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N
° 2013

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juin 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant la ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

PAR M. Alain BOCQUET

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1845.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. LES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS : DES DROITS FONDAMENTAUX PARTICULIEREMENT EXPOSES 9

A. LES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS, DES DROITS AUSSI FONDAMENTAUX QUE LES AUTRES 9

1. Des droits proclamés mais longtemps dévalorisés 9

a. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 9

b. Des droits jugés « de second ordre », donc moins bien protégés 10

2. Une progressive affirmation des droits économiques, sociaux et culturels combinée à leur meilleure définition 11

a. La montée en puissance de ces droits à l’échelle internationale 11

b. Des contours mieux définis par une jurisprudence de plus en plus étoffée 11

c. L’amorce d’une réflexion sur un mécanisme de plaintes 12

B. LA PROTECTION DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EN FRANCE EST ENCORE LACUNAIRE. 13

1. Les failles de notre droit national sont très imparfaitement comblées par les mécanismes internationaux. 13

a. Les mécanismes onusiens 13

b. Au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT) 14

c. Au sein de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) 14

d. Au sein de l’Union européenne 14

e. Au sein du Conseil de l’Europe 14

2. La France, mauvais élève pour le respect des droits économiques, sociaux et culturels ? 15

a. Des violations récurrentes de la Charte sociale européenne 15

b. Les « sujets de préoccupation » du Comité des droits économiques, sociaux et culturels 17

II. UN PAS MODESTE VERS UNE MEILLEURE « JUSTICIABILITÉ » DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS 19

A. LE PROTOCOLE FACULTATIF DONNE UNE VOIX AUX VICTIMES DE VIOLATIONS. 19

1. Le mécanisme de « communications » 19

a. Les communications individuelles 19

b. Les communications interétatiques 19

c. Un texte de compromis : des mécanismes très encadrés 20

2. Les autres apports du protocole 20

a. Les « mesures provisoires » 20

b. La procédure d’enquête 21

c. L’assistance et la coopération internationales 21

3. Une ratification urgente et indispensable 21

a. Une ratification qui a déjà trop attendu 21

b. Une ratification indispensable 22

B. LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS DEMEURERONT VULNERABLES. 22

1. Le Gouvernement compte faire un usage « prudent » du protocole. 22

a. Des réticences sur la pratique du Comité 22

b. Pour une application du protocole « a minima » 23

2. La portée du mécanisme de communications, d’ordre essentiellement symbolique, paraît faible au regard des enjeux actuels. 23

a. L’absence totale de caractère contraignant des décisions du Comité 23

b. Une portée symbolique potentiellement non négligeable 24

c. Un mécanisme sous-dimensionné par rapport aux enjeux ? 25

CONCLUSION 27

ANNEXE 1 : PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS 29

ANNEXE 2 : COMPOSITION DU COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS 37

ANNEXE 3 : LISTE DES « OBSERVATIONS GÉNÉRALES » PUBLIÉES PAR LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS 39

ANNEXE 4 : « OBSERVATIONS FINALES » DU COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS 41

ANNEXE 5 : AUDITIONS  49

EXAMEN EN COMMISSION 51

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 53

INTRODUCTION

Le 16 décembre 1966, l’Assemblée générale des Nations Unies consacrait la reconnaissance au niveau international des droits de l’homme et du citoyen par l’adoption de deux pactes : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). La France les ratifia le 4 novembre 1980.

Il apparut rapidement que ces deux textes, rédigés et adoptés d’un même élan, n’avaient pourtant pas le même statut. Les « véritables » droits fondamentaux auraient fait l’objet du premier pacte, tandis que les droits économiques, sociaux et culturels étaient plus secondaires et ne devaient donc pas bénéficier du même niveau de protection. Il s’agirait davantage de vœux pieux. Cette approche a été confirmée par l’adoption, dès 1980, d’un protocole au PIDCP – ratifié par la France en 1984 – qui organisait un mécanisme de communications individuelles pour les victimes de violations alléguées de leurs droits civils ou politiques. Rien de tel ne fut prévu pour assurer la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

On sait pourtant à quel point il est artificiel de séparer les droits dits « de première génération » des droits « de seconde génération ». Le préambule du PIDESC l’expose clairement : « l’idéal de l’être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créées»

S’ils ne sont pas justiciables, les droits économiques, sociaux et culturels risquent, en effet, de rester de simples vœux pieux. A fortiori dans le contexte actuel où, en dépit du degré de développement de nos sociétés, la crise économique persistante fait peser de nouvelles incertitudes sur des droits basiques que nous pensions en voie d’être garantis : droit au logement, au travail, à la santé, à un niveau de vie suffisant.

A cet égard, le présent projet de loi marque indéniablement une avancée, puisqu’il soumet à notre ratification un protocole facultatif au PIDESC ouvrant un mécanisme de communications aux particuliers. A présent, les victimes de violations auront une voix à faire entendre sur la scène internationale.

C’est un progrès, mais ce protocole ne pourra pas suffire. Il ne peut être qu’une étape vers l’instauration d’un véritable mécanisme juridictionnel supranational, à l’image de celui en vigueur devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans le domaine des droits civils et politiques. La France, pays des droits de l’homme, doit s’engager pour promouvoir cette vision auprès de ses partenaires.

I. LES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS : DES DROITS FONDAMENTAUX PARTICULIEREMENT EXPOSES

A. LES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS, DES DROITS AUSSI FONDAMENTAUX QUE LES AUTRES

1. Des droits proclamés mais longtemps dévalorisés

a. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) a été adopté le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Il est entré en vigueur le 3 janvier 1976, trois mois après le dépôt du trente-cinquième instrument d’adhésion ou de ratification. La France l’a, quant à elle, ratifié le 4 novembre 1980.

Le Pacte comprend cinq parties (cf. annexe).

– La première proclame le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

– La seconde définit la nature des obligations imputables aux États en vertu de ce Pacte : ces derniers s’engagent à agir « au maximum de leurs ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice » de ces droits, et « sans discrimination aucune ».

– La définition des droits économiques, sociaux et culturels fait l’objet de la troisième partie : droit au travail et à des conditions de travail justes et favorables ; liberté syndicale et droit de grève ; droit à la sécurité sociale ; protection de la famille et des enfants ; droit à un niveau de vie suffisant ; droit à la santé, à l’éducation et à la culture.

– La quatrième partie met en place un mécanisme de surveillance reposant sur un dialogue entre les États, tenus de fournir des rapports périodiques sur la mise en application du Pacte sur leur territoire, et le Conseil économique et social.

– La cinquième partie organise les modalités de mise en œuvre du Pacte.

Un Comité des droits économiques, sociaux et culturels a été créé par une résolution du Conseil économique et social en 1985 (1) afin de mener à bien les tâches de surveillance prévues dans la quatrième partie du Pacte. Il se compose de 18 experts indépendants, choisis pour leurs « hautes considérations morales » et leur compétence en matière de droits de l’homme (cf. annexe). Ils sont élus par les Etats parties pour un mandat de quatre ans.

b. Des droits jugés « de second ordre », donc moins bien protégés

• Des droits de second ordre ?

Dès la signature du PIDESC, les droits économiques, sociaux et culturels furent les parents pauvres dans la famille des droits de l’homme. Ils firent l’objet d’un texte séparé, et leur caractère fondamental semblait mis en doute par le fait que les États parties n’avaient pas une obligation absolue et immédiate de les respecter, mais une obligation relative à « leurs ressources disponibles » et dont la temporalité paraissait floue : il s’agissait d’en « assurer progressivement le plein exercice » (article 2).

Ainsi, pour beaucoup d’États, la nature même de ces droits excluait de les rendre justiciables. Il s’agissait simplement d’aspirations politiques, dont on pouvait d’autant moins imposer la mise en œuvre que les États providence étaient alors très inégalement développés à l’échelle internationale.

En l’absence de consensus et de volonté politique, le PIDESC est donc resté une simple déclaration de bonnes intentions, alors que, par ailleurs, l’organisation d’une « justiciabilité » supranationale des droits de l’homme progressait.

• Une « justiciabilité » réservée aux droits civils et politiques

Ainsi, le 17 février 1984, la France ratifia le protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) qui instaurait un mécanisme de communications individuelles devant le Comité des droits de l’homme. À ce jour, le Comité a examiné 70 communications concernant la France, les principaux contentieux portant sur la question du port du turban sikh sur les documents officiels d’identité et à l’école.

Le 18 février 1986, la France adhéra à la Convention contre la torture et le 23 juin 1988, elle procéda à la déclaration reconnaissant la compétence du comité pour examiner les communications interétatiques et individuelles. Le Comité s’est depuis lors prononcé sur 12 communications individuelles dirigées contre la France, rendant 3 décisions de violation. Une treizième communication est à ce jour pendante.

Si l’État tient compte des décisions rendues par ces comités, elles n’ont pas force obligatoire en droit. C’est en fait à l’échelle du Conseil de l’Europe que l’idée d’une justice supranationale des droits de l’homme a été poussée le plus loin. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est en effet une véritable juridiction supranationale chargée de veiller au respect des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, adoptée le 4 novembre 1950. Si ses jugements n’ont pas valeur exécutoire en droit interne, l’abrogation des dispositions litigieuses restant du ressort des États, elle peut assortir ses jugements de violation de sanctions pécuniaires.

2. Une progressive affirmation des droits économiques, sociaux et culturels combinée à leur meilleure définition

a. La montée en puissance de ces droits à l’échelle internationale

Le processus de ratification du PIDESC s’est accéléré au cours de ces vingt dernières années, attestant la plus grande reconnaissance et la meilleure compréhension des droits économiques, sociaux et culturels à l’échelle mondiale. Ainsi, à ce jour, le Pacte a été ratifié par 162 États, sur les 193 membres que compte l’ONU. À noter que les États-Unis l’ont signé en 1977 mais ne l’ont jamais ratifié, non plus que la Russie. La Chine l’a, pour sa part, ratifié en 2001.

