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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 1788

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 février 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI, modifiée par le Sénat, tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition,

PAR M. Christian KERT,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1ère lecture  : 1189, 1385 et T.A. 219.

2ème lecture : 1689.

Sénat : 1ère lecture  : 35, 247, 248 et T.A. 58 (2013-2014).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

DISCUSSION GÉNÉRALE 9

EXAMEN DES ARTICLES 25

Article 1er (article 1er de la loi n° 81–766 du 10 août 1981 relative au prix du livre) : Encadrement des conditions de vente à distance des livres 25

Article 2 : Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance l’accord–cadre du 21 mars 2013 sur le contrat d’édition dans le secteur du livre à l’ère du numérique 28

TABLEAU COMPARATIF 35

ANNEXE 1 : ACCORD-CADRE SUR LE CONTRAT D’ÉDITION DANS LE SECTEUR DU LIVRE À L'ÈRE DU NUMÉRIQUE 37

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 47

INTRODUCTION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation est aujourd’hui saisie, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres.

Ce texte (1), déposé en juin 2013 par M. Christian Jacob et plusieurs membres du groupe UMP et dont le rapporteur était un des premiers cosignataires, a été discuté en première lecture dans le cadre d’une séance d’initiative parlementaire réservée au groupe UMP et adopté par l’Assemblée nationale le 3 octobre 2013. Enrichie par le Sénat, qui l’a adoptée le 8 janvier dernier, tout en modifiant son titre, la proposition de loi revient en deuxième lecture devant l’Assemblée nationale.

Elle comporte désormais deux articles : l’article premier, dont la rédaction a été légèrement modifiée par le Sénat, encadre les conditions de vente à distance des livres, tandis que l’article 2, introduit au Sénat sur l’initiative du Gouvernement, habilite ce dernier à transposer par ordonnance un accord–cadre conclu en mars 2013 par le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition sur le contrat d’édition dans le secteur du livre à l’ère du numérique. En conséquence, le Sénat a, là encore sur l’initiative du Gouvernement, modifié le titre de la proposition de loi pour le rendre plus conforme à son contenu (2).

Avant de présenter les dispositions du texte, le rapporteur tient à en souligner le caractère consensuel : adopté, à l’unanimité, par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat, il a fait l’objet – ce qui est rare s’agissant d’une proposition de loi émanant de l’opposition – d’amendements gouvernementaux. Le rapporteur se réjouit de ce large consensus sur tous les bancs, au service du livre, de la préservation de la diversité de la création et du maintien d’un réseau dense de librairies indépendantes sur tout le territoire. Ce texte doit en effet permettre de rétablir des conditions de concurrence un peu moins déloyales entre ces librairies et les grandes plateformes de vente de livres en ligne, qui octroient aujourd’hui à leurs clients des avantages commerciaux que ne peuvent se permettre de proposer les petites librairies.

L’encadrement des conditions de vente à distance des livres (article 1er) a pour objet de faire cesser le contournement dans la sphère numérique de l’esprit de la loi n° 81–766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang » : en limitant la concurrence par les prix et en obligeant les détaillants à fixer un prix de vente au public à un niveau compris entre 95 et 100 % du prix de vente fixé par l’éditeur, cette loi – adoptée à l’unanimité par les députés en 1981 – place les lecteurs à égalité devant le prix du livre, qui n’est pas un bien de consommation comme un autre. Cette loi a permis de protéger et de promouvoir un réseau de librairies indépendantes, et, partant, la diversité culturelle dans l’univers du livre « physique ».

Le rapporteur a déjà rappelé dans son rapport de première lecture (3) que la loi Lang trouvait son origine directe dans la concurrence que se livraient, au début des années 1970, les grandes surfaces, généralistes ou spécialisées, pour vendre les livres avec des rabais substantiels, au détriment des libraires indépendants et, à terme, de la diversité et de la richesse de la création culturelle : les livres à « rotation rapide » étaient en effet favorisés par rapport aux créations originales ou à des ouvrages jugés plus difficiles. La loi Lang est venue limiter la concurrence par les prix en obligeant éditeurs et importateurs à fixer un prix pour chaque ouvrage édité ou importé : ainsi, un même livre est vendu au même prix par tous les détaillants, quel que soit le lieu et quelle que soit la période de l’année concernés. Des remises pouvant aller jusqu’à 5 % de ce prix peuvent néanmoins être consenties par le détaillant.

L’objet de l’article 1er de la proposition est de transposer au commerce en ligne les principes établis par la loi Lang pour le commerce physique. La question est d’importance dans le contexte de l’essor du marché du livre sur Internet : le secteur observe une croissance constante depuis dix ans et, surtout, c’est le seul segment du marché du livre qui soit en progression, au détriment des librairies indépendantes, dont la rentabilité financière a été en moyenne divisée par trois en dix ans.

Les entreprises vendant des livres sur Internet pratiquent quasi-systématiquement la gratuité des frais de port sans minimum d’achat et cumulent bien souvent cet avantage avec la remise de 5 % ; poursuivant ainsi une stratégie privilégiant les volumes de ventes plutôt que la marge unitaire, leur politique aboutit à la dilution de la notion même de prix unique du livre. Il en résulte une distorsion caractérisée de concurrence avec les libraires indépendants qui ne peuvent se permettre d’accorder les mêmes avantages à leurs clients.

La position devenue dominante d’une grande plateforme de vente en ligne, qui détient 70 % des parts du marché de la vente en ligne des livres imprimés dans notre pays, doit faire prendre conscience de l’urgence qu’il y a à préciser les termes de la loi. Il en va du maintien d’un réseau de librairies sur le territoire, de la diversité culturelle et de la richesse de la production éditoriale dans notre pays, mais aussi de la défense des intérêts des créateurs, qui suppose que l’accès aux contenus ne soit pas, à terme, contrôlé par un petit nombre de plateformes internationales qui seraient mises en mesure d’imposer leurs conditions.

Par ailleurs, lors de l’examen de la proposition de loi en première lecture par le Sénat, le Gouvernement a présenté un amendement tendant l’autoriser, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à modifier les articles relatifs au contrat d’édition contenus dans la partie législative du code de la propriété intellectuelle en conséquence de la signature le 21 mars 2013 d’un accord–cadre entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition sur le contrat d’édition dans le secteur du livre à l’ère du numérique.

Cet amendement, devenu l’article 2 de la proposition de loi, encadre le contenu de l’habilitation, limite le délai de publication de l’ordonnance dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi et précise qu’un projet de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de cette ordonnance.

Ce nouvel article poursuit, comme l’article 1er, l’objectif d’adapter le marché du livre et les conditions de sa commercialisation à l’univers numérique.

*

* *

TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du 12 février 2014, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition (n° 1689).

M. le président Patrick Bloche. Je vous rappelle que nous avons adopté à l’unanimité le 3 octobre 2013, dans le cadre d’une séance réservée au groupe UMP, la proposition de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui en deuxième lecture. Les conditions de son adoption témoignent de notre capacité à nous rassembler lorsque l’intérêt général est en jeu. Je tenais à saluer notre bonne intelligence collective dont le consensus sur la proposition de résolution relative au respect de l’exception culturelle, comme celui sur la proposition de loi tendant à harmoniser les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne, sont d’autres exemples.

Le texte a ensuite été adopté le 8 janvier dernier par le Sénat, qui l’a enrichi d’un article 2 habilitant le Gouvernement à transcrire par ordonnance dans le code de la propriété intellectuelle l’accord-cadre signé en mars 2013 par le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national des éditeurs sur le contrat d’édition à l’ère numérique. Afin d’accepter avec autant de légèreté que possible et une bonne conscience relative ce dessaisissement de la représentation nationale que nous ne goûtons guère, je rappelle que les dispositions très précises de l’accord appellent une transposition fidèle et rapide pour mieux armer les éditeurs et les auteurs français face au développement du livre numérique.

M. Christian Kert, rapporteur. Je me réjouis du consensus qui entoure cette proposition de loi, au service du livre, de la préservation de la diversité de la création et du maintien d’un réseau dense de librairies indépendantes sur tout le territoire. Ce texte doit en effet permettre de rétablir des conditions de concurrence un peu moins déloyales entre ces librairies et les grandes plateformes de vente de livres en ligne, qui octroient aujourd’hui à leurs clients des avantages commerciaux que ne peuvent se permettre de proposer les petites librairies.

À l’issue de son examen par le Sénat, le texte comporte désormais deux articles.

L’article 1er, dont la rédaction a été légèrement modifiée par le Sénat, encadre les conditions de vente à distance des livres, afin de faire cesser le contournement, que nous avons dénoncé, de l’esprit de la loi Lang du 10 août 1981 relative au prix du livre.

La question est d’importance car l’essor du marché du livre sur Internet se fait hélas au détriment des librairies indépendantes, dont la rentabilité financière a été en moyenne divisée par trois en dix ans.

