N° 2155
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juillet 2014.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, relatif à l’adaptation de la société au vieillissement,
PAR Mme Martine PINVILLE,
Députée.
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1994 et 2119.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 11
I. RÉPONDRE AUX ENJEUX DE LA TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE 15
II. FINANCER ET ORGANISER L’ACCOMPAGNEMENT DE LA PERTE D’AUTONOMIE 20
A. LES RESSOURCES NOUVELLES ISSUES DE LA CASA 20
1. Le financement de la politique d’accompagnement de la perte d’autonomie 20
2. L’affectation du produit de la CASA à la perte d’autonomie 21
B. L’AMÉLIORATION DE LA GOUVERNANCE NATIONALE 23
1. Le Haut Conseil de l’âge 23
2. Le rôle de pilotage confié à la CNSA 24
3. Les systèmes d’information 26
C. L’ENGAGEMENT DE LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE LOCALE 27
III. CHANGER LE REGARD DE LA SOCIÉTÉ ET LE QUOTIDIEN DES AÎNÉS 29
A. LES DROITS ET LA PARTICIPATION DES PERSONNES ÂGÉES 29
1. Vieillissement et participation à la vie de la cité 29
2. Vieillissement et respect des droits 30
B. L’ADAPTATION DU CADRE DE VIE 36
C. LES CONDITIONS DU MAINTIEN À DOMICILE 39
1. L’amélioration de l’APA à domicile 39
2. Les services d’aide et d’accompagnement à domicile 43
3. L’identification et le soutien des proches aidants 47
4. Le développement de l’accueil familial 50
TRAVAUX DE LA COMMISSION 51
AUDITIONS DE LA MINISTRE 51
EXAMEN DES ARTICLES 83
TITRE PRÉLIMINAIRE DISPOSITIONS D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION 83
Article 1er : Impératif national d’adaptation de la société au vieillissement 83
Après l’article 1er 85
Article 2 : Approbation du rapport annexé définissant les objectifs de la politique d’adaptation de la société au vieillissement 88
TITRE IER : ANTICIPATION DE LA PERTE D’AUTONOMIE 115
Chapitre Ier – L’amélioration de l’accès aux aides techniques et aux actions collectives de prévention 115
Article 3 (Art.L. 233-1, L. 233-2, L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-5 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles) : Instauration d’une conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées 115
Article 4 (Art. L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles) : Financement des actions de prévention de la perte d’autonomie sur la section V du budget de la CNSA 124
Article 5 (Art. L. 14-10-10 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Répartition des concours de la CNSA 129
Chapitre II – L’action sociale inter-régimes des caisses de retraite 131
Article 6 (Art. L. 115-2-1 et L. 115-9 [nouveaux] du code de la sécurité sociale) : Recueil d’informations et coordination des régimes de sécurité sociale 131
Article 7 (Art. L. 113-2-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Modalités de la reconnaissance mutuelle de la perte d’autonomie par les départements et les organismes de sécurité sociale 133
Chapitre III – Lutte contre l’isolement 136
Article 8 (Art. L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles) : Financement des actions de formation au profit des intervenants bénévoles par la CNSA 136
TITRE II : ADAPTATION DE LA SOCIÉTÉ AU VIEILLISSEMENT 139
Chapitre Ier – Vie associative 139
Article 9 (Art. L. 120-17 du code du service national) : Conditions de délivrance d’une attestation de tutorat 139
Article 10 (Art. L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3 et L. 480-4 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles) : Instauration d’un volontariat civique sénior 142
Chapitre II – Habitat collectif pour personnes âgées 146
Section 1 : Les résidences autonomie et les autres établissements d’hébergement pour personnes âgées 146
Article 11 (Art. L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles) : Mission de prévention de la perte d’autonomie des logements-foyers accueillant des personnes âgées 146
Article 12 (Art. L. 633-3 du code de la construction et de l’habitation) : Durée des contrats d’accueil et contenu des règlements intérieurs des logements-foyers accueillant des personnes âgées et des adultes handicapés 160
Article 13 (Art. L. 342-1 du code de l’action sociale et des familles) : Revalorisation des redevances des logements-foyers conventionnés au titre de l’aide personnalisée au logement et non habilités à l’aide sociale 162
Article 14 (Art. L. 411-10 du code de construction et de l’habitation) : Amélioration du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux 164
Section 2 : Les autres formes d’habitat avec services 167
Article 15 (Art. 41-1 à 41-5, 41-6 [nouveau] et 41-7 [nouveau] de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. L. 7232-1-2 du code du travail) : Sécurisation de la gestion des résidences-services 167
Après l’article 15 177
Article additionnel après l’article 15 : Rapport au Parlement sur le logement intergénérationnel 181
Chapitre III – Territoires, habitats et transports 182
Article 16 (Art. L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation) : Prise en compte du vieillissement dans les programmes locaux de l’habitat 182
Article additionnel après l’article 16 (article L. 122-1-2 du code de l’urbanisme) : Prise en compte du vieillissement par les schémas de cohérence territoriale 183
Article 17 (Art. L. 2143-3 du code général des collectivités territoriales) : Prise en compte des personnes âgées dans les commissions communales pour l’accessibilité 184
Après l’article 17 186
Article 18 (Art. L. 1214-2 et L. 1231-8 du code des transports) : Prise en compte de l’avancée en âge dans les transports urbains 187
Chapitre IV – Droits, protection et engagements des personnes âgées 188
Section 1 : Droits individuels des personnes âgées hébergées ou accompagnées 188
Article 19 (Art. L. 113-1, L. 113-1-1 et -2 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles) : Droits des personnes âgées à un accompagnement adapté 188
Article 20 (Intitulé du chapitre 1er du titre III du livre II du code de l’action sociale et des familles) : Substitution de la notion d’accueil à la notion de placement 191
Article 21 (Art. L. 231-4 du code de l’action sociale et des familles) : Substitution de la notion d’accueil à la notion de placement 192
Article 22 (Art. L. 311-3, L. 311-4, L. 311-4-1 [nouveau] et L.311-5-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Renforcement des droits et libertés des usagers des établissements et services sociaux et médico-sociaux 194
Après l’article 22 207
Section 2 : Protection des personnes handicapées et des personnes âgées fragiles 210
Article 23 (Art. L 116-4 [nouveau], L 331-4 et L 443-6 du code de l’action sociale et des familles) : Extension de l’incapacité spéciale à recevoir des libéralités 210
Après l’article 23 215
Article 24 (Art. 911 du code civil) : Nullité des dons et legs adressés à des personnes morales par simulation ou interposition 215
Article 25 (Art. L 331-8-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Obligation de signalement des situations de maltraitance 217
Article additionnel après l’article 25 (Article 2-8 du code de procédure pénale) : Possibilité pour les associations de défense de personnes âgées de se porter partie civile 222
Section 3 : Protection juridique des majeurs 223
Article 26 (Art. L. 471-6 et L. 471-8 du code de l’action sociale et des familles) : Généralisation de l’obligation de délivrance du document individuel de protection des majeurs 223
Article additionnel après l’article 26 (Art. L. 471-2-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Incompatibilité des activités de mandataire judiciaire à la protection des majeurs à titre individuel et de délégué mandataire 229
Article 27 (Art. L. 472-1 et L. 472-1-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Organisation d’appels à candidatures pour la délivrance de l’agrément des mandataires individuels 229
Article additionnel après l’article 27 (Art. 477 du code civil) : Durée maximale de validité et modalités d’enregistrement du mandat de protection future 232
Article 28 (Art. L. 3211-6 du code de la santé publique) : Extension aux personnes hébergées dans un établissement médico-social du placement sous sauvegarde de justice par déclaration médicale 234
Article additionnel après l’article 28 (Art. 26 du code civil) : Déclaration de nationalité française par un étranger ascendant de Français et présent sur le territoire depuis vingt-cinq ans 236
Après l’article 28 240
Article additionnel après l’article 28 (Art. L. 816-1 du code de la sécurité sociale) : Vérification de la condition d’antériorité de résidence pour bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées 243
TITRE III ACCOMPAGNEMENT DE LA PERTE D’AUTONOMIE 244
Chapitre Ier – Revaloriser et améliorer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile 244
Article 29 (Art. L. 232-3, L. 232-3-1 [nouveau], L. 232-4, L. 232-6, L. 232-7, L. 232-12, L. 232-14, L. 232-15 et L. 232-18 du code de l’action sociale et des familles) : Diversification et amélioration des plans d’aide de l’allocation personnalisée d’autonomie 244
Article additionnel après l’article 29 (Art. L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales) : Convention de mandat pour le paiement des chèques d’accompagnement personnalisé 255
Article 30 (Art. L. 153 A [nouveau] du livre des procédures fiscales) : Transmission d’informations des administrations fiscales aux services chargés d’apprécier les ressources des bénéficiaires de l’APA 256
Après l’article 30 257
Chapitre II – Refonder l’aide à domicile 260
Article 31 (Art. L. 313-11-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des services d’aide et d’accompagnement à domicile 260
Article 32 : Prolongation de l’expérimentation de nouvelles modalités d’allocation de ressources aux services d’aide et d’accompagnement à domicile 265
Article 33 : Procédure d’autorisation avec dispense d’appel à projet pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile agréés 271
Article 34 : Possibilité pour les services polyvalents d’aide et de soins à domicile d’opter pour un mode d’organisation intégré 278
Chapitre III – Soutenir et valoriser les proches aidants 283
Article 35 (Art. L. 113-1-3 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Définition du proche aidant de la personne âgée 283
Après l’article 35 286
Article 36 (Art. L. 232-3-2 et L. 232-3-3 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles) : Augmentation du plan d’aide de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile en cas d’absence temporaire du proche aidant 286
Article 37 Expérimentation de la suppléance des proches aidants par « baluchonnage » 289
Chapitre IV – Dispositions financières relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie et au soutien à la valorisation des proches aidants 295
Avant l’article 38 295
Article 38 (Art. L. 14-10-5, L. 14-10-6 du code de l’action sociale et des familles) : Revalorisation de l’APA grâce aux ressources issues de la CASA 296
Chapitre V – Soutenir l’accueil familial 301
Article 39 (Art. L. 441-1, L. 441-2, L. 442-1, L. 443-11 [nouveau] du code de l’action et des familles, L. 1271-1, L. 1271-2, L. 1271-3 du code du travail, et L. 133-8 du code de la sécurité sociale) : Renforcement de l’accueil familial à titre onéreux de personnes âgées et handicapées 301
Chapitre VI – Clarifier les règles relatives au tarif d’hébergement en établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) 311
Article 40 (Art. L. 342-2, L. 342-3 et L. 342-4 du code de l’action sociale et des familles) : Création d’un tarif socle d’hébergement dans les EHPAD non habilités à l’aide sociale 311
Après l’article 40 316
Article 41 (Art. L. 312-9 du code de l’action sociale et des familles) : Transmission par les ESMS d’informations tarifaires à la CNSA 317
Article 42 (Art. L. 315-16 et L. 314-12-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Élargissement à l’ensemble des établissements de la faculté de saisir le juge aux affaires familiales en cas d’impayés de prestations facturées aux résidents 318
Article 43 (Art. L. 315-1 du code de l’action sociale et des familles) : Possibilité de recours devant le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale à l’encontre des décisions du représentant de l’État dans la région. 321
Après l’article 43 323
Chapitre VII – Améliorer l’offre médico-sociale sur le territoire 324
Article 44 (Art. L. 312-7 du code de l’action sociale et des familles) : Clarification du cadre juridique applicable aux groupements de coopération sociale ou médico-sociale 324
Après l’article 44 326
Article 45 (Art. L. 313-1-1, L. 313-2, L. 313-3, L. 313-6, L. 315-2, L. 531-6, L. 581-7 du code de l’action sociale et des familles) : Facilitation et simplification de la mise en œuvre de la procédure d’autorisation par appel à projet des ESMS 326
Après l’article 45 333
TITRE IV GOUVERNANCE DES POLITIQUES DE L’AUTONOMIE 334
Article 46 (Art. L. 149-1 et L. 149-2 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Création d’un Haut Conseil de l’âge 334
Section 2 : Caisse nationale de la solidarité pour l’autonomie 341
Article 47 (Art. L. 14-10-1, art. L. 14-10-7, art. L. 14-10-7-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Élargissement des missions et de la gouvernance de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie 341
Article 48 (Art. L. 114-5 et art. L. 114-8 du code de la sécurité sociale) : Référentiel comptable applicable et obligation de nommer un commissaire aux comptes 346
Section 3 : Systèmes d’information 347
Article 49 (Art. L. 146-3-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Définition homogène du contenu des rapports d’activité des maisons départementales des personnes handicapées 347
Article 50 (Art. L. 232-21, L. 232-21-1, L. 232-21-2, L. 232-21-3 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles) : Gestion et suivi statistique 351
Article 51 (Art. L. 247-2 du code de l’action sociale et des familles) : Système d’information des maisons départementales des personnes handicapées 354
Article 52 (Art. L. 113-3 du code de l’action sociale et des familles) : Instauration de la méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomieet modalités d’échange d’informations 356
Article 53 (Art. L. 312-4 du code de l’action sociale et des familles) : Participation des centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité à l’élaboration des schémas d’organisation médico-sociale 360
Article 54 (Art. L. 1431-2 et L. 1434-12 du code de la santé publique) : Compétence des agences régionales de santé et élargissement du périmètre des schémas régionaux d’organisation médico-sociale pour la prise en compte du besoin de répit des proches aidants 362
Section 2 : Organisation du contentieux de l’aide sociale 366
Article 55 : Organisation du contentieux de l’aide sociale 366
TITRE V DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER 370
Article 56 (Art. L. 521-2, L. 521-3, L. 581-10, L. 531-10 [nouveaux], L. 542-3, L. 541-1, L. 543-4, L. 541-4 du code de l’action sociale et des familles) : Adaptation du projet de loi aux départements et collectivités d’outre-mer 370
Article 57 (Art. L. 14-10-7 du code de l’action sociale et des familles) : Adaptation des règles de calcul des concours de la CNSA aux collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy 377
TITRE VI DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES 380
Article 58 : Remise au Parlement par le Gouvernement de deux rapports sur l’évaluation de la mise en œuvre de la loi 381
Article 59 : Suppression de la section V bis du budget de la CNSA le 1er janvier 2015 381
Article 60 : Entrée en vigueur des dispositions relatives aux prestations minimales fournies par les résidences autonomies 381
Article 61 : Entrée en vigueur des dispositions de l’article 14 relatives au répertoire des logements locatifs sociaux 382
Article 62 : Délai de mise en conformité des livrets d’accueil des établissements et des contrats de séjour 383
Article 63 : Délais de réexamen des situations et droits des bénéficiaires actuels de l’APA 384
Article 64 : Entrée en vigueur des dispositions relatives aux accueillants familiaux 385
Article 65 : Exclusion des contrats en cours du champ des dispositions relatives au tarif socle 386
Article 66 (Art. L. 146-3 et L. 232-17 du code de l’action sociale et des familles) : Entrée en vigueur des dispositions en matière de suivi statistique 387
TABLEAU COMPARATIF 389
ANNEXE À L’ARTICLE 2 515
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR (par ordre chronologique) 569
Comme dans tous les pays européens voisins, on observe en France une croissance importante et continue du nombre des personnes âgées : le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement se veut une réponse forte à cette réalité.
L’augmentation de la longévité constitue un défi, mais aussi une chance. Les politiques sociales ne sauraient en effet se réduire à la prise en charge, passive, du coût de la perte d’autonomie, perçue comme la conséquence négative et inéluctable du vieillissement de la société.
Une approche ambitieuse exige au contraire d’anticiper la transition démographique afin de créer les conditions du « bien vieillir » dans un cadre adapté, et donc de prévenir un accroissement important du nombre de personnes âgées en perte d’autonomie. Fruit d’une longue concertation qui a rassemblé l’ensemble des acteurs du vieillissement, aux plans national et local, jusqu’aux représentants des secteurs du logement, des services et des transports, le projet de loi couvre l’ensemble des domaines qui peuvent avoir une incidence sur la capacité des personnes âgées à bien vivre leur vieillesse.
Dès lors que la part des personnes âgées dans la population est amenée à croître et que le temps de la vieillesse s’allonge, les modes de vie et de consommation évoluent ; s’y adapter constitue notamment un enjeu économique afin de répondre à la demande de services, de loisirs, d’équipements, de transports, de logements et de quartiers adaptés aux besoins du grand âge.
L’adaptation de la société au vieillissement nécessite également de changer le regard de notre société sur les personnes âgées. Il convient de renoncer aux visions misérabilistes de la vieillesse qui doit être un temps de liberté, non seulement pour les jeunes retraités mais également pour les âgés les plus fragiles.
L’âge, en soi, n’entraîne pas nécessairement d’incapacités. Néanmoins il occasionne des fragilités, qui peuvent être accentuées par le mode de vie, par une adaptation insuffisante du cadre de vie ou par un mauvais accès aux soins, ou encore par les inégalités sociales. Dès lors, il importe de faire de la réduction des inégalités d’accès aux aides la première ambition de toute politique sociale en matière de vieillesse : l’adaptation des dispositifs existants en fonction des fragilités et des parcours de chacun est précisément une des lignes directrices du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement.
Centré sur la prévention de la perte d’autonomie et l’accompagnement du vieillissement à domicile, en réponse aux aspirations de la majorité de nos concitoyens, ce projet de loi d’orientation fait ainsi de l’adaptation de la société au vieillissement une priorité de l’ensemble des politiques publiques. Cette priorité se traduit par l’affectation pleine et entière du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie au financement des différentes mesures du projet de loi : dans le contexte budgétaire actuel, l’apport de près de 650 millions d’euros d’une recette pérenne et dynamique doit incontestablement être salué. La priorité accordée à la prévention pourra également se traduire lors de l’examen des textes à venir, en particulier du projet de loi de santé publique.
Parce qu’il n’est pas de politique de la vieillesse sans respect des droits des aînés qui sont fondamentalement des citoyens comme les autres, le projet de loi garantit l’exercice des droits par la personne âgée en situation de fragilité. Il affirme pour la première fois le droit de toute personne âgée qui bénéficie d’une aide publique au respect de son projet de vie : le libre choix entre domicile et établissement est ainsi consacré. De même, lorsqu’une personne est accueillie en établissement, notamment médicalisé, le projet de loi consacre la liberté d’aller et venir au même titre que le respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité et de la sécurité. Ce texte encadre strictement les restrictions qui pourraient y être apportées dans le seul but de garantir l’intégrité physique et la sécurité des personnes les plus fragiles. Et chacun pourra désigner une « personne de confiance » pour l’accompagner dans ses démarches et l’aider dans ses décisions relatives à sa prise en charge médico-sociale.
Ensuite, l’objectif de prévention a dicté la réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le projet de loi maintient le périmètre des bénéficiaires de l’APA, y compris en cas de pertes d’autonomie légères, contrairement aux approches restrictives qui ont, par le passé, proposé de réserver l’allocation aux plus fortes pertes d’autonomie : ceci allait à l’encontre de l’objectif de prévention. Apporter les aides de manière précoce, contribue à prévenir l’aggravation de la perte d’autonomie.
Le projet de loi consacre donc, en année pleine, 450 millions d’euros supplémentaire à cette allocation, qui financeront des aides nouvelles justifiées par une évaluation multidimensionnelle de la situation et des besoins, de façon personnalisée, pour mieux prendre en compte l’environnement de vie et la contribution des proches aidants, également reconnus pour la première fois.
Cet « acte II » de l’APA à domicile se double de l’engagement d’une refondation du secteur des services d’aide et d’accompagnement à domicile : le projet de loi définit de nouveaux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens permettant d’associer aux départements, dans un cadre incitatif, l’ensemble des intervenants, qu’ils bénéficient déjà d’une autorisation en tant que service social et médico-social ou seulement de l’agrément préfectoral comme services à la personne.
Des objectifs de qualification et de promotion des personnels pourront être définis, en cohérence avec le plan des métiers de l’autonomie engagé par le Gouvernement. À terme, la tarification des services à domicile dépassera la simple tarification horaire actuelle, afin de mieux valoriser la qualité de l’accompagnement.
Les services d’aide et d’accompagnement à domicile participeront ainsi du renforcement de la planification gérontologique. C’est un gage d’amélioration de la cohérence entre accompagnement à domicile et en établissement. L’expérimentation d’une gestion intégrée des services polyvalents d’aide et de soins à domicile va en outre permettre de dépasser le cloisonnement entre d’une part le secteur social et médico-social, et d’autre part le secteur sanitaire.
De même, le projet de loi améliore les conditions d’exercice de l’accueil familial, renforce la formation des accueillants familiaux et apporte de nouvelles garanties, qui devront être approfondies.
L’accent mis sur la qualité de l’accompagnement se double de nouvelles garanties en matière de prévention de la maltraitance, de promotion de la bientraitance, ainsi que de protection des personnes fragiles contre la « maltraitance financière ».
Le projet de loi donne également un nouveau souffle aux formes d’habitat regroupé qui permettent, notamment aux plus modestes, de bénéficier d’un logement ainsi que de services. Les logements-foyers pour personnes âgées sont renommés « résidences autonomie » : leur gestion est simplifiée et leurs missions en matière de prévention de la perte d’autonomie sont consacrées. Ces structures bénéficieront d’une aide financière, « le forfait autonomie », qui financera des actions de prévention de la perte d’autonomie permettant notamment de repérer de façon précoce les personnes les plus vulnérables.
En la matière, la conférence des financeurs dans le domaine de la prévention de la perte d’autonomie constitue une avancée majeure pour coordonner les financeurs locaux, l’agence nationale d’amélioration de l’habitat, ainsi que l’action sociale des caisses et des complémentaires de retraite.
La question de la gouvernance paraît donc cruciale. Il faut développer des politiques d’ensemble de la vieillesse comme il existe des politiques d’ensemble de la jeunesse. En matière de jeunesse, le cadre actuel permet la mobilisation des différents acteurs pour accompagner et faciliter l’acquisition de l’autonomie ; en matière de vieillesse, il faut parvenir à faire de même pour préserver le capital d’autonomie, en prévenant puis en en compensant la perte.
Au plan national, le projet de loi créé ainsi le Haut Conseil de l’âge, placé auprès du Premier ministre, qui aura vocation à se saisir de toutes questions concernant l’adaptation de la société au vieillissement.
Les fonctions de coordination et d’animation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie sont également renforcées : elle est en effet devenue en quelques années une instance reconnue et crédible. Elle va pouvoir exercer de nouvelles compétences de prévention, d’appui méthodologique ou encore d’information du public qui amélioreront la coordination et le pilotage des politiques de l’autonomie.
Mais des interrogations persistent concernant la gouvernance locale des politiques de l’autonomie. L’avant-projet de loi examiné par le Conseil économique, social et environnemental consacrait de nouvelles instances de gouvernance au niveau local. Elles ne figurent plus dans le projet de loi en raison de l’engagement d’une grande réforme territoriale, attendue par nos concitoyens, et en cours de discussion devant le Parlement.
Il est indispensable d’organiser la mise en cohérence et l’animation des actions d’accompagnement de la perte d’autonomie sur un même territoire, celui du département paraissant le plus pertinent à votre rapporteure. L’ensemble des acteurs concernés sur ce territoire – collectivités territoriales, financeurs, associations de personnes âgées, familles, professionnels– gagneront à ce que soit formalisé et systématisé un cadre institutionnel de dialogue et de décision commun.
La mise en cohérence avec la réforme territoriale paraît donc incontournable : il faut que l’examen du projet de loi par le Parlement permette de refondre les outils de gouvernance locale dans ce domaine au niveau du département ; de même les maisons départementales de l’autonomie, qui existent déjà dans certains départements, doivent se voir consacrées.
L’enjeu de l’adaptation de la société au vieillissement dépasse les clivages politiques : il ne saurait faire l’objet de querelles partisanes, tant son appropriation dans chaque commune et dans chaque département est cruciale afin de rendre notre cadre de vie « ami des aînés » et donc porteur d’améliorations pour tous.
L’examen du texte du projet de loi par la commission des affaires sociales a d’ores et déjà permis des améliorations : certaines ont suscité un vote unanime. Votre rapporteure émet donc le vœu que l’examen de ce projet de loi par le Parlement se caractérise par une réflexion collective, des approches constructives et rassemble le plus largement la représentation nationale autour d’un impératif de solidarité nationale qui nous concerne toutes et tous.
• Le défi du vieillissement
Selon les projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans vivant en France atteindrait 23,6 millions en 2060 parmi lesquels 11,9 millions auraient plus de 75 ans et 5,4 millions plus de 85 ans (1). La part des plus de 60 ans connaîtra ainsi une augmentation continue pour atteindre 32% de la population en 2060. Un habitant sur trois sera donc âgé de 60 ans ou plus, contre un sur cinq en 2005, ce que montre le graphique ci-après.
Source : « Les chiffres clés de l’autonomie », CNSA, 2012.
L’accroissement est le plus fort entre 2006 et 2035, le nombre de personnes de plus de 60 ans passant de 12,8 à 20,9 millions, avec l’arrivée à ces âges des générations nombreuses nées entre 1946 et 1975. La hausse sera donc plus modérée entre 2035 et 2060.
C’est donc dès maintenant que notre société doit anticiper cette évolution et s’y adapter comme le propose le projet de loi.
Certes, il n’existe pas de consensus sur l’âge à partir duquel une personne est considérée comme âgée, ainsi que l’a récemment souligné un avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur l’effectivité des droits des personnes âgées (2). Toutefois, le seuil applicable correspond généralement à l’âge légal de départ à la retraite ou à celui que fixent les prestations légales.
Un facteur décisif correspond à l’état de santé des personnes âgées dans les prochaines décennies : il peut être mesuré par l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire sans incapacité. Des incertitudes pèsent sur les projections mais selon les études de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du Ministère des affaires sociales et de la santé, la progression de l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans serait limitée et le nombre d’années supplémentaires en bonne santé varierait entre 4,5 et 5,3 années pour les hommes, et entre 3,5 et 4,9 années pour les femmes.
L’adaptation de la société au vieillissement est donc particulièrement nécessaire au vu de ce tassement de l’espérance de vie en bonne santé, illustré par le graphique ci-après. Mais le taux de dépendance des plus de 60 ans augmenterait plus fortement pour les niveaux de dépendance modérés : une politique d’anticipation et de prévention peut dès lors être efficace, en s’efforçant de détecter de manière précoce les pertes d’autonomie légères, en prévenant leur survenance et en évitant leur aggravation.
Espérance de vie en bonne santé, INSEE, décembre 2012
En outre, l’analyse des différences d’espérance de vie selon les catégories sociales témoigne de l’effet important des inégalités sociales sur les conditions du vieillissement.
Les inégalités en termes d’espérance de vie s’atténuent légèrement avec l’âge mais épousent les inégalités sociales. L’impact des métiers pénibles, des parcours heurtés et des emplois précaires, mais encore les différences de genre, ont un impact réel sur le gain d’espérance de vie et la qualité de vie de ces années supplémentaires. Ainsi, à 35 ans, l’espérance de vie des cadres sans problèmes sensoriels et physiques est de 34 ans, contre 24 ans chez les ouvriers, soit un écart de 10 ans. Les hommes cadres vivraient 6,3 années de plus de les ouvriers et les femmes cadres 3 années de plus que les ouvrières (3).
Ces inégalités se maintiennent depuis près de vingt ans et n’ont été modifiées que de manière marginale. La prévention de la perte de l’autonomie doit permettre des améliorations significatives dans ce domaine et constitue un puissant vecteur dans la lutte pour la réduction des inégalités, tout comme d’ailleurs la prise en compte de la pénibilité dans la récente réforme des retraites.
La politique d’adaptation de la société au vieillissement ne saurait ainsi s’analyser comme la simple gestion d’une « charge », illustrée par la notion de coût global de la dépendance, décrite dans l’encadré ci-après, qui a focalisé l’attention à la fin de la décennie 2000, lors de la préparation d’un projet de loi dit « dépendance » qui n’a finalement jamais vu le jour.
Le coût global de la dépendance (4) recouvre les financements publics consacrés aux personnes âgées en perte d’autonomie : en 2010, il représentait 24 milliards d’euros soit 1,3 % du produit intérieur brut.
Ces dépenses publiques comprenaient outre l’APA :
– les dépenses de sécurité sociale reposant sur les dépenses de soins compris dans l’objectif global de dépense, pour 8 milliards d’euros, et l’objectif national des dépenses d’assurance maladie - soins de ville et hôpital, pour 6 milliards d’euros, soit 14 milliards d’euros ;
– les aides à l’hébergement (2,6 milliards d’euros) ;
– l’action sociale ainsi que les diverses exonérations fiscales en lien avec la perte d’autonomie (1,9 milliards d’euros).
Selon le périmètre des dépenses, le taux de couverture publique s’élève de 68 % à 77 %. Les dépenses à domicile sont financées à hauteur de 86% par la puissance publique et de 72 % pour les dépenses en établissement.
• Les opportunités du vieillissement
Or la transition démographique ne se réduit pas à l’augmentation du nombre de personnes en perte d’autonomie. L’avancée en âge constitue à la fois un défi à relever et une réelle opportunité à saisir car elle enrichit notre tissu démographique de classes d’âges supplémentaires qui ont des besoins spécifiques mais qui sont majoritairement autonomes.
Le projet de loi vise ainsi à atteindre un objectif global dont le champ dépasse celui de la seule prise en charge de la dépendance. Il s’agit en effet de faire face aux enjeux sur la longue durée sans se cantonner aux conséquences négatives de l’évolution démographique en cours. Dans son avis rendu le 26 mars 2014, le Conseil économique, social et environnemental, s’est ainsi félicité du changement de regard dont témoigne cette distinction entre vieillesse et dépendance.
Tout d’abord, les projections démographiques et les nouveaux besoins des âgés sont à la base de nouveaux marchés pour nos entreprises et constituent un réel potentiel de croissance. La « Silver économie » recouvre ainsi la filière industrielle des entreprises qui investissent la thématique du vieillissement, sur un champ très large, des nouvelles technologies à destination des âgés aux services de l’aide à l’autonomie en passant par les offres assurancielles et bancaires.
Les acteurs de cette filière ont bénéficié de l’appui du Gouvernement tout au long de l’année 2013, aboutissant à la signature du contrat de filière le 12 décembre 2013. L’État, les collectivités locales, les agences et opérateurs publics ainsi que les acteurs privés se sont ainsi engagés à agir selon leur champs de compétence dans une démarche partenariale et à participer de manière active au développement, à l’accompagnement et la promotion des projets. L’investissement des entreprises françaises dans ce domaine doit permettre de structurer une industrie de pointe du vieillissement, afin de répondre à la demande de plus de 900 millions de seniors dans le monde.
La prise en compte du vieillissement constitue également une opportunité pour améliorer globalement nos politiques publiques. Les comparaisons internationales montrent qu’aucun pays n’a jusqu’à présent vraiment pris en compte dans des politiques transversales et cohérentes cette révolution de l’avancée en âge. Il apparaît toutefois que la prévention ainsi que l’adaptation de la société aux besoins du plus grand nombre se sont imposées comme des objectifs consensuels dans l’ensemble des pays de l’OCDE (5).
Les politiques de l’âge apparaissent encore très ciblées et sectorisées, dans le domaine de la santé et des services sociaux pour l’essentiel. Or relever le défi du vieillissement, c’est aussi contribuer à améliorer des politiques sociales qui, au final, profitent à l’ensemble de la société.
Anticiper la perte d’autonomie, c’est ainsi repérer les moments de « rupture » dans les trajectoires individuelles, qui peuvent déclencher ou aggraver les fragilités. La préparation de la cessation d’activité professionnelle est sur ce plan décisive, de même que l’amélioration des conditions de travail pendant tout le parcours professionnel. La promotion de l’activité physique et sportive visant à permettre une avancée en âge en bonne santé constitue de même un des objectifs majeurs des politiques de santé publique, à tous les âges de la vie.
Enfin, l’encouragement à la participation sociale des aînés, sous la forme du bénévolat ou de l’implication politique et citoyenne dans la vie de la cité est porteur d’améliorations pour toute la société : elle favorise la transmission des savoirs et des valeurs vers les nouvelles générations. De même la lutte contre les discriminations liées à l’âge entre dans le cadre global des politiques de lutte contre les discriminations et en faveur d’une citoyenneté dont les conditions d’exercice ne doivent pas dépendre de l’âge.
Dans cette optique, les politiques publiques manquent aujourd’hui de cohérence. Le projet de loi repose donc sur une approche transversale, qui s’appuie sur les acquis existants en les simplifiant, en les renforçant et en les coordonnant davantage.
Il se nourrit de deux années de travaux préalables importants, à partir de trois rapports remis au Premier ministre en mars 2013. Ainsi le Dr Jean-Pierre Aquino, dans le rapport intitulé « Anticiper pour une autonomie préservée : un enjeu de société », a mis l’accent sur des actions individuelles et collectives telles que la promotion de la santé, la préparation à la retraite, ou encore la lutte contre la maltraitance.
M. Luc Broussy, conseiller général, dans le rapport intitulé « L’adaptation de la société au vieillissement de sa population : France, année zéro », a préconisé de faire du maintien à domicile une véritable priorité nationale : il envisage une structuration de l’accès à des services de proximité depuis chaque quartier et dans le cadre de chaque politique communale et intercommunale afin de rendre l’espace public plus convivial et de faciliter la mobilité à tous les âges de la vie.
Ces préconisations sont partagées par votre rapporteure, qui, alors parlementaire en mission, a remis le rapport consacré aux perspectives internationales intitulé « Relever le défi politique de l’avancée en âge » : elle y insiste sur la participation sociale des aînés, et met l’accent sur les mesures de prévention et la lutte contre les discriminations et la maltraitance.
La préparation du projet de loi s’est en outre nourrie d’une vaste concertation des acteurs dont les conclusions ont été restituées par la ministre des affaires sociales et de la santé et la ministre déléguée aux personnes âgées le 12 février 2014.
De fait, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement repose sur trois piliers : l’anticipation, c’est-à-dire une réelle politique de prévention de la perte d’autonomie ; l’adaptation, qui concerne l’ensemble des politiques publiques et vise à changer le regard de la société sur le vieillissement ; et enfin l’accompagnement de la perte d’autonomie, pour répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie ainsi que de leurs proches aidants.
Le projet de loi apporte deux réponses majeures aux difficultés liées à l’accompagnement de la perte d’autonomie : il permet d’affecter les ressources nouvelles issues de la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA d’une part, et réforme les gouvernances locales et nationales d’autre part.
Le financement de la politique d’accompagnement de la perte d’autonomie repose sur deux piliers principaux : une contribution des régimes d’assurance maladie, le sous-objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) médico-social, et un pilier fiscal, composé essentiellement de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA).
Créée en 1991, la CSG contribue pour près de 80 milliards d’euros au financement de la protection sociale. Elle porte sur une assiette importante et dynamique qui comprend : les revenus d’activité et de remplacement, les revenus du patrimoine, les produits de placement et les sommes engagées ou produits réalisés à l’occasion des jeux. Son assiette comprend la plupart des revenus et concerne les actifs comme les retraités. Elle finance les sections II et IV du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). La Caisse est allocataire d’une fraction de 0,1 % de l’assiette de la CSG, soit, en 2012, une ressource de près de 1,2 milliard d’euros.
À la suite de la canicule de 2003 a été instaurée le 1er juillet 2004 une contribution spécialement dévolue au financement des mesures d’accompagnement des personnes âgées dépendantes, la CSA. Elle repose sur les actifs et représente l’équivalent d’un jour travaillé, soit 0,3 % de la masse salariale de l’employeur (assiette des cotisations patronales à l’assurance maladie). Deux contributions analogues la complètent : contribution additionnelle au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et celle sur les produits de placement, dont le taux est également fixé à 0,3 %.
Dans ce contexte, le financement de la perte d’autonomie des personnes âgées souffrait d’un déséquilibre, les ressources provenant très majoritairement des actifs. Face au besoin de ressources, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a instauré une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, qui porte sur les pensions de retraite et d’invalidité des personnes imposables à l’impôt sur le revenu, ainsi que sur les allocations de préretraite, à un taux fixé à 0,3 %. Les titulaires de pensions de retraite ou d’invalidité non redevables de la CSG et de la CRDS en sont exonérés. La CASA est elle aussi une ressource dynamique qui, en année pleine, génère un apport de près de 650 millions d’euros.
Dans l’attente du projet de loi, l’affectation de la ressource CASA à la CNSA (à la section V bis de son budget) a permis de réaffecter un montant équivalent de CSG (soit environ 650 millions d’euros en année pleine) au Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Un amendement à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, soutenu par votre rapporteure, a prévu le maintien de 100 millions d’euros à la CNSA pour financer par anticipation les premières mesures d’adaptation de la société au vieillissement, telles que la modernisation des établissements ou l’amélioration de l’APA à domicile.
Le projet de loi prévoit donc techniquement des mesures d’affectation de la CASA non pas à la CNSA (ce qui est déjà le cas via sa section V bis provisoire), mais aux six titres de dépenses de la CNSA. Sur le plan budgétaire, cela se traduira donc formellement par un rétablissement de la ressource CSG proportionnellement à l’engagement des nouvelles dépenses : ces mesures seront prises dans le cadre de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Les mesures d’affectation sont décrites dans l’étude d’impact jointe au projet de loi. Elles se décomposent en trois volets, censés monter en charge par paliers d’ici à 2017.
Le premier volet porte sur l’anticipation et la prévention de la perte d’autonomie. Il consiste en une enveloppe de 185 millions en année pleine, comportant des mesures dont la mise en œuvre prendra effet dès 2015. Ce montant comprend essentiellement les 140 millions d’euros qui seront versés aux départements, sous forme de concours (article 5 du projet de loi).
Ces sommes serviront à financer des mesures décrites à l’article 3, visant à améliorer l’accès aux équipements et aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile ainsi que celles soutenant le développement d’actions collectives de prévention.
Un autre concours, de 40 millions d’euros, servira à financer le forfait autonomie instauré par le projet de loi afin de soutenir les logements-foyers devenus résidences autonomie (article 11 du projet de loi).
Enfin, le solde de cette première enveloppe, à savoir la somme de 5 millions d’euros, permettra de soutenir le Fonds de compensation du handicap, auquel sont éligibles de nombreuses personnes âgées.
