’article L. 2242-2 du code du travail, qui précise la nature des informations que l’employeur doit remettre aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) en entreprise.
Actuellement, la deuxième phrase de ce 2° précise que « ces informations doivent permettre une analyse comparée de la situation des hommes et des femmes concernant les emplois et les qualifications, les salaires payés, les horaires effectués et l’organisation du temps de travail » et sa dernière phrase qu’elles « font apparaître les raisons de ces situations ».
La modification proposée met en cohérence l’ensemble des informations fournies par l’employeur sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, en substituant à la définition actuelle des informations devant être remises un renvoi aux informations figurant dans les rapports de situation comparée prévus par les articles L. 2323-47 et L. 2323-57 du code du travail. Ces rapports devront par conséquent être actualisés au moment de la négociation annuelle obligatoire.
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La Commission adopte l’article 2 D sans modification.
Article 2 E
(art. L. 2242-5 et L. 2242-7 du code du travail)
Réforme de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes
Cet article simplifie le cadre juridique de la négociation annuelle portant sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, prévu par les articles L. 2245-5 et L. 2242-7 du code du travail. Il est issu d’un amendement du Gouvernement, adopté par le Sénat en première lecture, et résulte d’un souhait formulé par les partenaires sociaux à l’article 4 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013, précité.
Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle (extraits)
Article 4 : Rendre plus simple et plus efficace la négociation annuelle portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
« Les signataires du présent accord souhaitent que les obligations en matière d’égalité professionnelle et d’égalité salariale soient réarticulées entre les articles L.2242-5 (obligation annuelle de négocier sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes), et L.2242-7 (mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes) du code du travail, afin d’améliorer l’efficacité globale du dispositif, et sa cohérence, sans en réduire la portée ni remettre en cause le contenu desdites obligations et des textes réglementaires en vigueur.
En cas d’accord conclu dans le cadre de l’article L.2242-5 du code du travail, sa durée de 3 ans ne ferait pas échec à la négociation annuelle obligatoire sur les salaires prévue à l’article L.2242-7 du code du travail. »
Le droit en vigueur prévoit deux négociations annuelles obligatoires en entreprise sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes :
– une obligation annuelle de négocier sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévue par l’article L. 2242-5 du code du travail ;
– une obligation annuelle de négocier sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs prévue par le 1° de l’article L. 2242-8 du code du travail, en application de l’article L. 2242-7 du même code.
Le présent article simplifie ces obligations de négocier en créant une négociation unique et globale sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que les mesures permettant de l’atteindre. Cette négociation devra porter notamment sur :
– les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle ;
– le déroulement des carrières, à la suite de l’adoption par la Commission de deux amendements identiques, l’un de Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, et l’autre de Mme Barbara Romagnan et les autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen ;
– les conditions de travail et d’emploi et en particulier celles des salariés à temps partiel ;
– l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle (cette dernière notion ayant été substituée à celle de « responsabilités familiales », sur l’initiative de Mme Axelle Lemaire et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen) ;
– la mixité des emplois, à la suite de l’adoption d’un amendement de Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales.
En cas d’accord, un suivi annuel des mesures adoptées sera effectué dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires prévue à l’article 2242-8 du code du travail.
En l’absence d’accord, la négociation annuelle obligatoire sur les salaires devra porter également sur la définition et la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.
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La Commission examine les amendements identiques CL272 de la commission des Affaires sociales et CL143 de Mme Barbara Romagnan.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle doit aborder tous les thèmes liés aux inégalités entre les femmes et les hommes. Pour avoir une vue d’ensemble, l’attention doit aussi se porter sur les différences dans le déroulement des carrières. Tel est l’objectif visé par l’amendement CL272.
Mme Barbara Romagnan. La comparaison des carrières des hommes et des femmes dans le temps est indispensable pour cerner la réalité et se rendre compte, par exemple, qu’une femme peut n’obtenir qu’à quarante-cinq ans le salaire dont dispose un homme à trente ans, notamment en raison de discriminations liées à des interruptions de carrière lors de grossesses.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Ces amendements me gênent, car en réalité on tourne autour du pot. Depuis 2001, la délégation aux Droits des femmes, sous ses présidences de tous bords politiques, a toujours demandé que tous les textes relatifs à l’égalité professionnelle insistent sur le rapport de situation comparée. Que ce rapport soit strictement appliqué, tant dans la fonction publique que dans les entreprises, et l’évolution comparée des carrières apparaîtra automatiquement ! L’esprit des amendements est louable, mais ils alourdissent le texte sans raison.
Mme Axelle Lemaire. Je pense au contraire que ces amendements ont toute leur importance puisqu’ils tendent à transposer dans la loi l’accord national interprofessionnel (ANI) issu de la négociation entre les partenaires sociaux. Il s’agit donc non pas du rappel de dispositions en vigueur, mais de l’introduction de dispositions nouvelles – dans ce cas, il s’agit d’élargir le contenu de la négociation à l’objectif de réduction des inégalités dans le déroulement des carrières, qui figure expressément à l’article 7 de l’ANI.
Mme Françoise Guégot. Pouvoir apprécier le déroulement des carrières est en effet essentiel. Il n’empêche que les dispositions relatives au rapport de situation comparée, que nous avons eu beaucoup de mal à imposer, devraient être effectivement et strictement appliquées.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ces amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CL273 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail l’a constaté, le nombre des accidents du travail, des maladies professionnelles et des accidents de trajet affectant les femmes a très fortement augmenté depuis 2001. Au vu de ces données alarmantes, les entreprises doivent se saisir de la question de la sécurité et de la santé au travail des femmes. L’amendement vise à leur imposer d’aborder cette question lors de la négociation annuelle obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
M. le rapporteur. L’esprit de la proposition est louable, mais il serait préférable d’introduire cette disposition dans la partie du texte qui fixe différentes obligations relatives à la sécurité et à la santé au travail. Mme Coutelle ayant déposé à ce sujet un amendement portant article additionnel après l’article 5 ter, je vous invite à retirer l’amendement.
L’amendement CL273 est retiré.
La Commission est saisie des amendements identiques CL274 de la commission des Affaires sociales et CL142 de Mme Axelle Lemaire.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Les femmes n’ayant pas toutes des responsabilités familiales, l’amendement CL274 vise à substituer à l’expression « responsabilités familiales », qui peut paraître restrictive, celle de « vie personnelle », plus adaptée.
Mme Axelle Lemaire. L’amendement CL142 a le même objet.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Je partage ce point de vue. Je rappelle que c’est précisément parce que cette terminologie était restrictive qu’elle avait été modifiée par la loi de 2006.
Mme Barbara Romagnan. Ces amendements tendent à élargir la perspective : ce n’est pas parce que l’on est femme que l’on est obligatoirement mère.
M. le rapporteur. Avis favorable à une précision bienvenue.
La Commission adopte ces amendements à l’unanimité.
Elle examine ensuite l’amendement CL275 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. L’amendement vise à transcrire dans la loi l’article 6 de l’ANI du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en imposant aux entreprises de prendre en compte la question de la mixité des emplois lors des négociations annuelles sur l’égalité professionnelle.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL259 du rapporteur.
La Commission adopte l’article 2 E modifié.
La Commission examine l’amendement CL64 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Quatre-vingt deux pour cent des salariés à temps partiel sont des femmes. Si toutes les femmes n’ont pas liquidé leurs droits à pension entre 60 et 64 ans, c’est que certaines attendent d’être âgées de 65 ans pour compenser les effets d’une carrière incomplète et accéder au bénéfice du taux plein pour le calcul de leur pension. Dans la génération née en 1938, c’est le cas pour près de trois femmes sur dix, et – seulement – pour un homme sur vingt. Le législateur doit se donner les moyens de combattre le recours au temps partiel imposé, aux si lourds effets. C’est l’objet de l’amendement qui vise à décourager les entreprises de multiplier à l’excès le recours aux emplois à temps partiel en leur imposant des contraintes financières.
M. le rapporteur. On sait, en effet, que les femmes sont, bien davantage que les hommes, contraintes à des emplois à temps partiel subi et que c’est là une cause majeure de l’inégalité professionnelle entre les sexes. Cela étant, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a déjà œuvré à l’encadrement des emplois à temps partiel en fixant à vingt-quatre heures par semaine la durée minimum d’activité, ce qui aura des conséquences bénéfiques pour les salariées et salariés concernés. Avant de penser durcir ces mesures, il faut laisser ce texte produire ses effets. Le Gouvernement, que j’ai interrogé, m’a indiqué qu’un bilan de la nouvelle mesure serait fait en 2014 ; nous saurons ainsi s’il faut renforcer le dispositif issu de l’accord entre les partenaires sociaux. Je vous invite donc à retirer l’amendement, sur lequel il me faudra sinon exprimer un avis défavorable.
Mme Marie-George Buffet. J’entends vos arguments, mais nous ne pouvons nous limiter à affirmer des principes dans une loi qui ne serait que bavarde, sans nous doter des moyens de leur donner une traduction concrète. Je maintiens l’amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL115 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Catherine Coutelle. L’amendement tend, dans le même esprit que celui de Mme Marie-George Buffet, à décourager le recours massif aux emplois à temps partiel, en insistant sur l’obligation – vieille de trente ans ! – de négocier à ce sujet.
M. le rapporteur. Avis défavorable, pour des raisons que chacun comprend.
La Commission rejette l’amendement.
Article 2 F (nouveau)
(art. L. 3121-2 du code du travail)
Inclusion des déplacements entre deux lieux de travail dans le temps effectif de travail
Cet article additionnel est issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Catherine Coutelle, tel que sous-amendé par Mme Axelle Lemaire. Il modifie le premier alinéa de l’article L. 3121-2 du code du travail, afin d’inclure dans le temps effectif de travail les déplacements entre deux lieux de travail pour le même employeur sur une même journée.
Cette modification du code du travail correspond à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a jugé à plusieurs reprises que le temps de trajet pour se rendre d’un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif. Les temps de trajet d’un salarié entre le siège de l’entreprise et les chantiers (31) ou entre deux chantiers (32) ou entre les différents lieux de travail où un formateur itinérant dispensait ses formations (33) ont ainsi été assimilés à un temps de travail effectif.
En l’état du droit actuel, il convient donc déjà de distinguer :
– le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail, qui n’est pas un temps de travail effectif, en application de l’article L. 3121-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Ce temps peut seulement, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, faire l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, qui est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’il en existe ;
– le temps de trajet pour se rendre d’un lieu de travail à un autre lieu de travail, qui constitue un temps de travail effectif rémunéré, en application de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation précitée. Il va de soi que cette assimilation ne peut être opérée que si ces déplacements sont effectués pour le compte d’un seul et même employeur (en cas de pluralité d’employeurs, on ne saurait en effet considérer que le temps de trajet est un temps pendant lequel le salarié « est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles », comme l’exige l’article L. 3121-1 du code du travail).
Le présent article reprend cette jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation assimilant le temps de déplacement entre deux lieux de travail à un temps de travail effectif, sous réserve qu’il ait lieu pour le même employeur et sur une même journée. Cette codification de la jurisprudence est inscrite à l’article L. 3121-2 du code du travail, qui assimile au temps de travail effectif le temps nécessaire à la restauration et aux pauses, lorsque les critères définis à l’article L. 3121-1 précités sont réunis.
Selon les auteurs de l’amendement, cette précision des modalités de calcul du temps de travail effectif concerne tout particulièrement des secteurs dans lesquels la dispersion quotidienne des heures travaillées entre plusieurs lieux de travail est fréquente, comme celui des services à la personne.
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La Commission examine l’amendement CL114 de Mme Catherine Coutelle, qui fait l’objet du sous-amendement CL310 de Mme Axelle Lemaire.
Mme Catherine Coutelle. Notre collègue Christophe Sirugue attache une importance particulière à cet amendement qui tend à inclure dans le calcul du temps de travail effectif le temps de déplacement entre les différents lieux de travail dans une même journée. De très nombreuses femmes sont contraintes de cumuler, chaque jour, des emplois de quelques heures, sans que les temps de parcours soient comptabilisés, et les coûts de transport effacent une part non négligeable du salaire de ces femmes qui vivent dans une grande précarité. Cela doit cesser.
Mme Axelle Lemaire. De nombreuses femmes employées dans le secteur du service à la personne ont des journées fractionnées. Le sous-amendement CL310 vise à exclure du calcul de la durée de travail le trajet entre les domiciles de plusieurs particuliers employeurs.
M. le rapporteur. La question du temps partiel revêt une importance particulière, j’en suis d’accord. Cependant, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation a établi que, dans le secteur des services à la personne, les temps de déplacement entre différents lieux de travail étaient inclus dans le calcul du temps de travail effectif. Par ailleurs, il faut en effet distinguer entre entreprises et employeurs particuliers, mais le sous-amendement CL 310, tel qu’il est rédigé, ne suffit pas à lever toutes les imprécisions. L’amendement devrait donc être réécrit avant l’examen du texte en séance publique et j’invite à son retrait.
Mme Axelle Lemaire. Je considère qu’il est crucial d’introduire cette disposition à ce stade de la discussion et je maintiens le sous-amendement.
Mme Catherine Coutelle. Je maintiens l’amendement.
M. Sergio Coronado. Le débat sur l’intégration du temps de déplacement dans le temps de travail effectif avait eu lieu lors de l’examen de la loi sur les 35 heures – je me souviens d’amendements de M. Yves Cochet à ce sujet. Les employeurs n’appliquant pas la jurisprudence de la Cour de cassation, il revient au législateur d’inscrire cette disposition dans la loi. Je voterai donc l’amendement et le sous-amendement.
M. le rapporteur. Je ne nie nullement l’importance du sujet, mais encore faut-il s’assurer que la rédaction envisagée ne contrarie pas l’objectif visé. En renchérissant le coût des services à la personne pour les particuliers employeurs, on risque d’encourager le travail dissimulé. Avis défavorable à l’amendement et au sous-amendement.
La Commission adopte le sous-amendement CL310.
Puis elle adopte l’amendement CL114 sous-amendé.
Article 2 G (nouveau)
(art. L. 3221-6 du code du travail)
Rapport quinquennal à la Commission nationale de négociation collective et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle sur la révision des classifications professionnelles
Ce nouvel article est issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Catherine Coutelle.
Il prévoit que les branches professionnelles présenteront un rapport quinquennal à la commission nationale de la négociation collective (CNNC) et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur la révision des classifications professionnelles, qui comportera une analyse des négociations réalisées et une synthèse des bonnes pratiques à diffuser.
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La Commission est saisie de l’amendement CL116 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Catherine Coutelle. Cet amendement prévoit que les branches professionnelles fournissent un rapport quinquennal à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP) sur la révision des catégories professionnelles et des classifications, portant sur l’analyse des négociations réalisées et sur les bonnes pratiques à diffuser. Il renvoie au principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale.
M. le rapporteur. Favorable.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine l’amendement CL113 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Catherine Coutelle. Cet amendement vise à intégrer, parmi les catégories d’action de formation professionnelle, les actions de promotion de la mixité dans les entreprises, ainsi que les actions de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
M. le rapporteur. Ce sujet sera traité dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle qui sera présenté dès le mois de janvier, les partenaires sociaux ayant conclu un accord récemment. Je vous propose de retirer cet amendement.
L’amendement CL113 est retiré.
Article 2
(art. L. 531–1, L. 531–4, L. 531–9, L. 531–10, L. 532–2 et L. 552–1
du code de la sécurité sociale ; art. L. 1225–48 du code du travail)
Réforme du complément de libre choix d’activité : transformation en « prestation partagée d’accueil de l’enfant »,
dont une part est réservée à l’autre parent
Le présent article institue, pour les familles bénéficiaires (34) du complément de libre choix d’activité (CLCA) – dont le Sénat a proposé qu’il soit désormais dénommé « prestation partagée d’accueil de l’enfant » (PPAE) –, un partage de ce complément entre les père et mère, afin de favoriser, non seulement le retour des femmes vers l’emploi, mais également un plus grand investissement des pères dans l’éducation de leurs enfants. Cette disposition promeut ainsi l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, au travers d’une incitation à un meilleur partage des responsabilités parentales au sein du couple.
a. Le complément de libre choix d’activité et le congé parental d’éducation
Le complément de libre choix d’activité (CLCA) est une prestation individuelle qui s’est substituée à l’allocation parentale d’éducation lors de la création, en 2004, de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) dont il constitue un des volets (35).
Le CLCA est alloué au parent qui interrompt son activité professionnelle – il est alors versé à taux plein – ou la réduit – il est alors versé à taux partiel – pour s’occuper d’un enfant de moins de trois ans.
Son versement permet de compenser, du moins partiellement, la perte de revenu induite par l’arrêt ou la réduction de l’activité professionnelle.
L’ouverture du droit au CLCA est subordonnée à l’exercice d’une activité professionnelle antérieure (36) pendant une période de référence d’une durée qui varie en fonction du nombre d’enfants à charge : il faut, en application du III de l’article L. 531–4 du code de la sécurité sociale, justifier d’au moins huit trimestres – continus ou non – de cotisations vieillesse au titre d’une activité professionnelle :
— au cours des deux années qui précèdent la naissance, pour un premier enfant ;
— au cours des quatre années qui précèdent la naissance, pour un deuxième enfant ;
— au cours des cinq années qui précèdent la naissance, à partir du troisième enfant.
La perception du CLCA n’est pas soumise à condition de ressources et ne dépend pas du niveau de rémunération antérieure des bénéficiaires. Son montant, non imposable, est modulé selon que la famille perçoit ou non l’allocation de base de la PAJE, qui, elle, est versée sous condition de ressources. Il dépend également de la réduction d’activité réalisée par le parent qui sollicite le bénéfice de la prestation. Le tableau ci–après présente le montant du CLCA au 1er avril 2013 selon ces différents critères.
Montant mensuel du CLCA au 1er avril 2013
En cas de perception de l’allocation de base de la PAJE |
En cas de non–perception de l’allocation de base de la PAJE | |
Arrêt total d’activité |
388,19 euros |
572,81 euros |
Activité professionnelle inférieure ou égale à 50 % ou formation professionnelle rémunérée |
250,95 euros |
435,57 euros |
Activité professionnelle comprise entre 50 % et 80 % |
144,77 euros |
329,38 euros |
La durée de versement du CLCA varie selon le nombre d’enfants à charge :
— pour un premier enfant, le CLCA peut être versé au maximum pendant six mois à compter de la fin du congé de maternité, de paternité, d’adoption ou de maladie ou, à défaut, à partir de la naissance. Cette durée de six mois maximum inclut les éventuels congés (congés annuels, RTT...) que pourrait prendre le bénéficiaire ;
— pour deux enfants à charge ou plus, le CLCA peut être versé jusqu’au mois précédant le troisième anniversaire du dernier enfant (37).
En cas de reprise d’une activité professionnelle entre le dix-huitième et le vingt-neuvième mois de l’enfant, il est possible de cumuler, pendant une période de deux mois, le revenu d’activité et le CLCA à taux plein.
S’il n’est, en l’état actuel du droit, pas possible pour les deux membres d’un couple de cumuler deux compléments à taux plein, chacun peut en revanche percevoir un complément à taux partiel, le montant cumulé des deux prestations ne devant pas dépasser celui du complément à taux plein.
Le versement du CLCA est indépendant du bénéfice d’un congé parental d’éducation :
— une personne en congé parental d’éducation peut ne pas pouvoir bénéficier du CLCA, dès lors par exemple qu’elle ne remplit pas la condition d’activité préalable exigée ;
— à l’inverse, une personne peut bénéficier du CLCA même si elle n’est pas en congé parental, dès lors par exemple qu’elle ne remplit pas la condition d’ancienneté minimale d’un an dans l’entreprise exigée pour le bénéfice du congé parental d’éducation.
Le parent de trois enfants qui décide un arrêt total d’activité peut opter soit pour le dispositif qui vient d’être exposé, soit pour la perception du « complément optionnel de libre choix d’activité » (COLCA), d’un montant plus élevé (634,53 euros par mois en cas de perception de l’allocation de base de la PAJE ; 819,14 euros par mois dans le cas contraire), mais versée pour une durée d’un an seulement.
b. Les limites du droit positif
Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, parmi les 540 000 bénéficiaires du CLCA enregistrés au 31 décembre 2011 – dernier chiffre connu – 96,5 % sont des femmes ; 40 % des bénéficiaires du CLCA ne bénéficient pas d’un congé parental d’éducation et ne sont donc pas assurés de retrouver leur emploi à l’issue de leur interruption d’activité.
D’une manière plus générale, alors que 85 à 90 % des hommes en couple maintiennent une activité à temps plein, quel que soit le nombre d’enfants, les femmes avec un jeune enfant ne sont que 68 % à continuer de travailler à temps plein, et seulement 36 % lorsqu’elles ont trois enfants dont le plus jeune a moins de trois ans.
L’interruption d’activité des femmes à la naissance de leurs enfants diminue leur capacité à réintégrer par la suite le marché du travail et ce, d’autant plus que la durée d’interruption a été longue.
Une réflexion a donc été engagée pour un meilleur partage des responsabilités parentales des deux membres du couple ; parmi les pistes de réflexion figure le partage du CLCA par création d’une période incessible au bénéfice du second parent, qui s’imputerait sur la durée initiale du congé ou viendrait s’y rajouter. Dans un avis du 11 février 2010, le Haut conseil de la famille (38) avait ainsi souligné l’intérêt de réserver au second parent une période de deux mois non transmissible au bénéficiaire principal du CLCA ; un débat avait cependant eu lieu en son sein sur le point de savoir si cette période devait s’imputer sur la durée actuelle du CLCA ou s’y ajouter.
2. Le contenu de l’article initial
La réforme contenue à l’article 2 du projet de loi consiste à réserver une part du CLCA au second parent : cette part définie en nombre de mois – nombre qui sera précisé par décret – ne pourra être prise que si le second parent fait usage de son droit. Comme l’indique l’étude d’impact, pour les familles avec un seul enfant, le décret prévoira que six mois supplémentaires s’ajouteront aux six mois actuellement prévus ; dans le cas de familles avec au moins deux enfants, qui choisissent une interruption d’activité jusqu’aux trois ans du dernier enfant, six mois seront réservés au deuxième parent. La réforme, qui sera applicable pour les enfants nés ou adoptés à partir du 1er juillet 2014 et sera sans effets sur les droits en cours, n’aura aucun impact sur les familles monoparentales qui ne sont pas concernées par le dispositif et voient leurs droits inchangés.
Dans sa rédaction initiale, l’article comportait trois paragraphes, modifiant chacun un article du code de la sécurité sociale :
— Le I introduisait une modification rédactionnelle à l’article L. 531-1, qui dresse la liste des différentes composantes de la PAJE : afin de tenir compte de la création d’une période de possible partage des droits entre les parents, il remplaçait, s’agissant du versement du CLCA, les mots « à celui des parents » par les mots « au parent » ; cette rédaction (qui n’a pas été modifiée par le Sénat, cf. infra) permet à la fois de prévoir les cas de partage du CLCA entre les deux parents et le cas de prise du CLCA par un seul des parents, ce qui sera notamment le cas dans les familles monoparentales.
— Le II modifiait l’article L. 531-4, qui est relatif au régime du CLCA. Son 1° complétait cet article de trois nouveaux alinéas ; le premier posait le principe selon lequel le CLCA est versé pendant une durée fixée par décret en fonction du rang de l’enfant – selon l’étude d’impact, cette durée initiale sera de six mois pour un enfant de rang 1, de trente mois pour un enfant de rang 2 et plus. Le deuxième alinéa ajouté ouvrait le droit à un allongement de cette durée initiale lorsque chacun des parents fait valoir son droit au complément, la durée totale de versement devant être fixée par décret en fonction du rang de l’enfant – selon l’étude d’impact, elle sera de douze mois pour un enfant de rang 1, de trente-six mois pour un enfant de rang 2 et plus – ; le troisième alinéa indiquait que l’allongement de la durée de versement du CLCA bénéficie également au parent qui assume seul la charge d’un enfant, ce qui garantit inchangée la situation des familles monoparentales par rapport au droit actuel.
Par cohérence avec cette dernière disposition, le 2° (non modifié par le Sénat) supprime la référence à une durée maximale de versement du CLCA pour les familles monoparentales.
— Le III complétait l’article L. 532-2 pour étendre l’interdiction de cumul du CLCA avec d’autres prestations, en l’occurrence avec l’indemnisation des congés conventionnels résultant d’accords de branche et/ou d’entreprise : en l’état actuel du droit, seule l’indemnisation des congés de maternité, de paternité, d’accueil de l’enfant et d’adoption n’est pas cumulable avec le CLCA.
3. Les apports du Sénat en première lecture
L’examen de cet article a été délégué au fond à la commission des Affaires sociales du Sénat. Sur l’initiative de la rapporteure pour avis, Mme Michelle Meunier, cette commission a adopté deux amendements :
— Le premier a apporté des précisions rédactionnelles, renvoyant clairement à un décret le soin de préciser les conditions dans lesquelles la durée du complément peut être prolongée. Il a en outre inséré à la fin de l’article 2 la disposition relative à la date d’entrée en vigueur de la réforme du complément de libre choix d’activité, qui figurait initialement à l’article 24 du projet de loi (nouveau V de l’article).
— Le second amendement, qui a introduit le I de l’article, modifie le nom du complément de libre choix d’activité pour le remplacer par la terminologie « prestation partagée d’accueil de l’enfant ». Comme l’indique Mme Michelle Meunier dans son avis, les études menées sur le CLCA ont montré que le recours au dispositif « n’est pas toujours l’expression d’un libre choix », bon nombre de femmes qui en bénéficient déclarant qu’elles auraient préféré continuer à travailler, et conclu qu’il serait préférable de souligner davantage l’incitation au partage de la prestation entre les parents. Le nouvel intitulé met donc en évidence cette notion de partage.
En séance publique ont été adoptés sept amendements :
— Trois amendements ont été adoptés sur l’initiative de la commission des Affaires sociales : le premier a tiré des conséquences rédactionnelles du changement de nom du CLCA au I ; le deuxième amendement a précisé au III que les parents peuvent demander le bénéfice de la prestation partagée d’accueil de l’enfant (PPAE) soit simultanément – lorsqu’il s’agit d’une PPAE à taux partiel – soit successivement – lorsqu’il s’agit d’une PPAE à taux plein. Dans son rapport pour avis, Mme Michelle Meunier avait d’ailleurs relevé que la rédaction initiale de l’article manquait de précision puisqu’elle ne distinguait pas selon que le CLCA est pris à taux plein ou à taux partiel. Le troisième amendement a précisé que dans le cas où l’un des deux parents n’a pas demandé le bénéfice de la prestation partagée d’accueil de l’enfant au cours de la période initiale – qui sera fixée par décret à six mois pour le premier enfant et à trente mois à partir du deuxième, il pourra faire valoir son droit à la prestation jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge limite, c’est-à-dire le premier anniversaire de l’enfant, pour un enfant de rang 1, et son troisième anniversaire, pour un enfant de rang 2 et plus.
— Un amendement de Mme Catherine Troendle et des membres du groupe UMP, qui a reçu l’avis favorable du Gouvernement, a supprimé le IV de l’article qui visait à interdire la possibilité de cumuler l’indemnité à taux plein versée par la branche famille de la Sécurité sociale au titre du CLCA avec l’indemnisation versée au salarié au titre des congés conventionnels, résultant d’accords de branche et/ou d’entreprise. Les auteurs de l’amendement ont fait valoir que la suppression de cette possibilité de cumul porterait atteinte à l’économie des contrats conclus, interdisant aux entreprises qui souhaitent maintenir un même niveau d’indemnisation à leurs salariés de déduire le montant du CLCA, ce qui conduirait in fine soit à ce que les entreprises supportent le coût supplémentaire, soit à ce que les avantages soient réduits d’autant pour les salariés concernés.
Trois amendements du Gouvernement ont en outre été adoptés par le Sénat :
— Le premier amendement vise à inclure dans la durée de versement de la prestation « les périodes postérieures à l’accouchement donnant lieu à indemnisation par les assurances maternité des régimes obligatoires de sécurité sociale ou à maintien de traitement en application de statuts ainsi que les périodes indemnisées au titre du congé d’adoption ». Le Gouvernement a fait valoir que la conjugaison de la durée de partage de la prestation, définie en mois, et du plafond d’âge de l’enfant pourrait avoir pour effet de réduire de facto la période réservée au second parent, à l’inverse de l’objet de la réforme. Ainsi, dans le cas de la naissance d’un troisième enfant le 1er janvier 2014, la prestation pourrait être servie jusqu’au 1er janvier 2017. La mère pourrait prendre un congé de maternité de quatre mois et demi après la naissance (ce congé est en effet de 18 semaines pour les mères de trois enfants ou plus au régime général), c’est-à-dire jusqu’au 15 mai 2014. La durée restante de versement de prestation serait de 30,5 mois, dont 30 mois pour le premier parent ; la période réservée au second parent serait donc de facto limitée à quinze jours.
C’est pour éviter un tel écueil que le Gouvernement a souhaité inclure le congé de maternité dans la durée de la prestation.
— Le deuxième amendement a introduit un régime dérogatoire permettant, sous certaines conditions, la prolongation du versement de la prestation au-delà de la date butoir liée aux trois ans de l’enfant jusqu’au mois de septembre suivant la date anniversaire de l’enfant, afin de permettre une jonction avec l’entrée de l’enfant en maternelle.
En l’absence de ce dispositif, les parents devraient avoir recours à un accueil individuel plus onéreux, voire devraient envisager de reporter leur retour à l’emploi s’ils ne trouvaient aucune solution d’accueil.
Ce dispositif dérogatoire suppose que plusieurs conditions soient réunies :
– les ménages bénéficiaires de cette mesure doivent remplir les conditions de ressources du complément familial (article L. 522–1 du code de la sécurité sociale) ;
– les parents doivent avoir au moins deux enfants : pour les parents d’un seul enfant, qui ne sont pas concernés par le régime dérogatoire, le versement de la prestation s’interrompt avec le premier anniversaire de l’enfant, âge au-delà duquel ils peuvent avoir recours aux différents modes de garde ;
– ils doivent avoir entrepris des démarches infructueuses pour inscrire leur enfant à l’école maternelle ou dans une structure d’accueil collectif du jeune enfant ;
– l’un des deux parents doit avoir une activité professionnelle, cette dernière condition ne s’appliquant pas aux familles monoparentales.
— Le troisième amendement du Gouvernement a modifié par cohérence le régime du COLCA afin de prévoir également une période de partage de ce congé réservé aux familles d’au moins trois enfants, plus court et mieux rémunéré que l’actuel CLCA (3° du III de l’article) ; à l’appui de son amendement, le Gouvernement a fait valoir que seuls 7 % des bénéficiaires du COLCA sont des hommes. Là encore, les familles monoparentales sont exclues de l’application de ce dispositif et voient leur situation inchangée.
4. Une réforme faisant l’objet d’appréciations diverses par les personnes entendues par votre rapporteur
L’article 2 constitue l’un des articles phares du projet de loi, très largement salué par les personnes entendues par votre rapporteur.
Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a salué « une disposition centrale pour déconstruire les stéréotypes liés à la parentalité et pour faire évoluer les rôles sociaux de sexe : d’une part, parce qu’un congé parental partagé entre les deux parents est susceptible de mieux répartir les tâches au sein du foyer ; d’autre part parce qu’il peut contribuer à rééquilibre les "risques professionnels" au sein du couple : lorsque l’employeur sait qu’un homme, autant qu’une femme, est susceptible d’interrompre son activité professionnelle pour ses enfants, c’est toute l’organisation de l’entreprise qui doit être repensée et non plus seulement les recrutements et parcours des femmes » (39).
La disposition répond par ailleurs à une des préconisations exprimées par trois membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport remis en janvier 2013 sur la politique d’égalité professionnelle en France (40) qui visait à « créer les conditions juridiques d’une répartition des congés parentaux entre les deux parents », en s’inspirant de l’exemple suédois. En Suède, le congé parental est de 480 jours – il peut être pris jusqu’au huitième anniversaire de l’enfant –, dont soixante sont exclusivement réservés à chacun des deux parents ; les trois cent soixante jours restant appartiennent pour moitié à chaque parent mais un transfert à l’autre parent est possible. Les deux parents peuvent ainsi librement partager le congé, en dehors des soixante jours réservés à chacun. Depuis 2008, les parents sont incités fiscalement à opter pour un partage égalitaire. En 2011, plus de 24 % des jours de congé parental étaient pris par les pères, alors que dans le même temps en France, le complément de libre choix d’activité était attribué aux pères dans seulement 4 % des cas.
Les réserves qui ont été exprimées sur cet article sont de deux ordres : sur le plan technique, pour M. Daniel Lenoir, directeur de la Caisse nationale des allocations familiales, la gestion par les caisses d’allocation familiales d’une prestation qui n’est plus individuelle mais liée à un foyer allocataire disposant de deux comptes sera sans doute malaisée à mettre en œuvre. Il sera ainsi nécessaire de procéder en temps réel à la comparaison des droits des deux parents pour vérifier la réalité du partage et déclencher ou non le versement du supplément de six mois. La mise en place de ce système nouveau sera d’autant plus délicate que l’ancien système de droit individuel subsistera pour les familles monoparentales et que la recomposition d’un ménage peut modifier les droits en cours de dispositif.
Plus fondamentales ont été les réserves exprimées par M. François Fondard, président de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) pour l’application du nouveau dispositif à partir du rang 2. S’il a salué l’avancée que constitue le projet de loi pour les familles avec un enfant, il a estimé que pour les familles de rangs 2 et suivants, la grande majorité des pères ne prendront pas les six mois de congés qui leur sont réservés – le Gouvernement lui–même ne prévoit pas plus de 20 % –, essentiellement pour des raisons économiques : le taux de remplacement offert par la prestation n’est pas suffisant, surtout lorsque le père est le principal apporteur de ressources du ménage.
Dès lors, dans la majorité des cas, il en résultera une réduction nette de la durée de la prestation versée – ce que ne dément pas l’étude d’impact qui chiffre l’économie ainsi réalisée par la branche famille de l’ordre de 300 millions d’euros (41) –, obligeant la famille à trouver un mode de garde entre la fin du congé de la mère et l’entrée à l’école ce qui ne sera pas simple compte tenu du manque de places d’accueil, de l’ordre de 350 000 aujourd’hui, et malgré les efforts en la matière prévus par la convention d’objectif et de gestion pour 2013–2017 qui vient d’être signée entre l’État et la CNAF ; cette convention prévoit en cinq ans la création de 100 000 places de crèches, d’autant de places auprès des assistantes maternelles et de 75 000 places en école maternelle. Lors de son audition par votre Commission le mardi 10 décembre dernier, la ministre aux Droits des femmes a indiqué que les éventuelles économiques réalisées seraient « intégralement consacrées à la création de places de crèches d’une part, à l’accompagnement des femmes sans emploi à la fin de la période de versement du CLCA d’autre part » (42).
5. La position de votre Commission
Outre de multiples coordinations et précisions rédactionnelles, adoptées sur l’initiative de votre rapporteur et de Mme Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, votre Commission a adopté deux amendements des mêmes auteurs proposant de modifier le nom de la prestation. Votre rapporteur a estimé, s’agissant d’enfants qui peuvent atteindre l’âge de trois ans, que le mot « éducation » est plus approprié que le terme « accueil », d’autant que ce dernier terme induit en outre un possible risque de confusion avec la PAJE, prestation d’accueil du jeune enfant, dont la présente prestation constitue l’un des volets. La prestation appelée à remplacer le CLCA se dénommerait ainsi désormais « prestation partagée d’éducation de l’enfant », la « PreParE ».
La Commission a en outre adopté deux améliorations très substantielles au dispositif : la première, adoptée sur l’initiative de votre rapporteur et de Mme Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, supprime les effets indésirables qu’induirait, dans le cas des familles avec un seul enfant, l’intégration du temps du congé de maternité dans le calcul de la durée de versement de la prestation. Dans leur cas en effet, cette intégration se serait traduite par une réduction de facto de la durée de versement de la PreParE.
Le deuxième amendement exclut expressément du champ de l’obligation de partage les couples dont l’un des deux membres n’est pas éligible à la prestation partagée, faute d’avoir exercé une activité professionnelle dans les conditions exigées par le III de l’article L. 531–4 du code de la sécurité sociale. Votre rapporteur a estimé qu’il n’était pas envisageable de faire peser une obligation de partage aux couples dont l’un des membres n’est pas éligible à la prestation.
Enfin, sur l’initiative de Mme Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, votre Commission a adopté un amendement permettant, en cas de naissances multiples, de mettre en cohérence la durée du congé parental d’éducation – actuellement limitée à trois ans – avec la durée de versement de la prestation partagée, qui elle est de six ans au maximum. Elle a, à cette fin, introduit à cet article un IV modifiant l’article L. 1225–48 du code du travail relatif au congé parental d’éducation dont le deuxième alinéa précise que le congé parental d’éducation prend fin « au plus tard au troisième anniversaire de l’enfant ». Il précise qu’en cas de naissances multiples d’au moins trois enfants ou d’arrivées simultanées d’au moins trois enfants adoptés ou confiés en vue d’adoption, le congé parental peut prendre fin au plus tard au sixième anniversaire de l’enfant. Cette initiative, qui aurait pu être jugée contraire aux exigences de l’article 40 de la Constitution relatives à la recevabilité financière des initiatives parlementaires, avait reçu le soutien explicite de la ministre aux Droits des femmes lors de son audition par votre Commission le mardi 10 décembre dernier, ce qui a rendu possible son dépôt.
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La Commission examine l’amendement CL 94 de M. Jean-Frédéric Poisson, visant à supprimer l’article.
Mme Virginie Duby-Muller. L’article 2 vise non pas à encourager, mais à contraindre les couples à répartir différemment le congé parental. Or, cette répartition relève de la vie privée des familles, garantie par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les familles doivent pouvoir continuer à s’organiser librement. Cet article porte une atteinte, qui n’est ni légitime ni proportionnée, à ce droit fondamental.
Selon une étude de 2005, 60 % des bénéficiaires du complément de libre choix d’activité (CLCA) ont choisi de cesser de travailler de manière pleinement volontaire. En outre, 97 % des personnes qui prennent ce congé sont des femmes. Pourquoi alors priver les mères, au nom d’une vision abstraite et idéologique de l’égalité, du droit de s’occuper librement de leur enfant ? Les 40 % de bénéficiaires restants prennent ce congé par contrainte, faute de trouver un mode de garde à proximité, ou pour des raisons financières – les modes de garde étant souvent trop chers, les femmes travailleraient à perte. C’est sur ces biais qu’il convient d’agir et non sur le partage autoritaire du congé parental.
De nombreuses femmes m’ont écrit pour exprimer leur inquiétude à ce sujet. L’amendement CL94 vise donc à supprimer l’article 2.
M. Sergio Coronado. Cet argumentaire est difficilement recevable au vu de la politique d’égalité à laquelle nous sommes attachés. Dans un autre débat, notre collègue Mariton avait lui-même fait référence à la Convention européenne pour s’opposer à la possibilité pour un salarié de refuser, en raison de son orientation sexuelle, une mutation dans un pays incriminant l’homosexualité.
Mme Barbara Romagnan. Je rappelle que ce congé est pris à 96 % par les femmes. Sur les trente-six mois, restent trente mois qui peuvent toujours être pris par la mère. Cet article prévoit une liberté nouvelle pour les pères, qui ne seront pas obligés de prendre les six mois, et les encouragera à en faire la demande auprès de leur employeur.
Mme Marie-George Buffet. À l’heure actuelle, un homme qui demande un congé parental est regardé avec étonnement dans son entreprise. La loi permettra une évolution des mentalités en posant le principe d’un congé parental partagé.
Mme Catherine Coutelle. Les mères bénéficient actuellement d’un congé parental de six mois pour le premier enfant. Grâce à ce texte, ce congé sera allongé et pourra être partagé, dès le premier enfant, entre le père et la mère. Cette grande avancée permettra de changer le regard de la société sur les pères qui prennent un congé et assurera une meilleure articulation entre vie familiale, vie personnelle et vie professionnelle.
Mme Axelle Lemaire. Il est aberrant, en 2013, que l’on puisse s’opposer par principe au partage du congé parental. Nous savons que l’égalité entre les hommes et les femmes est beaucoup plus avancée dans les pays nordiques grâce à une telle mesure ! Cet article permettra de faire partager aux hommes le caractère discriminatoire que peut revêtir la parentalité dans l’entreprise. Il amènera en outre les pères à prendre conscience de l’importance du partage des tâches domestiques, l’une des principales sources d’inégalités hommes-femmes aujourd’hui.
M. le rapporteur. Le congé parental partagé constitue l’une des mesures phare de ce projet de loi. Les pères seront incités à s’impliquer dans l’éducation des enfants dès leur plus jeune âge, ce qui ne sera pas sans conséquence sur d’autres sujets qui seront abordés plus tard dans la discussion.