Les entreprises vendant des livres sur Internet pratiquent de façon quasi systématique la gratuité des frais de port sans minimum d’achat et cumulent bien souvent cet avantage avec la remise de 5 %. Dictée par une stratégie privilégiant les volumes de ventes plutôt que la marge unitaire, leur politique aboutit à la dilution de la notion même de prix unique du livre. Il en résulte une distorsion caractérisée de concurrence avec les libraires indépendants, qui ne peuvent se permettre d’accorder les mêmes avantages à leurs clients.

La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, à la suite de l’adoption en séance publique d’un amendement du Gouvernement, vise à interdire le cumul des deux avantages commerciaux que sont le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port, en précisant que, « lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur » et que « le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit ».

Au Sénat, Mme Bariza Khiari, rapporteure pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, a estimé que le dispositif demeurait incomplet s’agissant de la livraison car, dans cette rédaction, elle pouvait continuer d’être proposée gratuitement. Le Sénat a donc modifié le texte afin d’indiquer que le service de livraison ne peut être offert à titre gratuit.

En séance publique, le Sénat a par ailleurs adopté un amendement présenté par M. Jacques Legendre visant à reporter la date d’entrée en vigueur de l’article 1er de trois mois à compter de la publication de la loi, ce report étant destiné à rendre possibles les adaptations techniques nécessaires, notamment la modification des logiciels de facturation des plateformes de vente en ligne.

Je souscris à la précision de la non-gratuité des frais de port, qui est pleinement conforme à l’objectif poursuivi par la proposition de loi initiale. Pour ce qui est du report de l’entrée en vigueur, on peut estimer de bonne pratique de laisser le temps aux opérateurs de s’adapter au nouveau cadre législatif.

L’article 2 a, quant à lui, été introduit au Sénat à l’initiative du Gouvernement. Il habilite ce dernier à transposer par ordonnance un accord-cadre sur le contrat d’édition à l’ère du numérique qui a été conclu en mars 2013 par le Conseil permanent des écrivains, qui rassemble l’ensemble des organisations représentant les auteurs du livre, et le Syndicat national des éditeurs, organisation professionnelle des entreprises d’édition.

Il faut mesurer le caractère proprement historique de cet accord, qui marque l’aboutissement de près de quatre années de débats et d’âpres négociations entre le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains sur les conditions de cession et d’exploitation des droits numériques.

Le droit positif est en effet particulièrement peu adapté à l’ère numérique : que signifie, dans le monde du numérique, « fabriquer en nombre des exemplaires » d’une œuvre ? Quelle est la portée de l’obligation d’« exploitation permanente et suivie » de l’œuvre ? Il est donc urgent d’adapter la définition que le code de la propriété intellectuelle donne du contrat d’édition.

Je vous présente brièvement les quatre principales dispositions de l’accord.

Premièrement, l’accord fait obligation au contrat d’édition de prévoir une partie distincte regroupant toutes les dispositions concernant l’exploitation numérique de l’œuvre. La solution de deux contrats séparés, initialement soutenue par les auteurs, n’a finalement pas été retenue, au nom de la logique d’exploitation globale, imprimée et numérique, de l’œuvre. La séparation en deux parties permet néanmoins de reconnaître que les deux types de droits sont distincts, la résiliation de l’une des parties du contrat ne devant pas remettre en cause la validité de l’autre partie.

Deuxièmement, auteurs et éditeurs se sont accordés sur une définition des critères permettant d’apprécier l’obligation aujourd’hui faite à l’éditeur d’une « exploitation permanente et suivie » de l’œuvre, tant dans l’imprimé que pour le numérique, obligation dont le non-respect permettra à l’auteur de recouvrer de plein droit ses droits d’exploitation.

Troisièmement, le code de la propriété intellectuelle devra préciser que le contrat d’édition comporte obligatoirement une clause permettant à l’auteur ou à l’éditeur de demander la renégociation des termes économiques du contrat avant son échéance.

Enfin, l’accord prévoit également que l’éditeur devra, au moins une fois par an et pendant toute la durée du contrat, adresser à l’auteur une reddition de comptes. Le non-respect de cette obligation par l’éditeur autorisera l’auteur à résilier de plein droit l’ensemble du contrat.

En application de l’article 2 de la proposition de loi, le Gouvernement sera autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à modifier les articles relatifs au contrat d’édition contenus dans la partie législative du code de la propriété intellectuelle afin de tirer les conséquences juridiques de la signature de cet accord.

Pourquoi une ordonnance ? Je ne suis pas plus enthousiaste que vous, mais le réalisme commande de se ranger aux arguments avancés.

Au Sénat, la ministre de la culture et de la communication a fait valoir que l’accord nécessite une transcription législative rapide et que le Gouvernement n’a pas trouvé d’autre support législatif depuis sa signature, il y a bientôt un an.

Les auditions que j’ai moi-même menées ont confirmé l’urgence à modifier le code de la propriété intellectuelle. Dans l’attente d’une telle modification, l’application des termes de l’accord n’a guère été anticipée. Près d’un an après la signature, il serait, aux yeux des signataires eux-mêmes, très périlleux d’attendre davantage et de prendre le risque de laisser retomber la dynamique favorable dont procède l’accord.

Le champ de l’habilitation est circonscrit à l’adaptation des dispositions législatives du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition aux termes de l’accord, souvent très précis. Le Gouvernement dispose donc d’une marge de manœuvre limitée pour l’écriture de l’ordonnance.

Le Gouvernement est en outre contraint dans le temps : l’article 2 fixe pour la publication de l’ordonnance un délai de six mois suivant la promulgation de la loi et précise qu’un projet de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance. Ce nouvel article poursuit, comme l’article 1er, l’objectif d’adapter le marché du livre et les conditions de sa commercialisation à l’univers numérique.

Dans ces conditions, et alors que, par principe, aucun de nous n’est favorable au dessaisissement des parlementaires de leur pouvoir de voter la loi
– d’autant qu’en l’espèce, elle est paradoxalement d’initiative parlementaire –, je me range aux arguments exposés par les signataires de l’accord et vous invite à adopter cet article sans modification, comme l’ensemble de la proposition de loi.

M. Pierre Léautey. En octobre dernier, notre commission avait richement échangé sur ce sujet important qu’est le livre, objet à part, symbole du savoir et de la connaissance mais aussi promesse républicaine d’émancipation. Le contexte actuel nous le rappelle quotidiennement, quand des commandos menacent la liberté d’accès à la lecture dans les bibliothèques.

Au-delà des clivages et avec le soutien de la ministre, nous avions manifesté un accord unanime pour pérenniser, à l’heure du numérique, le dispositif du prix unique du livre. Nos débats avaient mis en lumière notre souci commun de soutenir les librairies face à la concurrence des sites de vente en ligne. Nous nous étions en effet retrouvés sur la nécessité de protéger la filière du livre dans sa diversité. J’avais souligné la richesse du secteur de la librairie indépendante, qui bénéficie d’un personnel très qualifié, connaisseur, expert et compétent. Dans nos territoires, elle est aujourd’hui un acteur essentiel de l’animation culturelle à travers l’organisation d’événements autour du livre et de rencontres avec les auteurs qui donnent le goût de lire et développent cette intimité si particulière entre le lecteur et le livre.

Or, ce sont ces réseaux historiques, ceux des librairies indépendantes, qui sont aujourd’hui menacés par la vitalité d’Internet et l’apparition de grands opérateurs marchands, capables d’offrir des références quasi illimitées et de livrer en un temps record.

Le consensus procédait aussi de la volonté de voir perdurer l’esprit rassembleur de la loi de 1981 : l’égalité des citoyens devant le livre et la garantie d’un livre vendu au même prix sur l’ensemble du territoire national ; le maintien d’un réseau de distribution, notamment dans les zones défavorisées ; le soutien au pluralisme dans la création et l’édition, en particulier pour les ouvrages difficiles.

Aussi, afin de rétablir les conditions d’une concurrence plus équitable entre les différents acteurs du marché du livre, avions-nous adopté un dispositif, amendé par le Gouvernement, visant à interdire le cumul des deux avantages commerciaux que sont le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port.

Nos collègues sénateurs ont estimé devoir compléter ce dispositif. La commission de la culture du Sénat a ainsi précisé que le service de livraison ne peut être offert à titre gratuit, dès lors que la commande n’est pas remise en magasin. Les ouvrages commandés en ligne ne pourront donc plus bénéficier de la gratuité des frais de port, qui pourront malgré tout rester symboliques.

Avec ce dispositif, nous cherchons à diminuer l’effet des rendements d’échelle dont bénéficient les grandes plateformes et nous envoyons indéniablement des signaux positifs à l’adresse des librairies en encourageant la vente physique.

Toutefois, le Gouvernement a souhaité aller encore plus loin. Avec l’article 2, la ministre entend répondre à une demande forte des acteurs du secteur du livre.

Alors que l’économie du livre est profondément bouleversée par la révolution numérique, l’adaptation du cadre légal apparaît indispensable. Le rapport remis en mai 2013 par M. Pierre Lescure évoque ainsi une rémunération des auteurs par les éditeurs, plus faible pour les livres numériques, compte tenu de la différence de prix. L’exploitation numérique du livre n’est pas anodine puisque, toujours selon le rapport Lescure, la France accuse un certain retard dans le développement de la lecture numérique. Il y a donc urgence à agir et à repenser notre modèle : c’est l’une des ambitions de la ministre de la culture.