Le second volet porte sur l’accompagnement de la perte d’autonomie pour un total de 460 millions d’euros. En année pleine, ces montants seront alloués comme suit :
– Revalorisation de l’APA pour le maintien à domicile en particulier afin de diminuer le ticket modérateur : 153 millions d’euros, conformément à l’article 29 du projet de loi ;
– Allègement des restes à charge pour les plans d’aide les plus lourds (APA) : 197 millions d’euros, également prévu à l’article 29 ;
– Amélioration des conditions de travail dans le secteur de l’aide à domicile : 25 millions d’euros (APA) ;
– Soutien accru aux actions d’aide et d’accompagnement des aidants : 5 millions d’euros (article 8) ;
– Appui et formation en faveur de l’accueil familial : 1 million d’euros (article 8) ;
– Création d’un droit au répit pour les aidants et prise en charge des personnes aidées lorsque leur aidant est hospitalisé (78 millions d’euros), conformément à l’article 36 du projet de loi.
L’addition de ces deux volets donne un montant de 650 millions, soit le produit de la CASA. Cependant, les mesures du second volet tenant à la revalorisation de l’APA ne connaîtront qu’une montée en charge progressive.
L’article 38 du projet de loi prévoit en effet que, compte tenu du temps nécessaire à la mise en place des mesures nouvelles concernant l’APA, la majeure partie de la ressource CASA sera effectivement attribuée au titre II mais au terme de trois paliers, décrits comme suit :
– 39 % de son produit au titre de l’exercice 2015 ;
– 69,5 % au titre de 2016 ;
– 70,5 % au-delà.
Le Gouvernement s’étant engagé à l’affectation pleine et entière de la ressource CASA à l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie, cette montée en charge dégage des ressources permettant de créer un troisième volet, transitoire.
Ce troisième volet comprendra 84 millions d’euros, déployés comme suit :
– 40 millions d’euros en garantie du financement d’un plan autonomie géré par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour l’adaptation de 80 000 logements privés ;
– 40 millions d’euros pour alimenter un plan d’aide à l’investissement en faveur des résidences autonomie ;
– 4 millions d’euros pour le fonds de garantie du microcrédit (cette dépense étant étalée sur trois ans).
Ces mesures concrétisent l’engagement du Gouvernement d’affecter l’intégralité de la CASA à la perte d’autonomie et de compenser l’ensemble des mesures nouvelles financées par les départements.
La réussite de la réforme de l’accompagnement de la perte d’autonomie implique une approche « globale » : outre le volet financier, il faut aussi repenser et améliorer l’organisation de l’ensemble des acteurs concernés. Cela passe, d’abord, par une amélioration de la gouvernance au niveau national.
Le projet de loi l’améliore fortement : il vise la mise en cohérence de la conception et du suivi de la politique du vieillissement en créant un Haut Conseil de l’âge d’une part, et renforce la CNSA pour en assurer une mise en œuvre cohérente d’autre part.
Ce Haut Conseil, instauré par l’article 46 du projet de loi, assurera des missions assurées à ce jour de façon dispersée et segmentée par plusieurs organismes, en particulier le comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) et le Comité « avancée en âge ».
Actuellement, la consultation du CNRPA par le ministre chargé des personnes âgées est obligatoire sur les projets de textes réglementaires concernant les personnes âgées et portant sur les politiques de prévention de la perte d’autonomie, de soutien à la dépendance, de maintien à domicile, de coordination gérontologique ainsi que sur la qualité des prises en charge par les services et établissements. Il peut également être saisi par le ministre sur toute autre question ou s’autosaisir.
Il anime en outre le réseau des comités départementaux des retraités et des personnes âgées (CODERPA) placés auprès des présidents de conseils généraux depuis la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux responsabilités et libertés locales.
En complément, le Gouvernement a créé le 8 octobre 2013 un Comité « avancée en âge » afin de développer la prévention, de promouvoir la santé, préserver la qualité de vie et la dignité des citoyens avançant en âge. Ce comité a été chargé de formuler des propositions pour nourrir le volet anticipation du projet de loi. Il s’agit d’une instance de réflexion chargée de procéder à un état des lieux et à une synthèse des bonnes pratiques en matière de prévention et d’accompagnement des personnes âgées et qui doit également formuler des propositions opérationnelles pour coordonner les politiques liées à l’avancée en âge.
Afin d’élargir le champ d’intervention de ces instances et d’améliorer les modalités de participation des personnes âgées, des institutions, associations et experts, l’article 46 instaure donc le Haut Conseil de l’âge. Il rassemblera des personnalités qualifiées et pourra traiter de l’ensemble des politiques ayant trait au vieillissement, dans leur conception, comme dans le suivi de leur mise en œuvre. Il pourra être saisi par le Premier ministre ou les ministres intéressés, mais également s’autosaisir. Il proposera des analyses thématiques, ce qui, compte tenu de sa composition, permettra des constats et une méthodologie de suivi consensuels.
La création de cette instance constitue une avancée incontestable. Néanmoins, votre rapporteure considère qu’il serait utile de pousser la logique plus avant afin de rapprocher ce Haut Conseil du Haut Conseil de la famille. Ce « Haut Conseil de la famille et des âges » permettrait aux autorités de disposer d’une expertise forte et reconnue sur un ensemble de domaines souvent imbriqués afin d’aborder les questions s’y rapportant d’une façon non cloisonnée. L’organisation des pouvoirs publics y gagnerait en efficience.
À côté du Haut Conseil, placé auprès du Premier ministre, le projet de loi affirme le rôle de la CNSA comme organisme pivot chargé de la mise en cohérence de la politique d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie.
La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), créée par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et installée en mai 2005, s’est en effet progressivement imposée comme un acteur essentiel des politiques de l’autonomie. Cet établissement public administratif exerce des compétences variées, puisqu’il est notamment chargé, en vertu des dispositions de l’article L. 14-10-1 du code de l’action sociale et des familles :
– de financer, en tant que caisse, les aides en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées ;
– de garantir l’égalité de traitement sur tout le territoire et pour l’ensemble des handicaps, en assurant la répartition équitable de l’objectif général de dépenses, qui regroupe les dépenses de l’assurance maladie (sous-ONDAM médico-social) destinées aux établissements et aux services médico-sociaux, ainsi que le produit de la CSA ;
– d’assurer une mission d’expertise, d’information et d’animation à l’attention des divers acteurs du champ de l’autonomie.
Afin d’assurer ses missions, la CNSA jouit de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Ainsi, la caisse est dotée de ressources propres qui se composent de la totalité de la contribution de solidarité autonomie, d’une fraction de la CSG équivalant à 0,064%, de montant de la CASA et des contributions d’assurance vieillesse. Ces ressources lui permettent de verser des concours aux départements afin de participer au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). La CNSA finance également le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ainsi que d’autres actions intervenant dans le champ de l’autonomie telles que les aides à la modernisation des services à la personne, ou la recherche.
La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie est également soumise au contrôle de l’État. Une convention d’objectifs et de gestion (COG) pluriannuelle signée entre l’État et la CNSA, permet ainsi de fixer les engagements réciproques des deux parties et de déterminer les priorités d’action de la Caisse, selon les modalités décrites au II de l’article L. 14-10-1 du code de l’action sociale et des familles.
Si la CNSA jouit d’ores et déjà d’une forte crédibilité dans le champ des politiques de l’autonomie, force est de constater que son action reste toutefois limitée par les dispositions réglementaires et législatives en vigueur. En particulier, la compétence de la caisse concernant les politiques de prévention et d’adaptation au vieillissement est moins développée que dans le champ du handicap.
Le projet de loi renforce les compétences de la CNSA. En devenant l’opérateur de référence pour l’ensemble des politiques de l’autonomie, la caisse dispose d’un mandat et d’un champ d’action suffisamment larges pour appréhender la question du vieillissement et des politiques de l’autonomie, de manière transversale et exhaustive. Ce renforcement du rôle de la CNSA, défini à l’article 47 du projet de loi, repose essentiellement sur deux orientations.
La première vise à améliorer l’information fournie et le service rendu à l’ensemble des publics bénéficiaires ou concernés par les politiques de l’autonomie. À cette fin, il est notamment prévu de renforcer la mise à disposition d’informations relatives aux droits et services pour les personnes âgées, les personnes handicapées ainsi que leurs familles. La caisse pourra également développer des actions de formation à l’attention des proches aidants. Enfin, le projet de loi prévoit de faire remonter les informations relatives à la satisfaction des usagers des maisons départementales des personnes handicapées, afin d’améliorer le service rendu par ces organismes et de contribuer au développement de bonnes pratiques.
La seconde orientation du projet de loi est de renforcer la cohérence et donc l’efficience des politiques de l’autonomie. Il est ainsi proposé de confier à la CNSA une fonction de pilotage auprès de l’ensemble des acteurs des politiques de l’autonomie. Cette fonction passera dans un premier temps par le renforcement de l’appui méthodologique de la CNSA auprès d’eux, afin de les inviter à multiplier leurs échanges et de favoriser, une nouvelle fois, au développement de bonnes pratiques.
Son rôle dans le domaine de la prévention sera renforcé. Ainsi, l’article 3 prévoit ainsi que la caisse conclura des conventions avec les départements sur l’utilisation des crédits de prévention. Les décisions de la conférence des financeurs concernant l’emploi de ces fonds feront l’objet d’une transmission annuelle à la caisse par tous les présidents de conseils généraux.
Par ailleurs, l’article 19 charge la CNSA, au même titre que les départements au niveau local, d’assurer l’information des usagers. C’est d’ailleurs dans cette perspective que l’article 41 prévoit que les établissements et services médico-sociaux intervenant auprès des personnes âgées transmettent des informations, notamment tarifaires, à la CNSA. Celle-ci les mettra à disposition du grand public via un portail internet dédié.
Si l’amélioration de la gouvernance nationale des politiques de l’autonomie requiert avant tout une clarification du rôle et des compétences des instances en charge de ces politiques telles que la CNSA, ces évolutions ne sauraient aboutir en l’absence de fonctions support efficientes. En particulier, les systèmes d’information sont l’une des clés de voûte d’une gouvernance nationale efficace des politiques de l’autonomie.
Les articles 47 et 51 du projet de loi prévoient ainsi de rationaliser les systèmes d’information utilisés par les MDPH, en confiant à la CNSA la maîtrise d’ouvrage du développement d’un nouveau système d’information commun à l’ensemble de ces structures, interopérable avec les systèmes d’information de la CNSA et des départements.
En outre, afin de lui donner les moyens d’assurer sa nouvelle fonction de pilotage des politiques de l’autonomie, et de développer notamment son appui méthodologique auprès des différents acteurs intervenant dans les politiques de l’autonomie, le projet de loi organise les conditions d’une meilleure transmission des données de ces acteurs vers la CNSA.
Le ministère en charge des personnes âgées, qui intervient traditionnellement dans la conception et l’analyse des politiques de l’autonomie, bénéficiera également de remontées d’informations plus régulières et plus exhaustives pour la constitution d’échantillons statistiques, l’article 50 du projet de loi prévoyant à la fois de confier aux départements la mission de collecte et de conservation de données relatives à leur activité sociale, et de normaliser la transmission de certaines de ces données aux différentes instances de gouvernance nationale.
Les départements sont aujourd’hui les principaux acteurs en charge de la distribution des prestations de compensation, et notamment de l’APA, ainsi que de la définition et du soutien à l’offre médico-sociale. C’est au niveau de cet échelon que se vit l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie.
Le projet de loi apporte une première réponse au besoin de coordination et de clarification des interventions en faveur des personnes âgées. La perspective de la réforme territoriale a cependant amputé ce texte de dispositions pourtant très attendues, qu’il serait utile de réintroduire au cours des débats à venir.
Le projet de loi permet de coordonner des initiatives aujourd’hui dispersées dans le domaine de la prévention de la perte d’autonomie. Il instaure une conférence des financeurs de la perte d’autonomie qui, rassemblant les principaux financeurs intervenant dans ce domaine au niveau du département, les charge de coordonner les interventions en adoptant une programmation commune de leurs actions. L’objectif est d’éviter les doublons, de favoriser la diffusion d’une information cohérente et d’encourager les actions individuelles et collectives innovantes.
Aux articles 6 et 7, les caisses de sécurité sociales sont également encouragées à échanger des informations sur leurs affiliés afin que, par le croisement des données pertinentes, elles identifient le plus en amont possible les situations de perte d’autonomie ou de risque de perte d’autonomie et proposent des solutions d’accompagnement.
À des fins de cohérence, les départements et les caisses de retraites devront s’accorder sur leurs critères d’évaluation de la perte d’autonomie. Ils devront par ailleurs organiser un système de reconnaissance mutuelle de la perte d’autonomie, afin d’éviter au demandeur des démarches redondantes, voire divergentes.
Enfin, le projet de loi facilitera les échanges d’informations entre participants aux MAIA, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, que l’article 52 du projet de loi rebaptise, dans un souci de clarté, méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie.
Cependant, des mesures ambitieuses et attendues ont été ajournées. L’avant-projet de loi prévoyait en effet la création de deux institutions communes aux personnes âgées et aux personnes handicapées : le conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) et les maisons départementales de l’autonomie (MDA).
Les CDCA devraient répondre au besoin de mise en cohérence de la politique locale d’accompagnement de la perte d’autonomie. Elles visaient à rassembler l’ensemble des acteurs concernés afin d’assurer la participation des personnes âgées et des personnes handicapées à l’élaboration, à la mise en œuvre et à la mise en cohérence des politiques de l’autonomie. Il s’agissait de couvrir un vaste champ de politiques publiques : prévention, accessibilité, logement, transport, accès aux soins ou encore accompagnement médico-social. Présidés par les présidents de conseils généraux, les CDCA devaient ainsi alimenter les réflexions et travaux relatifs à l’offre médico-sociale dans le département et la région et contribuer aux travaux du Haut Conseil de l’âge.
En complément, l’avant-projet de loi concrétisait une demande ancienne formulée par votre rapporteure, à savoir celle de généraliser un guichet unique ouvert aux personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient handicapées ou âgées dépendantes, ainsi qu’à leurs proches. Ce type d’institution existe déjà dans un certain nombre de départements, sous le nom de MDA. Ce guichet devait s’appuyer sur les structures existantes dans les départements, à savoir les MDPH, dont la composition aurait ainsi été élargie. Cette organisation aurait le mérite de la simplicité et de la lisibilité. Elle permettrait aux familles des personnes âgées confrontées à la perte d’autonomie d’un proche de se sentir moins « perdues » face au grand nombre d’acteurs intervenant dans la prise en charge de la perte d’autonomie. L’existence d’au moins un point de focalisation et de coordination dans chaque département offrirait, en outre, une garantie d’efficacité et de réactivité des politiques publiques menées par les acteurs nationaux comme locaux.
Compte tenu de l’avancée des débats sur la réforme territoriale ainsi que des souhaits manifestés par les membres de votre commission de toutes sensibilités, votre rapporteure souhaite que les étapes à venir d’examen du projet de loi permettent de prévoir à nouveau la mise en place des CDCA et des MDA.
Le financement supplémentaire et la nouvelle gouvernance doivent viabiliser les mesures nouvelles figurant dans le projet de loi. Elles sont conformes aux principaux axes d’intervention définis au terme de la concertation préalable à l’élaboration du projet de loi : le financement de mesures de prévention vise à anticiper la perte d’autonomie, l’affirmation des droits des personnes âgées et les mesures en matière de logement et de transport visent à adapter la société au vieillissement, enfin l’amélioration du financement de l’APA et la refondation des services d’aide et d’accompagnement à domicile visent à mieux accompagner la perte d’autonomie.
Les aînés comptent pour une bonne part des 16 millions de Français engagés dans le bénévolat. Cet engagement est parfois le prolongement d’une relation plus ancienne à une association, un syndicat ou encore une Église. Mais, très souvent, l’engagement en tant que bénévole contribue à la construction d’une nouvelle étape de vie, notamment lors du passage à la retraite. Les organisations représentant les aînés ne manquent pas de confirmer la contribution considérable des seniors aux secteurs recrutant des bénévoles. Ils y apportent un engagement souvent structuré, durable, faisant profiter le tissu associatif de leur expérience et, surtout, de leur enthousiasme.
Pour tenir compte de ce phénomène, l’article 9 du projet de loi est consacré aux âgés qui s’engagent en tant que tuteurs de jeunes effectuant un service civique. Leur démarche de transmission de savoirs et de compétences ainsi que de formation civique et citoyenne sera enfin valorisée : l’agence du service civique leur délivrera une attestation de tutorat spécialement conçue à cette fin.
L’article 10 crée un statut de volontaire civique senior qui valorisera l’engagement bénévole des aidants. Le volontaire verra la prise en charge par l’organisme d’accueil des frais réellement engagés au titre de son activité, pourra bénéficier de chèques-repas et, surtout, se verra délivrer un certificat de volontaire civique senior.
Cet engagement civique participe de la prévention de la perte d’autonomie, et en particulier de la lutte contre l’isolement, qui est un des premiers facteurs de fragilité. Ainsi, la lutte contre l’isolement des personnes âgées fait l’objet d’un chapitre spécifique, à l’article 8 du projet de loi. Il vise à mieux accompagner les bénévoles investis dans cette tâche, en particulier dans le cadre de la mobilisation nationale contre l’isolement des âgés (MONALISA), décrite dans l’encadré ci-après.
L’initiative MONALISA
Impulsée par le Gouvernement, la mobilisation nationale contre l’isolement des âgés (MONALISA) est l’une des quinze initiatives retenues de « La France s’engage », une démarche portée par le président de la République, visant à identifier, mettre en valeur, soutenir et faciliter l’extension d’initiatives socialement innovantes.
Établie depuis janvier 2014, MONALISA entend valoriser, simplifier et soutenir les projets citoyens de lutte contre l’isolement des personnes âgées. Elle fédère de grandes associations nationales partageant une charte d’engagement (telles la Croix-Rouge française, les Petits frères des pauvres ou la Société de Saint-Vincent de Paul, dont les représentants ont été auditionnés par votre rapporteure). Ces projets participent tant de l’accompagnement des personnes âgées isolées que de la prévention de la perte d’autonomie.
MONALISA offre une vision panoramique des actions de lutte contre l’isolement des seniors. Elle permet de dresser un état du maillage territorial. Elle offre un parcours de formation aux bénévoles, permet l’intégration de leurs initiatives avec les dispositifs locaux d’information et organise la désignation d’un référent au sein de chaque équipe. Son action est financée jusqu’en 2016 par la section V du budget de la CNSA et par la Caisse des dépôts et consignations.
Ainsi, la CNSA pourra désormais financer la formation et le soutien des intervenants bénévoles qui contribuent au maintien du lien social.
Ce volet du projet de loi est pleinement cohérent avec la place qui est faite aux personnes âgées dans la définition et la réalisation de la politique d’adaptation au vieillissement par la création du Haut Conseil de l’âge. La présence de membres représentatifs des personnes âgés dans les conseils de commissions consultatives ou décisionnelles est ainsi affirmée.
L’objectif de changement de regard de la société sur le vieillissement passe par l’affirmation des droits des personnes âgées : ces droits sont les mêmes qu’à tous les âges de la vie, mais ils doivent être mieux garantis par les dispositifs spécifiques d’accompagnement de la perte d’autonomie.
Il en va en premier lieu du respect du « projet de vie » de la personne âgée bénéficiaire des dispositifs d’aide et d’actions sociales. Il passe principalement par la liberté de choix entre le maintien à domicile, avec une aide adaptée, ou l’accueil dans un établissement.
L’admission en établissement ne doit en effet pas être contrainte ; une information le plus en amont possible peut garantir le « libre choix ». Une information adaptée peut en outre permettre de co-construire un projet de vie viable correspondant aux attentes de la personne accompagnée. Ainsi l’article 19 consacre le droit, pour les personnes âgées en perte d’autonomie, à un accompagnement respectant leur projet de vie.
L’affirmation du principe se double d’une garantie d’information afin de permettre de choisir de façon éclairée le type d’aide en fonction de son incidence sur le mode de vie de la personne en perte d’autonomie.
En outre, la rationalisation de la gouvernance, promue par le projet de loi, doit également contribuer à rendre plus effectif l’exercice par les personnes âgées de leurs droits.
• La liberté d’aller et venir des personnes fragilisées
L’article 22 du projet de loi affirme le respect de la liberté d’aller et venir en établissement. Toute personne accueillie, notamment dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), quel que soit son niveau de fragilité physique ou psychique, reste en effet détentrice de ses droits. Lorsque le vieillissement occasionne une perte d’autonomie importante, il ne convient pas d’établir des droits spécifiques mais d’exercer une vigilance accrue pour rendre pleinement effectif l’exercice des droits fondamentaux.
La Haute autorité de la santé (HAS) a ainsi défini la liberté d’aller et venir en établissement social et médico-social comme non seulement la possibilité de se mouvoir à l’intérieur et à l’extérieur de la structure d’accueil mais aussi de prendre ses décisions avec autonomie et de pouvoir y mener une vie ordinaire (6). Aussi, les personnes les plus fragilisées doivent-elles disposer de garanties quant aux décisions prises par les établissements et services sociaux et médico-sociaux qui ont une incidence sur leur accompagnement.
La liberté d’aller et venir n’est donc pas seulement une « contrainte » que l’équipe médico-sociale devrait respecter : elle constitue au contraire un des objectifs mêmes de la prise en charge.
Des garanties nouvelles sont apportées en conséquence : entretien réunissant, à l’occasion de la conclusion du contrat de séjour, la personne intéressée et le directeur de l’établissement, afin de s’assurer du consentement de la personne à être accueillie dans la structure d’hébergement ; faculté de désigner une personne de confiance, « chargée, si la personne majeure le souhaite, de l’accompagner dans ses démarches et de l’aider dans ses décisions relatives à sa prise en charge. La personne de confiance est consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits ».
Proportionnées à l’état physique de la personne âgée, les mesures visant à garantir l’intégrité physique et la sécurité des personnes doivent être strictement nécessaires et s’inscrire dans la lignée des objectifs de la prise en charge individuelle.
Ces mesures approfondissent les acquis de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale qui a fait figurer le libre choix de la personne accueillie et la personnalisation de l’accompagnement médico-social au nombre des principes directeurs des établissements et services sociaux et médico-sociaux, comme les détaille l’encadré ci-après.
Droits et libertés des personnes accueillies en établissement social et médico-social
Les articles L. 311-3 et L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles définissent les conditions d’exercice des droits et libertés dans le cadre de l’accompagnement social et médico-social. Ces articles prévoient, pour chaque usager :
– le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ;
– le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d’un service à son domicile, soit dans celui d’une admission au sein d’un établissement spécialisé (sous réserve des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des mineurs en danger et des majeurs protégés) ;
– une prise en charge et un accompagnement individualisés de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. À défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ;
– la confidentialité des informations concernant la personne accompagnée ;
– l’accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires ;
– une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ;
– la participation directe ou avec l’aide de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne.
Afin de garantir l’exercice effectif de ces droits, et notamment de prévenir tout risque de maltraitance, lors de son accueil dans un établissement ou dans un service social ou médico-social, il est remis à la personne ou à son représentant légal un livret d’accueil auquel sont annexés :
a) Une charte des droits et libertés de la personne accueillie,
b) Le règlement de fonctionnement de l’établissement ou du service.
Un contrat de séjour est conclu ou un document individuel de prise en charge est élaboré avec la participation de la personne accueillie ou de son représentant légal.
Cette approche est en outre cohérente avec l’article 28 du projet de loi qui intègre les personnes hébergées dans les établissements médico-sociaux dans le champ de la procédure simplifiée de placement sous sauvegarde de justice par déclaration médicale défini à l’article L. 3211-6 du code de la santé publique, dispositif de protection juridique provisoire permettant au majeur qui connaît, aux termes de l’article 425 du code civil, une altération de son état physique ou psychologique, de bénéficier d’une protection juridique temporaire ou d’être représenté pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
Concernant les majeurs protégés, l’article 26 du projet de loi prévoit en outre la généralisation de l’obligation de délivrance du document individuel de protection des majeurs : il étend aux mandataires judiciaires « personnes physiques » une mesure de formalisation et de personnalisation des droits du majeur protégé et de recherche de son consentement qui a largement fait ses preuves dans le champ des services mandataires judiciaires. De même, l’article 27 réforme les modalités de la délivrance de l’agrément des mandataires individuels à la protection des majeurs. Elle est désormais organisée sous la forme d’appels à candidature, garants de transparence et de lisibilité: les majeurs protégés gagneront ainsi à la mise en cohérence de la désignation des mandataires individuels avec le schéma régional d’organisation sociale médico-sociale consacré à la protection juridique des majeurs.
• La promotion de la bientraitance en établissement et à domicile
La bientraitance des personnes les plus fragiles lors de leur prise en charge médico-sociale constitue la première manifestation du respect de leurs droits.
Il s’agit d’une priorité du Gouvernement, ce dont témoigne sa décision d’instaurer un Conseil national de la bientraitance, le 12 février 2013. Mentionné au rapport annexé au projet de loi, il a notamment pour mission de réfléchir à la façon de prévenir les suicides à domicile, de promouvoir les bonnes pratiques pour une bientraitance active, et de clarifier et mieux expliciter les droits des personnes âgées et handicapées. Il mène également une réflexion sur les moyens d’améliorer le dispositif de prévention, de détection et d’intervention, au domicile comme en établissement.
Dans ce but, l’article 25 établit la première définition légale des situations pouvant entraîner la maltraitance des usagers de l’établissement ou du service social et médico-social et justifiant, dès lors, un signalement aux autorités compétentes par les services concernés. La définition projetée vise à mieux prendre en compte l’origine institutionnelle de la maltraitance et élargit donc aux institutions elles-mêmes les obligations de signalement des actes de violence, ou de négligence, déjà applicables au plan individuel, en vertu du droit commun.
Il reviendra alors aux autorités destinatrices d’utiliser pleinement cette nouvelle source d’information sur les dysfonctionnements et les événements qui causent un mauvais traitement des usagers fragilisés des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Tout autant qu’à des sanctions ponctuelles, les informations signalées doivent tendre à l’amélioration constante de l’offre sociale et médico-sociale par le développement de la bientraitance, définie par l’agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) comme une « culture (visant) à promouvoir le bien-être de l’usager en gardant à l’esprit le risque de maltraitance ».
La formation et la sensibilisation des personnels des services ainsi que des personnels encadrants constituent les principaux leviers de promotion de la bientraitance. La refondation de l’aide et de l’accompagnement à domicile sous la forme d’un conventionnement notamment autour d’objectifs de qualification professionnelle, prévu à l’article 31 du projet de loi, doit ainsi contribuer à la promotion de la bientraitance.
• Les garanties nouvelles contre la maltraitance financière.
Des garanties nouvelles sont également apportées afin d’éviter que les personnes âgées les plus fragiles ne soient victimes d’abus financiers.
Ceux-ci peuvent provenir de captation de biens par des intervenants professionnels ou bénévoles abusant de leur position prééminente pour obtenir des libéralités ou des donations. Aussi, l’article 23 étend l’incapacité spéciale à recevoir des libéralités aux auxiliaires de vie, professionnels ou bénévoles, qui accompagnent, assistent ou réconfortent les personnes accompagnées à domicile ou en établissement. Et l’article 24 établit sans ambiguïté que les règles prévenant le contournement des incapacités de recevoir à titre gratuit s’appliquent également aux personnes morales frappées d’incapacité de recevoir, donc aux établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Les abus financiers peuvent également provenir des conditions contractuelles ou tarifaires appliquées par les établissements. Aussi, l’article 22 encadre les conditions de rupture du contrat de séjour aujourd’hui définies par les contrats eux-mêmes : face à la diversité des pratiques parfois cause d’abus, le projet de loi s’inspire de recommandations de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et définit strictement les cas de résiliation du contrat à l’initiative du gestionnaire et les cas de résiliation à l’initiative de la personne accueillie, à laquelle est en outre reconnu un droit de rétractation sans opposition de préavis.
De même, le projet de loi vise à promouvoir la transparence dans la tarification des solutions d’hébergement en établissements.
À ce jour, seuls les établissements habilités à l’aide sociale doivent identifier un tarif journalier afférent aux prestations relatives à l’hébergement. Il s’agit d’une démarche vertueuse, qui permet aux conseils généraux d’identifier les coûts de base liés à l’hébergement d’une personne en EHPAD, quitte à ce que l’établissement propose ou non des prestations supplémentaires. La création d’un tarif socle, prévue à l’article 40, répond à des objectifs similaires pour les établissements non habilités à l’aide sociale.
L’objectif est d’accroître la transparence tarifaire en permettant la comparaison d’un même panier de prestations nommé « tarif socle ». Les pouvoirs du président du conseil général seront accrus puisqu’il pourra, en fonction des besoins, autoriser des dérogations à l’application du taux maximal d’évolution annuelle des tarifs des établissements et services non habilités à l’aide sociale.
Ainsi, le projet de loi poursuit un objectif cohérent de transparence. C’est donc tout naturellement que ces informations seront communiquées à la CNSA. L’article 41 prévoit en effet qu’elle mettra, sur son portail internet, un certain nombre d’informations, notamment tarifaires, à destination du public. Les personnes âgées et leurs proches pourront ainsi comparer le niveau des tarifs de base entre établissements, avant de faire leur choix.
• Les améliorations au contentieux de l’action sociale
Enfin le projet de loi apporte plusieurs améliorations au contentieux relatif à la tarification des établissements ainsi qu’à l’aide sociale. Si ces dispositions touchent des domaines assez hétérogènes, leur mise en œuvre pourrait apporter des simplifications appréciables au final pour l’ensemble des intervenants des politiques sociales destinées aux personnes âgées.
Ainsi l’article 42 étend aux établissements privés la possibilité d’exercer en cas d’impayés un recours auprès du juge des affaires familiales à l’encontre des débiteurs d’une obligation alimentaire. Cette faculté n’est ouverte aujourd’hui qu’aux établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux. Elle simplifie les modalités de recouvrement et permet d’organiser un rapport plus constructif avec les parties mises en cause.
L’article 43 donne la possibilité de contester devant le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale les décisions prises par le représentant de l’État dans la région concernant les dotations et la tarification des établissements. Il s’agit d’une mesure de cohérence, l’ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010 ayant substitué la responsabilité du préfet de région à celle du préfet de département pour arrêter la tarification des établissements et services financés par le budget de l’État.
Enfin, l’article 55 habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance, dans les 18 mois, l’organisation du contentieux de l’aide sociale afin de tirer les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 et n° 2012-250 QPC du 8 juin 2012 qui ont censuré certaines des dispositions relatives à la composition des commissions départementales d’aide sociale, en raison de leur manque d’impartialité au regard de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme. Des travaux interministériels sont en cours pour déterminer s’il est préférable d’envisager un maintien, une modification ou une suppression de ces juridictions.
Adapter la société au vieillissement, c’est veiller à la prise en compte des besoins spécifiques des seniors dans tous les pans de leur vie quotidienne. L’approche transversale du projet de loi se traduit par de nombreuses mesures améliorant concrètement le cadre de la vie quotidienne des personnes âgées : elles concernent à la fois la ville et le logement.
Les politiques de l’urbanisme, des transports et du logement doivent prendre en compte les aînés qui, très majoritairement, vieillissent sans incapacité mais qui peuvent se voir exclus de la participation à la vie commune si leurs besoins sont ignorés. L’accessibilité des espaces communs de la ville est aussi la première manifestation de l’adaptation de la société au vieillissement de la population.
À l’article 16, le projet de loi prévoit ainsi de prendre davantage en compte les besoins spécifiques des seniors dans les programmes locaux d’urbanisme : les communes seront incitées à développer une « offre nouvelle » à destination des personnes âgées, ce qui englobe toutes les alternatives au séjour en établissement (logements-foyers, accueillants familiaux, etc.). Les collectivités devront en outre participer à la politique d’adaptation des logements existants.
Les 84 millions d’euros engagés à ce titre reposent entièrement sur des dispositifs inscrits dans le volet adaptation : la garantie du financement d’un plan autonomie géré par l’ANAH pour l’adaptation de 80 000 logements privés à hauteur de 40 millions d’euros, dépensés sur deux ans, le fond de garantie du microcrédit de 4 millions d’euros et enfin le plan d’aide à l’investissement dans les résidences autonomie de 40 millions d’euros sur deux ans.
L’article 18 du projet de loi touche à la politique des transports. Il vise la prise en compte des besoins spécifiques des personnes âgées dans les plans de déplacements urbains et dans les systèmes de transports publics locaux. Il prévoit également la mise en place des dispositifs d’information dédiés à l’intention de publics spécifiques et notamment les personnes handicapées et les personnes âgées. Cette démarche constitue une avancée de tout premier ordre car elle tient compte des personnes âgées en tant que telles, et non plus comme un public dont les éventuelles spécificités seraient nécessairement communes avec les personnes handicapées.
Au-delà des dispositions proprement législatives, toutes sortes d’outils peuvent être mobilisés pour favoriser l’adaptation du cadre de vie aux attentes des seniors. C’est l’objet, par exemple, de l’initiative majeure que constitue la mise en place d’un label « ville amie des aînés », dont le rapport annexé au projet de loi prévoit la création. Le label traduira en France, une proposition de l’Organisation mondiale de la santé.
Le dispositif reposera sur le volontariat des collectivités désireuses d’accueillir tous les âges dans les meilleures conditions. Il pourra être obtenu à la suite d’un audit mené par un panel de personnes âgées, de la modification des documents d’urbanisme et du repérage de zones favorables à une « haute qualité de vieillissement ».
Parallèlement à la mise en accessibilité du cadre bâti, les acteurs du logement et de la construction vont ainsi s’engager dans l’adaptation aux publics âgés des logements du parc privé ou social.
Le domicile constitue en effet un instrument privilégié de la prévention de la perte d’autonomie. Votre rapporteure considère en conséquence que l’aménagement des espaces intérieurs doit, le plus souvent possible, associer des ergothérapeutes, les plus à même d’évaluer les niveaux de compensation requis de l’aménagement du logement à partir d’une évaluation des gestes de vie.
De mauvaises conditions de logement constituent les premiers facteurs d’isolement des personnes âgées, donc de fragilité au regard du risque de perte d’autonomie. Le logement collectif constitue une réponse adaptée pour de nombreuses personnes âgées autonomes : il leur fournit un domicile personnel, distinct d’une place en établissement, mais également des services collectifs.
• Les résidences autonomie
Aussi l’article 11 attribue aux logements-foyers accueillant des personnes âgées l’appellation de « résidences autonomie » afin de tirer pleinement parti de cette forme d’habitat collectif accessible aux personnes âgées à revenus modestes. Les personnes âgées concernées sont le plus souvent isolées et disposent de ressources limitées : or ces deux caractéristiques constituent précisément des facteurs élevés de risque de perte d’autonomie.
Pour les publics susceptibles de demander à résider dans un logement-foyer, cet habitat avec services ne constitue en effet pas une étape intermédiaire, au sein d’un « parcours résidentiel » qui commencerait au domicile ordinaire et s’achèverait nécessairement en EHPAD : la plupart des résidents n’entrent jamais en établissement très médicalisé. Ce type d’habitat avec services constitue un choix pérenne, moins onéreux, permettant de faire face au vieillissement dans de bonnes conditions.
Dans leur fonctionnement actuel, les logements-foyers accueillant des personnes âgées conduisent donc déjà des actions visant à nourrir une vie sociale et à prévenir la perte d’autonomie. Ils bénéficient à ce titre de financements dans le cadre de conventions de partenariat avec la Caisse nationale d’allocations vieillesse (CNAV) ou les mutualités sociales agricoles (MSA). Ces activités stimulent les résidents et contribuent, de fait, au maintien de leur autonomie. Le projet de loi leur attribue désormais une mission de prévention de la perte d’autonomie : des prestations spécifiques doivent être proposées, et un financement dédié est instauré, le « forfait autonomie », pour un montant annuel de 40 millions d’euros.
Les financements seront définis, au niveau départemental, par la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie ce qui favorisera la mutualisation des interventions, et leur ouverture aux personnes isolées habitant à proximité des résidences autonomie.
En outre, le projet de loi établit la faculté pour les résidences autonomie d’accueillir des personnes en perte d’autonomie, à la condition que le projet d’établissement soit adapté à l’accompagnement d’un début de perte d’autonomie et que la résidence établisse des conventions avec des services d’aide à domicile ou des services de soin, et avec un EHPAD.
Les effets concomitants du plan d’aide à l’investissement
Le financement du forfait autonomie se double d’un effort substantiel pour moderniser le bâti des logements-foyers.
Le vieillissement du parc de logements-foyers appelle en effet le financement d’importants travaux de mise aux normes. Ainsi, 49 % des logements-foyers gérés par les centres communaux d’action sociale ont été construit avant 1978, 22 % de 1975 à 1977 et 47 % entre 1977 et 1983. Les travaux de réhabilitation pour satisfaire aux normes d’accessibilité et de confort constituent le premier poste de dépenses d’investissement.
De ce fait, un plan d’aide à l’investissement a été engagé, financé par la CNSA, à hauteur de 10 millions d’euros dès 2014 et de 40 millions d’euros pendant les deux années qui suivront la publication de la loi. Ces sommes seront versées par la CNSA à la CNAV qui gère le plan d’aide et octroie les financements au terme d’appels à projet. Une enquête sur le cadre bâti des logements-foyers est en cours à l’initiative conjointe de la direction générale de la cohésion sociale du ministère des affaires sociales et de la CNAV, afin d’identifier les besoins de rénovation prioritaires.
On peut donc attendre de ce plan d’aide à l’investissement une amélioration de la sécurité et du confort des résidents, et une adaptation de l’offre de logements conforme aux besoins évolutifs des personnes âgées retraitées socialement fragilisées.
• Les résidences services
Parallèlement à l’appui significatif apporté aux résidences autonomie, l’article 15 du projet de loi sécurise la gestion des résidences-services, structures privées qui ne relèvent pas de la réglementation des logements-foyers. Commercialisées soit par la vente de lots, soit par le biais de la location, elles s’adressent à des personnes âgées autonomes de plus de 60 ans qui y bénéficient d’un logement privé et de services communs.
Des imprécisions de la législation actuelle découlent des difficultés pour les copropriétaires et les résidents à distinguer loyers, charges et frais de services, ce qui hypothèque le développement d’une nouvelle offre de logements particulièrement prometteuse, les initiatives de nombreux promoteurs pouvant en effet porter le nombre de logements de ce type à 50 000 dès 2015.
Aussi, l’article 15 modifie les dispositions du code de la copropriété applicables aux résidences services afin de mieux établir la répartition des différentes catégories de services spécifiques, selon qu’ils sont individualisables ou non, et leur mode de gestion. Il met en outre fin à la faculté pour le syndic de gérer lui-même les services spécifiques rendus aux résidents, afin de réduire les sources de conflits d’intérêt et d’éviter que les résidents ne constituent une clientèle captive. Enfin, il établit un conseil des résidents, distinct du conseil syndical ou de l’assemblée générale des copropriétaires, afin de mieux associer les occupants locataires à la définition des services fournis par la résidence.