La multiplication des conventions tendant à assurer une meilleure protection des droits « de seconde génération » illustre leur valorisation croissante. C’est d’abord dans le cadre de l’interdiction des discriminations que la protection des droits économiques, sociaux et culturels a progressé. La France a ainsi ratifié dès 1971 la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales, et en 2000 la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes. À travers le prisme de la non-discrimination, ces conventions protègent les droits de première comme de seconde génération. De même la France a ratifié le 18 février 2010 la Convention relative aux droits des personnes handicapées, laquelle englobe des droits économiques, sociaux et culturels. De plus en plus, ces conventions sont assorties d’un mécanisme de protection spécifique (cf. infra).

b. Des contours mieux définis par une jurisprudence de plus en plus étoffée

Le mécanisme de surveillance prévu dans la quatrième partie du PIDESC a eu le mérite d’instaurer un dialogue entre les États et le comité des droits économiques, sociaux et culturels au sujet de ces droits. Ces échanges ont permis de préciser progressivement le contenu et la portée des droits proclamés par le Pacte, tendant par là même à leur donner une réalité.

Au terme de l’examen des rapports qui lui ont été remis par les États, le Comité publie des « observations générales » par lesquelles il précise son interprétation des dispositions du Pacte. Les États parties ont ainsi à leur disposition une sorte de jurisprudence assez étoffée des droits économiques, sociaux et culturels, qui a porté aussi bien sur la nature juridique des obligations définies par le pacte et les modalités concrètes de leur application, sur le principe de non-discrimination, et sur la définition en tant que telle des différents droits (cf. annexe).

Bilan du mécanisme de surveillance

Le Comité se réunit à Genève deux fois par an pour des sessions de trois semaines, afin d’examiner les rapports remis par les États dans le cadre du mécanisme de surveillance prévu aux articles 16 et 17 du PIDESC. La résolution du Conseil économique et social du 24 mai 1988 requiert que les États parties présentent un rapport initial dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du Pacte, puis tous les cinq ans. Le Comité procède actuellement à son quatrième cycle d’examen. La France a, pour sa part, envoyé son rapport en mai 2013.

Le Comité adresse aux États des « observations finales » en réponse à l’examen des rapports qui lui ont été adressés, dans lesquelles il note des « points positifs », recense les « facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre du Pacte », et fait état de sujets d’inquiétude ou de préoccupations. Il demande aux États de l’informer, dans leur prochain rapport, des suites données à ces observations. Par ailleurs, le Comité publie des « observations générales » par lesquelles il précise son interprétation des dispositions du Pacte.

L’exercice du rapport s’avère être fortement standardisé, les pays devant tous répondre aux « sujets de préoccupation » du Comité, quel que soit leur degré d’engagement sur le terrain des droits économiques sociaux et culturels. Dès lors, il ne permet pas vraiment de distinguer les « bons » des « mauvais élèves ».

33 États n’ont pas transmis leur rapport initial au Comité, dont 22 accusent un retard de plus de dix ans. Par ailleurs, le Comité lui-même peine à examiner les rapports selon la périodicité définie. Au 30 novembre 2012, 49 rapports étaient en attente d’examen devant le Comité.

Malgré ces défauts, le mécanisme de surveillance a tout de même permis d’engager un dialogue constructif avec la majorité des États parties. Votre rapporteur estime toutefois que la portée des travaux du Comité pourrait être améliorée par une plus grande diffusion de ses conclusions. Si celles-ci sont en théorie accessibles sur les sites Internet de l’ONU et du ministère des Affaires étrangères, elles ne sont guère faciles à trouver pour un non-initié. Peut-être le Gouvernement pourrait-il, de manière systématique, transmettre au Parlement les rapports périodiques envoyés au Comité et les observations finales adressées par ce dernier.

c. L’amorce d’une réflexion sur un mécanisme de plaintes

Elle remonte à la Conférence mondiale des droits de l’homme de Vienne de 1993, qui proclame que tous les droits de l’homme sont « universels, indissociables, interdépendants et intimement liés ». Les États s’engagent alors à élaborer un protocole facultatif au PIDESC. Devant l’absence de progrès, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) appelle de nouveau à l’adoption rapide d’un protocole en 1998. En 2002, la Commission des droits de l’homme adopte une résolution portant création d’un groupe de travail chargé d’évaluer l’opportunité de ce protocole. Ce groupe se réunit à partir de 2004, et voit son mandat explicitement élargi à la rédaction d’un projet de protocole en 2006. Un premier projet est présenté en juillet 2007, sous la présidence de la portugaise Catarina de Albuquerque.

La négociation s’est avérée difficile, de nombreux États manifestant des réticences à l’idée d’une sanction internationale des droits économiques, sociaux et politiques. C’est finalement un texte de compromis, défendu par la France, qui a pu rallier les États les plus sceptiques : le protocole porterait sur l’ensemble des droits proclamés par le Pacte, et non sur une partie seulement comme le demandaient plusieurs États ; mais le mécanisme de plaintes serait fortement encadré, de façon à ce que les États gardent le contrôle. Le projet de protocole a ainsi pu être adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 2008.

B. LA PROTECTION DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EN FRANCE EST ENCORE LACUNAIRE.

1. Les failles de notre droit national sont très imparfaitement comblées par les mécanismes internationaux.

Notre droit national assure la protection des droits économiques, sociaux et culturels, mais n’est pas infaillible. Si le législateur a cru bon de rendre opposable le droit au logement, c’est parce que, bien que proclamé, celui-ci restait en partie inappliqué. Il est donc important que les Français puissent bénéficier de voies de recours supra-étatiques lorsque les mécanismes nationaux s’avèrent inefficaces.

À travers un certain nombre d’engagements internationaux, la France est déjà soumise à des mécanismes de plaintes protégeant des droits économiques, sociaux ou culturels. Mais ils ne traitent que de certains droits, ou seulement sous un certain angle ou pour certaines personnes. Parfois aussi, ils limitent à certains groupes spécifiques la possibilité de présenter des réclamations. Le système est donc partiel et manque d’unité.

a. Les mécanismes onusiens

En premier lieu, le PIDCP (cf. supra) protège des droits qui sont également inscrits dans le PIDESC, comme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la liberté syndicale et la protection de la famille.

Par ailleurs, la France a accepté des mécanismes de plaintes en relation avec plusieurs conventions garantissant les droits de certaines catégories de personnes, y compris dans les domaines économique, social et culturel.

En 1982, la France a ainsi procédé à la déclaration prévue dans la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales, reconnaissant ainsi la compétence du Comité pour examiner les communications individuelles. À ce jour, le Comité n’a examiné que deux communications contre la France, se prononçant pour une irrecevabilité et une non-violation. Une troisième communication est en attente.

De la même façon, la France a ratifié en 2001 le protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Une seule communication a été introduite contre la France et s’est soldée par un constat de violation.

Enfin, le 18 février 2010, la France a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son protocole additionnel facultatif. Le Comité n’a, pour l’heure, été saisi d’aucune communication contre la France.

b. Au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT)

La France a adhéré à plusieurs conventions de l’OIT garantissant les droits fondamentaux dans le cadre professionnel. Certaines ont été assorties de mécanismes de plaintes, notamment devant le Comité de la liberté syndicale. Mais la saisine n’est ouverte qu’aux syndicats et organisations patronales, ainsi qu’aux États.

c. Au sein de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)

Il existe aussi un mécanisme de réclamations au sein de l’UNESCO, mais les plaintes ne peuvent émaner que d’organisations, par exemple des associations d’enseignants ou des syndicats de professeurs. Par ailleurs, ces plaintes sont instruites à huis clos et ne sont publiées que plusieurs années plus tard, ce qui limite fortement leur impact.

d. Au sein de l’Union européenne

Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été intégrée au corpus juridique de l’Union. Elle protège de nombreux droits sociaux : liberté syndicale, droit à l’éducation, au travail, à la sécurité sociale, à la santé… Si elle ne dispose pas de mécanisme de recours propre, la Charte des droits fondamentaux pourrait servir de fondement à un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

e. Au sein du Conseil de l’Europe

En premier lieu, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) tend, par une jurisprudence extensive, à protéger des droits économiques, sociaux ou culturels. Elle l’a explicitement affirmé dans son arrêt Airey contre Irlande en 1979 : « il n’existe aucune cloison étanche entre les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ». Dès lors, la CEDH sanctionne régulièrement des violations dans le domaine du droit du travail, du droit syndical, du droit à la protection familiale et à l’éducation. Enfin, à travers l’interdiction des discriminations posée à l’article 14 de la Convention, la Cour a plusieurs fois été amenée à sanctionner la violation de droits économiques et sociaux.

Par ailleurs, la France a ratifié en 1999 le protocole additionnel à la Charte sociale européenne, qui prévoit un système de réclamations collectives devant le Comité européen des droits sociaux, ouvert aux partenaires sociaux et aux organisations non gouvernementales. Les droits proclamés par la Charte sociale européenne recoupent largement ceux du PIDESC.

À cet égard, l’analyse des décisions rendues par le Comité depuis son entrée en fonction est édifiante quant aux performances de notre pays en matière de respect des droits économiques, sociaux et culturels.

2. La France, mauvais élève pour le respect des droits économiques, sociaux et culturels ?

a. Des violations récurrentes de la Charte sociale européenne

Depuis 1999, 103 réclamations ont été instruites par le Comité européen des droits sociaux, dont 31 concernaient la France. Notre pays est donc à l’origine de 30% des réclamations portant sur des violations alléguées de la Charte sociale européenne ! Sur ces 31 réclamations, 19 constats de violation ont été établis, pour 8 constats de non-violation. Deux réclamations ont été jugées irrecevables, et deux sont encore en attente.

Les principaux sujets litigieux concernent l’organisation du temps de travail des cadres (cinq constats de violation), les droits des populations roms (six constats), le régime des heures supplémentaires des officiers de police (trois constats) et la scolarisation des enfants autistes (deux constats).

La France, mauvais élève de la Charte sociale européenne ?