Il convient désormais de transposer le plus rapidement possible dans notre droit l’accord-cadre signé le 21 mars 2013, salué par l’ensemble de la profession du livre, après plus de trois ans de négociations. Cet accord aménage les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition afin de les moderniser, de les rendre plus équilibrées et d’y intégrer la diffusion numérique des livres.

Auteurs et éditeurs attendent aujourd’hui la traduction rapide de cet accord dans la loi, d’autant que la signature de nombreux contrats y est aujourd’hui suspendue. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi de légiférer par ordonnance. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera ce texte.

Mme Annie Genevard. En déposant ce texte l’an dernier, le groupe UMP entendait apporter une solution concrète à la concurrence déloyale à laquelle certaines plateformes de vente en ligne se livrent sur le marché de la librairie, en offrant à leurs clients le double avantage du rabais de 5 % et de la gratuité du port. La ministre de la culture l’avait dénoncée. Avec cette proposition de loi, nous avons choisi d’apporter une réponse qui tardait à venir malgré l’urgence économique pour les librairies.

On ne peut que se réjouir du consensus entre toutes les sensibilités et entre les deux assemblées, même si des modifications ont été apportées par le Sénat et le Gouvernement.

L’enjeu est de taille. Des consommateurs ont certes protesté contre la fin de la gratuité du port. Mais, en sauvegardant un réseau de librairies indépendantes, la richesse éditoriale et l’emploi qui s’y rapporte, ce texte veille aussi aux intérêts du consommateur.

La possibilité ouverte au détaillant d’effecteur un rabais sur le tarif de livraison à hauteur de 5 % dans l’amendement proposé par le Gouvernement n’était pas lisible pour le consommateur et n’interdisait pas formellement la gratuité. Nous l’avions dit. La commission de la culture du Sénat ajoute une disposition qui a le mérite de la clarté en interdisant formellement la gratuité du service de livraison, conformément à l’objectif que notre groupe s’était fixé dans la proposition de loi initiale. Le détaillant reste néanmoins libre de déterminer le tarif qu’il souhaite appliquer.

Une autre disposition adoptée par le Sénat propose de ménager un délai de trois mois supplémentaire pour permettre les adaptations techniques nécessaires, notamment celle des logiciels de facturation.

Nous souscrivons à ces propositions et souhaitons donc voir adopter l’article 1er sans modification.

Le Gouvernement a, de manière cavalière, profité de l’examen au Sénat pour inclure dans le texte une habilitation à prendre une ordonnance rendant effectif l’accord-cadre sur le livre numérique signé le 21 mars 2013.

Bien que le recours aux ordonnances dessaisisse les députés de leur pouvoir législatif, notre groupe mesure l’importance de cet accord pour la profession, obtenu après plusieurs années de négociations entre auteurs et éditeurs. Celui-ci permet d’intégrer l’édition numérique dans le cadre légal du contrat d’édition en adaptant le code de la propriété intellectuelle à ces nouveaux usages. Il répond ainsi à l’urgence et à la demande des professionnels.

C’est au nom de cette urgence, signalée par tous, que notre groupe accepte la proposition de modification par ordonnance de la partie législative du code de la propriété intellectuelle.

Je souligne l’ironie de la situation qui voit le Gouvernement recourir aux ordonnances, en vertu desquelles les députés renoncent à leur pouvoir législatif, dans un texte d’initiative parlementaire. Curieuse conception de l’autonomie du Parlement, convenez-en ! Mais, parce que les postures ne sont pas de mise sur ce sujet et parce que l’utilité et la pertinence de notre texte sont renforcées, le groupe UMP votera sans modification la proposition de loi.

Mme Isabelle Attard. La proposition de loi qui nous est soumise en deuxième lecture ne comporte pas de changement notable en matière de vente de livres. En revanche, un second article y a été ajouté au Sénat, sans rapport avec le sujet initial, j’y reviendrai.

Je rappelle d’abord les nombreux oublis de cette proposition de loi.

Vous ne proposez pas de renforcer les moyens de contrôle juridique et financier des entreprises afin de surveiller les multinationales de la vente en ligne et d’éviter un manque à gagner de plusieurs centaines de millions d’euros pour les finances de l’État.

Vous ne proposez pas d’harmoniser la fiscalité européenne, alors que les multinationales ont fait du contournement des lois nationales un sport de haut niveau. Les paradis fiscaux, qu’ils soient européens ou plus lointains, ne sont pas inquiétés.

Vous ne proposez pas non plus de mieux contrôler le travail dans les entrepôts logistiques qui fleurissent partout en France. Qu’il s’agisse d’Amazon ou des nombreux drives de supermarchés, les conditions de travail des salariés dépendent du bon vouloir des employeurs, faute d’une inspection du travail suffisante. Heureusement, le projet de loi relatif à la formation professionnelle viendra y remédier… En fait, non ! Ce projet de loi contient lui aussi un cavalier législatif qui vient abîmer encore un peu plus l’inspection du travail. Monsieur le rapporteur, vous n’êtes malheureusement pas le seul à ne pas mettre en œuvre les mesures urgentes dont les salariés français ont besoin.

Je maintiens donc la conclusion à laquelle j’avais abouti en première lecture : votre proposition de loi, composée d’un unique article, ne peut prétendre changer en profondeur l’état du commerce du livre en France.

Certes, il est possible que certains acheteurs, grâce à la proposition de loi, passent par leur libraire plutôt que par des sites en ligne. Mais, pour l’immense part des achats qui ne peuvent pas avoir lieu localement, par manque de librairies ou par épuisement des stocks, votre texte ne fera qu’augmenter les marges des multinationales de la vente en ligne.

Dans le même temps, vous laissez Amazon et ses concurrents louer des droits d’accès à des livres numériques qu’ils qualifient de ventes. Il s’agit d’une escroquerie sémantique. Les clients se voient octroyer un droit à lire et non un fichier électronique. Il est urgent d’étudier comment mettre fin à ces systèmes fermés qui privent les clients de toute possibilité de sortie.

Je suis donc fort déçue que, en tant que grands défenseurs des libraires, vous n’ayez pas voté mon amendement au dernier projet de loi de finances. La vente de livres sous forme de fichier en format ouvert aurait alors bénéficié d’une TVA réduite, tandis que les systèmes fermés, comme ceux d’Amazon ou Apple, qui sont une prestation de service numérique, auraient été soumis à une TVA à taux normal.

Vous semblez sincèrement inquiets de l’avenir des librairies. Votre intention est louable tant les libraires sont indispensables à la diffusion de la culture. Mais vous auriez alors pu leur offrir un soutien financier ou légal plus marqué.

Je connais ainsi des libraires qui souffrent des conditions imposées par les grandes maisons d’édition. Commandes imposées, expéditions facturées à tort, livres abîmés mais non repris, les abus sont nombreux et avérés. Quelles sont vos propositions pour rétablir un équilibre entre les principales maisons d’édition, fortes de leur concentration, et la myriade de libraires indépendants ?

Enfin, le Gouvernement a souhaité obtenir le droit de légiférer par voie d’ordonnance à propos de l’accord-cadre sur le contrat d’édition à l’heure numérique, sur lequel je ne reviendrai pas puisqu’il me semble équilibré.

En revanche, la méthode me pose problème. La proposition de loi que nous avions étudiée n’a aucun rapport avec ce second article. Je peux comprendre qu’il soit urgent de légiférer à propos de cet accord-cadre, mais je désapprouve formellement ce procédé. Il constitue un manque de respect envers le rôle du Parlement.

Le Gouvernement nous a pourtant promis un projet de loi portant sur la création, prenant en compte la révolution numérique. Ce texte semblait le véhicule législatif idoine pour la transposition de l’accord. Faut-il comprendre que le Gouvernement, qui a déjà pris beaucoup de retard à ce sujet, compte encore repousser l’examen de ce projet de loi ?

En attendant une réponse à cette question et malgré mes nombreuses remarques, le groupe écologiste votera cette proposition de loi qui va dans le bon sens.

M. Rudy Salles. Mon collègue Yannick Favennec le disait lors de la discussion en première lecture de cette proposition de loi : « c’est un plaisir, rare dans cet hémicycle, que de voir une exception faire l’unanimité ».

Je veux parler de cette exception culturelle que nous défendons dans sa plus large acception, qui peut comprendre une certaine façon de vendre des livres dans ces écrins que sont les librairies.

Voilà pourquoi l’achat d’une œuvre de la pensée ne peut, quoiqu’on en dise, être anonyme. Voilà pourquoi le véritable accès à la culture ne peut pas être massif. Voilà pourquoi il n’est rien d’automatique dans cet acte si particulier qu’est l’achat d’un livre.