Le projet de loi sécurise donc un mode de gestion innovant afin de permettre son développement, particulièrement adapté aux enjeux du vieillissement de la société.
Enfin, le projet de loi comporte des mesures importantes et cohérentes visant à permettre aux personnes âgées de bénéficier, à leur domicile, d’un accompagnement adapté, conformément au souhait de la très grande majorité des plus âgés et de leurs proches.
En créant l’allocation personnalisée d’autonomie, la loi n°2001-647 du 20 juillet 2001 a instauré un dispositif relevant de la solidarité nationale à destination des « personnes qui, nonobstant les soins qu’elles sont susceptibles de recevoir, ont besoin d’une aide pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie ou dont l’état nécessite une surveillance régulière ».
Il s’agit d’un droit universel, l’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles disposant que « toute personne âgée résidant en France qui se trouve dans l’incapacité d’assumer les conséquences du manque ou de la perte d’autonomie liés à son état physique ou mental a droit à une allocation personnalisée d’autonomie permettant une prise en charge adaptée à ses besoins ».
L’aide est accordée à toute personne de plus de 60 ans en perte d’autonomie, conformément à la classification des niveaux de perte d’autonomie décrite dans l’encadré ci-après.
Seules les personnes en GIR 1 à 4 sont éligibles à l’allocation personnalisée d’autonomie. Les personnes en GIR 5 et 6 peuvent bénéficier de l’action sociale des caisses d’assurance vieillesse ou de l’aide-ménagère du département. 80 % des bénéficiaires de l’APA à domicile sont en GIR 3 et 4 et 20 % en GIR 1 et 2.
La grille AGGIR (autonomie, gérontologie, groupe iso-ressources) évalue la dépendance des personnes âgées en termes de niveau de demande de soins requis (appelé groupe iso-ressources (GIR)).
Elle s’appuie sur le constat d’activités de la vie quotidienne que la personne est en mesure ou non d’effectuer seule. La grille comporte dix items ou « variables discriminantes » (la cohérence, l’orientation, la toilette, l’habillage, l’alimentation, les transferts, les déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du logement etc). Un algorithme classe, à partir des combinaisons de réponse, les personnes âgées en six niveaux de perte d’autonomie, des plus aux moins dépendants :
– le GIR 1 comprend les personnes confinées au lit ou au fauteuil ayant perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, nécessitant une présence continue d’intervenants ;
– le GIR 2 est composé de deux sous-groupes : d’une part, les personnes confinées au lit ou au fauteuil dont les fonctions mentales ne sont pas totalement altérées et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante ; d’autre part, celles dont les fonctions mentales sont altérées mais qui conservent leurs capacités motrices ;
– le GIR 3 regroupe les personnes ayant conservé leur autonomie mentale et, partiellement, leur autonomie locomotrice, mais qui nécessitent plusieurs fois par jour des aides pour leur autonomie corporelle ;
– le GIR 4 comprend les personnes qui ne peuvent pas se lever seules mais qui, une fois debout, peuvent se déplacer à l’intérieur du logement. Elles doivent être aidées pour la toilette et l’habillage ;
– le GIR 5 est composé des personnes qui sont capables de s’alimenter, s’habiller et se déplacer seules. Elles peuvent nécessiter une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage ;
– le GIR 6 regroupe les personnes qui n’ont pas perdu leur autonomie pour les actes déterminants de la vie quotidienne.
• Le nombre de bénéficiaires de l’APA va continuer de croître
Une décennie après sa création, l’APA constitue un indéniable succès. Au 31 décembre 2012, 1,228 million de personnes âgées dépendantes ont bénéficié de l’APA dont 735 000 à domicile et 493 000 en établissement (7). La part des bénéficiaires de l’APA à domicile est stable autour de 60 %.
En moyenne, la durée de perception de l’APA est de 4 ans et les bénéficiaires sont âgés de 83 ans. La moitié des bénéficiaires ont plus de 85 ans. Mais 17 % se situent dans la tranche d’âge inférieure, autour de 75 ans. 70 % des nouveaux bénéficiaires sont des femmes et perçoivent l’APA en moyenne entre douze et vingt-deux mois de plus que les hommes à niveau de dépendance égal (8).
Selon un scénario intermédiaire des projections réalisées en 2011 (9), le nombre de bénéficiaires de l’APA passerait à 1,5 million en 2025, 2 millions en 2040 et 2,3 millions en 2060. Par niveau de dépendance, la variation la plus importante concernera les niveaux de dépendance modérée qui représenteront, selon les hypothèses, entre 1 et 2 millions de bénéficiaires en 2060, ainsi que le montre le graphique ci-après.
Source : « Les chiffres clés de l’autonomie », CNSA, 2012.
Le bon calibrage de l’APA constitue donc un des premiers leviers d’adaptation, à la transition démographique en cours, des politiques d’aide sociale à destination des personnes âgées.
• Les obstacles à l’utilisation des plans d’aide
Or, malgré son succès, l’utilisation effective de l’APA par ses bénéficiaires peut rencontrer des obstacles : les aides au maintien à domicile prévues par le plan ne sont alors pas utilisées à la hauteur des besoins. L’efficacité du plan d’aide pour prévenir une dégradation du niveau d’autonomie peut dès lors être amoindrie.
Tout d’abord, le financement de l’aide par l’APA trouve ses limites dans les cas où le plan d’aide est égal à son plafond : le besoin d’aide évalué par l’équipe médico-sociale peut alors dépasser le montant maximal pris en charge. C’est ce qu’indique le « taux de saturation », qui est de 20 % en moyenne en 2011 : il s’accroît logiquement avec le taux de dépendance et atteint 42 % dans les cas de dépendance les plus élevés (GIR 1). Dans ce cas, les bénéficiaires ont probablement besoin de plus d’aide qu’il ne peut leur être accordé et le plan ne couvre donc pas leurs besoins.
En outre, on constate un non recours à la totalité des composantes du plan d’aide pour les bénéficiaires dont le ticket modérateur représente une part importante du revenu. Le ticket modérateur sur le plan d’aide attribué par le conseil général est acquitté par 75 % des bénéficiaires de l’APA à domicile. Ses modalités de définition actuelles ont un effet défavorable sur l’utilisation des plans d’aide des bénéficiaires dont le reste à charge est le plus lourd. Mais elle a aussi un effet défavorable sur la définition même des plans d’aide pour les allocataires dont les revenus sont modestes mais suffisamment élevés pour entrainer l’application d’un reste à charge : les équipes médico-sociales sous-dimensionneraient dans ce cas certains plans d’aide pour tenir compte de la contrainte budgétaire des ménages.
Les barèmes actuels de l’APA seraient ainsi plus défavorables pour les personnes dont les revenus sont modestes et moyens, entre 740 euros et 2 000 euros par mois, en particulier lorsque le montant du plan d’aide est élevé.
En outre, la sous-consommation des heures prescrites auprès de services d’aide et d’accompagnement à domicile pourrait provenir d’une mauvaise définition des plans d’aide, lorsque certaines équipes médico-sociales ne les élaborent pas de façon suffisamment individualisée. L’évaluation pluridisciplinaire est inégale selon les départements : la première évaluation médicale est rarement complétée par une approche sociale (10).
De même la part des plans d’aide consacrée à de l’aide humaine atteint 90 %, au détriment d’autres modalités de soutien : aides techniques, aménagement du logement ou financement de dispositifs d’accueil temporaire.
• Le choix de ne pas réduire le caractère universel de l’APA
Le constat de la nécessité de dégager des financements pour mieux répondre aux besoins des personnes confrontées à une saturation de leurs plans d’aide ou à un reste-à-charge trop élevé a déjà conduit à des propositions de réformes.
En 2010, une mission d’information de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait proposé de réserver le bénéfice de l’APA aux personnes en GIR 1 à 3, c’est-à-dire les plus dépendantes (11) : l’économie occasionnée aurait permis d’améliorer le financement des plans d’aide des allocataires ayant les besoins les plus élevés. Or votre rapporteure considère qu’exclure les personnes en GIR 4 de l’APA à domicile leur ferait courir un risque de fragilisation qui contribuerait à aggraver leur état de dépendance avec un risque de passage accéléré en GIR 1 à 3. Le maintien d’une attribution de l’APA pour les personnes en GIR 4 constitue donc à la fois une mesure d’accompagnement de la perte d’autonomie mais également de prévention de son aggravation.
De même, le projet de loi écarte les propositions de « gage patrimonial », qui consisteraient, pour les détenteurs d’un patrimoine significatif, à subordonner le versement de l’intégralité de l’allocation à l’acceptation d’un recours plafonné sur leur succession. Une telle mesure restreindrait excessivement l’universalité de l’APA et accroîtrait sans doute le non-recours chez des personnes en perte d’autonomie qui seraient détentrices d’un patrimoine de valeur vénale élevée, tel une résidence principale en milieu urbain, mais dont les revenus seraient pourtant modestes et qui redouteraient de pénaliser leurs héritiers, c’est-à-dire souvent leurs proches aidants : dans ces situations, un amoindrissement de l’aide à domicile accroîtrait la perte d’autonomie et, in fine, les coûts pour la collectivité sous la forme de soins médicaux ou d’entrée précoce en établissement.
Aussi, l’article 29 du projet de loi engage un « acte II de l’allocation personnalisée d’autonomie » au service du maintien à domicile : les missions de l’équipe médico-sociale sont mieux définies, sur la base d’une évaluation multidimensionnelle du besoin, gage d’une meilleure adéquation du plan d’aide ; les allocataires bénéficieront d’une augmentation importante du nombre d’heures d’aide à domicile grâce à une augmentation du plafond national appliqué à l’APA ; un nouveau barème permettra de cibler la diminution du ticket modérateur sur les allocataires dont les besoins sont les plus importants ; enfin l’utilisation de l’allocation sera simplifiée, soit par le biais du versement direct au service d’aide et d’accompagnement à domicile ou à l’organisme qui fournit l’aide technique, soit par l’emploi du chèque emploi-service universel.
Ces mesures permettront de financer à hauteur de 350 millions d’euros une augmentation des plans d’aide et une diminution du reste à charge pour les bénéficiaires de l’APA qui pâtissent le plus fortement des définitions actuelles des plafonds et du barème. Mais elles ne font aucun perdant, parmi les allocataires, au regard des règles actuelles : ceci est rendu possible par le choix d’apporter des financements supplémentaires, malgré les contraintes imposées par le redressement des finances publiques. Ce choix est dicté par la conviction que l’amélioration de l’APA à domicile constitue aussi une mesure de prévention de la perte d’autonomie et donc, in fine, permet d’économiser les dépenses occasionnées par les situations de dépendance les plus lourdes et les recours mal préparés aux structures les plus lourdement médicalisées.
Le financement supplémentaire au titre de l’APA va, au premier chef, nourrir une demande nouvelle en matière d’aide et d’accompagnement à domicile : l’amélioration de l’offre de services en la matière est donc un des prérequis de toute politique cohérente visant à favoriser la prévention et l’accompagnement de la perte d’autonomie à domicile.
Une des ambitions du projet de loi consiste donc à progresser dans la structuration de filières d’aide et de soins pour les personnes âgées, entre le domicile et les établissements.
Or malgré leur intervention sur un domaine où les besoins sont importants et structurellement croissants, les services d’aide et d’accompagnement à domicile sont aujourd’hui dans une situation difficile, marquée par la disparition de structures et des diminutions d’effectifs. La stagnation de l’activité des services depuis plusieurs années rend plus difficile leur évolution et leur insertion dans les stratégies de prévention et d’accompagnement de la perte d’autonomie définies par les départements et promues par le projet de loi.
Le secteur est en outre marqué par un cadre d’exercice dual, défini à l’article L. 313-1-2 du code de l’action sociale et des familles. La grande majorité des services entre dans le cadre de l’autorisation par le président du conseil général, conformément à la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; le service est dès lors soumis à l’ensemble des règles applicables aux services sociaux et médico-sociaux. Ayant pour objectif la promotion de l’emploi, la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne a complété ce dispositif par celui de l’agrément préfectoral au regard de critères de qualité, conformément à l’article L. 7232-1 du code du travail : il y a alors liberté de tarification au titre des services à la personne.
Cette distinction ne sépare pas exclusivement le secteur associatif du secteur privé à but lucratif : de nombreux services relevant de l’agrément sont aussi des gestionnaires privés non lucratifs, soit parce qu’ils sont dans un département qui n’a pas souhaité autoriser des services, ou n’a établi que des autorisations partielles, soit parce que le gestionnaire souhaite garder une certaine liberté dans les tarifs. En tout état de cause, la grande disparité des modalités d’organisation parmi les intervenants traditionnels, très majoritairement autorisés, et l’émergence d’une offre concurrente, moins bien insérée dans la planification gérontologique, ont contribué à aggraver les effets de la crise économique.
Celle-ci a au demeurant été concomitante d’un tassement dans la demande au titre des plans d’aide de l’APA. Selon une étude de l’observatoire des non recours aux droits et services (ODENORE), de nombreux cas de sous-utilisation des heures d’intervention à domicile dans le cadre de l’APA seraient dus aux conditions de délivrance des services par les prestataires (12). En particulier, le changement d’intervenants à domicile peut bousculer le rythme et le quotidien de la personne aidée. Ceci expliquerait certaines réticences à recourir aux services d’aide et d’accompagnement et démontre, a contrario, l’importance d’une bonne gestion départementale de l’aide à domicile fondée sur des critères de continuité et de régularité.
Dans cette situation économique et organisationnelle très difficile, l’article 31 du projet de loi renforce la définition partenariale des projets de service et le dialogue de gestion entre les services d’aide à domicile et les départements en définissant les clauses obligatoires des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) conclus entre les départements et les services d’aide et d’accompagnement à domicile intervenant auprès de personnes âgées et d’adultes handicapés.
En contrepartie de leurs engagements dans le cadre du CPOM, les responsables de structures bénéficient d’une visibilité pluriannuelle sur le niveau ou l’évolution des dotations, ainsi que d’une souplesse et d’une autonomie de gestion plus importante. La conclusion d’un CPOM permet en outre de sécuriser l’attribution de financements publics au regard des exigences du droit européen, puisqu’elle satisfait l’exigence de « mandatement » emportant attribution d’aides, contreparties nécessaires de missions d’intérêt économique général.
De même, les CPOM définiront la participation aux actions de prévention de la perte d’autonomie prévues par les schémas départementaux. Les services qui sollicitent la conclusion d’un CPOM doivent en outre obligatoirement prévoir des engagements en matière d’optimisation des parcours de soins des personnes âgées.
Enfin les CPOM définissent des objectifs de qualification professionnelle des intervenants : ils permettent donc de déployer au niveau des départements les objectifs du plan pour les métiers de l’autonomie qui prévoit une politique globale et cohérente visant à rendre ces métiers plus attractifs.
Engagé par le Gouvernement parallèlement à l’examen du projet de loi, le plan pour les métiers de l’autonomie a pour objectifs de :
– stimuler et accompagner le développement des emplois pour répondre à des besoins croissants ;
– faire des métiers du social et du médico-social des leviers d’insertion et de promotion des professionnels ;
– développer la qualification et transformer les pratiques professionnelles pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers.
25 millions d’euros sont engagés aux fins d’amélioration des conditions de travail du secteur de l’aide à domicile.
Celle-ci peut passer par exemple par l’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience (VAE), par le développement de passerelles entre les différents métiers intervenant auprès des publics fragiles, notamment par le rapprochement avec les diplômes du secteur sanitaire (aide-soignant, auxiliaire de puériculture) afin de construire de véritables parcours professionnels. Il s’agit en outre d’une évolution cohérente avec le souci de rapprochement des secteurs médico-social et sanitaire, dans une logique de prise en compte du parcours de santé des personnes.
De même l’article 32 prolonge les expérimentations tarifaires engagées par des services d’aide et d’accompagnement à domicile avec les départements afin de valoriser la qualité de l’intervention du service.
Ces expérimentations reposent sur le II de l’article 150 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, qui les a autorisées à compter du 1er janvier 2012 pour une durée n’excédant pas trois ans, ces conventionnements particuliers vont être poursuivis, sur une base volontaire, et de nouvelles expérimentations seront rendues possibles, pendant une durée d’un an, soit sous la forme d’un forfait global, soit par le biais d’une tarification horaire rénovée.
Le prolongement des expérimentations et leur évaluation fournira une base solide pour l’éventuelle généralisation de ces modalités de tarification renouvelées, mieux à même de valoriser la qualité de l’accompagnement des publics vulnérables que l’actuelle tarification horaire.
Votre rapporteure souligne que cette nouvelle dynamique peut s’appuyer sur les efforts engagés au moyen du fonds de restructuration du secteur de l’aide et de l’accompagnement à domicile.
Instauré par le I de l’article 150 de la loi de finances pour 2012 précitée, ce fonds a été constitué d’une dotation de l’État de 50 millions d’euros versée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Géré par les agences régionales de santé, avec le concours des conseils généraux, ce fonds s’accompagne d’une contractualisation avec les services bénéficiaires sur des objectifs de retour à l’équilibre.
L’abondement a été complété de 50 millions d’euros supplémentaires par l’article 70 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.
Les plans de retour à l’équilibre ont incité à des regroupements et à la mutualisation. Ils ont contribué à la professionnalisation du secteur et à l’engagement des services d’aide et d’accompagnement à domicile dans les activités de prévention.
Dans le même but, l’article 33 vise à simplifier l’accès des services agréés au régime de l’autorisation : ils sont dispensés, pendant trois ans, de se soumettre à la procédure d’appel à projet, sous réserve de conclure un CPOM avec le département. Faciliter l’autorisation d’un plus grand nombre de services agréés doit ainsi permettre de mieux réguler l’offre afin d’améliorer le maillage social et médico-social du territoire. Cette mesure de simplification est au demeurant cohérente avec l’article 45 du projet de loi qui dispense de la procédure d’appel à projet certains cas de transformation et d’extension d’établissements et services sociaux et médico-sociaux déjà autorisés.
Enfin, l’article 34, expérimente un mode d’organisation intégratif des services polyvalents d’aide et de soin à domicile (SPASAD) : ces services permettent en effet de rapprocher l’aide et les soins à domicile, en transcendant les séparations habituelles entre les domaines social et médico-social d’une part, sanitaire d’autre part.
La refondation de l’aide à domicile concourt donc à un des objectifs principaux de ce projet de loi : elle permet aux personnes âgées en perte d’autonomie de rester plus longtemps à domicile, grâce à un accompagnement de qualité, mené par des intervenants mieux coordonnés.
De même, l’objectif de faciliter le maintien à domicile ne saurait faire l’impasse sur la contribution des proches aidants à la prévention et à l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées.
Selon les enquêtes réalisées par la DREES, 80 % des personnes âgées de plus de 60 ans vivant à domicile bénéficient de l’aide régulière d’un proche. Ces proches aidants sont estimés à 3,4 millions. Toutes les catégories d’âge sont représentées ; 57 % sont des femmes ; 21 % n’ont pas de lien de parenté avec la personne aidée ; la moitié ne partagent pas le domicile de la personne dépendante ; 47 % sont actifs et 33 % à la retraite.
• Un rôle reconnu auprès des personnes handicapées
Les aidants exercent, aux côtés des professionnels, un rôle indispensable dans la prise en charge de la personne âgée en perte d’autonomie. Mais seul le rôle des aidants de personnes en situation de handicap est aujourd’hui reconnu. Ainsi, c’est en matière de handicap qu’une charte élaborée en 2007 par la confédération des organisations familiales de l’Union européenne fournit une définition de l’aidant. Il s’agit de « la personne qui vient en aide à titre non professionnel, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage pour les activités quotidiennes. Cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non. Cette aide peut prendre plusieurs formes ».
L’aide apportée par la Nation aux aidants de personnes handicapées est ainsi importante et ancienne. Depuis 1975, les aidants familiaux d’une personne lourdement handicapée bénéficient de l’affiliation gratuite et obligatoire à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), afin de tenir compte des retraits ou réductions d’activité auxquels elles sont contraintes. De même, l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit l’affectation de la prestation de compensation du handicap (PCH), à des charges « liées à un besoin d’aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux ». Enfin, l’article 38 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a récemment élargi le bénéfice de l’AVPF en supprimant la condition de ressources. Il a en outre créé une majoration de durée d’assurance pour les aidants familiaux en charge d’un adulte lourdement handicapé : un trimestre par période de trente mois de prise en charge à temps complet.
• Un rôle à mieux définir auprès des personnes âgées
Certains dispositifs ont bien pris en compte les aidants non professionnels de personnes âgées, mais ils sont limités au domaine sanitaire, par exemple dans le cadre du dernier plan Alzheimer : les gestionnaires de cas qui ont coordonné l’action des différents intervenants ont apporté un appui aux professionnels comme aux non-professionnels, c’est-à-dire aux proches aidants.
Or le rôle du proche aidant est indissociable de la prévention de la perte d’autonomie et de sa compensation. Dans le cas de l’aide à domicile, le proche est, dans les faits, le véritable coordinateur des interventions professionnelles. L’aide informelle apportée par les membres de la famille ou de l’entourage de la personne âgée, loin de se substituer à l’aide apportée par des professionnels, permet de compléter et de coordonner les interventions de ces derniers.
Les difficultés d’accès à une aide et un accompagnement à domicile contraignent parfois des proches aidants à poser des actes qui doivent relever des seuls professionnels. Le proche aidant doit dès lors pouvoir bénéficier d’une information et, le cas échéant, d’une formation adaptées. Aussi, la refondation de l’aide à domicile engagée par le projet de loi afin d’en garantir la qualité et la pérennité, passe-t-elle également par une meilleure prise en compte des besoins des aidants.
La contribution des aidants traduit également les difficultés occasionnées dans notre société par la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Pour les aidants de personnes âgées qui exercent une activité professionnelle, cette conciliation est parfois plus difficile encore que pour certains parents avec de jeunes enfants.
Aussi, une définition formelle du proche aidant vise à reconnaître ce rôle et à permettre de mieux identifier les destinataires prioritaires de dispositifs d’aide, d’accompagnement ou de répit des aidants qui contribuent à l’adaptation de la société au vieillissement.
En conséquence, l’article 35 du projet de loi établit une définition du proche aidant dans le code de l’action sociale et des familles qui inclut les proches sans lien de parenté et se fonde sur l’apport d’une aide régulière et fréquente dans la vie quotidienne. Et l’article 36, définit les situations dans lesquelles l’allocation personnalisée d’autonomie peut être utilisée pour financer les dépenses occasionnées par l’absence temporaire d’un proche aidant du bénéficiaire dont la présence est indispensable pour le maintien à domicile de ce dernier.
Certains proches aidants peuvent en effet être amenés à assurer l’accompagnement d’une personne âgée très lourdement dépendante, et à y consacrer l’essentiel de leur temps libre, voire à réduire leur activité professionnelle à cette fin.
Les études évaluant la « charge ressentie » par les aidants, du fait de leur activité, révèlent une charge importante chez la moitié des aidants auprès d’une personne âgée en forte perte d’autonomie (GIR 1-2). L’intensité de la charge ressentie est également liée à l’aspect psychique de la dépendance : un quart des aidants déclarant une charge importante soutiennent une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. (13)
Ces situations peuvent fragiliser les aidants, particulièrement exposés aux risques d’épuisement psychologique et physique. Ils sont également moins susceptibles de bénéficier de soins et subissent des pertes de revenus importantes, tant en raison de la diminution de leur activité professionnelle que de leur contribution au financement de l’accompagnement professionnel de la personne âgée. Or les aidants de personnes âgées de plus de 80 ou 90 ans entrent eux-mêmes dans la « première génération de l’âge » : ils ont souvent 50 ou 60 ans.
Améliorer la situation des aidants, c’est donc également prévenir la perte d’autonomie de ceux qui aident les plus âgés.
L’aide apportée dans le cadre de l’APA permettra, en fonction des besoins évalués par l’équipe médico-sociale, de financer un surcroît d’aide à domicile, ou un hébergement temporaire, le temps de l’absence de l’aidant : le supplément d’aide pourrait ainsi atteindre 500 euros par an.
En outre, une augmentation ponctuelle du plan d’aide est autorisée, jusqu’à un montant fixé par décret, pour faire face à l’hospitalisation du proche aidant. Les dépenses supplémentaires en année pleine pourront ainsi atteindre 78 millions d’euros.
Enfin l’article 37 diversifie l’offre de répit des proches aidants en permettant l’expérimentation de services de relais à domicile fonctionnant avec un professionnel unique plusieurs jours consécutifs : dans ce dispositif communément dénommé « baluchonnage », il y a suppléance de l’aidant par un intervenant unique au domicile d’une personne en perte d’autonomie qui nécessite une surveillance permanente. Cette approche vise en particulier les personnes souffrant d’affections neurodégénératives, qui peuvent être désorientées par l’accueil temporaire en dehors du domicile ou par la multiplicité des intervenants. Elle s’inspire du « baluchon Alzheimer » mis en place au Québec.
L’expérimentation d’une durée de cinq ans permettra de mesurer la pertinence du dispositif et de ses dérogations aux règles fixées par le code du travail en matière de temps de pause, de durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail et de travail de nuit, ainsi que de durée minimale de repos quotidien. Sur la base de l’évaluation réalisée en lien avec les services expérimentateurs d’ici juillet 2018, une pérennisation et une généralisation du dispositif, modifié le cas échéant, seront envisageables.
Votre rapporteure fait confiance aux porteurs de projets, très demandeurs du lancement de l’expérimentation, pour y contribuer et l’enrichir. Ils permettront ainsi d’ancrer en France un modèle d’ « aide aux aidants » qui a fait ses preuves dans de nombreux pays pionniers en matière d’adaptation de la société au vieillissement.
Enfin, parmi les formes intermédiaires d’accueil entre le domicile et l’établissement, le projet de loi, à l’article 39, promeut le développement de l’accueil familial, hébergement à titre onéreux proposé par des particuliers bénéficiant de l’agrément du conseil général comme accueillants familiaux.
Prévu pour des accueils temporaires, séquentiels, à temps plein ou à temps partiel, l’accueil familial illustre la diversification des solutions d’accueil des personnes âgées ou adultes handicapées intervenue au cours des dernières années. On compte aujourd’hui près de 10 000 accueillants familiaux en France. L’accueil familial s’effectue par l’intermédiaire de contrats dits « gré à gré », conclus directement entre l’accueillant familial et la personne accueillie, ou auprès du salarié d’une personne morale de droit public ou de droit privé, le salariat restant toutefois très marginal aujourd’hui.
Différents obstacles au développement de l’accueil familial existent aujourd’hui, le principal d’entre eux tenant à la précarité du statut de l’accueillant familial ainsi qu’aux difficultés de professionnalisation des intervenants.
Bien qu’il ne représente en conséquence qu’une part très faible des dispositifs de prise en charge des personnes âgées ou handicapées, ses nombreux avantages en font un mode d’hébergement intéressant : l’accompagnement est personnalisé et stimulant ; la prise en charge professionnelle est économique et de proximité ; il est particulièrement adapté à l’exercice du « droit au répit » pour les proches aidants.
Afin de développer l’accueil familial, l’article 39 modifie les conditions d’agrément de l’activité d’accueillant familial. Ses conditions de délivrance sont précisées. Le contrat d’accueil de la personne hébergée est amélioré : la personnalisation est accentuée ; la possibilité de recourir aux chèques emploi-service est consacrée ; les droits de la personne accueillie sont renforcés. Enfin, les obligations de formation des accueillants familiaux sont enrichies, par l’introduction notamment d’une initiation obligatoire aux gestes de secourisme.
L’approche globale du projet de loi permet ainsi d’insérer une forme d’accueil encore trop méconnue dans la gamme des offres proposées aux personnes en perte d’autonomie, ce qui lui permettra d’exercer le « libre choix » consacré par l’affirmation du respect de son projet de vie, à l’article 20 du même projet de loi.
La Commission entend Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, sur le présent projet lors de sa séance du mardi 8 juillet 2014.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la secrétaire d’État de venir nous présenter les dispositions du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, adopté par le conseil des ministres du 3 juin dernier.
Je tiens à excuser Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, qui ne peut être parmi nous, car elle est retenue par la fin de la conférence sociale qui s’est déroulée ces deux derniers jours et dont M. Rebsamen, ministre du travail, viendra nous entretenir demain.
Le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement a fait l’objet d’un travail préparatoire important, notamment d’une large concertation dans laquelle notre collègue Michèle Delaunay a pris une part essentielle. Il a également fait l’objet d’une appréciation positive du Conseil économique, social et environnemental qui a considéré qu’il allait « dans le bon sens en proposant un changement de regard sur le vieillissement et des mesures d’anticipation de la perte d’autonomie ».
Nous examinerons les articles de ce texte la semaine prochaine, le mercredi 16 juillet matin, après-midi et soir, et le jeudi 17 au matin, avec une suite la semaine suivante si nécessaire.
La discussion en séance publique est prévue à l’automne prochain, au plus tôt lors de la session extraordinaire envisagée en septembre, sans qu’une date précise ait à ce jour été arrêtée. Mais peut-être Mme la secrétaire d’État pourra-elle nous donner des indications plus précises à ce sujet.
Ce projet de loi, qui traite du soutien aux personnes âgées vivant à domicile, s’articule autour de trois axes : anticiper pour prévenir la perte d’autonomie, adapter les politiques publiques au vieillissement, améliorer la prise en charge des personnes en perte d’autonomie. Il s’agit d’une première étape puisqu’un deuxième projet de loi, relatif à l’accompagnement des résidents des maisons de retraites, viendra le compléter.
Je crois que l’on peut se réjouir que notre majorité ait permis à ce texte attendu depuis longtemps, souvent annoncé mais jamais concrétisé, de devenir une réalité.
Madame la secrétaire d’État, vous avez la parole.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Je vous prie tout d’abord d’excuser Marisol Touraine, retenue par la conférence sociale. Nous souhaitions toutes les deux vous présenter notre vision commune du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement.
Trop longtemps repoussé par nos prédécesseurs, ce texte est le fruit d’un travail mené depuis près de deux ans et qu’a initié Michèle Delaunay, à laquelle Marisol Touraine et moi-même voulons ici rendre hommage.
Il est également l’aboutissement d’une concertation qui a rassemblé l’ensemble des acteurs du vieillissement. Les échanges réguliers et continus avec les associations d’élus, de gestionnaires, de personnes âgées et de leurs familles, avec les représentants des secteurs du logement et des transports ont permis d’améliorer et d’enrichir ce texte. Il faut rappeler que nous avions une base de départ précieuse nourrie par les trois rapports remis en mars 2013 au Premier ministre par Martine Pinville, Luc Broussy et Jean-Pierre Aquino.
Nous tenons aussi à rappeler que le vieillissement est un enjeu majeur pour les décennies à venir et que, malgré un contexte économique contraint, nous avions le devoir d’avancer en portant un projet global qui mobilise l’ensemble des politiques publiques. C’est chose faite avec ce projet de loi tant attendu par les acteurs du secteur, en particulier le monde associatif.
Marisol Touraine aurait souhaité vous faire part de quatre points essentiels qui ont guidé ses choix dans la construction de ce texte que je détaillerai tout à l’heure.
En premier lieu, ce projet de loi permettra d’attaquer les inégalités à la racine. Anticiper, prévoir, c’est nous donner les moyens de repérer et de combattre les premiers facteurs de risque de perte d’autonomie.
Deuxième point : ce texte traduit l’ambition du Gouvernement de poursuivre le mouvement de prise en charge collective du vieillissement, initié par le gouvernement de Lionel Jospin. Je souhaite ici rendre hommage à Paulette Guinchard au nom de laquelle l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) restera éternellement associée.
Troisième point : nous voulons porter une politique globale. La plupart de nos aînés vieillissent sans incapacité. Pour autant, ce n’est pas à eux de s’adapter à l’urbanisme, aux transports ou au logement ; c’est aux politiques de l’urbanisme, des transports et du logement de le faire. Ainsi, les politiques en la matière ont une place à part entière dans ce texte.
Enfin, le point majeur qui a guidé les choix lors de l’élaboration de ce projet de loi est celui du renforcement du soutien aux aidants familiaux.
Ce texte s’inscrit ainsi pleinement dans la politique menée par cette majorité depuis plus de deux ans. Sa cohérence est totale avec l’action conduite par Marisol Touraine dans le champ de la santé et dans celui de notre protection sociale : le renforcement de la prévention, la personnalisation des politiques publiques, la préservation et le renforcement de notre système solidaire.
L’adaptation de notre société au vieillissement est l’un des plus grands chantiers qu’il nous revient de conduire au cours du quinquennat.
Ce texte de programmation et d’orientation propose – c’est une première – d’aborder la double dimension du bien vieillir et de la protection des plus vulnérables.
Notre responsabilité est en effet de changer les représentations du grand âge et de renforcer la lutte contre les inégalités sociales. Le Conseil économique, social et environnemental, dans son avis rendu le 26 mars 2014, s’est d’ailleurs félicité de ce changement de regard proposé par le projet de loi à travers notamment la distinction entre vieillesse et dépendance.
Le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui est centré sur la prévention de la perte d’autonomie et l’accompagnement à domicile et en habitat collectif intermédiaire, en réponse aux aspirations de la majorité de nos concitoyens. En effet, beaucoup souhaitent vieillir à domicile dans les meilleures conditions, et nous souhaitons les y aider. Aussi le texte développe-t-il une action globale et transversale, reposant sur trois piliers complémentaires : anticiper/prévenir, adapter la société, accompagner la perte d’autonomie.
L’anticipation doit permettre de repérer et combattre les facteurs de risque de la perte d’autonomie, de développer les actions individuelles et collectives de prévention et de promouvoir une vision moderne des aides techniques en complément, et non en remplacement, des aides humaines, indispensables à la promotion du « vivre ensemble ».
Le second volet est le plus interministériel car il doit nous permettre d’adapter toutes les politiques publiques au vieillissement, en particulier celles du logement, de l’urbanisme et des transports. Il a fait l’objet d’un long travail entre les ministères concernés. L’habitat doit accompagner l’avancée en âge. S’agissant des logements privés, un plan national d’adaptation de 80 000 logements d’ici à 2017 avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) est programmé, conformément à l’engagement présidentiel. L’habitat intermédiaire entre le domicile et la maison de retraite doit être développé et modernisé. De façon emblématique, les « logements foyers » seront renommés « résidences autonomie », leurs missions seront redéfinies et une aide financière, « le forfait autonomie », sera attribuée pour renforcer les actions de prévention conduites au sein de ces structures. Il s’agira également de sécuriser le modèle économique des résidences services, en conditionnant le paiement des charges liées aux services à leur réelle utilisation.
Enfin, le dernier pilier a vocation à améliorer l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie. La loi engage un acte II de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) au service du maintien à domicile, douze ans après sa mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin. Concrètement, les personnes âgées bénéficieront d’une augmentation importante du nombre d’heures d’aide à domicile (1 heure par jour supplémentaire pour les plans d’aide les plus lourds), accompagnée d’une réduction du ticket modérateur. En résumé, le projet de loi permettra une meilleure couverture des besoins par plus de prestations, avec des plans d’aides diversifiés, et une participation financière réduite pour les usagers. Le fil conducteur du Gouvernement pour plus de justice trouve ici une illustration concrète qui se traduira dans le quotidien des familles.
En établissement, les axes prioritaires concernent la transparence des tarifs sur la base d’un socle de prestations identiques, ainsi que l’encadrement de l’évolution des tarifs.
En outre, le respect et la dignité des personnes âgées vulnérables sont renforcés par la réaffirmation de leurs droits, en particulier lors la signature du contrat de séjour en établissement, et par les mesures prises pour lutter contre les abus de faiblesse. La liberté d’aller et venir librement est inscrite dans le code de l’action sociale et des familles, au même titre que le respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité et de la sécurité. Un espace de réflexion commune est aussi ouvert sur la délicate question du consentement et de l’expression de la volonté lorsque des personnes en établissement rencontrent des difficultés dans la connaissance et la compréhension de leurs droits. L’introduction de la personne de confiance est une première piste et le Gouvernement est ouvert à une réflexion plus large qui permettra, nous l’espérons, d’avancer plus encore pour ne pas restreindre à l’excès la parole de ceux de nos concitoyens que l’âge a rendu tout particulièrement vulnérables.
Enfin, les aidants sont fortement soutenus par ce texte de loi, qui reconnaît leur rôle dans l’accompagnement et leur droit au répit, en finançant l’accueil ou l’hébergement temporaire de la personne aidée dans une structure adaptée.
Un volet transversal relatif à la gouvernance unifie par ailleurs la représentation des personnes âgées et favorise leur participation à l’élaboration des politiques publiques les concernant. Le titre IV du projet de loi a fait l’objet, dans la version sur laquelle vous travaillez, du retrait d’un certain nombre de dispositions relatives à la gouvernance locale. Le Gouvernement juge en effet incontournable la mise en cohérence avec la réforme territoriale, mais aussi avec le projet de loi santé. Les articles ont été réservés, ce qui nous permettra de retravailler ces questions essentielles de gouvernance. Compte tenu des calendriers, les débats en séance seront un moment privilégié pour cette mise en cohérence qui tiendra compte des récentes prises de parole du Premier ministre concernant la particularité des territoires ruraux dans la réflexion sur le devenir des conseils généraux.
Il est important de noter que le projet de loi comprend également un rapport annexé qui permet notamment de présenter les plans thématiques, dont plusieurs sont d’ores et déjà lancés : lutte contre l’isolement grâce au programme MONALISA, promotion de l’activité physique adaptée, prévention de la dépression et du suicide des personnes âgées, bon usage du médicament, promotion d’un urbanisme intergénérationnel – avec le label « Ville amie des aînés » –, développement de la filière industrielle du bien vieillir, professionnalisation du secteur par le plan métier autonomie.
Concernant la question du financement des mesures nouvelles, le Gouvernement n’a pas la prétention de répondre à l’ensemble des besoins avec l’enveloppe dédiée, qui était connue dès l’ouverture de la concertation. Nous souhaitons toutefois rappeler que, dans le contexte actuel de tensions sans précédent sur les finances publiques, les 645 millions d’euros par an – dotation appelée à augmenter dans les années à venir – représentent un effort important rendu possible grâce à la solidarité nationale et à l’engagement présidentiel.
Cette somme permet à la fois de financer le volet Accompagnement de la loi à hauteur de 460 millions d’euros, comprenant la revalorisation de l’APA à domicile – 375 millions d’euros – et le droit au répit pour les aidants – 78 millions –, mais aussi de dégager de réelles marges de manœuvre pour le volet Anticipation/Prévention – 85 millions d’euros –, ce qui n’a jamais été fait précédemment. Enfin, le financement du volet Adaptation à hauteur de 84 millions d’euros sera assuré pendant la phase de montée en charge. La totalité de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, sera donc bien affectée à la loi dès son entrée en vigueur.