L’objectif est que les femmes soient le moins longtemps possible écartées du marché du travail. C’est pourquoi sont prévues des dispositions d’accompagnement vers le retour à l’emploi.
Cet amendement amènera un changement de regard de la société, en particulier des entreprises. Les hommes, eux aussi, peuvent changer les couches !
En nous inspirant du dispositif allemand, nous espérons voir le nombre de pères prenant un congé parental passer de 18 000 en 2012 à 100 000 dans les prochaines années.
Enfin, le « risque enfant », qui pénalise les femmes dans leur accès à l’emploi en raison de leur potentielle maternité, pèsera désormais de la même manière sur les hommes.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement de suppression de l’article.
M. Bernard Lesterlin. Je m’étonne de cet amendement, sachant que des voix éminentes de l’opposition ont exprimé leur accord sur cet article fondamental.
Mme Claude Greff. Je suis d’accord sur le fond avec la mesure prévue par l’article 2, mais je m’interroge : la mère perdra-t-elle les six mois de congé si le père ne prend pas lui-même les six mois supplémentaires ? Cette question est importante au regard du manque de places en crèche dans notre pays.
La Commission rejette l’amendement CL94.
Puis elle adopte les amendements identiques de coordination CL 257 du rapporteur et CL 276 de la commission des Affaires sociales.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement CL 95 de M. Jean-Frédéric Poisson.
La Commission est saisie des amendements identiques CL 256 du rapporteur et CL 277 de la commission des Affaires sociales.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à modifier le nom de la prestation d’accueil de l’enfant qui s’appellerait désormais « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (PreParE). Le terme « éducation » paraît en effet plus adapté que celui d’« accueil » qui pourrait induire un risque de confusion avec la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), dont la présente prestation constitue l’un des volets. Au demeurant, l’abréviation « PreParE » aurait du sens au regard du retour du parent à l’emploi et du passage de l’enfant à la crèche ou à l’école.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. La dénomination CLCA ne convient pas, car 60 % des femmes prennent un congé parental par défaut. Comme l’a souligné Mme Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, une appellation qui fait sens permet d’agir contre les stéréotypes.
La Commission adopte ces amendements.
Elle adopte ensuite les amendements identiques de coordination CL255 du rapporteur et CL278 de la commission des Affaires sociales.
Puis elle adopte les amendements identiques de coordination CL228 du rapporteur et CL279 de la commission des Affaires sociales.
La Commission examine alors, en discussion commune, l’amendement CL305 du Gouvernement et les amendements identiques CL229 du rapporteur et CL280 de la commission des Affaires sociales.
M. le rapporteur. Afin de dissiper certains malentendus résultant de la lecture au Sénat, j’ai déposé un amendement identique à celui de Mme la rapporteure pour avis. Je vous propose donc de l’adopter et de rejeter celui du Gouvernement, que je n’ai d’ailleurs pu analyser puisqu’il a été déposé ce matin seulement.
La Commission rejette l’amendement CL 305.
Puis elle adopte les amendements identiques CL229 et CL280.
La Commission est saisie de l’amendement CL 97 de M. Jean-Frédéric Poisson.
Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement vise, à l’alinéa 40 de l’article 2, à remplacer les mots : « les deux membres du couple », par les mots : « la mère et le père de l’enfant ». Le fait d’être en couple n’implique en effet pas nécessairement que les deux personnes soient les parents d’un enfant commun. La notion juridique de couple est trop large et évasive.
En l’état, le texte imposerait la prise du congé parental par une personne qui pourrait n’avoir aucun lien juridique avec le ou les enfants de son conjoint. Cela n’aurait aucun sens et serait défavorable aux familles concernées.
Il est donc nécessaire de préciser que le dispositif est applicable uniquement aux parents de l’enfant, c’est-à-dire à sa mère et à son père, qui sont seuls détenteurs de l’autorité parentale.
M. le rapporteur. Je ne suis pas sûr de voir où vous voulez en venir ! (Sourires). Avis défavorable. Nous avons déjà longuement débattu de ce sujet. En outre, mon amendement CL264 peut faire consensus.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements de précision CL264 et CL230 ainsi que l’amendement de correction CL231, tous du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL96 de M. Jean-Frédéric Poisson.
Mme Virginie Duby-Muller. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CL281 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Il s’agit de compléter l’alinéa 41 par les mots « ou au parent dont le conjoint se trouve dans l’impossibilité de remplir les conditions mentionnées au III du présent article ».
En effet, il peut arriver que dans un couple l’un des deux conjoints ne puisse remplir ces conditions et donc bénéficier du droit au prolongement de la prestation prévue par l’article 2. Des pères pourraient se voir refuser le bénéfice de cette allocation.
M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par mon amendement CL230 qui vient d’être adopté.
L’amendement CL281 est retiré.
La Commission adopte successivement l’amendement de conséquence CL232 et l’amendement de correction CL233 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL282 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de coordination pour tenir compte de la modification du nom de l’actuel CLCA.
M. le rapporteur. Favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 283 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. En cas de naissances multiples d’au moins trois enfants ou d’adoption simultanée de trois enfants ou plus, la durée de versement de la prestation partagée d’accueil de l’enfant (PPAE) est augmentée pour être portée à six ans. Cependant, la durée du congé parental d’éducation n’est pas augmentée dans ces cas précis et reste limitée à trois ans. Dès lors, les parents d’enfants multiples qui souhaitent bénéficier de la totalité des versements de la PPAE auxquels ils ont droit doivent renoncer à leur emploi, sans être protégés par les dispositions relatives au congé parental qui garantissent le retour sur le poste occupé précédemment.
Le présent amendement vise donc à sécuriser la situation professionnelle des parents d’enfants multiples, déjà confrontés à des difficultés organisationnelles majeures.
M. le rapporteur. Favorable. Cet amendement de bon sens devrait faire consensus.
Mme Catherine Coutelle. Je souhaite que mon nom soit retiré des signataires de cet amendement, car je n’y suis pas favorable. Maintenir les femmes aussi longtemps hors du marché du travail, y compris en cas de naissances multiples, n’est pas souhaitable. Il faut trouver d’autres solutions.
Mme Claude Greff. Je rejoins Mme Coutelle. Permettre au parent de rester à la maison sur une aussi longue période sera préjudiciable au retour à l’emploi. Il faut plutôt accompagner davantage les familles en cas de naissances multiples.
Mme Marie-George Buffet. Je pense également qu’une personne ayant interrompu son activité professionnelle pendant six ans aura de grandes difficultés à se réinsérer dans le marché du travail. Des mesures d’accompagnement des familles – aide à domicile, accueil des enfants – sont préférables.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Je partage entièrement ce point de vue. J’aimerais que le rapporteur nous explique pourquoi il est favorable à cet amendement qui ne va pas dans le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes.
M. le rapporteur. Mon avis s’appuie sur une analyse purement technique et juridique. Les personnes concernées bénéficieront de la PreParE pour six ans. Or la durée du congé parental d’éducation reste limitée à trois ans. L’amendement vise donc à mettre en cohérence les deux dispositifs.
Mme Claude Greff. Je comprends la motivation de cet amendement, mais je crains qu’il ne soit préjudiciable au retour à l’emploi.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 135 de Mme Françoise Guégot.
Mme Françoise Guégot. Cet amendement vise à allonger le délai de prévenance de l’employeur de un à trois mois pour la prise du congé parental. Cela permettra aux entreprises de faciliter leur gestion des ressources humaines.
M. le rapporteur. Cette proposition formulée par le MEDEF dans le cadre de la négociation a été écartée par les partenaires sociaux. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 2 modifié.
La Commission examine l’amendement CL 22 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. L’objectif de cet amendement est d’étendre la période de protection des femmes face aux licenciements non seulement durant la grossesse et le congé de maternité, mais aussi pendant toute la durée du congé parental indemnisé par la prestation partagée d’accueil de l’enfant.
M. le rapporteur. Aux termes de cet amendement, la durée pendant laquelle une salariée ne pourrait être licenciée serait de trois ans, ce qui me semble aller trop loin. Au demeurant, la jurisprudence de la Cour de cassation permet d’annuler les licenciements pour les raisons que vous avez évoquées. Je vous propose donc de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Sergio Coronado. La jurisprudence n’est pas la loi, monsieur le rapporteur ; elle peut évoluer. Au surplus, si l’on veut inciter les hommes à prendre un congé parental, il faut prévoir une telle protection dans la loi. Je maintiens donc mon amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Article 2 bis A (nouveau)
(art. L. 1225–4–1 du code du travail)
Protection des pères salariés contre le licenciement durant les quatre semaines suivant la naissance de leur enfant
Cet article est issu de l’adoption par votre Commission d’un amendement de votre rapporteur.
Il a pour objet d’assurer une protection contre le licenciement aux hommes salariés au cours des quatre semaines suivant la naissance leur enfant, s’inspirant ainsi de la protection dont la salariée enceinte bénéficie, non seulement durant son congé maternité, mais aussi durant les quatre semaines suivant l’expiration de ce dernier, en application de l’article L. 1225 – 4 du code du travail (43).
Sur un plan symbolique, cet article, en rapprochant la situation juridique des jeunes pères de celle des jeunes mères, envoie un signal fort aux entreprises : il présuppose en effet que les pères s’impliquent autant que les mères dans les responsabilités parentales à la naissance de l’enfant.
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La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL290 de la commission des Affaires sociales, et l’amendement CL234 du rapporteur qui fait l’objet d’un sous-amendement CL311 de Mme Axelle Lemaire.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. La protection accordée à la mère en cas de naissance vise à protéger le cadre d’accueil de l’enfant ; elle a donc vocation à s’étendre au père. Cet amendement a pour but de sécuriser le cadre familial via une protection temporaire de l’emploi, justifiée par le caractère exceptionnel d’une naissance.
M. le rapporteur. Mon amendement va un peu plus loin en assurant une protection contre le licenciement aux hommes salariés au cours des quatre semaines qui suivent la naissance de l’enfant, s’inspirant de la protection dont bénéficie la femme pendant quatre semaines à l’issue de son congé de maternité.
Mme Axelle Lemaire. Il me semble que l’amendement de Mme la rapporteure pour avis est plus réaliste que celui du rapporteur. Sachant que, la plupart du temps, si les pères ne prennent pas le congé de paternité c’est par peur d’être licenciés, mon sous-amendement vise à restreindre la protection juridique des hommes contre le licenciement aux onze jours correspondant à ce congé après la naissance.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Si je comprends bien, madame Lemaire, votre sous-amendement vise à rendre l’amendement du rapporteur moins favorable ?
Mme Axelle Lemaire. On peut le comprendre ainsi.
M. le rapporteur. Lorsque l’on reconnaît un droit, autant accorder la protection maximale, soit pendant quatre semaines plutôt que onze jours. En outre, le sous-amendement pose un problème pratique. En effet, les onze jours de congé de paternité peuvent être pris dans un laps de temps de quatre mois et, contrairement à ce que vous avez dit, ma chère collègue, ils ne le sont pas forcément juste après la naissance. Dès lors, quand situer les onze jours pendant lesquels le salarié est protégé ? Il me semble qu’une période de quatre semaines, qui débute sans ambiguïté possible juste après l’accouchement, constitue un compromis satisfaisant. Je vous suggère donc de retirer votre sous-amendement. Mais, naturellement, les membres de la Commission sont libres de ne protéger les pères du licenciement que pendant onze jours.
Mme Axelle Lemaire. Convaincue par vos explications, monsieur le rapporteur, je retire mon sous-amendement, mais nous pourrons rouvrir le débat en séance publique.
Le sous-amendement CL311 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CL290.
Puis elle adopte l’amendement CL234.
Article 2 bis B (nouveau)
(art. L. 1225–16 du code du travail)
Octroi de trois autorisations d’absence à un père salarié pour assister à certains examens prénataux de sa compagne
Cet article est issu de l’adoption par votre Commission de deux amendements identiques déposés par Mme Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales et par Mme Axelle Lemaire et les autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Cet article modifie l’article L. 1225–16 du code du travail, qui, dans sa rédaction actuelle, autorise les salariées enceintes à s’absenter pour se rendre à leurs examens prénataux obligatoires (44). Il précise que le conjoint salarié de la femme enceinte ou la personne salariée liée à elle par un PACS ou vivant maritalement avec elle bénéficie d’une autorisation d’absence pour se rendre aux examens médicaux obligatoires, dans la limite maximale de trois.
Votre rapporteur s’est réjoui de l’adoption de cet article qui, en cohérence avec l’article précédent, permettra aux salariés concernés de s’impliquer davantage dans leur rôle de futurs pères. Il avait lui–même déposé un amendement poursuivant le même objet mais dont la rédaction pouvait paraître moins précise puisque se référant, dans un souci de cohérence avec l’article L. 1225–35 du code du travail relatif aux bénéficiaires du congé de paternité et d’accueil de l’enfant, au « père », terme qui pouvait apparaître moins adapté s’agissant d’examens menés avant la naissance de l’enfant.
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La Commission examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CL235 du rapporteur et les amendements identiques CL284 de la commission des Affaires sociales et CL145 de Mme Axelle Lemaire.
M. le rapporteur. L’amendement CL235 est défendu.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. L’article L. 1225-16 du code du travail autorise les salariées à s’absenter pour les examens prénataux obligatoires. Pour impliquer davantage les pères dans l’exercice de la parentalité, il semble logique d’étendre ce droit aux hommes pour qu’ils puissent accompagner les femmes. Une limite à trois examens médicaux est fixée, sur les sept examens obligatoires prévus à l’article R. 2122-1 du code du travail. Tel est le sens de l’amendement CL284, dont la rédaction s’inspire de l’article L. 1225-35 du code du travail définissant les droits du père en matière de congé de paternité.
Mme Axelle Lemaire. L’amendement CL145 est identique.
Mme Barbara Romagnan. J’aimerais m’assurer que le terme de « conjoint » que nous employons dans notre amendement s’applique bien indifféremment à un homme ou à une femme.
M. le rapporteur. Ce terme me paraît mieux choisi que celui de « père » utilisé dans mon amendement, car par définition, au stade de la grossesse qui est visé ici, le conjoint n’est pas encore père. Je retire donc l’amendement CL235 au profit de l’amendement CL284.
M. Sergio Coronado. En outre, depuis l’adoption de la loi du 17 mai 2013, le conjoint d’une femme peut être une femme.
L’amendement CL235 est retiré.
La Commission adopte les amendements identiques CL284 et CL145.
La Commission en vient à l’amendement CL23 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Le droit actuel protège les mères du licenciement pendant leur grossesse et leur congé de maternité mais ne prévoit rien pour protéger les pères qui souhaitent s’impliquer dans l’éducation de leur enfant. Par cet amendement, nous espérons garantir concrètement la même sécurité au père et à la mère et, du point de vue symbolique, contribuer à faire changer le regard sur ces questions.
M. le rapporteur. Mon amendement CL234, précédemment adopté, satisfait en partie votre objectif – en partie seulement, mais davantage que d’autres propositions qui ont été formulées à ce sujet.
M. Sergio Coronado. En effet. J’ai bien noté que tous n’avaient pas la même ambition dans ce domaine.
L’amendement CL23 est retiré.
Article 2 bis C (nouveau)
(art. L. 1225–57 du code du travail)
Élargissement du contenu de l’entretien préalable à la reprise d’activité
à l’issue d’un congé parental d’éducation
Cet article est issu du déplacement, par amendement de votre rapporteur adopté par la Commission, du dispositif initialement contenu à l’article 2 B.
Cet article complète l’article L. 1225–57 du code du travail qui, dans sa rédaction actuelle, dispose que « le salarié qui reprend son activité initiale à l’issue du congé parental d’éducation a droit à un entretien avec son employeur en vue de son orientation professionnelle ».
L’article, tel qu’adopté par le Sénat, le complète sur deux points :
— d’une part, il précise et étend l’objet de l’entretien qui désormais « organise le retour à l’emploi du salarié », « définit les éventuels besoins de formation » et constitue l’occasion d’un examen des « conséquences de la période de congé sur la rémunération et l’évolution de la carrière du salarié » ;
— d’autre part, il permet la tenue de l’entretien avant la fin du congé parental d’éducation, si le salarié le demande.
À l’appui de son amendement, la ministre des Droits des femmes a fait valoir qu’il s’agissait de la transposition, dans le projet de loi, d’un point de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle (article 8).
Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle
Article 8 – Gestion de la carrière professionnelle des salariés bénéficiant
d’un congé parental d’éducation (extraits)
« Les partenaires sociaux sont convenus :
– de veiller à prendre toute mesure facilitant le retour à l’emploi des salariés en congé parental d’éducation (…) ;
– de permettre aux salariés qui en font la demande, de bénéficier d’un entretien afin de maintenir le lien entre le/la salarié(e) en congé parental d’éducation et son entreprise et d’anticiper sa reprise d’emploi. Cet entretien permettra à l’employeur et au salarié d’organiser le retour à l’emploi et d’anticiper les éventuels besoins de formation. À cette occasion, l’employeur et le salarié examineront les conséquences éventuelles de la période de congé sur sa rémunération et son évolution de carrière ;
– d’étudier, au niveau des branches professionnelles, les possibilités d’adapter les formations et de faciliter les démarches de VAE (45) des salariés ayant bénéficié d’un congé parental d’éducation. Ils tiendront compte autant que possible des contraintes liées à la parentalité dans l’organisation des formations ».
L’objet de cette disposition est de faciliter le retour à l’emploi des salariés – hommes ou femmes – après un congé parental, en prévoyant, au moment du retour dans l’entreprise, la tenue d’un entretien avec l’employeur ou le responsable des ressources humaines, afin d’analyser les conséquences que le congé serait susceptible d’avoir sur la suite de leur carrière dans l’entreprise et de s’assurer que ces salariés n’auront pas à en pâtir sur le plan professionnel, que ce soit en matière de formation ou de rémunération. Sur ce dernier point, la ministre a indiqué lors des débats au Sénat que l’entretien pourra être l’occasion de « faire en sorte qu’ils puissent bénéficier d’une partie des augmentations que tous les autres salariés de l’entreprise auront reçues pendant leur absence » (46). Cette disposition est cohérente avec l’exigence posée à l’article L. 3221–2 du code du travail, qui dispose que « tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ».
L’anticipation possible de la tenue de l’entretien doit permettre de préparer le retour du salarié dans les meilleures conditions possibles.
Le présent article répond dans une très large mesure à la préconisation n° 8 du rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes qui recommande la mise en place d’un « véritable accompagnement vers l’emploi en sortie de congé parental » (47).
Lors de l’examen de l’article 2 B par votre Commission, votre rapporteur a proposé, pour la cohérence de la présentation du titre Ier de la loi, que cet article soit déplacé après l’article 2, relatif au complément de libre choix d’activité, sujet connexe de celui du congé parental d’éducation.
Il a en outre proposé que le dispositif soit modifié sur le fond, afin que soit ajouté le terme « éventuelles » après le mot « conséquences », conformément à la lettre de l’article 8 de l’ANI ; outre une amélioration formelle – c’est bien l’employeur et le salarié qui organisent le retour à l’emploi de ce dernier et non l’entretien lui-même –, la rédaction adoptée supprime également la référence à l’article L. 3221-2 du code du travail, qui n’est pas utile et pourrait même sembler curieuse puisque cet article est relatif à l’égalité salariale alors que l’entretien doit aussi traiter de la question de l’évolution de la carrière du salarié.
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La Commission examine l’amendement CL236 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit, si je puis dire, d’un amendement géographique, puisqu’il tend à déplacer les dispositions initialement contenues à l’article 2 B.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission en vient ensuite à l’amendement CL147 de Mme Axelle Lemaire.
Mme Axelle Lemaire. La rédaction de cet amendement est calquée sur celle de l’article L. 1225-29 du code du travail, qui interdit aux femmes d’aller travailler pendant une période de huit semaines au total avant et après leur accouchement, et interdit de les employer dans les six semaines qui suivent leur accouchement. Une étude montre que les hommes sont de plus en plus nombreux à prendre leur congé de paternité : 69 % des pères de bébés âgés de zéro à vingt-quatre mois l’ont pris en 2007, contre 61 % en 2003. Mais seuls 38 % de ces pères le posent dès la naissance de leur enfant, les autres renonçant à le faire principalement en raison d’une surcharge de travail ou, de plus en plus souvent, pour éviter une perte de revenu. Nous proposons donc d’interdire aux pères d’aller travailler durant les trois jours qui suivent la naissance de leur enfant. Il s’agit en réalité d’interdire aux employeurs de les faire venir sur leur lieu de travail.
Peut-être jugera-t-on cette interdiction trop rigide, d’autant que l’hospitalisation qui suit immédiatement l’accouchement peut limiter les contacts entre le père et l’enfant. Il convient en tout cas de s’interroger sur l’opportunité d’un parallélisme entre les mères et les pères. Aujourd’hui, alors qu’il est interdit aux unes de travailler pendant une longue période, les autres peuvent librement renoncer à leur congé de paternité.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je doute, ma chère collègue, que votre amendement soit constitutionnel. Peut-on véritablement interdire à quelqu’un de se rendre sur son lieu de travail ?
M. le rapporteur. En outre, pourquoi se focaliser sur trois jours ? Vous l’avez dit vous-même, ce n’est pas nécessairement au cours des premiers jours suivant la naissance que la mère a le plus besoin du père ; c’est plutôt à la sortie de la maternité, soit en moyenne cinq jours après l’accouchement. Je comprends votre intention, mais il faudrait se montrer plus souple. Dans certaines professions, la mesure que vous proposez se heurte à une impossibilité absolue, par exemple lorsque l’outil de production requiert la présence du salarié. Symboliquement, enfin, est-il bienvenu de passer ainsi d’un droit à une interdiction ?
Cela dit, le débat mérite d’être ouvert car il rejoint les préoccupations que nous inspirent les risques auxquels la paternité expose les hommes au travail, notamment lors de l’embauche. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, dans le but d’approfondir la réflexion en séance publique le cas échéant.
L’amendement CL147 est retiré.
Article 2 bis D (nouveau)
(art. 1er A de l’ordonnance n° 2005–722 du 29 juin 2005)
Inscription dans les statuts de la Banque publique d’investissement d’un objectif d’encouragement de l’entreprenariat féminin
Cet article est issu de l’adoption par votre Commission d’un amendement de Mme Axelle Lemaire et des autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il complète l’article 1er A de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement (BPI) qui fixe la liste des objectifs de ce groupe public, chargé notamment d’agir « en appui des politiques publiques conduites par l’État et conduites par les régions ».
Le présent article précise que la BPI « veille à l’équilibre par sexe des financements en prêts et en fonds propres » qu’elle apporte aux entreprises, et que le principe d’égalité de traitement de ces dernières ne s’oppose pas à ce que la BPI maintienne ou adopte des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages subis par l’un des sexes dans l’accès à la création d’entreprise.
À l’appui de son amendement, son auteure a fait valoir que les femmes ne représentent que 30 % des créateurs d’entreprises et que seulement une entreprise innovante nouvelle sur dix est dirigée par une femme. Les comparaisons internationales pointent le retard de la France en la matière ; c’est pourquoi le Gouvernement a décidé de la mise en œuvre d’un plan de développement de l’entreprenariat féminin, visant un objectif de 40 % de femmes entrepreneures d’ici 2017.
S’inscrivant dans cet objectif, le présent article inscrit dans les statuts de la BPI sa vocation à favoriser l’entreprenariat féminin. Votre rapporteur salue cette démarche, même s’il estime que la rédaction de cet article devra être améliorée à l’occasion de son examen en séance publique.
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La Commission en vient à l’amendement CL146 de Mme Axelle Lemaire.
Mme Axelle Lemaire. Le Premier ministre a décidé, à l’issue du comité interministériel aux droits des femmes, le 30 novembre 2012, la mise en œuvre d’un plan de développement de l’entrepreneuriat féminin s’appuyant sur trois piliers, dont le troisième est « l’accès des créatrices au financement ». Il vise à atteindre l’objectif de 40 % de femmes entrepreneures d’ici à 2017.
Les femmes ne représentent en France que 30 % des créateurs d’entreprise et seulement 10 % des jeunes entreprises innovantes sont dirigées par des femmes. Les comparaisons internationales montrent que, de ce point de vue, la France est en retard sur ses voisins. En 2011, moins de 3 % des Françaises appartenant à la tranche d’âge 18-64 ans ont créé une entreprise ou possédaient une entreprise récemment créée, contre 4,5 % en Allemagne, 5,2 % au Royaume-Uni et plus de 10 % aux États-Unis.
Le présent amendement vise donc à inscrire dans les statuts de la Banque publique d’investissement sa vocation à favoriser l’entrepreneuriat féminin, et plus précisément l’accès des femmes au financement. Les études sociologiques montrent en effet qu’une femme qui présente à son banquier son projet d’entreprise a statistiquement moins de chances qu’un homme d’obtenir un financement. Il est logique qu’un objectif conforme à la politique gouvernementale en la matière soit inscrit dans les statuts de la BPI.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement CL316 du Gouvernement qui, par correction vis-à-vis de la Commission, ne sera pas défendu puisque nous ne l’avons reçu qu’à neuf heures dix ce matin.
M. le rapporteur. Le but poursuivi par Mme Lemaire est légitime, mais, pour s’assurer de l’efficacité de l’amendement, il faudra le réécrire à la lumière de ce que propose le Gouvernement, même si nous n’en discuterons pas aujourd’hui. Avis favorable, donc, à condition que nous prenions le soin d’examiner en séance un amendement reprenant le texte du sous-amendement du Gouvernement.
M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, je salue votre initiative, car la Commission n’a pas à examiner des amendements déposés aussi tardivement, même s’ils émanent du Gouvernement.
S’agissant de l’amendement CL146, j’entends les arguments statistiques mais, sous réserve de la rédaction du sous-amendement gouvernemental que nous n’examinerons qu’ultérieurement, le dispositif proposé laisse perplexe. Comment va-t-il fonctionner ? Ciblera-t-on spécifiquement et quantitativement une partie des crédits d’investissement ? Se fondera-t-on sur des quotas, sur des montants, sur un nombre donné de projets ? La BPI n’est pas, me semble-t-il, assez opérationnelle pour se payer le luxe de dispositifs aussi lourds. J’émets donc les plus grandes réserves concernant cet amendement.
Mme Axelle Lemaire. Dans sa formulation actuelle, selon laquelle la BPI devrait « veille[r] à l’équilibre par sexe » – sans que soit mentionné le fait de favoriser un sexe plutôt qu’un autre –, l’amendement est parfaitement conforme au droit communautaire, notamment à la directive sur les services financiers. À l’étranger, de grands établissements bancaires ont inscrit dans leurs statuts de tels objectifs de promotion de la parité sans que cela ne suscite la moindre polémique. Peut-être la rédaction de l’amendement sera-t-elle modifiée à la lumière du sous-amendement du Gouvernement ; quoi qu’il en soit, son objectif me paraît devoir nous réunir.
La Commission adopte l’amendement.
Article 2 bis E (nouveau)
Expérimentation du versement du montant majoré de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (ex « COLCA ») aux parents de deux enfants
Le présent article est issu de l’adoption par votre Commission d’un amendement présenté par votre rapporteur. Cette initiative, qui aurait pu être jugée contraire aux exigences de l’article 40 de la Constitution, avait reçu le soutien explicite de la ministre aux Droits des femmes lors de son audition par votre Commission le mardi 10 décembre dernier (48), ce qui a rendu possible son dépôt.
Il vise, afin de faciliter le retour à l’emploi des parents qui cessent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant, à autoriser l’expérimentation du versement aux parents de deux enfants du montant majoré de la PreParE (anciennement, le complément optionnel de libre choix d’activité, « COLCA ») prévu au deuxième alinéa du VI de l’article L. 531–4 du code de la sécurité sociale.
La durée de l’expérimentation est fixée à dix–huit mois, par cohérence avec la durée fixée par votre Commission pour les autres expérimentations prévues par le présent projet de loi.
Un amendement poursuivant le même objet avait été adopté, sur l’initiative de Mme Marie–Françoise Clergeau, par la commission des Affaires sociales ; la rédaction de celui de votre rapporteur a cependant été préférée par votre Commission du fait de la durée de l’expérimentation proposée, qui était de trois ans pour l’amendement de la commission des Affaires sociales, mais l’objectif est très clairement le même.
Le dispositif doit permettre d’élargir le champ des bénéficiaires de cette prestation familiale au montant majoré en contrepartie d’une durée de versement plus courte. Ce dispositif, qui repose sur une interruption d’activité plus courte, est favorable à l’activité des femmes qu’elle éloigne moins longtemps de la vie professionnelle.
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La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL263 du rapporteur et CL285 de la commission des Affaires sociales.
M. le rapporteur. L’amendement CL263 vise à étendre le bénéfice de l’actuel COLCA – le complément optionnel de libre choix d’activité – afin que les parents puissent opter dès le deuxième enfant pour un congé plus court mais mieux rémunéré. La mesure pouvant toutefois sembler en contradiction avec le dispositif instauré par le projet de loi, elle ne sera instituée qu’à titre expérimental. À la différence de la commission des Affaires sociales, je propose que l’expérimentation dure dix-huit mois, par cohérence avec mes amendements tendant à ramener à dix-huit mois la durée des autres expérimentations contenues dans le texte et qui représentent autant d’entorses au principe d’égalité.
Cela dit, je souhaite rectifier l’amendement pour que le délai qui sépare la remise du rapport d’évaluation du terme de l’expérimentation soit non de neuf mois mais de six mois, afin de tenir compte du fait que le COLCA lui-même ne dure qu’un an. Le début de la dernière phrase du II de l’amendement serait donc ainsi rédigé : « Elle donne lieu, au plus tard six mois avant son terme, à la transmission…»
L’amendement CL285 est retiré.
La Commission adopte ensuite l’amendement CL263 ainsi rectifié.
La Commission est saisie de l’amendement CL286 de la commission des Affaires sociales.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. La lecture des premiers mots de cet amendement devrait conduire naturellement à un retrait.
L’amendement est retiré.
Article 2 bis (supprimé)
Remise d’un rapport au Parlement sur les effets de la réforme
du complément de libre choix d’activité
Cet article, issu de l’adoption en séance publique par le Sénat d’un amendement de Mme Catherine Génisson et des membres du groupe Socialiste et apparentés, a été supprimé par votre Commission.
Il prévoyait que le Gouvernement devrait transmettre chaque année, à compter de 2017, un rapport au Parlement « décrivant les effets économiques, sociaux et financiers de la réforme introduite par l’article 2 de la présente loi, mis en regard notamment de l’évolution des solutions d’accueil des jeunes enfants ». S’agissant des modalités de réalisation de ce rapport, l’article précisait qu’il serait « réalisé avec le concours d’un comité d’experts » et que « la caisse nationale des allocations familiales et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole [devraient collecter et transmettre] les données utiles pour la réalisation de ce rapport ».
Eu égard au caractère peu normatif des formulations retenues par le Sénat et au fait qu’il revient en premier lieu au Parlement de réaliser un travail d’évaluation des lois qu’il adopte, votre rapporteur a proposé la suppression de cet article.
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La Commission est saisie de l’amendement de suppression CL237 du rapporteur.
M. le rapporteur. Conformément à une jurisprudence éprouvée au sein de notre Commission, je vous propose de supprimer une demande de rapport.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je félicite le rapporteur de son exposé sommaire : nous devrions supprimer systématiquement les dispositions peu normatives chaque fois que nous en rencontrons. Nous aurons quelques raisons d’en reparler dès cet après-midi.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 2 bis est supprimé.
La Commission est saisie de l’amendement CL287 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Aux termes de cet amendement, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant l’opportunité d’une réforme d’envergure de la « prestation partagée d’accueil de l’enfant à un montant majoré ».
M. le rapporteur. Quant au fond, votre amendement est satisfait par l’amendement CL263 sur l’expérimentation du COLCA dès le deuxième enfant, que nous avons précédemment adopté. Sur la forme, outre que, me semble-t-il, les parenthèses sont proscrites dans les articles de loi, nous ne sommes pas favorables aux demandes de rapport, ainsi qu’il vient d’être rappelé.
Avis défavorable.
L’amendement CL287 est retiré.
Article 2 ter
(art. L. 531–4 et L. 531–4–1 [nouveau] du code de la sécurité sociale)
Convention entre Pôle emploi et la Caisse nationale des allocations familiales
en faveur des bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant non titulaires d’un congé parental d’éducation
Cet article, issu de l’adoption par le Sénat en séance publique d’un amendement du Gouvernement, prévoit la conclusion d’une convention entre Pôle emploi et l’organisme débiteur des prestations familiales – la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – portant sur l’accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant qui étaient précédemment en inactivité. À l’appui de son amendement, le Gouvernement a fait valoir que la CNAF a évalué qu’environ 96 000 bénéficiaires du CLCA sortent chaque année du dispositif sans disposer d’un congé parental d’éducation et n’ont, par conséquent, aucune assurance de retrouver un emploi.
1. Le contenu de l’article adopté par le Sénat
À cette fin, l’article (II) introduit au sein du code de la sécurité sociale un nouvel article L. 531–4–1 (situé donc immédiatement après l’article L. 531-4 relatif aux conditions d’attribution de la prestation partagée d’accueil de l’enfant) prévoyant qu’une convention sera conclue entre Pôle emploi et l’organisme débiteur des prestations familiales afin de fixer les conditions dans lesquelles les bénéficiaires de la prestation qui étaient en inactivité avant de la percevoir bénéficient des prestations d’aide au retour à l’emploi avant la fin de leurs droits à la prestation.
Le dernier alinéa prévoit l’association des régions à cette convention pour ce qui relève de leurs compétences en matière de formation professionnelle. L’article L. 214–13 du code de l’éducation confie à la région le soin d’adopter un « plan régional de développement des formations professionnelles » qui a pour objet de définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle et comporte notamment des actions de formation et d’information destinées à favoriser l’insertion sociale. Il prévoit que, pour sa partie consacrée aux adultes, ce plan « couvre l’ensemble des actions de formation professionnelle visant à favoriser l’accès, le maintien et le retour à l’emploi ».
Par coordination, le I de l’article modifie l’article 531–4 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que la prestation sera versée à taux plein y compris lorsque la personne « suit une formation non rémunérée ».
Au cours des débats au Sénat, la ministre des Droits des femmes a fait valoir que cet amendement visait à « créer les conditions d’un véritable droit à l’accompagnement professionnel de ces femmes – ce sont en effet essentiellement des femmes –, dans le cadre d’une convention » (49) et que la convention serait porteuse de trois avancées décisives :
— en premier lieu, les femmes concernées seront invitées, un an avant l’échéance de leurs droits, à préparer leur retour à l’emploi avec l’aide d’un conseiller de Pôle emploi au moyen d’un accompagnement personnalisé, qui s’ouvrira par un bilan de compétences, sans que puisse être opposé à ces bénéficiaires le fait qu’elles n’étaient pas inscrites jusqu’alors sur la liste des demandeurs d’emploi ;
— en deuxième lieu, des formations adaptées seront offertes aux bénéficiaires : « nous travaillerons spécifiquement avec les régions, pour que ces femmes puissent bénéficier de formations adéquates, dans le cadre soit de leur emploi initial soit d’un projet de reconversion » a déclaré la ministre ;
— enfin, et afin de permettre effectivement aux bénéficiaires de profiter des formations, le Gouvernement s’est engagé, en lien avec les régions, à ce que des solutions ponctuelles d’accueil de leurs enfants soient apportées.
2. L’examen par votre Commission
La Commission a adopté deux amendements de précision de votre rapporteur : le premier a remplacé la mention « Pôle emploi », dont l’appellation n’est pas de niveau législatif, par une référence à l’article L. 5312–1 du code du travail qui fonde son existence et définit ses missions ; le deuxième a réécrit l’alinéa relatif à la participation de la région pour l’accès aux actions de formation professionnelle.
Elle a en outre adopté deux amendements identiques de coordination, sur l’initiative de votre rapporteur et de Mme Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales.
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La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CL238 du rapporteur, les amendements identiques CL239 du rapporteur et CL288 de la commission des Affaires sociales et l’amendement rédactionnel CL240 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 2 ter modifié.
Article 3
(art. 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics)
Interdiction de soumissionner aux marchés publics en cas de délit de discrimination ou de méconnaissance des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
Cet article complète la liste des interdictions de soumissionner aux marchés publics figurant à l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics en y ajoutant trois nouveaux motifs d’interdiction relatifs au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes :
– la condamnation définitive, depuis moins de cinq ans, pour le délit de discrimination prévu à l’article 225-1 du code pénal ;
– la condamnation définitive, depuis moins de cinq ans, en application de l’article L. 1146-1 du code du travail, pour violation des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévues par les articles L. 1142-1 et L. 1142-2 du même code ;
– le non-respect de l’obligation de négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévue par l’article L. 2242-5 du code du travail et, à la suite d’un ajout opéré par le Sénat, de l’obligation annuelle obligatoire portant sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail prévue par l’article L. 2248-8 du même code.
L’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics prévoit plusieurs interdictions de soumissionner.
Ces interdictions sont applicables aux marchés publics régis par le code des marchés publics en application de l’article 43 de ce code, qui renvoie à l’article 38 de cette ordonnance, lequel renvoie lui-même à l’article 8 de cette même ordonnance. Elles sont également applicables aux contrats de concession de travaux publics régis par l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics, compte tenu du renvoi, opéré par l’article 9 de cette ordonnance, à l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005.
En revanche, elles ne s’appliquent ni aux contrats de partenariat, régis par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat (50) , ni aux délégations de service public, régis par les articles 38 à 48 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
Les interdictions de soumissionner prévues par l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005 précitée peuvent résulter de condamnations pénales, de la violation des obligations sociales et fiscales ou des difficultés de l’entreprise concernée. Certaines sont spécifiques aux marchés relatifs à la défense et à la sécurité. L’exclusion administrative des contrats administratifs doit également être prise en compte.
Les interdictions liées à une condamnation pénale ont pour effet d’exclure les personnes qui ont fait l’objet, depuis moins de cinq ans, pour l’une des infractions prévues, dans le code pénal, par :
– l’article 222-38 (manipulation, dissimulation, blanchiment de capitaux lié au trafic de stupéfiants) ;
– l’article 222-40 (importation, exportation, trafic, offre, cession de stupéfiants) ;
– les articles 313-1 à 313-3 (escroquerie et tentatives d’escroquerie) ;
– les articles 314-1 à 314-3 (abus de confiance) ;
– les articles 324-1 à 324-6 (blanchiment de capitaux) ;
– les articles 413-9 à 413-12 (atteintes au secret de la défense nationale) ;
– les articles 421-1 à 421-2-3 ou le deuxième alinéa de l’article 421-5 (direction, organisation ou participation à une organisation ou à un acte terroriste) ;
– l’article 433-1 ou le second alinéa de l’article 433-2 (corruption active et trafic d’influence commis par les particuliers) ;
– le huitième alinéa de l’article 434-9 et le second alinéa de l’article 434-9-1 (délit d’entrave à l’exercice de la justice) ;
– l’article 435-3, 435-4, 435-9 et 435-10 (corruption de fonctionnaires de l’Union européenne et d’autres États membres et trafic d’influence) ;
– les articles 441-1 à 441-7 et l’article 441-9 (faux et usage de faux) ;
– l’article 445-1 (corruption de personnes n’exerçant pas une fonction publique) ;
– l’article 450-1 (association de malfaiteurs).
Sont également visées les condamnations définitives pour l’une des infractions prévues par :
– l’article 1741 du code général des impôts (soustraction, dissimulation, défaut de paiement en matière d’impositions) ;
– les articles L. 2339-2 à L. 2339-4, L. 2339-11-1 à L. 2339-11-3 du code de la défense (fabrication, commerce, importation et exportation illicites de matériel de guerre, armes et munitions) ;
– l’article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure (port et transport illégal d’armes et de munitions) ;
– les articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5 (travail dissimulé), L. 8231-1 (délit de marchandage), L. 8241-1 (prêt illicite de main-d’œuvre), L. 8251-1 et L. 8251-2 (infractions aux règles d’emploi des travailleurs étrangers) du code du travail, si les condamnations prononcées au titre de ces articles sont inscrites au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
De plus, le 5° de l’article 131-39 du code pénal prévoit, parmi les peines complémentaires susceptibles d’être prononcées à l’encontre d’une personne morale si la loi le prévoit, l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus. Certaines dispositions pénales inscrites au sein du code de l’environnement prévoient cette peine complémentaire.
b. Les interdictions de soumissionner liées aux difficultés de l’entreprise
Le 3° de l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005, précitée, dispose que les personnes soumises à la procédure de liquidation judiciaire prévue par l’article L. 640-1 du code de commerce ou dont la faillite personnelle a été prononcée en application des articles L. 653-1 à L. 653-8 du même code ne peuvent soumissionner à un marché public. Les personnes admises à une procédure de redressement judiciaire doivent, pour leur part, justifier qu’elles ont été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché.
c. Les interdictions de soumissionner liées à la violation des obligations sociales et fiscales
Les personnes qui, au 31 décembre de l’année précédant celle au cours de laquelle a lieu le lancement de la consultation, n’ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale et sociale ou n’ont pas acquitté les impôts et cotisations exigibles à cette date, ne peuvent soumissionner. La liste des impôts et cotisations en cause est fixée par un arrêté ministériel du 31 janvier 2003 (51).