La discussion parlementaire a confirmé ce souci de culture qui nous anime. L’unanimité des groupes parlementaires me semble extrêmement importante. Permettez-moi d’adresser mes félicitations à notre rapporteur, aux présidents de commissions de la culture de l’Assemblée et du Sénat, ainsi qu’à l’ensemble de nos collègues parlementaires pour cette démonstration d’intelligence collective.

La question des frais de port des livres commandés sur Internet pose évidemment celle du dumping économique et social de la part d’acteurs surpuissants de la vente en ligne. Mais il ne s’agit pas seulement de la protection d’un réseau, celui des librairies indépendantes. Il s’agit en réalité d’un véritable choix de société.

On ne peut pas nier que les évolutions technologiques et comportementales ont modifié les méthodes de commercialisation des livres. Deux livres sur cinq sont vendus aujourd’hui dans les grandes surfaces alimentaires ou généralistes et dans les grandes surfaces consacrées à la culture. 24 % des ventes de livres sont réalisées dans les librairies indépendantes tandis que le commerce en ligne représente 15 %. La littérature n’est pas davantage inextricablement liée à son support physique et à des formes de distribution que ne l’était la musique.

Quant au rituel presque charnel de l’achat d’un livre, rien ne dit que Sony et Amazon ne finiront pas, un jour, par mettre au point une machine qui dégage des effluves d’encre fraîche et de papier neuf !

Plus prosaïquement, il faut avoir en tête que nous n’habitons pas tous à dix minutes d’une librairie, et que nous ne sommes pas tous urbains ou Parisiens ! Dans la vallée d’Aspe, ne verrait-on pas un intérêt particulier par exemple à l’installation de guichets de librairie virtuels ? Dans nombre de territoires, il n’existe pas d’autres moyens de se procurer un ouvrage que de recourir à des services de vente en ligne.

Pour autant, les réalités de l’instant ne sont pas une fatalité. Plus encore qu’un outil d’aménagement du territoire, les petites librairies sont un réseau de vie. Leur rôle majeur consiste à animer – au sens presque étymologique du terme – des territoires, mais aussi à défendre les petits éditeurs – il en existe huit mille en France – et, pour les plus importants d’entre eux, à évoquer tous les livres dont la télévision ne parle pas.

Quel est le sens profond de cette proposition de loi ? Tout simplement le refus du moins-disant culturel.

Quand nous évoquons les stratégies d’optimisation de ces grands groupes de distribution, de quoi parlons-nous ? D’une contradiction ontologique entre l’acte de culture présumé et ce qui le rend possible.

Ce qui le rend possible, c’est une tricherie fiscale. Selon la Fédération française des télécommunications, Google, Amazon, Facebook et Apple dégageraient entre 2,2 et 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France et n’acquitteraient que 4 millions d’euros par an en moyenne au titre de l’impôt sur les sociétés !

Ce qui le rend possible, c’est aussi une tricherie sociale et humaine. Il ne serait pas inutile de s’intéresser aux conditions de travail des salariés de ces entreprises, souvent maltraités et soumis à des cadences infernales.

Ce qui le rend possible, c’est enfin une tricherie d’intérêt général. Ce sont des aides publiques locales pour l’implantation d’immenses entrepôts, qui ont fiancé la création de 8 000 emplois tout au plus, à comparer aux 80 000 emplois du secteur de la librairie.

Cette proposition de loi apportera une petite bouffée d’oxygène aux librairies indépendantes. Mais ce courant d’air rafraîchissant ne sera pas nécessairement salvateur. Nous devons repenser la fiscalité de ces entreprises qui, établies dans des paradis fiscaux, échappent à la TVA comme à l’imposition des bénéfices. Nous devons également imaginer une fiscalité adaptée aux nouvelles formes de la création de valeur, notamment au travers de l’économie numérique.

Ultime question à se poser, peut-être : où est l’Union européenne ? La directive européenne permettant l’application de la TVA dans le pays de consommation d’ici à 2015 est un premier pas.

Il nous paraît indispensable que les librairies indépendantes prennent place sur le marché numérique du livre. Aujourd’hui, seulement 500 librairies participent à la vente en ligne. Nous sommes très loin du compte pour envisager de nouvelles complémentarités…

Cette proposition de loi recueille naturellement tout notre soutien. Mais elle appelle, selon nous, une mobilisation plus structurante et plus ambitieuse. Nos librairies recèlent une véritable utilité publique, qu’il nous faut préserver dans un monde en mouvement. C’est par notre capacité à traduire cette synthèse que nous parviendrons à faire la démonstration sincère et indubitable d’un choix collectif pour le maintien d’une exception culturelle dans nos territoires.

Mme Marie-George Buffet. Nous avons voté en première lecture en faveur de cette proposition de loi, qui tend à revenir à l’idée du prix unique du livre de 1981.

Comme l’a souligné le rapporteur, il s’agit de permettre une concurrence « un peu moins déloyale », montrant ainsi que nous sommes au début du chantier tendant à faire en sorte que les librairies indépendantes puissent continuer à jouer un rôle premier dans la diffusion du livre et les rapports aux lecteurs.

Le livre n’est pas une marchandise comme les autres. Je regardais hier soir les images douloureuses, mais pleines de solidarité, des salariés et des clients des librairies Chapitre qui doivent fermer, ainsi que des habitants des territoires concernés. Je souhaite que nous soutenions ces salariés de façon consensuelle.

Il est bon de parler positivement du livre au moment où on entend à la radio que des commandos auraient l’intention d’aller faire le tri dans les rayons jeunesse de certaines bibliothèques municipales. Mais quand on montre un livre à la télévision, on peut susciter ce genre de réaction, que je trouve grave. J’espère qu’on ne banalisera pas dans cette commission de pareils propos.

S’agissant de l’article 2, je comprends la nécessité de transposer l’accord-cadre du 21 mars 2013 dans le code de la propriété intellectuelle. Cet accord est très positif et a été salué par l’ensemble des acteurs du livre, mais je regrette que l’on recoure à l’ordonnance.

Nous avions le temps, depuis mars 2013, pour que le Gouvernement présente un bref projet de loi à cet effet. De fait, à l’approche des élections municipales, des textes pas si urgents et qui ne concernent que certaines catégories de personnes ont été inscrits à l’ordre du jour du Parlement. On invoque devant nous l’urgence et le fait que les signataires de l’accord nous pressent de recourir à l’ordonnance, mais nous entendrons ces mêmes arguments chaque fois que le Gouvernement usera d’un tel procédé et on répétera à nouveau que le calendrier parlementaire ne permet pas de faire autrement !

C’est la raison pour laquelle, après réflexion, je voterai peut-être en faveur de cette proposition de loi en séance publique, car elle va malgré tout dans le bon sens, mais en attendant, ce matin, je m’abstiendrai.

M. Jean-Pierre Allossery. Je voudrais tout d’abord souligner l’ensemble des actions entreprises par le Gouvernement dans le secteur de la chaîne du livre. Ces mesures illustrent la volonté de remettre au cœur du projet politique la vocation essentielle de la culture. Concernant le livre, il s’agit bien de garantir l’accès de tous à la lecture, ainsi que de promouvoir et d’accompagner les acteurs de cette filière en pleine mutation.

On peut citer, à ce titre, la création du Médiateur du livre, la baisse de la TVA sur le livre dès le 1er janvier 2013, ou le plan de soutien à la librairie indépendante, mis en œuvre depuis le début d’année et doté d’un montant exceptionnel de 18 millions d’euros. Toutes ces mesures, conséquentes et inédites, montrent cette volonté de garantir au livre toute sa place dans le paysage culturel.

Cette proposition de loi nous rappelle à quel point ce secteur évolue. Le cadre législatif doit accompagner cette mutation avec force : nous devons mettre fin aux inégalités de traitement et abolir les discriminations qui se sont creusées avec les évolutions numériques et technologiques.

Depuis des années, les plus de 3 000 libraires indépendants dénoncent la concurrence déloyale du secteur de la vente en ligne. Ce texte vise enfin à rétablir les conditions d’une concurrence équitable. C’est une avancée supplémentaire pour préserver l’ensemble de l’écosystème du livre jusqu’au lieu de vie et de partage que représentent aussi les librairies dans nos villes.

Parallèlement, ce texte vise à adapter et à étendre les règles du contrat d’édition à l’édition numérique, ce qui montre à quel point il s’inscrit dans le cadre du changement. Il se traduit par la modernisation attendue de la politique culturelle gouvernementale ainsi que par un véritable progrès.

M. Frédéric Reiss. Je rends hommage à la qualité du travail du rapporteur et à son opiniâtreté à défendre cette proposition de loi du groupe UMP.

Les enjeux de la vente à distance des livres après la révolution numérique sont effectivement énormes. Si le législateur ne s’était saisi du sujet, les dégâts que nous pouvons constater s’agissant des libraires indépendants auraient sans doute été plus grands, au risque de devenir irréversibles.

La rédaction de l’article 1er, issue du Sénat, semble satisfaisante pour éviter au maximum les problèmes de concurrence déloyale et préserver la richesse que représente le réseau des libraires indépendants.