La compensation à 100 % par l’État de ces mesures nouvelles permettra par ailleurs un meilleur équilibre entre la participation financière de l’État et celle des départements.
Concernant la réforme de l’accompagnement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), celle-ci demeure notre objectif à moyen terme. Cette nouvelle étape pourra intervenir lorsque le redressement des finances publiques engagé par le Gouvernement aura produit ses effets. En matière de tarification, un choc de simplification visera à renforcer la responsabilisation des gestionnaires et l’efficience des établissements, en lien avec les chantiers en cours tels que les études de coûts et la réforme du référentiel PATHOS.
Je voudrais enfin aborder la situation des services d’aide à domicile qui sont un maillon essentiel pour un accompagnement à domicile professionnel, sécurisé et respectueux des habitudes de vie des personnes. En effet, le maintien à domicile suppose de s’appuyer sur des réseaux d’aide à domicile sécurisé et professionnalisé. Or la situation du secteur d’intervention auprès des publics fragiles préoccupe à la fois le Gouvernement et de nombreux parlementaires. La mobilisation du fonds de restructuration à hauteur de 130 millions d’euros de 2012 à 2014 a été un soutien significatif. Il nous faut désormais construire des réponses pérennes en lien avec les départements, les agences régionales de santé (ARS), qui disposent d’une vision d’ensemble de l’offre sanitaire et médico-sociale sur les territoires, et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
À travers la réforme de l’APA à domicile, la loi va apporter naturellement un développement de l’activité par une meilleure solvabilisation de la demande. Une revalorisation des salaires est également prévue. Au total, 375 millions d’euros sont consacrés à ces mesures. Mais cela ne suffira pas à résoudre les problèmes que connaît le secteur. C’est pourquoi le projet de loi comporte également des articles relatifs à la refondation de l’aide à domicile et à l’expérimentation d’une offre plus intégrée entre l’aide et les soins à domicile, avec les services polyvalents d’aide et de soin à domicile (SPASAD). Nous devrons aboutir collectivement à des avancées structurelles de simplification et de meilleure régulation de l’offre.
Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre attention. Nous savons avec Marisol Touraine pouvoir compter sur vous pour enrichir ce texte qui nous permettra de relever cet immense défi du vieillissement de la population et de profiter pleinement de cette opportunité que représente l’allongement de la durée de vie.
Nous espérons retrouver les bancs de l’Assemblée dès la rentrée pour enfin débuter l’examen de ce texte concret et utile pour améliorer le quotidien des familles. Je souhaite un dialogue le plus ouvert possible ; nous sommes sensibles aux propositions des parlementaires. Ainsi, ce texte apportera la preuve à nos concitoyens que la représentation nationale sait se rassembler sur les grands sujets.
Mme Martine Pinville, rapporteure. Je me félicite de l’ambition forte de ce projet de loi, dont le titre est éloquent. Il promeut un changement de regard, car s’adapter au vieillissement, c’est tirer pleinement parti de la longévité en prévenant la perte d’autonomie et en améliorant globalement notre cadre de vie.
Ce projet de loi, fruit d’une longue concertation avec tous les acteurs menée avec énergie par notre collègue Michèle Delaunay, était très attendu. Aussi pouvez-vous nous préciser à grands traits, madame la secrétaire d’État, le calendrier envisagé qui nous conduira à la promulgation de la loi et à sa mise en application ?
On sait que le produit de la CASA va financer de manière pérenne les mesures du projet de loi en matière d’APA à domicile, d’accès aux aides techniques, et de développement des résidences autonomie. Mais compte tenu des différents paliers d’entrée en vigueur, quelle sera l’utilisation du solde pendant la phase intermédiaire ?
Le projet de loi affirme, pour la première fois, le droit de toute personne âgée qui bénéficie d’une aide publique au respect de son projet de vie : le libre choix entre domicile et établissement est donc consacré. Il se fonde sur une évaluation multidimensionnelle de la situation et des besoins, dans le cadre de l’APA, pour mieux prendre en compte l’environnement de vie et la contribution des proches aidants, également reconnus pour la première fois.
De même, le projet de loi consacre la liberté d’aller et venir en établissement et encadre strictement les restrictions qui y sont apportées pour les personnes les plus fragiles. Dans ce domaine, à la frontière du droit de la protection des majeurs, il sera sans doute nécessaire d’apporter des précisions. Pouvez-vous nous indiquer vos intentions à cet égard ?
Concernant l’APA, je me félicite que soient écartées les approches restrictives consistant, par exemple, à réserver l’allocation aux plus fortes pertes d’autonomie, les GIR 1 à 3. Une telle mesure était préconisée dans le cadre de travaux précédents, mais elle allait à l’encontre de l’objectif de prévention. Apporter les aides de manière précoce, c’est en effet prévenir le mauvais vieillissement. À rebours de ces approches, vous nous présentez donc une amélioration de l’APA particulièrement significative dans le contexte budgétaire.
Pouvez-vous préciser les modifications apportées aux plans d’aide de l’APA, en particulier pour les personnes dont les revenus sont les plus modestes et les plans d’aide les plus lourds ? Comment envisagez-vous de réduire la disparité des pratiques de définition des plans ou d’évaluation de la perte d’autonomie selon les départements ?
Le projet de loi d’orientation se fixe comme objectif de permettre à la personne de résider le plus longtemps possible dans un domicile adapté. Aussi convient-il d’améliorer la cohérence entre les services d’aide et d’accompagnement à domicile et les établissements.
La réduction des inégalités d’accès aux aides humaines peut être un des grands marqueurs de cette réforme. Le projet de loi définit de nouveaux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile. Pouvez-vous en préciser les effets attendus ?
De nombreuses interrogations persistent concernant les services à domicile qui font l’objet d’un simple agrément qualité par l’État : ils ont parfois contribué à faire baisser la tarification appliquée par les conseils généraux aux services autorisés, souvent bien en dessous des coûts occasionnés par l’intervention de personnels convenablement formés et expérimentés.
Si l’apparition de nouveaux intervenants privés répond aux principes de la liberté d’entreprise, une meilleure régulation est manifestement nécessaire. Pouvez-vous préciser les effets attendus du projet de loi pour pérenniser l’action du monde associatif et permettre à tous les services d’aide et d’accompagnement à domicile de répondre à une demande qui va croître dans les années à venir ?
Des expérimentations sont prévues, mais quelle sera l’étape suivante ? Faut-il d’ores et déjà définir un nouveau modèle d’ensemble ?
La question de la gouvernance me paraît donc cruciale. Il faut développer des politiques d’ensemble de la vieillesse comme il existe des politiques d’ensemble de la jeunesse. En matière de jeunesse, on mobilise différents acteurs pour accompagner et faciliter l’acquisition de l’autonomie ; en matière de vieillesse, il faut parvenir à faire de même pour préserver le capital d’autonomie, en prévenir puis en compenser la perte.
En ce qui concerne la gouvernance nationale des politiques de l’autonomie, je me félicite de la création du Haut Conseil de l’âge. Cette instance n’a-t-elle pas vocation à être rapprochée d’autres instances placées auprès du Premier ministre dans tous les domaines qui touchent la famille ?
Je me félicite également de la volonté du Gouvernement de développer les fonctions de coordination et d’animation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. La CNSA est devenue en quelques années une instance reconnue et crédible : lui confier de nouvelles compétences en termes de prévention, d’appui méthodologique ou encore d’information du public, va asseoir sa légitimité. Cela améliorera la coordination et le pilotage des politiques de l’autonomie au niveau national.
Cette remarque me conduit néanmoins à vous faire part de mes interrogations relatives à la gouvernance locale des politiques de l’autonomie.
L’avant-projet de loi examiné par le Conseil économique, social et environnemental consacrait de nouvelles instances de gouvernance au niveau local. Or elles ne figurent plus dans le projet de loi.
La conférence des financeurs dans le domaine de la prévention de la perte d’autonomie constitue une avancée majeure pour coordonner les financeurs locaux, l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat, l’action sociale des caisses de retraite et des complémentaires. Pour autant, nous sommes nombreux à considérer que les outils de gouvernance locale pourraient être refondus au niveau du département. Quelles sont vos intentions au regard du projet de loi de réforme territoriale ? Peut-on généraliser les maisons départementales de l’autonomie (MDA), qui existent déjà dans certains départements ?
Comment réunir dans une même enceinte l’ensemble des acteurs concernés par la perte d’autonomie sur un territoire – financeurs, associations de personnes âgées, familles, professionnels ?
Enfin, ce projet de loi d’orientation fait de l’adaptation de la société au vieillissement une priorité de l’ensemble des politiques publiques. Cet objectif, nous ne le perdrons pas de vue lors de l’examen des textes à venir. Pouvez-vous préciser l’articulation avec le projet de loi de santé publique ? Allez-vous contribuer à enrichir l’avant-projet de loi de santé parallèlement à l’examen du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement ?
Je finirai par une dernière interrogation plus technique. L’article 55 du projet de loi prévoit d’habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnances l’organisation du contentieux de l’aide sociale. Compte tenu de la complexité du sujet, nous comprenons cette demande, mais il me semblerait utile que vous nous précisiez les intentions du Gouvernement.
Mme Fanny Dombre Coste, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je tiens d’abord à saluer ma voisine, Michèle Delaunay pour tout le travail qu’elle a accompli sur ce texte.
Rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur ce projet de loi, plus particulièrement sur les questions relatives au logement, je tiens tout d’abord à manifester mon soutien à ce texte et à son approche transversale des enjeux de la révolution de l’âge et des réponses à y apporter.
Quelques jours après la sortie du rapport de la Fondation de France sur l’isolement, on mesure l’importance à l’échelle d’une société de savoir anticiper ce phénomène du vieillissement. J’apprécie tout particulièrement la volonté affichée de dépasser les cloisonnements de l’organisation des secteurs de la santé, du médicosocial, de la vie associative ou économique, pour définir une stratégie d’adaptation de la société au vieillissement transversale et globale qui anticipe la perte d’autonomie et qui s’appuie sur les spécificités territoriales pour se déployer.
Je m’intéresserai plus particulièrement à la question du logement. Je salue l’esprit de ce texte qui vise à lever les freins pour permettre le développement d’une offre diversifiée de logements tout en affichant l’objectif prioritaire, le maintien à domicile.
Je salue la volonté d’accompagner la modernisation des logements foyers, de sécuriser les résidences services en faisant évoluer leur cadre juridique, mais aussi de créer un forfait autonomie pour financer les mesures de prévention collective.
Madame la secrétaire d’État, au-delà du cadre juridique renouvelé des résidences services et des logements foyers, comment envisagez-vous le développement du logement intermédiaire à coût social, avec un socle minimum de prestations de prévention de perte d’autonomie, mais aussi l’émergence de nouveaux modèles d’habitat partagé ? À cet égard, je pense au modèle que nous connaissons tous, celui des babayagas.
Mme Joëlle Huillier. Madame la secrétaire d’État, le groupe socialiste, républicain et citoyen souhaite vous faire part de sa satisfaction.
D’abord, parce que ce texte était attendu depuis de nombreuses années par les personnes âgées, leurs familles et l’ensemble des acteurs qui ont participé, à leur grande satisfaction, à la concertation dirigée par votre prédécesseur, notre collègue Michèle Delaunay.
Ensuite, parce que ce gouvernement de gauche n’a pas failli à l’un des soixante engagements du Président de la République, alors que son prédécesseur de droite avait, pendant cinq ans, sans cesse parlé d’une réforme, sans jamais la faire.
Satisfaction donc d’un texte d’orientation et de programmation qui développe une vision globale, sociétale du vieillissement, et qui ne se limite pas aux seules questions de l’accompagnement et du financement.
Satisfaction de la priorité donnée à la prévention, à travers le développement de l’habitat collectif (résidences autonomie et résidences services), l’adaptation des logements, des transports, de l’espace et des politiques publiques sur les territoires, mais aussi la mise en place de la conférence des financeurs au niveau local.
Satisfaction de l’amélioration des prestations de maintien à domicile, avec un acte II de l’APA qui permettra une hausse du nombre d’heures d’aides et une baisse du reste à charge.
Satisfaction du soutien concret apporté aux aidants, avec la création tant attendue d’une aide au répit.
Satisfaction aussi de voir les droits et libertés des personnes âgées davantage sécurisés et garantis, notamment dans les établissements.
Satisfaction de la valorisation de l’engagement citoyen des âgés, avec la création du volontariat civique senior, mais aussi le renforcement de leur participation à la construction des politiques publiques au sein du Haut Conseil de l’âge.
Satisfaction, enfin, de voir mise en œuvre une véritable stratégie de filière des métiers de l’autonomie, qui veut faire du vieillissement non une charge, mais une chance pour l’économie française.
Pour autant, nous avons certaines interrogations ou demandes de précisions, madame la secrétaire d’État.
La première tient à la gouvernance locale. Nous avons bien compris le choix cohérent du Gouvernement d’articuler ce texte avec la réforme territoriale et la future loi de santé publique. Mais pouvez-vous nous donner votre position dans la mesure où la réussite de la loi dépendra en grande partie de sa mise en œuvre locale et que l’échelon, ou du moins le périmètre départemental, a fait preuve de sa pertinence en la matière ?
La deuxième question tient à l’avenir du secteur de l’aide à domicile, en crise depuis plusieurs années. Vous avez annoncé un plan d’actions pour la rentrée. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, en particulier sur les perspectives de réforme de la tarification ?
La troisième tient à la distribution du forfait autonomie dans les foyers logements, futures résidences autonomie. La condition de non-cumul avec le forfait soins courants pour en bénéficier écarte d’emblée des établissements qui en ont pourtant besoin. Pensez-vous possible de permettre une mutualisation du forfait autonomie ?
La quatrième question tient à l’aide au répit. Pour qu’elle soit vraiment effective, l’accueil en hébergement temporaire doit se développer en parallèle. En la matière, qu’est-il prévu ? S’agissant de l’accueil familial, la limitation prévue dans le projet de loi à six contrats pour chaque accueillant ne serait-elle pas contreproductive ?
Enfin, si nous comprenons la volonté du Gouvernement de procéder par étapes, pouvez-vous nous donner des perspectives de calendrier quant à la réforme de la tarification des établissements ?
M. Christophe Sirugue. Au travers de la disparition des conseils départementaux pour la citoyenneté et l’autonomie (CDCA) au profit des comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA), il nous semble que la question de la gouvernance locale est insuffisamment traitée. Nous avons compris le lien que vous faites avec la réflexion engagée par le Gouvernement sur les territoires ; il n’empêche que la gouvernance locale demeure pour nous une priorité. Nous aimerions vous entendre à ce sujet, madame la secrétaire d’État.
Selon les accueillants familiaux, il existe une grande similitude entre leur activité et celle d’assistant familial et maternel. Pourtant, leur statut est différent et même précaire. Pensez-vous possible de faire évoluer leur statut, y compris vers le salariat ? Se pose également la question de l’organisation des congés pour ces accueillants familiaux.
Le besoin au répit des proches aidants ne fait pas discussion. Néanmoins, il nous semble qu’une organisation territoriale permettrait de faire face à la problématique de l’accueil d’urgence et de l’accueil séquentiel.
Enfin, s’agissant des organismes agréés ou autorisés, il existe une rivalité qui se solde parfois par des concurrences tarifaires importantes, voire une forme de dumping sur les territoires, qui aboutit à une fragilisation importante des structures autorisées. Comment résoudre l’équation entre la liberté d’entreprendre, d’un côté, et la défense d’un service au public de qualité, de l’autre ?
Mme Bérengère Poletti. Je souhaite en tout premier lieu souligner un problème méthodologique. Le président de l’Assemblée nationale a saisi, sur proposition du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, à la fin de l’année 2013, le Premier Président de la Cour des comptes d’une demande d’évaluation portant sur le développement des services à la personne. Martine Pinville et moi-même en sommes rapporteures et rendrons nos travaux au Parlement après l’étude du texte, puisque nous devrions a priori, si vous nous le confirmez, étudier ce texte dans le courant du mois de septembre en séance. Vous avouerez que c’est une bien curieuse manière d’éclairer les travaux des parlementaires – mais nous avons l’habitude dans cette maison de travailler dans la précipitation.
Les enjeux financiers et organisationnels pour notre société face au vieillissement de la population sont extrêmement importants et ont été bien identifiés comme tels depuis de nombreuses années.
Les personnes de plus de quatre-vingt-dix ans, au nombre de 500 000 environ en France, devraient être près de 3 500 000 en 2050. C’est dire combien il est essentiel pour nous de réfléchir à l’adaptation de notre société, tant en matière de prévention que dans le domaine de la prise en charge pratique et financière du vieillissement et de la dépendance, à domicile ou en établissement.
Il avait été prévu, lors du précédent mandat, de voter une grande loi qui nous permette de répondre à la totalité de ces enjeux. Mais le contexte de crise, dans lequel nous étions et sommes encore, nous a empêchés de proposer un texte engageant considérablement les finances de l’État français ; il vous empêche aujourd’hui de répondre globalement et totalement à ces mêmes questions.
Ainsi, à l’heure où nos concitoyens attendent en priorité une aide significative sur le reste à charge en établissement, qui peut atteindre dans certaines régions plus de 3 000 euros par mois, alors que la retraite moyenne des femmes est de 1 000 euros par mois, vous nous proposez de réfléchir quasi exclusivement à une prise en charge à domicile. Je présage la grande déception de nos concitoyens, car le maintien à domicile n’est malheureusement pas toujours possible.
Comme le disait une des personnes auditionnées récemment par la rapporteure du texte, « si vous reconnaissez que votre texte est modeste, nos critiques seront modestes ». D’autant que cette loi a été précédée par ce que nous n’aurions jamais osé faire, mais que vous avez fait : la mise en place d’une taxe dans le courant de l’année 2013, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), payée par les retraités, certes dirigée vers la CNSA, mais reprise par le biais de la dotation CSG, et donc détournée aux fins d’autres politiques, en l’occurrence le fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Votre texte propose donc que la CASA revienne enfin à ses destinataires désignés comme tels au moment de sa mise en place. La moitié environ de ce que rapporte cette taxe sera destinée à revaloriser l’APA qui devrait déclencher un financement en moyenne de deux heures supplémentaires d’aide à domicile par mois.
Je me permets à ce stade de vous rappeler que ce texte ne résout en aucun cas les difficultés actuelles des départements à faire face au financement de l’APA. Cette problématique est pourtant de plus en plus pesante pour les budgets des conseils généraux, du fait du nombre grandissant des attributaires de cette prestation, qui d’ailleurs au moment de sa mise en place ne bénéficiait d’aucun financement. Nous allons donc aujourd’hui générer des dépenses supplémentaires, certes compensées au début. Mais qu’en sera-t-il à l’avenir, particulièrement dans un contexte de réforme territoriale, où vous nous annoncez la disparition des départements ? Car par quelle entité ces derniers pourraient-ils être avantageusement remplacés ?
Le montant total de l’effort public consacré à la compensation de la dépendance est estimé à près de 22 milliards d’euros, soit 1,1 % du PIB. Les précédentes majorités ont d’ailleurs, chaque année, augmenté considérablement l’ONDAM médicosocial de façon à moderniser les établissements accueillant les personnes âgées dépendantes. Ce coût passerait à 30 milliards d’euros à l’horizon 2025, soit une hausse de 40 %. Nous le voyons bien : les enjeux financiers se situent très largement au-delà des 645 millions d’euros de la CASA.
J’en viens à mes questions, madame la secrétaire d’État.
Dans la mesure où les caisses de retraite, on le voit sur le terrain, se retirent de plus en plus du financement de l’aide à domicile pour les GIR 5 et 6, que proposez-vous pour leur prise en charge ?
Ensuite, 26,5 % de la CASA sont destinés à financer les mesures de prévention. Que pouvez-vous nous dire sur la répartition de ces crédits et quels objectifs poursuivrez-vous, puisque ceux-ci ne sont pas définis dans ce texte ?
En outre, quelles actions dans ce domaine répondront à la stratégie nationale de santé ?
Quatrièmement, 78 millions d’euros sont fléchés vers la partie « aide aux aidants ». L’étude d’impact du texte évoque 600 000 personnes âgées dépendantes, soit 130 euros par personne et par an. Or vous nous parlez d’une cible d’une semaine de répit en hébergement temporaire. Le rapport annexé laisse supposer que seuls les GIR 1 et 2 pourraient bénéficier de cette semaine d’hébergement temporaire. Ce serait d’autres actions type « heure de ménage » ou aide à domicile supplémentaire dont pourraient bénéficier les autres que cette population cible. Pouvez-vous développer cette partie importante du texte ?
Cinquième question : le chapitre VI aborde la problématique des tarifs d’hébergement en EHPAD, notamment par la définition d’un tarif socle pour lequel nous souhaiterions des explications supplémentaires. Cette partie du texte augure-t-elle du renoncement du Gouvernement à présenter un deuxième texte sur la prise en charge dans les établissements ?
Enfin, le texte crée un Haut Conseil de l’âge qui se substituera au Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA). À l’époque où l’argent public est rare, n’est-il pas temps de renoncer à la création de tous ces hauts conseils qui fleurissent ici et là et engagent à chaque fois des crédits de fonctionnement importants ? N’est-ce pas le rôle du Conseil économique, social et environnemental d’assumer la mission d’évaluation et de prospective, y compris dans le domaine des politiques autour des personnes âgées ?
M. Arnaud Richard. Le projet de loi vise à apporter une réponse à la dépendance, préoccupation majeure de nos concitoyens. Il est d’autant plus attendu que la question du vieillissement et de la dépendance est un défi majeur pour notre société.
Un défi pour la cohésion sociale, d’abord. Alors que la proportion des plus de soixante-quinze ans dans notre pays devrait doubler d’ici à 2050, la qualité de notre modèle de société se mesurera à la capacité à garantir la dignité des personnes âgées dépendantes.
Un défi financier, ensuite, qui engage la préservation de ce modèle social. En effet, le vieillissement de la population devrait engendrer des dépenses supplémentaires de l’ordre de deux à trois points de PIB d’ici à 2025.
Un défi en termes de pouvoir d’achat, car le reste à charge atteint des niveaux insoutenables pour les familles. Les ménages acquittent au moins 7 milliards d’euros par an en complément des ressources fournies par la solidarité nationale pour la couverture des frais liés à la dépendance.
Enfin, un défi au regard de la simplification et de l’amélioration de la prise en charge des personnes dépendantes. Il s’agit de garantir une prise en charge de qualité face au parcours du combattant auquel sont confrontées les personnes dépendantes, afin de le simplifier et d’accompagner les familles et les aidants.
Face à ces enjeux cruciaux, le groupe UDI regrette la méthode choisie par le Gouvernement, et je m’associe aux propos de ma collègue Bérengère Poletti sur ce point. Avec ce projet de loi, la priorité est clairement donnée au maintien à domicile, au détriment de la prise en charge de la perte d’autonomie en établissement, et ce alors que 657 000 personnes âgées, dont 42,5 % des quatre-vingt-quinze ans et plus résident dans plus de 10 000 établissements d’hébergement.
En outre, nous nous inquiétons du flou qui demeure quant au calendrier de l’examen d’un second projet de loi qui doit être présenté au cours de la seconde partie de ce quinquennat. La réforme de la dépendance – engagement numéro dix-huit du Président de la République – est donc en suspens.
Nous regrettons également les insuffisances majeures de ce projet, auxquelles la discussion parlementaire pourra peut-être remédier. Pour nous, la perte d’autonomie ne se résume pas à la seule question du grand âge.
Aussi regrettons-nous que ce projet de loi ne procède pas à une véritable harmonisation de l’évaluation des situations de dépendance avec la mise en place d’un référentiel d’éligibilité unique qui permettrait d’intégrer les situations du handicap comme ouvrant droit à une rente évaluée en fonction du degré de dépendance de la personne. Une telle réforme permettrait de corriger les imperfections de la grille AGGIR.
En outre, ce texte ne prévoit aucune mesure digne de ce nom pour le secteur des services à la personne. Or ce secteur a été fragilisé avec le plafonnement global des avantages fiscaux, l’augmentation de la TVA, la suppression du forfait, alors même qu’il joue un rôle essentiel dans la prise en charge de la perte d’autonomie.
Au nom de mon groupe, je souhaite vous interroger sur trois points précis, madame la secrétaire d’État.
Les mesures en faveur des 4,3 millions d’aidants ne peuvent constituer qu’un premier pas vers une reconnaissance pleine du rôle de l’aidant à travers la création d’un statut de l’aidant à part entière. Le Gouvernement est-il prêt à avancer sur ce sujet essentiel ?
L’enveloppe de 40 millions d’euros prévue pour l’adaptation des 80 000 logements aux contraintes de l’âge et du handicap sera notoirement insuffisante pour atteindre cet objectif. En outre, la portée de cette mesure est extrêmement faible, ces 80 000 logements ne représentant que 0,3 % des logements en France. Des mesures plus importantes sont-elles prévues en la matière ?
Enfin, le projet de loi n’est pas suffisamment ambitieux concernant la réduction des inégalités sociales et territoriales, alors que de fortes disparités demeurent en matière de gestion des aides au niveau départemental. Le rôle d’appui méthodologique et d’harmonisation des pratiques, confié à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ne permettra pas, selon nous, d’apporter une réponse à la hauteur de cet enjeu.
Je me dois de reconnaître que, dans ce contexte de tension budgétaire extrême, la majorité actuelle s’attelle à cette question laissée en jachère par la précédente majorité. Pour autant, ce texte n’est pas à la hauteur des défis humains et financiers de la dépendance. C’est pourquoi nous ferons des propositions concrètes pour l’améliorer.
Mme Véronique Massonneau. Prendre en compte le vieillissement de la population et faire en sorte que notre société soit adaptée et apporte à chacune et chacun les solutions, l’accompagnement dont nos concitoyens ont besoin pour garder le maximum d’autonomie ou l’accompagnement dans leur perte d’autonomie, tel est l’objectif que nous devons nous fixer. C’est l’objectif annoncé pour ce projet de loi, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Une telle loi était très attendue lors de la précédente mandature, mais n’a jamais vu le jour. Cela est bien dommage car la situation actuelle montre qu’il y a urgence.
Au même titre que l’accessibilité des personnes en situation de handicap – pour lesquelles des décisions ont été prises –, l’adaptation de la société au vieillissement est une question de solidarité et d’égalité – une solidarité transgénérationnelle et une égalité face à la perte d’autonomie.
Les écologistes prônent une politique inclusive où l’autonomie doit être le principe recherché et où l’on ne stigmatise pas une quelconque dépendance. Les politiques publiques doivent permettre de placer chaque citoyen sur un pied d’égalité, quel que soit son âge ou son handicap. Une politique qui englobe les différents niveaux concernés, du principal intéressé à son entourage, en passant par les acteurs sociaux, est la source d’une adaptation réussie de la société au vieillissement.
Les personnes âgées sont un véritable atout pour notre société, notamment grâce à leur investissement associatif. Mais ne nous pouvons les envisager au travers de ce que l’on appelle cyniquement la Silver économie. Certes, des entreprises spécialisées dans les services à la personne peuvent apporter des réponses à des besoins spécifiques, mais il n’est pas supportable de voir proliférer un secteur ne voyant les personnes âgées que comme une cible marketing ou une poule aux œufs d’or.
Un autre sujet, cher aux écologistes, est celui de la privation des libertés. Trop souvent, les personnes âgées en perte d’autonomie notamment sont déconsidérées dès lors qu’elles sont placées dans des foyers, des EHPAD ou autres structures d’accueil. Il est donc primordial de s’attarder sur cette question, afin de trouver une solution.
C’est sur ces bases que nous allons travailler pour l’examen de ce projet de loi en commission, puis en séance.
J’ai plusieurs questions à vous poser, madame la secrétaire d’État.
Tout d’abord, au sujet de la double compétence ARS-conseils généraux. L’articulation entre les deux est souvent compliquée, notamment dans le cadre du recrutement d’aides soignants ou d’infirmiers, et se conclut, faute d’accord, par l’incapacité à recruter pour les structures en demande. Pourtant, le vieillissement de la population risque d’entraîner un besoin croissant de personnel médical et social. Si l’on ne simplifie pas la procédure, on pourrait se retrouver dans une situation critique. Je souhaite connaître votre avis sur le sujet.
Les conseils généraux vont être une nouvelle fois au centre du financement de la solidarité envers les personnes âgées, comme le prévoit leur clause de compétence. Mais si on leur confère de nouvelles missions au titre de cette compétence, comment les financeront-ils ? Surtout, comment voyez-vous l’articulation entre la réforme territoriale, telle qu’annoncée par le Président de la République et le Premier ministre, et la suppression des conseils départementaux ? Doit-on acter une nouvelle loi pour 2020 qui sera chargée de créer une nouvelle source de financement ? Au lieu de charger les départements avant leur suppression, n’aurait-il pas été plus opportun de mettre en place ce fameux cinquième risque dans le budget de la sécurité sociale ?
Je m’interroge également sur la solvabilité des personnes âgées. Dans beaucoup de cas, et quelle que soit la structure d’accueil, le reste à charge après les frais de soins, de dépendance ou d’hébergement, est généralement encore très élevé et compliqué à gérer pour nos seniors. En outre, si l’on a pu observer que le niveau de vie des retraités s’est rapproché de celui des actifs ces dernières années, les différentes mesures prises à leur encontre – report de la revalorisation, puis gel des pensions – ne vont pas faciliter la solvabilité des retraités. On ne peut décemment annoncer une volonté de mettre en œuvre une politique en faveur de l’autonomie des personnes âgées et, dans le même temps, instaurer des dispositifs qui vont à l’encontre de cet objectif.
Enfin, je m’étonne de l’absence d’un volet relatif aux personnes handicapées. La circulaire du 4 septembre 2012 relative à la politique transversale du handicap aurait pourtant dû avoir pour effet l’intégration d’un chapitre spécifique. D’autant que la montée en âge des personnes en situation de handicap est liée à la problématique de la perte d’autonomie. Aussi pourriez-vous nous indiquer comment ce projet de loi pourra s’appliquer pleinement à ces personnes en situation de handicap ?
Mme Dominique Orliac. Je salue à mon tour Michèle Delaunay pour le travail qu’elle a réalisé sur notre sujet d’aujourd’hui.
Permettez-moi tout d’abord, madame la secrétaire d’État, de vous remercier de votre présence devant notre commission.
Il était temps de se pencher sur une loi portant sur l’adaptation de la société au vieillissement. En 2060, environ un tiers des Français auront plus de soixante ans et les plus de quatre-vingt-cinq ans devraient représenter près de 5 millions de personnes. Des politiques publiques résolument solidaires seront indispensables, afin d’aider le mieux possible les seniors.
À l’heure actuelle, 78 % des personnes interrogées déclarent avoir peur de devenir dépendantes, sentiment qui augmente avec l’âge, puisque 87 % des soixante – soixante-neuf ans le ressentent. Au premier rang des inquiétudes figurent les problèmes liés au suivi de la maladie, à l’isolement, au risque domestique et à la prévention.
Ce texte s’articule autour de trois axes : l’anticipation de la perte d’autonomie ; l’adaptation des logements, de l’urbanisme et des transports ; l’accompagnement, avec une réforme de l’APA. Cette dernière semble cependant se limiter à l’APA à domicile.
Dans le cadre de nos débats sur le PLFSS, nous nous sommes rendus compte que le produit de la taxe de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie avait été affecté, pendant plusieurs années de suite, au fonds de solidarité vieillesse. Toutefois, 130 millions de crédits avaient été réaffectés en faveur des personnes âgées dépendantes ; ces sommes étaient initialement prélevées sur les taxes instituées en faveur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Des critiques ont été émises, notamment par le président de l’association des directeurs des établissements pour personnes âgées, qui estime que les besoins appelés par le texte seraient de 3 à 4 milliards d’euros. Or le texte ne prévoit que les 650 millions de la CASA. Selon vous, cette somme sera-elle suffisante pour financer toutes les mesures prévues dans le texte ?
Est-il possible d’obtenir des précisions sur l’entrée en vigueur de cette loi ? Certes, les délais ne sont pas encore connus, mais les acteurs concernés sont inquiets, certains craignant qu’une entrée en vigueur de la loi en 2016 permette, pour une année supplémentaire, la réaffectation de la CASA au FSV. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Enfin, le Président de la République a annoncé la prolongation du plan Alzheimer pour 2014-2018 et son élargissement aux maladies neuro-dégénératives. Avez-vous une estimation quant à sa présentation ?
Mme Jacqueline Fraysse. Il est tout à fait nécessaire de réfléchir et de travailler en amont sur les problématiques liées au vieillissement de la population, puisque ce défi ne peut être relevé rapidement. Dans l’ensemble, le contenu de ce texte nous paraît positif. À ce stade, nous sommes donc davantage préoccupés par ce qui n’y figure pas.
En effet, ce texte n’aborde pas d’importantes questions auxquelles sont confrontées les personnes concernées. D’abord, trouver une place pour accueillir une personne âgée qui ne peut plus rester chez elle reste, pour beaucoup de familles, un problème difficile à régler. Certes, nous partageons la volonté affirmée dans ce texte de faire le maximum pour maintenir les personnes âgées le plus longtemps possible à domicile et de multiplier les dispositifs en ce sens. Mais on ne peut nier qu’il n’est pas toujours possible de garder une personne âgée à domicile – même avec une aide – et que, dans certains cas, il est nécessaire de trouver une place dans un établissement spécialisé. Quelles mesures pouvons-nous envisager pour développer le nombre de places disponibles en établissement ?
S’agissant du reste à charge, évoqué par plusieurs collègues, nous savons à quel point il est très élevé par rapport au niveau des retraites. Souvent, les enfants, voire les petits-enfants doivent apporter leur contribution. Or le texte n’aborde pas ce point important.
Enfin, deux autres sujets ne sont pas traités dans ce projet de loi : l’un concerne les personnes handicapées vieillissantes – Mme Massonneau en a parlé – et l’autre les personnes immigrées âgées qui vivent aujourd’hui en foyer. À cet égard, un rapport très intéressant a été publié en juillet 2013, mais aucune des dispositions qu’il préconise n’a malheureusement été reprise ici.
Mme Michèle Delaunay. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’examen de ce projet de loi. Certes, il était attendu depuis longtemps, mais l’heure n’est plus au regret. Ce sera l’honneur de notre gouvernement, l’honneur de notre groupe, l’honneur de tous ici, de trouver le consensus le plus large possible autour de ce texte, qui ambitionne de couvrir toute la période de l’avancée en âge – la retraite, de trente années en moyenne pour les femmes ; et deux générations, l’âge et le grand âge.
Cette réforme est novatrice. Nous allons ainsi sortir de la « démographie punitive ». Ce basculement des générations impacte notre société au moins autant que la transition énergétique.
C’est une réforme transversale, qui certes ne couvre pas tous les champs de cette transition démographique, comme la fiscalité, les successions, la famille ; mais je me réjouis que le ministère de la famille et celui des personnes âgées se trouvent aujourd’hui réunis.
C’est enfin une réforme très positive. Les baby-boomers, qui deviendront des happy-boomers, sont très nombreux et ont l’intention de s’emparer de la question de l’âge en démontrant que nous y pouvons quelque chose. Tel est l’objet de ce texte.
Le temps est donc venu de nous retrouver pour cette première étape de la loi. Il est important de prévoir le second acte, de mettre en place un groupe de travail, car la question n’est pas seulement celle du financement, elle est aussi celle de la conception que nous avons des maisons de retraite : hôpital ou lieu de vie ?
On comprendra donc que je ne pose pas de question, si ce n’est celle de l’agenda.
M. Denis Jacquat. Ce texte était attendu, car le reste à charge, pour le séjour en établissement comme pour le maintien à domicile, est un problème qui préoccupe les Français. Madame la secrétaire d’État, vous avez eu l’honnêteté de dire que le maintien à domicile se verrait attribuer une part de la somme disponible et qu’on verrait en suite, au fil de l’eau. Nos compatriotes attendent un calendrier précis de la prise en charge globale du maintien à domicile et, plus encore, du séjour en établissement, pour lequel le reste à charge est plus important.
Par ailleurs, lors des auditions organisées par la rapporteure, les associations ont demandé que le foyer logement devienne un vrai domicile – certains souhaitant même que l’EHPAD soit lui aussi considéré comme tel. Quelle est votre position à cet égard ?
Le problème des handicapés vieillissants est l’une de nos grandes préoccupations, à propos de laquelle il faut raisonner sans coût, car le nombre de ces personnes va aller croissant. Quant aux immigrés âgés, qui font l’objet du rapport que M. Alexis Bachelay et moi-même avons élaboré et qu’a cité Mme Fraysse, c’est maintenant qu’il faut traiter leur situation, car le nombre des Chibanis va diminuer avec le temps.
Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ce texte très attendu traduit l’ambition d’une véritable politique publique de l’autonomie. Anticipation, adaptation et accompagnement sont autant d’enjeux auxquels sont également confrontées les personnes en situation de handicap, faisant apparaître un lien entre les deux problématiques.
Jusqu’à ce jour, l’avancée en âge des personnes handicapées n’avait pas fait l’objet d’une attention spécifique dans les politiques publiques. Je salue donc l’initiative de cette grande loi sociétale, dont les dispositions bénéficieront aussi aux personnes en situation de handicap. De nombreux travaux ont été consacrés aux personnes handicapées, notamment un rapport récent sur le vieillissement de ces personnes, dont certaines des propositions pourraient enrichir le texte que nous examinons.
Pour ce qui est de la gouvernance, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) accompagne depuis sa création, voilà dix ans, toutes les mesures visant à permettre aux personnes âgées et aux personnes handicapées de trouver leur place et à apporter des réponses adaptées à leur situation. La CNSA doit donc être renforcée dans ses missions pour les années à venir et doit assurer sur le terrain un pilotage, une animation et une coordination qui permettront de développer des politiques sur les territoires.
Les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) ont fait l’objet de nombreux échanges et d’une concertation constructive entre les différents acteurs, les personnes âgées et les personnes handicapées. Comment comptez-vous répondre à cet impératif de coordination locale s’ils ne figurent pas dans le texte ?
Mme Véronique Louwagie. Merci, madame la secrétaire d’État, pour cette présentation. L’adaptation de notre société au vieillissement est en effet souhaitable et il importe de bien vivre en vieillissant.
Vous avez évoqué la situation du logement en faisant allusion à un habitat intermédiaire entre le logement privé et la maison de retraite ou l’EHPAD, mais vous occultez entièrement les besoins en nombre de lits dans les EHPAD sur les territoires.