Toutefois, sont considérées comme en situation régulière les personnes qui, au 31 décembre de l’année précédant la consultation, n’avaient pas acquitté les divers produits devenus exigibles à cette date, ni constitué de garanties, mais qui, avant la date de lancement de la consultation, ont, en l’absence de toute mesure d’exécution du comptable ou de l’organisme chargé du recouvrement, soit acquitté lesdits produits, soit constitué des garanties jugées suffisantes par le comptable ou l’organisme chargé du recouvrement.
Par ailleurs, les 5° et 6° de l’ordonnance du 6 juin 2005 prévoient plusieurs interdictions spécifiques aux marchés de défense et de sécurité. Sont ainsi exclues :
– les personnes qui ont été sanctionnées par la résiliation de leur marché ou qui, par une décision de justice définitive, ont vu leur responsabilité civile engagée depuis moins de cinq ans pour méconnaissance de leurs engagements en matière de sécurité d’approvisionnement ou en matière de sécurité de l’information, à moins qu’elles aient entièrement exécuté les décisions de justice éventuellement prononcées à leur encontre et qu’elles établissent, par tout moyen, que leur professionnalisme ne peut plus être remis en doute ;
– les personnes au sujet desquelles il est établi, par tout moyen et, le cas échéant, par des sources de données protégées, qu’elles ne possèdent pas la fiabilité nécessaire pour éviter des atteintes à la sécurité de l’État.
Outre les cas d’interdiction de soumissionner prévus par l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005, une telle interdiction peut résulter d’une mesure d’exclusion des contrats administratifs, prononcée par le préfet en application de l’article L. 8274-4 du code du travail. Cette exclusion, qui ne peut excéder six mois, peut être prononcée en cas de constatation, par les corps d’inspection concernés, d’une irrégularité relevant du travail dissimulé, du marchandage, du prêt illicite de main-d’œuvre ou de l’emploi d’étrangers sans titre de travail.
f. Le contrôle de la situation des soumissionnaires et de l’attributaire au regard des interdictions de soumissionner
Au stade de la candidature, les candidats sont seulement tenus d’attester sur l’honneur qu’ils ne sont pas dans une situation leur interdisant de soumissionner à l’attribution d’un marché public. À cette fin, un formulaire (le formulaire DC1, intitulé « Lettre de candidature – habilitation du mandataire par ses cotraitants ») intègre l’ensemble des déclarations sur l’honneur demandées. Ainsi, la signature par le candidat de ce formulaire vaut attestation sur l’honneur de la régularité de l’ensemble des interdictions de soumissionner à l’attribution d’un marché public et le dispense de fournir l’ensemble des attestations et certificats officiels à ce stade de la procédure.
Les attestations et certificats officiels ne sont exigés que du seul titulaire pressenti. Le marché ne pourra lui être attribué que s’il fournit les attestations et certificats demandés, lorsqu’il est avisé qu’il a été désigné comme titulaire pressenti. En pratique, le futur attributaire n’est cependant tenu de prouver que la régularité de sa situation fiscale et sociale. À cette fin, il fournit soit l’ensemble des attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents, soit il produit l’état annuel des certificats (appelé « formulaire NOTI2 ») que lui a délivré la direction générale des finances publiques.
2. La modification proposée : étendre les interdictions de soumissionner au non-respect de l’égalité entre les femmes et les hommes
Selon l’Observatoire économique de l’achat public, la commande publique a représenté, en 2012, un total de 75,498 milliards d’euros, avec 103 185 contrats recensés (hors avenant et acte de sous-traitance) (52). Ce poids économique fait de l’intégration du respect des dispositions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes parmi les interdictions de soumissionner un levier considérable pour faire respecter ces dispositions.
Les modifications proposées s’inspirent des recommandations formulées dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de janvier 2013 relatif à l’égalité professionnelle (53) et de deux législations étrangères, belge et québécoise.
a. Les législations belge et québécoise
En Belgique, depuis la loi du 12 janvier 2007 visant au contrôle de l’application des résolutions de la conférence mondiale sur les femmes réunies à Pékin en septembre 1995 et intégrant la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales, chaque ministre « veille, dans le cadre des procédures de passation des marchés publics et d’octroi de subsides, à la prise en compte de l’égalité des femmes et des hommes et à l’intégration de la dimension de genre » (art. 3, 3°). Cette obligation s’est traduite par la possibilité, pour chaque pouvoir adjudicateur, de mentionner dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, que les candidats qui ont enfreint la législation sociale, y compris l’égalité de traitement, peuvent être exclus si cette infraction est considérée comme une faute grave dans l’exercice de la profession (54). La charge de la preuve repose alors sur le pouvoir adjudicateur. Un candidat à un marché public peut ainsi être tenu de signer une déclaration sur l’honneur qui atteste qu’il respecte la législation en matière d’égalité des chances et de salaires entre hommes et femmes et de non-discrimination.
Par ailleurs, au stade de l’exécution, le pouvoir adjudicateur peut également imposer des conditions d’exécution permettant de tenir d’objectifs tels que la promotion de la politique de l’égalité des chances, en application de l’article 40, 2° de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de services.
Au Québec, un programme d’obligation contractuelle (« POC ») a été mis en place par une décision du Conseil des ministres du 23 septembre 1987. Il impose aux entreprises qui emploient plus de 100 personnes et qui soumissionnent en vue d’obtenir un contrat ou une subvention du gouvernement d’un montant de 100 000 dollars canadiens ou plus de mettre en place un programme d’accès à l’égalité (« PAE »).
Pour prouver son engagement à mettre en place un tel programme, elle doit joindre à sa candidature ou à sa demande de subvention un « engagement au programme » ou, si elle en a déjà soumis un auparavant, indique le numéro officiel de l’attestation d’engagement qui lui a été délivrée ou, s’il y a lieu, le « certificat de mérite » indiquant que les résultats fixés par le programme d’accès à l’égalité ont été atteints. La même exigence s’applique envers un sous-traitant de l’entreprise, lorsqu’il répond aux mêmes critères.
b. Les trois nouvelles interdictions de soumissionner
Le présent article du projet de loi vise à compléter l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 afin d’y ajouter trois nouveaux motifs d’interdiction de soumissionner aux marchés publics.
i. La condamnation pour discrimination
Le premier nouveau motif d’interdiction de soumissionner est la condamnation définitive, depuis moins de cinq ans, pour le délit de discrimination prévu à l’article 225-1 du code pénal (qui est par ailleurs puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende). Le premier alinéa de cet article dispose que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Son second alinéa prohibe les discriminations entre les personnes morales fondées sur les mêmes motifs.
La portée de ce nouveau motif va au-delà de l’égalité entre les femmes et les hommes, puisque ce délit vise, au-delà de celles fondées sur le sexe, toutes les formes de discriminations. Formellement, cet ajout s’insère au 1° de l’article 8, qui a trait aux autres interdictions liées à des condamnations pénales.
ii. La condamnation pour méconnaissance de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
Le deuxième nouveau motif d’interdiction de soumissionner est la condamnation définitive, depuis moins de cinq ans, en application de l’article L. 1146-1 du code du travail, pour violation des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévues par les articles L. 1142-1 et L. 1142-2 du même code.
L’article L. 1146-1 du code du travail prévoit que le fait de méconnaître les dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévues par les articles L. 1142-1 (55) et L. 1142-2 (56) est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.
iii. Le non-respect de l’obligation de négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
Le troisième nouveau motif d’interdiction de soumissionner a trait, en premier lieu, au non-respect de l’obligation de négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévue par l’article L. 2242-5 du code du travail.
Cet article prévoit que l’employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que les mesures permettant de les atteindre. Cette négociation s’appuie sur les éléments figurant dans le rapport de situation comparée prévu par l’article L. 2323-57 du code du travail, complété éventuellement par des indicateurs tenant compte de la situation particulière de l’entreprise. Elle porte notamment sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, les conditions de travail et d’emploi et en particulier celles des salariés à temps partiel, et l’articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales. La périodicité de la négociation est portée à trois ans lorsqu’un accord a été signé dans l’entreprise.
L’article 2242-5-1 du code du travail, récemment modifié par la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d’avenir, prévoit que les entreprises de plus de 50 salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou, à défaut d’accord, par un plan d’action unilatéral fixant des objectifs de progression, des actions permettant de les atteindre et des indicateurs chiffrés. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, le défaut d’accord est attesté par un procès-verbal de désaccord.
Le montant de la pénalité prévue, qui ne peut dépasser 1 % de la masse salariale de l’entreprise, est fixé par l’autorité administrative – en pratique, par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) compétent – en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle ainsi que des motifs de la défaillance constatée.
Le dispositif de sanction, entré en vigueur le 1er janvier 2012, a été renforcé par le décret n° 2012-1408 du 14 décembre 2012 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Quatre mois après la publication de ce décret, en avril 2013, 1 620 accords ou plans avaient été enregistrés. Au 15 juillet 2013, ce sont 2 711 accords ou plans qui avaient été enregistrés. Deux premières sanctions ont été prononcées en avril 2013. Au 15 juillet 2013, grâce à la forte mobilisation des services de l’inspection du travail, 400 entreprises ne s’étant pas conformées à leurs obligations avaient été mises en demeure.
Cette interdiction de soumissionner avait été complétée par le Sénat par un autre motif d’exclusion, liée à la violation de l’obligation de négociation annuelle obligatoire portant sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail prévue par l’article L. 2248-8 du code du travail, dont le champ dépassait celui de l’égalité entre les femmes et les hommes. La Commission a adopté un amendement du Gouvernement supprimant l’extension opérée par le Sénat. Le Gouvernement a fait valoir, à l’appui de cette suppression, que l’obligation de négociation annuelle sur les salaires n’entrait pas dans le champ des interdictions de soumissionner autorisées par l’article 45 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et que le maintien de cette disposition serait de nature à fragiliser le texte au regard de la nécessaire proportionnalité de la mesure que le Conseil constitutionnel vérifie en cas de saisine ou de question prioritaire de constitutionnalité.
Le projet de loi prévoit que le respect de ces obligations de négociations s’apprécie au 31 décembre de l’année précédant celle au cours de laquelle a lieu le lancement de la consultation. Il prévoit cependant que l’exclusion ne s’applique pas si l’entreprise, à la date à laquelle elle soumissionne, a réalisé ou engagé la régularisation de sa situation. Il s’agit d’un élément de souplesse important, qui pourrait être particulièrement utile aux petites et moyennes entreprises, en particulier.
Sur un plan procédural, ces nouvelles interdictions se matérialiseront, pour les entreprises soumissionnaires, par l’ajout d’une déclaration sur l’honneur dans le dossier de candidature (comme pour les interdictions existantes), qui attestera du respect de la législation en matière d’égalité professionnelle. Il n’y aura donc aucun formalisme excessif, afin de ne pas alourdir les charges administratives pesant sur les entreprises concernées.
Les nouvelles interdictions prévues sont conformes au droit de l’Union européenne. En effet, l’article 45 de la directive 2004/18/CE du 31 décembre 2004 relative aux marchés publics dits « classiques » (57) autorise d’exclure de la participation à un marché public tout opérateur économique qui a fait l’objet d’un jugement ayant autorité de chose jugée constatant un délit affectant sa moralité professionnelle ou qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave constatée par tout moyen dont les pouvoirs adjudicateurs pourront justifier.
Le considérant 43 de cette directive précise que le non-respect des dispositions nationales transposant les directives relatives à l’égalité de traitement des travailleurs (58), qui a fait l’objet d’un jugement à caractère définitif ou d’une décision ayant des effets équivalents, peut être considéré comme un délit affectant la moralité professionnelle de l’opérateur économique ou comme une faute grave. Il ne fait donc aucun doute que les condamnations pour le délit de discrimination prévu par l’article 225-1 du code pénal ou pour violation des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévues par les articles L. 1142-1 et L. 1142-1-1 du code du travail entrent dans le champ des exclusions autorités par le droit de l’Union.
La Commission européenne ayant par ailleurs rappelé qu’il appartient aux États membres de définir dans leur législation nationale le concept de faute en matière professionnelle, et de déterminer si le non-respect de certaines obligations sociales constitue une telle faute (59), le troisième nouveau motif d’interdiction de soumissionner, lié au non-respect de l’obligation de négociation, apparaît également compatible avec le droit de l’Union.
L’article 55 de la nouvelle directive « marchés publics » en cours de négociation, qui a fait l’objet d’un accord le 26 juin 2013 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne, reprend la rédaction de l’article 45 de la directive en vigueur. Le dispositif prévu ne sera pas conséquent pas remis en cause par l’adoption de cette nouvelle directive.
4. Des interdictions étendues par la Commission aux contrats de partenariat et aux délégations de service public
a. L’extension des nouvelles interdictions aux contrats de partenariat
En l’état initial du texte, les nouvelles interdictions de soumissionner relatives au respect des dispositions garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes prévues par cet article n’étaient applicables qu’aux marchés publics et aux concessions de travaux publics (l’article 43 du code des marchés publics et l’article 9 de l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 renvoyant à l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005). Elles ne s’appliquaient pas, en revanche, pour les contrats de partenariat régis par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, cette ordonnance comportant une disposition spécifique (article 4) relative aux interdictions de soumissionner.
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a, dans un souci de cohérence, réparé cette omission, afin que la quasi-totalité des contrats publics se voit appliquer un régime d’interdictions de soumissionner identique. À cette fin, elle a inséré un II au sein du présent article, transposant les ajouts opérés par le présent article à l’article 4 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 précitée.
b. L’extension des interdictions de soumissionner aux délégations de service public
En l’état initial du texte, les interdictions de soumissionner prévues par le présent article ne s’appliquaient pas non plus aux délégations de service public.
En effet, en l’état du droit, aucune interdiction de soumissionner (hormis les interdictions administratives prononcées par le préfet prévues par l’article L. 8272-4 du code du travail, ce qui constitue d’ailleurs une incohérence supplémentaire) n’est applicable aux délégations de service public régies par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Cette absence paraît difficile à justifier : le délégataire exerçant la gestion d’un service public, il apparaît a fortiori indispensable d’exiger qu’il n’ait pas été condamné pour des infractions pénales graves et qu’il respecte ses obligations fiscales et sociales.
La Commission, sur l’initiative du rapporteur, a adopté un amendement visant à combler cette lacune de la loi du 29 janvier 1993.
Il a été choisi d’étendre aux délégations de service public l’ensemble des interdictions de soumissionner applicables aux marchés publics et aux concessions de travaux publics (et non seules celles prévues par le présent article) pour trois motifs :
– cette extension contribue à une mise en cohérence du régime juridique applicable aux contrats publics, auxquels s’appliqueront ainsi des interdictions de soumissionner identiques ;
– il serait insatisfaisant de n’étendre aux délégations de service public que les interdictions de soumissionner relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes, alors que d’autres motifs d’exclusion, liés à des condamnations pénales pour actes de terrorisme ou corruption par exemple, sont d’une gravité supérieure ;
– cette extension assure une transposition anticipée dans notre législation de la future directive « concessions », en cours d’adoption par les institutions de l’Union européenne. En effet, l’article 36 de cette directive rendra obligatoire d’étendre les interdictions de soumissionner prévues en matière de marchés publics aux délégations de service public.
Cette extension a été opérée par l’insertion d’un III au sein du présent article, qui complète l’article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée afin de rendre applicable aux délégations de service public les interdictions de soumissionner prévues par l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 précitée.
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* *
La Commission examine l’amendement de suppression CL89 de Mme Marie-Jo Zimmermann.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Je présenterai en même temps mon amendement de repli CL92.
Parce qu’il vaut toujours mieux encourager qu’interdire, au lieu d’étendre l’interdiction de soumissionner aux marchés publics aux entreprises déjà condamnées pour discrimination ou méconnaissance du code du travail, je propose de faire du respect des obligations d’établissement du rapport de situation comparée et de négociation sur l’égalité professionnelle l’un des principaux critères d’attribution des marchés publics.
M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CL89, car il ne faut pas supprimer un article essentiel à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, comme à l’amendement CL92 qui me paraît relever du niveau réglementaire.
Mme Barbara Romagnan. Ne s’agit-il que d’obliger les entreprises à négocier ?
Mme Marie-Jo Zimmermann. Non : les entreprises doivent établir le rapport de situation comparée. On ne peut plus s’en tenir à l’obligation de négocier. Cela fait douze ans que je me bats sur ces questions. La présente disposition, que j’avais d’ailleurs hésité à inclure dans ma proposition de loi sur les quotas de femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance, incitera les entreprises à établir le rapport.
Mme Axelle Lemaire. Aux termes d’un décret paru en 2012, les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations en la matière encourent des sanctions financières qui s’élèvent à 1 % de la masse salariale. La mesure se révèle déjà beaucoup plus efficace que les dispositifs antérieurs ; des centaines d’entreprises sont concernées et plusieurs ont déjà été condamnées. Laissons sa chance à ce dispositif récent.
M. le rapporteur. Je le répète, il s’agit ici de réformer le code des marchés publics, qui est tout entier de nature réglementaire. En l’absence du Gouvernement, il est difficile de pousser plus loin la discussion, si légitime soit-elle. Il vaudrait donc mieux que vous retiriez votre amendement, madame Zimmermann.
L’amendement CL89 est retiré.
L’amendement CL92 de Mme Marie-Jo Zimmermann est également retiré.
La Commission examine l’amendement CL117 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Catherine Coutelle. Jusqu’à présent, aucune entreprise n’a été condamnée pénalement pour des faits d’inégalité salariale ou de discrimination entre les femmes et les hommes. L’interdiction de soumissionner à des procédures de marchés publics est donc sans effet. Nous proposons par conséquent que les entreprises ne puissent soumissionner qu’à condition d’attester sur l’honneur qu’elles ont entrepris de négocier un plan d’action en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit non pas de produire le rapport de situation comparée ni, plus généralement, d’alourdir le dossier, mais simplement d’attester du dépôt du rapport, ainsi que de l’accord négocié ou du plan d’action. En Belgique, où elle est appliquée, cette mesure semble très efficace. Nous souhaitons tous que le rapport de situation comparée débouche sur une négociation salariale fructueuse.
M. le rapporteur. L’amendement me paraît faire double emploi avec le contenu de l’article, qui s’en distingue parce qu’il renvoie aux dispositions codifiées. En outre, la référence à des lois modificatives plutôt qu’à ces dernières pose des difficultés d’ordre légistique.
Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL301 du Gouvernement.
M. le rapporteur. Le Sénat a ajouté l’absence d’engagement de la négociation salariale annuelle aux motifs d’interdiction de concourir aux marchés publics. L’amendement vise à supprimer cet ajout. J’y suis favorable, car une telle mesure, qui engage bien autre chose que l’égalité entre hommes et femmes, ne serait pas conforme au droit de l’Union européenne. Or il importe de ne pas fragiliser le texte.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL198 du rapporteur.
M. le rapporteur. Si nous interdisons de soumissionner aux marchés publics, pourquoi ne pas étendre cette interdiction, au-delà des marchés publics et des concessions de travaux publics, à tous les contrats publics, dont les contrats de partenariat ?
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL199 du rapporteur.
M. le rapporteur. Dans le droit-fil de l’amendement précédent, je propose d’étendre l’ensemble des interdictions de soumissionner aux contrats de délégation de service public. En effet, l’exigence de respect de l’égalité entre hommes et femmes s’impose tout particulièrement dans le cadre d’une mission de service public, fût-elle exercée par délégation. Il ne s’agit ici que d’anticiper sur une refonte du droit européen prévue à l’horizon 2016. Nous étendons l’ensemble des interdictions à ces contrats, car il n’était pas possible de se borner à celles qui proscrivent le non-respect de l’égalité entre les femmes et les hommes.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 3 modifié.
Article 3 bis (nouveau)
(art. 18 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics)
Conditions d’exécution de marchés publics visant à promouvoir l’égalité professionnelle
Cet article est issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Axelle Lemaire et les autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen. Il a pour objet de permettre aux personnes publiques et privées relevant de l’ordonnance n° 2005-649 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics (telles que des établissements publics industriels et commerciaux, la Banque de France, l’Institut de France, l’Académie française, la Caisse des dépôts et consignations, etc.) d’imposer des conditions d’exécution visant à promouvoir l’égalité professionnelle.
Conformément au droit de l’Union européenne, ces clauses d’exécution devront être en lien avec l’objet du marché et ne pourront avoir d’effet discriminatoire à l’égard des candidats potentiels. Elles devront être indiquées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation.
Les auteurs de l’amendement ont fait valoir, à l’appui de ce dernier, que les établissements concernés pourront, par exemple, imposer la mise en place d’un plan de formation à l’égalité pour le personnel impliqué dans l’exécution du marché ou prévoir que la communication de l’entreprise relative au marché ne comporte pas de stéréotype sexué.
Il peut être observé que l’article 4 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 (60) prévoit déjà que « les conditions d’exécution d’un marché ou d’un accord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l’environnement et progrès social ». L’article 14 du code des marchés publics comporte une disposition similaire autorisant les clauses sociales et environnementales. Ces dispositions réglementaires ne comportent pas de référence expresse à l’égalité entre les femmes et les hommes, mais il ne fait aucun doute que celle-ci peut être incluse parmi les clauses sociales qu’elles autorisent.
Ces mesures sont conformes au droit de l’Union européenne, l’article 26 de la directive 2004/18/CE précitée autorisant les pouvoirs adjudicateurs à exiger des conditions particulières concernant l’exécution du marché qui peuvent notamment viser des considérations sociales et environnementales. La Commission européenne, dans une communication interprétative du 15 octobre 2001, a confirmé que ces considérations sociales peuvent inclure l’égalité entre les femmes et les hommes (61).
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* *
La Commission est saisie de l’amendement CL148 de Mme Axelle Lemaire.
Mme Axelle Lemaire. Le cadre juridique européen des marchés publics est défini par la directive du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, laquelle laisse deux leviers au législateur. Le premier, que nous avons déjà examiné, porte sur la phase de soumissionnement, lorsqu’une entreprise décide de répondre à un appel d’offres : il est alors déjà possible d’inscrire dans la loi des objectifs de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le présent amendement concerne le second stade : l’exécution de la commande publique, une fois que l’entreprise a obtenu un marché public. Il existe déjà, à ce stade, des clauses relatives à l’emploi des personnes handicapées ou à l’insertion de publics en difficulté. L’article 14 du code des marchés publics dispose ainsi que « les conditions d’exécution d’un marché ou d’un accord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l’environnement et progrès social ». Il est donc possible d’introduire également à ce stade des dispositions visant l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour rédiger l’article 3 que nous venons d’adopter, le Gouvernement s’est inspiré de la loi belge du 12 janvier 2007 intégrant la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales. Mais, dans sa rédaction actuelle, le texte n’intervient qu’au stade du soumissionnement.
Peut-être m’objecterez-vous, monsieur le rapporteur, que de telles dispositions sont du domaine réglementaire. Toutefois, certains marchés relèvent non pas du code des marchés publics, mais de l’ordonnance du 6 juin 2005 – je pense notamment aux établissements publics à caractère industriel ou commercial, à la Banque de France, l’Institut de France, l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, mais aussi et surtout aux établissements de recherche.
Mon amendement vise donc à étendre à ces établissements la possibilité d’imposer aux entreprises retenues pour l’exécution d’un marché public des clauses d’exécution destinées à promouvoir l’égalité professionnelle. Les établissements pourraient par exemple obliger ces entreprises à appliquer un plan de formation à l’égalité à l’intention du personnel impliqué dans l’exécution du marché, ou à combattre les stéréotypes de genre par leur communication.
La Commission européenne précise d’ailleurs, dans une communication interprétative de 2001, que le pouvoir adjudicateur peut insérer dans les conditions d’exécution du marché des mesures spécifiquement destinées à promouvoir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes.
M. le rapporteur. Votre amendement me paraît satisfait par l’article 4 du décret du 30 décembre 2005 et par l’article 14 du code des marchés publics, où deux dispositions équivalentes et de niveau réglementaire permettent à l’acheteur public d’imposer des clauses sociales – dont on peut légitimement considérer qu’elles incluent le principe d’égalité entre les femmes et les hommes – ou environnementales.
Pour ces raisons purement juridiques, je m’apprêtais à émettre un avis défavorable. Mais je souhaite étudier à nouveau ces questions avec vous afin de « faire du bon droit », et en particulier de nous assurer que la loi n’empiète pas sur le domaine réglementaire. Si le Gouvernement avait été présent, nous aurions pu être éclairés sur ce dernier point. J’émettrai donc un avis favorable à votre amendement.
La Commission adopte l’amendement CL148.
Article 4
(art. 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 ; art. 5 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008)
Modification du régime du contrat de collaboration libérale : protection du collaborateur libéral contre la rupture de son contrat en cas de maternité ou de paternité – protection contre les discriminations
Le présent article modifie le régime du contrat de collaboration libérale afin de mieux protéger leurs titulaires pendant leur grossesse ou leur congé parental contre le risque de rupture de leur contrat fondé sur un motif discriminatoire. Il reconnaît aux collaborateurs libéraux le droit de suspendre leur contrat de collaboration en cas de grossesse ou d’arrivée d’un enfant ; à l’issue de la période de suspension, il prévoit en outre une période de huit semaines durant laquelle leur contrat ne peut être rompu unilatéralement. L’article leur rend en outre applicables les principales dispositions législatives protégeant les salariés contre les discriminations.
Le contrat de collaboration libérale
La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a étendu le contrat de collaboration libérale – jusqu’ici réservé à la profession d’avocats – aux professions libérales soumises à statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (médecins, dentistes, masseurs-kinésithérapeutes...), hors officiers publics ou ministériels, commissaires aux comptes ou administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires.
Ce contrat permet à un professionnel d’exercer sa profession auprès d’un autre professionnel en toute indépendance – puisque n’étant pas placé dans une relation de salariat avec lui – et en assumant la responsabilité de ses actes professionnels. Ce statut facilite l’entrée dans la profession, la découverte de la gestion d’un cabinet et la constitution d’une clientèle personnelle.
L’article 18 de la loi du 2 août 2005 précise que le contrat de collaboration libérale doit, à peine de nullité, comporter plusieurs mentions obligatoires, dont sa durée, les modalités de rémunération, les conditions d’exercice de l’activité, ainsi que les conditions et les modalités de sa rupture.
Toutefois, le collaborateur libéral ne bénéficie pas de protections analogues à celle du salarié en cas de rupture de son contrat. Ainsi, dans un arrêt du 11 octobre 2011, la cour d’appel de Paris a jugé que « contrairement à la situation existant lorsqu’est conclu un contrat de collaboration salariée, la rupture d’un contrat de collaboration libérale, qui n’est pas un licenciement, n’a pas à être motivée et peut intervenir à tout moment » et que « l’invocation (par la plaignante) d’une « discrimination » susceptible d’avoir motivé la rupture, à la supposer établie, est sans conséquence » sur la validité de la rupture du contrat de collaboration libérale.
Le I du présent article modifie l’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises afin de transposer les dispositifs protecteurs du droit du travail en matière de congés maternité et paternité au contrat de collaboration libérale, dans le respect des spécificités de ce dernier.
En droit du travail, en application de l’article L. 1225-4 du code du travail, un employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée enceinte à partir du moment où son état de grossesse est médicalement constaté et jusqu’à l’expiration d’un délai de quatre semaines après la fin de son congé de maternité. Celui-ci, d’une durée de seize semaines, suspend le contrat de travail.
Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant, défini à l’article L. 1225-35 du code du travail, permet à un salarié, dans les quatre mois suivant la naissance d’un enfant, de bénéficier de onze jours de suspension de son contrat de travail –durée portée à dix-huit jours en cas de naissances multiples.
Dans sa rédaction en vigueur, le III de l’article 18 de la loi du 2 août 2005 précitée relatif au contrat de collaboration libérale dresse la liste des quatre mentions que doit comporter un contrat de collaboration libérale, à peine de nullité. Il s’agit de :
1° sa durée, indéterminée ou déterminée, en mentionnant dans ce cas son terme et, le cas échéant, les conditions de son renouvellement ;
2° les modalités de la rémunération ;
3° les conditions d’exercice de l’activité, et notamment les conditions dans lesquelles le collaborateur libéral peut satisfaire les besoins de sa clientèle personnelle ;
4° les conditions et les modalités de sa rupture, dont un délai de préavis.
Le I du présent article précise le contenu du 4° et ajoute un 5°.
— Il instaure, en premier lieu, une période durant laquelle le contrat d’une collaboratrice libérale en état de grossesse ne pourra être rompu. Cette période débute à la déclaration de grossesse et s’achève huit semaines après la fin de la période de suspension du contrat de travail à l’occasion de l’accouchement, elle-même d’une durée minimale de seize semaines.
— Il prévoit, en deuxième lieu, que la même protection est accordée au collaborateur libéral souhaitant suspendre son contrat de travail à l’occasion de la naissance ou de l’arrivée d’un enfant pendant onze jours consécutifs, ou dix-huit en cas de naissances ou d’adoptions multiples.
Dans ces deux hypothèses, la rupture du contrat de collaboration libérale restera néanmoins possible en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressé(e), dès lors qu’elle ne serait alors pas liée à l’état de grossesse ou à la paternité.
— Enfin, il complète le III de l’article 18 de la loi du 2 août 2005 par un 5° faisant obligation au contrat de déterminer, dès sa signature, « les modalités de sa suspension afin de permettre au collaborateur de bénéficier des indemnisations prévues par la législation de la sécurité sociale en matière d’assurance maternité et de congé de paternité et d’accueil de l’enfant ».
L’assurance maternité des professionnels indépendants
Les collaborateurs libéraux relèvent du régime social des indépendants.
Les collaboratrices libérales bénéficient, en application de l’article L. 613-19 du code de la sécurité sociale, d’une allocation forfaitaire de repos maternel, destinée à compenser partiellement la diminution de leur activité et, lorsqu’elles cessent toute activité pendant au moins quarante-quatre jours consécutifs, dont au moins quatorze avant la date présumée de l’accouchement (article D. 613-4-2 du même code), d’une indemnité journalière forfaitaire.
Le montant de l’allocation forfaitaire est égal à celui du plafond mensuel de la Sécurité Sociale, soit 3 086 euros en 2013. L’indemnité journalière, calculée en fonction de ce plafond, est égale en 2013 à 50,72 euros.
Les collaborateurs libéraux peuvent, en application de l’article L. 613-19-2 du code de la sécurité sociale, percevoir cette même indemnité journalière forfaitaire, dès lors qu’ils cessent toute activité professionnelle pendant onze jours à l’occasion de la naissance d’un enfant – durée portée à dix-huit jours en cas de naissances multiples.
Le II du présent article modifie l’article 5 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, afin d’étendre le champ d’application de la protection offerte par cette loi aux collaborateurs libéraux.
L’article 2 de cette loi prohibe, notamment, « toute discrimination directe ou indirecte (…) en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité ». En l’état actuel du droit, la protection contre les discriminations concerne « toutes les personnes publiques ou privées, y compris celles exerçant une activité professionnelle indépendante » ; le présent article complète ce champ par la mention explicite des activités « régies par un contrat de collaboration libérale ».
Au Sénat, l’examen de cet article a été délégué au fond à la commission des Affaires sociales. Sur l’initiative de sa rapporteure, Mme Michelle Meunier, cette commission a adopté un amendement visant à clarifier sa rédaction en distinguant, au sein de trois alinéas distincts, les cas de maternité, de paternité et d’adoption. Une telle rédaction est plus proche des dispositifs prévus par le code du travail pour les salariés qui distinguent ces trois cas.
Le texte issu du Sénat complète en outre la rédaction proposée pour le 5° du III de l’article 18 de la loi du 2 août 2005 par la mention de la prise en charge au titre de l’assurance maladie, afin que le contrat de collaboration fixe également les modalités de sa suspension en cas de grossesse pathologique rendant nécessaire un arrêt avant le congé de maternité.
Votre rapporteur salue l’avancée que constitue cet article qui crée un droit à la suspension du contrat de collaboration libérale, alors qu’aujourd’hui les pratiques et les règles varient d’une profession à une autre.
Il estime néanmoins qu’il convient d’aller plus loin dans la protection des collaborateurs contre les discriminations qui peuvent être à l’origine de la rupture du contrat de collaboration.
Lors de son audition, M. Dominique Baudis, Défenseur des droits, a déclaré qu’à l’occasion des nombreuses réclamations dont il est saisi portant sur la rupture du contrat de collaboration libérale au moment de la grossesse de la collaboratrice, il a pu mesurer l’hétérogénéité des règles et des pratiques selon les différentes professions libérales et a salué par conséquent l’avancée que constitue le présent article.
Il a néanmoins souligné les limites de la rédaction actuelle du II de l’article. En l’état actuel du droit, la protection contre les discriminations s’applique aux personnes exerçant une activité professionnelle indépendante ; or, en application du V de l’article 18 de la loi du 2 août 2005, « le collaborateur libéral relève du statut social et fiscal du professionnel libéral qui exerce en qualité de professionnel indépendant ». Il n’est donc pas nécessaire de préciser que les collaborateurs libéraux sont visés par l’article 2 de la loi de 2008. Pire encore, les mentionner expressément pourrait induire, par a contrario, une exclusion des professions libérales non expressément mentionnées, tels que les titulaires d’un contrat de remplaçant libéral ou d’assistant libéral.
En outre, la modification proposée n’est pas suffisante, au regard d’une jurisprudence récente, pour protéger les collaborateurs libéraux au moment de la rupture du contrat de collaboration : la chambre civile de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 20 décembre 2012 (62), refusé d’admettre le pourvoi formé par une collaboratrice libérale qui souhaitait faire reconnaître le caractère discriminatoire de la rupture de son contrat en raison de sa grossesse. Elle a jugé qu’avait eu raison la cour d’appel qui avait estimé qu’un contrat de collaboration libérale pouvant être rompu à tout moment et sans motivation, l’invocation d’une discrimination susceptible d’avoir motivé la rupture était sans conséquence.
La Commission a adopté deux amendements de votre rapporteur, le premier réorganisant la rédaction de l’article 4, afin d’accroître la lisibilité de l’article 18 de la loi du 2 août 2005, et le deuxième, identique à un amendement de la commission des Affaires sociales, remplaçant la modification opérée par le II de l’article à la loi du 27 mai 2008 par une modification de la loi du 2 août 2005, dans le but de mieux protéger les collaborateurs libéraux au moment de la rupture de leur contrat de collaboration.
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La Commission adopte l’amendement CL241 du rapporteur procédant à la réorganisation de l’article.
Puis elle est saisie des deux amendements CL254 du rapporteur et CL289 de la commission des Affaires sociales.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à parfaire la rédaction de l’article 4 en remplaçant la modification opérée dans la loi du 27 mai 2008 par une disposition permettant de protéger plus efficacement les collaborateurs libéraux contre les ruptures de leur contrat de collaboration pour des motifs discriminatoires.
La Commission adopte l’amendement CL254, l’amendement CL289 étant retiré.
La Commission adopte l’article 4 modifié.
Article 5
Expérimentation de l’utilisation du compte épargne–temps pour financer des prestations de services à la personne
L’objet de cet article est d’autoriser les salariés, dans le cadre d’une expérimentation d’une durée de deux ans, à transformer leurs droits acquis sur leur compte épargne–temps (CET) en chèques emploi–service universels (CESU) afin de financer des prestations de service à la personne.
Le compte épargne–temps
Le compte épargne-temps (CET), créé par la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l’amélioration de la participation des salariés dans l’entreprise et dont le régime a été sensiblement modifié par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, permet à un salarié d’accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu’il y a affectées (article L. 3151-1 du code du travail).
L’accord instituant le CET – accord d’entreprise ou, à défaut, accord de branche en application de l’article L. 3152–1 du code du travail – doit définir les modalités d’alimentation du compte – en temps ou sous forme monétaire, à l’initiative du salarié ou de l’employeur – et ses conditions d’utilisation et de transfert des droits d’un employeur à l’autre. Il appartient aux partenaires sociaux de décider des autres points que doit aborder l’accord et, notamment, de définir le public éligible dans l’entreprise, ainsi que les sources d’alimentation du CET et ses conditions d’utilisation.
Dans le cadre défini par l’accord, le salarié qui souhaite créer un CET peut, notamment, y affecter la cinquième semaine annuelle de congés payés, les heures de repos accordées au titre des heures supplémentaires ou les jours de repos accordés dans le cadre de l’aménagement du temps de travail. L’employeur peut, quant à lui, y affecter, si l’accord collectif le prévoit, les heures accomplies par le salarié au-delà de la durée collective de travail. Il peut aussi effectuer des versements monétaires sur le CET, notamment les sommes issues de l’intéressement ou de la participation.
En l’état actuel du droit, les droits épargnés peuvent être utilisés à tout moment, sous forme de jours de repos ou de congés ou de compléments de rémunération. Ils peuvent également abonder un plan d’épargne salariale, financer des prestations de retraite supplémentaire ou racheter des annuités de cotisations d’assurance vieillesse.
D’après une étude réalisée en juillet 2011 par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, 12 % des salariés étaient titulaires d’un CET en 2009.
Dans sa rédaction initiale, le présent article prévoyait qu’à titre expérimental, pour une durée de deux ans à compter de la publication du décret d’application prévu par l’article, et au plus tard à compter du 1er juillet 2014, le salarié pourrait, en accord avec son employeur, utiliser ses droits pour financer, au moyen d’un chèque emploi–service universel (CESU), une prestation de service à la personne parmi celles figurant à l’article L. 1271–1 du code du travail, dont, notamment, les « prestations de services fournies par les personnes organisant un accueil des enfants scolarisés en école maternelle ou élémentaire limité aux heures qui précèdent ou suivent la classe ». Le décret d’application devra préciser les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation, ainsi que les conditions de son évaluation.
Le chèque emploi–service universel
Le chèque emploi–service universel (CESU), créé par la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, en remplacement du chèque emploi-service et du titre emploi-service. Il peut prendre deux formes différentes :
— un titre–emploi permettant de déclarer et, le cas échéant, de rémunérer des salariés dont l’activité relève des services à la personne ou des assistants maternels agréés ;
— un titre spécial de paiement, émis par une structure habilitée et préfinancé par un organisme privé ou public (employeurs, collectivités territoriales, comités d’entreprise) afin de permettre à ses bénéficiaires, qui peuvent être des salariés, des adhérents ou encore des ayants droit, d’acquitter tout ou partie du montant de prestations de service à la personne fournies par des organismes agréés ou de prestations d’accueil et de garde d’enfants.
L’objectif de cette disposition, qui permet à un salarié d’utiliser les droits qu’il a acquis, sous forme de temps ou sous forme monétaire, pour financer la prise en charge d’une partie de ses obligations familiales est, comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi, de faciliter la conciliation de la vie professionnelle des parents – et essentiellement des mères dont les études (63) montrent qu’elles consacrent en moyenne deux fois plus de temps aux activités parentales que les pères – avec leurs tâches parentales.
Au Sénat, l’examen de cet article a été délégué au fond à la commission des Affaires sociales. Sur l’initiative de sa rapporteure, Mme Michelle Meunier, cette commission a adopté un amendement visant, d’une part, à préciser que le salarié ne pourra pas transformer l’intégralité des droits accumulés sur son CET en CESU, mais seulement « une partie » d’entre eux et d’autre part, que la décision n’incomberait pas au salarié, avec l’accord de son employeur, mais que ce serait la convention de branche ou l’accord d’entreprise ou d’établissement qui institue un CET qui pourrait autoriser le salarié à liquider une partie du contenu de son CET sous la forme de CESU.
Sur le premier point, la rapporteure a fait valoir que le présent article ne devait pas avoir pour effet de détourner le CET de son objet d’origine, qui est d’assurer au salarié la contrepartie de jours de repos non pris, ni d’« inciter les employeurs à refuser des aménagements d’horaires de travail à des mères ou des pères ayant de jeunes enfants à charge, au motif qu’ils pourraient convertir leur CET en CESU pour s’acquitter des frais liés à la garde d’un enfant » (64). Elle a estimé qu’il reviendrait au décret de définir la part des droits du CET qui pourront être consacrés au financement d’une prestation de services à la personne, proportion qui ne devrait pas, à ses yeux, être supérieure à 50 %.