Les droits des populations roms. La France a été condamnée à plusieurs reprises, en réponse à des communications déposées en 2006 (33/2006 et 39/2006), 2008 (51/2008), 2010 (63/2010) et 2011 (64/2011 et 67/2011) pour violation des droits des populations rom. Dans sa résolution du 27 mars 2013 sur la réclamation n°67/2011, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe entérine le constat de violations multiples des droits des roms posé par le Comité européen des droits sociaux. Celui-ci estime que la France est, de manière générale, discriminatoire à l’égard des roms, dans tout un ensemble de domaines. La plupart des constats de violation concernent le droit au logement : les roms ont un accès trop limité à des conditions de logement dignes et à l’hébergement d’urgence ; les procédures d’expulsion sont également mises en cause. Par ailleurs, les constats de violations concernent aussi leur accès insuffisant au système éducatif français, aux soins de santé et à l’assistance médicale, ainsi qu’aux démarches de sensibilisation et de prévention en matière de santé publique. Dans ses observations en réponse aux conclusions du Comité, le Gouvernement récuse tout traitement discriminatoire à l’encontre des roms, et met en avant le fait que l’absence de discriminations positives en faveur des roms, incompatibles avec le droit français qui prohibe toute distinction en fonction de l’origine ethnique, ne saurait être en soi discriminatoire. Le Gouvernement fait par ailleurs état de la mise en œuvre d’une politique globale visant à prendre en compte les difficultés spécifiques liées à ces populations migrantes.

L’organisation du temps de travail des cadres. Des constats de violations répétés ont été établis contre la France en réponse à des communications présentées au Comité en 2000 (9/2000), 2003 (16/2003 et 22/2003) et 2009 (55 et 56/2009). Le Comité dénonçait la situation des cadres avec forfait en jours. Celle-ci constituait une violation du droit à des conditions de travail équitables, en raison de la durée excessive de travail autorisé et de l’absence de garanties suffisantes, ainsi que du droit à une rémunération équitable, en raison du nombre d’heures anormalement élevées ne faisant pas l’objet d’une majoration de rémunération. Par ailleurs, l’assimilation des périodes d’astreinte au temps de repos était aussi en violation avec le droit à des conditions de travail équitables. Les constats du Comité européen des droits sociaux ont été pris en compte par la Cour de cassation dans sa jurisprudence sur le forfait en jours (Cass. Soc. 29 juin 2011, n°09-71.107).

Le régime des heures supplémentaires des officiers de police. Le Comité a établi des constats de violation à l’encontre de la France en réponse à des communications déposées en 2006 (38/2006), 2009 (57/2009) et 2011 (68/2011). Le Comité a estimé que la France violait le droit des officiers de police à une rémunération équitable, au motif que le dispositif s’appliquant aux membres du corps d’encadrement et d’application de la police nationale et rendant forfaitaire l’indemnisation des heures supplémentaires empêchait les intéressés de bénéficier de la majoration réelle requise par rapport au taux normal de rémunération. Par ailleurs, les modalités de calcul des récupérations accordées pour les éventuels dépassements horaires étaient aussi en cause, car elles n’accordaient pas une récupération supplémentaire au dépassement horaire. Le Gouvernement fait valoir que les officiers de la police nationale ont fait l’objet de nombreuses mesures catégorielles qui ont assuré une augmentation de leur rémunération sur la période 2005-2011, comme le montre un rapport de la Cour des comptes sur les dépenses de rémunération et le temps de travail de la police et de la gendarmerie publié en mars 2013 (2) .

La scolarisation des enfants autistes. Deux communications introduites en 2002 (13/2002) et 2012 (81/2012) se sont soldées par un constat de violation par la France des droits des jeunes autistes à la formation professionnelle. Le Comité a également constaté la violation de leur droit à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté parce qu’ils n’étaient pas scolarisés en priorité dans des établissements de droit commun, et parce que les institutions spécialisées n’avaient pas un caractère éducatif prédominant. Le Comité a par ailleurs jugé que le droit français était discriminatoire car les familles d’enfants autistes n’avaient d’autre choix que de quitter la France pour scolariser leur enfant en milieu scolaire spécialisé, et parce que des restrictions budgétaires étaient appliquées au plan autisme. Le plan autisme 2013-2017 répond, selon le Gouvernement, à plusieurs des critiques formulées. Par ailleurs, le Gouvernement conteste l’accusation de discrimination fondée sur le constat de la scolarisation en Belgique d’enfants autistes, arguant de la diversité des flux transfrontaliers entre la France et la Belgique.

b. Les « sujets de préoccupation » du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Dans le cadre du mécanisme de surveillance prévu par les articles 16 et 17 du PIDESC, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a eu l’occasion d’exprimer des « préoccupations » au sujet de certains pans de la mise en œuvre du Pacte à l’échelle nationale. Dans ses dernières « observations finales » à l’issue de l’examen du troisième rapport périodique envoyé par la France en 2007, le Comité constate « qu’aucun facteur ou difficulté majeur n’empêche la mise en œuvre du Pacte » en France.

Il n’en relève pas moins quelques dizaines de « sujets de préoccupation », ayant trait :

– Au faible niveau de l’aide au développement ;

– Aux discriminations dont sont victimes les femmes, en particulier celles appartenant à des minorités et vivant en zone urbaine sensible ;

– A la situation des jeunes ;

– Aux discriminations raciales persistantes dans l’emploi ;

– A la situation des personnes handicapées ;

– A l’importance du phénomène de précarité ;

– A l’absence de droit au logement effectif ;

– A l’accès à la santé ;

– A l’absence de reconnaissance des minorités.

A l’issue de ces observations, le Comité a émis des suggestions et recommandations. Ces observations finales figurent dans leur intégralité en annexe du présent rapport.

II. UN PAS MODESTE VERS UNE MEILLEURE « JUSTICIABILITÉ » DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

A. LE PROTOCOLE FACULTATIF DONNE UNE VOIX AUX VICTIMES DE VIOLATIONS.

Le protocole facultatif se rapportant au PIDESC a été adopté le 10 décembre 2008 par l’Assemblée générale des Nations Unies. La France l’a signé le 11 décembre 2012. Il est entré en vigueur le 5 mai 2013, trois mois après le dépôt du dixième instrument de ratification, conformément à son article 18.

1. Le mécanisme de « communications »

L’article 1er du protocole donne compétence au Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour recevoir et examiner différentes « communications ». Le protocole ouvre deux types de communications : les communications individuelles et les communications interétatiques.

a. Les communications individuelles

Le principal objet du protocole est décrit à l’article 2 : il s’agit du mécanisme de communications individuelles. Selon les termes de cet article, les particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un État partie au protocole peuvent présenter une communication devant le Comité lorsqu’ils estiment que certains de leurs droits garantis par le Pacte ont été violés par leur État.

À noter qu’une communication peut aussi être présentée « au nom » de particuliers ou groupes de particuliers, par exemple par des organisations non gouvernementales (ONG) spécialisées dans la défense des droits de l’homme. Dans ce cas, elles doivent le faire avec leur consentement ou pouvoir justifier de ce consentement s’ils ne sont pas en mesure de l’exprimer (mineurs, personnes sous mesure de protection ou dans le coma…).

Si la communication est jugée recevable (cf. infra), le Comité transmet ses constatations éventuellement assorties de recommandations à l’État qui s’engage à lui fournir une réponse écrite dans les six mois. Le Comité pourra aussi demander à l’État de lui apporter des compléments d’information, le cas échéant lors des prochains rapports périodiques.

b. Les communications interétatiques

L’article 10 du protocole prévoit aussi la possibilité de donner compétence au Comité pour examiner des communications interétatiques. Ces communications ne peuvent avoir lieu qu’entre deux États parties qui ont tous les deux fait une déclaration en ce sens. Par ce mécanisme, un État peut dénoncer le non-respect des obligations du Pacte par un autre État. La saisine du Comité doit être précédée d’une phase de six mois pendant laquelle les États tâcheront de régler leur différend entre eux. Une fois saisi, le Comité présente un rapport qui est communiqué aux États parties.

c. Un texte de compromis : des mécanismes très encadrés

Pour rallier les suffrages des États les plus réticents, les mécanismes de communication ont été encadrés de manière très stricte. Ainsi, les États gardent la main tout au long du processus : il ne s’agit en aucun cas d’une justice supranationale.

En premier lieu, les conditions de recevabilité des requêtes individuelles sont très restrictives. Elles doivent être déposées dans les douze mois suivant l’épuisement des voies de recours interne, sauf au cas où la procédure de recours excèderait « les délais raisonnables ». Elles doivent porter sur des faits postérieurs à l’entrée en vigueur du protocole dans l’État partie, et ne pas avoir trait à des questions déjà examinées dans le cadre d’une procédure d’enquête ou de règlement international. Elles doivent être suffisamment étayées, signées et présentées par écrit. Enfin, elles doivent porter sur des faits dont il ressort, pour l’auteur, un « désavantage notable », à moins qu’elles ne soulèvent « une grave question d’importance générale ».

Dans tous les cas, la priorité doit être donnée au règlement à l’amiable des différends. L’article 7 prévoit que le Comité favorise le règlement à l’amiable des litiges individuels, et que tout règlement amiable met un terme à la procédure. A l’échelon interétatique, en cas de règlement amiable, le Comité se borne, dans son rapport, à exposer la solution intervenue.

Enfin, les communications sont toujours examinées à huis clos. La liberté des États parties est soulignée : lorsqu’il examine les communications, le Comité « garde à l’esprit le fait que l’État partie peut adopter un éventail de mesures pour mettre en œuvre les droits énoncés dans le Pacte ».

2. Les autres apports du protocole

Les conditions de saisine, de recevabilité et d’intérêt à agir sont définies de façon identique devant l’ensemble des comités onusiens habilités à recevoir des plaintes. Les différences se situent dans les modalités d’instruction de la communication, et notamment dans la possibilité, ou non, de prendre des « mesures provisoires » et de mener des enquêtes sur le terrain. Ces deux possibilités sont ouvertes par le protocole facultatif.

a. Les « mesures provisoires »

L’article 5 du protocole prévoit que le Comité peut, « dans des circonstances exceptionnelles et afin d’éviter qu’un éventuel préjudice irréparable ne soit causé à la victime », demander à l’État de prendre des « mesures provisoires ». Cette demande ne préjuge pas de sa décision quant à la recevabilité ou au fond de la communication.