Au travers de l’article 2 proposé par le Gouvernement, nous allons, en tant que parlementaires, nous résigner à avaler des couleuvres, mais je souscris à la sagesse du rapporteur, qui a souligné l’urgence à transcrire dans le code de la propriété intellectuelle les dispositions de nature législative contenues dans l’accord historique entre auteurs et éditeurs.

Je voterai donc en faveur de ce texte.

M. Stéphane Travert. Je souhaite aussi saluer le travail du rapporteur et celui réalisé par les deux chambres, permettant l’encadrement des conditions de la vente à distance des livres, et, plus largement, le consensus obtenu en vue d’accompagner le secteur du livre au regard de nouvelles exigences de compétitivité et de services.

Le développement de la vente en ligne, notamment par des enseignes dont l’assise financière est considérable, constitue une concurrence imbattable pour les libraires en l’état de notre législation. Il nous revient de protéger les librairies, tant au nom de notre patrimoine que de notre modèle social.

Je salue à cet égard la souplesse du dispositif employé, qui a permis à la fois la consultation et la concertation avec les professionnels du secteur et augure efficacité et adaptation pour le secteur dynamique et créatif que nous appelons de nos vœux.

Les Français ont un profond attachement à la création littéraire, mais aussi à sa distribution. Les librairies sont des espaces de vente particuliers, que nous voulons tous protéger d’une concurrence féroce et anarchique. Cela nous a amenés à montrer de manière unanime le soutien que nous leur apportons.

Du Moyen-âge à nos jours, l’écriture, l’édition et la distribution de livres ont toujours accompagné les révolutions culturelles. Je me réjouis de pouvoir dire que nous allons accompagner le monde du livre dans la révolution Internet. Quelles pourraient être à cet égard, parallèlement à cette proposition de loi, les mesures à mettre en place dans le cadre du plan d’aide aux librairies indépendantes, destiné à inciter et soutenir celles-ci dans l’exploitation d’Internet à des fins commerciales ?

M. Claude Sturni. Je voudrais également saluer la convergence de vue des différents groupes sur ce texte, ainsi que la qualité du travail et l’opiniâtreté du rapporteur.

Ce texte replace les librairies, qui sont souvent des points d’accès à la culture dans des territoires fragilisés, dans une concurrence assainie, alors qu’elles doivent se battre contre des multinationales de la vente en ligne, de la logistique ou du numérique.

Je me réjouis que cette proposition du groupe UMP ait pu conduire à une adoption de l’Assemblée nationale et du Sénat avec le soutien du Gouvernement, mais elle ne saurait remettre en cause la dynamique des services et des offres commerciales en ligne, qui constitue une mutation profonde. Beaucoup de consommateurs ont recours à ceux-ci car ils pallient des faiblesses dans l’aménagement du territoire. J’espère que nous aurons l’occasion d’y revenir.

Mme Colette Langlade. Les mutations de l’industrie du livre sont très profondes : elles tiennent au numérique et à la vente à distance, qui sont le seul domaine à progresser. Parmi tous les secteurs de la distribution, la librairie est le commerce de détail le moins rentable, avec les marges les plus faibles.

Ce texte doit permettre des conditions de concurrence un peu moins déloyales entre les libraires et les grandes plateformes de vente de livres en ligne. Monsieur le rapporteur, les représentants du Conseil permanent des écrivains et du Syndicat national de l’édition que vous avez entendus ont souligné l’urgence de transcrire dans le code de la propriété intellectuelle les dispositions législatives contenues dans l’accord : pouvez-vous nous en préciser les motifs avant que le dynamisme favorable dont procède celui-ci ne retombe ?

M. Hervé Féron. Les librairies restent en effet le commerce de détail le moins rentable et où les marges sont les plus faibles : beaucoup connaissent donc des difficultés.

Par ailleurs, leur activité ne se limite pas à la vente de livres : elles assurent une présence culturelle sur le territoire et la diversité de la production littéraire. Il convient par conséquent de soutenir ce commerce de proximité face aux sites de vente en ligne. Les librairies indépendantes ont hâte que la concurrence sur le marché du livre, qui représente un secteur économique non négligeable, s’équilibre.

Cependant, ces sites pourront librement fixer leur tarif d’expédition. Rien n’interdirait par exemple à Amazon de les fixer à seulement un centime : comment lutter contre cela ?

Interrogée par l’AFP, la FNAC a estimé de son côté que la distorsion de concurrence avec Amazon était avant tout fiscale et que ce texte aurait pour effet de renchérir le prix des livres. Quel est votre avis à ce sujet ? Quelles seront les conséquences du dispositif proposé pour la FNAC, qui livre aussi gratuitement ce type de biens ?

Mme Françoise Dumas. Ce texte a pour ambition de remédier à une pratique jugée déloyale par les librairies traditionnelles et de rétablir les conditions d’une concurrence équitable entre les acteurs du secteur.

Au-delà de la volonté de transposer les principes établis pour le commerce physique au commerce en ligne, il participe également à la préservation du réseau de libraires indépendants, qui font l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics, notamment au travers du plan en faveur de la librairie indépendante présenté par la ministre de la culture en mars dernier, qui prévoit la création d’un fonds de trésorerie de plus de 9 millions d’euros.

Mais il conviendra de rester vigilant sur l’application des dispositions, afin de prévenir au mieux de possibles contournements, notamment s’agissant de la fixation effective des frais de livraison demandés par les plateformes de vente à distance. Nous devons cela à aux libraires de proximité, qui font toute la richesse humaine et la diversité commerciale de nos villes et témoignent ainsi d’un art de vivre à la française.

Reste que ce texte constitue un signal positif à leur égard.

M. le rapporteur. Je remercie l’ensemble des intervenants pour leur appui à ce texte et à la librairie indépendante.

Madame Attard, cette proposition de loi tendait à répondre en urgence à une préoccupation spécifique. Mais nous pourrions profiter du projet de loi sur la création pour mener une réflexion plus approfondie et faire d’autres propositions sur l’ensemble de la chaîne du livre.

La plupart des distributeurs se plaignent effectivement de voir arriver une masse excessive de titres. Il est cependant difficile de reprocher aux éditeurs de publier, même si beaucoup de libraires indépendants nous disent ne pas parvenir à faire face au flot de publications, certaines d’entre elles restant dans les cartons et repartant chez les éditeurs. Ce point devra être repensé.

Monsieur Salles, au-delà de la Vallée d’Aspe, vous auriez pu évoquer l’exemple de la librairie de Banon, petite commune perdue des Alpes-de-Haute-Provence. Dans ce village, seule la librairie marche : le succès a été tel que son propriétaire a successivement acheté cinq maisons pour la développer. Mais lorsqu’il a créé un service de vente par Internet pour concurrencer Amazon, cela lui a coûté très cher. Sa librairie est maintenant en grand danger et il est obligé de lancer une souscription pour la sauver. Cela doit nous conduire à réfléchir à un meilleur équilibre entre les acteurs du secteur.

Concernant l’urgence à transposer l’accord-cadre dans la loi, il semblerait qu’au bout de quatre ans de débat et un an après la signature de cet accord, la situation commence déjà à évoluer ; si on ne fait rien, on risque de réouvrir le débat, ce qui conduirait à nouveau à de longs mois de négociations, comme le craignent écrivains et éditeurs.

Monsieur Féron, grâce à la modification introduite par le Sénat, la gratuité de la livraison sera interdite. Sur la question fiscale, le débat doit être porté au niveau européen : la lutte contre l’évasion fiscale permise par des montages complexes s’appuyant sur des différences juridiques entre les États membres de l’Union européenne soulève en effet un véritable problème. Je propose de l’aborder dans le cadre du projet de loi sur la création.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(article 1er de la loi n° 81–766 du 10 août 1981 relative au prix du livre)

Encadrement des conditions de vente à distance des livres

Cet article, qui constituait l’article unique de la proposition de loi initiale, a été successivement réécrit par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat. À l’issue de ces deux lectures, la rédaction apparaît techniquement plus conforme à l’intention première des initiateurs du texte.

1. L’accord unanime des deux assemblées sur la nécessité d’adapter les termes de la loi du 10 août 1981 à la vente des livres en ligne

En l’état actuel du droit, l’article 1er de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre dispose que tout éditeur ou importateur doit fixer, pour chaque ouvrage, un prix de vente au public, tenu d’être respecté par les détaillants, quels qu’ils soient.

Il prévoit toutefois que le commerçant peut appliquer à ce prix une remise maximum de 5 %, ce pourcentage pouvant, en application de l’article 3 de la loi, être porté à 9 % pour des achats réalisés par les collectivités publiques, entreprises, bibliothèques ou encore établissements d’enseignement.