S’agissant des nouvelles modalités de mise en œuvre de l’expérimentation dans les entreprises, la rapporteure a fait valoir que « les partenaires sociaux dans l’entreprise sont bien les mieux à même de déterminer si cette mesure peut apporter une solution aux besoins exprimés par les salariés en matière de conciliation de leur activité professionnelle et de leur vie familiale » (65) .
Pour Mme Nathalie Tournyol du Clos, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale, la monétarisation du CET des pères participe de l’intention d’impliquer davantage ces derniers.
Toutefois, il a été relevé, notamment par certains syndicats, qu’une telle mesure ne devait pas conduire à détourner le CET de son usage premier qui est d’accumuler des temps de repos et non d’être un substitut de salaire. Partageant ce jugement, votre rapporteur a proposé par amendement, adopté par votre Commission, que soient encadrées les possibilités de monétisation du CET afin que la part transformable en CESU soit limitée à 50 % des droits accumulés sur le CET.
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La Commission examine l’amendement CL253 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’article 5 prévoit d’expérimenter la convertibilité des heures du compte épargne-temps des salariés en chèques emploi-service permettant de payer un assistant parental – actuellement appelé assistante maternelle. Afin qu’une monétisation excessive ne détourne pas le compte épargne-temps de son objectif initial, cet amendement vise à limiter la possibilité de conversion à 50 % des droits ouverts par le dispositif. Ce compromis respecte la finalité du compte tout en facilitant l’accès aux différents modes de garde des enfants.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Article 5 bis (supprimé)
(art. L. 1132–1 du code du travail)
Sanction des discriminations professionnelles fondées sur
l’exercice des droits liés à la parentalité
Le présent article est issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement présenté par la commission des Affaires sociales, sur proposition de sa rapporteure Mme Michelle Meunier. Afin de protéger les salariés contre toute discrimination fondée sur leurs décisions de faire usage de leurs droits en matière de parentalité – notamment leurs droits à prendre des congés –, le présent article modifie l’article L. 1132–1 du code du travail relatif à l’interdiction de discrimination dans la sphère professionnelle afin de compléter la liste des motifs pour lesquels une telle discrimination est interdite.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 1132–1 du code du travail précise qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage, qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, d’affectation, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de « son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ».
Le présent article complète cette liste par un autre motif : « l’utilisation de ses droits en matière de parentalité », expression qui recouvre, notamment, l’usage du congé parental d’éducation du congé de paternité ou du complément de libre–choix d’activité.
Cette disposition va dans le sens des préconisations de trois membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport sur la politique d’égalité professionnelle en France en janvier 2013 (66) qui avaient relevé que créer une nouvelle possibilité de recours se fondant sur les discriminations liées au congé parental « serait un signal fort adressé à la société sur la nécessité de faire toute sa place à la parentalité dans l’entreprise » et que l’identification des congés parentaux parmi les motifs de discrimination « permettrait une prise de conscience, alors que l’utilisation des congés parentaux coïncide avec les retards de déroulement de carrière qui pénalisent les femmes ».
Au cours des auditions menées par votre rapporteur, il est assez clairement apparu que cet article, s’il poursuit un très louable objectif, n’en est pas moins porteur d’un certain nombre de risques pour les salariés eux–mêmes. Pour Me Pascale Taelman, avocate spécialisée en droit du travail et membre du bureau du Syndicat des avocats de France, il n’y a aujourd’hui pas de difficulté pour faire sanctionner un licenciement discriminatoire, lié à l’usage par le salarié de ses droits liés à la parentalité : le motif lié à « la situation de famille » du salarié permet d’ores et déjà de couvrir ce type de cas, d’autant qu’il est interprété largement par les tribunaux. Le Défenseur des droits préconise, pour les mêmes raisons, la suppression de cette disposition qui risque à ses yeux de nuire à la cohérence d’ensemble des dispositions du code du travail et pourrait fragiliser des jurisprudences établies.
Estimant que le motif actuel de situation de famille, contenu à l’article L. 1132–1 du code du travail, permet d’ores et déjà de lutter contre les discriminations qui pourraient affecter un salarié qui déciderait de faire usage de ses droits à congé, votre rapporteur a proposé la suppression de cet article.
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La Commission étudie l’amendement CL252 du rapporteur visant à supprimer l’article 5 bis.
M. le rapporteur. L’article 5 bis comporte peu d’avancées pour les salariés, dans la mesure où les juridictions prud’homales font d’ores et déjà usage du critère de la « situation de famille » pour appréhender les discriminations liées à l’usage des droits à congés. Je propose donc de le supprimer.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 5 bis est supprimé.
Article 5 ter
(art. L. 2323-47 et L. 2323-57 du code du travail)
Extension du champ du rapport de situation comparée à la sécurité
et à la santé au travail
Cet article prévoit, en premier lieu, que le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes pour les entreprises d’au moins 300 salariés (prévu par l’article L. 2323-57 du code du travail), ainsi que le rapport unique pour les entreprises d’au moins 50 salariés mais de moins de trois cents salariés (prévu par l’article L. 2323-47 du même code), doit également porter sur la sécurité et la santé au travail des femmes et des hommes dans l’entreprise. Il est issu d’un amendement adopté par la commission des Affaires sociales du Sénat sur l’initiative de sa rapporteure, la sénatrice Michelle Meunier.
Le présent article prévoit, en second lieu, à la suite de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, que ces deux rapports devront recouper des données salariales en fonction de l’âge, du niveau de qualification et du sexe des salariés à postes équivalents, afin de mesurer d’éventuels écarts dans le déroulement de leur carrière. L’intégration de cet « indicateur dynamique » dans le rapport de situation comparée et dans le rapport unique permettra de lutter plus efficacement contre les discriminations dans le déroulement des carrières. Il facilitera notamment l’accès aux éléments de preuve établissant l’existence d’une discrimination en cas d’action en justice d’un salarié contre son employeur.
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La Commission est saisie de l’amendement CL291 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Le rapport de situation comparée (RSC) – outil important permettant de disposer de données relatives à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes – comporte toutefois des manques. Cet amendement a pour objet de le compléter afin d’éclairer certaines inégalités qui ne transparaissent pas au vu des renseignements actuellement demandés.
M. le rapporteur. Très favorable. Cette disposition permettra de mieux mesurer les inégalités, notamment dans le déroulement des carrières. En effet, nous disposerons non seulement d’une photographie des inégalités à un instant donné, mais d’un film suivant l’ensemble de la vie professionnelle des femmes et des hommes qui, entrés dans une entreprise au même âge et avec les mêmes compétences, se retrouvent souvent, vingt ans plus tard, dans des situations très différentes.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 5 ter modifié.
Article 5 quater A (nouveau)
(art. L. 4121-3 du code du travail)
Prise en compte des inégalités entre les femmes et les hommes lors de l’évaluation par l’employeur des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs
Cet article est issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Catherine Coutelle. Il a pour objet d’intégrer dans l’évaluation par l’employeur des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L. 4121-3 du code du travail, qui devra prendre en compte l’impact des inégalités entre les femmes et les hommes.
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La Commission examine l’amendement CL118 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Catherine Coutelle. Il s’agit d’évaluer de façon détaillée les risques pour la santé et l’équilibre des travailleurs et des travailleuses, l’impact des inégalités entre les femmes et les hommes étant aujourd’hui insuffisamment pris en compte.
M. le rapporteur. Favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Article 5 quater
(art. L. 3142-1 du code du travail)
Extension du congé de quatre jours dont bénéficie tout salarié pour son mariage au salarié qui conclut un pacte civil de solidarité
Cet article vise à étendre le congé de quatre jours dont bénéficie tout salarié pour son mariage au salarié qui conclut un pacte civil de solidarité. Il est issu d’un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat lors de la séance publique du 17 septembre 2013.
Il modifie l’article L. 3142-1 du code du travail, relatif aux congés pour événements familiaux, afin d’ouvrir aux salariés qui concluent un pacte civil de solidarité un congé de 4 jours, identique à celui qui est ouvert aux salariés qui se marient.
Cette mesure vise à assurer l’égalité entre les salariés qui choisissent le pacte civil de solidarité et ceux qui choisissent le mariage. Elle a également été présentée par le Gouvernement comme répondant à une exigence du droit de l’Union européenne.
En effet, par un arrêt du 23 mai 2012, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l’Union des dispositions d’un accord collectif réservant le bénéfice d’autorisation d’absence pour événements familiaux aux seuls salariés mariés (67).
La Cour a rendu son arrêt le 12 décembre 2013. Elle a jugé que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’une convention collective en vertu de laquelle un travailleur salarié qui conclut un pacte civil de solidarité avec une personne de même sexe est exclu du droit d’obtenir des avantages, tels que des jours de congés spéciaux et une prime salariale, octroyés aux travailleurs salariés à l’occasion de leur mariage, lorsque la réglementation nationale de l’État membre concerné ne permet pas aux personnes de même sexe de se marier, dans la mesure où, compte tenu de l’objet et des conditions d’octroi de ces avantages, il se trouve dans une situation comparable à celle d’un travailleur qui se marie.
On observera que la portée exacte de cet arrêt s’agissant de la législation française actuelle est difficile à apprécier. En effet, la Cour semble avoir accordé une place déterminante au fait que la réglementation nationale française en vigueur au moment des faits et de la demande de décision préjudicielle adressée par la Cour de cassation le 23 mai 2012 (68), ne permettait pas aux personnes de même sexe de se marier (point 42 de l’arrêt). Selon la Cour, le fait de réserver des avantages en termes de rémunération ou de conditions de travail aux travailleurs mariés, alors que le mariage n’était légalement possible qu’entre personnes de sexe différent, créait une discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle à l’encontre des travailleurs salariés homosexuels titulaires d’un PACS qui se trouvaient dans une situation comparable (point 41).
Ce raisonnement ne trouve plus à s’appliquer pour la France depuis la promulgation de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
En tout état de cause et quelle que soit la portée de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, la mesure proposée répond à une exigence d’équité et non à une seule exigence juridique.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL208 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 5 quater modifié.
Article 5 quinquies A (nouveau)
Remise d’un rapport au Parlement sur l’harmonisation des différents types de congés familiaux existants
Cet article est issu du déplacement, par amendement de votre rapporteur adopté par la Commission, du dispositif contenu initialement à l’article 2 A.
Il précise que, après une concertation entre les partenaires sociaux et avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport portant d’une part, sur une harmonisation des droits aux différents types de congés existants actuellement, tant parentaux que personnels, en termes de conditions d’ouverture et d’indemnisation, et, d’autre part, sur la portabilité (69) de ces droits et le cadre de leur mise en œuvre.
À l’appui de son amendement, qui avait reçu l’avis favorable de Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat, et du Gouvernement, Mme Catherine Génisson avait fait valoir que les signataires de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle ont convenu d’entamer, au plus tard au cours du 1er trimestre 2014, une réflexion portant sur l’harmonisation des droits aux différents types de congés familiaux existants et que l’amendement visait à demander au Gouvernement de rendre compte au Parlement de cette réflexion et de la concertation qu’il aura menée avec les partenaires sociaux sur cette base.
Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle
Article 11 – Favoriser une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle par une articulation adaptée des temps (dernier alinéa)
« Les signataires du présent accord conviennent d’entamer, au plus tard au cours du 1er trimestre 2014, une réflexion portant d’une part sur une harmonisation des droits aux différents types de congés existants actuellement (parentaux et personnels) en termes de conditions d’ouverture et d’indemnisation et d’autre part sur la portabilité de ces droits et le cadre de sa mise en œuvre ».
Selon les éléments d’information dont dispose votre rapporteur, les travaux n’ont pas encore été engagés par les signataires de l’accord, expliquant pourquoi l’article se réfère à la fin de l’année 2014 pour la remise du rapport au Parlement ; ces travaux ne devraient d’ailleurs pas se limiter aux congés liés à la petite enfance, mais aussi à la question des congés – souvent pris par les femmes d’ailleurs – pour l’accompagnement d’un ascendant âgé.
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La Commission examine l’amendement CL251 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit de changer l’emplacement d’une disposition.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. J’y suis exceptionnellement favorable car la remise de ce rapport est demandée dans le cadre de l’Accord national interprofessionnel (ANI). Je ne m’opposerai pas aux partenaires sociaux !
La Commission adopte l’amendement.
Article 5 quinquies B (nouveau)
(deuxième partie du code de la santé publique)
Modification de l’intitulé de la deuxième partie du code de la santé publique
Issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Axelle Lemaire, l’article 5 quinquies B a pour objet de modifier l’intitulé de la deuxième partie du code de la santé publique. Aujourd’hui intitulée « Santé de la famille, de la mère et de l’enfant », cette deuxième partie est renommée par le présent article « Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant ».
À l’appui de cette modification, Mme Axelle Lemaire a fait valoir que le titre de cette partie présentait un caractère désuet et que, surtout, il n’était pas adapté aux dispositions qu’il contient, dans la mesure où il semble ne reconnaître la santé reproductive que dans le cadre familial.
Outre des dispositions relatives à l’organisation sanitaire (titre Ier du livre Ier et livre III), ce livre traite des actions de prévention concernant les futurs conjoints et parents (titre II du livre Ier), des actions de prévention concernant l’enfant (titre III du livre Ier), de l’assistance médicale à la procréation (titre IV du livre Ier), de la recherche sur l’embryon (titre V du livre Ier) et de l’interruption de grossesse (livre II).
La notion de « santé reproductive » permet de mieux définir les différents thèmes traités par cette partie que celle de « santé de la famille » à laquelle elle se substitue, en englobant la prévention prénatale et l’assistance médicale à la procréation. Celle de « droits de la femme » apparaît plus précise et plus forte que celle de « santé de la mère » qu’elle remplace, pour deux raisons. D’une part, si toutes les mères sont des femmes, toutes les femmes ne sont pas des mères, ce qui ne les empêche pas de disposer de droits reconnus par le code de la santé publique en termes d’accès à la contraception ou à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). D’autre part, il permet de reconnaître solennellement les droits des femmes dans le domaine de la maîtrise de leur sexualité et traduit, dans l’architecture du code de la santé publique, la modification apportée par l’article 5 quinquies C du présent projet de loi à l’article L. 2212-1 du même code pour supprimer la référence à un état de détresse aujourd’hui prévue dans le cadre d’une demande d’IVG (70).
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La Commission examine les amendements identiques CL293 de la commission des Affaires sociales et CL150 de Mme Axelle Lemaire.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Le titre actuellement en vigueur apparaissant désuet, il s’agit d’intituler la deuxième partie du code de la santé publique : « Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé infantile ».
Mme Axelle Lemaire. L’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui ne figurait pas initialement dans le projet de loi du Gouvernement, y a été introduite par le biais d’un amendement sénatorial. La modification que nous proposons reste de portée symbolique : il s’agit non pas de refonder le code de la santé publique, mais simplement de changer l’intitulé de la deuxième partie. Datant d’il y a plusieurs dizaines d’années, le titre en vigueur reflète une conception de la femme, de son rôle de mère et de la cellule familiale qui ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. Cette modification terminologique et cosmétique n’implique pas de conséquences juridiques lourdes.
Mme Catherine Coutelle. Je ne suis pas d’accord : la mesure n’est ni cosmétique ni symbolique. Ce changement des termes, dans un projet de loi censé promouvoir l’égalité des genres, constitue une avancée majeure. Il n’a rien de neutre, le combat international en ce sens étant aujourd’hui très difficile à mener. Le Parlement européen vient ainsi de rejeter, à cinq voix près, un rapport introduisant ces notions de santé reproductive et de droits de la femme. L’enjeu excède donc de loin la question sémantique.
M. Philippe Gosselin. Nous faisons ici du droit, non de la cosmétique ou de la sémantique, et les titres des codes ont leur importance. L’intervention de notre collègue Coutelle montre bien que cette mesure recouvre des enjeux importants, et je me réjouis que le Parlement européen n’ait pas adopté le rapport en question. Cet amendement proposant une réécriture du code aux conséquences réelles, il importe d’en rester à la formulation actuellement en vigueur.
M. Jean-Frédéric Poisson. Les titres des codes sont en effet d’une portée très importante. Je me félicite également que ce rapport ait été rejeté par le Parlement européen.
M. Guy Geoffroy. Cet amendement me laisse perplexe. Parler des « droits de la femme » plutôt que de la « santé de la mère » relève d’un choix ; mais pourquoi ne pas garder l’expression « santé de l’enfant », bien moins désincarnée que « la santé infantile » ?
M. le rapporteur. Avis favorable. La nouvelle rédaction me semble bienvenue. La notion de « santé de la famille » ne peut en effet qu’interroger, dans la mesure où ce n’est pas la famille, mais chacun de ses membres qui peut disposer d’une bonne ou d’une mauvaise santé. Le terme de « santé reproductive » – qui peut s’appliquer tant à l’homme qu’à la femme – laisse mieux apparaître cet aspect individuel. L’élargissement induit par l’expression « droits de la femme » est également pertinentc car une femme n’est pas nécessairement une mère. En revanche, la notion de « santé de l’enfant » proposée par Guy Geoffroy me semble en effet moins désincarnée que celle de « santé infantile ». Les auteurs de l’amendement pourraient-ils modifier la rédaction sur ce point ?
Mme Axelle Lemaire. Volontiers.
La Commission rejette l’amendement CL293.
Elle adopte l’amendement CL150 ainsi rectifié.
Article 5 quinquies C (nouveau)
(art. L. 2212-1 du code de la santé publique)
Suppression de la référence à la notion de détresse dans le cadre
d’une demande d’interruption volontaire de grossesse
Issu de l’adoption par la Commission de deux amendements identiques de la commission des Affaires sociales et de Mme Axelle Lemaire et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, l’article 5 quinquies C a pour objet de supprimer la référence à la notion de détresse aujourd’hui prévue à l’article L. 2212-1 du code de la santé publique pour demander une interruption volontaire de grossesse (IVG), afin de faire de l’accès à l’IVG un véritable droit pour les femmes.
L’IVG a été légalisée en France en 1975, d’abord à titre temporaire par la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, puis définitivement par la loi n° 79-1204 du 30 décembre 1979 relative à l’interruption volontaire de grossesse. Elle est encadrée par le code de la santé publique, dont l’article L. 2212-1 prévoit qu’elle peut être demandée par « la femme enceinte que son état place dans un état de détresse ». L’article 5 quinquies C substitue à cette formulation la rédaction suivante : « La femme qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin l’interruption de la grossesse ».
Environ 220 000 IVG sont pratiquées chaque année en France, ce qui correspond à 1,5 % des femmes entre 15 et 49 ans, et plus d’une femme sur trois (36 %) a recours à l’IVG au cours de sa vie (71).
Le droit d’accès à l’IVG se heurte cependant à des difficultés, liées notamment à des disparités régionales importantes dans la prise en charge et une baisse continue du nombre d’établissements de santé publics et surtout privés pratiquant l’IVG (72). L’information publique sur l’IVG apparaît par ailleurs trop peu visible, tandis que les sites Internet délivrant une information hostile à l’interruption volontaire de grossesse apparaissent en tête des classements de consultation sur les moteurs de recherche.
Pour faire face à ces difficultés, plusieurs mesures ont été prises récemment :
– la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a prévu le remboursement à 100 % de l’IVG, quelle que soit la méthode (chirurgicale ou médicamenteuse). Cette mesure est entrée en vigueur le 31 mars 2013, avec la publication du décret n° 2013-248 du 25 mars 2013 relatif à la participation des assurés prévue à l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale pour les frais liés à une interruption volontaire de grossesse et à l’acquisition de contraceptifs par les mineures.
– le Gouvernement a également revalorisé les tarifs applicables aux IVG (73) ;
– s’agissant de l’information sur l’IVG, dans le cadre de la journée mondiale du 28 septembre 2013 concernant la mobilisation pour le droit à un avortement légal et sûr, la ministre des Affaires sociales et de la santé et la ministre des Droits des femmes ont lancé un nouveau site d’information public sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) : www.ivg.gouv.fr.
Par ailleurs, la ministre des Droits des femmes a saisi, le 5 avril 2013, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes d’une demande d’avis sur l’accès à l’avortement. Le Haut Conseil a rendu son avis en deux temps, avec la remise d’un premier rapport portant spécifiquement sur l’information relative à l’avortement sur Internet, le 13 septembre 2013 (74) puis d’un second sur l’accès à l’IVG dans les territoires, le 7 novembre 2013 (75). Dans ce second rapport, le Haut Conseil a souligné que la légitimité du recours à l’IVG pouvait être remise en cause « insidieusement par les organisations anti-avortement sur internet, ou par l’utilisation d’expressions telles que "IVG de confort" – renvoyant à l’idée que l’IVG peut être perçue par les femmes comme un moyen de contraception – ou encore d’"échec" de contraception – entendu comme l’échec des femmes à maîtriser leur contraception. La loi est encore imprégnée de ces représentations : l’expression de "femme en situation de détresse" renvoie à l’idée que l’IVG doit être un ultime recours, la faisant basculer d’un droit, à une concession dans des cas exceptionnels ». En conséquence, afin que l’IVG ne soit plus un « droit à part » mais un « droit à part entière », il a préconisé de supprimer, dans l’article L. 2212-1 du code de la santé publique, la référence à l’état de détresse (76).
L’article 5 quinquies C adopté par la Commission met en œuvre cette recommandation, les auteures des amendements ayant souligné que l’IVG conservait encore, près de quarante ans après sa légalisation, son statut de dérogation et qu’il était nécessaire d’affirmer le droit des femmes à disposer de leurs corps, celles-ci devant être les seules juges de leur état et des motifs pour lesquels elles ont recours à une IVG.
Par deux fois, en 1975 et 2001, le Conseil constitutionnel a rappelé, au sujet de l’IVG, la souveraineté du législateur pour définir les conditions dans lesquelles il peut y être recouru, sous réserve du respect des principes constitutionnels (77). En particulier, dans sa décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001, il a souligné « qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances et des techniques, les dispositions ainsi prises par le législateur » et « qu’il est à tout moment loisible à celui-ci, dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions » (considérant n° 4).
Dans cette même décision, le Conseil avait validé l’allongement de dix à douze semaines du délai après le début de la grossesse pendant lequel la femme enceinte peut décider de recourir à une IVG. Il avait estimé « qu’en portant de dix à douze semaines le délai pendant lequel peut être pratiquée une interruption volontaire de grossesse lorsque la femme enceinte se trouve, du fait de son état, dans une situation de détresse, la loi n’a pas, en l’état des connaissances et des techniques, rompu l’équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d’une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d’autre part, la liberté de la femme qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » et « qu’en réservant la faculté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse à "la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse", le législateur a entendu exclure toute fraude à la loi et, plus généralement, toute dénaturation des principes qu’il a posés, principes au nombre desquels figure, à l’article L. 2211-1 du code de la santé publique, "le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie" » (78).
Le présent article ne modifie pas le délai pendant lequel l’IVG peut être pratiquée, qui demeure fixé à douze semaines. En outre, la femme enceinte est déjà aujourd’hui, en tout état de cause, seule juge de sa situation et des motifs justifiant qu’elle demande une IVG, et n’a jamais à établir qu’elle se trouve dans une situation de détresse. Dès lors, le présent article, en remplaçant la référence à un état de détresse par la volonté de la femme de ne pas poursuivre sa grossesse, s’inscrit dans le cadre général du pouvoir d’appréciation et de décision du Parlement, en respectant l’équilibre entre les principes constitutionnels de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de liberté de la femme.
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La Commission est saisie des amendements identiques CL294 de la commission des Affaires sociales et CL152 rectifié de Mme Axelle Lemaire.
Mme Axelle Lemaire. Ces amendements tendent à corriger une certaine terminologie – héritée d’il y a plusieurs dizaines d’années, mais toujours en vigueur dans le code de la santé publique – qui ne reflète plus la réalité. À l’heure où 35 % des femmes en France ont eu, au moins une fois dans leur vie, recours à l’IVG, il ne me semble pas révolutionnaire de supprimer du code de la santé publique la mention de « détresse » qui semble conditionner l’accès à ce droit sans correspondre ni au vécu des femmes qui y font appel ni à la jurisprudence, qui rend cette conditionnalité obsolète. Au nom de l’adéquation entre les textes de loi et leur application, je propose de supprimer cette disposition inutile.
Mme Barbara Romagnan. Ces amendements permettraient non seulement de rendre la loi conforme aux réalités, mais également de souligner que l’IVG est un droit, y compris pour les femmes qui ne se sentent pas en détresse.
M. le rapporteur. Avis favorable. Les termes du droit en vigueur apparaissent particulièrement désuets ; en 2013, il est temps de supprimer la mention de la « situation de détresse ». Les auteurs des amendements proposent une formulation objective et neutre, sans implications normatives, qui ne remet en question aucun des compromis sociaux, politiques et philosophiques ayant présidé à l’adoption de la loi Veil.
M. Jean-Frédéric Poisson. L’ancienneté de bien des notions de notre droit – telles que la République ou la Constitution – n’est pas une condition suffisante pour les modifier. Le droit ne doit pas nécessairement courir après les évolutions sociales afin de suivre au plus près le comportement de nos concitoyens ; une telle ambition – qui impliquerait de devoir changer une quantité considérable de dispositions – serait porteuse d’importantes perturbations.
Par ailleurs, ces amendements – qui n’ont rien d’anodin – ne se limitent pas à la volonté de coller à l’évolution des mentalités et des pratiques. Au contraire, la rédaction que vous proposez induit un changement profond de l’esprit de la loi de 1975 ; assumez-le ! Comme le souligne Mme Lemaire, le droit à l’avortement possède, dans le droit français, un statut dérogatoire, la loi Veil conditionnant le recours à cette pratique à des difficultés particulières. Vos amendements visent au contraire à en faire un droit comme les autres. Je ne vous conteste pas le droit de le faire, au nom du fait majoritaire, mais de mon point de vue, ce n’est pas justifiable.
Enfin, cette disposition – qui obéit tant aux considérations sociologiques qu’aux motifs politiques – modifierait toute l’architecture de la loi Veil, affectant en particulier la portée de son article 2 qui concerne l’accès des femmes à l’information et les entretiens préalables à l’avortement. Je ne peux accepter une telle évolution et voterai contre ces amendements.
M. Philippe Gosselin. Je souhaite également souligner la gravité des amendements que nous examinons. La récurrence du terme « désuet », l’évocation d’un nécessaire « toilettage » du droit cherchent à suggérer qu’il ne s’agit que de mettre de nouveaux termes sur une approche identique. En réalité, celle-ci change en profondeur ; ainsi, l’amendement CL152 – qui obéit à des raisons politiques – est loin de proposer, comme le prétend le rapporteur, une formulation neutre et objective. La loi de 1975, adoptée dans des conditions difficiles, fait du recours à l’IVG un droit dérogatoire ; or les amendements traduisent l’idée selon laquelle l’avortement serait un droit comme les autres, indépendant de toute situation de détresse, tendant ainsi à banaliser cet acte. N’adhérant pas à cette vision que l’on cherche à nous imposer, considérant qu’il est vain de nier les situations humaines de détresse derrière les cas de recours à l’IVG, je ne pourrai pas voter de tels amendements. J’estime enfin que modifier les dispositions concernant un sujet aussi sensible au détour du texte sur l’égalité entre les hommes et les femmes relève d’une très mauvaise méthode.
Mme Marie-George Buffet. En lisant ce matin dans la presse qu’aux États-unis, l’État du Michigan a décidé d’interdire aux assurances de rembourser les frais d’avortement – même en cas d’inceste ou de viol, sauf si la personne a souscrit une garantie spéciale –, j’ai repensé au courage de cette femme remarquable qu’est Mme Simone Veil. Ces amendements nous permettent de rappeler avec force que l’avortement – choix d’une femme qui décide de ne pas poursuivre une grossesse – est un droit et non une solution à une situation de détresse.
Mme Axelle Lemaire. Alors que la loi Veil a été votée il y a trente-huit ans, vous refusez aujourd’hui, monsieur Poisson, monsieur Gosselin, de prendre acte des évolutions de la société. En 1975, il s’agissait de légaliser une pratique jusque là interdite, la nécessité d’avorter exposant les femmes à des situations de détresse extrême. Aujourd’hui, en 2013, l’IVG concerne 35 % des femmes françaises ; refuser de tenir compte de cette réalité sociale pour s’enfermer dans une vision héritée d’une période révolue relève d’un véritable aveuglement.
Pour avoir recours à l’IVG, une femme doit-elle aujourd’hui se trouver dans une situation de détresse ? Il s’agit non pas de sous-estimer la détresse qui peut accompagner le parcours vers l’IVG, mais de ne pas en faire une condition de recours à ce droit. La nuance est de taille !
Par ailleurs, vous interprétez d’une façon extraordinairement extensive les conséquences de la suppression de cette formulation. Ni les juges ni les médecins n’en tiennent compte, ce qui prouve bien qu’elle ne correspond pas à la réalité sociale d’aujourd’hui. À côté de la détresse des femmes qui ont recours à l’IVG, comment ne pas évoquer celle de certaines femmes qui décident de garder l’enfant ? Ainsi, une jeune lycéenne que la maternité obligerait à interrompre ses études et à quitter le domicile familial pour dépendre des aides de l’État verrait son projet de vie entier perturbé par cette naissance survenue à un moment qu’elle n’avait pas choisi.
M. Erwann Binet. Je suis surpris d’entendre Philippe Gosselin évoquer le caractère dérogatoire du droit à l’IVG. À quoi se rapporterait ici la dérogation puisque l’obligation de garder un enfant lorsqu’on est enceinte n’existe pas ? Ce qualificatif s’applique mieux à l’interruption thérapeutique de grossesse (ITG), qui peut déroger au délai légal de douze semaines de grossesse autorisé pour l’IVG. Surtout, celui-ci n’est plus dérogatoire dans les pratiques. Je suis heureux que l’on puisse supprimer des mots qui portent sur la femme un regard condescendant, faussement bienveillant et protecteur, pour réaffirmer que la décision de recourir à l’IVG relève d’un véritable choix.
Mme Françoise Guégot. Contrairement à certain de mes collègues, je vois dans l’IVG une liberté essentielle pour la femme, et suis personnellement favorable à ces amendements. On ne peut pas parler d’égalité entre les hommes et les femmes sans accorder à ces dernières le libre choix d’accepter ou non d’avoir des enfants. Mais dans ce type de débats où les convictions des uns et des autres divergent profondément, il importe de respecter la position de chacun.
M. Sergio Coronado. Monsieur Poisson, à l’origine, la loi de 1975 encadrait en effet le recours à l’IVG de façon très stricte, notamment dans son article 1er. J’invite pourtant tous ceux qui voteront cet amendement à se mobiliser pour rendre ce droit totalement effectif ; affirmé dans tous les textes, il se trouve aujourd’hui en pratique entravé – tant par les manifestations hostiles que par la diminution du nombre de centres et de médecins qui le pratiquent. L’enjeu est donc à la fois politique et très concret.
M. Guy Geoffroy. Je suis surpris par l’argumentaire de notre collègue Erwann Binet : il nie le caractère dérogatoire de la loi de 1975, alors même qu’il soutient un amendement dont l’exposé des motifs regrette qu’aujourd’hui, « en dépit des avancées de la loi Aubry du 4 juillet 2001 (allongement du délai de 10 à 12 semaines…), l’IVG conserve encore son statut de dérogation ». N’est-ce pas contradictoire ?
M. Jean-Frédéric Poisson. Madame Lemaire, je croyais avoir répondu à votre argumentation. Par ailleurs, je rejoins la position de Guy Geoffroy et laisse le débat se poursuivre en séance publique.
La Commission adopte les amendements identiques CL294 et CL152 rectifié.
La Commission examine l’amendement CL292 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Il s’agit de créer, dans le projet de loi, un nouveau titre intitulé « Dispositions visant à garantir le droit des femmes à disposer de leur corps », qui encadrerait une série de mesures, dont le nouvel article 5 quinquies ajouté au Sénat. Ce titre permettrait de réaffirmer le principe du droit des femmes à disposer de leur corps, et notamment à avoir recours à l’IVG.
M. le rapporteur. Favorable.
M. Philippe Gosselin. Vous qui semblez si attentifs au caractère « désuet » de certaines dispositions, voilà que vous reprenez un terme introduit dans les années 70 par le Mouvement de libération des femmes (MLF). Cette époque n’est donc désuète que lorsque cela vous arrange !
M. Guy Geoffroy. Je m’interroge sur la cohérence entre cet amendement et la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel récemment votée par notre assemblée ; il ne faudrait pas que cette disposition, si elle était adoptée, laisse suggérer une volonté du législateur d’étendre la notion du droit des femmes à disposer de leur corps jusqu’à justifier le recours à la prostitution.
Mme Axelle Lemaire. Cette notion n’est en rien désuète : elle est utilisée par l’Assemblée générale des Nations unies et intégrée dans les conventions internationales. Pourtant, je souhaite retirer cet amendement.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Ce n’est pas possible car vous n’êtes pas le seul signataire de cet amendement adopté d’ailleurs par la commission des Affaires sociales.
Mme Axelle Lemaire. D’un point de vue juridique, la notion dépasse sans doute le cadre de ce titre du code de la santé publique. Nous pourrons poursuivre cette discussion en séance.
M. Philippe Gosselin. Comme vous le voyez, les titres peuvent avoir leur importance ! Par ailleurs, cette formulation peut conduire à justifier non seulement la prostitution, mais également la gestation pour autrui (GPA).
M. le rapporteur. Ces réserves méritent d’être entendues. J’ai émis un avis favorable car il ne s’agit que d’insérer un titre dans la loi afin d’en améliorer la lisibilité. Mais le droit des femmes à disposer de leur corps est bien entendu limité par les dispositions du code civil qui garantissent le caractère non patrimonial du corps humain. Vos craintes, messieurs Geoffroy et Gosselin, ne me paraissent donc pas fondées.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Vu les questionnements autour de cette proposition, je retire l’amendement.
L’amendement CL292 est retiré.
Article 5 quinquies
(art. L. 2223-2 du code de la santé publique)
Extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse
Cet article vise à étendre le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) prévu par l’article L. 2223-2 du code de la santé publique au fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher l’accès à l’information sur l’IVG. Il est issu d’un amendement de la sénatrice Laurence Rossignol et des membres du groupe socialiste et apparentés adopté par le Sénat lors de la séance publique du 16 septembre 2013.
Le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse a été créé par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social, face à l’action, parfois violente, de groupes activistes visant à faire obstacle à l’IVG (les « commandos anti-IVG »). Il est prévu à l’article L. 2223-2 du code de la santé publique, qui punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 du code de la santé publique (c’est-à-dire les consultations préalables, la remise du consentement écrit, etc.) :
– soit en perturbant de quelque manière que ce soit l’accès aux établissements pratiquant l’IVG, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ;
– soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir une IVG ou de l’entourage de ces dernières.
L’entrave matérielle et l’entrave psychologique à l’IVG sont ainsi réprimées. S’agissant de la première, ont été condamnées, par exemple, des personnes ayant pénétré dans les locaux d’un hôpital, puis occupé le service de gynécologie-obstétrique et bloqué l’accès au bloc opératoire de gynécologie (79) ou des personnes qui se sont enchaînées à l’aide d’antivols de motocyclette dans le bloc opératoire (80). S’agissant de la seconde, ont été condamnées, par exemple, des personnes qui s’étaient installées dans le hall d’une clinique et avaient déployé une banderole portant l’inscription « Ici on tue les bébés, sauvons-les », tout en chantant et priant (81) ou des prévenus brandissant, à l’encontre de toute personne pénétrant dans le service de gynécologie-obstétrique, des photographies de fœtus ensanglantés (82).
Le présent article complète le premier alinéa de l’article L. 2223-2 du code de la santé publique afin d’inclure dans le délit d’entrave le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de s’informer sur l’IVG ou les actes préalables prévus par le code de la santé publique. Le dernier alinéa est également complété afin que soient inclus dans le champ de ce délit les pressions morales et psychologiques, les menaces ou actes d’intimidation à l’encontre des femmes venues s’informer sur une IVG dans un établissement pratiquant l’IVG. Les auteurs de l’amendement ont souligné, lors des débats au Sénat, que cette extension visait l’accès à l’information sur l’IVG délivrée par les hôpitaux, les centres d’orthogénie diffusant de l’information, les institutions comme le Planning familial ou les centres d’information sur les droits des femmes et des familles, mais qu’il « ne concerne pas les actions pouvant être menées sur internet » (83).
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL209 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 5 quinquies modifié.
Article 5 sexies (supprimé)
Remise d’un rapport au Parlement sur l’indemnisation des périodes de congé maternité des femmes exerçant une profession discontinue
Cet article est issu de l’adoption en séance publique par le Sénat d’un amendement présenté par Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis au nom de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication et ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement. Il prévoit que, dans un délai de six mois après la publication de la loi, le Gouvernement devra remettre aux commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport relatif à l’indemnisation des périodes de congés de maternité des femmes exerçant une profession discontinue.
À l’appui de son amendement, son auteur a fait valoir que de très nombreuses intermittentes du spectacle – qui relèvent des annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage – se trouvent démunies pendant et après leur grossesse, en raison d’une réglementation inadaptée à la spécificité de leur profession, les conditions d’ouverture de leurs droits au congé de maternité étant plus exigeantes que celles qui sont requises pour bénéficier de l’indemnisation de chômage propre à leur activité professionnelle.
Dans une décision rendue en mars 2012 (84) sur la saisine du collectif « les Maternittentes » regroupant des artistes, ouvrières et techniciennes du spectacle sur la question de l’impact de leur congé de maternité sur l’accès aux mécanismes de protection sociale, le Défenseur des droits, estimant que « la situation dans laquelle sont placées les intermittentes du spectacle durant et à l’issue de leur congé de maternité constitue une discrimination fondée sur l’état de grossesse tant au regard du droit communautaire que du droit interne », a formulé plusieurs recommandations, dont celle d’engager une réflexion « afin d’assurer l’indemnisation du congé de maternité des intermittentes du spectacle et le maintien de leurs droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi à l’issue du congé de maternité ».
Les règles – fixées par la partie réglementaire du code de la sécurité sociale – d’ouverture des droits aux prestations versées par les caisses primaires d’assurance maladie, ne sont pas adaptées au cas des intermittentes, dans la mesure où elles exigent des niveaux de cotisation et des durées de travail qui sont difficiles à atteindre pour elles. La prise d’un congé maternité les pénalise en outre lorsqu’elles se retrouvent sans emploi à la fin du congé, car la période de congé n’est pas considérée comme une période travaillée entrant dans la période de référence, ce qui minore l’allocation chômage perçue. Dès lors, bon nombre d’intermittentes préfèrent, en cas d’interruption de leur activité, cacher leur grossesse et être indemnisées au titre de l’assurance chômage.
Lors de son audition par votre rapporteur, le Défenseur des droits a réaffirmé la nécessité de neutraliser les effets négatifs du congé de maternité sur le droit à indemnisation du chômage des intermittentes du spectacle. Il a estimé que le rapport prévu au présent article pourrait servir de base à la réflexion qu’il préconise et ouvrir la voie d’une protection effective des femmes intermittentes durant leur grossesse.
Sans remettre en cause l’intérêt qu’une telle réflexion aboutisse rapidement, votre rapporteur a proposé, conformément à la jurisprudence habituelle de votre Commission en la matière, la suppression d’un article qui ne fait que demander au Gouvernement la transmission d’un rapport.
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La Commission adopte l’amendement de suppression CL250 du rapporteur.
En conséquence, l’article 5 sexies est supprimé.
La Commission est saisie de l’amendement CL24 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. L’égalité entre les hommes et les femmes passe par une égalité salariale, dont le défaut se répercute sur le montant des pensions de retraite. Aussi convient-il de pénaliser les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale en augmentant leurs cotisations vieillesse.
M. le rapporteur. Une sanction est d’ores et déjà prévue pour les entreprises qui ne respectent pas les obligations posées par le code du travail en matière de négociation et de plan d’action pour l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ; cet amendement instaurerait donc un système de double peine. Par ailleurs, d’un point de vue juridique, la proportionnalité entre la sanction et les faits visés n’apparaît pas évidente. Avis défavorable.
M. Jean-Frédéric Poisson. Dans le cadre de la loi sur les retraites, le Parlement a adopté des statuts particuliers pour les femmes d’agriculteurs, les soumettant à un régime très défavorable en termes d’accès aux droits à la retraite et de cotisations sociales. Je présenterai en séance un amendement visant à remédier à cette situation qui soulève la question de l’égalité entre les hommes et les femmes.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission en vient à l’amendement CL119 Mme Catherine Coutelle.
Mme Catherine Coutelle. Je le retire, puisque le droit individuel à la formation sera bientôt remplacé par un autre droit.