D’autres conventions prévoient le même mécanisme, qui permet d’éviter une violation imminente d’un droit protégé par le Pacte. C’est le cas de la Convention contre la torture. En l’occurrence, le Comité a déjà, à deux reprises, adressé à la France une demande tendant à ce que le requérant ne soit pas expulsé vers le pays dont il a la nationalité en raison des risques de torture encourus.

b. La procédure d’enquête

L’article 11 du protocole prévoit que les États parties peuvent donner compétence au Comité, par une déclaration en ce sens, pour procéder à des enquêtes. Elles doivent être justifiées par des suspicions fondées sur des renseignements crédibles d’atteintes graves ou systématiques aux droits garantis par le Pacte. Ces enquêtes, qui peuvent comporter une visite sur le terrain, se font en coopération et avec l’accord de l’État concerné. Elles se déroulent dans la confidentialité. Le Comité en communique les résultats à l’État concerné, assortis, le cas échéant, d’observations et recommandations. L’État doit y répondre dans un délai de six mois, et pourra être conduit à fournir des informations supplémentaires lors des prochains rapports périodiques.

Il est à noter que le protocole au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne prévoit ni mesures provisoires, ni procédure d’enquête.

c. L’assistance et la coopération internationales

L’article 14 du protocole organise la coopération internationale de façon à aider les États parties à remplir leurs obligations en vertu du Pacte. En particulier, le Comité peut solliciter les organismes des Nations Unies compétents pour des conseils et de l’assistance technique.

Par ailleurs, un fonds d’affectation spéciale doit être créé pour fournir une assistance « spécialisée et technique » destinée au « renforcement des capacités nationales » dans le domaine des droits économiques, sociaux et politiques. Les contributions à ce fonds s’effectuent sur la base du volontariat. La France a obtenu que l’assistance offerte par ce canal soit « spécialisée et technique », et non pas financière, pour ne pas paraître rétribuer les États les moins respectueux des droits de l’homme. Dans les faits, ce fonds n’existe toujours pas : il revient au Haut-Commissariat des droits de l’homme d’établir un projet qui devra ensuite être validé par le Secrétaire général des Nations Unies.

3. Une ratification urgente et indispensable

a. Une ratification qui a déjà trop attendu

Quatre ans se sont écoulés entre l’adoption du protocole par l’Assemblée générale des Nations Unies et sa signature par le Gouvernement français. Pourtant, le texte adopté était conforme à la position défendue par la France au long de la négociation : un texte de compromis, portant sur l’ensemble des droits proclamés par le Pacte.

Pourquoi un tel délai ? Le Gouvernement met en avant les objections du ministère du Travail, qui ne voyait pas de garanties suffisantes sur les compétences juridiques et l’impartialité de l’ensemble des membres du Comité. Le changement de majorité aux élections présidentielles de 2012 aurait permis de lever ces réticences, la nouvelle majorité voulant faire de la promotion des droits économiques, sociaux et politiques une priorité. Le Gouvernement a finalement jugé que les garanties quant à la composition du comité et à la procédure prévue par le protocole étaient suffisantes.

b. Une ratification indispensable

En tout état de cause, il est à présent urgent que la France ratifie ce protocole. Outre les garanties supplémentaires en termes de protection des droits que l’on peut en attendre, c’est une nécessité pour notre image. La France s’est engagée sur la scène internationale pour la promotion des droits économiques, sociaux et politiques, notamment par le canal des négociations pour l’élaboration et l’adoption du protocole. Il serait incompréhensible aux yeux des autres États que nous mettions de la mauvaise volonté à le ratifier. Cela décrédibiliserait notre engagement en faveur des droits de l’homme, et risquerait de fragiliser le processus de ratification du protocole et, partant, du Pacte dont il renforce la portée.

À l’heure actuelle, la protocole a été ratifié par 14 États (3) et signé par 31 autres (4) , dont la France. Dans la quasi-totalité de ces derniers, la procédure de ratification est en cours. L’Argentine a émis une déclaration, en vertu de laquelle elle ne reconnaît pas l’application du système de communications prévu par le protocole « au droit des peuples à l’autodétermination dans un contexte de conflit de souveraineté ». L’Argentine vise ici spécifiquement son conflit avec le Royaume-Uni sur la souveraineté des îles Malouines.

B. LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS DEMEURERONT VULNERABLES.

1. Le Gouvernement compte faire un usage « prudent » du protocole.

a. Des réticences sur la pratique du Comité

Pour l’heure, aucune communication n’a encore été présentée devant le Comité : nous ne disposons donc d’aucun recul sur l’appropriation par le Comité de ses nouvelles compétences.

Quoiqu’il en soit, les réticences du Gouvernement à son égard ne semblent pas complètement levées. Elles tiennent notamment au fait que les bons et mauvais points sont décernés de manière à peu près égalitaire entre les différents États parties, sans qu’il soit vraiment possible d’illustrer l’engagement de tel État en faveur des droits économiques, sociaux et culturels, ou, a contrario, les mauvaises pratiques de tel autre État. C’était du moins, semble-t-il, la tonalité des « observations finales » du Comité en réponse aux rapports présentés par les États. En conséquence, seuls les pays qui ne transmettaient pas leurs rapports conformément aux dispositions du Pacte ont fait l’objet d’un rappel à l’ordre.

b. Pour une application du protocole « a minima »

Le Gouvernement semble donc pour le moins réservé à l’idée d’étendre les compétences du Comité aux procédures de communications interétatiques et d’enquêtes prévues par les articles 10 et 11 du protocole. L’étude d’impact précise que « compte-tenu de la nature des compétences dévolues, le Gouvernement examinera l’opportunité de procéder à ces déclarations une fois établie la pratique du Comité en la matière ». La France n’a donc pas, à l’image du Salvador, de la Finlande et du Portugal, procédé d’office aux déclarations prévues aux articles 10 et 11.

On observe donc à nouveau que l’engagement du Gouvernement semble ne pas être total sur un texte qui correspondait pourtant à la position de la France pendant la négociation. Si notre pays s’abstient sur les procédures de communications interétatiques et d’enquêtes, on voit mal comment elles pourraient rallier les États a priori moins avancés dans la promotion des droits économiques, sociaux et culturels à une mise en application pleine et entière du protocole. Or, comme le souligne l’étude d’impact, il s’agit là, en particulier avec la procédure d’enquête, de compétences substantielles pour le Comité. En l’absence de ces compétences, la portée du protocole se trouve nettement amoindrie.

2. La portée du mécanisme de communications, d’ordre essentiellement symbolique, paraît faible au regard des enjeux actuels.

a. L’absence totale de caractère contraignant des décisions du Comité

En aucun cas les observations, constations, recommandations, demandes du Comité ne revêtent un caractère contraignant. À l’inverse, dans tous les cas, les interventions du Comité restent soumises au bon vouloir des États parties.

Concernant la procédure de communications individuelles de l’article 2, le Comité ne peut que formuler des recommandations aux États contrevenants. La seule obligation qui leur revient en vertu du protocole consiste à informer le Comité des suites données.

Concernant les mesures provisoires prévues à l’article 5, les « demandes » du Comité destinées à prévenir un « éventuel préjudice irréparable » ne sont guère plus contraignantes. La position du Gouvernement pour les mesures provisoires prévues dans le cadre de la Convention contre la torture était la suivante : « D’une manière générale, le Gouvernement français entend répondre favorablement aux demandes (…) formulées par le Comité contre la torture des Nations Unies, en dépit du fait que de telles demandes (…) ne présentent pas un caractère juridiquement obligatoire pour les États parties ».

Concernant les communications interétatiques de l’article 10, la terminologie employée par le protocole est encore plus atténuée. En l’absence de règlement amiable, le Comité peut, dans son rapport, « communiquer aux seuls États parties intéressés toutes vues qu’il peut considérer pertinentes en la matière ».

Concernant les enquêtes de l’article 11, celles-ci ne peuvent comporter une visite sur le territoire qu’avec l’accord de l’État partie, et « la coopération de l’Etat partie est sollicitée à tous les stades de la procédure ».

L’action du Comité repose donc totalement sur la bonne volonté des États, et l’on se doute bien que les contrevenants n’auront pas à cœur de la faciliter. Ils n’y seront en aucun cas contraints.

b. Une portée symbolique potentiellement non négligeable

Si les décisions du Comité ne sont pas juridiquement contraignantes, elles pourraient n’être pas tout à fait anodines pour les États contrevenants. Un constat de violation du Pacte induit en effet une stigmatisation sur la scène internationale. Pour les démocraties occidentales en particulier, qui sont soucieuses de leurs opinions publiques et font de la défense des droits de l’homme un axe important de leur politique étrangère, la répercussion en termes d’image serait très négative. De ce point de vue, les décisions du Comité pourraient en fait avoir une portée qui va bien au-delà de leur force juridique, et le protocole constituer un puissant incitatif à mieux respecter les droits garantis par le Pacte et à donner rapidement suite aux avis du Comité.

Mais cet impact symbolique ne peut exister que si ces décisions sont publiques. Toutes les procédures prévues dans le protocole sont marquées du sceau de la confidentialité. Les communications individuelles sont examinées « à huis clos » (article 8), les constatations et recommandations du Comité étant ensuite transmises « aux parties concernées ». Les communications interétatiques sont elles aussi examinées à huis clos, et le Comité communique les vues qu’il juge pertinentes « aux seuls États parties ». A l’issue de la procédure d’enquête prévue à l’article 11, le Comité peut « décider de faire figurer un compte-rendu succinct des résultats » dans son rapport annuel, toutefois seulement « après consultations avec l’État partie intéressé » : on imagine bien que cela ne se fera pas sans son accord.

Toutefois, les constatations et recommandations faites par le Comité dans le cadre du système de communications individuelles seront, comme c’est le cas pour les autres comités onusiens, publiques et accessibles sur le site Internet des Nations Unies. Les organisations non gouvernementales spécialisées dans la défense des droits de l’homme seront sans doute un relais efficace pour accroître l’impact médiatique des décisions du Comité. Par ailleurs, l’article 16 du protocole prévoit que les États parties « s’engagent à faciliter l’accès aux informations sur les constations et recommandations du Comité ».

c. Un mécanisme sous-dimensionné par rapport aux enjeux ?

Votre rapporteur apprécie l’avancée que représente l’adoption de ce protocole à l’échelle internationale. Il tient pourtant à souligner à quel point ce mécanisme paraît modeste au regard de l’immense vulnérabilité des droits économiques, sociaux et culturels.

La crise économique dure à présent depuis 2008 et a rudement mis à l’épreuve le pacte social dans notre pays. Des millions de Français sont aujourd’hui au chômage et voient leur droit au travail bafoué. Le phénomène de désertification médicale s’accentue, remettant en cause l’accès aux soins de santé des habitants des régions concernées. Et, pour ne prendre qu’un dernier exemple, les insuffisances de la politique du logement font que le droit au logement est dénié à un nombre croissant de citoyens et de familles.