Pouvez-vous, par ailleurs, nous en dire davantage sur les articles qui, comme vous l’avez indiqué, seront réservés au titre de la réforme territoriale et de la loi de santé publique que nous examinerons prochainement ?
En troisième lieu, vous avez présenté la ventilation des 645 millions d’euros, mentionnée dans l’étude d’impact – et, de fait, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoyait un total de produits de 650 millions d’euros pour la CASA –, mais il semble que vous n’ayez pas évalué les besoins, ni tenu compte de leur évolution dans le temps, mais que l’étude d’impact soit fondée sur le seul produit pour 2014.
Enfin, je me réjouis d’entendre que vous souhaitez une meilleure régulation de l’offre de soins à domicile, car nous avons rencontré à cet égard des difficultés sur le terrain, notamment avec le nouveau contrat de travail à temps partiel.
Mme Bernadette Laclais. Madame la secrétaire d’État, je m’associe moi aussi aux remerciements qui vous ont été adressés par mes collègues. Je salue également Mme Michèle Delaunay, dont nous avons tous apprécié l’implication sur les sujets dont nous traitons aujourd’hui.
Le texte qui nous est soumis comporte de nombreux points positifs : l’article 3 avec l’accompagnement des aidants, l’article 8 avec le financement du soutien et de la formation des bénévoles, les articles 19, 20 et 21 avec la suppression de la notion de placement, l’article 22 avec le contrat de séjour, qui gère la liberté de circuler de la personne âgée, l’article 29 avec l’évaluation large des besoins de la personne, au-delà de la grille AGGIR, et le rôle prépondérant de l’équipe médico-sociale dans l’évaluation de ses besoins, l’article 36 avec la prise en charge du répit des aidants, l’article 42 avec la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales pour les impayés, l’article 47 avec l’élargissement du rôle de la CNSA et l’article 52 avec l’élargissement du rôle des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA), qui ne sont plus une structure supplémentaire, mais un dispositif d’aide.
Des questions et des interrogations demeurent cependant, notamment à propos du développement de l’aide technique aux groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6, qui nous semble positif à condition qu’il ne se substitue pas aux aides à la personne. Le forfait autonomie est également une proposition intéressante, à condition qu’il ne se substitue pas au forfait soins. Quant à la prise en charge des GIR 1, 2 et 3, sur laquelle le texte met l’accent, elle ne doit pas se faire au détriment des GIR 4.
Le texte devrait également fournir davantage d’éléments d’information sur le financement des soins infirmiers à domicile, car il est difficile de préconiser les avantages du maintien à domicile sans se donner les moyens d’assurer ce dernier. Il importe également de préciser comment le mécanisme sera organisé compte tenu de la diversité des structures, dans le cadre notamment de la loi sur la simplification de l’organisation territoriale.
Bien vieillir suppose certes une vision transversale du logement et des transports, mais cela suppose également que l’on ait un projet de vie jusqu’à la fin de celle-ci. Au-delà de leur participation à la vie associative, les personnes âgées doivent également pouvoir être très actives dans la cité, car elles déplorent souvent d’être en situation d’isolement par rapport à la vie sociale. Le texte peut certainement être amélioré en ce sens.
M. Bernard Perrut. L’augmentation de l’espérance de vie est à la fois une chance et un défi et l’on ne peut que souhaiter que ce projet de loi nous apporte à la fois les moyens et la mise en œuvre d’une véritable approche territoriale, d’une gouvernance locale qui prenne véritablement en compte les réalités de la vie et le nombre croissant des personnes qui souhaitent rester chez elles ou aller en établissement.
Plusieurs réflexions méritent cependant d’être poursuivies, notamment à propos du financement. Celui que prévoit le projet de loi repose sur la CASA, mais encore faut-il qu’il soit suffisant par rapport aux besoins : nous devrons avoir un débat lucide sur les coûts à prévoir et ne rien cacher.
En deuxième lieu, si l’amélioration de l’APA est essentielle, elle ne peut déboucher sur une meilleure prise en charge des personnes que si elle s’accompagne de mesures visant à l’offre de services aux personnes âgées et aux aidants. C’est notamment le cas du soutien au secteur de l’aide à domicile, qui se trouve en grande difficulté. L’absence d’engagements suffisants risquerait d’aggraver les disparités géographiques qui accompagnent, d’un département à l’autre, la mise en œuvre de cette prestation. Il faut donc un véritable volet de sécurisation des financements du secteur de l’aide à domicile.
La reconnaissance de l’aidant, avec notamment l’introduction d’un droit au répit, est incontestablement une avancée de ce texte, mais ces éléments restent encore trop restrictifs car, si la référence aux proches aidants permet d’inclure la reconnaissance de solidarités de proximité hors de la seule sphère familiale, elle ne devrait pas effacer pour autant la spécificité des aidants familiaux. C’est là un point sur lequel nous pourrions améliorer le texte.
Je ne puis enfin que me réjouir que le projet de loi comporte des dispositions relatives à la gouvernance, avec notamment la création d’un Haut conseil de l’âge et de conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie. J’espère que les familles seront justement et dignement représentées au sein de ces instances, car les personnes âgées incarnent aussi la famille, les relations intergénérationnelles et les solidarités.
M. Olivier Véran. Je commencerai moi aussi par saluer le travail extraordinaire fourni par Mme la secrétaire d’État et par celle qui, avant elle, a porté ce projet de loi jusqu’à son examen par le Parlement. Je ne doute pas que, dans les mois à venir, les Français se saisiront de ce projet de loi, qui parle à des millions de familles.
Madame la secrétaire d’État, quel avenir voyez-vous à des expérimentations telles que les maisons de l’autonomie et le guichet unique handicap dépendance ? Je pense notamment à l’expérience iséroise, saluée par l’ensemble des acteurs du médico-social, mais qui n’est pas mentionnée dans le texte : de telles expérimentations pourront-elles être poursuivies, voire encouragées ?
Par ailleurs, le financement de l’APA, évoqué à l’article 38, est de plus en plus difficile pour certains conseils généraux, malgré la compensation des charges nouvelles, en raison notamment de l’inégalité de l’évolution de la démographie et des ressources propres d’un département à l’autre. Envisagez-vous, à terme, une participation des régions ou de l’État ?
En troisième lieu, envisagez-vous de faire évoluer les modes de tarification des aides à domicile en tenant davantage compte du contenu de l’intervention – notamment des GIR des personnes aidées –, mais aussi des déplacements ? En Isère, un dispositif de ce type fait actuellement l’objet d’une expérimentation par le conseil général.
En matière de gouvernance, enfin, est-il prévu que le conseil départemental – dont l’avenir est certes incertain à moyen terme – remplace le CODERPA et la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPDH) ?
M. Gilles Lurton. Madame la secrétaire d’État, vous avez axé votre projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement sur le maintien à domicile. Je reconnais le souhait fortement exprimé des personnes âgées de rester le plus longtemps possible chez elle et, à ce titre, l’adaptation, voire la réhabilitation de leur logement est souvent nécessaire. Vous nous avez confirmé le plan d’adaptation de 80 000 logements annoncé par le Président de la République, avec des crédits de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et des caisses d’allocations familiales (CAF). Je tiens pour ma part à insister sur les difficultés liées aux procédures compliquées et souvent fastidieuses inhérentes à ce type de rénovation des logements et à la mobilisation de financements pour de telles opérations – le ministre du budget vient du reste de réduire de moitié, dans le projet de loi de finances rectificative, les crédits affectés aux opérations de réhabilitation et de rénovation des logements.
Mme Luce Pane. Merci à nos ministres pour leur travail, qui nous permet d’avoir ces échanges fructueux. Le vieillissement de notre population est une richesse qui nous concerne tous, c’est notre avenir. Une grande partie de la population vieillissante pourra vieillir à domicile et aura besoin des professionnels que sont les aides à domicile. Or, comme vous l’avez évoqué, madame la secrétaire d’État, de nombreuses associations d’aides à domicile se trouvent dans une situation d’inégalité face au secteur privé pour assurer aux aidants à domicile de véritables parcours professionnels, et les coûts pour les familles et pour la prise en charge collective accusent une distorsion. Nous devons veiller à la qualité de l’aide à domicile sur l’ensemble du territoire et le Gouvernement doit donc tenir compte de cette distorsion entre les exigences imposées respectivement aux différents acteurs.
M. Bernard Gérard. J’ai déposé l’été dernier, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi relative aux résidences services pour personnes âgées – qui font l’objet de l’article 15 du projet de loi –, afin d’attirer l’attention sur les problèmes rencontrés par un certain nombre de propriétaires d’appartements dans de telles résidences du fait de l’importance des charges de services et du schéma juridique de fonctionnement. Depuis un an, j’ai reçu des centaines de témoignages et rencontré de nombreuses personnes concernées par ce problème, notamment tous les acteurs de ce secteur. J’ai également été reçu par Mme Delaunay, en sa qualité de ministre.
Les résidences services répondent à une véritable demande de la part des personnes âgées souhaitant trouver un mode d’hébergement qui les sécurise, leur facilite la vie et leur offre confort et convivialité. Cette demande risquant d’aller croissant, il faut trouver des réponses aux dysfonctionnements qui existent, sinon dans toutes les résidences, du moins dans certaines d’entre elles, souvent les plus anciennes.
À l’origine de ces dysfonctionnements se trouve le régime juridique applicable : les charges de services – restauration, aide, loisirs et animation – sont incluses dans les charges de copropriété et grèvent, quasiment à titre de droits réels, un bien acheté avec l’espoir d’y vivre heureux sa vieillesse. Ces charges de services incompressibles sont à payer dans tous les cas – qu’on les utilise ou non, que le logement soit occupé ou non, que l’on soit hospitalisé ou non, que le conjoint soit décédé ou non. Cette globalisation des charges donne lieu à des difficultés dramatiques pour le propriétaire obligé de payer ces charges de services, notamment en cas de logement vacant. Les personnes ayant hérité se trouvent elles aussi confrontées à ce dysfonctionnement : elles doivent payer ces charges et, souvent, ne parviennent pas à vendre le bien, ni même à le donner.
Ma proposition de loi visait à clarifier le régime juridique applicable, afin d’opérer une distinction entre les charges de copropriété et celles qui sont liées aux services, de manière à ce que les dépenses supportées correspondent à l’usage effectif de ces derniers. Il convient en effet de définir de façon limitative les dépenses courantes autorisées au titre des services mutualisés, du matériel et mobilier nécessaire pour l’utilisation des espaces de convivialité, ainsi que des charges de personnel de l’accueil, et de prévoir que la restauration et les diverses activités culturelles, de loisirs et d’animation ne constituent pas des charges de copropriété.
Ma proposition de loi visait aussi à mettre fin au conflit d’intérêts inhérent à la possibilité pour le syndic d’être également prestataire de services. Alors qu’il ne s’agissait que de mettre ainsi en lumière un problème fondamental que nous devons régler, cette démarche m’a valu des lettres parfois très agressives.
Bien que le projet de loi que nous examinons aujourd’hui aborde cette question avec lucidité, plusieurs points sont renvoyés à des décrets et je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, des précisions à ce propos. Des adaptations restent en effet nécessaires si nous voulons préserver cet outil indispensable que sont les résidences services.
M. Gérard Bapt. Je salue le travail accompli par Mme Michèle Delaunay, puis par vous-même, madame la secrétaire d’État.
La continuité des soins exige de plus en plus la compatibilité des systèmes d’information du médico-social et du sanitaire. L’article 49 du projet de loi évoque précisément les systèmes d’information pour les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), ce qui est très important pour l’analyse statistique et l’évaluation des besoins. Votre ministère travaille-t-il déjà sur le parcours des soins, qui est l’un des éléments importants de la stratégie nationale de santé (SNS) ?
Pour ce qui est du financement, la CASA, désormais destinée pleinement à la CNSA et aux actions relevant de votre compétence, en vue d’alléger la charge des départements et de revaloriser le soutien à domicile, notamment pour les personnes les plus modestes, méritera d’être complétée ultérieurement. La question de l’hébergement reste cependant posée.
Par ailleurs, les héritages se transmettant de plus en plus souvent des arrière-grands-parents vers les grands parents plutôt que des parents vers les enfants, une contribution de solidarité serait-elle envisageable pour réinjecter les patrimoines vers la vie active et la solidarité ?
M. Rémi Delatte. Pour l’avoir tant attendu, nous espérions que ce projet de loi sur le vieillissement serait ambitieux. Malheureusement, le résultat n’est pas à la hauteur des attentes et de l’image d’une société solidaire qui protège les plus vieux et les plus fragiles des siens. Votre projet de loi, madame la secrétaire d’État, pourtant inspiré des réflexions des États généraux de 2011 et du rapport Rahola, fait l’impasse sur le financement, qui se révèle insuffisant face aux besoins et sans aucune articulation universelle, se limitant aux incantations, aux bons sentiments et à une sémantique qui habille des actions déjà en place. En revanche, les moyens nécessaires pour assurer une meilleure prise en charge de la perte d’autonomie manquent cruellement ou sont mal définis.
Si le pilotage de la politique du vieillissement est avantageusement assuré par ce que vous appelez la « maison commune » pour assurer sa globalité, on en perçoit mal la déclinaison territoriale, surtout dans la perspective de la suppression des conseils généraux.
Je tiens enfin à attirer votre attention sur la nécessité d’impliquer les organismes bailleurs sociaux dans l’adaptation du logement pour les personnes en perte d’autonomie. Il s’agit là en effet d’un élément clé de confort et de sécurité, sans lequel le maintien à domicile serait inenvisageable.
M. Denys Robiliard. Je m’associe, madame la secrétaire d’État, aux félicitations que vous ont adressées presque tous les orateurs précédents et, pour reprendre les propos de Mme Delaunay, j’espère que, sur cette question qui nous intéresse tous, nous pourrons trouver les modalités d’un consensus. Je me réjouis que la question soit également abordée en termes de droits, et non pas seulement de moyens, pour traiter les personnes âgées comme les citoyens et les personnes humaines qu’elles sont.
Faisant écho à M. Jacquat et à Mme Fraysse, je m’interroge sur notre capacité à intégrer, au moyen de ce projet de loi, une partie au moins des recommandations du rapport d’information du 2 juillet 2013 sur les immigrés âgés, qui abordait notamment l’adaptation du regroupement familial, de certains titres de séjour et des conditions de naturalisation, ainsi que les droits sociaux de personnes qui ont de très petits revenus et vivent dans des foyers logements, et que la législation empêche parfois d’avoir une vie normale.
Ma deuxième question porte sur les articles 22 et suivants du projet de loi. Je me réjouis que l’on travaille sur les conditions contractuelles, notamment avec les EHPAD et, plus généralement, les établissements d’hébergement, et que l’on étende le dispositif de la personne de confiance au secteur médico-social, que l’on travaille sur le régime de protection au sens de la curatelle, de la tutelle et de la sauvegarde de justice, et que l’on légifère sur la restriction d’aller et venir, qui pose de difficiles questions liées au consentement. Pour faire suite à l’interpellation lancée à cet égard par M. Jean-Marie Delarue, alors contrôleur général des lieux de privation de liberté, serait-il possible de saisir l’occasion du travail législatif auquel donnera lieu le présent projet de loi pour organiser un « regard extérieur » qui serait une protection importante pour les personnes âgées ?
M. Jean-Pierre Barbier. Au-delà des interrogations légitimes que la disparition annoncée des départements suscite quant au financement et à la gouvernance du dispositif, et au-delà de ses lacunes importantes quant à la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes, le texte qui nous est soumis consacre le principe important du libre choix des personnes âgées confrontées à la dépendance, qui doivent pouvoir décider de rester à domicile ou de séjourner dans un établissement.
Les dispositions financières du texte risquent cependant d’orienter ce choix. Ainsi, 375 millions d’euros sur 645, soit la moitié du budget, seront consacrés à la revalorisation des plafonds de l’APA. Sur ces 375 millions d’euros, vous avez choisi de revaloriser d’une manière significative les GIR 1 et GIR 2, pour les porter respectivement à 400 euros et 250 euros, au détriment des GIR 3 et GIR 4, alors que 80 % des GIR 1 et 2 – lesquels représentent 20 % des bénéficiaires de l’APA – séjournent en établissement. Un tel mécanisme ne risque-t-il pas de réorienter contre leur gré vers le domicile des personnes qui se trouvaient en établissement, compte tenu du montant des aides financières ? La discussion parlementaire ne pourrait-elle permettre un rééquilibrage de cette aide de 375 millions d’euros entre les GIR 1, 2, 3 et 4, afin de garantir véritablement le libre choix ?
M. Michel Issindou. Ce projet de loi, on l’a dit, était attendu et nous sommes tous concernés par le vieillissement. Les chiffres sont éloquents : 5,4 millions de personnes auront plus de 85 ans en 2060.
Ce texte ambitieux de 66 articles touche à tous les secteurs et presque rien n’est oublié, sinon les immigrés âgés, qui pourront y être réintégrés.
J’observe tout d’abord qu’il faut veiller à la filière des personnes travaillant dans le secteur du maintien à domicile, qui s’estiment mal payées et mal considérées dans un travail difficile qui comporte aussi un aspect psychologique que le développement de la filière doit, le cas échéant, prendre en compte.
Pour ce qui est par ailleurs de l’aide aux aidants, on pourrait, à l’instar de ce qui s’applique pour les retraites, valoriser les interruptions de carrière justifiées par les soins dispensés à des parents en difficulté et en fin de vie. Une telle mesure pourrait contribuer à favoriser le maintien à domicile et à limiter les besoins en places en EHPAD.
Mme Kheira Bouziane. Je me joins moi aussi aux félicitations exprimées à Mme la secrétaire d’État et à Mme la rapporteure et je tiens à rendre moi aussi un hommage appuyé à Mme Delaunay, qui s’était elle aussi beaucoup investie sur ce sujet. Le nombre des orateurs qui se sont exprimés avant moi suffirait à prouver l’importance de ce texte et le nombre des questions qu’il suscite encore pour une prise en compte du bien-être et d’un vieillissement dans les meilleures conditions pour tous.
Si importante que soit la question du financement, la préparation de la société au vieillissement n’en représente pas moins un investissement.
Il conviendra par ailleurs d’examiner aussi la situation des personnes handicapées vieillissantes. Pour avoir participé aux missions consacrées aux immigrés âgés et à la santé mentale, j’attache une grande importance à ces sujets, qu’ont évoqués tout à l’heure M. Jacquat et M. Robilliard, lequel a souligné à juste titre la question de la restriction des libertés des personnes âgées dans certains établissements. Le contrôleur des lieux de privation de liberté avait du reste constaté, lors des visites préparatoires à son rapport, l’inadaptation de la prise en charge des personnes âgées et il a demandé depuis lors que sa compétence soit étendue aux établissements accueillant les personnes âgées dépendantes. Quelle est aujourd’hui la position du Gouvernement à cet égard ?
Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la secrétaire d’État, si vous n’avez pas le temps de répondre à toutes ces nombreuses questions, vous aurez tout le loisir d’y revenir lors de l’examen du texte en séance.
Mme la secrétaire d’État. J’ai tout le temps qu’il faut pour le Parlement. Ma crainte est plutôt d’oublier de répondre à certaines de ces questions.
Certaines des interventions que nous venons d’entendre saluent l’adoption de ce texte en conseil des ministres et son examen par votre commission, puis par l’Assemblée nationale ; d’autres expriment des regrets, d’autres encore des questions. Le texte mérite ces trois attitudes. Pour ma part, je me félicite de la satisfaction collective qui s’exprime, je partage les regrets et je m’efforcerai de répondre aux questions.
Peut-être ai-je fait une erreur tactique en désignant ce projet de loi comme un texte important du quinquennat et sans doute aurais-je dû me contenter de dire qu’il s’agissait d’un texte important pour les Français, ce qui aurait évité des interventions justifiées surtout par le positionnement politique de certains orateurs, et nous permettrait de chercher ensemble les conditions d’un consensus.
L’un des regrets que je partage avec vous est que nous devions rétablir les comptes publics du pays et procéder, au titre du pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République et le Premier ministre, à une économie de 50 milliards d’euros d’ici à 2017. Je préférerais que nous ayons de l’argent à dépenser, plutôt que d’avoir à économiser.
Cependant, dans les débats que nous tenons à propos du pacte de responsabilité et de solidarité et des économies nécessaires pour redresser les comptes publics, certains ont évoqué des montants d’économies bien plus importants – jusqu’à 130 milliards. On peut donc penser qu’un montant minimal de 50 milliards d’économies fait consensus. C’est dans ce cadre qu’un projet de loi qui induit 650 millions d’euros de dépenses et d’actions nouvelles est, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, un texte important qui mérite que nous nous en satisfassions ensemble.
Ce texte ne donne pas priorité au maintien à domicile au détriment des établissements. Il ne privilégie pas les GIR 1 et GIR 2 au détriment des GIR 3 et GIR 4. Il ne prend rien à personne, mais donne des moyens supplémentaires d’accompagnement pour l’adaptation de notre société au vieillissement sans en retirer à aucun autre dispositif. N’opposons donc pas le maintien à domicile et les établissements. Le texte fait le choix de traiter d’abord le maintien à domicile, car tel est le souhait des personnes qui vieillissent et des familles. Ce choix est celui d’un report aussi tardif que possible de l’entrée en établissement, conformément aux souhaits de nos concitoyens. Nous pouvons y parvenir tout en n’évoquant qu’avec prudence les établissements, où l’on entre aujourd’hui de plus en plus vieux, c’est-à-dire dans une situation de perte d’autonomie de plus en plus importante. Ne contribuons pas à donner de l’EHPAD une image inquiétante pour ceux qui devront y entrer. De fait, l’entrée en EHPAD permet parfois aussi une moindre solitude et un moindre isolement par rapport au maintien à domicile. N’opposons donc pas les deux et ne présentons pas l’établissement comme le parcours final, le lieu où l’on ne va que lorsqu’on ne peut vraiment plus faire autrement.
Je ne crois pas qu’on puisse dire que les EHPAD – que j’ai du reste évoqués avec le contrôleur des lieux de privation de liberté – soient des lieux de privation de liberté. En revanche, il faut y garantir l’accès aux droits, à la dignité et à la liberté d’aller et venir. Comme je l’ai exprimé à l’ancien contrôleur, si son champ d’intervention était celui des situations de privation de liberté, peut-être pourrait-il s’intéresser de près aux EHPAD, où l’on trouve parfois de telles situations, rendues nécessaires par la nécessité d’assurer la sécurité des personnes qui y sont accueillies. Soyons cependant attentifs à la façon dont nous présentons ces lieux qui sont aussi, je le répète, des endroits où les personnes âgées retrouvent une sécurité physique et une vie sociale après un certain isolement dans le cadre du maintien à domicile.
Pour ce qui est de savoir si l’enveloppe consacrée par le projet de loi au maintien à domicile et à l’adaptation au vieillissement n’est pas déterminée davantage par les recettes que par les besoins, il se trouve que c’est absolument le cas ! Les besoins sont infiniment supérieurs – on pourrait faire incomparablement plus et mieux –, mais au moins disposons-nous de cette enveloppe. Quant au fait que les besoins vont encore augmenter, il se trouve que la recette, qui est dynamique, augmentera aussi. J’observe d’ailleurs qu’elle aura augmenté d’une trentaine de millions d’euros en deux ans, entre 2013 et 2015. Saluons déjà cette dépense et son affectation.
Le plafonnement des plans d’aide est fixé par décret. Les plafonds mensuels des GIR 1 et GIR 2 sont les plus contraints. La réforme se traduit par des augmentations dégressives de 400 euros pour le GIR 1, de 250 euros pour le GIR 2, de 150 euros pour le GIR 3 et de 100 euros pour le GIR 4. L’augmentation des plafonds d’aide est donc de 30 % pour le GIR 1, ce qui est très significatif. En outre, la diminution du reste à charge rend plus efficiente l’augmentation du plafond, avec une diminution du ticket modérateur par tranche : sur la part du plan d’aide située entre 1 et 350 euros, le ticket modérateur reste inchangé ; de 350 à 550 ; sa baisse peut atteindre 60 % en fonction des revenus et 80 % au-delà de 550 euros. Cet effort significatif permet de présenter sans emphase cette réforme comme un acte II de l’APA.
Ce dispositif n’a de sens que s’il s’accompagne d’un travail sérieux sur l’état des services d’aide à domicile, qui ne sont pas aujourd’hui en situation d’accompagner les mesures prévues d’augmentation des heures d’APA. Je connais la liste exacte des difficultés et je suis particulièrement mobilisée.
Madame Poletti, le rapport que vous préparez avec Mme Pinville n’arrivera pas après la bataille législative qui se livrera au mois de septembre dans l’Hémicycle autour de la première lecture de la loi sur le vieillissement, car une partie des mesures que nous devons prendre sont parallèles à la loi et ne sont pas de nature législative. Si besoin est, la navette nous permettra d’avancer. Votre rapport sera bienvenu, car mon objectif est d’identifier et de décider des mesures relatives aux services d’aide à domicile, afin que leur mise en œuvre soit concomitante à l’entrée en vigueur de la loi. Il s’agit, d’une manière générale, de remettre le secteur sur pied au moment où la loi s’appliquera. Le sujet n’est ni simple ni récent. Depuis 2009, en effet, le plan Borloo, malgré ses bonnes intentions, n’a pas eu qu’un effet positif et certains acteurs contribuent, par une concurrence qui est même du dumping, à fragiliser le secteur.
Une autre préoccupation tient à la décentralisation et à la diversité des tarifs pratiqués par les conseils généraux, qui ne sont pas toujours adaptés aux réalités locales – car la diversité du pays ne justifie pas toujours celle des tarifs. On peut également s’inquiéter des nouvelles règles régissant le travail à temps partiel, compte tenu du fractionnement des plans d’aide – certaines interventions d’aide à domicile se déroulent en effet sur un temps très court, avec des temps de trajet très longs.
La loi, qui créera des besoins nouveaux, relancera incontestablement l’activité et l’emploi, mais il faut aussi garantir un emploi de qualité, tant pour les salariés que pour les bénéficiaires des aides.
Le projet de loi prévoit également de consacrer 25 millions d’euros à l’amélioration des conditions de travail dans le secteur. Cette somme s’ajoute donc au montant global consacré à l’APA. Je vous propose que nous travaillions tous ensemble selon le calendrier que j’ai proposé et j’attendrai votre rapport pour prendre toutes les décisions.
Si le délai d’expérimentation de trois ans pour la réforme des aides à domicile a pu paraître raisonnable au début de l’élaboration de la loi, on peut aujourd’hui viser un calendrier et une méthode plus ambitieux.
Pour ce qui concerne les immigrés âgés, des mesures seront prévues dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à la suite de votre rapport.
Monsieur Gérard, votre intervention relative aux résidences services me semble s’intégrer dans les objectifs du projet de loi. En outre, un rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), le corps d’inspection du ministère de l’équipement, du logement et des transports, a été lancé sur ces résidences. En effet, si une partie de la question, qui concerne l’avenir, figure dans le projet de loi, la situation de l’existant reste à traiter et la mission de l’IGAS et du CGEDD devrait donc formuler des propositions à cet égard.
L’aide aux aidants et le droit au répit qui leur est reconnu constituent une belle mesure, qui pourrait en inspirer d’autres à l’intention d’autres catégories d’aidants. Les 83 millions d’euros engagés ne sont pas réservés aux GIR 1 et GIR 2, même si ces deux catégories sont celles où les besoins seront les plus importants. Aucun verrou n’est prévu et les aides seront attribuées par les conseils généraux.
Un travail est en cours pour améliorer l’hébergement temporaire. À cet égard, j’ai visité la semaine dernière dans le Nord un EHPAD de la Croix-Rouge consacré uniquement à ce type d’hébergement. Le coût en est élevé, car cet établissement ne tourne jamais à plein, mais à 75 % ou 80 %, à la fois parce que la rotation des personnes hébergées provoque des interruptions et parce que ce mode d’hébergement n’est pas assez connu. Il faut par ailleurs assouplir certaines règles pour permettre à d’autres EHPAD de développer l’hébergement temporaire à côté de l’hébergement permanent.
Pour lever les blocages psychologiques, un accompagnement s’impose. En même temps que l’aide aux aidants et le droit au répit, il faudra aussi développer le nombre des places d’accueil et la possibilité d’un hébergement temporaire, car certaines personnes craignent de ne pas pouvoir quitter ces établissements. Il s’agit là d’un travail de sensibilisation et de prise en compte des inquiétudes.
La loi s’articule avec la stratégie nationale de santé au moins sur quatre thèmes : le suicide, le plan médicament, la logique des parcours et l’information des patients et des usagers.
Madame Poletti, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ne se désengage pas des GIR 5 et 6, mais réoriente son intervention de l’aide-ménagère classique vers des paniers de services et de la prévention.
La maison départementale de l’autonomie (MDA) fait partie des sujets réservés, car relevant des départements. Cette question fait l’objet d’un grand consensus : si l’Assemblée nationale le soutient, nous en tiendrons compte. Des expériences positives ont été réalisées, comme en Isère, et un intérêt s’exprime pour ce dispositif, dont nous débattrons sans a priori de ma part.
La suite du plan Alzheimer et du plan consacré aux maladies neurodégénératives sera présentée en septembre, soit au moment de l’examen du projet de loi.
Pour ce qui est de la place des handicapés dans la société, il faut d’abord rappeler que les politiques d’adaptation de la société au vieillissement ont également des incidences bénéfiques pour les handicapés – en matière par exemple d’accessibilité dans les transports et dans l’urbanisme. Le rapport annexé annonce un travail sur les personnes handicapées en EHPAD, que je devrai mener avec Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Vous savez tous pourquoi le texte ne va pas aussi loin que les associations de handicap ne le souhaitent pour ce qui concerne le passage du handicap au vieillissement.
Le projet sera examiné en septembre en séance publique ; une fois rédigés les décrets, la loi devrait entrer en vigueur au milieu de l’année prochaine. L’utilisation de la fraction de la CASA qui n’aura pas été affectée en 2015 sera donc définie dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2015.
Mme Bérengère Poletti a critiqué la multiplication des créations de « Haut Conseil ». Il est vrai que ce n’est pas toujours judicieux, mais tout ramener au Conseil économique, social et environnemental ne l’est pas non plus. Toutefois, Mme la rapporteure a suggéré le rapprochement du Haut Conseil de l’âge et du Haut Conseil de la famille et je suis favorable à cette proposition. J’irais même plus loin en suggérant un Haut Conseil de la famille et des âges, ce qui répondrait à une demande du secteur de l’enfance, pour lequel n’existe aucune instance de cette sorte. Les sujets traités étant connexes et le champ de compétence du ministère le permettant, mieux vaut décloisonner que juxtaposer les instances. Nous approfondirons la question lorsque nous nous retrouverons dans l’hémicycle.
Mme la présidente Catherine Lemorton. La mission d’information sur l’organisation de la permanence des soins présidée par M. Jean-Pierre Door et dont je suis rapporteure a pris connaissance de lacunes dans la permanence des soins ambulatoires dans les EHPAD, le soir et les week-ends ; nous ferons des propositions à ce sujet.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de nous avoir présenté ce texte très attendu, qu’avait préparé Mme Michèle Delaunay. J’ai apprécié votre honnêteté intellectuelle, qui vous a amenée à dire que vous auriez souhaité pouvoir faire davantage – mais nous connaissons tous la situation financière de notre pays, et plus longtemps on aurait différé, plus fortes auraient été les attentes.
La Commission procède à l’examen des articles du présent projet de loi au cours de ses séances du mercredi 16 juillet 2014.
TITRE PRÉLIMINAIRE
DISPOSITIONS D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION
Article 1er
Impératif national d’adaptation de la société au vieillissement
Cet article définit le principe général d’orientation et de programmation du projet de loi.
Il dispose que « l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation. »
Il fait donc de la transition démographique en cours, caractérisée par la part croissante des personnes âgées de plus de soixante ans et de plus de quatre-vingts ans dans la population totale, un enjeu central à prendre en compte dans tous les aspects de l’action publique.
• Un impératif national
Il n’est en effet pas un pan de la société qui échappe au phénomène du vieillissement. Au plan individuel d’abord, car il touche chacun personnellement dans l’avancée de son parcours de vie : chacun peut mesurer que l’avancée en âge révèle ou accroît les inégalités en termes de santé, de patrimoine, de liens sociaux. En conséquence, établir les conditions du « bien vieillir » est le fondement de toute action de prévention, et donc des politiques de promotion de la santé publique. De même les politiques de cohésion sociale doivent réduire les inégalités occasionnées par les parcours de vie.
Enfin, le vieillissement conduit à faire vivre ensemble dans une même société un plus grand nombre de classes d’âge. Les milieux professionnels, les lieux publics et de vie, de soins, d’habitat ou encore le monde associatif sont tous confrontés à un phénomène qui représente tout à la fois un atout et un défi.
Le projet de loi décline la priorité nationale à court terme comme à moyen et à long terme. Il apporte des améliorations urgentes, par exemple en rénovant l’allocation personnalisée d’autonomie, en soutenant les logements-foyers qui accueillent des personnes âgées, en consolidant le secteur de l’aide et de l’accompagnement à domicile : dans le contexte particulièrement contraint que connaît notre pays en matière de finances publiques, l’affectation en année pleine de plus de 640 millions d’euros, financés par une recette pérenne – la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) – témoigne du respect par le gouvernement de l’objectif que le présent article assigne à l’ensemble des acteurs publics.
À moyen et à long terme, le projet de loi et son rapport annexé proposent des mesures refondatrices et structurantes, en plaçant l’adaptation de la société au vieillissement au cœur des enjeux du quartier et de la ville, ou en dépassant les séparations entre d’une part le domaine sanitaire, et d’autre part le domaine social et médico-social.
• Une démarche exemplaire
L’ambition affichée à l’article premier peut se prévaloir des travaux préparatoires au projet de loi qui ont suscité une vaste mobilisation de nombreux acteurs. Près de cinq cents participants, issus des secteurs public et privé, ont participé pendant plusieurs mois à de nombreux groupes de travail et soumis interventions et contributions.
L’ensemble des acteurs traditionnellement concernés par les politiques sociales a pris part aux travaux, qu’il s’agisse des collectivités territoriales, des partenaires sociaux, des organismes du secteur médico-social, de la santé, des acteurs de la protection sociale, ou des représentants des usagers et personnes âgées. Mais les représentants du secteur de l’habitat et de la construction, des transports, des services et de l’urbanisme, du monde industriel ainsi que de la culture ont également participé.
De la démarche partenariale ayant présidé à l’élaboration du projet de loi découle la proposition d’une gouvernance renouvelée des politiques de la vieillesse. Ainsi le Haut Conseil de l’âge aura vocation à donner plus de visibilité aux personnes âgées dans l’élaboration de l’ensemble des politiques publiques. La conférence des financeurs coordonnera, sur le territoire du département, les différents financeurs des actions de prévention de la perte d’autonomie et de diffusion des aides techniques. Quant à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, elle voit ses prérogatives renforcées et son rôle de pilotage, affirmé.
Des améliorations pourront encore être apportées en matière de gouvernance locale des politiques destinées aux personnes âgées : elles sont indispensables afin de répondre à l’objectif assigné par le présent article et doivent être pleinement cohérentes avec la réforme territoriale en cours.
*
* *
La Commission adopte l’article 1er sans modification.
La Commission examine l’amendement AS173 de Mme Véronique Massonneau.
Mme Véronique Massonneau. De nombreuses personnes allocataires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) perdent totalement ou partiellement le bénéfice de celle-ci, au profit de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), lorsqu’elles atteignent l’âge légal de départ en retraite. Pourtant, ce changement leur est défavorable et l’ASPA n’est pas adaptée aux besoins spécifiques des personnes handicapées. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement examine la possibilité d’instaurer un droit d’option entre le maintien de l’AAH et l’obtention de l’ASPA ; ce serait la conséquence logique de la suppression de la barrière d’âge en matière d’aide sociale à l’hébergement des personnes handicapées.
Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce sujet a déjà été évoqué à maintes reprises, notamment lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites. Ne nous leurrons pas : une telle mesure aurait un impact financier très lourd – et je doute de l’opportunité d’un rapport supplémentaire sur la question. Avis défavorable, donc.
M. Denis Jacquat. Nous avons en effet déjà abordé le sujet à plusieurs reprises dans cette commission, et c’est précisément pourquoi cet amendement mériterait d’être discuté sur le fond. Le problème, c’est que, lorsque les personnes handicapées arrivent à l’âge de la retraite, elles subissent une baisse importante de revenus, car l’ASPA est à un niveau moindre que l’AAH. Or une personne handicapée a plus de besoins qu’une autre : il serait bon qu’elle bénéficie d’un régime spécial ou d’un droit d’option. Il ne faut pas reporter sine die cette proposition.
Mme Véronique Massonneau. D’abord, il n’y a jamais eu de rapport sur ce sujet en particulier. Ensuite, nous en avons certes beaucoup parlé, mais nous n’avons jamais rien décidé. Un rapport permettrait de mesurer non seulement l’impact financier d’une telle mesure, mais aussi son accueil par les personnes en situation de handicap, qui perdent énormément d’argent au moment de leur départ à la retraite : il ne s’agirait en rien d’une compensation.
M. Dominique Tian. Madame la rapporteure, si je vous demandais combien, précisément, coûterait cette mesure, vous seriez bien embarrassée pour me répondre : c’est pourquoi il est nécessaire de faire un rapport !
Mme la rapporteure. Monsieur Tian, seriez-vous devenu un fervent partisan des rapports ? Je m’en souviendrai lors d’autres discussions ! (Sourires.)
Je suis bien évidemment consciente du problème, et il ne s’agit en aucun cas de repousser la décision. En revanche, je doute qu’un rapport apporte quoi que ce soit de nouveau. De plus, il me semble que le sujet relève plutôt d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale : mieux vaudrait en discuter à cette occasion.
Mme Bérengère Poletti. Permettez-moi d’insister : il s’agit d’un bon amendement. Depuis des années, nous travaillons sur la suppression de la barrière d’âge ; on ne peut pas appréhender de la même façon la question de la dépendance lorsqu’il s’agit d’une personne handicapée ou d’une personne âgée. Il serait bon que nous disposions d’éléments objectifs pour pouvoir nous faire une idée précise sur la question – notamment concernant le coût d’une telle mesure.
M. Christophe Sirugue. Cet amendement soulève une question pertinente. Plusieurs rapports ont déjà été remis sur le sujet ; nous savons que le principal problème est financier. Demander un nouveau rapport ne changera rien ! En revanche, il faudrait traiter la question dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Barbier. Je vous rappelle que, sur les 7 milliards d’euros nécessaires pour financer l’adaptation de la société au vieillissement de la population, seuls 645 millions ont été débloqués ; si l’on se cantonnait à discuter de ce qui est financé, on ne parlerait de rien !