Le troisième alinéa de l’article 1er de la loi précise que, en dehors des commandes d’ouvrages à l’unité non disponibles en magasin, qui doivent demeurer un service gratuit au client, les détaillants peuvent pratiquer un prix plus élevé que celui fixé par l’éditeur ou par l’importateur, dès lors qu’ils offrent des prestations supplémentaires exceptionnelles à la demande de l’acheteur, dont le coût à fait l’objet d’un accord préalable : cet alinéa dispose que « le détaillant peut ajouter au prix effectif de vente au public qu’il pratique les frais de rémunération correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles expressément réclamées par l’acheteur et dont le coût a fait l’objet d’un accord préalable ». La livraison à domicile fait partie de ces prestations supplémentaires exceptionnelles justifiant, à titre dérogatoire, le paiement par le client d’un prix excédant le prix fixé par l’éditeur.

Si on transpose ce raisonnement à la vente en ligne, la loi de 1981 exige, dans son esprit si ce n’est dans sa lettre, que l’ouvrage commandé par un client puisse être rendu disponible gratuitement pour un retrait en point de vente ou en « point relais », mais que toute autre prestation demandée par le client, telle la livraison à domicile, soit mise à sa charge ; le coût de la prestation s’ajoute au prix de vente du livre, le cas échéant réduit d’un rabais pouvant aller jusqu’à 5 %.

L’intention des auteurs de la proposition de loi était de clarifier les termes de la loi de 1981 qui actuellement autorisent, du fait de l’ambiguïté du verbe « pouvoir » la systématisation, par certaines plateformes, du double avantage offert au client, qui bénéficie de la remise légale de 5 % et de la gratuité de la livraison. Si la rédaction initialement proposée a été par la suite modifiée, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, les débats au sein des deux assemblées ont illustré le souci commun à l’ensemble des groupes politiques, partagé par le Gouvernement, de soutenir les librairies indépendantes en rétablissant les conditions d’un exercice plus équilibré de la concurrence sur le marché du livre.

2. À l’issue de la première lecture par chaque chambre, la rédaction du présent article a été sensiblement améliorée

Les auteurs de la proposition de loi initiale avaient envisagé de compléter l’article 1er de la loi du 10 août 1981 par un alinéa disposant que la prestation de livraison à domicile ne peut être incluse dans le prix du livre tel que fixé par l’éditeur ou par l’importateur. Le seul avantage autorisé dans le cadre de la vente en ligne aurait ainsi été constitué par le rabais de 5 %.

Soutenant les mêmes objectifs, mais estimant le dispositif ainsi proposé trop peu ambitieux au regard des enjeux auxquels est confronté le monde du livre, la commission des affaires culturelles et de l’éducation avait décidé de ne pas adopter de conclusions sur le texte proposé, qui avait donc été examiné en séance publique dans sa version initiale. Le rapporteur a regretté un tel choix, d’autant qu’il proposait par amendement (4) d’améliorer la rédaction du dispositif dès l’examen en commission afin de le rendre plus effectif.

En séance publique, c’est finalement un amendement du Gouvernement qui a été adopté à l’unanimité : complétant le quatrième alinéa de l’article 1er de la loi du 10 août 1981, la rédaction ainsi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture visait à interdire le cumul des deux avantages commerciaux que sont le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port, en précisant que, « lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur » et que « le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit ».

En application de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, les livres commandés en ligne et livrés à domicile ne peuvent plus bénéficier directement de la ristourne légale, contrairement aux livres vendus en librairie, ce qui autorise par conséquent la vente physique d’un livre à un prix moins élevé que sa vente en ligne ; en revanche, cette rédaction ne prévoyait pas, contrairement à la proposition de loi initiale, d’interdire la gratuité des frais de port, lui préférant la possibilité donnée au vendeur d’appliquer sur ses frais de livraison une réduction équivalente à 5 % du prix du livre acquis dans le cadre de la transaction (5).

Mme Bariza Khiari, rapporteure pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, a estimé que le texte adopté par l’Assemblée nationale ne répondait qu’en partie à l’objectif poursuivi consistant à rétablir des conditions plus équitables d’exercice de la concurrence sur le marché du livre. Elle a jugé que le dispositif demeurait incomplet s’agissant de la livraison et des frais de port, qui, en vertu de cette rédaction, pourraient continuer d’être proposés à titre gratuit par les plus grands groupes et plateformes de vente. Elle a par conséquent proposé, par un amendement qui a été adopté par la commission, de compléter le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, afin d’indiquer que le service de livraison ne peut être offert à titre gratuit. Sans méconnaître les limites d’un tel dispositif, les coûts qui seront facturés par les grandes plateformes ayant toute chance d’être bien plus réduits que ceux que pourraient demander de plus petites enseignes, la rapporteure a estimé que l’interdiction de la gratuité de ceux-ci « permettrait à tout le moins de supprimer l’argument commercial du « zéro frais de port » affiché par certaines plateformes et d’offrir l’espoir que le consommateur s’oriente vers d’autres sites de vente de livres ». À ses yeux, l’interdiction de la gratuité de la livraison aura un effet psychologique sur le consommateur, et, partant, des conséquences positives sur le rééquilibrage de l’environnement concurrentiel du marché du livre en ligne.

En séance publique, le Sénat a par ailleurs adopté un amendement présenté par M. Jacques Legendre et d’autres sénateurs du groupe UMP visant à reporter la date d’entrée en vigueur de la loi de trois mois à compter de sa publication (II de l’article). Ce report est destiné à rendre possibles les adaptations techniques qui seront nécessaires, notamment la modification des logiciels de facturation des plateformes de vente en ligne.

Le rapporteur ne peut que souscrire à la première précision ajoutée par le Sénat, qui est pleinement conforme à l’objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi initiale. Pour ce qui est de la seconde, il estime également préférable de laisser le temps aux opérateurs de s’adapter au nouveau cadre législatif. Il vous propose donc d’adopter cet article sans modification.

*

La Commission adopte l’article sans modification.

Article 2
Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance
l’accord–cadre du 21 mars 2013 sur le contrat d’édition
dans le secteur du livre à l’ère du numérique

Cet article est issu de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement du Gouvernement tendant à autoriser ce dernier à modifier par ordonnance la partie législative du code de la propriété intellectuelle afin de transposer l’accord–cadre sur le contrat d’édition dans le secteur du livre à l’ère du numérique, qui a été signé le 21 mars 2013 par le Conseil permanent des écrivains, qui rassemble l’ensemble des organisations représentant les auteurs du livre, et le Syndicat national des éditeurs, organisation professionnelle des entreprises d’édition.

1. Les limites, à l’ère du numérique, du droit aujourd’hui applicable au contrat d’édition

C’est l’article L. 132–1 du code la propriété intellectuelle qui définit le contrat d’édition : il s’agit du « contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion ».

En vertu du contrat d’édition, l’éditeur, cessionnaire des droits de l’auteur, jouit de toutes les prérogatives nécessaires à l’édition de l’œuvre, c’est-à-dire du droit de reproduction, du droit de représentation, mais aussi du droit d’adaptation ; en application de l’article L. 132–8 du code précité, les droits cédés le sont, sauf convention contraire, à titre exclusif.

En contrepartie de la cession des droits, l’éditeur est tenu au respect de certaines obligations : il est, en application de l’article L. 131–12 du même code, « tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession ». Il doit également rendre compte à l’auteur et lui présenter, au moins une fois par an, sauf modalités spéciales prévues au contrat, un état mentionnant le nombre d’exemplaires édités, vendus et restant en stock. Il est tenu de fournir à l’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes (cf. article L. 131–14 du même code).

Le droit positif est particulièrement peu adapté à l’ère numérique : que signifie ainsi, dans ce cadre, « fabriquer en nombre des exemplaires » d’une œuvre ? Quelle est la portée de l’obligation d’« exploitation permanente et suivie » de l’œuvre ? Ces limites ont été tout particulièrement mises en exergue par le rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » remis par M. Pierre Lescure au Président de la République en mai 2013 (6) : si la révolution numérique constitue aux yeux de l’auteur « une opportunité évidente » pour l’exploitation des œuvres culturelles dans leur ensemble, en offrant un espace d’exposition des œuvres quasi–illimité et des coûts de stockage très faibles, le numérique « oblige à interroger les notions classiques du droit de la propriété intellectuelle, et notamment celle d’obligation d’exploitation » et à engager « une réflexion sur les conditions d’exploitation des œuvres à l’ère numérique et, le cas échéant, d’apporter au code de la propriété intellectuelle et aux codes des usages les adaptations nécessaires ». À cette aune, M. Pierre Lescure a estimé que l’accord–cadre signé par les acteurs de l’édition littéraire devait être pris comme modèle par les autres secteurs.

2. La signature d’un accord historique entre auteurs et éditeurs

L’accord–cadre signé le 21 mars 2013 marque l’aboutissement de près de quatre années de débats entre le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains sur les conditions de cession et d’exploitation des droits numériques. Devant l’échec des négociations bilatérales, M. Frédéric Mitterrand alors ministre de la culture et de la communication avait, en juillet 2011, confié au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) une mission de réflexion sur l’adaptation du contrat d’édition à l’ère numérique ; les travaux de la commission spécialisée alors créée sous l’égide du CSPLA et présidée par le professeur Pierre Sirinelli ne purent cependant pleinement aboutir, du fait de la persistance de certains désaccords entre auteurs et éditeurs. Une nouvelle dynamique a été impulsée sous l’égide de Mme Aurélie Filippetti à son arrivée rue de Valois : M. Pierre Sirinelli a été chargé de reprendre son travail de médiation entre auteurs et éditeurs, en dehors du cadre du CSPLA. Les discussions ont finalement abouti à un accord historique signé le 21 mars 2013 par le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains.