L’amendement CL119 est retiré.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ
Article 6
Expérimentation en matière de lutte contre
les impayés de pensions alimentaires
Cet article vise à expérimenter un nouveau dispositif permettant de mieux protéger le parent vivant seul avec ses enfants contre les impayés de pensions alimentaires, en renforçant le dispositif existant de garantie publique contre ces impayés.
La mesure s’adresse tout particulièrement aux familles monoparentales, qui, pour plus d’un tiers d’entre elles, vivent sous le seuil de pauvreté. Elles figurent d’ailleurs parmi les publics prioritaires identifiés par le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale présenté par le Gouvernement en décembre 2012 et qui prévoit notamment une meilleure protection des familles contre les impayés de pensions alimentaires.
Une part importante – l’étude d’impact annexée au présent projet de loi (85) l’évalue à environ 40 % – des pensions alimentaires ne sont pas payées ou le sont de façon irrégulière alors que ces sommes représentent près d’un cinquième du revenu des familles monoparentales les plus pauvres.
Dans les cas de non-paiement de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant décidée par le juge aux affaires familiales, les caisses d’allocations familiales (CAF) peuvent intervenir de deux manières pour aider le parent créancier à recouvrer la créance alimentaire qui lui est due par l’autre parent :
— En application de l’article L. 581–2 du code de la sécurité sociale, le parent créancier peut adresser à la CAF une demande d’allocation de soutien familial (ASF), prestation familiale versée, sans condition de ressources, lorsqu’un enfant est privé de l’aide de l’un au moins de ses parents, et qui est versée, dans le cas d’espèce, « à titre d’avance sur créance alimentaire ».
Dans le cadre de cette procédure, le parent créancier doit satisfaire quatre conditions pour bénéficier de l’ASF : il doit fournir une décision de justice fixant la pension alimentaire, vivre seul (sans être remarié ou vivre en concubinage), avoir des enfants à charge et démontrer que le débiteur ne participe plus à l’entretien de l’enfant depuis au moins deux mois consécutifs. Le montant de l’ASF est fixé à 90,40 euros par mois (86).
En cas de défaillance totale du débiteur, le parent créancier reçoit l’intégralité de ce montant ; en cas de défaillance partielle du débiteur, le parent créancier reçoit une ASF dite « différentielle » qui complète le versement partiel effectué par le débiteur, jusqu’au montant de l’ASF afin que la somme perçue par le parent créancier soit in fine égale au montant de l’ASF.
La CAF est subrogée dans les droits du créancier, dans la limite du montant de l’ASF versé ou de la créance d’aliment, si celle–ci est inférieure. Elle engage toute mesure permettant le recouvrement de la créance due.
— En application de l’article L. 581–6 du code de la sécurité sociale, la CAF peut également être mandatée par le parent créancier non éligible à l’ASF pour recouvrer, pour son compte et à son nom, la créance auprès du parent débiteur. La CAF n’ayant, dans ce cas, pas versé d’ASF au créancier, elle n’est pas subrogée dans ses droits. Cette procédure s’adresse aux personnes qui ne remplissent pas les conditions d’attribution de l’ASF (sont notamment concernées les personnes qui ne vivent pas seules), mais qui sont titulaires d’une pension alimentaire fixée par jugement et non versée depuis au moins deux mois et qui ont déjà engagé une procédure de recouvrement n’ayant pas abouti.
Une fois en possession de la demande d’aide au recouvrement adressée par le créancier, la CAF notifie au débiteur les obligations auxquelles il est tenu envers le créancier et lui fait connaître qu’à défaut d’exécution volontaire, le recouvrement de la créance sera poursuivi au moyen de toute procédure appropriée. Les pensions alimentaires ainsi récupérées sont reversées, au fur et à mesure, au créancier. Tous les frais de procédure sont alors à la charge du débiteur.
Parmi les procédures auxquelles peut recourir la CAF pour le compte d’un créancier d’aliment figurent :
— la procédure de paiement direct, qui permet d’obtenir le règlement des mensualités impayées depuis six mois maximum et des mensualités à venir au fur et à mesure où elles sont dues ; cette procédure est engagée par l’intermédiaire d’un huissier de justice auprès d’un tiers débiteur (soit l’employeur du débiteur, soit l’un de ses dépositaires de fonds) ;
— la procédure de saisie sur salaire, qui permet de faire procéder au prélèvement direct sur la rémunération du débiteur de la pension alimentaire du mois en cours et des six derniers mois impayés ; l’employeur du débiteur est informé de la procédure par huissier de justice et est tenu de verser directement au créancier les sommes dues ;
— le recouvrement par le Trésor public, qui peut être engagé si les procédures de paiement direct ou de saisie sur salaire ont échoué, et qui permet au comptable du Trésor de recouvrer la pension alimentaire selon les mêmes voies que pour le recouvrement des impôts.
2. Le contenu du présent article
c. Le triple objet de l’expérimentation
– Faciliter la transmission des informations relatives au parent débiteur d’aliments
Le II du présent article décrit le premier volet de l’expérimentation, qui a pour objectif d’améliorer la transmission des informations relatives au parent débiteur d’aliments :
— d’une part, en autorisant l’organisme débiteur des prestations familiales - la CAF - à communiquer au parent qui a la charge de l’enfant les renseignements dont il dispose concernant l’adresse et la solvabilité du parent débiteur : ces informations sont nécessaires pour faire établir par le juge aux affaires familiales le montant de l’obligation alimentaire, décision qui est elle-même indispensable à l’ouverture du droit au versement de l’ASF ;
— d’autre part, en autorisant ce même organisme à communiquer ces renseignements directement au juge aux affaires familiales, le cas échéant sur sa demande, après en avoir informé le bénéficiaire de l’allocation ; en l’état actuel du droit, les CAF ne sont pas habilitées à communiquer aux juges aux affaires familiales les éléments relatifs à la situation du débiteur d’aliments, ce qui complique la fixation du montant de la pension alimentaire.
– Ouvrir le droit à l’ASF différentielle à tout parent créancier d’une pension alimentaire inférieure à l’ASF
Le III du présent article vise à ouvrir le droit à l’ASF différentielle à tout parent créancier dont la pension alimentaire est inférieure au montant de l’ASF, même lorsque le parent débiteur s’acquitte intégralement du paiement de cette pension.
En l’état actuel du droit, l’ASF différentielle n’est versée qu’en cas de défaillance partielle ou totale du débiteur, ce qui présente des effets pervers d’agissant des pensions dont le montant est inférieur à celui de l’ASF : dans ce cas précis, les deux parents ont intérêt à ce que la pension ne soit pas payée pour que le parent créancier puisse bénéficier d’une allocation dont le montant est supérieur à celui de la pension fixée par le juge. Dans ce cas précis, le régime actuel désavantage les parents débiteurs qui font l’effort de payer intégralement la pension alimentaire.
Le dispositif expérimental mis en place par le présent article va permettre au parent créancier qui perçoit l’intégralité de la pension alimentaire due par le parent débiteur de bénéficier aussi de l’ASF différentielle, ce qui va mettre fin à l’inégalité de traitement entre les créanciers de petites pensions selon qu’elles sont payées ou non.
Le III du présent article précise enfin que l’ASF différentielle versée au parent créancier d’une pension alimentaire intégralement acquittée par le parent débiteur ne sera pas recouvrée et restera acquise à l’allocataire.
Selon l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, le taux de recouvrement obtenu par les CAF au titre des avances d’ASF n’est que de 40 %.
Le IV du présent article vise à améliorer le taux de recouvrement des pensions alimentaires impayées lorsque les organismes débiteurs de prestations familiales sont subrogés dans les droits du créancier pour récupérer les sommes versées dans le cadre de l’ASF. Il permet aux CAF, à titre expérimental, de déroger :
— à l’article L. 213–4 du code des procédures civiles d’exécution, afin d’engager une procédure de paiement direct pour le compte d’un créancier d’aliments afin d’obtenir le règlement des vingt-quatre dernières mensualités impayées, contre six aujourd’hui ;
— à l’article L. 3252–5 du code du travail, afin de recourir à la procédure de saisie sur salaire pour recouvrer la pension du mois en cours et les vingt-quatre dernières mensualités impayées, contre les six dernières actuellement.
Votre rapporteur salue ce dispositif qui constituera une avancée majeure en faveur des bénéficiaires.
d. Les modalités de l’expérimentation
Le V du présent article précise que l’expérimentation sera conduite pour une durée de trois ans à compter de la publication de l’arrêté définissant la liste des départements concernés, qui intervient au plus tard le 1er juillet 2014.
Il prévoit en outre que, dans les neuf mois précédant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation sera transmis au Parlement.
Le VII du présent article renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des modalités d’application du présent article.
3. L’examen de l’article par le Sénat
Au Sénat, l’examen de cet article a été délégué au fond à la commission des Affaires sociales. Sur l’initiative de sa rapporteure, Mme Michelle Meunier, cette commission a adopté deux amendements visant à enrichir le contenu de l’expérimentation.
Le premier amendement a étendu le périmètre de l’expérimentation à l’ensemble des créanciers d’une pension alimentaire, qu’ils soient ou non bénéficiaires de l’ASF, la rapporteure pour avis faisant valoir qu’une telle extension était cohérente avec le champ de l’article L. 581-1 du code de la sécurité sociale, en vertu duquel les CAF sont chargées d’apporter leur aide au recouvrement des créances dues au titre de l’entretien d’enfants à toute personne qui en fait la demande, qu’elle soit ou non bénéficiaire de l’ASF.
Le deuxième amendement prévoit que, dans le cadre de cette expérimentation, les conditions dans lesquelles un parent peut être considéré comme « hors d’état » de faire face à son obligation d’entretien devront être définies par décret. La rapporteure pour avis a fait valoir que les outils dont disposent les CAF pour apprécier ce type de situations sont très restreints et qu’il en résulte des pratiques très variables d’une CAF à une autre, sans compter que certains parents profitent de ce « flou » juridique pour organiser leur insolvabilité. Elle a donc plaidé pour que le Gouvernement se saisisse de l’occasion de cette expérimentation pour préciser par décret la notion de « hors d’état ».
En séance publique ont été adoptés trois amendements :
— le premier, présenté par Mme Brigitte Gonthier-Maurin, vise à réduire de trois ans à dix-huit mois la durée de l’expérimentation prévue pour l’une des mesures prévues à l’article 6 : le versement de l’allocation différentielle de soutien familial (ASF) à tous les titulaires de pensions inférieures au montant de cette allocation. Le V de l’article précise désormais que, pour le dispositif prévu au III, la période d’expérimentation est de dix–huit mois ;
— le deuxième, présenté par Mme Catherine Génisson et les autres membres du groupe Socialiste et apparentés, complète le V du présent article afin de prévoir un suivi statistique pendant la durée de l’expérimentation permettant notamment de mesurer ses impacts sur le recouvrement des pensions alimentaires. Il est désormais précisé que dans les départements concernés par l’expérimentation, les CAF, en lien avec les services du ministère de la Justice, établissent un suivi statistique informatisé des pensions alimentaires, des créanciers et des débiteurs, ainsi que des motifs retenus pour qualifier les débiteurs comme étant hors d’état de faire face à leur obligation d’entretien ou au paiement de la pension alimentaire ;
— le troisième, présenté par le Gouvernement, a pour objet de prévoir, dans le cadre de l’expérimentation, que le fait de soustraire ou de se trouver hors d’état de faire face à l’obligation d’entretien ou au versement de la pension alimentaire mise à sa charge par décision de justice est constitué après constat d’un défaut de paiement de plus d’un mois (IV bis).
4. L’examen par votre Commission
Votre rapporteur salue la démarche initiée au Sénat consistant à réduire la durée de l’expérimentation pour ce qui concerne le versement de l’ASF différentielle. Il juge lui aussi que cette expérimentation doit être réduite au strict nécessaire car elle aboutit à une différence dans les montants de l’allocation versée selon que le département est ou non soumis à l’expérimentation et ce, alors même que les bénéficiaires sont bien souvent des femmes en grande précarité. Il a proposé par amendement, dans le prolongement de cette logique, de réduire la durée de l’expérimentation dans son ensemble à 18 mois.
Lors de son audition, M. Daniel Lenoir, directeur de la CNAF, a indiqué que certaines CAF ont d’ores et déjà acquis une expertise dans le domaine très particulier du recouvrement de l’ASF auprès du débiteur d’aliment, qui demande une bonne connaissance de l’application des procédures civiles d’exécution, et que ces caisses seraient prioritairement désignées l’expérimentation ; l’autre critère de choix sera la proportion de familles monoparentales dans les bénéficiaires afin que l’expérimentation soit la plus représentative possible.
La réforme de l’ASF différentielle a été largement saluée par les personnes entendues par votre rapporteur, au motif qu’elle allait permettre au JAF de prononcer des contributions de faibles montants – pourtant très utiles, notamment symboliquement – sans risquer faire perdre le montant de l’ASF total au parent chez qui l’enfant réside.
En revanche, la possible transmission par les CAF d’éléments relatifs à l’adresse et à la solvabilité des débiteurs a été différemment appréciée par les personnes entendues par votre rapporteur. Si de nombreuses personnes, et notamment les représentants des syndicats de magistrats, ont salué les avancées que constituait l’expérimentation pour les JAF qui disposeront désormais d’éléments indispensables pour, d’une part, convoquer le parent à la bonne adresse et d’autre part, fixer le montant de la contribution qu’il devra verser, des réserves ont pu être exprimées sur le caractère potentiellement attentatoire à la vie privée du dispositif : les éléments de solvabilité sont–ils étendus aux avis d’imposition ? Si tel était le cas, cela poserait une difficulté en cas de remariage du débiteur, son avis d’imposition comportant des éléments d’information qui sont étrangers au débiteur lui–même. Le risque d’instrumentalisation des CAF par les conjoints a également été souligné.
Le cabinet de la garde des Sceaux a fait valoir ses plus grandes réserves sur la possibilité de transmission directe de telles pièces au juge car, en matière civile, il appartient aux parties d’apporter des éléments à la connaissance du juge en informant l’autre partie, dans le respect du contradictoire, ce qui permet la discussion des pièces. La rédaction actuelle de l’article, qui prévoit un lien direct entre la CAF et le juge, heurterait donc les droits de la défense.
Convaincu par ces arguments, votre rapporteur a proposé à votre Commission, qui l’a accepté, la suppression de cette possible transmission directe au juge aux affaires familiales, qui apparaissait, en outre, n’avoir qu’une utilité limitée dans la mesure où la créancière pourra demander ces informations à la CAF et, si elle le souhaite, les porter à la connaissance du juge.
La Commission a par ailleurs adopté l’amendement de votre rapporteur, ainsi que l’amendement identique déposé par Mme Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, réduisant la durée de l’expérimentation à dix–huit mois.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL242 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL249 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit, en supprimant la dernière phrase de l’alinéa 3, de retirer à la caisse d’allocations familiales (CAF) la possibilité de transmettre directement au juge des informations sur le débiteur. Ce sont les parties qui présentent au juge les pièces qu’elles souhaitent verser au dossier.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL248 du rapporteur.
Elle en vient aux amendements identiques CL247 du rapporteur et CL295 de la commission des Affaires sociales.
M. le rapporteur. Je propose de réduire de trois ans à dix-huit mois la durée de l’expérimentation. Le Gouvernement appréciera que le dispositif puisse être généralisé avant la fin du quinquennat.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Même argumentation.
La Commission adopte ces amendements.
Puis elle examine l’amendement CL136 de Mme Françoise Guégot.
Mme Françoise Guégot. Le texte met en place une expérimentation visant à lutter contre les impayés des pensions alimentaires, mais, compte tenu des difficultés financières que rencontre le secteur public, l’amendement, approuvé par le MEDEF, vise à ce que l’on commence par évaluer la capacité de la CAF à recouvrer les pensions avant que l’État ne se substitue aux parents défaillants.
M. le rapporteur. Il serait particulièrement injuste de conditionner le versement de l’allocation de soutien familial à une amélioration des performances des CAF, d’autant que les sommes en cause ne sont pas considérables : un peu plus de 90 euros pour l’instant et bientôt un peu plus de 120 euros. L’adoption d’un tel amendement créerait un précédent très grave. Je vous demande donc, madame Guégot, de le retirer. À défaut, avis défavorable.
Mme Françoise Guégot. Je maintiens l’amendement, qui présente à mon sens une proposition intéressante. Les pères doivent prendre leurs responsabilités. On ne peut pas solliciter l’État à tout propos.
M. le rapporteur. L’article 6 renforce considérablement les moyens de la CAF en matière de recouvrement et allonge de six à vingt-quatre mois la période prise en compte pour les impayés. Le nouveau dispositif est plus soucieux de vos objectifs que vous ne le pensez.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 6 modifié.
Article 6 bis
(art. L. 2241-1 du code du travail)
Extension de la négociation de branche annuelle obligatoire sur les salaires aux mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle
Cet article a pour objet de compléter le second alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail, qui prévoit que les négociations de branche et professionnelle annuelles obligatoires sur les salaires prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, afin que ces négociations portent également sur « les mesures permettant de l’atteindre ».
Il est issu d’un amendement de la présidente de la délégation aux Droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, qui avait fait l’objet d’un avis favorable de la rapporteure de la commission des Affaires sociales du Sénat et d’un avis défavorable du Gouvernement.
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La Commission adopte l’article 6 bis sans modification.
Article 6 ter
(art. L. 2323-57 du code du travail)
Analyse par le rapport de situation comparée des niveaux de rémunération et du déroulement des carrières des femmes et des hommes au regard de leurs qualification et ancienneté
Cet article vise à compléter le contenu du rapport de situation comparée prévu par l’article L. 2323-57 du code du travail, afin qu’il analyse dans quelle mesure les niveaux de rémunération et les déroulements des carrières des salariés des deux sexes s’expliquent par leur âge, leur niveau de qualification et leur ancienneté.
Il est issu d’un amendement de la présidente de la délégation aux Droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, qui traduit la recommandation n° 11 de l’avis rendu par cette délégation sur le présent projet de loi (87).
Il a été réécrit par la Commission, sur l’initiative de Mme Axelle Lemaire et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen. La rédaction adoptée par le Sénat a été complétée, afin d’inclure, d’une part, dans l’objet de l’analyse, outre les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, les déroulements de carrières et, d’autre part, dans les facteurs explicités, outre la qualification et l’ancienneté, l’âge des salariés concernés.
On observera que cet ajout recoupe pour partie celui opéré, au même article du code du travail, par l’amendement adopté par la Commission à l’article 5 ter.
Par ailleurs, sur l’initiative de votre rapporteur, les dispositions qui figuraient à l’article 6 quater, qui modifiaient le même article du code du travail, ont été transférées au présent article. Ces dispositions sont issues d’un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat. Elles prévoient l’insertion d’un indicateur de promotion sexué au sein du rapport de situation comparée, afin de mettre en œuvre l’article 6 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013, précité, aux termes duquel « un indicateur de promotion sexué sera élaboré afin de suivre l’évolution des taux de promotion femmes/hommes par métiers dans une même entreprise ». Ce nouvel indicateur n’est rendu applicable qu’aux rapports de situation comparée des entreprises de plus de 300 salariés, seuls visés par l’article L. 2323-57 du code du travail ainsi modifié.
C’est un enrichissement significatif du contenu du rapport de situation comparée, destiné à lutter plus efficacement contre le « plafond de verre » auquel les femmes se heurtent en matière de promotion.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL210 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL153 de Mme Axelle Lemaire.
Mme Axelle Lemaire. Nous proposons que le rapport de situation comparée des hommes et des femmes prenne en compte leur déroulement de carrière, en intégrant les critères d’âge, de qualification et d’ancienneté.
M. le rapporteur. Avis favorable. Ces indicateurs dynamiques compléteront le rapport.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 6 ter modifié.
Article 6 quater (supprimé)
(art. L. 2323-57 du code du travail)
Insertion au sein du rapport de situation comparée d’un indicateur de promotion par sexe par métier dans une même entreprise
Cet article disposait que le rapport de situation comparée prévu par l’article L. 2323-57 du code du travail décrit l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans une même entreprise.
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a supprimé cet article dont les dispositions ont été transférées à l’article 6 ter.
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La Commission adopte l’amendement CL211 du rapporteur.
En conséquence, l’article 6 quater est supprimé.
Article 6 quinquies
(art. L 214–7 du code de l’action sociale et des familles)
Accès prioritaire des bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant aux places en établissement d’accueil pour enfants
de moins de six ans
Cet article, issu de l’adoption par le Sénat en séance publique d’un amendement du Gouvernement, vise à ouvrir aux bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant, issue de la réforme du complément de libre choix d’activité (cf. article 2 du présent projet de loi), le bénéfice du dispositif d’accès prioritaire aux places en établissement d’accueil pour enfants de moins de six ans.
1. Le dispositif adopté par le Sénat
En l’état actuel du droit, un dispositif d’accès prioritaire est prévu à l’article L. 214–7 du code de l’action sociale et des familles pour les enfants non scolarisés âgés de moins de six ans à la charge de personnes « engagées dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle » et répondant à certaines conditions de ressources – fixées par voie réglementaire –, « pour leur permettre de prendre un emploi, de créer une activité ou de participer aux actions d’accompagnement professionnel qui leur sont proposées ».
Le présent article a pour objet d’ouvrir expressément cet accès prioritaire aux bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant, dont les conditions d’octroi sont modifiées à l’article 2 du projet de loi.
L’objet de cette modification est de faire bénéficier de ce mode de garde tout particulièrement les femmes en situation de grande précarité, pour lesquelles il est tout particulièrement nécessaire pour lever les freins à leur employabilité.
2. Examen par votre Commission
Votre rapporteur a présenté un amendement procédant à une coordination avec la nouvelle dénomination de la prestation partagée d’éducation de l’enfant et ajoutant une virgule, dont l’omission aurait eu pour conséquence de changer le sens de la disposition. Votre Commission a adopté cet amendement, ainsi que l’amendement identique déposé par Mme Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales
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La Commission adopte les amendements identiques CL246 du rapporteur et CL296 de la rapporteure de la commission des Affaires sociales, visant à corriger une erreur de plume.
Elle adopte l’article 6 quinquies modifié.
Article 6 sexies
Remise d’un rapport au Parlement sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises de moins de cinquante salariés
Cet article prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 31 décembre 2014, d’un rapport sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Il est issu d’un amendement de la présidente de la délégation aux Droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, qui traduit la recommandation n° 14 de l’avis rendu par cette délégation sur le présent projet de loi (88).
Cette demande d’un rapport sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises de moins de cinquante salariés se fonde sur le fait que de nombreuses obligations prévues par le code du travail relatives à l’égalité professionnelle (en matière de négociation ou d’établissement d’un rapport de situation comparée en particulier) ne s’appliquent qu’aux entreprises qui dépassent ce seuil, d’où la crainte de l’auteur de l’amendement que les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises en deçà de ce seuil ne soient les « grandes oubliées » de l’égalité professionnelle.
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La Commission adopte l’article 6 sexies, qui ne fait l’objet d’aucun amendement.
Article 6 septies
Expérimentation pour deux ans du versement direct à l’assistant maternel du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde
perçu par les familles modestes
Cet article, qui est issu de l’adoption en séance publique par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, a été réécrit par votre Commission, sur l’initiative de la commission des Affaires sociales.
L’objet de cet article est de permettre, à titre expérimental, aux organismes débiteurs des prestations familiales de verser, selon le mode du tiers-payant, le complément de libre choix du mode de garde (CMG) – autre volet constitutif de la prestation d’accueil du jeune enfant – directement à l’assistant maternel et non pas aux parents employeurs.
Cette expérimentation a pour objet d’inciter les familles modestes à recourir à un mode d’accueil individuel, souvent onéreux, en les dispensant d’une avance de frais conséquente. Selon l’exposé sommaire de l’amendement du Gouvernement (89), « un décret viendra préciser que l’expérimentation est ouverte aux familles modestes dont les ressources se situent dans la tranche inférieure du barème de CMG (20 706 euros pour un enfant à charge) ».
Une disposition analogue – avec quelques différences néanmoins substantielles – figurait à l’article 92 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, mais l’article a été censuré par le Conseil constitutionnel (90) au motif – procédural – selon lequel la disposition, en autorisant une expérimentation du tiers payant pour le versement du complément de mode de garde, n’avait « pas d’effet ou (avait) un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement et ne (relevait) pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, (elle ne trouvait pas sa) place dans une loi de financement de la sécurité sociale ».
Le dispositif adopté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 était réservé aux bénéficiaires du revenu de solidarité active prévu à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles ; tel n’a pas été le choix opéré par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi, le dispositif prévoyant un champ de bénéficiaires bien plus étendu visant « le ménage ou la personne dont les ressources sont inférieures à un plafond, fixé par décret, qui varie selon le nombre d’enfants à charge ».
Dans le cadre du présent projet de loi, il s’agit en effet avant tout d’aider des parents de jeunes enfants, au niveau de revenu faible, à concilier vie familiale et parcours de réinsertion professionnelle ; une telle disposition sera particulièrement utile dans le cas des familles monoparentales.
Le dispositif qu’il est proposé d’expérimenter s’inspire d’une initiative prise depuis 2007 par la Ville de Grigny, dans l’Essonne, où le relais d’assistants maternels, soutenu par la caisse d’allocations familiales (CAF), par la commune puis par la maison départementale des solidarités, a institué pour des familles en parcours d’insertion ayant un besoin de mode d’accueil de leurs enfants, l’équivalent d’un système de versement à tiers du CMG : en cas de recours à des assistants maternels agréés en sous–activité identifiés par le relais et s’engageant à pratiquer des tarifs horaires limités, la CAF de l’Essonne se substitue aux parents pour faire l’avance des frais ; des travailleurs sociaux accompagnent les bénéficiaires du dispositif dans leur démarche d’insertion ou de retour à l’activité. Des primes spécifiques ont, en outre, été mises en place par la caisse pour financer l’accueil à des horaires atypiques.
Notre collègue Geneviève Lévy avait, dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (91), estimé que la mesure relevait davantage de l’action sociale conduite par les caisses d’allocations familiales que de la loi : si les caisses d’allocations familiales versent les aides légales conformément aux dispositions figurant dans la loi, elles peuvent parallèlement, en application de l’article R. 263-2 du code de la sécurité sociale, organiser un service social pour lequel elles disposent de dotations d’action sociale dont elles font libre usage dans le respect des grandes orientations fixées par la convention d’objectifs et de gestion liant l’État à la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). L’insertion sociale et professionnelle de familles modestes, en particulier monoparentales, figure au tout premier rang des actions menées sur ce fondement par les caisses, et de même l’accompagnement des assistants maternels en difficulté. C’est à ce titre que des caisses établissent d’ores et déjà des dispositifs analogues à celui prévu par le présent article.
Au cours des auditions qu’il a menées, votre rapporteur a entendu une représentante de l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles qui a rappelé les principales contraintes pensant sur la profession d’assistantes maternelles : 30 % d’entre elles vont partir en retraite entre 2015 et 2017 ; la profession fidélise peu ses membres car elle n’offre pas la possibilité de réelles évolutions de carrière (il n’y a notamment aucune passerelle entre le CAP petite enfance et le diplôme d’auxiliaire de puériculture qui permet le travail en crèche). Elle a aussi relayé les inquiétudes des assistantes maternelles face au dispositif proposé par le présent article : elles redoutent en premier lieu de voir les particuliers se désinvestir de leur rôle d’employeur du fait de l’intervention de la CAF ; elles craignent en outre que le nouveau dispositif ne se traduise par un allongement des délais de paiement. Elles s’interrogent aussi sur les exigences supplémentaires qui pèseront sur les assistantes maternelles en application du III de l’article (adaptation aux horaires des parents ; acceptation des enfants « en urgence ou sur des périodes de très courte durée »).
La Commission a adopté un amendement de Mme Orphé, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, procédant à la réécriture de l’article 6 septies afin de clarifier les objectifs sous-tendant l’expérimentation et de permettre aux organismes débiteurs des prestations familiales, le cas échéant, d’associer les collectivités territoriales afin de favoriser la prise en compte des besoins d’accueil spécifiques des familles inscrites dans un parcours d’insertion ou en situation d’emploi en horaires décalés.
Par ailleurs, la nouvelle rédaction de l’article prévoit une convention tripartite, incluant le parent employeur, là où le texte initial prévoyait une convention entre l’assistant maternel et l’organisme débiteur des prestations familiales.
Votre rapporteur proposera en séance de porter la durée de l’expérimentation à dix–huit mois, par cohérence avec la position adoptée par la Commission sur les deux autres dispositifs expérimentaux contenus dans le projet de loi.
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La Commission examine l’amendement CL298 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. La rédaction que nous proposons pour l’article 6 septies vise à réaffirmer les objectifs qui sous-tendent l’expérimentation et permettent aux organismes débiteurs des prestations familiales d’associer les collectivités territoriales, afin de favoriser la prise en compte des besoins d’accueil spécifiques. Elle introduit par ailleurs le principe d’une convention tripartite incluant le parent employeur, alors que le texte initial prévoyait une convention entre l’assistant maternel et l’organisme débiteur des prestations familiales.
M. le rapporteur. Avis favorable, mais il vaudrait mieux prévoir un délai de dix-huit mois, comme celui que je souhaite retenir pour les expérimentations. Je soutiendrai un amendement en ce sens quand nous examinerons le texte en séance publique.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence l’article 6 septies est ainsi rédigé et les amendements CL245, CL244 et CL243 du rapporteur deviennent sans objet.
La Commission examine les amendements identiques CL297 de la commission des Affaires sociales et CL154 de Mme Axelle Lemaire.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Les personnes – en grande partie, des femmes – qui travaillent dans le secteur du service à la personne doivent bénéficier des mêmes examens médicaux que toutes celles qui exercent des professions à forte pénibilité.
Mme Axelle Lemaire. Même argumentation. Les services à la personne sont généralement oubliés dans le débat doctrinal et politique sur la pénibilité, alors qu’ils imposent souvent des contraintes physiques très lourdes.
M. Jean-Frédéric Poisson. Les salariés des sociétés de service à la personne ne sont pas exemptés des dispositions du code du travail concernant la santé des salariés. Dès lors, je me demande ce que les amendements apportent au droit commun.
Mme Axelle Lemaire. Les employés des sociétés de service à la personne bénéficient de la surveillance médicale définie au titre II de la quatrième partie du code du travail, mais, contrairement à ceux qui travaillent dans l’industrie, les travaux publics ou la construction, ils ne possèdent pas de protection renforcée du fait de leur convention collective.
Je n’ignore pas, cependant, qu’une négociation est en cours. Pour éviter que, faute de médecins du travail, les examens médicaux ne soient purement formels, il est envisagé de permettre à des médecins non spécialisés en médecine du travail de suivre les patients. Le rapporteur invoquera peut-être cet argument pour émettre un avis défavorable à ces amendements.
M. Jean-Frédéric Poisson. D’abord, ni la place des amendements dans le code du travail ni leur contenu ne permettra une novation juridique en matière de droit des salariés des services à la personne. Ensuite, même si l’on peut regretter que les conventions collectives existantes ne protègent pas ces salariés autant que d’autres, ce n’est pas à la loi de régler des questions qui relèvent des accords conventionnels. Si attentif que je sois à la protection des salariés, je ne voterai donc pas ces amendements.
M. le rapporteur. Les amendements sont satisfaits par la législation actuelle. De plus, une négociation est en cours sur le sujet. Une fois n’est pas coutume : les arguments de M. Poisson auraient pu être développés par le Gouvernement. Je suggère donc le retrait de ces amendements.
Mme Axelle Lemaire. Je retire l’amendement CL154, par respect pour la démocratie sociale. Mon but était de souligner les carences du droit actuel, qu’il résulte de la loi ou des conventions collectives, concernant les services à la personne. Faisons confiance aux partenaires sociaux !
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Je retire l’amendement CL297, mais j’insiste sur le fait que la santé au travail doit être prise en compte dans le rapport de situation comparée. Les femmes qui travaillent dans ce secteur sont les plus exposées à l’absentéisme. Qu’attend-on pour y réfléchir ?
Les amendements CL297 et CL154 sont retirés.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES PERSONNES VICTIMES DE VIOLENCES ET À LA LUTTE CONTRE LES ATTEINTES À LA DIGNITÉ ET À L’IMAGE À RAISON DU SEXE DANS LE DOMAINE DE LA COMMUNICATION
Le titre III regroupe les articles du projet de loi ayant pour objet d’améliorer les dispositions législatives en vigueur en matière de protection des personnes victimes de violences, en particulier au sein du couple (chapitre Ier), d’une part, et de renforcer les moyens de lutter contre les atteintes à la dignité et à l’image à raison du sexe dans les médias audiovisuels et sur Internet (chapitre II). Il a, lors de l’examen en commission, été complété par un chapitre Ier bis comprenant deux articles relatifs à la lutte contre les mariages forcés.
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a modifié l’intitulé du titre III du projet de loi, initialement dénommé « Dispositions relatives à la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité ». Cette modification permet de ne pas mentionner que les femmes parmi les personnes pouvant être victimes de violences et devant être protégées, des hommes étant aussi – certes, beaucoup plus rarement que les femmes – victimes de violences au sein du couple. Elle permet également de mentionner, aux côtés des atteintes à la dignité des femmes, les atteintes à l’image des femmes contre lesquelles le chapitre II du projet de loi entend également lutter.
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La Commission adopte l’amendement CL182 du rapporteur modifiant les intitulés du titre III et du chapitre Ier de ce titre.
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la protection des personnes victimes de violences
Article 7
(art. 515-10, 515-11, 515-12 et 515-13 du code civil)
Amélioration des dispositions relatives à l’ordonnance de protection prononcée en faveur d’une personne victime de violences au sein du couple
ou d’une personne menacée de mariage forcé
L’article 7 a pour objet d’améliorer les dispositions relatives à l’ordonnance de protection susceptible d’être prononcée en faveur d’une personne victime de violences au sein du couple ou d’une personne menacée de mariage forcé.
Principale innovation de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (92), l’ordonnance de protection, prévue aux articles 515-9 à 515-13 du code civil, est une mesure destinée à assurer, en urgence, la protection des personnes victimes de violences de la part de leur conjoint, de leur partenaire d’un pacte civil de solidarité, de leur concubin ou d’une personne ayant eu, par le passé, l’une de ces trois qualités.
Prononcée pour une durée maximale de quatre mois par le juge aux affaires familiales (JAF) sur demande de la personne victime ou, avec son accord, sur saisine du ministère public, l’ordonnance de protection peut comporter des obligations qui, avant la loi du 9 juillet 2010 précitée, ne pouvaient être ordonnées que par une juridiction pénale, telles que l’interdiction de rencontrer la victime ou ses enfants ou l’interdiction de détenir ou de porter une arme. Dans le cadre de l’ordonnance de protection, peuvent également être prononcées des mesures qui relèvent, plus traditionnellement, du droit civil. Ainsi, le JAF peut statuer sur la résidence séparée des membres du couple, ainsi que sur l’attribution du logement à la victime des violences, en précisant les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Il peut, en outre, se prononcer sur les relations financières entre les partenaires ainsi que sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. À cet effet, il peut organiser le droit de visite du parent qui n’exerce pas l’autorité parentale dans un espace de rencontre dédié ou prévoir que la remise de l’enfant d’un parent à l’autre s’effectuera dans cet espace, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée. Enfin, le JAF peut autoriser la victime des violences à dissimuler son adresse, afin d’éviter des représailles de la part de son conjoint ou ancien conjoint. Le non-respect des obligations ou interdictions prévues par une ordonnance de protection constitue un délit puni par l’article 227-4-2 du code pénal de deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Dans le rapport d’information sur la mise en application de la loi du 9 juillet 2010 qu’ils avaient présenté en janvier 2012, notre ancienne collègue Danielle Bousquet et notre collègue Guy Geoffroy avaient relevé que l’ordonnance de protection constituait une « véritable révolution culturelle » (93). En effet, l’ordonnance de protection est une mesure mixte entre le droit civil et le droit pénal : son fait générateur – les violences – est une infraction pénale, sa nature est celle d’une décision civile, mais certaines des obligations ou interdictions qu’elle peut comporter relèvent davantage du droit pénal que du droit civil, et sa violation est pénalement sanctionnée.
Le présent article a pour objet d’améliorer, sur un certain nombre de points, le dispositif de l’ordonnance de protection, sur la base des évaluations qui en ont été faites par Mme Bousquet et M. Geoffroy en janvier 2012, d’une part, et par les inspections générales des affaires sociales (IGAS) et des services judiciaires (IGSJ) dans un rapport commun de juin 2013, d’autre part (94).
Dans le texte initial du Gouvernement, le dispositif de l’ordonnance de protection était modifié sur trois points. Premièrement, l’article 515-11 du code civil était complété pour prévoir que l’ordonnance de protection devait être prise « dans les meilleurs délais » (1° du II du texte adopté par le Sénat). Deuxièmement, le 4° de ce même article 515-11 était modifié pour prévoir que, en cas de violences commises au sein d’un couple non marié, la jouissance du logement commun est, sauf circonstances particulières, attribuée à la personne victime des violences (2° du II). Troisièmement, la durée maximale de l’ordonnance de protection était portée de quatre à six mois (1° du III).
Lors de l’examen au Sénat, plusieurs autres modifications ont été apportées au dispositif de l’ordonnance de protection. L’article 515-10 du code civil a été modifié pour définir de nouvelles modalités de déroulement des auditions de la victime et de l’auteur des violences par le JAF (2° du I). L’article 515-11 du même code a été modifié sur plusieurs points. Tout d’abord, le champ d’application de l’ordonnance de protection a été étendu, afin de permettre son prononcé non seulement dans des cas de violences sur le conjoint, mais également pour des faits de violence sur les enfants au sein de la famille (1° bis du II). Le 3° du même article 515-11, qui, en cas de violences commises au sein d’un couple marié, donne priorité au maintien au domicile commun de la victime des violences, a été complété pour prévoir que cette priorité s’applique même si la victime a bénéficié d’un hébergement d’urgence (1° ter du II). Un alinéa prévoyant l’information du procureur de la République en cas de prononcé d’une ordonnance de protection en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants a été ajouté (premier alinéa du 3° du II). En cas de délivrance d’une ordonnance de protection au bénéfice d’une personne étrangère, a été prévue une obligation pour le JAF de la notifier à l’autorité administrative compétente, afin de permettre à cette dernière de délivrer la carte de séjour temporaire à laquelle la victime peut avoir droit (deuxième alinéa du 3° du II). Enfin, a été créée la possibilité pour le JAF d’ordonner une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences (dernier alinéa du 3° du II). En dernier lieu, l’article 515-13 du code civil a été modifié pour donner un caractère automatique à la délivrance de l’ordonnance de protection dans les cas de menace de mariage forcé (IV). Hormis sur ce dernier point, les modifications apportées par le Sénat ont toutes été maintenues par la Commission.
La Commission a également adopté des modifications supplémentaires au dispositif de l’ordonnance de protection. Elle a, tout d’abord, adopté une modification de l’article 515-10 destinée à accélérer le délai de délivrance de l’ordonnance de protection, en prévoyant l’utilisation des modes de convocation les plus rapides en cas de danger grave ou imminent pour la personne demanderesse ou un ou plusieurs enfants (1° du I). Elle a, ensuite, prévu la possibilité pour la victime des violences de dissimuler son domicile en élisant domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée (2° bis du II). Elle a, enfin, permis la prolongation de l’ordonnance de protection lorsque le JAF est saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale (2° du III).
Votre rapporteur présentera successivement les modifications au dispositif de l’ordonnance de protection apportées par le projet de loi initial, puis les modifications complémentaires adoptées par le Sénat et, enfin, celles adoptées par la Commission.
1. Les modifications apportées au dispositif de l’ordonnance de protection par le projet de loi initial
a. L’affirmation du principe selon lequel l’ordonnance de protection doit être prise « dans les meilleurs délais » (1° du II)
L’ordonnance de protection est une mesure d’urgence, dont l’objectif est d’assurer à la victime de violences une protection contre le risque de renouvellement de celles-ci dans des délais aussi brefs que possible. Lors des débats parlementaires de la loi du 9 juillet 2010, le législateur avait envisagé un délai compris entre 24 et 72 heures si nécessaire, mais n’avait pas souhaité inscrire de délai dans la loi, afin de permettre au principe du contradictoire de s’appliquer.