Les droits économiques, sociaux et culturels sont passés dans le langage courant, mais ils n’ont jamais été moins évidents qu’aujourd’hui. À cet égard, le mécanisme de communications est une mesure bienvenue, mais qui ne saurait suffire. Rappelons qu’il faut que toutes les voies de recours internes aient été épuisées pour qu’une communication soit jugée recevable par le Comité. Il faut encore le temps de l’instruction, qui se fait à huis clos. Le Comité transmet ensuite ses recommandations éventuelles aux parties, et l’État a encore six mois pour y répondre : on imagine sans peine qu’il faut, dans ces conditions, bien des années, avant qu’une victime de violations puisse faire entendre sa voix !

Si la ratification du protocole au PIDESC peut ouvrir les débats sur l’insuffisante protection des droits économiques, sociaux et culturels, tant mieux, mais elle ne doit en aucun cas en être la conclusion. L’effort en ce sens doit se poursuivre.

CONCLUSION

La ratification du protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et politiques ne révolutionnera certes pas la protection de ces droits à l’échelle supranationale. De ce point de vue, on est encore très loin de la procédure juridictionnelle ouverte devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en matière de droits civils et politiques.

Le texte du protocole est tributaire de sa vocation universelle : afin de rallier potentiellement l’ensemble des États des Nations Unies, il fallait se limiter au plus petit dénominateur commun. Dès lors, le protocole est un compromis, et porte la marque de ce compromis dans chacun de ses articles : absence totale de contrainte, encadrement extrêmement strict de procédures reposant totalement sur la bonne volonté des Etats, publicité limitée.

Malgré tous ces défauts, le protocole marque un petit pas en avant dans la reconnaissance et la protection des droits économiques, sociaux et culturels. À l’échelle des Nations Unies, ces droits sont à présent mis sur un pied d’égalité avec les droits civils et politiques : ce ne sont plus des droits de deuxième catégorie. Par ailleurs, le mécanisme de communications prévu dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques a contribué à améliorer la compréhension et la connaissance de ces droits grâce au développement d’une jurisprudence internationale. On peut en attendre autant du présent protocole. Il transformera les vagues aspirations politiques du Pacte en normes tangibles et réalisables, appréciées à partir des situations individuelles concrètes mises en lumière par le mécanisme de communications.

Notre pays doit être en pointe pour la promotion de ces droits, pas seulement dans le discours, mais dans les actes. Cela passe par un engagement militant en faveur d’une ratification rapide et d’une application pleine et entière du protocole. La France ne doit pas craindre d’élargir les compétences du comité aux communications interétatiques et enquêtes : ces procédures demeurent de toute façon très encadrées ! Il est par ailleurs impératif que la France donne toute la publicité nécessaire aux travaux du Comité en réponse aux rapports périodiques ou à d’éventuelles communications. Car c’est bien l’opinion publique internationale qui est ici le véritable juge des pratiques de Etats.

ANNEXE 1 : PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Préambule

Les Etats parties au présent Pacte,

Considérant que, conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde,

Reconnaissant que ces droits découlent de la dignité inhérente à la personne humaine,

Reconnaissant que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'idéal de l'être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créées,

Considérant que la Charte des Nations Unies impose aux Etats l'obligation de promouvoir le respect universel et effectif des droits et des libertés de l'homme,

Prenant en considération le fait que l'individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s'efforcer de promouvoir et de respecter les droits reconnus dans le présent Pacte,

Sont convenus des articles suivants:

PREMIÈRE PARTIE

Article premier

1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.

3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.

DEUXIÈME PARTIE

Article 2

1. Chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives.

2. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

3. Les pays en voie de développement, compte dûment tenu des droits de l'homme et de leur économie nationale, peuvent déterminer dans quelle mesure ils garantiront les droits économiques reconnus dans le présent Pacte à des non-ressortissants.

Article 3

Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à assurer le droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels qui sont énumérés dans le présent Pacte.

Article 4

Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent que, dans la jouissance des droits assurés par l'Etat conformément au présent Pacte, l'Etat ne peut soumettre ces droits qu'aux limitations établies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la nature de ces droits et exclusivement en vue de favoriser le bien-être général dans une société démocratique.

Article 5

1. Aucune disposition du présent Pacte ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans le présent Pacte ou à des limitations plus amples que celles prévues dans ledit Pacte.

2. Il ne peut être admis aucune restriction ou dérogation aux droits fondamentaux de l'homme reconnus ou en vigueur dans tout pays en vertu de lois, de conventions, de règlements ou de coutumes, sous prétexte que le présent Pacte ne les reconnaît pas ou les reconnaît à un moindre degré.

TROISIÈME PARTIE

Article 6

1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit.

2. Les mesures que chacun des Etats parties au présent Pacte prendra en vue d'assurer le plein exercice de ce droit doivent inclure l'orientation et la formation techniques et professionnelles, l'élaboration de programmes, de politiques et de techniques propres à assurer un développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif dans des conditions qui sauvegardent aux individus la jouissance des libertés politiques et économiques fondamentales.

Article 7

Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment:

a) La rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs:

i) Un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu'eux pour un même travail;

ii) Une existence décente pour eux et leur famille conformément aux dispositions du présent Pacte;

b) La sécurité et l'hygiène du travail;

c) La même possibilité pour tous d'être promus, dans leur travail, à la catégorie supérieure appropriée, sans autre considération que la durée des services accomplis et les aptitudes;

d) Le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés.

Article 8

1. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à assurer:

a) Le droit qu'a toute personne de former avec d'autres des syndicats et de s'affilier au syndicat de son choix, sous la seule réserve des règles fixées par l'organisation intéressée, en vue de favoriser et de protéger ses intérêts économiques et sociaux. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale ou de l'ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d'autrui.

b) Le droit qu'ont les syndicats de former des fédérations ou des confédérations nationales et le droit qu'ont celles-ci de former des organisations syndicales internationales ou de s'y affilier.

c) Le droit qu'ont les syndicats d'exercer librement leur activité, sans limitations autres que celles qui sont prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale ou de l'ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d'autrui.

d) Le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque pays.

2. Le présent article n'empêche pas de soumettre à des restrictions légales l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de la fonction publique.

3. Aucune disposition du présent article ne permet aux Etats parties à la Convention de 1948 de l'Organisation internationale du Travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de prendre des mesures législatives portant atteinte -- ou d'appliquer la loi de façon à porter atteinte -- aux garanties prévues dans ladite convention.

Article 9

Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales.

Article 10

Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent que:

1. Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est l'élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu'elle a la responsabilité de l'entretien et de l'éducation d'enfants à charge. Le mariage doit être librement consenti par les futurs époux.

2. Une protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période de temps raisonnable avant et après la naissance des enfants. Les mères salariées doivent bénéficier, pendant cette même période, d'un congé payé ou d'un congé accompagné de prestations de sécurité sociale adéquates.

3. Des mesures spéciales de protection et d'assistance doivent être prises en faveur de tous les enfants et adolescents, sans discrimination aucune pour des raisons de filiation ou autres. Les enfants et adolescents doivent être protégés contre l'exploitation économique et sociale. Le fait de les employer à des travaux de nature à compromettre leur moralité ou leur santé, à mettre leur vie en danger ou à nuire à leur développement normal doit être sanctionné par la loi. Les Etats doivent aussi fixer des limites d'âge au-dessous desquelles l'emploi salarié de la main-d’œuvre enfantine sera interdit et sanctionné par la loi.

Article 11

1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence. Les Etats parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l'importance essentielle d'une coopération internationale librement consentie.

2. Les Etats parties au présent Pacte, reconnaissant le droit fondamental qu'a toute personne d'être à l'abri de la faim, adopteront, individuellement et au moyen de la coopération internationale, les mesures nécessaires, y compris des programmes concrets:

a) Pour améliorer les méthodes de production, de conservation et de distribution des denrées alimentaires par la pleine utilisation des connaissances techniques et scientifiques, par la diffusion de principes d'éducation nutritionnelle et par le développement ou la réforme des régimes agraires, de manière à assurer au mieux la mise en valeur et l'utilisation des ressources naturelles;

b) Pour assurer une répartition équitable des ressources alimentaires mondiales par rapport aux besoins, compte tenu des problèmes qui se posent tant aux pays importateurs qu'aux pays exportateurs de denrées alimentaires.

Article 12

1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.

2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer:

a) La diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l'enfant;

b) L'amélioration de tous les aspects de l'hygiène du milieu et de l'hygiène industrielle;

c) La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies;

d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.

Article 13

1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l'éducation. Ils conviennent que l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l'éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

2. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent qu'en vue d'assurer le plein exercice de ce droit:

a) L'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous;

b) L'enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l'enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;

c) L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;

d) L'éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme;

e) Il faut poursuivre activement le développement d'un réseau scolaire à tous les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant.

3. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l'Etat en matière d'éducation, et de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions.

4. Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d'enseignement, sous réserve que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l'éducation donnée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l'Etat.

Article 14

Tout Etat partie au présent Pacte qui, au moment où il devient partie, n'a pas encore pu assurer dans sa métropole ou dans les territoires placés sous sa juridiction le caractère obligatoire et la gratuité de l'enseignement primaire s'engage à établir et à adopter, dans un délai de deux ans, un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser progressivement, dans un nombre raisonnable d'années fixé par ce plan, la pleine application du principe de l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous.

Article 15

1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit:

a) De participer à la vie culturelle;

b) De bénéficier du progrès scientifique et de ses applications;

c) De bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.

2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture.

3. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices.

4. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent les bienfaits qui doivent résulter de l'encouragement et du développement de la coopération et des contacts internationaux dans le domaine de la science et de la culture.

QUATRIÈME PARTIE

Article 16

1. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à présenter, conformément aux dispositions de la présente partie du Pacte, des rapports sur les mesures qu'ils auront adoptées et sur les progrès accomplis en vue d'assurer le respect des droits reconnus dans le Pacte.