M. Denis Jacquat. Pour les bénéficiaires de l’AAH, la différence de revenus est de 100 à 150 euros par mois. Il y a déjà dans notre pays un problème concernant la situation générale des personnes handicapées, mais, au moment de leur départ en retraite, celles-ci sont encore pénalisées. Pourquoi ne pas adopter dès maintenant cet amendement – qui ne coûte pas un centime ? On gagnerait du temps !
Mme la rapporteure. La question doit être considérée, non de façon restreinte, mais en englobant toutes les prestations : AAH, ASPA, prestation de compensation du handicap (PCH)… Le projet de loi prévoit la création d’un Haut Conseil de l’âge : voilà typiquement une question dont il pourrait être saisi !
Mme Michèle Delaunay. C’est en effet un sujet que le Haut Conseil de l’âge pourrait aborder avec plus de recul et d’expertise. Il importe que nous marquions notre intérêt pour cette nouvelle institution, dont la mission sera de sensibiliser nos concitoyens aux problèmes liés à la transition démographique.
Peut-être cela vous paraîtra-t-il caricatural, mais envisageriez-vous de demander au Gouvernement un rapport sur la mise en place pour tous les citoyens d’un droit d’option entre le maintien du salaire ou l’obtention de la pension de retraite ?
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AS235 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Il s’agit là encore de demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement. Il faut dire que le couperet de l’article 40 est appliqué de manière tellement sourcilleuse que c’est le seul moyen qui nous reste pour pouvoir débattre de certains sujets !
En l’espèce, nous souhaiterions un rapport détaillant les leviers financiers mobilisables, car le projet de loi est très loin de couvrir les besoins de notre société en matière d’adaptation au vieillissement. J’évoque dans le texte de l’amendement l’hypothèse d’une cotisation obligatoire, mais ce n’est qu’une piste parmi d’autres.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Les nouveaux leviers financiers mobilisables, ce sont plus précisément des taxes, des impôts supplémentaires ou de nouvelles cotisations obligatoires. Au cours de la précédente législature, j’ai participé avec vous, madame Poletti, à la rédaction d’un rapport sur le financement de la dépendance, dont une des préconisations était la mise en place d’une assurance dépendance ; cette proposition avait été rejetée. L’hypothèse que vous évoquez dans l’amendement n’en serait-elle pas un avatar ?
Si nous devons assurément mieux accompagner les personnes âgées et renforcer les politiques visant à adapter la société au vieillissement, je ne pense pas qu’un rapport nous permettra de trouver de nouveaux moyens, dans la mesure où nous disposons déjà de nombreuses études sur le sujet.
Mme Michèle Delaunay. Pour l’acte II de la loi, il faudra tenir compte d’un nouveau paramètre : ce que peut apporter la silver economy pour la croissance. Désormais, rien ne pourra être fait sans que soient mis en regard le coût et le bénéfice de l’âge – si j’ose dire ! Un rapport n’y suffira pas : il faut une analyse économique. Là encore, c’est un travail qui pourrait être confié au Haut Conseil de l’âge.
M. Denis Jacquat. La question avait en effet été étudiée durant la précédente législature. Il y a quelques années, j’étais d’avis d’instaurer une cotisation perte d’autonomie ou dépendance qui aurait été versée dès le premier jour d’activité professionnelle – on laisse entendre, dans le chapitre Ier du code de la sécurité sociale, que d’autres branches pourraient être créées –, mais j’admets avoir changé d’avis depuis la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Il reste que, comme le soulignait Jean-Pierre Barbier, la différence est énorme entre les 7 milliards d’euros dont nous aurions besoin et les 645 millions disponibles. Les gens seront déçus s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils souhaitent. Si vous ne voulez pas de rapport, pourquoi ne pas prévoir la saisine du Haut Conseil de l’âge sur ces questions ?
Mme Véronique Louwagie. Trois remarques.
D’abord, les perspectives démographiques de notre pays sont connues, et il me semble qu’il est de la responsabilité de la représentation nationale de les anticiper.
Ensuite, au début de l’étude d’impact, il est indiqué que « l’équilibre financier sera ajusté au fur et à mesure de la montée en charge des mesures nouvelles » : une montée en charge est donc bien prévue.
Enfin, nous sommes entrés dans le débat de fond en évoquant la possibilité de mettre en place une nouvelle cotisation ou un système d’assurance, mais l’amendement n’écarte a priori aucune piste – son objet est précisément qu’un rapport les évalue toutes. Il me semblerait important d’engager cette réflexion, et je regrette que vous n’y soyez pas favorable, madame la rapporteure.
Mme la rapporteure. Nous avons tous conscience du besoin de concevoir des politiques capables de répondre au vieillissement de la société, madame Louwagie, mais la réflexion que vous évoquez pourra faire partie des attributions du Haut Conseil de l’âge. Celui-ci pourra être saisi par le Premier ministre, le ministre chargé des personnes âgées et les autres ministres concernés de toute question relevant de son champ de compétence, et des parlementaires siégeront en son sein : je pense que ce sera le lieu pour anticiper les évolutions à venir, examiner les mesures à prendre et évaluer les besoins de financement.
La Commission rejette l’amendement.
Article 2
Approbation du rapport annexé définissant les objectifs
de la politique d’adaptation de la société au vieillissement
Cet article approuve le rapport annexé au projet de loi, qui présente les objectifs de la politique d’adaptation de la société au vieillissement.
Le recours au rapport annexé permet au gouvernement de détailler, dans un document débattu devant la représentation nationale, qui peut l’amender, les objectifs, ainsi que les moyens et leur « doctrine d’emploi », de tel ou tel domaine de l’action publique.
L’approbation de ce rapport vise à assigner à l’ensemble des acteurs des politiques publiques concernées les objectifs permettant de respecter l’impératif national d’adaptation de la société au vieillissement affirmé à l’article premier.
La possibilité pour le Parlement de délibérer sur un rapport annexé est encadrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui sanctionne les dispositions non normatives des textes législatifs en vertu du principe selon lequel « la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative » (décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales).
Pour autant, le Conseil constitutionnel a jugé que le grief tiré du défaut de portée normative ne saurait être opposé aux orientations présentées dans un rapport annexé à une loi dès lors qu’il s’agit de mettre en œuvre les dispositions de l’article 34 de la Constitution relatives aux lois de programmation (décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure).
Ces lois de programmation, qui ont été substituées aux anciennes lois de programme par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, « déterminent les objectifs de l’action de l’État ». Depuis la révision constitutionnelle de 2008, elles peuvent intervenir dans tous les domaines, et non plus uniquement dans le champ de « l’action économique et sociale » aux termes de l’ancienne rédaction de l’article 34.
Cet article 2 et le rapport annexé permettent incontestablement de « déterminer », en matière d’adaptation de la société au vieillissement, les objectifs de l’État et des différentes personnes morales de droit public ou privé chargées d’une mission de service public, et d’en programmer les moyens.
Il s’agit donc bien d’une mise en œuvre de l’article 34 de la Constitution qui prévoit que la loi détermine les principes fondamentaux des compétences et des ressources des collectivités territoriales, ainsi que les principes fondamentaux de la sécurité sociale.
En outre la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, au nombre desquelles figurent les droits et libertés des personnes âgées et des personnes fragiles ; les politiques visant à prévenir la perte d’autonomie contribuent ainsi éminemment à la préservation de l’exercice des droits et libertés de nos concitoyens, tout au long de la vie.
La qualité de loi de programmation du présent projet de loi emporte une autre conséquence de nature constitutionnelle : le Conseil économique, social et environnemental (CESE) doit être consulté préalablement à la délibération du Parlement. En effet, selon l’article 70 de la Constitution, « tout plan ou projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental » lui est soumis pour avis.
Cette obligation s’étend au rapport annexé. En 2005, l’omission de cette formalité, que le Conseil constitutionnel a jugée substantielle, avait conduit à la déclaration de non-conformité à la Constitution de l’article de la loi n°2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école approuvant le rapport qui lui était annexé (décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005).
S’agissant du présent projet de loi, le gouvernement s’est attaché à consulter le CESE : la saisine par le Premier ministre date du 18 février 2014. Lors de la séance plénière du 26 mars 2014, le Conseil a rendu un avis favorable sur l’avant-projet de loi. Votre rapporteure a, au demeurant, auditionné M. Daniel Prada et Mme Monique Boutrand, rapporteurs du CESE au nom des sections des affaires sociales et de la santé et de la section de l’aménagement durable des territoires.
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Lors de son examen du texte du projet de loi, votre commission des affaires sociales a adopté, outre cinq amendements rédactionnels présentés par la rapporteure, des amendements visant à modifier le rapport annexé au projet de loi.
Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement supprimant les termes « le logement intermédiaire » dans un sous-titre du rapport annexé, afin d’éviter toute confusion avec le logement intermédiaire tel que défini par l’ordonnance n°2014-159 du 20 février 2014. La commission a également adopté un amendement de précision de votre rapporteure concernant les projets relatifs au viager développés par la Caisse des dépôts.
Sur proposition des commissaires du groupe SRC et sur avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté un amendement visant à ouvrir la possibilité, pour les résidences-autonomie, d’accueillir des étudiants ou des jeunes travailleurs, afin d’encourager la cohabitation intergénérationnelle.
La commission a en outre adopté, sur proposition conjointe de Mme Delaunay et de M. Véran, sur avis favorable de votre rapporteure, un amendement visant à systématiser le recours aux équipes de soins palliatifs dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). La commission a en outre adopté, sur proposition de Mme Delaunay, Mme Huillier et M. Véran, sur avis défavorable de votre rapporteure, un amendement visant à systématiser l’accès à une infirmière de nuit en établissement.
Enfin, la commission a adopté un amendement des commissaires du groupe SRC, sur avis favorable de votre rapporteure, modifiant la rédaction de l’alinéa 341 du rapport annexé relatif à la fin de vie : il promeut la désignation d’une personne de confiance et encourage chaque personne à formuler ses souhaits et directives de manière anticipée et accompagnée.
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La Commission est saisie de l’amendement AS23 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Cet amendement vise à substituer à l’alinéa 19 du rapport annexé les trois alinéas suivants :
« Cette politique ne pourra être ambitieuse que si l’on apporte une réponse à la problématique majeure de son financement.
La contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), dont le rendement est estimé à 645 millions d’euros par an, ne constitue qu’une réponse très partielle à cette problématique, alors même que l’on sait que les besoins de financement vont aller en s’accroissant.
En effet, on estime que pour 2010, l’effort public consacré à la dépendance a été d’environ 24 milliards d’euros, soit 1,2 % de la richesse nationale, et certaines prévisions font état d’une hausse des besoins de financement de plus de 40 % à horizon 2025 et à droit constant. ».
On prendrait ainsi en considération la réalité de l’effort public à réaliser : 2025, c’est demain !
Mme la rapporteure. La question du financement est évidemment fondamentale. Lorsque la ministre a été auditionnée, elle a répondu clairement qu’elle « faisait » avec l’enveloppe dont elle disposait. Nous sommes conscients qu’il existe un besoin de financement plus important, mais notre objectif demeure de mieux accompagner les personnes âgées ; c’est pourquoi le projet de loi vise à l’« adaptation de la société au vieillissement », en mettant l’accent sur l’aide à domicile, car nous pensons, d’une part, que cela répond aux attentes d’une majorité de nos concitoyens, d’autre part, que le coût sera moindre. Cela ne nous exonère pas de poursuivre nos efforts, mais il ne me semble pas nécessaire de le mentionner dans le rapport annexé. Avis défavorable, donc.
M. Élie Aboud. Je ne comprends pas : vous dites la même chose que Mme Poletti. Pourquoi ne pas donner un avis favorable à l’amendement ?
Mme Bérengère Poletti. Le rapport annexé aborde la problématique générale de l’adaptation de la société au vieillissement : je ne vois pas pourquoi on n’évoquerait pas les aspects financiers. Le Gouvernement a précisé qu’il souhaitait un deuxième texte afin de traiter de toutes les questions : on ne fera pas un nouveau rapport annexé à cette occasion !
M. Jean-Pierre Barbier. En outre, cet amendement a l’honnêteté de préciser que les dispositions prévues par le texte ne pourront être mises en œuvre que si l’on trouve les financements nécessaires. Cela évitera bien des désillusions ! Pour l’heure, seuls un dixième des besoins sont couverts…
Mme la rapporteure. Vous affirmez que la CASA ne constitue qu’une réponse très partielle à cette problématique : ce n’est pas vrai ! Certes, en matière financière, ses moyens sont limités, mais, sur le principe, il s’agit bien d’améliorer la prévention de la perte d’autonomie et l’accompagnement des personnes âgées.
M. Denis Jacquat. On sait bien que la somme mobilisée par l’intermédiaire de la CASA est insuffisante : c’est pourquoi il est indiqué que celle-ci ne constitue qu’une réponse « partielle » !
Mme Michèle Delaunay. Personnellement, je pense que l’amendement serait recevable s’il ne présentait pas les choses de manière aussi négative : dès les premières lignes, il semble porter un jugement !
M. Élie Aboud. Sur le fond, tout le monde semble d’accord. S’il y a un mot ou une phrase qui vous gêne, nous sommes prêts à modifier l’amendement, du moment que l’on en conserve l’esprit.
M. Jean-Pierre Barbier. Si c’est la négation qui vous gêne, on pourrait en effet écrire : « constitue une réponse très partielle ». La vraie question est de savoir si, dans l’avenir, la CASA sera le seul outil de financement de la dépendance dans notre pays.
Mme Michèle Delaunay. Un deuxième acte législatif est prévu par le texte : on pourrait y faire allusion. Le problème de cet amendement, c’est sa tonalité foncièrement critique et négative.
Mme la rapporteure. Pour le deuxième alinéa, j’accepterais la rédaction suivante : « La contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), dont le rendement est estimé à 645 millions d’euros par an, constitue une première réponse à cette problématique. »
Quant au troisième alinéa, quand vous évoquez « certaines prévisions » qui feraient état d’une hausse des besoins de financement de plus de 40 % à horizon 2025, admettez que cela manque de précision ! Il faudrait le supprimer.
Je suis prête à donner un avis favorable à un amendement ainsi rectifié.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Il serait préférable que vous y retravailliez ensemble et qu’un nouvel amendement soit déposé lors de l’examen du texte en séance plénière.
Mme la rapporteure. Vous avez raison ; d’ailleurs, on pourra faire de même avec d’autres amendements dont la rédaction serait à revoir.
Mme Bérengère Poletti. Le présent amendement a pour objet de situer le texte dans la problématique globale du vieillissement, telle qu’elle existe et telle qu’elle est ressentie par nos concitoyens. De nombreuses personnes rencontrent des difficultés pour les admissions en établissement d’hébergement pour personnes âgées. On ne peut pas s’exonérer d’en faire état dans le rapport annexé, ni de préciser les enjeux financiers.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement AS24 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Nous demandons que, dès 2015, le produit de la CASA vienne, comme prévu, abonder la CNSA, afin de financer des mesures en faveur des personnes âgées dépendantes. Ce produit a été détourné de son objectif initial pendant deux ans, puisque c’est le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui bénéficiait de cet apport financier, et la secrétaire d’État nous a annoncé lors de son audition que la situation ne serait pas régularisée avant la mi-2015 : ce n’est pas acceptable !
Mme la rapporteure. Le produit de la CASA étant déjà entièrement affecté à la CNSA, cet amendement est sans objet.
Avis défavorable.
M. Denis Jacquat. Lors de la création de la CASA, il nous avait été indiqué que son produit irait à l’adaptation de la société au vieillissement. Or c’est le FSV que la CASA a alimenté la première année. Alors qu’on nous avait indiqué que ce serait la seule fois, la CASA a de nouveau alimenté le FSV l’année suivante.
Nous avons de nouveau posé la question de la destination du produit de la CASA à Mme la ministre il y a quelques jours ici même : elle nous a répondu que le dispositif ne serait pas mis en place avant la fin du premier semestre de 2015 et que le prochain débat sur le sujet interviendrait dans le cadre du PLFSS. Or, comme nous savons déjà que la somme qui sera affectée à l’adaptation de la société au vieillissement est insuffisante, il convient d’y affecter dès le 1er janvier 2015 le produit de la contribution additionnelle, qui ne doit plus abonder le FSV ou tout autre fonds. Faisons comme les écureuils avec les noisettes : mettons-les de côté !
Mme Bérengère Poletti. Mme la rapporteure a raison : il est vrai que le produit de la CASA abonde la CNSA, mais c’est avant d’être redirigé par le biais de la dotation CSG. Il s’agit d’un détournement de tuyauterie. La CASA ne bénéficie donc pas actuellement aux personnes âgées dépendantes : chacun le sait.
Je tiens à rappeler que nous examinons actuellement le rapport annexé, dans lequel il nous faut inscrire que la CASA doit, dès 2015, être affectée à l’adaptation de la société au vieillissement.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte les deux amendements rédactionnels AS358 et AS355 de la rapporteure.
Elle passe ensuite à l’examen de l’amendement AS3 de M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. De nombreuses expériences d’habitat regroupé – béguinages, colocation, babayagas, etc. – ont été réalisées le plus souvent à l’initiative d’associations ou de regroupements de citoyens. Ces petits lieux de vie sont d’utiles intermédiaires entre le domicile classique et les offres d’hébergement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
L’objet de l’amendement AS3 est de favoriser leur développement.
Mme la rapporteure. C’est vrai, il convient d’étendre le choix des personnes âgées en matière d’hébergement.
Toutefois, comme le précise l’exposé des motifs de l’amendement, un audit est en cours, mené par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). C’est pourquoi, monsieur Tian, je vous propose de retirer votre amendement, d’attendre les conclusions du rapport et de redéposer l’amendement en séance publique afin d’en discuter directement avec le Gouvernement.
M. Dominique Tian. Je maintiens l’amendement.
Mme Véronique Louwagie. Madame la rapporteure, vous n’avez ni émis d’avis défavorable à l’amendement ni donné d’argument de fond contre celui-ci.
Nous examinons pour l’heure le rapport annexé où il est bon d’inscrire des préconisations. De plus, le développement d’habitats intermédiaires entre le domicile classique et les EHPAD répond aux besoins des territoires ruraux, qui ne disposent pas à l’heure actuelle d’un grand éventail de réponses à apporter aux personnes qui se trouvent en situation de dépendance. L’adoption de cet amendement permettrait d’envoyer un message fort au monde rural.
M. Denis Jacquat. Cet amendement exprime l’attente de nombreuses associations. Il convient du reste de pousser plus loin la réflexion en y englobant la question du domicile. Quel que soit le type d’établissement où elle demeure, une personne devrait être considérée comme résidant à son domicile. C’est une proposition de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et de services pour personnes âgées (FNADEPA).
Mme Sylviane Bulteau. Cette question relève plutôt de l’initiative locale, qu’il s’agisse des associations ou des collectivités locales, notamment des mairies en milieu rural, auxquelles il appartient de soutenir les projets d’habitat diversifié, qui exigent volonté politique et financements.
Cet amendement ne fait qu’alourdir le projet de loi.
M. Arnaud Robinet. Si cet amendement permet d’ouvrir le débat sur l’élargissement à différentes formes d’hébergement pour les personnes âgées, il ne saurait toutefois être accepté en l’état, compte tenu des problèmes qu’il pose en matière de code du travail pour les personnes qui travaillent dans de telles structures. C’est ainsi qu’à Reims des associations souhaitaient développer ce type d’habitat, notamment dans le cadre de l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Il convient de modifier le code du travail, car celui-ci ne permet pas, à l’heure actuelle, de développer ce type de structures.
Mme la rapporteure. Le Gouvernement s’est saisi de cette question. L’audit actuellement mené par la DGCS permettra sans aucun doute de révéler d’éventuelles difficultés et de préciser les problématiques. Attendons ses résultats.
J’émets un avis défavorable à l’amendement.
M. Gérard Bapt. L’exposé sommaire évoque les « Babayagas », initiative née à Montreuil-sous-Bois : j’ai souhaité monter dans ma commune un projet de ce type, qui s’est heurté à la répartition des contingents entre les attributaires. Il existe de réels obstacles juridiques au développement de telles initiatives.
Il convient donc d’attendre la remise du rapport avant de légiférer sur le sujet, éventuellement en deuxième lecture.
La Commission rejette l’amendement.
Elle étudie ensuite l’amendement AS216 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Cet amendement vise à sécuriser une situation déjà existante, en reconnaissant juridiquement la possibilité d’admettre au sein des résidences-autonomie une faible proportion de jeunes travailleurs ou d’étudiants, en vue de favoriser la dynamique intergénérationnelle fondée sur l’échange.
Le quota de 5 % du nombre des logements auquel j’avais songé ne figure finalement pas dans cet amendement mais il me paraît très raisonnable. Il convient en effet de ne pas restreindre le nombre de places offertes aux personnes âgées, auxquelles ces résidences-autonomie sont destinées.
M. Denis Jacquat. La cohabitation intergénérationnelle permet de lutter contre l’isolement des personnes âgées : elle est donc souhaitable.
Il faut toutefois savoir que de nombreuses expériences déjà menées dans des foyers logement se sont soldées par un échec. En effet, les modes de vie, d’une part, des personnes âgées et, d’autre part, des étudiants, sont totalement différents – je pense notamment aux nuisances sonores nocturnes.
Le fait que l’amendement ouvre une simple possibilité est donc très important. Ce n’est qu’au plan local qu’il sera possible de sélectionner les jeunes travailleurs ou les étudiants admis à résider dans les résidences autonomie.
De plus, les jeunes travailleurs sont de plus en plus souvent remplacés dans les foyers qui leur sont destinés par des personnes en recherche d’emploi ou, dans les départements concernés, par des immigrés illégaux, notamment des mineurs, lorsque les hôtels sont pleins. Il faudra donc veiller à définir avec précision ce qu’on entend par « jeunes travailleurs ».
M. Élie Aboud. Si l’objet de l’amendement est à la fois juste et généreux, je tiens à rappeler que l’intergénérationnel, comme l’action culturelle, est du ressort des conventions passées avec les collectivités locales. Inscrire une telle disposition dans la loi aurait pour conséquence de brouiller les différents niveaux de compétences.
M. Rémi Delatte. C’est vrai que l’intergénérationnel est à la mode : j’ai moi-même organisé dans la commune de Saint-Apollinaire un programme en ce sens, afin de créer des synergies entre les générations.
Toutefois, l’intergénérationnel ne se décrète pas : il se vit. L’ambition inscrite dans l’amendement est-elle du ressort de la loi ? Est-il possible de déterminer des quotas ? Toutes les communes ne disposent pas de lieux d’enseignement supérieur.
Mme Michèle Delaunay. L’amendement ne vise à créer aucune obligation. Il se contente d’ouvrir une possibilité.
De plus, monsieur Delatte, la question est bien du ressort de la loi puisque celle-ci rend actuellement impossible la généralisation des expériences actuelles : il convient donc de les sécuriser au plan juridique. Il appartiendra évidemment au gestionnaire du foyer logement de bien sélectionner les jeunes travailleurs ou les étudiants qu’il décidera d’y admettre : à un amateur de heavy metal il préférera sans aucun doute une étudiante infirmière.
J’ai eu connaissance, de mon côté, de retours d’expérience très positifs.
Pour ne pas priver les personnes âgées de places, il conviendrait encore une fois de fixer un quota n’excédant pas les 10 % de logements – un taux de 5 % me paraissant raisonnable. Enfin, le dispositif n’aura aucun caractère obligatoire.
Mme Joëlle Huillier. Monsieur Jacquat, l’alinéa 224, que complète l’amendement, précise : « La rédaction d’une charte de la cohabitation intergénérationnelle et d’un modèle de convention type pouvant être conclue par la personne âgée et le jeune permettra également de mieux sécuriser cette pratique. »
Des expériences sont actuellement menées : si certaines, je vous l’accorde, sont négatives, d’autres sont excellentes : il serait dommage de ne pas les valoriser, compte tenu surtout de la garantie qu’offre la charte de la cohabitation intergénérationnelle. Il va de soi que le nombre des jeunes qui seront admis devra être très faible par rapport aux capacités d’accueil de l’établissement.
M. Jean-Pierre Barbier. L’intergénérationnel part d’un bon sentiment : nous sommes tous d’accord sur ce point. En revanche, sa mise en place sera d’autant plus difficile, qu’en raison de la disparition annoncée des départements nous ignorons quelle collectivité assurera, demain, dans les territoires, la gouvernance des dispositifs que nous décidons aujourd’hui de créer en direction des personnes âgées. Qui sera le chef d’orchestre ?
Mme Bérengère Poletti. Lorsqu’une personne âgée met à la disposition d’un jeune une chambre de son logement, c’est ce qu’on pourrait appeler de l’intergénérationnel intelligent, car les deux bénéficient de la situation.
En revanche, il ne me semble pas souhaitable de faire porter uniquement sur les jeunes le poids de l’intergénérationnel : pourquoi écarter du dispositif les quadragénaires ou les quinquagénaires ? Est-ce parce que les jeunes n’ont pas d’argent ?
De plus, un autre amendement de Mme Delaunay, que nous examinerons plus tard, me semble contraire à l’esprit de celui-ci.
À mon avis, cette disposition ne rencontrera pas le succès escompté.
M. Gérard Bapt. Monsieur Barbier, des compétences ont déjà été transférées aux communes et aux intercommunalités.
J’ai pu réaliser, dans ma commune, des logements adaptés aux personnes dépendantes ou handicapées, situés au rez-de-chaussée, tandis que le premier étage vise tous les publics, y compris des familles avec de jeunes enfants. L’expérience est une vraie réussite.
Pourquoi ne pas ajouter dans l’amendement que ce dispositif, lorsqu’il sera possible d’y recourir, ne concernera au maximum que 5 % des logements ?
Je tiens à ajouter que l’amendement de Mme Delaunay cible les étudiants et les jeunes travailleurs, qui rencontrent à l’heure actuelle des difficultés pour se loger dans les grandes agglomérations – c’est notamment le cas des étudiants à Toulouse.
Enfin, il serait préférable de substituer « peuvent » à « pourront », puisque le dispositif entrera en application à partir de la promulgation de la loi.
M. Olivier Véran. Le jeune étudiant en médecine que j’ai été aurait aimé avoir la possibilité de côtoyer des personnes âgées dans le cadre d’une résidence autonomie. Le lien intergénérationnel est précieux : il faut l’encourager. Or les cadres rigides actuellement appliqués dans les collectivités ne permettent pas de le faire.
Il existe également des projets de cité intergénérationnelle tenant compte à la fois des réalités du terrain et des besoins des personnes âgées et des étudiants.
Il est donc utile d’inscrire dans la loi que l’intergénérationnel passe aussi par le partage des résidences et par celui d’activités quotidiennes, d’autant que l’amendement ne crée aucune obligation.
Madame Poletti, une personne qui vit en collectivité n’a pas la possibilité de sous-louer une partie de son logement. C’est pourquoi il convient d’autoriser les personnes qui vivent en collectivité dans une résidence-autonomie d’accueillir des jeunes : cette mesure de justice permettra de rétablir de l’équilibre.
M. Denis Jacquat. Je suis d’accord avec Mme Huillier : la garantie représentée par la charte et le fait que l’amendement se contente d’ouvrir une possibilité encadrent le dispositif. Il faudrait toutefois ajouter un verrou supplémentaire pour éviter à des personnes âgées de se retrouver sur une liste d’attente à cause de cet objectif intergénérationnel.
M. Jean-Pierre Barbier. Ne soyons pas idéalistes. Dans nos circonscriptions, nous avons tous aujourd’hui de nombreuses personnes âgées sur liste d’attente. Les demandes arrivent traditionnellement au début du mois d’août. Notre discussion pourrait avoir un sens si nous disposions d’un surplus de places, ce qui n’est pas le cas.
M. Arnaud Robinet. Il est louable de favoriser les actions intergénérationnelles, surtout dans la journée. Madame Delaunay, lorsque vous étiez ministre, vous êtes venue à Reims assister à des ateliers slam dans le cadre d’actions intergénérationnelles.
Des associations favorisent également la mixité au sein de logements privés via la location de chambres à des étudiants, ce qui permet aux personnes âgées d’avoir de la présence en soirée.
En revanche, il existe des listes d’attente pour les résidences-autonomie : nous avons donc l’obligation de construire un plus grand nombre d’hébergements de ce type, qui sont intermédiaires entre le chez soi et l’établissement collectif.
Enfin, la loi ne doit pas créer l’obligation, pour les résidences autonomie, d’accueillir 5 % de jeunes. Il nous faut d’abord répondre aux besoins de nos aînés.
M. Bernard Accoyer. La priorité étant l’accueil des personnes âgées, il ne faudrait pas créer de nouveaux obstacles à la réalisation de cet objectif. D’ailleurs, le troisième alinéa de l’exposé des motifs reconnaît que l’amendement vise à sécuriser des situations existantes.
Admettre dans des résidences-autonomie des personnes qui n’ont aucune raison de s’y trouver, c’est prendre le risque de créer des conflits d’intérêt – tel ou tel voudra que le dispositif profite à un de ses petits-enfants – et donc de s’écarter de l’objectif prioritaire qui est d’accueillir des personnes âgées plus ou moins dépendantes.
Cet amendement me paraît pour tout dire dangereux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Joëlle Huillier. Les personnes que je reçois sont le plus souvent dépendantes et cherchent une place en EHPAD et non en résidence-autonomie. De nombreux foyers-logements ont des places vacantes parce qu’ils ne répondent plus aux besoins des personnes âgées autonomes d’aujourd’hui, notamment car les logements sont trop petits.
Madame Delaunay, peut-être conviendrait-il d’ajouter, après le mot « accueillir », les mots « en cas de place vacante ».
M. Michel Liebgott. Nous rencontrons dans nos territoires non seulement des personnes âgées ou leurs familles, mais également des familles monoparentales et des jeunes. Tous connaissent des difficultés à se loger. Aucune catégorie n’est épargnée. Faire preuve de souplesse et d’ouverture est donc une excellente chose.
Ma commune, dont le taux de logements sociaux dépasse largement le minimum légal et qui, de ce fait, rencontre des difficultés à obtenir des prêts pour en construire de nouveaux, y compris pour les personnes âgées, a le projet de loger, dans la même résidence, des gendarmes – la gendarmerie n’a plus les moyens de construire des casernes – et des personnes âgées, ce qui permettra d’obtenir plus facilement un prêt. Il nous faudra recourir de plus en plus souvent à des solutions pragmatiques en matière de logement classique.
M. Denis Jacquat. C’est vrai que, depuis une quinzaine d’années, les foyers-logements, qui offraient un surcroît de confort, notamment en termes de chauffage, sont délaissés car ils se réduisent à une seule pièce, ce qui ne correspond plus aux attentes de leurs bénéficiaires. Le plus souvent, d’ailleurs, la personne âgée passait directement de son domicile à l’EHPAD – la plus grosse demande à l’heure actuelle.
L’agrandissement des appartements en foyers logement et la transformation de ceux-ci en résidences services sont une excellente chose, notamment pour les personnes qui se retrouvent seules. Nous assistons aujourd’hui à la fin des foyers logement traditionnels et au début des résidences-services. Il faut proposer aux personnes âgées un éventail de logements, de la résidence-services à l’EHPAD.
Mme la rapporteure. J’émets un avis favorable à l’amendement. Ajouter les mots « le cas échéant » me semblerait une bonne chose.
Il conviendra toutefois de retravailler le texte de l’amendement d’ici à la séance publique en vue de prévenir d’éventuels problèmes d’ordre juridique.
Mme Bérengère Poletti. Si nous avions déposé cet amendement, Mme la rapporteure l’aurait trouvé intéressant, mais elle aurait allégué d’une insécurité juridique pour nous demander de le retirer afin de le représenter en séance avec un éclairage juridique. Je déplore un parti pris face aux amendements.
M. Christophe Sirugue. Chère collègue, je vous rappelle que nous discutons du rapport annexé, document qui n’a pas la même valeur que le projet de loi en tant que tel.
M. Bernard Accoyer. À quoi sert-il, alors ?
M. Christophe Sirugue. Ce n’est pas à vous que j’expliquerai, monsieur Accoyer, que le rapport annexé peut permettre d’éclairer fortement l’esprit du législateur. L’amendement dont nous discutons depuis vingt minutes offre une possibilité intéressante, à condition de prendre quelques précautions, ce que les élus locaux et les associations ne manqueront pas de faire : nous n’imaginons pas qu’ils vont accueillir n’importe qui dans ces résidences. Il faut donc accepter cette possibilité et ne pas confondre le rapport annexé et les articles de la loi.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS230 de la rapporteure.
La Commission est saisie de l’amendement AS183 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Cet amendement vise à faciliter les relations sociales des personnes âgées – ou plus jeunes, d’ailleurs – qui commencent à être un peu malentendantes, en incitant les cafetiers et les restaurateurs à réserver dans leurs établissements des lieux où la musique est diffusée en sourdine, voire carrément absente, et qui pourraient bénéficier d’un label. La politique de l’âge passe aussi par ce genre d’attention et de sollicitude, bénéfique aux personnes âgées et à beaucoup d’autres.
Mme la rapporteure. C’est un sujet qui va faire grand bruit, pourrais-je dire. (Sourires.) Je comprends la philosophie de cet amendement qui tend à permettre aux gens qui rencontrent quelques soucis d’audition d’avoir accès à des lieux conviviaux. Néanmoins, il me semble difficile de l’accepter en l’état, d’autant que cette demande n’a été formulée à aucun moment au cours des auditions. Les cafés et les restaurants sont des lieux vivants où la musique et le bruit peuvent être forts, et je vois mal comment imposer à leurs propriétaires de créer des zones spécifiques.
Avis défavorable, donc.
Mme Michèle Delaunay. Une fois encore, il ne s’agit pas d’imposer !
Mme la rapporteure. Prévoir des zones spécifiques serait malgré tout une contrainte pour eux. Ce n’est pas le bon moment.
M. Élie Aboud. Pourquoi ne pas ajouter les discothèques dans la liste ?
Mme Michèle Delaunay. Vous avez raison, je vais proposer un sous-amendement… (Sourires.)
M. Élie Aboud. Ce sujet intéressant nous éloigne du débat de fond. Laissons les professionnels gérer leur activité en fonction de leur clientèle, de leurs envies et de leur territoire, et occupons-nous de l’autonomie. D’ailleurs, les jeunes et les moins jeunes savent où aller pour se sentir bien.
M. Arnaud Robinet. Nous nous éloignons de l’objet du projet de loi. Lorsque vous étiez au Gouvernement, madame Delaunay, vous aviez annoncé que vous alliez vous attaquer aux problèmes liés au vieillissement de la population, notamment à la dépendance et au financement de sa prise en charge. Vos amendements ont le mérite de nous faire discuter, mais est-ce le rôle du législateur de demander à des commerçants d’accueillir les personnes âgées dans les meilleures conditions en adaptant le style et le niveau de décibels des musiques diffusées dans leurs établissements ? Ajoutons que cet amendement est contradictoire avec celui qui est destiné à favoriser la mixité générationnelle. J’espère, madame la rapporteure, que vous n’allez pas donner un avis favorable à cet amendement.
Mme Véronique Louwagie. La loi ne peut pas tout encadrer, et nous devons laisser de la liberté aux acteurs. Les cafés et restaurants peuvent se spécialiser dans telle ou telle clientèle : jeunes, vieux, familles, sportifs, etc. Doit-on prévoir des zones par catégorie culturelle ? Une telle initiative n’entraînerait-elle pas de la discrimination des aînés ? Pourquoi ne pas ajouter les salles de spectacles à la liste ? Ce n’est pas un bon amendement.
M. Denis Jacquat. En qualité d’oto-rhino-laryngologue, je précise que les gens concernés sont ceux qui présentent des troubles mixtes d’audition à tendance perceptionnelle, et qui sont gênés quel que soit le lieu où ils se trouvent, dès qu’il y a plus de deux personnes dans la pièce. Je n’aime pas m’opposer aux amendements de Mme Delaunay qui travaille très bien sur le problème du vieillissement, mais celui-ci est hors sujet. Cela étant, un commerçant est libre de se spécialiser dans ce domaine s’il le souhaite.
M. Gérard Bapt. Je voulais demander l’avis de M. Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale, sur un sous-amendement que j’ai envie de proposer. Lors des questions au Gouvernement, ne pourrait-il pas y avoir un espace réservé aux députés calmes comme moi, où nous serait assurée une faible intensité sonore ? Je vais attendre le retour de M. Accoyer pour représenter mon sous-amendement… (Sourires.)
Mme Michèle Delaunay. Monsieur Aboud, monsieur Robinet, vous n’avez pas lu le titre de la loi : « Adaptation de la société au vieillissement ». Il s’agit de rendre la vie possible et agréable pour tout le monde, y compris les personnes âgées ou handicapées, en suscitant l’intérêt des professionnels – qui s’empareront du sujet quand ils auront compris qu’il est porteur. Je continuerai à soutenir cette proposition et je vous donne rendez-vous dans dix ans, en souhaitant que nous serons tous là : ceci existera dans tous les lieux publics qui diffusent de la musique, car le pays comptera bientôt 30 % de personnes de plus de soixante ans, avec lesquelles nous voulons construire une société accueillante et amicale.
Mme Bérengère Poletti. Cet amendement est un amendement d’exclusion, alors que nous parlions tout à l’heure de mixité sociale. Quand des personnes âgées vont dans un restaurant où il y a de la musique, c’est précisément parce qu’elles recherchent la vie, le bruit, les jeunes, la musique, le mouvement, sinon elles iraient dans un établissement sans musique.
Mme Michèle Delaunay. Il n’y en a plus !
Mme Bérengère Poletti. Il y a beaucoup de restaurants calmes, chacun développe sa clientèle. Une société où tous les restaurants posséderaient ce type de zone serait bien triste.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS232 de la rapporteure.
La Commission est saisie de l’amendement AS25 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Il s’agit de supprimer les alinéas 321 à 324 du rapport annexé qui parlent, à tort, de « réforme d’envergure ». Nous avons la sensation que ce rapport présume le report d’un deuxième texte qui pourrait traiter de l’ensemble de la problématique de la dépendance.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Vous demandez la suppression d’alinéas relatifs à la réforme de la tarification des EHPAD. L’expression « réforme d’envergure » est peut-être un peu forte, mais ce texte pose vraiment le problème de financement de la perte d’autonomie d’une manière transversale, sans négliger la tarification.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS231 de la rapporteure.