Le rapport précité de M. Guy Geoffroy et Mme Danielle Bousquet sur la mise en application de la loi présenté en janvier 2012 avait relevé que le délai de prononcé de l’ordonnance de protection était très variable d’un tribunal à l’autre, mais restait « très au-delà de ce qu’avait escompté le législateur », puisque le délai moyen séparant la saisine du juge aux affaires familiales de la décision était de 26 jours (95). L’étude d’impact accompagnant le projet de loi, se fondant sur les résultats de la mission d’évaluation de l’IGAS et de l’IGSJ, « note une évolution favorable mais lente : aucun service de JAF ne répond dans les 72 heures envisagées lors des débats parlementaires et 46,4 % des ordonnances sont prononcées dans un délai inférieur à 20 jours » (96).
Comme l’a souligné la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, « [c]e délai s’explique en partie par le choix des modalités de convocation de la partie défenderesse, "par tous moyens adaptés", selon l’article 515-10 du code civil » (97). Précisés par l’un des décrets d’application de la loi du 9 juillet 2010 (98), ces « moyens adaptés » sont au nombre de quatre. L’article 1136-3 du code de procédure civile dispose que « chaque partie est convoquée par le greffier à l’audience », cette convocation pouvant être adressée aux parties :
- soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, qui impose, compte tenu du délai dont dispose le destinataire pour retirer la lettre, un délai minimal de 15 jours entre la convocation et l’audience ;
- soit par voie administrative, c’est-à-dire par les forces de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, en cas de danger grave et imminent pour la sécurité d’une personne concernée par une ordonnance de protection ou lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen de notification ;
- soit par convocation verbale contre émargement, ce qui est possible notamment lorsque l’auteur des violences a été déféré au tribunal à la suite des faits de violences qui ont conduit la victime à demander le prononcé d’une ordonnance de protection ;
- soit « par assignation en la forme des référés », procédure rapide qui nécessite de recourir à un huissier de justice.
Or, comme l’ont relevé les représentantes de la direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice lors de leur audition par votre rapporteur, la convocation par lettre recommandée reste la modalité de convocation la plus fréquemment utilisée, au détriment de la rapidité de la procédure. Lors de son audition par votre rapporteur, Mme Ernestine Ronai, présidente de l’Observatoire des violences faites aux femmes de la Seine-Saint-Denis, a indiqué que, dans le ressort de certains tribunaux – à Bobigny notamment –, des conventions ont été passées avec les chambres départementales des huissiers de justice, afin que ces derniers acceptent les demandes adressées par des personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle qui sollicitent une ordonnance de protection et qu’ils agissent avec la plus grande célérité possible.
Pour répondre à la difficulté actuelle posée par les délais trop longs de délivrance, le 1° du II de l’article 7 du projet de loi prévoit que l’ordonnance de protection devra être délivrée « dans les meilleurs délais ». Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement indique qu’il a préféré cette formulation incitative mais non contraignante à l’instauration d’un délai légal très court pour deux raisons. D’une part, il a fait valoir que la création d’un tel délai « serait incompatible avec la convocation par lettre recommandée, (…) rendrait automatique la réduction des délais de convocations, ce qui est en principe une exception, et pourrait surtout porter atteinte au respect du principe du contradictoire si la partie défenderesse n’a pas été en mesure de préparer sa défense ». D’autre part, il a indiqué que cette solution « ne serait en pratique pas opérante dans la mesure où son non-respect ne pourrait pas être sanctionné, les sanctions envisageables (par exemple, nullité de la procédure) n’étant pas dans l’intérêt de la victime » mais que, au contraire, « le non-respect d’un tel délai pourrait engager la responsabilité de l’État alors même qu’il ne serait pas imputable au juge (problème dans la convocation, demande de renvoi à la demande de la victime pour produire certaines pièces) ». En conclusion, selon le Gouvernement, « [a]ffirmer spécifiquement à l’article 515-11 du code civil que le juge doit statuer "dans les meilleurs délais" permet de concilier l’impératif de rapidité de la procédure et de respect du principe du contradictoire, le juge pouvant apprécier que les parties ont bénéficié d’un délai raisonnable avant la tenue d’une audience » (99).
b. L’attribution prioritaire à la victime de violences de la jouissance du logement commun en cas de violences au sein d’un couple non marié (2° du II)
Deux des mesures pouvant être ordonnées par le JAF dans le cadre d’une ordonnance de protection, prévues aux 3° et 4° de l’article 515-11 du code civil, concernent le logement de la personne victime de violences. Le 3°, applicable aux couples mariés, prévoit que le juge peut « statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement » et précise que « [s]auf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences ». Le 4°, applicable aux couples non mariés – en concubinage ou partenaires d’un pacte civil de solidarité – donne au juge la possibilité d’« attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences et [de] préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement ».
Quelle que soit la forme de conjugalité du couple, la loi du 9 juillet 2010 a prévu la possibilité pour la victime des violences d’obtenir l’éviction de son conjoint violent afin de se maintenir dans le logement du couple quand bien même elle n’en serait pas propriétaire ou titulaire du bail y afférent. Cependant, le 3° prévoit, pour les couples mariés, que la priorité doit être donnée au maintien de la victime dans le logement conjugal, alors que rien de tel n’est prévu pour les couples non mariés.
Le 2° du II de l’article 7 modifie le 4° de l’article 515-11 du code civil pour uniformiser les droits des personnes non mariées victimes de violences et ceux des personnes mariées, en prévoyant que le juge prononçant une ordonnance de protection pourra désormais « préciser lequel des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou des concubins continuera à résider dans le logement commun et statuer sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement » et que, « [s]auf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence ». Mariée ou non mariée, la personne victime de violences au sein de son couple aura ainsi strictement les mêmes droits s’agissant de son maintien dans le logement qu’elle occupait avec l’auteur des violences.
La précision selon laquelle la priorité qui devra être donnée au maintien de la victime des violences dans le logement du couple s’appliquera même si la victime a bénéficié d’un hébergement d’urgence est issue de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat (100).
c. L’allongement de quatre à six mois de la durée maximale de l’ordonnance de protection (1° du III)
Aujourd’hui, l’article 515-12 du code civil fixe à quatre mois la durée maximale de l’ordonnance de protection pouvant être prononcée par le JAF, lequel a toutefois la possibilité de prolonger la durée des mesures au-delà de cette durée « si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ». Pendant la durée de l’ordonnance de protection, le JAF peut, « à tout moment, à la demande du ministère public ou de l’une ou l’autre des parties, ou après avoir fait procéder à toute mesure d’instruction utile, et après avoir invité chacune d’entre elles à s’exprimer, supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l’ordonnance de protection, en décider de nouvelles, accorder à la personne défenderesse une dispense temporaire d’observer certaines des obligations qui lui ont été imposées ou rapporter l’ordonnance de protection ».
Dans leur rapport d’information précité, M. Guy Geoffroy et Mme Danielle Bousquet avaient rappelé que cette durée brève avait été retenue « dans le double souci de protéger immédiatement la victime tout en évitant que cette situation provisoire ne dure trop longtemps, ce qui serait susceptible de compromettre, in fine, le processus de reconstruction et la reconquête de son autonomie par la victime ». Mais, au vu du bilan de la première année d’application du dispositif, ils ont estimé que « la durée retenue pour la mesure de protection, à savoir quatre mois au plus, se révèle trop courte pour assurer la stabilisation juridique de la situation de la victime » (101).
Les personnes entendues par votre rapporteur ont, toutes, formulé ce même constat de l’insuffisance de la durée de l’ordonnance de protection telle qu’elle a été prévue par la loi du 9 juillet 2010.
Pour tenir compte de ces critiques unanimes, le 1° du III de l’article 7 modifie l’article 515-12 du code civil pour porter de quatre à six mois la durée maximale de l’ordonnance de protection. À l’appui de cette modification, le Gouvernement a fait valoir, dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, que « [l]’allongement de la durée des mesures à six mois est un compromis satisfaisant entre la protection apportée aux victimes de violences et l’atteinte aux libertés individuelles que les mesures de protection peuvent générer » et que, « [e]n tout état de cause, le juge appréciera, en fonction de chaque situation, la durée des mesures, sans aller au-delà des six mois » (102) .
Par ailleurs, afin de renforcer la rapidité de la mise en place des mesures décidées par le JAF, il était également prévu, dans le texte initial du projet de loi, que ces mesures soient applicables à la date de l’ordonnance de protection, et non plus à la date de sa notification comme le prévoit aujourd’hui l’article 1136-7 du code de procédure civile.
Si le Sénat a approuvé l’allongement de quatre à six mois de la durée maximale de l’ordonnance de protection, il a, en revanche, rétabli le point de départ des mesures à la date de la notification, sur l’initiative de la rapporteure de sa commission des Lois, Mme Virginie Klès. Dans son rapport, celle-ci a fait valoir que « dès lors que le non-respect par le défendeur de certaines mesures de l’ordonnance de protection constitue un délit réprimé par les articles 227-4-2 et 227-4-3 du code pénal, votre commission ne saurait admettre que la durée de l’ordonnance commence à courir alors même que les parties ne sont pas en mesure de connaître les obligations qui leur incombent » (103).
2. Les modifications complémentaires au dispositif de l’ordonnance de protection adoptées par le Sénat
a. La définition de nouvelles modalités de déroulement des auditions de la victime et de l’auteur des violences par le JAF (2° du I)
L’article 515-10 du code civil prévoit aujourd’hui que les auditions menées par le JAF saisi d’une demande d’ordonnance de protection « peuvent avoir lieu séparément » et « peuvent se tenir en chambre du conseil ». Ces dispositions, qui constituent des dérogations aux principes du contradictoire et de la publicité des audiences applicables à la matière civile, ont été prévues pour permettre le déroulement des auditions de la victime et de l’auteur des violences dans des conditions permettant d’éviter que la victime ne se trouve fragilisée par l’éventuelle « emprise » qu’elle peut subir de la part de son conjoint. Parfaitement décrit et expliqué par Mme Danielle Bousquet et M. Guy Geoffroy dans leur rapport d’information précité de juillet 2009 (104), le processus d’emprise est caractérisé par la mise en place par l’auteur des violences d’un contrôle et d’une surveillance de la victime, un isolement imposé, des atteintes à l’identité et des menaces. Pour la victime, ce processus d’emprise aboutit à une inversion de la culpabilité – qui l’empêche de dénoncer les faits qu’elle subit – et par la formation progressive d’une incapacité à se rendre compte de la gravité de la situation.
Afin de prendre en compte mieux encore les effets du processus d’emprise, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de Mme Catherine Tasca introduisant dans l’article 7 un I dont le 2° modifie l’article 515-10 du code civil afin de prévoir, d’une part, que « le juge sollicite l’avis de la victime sur l’opportunité de tenir les auditions séparément » et, d’autre part, que « les auditions se tiennent en chambre du conseil ».
Selon la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, la première modification permet que la personne demandant le bénéfice de l’ordonnance de protection soit « consultée sur les modalités de son audition », tout en conservant « au juge sa pleine capacité d’appréciation », ce qu’elle considère comme une nécessité pour respecter le principe du contradictoire et ne pas priver le juge « d’un moyen d’écarter les demandes abusives, ainsi que de l’un des moyens les plus adaptés et les plus efficaces qu’il possède pour forger son opinion, en confrontant dans la même pièce chacun aux déclarations et aux preuves avancées par l’autre ».
S’agissant de la seconde modification, consistant à prévoir le caractère systématique des auditions en chambre du conseil, c’est-à-dire à huis clos, Mme Virginie Klès a estimé que cette modification était justifiée « compte tenu du caractère délicat des affaires de violences exercées au sein des couples, qui touchent à l’intimité et à la vie privée des personnes, et compte tenu de la pratique qui est déjà largement celle des auditions en chambre du conseil » (105).
Sur l’initiative de votre rapporteur et de Mme Colette Capdevielle, la Commission a substitué à la sollicitation de l’avis de la seule victime sur l’opportunité de tenir les auditions séparément la sollicitation de l’avis des parties. En effet, la rédaction adoptée par le Sénat était susceptible de soulever une difficulté constitutionnelle, le principe du contradictoire imposant que l’avis de l’auteur des violences sur les modalités de déroulement des auditions soit aussi pris en compte.
b. L’extension du champ d’application de l’ordonnance de protection aux faits de violence commis sur les enfants au sein de la famille (1° bis du II)
L’ordonnance de protection peut, aujourd’hui, être prononcée dans deux situations : soit lorsque des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint mettent en danger la personne qui en est victime ou un ou plusieurs enfants (article 515-9 du code civil), soit lorsqu’une personne est menacée de mariage forcé (article 515-13 du même code). Dans le premier cas, l’article 515-11 du code civil subordonne le prononcé de l’ordonnance de protection par le JAF à l’existence de « raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée ».
Ainsi, alors que la possibilité de demander une ordonnance de protection est ouverte dans les cas de violences mettant en danger un ou plusieurs enfants, en application de l’article 515-9 du code civil, son prononcé n’est possible que si le juge estime vraisemblable qu’il existe un danger pour la victime des violences, le danger pour les enfants n’étant pas mentionné par l’article 515-11 du même code.
Le Sénat a remédié à cette incohérence entre ces deux articles, en adoptant, avec des avis favorables de la commission des Lois et du Gouvernement, un amendement de M. Roland Courteau prévoyant, dans le 1° bis du II de l’article 7, que l’ordonnance de protection est délivrée par le JAF s’il estime vraisemblable qu’il existe un danger non seulement pour la victime des violences, mais encore pour un ou plusieurs enfants.
À l’appui de son amendement, M. Roland Courteau avait souligné que « très souvent, dans 60 % à 70 % des cas, les enfants sont témoins de ces violences, ce qui a d’ailleurs de graves conséquences sur leur psychisme et leur développement » et qu’ils « en sont parfois eux-mêmes victimes, directement ou indirectement » (106).
c. L’application de la priorité au maintien au domicile commun de la victime des violences même si elle a bénéficié d’un hébergement d’urgence (1° ter du II)
Lors de l’examen du projet de loi en séance publique, le Sénat a adopté, avec un avis défavorable de la commission des Lois mais un avis favorable du Gouvernement, un amendement de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, prévoyant, dans le 1° ter du II de l’article 7, que la priorité devant être donnée au maintien de la victime des violences dans le logement du couple doit s’appliquer même si la victime a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Le 2° du II de l’article 7 ayant harmonisé les droits des personnes mariées et non mariées s’agissant du droit au maintien dans le domicile conjugal pour en faire, dans les deux cas, le principe (107), cette précision a été apportée tant au 3° de l’article 515-11 du code civil relatif aux couples mariés qu’au 4° de cet article relatif aux couples non mariés.
À l’appui de cette précision, Mme Brigitte Gonthier-Maurin a fait valoir que « le fait, pour la victime de violences, d’avoir quitté le domicile commun et d’avoir bénéficié d’un hébergement d’urgence au moment du dépôt de sa requête avait pu, en pratique, inciter certains juges à privilégier le maintien dans les lieux du conjoint violent » et qu’« [i]l serait choquant que le fait d’avoir dû, dans l’urgence et sous la menace d’un danger imminent, quitter le domicile commun puisse invalider le droit de la victime à rester dans les lieux ».
Pour justifier l’avis défavorable de la commission des Lois du Sénat, sa rapporteure Mme Virginie Klès avait estimé que cette modification avait pour effet de « compliquer la rédaction actuelle », ce qui « exposerait à des interprétations a contrario de la loi [et] irait finalement à l’encontre de l’objectif visé ». À l’inverse, Mme la ministre des Droits des femmes avait donné un avis favorable à l’amendement en indiquant qu’elle « partag[eait] le constat établi par Mme Gonthier-Maurin », car « il arrive parfois qu’une femme ne puisse pas bénéficier de l’éviction du domicile du conjoint violent parce qu’elle n’y résidait pas à la date de la décision » (108).
d. L’information du procureur de la République en cas de prononcé d’une ordonnance de protection en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants (premier alinéa du 3° du II).
Dans son rapport sur le projet de loi, la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, a relevé que « l’efficacité de la lutte contre les violences au sein des couples suppose une action coordonnée des professionnels compétents sur ces questions » et « estimé nécessaire de prévoir un suivi particulier » des enfants qui, même lorsqu’ils sont « "seulement" témoins des violences, sont en danger ».
Pour mettre en place ce suivi particulier, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de sa rapporteure complétant l’article 515-11 du code civil pour prévoir que « [l]orsque le juge délivre une ordonnance de protection en raison de violences, susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, il en informe sans délai le procureur de la République ». Ainsi, alors que l’information du procureur de la République sur la situation de danger dans laquelle peuvent se trouver un ou plusieurs enfants est aujourd’hui une simple faculté pour le JAF, le texte adopté par le Sénat prévoit de rendre systématique la transmission de l’ordonnance de protection au procureur de la République, lorsque des enfants sont présents et en danger. Comme l’a souligné Mme Virginie Klès, cette information du procureur de la République « lui permettra de prendre les mesures de protection complémentaires appropriées pour protéger les enfants, comme saisir par exemple le juge des enfants, en application de l’article 375 du code civil » (109).
e. La notification à l’autorité administrative compétente de l’ordonnance de protection délivrée au bénéfice d’une personne étrangère (deuxième alinéa du 3° du II)
La loi du 9 juillet 2010 précitée a prévu, en introduisant dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) un nouvel article L. 316-3, le droit, pour la personne de nationalité étrangère victime de violences conjugales qui bénéficie d’une ordonnance de protection, de se voir délivrer par l’autorité administrative, dans les plus brefs délais, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". La délivrance de ce titre de séjour ne peut être refusée que si la présence de la personne victime des violences sur le territoire constitue une menace à l’ordre public. L’article L. 316-3 prévoit que cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.
Cependant, ce dispositif d’attribution d’une carte de séjour temporaire à l’étranger bénéficiaire d’une ordonnance de protection est très peu utilisé, le rapport précité de l’IGAS et de l’IGSJ de 2013 ne faisant état que de deux titres de séjour délivrés sur le fondement de l’article L. 316-3 du CESEDA.
Dans l’objectif de renforcer la coordination de l’action des acteurs de la lutte contre les violences faites aux femmes, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de sa rapporteure, Mme Virginie Klès, complétant l’article 515-11 du code civil pour prévoir que « [l]’ordonnance de protection délivrée à un étranger est notifiée par le juge à l’autorité administrative compétente, pour lui permettre de délivrer la carte de séjour temporaire dans les conditions prévues à l’article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Pour la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, cette modification a pour but de « facilit[er] le processus de transmission des ordonnances de protection aux préfets pour que ceux-ci, dûment informés des mesures qui ont été prises au bénéfice de l’étranger, soient mis en capacité de lui délivrer un titre de séjour, "dans les plus brefs délais", conformément à l’article L. 316-3 précité » (110).
f. La possibilité d’ordonner une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences (dernier alinéa du 3° du II)
Lors de l’examen du projet de loi en séance publique, le Sénat a adopté, avec un avis favorable de sa commission des Lois mais un avis défavorable du Gouvernement, un amendement de Mme Cécile Cukierman complétant l’article 515-11 du code civil par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection en raison de violences, il peut ordonner une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences ». Au soutien de cet amendement, Mme Cukierman a fait valoir que « les situations de violences conjugales sont souvent amplifiées par des problèmes sociaux ou psychologiques graves » et que les auteurs de violences avaient, en conséquence, « besoin d’un accompagnement et d’une prise en charge particulière, qu’il s’agisse d’une thérapie ou d’un travail de réinsertion, en vue de leur permettre de sortir de leurs habitudes de violence » (111).
Pour s’opposer à cet amendement, Mme la ministre des Droits des femmes avait souligné l’importance d’une prise en charge des auteurs de violences conjugales, en rappelant qu’une possibilité de prise en charge médicale existait déjà dans le cadre pénal – que ce soit avant jugement sous le régime du contrôle judiciaire (112), après jugement dans le cadre d’une peine de sursis avec mise à l’épreuve (113) ou à titre de peine complémentaire dans le cadre du suivi socio-judiciaire (114), ou, enfin, dans le cadre d’un aménagement de peine (115) – et que l’article 15 du projet de loi renforçait les possibilités de prise en charge sociale de l’auteur des violences en créant le stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes (116).
Néanmoins, tout en rappelant qu’une telle prise en charge était une « condition essentielle pour la prévention de la récidive », elle a fait valoir que « l’ordonnance de protection est une mesure civile, provisoire, qui repose exclusivement sur la vraisemblance des faits et ne peut donc être assimilée (…) à une mesure pénale qui serait prise par le procureur dans le cadre de sa libre appréciation de l’opportunité des poursuites ». En outre, elle a estimé qu’« [u]ne telle mesure risquerait (…) d’être plutôt contreproductive en termes d’efficacité et de rapidité de la délivrance de l’ordonnance de protection » (117).
Votre rapporteur a, lors de l’examen en Commission, proposé de supprimer le dernier alinéa du 3° du II. En effet, si la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences peut, dans certaines situations, contribuer à la prévention du renouvellement des violences et doit en conséquence pouvoir être ordonnée par la justice, il paraissait néanmoins difficile à votre rapporteur d’envisager qu’elle soit prononcée dans le cadre civil de l’ordonnance de protection, dont l’objet premier est d’assurer une protection en urgence de la victime. Pour votre rapporteur, la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique semblerait plutôt devoir continuer à relever d’une décision du juge pénal qui, du reste, peut déjà la prononcer dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une peine de sursis avec mise à l’épreuve, d’une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, ainsi que dans le cadre d’un aménagement de peine. L’ordonnance de protection étant une mesure d’urgence destinée à assurer une protection immédiate de la victime, la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences, qui nécessiterait une évaluation préalable quant à sa nécessité et à la forme qu’elle doit prendre, risque de se révéler peu efficace, en raison du manque de temps pour la mettre en œuvre dans le délai bref de l’ordonnance de protection. Cependant, plusieurs membres de la Commission ayant estimé l’ajout du Sénat utile, votre rapporteur a, à l’issue du débat qui a eu lieu, retiré son amendement de suppression de cet alinéa.
g. La délivrance automatique de l’ordonnance de protection dans les cas de menace de mariage forcé (IV)
L’article 515-13 du code civil dispose qu’« [u]ne ordonnance de protection peut également être délivrée par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé ». Dans ce cas, le JAF peut ordonner, à la demande de la personne, outre les mesures de protection prévues à l’article 515-11, une interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée qui sera inscrite au fichier des personnes recherchées (FPR).
Cependant, à la différence de l’ordonnance de protection fondée sur des violences prévue à l’article 515-9 qui connaît une montée en charge progressive et régulière, l’ordonnance de protection pour cause de menace de mariage forcé a été, jusqu’ici, très peu mise en œuvre par les juridictions. Ainsi, selon les données transmises à votre rapporteur par le ministère de la Justice, une seule demande d’ordonnance de protection motivée par une menace de mariage forcé avait été présentée en 2011, et seulement six l’ont été en 2012.
Sur une initiative de M. Jacques Mézard et Mme Françoise Laborde, qui avait reçu un avis favorable de la commission des Lois du Sénat mais un avis défavorable du Gouvernement, le Sénat a complété l’article 7 par un IV qui modifie l’article 515-13 du code civil pour donner un caractère automatique à la délivrance de l’ordonnance de protection dans les cas de menace de mariage forcé. Lorsqu’une telle menace sera constatée par le JAF, le texte adopté par le Sénat prévoit que l’ordonnance de protection « est » délivrée à la personne menacée, alors que le texte actuel prévoit seulement qu’elle « peut être » délivrée.
Lors de l’examen de cet amendement en séance publique, Mme Françoise Laborde a fait valoir que les cas de menaces de mariage forcé étaient des « situations dramatiques, qui imposent que l’on agisse rapidement » et que le caractère automatique de l’ordonnance de protection dans ces situations permettrait de pallier la longueur excessive des délais de délivrance de l’ordonnance de protection. Pour s’opposer à cet amendement, Mme la ministre des Droits des femmes avait estimé que « l’automaticité de la délivrance de l’ordonnance de protection serait nuisible à l’individualisation des réponses que doit apporter le juge aux situations des victimes », tout en indiquant que le Gouvernement avait décidé de s’attaquer au problème des mariages forcés « en travaillant, notamment avec le ministère chargé des Français de l’étranger, puisque les mariages forcés ont souvent lieu à l’étranger, à une meilleure information des Françaises et des Français concernés, à un meilleur accompagnement, grâce à l’action de nos consulats » (118).
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a supprimé le IV introduit par le Sénat. En effet, le remplacement, à l’article 515-13 du code civil, de la formulation « une ordonnance de protection peut être délivrée » par la formule « une ordonnance de protection est délivrée » aurait introduit une différence de formulation injustifiée avec l’article 515-9 du même code, qui prévoit que le juge aux affaires familiales « peut » délivrer en urgence une ordonnance de protection lorsque les violences exercées au sein du couple mettent en danger la personne qui en est victime ou un ou plusieurs enfants.
Quelle que soit la situation qui fonde la demande d’ordonnance de protection – violences ou menace de mariage forcé –, la loi doit prévoir dans des termes identiques que l’ordonnance de protection peut être prononcée dès lors que le juge dispose de suffisamment d’éléments sur les faits invoqués par la victime et sur le danger auquel elle est exposée.
3. Les modifications complémentaires au dispositif de l’ordonnance de protection adoptées par la commission des Lois
a. L’utilisation des modes de convocation les plus rapides en cas de danger grave ou imminent pour la personne demanderesse ou un ou plusieurs enfants (1° du I)
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement introduisant dans le I de l’article 7 un 1° modifiant l’article 515-10 du code civil afin de prévoir qu’« [e]n cas de danger grave et imminent pour la sécurité de la personne demanderesse ou un ou plusieurs enfants, la convocation de la partie défenderesse est faite par la voie administrative ou par assignation en la forme des référés ».
Dans le but d’accélérer la délivrance de l’ordonnance de protection, le 1° du II de l’article 7 du projet de loi prévoit que celle-ci devra être délivrée « dans les meilleurs délais » (119). Cependant, pour justifiée et pertinente qu’elle soit, cette disposition risque de ne pas permettre une accélération sensible de la délivrance de l’ordonnance de protection si le mode le plus fréquent de convocation des parties demeure, comme c’est le cas aujourd’hui, la lettre recommandée avec accusé de réception.
Afin de donner une réelle effectivité au principe du prononcé de l’ordonnance dans les meilleurs délais, la modification adoptée par la Commission inscrit dans la loi le principe de la convocation par les modes les plus rapides
– la voie administrative ou l’assignation en la forme des référés – en cas de danger grave ou imminent pour la personne demanderesse ou un ou plusieurs enfants, la convocation selon ces modalités n’étant aujourd’hui prévue par le code de procédure civile que comme une possibilité.
b. La possibilité pour la victime des violences de dissimuler son domicile en élisant domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée (2° bis du II)
Sur l’initiative de Mme Édith Gueugneau et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, la Commission a complété le II de l’article 7, qui modifie l’article 515-11 du code civil, par un 2° bis prévoyant la possibilité pour la victime des violences de dissimuler son domicile en élisant domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée.
Rappelant que la loi du 9 juillet 2010 précitée avait prévu la possibilité pour la victime d’élire domicile chez son avocat ou auprès du procureur de la République, pour les besoins de la procédure (6° de l’article 515-11 du code civil), l’auteure de l’amendement a souligné que ces dispositions, en permettant à la victime ayant quitté le domicile commun de ne pas révéler sa nouvelle adresse, participaient de sa sécurité, mais aussi de son sentiment de sécurité. Faisant valoir que beaucoup d’associations demandaient que la dissimulation d’adresse et l’élection du domicile chez un tiers puissent également être permises pour les besoins autres que ceux de la procédure, elle a indiqué que la modification proposée permettrait à la victime, pour les besoins de la vie courante, d’élire domicile auprès d’une association agréée.
Cette modification permettra, comme l’élection de domicile chez l’avocat ou auprès du procureur de la République, d’assurer la protection de la victime contre le renouvellement des violences. Elle aura aussi l’intérêt de permettre aux associations hébergeant les femmes ayant quitté le domicile conjugal de remplir leur mission dans des conditions plus sereines, sans craindre que l’auteur des violences ne puisse retrouver la victime pour lui faire subir de nouvelles violences.
c. La possibilité de prolonger l’ordonnance de protection lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale (2° du III)
Sur l’initiative de Mme Axelle Lemaire et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, la Commission a complété le III de l’article, qui modifie l’article 515-12 du code civil, par un 2° prévoyant la possibilité de prolonger l’ordonnance de protection lorsque le JAF est saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale.
Actuellement, la durée de l’ordonnance de protection est fixée à quatre mois par l’article 515-12 du code civil. Le 1° du III porte cette durée maximale à six mois (120). Toutefois, l’article 515-12 du code civil prévoit aujourd’hui la possibilité de prolonger l’ordonnance « si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ». Cette prolongation est, compte tenu de cette rédaction, limitée aux seuls couples mariés.
À l’appui de cet amendement, son auteure a fait valoir que celui-ci, motivé par un souci d’égalité en droit et en fait entre les couples indépendamment de leur statut conjugal, permettrait, pour les couples ayant des enfants, de protéger le ou les enfants du regain de violences qui accompagnent les séparations.
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* *
La Commission examine l’amendement CL25 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Il est retiré.
L’amendement CL25 est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL174 du rapporteur.
M. le rapporteur. La délivrance de l’ordonnance de protection doit être sinon immédiate, comme le propose Mme Buffet dans l’amendement CL68, du moins plus rapide. L’amendement CL174 invite à privilégier l’assignation par voie d’huissier ou la voie administrative, plus rapides que l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception, que le destinataire a quinze jours pour retirer.
Mme Marie-George Buffet. Je retirerai l’amendement CL68, auquel le rapporteur vient de faire allusion. Je tiens à souligner que, dans sa rédaction actuelle, le texte est en retrait par rapport à la loi sur les violences faites aux femmes votée en 2010, laquelle prévoit que le juge peut délivrer en urgence l’ordonnance de protection.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient aux amendements identiques CL173 du rapporteur et CL86 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. Ces amendements concernent la qualification de la personne qui saisit le juge. Au lieu de considérer qu’il y a une victime et un auteur de violences, il est plus conforme au droit de parler de « parties ».
Je rappelle que l’assignation est aussi le moyen le plus sûr d’assurer le respect du contradictoire, puisqu’on est certain qu’elle a été adressée à l’intéressé.
La Commission adopte ces amendements.
En conséquence, l’amendement CL84 de Mme Colette Capdevielle tombe.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, l’amendement CL85 de Mme Colette Capdevielle est rejeté.
L’amendement CL68 de Mme Marie-George Buffet et l’amendement CL18 de Mme Cécile Untermaier sont retirés.
M. Guy Geoffroy. Si opportun qu’il soit, l’amendement CL174 ne règle pas le problème que posent les amendements CL68 et CL18. Il vise en effet à réduire le délai dans lequel le juge peut être saisi d’une demande d’ordonnance de protection, alors que les deux autres amendements tendent à ce que l’ordonnance soit rendue plus rapidement. Les deux sujets sont connexes, mais distincts. Nous devons travailler sur le second avant la discussion en séance publique.
La Commission examine l’amendement CL177 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement vise à ce que, en cas de danger pour l’enfant, l’exercice exclusif de l’autorité parentale soit, par principe et sauf si l’intérêt de l’enfant s’y oppose, attribué à la personne ayant demandé l’ordonnance de protection.
Dans un tel cas, en effet, l’exercice conjoint de l’autorité parentale devient impossible. En obligeant les deux parties à s’accorder, au cours des six mois, on confronterait la femme victime de violences à de graves difficultés. Pour le reste, la rédaction ménage le plus possible les droits du père.
Mme Colette Capdevielle. Pourquoi préciser : « Sauf si l’intérêt de l’enfant s’y oppose »? Le juge statue toujours en fonction de l’intérêt de l’enfant. Quelle autre motivation pourrait guider sa décision ?
Mme Cécile Untermaier. En effet, l’intérêt supérieur de l’enfant s’imposant toujours au juge, la précision est inutile.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Même observation.
M. le rapporteur. Si nous écrivions « Si l’intérêt de l’enfant l’exige », nous ne changerions rien au droit actuel. Et si nous ne précisions pas « Sauf si l’intérêt de l’enfant s’y oppose », nous nous exposerions à une difficulté constitutionnelle puisque l’objet de l’amendement est d’orienter la décision du juge.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL155 de Mme Édith Gueugneau.
Mme Édith Gueugneau. L’amendement vise à permettre aux victimes d’élire domicile, pour les besoins de la vie courante, chez une personne morale qualifiée. La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes permet déjà à la victime d’élire domicile chez son avocat ou chez le procureur de la République, pour les besoins de la procédure et dans le cadre de l’ordonnance de protection.
M. le rapporteur. Avis favorable. Une telle mesure renforcera la protection des victimes.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL87 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. Dès lors que le juge aux affaires familiales note dans son ordonnance de protection que les violences sont susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs mineurs, il doit en informer le juge des enfants, dont le rôle est précisément de protéger les mineurs en danger. Tel est l’objet de cet amendement. Dans la pratique, le juge des enfants est souvent informé par communication de l’ordonnance de protection. Mettons la loi en conformité avec la pratique juridique.
M. le rapporteur. L’intention est louable, mais l’amendement court-circuiterait le ministère public, pivot en matière de protection de l’enfance, auquel l’article 375 du code civil donne le pouvoir de saisir le juge des enfants. Avis défavorable.
Mme Axelle Lemaire. Il appartient au procureur de saisir les juridictions qui auraient à connaître des faits dévoilés par une ordonnance de protection, mais la délivrance de cette ordonnance prend trois semaines en France contre deux jours en Angleterre, pour citer un exemple que je connais bien. Si nous multiplions les contraintes de notification ou leurs conséquences sur les procédures civiles ou pénales, nous nuirons à la rapidité qu’exige la protection des victimes.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il s’agit non de court-circuiter le ministère public, mais de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui peut justifier une redondance.
M. Guy Geoffroy. Aux termes de la loi du 9 juillet 2010, le parquet est le lieu où se rencontrent des secteurs qui, au sein d’un même tribunal, ne se parlent pas nécessairement, bien qu’ils traitent d’affaires relevant de problèmes identiques. Il est suffisant que le procureur soit informé de tout ce qui relève de l’ordonnance de protection, puisqu’il prévient automatiquement le juge des enfants et, le cas échéant, le juge pénal.
L’argument de Mme Lemaire est pertinent. Il faut proscrire tout excès de formalisme qui risquerait de ralentir la procédure.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CL175 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement vise à supprimer une disposition ajoutée par le Sénat, qui prévoit la possibilité pour le juge aux affaires familiales d’ordonner, dans le cadre de l’ordonnance de protection, une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences.
Si l’intention est bonne, elle méconnaît le fait que l’ordonnance est rendue par un juge civil, alors que la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique relève du juge pénal. L’alinéa 12 qu’il est proposé de supprimer soulève à ce titre une difficulté constitutionnelle. En outre, on voit mal comment un juge qui prononce une telle mesure pour six mois pourrait vérifier que sa demande a été satisfaite.
M. Guy Geoffroy. Je suis en total désaccord avec le rapporteur. Dans la version initiale de la loi de 2010, nous avions considéré que les juges en charge des victimes seraient les mieux placés pour rendre l’ordonnance de protection. Mais nous avons finalement considéré que leur statut était trop aléatoire et confié ce rôle aux juges des affaires familiales. Et si ceux-ci se sont montrés rétifs à cette mesure, au moins dans un premier temps, c’est parce qu’ils pouvaient être amenés à prendre, dans ce cadre, des dispositions relevant du domaine pénal. L’argumentaire du rapporteur est donc en contradiction avec la réalité telle qu’elle découle du choix que nous avons fait en 2010.
La disposition introduite par le Sénat me semble bonne. Attendons pour voter l’amendement. Nous y reviendrons lors de la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88 de notre Règlement.
M. le rapporteur. À mon sens, le Gouvernement partage mon avis. De plus, l’ordonnance de protection prévoit que le juge peut ordonner des interdictions à l’auteur des violences, mais non des obligations positives.
Cela dit, je veux bien retirer l’amendement.
L’amendement CL175 est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL17 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Lorsque une personne victime de violences conjugales réside dans le logement commun, elle est souvent dépourvue de ressources propres, le conjoint ou le concubin étant le seul à percevoir un salaire et à toucher l’aide personnalisée au logement (APL). Les associations de protection des victimes de violences conjugales souhaitent donc que nous réfléchissions, avec la caisse d’allocations familiales, à la mise en place d’un dispositif adapté.
Cet amendement méritant néanmoins d’être retravaillé, je propose que nous le réexaminions lors de la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88 de notre Règlement.
L’amendement CL17 est retiré.
La Commission examine l’amendement CL88 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. Il s’agit de prolonger de six mois supplémentaires les dispositions de l’ordonnance de protection, à la demande de l’une ou l’autre des parties ou du ministère public et après un débat contradictoire. Cela permettra que soit respecté le principe d’égalité entre les couples mariés, les couples non mariés et les couples non mariés avec enfants.
M. le rapporteur. Cet amendement poursuit un objectif légitime mais, outre qu’il est peu probable que l’auteur des violences demande la prolongation de l’ordonnance de protection, il pose un problème de fond.
L’ordonnance de protection doit par nature rester une mesure provisoire, c’est en tout cas l’avis de Mme Ernestine Ronai, qui fait autorité en la matière. Par ailleurs, le juge constitutionnel pourrait censurer une mesure donnant à l’ordonnance de protection une durée disproportionnée au regard de violences qui ne sont que « vraisemblables » puisque la loi n’exige pas qu’elles soient prouvées. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL76 de Mme Édith Gueugneau.
Mme Édith Gueugneau. L’ordonnance de protection, par son aspect provisoire, est considérée comme une première étape au dépôt de plainte, qui doit demeurer la finalité. Cependant, des semaines, voire des mois, peuvent s’écouler entre la plainte et le jugement. Les mesures de l’ordonnance de protection cessent ainsi d’être effectives avant le jugement. Cet amendement vise donc à les prolonger jusqu’à la tenue de celui-ci.
Par ailleurs, le rapport Geoffroy-Bousquet sur l’application de la loi de 2010 a montré les difficultés d’articulation entre les procédures civiles et pénales dans les situations de violences faites aux femmes. Cet amendement établit un lien entre elles.
M. le rapporteur. Deux raisons me conduisent à proposer de repousser votre amendement.
La première est une raison de principe, car vous proposez de lier deux choses appartenant à deux champs distincts : l’ordonnance de protection, qui est une mesure civile, et les poursuites pénales.
La seconde est une raison pratique. En effet, si la dissimulation d’adresse prend fin le jour du jugement, l’auteur des violences connaîtra l’adresse de sa victime le jour de sa condamnation, ce qui pourrait exacerber son désir de vengeance et le conduire à un nouvel accès de violence, particulièrement grave. Avis défavorable.
L’amendement CL76 est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL156 de Mme Axelle Lemaire.
Mme Axelle Lemaire. L’ordonnance de protection poursuit deux objectifs légitimes mais qui peuvent malheureusement se révéler contradictoires. Il s’agit, d’une part, de protéger en urgence la victime – d’où la nécessité pour l’appareil judiciaire de pouvoir agir avec rapidité – et, d’autre part, lorsque le risque de violence persiste, de pouvoir prolonger l’application des mesures de protection. Ces deux impératifs rendent parfois les arbitrages difficiles.
En l’état actuel du droit, les mesures temporaires d’éloignement du conjoint violent prises par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection peuvent être prolongées au-delà du délai de quatre mois – porté à six mois par le présent projet de loi – si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée.
Faire dépendre la prolongation de l’ordonnance de protection d’une décision concernant le statut matrimonial du couple signifie concrètement que seuls les couples mariés peuvent en bénéficier. Or la violence ne tient pas compte des situations matrimoniales. Cet amendement vise donc à réparer un oubli en étendant la possibilité d’allonger l’ordonnance de protection aux cas où le juge aux affaires familiales statue sur le devenir des enfants communs du couple et donc sur une demande liée à l’exercice de l’autorité parentale. C’est le moyen juridique que nous avons trouvé pour étendre le bénéfice de la prolongation de l’ordonnance de protection aux couples non mariés et faire ainsi bénéficier la totalité des couples de ce dispositif.
Mme Colette Capdevielle. Je suis favorable à cet amendement, qui prévoit une prolongation de l’ordonnance de protection dès lors que le juge aux affaires familiales est saisi d’une requête relative à l’autorité parentale, mais il ne résout pas le problème des couples non mariés qui n’ont pas d’enfant. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement, auquel vous n’avez pas fait droit, ce que je regrette.
M. Guy Geoffroy. Je suis favorable à cette disposition, mais je crains que certains d’entre nous ne se méprennent sur la nature de l’ordonnance de protection. Lors des débats que nous avions eus en 2010, d’aucuns avaient contesté l’utilité de l’ordonnance de protection, arguant du fait que les dispositions contenues dans une ordonnance de non-conciliation allaient au-delà de celles que pouvait comporter une ordonnance de protection. Or l’objet de ces deux dispositifs n’est pas le même et, si l’on veut éviter que des incohérences se glissent dans ce projet de loi, il faut garder à l’esprit que l’ordonnance de protection se distingue des procédures judiciaires engagées au civil ou au pénal, et que les dispositions d’une ordonnance de non-conciliation n’ont pas pour objet de compléter celles d’une ordonnance de protection.