Compte tenu du caractère évolutif des technologies, les parties à l’accord ont fait le choix de la souplesse, invitant le législateur à fixer les grands principes dans la partie législative du code de la propriété intellectuelle et à renvoyer les modalités d’application plus précises à un « code des usages », qui aura vocation à être rendu obligatoire par arrêté ministériel.

Les principales clauses de l’accord-cadre sont présentées dans l’encadré ci–après ; le texte de l’accord lui-même figure en annexe 1.

Les principales clauses de l’accord–cadre relatif au contrat d’édition
à l’ère du numérique, signé le 21 mars 2013 par le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national des éditeurs

Une définition du contrat d’édition élargie à l’univers numérique

La définition actuelle du contrat d’édition fixée à l’article L. 132–1 du code de la propriété intellectuelle, dont les notions, telle celle d’«exemplaires », sont bien adaptées au livre imprimé, devra être adaptée afin de mieux correspondre aux exigences induites par l’avènement du livre numérique.

Un contrat d’édition unique mais composé de deux parties distinctes

L’accord fait obligation au contrat d’édition de prévoir une partie distincte regroupant toutes les dispositions concernant l’exploitation numérique de l’œuvre. La solution de deux contrats séparés, initialement soutenue par les auteurs, n’a finalement pas été retenue, au nom de la logique d’exploitation globale, imprimée et numérique, de l’œuvre ; la distinction de deux parties permet néanmoins de reconnaître que les deux types de droits sont distincts, la résiliation de l’une des parties du contrat ne devant pas remettre en cause la validité de l’autre partie.

Le bon à diffuser numérique

Le code des usages devra préciser dans quel cas un « bon à diffuser numérique » sera nécessaire, le bon à tirer pour le livre imprimé ne valant que pour le livre numérique homothétique. La version numérique d’un livre imprimé contenant des illustrations et les versions numériques enrichies ou modifiées devront, en application de l’accord, faire l’objet d’un bon à tirer numérique distinct.

L’obligation de publication de l’œuvre sous forme numérique

Le code des usages devra fixer les modalités relatives à l’obligation de l’éditeur de publier l’œuvre sous forme numérique : l’œuvre devra être publiée dans un délai de quinze mois à compter de la remise de l’œuvre par l’auteur ou dans un délai de trois ans à compter de la signature du contrat d’édition, cette disposition ne devant pas avoir pour effet d’obliger l’éditeur à publier l’œuvre sous une forme numérique avant sa parution sous forme imprimée.

À défaut de publication dans ces délais, l’auteur disposera d’une faculté de résiliation du contrat et pourra ainsi recouvrer de plein droit ses droits d’exploitation numérique à l’issue, soit d’une mise en demeure de l’éditeur de publier l’œuvre numériquement dans un délai de trois mois, soit, si un long délai s’est écoulé, sur simple notification adressée à l’éditeur.

L’obligation de l’exploitation permanente et suivie de l’œuvre sous forme numérique

Les parties se sont accordées sur une définition des critères permettant d’apprécier l’obligation aujourd’hui faite à l’éditeur d’« exploitation permanente et suivie » de l’œuvre, tant dans l’imprimé que pour le numérique.

Le non–respect de cette obligation permettra à l’auteur de recouvrer de plein droit ses droits d’exploitation.

La rémunération de l’auteur

Le code de la propriété intellectuelle devra prévoir que le contrat d’édition fixe au profit de l’auteur une rémunération sur l’ensemble des recettes provenant de la commercialisation et de la diffusion numériques de l’œuvre. Toute clause excluant a priori une source de revenu est nulle et non avenue. Les modèles économiques fondés sur la gratuité (notamment par la publicité) ne doivent pas exclure une rémunération pour l’auteur.

Dans les cas où le modèle ne prévoit pas de prix de vente à l’unité (comme dans le cadre d’abonnements), l’accord prévoit que l’auteur sera rémunéré suivant les règles définies au code des usages sur la base du prix payé par le public, au prorata des consultations et téléchargements de l’œuvre. Si l’éditeur n’est pas en mesure de réaliser ce calcul, l’auteur sera rémunéré sur les recettes encaissées par l’éditeur, au prorata des consultations et téléchargements de l’œuvre.

La clause de réexamen

Le code de la propriété intellectuelle devra préciser que le contrat d’édition comporte obligatoirement une clause permettant à l’auteur ou à l’éditeur de demander la renégociation des termes économiques du contrat avant son échéance.

Le code des usages précisera les modalités d’application de ce principe : l’auteur ou l’éditeur pourra demander un réexamen des conditions économiques de la cession des droits d’exploitation numérique au terme d’un délai de quatre ans à compter de la signature du contrat et pour une durée de deux ans. Passé ce délai de six ans et pour une durée de neuf ans, l’auteur et l’éditeur pourront chacun introduire deux demandes de réexamen. Dans tous les cas, l’autre partie disposera d’un délai maximum de trois mois pour faire droit à la demande de réexamen.

Au-delà de cette période de quinze ans, la demande de réexamen aura lieu uniquement en cas de modification substantielle de l’économie du secteur entraînant un déséquilibre du contrat depuis sa signature ou sa dernière modification.

L’accord précise que le réexamen des conditions économiques du contrat doit porter, notamment, sur « l’adéquation de la rémunération de l’auteur, qu’elle soit proportionnelle ou forfaitaire, à l’évolution des modèles économiques de diffusion numérique de l’éditeur ou du secteur ». En cas de refus de réexamen ou de désaccord, l’une ou l’autre des parties peut saisir une commission de conciliation, composée à parité de représentants des auteurs et des éditeurs, dont l’avis – simple – est rendu dans les quatre mois suivant la saisine, la consultation de la commission n’étant pas un préalable obligatoire à la saisine d’un juge.

La reddition des comptes

L’accord prévoit que l’éditeur devra, au moins une fois par an et pendant toute la durée du contrat, adresser à l’auteur une reddition de compte. Il précise les éléments qui devront figurer dans cette reddition de comptes (pour l’exploitation au format imprimé, il s’agit, notamment, du nombre d’exemplaires fabriqués en cours de l’exercice, du nombre des exemplaires vendus par l’éditeur ou de la liste des cessions de droits réalisées au cours de l’exercice ; pour l’exploitation au format numérique, doivent être mentionnés les revenus issus de la vente à l’unité, les revenus issus des autres modes d’exploitation de l’œuvre, ainsi que les modalités de calcul de ces revenus en précisant l’assiette et le taux de rémunération).

Le non-respect de ces obligations par l’éditeur autorisera l’auteur à résilier, de plein droit, l’ensemble du contrat, soit après mise en demeure demandant à l’éditeur une reddition de compte dans les trois mois, soit sur simple notification si pendant deux années de suite l’auteur a mis en demeure l’éditeur de rendre des comptes.

Le paiement des droits devra, sauf clause contraire, intervenir dans les six mois suivant la date d’arrêté des comptes.

La clause de fin d’exploitation

L’accord prévoit que l’auteur ou l’éditeur peut décider, à l’issue d’une période de quatre ans après la publication de l’œuvre, de mettre fin au contrat d’édition sur le simple constat que les redditions de compte font apparaître pendant deux années consécutives l’absence totale de rémunération issue de l’exploitation de livres numériques ou imprimés (à l’exception des droits de reprographie, prêt en bibliothèque, audiovisuels et autres sommes issues de la gestion collective). Le délai de préavis applicable à la résiliation est de trois mois.

Le code des usages devra préciser que la clause de fin d’exploitation ne peut pas être mise en œuvre si l’œuvre est incluse en intégralité dans un recueil d’œuvres du même auteur ou d’auteurs différents, si l’auteur a donné son accord et si la vente à l’unité de ce recueil dans son intégralité, en version imprimée ou numérique, a donné lieu au versement ou au crédit de droits pendant la période considérée.

3. Le recours à une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, justifié par l’urgence de la transcription législative des principaux termes de l’accord–cadre

a. L’adoption de l’article additionnel par le Sénat

À l’appui de son amendement présenté devant le Sénat, la ministre de la culture et de la communication a fait valoir que l’accord–cadre précité, qui témoigne de la volonté commune des auteurs et des éditeurs de moderniser les dispositions actuelles du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition afin de les rendre plus équilibrées et d’y intégrer la diffusion numérique des livres, nécessite une transcription législative rapide et que le Gouvernement n’a pas trouvé d’autre support législatif depuis sa signature, il y a bientôt un an. Or, auteurs comme éditeurs attendent la traduction de cet accord dans la loi, la signature de nombreux contrats étant aujourd’hui retardée dans cette attente. Il y a donc une véritable urgence à procéder par voie d’ordonnance aux modifications souhaitées. L’enjeu est en effet celui de la diversité de la création éditoriale, qui rejoint le sujet de la présente proposition de loi.