La Commission examine l’amendement AS189 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Sachant que le texte comporte quelques mesures concernant la gestion et la vie des EHPAD, cet amendement me semble extrêmement important. Selon un rapport que j’ai demandé à l’Observatoire national de la fin de vie, 25 % des EHPAD ne sont reliés à aucune structure de soins palliatifs alors que 90 000 personnes meurent chaque année dans ces établissements. Par dérision, et bien que j’essaie de défendre une vision positive de l’âge, je dirais que l’on ne peut pas totalement ignorer que la fin de vie a un léger rapport avec le grand âge. Puisqu’il est inconcevable de ne pas donner aux personnes très âgées le même accompagnement qu’aux malades hospitalisés, il faut systématiser le lien entre les maisons de retraite médicalisées et des unités de soins palliatifs. Il s’agit d’introduire cette culture du soin palliatif et, via l’amendement suivant, de prévoir qu’une infirmière puisse ouvrir l’armoire à produits toxiques la nuit et éventuellement donner de la morphine à l’un des résidents.
M. Élie Aboud. Nous allons défendre cet amendement de bon sens car nous ne sommes pas dogmatiques. Je regrette seulement que vous l’ayez défendu avec un peu moins de vigueur que les premiers car, sur ce sujet essentiel, vous avez entièrement raison : nous négligeons totalement l’approche des soins palliatifs.
M. Denis Jacquat. C’est un excellent amendement. Des associations vont dans les EHPAD pour accompagner des personnes âgées qui souhaitent rester dans l’établissement, ce qui soulage les familles et les personnels. Une telle disposition permettra aux équipes de soins palliatifs d’être présentes, en plus des associations, ce qui est indispensable car un changement d’établissement est toujours préjudiciable pour les personnes en fin de vie. Je voterai des deux mains en faveur de cet amendement.
M. Jean-Pierre Barbier. Nous serons tous d’accord pour adopter l’amendement, qui apportera un confort de fin de vie aux personnes qui se trouvent dans ces établissements. Les unités de soins palliatifs, telles que les prévoyait la loi Leonetti, doivent être développées dans notre pays mais en prendrons-nous les moyens lors des prochains PLFSS ? Cela suppose une réelle volonté politique car, pour l’heure, nous en sommes vraiment démunis, ce qui pose des problèmes d’application de la loi Leonetti. Nous ne nous donnons pas les moyens d’appliquer cette loi.
Mme Véronique Louwagie. Nous sommes tous très attachés à l’accompagnement de fin de vie mais je rejoins les propos de mon collègue : passer de « renforcer » à « systématiser » va entraîner un coût supplémentaire et je m’étonne qu’il n’ait pas été opposé à l’amendement AS189 l’article 40 de la Constitution.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame Louwagie, j’ai rappelé tout à l’heure ma pratique en matière de recevabilité financière : c’est le président de la commission des finances qui décide.
Mme Véronique Louwagie. C’était une simple question, madame la présidente.
M. Christophe Sirugue. Pour ma part, je trouve qu’il s’agit typiquement d’un amendement d’intention. Nous savons pertinemment que nous ne disposons pas sur tout le territoire d’équipes de soins palliatifs qui nous permettraient de systématiser ce lien, et que, par conséquent, ce sera impossible, sauf à compter sur d’improbables ressources supplémentaires pour couvrir ces coûts importants. Sous prétexte qu’il s’agit du rapport annexé, on veut y inscrire tout et le reste ! Ce n’est pas raisonnable, et il me semble même dangereux de remplacer « renforcer » par « systématiser ».
Mme Bérengère Poletti. Parfois, il faut savoir s’imposer des contraintes quand on a des objectifs, ce qui a été le cas, par exemple, pour l’accessibilité des bâtiments. On peut accepter de remplacer « renforcer » par « systématiser » comme le propose cet amendement, quitte à prévoir un délai plus long que celui d’un an prévu par l’amendement suivant de Mme Delaunay.
M. Gérard Bapt. J’adhère totalement à la finalité de l’amendement. Trop de personnes, dans les derniers jours de leur vie, sont transférées aux urgences hospitalières qui sont en quelque sorte considérées comme des mouroirs. Le drame de Bayonne n’aurait peut-être pas eu lieu si ce genre de transfert n’était pas aussi systématique. Au fond, l’amendement de Mme Delaunay a aussi une résonance en ce qui concerne l’éthique et la souffrance au travail des personnels soignants des urgences face à des situations de ce type.
En outre, le mot « systématiser » ne signifie pas « rendre obligatoire », mais il atteste d’une ambition et d’un objectif. M. Sirugue aurait raison si nous retenions le délai d’un an prévu par l’amendement suivant. Il serait sage d’accepter cet amendement et de se donner, en modifiant le suivant, un délai plus long. Cela étant, le recours à des équipes mobiles de soins palliatifs peut présenter un intérêt économique, en diminuant les dépenses hospitalières.
Mme Véronique Massonneau. Les écologistes voteront en faveur de cet amendement. En France, 30 % des morts à l’hôpital sont dites « convenables », un mot affreux qui signifie que les autres sont délicates, difficiles, parfois terribles pour les patients. Les EHPAD, par manque de moyens, de connaissances et de formation, ne peuvent assurer ces fins de vie. Le terme « systématiser » traduit une ambition qui n’est peut-être pas réalisable dans le délai d’un an proposé par l’amendement suivant. En modifiant ce dernier, nous pourrions adopter celui-ci et essayer d’atteindre au moins cet objectif.
Mme Michèle Delaunay. Comme plusieurs orateurs, je pense que le verbe « systématiser » permet de poser une exigence. Anticipant vos remarques, j’avais prévu un délai d’application d’un an ou de cinq ans, sachant que cette dernière durée, très longue, implique que beaucoup de personnes âgées mourront sans accompagnement convenable. La mesure vise aussi à susciter un effort : si 25 % des maisons de retraites n’ont aucun contact avec des unités de soins palliatifs, c’est parfois en raison d’un manque d’énergie, et non par impossibilité.
Systématiser les soins palliatifs en EHPAD aurait certes un coût, mais celui-ci serait en partie compensé par la baisse du nombre d’hospitalisations indues dans les services d’urgence. Parmi les résidents de maisons de retraite qui décèdent, 25 % sont envoyés dans les services d’urgence des hôpitaux où ils meurent dans les pires conditions, avant même la nuit suivant leur admission dans 75 % des cas. Combien de drames humains, de gens transportés, « déplantés » dans les lieux les moins propices à l’accompagnement que sont les services d’urgence, aux dernières heures de leur vie ? Cet amendement vise à mettre la pression et nous saurons nous retrouver pour demander des moyens supplémentaires pour les unités ou les équipes mobiles de soins palliatifs.
M. Olivier Véran. Est-il acceptable qu’il n’y ait pas de recours possible à des structures de soins palliatifs, de façon systématique, lorsque la situation l’exige, sous prétexte qu’on est en EHPAD ? Non. Je salue le travail des médecins, infirmiers et aides-soignants des établissements de type EHPAD, qui font le meilleur travail possible, mais ils ont besoin de pouvoir s’appuyer sur des équipes spécialisées en soins palliatifs. Le reconnaître est un préalable absolument indispensable.
Existe-t-il des leviers d’action ? Oui. Il s’agit de former les acteurs, de constituer des équipes suffisantes en taille et en nombre sur l’ensemble du territoire pour répondre à la demande. Dès lors que l’on reconnaît qu’il est tout à fait normal, légitime, indispensable, vital que toute personne en attente de soins palliatifs puisse en bénéficier, qu’elle soit en EHPAD ou ailleurs, les législateurs que nous sommes doivent fixer un objectif clair qui permette aux administrations nationales et locales de faire en sorte que ce droit – qui devrait être opposable – puisse s’exercer. Que cela prenne un, trois ou cinq ans, peu importe. En notre qualité de législateur, nous devons indiquer clairement que nous n’acceptons pas l’idée qu’il puisse y avoir des situations où des personnes seront privées des soins palliatifs qu’elles attendent.
M. Denis Jacquat. L’amendement entre tout à fait dans le cadre du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Le terme « systématiser » suppose que la mesure sera mise en place le plus rapidement possible, mais le délai d’un an n’est pas tenable.
Mme la rapporteure. Les débats sont riches et nourris. J’avoue que le mot « systématiser » – c’est-à-dire rendre obligatoire – ne me convient pas car notre volonté de mieux accompagner va se heurter aux difficultés réelles d’organisation sur nos territoires. N’oublions pas la future loi de santé qui va améliorer la couverture et l’organisation du territoire et ne négligeons pas l’articulation entre les deux textes. Je vous demanderais de bien vouloir retirer l’amendement AS193, car le délai d’un an n’est pas tenable, sinon j’émettrai un avis défavorable. Sous réserve de ce retrait, j’émettrai un avis favorable à l’amendement AS189.
Mme Michèle Delaunay. Je le retire d’autant plus volontiers que cet amendement était en quelque sorte un amendement de secours, en prévision de vos éventuelles remarques, et je suis consciente qu’il ne fait qu’aggraver les réserves au lieu de les lever.
La Commission adopte l’amendement AS189.
L’amendement AS193 est retiré.
La Commission en vient à l’amendement AS215 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Cet amendement, qui rejoint les précédents, vise à renforcer les liens entre les espaces de réflexion éthique régionaux ou interrégionaux (ERERI) et les maisons de retraite médicalisées, car l’EHPAD est vraiment le lieu emblématique de l’éthique.
Mme la rapporteure. Une mission sur la fin de vie a été confiée à nos collègues Jean Leonetti et Alain Claeys. Je préférerais donc attendre la séance publique pour discuter de cet amendement. Dans cette attente, il serait préférable que vous le retiriez.
Mme Michèle Delaunay. Cette problématique ne concerne pas seulement la fin de vie. Nous savons par exemple l’importance de la réflexion éthique dans l’accompagnement des malades d’Alzheimer – je vous renvoie sur ce point au rapport de M. Emmanuel Hirsch. Je crois d’ailleurs savoir que les groupements ou les espaces de réflexion éthique accepteront volontiers d’être sollicités dans une double perspective, c’est-à-dire pas seulement sur l’accompagnement de la fin de vie.
Mme la rapporteure. Il y a une vraie réflexion à conduire, mais elle n’est sans doute pas assez mûre à ce jour. Les espaces de réflexion éthique régionaux ou interrégionaux sont encore à l’état embryonnaire. Je ne refuse pas le débat, mais il me semble préférable de l’avoir en séance publique. Nous aurons ainsi le temps d’expertiser l’amendement.
Mme Michèle Delaunay. J’accepte de le retirer, mais je le représenterai en séance : à mes yeux, c’est un amendement majeur.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement AS321 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Cet amendement traite lui aussi de l’accompagnement de la fin de vie. Il s’agit d’encourager chaque personne accueillie – avec tout le tact nécessaire, mais je crois pouvoir dire que c’est possible – à désigner une personne de confiance et à formuler ses souhaits et directives de manière anticipée lors de l’élaboration et de l’actualisation du projet de vie en maison de retraite médicalisée. Il s’agit parfois de choses très simples et très concrètes. Or les équipes ont souvent trop de pudeur pour aborder franchement cette question.
Mme la rapporteure. Cet amendement enrichit vraiment la rédaction de l’alinéa 341 de l’annexe. J’y suis donc très favorable, même si j’estime que c’est dès l’accueil en établissement qu’il faut être attentif à ces questions, notamment à celle de la désignation d’une personne de confiance.
Mme Véronique Massonneau. Je ne suis pas d’accord avec cet amendement. S’il est tout à fait souhaitable de désigner une personne de confiance et de formuler ses souhaits et directives de manière anticipée, pourquoi réserver cette procédure aux personnes âgées, et au cas où elles entrent en établissement ? Non seulement c’est très stigmatisant, mais il est maladroit de le faire à ce moment-là. Cette disposition a davantage sa place dans la loi sur la fin de vie – si tant est qu’elle voie enfin le jour. J’y suis très favorable, mais elle doit concerner tout le monde.
M. Denis Jacquat. Le sujet est délicat, et le problème réel. Néanmoins, il faut rappeler que 73 % des personnes accueillies en EHPAD sont atteintes – à des degrés divers – de la maladie d’Alzheimer. Sont-elles vraiment en capacité de réfléchir à cette question ?
J’ajoute que toute personne entrant en établissement doit désigner une personne référente – souvent un membre de sa famille. Le texte évoque d’ailleurs, un peu plus loin, l’entretien que la personne âgée doit avoir avec le directeur de l’établissement au moment de son entrée. C’est à ce moment-là qu’il faudrait poser la question de la personne de confiance – qui devrait à mon avis être la même que la personne référente, faute de quoi nous risquons des conflits. Sans être opposé à cet amendement, j’avoue en trembler à l’avance…
Mme Bérengère Poletti. Ayant visité il y a peu un EHPAD de ma circonscription, j’ai posé très directement la question. Il me semblait en effet choquant d’accueillir une personne âgée en lui parlant d’emblée de sa fin de vie. Or il m’a été répondu que le sujet de la mort était justement l’un de ceux les plus fréquemment abordés par les personnes âgées accueillies en EHPAD. La question des directives anticipées doit donc l’être, mais le moment de l’accueil n’est sans doute pas le mieux choisi pour cela. Il serait préférable de le faire non lors de l’élaboration du projet de vie, mais au moment de son actualisation, lorsque la personne âgée elle-même soulève la question.
Mme la rapporteure. Vous proposez donc d’aborder la question au moment de l’actualisation du projet de vie.
Mme Michèle Delaunay. Nous pourrions modifier le texte de l’amendement, pour prévoir de prendre en compte la question de la fin de vie lors de l’élaboration « ou » de l’actualisation du projet de vie en maison de retraite médicalisée – plutôt que lors de l’élaboration « et » de l’actualisation dudit projet de vie.
Mme Bérengère Poletti. Ne serait-ce que sur le plan psychologique, l’accueil de la personne âgée n’est pas le bon moment pour aborder le sujet. Cela ne saurait cependant nous dispenser de le faire à un autre moment. Dans la mesure où les personnes âgées elles-mêmes parlent de leur mort, il n’y a aucune raison de ne pas évoquer avec elles les directives anticipées.
Mme la rapporteure. Le début de l’alinéa 341 serait donc ainsi rédigé : « – prendre en compte la question de la fin de vie lors de l’élaboration ou de l’actualisation du projet de vie en maison de retraite médicalisée… »
M. Jean-Pierre Barbier. Nous ne sommes plus dans un débat législatif, mais dans un débat philosophique et éthique. Dire que la question de la mort ne concerne que les personnes âgées est un raccourci surprenant. La mort concerne tout le monde ; le problème est que notre société l’évacue complètement.
Quand aborder la question ? La remise en chantier de la loi Leonetti sur la fin de vie devrait faire l’objet d’un débat national, non pas tant sur les soins palliatifs que sur la mort – le mot même a disparu de notre vocabulaire. La question est bien de savoir comment gérer la mort dans la société d’aujourd’hui.
Mme Joëlle Huillier. La rédaction de cet amendement n’est pas assez précise. D’une part, les maisons de retraite élaborent un projet de vie collectif. D’autre part, il faut poser la question du recueil de l’assentiment de la personne âgée sur ses dernières volontés – qui ne ressort pas nécessairement de son projet de vie individuel. Bref, le texte de l’amendement entretient le doute : Mme Delaunay entendait évoquer le projet de vie individuel, mais, pour ma part, je pensais qu’il s’agissait du projet de vie collectif. Toutes les maisons de retraite doivent élaborer un projet de vie collectif, qui traite notamment des modalités d’accueil des personnes âgées.
Mme Michèle Delaunay. C’est le projet d’établissement.
Mme Joëlle Huillier. Mais celui-ci inclut le projet de vie, comme il existe un projet de soins dans chaque hôpital. Il peut donc évoquer le recueil des dernières volontés de la personne quant à sa mort, mais en ce qui concerne la façon de les recueillir, et non leur teneur même. Il serait donc souhaitable de modifier la rédaction de l’amendement – ce qui aurait aussi le mérite de nous mettre d’accord.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Tout patient hospitalisé remplit – quelle que soit l’origine de l’hospitalisation ou de l’intervention chirurgicale – ce type de formulaire, en indiquant la personne de confiance et la personne à contacter. Il ne me semble pourtant pas que nous nous soyons suffisamment interrogés sur les conditions de recueil de ces informations. Nombreux sont en effet les patients qui ignorent ce qu’est la « personne de confiance » et la « personne à contacter en cas d’urgence ». Reconnaissons que ces imprimés ne sont pas faciles à comprendre pour qui n’est pas au fait des choses.
Mme Bérengère Poletti. Je vous donne lecture de l’alinéa 341 du rapport annexé : « – ne pas ignorer la question de la fin de vie lors de l’élaboration et de l’actualisation du projet de vie en maison de retraite médicalisée, et recueillir les souhaits de la personne ; ». L’amendement de Mme Delaunay vise à le rédiger différemment, en évoquant la personne de confiance et les directives anticipées. Il suffirait sans doute d’ajouter au texte actuel les mots : « et éventuellement ses directives anticipées ».
Mme Véronique Massonneau. Il est vrai que, lorsqu’on est hospitalisé ou lorsqu’on doit subir une intervention chirurgicale, on remplit un document. Ne pourrait-on systématiser – par exemple via la carte Vitale – le recueil de l’identité de la personne de confiance, ainsi que les directives anticipées, et cela pour tous les majeurs ? Lorsqu’on est hospitalisé, on peut désigner par exemple un voisin comme personne de confiance. Cela n’a rien à voir avec une véritable réflexion sur notre fin de vie.
Mme Huillier évoquait tout à l’heure le projet de vie collectif des établissements. Il me semble que la fin de vie est quelque chose de très intime, et que seules la personne âgée et la personne de confiance devraient être au courant de ces directives.
Mme Michèle Delaunay. Et l’équipe médicale.
Mme Véronique Massonneau. Mais ne soyons pas hypocrites : ces dispositions concernent tout le monde !
Mme Véronique Louwagie. Contrairement aux précédents, l’alinéa 341 est à la forme négative, ce qui peut donner le sentiment d’un manque d’ambition.
M. Jean-Pierre Barbier. Si la désignation de la personne de confiance ne pose guère de difficultés, la rédaction des directives anticipées est bien plus complexe. Il s’agit de dire que si, demain, je suis victime d’un accident de la route, que je me retrouve en coma de type 4 et que mes fonctions cérébrales sont à tel niveau, je demande à ce que l’on cesse tout soin au bout de quinze jours, de trois mois ou de six mois.
J’estime pour ma part que chacun devrait pouvoir bénéficier d’une consultation médicale, remboursée par la sécurité sociale, pour être aidé dans la rédaction de ses directives anticipées. Cela éviterait bien des problèmes par la suite. J’ai beau appartenir à une profession médicale, je serais bien incapable de rédiger des directives anticipées, car j’ignore à quel stade on doit cesser les soins. Pourquoi ne pas prévoir une disposition de ce type dans un prochain PLFSS ? Ce serait une réelle avancée pour notre société.
Mme Michèle Delaunay. Ce que vous souhaitez existe, madame Massonneau : cela s’appelle le mandat de protection future.
Mme Véronique Massonneau. Tout le monde le connaît.
Mme Michèle Delaunay. Non, puisque seuls 50 000 personnes en ont rédigé un.
Je soutiens la rédaction à la forme négative, madame Louwagie. La question de la fin de vie ou de la mort étant trop souvent ignorée dans les maisons de retraite, la première exigence est de ne pas l’ignorer.
Je rejoins la plupart d’entre vous : les souhaits de la personne âgée ne sauraient être recueillis par le directeur lors de l’accueil dans l’établissement ; ils doivent l’être par l’équipe soignante, lors de l’élaboration ou de l’actualisation du projet de vie – qui est bien un projet individuel. Je note aussi que personne n’est obligé de rédiger des directives anticipées. Certains ne veulent rien dire, et c’est leur droit. Mais il faut encourager ceux qui le souhaitent à formuler ce qu’ils ont envie de dire. Bien entendu, il n’est pas question de brusquer les choses.
Mme Sylviane Bulteau. Nous touchons là à un débat très intéressant, notamment sur la personne de confiance. Comme l’a dit Mme Massonneau, cela ne concerne pas que les personnes âgées ; cela peut toucher n’importe lequel d’entre nous. J’ai été confrontée à ce problème avec mon père, qui avait désigné mon demi-frère comme personne de confiance. J’habitais loin de lui, mon autre frère encore plus loin. N’ayant pas été désignés comme personnes de confiance, nous ne pouvions obtenir de nouvelles au téléphone. Avec l’augmentation des divorces, des remariages et donc des recompositions familiales, nous allons être de plus en plus confrontés à ce type de situations. C’est un problème de fond, auquel nous devrons nous attaquer. Peut-être ce projet de loi n’est-il pas le texte le plus adapté pour cela, mais l’amendement de Mme Delaunay a le mérite de soulever le problème. Pour ma part, je pense qu’il aurait davantage sa place dans le texte sur la fin de vie.
Mme la rapporteure. Je vous relis le texte de l’alinéa 341 : « – ne pas ignorer la question de la fin de vie lors de l’élaboration et de l’actualisation du projet de vie en maison de retraite médicalisée, et recueillir les souhaits de la personne ». Nous parlons ici de l’accompagnement, notamment lors de l’accueil dans l’établissement. Mme Delaunay propose la rédaction suivante : « – prendre en compte la question de la fin de vie lors de l’élaboration et – pour ma part, je propose « ou » – de l’actualisation du projet de vie en maison de retraite médicalisée, encourager chaque personne accueillie à désigner une personne de confiance et à formuler ses souhaits et directives de manière anticipée et accompagnée ». Il s’agit d’une sensibilisation, qui doit se faire au moment de l’accueil en établissement ou de l’actualisation du projet de vie. Les termes de l’amendement n’évoquent pas une obligation, mais bien une sensibilisation – ce qui n’empêche pas que nous ayons besoin d’une certaine formalisation.
Je donne un avis favorable à cet amendement.
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Puis elle examine l’amendement AS318 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Cet amendement vise à généraliser, dans un délai de cinq ans, la possibilité de faire appel à une infirmière de nuit, soit en mutualisant les postes entre plusieurs EHPAD, soit par contact téléphonique. Actuellement, seules des aides-soignantes sont présentes dans les EHPAD la nuit. Il faut qu’il y ait la possibilité de joindre une infirmière la nuit. Selon l’Observatoire national de la fin de vie, le taux d’hospitalisation diminue de 37 % lorsqu’un établissement dispose d’une infirmière de nuit.
M. Olivier Véran. Certaines dispositions peuvent être superflues et instaurer un cadre trop rigide. Le secteur de la santé n’échappe pas à cette règle. Mais permettre aux personnels de nuit d’un établissement de recourir à l’avis ou à l’aide d’une infirmière diplômée pour venir en aide à l’un de ses résidents devrait être une obligation. Je m’étonne d’ailleurs que ce ne soit pas encore le cas. J’ai eu le bonheur de travailler la nuit dans une maison de retraite médicalisée pendant plus de trois ans, au début de mes études de médecine, et je dois avouer que nous étions en situation précaire lorsqu’il s’agissait de venir en aide aux personnes âgées. Nous appelions parfois un médecin, mais nous avons plusieurs fois été conduits à faire des gestes que nous n’étions pas autorisés à pratiquer. Il est donc indispensable de compléter l’offre de soins par la présence permanente d’infirmières dans les maisons de retraite médicalisées – cela relève du bon sens. Si cela ne peut se faire que par une mutualisation des postes entre plusieurs établissements, ce sera déjà un début.
Mme la rapporteure. Comme pour les amendements sur les équipes de soins palliatifs que nous avons examinés tout à l’heure, j’entends bien votre souhait de systématiser le recours à une infirmière de nuit. Néanmoins, il me semble qu’il existe un certain nombre d’obstacles, et que nous n’avons pas encore suffisamment réfléchi à l’organisation sur nos territoires. Certes, il faut travailler à éviter ces hospitalisations inutiles ; mais j’ai quelques craintes sur nos capacités d’organisation. J’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement : il mérite d’être revu – sans doute en séance publique, ce qui nous laisserait l’été pour y travailler – pour être vraiment pertinent.
M. Denis Jacquat. L’exposé sommaire évoque l’hospitalisation d’urgence en fin de vie. Or c’est pour l’ensemble des résidents des EHPAD que la question se pose. Pratiquement tous les acteurs que nous avons entendus dans le cadre de la mission d’information de notre commission sur l’organisation de la permanence des soins, dont Mme la présidente est la rapporteure, nous ont dit qu’il était très difficile de contacter un médecin la nuit. Ce n’est pas seulement le problème des hospitalisations d’urgence qui est posé, mais celui de la permanence des soins pour les résidents des EHPAD. Les deux pourraient être réglés avec une infirmière coordinatrice et l’obligation d’avoir des infirmières la nuit dans les EHPAD. Le texte de l’amendement doit donc être retravaillé : il est trop restrictif.
Mme Bérengère Poletti. Je m’étonne que la commission des finances n’ait pas opposé l’article 40 à cet amendement, qui va accroître les coûts dans les EHPAD. Sachant l’évolution prévisible de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) médico-social et de l’ONDAM tout court dans les années à venir, je n’ose imaginer que nous allions vers une généralisation de la présence infirmière la nuit dans les EHPAD.
D’autre part, la situation des EHPAD n’est pas uniforme. Le GIR moyen pondéré (GMP) et le PATHOS moyen pondéré (PMP) ne sont pas les mêmes dans tous les EHPAD. Certains EHPAD disposent déjà d’une présence infirmière permanente, car les pathologies dans l’établissement le justifient. Cela dépend aussi du nombre de résidents. Bref, si l’intention est louable, on peine à envisager sa concrétisation dans le contexte budgétaire actuel.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous entendons en effet régulièrement, dans le cadre de la mission d’information sur l’organisation de la permanence des soins, que les appels aux 15 provenant des EHPAD et débouchant sur une hospitalisation de la personne âgée aux urgences sont bien plus fréquents et coûtent bien plus cher que nous ne le pensons. C’est une antienne que nous avons entendue presque tous les jeudis matins depuis décembre. Cela permet de relativiser le coût financier de cet amendement : il coûterait sans doute beaucoup moins cher de pouvoir joindre une infirmière la nuit que de laisser les établissements aux mains d’aides-soignantes dont nous connaissons tous le dévouement, mais qui n’ont pas toujours la capacité de prendre des décisions et ont donc recours au 15 – parfois même en première intention – en cas de problème.
Mme Véronique Louwagie. Le principe de l’amendement est louable, et son objectif vertueux. Mais a-t-on estimé les besoins existants en termes d’infirmières ? Sommes-nous en capacité d’y répondre dans le délai de cinq ans prévu par cet amendement ? Certains territoires manquent cruellement d’infirmières, y compris dans les EHPAD. Je puis citer l’exemple d’un EHPAD qui n’arrive pas à trouver de médecin coordonnateur. Cet amendement exige donc une coordination avec les établissements de formation, afin de former des professionnels en nombre suffisant pour répondre à l’ambition affichée.
Mme Michèle Delaunay. Permettez-moi de souligner une difficulté dans l’enchaînement des amendements. Comme pour l’accès aux soins palliatifs, nous avons déposé un amendement de base – l’amendement AS188 – qui propose de systématiser l’accès à une infirmière de nuit, et un deuxième – l’amendement AS318 – qui propose de le faire dans un délai de cinq ans et aurait donc dû, dans l’esprit, être discuté après le premier.
De nombreuses expérimentations ont été conduites, qu’il s’agisse de mutualiser les infirmières de nuit entre plusieurs EHPAD ou d’assurer l’accès à une infirmière de nuit d’un établissement hospitalier voisin, par exemple. Elles ont permis de diminuer notablement les appels au 15 et les hospitalisations aux urgences – d’où une économie importante. Certes, l’obligation que nous proposons a un coût, mais il n’est pas considérable : il s’agit d’un accès téléphonique, avec possibilité de déplacement sur site de l’infirmière de nuit dans les formules les plus développées.
Mme Dominique Orliac. Je ne m’oppose pas à cet amendement. Néanmoins, j’observe que nous avons voulu rationaliser les coûts de la permanence des soins ambulatoires. Chaque résident en EHPAD a un médecin traitant ; pourtant, c’est le 15 qui est sollicité. Bref, nous allons être contraints de compenser la rationalisation de la permanence des soins en prenant une autre mesure – qui a elle aussi un coût. Où est la pertinence dans tout cela ?
Mme la rapporteure. Ce n’est évidemment pas sur la proposition que porte mon avis défavorable, mais sur le véhicule choisi pour l’introduire. Réexaminons le sujet en séance publique ou, mieux, dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AS188 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Proposer de systématiser la possibilité de faire appel, par téléphone, à une infirmière de nuit dans les établissements de retraite médicalisés, sans fixer le délai dans lequel on devra y parvenir, c’est exprimer une ambition nécessaire.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour la raison qui vient d’être dite.
Mme Bérengère Poletti. Cet amendement est plus réaliste que le précédent puisqu’il dessine un objectif sans fixer de délai pour l’atteindre.
Mme Véronique Louwagie. Madame la rapporteure, n’aviez-vous pas donné un avis favorable à la systématisation du recours aux équipes de soins palliatifs ?
Mme la rapporteure. C’est exact mais, je vous l’ai dit, je suis plus réservée dans le cas présent, qu’il faut traiter traité dans le cadre global de la loi de santé car l’organisation des territoires de santé doit être prise en compte. C’est pourquoi je vous propose de reprendre la question en séance publique, ou lors de l’examen de la loi de santé.
Mme Bérengère Poletti. Je ne partage pas ce point de vue. Un projet nous est proposé maintenant, cette proposition y trouve parfaitement sa place, amendons le texte sans attendre – ou ne l’amendons pas du tout et prenons le parti affirmé de tout renvoyer à la loi de santé.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Que vous ne partagiez pas l’opinion de la rapporteure est votre droit, mais elle-même a celui de faire valoir son avis.
M. Denis Jacquat. L’amendement a davantage sa place dans un texte consacré à l’adaptation de la société au vieillissement que dans un projet de loi de santé prévu pour 2013, reporté à 2014, annoncé maintenant pour 2015, et dont on ne sait s’il contiendra un volet relatif à la santé publique.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Un tel retard avait été accumulé…
Mme la rapporteure. Prévoir, comme le fait le texte, de développer l’accès à une infirmière de nuit en mutualisant les postes si c’est nécessaire, reflète la vie en établissement. Le contexte n’est pas celui des soins palliatifs.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS233 et AS195 de la rapporteure.
La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS115 de Mme Joëlle Huillier.
Mme Joëlle Huillier. Il convient de multiplier le regroupement des services départementaux destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées au sein de « maisons de l’autonomie ».
Mme la rapporteure. La rédaction de cette intéressante proposition devrait faire l’objet d’un débat avec le Gouvernement en séance publique. Je vous invite à retirer l’amendement, sur lequel je devrais sinon me prononcer défavorablement.
Mme Joëlle Huillier. Je le retire.
M. Denis Jacquat. Je le reprends. Cette excellente proposition doit sans doute être retravaillée, mais il faut effectivement pousser le Gouvernement à généraliser le guichet unique au lieu que des gens fragiles se perdent dans les méandres de différents services.
M. Jean-Pierre Barbier. Je doute de la pertinence d’un amendement qui tend à définir un mode de gouvernance alors que la nouvelle réforme territoriale n’a pas été votée. Ces questions seront-elles, demain, de la compétence du département ? Nul ne le sait.
Mme Bérengère Poletti. Je fais mienne cette remarque. De plus, la rédaction de l’amendement, qui n’est rattaché à rien, me paraît devoir être retravaillée.
Mme Joëlle Huillier. Quelle que soit la réforme territoriale, les conseils généraux existeront au moins jusqu’à 2020 ; il serait dommage de ne rien faire jusqu’à cette date – et le projet ne peut s’articuler qu’avec l’existant. Si j’ai accepté de retirer l’amendement, c’est au bénéfice d’un débat avec le Gouvernement pour établir dans quel texte le reprendre.
M. Jean-Pierre Barbier. Il est vrai que les conseils généraux ne disparaîtront pas avant 2020, mais le secrétaire d’État à la réforme territoriale a annoncé son intention de les priver progressivement de leurs compétences.
M. Gérard Bapt. Où l’on constate que M. Jacquat a repris l’amendement retiré par Mme Huillier au grand dam de M. Barbier… Personne ne dit que les départements seront supprimés et, quoi qu’il en soit, les maisons départementales demeureront : M. Denis Piveteau, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (CNSA) a souligné leur utilité dans le rapport qu’il a remis à la ministre. Je ne doute pas que, pour faire cesser le désordre qui règne au sein du groupe UMP, Mme Huillier représentera son amendement dans le cadre de l’article 88. (Sourires.)
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
TITRE IER
ANTICIPATION DE LA PERTE D’AUTONOMIE
Chapitre Ier
L’amélioration de l’accès aux aides techniques
et aux actions collectives de prévention
Article 3
(Art.L. 233-1, L. 233-2, L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-5 [nouveaux]
du code de l’action sociale et des familles)
Instauration d’une conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées
Cet article met en place une conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie. Il s’agit d’un organisme nouveau créé par un chapitre III nouveau au sein du titre III du livre II du code de l’action sociale et des familles.
1. Le besoin de mise en cohérence dans le domaine de la prévention de la perte d’autonomie
a. Des acteurs multiples
Les dispositions de cet article reposent sur un constat : le manque de coordination entre les multiples acteurs intervenant dans la prévention de la perte d’autonomie.
Le principal d’entre eux et certainement le plus visible est le conseil général, compétent en matière d’aide sociale dans le département. En particulier, depuis la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie, il est chargé du versement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Destinée à couvrir en partie les dépenses de toute nature concourant à l’autonomie des personnes âgées ayant besoin d’aide pour accomplir les actes essentiels de la vie ou aux personnes dont l’état nécessite une surveillance régulière. Elle est attribuée, sous certaines conditions, par le conseil général aux personnes hébergées à domicile. Elle est gérée par le conseil général et financée, à hauteur d’un tiers ces dernières années, par un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Les organismes de sécurité sociale jouent également un rôle majeur de détection et d’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie. La Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAVTS) est ainsi très investie : mis en œuvre depuis 2007, le Plan d’actions personnalisé (PAP) est un dispositif d’aides financières et matérielles, permettant aux personnes âgées fragilisées de continuer à vivre chez elles dans les meilleures conditions possibles. Une visite d’évaluation détermine les besoins liés à leur maintien à domicile : aide-ménagère, portage des repas, accompagnement dans les déplacements, etc. Le PAP est notamment complété par le dispositif « logement et cadre de vie » qui contribue à l’adaptation du logement pour favoriser un vieillissement à domicile dans les meilleures conditions.
La coexistence de multiples caisses contribue nécessairement à la complexité du paysage des financeurs : CNAVTS pour le régime général, mutualité sociale agricole (MSA), régime social des indépendants (RSI), caisses de retraite des professions libérales, sans compter les régimes spéciaux de retraite (SNCF, électriciens et gaziers, etc.). La coordination entre eux est donc particulièrement nécessaire alors que les Français sont de plus en plus souvent polypensionnés, et ce, d’autant plus que les institutions de retraite complémentaire mobilisent également des ressources pour accompagner leurs bénéficiaires.
L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) intervient quant à elle pour accompagner l’adaptation et l’amélioration des logements. Près de la moitié des personnes âgées de 60 ans et plus sont éligibles à ses programmes et, depuis 2010, elle consent un effort particulier en faveur des propriétaires occupants de leur logement à revenus modestes. Les travaux, qu’elle finance en moyenne à hauteur de 45 %, touchent essentiellement à la transformation de la salle de bains, à la constitution d’un lieu de vie au rez-de-chaussée ainsi qu’à la mise aux normes des systèmes électriques. Elle intervient souvent en amont du processus de perte d’autonomie, près de la moitié des bénéficiaires de ses aides relevant de taux de dépendance légers (GIR 5 et 6, décrits à l’article 7) et ambitionne de conduire l’adaptation de 80 000 logements sur la période 2012-2017.
Le nombre d’acteurs à l’échelle du département est important, et au niveau infradépartemental, il faut également compter avec l’action des communes ou des communautés de communes.
Ces actions permettent aux personnes avançant en âge de repousser et de limiter la perte d’autonomie. Elles peuvent ainsi être accompagnées dans l’adaptation et l’aménagement de leur domicile, recevoir la visite d’un ergothérapeute, ou encore adapter leurs habitudes alimentaires en lien avec un diététicien. L’offre existe et doit être encore développée. Mais son développement n’aura de sens que s’il s’accompagne d’une véritable mise en cohérence de tous ces efforts.
b. Un effort de coordination déjà engagé
La conférence des financeurs que crée cet article doit rassembler les acteurs concourant au financement des mesures de prévention de la perte d’autonomie. Ils élaboreront ensemble un document de programmation coordonnant leurs actions.
Ce document permettra de consolider les efforts de mise en cohérence déjà entrepris, les acteurs présents dans les départements s’efforçant d’offrir des prestations complémentaires.
On notera ainsi la démarche entreprise par la CNAVTS et l’ANAH pour mieux articuler leurs efforts. Ces deux organismes ont conjointement remis en décembre 2013 un rapport sur « l’Adaptation des logements pour l’autonomie des personnes âgées » (14). Ils partent du constat qu’ils offrent tous des services à un public similaire pour l’adaptation des logements. Dans un souci d’efficience de l’emploi des ressources comme d’efficacité du service rendu, il était en effet nécessaire de travailler ensemble. Cette démarche se décline donc en une série de résolutions très concrètes : effectuer un diagnostic commun des logements, définir une stratégie partagée d’information, par exemple par la rédaction d’un guide commun, identifier les publics le plus tôt possible, ou encore lutter contre la précarité énergétique.
Ce type de dynamique est très vertueux : il optimise l’offre d’accompagnement et permet aux autres acteurs d’y prendre part ou, à tout le moins de positionner leur offre. Toutefois, si cette démarche est exemplaire de l’intérêt de mieux se coordonner, cet effort n’a pas été systématisé. Il n’existe pas d’enceinte où tous les acteurs ont vocation à se coordonner et à s’engager ensemble sur une même feuille de route. C’est pourquoi la programmation que définira la conférence des financeurs permettra de coordonner l’ensemble des initiatives sur les territoires départementaux.