Il est faux d’avancer qu’une ordonnance de protection a pour objet de préparer le terrain à une plainte au pénal. Protéger quelqu’un, ce n’est ni l’inciter à porter plainte ni le lui interdire.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL176 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une modification introduite par le Sénat. En effet, nous ne souhaitons pas établir de distinction entre les situations qui fondent la demande d’ordonnance de protection. La loi doit garantir aux femmes la même protection, qu’elles soient victimes de violences ou menacées d’un mariage forcé.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 7 modifié.
Article 8
(art. 41-1 du code de procédure pénale)
Encadrement du recours à la médiation pénale en cas de violences commises au sein du couple
L’article 8 a pour objet, dans le texte adopté par la Commission, d’encadrer le recours à la médiation pénale dans les situations de violences commises au sein du couple. Si cet article avait, dans le texte initial du projet de loi déposé au Sénat, ce même objet, le texte adopté par le Sénat prévoyait, quant à lui, d’interdire totalement le recours à la médiation pénale dans ces situations.
Prévue par le 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale, la médiation pénale entre l’auteur des faits et la victime peut être décidée par le procureur de la République dans le cadre d’une alternative aux poursuites lorsqu’il apparaît qu’une telle mesure est susceptible « d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits ». En cas de réussite de la médiation pénale, l’affaire est classée sans suites et l’action publique est éteinte, le procureur de la République pouvant, le cas échéant, assortir sa décision de classement d’un rappel à la loi prévu par le 1° du même article 41-1. À l’inverse, le dernier alinéa de l’article 41-1 prévoit, en cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l’auteur des faits, que « le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre une composition pénale ou engage des poursuites ».
Conscient des difficultés que peut soulever le recours à la médiation pénale pour des faits graves et, en particulier, pour des faits de violences conjugales, le législateur a, dans la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, limité la possibilité pour les parquets de recourir à la médiation pénale aux cas où la victime la demande ou y donne son accord. Depuis cette même loi, le 5° de l’article 41-1 prévoit également une présomption de non-consentement à la médiation pénale de la victime lorsqu’elle a saisi le juge aux affaires familiales d’une demande d’ordonnance de protection en raison de violences conjugales.
Les difficultés soulevées par la médiation dans les situations de violences au sein du couple et la nécessité de ne pas y recourir dans des situations de violences graves ou d’emprise sont soulignées par le guide de l’action publique sur les violences au sein du couple adressé par le ministère de la Justice aux parquets : « En ce qu’elle suppose la mise en présence de deux parties souvent inégales sur un plan psychologique, en ce qu’elle est fondée sur la réflexion, le dialogue et l’écoute, et sous peine de renforcer la vulnérabilité de la victime et d’induire un sentiment d’impunité de l’auteur, la médiation pénale ne saurait donc être considérée comme adaptée à des situations où :
« - L’auteur est d’une dangerosité particulière (réitérations, gravité des faits, déstructuration de la personnalité de la victime) ;
« - Il est dans une attitude de déni total ;
« - La victime ou le mis en cause sont opposés à la mesure. » (121)
De même, la circulaire d’application de la loi du 9 juillet 2010 précitée préconise que la procédure de médiation pénale ne soit, en matière de violences conjugales, « utilisée (…) que de façon résiduelle voire exceptionnelle » (122). En effet, comme le souligne l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le recours à la médiation pénale en la matière pose trois problèmes majeurs :
« Le premier réside dans le fait que cette réponse pénale place sur un pied d’égalité la victime et l’auteur de violences et peut laisser penser qu’il existe un partage de responsabilités dans le déclenchement des violences. En réalité, les situations de violences au sein du couple sont fréquemment accompagnées d’un phénomène d’emprise, qui rend difficile l’instauration d’un dialogue d’égal à égal entre l’auteur et la victime.
« De surcroît, le recours à la médiation pénale est souvent perçu par la victime, qui a parfois attendu plusieurs mois, voire plusieurs années avant de saisir la justice, comme un déni de justice. Dès lors, en cas de réitération des faits, elle sera d’autant moins portée à déposer une nouvelle plainte, qu’elle considérera cette première réponse comme inefficace.
« Enfin, du point de vue de l’auteur, cette réponse pénale peut apparaître anecdotique, renforçant ainsi son sentiment de toute-puissance sur sa victime. De ce fait, la médiation pénale constitue, dans ce type de contentieux, un mauvais outil de prévention de la récidive. » (123)
Pourtant, en dépit des nouvelles dispositions législatives issues de la loi du 9 juillet 2010 encadrant le recours à la médiation pénale en matière de violences conjugales et des recommandations adressées aux parquets par le ministère de la Justice, il apparaît que la médiation pénale demeure utilisée dans un certain nombre de situations dans lesquelles elle devrait être considérée comme inadaptée.
Pour remédier à cette difficulté, l’article 8 du projet de loi prévoyait, dans le texte initial déposé au Sénat, de substituer à la présomption de non-consentement de la victime de violences conjugales, actuellement prévue par le 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale, l’impossibilité de recourir à cette procédure sans une demande expresse de sa part. En outre, le texte proposé par le Gouvernement imposait que la médiation pénale, si elle réussissait, soit obligatoirement suivie par le prononcé d’un rappel à la loi en application du 1° de l’article 41-1. La dernière phrase du 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale aurait été remplacée par les dispositions suivantes :
« Lorsque des violences ont été commises par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, il n’est procédé à la mission de médiation que si la victime en a fait expressément la demande. Dans cette hypothèse, en cas de réussite de la médiation, l’auteur des violences fait en outre l’objet d’un rappel à la loi en application du 1° du présent article ».
La commission des Lois du Sénat avait approuvé l’encadrement du recours à la médiation pénale prévu par l’article 8. Cependant, sa rapporteure, Mme Virginie Klès, avait estimé que la rédaction retenue était « peut-être excessivement rigide, en prévoyant que le rappel à la loi ne pourrait intervenir qu’à l’issue de la médiation pénale », car il peut, dans certaines circonstances, « apparaître pertinent de procéder au rappel à la loi en début de procédure, avant d’entamer la médiation : l’organisation concrète de cette dernière devrait sans doute être, sur ce point, laissée à l’appréciation du médiateur » (124). La commission des Lois du Sénat avait, en conséquence, adopté un amendement de sa rapporteure maintenant le caractère obligatoire du prononcé du rappel à la loi parallèlement à la médiation pénale, mais sans préciser l’ordre dans lequel ces deux mesures doivent intervenir.
En outre, également sur l’initiative de sa rapporteure la commission des Lois du Sénat avait renforcé l’encadrement de la médiation pénale en cas de violences conjugales, en adoptant un autre amendement excluant le recours à la médiation pénale en cas de nouvelles violences exercées après une première médiation. Dans le texte adopté par la commission des Lois du Sénat, le 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale aurait été complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque des violences ont été commises à nouveau par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, il ne peut être procédé à une nouvelle mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime. Dans ce cas, sauf circonstances particulières, le procureur de la République engage des poursuites ». Mme Virginie Klès avait justifié cette interdiction du recours à plus d’une médiation en matière de violences conjugales en faisant valoir que « [l]e sentiment de n’être pas entendues et de ne pas être prises en compte ne peut que croître chez des victimes qui se voient systématiquement proposer une médiation pénale, alors même que la réitération des faits devrait alerter les autorités sur le caractère chronique des violences » (125).
Cependant, lors de l’examen en séance publique, sur l’initiative de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de sa Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, le Sénat a substitué au renforcement de l’encadrement du recours à la médiation pour les violences conjugales une interdiction absolue d’y recourir en cette matière. À l’appui de cette modification, elle avait estimé que la procédure de médiation pénale « est particulièrement inappropriée dans les situations de violences conjugales, car elle revient à mettre face à face, dans une situation faussement égalitaire, l’auteur des violences et la victime, au risque de contribuer au renforcement des phénomènes d’emprise, comme le rappellent régulièrement les associations de défense des femmes » et considéré que tant les évolutions issues de la loi du 9 juillet 2010 encadrant les possibilités d’y recourir que les modifications prévues par le projet de loi, même avec les compléments ajoutés par la commission des Lois du Sénat, étaient insuffisantes : « Puisque l’on s’accorde sur l’inadéquation de cette procédure aux cas de violences conjugales, tirons-en toutes les conséquences et interdisons purement et simplement le recours à la médiation pénale dans ce type de situation » (126) .
Dans les débats, tant la commission des Lois du Sénat que le Gouvernement se sont opposés à cette modification. Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement avait indiqué que l’option de l’interdiction absolue du recours à la médiation pour les violences conjugales avait été écartée, au motif que cette procédure peut être utile dans certains cas, notamment lorsque « l’auteur des faits continue de vivre avec la victime (avec évidemment l’accord ou la demande de celle-ci, qui souhaite continuer de cohabiter avec son compagnon) » ou lorsque « la victime sollicite elle-même expressément une telle médiation ». Il avait également estimé que l’interdiction de la médiation pouvait avoir des effets pervers, certains parquets pouvant être tentés, pour des violences qu’ils estimeraient insuffisamment graves pour justifier des poursuites, de « procéder à un classement "sec" de la plainte de la victime, sans prendre aucune des mesures alternatives de l’article 41-1 » (127). Mme la ministre des Droits des femmes avait, en séance publique, ajouté à ces arguments le fait que la solution proposée par le Gouvernement était guidée par « le souci de trouver un équilibre, dans le respect de la libre appréciation par le ministère public de l’opportunité d’exercer des poursuites, ainsi que des principes garantissant l’indépendance et le bon fonctionnement de la justice ».
Quant à la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, elle avait estimé qu’il ne fallait « pas exclure du champ de la médiation pénale des couples qui connaissent un épisode de conflit violent, et non pas de violences conjugales avec emprise », que l’interdiction du recours à la médiation aboutirait à « se priver d’un outil susceptible de permettre de régler certains cas » et que, si la médiation pouvait être néfaste dans certaines situations, les évolutions prévues par le projet de loi tel qu’amendé par la Commission avaient « largement limité les risques » (128).
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement réécrivant intégralement l’article 8 afin de revenir sur l’interdiction du recours à la médiation pénale votée par le Sénat et de rétablir, comme le prévoyait le projet de loi initial amendé par la commission des Lois du Sénat, un encadrement strict du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales.
En effet, s’il importe évidemment que les parquets ne recourent pas à la médiation pénale dans les situations de violences graves ou lorsqu’existe un phénomène d’emprise, une interdiction générale et absolue de la médiation pénale dans toutes les situations de violences conjugales serait excessive et pourrait produire des effets pervers. Dans des situations où un couple connaît un épisode unique de violences, en particulier lorsque le couple continue de cohabiter, la médiation peut être un moyen adapté de régler la situation, sous réserve que toutes les précautions nécessaires soient prises par les parquets, comme les y invitent le guide de l’action publique sur les violences au sein du couple et la circulaire d’application de la loi du 9 juillet 2010. Du reste, l’article 15 bis prévoyant d’instaurer une formation obligatoire sur les violences faites aux femmes et les mécanismes d’emprise psychologique pour toutes les professions concernées par les violences faites aux femmes, dont les magistrats, les parquets seront dans l’avenir de mieux en mieux armés pour apprécier les situations dans lesquelles le recours à la médiation serait inadapté.
En outre, l’interdiction de la médiation pourrait avoir un double effet pervers. D’une part, certaines victimes de violences pourraient renoncer à déposer plainte du fait de l’exclusion de la médiation, car elles ne souhaitent pas nécessairement que leur compagnon soit jugé devant un tribunal correctionnel, mais veulent seulement mettre un coup d’arrêt aux violences par un premier avertissement judiciaire. D’autre part, les parquets pourraient, dans des situations où le renvoi devant le tribunal correctionnel paraîtrait disproportionné, procéder à des classements sans suite, dits « secs », c’est-à-dire sans prendre aucune mesure alternative aux poursuites, ce qui serait contraire à l’objectif visé d’apporter systématiquement une réponse judiciaire aux faits de violences conjugales.
Pour ces raisons, la Commission a rétabli l’encadrement de la médiation pénale tel que le prévoyait l’article 8 dans le texte initial du projet de loi, complété par les apports de la commission des Lois du Sénat. Ainsi, en cas de violences conjugales, la médiation ne sera possible qu’à la demande expresse de la victime. Avant ou après la médiation, l’auteur des faits devra également obligatoirement faire l’objet d’un rappel à la loi. En cas de réitération des violences après une première mission de médiation, une nouvelle médiation sera exclue et le procureur de la République sera tenu, sauf circonstances particulières, de mettre en œuvre une composition pénale ou d’engager des poursuites.
Un tel encadrement permettra de ne pas priver l’autorité judiciaire d’un outil procédural qui, dans certaines situations, peut être utile, tout en limitant les risques de recours inapproprié à la médiation, en particulier en cas de réitération des violences.
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La Commission est saisie de l’amendement CL185 du rapporteur.
M. Sébastien Denaja, rapporteur. Lors de l’examen du projet de loi, le Sénat a prévu, à l’article 8, une interdiction générale et absolue de la médiation pénale dans les situations de violences conjugales. Il faisait ainsi droit à une revendication portée par de nombreuses associations et par le Haut Conseil à l’égalité, qui jugent inapproprié de mettre sur un pied d’égalité la victime et l’auteur des violences, sachant notamment l’emprise que certains hommes peuvent exercer sur leur femme.
Les auditions que j’ai menées m’ont convaincu qu’il était préférable de laisser aux magistrats un pouvoir d’appréciation. Sur quarante mille dossiers traités l’an dernier, quatre mille ont donné lieu à une médiation pénale, sans laquelle ils auraient sans doute été classés sans suite.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 8 est ainsi rédigé.
La Commission est saisie d’un amendement CL26 de M. Serge Coronado.
M. Sergio Coronado. Nous souhaitons que les victimes de violences qui sont en situation irrégulière ne puissent faire l’objet d’une mesure d’expulsion du territoire ou d’une arrestation lors de leur dépôt de plainte.
L’amendement étant mal rédigé, je le retire pour en proposer une nouvelle version lors de la discussion en séance.
L’amendement est retiré.
Article 9
(art. 41-1, 41-2 et 138 du code de procédure pénale ; art. 132-45 du code pénal)
Renforcement des dispositions permettant, dans le cadre pénal,
d’ordonner l’éviction du conjoint violent du domicile
L’article 9, que le Sénat a adopté sans modification, a pour objet de renforcer les dispositions permettant, dans le cadre pénal, d’ordonner l’éviction du conjoint violent du domicile.
Depuis la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, dont les dispositions ont ensuite été complétées par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs, il est possible d’ordonner, dans le cadre pénal, l’éviction du domicile conjugal du conjoint violent. Cette mesure peut être décidée :
— par le procureur de la République, dans le cadre d’une alternative aux poursuites (6° de l’article 41-1 du code de procédure pénale) ou d’une composition pénale (14° de l’article 41-2 du même code) ;
— par le juge d’instruction, lorsqu’il place la personne mise en examen sous contrôle judiciaire (17° de l’article 138 du même code) ;
— par la juridiction de jugement qui prononce une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve (19° de l’article 132-45 du code pénal) ;
— par le juge ou le tribunal de l’application des peines qui ordonnent un aménagement de peine (articles 723-4 et 731 du code de procédure pénale, qui prévoient que l’octroi d’un placement à l’extérieur, d’une semi-liberté, d’une permission de sortir ou d’une libération conditionnelle peut être subordonné au respect d’une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues par l’article 132-45 du code pénal).
En outre, depuis la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 précitée, l’éviction du conjoint violent du domicile du couple peut également être prononcée par le juge aux affaires familiales dans le cadre civil de l’ordonnance de protection. Du reste, l’article 7 du projet de loi renforce le droit de la victime de violences d’obtenir l’éviction du conjoint violent dans le cadre de l’ordonnance de protection, en prévoyant une priorité au maintien de celle-ci dans le domicile commun tant pour les couples mariés que pour les couples non mariés (129).
Cependant, l’étude d’impact relève que l’éviction du conjoint violent demeure, dans le cadre pénal, relativement peu prononcée. Ainsi, sur une période de plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi du 4 avril 2006 précitée (du deuxième trimestre 2006 au quatrième trimestre 2011), l’éviction du conjoint violent n’a été prononcée que dans 14,8 % des cas où elle pouvait l’être (25 190 décisions d’éviction pour 169 754 affaires dans lesquelles elle était prononçable) (130).
Faisant valoir que le taux de prononcé de l’éviction du conjoint violent dans le cadre pénal « reste manifestement insuffisant » (131), le Gouvernement propose, dans l’article 9 du projet de loi, de compléter les dispositions pénales qui la prévoient sur trois points, dans le but de rendre son prononcé plus fréquent.
Premièrement, toutes les dispositions concernées – les articles 41-1, 41-2 et 138 du code de procédure pénale et 132-45 du code pénal – prévoiraient désormais que « l’avis de la victime sur l’opportunité de demander à l’auteur des faits de résider hors du logement du couple » devra être recueilli « dans les meilleurs délais et par tous moyens » par, selon les cas, le procureur de la République, le juge d’instruction, la juridiction de jugement ou la juridiction de l’application des peines.
Deuxièmement, ces mêmes dispositions comprendraient désormais, comme les dispositions relatives à l’éviction du conjoint violent dans le cadre civil de l’ordonnance de protection (132), une priorité au maintien de la victime dans le domicile commun, dès lors que « sont en cause des faits de violences susceptibles d’être renouvelés et que la victime la sollicite ». Dans ces cas, l’éviction du conjoint violent deviendrait ainsi le principe et son maintien au domicile commun l’exception, sauf « circonstances particulières » relevées par le parquet ou la juridiction saisie.
Troisièmement, l’autorité à l’origine de la décision d’éviction du conjoint violent pourrait préciser les modalités de prise en charge des frais afférents au logement commun, pendant une durée qu’elle fixerait. Dans le cas où la mesure est décidée par le juge d’instruction, une juridiction de jugement ou une juridiction de l’application des peines, aucune durée maximale n’est prévue, cette durée étant fonction de la durée du contrôle judiciaire, de la peine ou de la mesure d’aménagement ordonnés. Dans le cas des alternatives aux poursuites (article 41-1 du code de procédure pénale) et de la composition pénale (article 41-2 du même code), le texte du projet de loi prévoit que cette durée ne pourrait excéder six mois (1° et 2° de l’article 9), durée qui est déjà celle retenue pour la plupart des mesures susceptibles d’être ordonnées dans le cadre de la composition pénale (133).
Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement a fait valoir que les modifications prévues à l’article 9 devraient « faciliter les démarches permettant le maintien dans les lieux pour les victimes et leurs enfants à charge, qui devraient ainsi être en mesure de continuer à vivre dans un environnement social, économique, professionnel et scolaire connu, et être épargnés de connaître, en plus du traumatisme de la violence subie, celui d’un déménagement non choisi » (134).
Dans son rapport, la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, a estimé que « [l]a possibilité d’éloigner, en urgence, le conjoint violent du domicile commun est un des éléments indispensables du dispositif de prévention et de répression des violences conjugales : non seulement il s’agit d’une mesure de responsabilisation de l’auteur, mais, de plus, cette mesure apporte une sécurité à la victime et ses enfants qui ne se voient pas contraints de quitter le domicile pour trouver refuge, en urgence, dans une structure d’hébergement ». Elle a, néanmoins, souligné que « la bonne mise en œuvre de ces dispositions dépendra également, sur un plan pratique, des initiatives prises par les différents partenaires et les collectivités pour proposer aux auteurs évincés des offres de logement temporaires : faire peser sur la victime la responsabilité de risquer d’envoyer son conjoint "à la rue" ne pourrait, en effet, qu’en limiter très significativement la portée » (135).
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La Commission adopte l’article 9 sans modification.
La commission examine l’amendement CL30 de M. Serge Coronado.
M. Sergio Coronado. Je propose de faciliter les démarches entamées par un ou une fonctionnaire victime de violences conjugales, et bénéficiant d’une ordonnance de protection, pour obtenir sa mobilité ou sa mise en disponibilité.
M. le rapporteur. La mise en œuvre d’une telle mesure serait extrêmement complexe. Par ailleurs, il me semble qu’il faudrait plutôt en débattre dans le cadre du projet de loi sur les droits et obligations des fonctionnaires, qui nous sera prochainement soumis.
L’amendement est retiré.
Article 10
(art. 41-3-1 [nouveau] du code de procédure pénale)
Généralisation du dispositif de téléprotection
« femmes en très grand danger »
L’article 10 a pour objet de permettre la généralisation du dispositif de téléprotection appelé « femmes en très grand danger », qui consiste en l’attribution, aux femmes ayant été victimes de violences de la part de leur conjoint ou ancien conjoint qui s’est vu interdire d’entrer en contact avec elles, d’un téléphone portable d’alerte équipé d’un bouton d’appel préprogrammé renvoyant directement vers des écoutants professionnels qui disposent déjà de toutes les informations relatives à la victime – en particulier, son nom et ses coordonnées – et peuvent prendre contact directement, par une ligne dédiée, avec les services de police ou de gendarmerie pour que ces derniers interviennent dans les plus brefs délais.
Le III de l’article 6 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 précitée avait instauré, à titre expérimental pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi, deux dispositifs destinés à assurer une protection à distance des personnes victimes de violences conjugales, tous deux applicables uniquement dans les cas où l’auteur des violences était placé sous surveillance électronique mobile (PSEM). Le premier dispositif, appelé dispositif électronique anti-rapprochement (DEPAR), consistait à équiper la victime d’un boîtier électronique permettant de la géo-localiser et à paramétrer autour d’elle une zone de protection dans laquelle l’auteur avait interdiction de pénétrer. Le second dispositif, appelé dispositif de téléprotection, consistait à remettre à la victime un téléphone d’alerte lui permettant de prévenir les autorités publiques en cas de violation des obligations imposées au mis en examen ou au condamné.
Cependant, comme le relève l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, « [c]es deux expérimentations n’ont (…) pas réellement débuté sur le terrain, en l’absence de protocole relatif à la mise en œuvre des mesures et du fait que les juridictions considèrent les conditions juridiques d’octroi de ces dispositifs particulièrement restrictives et les conditions matérielles de leur mise en œuvre très lourdes, notamment s’agissant du DEPAR » (136). En effet, la mise en œuvre de ces deux dispositifs expérimentaux était subordonnée au placement de l’auteur des violences sous surveillance électronique mobile, soit dans le cadre d’une assignation à résidence (article 142-12-1 du code de procédure pénale), soit dans celui d’un suivi socio-judiciaire (article 131-36-12-1 du code pénal). Dans les deux cas, le PSEM nécessite que les faits pour lesquels l’auteur des violences est poursuivi ou a été condamné soient punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Or, l’étude d’impact relève que « les juridictions pilotes désignées pour l’expérimentation n’ont pas eu à connaître ces dernières années de cas ayant pu relever de ces dispositifs, renforçant le sentiment que les critères légaux fixés étaient trop restrictifs » (137).
En conséquence, l’abandon de ces deux expérimentations a été décidé le 30 novembre 2012 par le comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, avant même leur terme que la loi avait fixé au 10 juillet 2013. Ce même comité interministériel a, en revanche, décidé la généralisation du dispositif « femmes en très grand danger », qui avait été développé parallèlement par certains parquets sur le fondement de leurs prérogatives générales de prévention de la délinquance prévues à l’article 39-1 du code de procédure pénale, et qu’un décret en date du 1er avril 2010 était venu encadrer (138).
Menée depuis 2011 dans le ressort des tribunaux de grande instance (TGI) de Bobigny et de Strasbourg, l’expérimentation du dispositif « femmes en très grand danger » a, depuis, été progressivement étendue aux TGI de Pontoise, Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, Douai et Paris. Les résultats de ce dispositif dans les deux juridictions pionnières sont particulièrement probants, tant sur le plan objectif de la prévention du renouvellement des violences que sur le plan subjectif en termes de sentiment de sécurité pour la victime, comme a pu l’indiquer, Mme Ernestine Ronai, présidente de l’Observatoire des violences faites aux femmes de la Seine-Saint-Denis, lors de son audition par votre rapporteur. Ainsi, dans le département de la Seine-Saint-Denis, 92 femmes ont bénéficié d’un téléphone portable d’alerte entre le 1er janvier 2011 et le début de l’année 2013. Parmi elles, 33 ont actionné au moins une fois leur téléphone d’alerte, et 68 alertes au total ont été déclenchées, qui ont toutes donné lieu à une intervention des services de police. Lors de ces 68 interventions, 4 interpellations ont eu lieu et ont donné lieu à deux condamnations à une peine d’emprisonnement ferme, un placement sous contrôle judiciaire dans l’attente du jugement et une relaxe (139).
Le présent article a pour objet de donner à la généralisation du dispositif « femmes en très grand danger » - dit aussi « téléphone grand danger » - un fondement législatif.
Le premier alinéa de l’article 10 prévoit que le dispositif sera applicable en cas de « grave danger menaçant une personne victime de violences de la part de son conjoint, son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ». Le troisième alinéa prévoit également l’application de l’article « lorsque les faits ont été commis par un ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par une personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité ».
Le premier alinéa définit, ensuite, l’autorité compétente pour l’attribution du « dispositif de téléprotection lui permettant d’alerter les autorités publiques », qui sera le procureur de la République, et fixe la durée de la mesure à six mois renouvelables. Il prévoit, enfin, que l’attribution sera subordonnée au consentement exprès de la victime et que, avec l’accord de cette dernière, le dispositif pourra permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche l’alerte.
Le deuxième alinéa de l’article 10 subordonne l’attribution du dispositif de téléprotection à deux conditions : d’une part, l’absence de cohabitation entre la victime et l’auteur des faits, et, d’autre part, le prononcé à l’encontre de l’auteur des faits d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime dans le cadre d’une ordonnance de protection, d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, d’une condamnation, d’un aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté.
Dans son rapport au nom de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès a estimé que « ces dispositions, qui ne sont pas codifiées, ne relèvent sans doute pas du domaine de la loi, puisqu’elles n’instituent aucune obligation à la charge de l’auteur ou d’un tiers et que leur mise en œuvre est soumise à l’accord exprès de la victime », mais qu’elles présentaient le double intérêt de permettre au législateur « de se prononcer sur leur pertinence et l’opportunité de cette généralisation » et de donner « une base légale à une harmonisation des pratiques sur l’ensemble du territoire national » (140).
Lors de l’examen du projet de loi en séance publique, a été adopté un amendement du Gouvernement – qui reprenait un amendement de M. Roland Courteau déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution – complétant l’article 10 par un quatrième alinéa dont l’objet est d’étendre son champ d’application aux personnes victimes de viol. Aux termes de cet alinéa, le dispositif de téléprotection pourra également être attribué « par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention à une personne victime de viol, lorsque l’auteur des faits est placé sous contrôle judiciaire assorti de l’obligation de s’abstenir d’entrer en relation avec la victime de quelque façon que ce soit ».
La rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, a, lors de l’examen en séance publique de l’amendement du Gouvernement, souligné que le dispositif proposé soulevait deux difficultés, dont elle a estimé qu’elles devraient être résolues au cours de la navette (141). D’une part, elle a souligné le fait que les victimes de violences conjugales pourraient bénéficier du dispositif de téléprotection dès lors qu’une interdiction de rentrer en contact avec elles avait été prononcée et ce, quel qu’en soit le cadre procédural – ordonnance de protection, contrôle judiciaire, assignation à résidence, peine de sursis avec mise à l’épreuve ou aménagement de peine –, tandis que les victimes de viol ne pourraient en bénéficier que dans le cadre d’un contrôle judiciaire prononcé avant le jugement. Or, a-t-elle fait valoir, « il peut y avoir d’autres mesures qui justifient que le téléphone grand danger soit accordé à la victime », mentionnant « l’assignation à résidence, (…) la condamnation ou [les] aménagements de peine ». D’autre part, Mme Klès a relevé le fait que, dans le texte proposé par le Gouvernement, l’autorité compétente pour attribuer le dispositif aux victimes de viol – le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention – n’était pas la même que celle désignée par le premier alinéa applicable aux victimes de violences conjugales – le procureur de la République. Or, s’agissant d’un dispositif de protection de la victime, subordonné à son consentement exprès, et qui ne soumet la personne poursuivie à aucune restriction de liberté, l’intervention d’un magistrat du siège ne paraît pas nécessaire.
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a remédié à ces difficultés en adoptant un amendement permettant l’attribution du « téléphone grand danger » aux victimes de viol dans les mêmes cadres procéduraux que pour les victimes de violences conjugales – ordonnance de protection, contrôle judiciaire, assignation à résidence, peine de sursis avec mise à l’épreuve ou aménagement de peine – et par la même autorité, le procureur de la République.
Dans une contribution écrite qu’elle a adressée à votre rapporteur, l’Assemblée des départements de France (ADF) a estimé nécessaire que l’impact financier de l’extension aux victimes de viol de la possibilité de bénéficier du dispositif de téléprotection « femmes en très grand danger » soit mesuré : « L’ADF rappelle que les modalités de financement de la généralisation du téléphone Grand danger reposeront notamment sur le financement des collectivités territoriales. C’est pourquoi, dans un contexte contraint des finances locales, l’ADF s’interroge sur l’extension de ce dispositif aux femmes victimes de viol. Si les départements s’accordent sur l’objectif recherché, ils suggèrent de mesurer l’impact financier des nouvelles mesures introduites au Sénat ».
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La Commission est saisie de l’amendement CL193 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à intégrer dans le code de procédure pénale la disposition du projet de loi prévoyant la généralisation du « téléphone grand danger ».
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL191, CL192, CL194 et CL216 du rapporteur.
En conséquence, l’amendement CL137 tombe.
La Commission adopte l’article 10 modifié.
Article 11
(art. 5 et 10 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948)
Conséquences civiles de l’éviction du conjoint violent du domicile
L’article 11 a pour objet de tirer les conséquences civiles de l’éviction du conjoint violent lorsque le couple occupe un logement régi par la loi du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement
Dans la situation de pénurie de logement qui a suivi la fin de la Seconde guerre mondiale, la loi du 1er septembre 1948 a cherché à sécuriser la situation des locataires, en instaurant des baux caractérisés par des loyers stables et un droit absolu au maintien dans les lieux, malgré l’expiration du bail. D’une application limitée à certaines communes définies par l’article 1er de la loi, ces baux ont vocation à disparaître progressivement.
L’article 4 de la loi prévoit que le droit au maintien dans les lieux est acquis de plein droit, soit à l’expiration du bail, soit, si le bail est à durée indéterminée, après congé donné au locataire, à condition que l’occupant soit de bonne foi, c’est-à-dire qu’il possède un juste titre d’occupation et qu’il ait strictement respecté ses obligations locatives. Selon l’article 17 de la loi, le droit au maintien dans les lieux a un caractère personnel, mais l’article 5 prévoit des exceptions à ce principe. Ainsi, en cas de décès ou d’abandon du domicile de l’occupant, le conjoint ou le partenaire d’un pacte civil de solidarité bénéficie de plein droit du transfert de ce droit, de même que les ascendants, les personnes handicapées et les enfants mineurs qui justifient d’une cohabitation effective de plus d’un an avec l’occupant. L’article 10 de la loi prévoit des cas d’exclusion du droit au maintien dans les lieux, qui peuvent être liés aux conditions d’occupation du lieu (occupation insuffisante ou occupant possédant plusieurs habitations) ou au comportement de l’occupant, en particulier lorsqu’il fait l’objet d’une mesure d’expulsion.
Le 1° de l’article 11 du projet de loi modifie l’article 5 de la loi du 1er septembre 1948, afin de prévoir expressément le transfert du droit au maintien dans les lieux au profit du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin victime de violences de la part de l’autre membre du couple, occupant du logement. Corrélativement, le 2° complète l’article 10 de la même loi, pour exclure du bénéfice du droit au maintien dans les lieux les personnes condamnées pour violences à l’encontre de leur conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin victime de violences de la part de l’autre membre du couple.
Sur l’initiative de sa rapporteure, Mme Virginie Klès, la commission des Lois du Sénat a apporté plusieurs modifications à cet article. Tout d’abord, la commission des Lois du Sénat a précisé que la condamnation dont l’auteur des violences a fait l’objet devait être définitive. Faisant valoir que le transfert du droit au maintien dans les lieux au conjoint victime de violences et la privation de l’auteur des violences de ce droit au maintien « est la conséquence d’une condamnation pénale et prive, de manière définitive, l’occupant de son logement », elle a estimé qu’ils ne sauraient « intervenir avant que la condamnation ne soit devenue définitive, sous peine d’être contraire à la présomption d’innocence fondée sur l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme » (142).
En deuxième lieu, le texte adopté par la commission des Lois du Sénat a prévu que le droit au maintien dans les lieux du partenaire s’appliquerait également quand les violences ont été commises à l’égard des enfants du couple.
En dernier lieu, le texte initial du projet de loi prévoyait, au 1° de l’article, que la victime des violences bénéficierait du transfert du droit au maintien du bail en cas de condamnation de son conjoint « pour des faits de violences à son encontre prévoyant l’interdiction de résider dans le logement du couple », il prévoyait au 2° que l’auteur des violences serait déchu du droit au maintien en cas de condamnation comme auteur, coauteur ou complice « d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant ou à l’encontre de leur conjoint ». En mentionnant un crime ou un délit commis sur la personne de leur enfant ou à l’encontre de leur conjoint, le 2° avait un champ d’application plus large que le 1°, puisqu’il pouvait concerner, comme l’a souligné la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, « tous les crimes et délits commis contre les personnes prévues par le livre II du code pénal, dès lors que la condamnation est assortie de l’interdiction de résider dans le logement ». La commission des Lois du Sénat a, en conséquence, harmonisé les rédactions des 1° et 2° de l’article pour mentionner, dans les deux cas, les faits de violences, au motif que ce champ d’application « correspondait davantage à l’objet du texte examiné que les termes de "crime ou délit" contre les personnes » (143).
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La Commission adopte successivement les amendements de précision CL195 et CL196 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 11 modifié.
Article 11 bis (nouveau)
(art. 222-16 du code pénal)
Incrimination de l’envoi réitéré de messages électroniques malveillants
Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a introduit dans le projet de loi un article 11 bis incriminant l’envoi réitéré de messages électroniques malveillants.
Lors de l’examen du projet de loi au Sénat, avait été adopté un article 17 quater destiné à incriminer le « cyber-harcèlement ». Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a substitué à l’incrimination prévue à l’article 17 quater la création, dans un nouvel article 12 bis AA, d’un nouveau délit de harcèlement, applicable quel que soit le cadre dans lequel il est commis
– alors que le harcèlement moral doit avoir lieu dans la sphère professionnelle et le harcèlement au sein du couple se dérouler, par définition, dans le cadre de la vie conjugale (144) – et dont les peines sont aggravées en cas de commission par l’utilisation d’un moyen de communication au public en ligne (145).
Cependant, lors de leur audition par votre rapporteur, M. Éric Debarbieux, délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, et les responsables de l’association E-enfance, association avec laquelle le ministère de l’Éducation nationale a conclu un partenariat en vue d’aider les élèves victimes de harcèlement, ont souligné que l’essentiel des faits de « cyber-harcèlement » n’était pas commis par le biais d’Internet, mais par l’envoi de messages écrits ou d’images par téléphone (« sms » et « mms »).
Aujourd’hui, l’article 222-16 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende les « appels téléphoniques malveillants réitérés ou les agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d’autrui ». L’article 11 bis adopté par la Commission complète cet article 222-16, pour punir des mêmes peines les « envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques » – formulation qui couvre aussi bien les « sms », les « mms » que les courriers électroniques.
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La Commission en vient à l’amendement CL190 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il me paraît nécessaire d’incriminer l’envoi des messages malveillants émis par la voie électronique, qu’il s’agisse de SMS, de MMS ou de courriers électroniques, qui sont autant de formes que peut prendre aujourd’hui le « cyber-harcèlement ». Lorsque nous l’avons auditionné, M. Éric Debarbieux, délégué ministériel chargé de la prévention des violences scolaires, a attiré notre attention sur le fait que le harcèlement dont sont victimes les élèves s’opérait souvent par SMS ou MMS plutôt que via les réseaux sociaux, lesquels ne concerneraient que 2 % des cas.
La Commission adopte l’amendement.
Article 12
(art. 222-33-2 et 222-33-2-1 du code pénal)
Harmonisation des définitions des délits de harcèlement moral et de harcèlement au sein du couple avec la définition du harcèlement sexuel
L’article 12 a pour objet d’harmoniser les définitions des délits de harcèlement moral et de harcèlement au sein du couple avec la définition du harcèlement sexuel issue de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel.
Le code pénal français connaît aujourd’hui trois catégories de harcèlement : le délit de harcèlement sexuel prévu à l’article 222-33, le délit de harcèlement moral prévu à l’article 222-33-2 et le délit de harcèlement au sein du couple prévu à l’article 222-33-2-1. Le délit de harcèlement sexuel est le plus ancien de ces trois délits de harcèlement, mais sa définition a évolué à plusieurs reprises depuis sa création par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes. D’abord défini comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions », le harcèlement sexuel avait été redéfini par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale comme le « fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle », avant que l’article 222-33 ne soit jugé contraire au principe de légalité des délits et des peines par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 (146). Adoptée dans les délais les plus brefs possibles après cette censure, qui avait créé un vide juridique extrêmement préjudiciable aux victimes (147), la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a redéfini le harcèlement sexuel comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » (I de l’article 222-33). Le II de l’article 222-33 assimile au harcèlement sexuel « le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».
Créé par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, le délit de harcèlement moral est, quant à lui, défini par l’article 222-33-2 du code pénal comme le « fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Cet article a été expressément validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 relative à la loi de modernisation sociale.
Enfin, le délit de harcèlement au sein du couple, créé par loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, est défini par l’article 222-33-2-1 du code pénal dans des termes largement inspirés de la définition du harcèlement moral, comme le « fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ».
La présentation de ces trois définitions met en évidence que l’élément matériel du délit de harcèlement sexuel est défini de façon légèrement plus précise que celui des délits de harcèlement moral et de harcèlement au sein du couple. Ainsi, les faits constitutifs du harcèlement sexuel peuvent être des « propos ou comportements », le législateur ayant, en 2012, souhaité mettre en évidence le fait que le harcèlement sexuel ne se manifeste pas uniquement par des gestes physiques, mais également par des propos ou tout type de comportement, dès lors que ceux-ci portent atteinte à la dignité de la personne ou à son intégrité psychique. L’élément matériel des délits de harcèlement moral et de harcèlement au sein du couple est défini, quant à lui, comme des « agissements ».
Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement relève que le délit de harcèlement au sein du couple « peine à s’appliquer », les statistiques du ministère de la Justice mettant en évidence le fait que, « malgré une augmentation notable en seulement un an, le nombre de condamnations prononcées sur le fondement de l’article 222-33-2-1 du code pénal reste très faible. Ainsi, seulement 17 condamnations ont été prononcées en 2010 (étant précisé que la loi a été adoptée le 9 juillet 2010) et 138 en 2011 ». Pour le Gouvernement, ce faible recours au délit de harcèlement au sein du couple pourrait s’expliquer par le fait « l’incrimination du code pénal ne retient que le terme d’agissements », alors que « dans les rapports parlementaires établis à l’occasion de la loi, il a bien été considéré que des "agissements et/ou paroles" devaient être pris en compte pour caractériser le délit ». En conséquence, le Gouvernement estime « indispensable », pour faciliter l’usage de ce délit, « d’élargir le champ de l’incrimination, et notamment son élément matériel », car « le terme "agissements" actuellement prévu par l’article 222-33-2-1 ne recouvre pas nécessairement les comportements ou les propos et restreint donc le champ du délit » (148).
L’article 12 du projet de loi modifie donc les articles 222-33-2 et 222-33-2-1 du code pénal afin d’harmoniser la définition de l’élément matériel des délits de harcèlement moral et de harcèlement au sein du couple sur la définition de l’élément matériel du délit de harcèlement sexuel prévue à l’article 222-33 du même code. Tous les délits de harcèlement – sexuel, moral ou au sein du couple – incriminés par le code pénal auront donc désormais un élément matériel défini par les mêmes termes de « comportements ou propos ». Néanmoins, l’harmonisation rédactionnelle voulue n’était pas parfaite, l’ordre des termes retenu par l’article 12 du projet de loi n’étant pas le même que celui prévu à l’article 222-33 du code pénal. Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a inversé l’ordre des termes « propos » et « comportements » afin que la rédaction des articles 222-33, 222-33-2 et 222-33-2-1 du code pénal soit parfaitement harmonisée.