2.

a) Tous les rapports sont adressés au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, qui en transmet copie au Conseil économique et social, pour examen, conformément aux dispositions du présent Pacte;

b) le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies transmet également aux institutions spécialisées copie des rapports, ou de toutes parties pertinentes des rapports, envoyés par les Etats Parties au présent Pacte qui sont également membres desdites institutions spécialisées, pour autant que ces rapports, ou parties de rapports, ont trait à des questions relevant de la compétence desdites institutions aux termes de leurs actes constitutifs respectifs.

1. Les Etats parties au présent Pacte présentent leurs rapports par étapes, selon un programme qu'établira le Conseil économique et social dans un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur du présent Pacte, après avoir consulté les États Parties et les institutions spécialisées intéressées.

2. Les rapports peuvent faire connaître les facteurs et les difficultés empêchant ces États de s'acquitter pleinement des obligations prévues au présent Pacte.

3. Dans le cas où des renseignements à ce sujet ont déjà été adressés à l'Organisation des Nations Unies ou à une institution spécialisée par un État partie au Pacte, il ne sera pas nécessaire de reproduire lesdits renseignements et une référence précise à ces renseignements suffira.

Article 18

En vertu des responsabilités qui lui sont conférées par la Charte des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Conseil économique et social pourra conclure des arrangements avec les institutions spécialisées, en vue de la présentation par celles-ci de rapports relatifs aux progrès accomplis quant à l'observation des dispositions du présent Pacte qui entrent dans le cadre de leurs activités. Ces rapports pourront comprendre des données sur les décisions et recommandations adoptées par les organes compétents des institutions spécialisées au sujet de cette mise en œuvre.

Article 19

Le Conseil économique et social peut renvoyer à la Commission des droits de l'homme aux fins d'étude et de recommandations d'ordre général ou pour information, s'il y a lieu, les rapports concernant les droits de l'homme que communiquent les États conformément aux articles 16 et 17 et les rapports concernant les droits de l'homme que communiquent les institutions spécialisées conformément à l'article 18.

Article 20

Les Etats parties au présent Pacte et les institutions spécialisées intéressées peuvent présenter au Conseil économique et social des observations sur toute recommandation d'ordre général faite en vertu de l'article 19 ou sur toute mention d'une recommandation d'ordre général figurant dans un rapport de la Commission des droits de l'homme ou dans tout document mentionné dans ledit rapport.

Article 21

Le Conseil économique et social peut présenter de temps en temps à l'Assemblée générale des rapports contenant des recommandations de caractère général et un résumé des renseignements reçus des États parties au présent Pacte et des institutions spécialisées sur les mesures prises et les progrès accomplis en vue d'assurer le respect général des droits reconnus dans le présent Pacte.

Article 22

Le Conseil économique et social peut porter à l'attention des autres organes de l'Organisation des Nations Unies, de leurs organes subsidiaires et des institutions spécialisées intéressées qui s'occupent de fournir une assistance technique toute question que soulèvent les rapports mentionnés dans la présente partie du présent Pacte et qui peut aider ces organismes à se prononcer, chacun dans sa propre sphère de compétence, sur l'opportunité de mesures internationales propres à contribuer à la mise en œuvre effective et progressive du présent Pacte.

Article 23

Les États parties au présent Pacte conviennent que les mesures d'ordre international destinées à assurer la réalisation des droits reconnus dans ledit Pacte comprennent notamment la conclusion de conventions, l'adoption de recommandations, la fourniture d'une assistance technique et l'organisation, en liaison avec les gouvernements intéressés, de réunions régionales et de réunions techniques aux fins de consultations et d'études.

Article 24

Aucune disposition du présent Pacte ne doit être interprétée comme portant atteinte aux dispositions de la Charte des Nations Unies et des constitutions des institutions spécialisées qui définissent les responsabilités respectives des divers organes de l'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées en ce qui concerne les questions traitées dans le présent Pacte.

Article 25

Aucune disposition du présent Pacte ne sera interprétée comme portant atteinte au droit inhérent de tous les peuples à profiter et à user pleinement et librement de leurs richesses et ressources naturelles.

CINQUIÈME PARTIE

Article 26

1. Le présent Pacte est ouvert à la signature de tout État Membre de l'Organisation des Nations Unies ou membre de l'une quelconque de ses institutions spécialisées, de tout État partie au Statut de la Cour internationale de Justice, ainsi que tout autre État invité par l'Assemblée générale des Nations Unies à devenir partie au présent Pacte.

2. Le présent Pacte est sujet à ratification et les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

3. Le présent Pacte sera ouvert à l'adhésion de tout État visé au paragraphe 1 du présent article.

4. L'adhésion se fera par le dépôt d'un instrument d'adhésion auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

5. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies informe tous les États qui ont signé le présent Pacte ou qui y ont adhéré du dépôt de chaque instrument de ratification ou d'adhésion.

Article 27

1. Le présent Pacte entrera en vigueur trois mois après la date du dépôt auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies du trente-cinquième instrument de ratification ou d'adhésion.

2. Pour chacun des États qui ratifieront le présent Pacte ou y adhéreront après le dépôt du trente-cinquième instrument de ratification ou d'adhésion, ledit Pacte entrera en vigueur trois mois après la date du dépôt par cet État de son instrument de ratification ou d'adhésion.

Article 28

Les dispositions du présent Pacte s'appliquent, sans limitation ni exception aucune, à toutes les unités constitutives des États fédératifs.

Article 29

1. Tout État partie au présent Pacte peut proposer un amendement et en déposer le texte auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies. Le Secrétaire général transmet alors tous projets d'amendements aux États Parties au présent Pacte en leur demandant de lui indiquer s'ils désirent voir convoquer une conférence d'États parties pour examiner ces projets et les mettre aux voix. Si un tiers au moins des États se déclarent en faveur de cette convocation, le Secrétaire général convoque la conférence sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies. Tout amendement adopté par la majorité des États présents et votants à la conférence est soumis pour approbation à l'Assemblée générale des Nations Unies.

2. Ces amendements entrent en vigueur lorsqu'ils ont été approuvés par l'Assemblée générale des Nations Unies et acceptés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par une majorité des deux tiers des États parties au présent Pacte.

3. Lorsque ces amendements entrent en vigueur, ils sont obligatoires pour les États parties qui les ont acceptés, les autres États parties restant liés par les dispositions du présent Pacte et par tout amendement antérieur qu'ils ont accepté.

Article 30

Indépendamment des notifications prévues au paragraphe 5 de l'article 26, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies informera tous les États visés au paragraphe 1 dudit article:

a) Des signatures apposées au présent Pacte et des instruments de ratification et d'adhésion déposés conformément à l'article 26;

b) De la date à laquelle le présent Pacte entrera en vigueur conformément à l'article 27 et de la date à laquelle entreront en vigueur les amendements prévus à l'article 29.

Article 31

1. Le présent Pacte, dont les textes anglais, chinois, espagnol, français et russe font également foi, sera déposé aux archives de l'Organisation des Nations Unies.

2. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies transmettra une copie certifiée conforme du présent Pacte à tous les États visés à l'article 26.

ANNEXE 2 : COMPOSITION DU COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Nom

Nationalité

Echéance du mandat

Mr. Aslan Khuseinovich ABASHIDZE

Russie

31.12.2018

Mr. Mohamed Ezzeldin ABDEL-MONEIM

Egypte

31.12.2016

Mr. Clement ATANGANA

Cameroun

31.12.2018

Ms. Maria-Virginia BRAS GOMES (Rapporteur)

Portugal

31.12.2018

Ms. Jun CONG

Chine

31.12.2016

Mr. Chandrashekhar DASGUPTA (Vice-Président)

Inde

31.12.2018

Mr. Zdzislaw KEDZIA (Président)

Pologne

31.12.2016

Mr. Azzouz KERDOUN (Vice-président)

Algérie

31.12.2018

Mr. Mikel MANCISIDOR

Espagne

31.12.2016

Mr. Jaime MARCHAN ROMERO

Equateur

31.12.2014

Mr. Sergei MARTYNOV

Belarus

31.12.2016

Mr. Ariranga Govindasamy PILLAY

Maurice

31.12.2016

Ms. Lydia Carmelita RAVENBERG

Suriname

31.12.2016

Mr. Renato Zerbini RIBEIRO LEÃO (Vice-Président)

Brésil

31.12.2018

Mr. Waleed SADI

Jordanie

31.12.2016

Mr. Nicolaas SCHRIJVER

Pays-bas

31.12.2016

Ms. Heisoo SHIN

République de Corée

31.12.2018

Mr. Alvaro TIRADO MEJIA

Colombie

31.12.2014

Source : ministère des Affaires étrangères et du Développement international

ANNEXE 3 : LISTE DES « OBSERVATIONS GÉNÉRALES » PUBLIÉES PAR LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Jusqu’à aujourd’hui le Comité a publié vingt et une observations générales concernant les points suivants :

– La nature juridique des obligations contenues dans le Pacte (N° 3/1990)

L'application du Pacte au niveau national (N° 9/1998)

– Le droit au logement (4/1991 et 7/1997)

– La situation des personnes handicapées (N° 5/1994)

– Les droits économiques, culturels et sociaux des personnes âgées (N° 6/1995)

– Le droit à l’éducation (N° 11/1999 et N° 13/1999)

– Le droit à une nourriture suffisante (N° 12/1999)

– Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (N° 14/2000)

– Le droit à l’eau (N° 15/2002)

– Le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels (N° 16/2005)

– Le droit au travail (N° 18/2005)

– Le droit à la sécurité sociale (N° 19/2008)

– La non discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels (N° 20/2009)

– Le droit de chacun à participer à la vie culturelle (N° 21/2009)

Source : Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU

ANNEXE 4 : « OBSERVATIONS FINALES » DU COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

en réponse au troisième rapport périodique remis par la France en 2007.

1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le troisième rapport périodique de la France sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/FRA/3) de sa 3e à sa 5e séance, tenues les 29 et 30 avril 2008 (E/C.12/2008/SR.3 à 5), et a adopté à sa 26e séance, tenue le 16 mai 2008, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité prend note avec satisfaction de la présentation du troisième rapport périodique de la France, et des réponses écrites à sa liste de points à traiter (E/C.12/FRA/Q/3/Add.1). Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, qui comprenait des représentants de diverses administrations spécialisées dans les domaines visés par le Pacte, et des réponses de la délégation aux questions posées par le Comité.