L’habilitation ainsi sollicitée par le Gouvernement est précisée dans son champ d’application : il s’agit de l’adaptation des dispositions législatives du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition aux termes de l’accord-cadre précité, qui sont eux–mêmes souvent très précis.

L’article précise en outre les quatre points que devra contenir l’ordonnance :

– En premier lieu, l’ordonnance devra étendre le contrat d’édition – qui, aujourd’hui, ne porte que sur la fabrication en nombre d’exemplaires de l’œuvre – à l’édition numérique (1° du I). Lors des débats au Sénat, la ministre a indiqué que l’ordonnance devrait consacrer le principe de l’unicité du contrat d’édition, signé entre un auteur et un éditeur pour l’exploitation physique et numérique, tout en exigeant une partie distincte pour le numérique ; elle devra, conformément à l’accord, clarifier les différentes obligations de l’éditeur envers l’auteur en contrepartie de la cession des droits numériques à l’occasion de la signature de ce contrat (délais de publication, efforts attendus pour la diffusion du livre, rémunération de l’auteur) et introduire, afin de prendre en compte les évolutions du marché numérique, une possibilité de révision régulière des conditions du contrat.

– En deuxième lieu, l’ordonnance devra, conformément à l’accord, moderniser et clarifier certaines dispositions relatives à l’édition d’un livre sous forme imprimée et sous forme numérique (2° du I). Alors que, dans sa rédaction en vigueur, l’article L. 132–12 du code de la propriété intellectuelle fait obligation à l’éditeur « d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession », sans qu’aucune sanction ne soit prévue en cas de non-respect de ces dispositions, l’accord, quant à lui, détaille les obligations concrètes de l’éditeur vis-à-vis de l’auteur, auquel il offre, en outre, un moyen plus aisé de résilier le contrat si ces obligations ne sont pas remplies.

– En troisième lieu (3° du I), l’ordonnance devra renvoyer à des accords entre les organisations représentatives du secteur du livre pour la fixation des modalités d’application des mesures législatives nouvelles – l’accord–cadre se réfère à un « code des usages » – ces accords ayant vocation à être étendus à l’ensemble des auteurs et éditeurs du secteur par arrêté du ministre chargé de la culture.

– En quatrième lieu (4° du I), l’ordonnance devra préciser l’application dans le temps des dispositions nouvelles. Sur ce dernier point, les parties signataires de l’accord, entendues par le rapporteur, ont indiqué que les dispositions nouvelles régiront, outre les contrats qui seront signés après la promulgation de la future loi, certains des effets futurs des contrats signés sous l’empire de la loi ancienne (hors clause de fin d’exploitation).

b. Les auditions menées par le rapporteur ont confirmé l’urgence à modifier le code de la propriété intellectuelle

Pour la préparation du présent rapport de deuxième lecture, le rapporteur a souhaité entendre des représentants tant du Conseil permanent des écrivains que du Syndicat national de l’édition (7). De part et d’autre, l’accord est jugé « équilibré », auteurs et éditeurs ayant consenti à faire évoluer leurs positions de départ pour trouver un accord où il n’y aurait aucun perdant, mais aussi « novateur », comme l’avait d’ailleurs également souligné M. Pierre Lescure dans son rapport précité de mai 2013.

Tous ont également souligné l’urgence qu’il y a à transcrire dans le code de la propriété intellectuelle les dispositions de nature législative contenues dans l’accord. Dans l’attente de la modification de la loi, il n’a pas été fait application anticipée des termes de l’accord. Dans ce contexte, près d’un an après la signature de celui–ci, il serait aux yeux des signataires périlleux d’attendre plus encore avant de modifier la loi et de prendre le risque de laisser retomber la dynamique favorable dont procède l’accord.

L’éventuelle introduction de dispositions de cette nature dans le futur projet de loi sur la création, dont le calendrier de discussion parlementaire n’est pas arrêté, ne semble pas répondre à cet impératif. Dès lors, le recours à la procédure prévue à l’article 38 de la Constitution trouve une justification.

S’agissant du contenu de l’habilitation elle–même, il apparaît que la marge de manœuvre gouvernementale pour l’écriture de l’ordonnance est très limitée, l’accord – qui figure en annexe 1 – étant parfois très précis, notamment lorsqu’il propose de nouvelles rédactions pour certains articles du code de la propriété intellectuelle. Tous les termes de l’accord ont été pesés au trébuchet par les deux parties ; il convient donc, aux yeux des deux parties, de le transposer dans le code de la propriété intellectuelle sans rompre l’équilibre qui a été trouvé après de très longues négociations.

Encadré sur le fond, le Gouvernement est en outre contraint dans le temps, l’article 2 limitant le délai de publication de l’ordonnance à une durée de six mois suivant la promulgation de la loi qui sera issue de la proposition de loi (II du présent article) et précisant que le projet de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter le publication de cette ordonnance (III du présent article). Ces délais, qui sont courts, se justifient tant par l’objet limité de l’habilitation que par l’urgence de la transposition des termes de l’accord dans le code de la propriété intellectuelle.

Dès lors, le rapporteur qui n’est, par principe, pas favorable au dessaisissement des parlementaires de leur pouvoir de voter la loi, se range aux arguments ainsi exposés par les signataires de l’accord et vous invite à adopter cet article sans modification.

*

La Commission adopte l’article sans modification.

Puis elle adopte sans modification et à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi modifiée par le Sénat.

*

* *

En conséquence, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter, en deuxième lecture, la présente proposition de loi dans le texte figurant en annexe au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte adopté

par l’Assemblée nationale

___

Texte adopté

par le Sénat

___

Propositions de la

Commission

___

Proposition de loi

tendant à encadrer les conditions

de la vente à distance des livres

Proposition de loi

tendant à encadrer les conditions

de la vente à distance des livres

et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition

Proposition de loi

tendant à encadrer les conditions

de la vente à distance des livres

et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition

Article unique

Article 1er

Article 1er

Le quatrième alinéa de l’article 1er de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre est complété par deux phrases ainsi rédigées :

I.– Le …

… rédigées :

Non modifié

« Lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur. Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit. »

« Lorsque …

… établit, sans pouvoir offrir ce service à titre gratuit. »

 
     
 

II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur trois mois après la publication de la présente loi.

 
     
 

Article 2 (nouveau)

Article 2

 

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure de nature législative propre à modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition en conséquence de l’accord-cadre du 21 mars 2013 entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition sur le contrat d’édition dans le secteur du livre à l’ère du numérique :

Non modifié

 

1° En étendant et en adaptant les dispositions générales relatives au contrat d’édition à l’édition numérique ;

 
 

2° En précisant les règles particulières applicables à l’édition d’un livre sous forme imprimée et sous forme numérique ;

 
 

3° En organisant le renvoi, pour les modalités d’application de ces dispositions nouvelles, à des accords entre les organisations professionnelles représentatives du secteur du livre en vue de leur extension à l’ensemble des auteurs et éditeurs du secteur par arrêté du ministre chargé de la culture ;

 
 

4° En précisant l’application dans le temps de ces dispositions.

 
     
 

II. – L’ordonnance est prise dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi.

 
     
 

III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

 
     

ANNEXE 1

ANNEXE 2 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ø Conseil permanent des écrivains – M. Jean-Claude Bologne, président de la Société des gens de lettres, M. Hervé Rony, délégué général de la Société civile des auteurs multimédias (SCAM) et Mme Valérie Barthez, juriste de la Société des gens de lettres

Ø Syndicat national de l’édition – M. Vincent Montagne, président, Mme Christine de Mazières, déléguée générale, Mme Isabelle Ramond-Bailly, présidente de la commission juridique, directrice juridique du groupe Editis et Mme Laure Darcos, directrice des relations institutionnelles du groupe Hachette Livre

© Assemblée nationale

1 () Proposition de loi tendant à ne pas intégrer la prestation de la livraison à domicile dans le prix unique du livre, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 26 juin 2013, n° 1189.

2 () Elle s’intitule désormais : « Proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition ».

3 () Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la proposition de loi tendant à ne pas intégrer la prestation de la livraison à domicile dans le prix unique du livre, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2013, n° 1385, p. 7.

4 () L'amendement du rapporteur visait à supprimer la possibilité, pour le détaillant, d'offrir les frais de livraison dans le cas où le livre est remis à domicile. À cet effet, un nouvel alinéa aurait été ajouté à l'article 1er de la loi du 10 août 1981 précisant que « le coût de la livraison à domicile, à l'adresse choisie par l'acheteur, est ajouté par le détaillant au prix effectif de vente au public. »

5 () Les dispositions particulières concernant les collectivités publiques ainsi que les établissements scolaires ou les bibliothèques, contenues à l’article 3 de la loi de 1981, n’entrent pas dans le champ de la proposition de loi.

6 () M. Pierre Lescure, Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique, rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle », mai 2013, pp. 69 et suivantes.

7 () La liste des personnes entendues par le rapporteur figure en annexe 2.