Dans son rapport, la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, a estimé que la modification opérée par l’article 12 était une « mesure de clarification et d’harmonisation », qui ne devrait « pas modifier le périmètre de ces deux délits », car « la jurisprudence inclut d’ores et déjà les propos et agissements verbaux dans la catégorie des "agissements" ». En conséquence, elle a estimé que « la modification proposée par le présent article, si elle permet de clarifier l’intention du législateur quant aux éléments susceptibles d’être pris en compte dans la notion de harcèlement, ne devrait pas être regardée comme une disposition pénale plus sévère : elle devrait, de ce fait, pouvoir être appliquée à l’ensemble des procédures en cours et des faits commis avant l’entrée en vigueur de la présente loi » (149).
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL180 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 12 modifié.
Article 12 bis AA (nouveau)
(art. 222-33-2-2 [nouveau] du code pénal)
Création d’un délit général de harcèlement, susceptible d’être aggravé
en cas de communication par l’utilisation d’un moyen de communication
au public en ligne
Issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de votre rapporteur, l’article 12 bis AA – qui se substitue à l’article 17 quater, supprimé par la Commission – a pour objet de créer un délit de harcèlement, dont le champ d’application ne serait pas limité à la sphère professionnelle ou à la vie conjugale – comme le sont, respectivement, le délit de harcèlement moral prévu à l’article 222-33-2 du code pénal et celui de harcèlement au sein du couple prévu à l’article 222-33-2-1 du même code. Ce délit serait aggravé en présence d’un certain nombre de circonstances, en particulier par la commission par un moyen de communication au public en ligne, ce qui permettra d’incriminer le « cyber-harcèlement ».
Aujourd’hui, notre code pénal connaît trois formes de harcèlement : le harcèlement sexuel, le harcèlement moral et le harcèlement au sein du couple (150). Si le harcèlement sexuel peut être commis dans n’importe quel cadre (professionnel, scolaire, universitaire...), le harcèlement moral a un champ d’application limité à la sphère professionnelle et le harcèlement au sein du couple ne peut s’appliquer – par définition – que dans la vie conjugale. Or, d’autres formes de harcèlement existent, notamment en milieu scolaire, et prennent de nouvelles formes avec le développement des nouvelles technologies.
Dans le cadre de la préparation de la discussion du présent projet de loi, votre rapporteur a entendu M. Éric Debarbieux, délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, et les responsables de l’association E-enfance, association avec laquelle le ministère de l’Éducation nationale a conclu un partenariat en vue d’aider les élèves victimes de harcèlement, ainsi que de former les enseignants et d’informer les élèves et leurs parents à la problématique du cyber-harcèlement.
M. Debarbieux a indiqué que le harcèlement en milieu scolaire était un phénomène ancien, mais que la France n’avait commencé à étudier et à combattre que très récemment, à la différence des pays anglo-saxons ou scandinaves qui s’en sont préoccupés dès les années 1970. Il a défini le harcèlement subi par les élèves comme la répétition d’une série de micro-violences symboliques (telles que de l’ostracisme ou le fait de faire circuler des rumeurs), verbales (emploi de surnoms méchants, insultes), physiques (bousculades, violences plus ou moins sévères) ou encore d’appropriation (racket). Une partie de ces faits de harcèlement a une connotation sexiste. 10 % des élèves seraient victimes de harcèlement, dont la moitié subirait des situations de harcèlement pouvant être qualifiées de sévères à très sévères. M. Debarbieux a souligné que la répétitivité de la victimisation avait un effet sur l’absentéisme, l’échec scolaire et la santé mentale – les mineurs harcelés connaissant des maladies psychosomatiques plus fréquentes, une perte d’estime de soi et des dépressions pouvant aller jusqu’à des tentatives de suicide. Il a, enfin, relevé qu’il était indispensable que les autorités scolaires apportent une réponse appropriée aux phénomènes de harcèlement, afin d’empêcher le développement d’une idéologie du plus fort chez le harceleur et parmi l’ensemble des jeunes.
Le développement des nouvelles technologies de l’information a conduit à l’émergence de nouvelles modalités de harcèlement, qui présentent la particularité de pouvoir être opérées sur des réseaux sociaux accessibles au public et d’être très difficilement effaçables. Ainsi, alors que les humiliations subies dans une cour d’école ne sont connues que des élèves qui en sont directement témoins, celles subies par le biais d’Internet peuvent être connues de toutes les relations du mineur, voire de l’ensemble des internautes, et, de ce fait, être ressenties beaucoup plus durement et durablement par les victimes.
Les pouvoirs publics français ont, désormais, pris conscience de la nécessité de répondre aux phénomènes de harcèlement en milieu scolaire et de cyber-harcèlement. Depuis la rentrée scolaire 2011, plusieurs actions ont été développées : une première campagne de communication a été menée en 2011 sur le harcèlement à l’école, avec la diffusion de films notamment sur Internet, et une deuxième campagne vient de débuter (151) ; dans chaque académie, vont être créés des référents « harcèlement », auxquels pourront s’adresser les établissements ou les parents confrontés à une situation de harcèlement ; un plan de formation sur trois ans à destination des formateurs des écoles supérieures de l’enseignement a été décidé. Le législateur a également intégré la lutte contre le harcèlement à l’école dans les objectifs fixés par l’annexe de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République : « La lutte contre toutes les formes de harcèlement sera une priorité pour chaque établissement d’enseignement scolaire. Elle fera l’objet d’un programme d’actions élaboré avec l’ensemble de la communauté éducative, adopté par le conseil d’école pour le premier degré et par le conseil d’administration dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Ce programme d’actions sera régulièrement évalué, pour être amendé si nécessaire. »
Cependant, il apparaît que la législation pénale actuelle ne permet pas de répondre de façon suffisamment efficace à ces différents types de harcèlement. En théorie, ceux-ci devraient pouvoir être poursuivis sous la qualification de violences psychologiques, admise depuis de nombreuses années par la jurisprudence et – depuis la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes – expressément reconnue dans l’article 222-14-3 du code pénal, qui dispose que « les violences (…) sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ». Mais, en raison d’une certaine méconnaissance du fait que les violences psychologiques sont incriminées par le code pénal, et en l’absence d’incrimination spécifique de ce qui est vécu par les victimes comme un harcèlement et non comme des violences, les plaintes des victimes de harcèlement sont rares et n’aboutissent qu’exceptionnellement à des sanctions pénales.
L’article 17 quater adopté par le Sénat avait cherché à répondre à cette problématique du harcèlement en général et du cyber-harcèlement en particulier, mais sa rédaction n’était pas suffisamment précise (152). La Commission a donc, sur l’initiative de votre rapporteur, supprimé cet article 17 quater, pour lui substituer le présent article 12 bis AA, qui crée dans le code pénal un nouvel article 222-33-2-2.
Ce nouvel article punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le « fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale (…) lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail ». Cette définition est inspirée de celles du harcèlement moral et du harcèlement au sein du couple, la définition du harcèlement moral ayant été expressément validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 relative à la loi de modernisation sociale.
Le nouvel article 222-33-2-2 du code pénal prévoit une aggravation des peines pour quatre motifs : si les faits causent une incapacité de travail de plus de huit jours (1°), s’ils sont commis sur un mineur de moins de quinze ans (2°) ou une personne vulnérable (3°), ou s’ils sont commis en utilisant un service de communication au public en ligne (4°). Les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en présence d’une circonstance aggravante et à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en présence de deux circonstances aggravantes.
Le délit institué par l’article 17 quater présentait la particularité de viser en premier lieu l’incrimination de comportements commis par le biais des moyens de communication en ligne, mais sans l’indiquer explicitement. La rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, avait justifié l’absence de mention des moyens de communication en ligne par le fait qu’il ne serait pas possible de « viser uniquement les nouvelles technologies de l’information et de la communication ». Or, pour votre rapporteur, aucune décision du Conseil constitutionnel, ni aucune norme internationale ne paraissent prohiber l’incrimination spécifique de comportements commis par le biais d’Internet, à condition que des éléments objectifs le justifient.
Dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 sur la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la Constitution un délit de revente de titres d’accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale, dont le texte prévoyait qu’il ne s’appliquait qu’à la « vente sur un réseau de communication au public en ligne » et que la revente devait avoir pour objectif d’en tirer un bénéfice. Relevant qu’en instituant ce délit, le législateur avait « entendu prévenir et réprimer les éventuels troubles résultant de la mise en échec des dispositions mises en œuvre pour certaines manifestations sportives et préserver les droits des producteurs, organisateurs ou propriétaires des droits d’exploitation d’une telle manifestation », le Conseil constitutionnel avait considéré qu’« en réprimant pour l’ensemble des manifestations culturelles, sportives ou commerciales la revente proposée ou réalisée sur un réseau de communication au public en ligne pour en tirer un bénéfice, le législateur [s’était] fondé sur des critères manifestement inappropriés à l’objet poursuivi » (153).
Commentant cette décision, Mme Agathe Lepage, professeure à l’université Paris II, avait souligné que « [l]’interprétation de cette décision n’était pas simple » et s’était interrogée sur la question de savoir si le Conseil reprochait au législateur « d’avoir limité le champ d’application de l’incrimination à la seule revente sur Internet ou de l’avoir étendue à l’ensemble des manifestations culturelles, sportives ou commerciales » (154).
Selon votre rapporteur, il ne paraît pas possible de déduire de cette décision du Conseil constitutionnel que le législateur ne pourrait pas instituer un délit dont un élément constitutif ou une circonstance aggravante serait qu’il soit commis par le biais d’un moyen de communication en ligne. Il souligne que, dans la décision précitée du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel ne s’est pas fondé sur une atteinte au principe d’égalité devant la loi pénale pour censurer le délit créé, mais sur le principe de la nécessité des délits et des peines, alors pourtant que l’un des griefs des requérants portait sur « une rupture d’égalité devant la loi entre ceux qui revendent des billets sur un "réseau de communication au public en ligne" et ceux qui se livrent à la même opération par un autre moyen » (155).
Votre rapporteur estime que, dans la mesure où l’utilisation d’un moyen de communication au public en ligne aurait une incidence particulière sur l’effet d’un comportement, il est loisible au législateur d’en tirer les conséquences, soit en n’incriminant un comportement que lorsqu’il est commis par un tel moyen, soit en faisant de la commission par ce moyen une cause d’aggravation. Notre droit pénal comprend déjà un cas de délit pour lequel l’utilisation d’un réseau de communications électroniques constitue une circonstance aggravante : en application du troisième alinéa de l’article 227-23 du code pénal, les peines du délit de diffusion d’images pédopornographiques sont portées de cinq à sept ans d’emprisonnement et de 75 000 à 100 000 euros d’amende « lorsqu’il a été utilisé, pour la diffusion de l’image ou de la représentation du mineur à destination d’un public non déterminé, un réseau de communications électroniques ».
Dans le cas du « cyber-harcèlement », la commission des faits par le biais de sites Internet ou de réseaux sociaux emporte des conséquences particulières pour la victime, puisque la trace des faits qu’elle subit ou a subis demeure accessible au public longtemps après les faits, sans qu’il lui soit possible d’obtenir totalement son effacement. À la différence de faits de harcèlement commis « en face à face », qui peuvent n’être connus que des témoins directs – s’il en existe – ou de personnes appartenant aux relations habituelles de la victime, des faits de harcèlement commis sur Internet peuvent être – et demeurer – accessibles à l’ensemble des internautes pendant des années, avec des répercussions particulièrement lourdes et durables sur la vie de la victime. Cette différence objective de durée des conséquences de l’infraction, selon que les faits de harcèlement sont commis « en face à face » ou donnent lieu à l’utilisation d’un moyen de communication au public en ligne, justifie l’instauration par le 4° du nouvel article 222-33-2-2 du code pénal d’une circonstance aggravante de commission par un moyen de cette nature.
Cette incrimination du harcèlement commis par le biais d’Internet est complétée par l’instauration, à l’article 11 bis du projet de loi, également issu d’un amendement de votre rapporteur, d’un délit d’envoi réitéré de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques, qui est l’autre forme que peut prendre le cyber-harcèlement (156).
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La Commission est saisie de l’amendement CL179 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement CL299 de M. Sergio Coronado.
M. le rapporteur. Aujourd’hui, notre code pénal connaît trois formes de harcèlement : le harcèlement sexuel, le harcèlement moral et le harcèlement au sein du couple. Or, d’autres formes de harcèlement existent. Je propose donc de créer un délit général de harcèlement, indépendamment de tout cadre déterminé, puis de considérer comme circonstance aggravante l’utilisation de moyens électroniques, et notamment la diffusion sur internet. Le fait de porter à la connaissance d’un très grand nombre de personnes des éléments de nature à intimider ou à humilier une personne peut avoir sur cette dernière des effets psychologiques ravageurs et entraîner des conséquences tragiques.
M. Sergio Coronado. Sans aller jusqu’à avancer que cet amendement est un cavalier, je m’interroge sur la pertinence de considérer l’utilisation d’internet comme une circonstance aggravante.
Qu’il s’agisse du système prostitutionnel ou de la loi de programmation militaire, de plus en plus de projets de loi qui nous sont soumis comportent des dispositifs de surveillance d’internet qui me semblent sinon liberticides du moins inadaptés ou inefficaces.
Ma position de principe sur cette question va donc à l’encontre de la philosophie défendue par le rapporteur, et je souhaiterais que, sur une question aussi importante, nous laissions le Gouvernement mener à son terme la réflexion qu’il a entreprise sur un habeas corpus numérique, plutôt que de prévoir, dans chaque projet de loi, des dispositifs parfois contradictoires.
M. le rapporteur. Nous nous occupons ici des conséquences du harcèlement sur les victimes. Or, ce qui est porté à la connaissance du public via internet, perdure, et cela n’est pas neutre pour la victime. Dans une stricte logique juridique, cette aggravation des conséquences pour la victime justifie la prise en compte de circonstances aggravantes. Il ne s’agit nullement de faire le procès d’internet, qui reste un espace de liberté. J’émets donc sur le sous-amendement un avis défavorable.
La Commission rejette le sous-amendement.
Puis elle adopte l’amendement.
Article 12 bis A (supprimé)
(art. L. 712-4 du code de l’éducation)
Possibilité de dépaysement de poursuites disciplinaires
dans le domaine universitaire
Introduit par le Sénat sur l’initiative de Mme Françoise Laborde, l’article 12 bis A avait pour objet de prévoir une possibilité de dépaysement des poursuites disciplinaires exercées dans le domaine universitaire en cas de suspicion légitime sur l’impartialité de la section disciplinaire.
Votre Commission a, sur l’initiative de votre rapporteur, adopté un article 15 quinquies A qui se substitue au présent article en en améliorant la rédaction (157). Elle a, en conséquence, supprimé l’article 12 bis A.
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La Commission adopte l’amendement de suppression CL188 du rapporteur.
En conséquence, l’article 12 bis A est supprimé.
L’amendement CL31 n’a plus d’objet.
Article 12 bis B (nouveau)
(art. L. 1153-5 du code du travail)
Obligation pour l’employeur de mettre fin au harcèlement sexuel
commis dans l’entreprise et de le sanctionner
Issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de Mme Catherine Coutelle, le présent article a pour objet de compléter les obligations légales de l’employeur en cas de harcèlement sexuel commis dans l’entreprise, en lui faisant obligation d’y mettre fin et de le sanctionner.
Actuellement, l’article L. 1153-5 du code du travail dispose que « [l]’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel ». Cet article est complété pour prévoir que l’employeur doit, également, lorsque des faits de harcèlement sexuel sont ou ont été commis, y mettre un terme et les sanctionner. Selon l’auteure de l’amendement, cette modification permettra de renforcer la lutte contre le harcèlement sexuel dont peuvent être victimes les femmes dans leur milieu professionnel, en précisant le rôle de l’employeur et les actions qu’il lui revient d’entreprendre pour empêcher ces pratiques.
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La Commission en vient à l’amendement CL122 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Pascale Crozon. Il s’agit de renforcer la lutte contre le harcèlement sexuel dont peuvent être victimes les femmes dans leur milieu professionnel, en précisant le rôle de l’employeur et les actions qu’il lui revient d’entreprendre pour empêcher ces pratiques.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Article 12 bis
(art. 222-33-3 du code pénal)
Incrimination de l’enregistrement et de la diffusion d’images relatives
à des faits de harcèlement sexuel
Introduit par la commission des Lois du Sénat sur l’initiative de Mme Catherine Tasca, l’article 12 bis a pour objet d’étendre le champ d’application du délit d’enregistrement et de diffusion d’images de violences, prévu à l’article 222-33-3 du code pénal, à l’enregistrement et à la diffusion d’images relatives à des faits de harcèlement sexuel.
Issue de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, la création du délit d’enregistrement et de diffusion d’images de violence a eu pour objet de permettre de réprimer les comportements dits de « happy slapping », consistant à filmer une agression puis à en diffuser les images sur Internet. Le premier alinéa de l’article 222-33-3 du code pénal que le « fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission » de certaines infractions d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne est constitutif d’un acte de complicité de ces infractions. Les infractions concernées sont les actes de torture et de barbarie (articles 222-1 à 222-6), les violences (articles 222-7 à 222-14-1) le viol (articles 222-23 à 222-26) et les agressions sexuelles autres que le viol (articles 222-27 à 222-31). Conformément à la règle, prévue à l’article 121-6 du code pénal, selon laquelle « [s]era puni comme auteur le complice de l’infraction », le premier alinéa de l’article 222-33-3 prévoit que l’auteur de l’enregistrement est puni des peines prévues pour l’infraction dont il s’est rendu complice.
Le deuxième alinéa de l’article 222-33-3 punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le « fait de diffuser l’enregistrement de telles images ».
Le troisième alinéa de l’article 222-33-3 en écarte l’application « lorsque l’enregistrement ou la diffusion résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice », dans le but de permettre aux journalistes d’exercer leur mission d’information du public, d’une part, et de ne pas empêcher la réalisation par un témoin de bonne foi d’un enregistrement audiovisuel destiné à prouver la réalité d’une infraction, d’autre part.
L’article adopté par le Sénat ajoute le délit de harcèlement sexuel, prévu à l’article 222-33 du code pénal, à la liste des infractions dont l’enregistrement et la diffusion sont interdits par l’article 222-33-3 du même code. Rétabli par la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel après que sa précédente définition avait été déclarée contraire au principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines dans une décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 (158), le délit de harcèlement sexuel est défini comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » (I de l’article 222-33). En application du II du même article 222-33, est assimilé au harcèlement sexuel « le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ». La modification apportée par le Sénat à l’article 222-33-3 du code pénal permettrait de poursuivre la personne qui enregistrerait des images de harcèlement sexuel comme complice du délit, encourant des peines de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en l’absence de cause d’aggravation et trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en présence de l’une des causes d’aggravation prévues au III de l’article 222-33. La personne qui diffuserait ces images encourrait, quant à elle, des peines de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, en application du deuxième alinéa de l’article 222-33-3.
La rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Virginie Klès, a estimé « qu’un tel quantum de peine se justifie pleinement par l’atteinte particulière portée à la dignité de la victime par la diffusion de telles images » (159).
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La Commission adopte l’article 12 bis sans modification.
Article 13
(art. L. 114-3 du code de l’action sociale et des familles)
Organisation, dans le cadre de la politique de prévention du handicap, d’actions de prévention et de sensibilisation concernant les violences
faites aux femmes en situation de handicap
L’article 13 a pour objet de compléter la liste des actions devant être menées par les pouvoirs publics dans le cadre de la politique de prévention du handicap par l’organisation d’actions de prévention et de sensibilisation concernant les violences faites aux femmes en situation de handicap.
Créé par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l’article L. 114-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « l’État, les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale mettent en œuvre des politiques de prévention, de réduction et de compensation des handicaps et les moyens nécessaires à leur réalisation qui visent à créer les conditions collectives de limitation des causes du handicap, de la prévention des handicaps se surajoutant, du développement des capacités de la personne handicapée et de la recherche de la meilleure autonomie possible ».
L’article prévoit une liste non exhaustive d’actions composant la politique de prévention du handicap, parmi lesquelles figurent des actions s’adressant directement aux personnes handicapées, des actions visant à informer, former, accompagner et soutenir les familles et les aidants, des actions de formation et de soutien des professionnels, des actions d’information et de sensibilisation du public, des actions de prévention concernant la maltraitance des personnes handicapées, ou encore des actions pédagogiques en milieu scolaire et professionnel ainsi que dans tous les lieux d’accueil, de prise en charge et d’accompagnement, en fonction des besoins des personnes accueillies.
L’étude d’impact accompagnant le projet de loi relève que la protection des personnes en situation de handicap contre toutes les formes de violences constitue une priorité des pouvoirs publics, qui s’est traduite par la mise en œuvre, à partir de mars 2007, d’un plan de lutte contre la maltraitance des personnes âgées ou handicapées, par la création d’un comité national de vigilance et de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés afin de coordonner la politique en la matière, ou encore par l’ouverture, depuis 2008, d’un numéro national d’aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées victimes de maltraitance – le 3977 – qui centralise l’ensemble des appels et assure une première écoute, une orientation et un suivi des cas de maltraitance signalés.
Toutefois, l’étude d’impact relève qu’il n’existe pas, aujourd’hui, de statistiques nationales disponibles sur le nombre de femmes handicapées victimes de violences. Seule une estimation, réalisée par l’association « Femmes pour le dire, femmes pour agir », fait état d’un pourcentage de femmes victimes de violences de la part de leur conjoint qui serait deux fois plus important parmi les femmes en situation de handicap que parmi les femmes sans handicap.
Indiquant que « [l]’intention du Gouvernement est de renforcer les actions d’études, d’information et de sensibilisation aux violences faites aux femmes handicapées », l’étude d’impact indique que l’article 13 « permettra de fonder des interventions au niveau local et une meilleure prise en compte de la dimension du handicap dans les études et recherches sur les violences faites aux femmes » et que « la question des violences handicapées sera prise en compte dans la nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes (enquête VIRAGE) portée par l’INED (160) » (161).
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La Commission adopte l’article 13 sans modification.
La Commission examine l’amendement CL157 de Mme Coutelle, portant article additionnel après l’article 13.
Mme Pascale Crozon. Le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes a créé un numéro de référence d’accueil téléphonique et d’orientation des femmes victimes de violences, gratuit et ouvert sept jours sur sept. Cette plateforme téléphonique prendra appui sur la permanence téléphonique « 3919 » gérée par la Fédération nationale solidarité femmes, qui assure la mise en réseau des autres numéros existants et des partenaires associatifs concernés au niveau national. La mise en place de ce numéro sera complétée par la création d’un nouveau service internet pour répondre à toutes les demandes. Il sera actualisé et enrichi par le travail commun du ministère des Droits des femmes et des associations. Le plan prévoit que ce numéro national pourra s’appuyer au niveau local sur les plateformes existantes, en renvoyant vers un numéro unique les numéros déjà existants. Dans le cadre de conventions passées avec les acteurs locaux, le préfet devra, en lien avec les associations spécialisées, assurer une bonne articulation avec le dispositif national ainsi qu’avec les numéros d’urgence et les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) pour traiter les demandes d’hébergement d’urgence et de logement.
Le présent amendement a pour but de consolider cette organisation afin de garantir aux femmes victimes de violences les services pour lesquels la France s’est engagée en signant la convention d’Istanbul.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Si votre amendement était adopté, cela nous obligerait à modifier la loi chaque fois que le numéro de téléphone changera.
M. le rapporteur. Cette disposition n’est pas de nature législative mais réglementaire. Néanmoins, votre amendement a le mérite de souligner combien il est important d’écouter les victimes.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Faire référence dans la loi au « 3919 » peut en effet être problématique. Mais de fait, nous renforçons ce dispositif, qui est un premier recours indispensable pour les femmes victimes de violences. Ce numéro, désormais ouvert sept jours sur sept, n’est plus dédié aux seules violences conjugales mais également aux violences sexuelles, aux menaces de mariage forcé ou aux mutilations sexuelles. Il occupe dans notre dispositif de lutte contre les violences une place de plus en plus importante, même s’il ne me paraît pas utile de le faire figurer dans la loi.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL103 de Mme Pascale Crozon, portant article additionnel avant l’article 14.
Mme Pascale Crozon. Cet amendement est la transposition littérale de deux directives européennes adoptées en 2004 et 2011 et qui concernent le droit d’asile.
La convention de Genève n’a pas prévu, en 1951, qu’une personne puisse être persécutée en raison de son sexe, comme elle peut l’être en raison de son origine, de son ethnie, de sa religion ou de ses opinions. On sait pourtant aujourd’hui que les personnes déplacées sont majoritairement des femmes, que celles-ci sont une cible privilégiée en cas de conflit, y compris dans les camps de réfugiés, et qu’elles subissent des violences spécifiques comme le viol, la traite ou le mariage forcé. Le tribunal pénal international (TPI) a d’ailleurs élevé ces persécutions sexistes en cas de conflit au rang de crimes contre l’humanité.
Depuis 2002, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) recommande aux États d’adopter la définition du groupe social prévue par la convention de Genève, qui inclut l’appartenance à un sexe ou à un genre. Cette définition, adoptée par l’Union européenne en 2004, n’a jamais été transposée en France, où le groupe social reste défini par une jurisprudence qui exclut explicitement le sexe comme motif recevable de persécution. Ainsi, une Nigériane qui fuit un réseau de traite n’est pas considérée par la France comme persécutée en tant que femme mais parce qu’elle refuse la traite.
Dans notre pays, les violences sexistes n’ouvrent donc que difficilement l’accès au statut de réfugié, ce qui est en contradiction avec l’évolution du droit international, raison pour laquelle le Haut Commissaire à l’égalité recommande lui aussi cette transposition. Ce projet sur l’égalité est donc l’occasion d’affirmer que la France rejoint les pays qui reconnaissent explicitement les persécutions au motif du genre, comme le Canada, les États-Unis, l’Allemagne, l’Espagne ou le Royaume-Uni.
M. Alain Tourret. Inscrire dans la loi que des individus partageant une « caractéristique innée » constituent un groupe social me semble pouvoir légitimer des aspirations racistes très dangereuses.
M. Sergio Coronado. La rédaction de cet amendement est imparfaite mais il énonce des principes que je soutiens et je le voterai donc. Les arguments développés par Pascale Crozon auraient cependant dû conduire le groupe socialiste à soutenir les amendements que j’avais déposés concernant l’octroi d’un titre de séjour aux femmes dénonçant des réseaux de traite en France.
M. le rapporteur. M. Tourret vient d’appeler notre attention sur un aspect problématique de cet amendement. En outre, la disposition que vous souhaitez introduire renvoie à la réforme de notre droit d’asile, que le Parlement examinera dès le début de l’année prochaine, la France étant dans l’obligation de transposer rapidement la directive qualification. Il ne me paraît donc pas opportun de l’intégrer au projet de loi dont nous discutons.
Mme Pascale Crozon. Les mots « caractéristique innée » figurent dans l’article 1er de la convention de Genève de 1951. Par ailleurs, un texte sur l’égalité entre les hommes et les femmes me paraît un véhicule approprié pour une telle disposition.
La Commission rejette l’amendement.
Article 14
(art. L. 311-17 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. 6-9 [nouveau] de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte)
Exonération des taxes de délivrance et de renouvellement des titres de séjour pour les étrangers victimes de violence
Cet article vise à exonérer les étrangers victimes de violences ou de la traite des êtres humains des frais de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour.
Les étrangers victimes de violences peuvent se voir délivrer ou obtenir le renouvellement d’un titre de séjour dans les situations suivantes :
– en application des deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa de l’article L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), le titulaire d’une carte de séjour « vie privée et familiale » délivrée à la suite de son mariage avec un ressortissant français a droit au maintien de son titre de séjour et peut obtenir son renouvellement lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint. Une carte de séjour temporaire peut également être délivrée au conjoint étranger en cas de violence commise après son arrivée en France mais avant la première délivrance du titre ;
– en application de l’article L. 316-1 du CESEDA, une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » peut être délivrée à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. L’article 6 de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (162), adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 4 décembre 2013, et l’article 14 ter du présent projet de loi prévoient que cette carte de séjour temporaire est renouvelée de plein droit pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné ;
– en application de l’article L. 316-3 du CESEDA, une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est délivrée, dans les plus brefs délais, à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Arrivé à expiration, le titre de séjour de l’étranger concerné est renouvelé de plein droit ;
– en application de l’article L. 316-4 du CESEDA, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte pour une infraction commise à son encontre par son conjoint, son concubin ou son partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, en cas de condamnation définitive de la personne en cause ;
– en application du dernier alinéa de l’article L. 431-2 du CESEDA, l’étranger admis au séjour au titre du regroupement familial a droit au maintien de son titre et peut obtenir son renouvellement lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales subies de la part de son conjoint. En cas de violence commise après l’arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».
En application des articles L. 311-13, L. 311-14 et L. 311-16 du CESEDA, du décret n° 2012-1535 du 29 décembre 2012 relatif aux taxes prévues aux articles L. 311-13 et L. 311-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (163) , la primo-délivrance de ces titres fait l’objet d’une taxe et d’un droit de timbre d’un montant total de 260 euros et leur renouvellement d’une taxe et d’un droit de timbre d’un montant total de 106 euros, dont le produit est affecté à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et à l’Agence nationale des titres sécurisés.
2. L’exonération des taxes et droits de timbre proposée
Le présent article vise à exonérer les étrangers victimes de violences et de la traite des êtres humains auxquels ces titres de séjour sont délivrés ou renouvelés des taxes et droits de timbre applicables. Ces victimes, qui sont le plus souvent des femmes, sont en effet généralement réduites à l’indigence au moment de la demande de titre de séjour.
Une mesure législative est nécessaire pour procéder à cette exonération, car le dernier alinéa de l’article L. 247 du livre des procédures fiscales, relatif aux remises d’impôts ou d’amende, dispose qu’« aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d’affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions ».
Afin de déroger à cette interdiction d’exonération, le I du présent article a pour objet d’insérer un nouvel article L. 311-17 au sein du CESEDA.
Le II du présent article rend applicable l’exonération des frais de délivrance et de renouvellement dans les collectivités de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin. Saint-Pierre-et-Miquelon n’est pas visé car l’article L. 311-17 du CESEDA y sera applicable de plein droit.
Le III complète l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte afin de prévoir une exonération du droit de timbre prévu à l’article 6-8 de cette ordonnance (d’un montant unique de 19 euros) pour les mêmes situations que celles visées par le nouvel article L. 311-17 du CESEDA.
Le présent article ne prévoit pas d’extension à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, car les ordonnances applicables à ces collectivités en matière d’entrée et de séjour des étrangers ne fixent pas de taxes ou de droit de timbre pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour concernés.
Selon l’étude d’impact (164), le coût de cette mesure est évalué par le Gouvernement à 160 000 euros par an, sur la base d’un flux de 200 nouveaux titres par an et d’un stock de 1 236 titres (renouvellements et délivrance d’une carte de résident aux titulaires d’une carte de séjour temporaire).
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La Commission adopte l’article 14 sans modification.
La Commission examine l’amendement CL33 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Il serait bon de garantir l’octroi d’un titre de séjour aux personnes étrangères bénéficiant d’une ordonnance de protection, sauf en cas de menace grave à l’ordre public. Aujourd’hui, l’autorité administrative a toute latitude pour décider de l’octroi ou non d’un tel titre.
M. le rapporteur. Votre amendement crée une obligation là où l’autorité administrative jouit aujourd’hui d’une liberté d’appréciation. Mais il n’y a pas lieu d’assimiler la situation de l’étranger bénéficiaire d’une ordonnance de protection et celle de l’étranger qui se déclare victime de violences conjugales. En l’état actuel du droit, si la vie commune est rompue du fait de violences, il faut distinguer entre deux cas de figure : soit l’étranger bénéficie d’une ordonnance de protection, ce qui signifie que son statut de victime a été reconnu par un juge et fait obligation au préfet de lui délivrer un titre de séjour ; soit l’étranger ne bénéficie pas d’une telle protection, et c’est alors au préfet d’apprécier la réalité des violences alléguées.
Votre amendement se justifie d’autant moins qu’une circulaire du ministre de l’Intérieur en date du 28 novembre 2012 appelle l’attention des préfets sur ces sujets et les invite à la bienveillance dans le traitement de ces situations sensibles. Avis défavorable.
Mme Pascale Crozon. On oublie que les conditions d’octroi différent sensiblement selon les préfectures. L’amendement tend à une harmonisation. Je le voterai.
M. Guy Geoffroy. Je peux comprendre l’esprit de l’amendement, mais il conduirait à créer pour une personne en situation irrégulière victime de violences conjugales, et qui obtiendrait pour cette raison un titre de séjour, des droits supérieurs à ceux que l’on donne à une personne bénéficiant d’une ordonnance de protection, qu’elle soit étrangère en situation régulière ou de nationalité française. L’amendement pourrait être mal interprété, et donner libre cours aux accusations de « laxisme » qui avaient accueilli la loi de 2010.
Et il y a le risque que certaines personnes étrangères se déclarent victimes de violences pour obtenir la régularisation de leur situation administrative par le biais d’une ordonnance de protection. Ne commettons pas cette erreur juridique, qui risquerait de se retourner contre l’ensemble des personnes concernées par ces dispositions.
Mme Axelle Lemaire. Je partage sans réserve l’objectif de l’amendement, mais la solution proposée ne me paraît pas adéquate puisque notre droit répond déjà au problème évoqué. En effet, le titre de séjour d’un étranger marié à une Française ou d’une étrangère mariée à un Français dépend bien du maintien de la vie commune, mais si la communauté de vie a cessé en raison de violences, l’administration ne peut le retirer, et peut le renouveler. En cas de violences commises après l’arrivée en France mais avant que la personne ait reçu son titre de séjour, l’administration lui délivre un titre de séjour.
Le droit protège ainsi la victime de violences conjugales, qui n’a pas à maintenir la cohabitation avec le conjoint violent. Introduire l’automaticité de la décision, ce serait priver l’administration de la faculté de juger de la situation. La situation est garantie à court terme, mais la décision de renouveler le titre de séjour est laissée à l’appréciation de l’administration.
Des amendements seront examinés qui visent à ce qu’aucune femme ne soit contrainte, pour des raisons administratives, de continuer de cohabiter avec celui qui la frappe. Je rappelle d’autre part que tout bénéficiaire d’une ordonnance de protection se voit délivrer de plein droit un titre de séjour temporaire. La protection par la justice, même si on est de nationalité étrangère résidant sur le territoire, existe donc déjà.
M. Sergio Coronado. Certes, le cas des personnes qui bénéficient d’une ordonnance de protection est réglé, mais la durée de l’ordonnance n’est que d’un an. Que se passe-t-il ensuite ? Repousser l’amendement, c’est accepter que le sort des victimes étrangères de violence reste suspendu au libre arbitre de chaque préfecture. Outre cela, pour qu’une ordonnance de protection soit rendue, il ne suffit pas que des coups aient été portés : il faut aussi que les violences soient telles qu’elles mettent en danger la personne qui les subit. Ces victimes doivent être protégées sur le long terme. Je maintiens l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL33.
Article 14 bis (supprimé)
(art. L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Délivrance de plein droit d’une carte de séjour « vie privée et familiale » aux victimes de la traite des êtres humains
Cet article a été supprimé par la Commission sur l’initiative du Gouvernement. Il prévoyait la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux victimes de la traite des êtres humains. Il était issu d’un amendement de notre collègue sénatrice Claudine Lepage, adopté en séance le 17 septembre 2013, sur avis défavorables de la rapporteure de la commission des Lois et du Gouvernement.
Le premier alinéa de l’article L. 316-1 du CESEDA prévoit qu’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » peut être délivrée à l’étranger qui :
–– soit dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 (traite des êtres humains) et 225-5 à 225-10 (proxénétisme) du code pénal ;
–– soit témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions.
Cette délivrance est opérée sous réserve que la présence de l’étranger concerné ne constitue pas une menace à l’ordre public. Elle n’est pas subordonnée à la condition prévue à l’article L. 311-7 du même code, à savoir la production d’un visa pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois. La carte de séjour temporaire délivrée ouvre le droit à l’exercice d’une activité professionnelle.
Le second alinéa de l’article L. 316-1 prévoit que, en cas de condamnation définitive (c’est-à-dire après épuisement de toutes les voies de recours) de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné.
Les articles R. 316-1 à R. 316-5 du CESEDA précisent les modalités de mise en œuvre de cette procédure.
Par ailleurs, la circulaire du 5 février 2009 – qui peut être considérée comme abrogée en l’absence de publication sur le site Internet www.circulaire.legifrance.gouv.fr à la date du 1er mai 2009 conformément à l’article 2 du décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires – outre le rappel du dispositif législatif et réglementaire en vigueur, apporte quelques précisions relatives à des situations particulières. Elle invite notamment les préfets à prêter une attention toute particulière aux situations de détresse des victimes des infractions de traite ou de proxénétisme en situation irrégulière qui ne coopèrent pas avec les autorités judiciaires par crainte de représailles sur leur personne ou des membres de leur famille. Elle rappelle qu’ils ont la possibilité d’envisager la délivrance à ces victimes d’un titre de séjour, en dérogeant à l’obligation de témoignage ou de dépôt de plainte, en tenant compte des éléments permettant de caractériser leur situation de victime et des efforts de réinsertion consentis (inscription à une formation linguistique, professionnelle, exercice d’une activité professionnelle, etc.).
En 2012, 38 nouvelles cartes de séjour temporaires ont été délivrées et 144 ont été renouvelées, en application du premier alinéa de l’article L. 316-1 du CESEDA. En application du second alinéa du même article, 5 nouvelles cartes de résident ont été délivrées et 9 ont été renouvelées.
2. Les modifications proposées par le Sénat
Le nouvel article 14 bis adopté par le Sénat proposait une nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 316-1 du CESEDA. Celle-ci comportait deux modifications par rapport au droit existant :
– la délivrance de la carte de séjour temporaire n’aurait plus été discrétionnaire, mais serait devenue de plein droit ;
– cette délivrance de plein droit aurait été prévue non plus seulement lorsque l’étranger dépose plainte ou témoigne dans une procédure pénale relative à des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, mais aussi lorsqu’il « signale aux services de police et de gendarmerie le fait d’être victime d’une telle infraction ».
Les deux modifications proposées par le Sénat soulevaient plusieurs difficultés.
En premier lieu, la délivrance de plein droit, qui aurait placé les préfets dans une situation de compétence liée, apparaissait inadaptée dans une telle situation. En effet, qu’il s’agisse d’une plainte, d’un témoignage ou, a fortiori, d’un simple signalement aux services de police ou de gendarmerie, à ce stade de la procédure pénale, la justice n’a pas encore statué sur l’affaire en cause. Il est donc difficile de déterminer si l’étranger qui allègue être victime des infractions visées possède bien cette qualité et si les faits allégués sont avérés ou non. Dans ces conditions, prévoir une délivrance automatique, découlant du simple dépôt de la plainte, du témoignage ou du signalement, n’était pas approprié. Une compétence discrétionnaire, exercée par les préfets à partir notamment des informations dont disposent les services de police et de gendarmerie qui ont auditionné la victime présumée, répond mieux à la situation. Une marge d’appréciation doit être ménagée à l’administration.
En second lieu, l’extension de la délivrance d’une carte de séjour temporaire (indépendamment du fait qu’elle soit de plein droit ou discrétionnaire) aux étrangers ayant effectué un simple signalement aux services de police et de gendarmerie aurait conduit à affaiblir l’efficacité de la lutte contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains. Le dispositif prévu par l’article L. 316-1 du CESEDA, qui lie la délivrance d’une carte de séjour temporaire à la coopération de l’étranger avec la justice, est un instrument particulièrement utile pour démanteler ces réseaux. L’action de la justice doit en effet s’appuyer sur des plaintes et sur des témoignages pour conduire à des condamnations. Offrir un droit au séjour dans les mêmes conditions aux étrangers qui prennent le risque de déposer plainte ou de témoigner dans ces affaires qu’à ceux qui ne font qu’opérer un signalement aurait été fortement désincitatif pour les premiers. La modification proposée aurait donc été contre-productive dans la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme. Par ailleurs, d’un point de vue formel, la rédaction retenue (« signale aux services de police et de gendarmerie le fait d’être victime d’une telle infraction ») apparaissait juridiquement trop imprécise.
Cela ne signifie pas qu’un dispositif alternatif, qui permettrait aux victimes de la traite ou du proxénétisme qui n’osent pas témoigner ou déposer plainte, par peur des représailles en particulier, d’obtenir un titre de séjour, ne soit pas nécessaire. Il convie