B. Aspects positifs

3. Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie depuis l’adoption, en juillet 1998, de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, pour lutter contre l’exclusion sociale et pour garantir l’égalité des chances aux personnes appartenant aux groupes vulnérables et défavorisés dans les domaines de l’emploi, du logement, de la santé et de l’accès à la vie culturelle.

4. Le Comité se félicite de la création, en application de la loi no 2004/1486 du 30 décembre 2004, de l’instance indépendante appelée Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

5. Le Comité se réjouit de la mise en place, en application de la loi no 2006/457 du 21 avril 2006, du contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), qui vise à faciliter l’accès à l’emploi aux jeunes ayant des qualifications professionnelles et à ceux qui habitent dans des zones urbaines sensibles (ZUS).

6. Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 2006/399 du 4 avril 2006, qui renforce la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, et porte à 18 ans l’âge minimum légal du mariage des filles.

7. Le Comité prend note avec satisfaction du cadre juridique complet mis en place par la loi no 2003/239 du 18 mars 2003 pour lutter contre la traite des personnes et d’autres formes contemporaines d’esclavage.

8. Le Comité se félicite que la loi no 2007/290 du 5 mars 2007 ait reconnu que le droit à un logement décent est susceptible d’être mis en œuvre immédiatement par les organes judiciaires et administratifs.

9. Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour prévenir l’alcoolisme et le tabagisme, notamment l’adoption du plan 2007-2011 de prévention des addictions et l’instauration de l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics à compter du 1er janvier 2008.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre du Pacte

10. Le Comité constate qu’aucun facteur ou difficulté majeur n’empêche la mise en œuvre du Pacte dans l’État partie.

D. Principaux sujets de préoccupation

11. Le Comité déplore que, faute de données statistiques annuelles comparatives et ventilées sur les résultats concrets des diverses mesures législatives et gouvernementales prises par l’État partie, celui-ci n’ait pas pu procéder à une évaluation complète des progrès accomplis et des difficultés rencontrées dans l’application du Pacte.

12. Le Comité regrette que l’État partie n’ait consacré en 2007 que 0,39 % de son produit intérieur brut (PIB) à l’aide publique au développement (APD), alors que l’objectif fixé par l’ONU est de 0,7 % du PIB pour les pays industrialisés. Le Comité regrette en outre que la réalisation de l’objectif de consacrer 0,7 % de son PIB à la coopération internationale ait été reportée de 2012 à 2015.

13. Le Comité note avec préoccupation que les femmes appartenant à des minorités raciales, ethniques et nationales qui vivent dans des zones urbaines sensibles (ZUS), en particulier les mères célibataires, sont victimes de formes multiples de discrimination et rencontrent des difficultés pour ce qui est de l’accès à l’emploi, à la sécurité sociale et aux services sociaux, au logement, à la santé et à l’éducation.

14. Le Comité reste préoccupé par le taux élevé de chômage des femmes, en particulier celles qui appartiennent à des minorités raciales, ethniques et nationales, par la persistance d’écarts de salaire entre hommes et femmes et par le faible pourcentage de femmes qui occupent des postes de direction ou des postes de responsabilité dans de nombreux domaines, tant dans le secteur public que privé, malgré les diverses mesures législatives et gouvernementales prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité entre les sexes, notamment la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

15. Le Comité reste préoccupé par le fait qu’en dépit des mesures adoptées par l’État partie pour accroître les possibilités d’emploi pour les jeunes, le taux de chômage des jeunes, qui a chuté de 22 % à 18 % en 2007, continue d’être nettement supérieur à la moyenne.

16. Le Comité note avec préoccupation que la discrimination de facto à l’égard des personnes appartenant à des minorités nationales, ethniques et raciales, en particulier celles originaires du Maghreb, de Turquie et d’Afrique noire, reste répandue, malgré les mesures prises par l’État partie pour combattre la discrimination dans l’emploi, notamment l’adoption de la Charte de la diversité dans l’entreprise et le recours à la méthode du «testing» pour apporter la preuve d’un comportement discriminatoire devant les tribunaux.

17. Le Comité constate avec inquiétude qu’en raison de l’utilisation massive de contrats d’emploi à temps partiel, d’emploi temporaire et d’emploi à durée déterminée, de nombreux travailleurs, en particulier des jeunes, des parents seuls et des personnes sans qualification professionnelle, n’ont pas de sécurité de l’emploi et touchent le salaire minimum légal (salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), qui ne leur permet pas, ainsi qu’à leur famille, d’avoir un niveau de vie acceptable. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que ce sont surtout des femmes qui occupent des emplois temporaires, à temps partiel et faiblement rémunérés.

18. Le Comité observe avec préoccupation que la législation visant à améliorer l’accès des personnes handicapées à l’emploi (loi no 102/2005 du 11 février 2005) n’est pas effectivement appliquée et que le taux de chômage des personnes handicapées est encore trois fois supérieur à la moyenne.

19. Le Comité note que, même si la violence entre époux ou partenaires peut constituer une circonstance aggravante pour plusieurs infractions visées par le Code pénal, la violence familiale n’est toujours pas considérée comme une infraction spécifique dans la législation pénale de l’État partie. Il constate également qu’en dépit des efforts déployés par l’État partie pour mieux sensibiliser la population à ce phénomène, la sous-déclaration des cas de violence perpétrée par l’époux ou le partenaire continue de poser un problème.

20. Le Comité reste préoccupé par l’ampleur de la pauvreté dans l’État partie, ainsi que par le nombre élevé de personnes vivant exclusivement de transferts sociaux en espèces.

21. Le Comité est profondément préoccupé par le fait que les personnes appartenant à des minorités nationales, raciales et ethniques, en particulier les travailleurs migrants et les personnes issues de l’immigration, vivent majoritairement dans des quartiers pauvres où les infrastructures sont de mauvaise qualité, les immeubles mal entretenus, les perspectives d’emploi limitées, l’accès aux établissements de santé et aux transports publics insuffisant, et où les écoles manquent de moyens et les risques de délinquance et de violence sont élevés.

22. Le Comité constate avec préoccupation que, malgré les efforts déployés par l’État partie, le nombre de personnes et de familles qui vivent dans des logements ne répondant pas aux normes, caractérisés par des conditions d’insécurité et d’insalubrité, demeure élevé.

23. Le Comité demeure préoccupé par le nombre insuffisant de logements sociaux pour les ménages à faible revenu et par la hausse continue des loyers dans le secteur locatif privé, en dépit des efforts déployés par l’État partie pour augmenter le nombre des logements sociaux offerts.

24. Le Comité est préoccupé par la persistance de la discrimination de fait à l’encontre des Tziganes et des gens du voyage en matière de logement, en raison du manque de terrains de stationnement viabilisés pour caravanes et des médiocres conditions de vie qui existent dans de nombreuses aires d’accueil désignées par les autorités locales, souvent situées loin des zones résidentielles et en des lieux caractérisés par un manque d’infrastructures de base et de mauvaises conditions environnementales.

25. Le Comité demeure profondément préoccupé par l’ampleur du phénomène des sans-abri dans l’État partie, en dépit des efforts déployés par celui-ci afin d’accroître le nombre des hébergements d’urgence et d’améliorer les dispositifs d’aide aux personnes sans domicile. Le Comité note en particulier que le nombre des hébergements d’urgence et des centres d’accueil est trop faible pour répondre à la demande grandissante, et que les progrès accomplis pour favoriser la réinsertion sociale des personnes sans domicile sont encore insuffisants.

26. Le Comité observe avec préoccupation que, malgré la mise en place en juillet 1999 de la couverture maladie universelle (ou CMU), les personnes appartenant à des groupes vulnérables et défavorisés, notamment les demandeurs d’asile ou encore les travailleurs migrants sans papiers et les membres de leur famille, continuent de se heurter à des difficultés en matière d’accès aux soins de santé (établissements, biens et services), en raison des conditions administratives à remplir (obligation de stabilité et de régularité de résidence sur le territoire de l’État partie), de la complexité des démarches à accomplir, de la méconnaissance par les intéressés de leurs droits, et d’obstacles linguistiques.

27. Le Comité demeure profondément préoccupé par le taux élevé de suicide relevé dans l’État partie, en particulier chez les 15-44 ans, en dépit des divers plans et des diverses stratégies adoptés par l’État partie pour lutter contre ce phénomène.

28. Le Comité note avec préoccupation qu’il subsiste d’importantes disparités en ce qui concerne les taux de réussite et d’abandon scolaire entre les élèves français et ceux qui sont issus de minorités raciales, ethniques ou nationales, malgré les efforts déployés par l’État partie en vue de remédier aux inégalités sociales et économiques qui existent dans le domaine de l’éducation.

29. Le Comité reste préoccupé par l’absence de reconnaissance officielle des minorités sur le territoire de l’État partie. En ce qui concerne les droits culturels, il note en outre que certains de ces droits − notamment le droit d’employer une langue minoritaire − ne peuvent être exercés qu’en communauté avec d’autres membres du groupe minoritaire.

30. Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas fait suffisamment d’efforts dans le domaine de la préservation et de la promotion des langues et patrimoines culturels régionaux et minoritaires. Il note également que l’absence de reconnaissance ou de statut officiel a contribué, selon les informations reçues, à la diminution constante du nombre de locuteurs de langues régionales et minoritaires.

E. Suggestions et recommandations

31. Le Comité prie l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques annuelles comparatives, ventilées par groupe d’âge, sexe, origine et − éventuellement − zone d’habitation urbaine ou rurale, couvrant ces cinq dernières années et portant sur les résultats concrets des diverses mesures législatives et gouvernementales prises par l’État partie pour donner effet au Pacte à l’échelon national.

32. Le Comité recommande à l’État partie de porter à 0,7 % de son PIB son aide publique au développement, comme en sont convenus les chefs d’État et de gouvernement lors de la Conférence internationale sur le financement du développement, qui s’est tenue à Monterrey (Mexique) du 18 au 22 mars 2002.

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires − y compris si besoin des mesures spéciales temporaires − pour combattre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes appartenant à des minorités raciales, ethniques et nationales qui vivent dans des zones urbaines sensibles (ZUS), en particulier des mères célibataires, en vue d’assurer leur égal accès à l’emploi, à la sécurité sociale et aux services sociaux, au logement, à la santé et à l’éducation.

34. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires − y compris si besoin des mesures spéciales temporaires − pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, améliorer le taux d’emploi des femmes, réduire les écarts de salaire entre les hommes et les femmes et augmenter le pourcentage de femmes occupant des postes de responsabilité, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

35. Le Comité encourage l’État partie à intensifier ses efforts pour promouvoir les possibilités d’emploi des jeunes, en particulier en faveur de ceux qui n’ont pas de qualification professionnelle et ceux qui vivent dans des zones urbaines sensibles (ZUS), grâce à des mesures ciblées, notamment des possibilités de formation et d’orientation professionnelles et des mesures fiscales en faveur des entreprises qui embauchent des jeunes.

36. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer ses mécanismes juridiques et institutionnels visant à lutter contre la discrimination raciale dans l’emploi et à favoriser l’accès à des possibilités égales d’emploi pour les personnes appartenant à des minorités nationales, raciales et ethniques.

37. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre le chômage structurel et limiter autant que possible le recours à des contrats d’emploi temporaire afin d’encourager les entreprises à embaucher des personnes appartenant à des groupes vulnérables tels que les jeunes, les parents isolés et les personnes sans qualification professionnelle. Il recommande également que ces contrats ne soient conclus que dans les cas visés par la législation en vigueur et que des garanties suffisantes soient prévues pour que les travailleurs recrutés au titre de ces contrats puissent néanmoins avoir un niveau de vie acceptable et exercer les droits du travail consacrés par les articles 6 et 7 du Pacte.

38. Conformément à son Observation générale no 5 (1994) relative aux personnes souffrant d’un handicap, le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures appropriées pour s’assurer que les handicapés bénéficient de possibilités égales d’emploi productif et rémunéré, dans des structures protégées et sur le marché du travail normal. Il demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la loi no 102/2005 du 11 février 2005, en vertu de laquelle 6 % des salariés des entreprises de plus de 20 salariés doivent être des personnes handicapées.

39. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un texte de loi érigeant en infraction les actes de violence familiale. Il lui recommande également d’intensifier ses efforts pour mieux sensibiliser la population à la gravité de cette infraction et faire connaître les mécanismes à la disposition des victimes de violence familiale, en particulier en adaptant ses campagnes d’information à l’intention des groupes de femmes les plus vulnérables, notamment celles originaires de certains pays non européens et celles ayant un faible niveau d’instruction.

40. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour lutter contre la pauvreté, notamment en appliquant à d’autres départements le revenu de solidarité active (RSA), actuellement expérimenté dans 34 départements dans le but de remplacer certains minima sociaux, à savoir le revenu minimum d’insertion (RMI), l’allocation parent isolé (API) et la prime pour l’emploi (PPE). Il recommande également à l’État partie de veiller à l’application des mesures prises pour répondre efficacement aux besoins des plus pauvres.

41. Le Comité exhorte l’État partie à prendre toutes les mesures voulues, en étroite concertation avec les populations concernées, pour réduire le phénomène de ségrégation dans le logement fondée sur l’origine nationale, raciale et ethnique, ainsi que ses conséquences négatives pour les individus et les groupes touchés. Il recommande en particulier à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour:

a) Améliorer les conditions de logement et de vie dans les quartiers touchés par la ségrégation raciale en facilitant la rénovation des immeubles et en améliorant les infrastructures, l’accès aux services et les perspectives d’emploi;

b) Appuyer la construction de nouveaux logements publics en dehors des quartiers pauvres touchés par la ségrégation raciale; et

c) Garantir l’application effective de la législation visant à combattre la discrimination dans le logement, y compris les pratiques discriminatoires du secteur privé.

42. Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur la mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine d’août 2003, qui vise à accélérer la restructuration des quartiers les plus dégradés.

43. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer l’application de son cadre juridique et réglementaire pour lutter contre le phénomène des logements non conformes aux normes qui se caractérisent par des conditions d’insécurité et d’insalubrité, de manière à améliorer la qualité des grands ensembles de logements publics et à favoriser la rénovation des grands ensembles de logements privés par les propriétaires.

44. Tenant compte de l’Observation générale no 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant, le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures voulues pour assurer l’accès des ménages à faible revenu à un logement décent, notamment en veillant à ce que des ressources suffisantes soient dégagées pour augmenter le nombre de logements sociaux et en prévoyant des formes d’aide financière appropriées, telles que des allocations logement, afin de permettre aux ménages à faible revenu d’avoir accès à un logement décent dans le secteur locatif privé.

45. Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer le respect de la loi no 2000/614 du 5 juin 2000, qui exige des autorités locales qu’elles désignent des aires d’accueil pour les résidences mobiles des Tziganes et des gens du voyage, pourvues des infrastructures voulues et situées dans des zones aménagées pour un séjour en milieu urbain. Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées, notamment des statistiques ventilées, sur les progrès accomplis dans l’application de la loi no 2000/614.

46. Le Comité recommande à l’État partie de réaliser une enquête nationale actualisée afin d’évaluer l’ampleur du phénomène des sans-abri dans l’État partie. Le Comité lui recommande en outre de prendre toutes mesures appropriées pour améliorer sur les plans quantitatif et qualitatif les dispositifs d’accueil (y compris les hébergements d’urgence, les foyers, les centres d’accueil et de réinsertion sociale et les maisons-relais et pensions de famille), et d’élaborer les politiques et programmes voulus pour faciliter la réinsertion sociale des personnes sans domicile.

47. Tenant compte de son Observation générale no 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, le Comité demande instamment à l’État partie d’adopter toutes les mesures voulues pour que les personnes appartenant aux groupes défavorisés et marginalisés, notamment les demandeurs d’asile ainsi que les travailleurs migrants sans papiers et les membres de leur famille, aient accès aux établissements, aux biens et aux services en matière de santé.

48. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour analyser les raisons à l’origine des suicides, de manière à élaborer des stratégies efficaces visant à prévenir le suicide chez les personnes appartenant aux groupes particulièrement vulnérables, notamment les jeunes, les homosexuels, les toxicomanes et les alcooliques, les détenus et les personnes âgées. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques, ventilées par âge et par sexe, sur le nombre de personnes qui se sont suicidées ou ont tenté de se suicider, ainsi que des informations sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre des plans et des stratégies mis en place en matière de prévention du suicide.

49. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures voulues pour réduire les importantes disparités en matière de réussite scolaire entre les élèves français et ceux qui appartiennent à des minorités raciales, ethniques ou nationales, notamment en étoffant l’offre de cours de langue française pour les élèves qui n’ont pas les compétences linguistiques suffisantes en français et en évitant la surreprésentation des élèves issus de minorités dans les classes pour élèves en difficulté. Le Comité recommande en outre à l’État partie de réaliser de nouvelles études sur la corrélation entre échec scolaire et environnement social, en vue d’élaborer des stratégies efficaces visant à réduire les taux disproportionnés d’abandon scolaire chez les élèves issus de minorités.

50. Le Comité, tout en notant que la reconnaissance de groupes minoritaires ou de droits collectifs est considérée comme incompatible avec la Constitution de l’État partie, tient à réaffirmer que le principe de l’égalité devant la loi et l’interdiction de la discrimination ne suffisent pas toujours à assurer l’exercice effectif et dans des conditions d’égalité des droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, par des membres de groupes minoritaires. Il recommande donc à l’État partie d’envisager de revoir sa position à l’égard des minorités et de reconnaître officiellement la nécessité de protéger la diversité culturelle de tous les groupes minoritaires résidant sur son territoire, conformément aux dispositions de l’article 15 du Pacte. À ce propos, il renouvelle la recommandation qu’il avait faite dans ses précédentes observations finales (E/C.12/1/Add.72, par. 25) tendant à ce que l’État partie a) retire sa réserve à l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l’article 30 de la Convention relative aux droits de l’enfant et b) envisage de ratifier la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales ainsi que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

51. Le Comité renouvelle la recommandation qu’il avait faite dans ses précédentes observations finales (ibid., par. 26) tendant à ce que l’État partie intensifie ses efforts pour préserver et promouvoir les langues et patrimoines culturels régionaux et minoritaires, notamment en veillant à ce que des ressources financières et humaines suffisantes soient allouées à l’enseignement des langues et cultures régionales et minoritaires dans les écoles publiques et à la diffusion de programmes de télévision et de radio dans ces langues. Il recommande également à l’État partie d’envisager de revoir sa position en ce qui concerne l’absence de reconnaissance officielle des langues régionales et minoritaires dans sa Constitution.

52. Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif qui s’y rapporte.

53. Le Comité encourage également l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

54. Le Comité encourage en outre l’État partie à envisager de ratifier le Protocole no 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

55. Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base conformément aux directives harmonisées (de 2006) concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.4, chap. I).

56. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier au sein de l’administration, de l’appareil judiciaire et des organisations de la société civile en général, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il l’encourage également à continuer d’associer des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

57. Le Comité prie l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique d’ici au 30 juin 2011.

ANNEXE 5

AUDITIONS :

Néant

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 10 juin 2014, à 17h00.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Pierre Dufau. Au regard des conclusions apportées par le rapporteur, nous pouvons dire qu’il a cerné l’ensemble de la problématique et qu’il a résumé l’avancée des droits induite par ce Protocole.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1845).

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, signé à New York le 11 décembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 1845).

© Assemblée nationale

1 () Résolution 1985/17 du Conseil économique et social du 28 mai 1985

2 () « Police et gendarmerie nationale : dépenses de rémunération et temps de travail », Cour des comptes, 18 mars 2013

3 () Par date de ratification : Équateur, Mongolie, Espagne, El Salvador, Argentine, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Slovaquie, Portugal, Uruguay, Monténégro, Finlande, Gabon, Belgique.

4 () Angola, Arménie, Azerbaïdjan, Bénin, Burkina Faso, Cabo Verde, Chili, Congo, Costa Rica, Macédoine, France, Ghana, Guatemala, Guinée-Bissau, Îles Salomon, Irlande, Italie, Kazakhstan, Luxembourg, Madagascar, Maldives, Mali, Paraguay, Pays-Bas, République démocratique du Congo, Sénégal, Slovénie, Timor, Togo, Ukraine, Vénézuela.