La programmation constituera un volet complémentaire au schéma départemental relatif aux personnes en pertes d’autonomie. Mentionnés à l’article L. 312-5 du code de l’action sociale et des familles, ces schémas sont arrêtés par le président du conseil général, après concertation avec le représentant de l’État dans le département et avec l’agence régionale de santé. Ils recensent l’état de l’offre et de la demande dans le domaine médico-social, comme l’évolution des populations en perte d’autonomie, l’offre de services et de soins à domicile, ou encore les établissements et services médico-sociaux (ESMS). Ces schémas s’articulent avec le projet régional de santé mentionné à l’article L. 1434-2 du code de la santé publique, qui recense l’offre et les besoins dans le domaine sanitaire à l’échelle de la région.
La rapporteure a, de longue date, souligné la nécessité de rapprocher les acteurs pour mieux articuler les efforts qu’ils mettent en œuvre en amont pour prévenir la perte d’autonomie. L’instauration d’une conférence des financeurs devrait y répondre pleinement.
2. L’instauration d’une conférence des financeurs
Le nouveau chapitre est libellé « Prévention ». Il suit dans le code les chapitres I et II, respectivement consacrés à l’aide à domicile et au placement des personnes âgées ainsi qu’à l’allocation personnalisée d’autonomie.
Le libellé du chapitre, « Prévention », manque de précision et laisse entendre qu’il couvre un spectre bien plus large que celui des cinq articles qu’il contient, dévolus à la seule création d’une conférence des financeurs. En l’état, il pourrait être modifié afin de se rapprocher davantage de son contenu et ne cibler que la prévention de la perte d’autonomie, ce qui exclurait explicitement d’autres formes de prévention, par exemple sanitaire.
Le présent article introduit un article L. 233-1 nouveau qui institue dans chaque département une conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées. Cette conférence établit un programme coordonné des financements des actions individuelles et collectives de prévention « en complément des prestations légales et réglementaires ». Il s’agit de réunir dans un même document l’ensemble des financements de prévention touchant à la perte d’autonomie allouée au niveau du département. En sont exclus les programmes reposant sur des obligations légales (telles que l’APA dans son périmètre actuel) ou réglementaires (et notamment les prestations que peuvent prévoir les règlements départementaux de l’aide sociale).
Le public visé est déterminé selon un critère d’âge. Il comprend, sur le territoire du département, l’ensemble des personnes âgées de 60 ans et plus. Cette population est recensée grâce au schéma départemental relatif aux personnes en perte d’autonomie et au projet régional de santé. Elle est cohérente, permettant de toucher un public ciblé par l’ensemble des financeurs et notamment les caisses de retraite.
La conférence facilitera l’accès aux aides techniques et individuelles, par exemple en soutenant les modes d’achat groupé ou de mise à disposition. Elle programmera également les aides correspondant au forfait autonomie destiné aux logements foyers, que le projet de loi propose de renommer « résidences autonomie » (cf. commentaire de l’article 11). Elle coordonne et appuie les actions de prévention mises en œuvre par les services d’aide et d’accompagnement à domicile intervenant auprès des personnes âgées. La conférence encourage également les actions d’accompagnement des proches aidants, et favorise le développement d’autres actions collectives de prévention.
L’article L. 233-1, nouveau, précise ensuite les missions de la future conférence. Son 1° porte sur l’accompagnement matériel. Le programme coordonné devra en effet comporter des mesures de nature à améliorer l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile. Cela recouvre concrètement des actions d’aménagement des logements (installation d’une rampe, remplacement de la baignoire par une douche, etc.) ou d’achat de matériel (déambulateurs). Il s’agit en particulier de promouvoir les modes innovants d’achat et de mise à disposition, par exemple pour anticiper le retour à domicile de personnes hospitalisées.
En 2°, le programme retrace également les sommes allouées au titre du forfait autonomie. Ce forfait, créé par l’article 11 du présent projet de loi, est destiné à soutenir les logements-foyers. Son allocation sera coordonnée par la conférence des financeurs.
Pour apporter une première réponse au manque de coordination des acteurs locaux de l’autonomie, le 3° prévoit que la conférence coordonne et appuie les actions de prévention mises en œuvre par les services d’aide et d’accompagnement à domicile. Il s’agit par exemple d’organiser des modules de formation sur la nutrition ou la prévention des chutes, ou encore d’utiliser ces services pour diffuser une information cohérente sur l’ensemble de l’offre en matière de prévention en faveur des personnes aidées et accompagnées.
Conformément aux objectifs affichés par ce projet de loi, le 4° vise à encourager les actions d’accompagnement des aidants, qui sont l’objet d’une attention particulière dans un chapitre spécifique (cf. commentaires des articles 35, 36 et 37).
Dans une approche plus générale, le 5° encourage la conférence à « favoriser le développement d’autres actions collectives de prévention », ce qui laisse aux financeurs la faculté de s’organiser librement, territoire par territoire, et d’expérimenter.
L’article L. 233-2, nouveau, prévoit que les actions réalisées dans le domaine de l’accès aux équipements et aides techniques individuelles, ainsi que celles favorisant les actions d’accompagnement des proches aidants des personnes âgées en perte d’autonomie sont financées par le département grâce à l’affectation d’une partie de la CASA, via la section V du budget de la CNSA (qui est l’objet de l’article 5 du projet de loi). Une partie de ces ressources, fixée à 40 % par le projet de loi, doit bénéficier « à des personnes qui ne remplissent pas les conditions de perte d’autonomie mentionnées à l’article L. 232-2 » du même code, c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas éligibles à l’APA. Compte tenu des critères mentionnés à cet article (la prestation est versée « à toute personne attestant d’une résidence stable et régulière et remplissant les conditions d’âge et de perte d’autonomie ») et du critère d’âge retenu au deuxième alinéa de l’article L. 233-1 nouveau (« ce programme a pour objet de répondre aux besoins des personnes âgées de soixante ans et plus »), cette mention vise explicitement les publics de soixante ans et plus résidant dans le département et ne souffrant pas de perte d’autonomie ; ce qui constitue véritablement de la prévention de perte d’autonomie, davantage qu’un dispositif de prévention de la dégradation de la perte d’autonomie en ce qui concerne les autres publics.
Le deuxième alinéa de cet article pose un critère de ressources pour la délivrance des aides individuelles financées par le département grâce à l’affectation d’une fraction de la CASA au titre de la prévention, en ce qui concerne spécifiquement l’accès aux équipements et aux aides techniques. Ces critères de ressources seront déterminés par voie réglementaire en tenant compte des coûts constatés dans la zone géographique de résidence. La rapporteure se réjouit de cette mesure de ciblage mais souhaite que les critères de ressources soient harmonisés avec ceux existants pour la délivrance d’autres prestations, par exemple par l’ANAH. C’est l’objectif sous-jacent du troisième alinéa qui prévoit d’appliquer cette règle aux financements complémentaires alloués par d’autres membres de la conférence des financeurs. Bien que cette disposition puisse être jugée contraignante, notamment par les organismes mutualistes dont les critères d’éligibilité aux aides ne sont pas nécessairement liés aux ressources, l’harmonisation des critères d’allocation des aides est une condition indispensable à la bonne articulation des politiques, au ciblage des populations, ainsi qu’à un emploi efficient des crédits publics.
L’article L. 233-3, nouveau, précise la composition et le fonctionnement de la conférence des financeurs. Elle est présidée par le président du conseil général et comporte des représentants des financeurs intervenant à l’échelon départemental. En sont membres de droit les représentants :
– du département en question et, sur décision de leur assemblée délibérante, ceux d’autres collectivités territoriales ou d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) parties prenantes au financement d’actions intéressant la conférence (1°) ;
– de l’agence régionale de santé et de l’agence nationale de l’habitat. Cette dernière sera représentée par son délégué dans le département, formellement le préfet, mais aussi, potentiellement, d’autres acteurs en qualité de délégataires de certains crédits tels que des communes ou EPCI (2°) ;
– des organismes de sécurité sociale, avec des représentants des régimes de base d’assurance vieillesse et d’assurance maladie, ainsi que des fédérations des institutions de retraite complémentaire (3°);
– des organismes mutualistes régis par le code de la mutualité (4°).
La rédaction de cet article est souple et ménage la possibilité d’ouvrir la composition de la conférence, département par département, à toute autre personne morale ou physique. Son périmètre est déterminé par la participation aux politiques de prévention de la perte d’autonomie, ce qui contribue de fait à élargir le champ des participants : financeurs, mais aussi prestataires de services, associations ou encore experts. Il suffit pour cela que la majorité des membres de droit donne son accord. En l’absence de disposition contraire, les membres de la conférence des financeurs pourront accepter un membre nouveau à titre temporaire, pour traiter d’une question spécifique.
Le mode de fonctionnement de la conférence n’est pas précisé, si ce n’est que, dans les cas de partage égal des voix, le président dispose d’une voix prépondérante.
L’article L. 233-4, nouveau, prévoit la rédaction d’un rapport d’activité annuel qui doit être transmis par le président du conseil général à la CNSA et aux commissions de coordination des politiques publiques de santé. Le président du conseil général transmet également les « données nécessaires au suivi de l’activité de la conférence ». La nature de ces données est précisée. Il s’agit :
– de statistiques relatives au nombre de demandes et d’actions financées par les financeurs de la conférence, par type d’actions, notamment celles relatives à l’accès aux équipements et aides techniques, au forfait autonomie et autres actions (1°) ;
– du chiffrage des dépenses mises en œuvre par type d’action (2°) ;
– du nombre et des caractéristiques des bénéficiaires et des actions (3°).
Cet engagement s’inscrit dans le cadre des engagements réciproques du conseil général et de la CNSA fixés dans leur convention pluriannuelle prévue à l’article 47 du présent projet de loi. Cette dernière précise notamment les modalités de répartition des crédits relatifs aux actions de prévention financées par la conférence.
Le dernier alinéa de l’article prévoit l’hypothèse d’une non-transmission de ces éléments à la CNSA par le président du conseil général. Si, après mise en demeure par la CNSA, le président du conseil général ne transmet toujours pas les éléments prévus par la loi, la Caisse suspend ses versements au titre des crédits de prévention (volet prévention de l’APA).
Pour autant, la rédaction de cet article n’indique pas explicitement que la non-transmission des éléments entraîne nécessairement une mise en demeure, seule la situation suivant cette mise en demeure étant explicitement envisagée. D’après les informations transmises à votre rapporteure, il est prévu qu’en l’absence de transmission au plus tard le 30 juin de chaque année, la CNSA mettra automatiquement en demeure les présidents de conseils généraux de transmettre les éléments d’information, sur le fondement des conventions qui seront signées avec la CNSA et dont le contenu sera précisé par voie réglementaire.
Enfin, l’article L. 233-5 nouveau, renvoie les modalités d’application des dispositions de l’ensemble du chapitre à un décret en Conseil d’État.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement de votre rapporteure qui complète le titre du nouveau chapitre III du titre III du livre II du code de l’action sociale et des familles intitulé « Prévention », par les termes « de la perte d’autonomie », afin de préciser le champ d’action de la conférence des financeurs. Elle a par ailleurs adopté un amendement présenté par les commissaires du groupe SRC permettant au département de donner une délégation de gestion à des membres de la conférence des financeurs.
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La Commission examine l’amendement AS328 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’amendement précise le libellé du nouveau chapitre III inséré au titre III du livre II du code de l’action sociale et des familles pour indiquer que le champ couvert concerne la prévention de la seule perte d’autonomie.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AS237 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Mme Massonneau avait proposé de supprimer la barrière d’âge ; nous proposons une solution intermédiaire. La barrière avait été fixée à 60 ans en référence à l’âge de la retraite. L’âge légal de la retraite étant passé à 62 ans, l’alignement devrait aller de soi.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Nous cherchons à prévenir au plus tôt la perte d’autonomie. Repousser de deux ans l’âge auquel les personnes sont éligibles à ce programme contredirait l’objectif visé.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AS217 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Il s’agit de permettre au département de donner délégation de gestion à l’un des membres de la conférence des financeurs. Les modalités de la délégation sont réglées par une convention.
Mme la rapporteure. Avis favorable.
M. Denis Jacquat. Il ne me semble pas de bonne pratique de préciser que les dépenses relatives aux actions menées par la conférence des financeurs doivent être consacrées, pour au moins 40 %, aux personnes âgées relevant des GIR 5 et 6.
Mme Michèle Delaunay. La crainte est souvent exprimée que la conférence des financeurs n’appuie que les GIR « à faible chiffre ». Le texte tend à ce que la prévention ait lieu quand elle est le plus utile.
M. Denis Jacquat. La prévention doit s’appliquer à tous, pour que la perte d’autonomie advienne le plus tard possible.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement AS26 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Les instituts de prévoyance, les assureurs - et non seulement les organismes régis par le code de la mutualité - sont susceptibles de financer des actions de prévention. Il convient donc d’intégrer à la conférence des financeurs des représentants des organismes membres de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaires (UNOCAM).
Mme la rapporteure. Le texte prévoit que toute personne physique ou morale concernée par les politiques de prévention de la perte d’autonomie peut participer à la conférence des financeurs sous réserve de l’accord de la majorité des membres de droit. Avis, pour cette raison, défavorable.
M. Denis Jacquat. L’argent est rare. Si des organismes peuvent en apporter, pourquoi les rejeter ? Or, des antagonismes locaux feront qu’il en sera parfois ainsi.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS42 de M. Dominique Tian et AS236 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Véronique Louwagie. Il convient d’associer à la conférence des financeurs des représentants des services d’aide et d’accompagnement à domicile. C’est l’objet de l’amendement AS42.
Mme Bérengère Poletti. L’amendement identique AS36 et défendu.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. La disparité des actions de prévention et l’illisibilité du dispositif ont été fortement critiquées. On s’attache à le simplifier, tout en permettant à la conférence des financeurs de s’adjoindre divers intervenants en fonction de l’organisation locale.
Mme Véronique Louwagie. La conférence des financeurs, dans sa composition actuelle, comprend bien peu de gens qui sont en contact quotidien avec les personnes concernées par ces programmes. Ils devraient être systématiquement associés à la conférence ; or, des divergences locales peuvent conduire à ce que tel ne soit pas le cas.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l’article 3 modifié.
Article 4
(Art. L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles)
Financement des actions de prévention de la perte d’autonomie
sur la section V du budget de la CNSA
Cet article organise le financement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) des actions de prévention de la perte d’autonomie sur la section V de son budget. Ce financement prend la forme d’un concours versé aux départements et abondé par une fraction de la contribution additionnelle de la solidarité pour l’autonomie (CASA).
1. La section V du budget de la CNSA
L’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles décrit les ressources de la CNSA par grandes catégories de dépenses et leur mode d’allocation. Sept sections sont ainsi prévues, dévolues respectivement :
– au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux, ainsi qu’au financement des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, et à celui des groupes d’entraide mutuelle (section I) ;
– à la prestation d’allocation personnalisée d’autonomie (APA, à la section II) ;
– à la prestation de compensation du handicap (section III) ;
– à la promotion des actions innovantes, à la formation des aidants familiaux, à celle des accueillants familiaux et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service exercés auprès des personnes âgées et des personnes handicapées (section IV) ;
– au financement des autres dépenses en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes entrant dans le champ de compétence de la caisse, au titre desquelles se trouvent notamment les dépenses d’animation et de prévention, ainsi que les frais d’études (section V) ;
– à la mise en réserve du produit de la CASA (section V bis) ;
– aux frais de gestion de la caisse (section VI).
Le projet de loi modifie les dispositions relatives aux sections II (article 38), IV (article 4), V et V bis (article 8).
Le présent article porte sur la section V. Elle est articulée en deux parties, la première retraçant les ressources et dépenses en faveur des personnes âgées (a et a bis) et la seconde en faveur des personnes handicapées (b et b bis).
En ce qui concerne les personnes âgées, les ressources de la section V sont retracées dans une sous-section spécifique et se composant de deux éléments :
● en a : d’une fraction « des ressources visées au a du 2 du I », dont le niveau est décidé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’action sociale, de la sécurité sociale et du budget. Ces ressources se composent des éléments visés en 1° et 2° de l’article L. 14-10-4, soit :
– 40 % du produit de la contribution de solidarité autonomie (CSA), versée par les employeurs publics et privés et dont le taux est fixé à 0,3 % sur la même assiette que les cotisations patronales d’assurance maladie (1°) ;
– des contributions additionnelles au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement de 0,3 %.
● en a bis : d’une fraction supplémentaire de 1 % du même produit, pour les années 2012, 2013 et 2014, afin de financer des opérations d’investissements et de formations d’établissements médico-sociaux, dans le cadre du plan d’aide à l’investissement (PAI) qui accompagne la transformation et le développement des établissements medico-sociaux.
Le b prévoit des dispositions spécifiques en faveur des personnes handicapées : les dépenses qui leur sont dévolues sont retracées dans une sous-section spécifique, qui est abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes handicapées et du budget, « des ressources prévues au a du III », c’est-à-dire, au même titre que le financement des mesures du V en faveur des personnes âgées, de la ressource visée aux 1° et 2° de l’article L. 14-10-4. Le b bis prévoit les mesures du PAI en faveur des établissements recevant des personnes handicapées.
Le champ envisagé couvre l’ensemble des autres dépenses en faveur des personnes âgées et handicapées non couvertes par les autres titres et entrant spécifiquement dans le champ de compétence de la CNSA. Cela comprend notamment les dépenses d’animation et de prévention, ainsi que celles d’études.
2. La ressource issue de la CASA
Dans son rapport de septembre 2012 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes s’interrogeait sur la situation socialement et fiscalement avantageuse des retraités qui n’est pas « sans poser une question d’équité par rapport au reste de la population ». Compte tenu des besoins croissants liés à la prise en charge de la perte d’autonomie, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a instauré une nouvelle contribution, dénommée contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). Mentionnée au 1°bis de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles relatif à la CSA, elle porte sur les pensions de retraite et d’invalidité des personnes imposables à l’impôt sur le revenu, ainsi que sur les allocations de préretraite, à un taux fixé à 0,3 %. Les titulaires de pensions de retraite ou d’invalidité non redevables de la CSG et de la CRDS sont exonérés. Elle complète en cela la CSA qui, instituée le 1er juillet 2004, est assise sur les revenus salariaux des secteurs privé et public, et est recouvrée à un taux de 0,3 %.
En année pleine, le produit de la CASA s’élève à environ 650 millions d’euros. Il s’agit d’une ressource dynamique, qui croît avec le niveau général des pensions.
La question de son affectation a suscité des débats. Dans l’attente de l’adoption par le Parlement des dispositions du présent projet de loi, cette ressource a été mise en réserve dans une section spécifique libellée V bis. Elle a été affectée au financement de l’APA (section II) permettant une déduction équivalente en volume de la ressource CSG de la CNSA. Cette somme a été affectée en 2013 et en 2014 au Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Un amendement à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, soutenu par votre rapporteure, a prévu le maintien de 100 millions d’euros à la CNSA pour financer par anticipation les premières mesures, telles que la modernisation des établissements ou l’amélioration de l’APA à domicile.
Les mesures nouvelles de prévention ainsi que le forfait autonomie mentionnés à l’article 3 constituent un premier axe de répartition de la ressource CASA. Ainsi, l’étude d’impact prévoit l’affectation, en année pleine, de 185 millions d’euros au titre du volet prévention. Ces montants seront répartis comme suit :
– 140 millions d’euros en faveur de l’accès aux aides techniques et du maintien à domicile ;
– 40 millions d’euros au titre du forfait autonomie.
L’objet du présent article est de permettre l’affectation à la section V du budget de la CNSA d’une fraction correspondante du produit de la CASA afin de financer les 140 millions prévus au titre de l’accès aux aides techniques et du maintien à domicile.
3. Le projet de loi permet le financement de mesures nouvelles par la section V du budget de la CNSA
L’article 4 du projet de loi modifie l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles.
Son 1° réduit de sept à six le nombre de sections du budget de la CNSA afin de tenir compte de l’abrogation du V bis prévue en 3°, qui supprime l’une des sections.
Le 2° modifie le V de l’article. Le a du 2° élargit le champ des financements de la section V. Il vise le financement des mesures de prévention « prévues aux 1°, 2° et 5° de l’article L. 233-1 », c’est-à-dire des actions individuelles et collectives de prévention intervenant en complément des prestations légales et réglementaires, ainsi que les « autres mesures de prévention », mesures introduites par l’article 3.
Le financement des frais d’expertise est également introduit, en plus des missions d’études.
Le b du 2° remplace la rédaction du a du V. Il y introduit la mention du concours versé au titre des 1°, 2° et 5° de l’article L. 233-1. Ce concours est fixé annuellement par arrêté des ministres chargés de l’action sociale, de la sécurité sociale et du budget. Leur inscription s’effectue également dans la sous-section prévue dans la rédaction en vigueur.
Cette sous-section restera abondée par une fraction des ressources prévues au a du 2 du I du présent article, décrites plus loin (CSA, qui porte sur les revenus du travail, et contributions additionnelles au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement). Mais la nouvelle rédaction ajoute « une fraction correspondant au produit de la contribution mentionnée au 1° bis de l’article L. 14-10-4 diminué des montants respectivement mentionnés au b du 1° du II du présent article et au b du présent V ». Cela correspond au solde des crédits CASA diminué de l’abondement supplémentaire versé au titre de l’APA (et prévu à l’article 38) ainsi que des autres mesures nouvelles prévues par le projet de loi, et notamment la mise en place du forfait autonomie.
Le c du 2° modifie le b du V en vigueur.
Au b, les mots : « des ressources prévues au a du III » sont supprimés et les mots : « une fraction, fixée » sont remplacés par les mots : « une fraction des ressources prévues au a du III et une fraction du produit de la contribution mentionnée au 1° bis de l’article L. 14-10-4, fixées ». Ces dispositions modifient le financement des mesures entrant dans le périmètre « balai » de la section V (autres dépenses, animation, prévention, frais d’études) en faveur des personnes handicapées. Si la ressource CSA et contributions assimilées est maintenue, le présent article ajoute, au même titre que pour les personnes âgées, une fraction de la ressource CASA, fraction dont le niveau sera également fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des personnes handicapées et du budget.
Le 3° abroge la section V bis dévolue à la mise en réserve du produit de la CASA. Les mesures du présent projet de loi la rendent en effet sans objet.
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La Commission examine l’amendement AS43 de M. Dominique Tian.
Mme Véronique Louwagie. L’alinéa 7 doit être supprimé. L’objet de la CASA est de financer des actions pour les personnes âgées, non de financer des personnes en situation de handicap pour compenser le désengagement de l’État.
Mme la rapporteure. La CASA flèche les crédits vers les personnes âgées. Cet amendement n’a pas lieu d’être. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement AS238 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. L’alinéa 8 de l’article abroge la section V bis du budget de la CNSA qui permettait la mise en réserve du produit de la CASA en attendant le vote du présent projet. Par cet amendement, il est proposé de rétablir la section V bis, et pour cela de supprimer l’alinéa 8, aussi longtemps que le ministre n’aura pas pris l’engagement qu’à partir du 1er janvier 2015 la totalité du produit de la CASA sera affecté à la politique en faveur de l’autonomie des personnes âgées. Ce produit, déjà détourné de son objet en 2013 et 2014, doit effectivement être affecté à ces politiques dès 2015, sans attendre la montée en puissance des mesures nouvelles prévues dans le présent texte.
Mme la rapporteure. Je partage l’opinion que la section V bis doit être maintenue, mais c’est l’article 59, parce qu’il traite des dispositions transitoires, qui doit être amendé à cette fin et non l’article 4. Je vous invite à retirer l’amendement et à le représenter en séance ainsi rectifié, faute de quoi je devrais émettre un avis défavorable.
Mme Bérengère Poletti. Selon moi, il conviendrait, pour atteindre l’objectif que nous partageons, d’amender et l’article 4 et l’article 59.
Mme la rapporteure. Ce n’est pas mon avis.
M. Denis Jacquat. Considérant que nous nous sommes fait déjà rouler par deux fois, je suis partisan d’un dispositif de type « ceinture et bretelles » (Sourires) garantissant doublement que la totalité du produit de la CASA destiné à la CNSA sera affecté à la politique en faveur de l’autonomie des personnes âgées dès le 1er janvier 2015.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 sans modification.
Article 5
(Art. L. 14-10-10 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles)
Répartition des concours de la CNSA
Cet article vise à organiser la répartition des concours aux départements financés par la section V du budget de la CNSA.
1. Les nouveaux concours mentionnés à la section V du budget de la CNSA et attribués aux départements
Les concours mentionnés au a du V de l’article L.14-10-5 sont répartis annuellement entre les départements. Ils correspondent à la politique de soutien à la recherche, aux études et aux actions innovantes visant à améliorer et à développer les réponses en matière d’accompagnement de l’autonomie.
Le commentaire de l’article 4 décrit le contenu de cette section V et prévoit son abondement supplémentaire par une fraction de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonome (CASA).
L’article 5 décrit les modalités d’allocation des deux concours destinés aux départements que le projet de loi fait porter par la section V :
– l’une correspond au forfait autonomie, instauré à l’article 11 du projet de loi ;
– l’autre est dévolue aux autres actions de prévention.
L’attribution des concours aux départements sous forme de deux enveloppes distinctes (1° Améliorer l’accès aux aides techniques et favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. Développer les actions collectives de prévention / 2° Créer un forfait autonomie en logements-foyers permettant de développer les actions de prévention) permet de mieux les cibler.
L’enveloppe totale est évaluée à 180 millions d’euros par l’étude d’impact.
2. La précision des modalités de répartition du concours alloué au titre du forfait autonomie et des actions de prévention
Cet article insère un article L. 14-10-10 (nouveau) au chapitre X du titre IV du livre Ier du code de l’action sociale et des familles. Cet article prévoit en 1° et 2° la répartition des deux nouveaux concours aux départements, tel que le a de la section V de l’article L. 14-10-5 résultera de l’adoption du présent projet de loi.
Le 1° détermine les modalités d’allocation du concours correspondant au forfait autonomie.
Le forfait autonomie (15)
Il s’agit d’une aide modulable prévue par l’article 11 du présent projet de loi, modifiant l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles, versée aux logements-foyers, renommés « résidences autonomies », et ne percevant pas de forfait-soins.
Pour mémoire, cette aide sera gérée par le département et financée grâce au concours de 40 millions d’euros versé par la CNSA. Elle est versée sous réserve de la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.
Le forfait autonomie facilitera le recours à des professionnels formés à l’accompagnement de publics présentant des fragilités psychologiques et/ou psychiques et/ou sociales.
Son montant est évalué à 40 millions d’euros à l’issue de la montée en charge du dispositif (16).
Le présent article prévoit que ce concours sera réparti de façon annuelle entre les départements. Il sera alloué en proportion non pas du nombre d’établissements éligibles au forfait autonomie (logements-foyers ne percevant pas de forfait soins), mais du nombre de places éligibles dans ces établissements. Cette approche est plus équitable et permettra d’encourager au mieux le maintien ou le développement d’une offre parfois fragile.
Le 2° prévoit les modalités de répartition du concours correspondant aux autres actions de prévention, soit une enveloppe de 140 millions d’euros.
Elles sont mentionnées aux 1° et 5° de l’article L. 233-1 du code de l’action sociale et des familles, créé par l’article 3 du présent projet de loi (cf. commentaire ci-dessus).
Pour mémoire, il s’agit, d’une part, d’améliorer l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile, notamment en promouvant des modes innovants d’achat et de mise à disposition. Il s’agit d’autre part, de favoriser le développement d’autres actions collectives de prévention.
Ce concours est lui aussi réparti de façon annuelle entre les départements. Il sera alloué en fonction du nombre de personnes âgées de soixante ans et plus. Si ce dernier critère présente l’avantage de la simplicité, il ne permet cependant pas d’affiner les enveloppes en fonction de la situation sociale de ces personnes (ce que l’article 3 prend pourtant en compte), ni du potentiel fiscal du département (qui entre en compte, par exemple, dans le mode de calcul du concours APA, décrit à l’article 38 du projet de loi).
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La Commission adopte l’article 5 sans modification.
Chapitre II
L’action sociale inter-régimes des caisses de retraite
Article 6
(Art. L. 115-2-1 et L. 115-9 [nouveaux] du code de la sécurité sociale)
Recueil d’informations et coordination des régimes de sécurité sociale
Cet article insère deux nouveaux articles au chapitre V du titre Ier du code de la sécurité sociale.
Le premier, l’article L. 115-2-1, prévoit les modalités de recueil et d’échange de l’information entre les organismes de sécurité sociale. Il s’agit de permettre aux caisses d’effectuer du « croisement de données », l’objectif étant notamment d’identifier, parmi les bénéficiaires d’une prestation de retraite, les personnes dont l’état de santé peut laisser présager une perte d’autonomie. Le second, l’article L. 115-9, prévoit de lier par une convention pluriannuelle les caisses de retraites du régime général, celles du régime agricole (MSA) et des indépendants (RSI) à l’État pour coordonner les politiques d’action sociale qu’elles mènent en vue de la préservation de l’autonomie des personnes âgées.
● Les échanges d’informations entre la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et les caisses de retraite visent le plein développement de la politique de prévention de la perte d’autonomie en permettant le repérage des personnes présentant un risque accru de perte d’autonomie. Certains signaux recueillis par une caisse, s’ils sont croisés avec ceux recueillis par une autre caisse, peuvent donner l’alerte. Par exemple, une personne âgée que la CNAM identifie comme sortant d’une hospitalisation devra faire l’objet d’une attention particulière si la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) la sait veuve.
Ainsi ce sont des données relatives à la situation sociale de la personne qui seront visées : le fait d’être ou non en situation de veuvage, d’avoir ou non désigné un médecin traitant, de ne pas avoir consulté de médecin pendant une longue période, voire de ne pas s’être abonné à la lettre d’information de sa Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT). La transmission des informations sera limitée aux seules données non médicales pouvant aider à un ciblage des fragilités.
Les échanges d’information entre organismes de sécurité sociale s’articuleront avec une série de partenariats entre la CNAV et les autres organismes de retraite, de base et complémentaires, visant là encore à renforcer les moyens de repérage, de mesure et d’accompagnement des situations de risque de fragilité.
● Le 1° insère un article L. 115-2-1 après l’article L. 115-2. Il permet l’échange d’informations entre organismes de sécurité sociale. Le champ couvre tout type d’information non médicale. Celles-ci doivent être nécessaires à l’appréciation de la situation de leurs ressortissants « pour l’accès à des prestations et avantages sociaux qu’ils servent ainsi qu’aux actions qu’ils mettent en œuvre en vue de prévenir la perte de l’autonomie ». L’échange de données est donc rendu possible au-delà du seul traitement de la perte d’autonomie pour toucher potentiellement l’ensemble des actions d’accompagnement social.
Les modalités de mise en œuvre de ces dispositions seront définies par décret en Conseil d’État. Compte tenu du caractère sensible de certaines des informations détenues par les organismes de sécurité sociale et notamment de la nécessité de respecter scrupuleusement la vie privée des usagers, le décret sera pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Cet avis permettra notamment de déterminer le champ des données couvertes, les possibilités de consultation, ainsi que les conditions et la durée de stockage de l’information.
● En complément, le 2° insère un article L. 115-9 nouveau qui porte sur la coordination entre les organismes de sécurité sociale d’une part, et l’État d’autre part. Il prévoit que la CNAV, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et la caisse du RSI coordonnent leur politique d’action sociale en faveur de la prévention de la perte d’autonomie. Chacune d’entre elles devra conclure une convention pluriannuelle avec l’État. Ce document fixera les principes et les objectifs de cette politique d’action sociale « coordonnée ». Les stipulations de ces conventions devront se conformer à celles contenues dans les conventions d’objectifs et de gestion (COG) qui les lient par ailleurs à l’État.
L’État va ainsi jouer un rôle pilote dans l’harmonisation au niveau national des politiques d’action sociale menées par les caisses pour lutter contre la perte d’autonomie. Cette démarche s’articulera avec celle menée au niveau des départements par la conférence des financeurs qui, sur un mode coopératif, incite tous les acteurs à mettre leurs actions en cohérence (cf. article 3).
La signature de ces conventions pluriannuelles est obligatoire pour les organismes précités. Elle est facultative pour les autres organismes nationaux chargés de la gestion d’un régime de retraite obligatoire de base ou des régimes complémentaires légalement obligatoires, tels que les caisses de retraite des avocats, notaires ou encore des agents du service public ferroviaire.
Un effort d’ensemble
Tous les acteurs sont conscients de la nécessité de ce travail d’échange et de coordination.
À titre d’illustration, les caisses nationales des régimes de retraite complémentaires ont signé le 8 janvier 2014 une convention pluriannuelle pour la prévention et la préservation de l’autonomie. Cette convention prévoit de fournir de façon coordonnée aux ressortissants des trois régimes :
– des informations et des conseils pour bien vivre leur retraite et anticiper la perte d’autonomie ;
– des programmes d’actions et d’ateliers collectifs de prévention sur l’ensemble du territoire ;
– des actions individuelles à destination des plus fragiles reposant sur les besoins à domicile et des plans d’aide personnalisés.
Ces actions sont fondées sur des modes d’organisation et des outils coordonnés que l’amélioration de la coordination entre tous les acteurs de protection sociale ne fera que conforter. L’offre de prévention inter-régime repose en effet sur une conception d’ensemble et couvre tout le champ du « bien vivre l’avancée en âge » : adaptation du logement, développement et promotion des lieux de vie collectifs, soutien au domicile et accompagnement social des publics les plus précaires. Les axes de la convention inter-régime seront présents dans chacune des COG que l’État sera conduit à signer.
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La Commission adopte l’article 6 sans modification.
Article 7
(Art. L. 113-2-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles)
Modalités de la reconnaissance mutuelle de la perte d’autonomie par les départements et les organismes de sécurité sociale
Le présent article insère un article L. 113-2-1 nouveau au chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de l’action sociale et des familles. Il vise à organiser les modalités de reconnaissance mutuelle des situations de perte d’autonomie des personnes âgées.
1. La grille nationale d’évaluation de la perte d’autonomie
Cette grille est mentionnée à l’article L. 232-2 du code de l’action sociale et des familles qui prévoit que « l’allocation personnalisée d’autonomie, qui a le caractère d’une prestation en nature, est accordée, sur sa demande, dans les limites de tarifs fixés par voie réglementaire, à toute personne attestant d’une résidence stable et régulière et remplissant les conditions d’âge et de perte d’autonomie, évaluée à l’aide d’une grille nationale, également définie par voie réglementaire. ». Les déclinaisons réglementaires de cet article ont déterminé une grille nationale dénommée Autonomie Gérontologie, Groupe Iso Ressource (AGGIR) qui permet de déterminer le degré de perte d’autonomie.
Cette grille d’évaluation, reproduite dans l’introduction de ce rapport, permet de répartir les degrés de la dépendance en six groupes, appelés GIR (« groupe iso ressource »). À chaque GIR correspond un niveau de besoin en aides pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne. Elle sert en particulier de référentiel dans le cadre de l’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et d’autres aides au maintien à domicile.
Cette grille est non seulement utilisée par les départements pour évaluer les droits à l’APA et déterminer le contenu des plans d’actions personnalisés, mais elle sert également de référentiel à d’autres acteurs, et notamment les caisses de retraite. Par exemple, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) de la région Rhône-Alpes conditionne la délivrance de prestations intervenant dans le cadre de l’aide au maintien à domicile et de l’adaptation du logement à un certain nombre de critères, dont une évaluation de la dépendance selon la grille AGGIR : « Les aides de la CARSAT sont attribuées, sous conditions, aux retraités relevant du groupe iso-ressources (GIR) 5 ou 6 de la grille AGGIR (échelle de mesure de l’autonomie) ». (17)
C’est dans ce contexte que l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) a conduit une étude en 2013 portant sur la complémentarité entre caisses de retraite et départements dans le soutien aux personnes âgées. L’observatoire a constaté la grande diversité des modalités de mise en œuvre de la reconnaissance de la perte d’autonomie (18). Selon les territoires, les intervenants recourent ou non à une structure unique d’évaluation (qui peut être le département). Ils peuvent reconnaître tout ou partie du travail d’évaluation et d’accompagnement mené par l’un des acteurs : reconnaissance ou non du niveau de GIR retenu, reconnaissance ou non du plan d’actions personnalisé.
Dans une période de rationnement des ressources, la mise en cohérence des actions proposées aux personnes en perte d’autonomie est plus que jamais nécessaire. Cependant, elle suppose, au préalable, de s’accorder systématiquement sur l’analyse du niveau de dépendance des personnes. C’est l’objet du présent article.
2. La reconnaissance mutuelle de la perte d’autonomie par les départements et les organismes de sécurité sociale
Cet article instaure l’obligation d’un dialogue entre les départements et les organismes de sécurité sociale afin d’aboutir à une forme de reconnaissance mutuelle des modalités de reconnaissance de la perte d’autonomie des personnes âgées. Ces acteurs devront s’entendre sur le partage de critères d’évaluation, ce qui conduira de fait au partage de critères au niveau national, les caisses de sécurité sociale s’organisant de façon nationale.
Leurs démarches de reconnaissance mutuelle se fonderont sur un référentiel déjà existant, la grille nationale d’évaluation mentionnée à l’article L. 232-2 du code de l’action sociale et des familles. L’objectif est que le niveau de dépendance « GIR » soit reconnu de la même façon par tous, à la fois dans le partage des critères AGGIR et surtout dans la mise en commun des décisions de reconnaissance d’un niveau de perte d’autonomie. Départements et caisses de retraites devront s’accorder pour que, par exemple, si les services du département de l’Oise reconnaissent à une personne un degré de dépendance de niveau GIR 3, la CARSAT Nord-Picardie le lui reconnaisse également et automatiquement, sans que l’intéressé ait besoin d’effectuer de nouvelles démarches.
Les modalités pour parvenir à cet accord ne sont pas définies de manière uniforme au niveau national ; elles le seront localement par chaque département et caisse de retraite, l’essentiel étant d’aboutir in fine à un système homogène articulé autour de la grille AGGIR. De telles pratiques de reconnaissance mutuelle se sont développées localement et il convient ici de les conforter en les généralisant.
La généralisation par la loi du principe de la reconnaissance mutuelle constitue une avancée importante qui permet le partage d’une grille nationale tout en laissant des marges de manœuvre au niveau local. Cette disposition initiera un mouvement de mise en cohérence de l’évaluation, fondement nécessaire à toute mise en cohérence des prestations. Toutefois, la rapporteure considère qu’une réflexion doit désormais être ouverte afin de pousser le principe de reconnaissance à l’étape suivante, c’est-à-dire celle des plans d’actions proposés aux personnes en perte d’autonomie. C’est à cette condition que des synergies importantes pourront avoir lieu.
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La Commission adopte l’article 7 sans modification.
Chapitre III
Lutte contre l’isolement
Article 8
(Art. L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles)
Financement des actions de formation
au profit des intervenants bénévoles par la CNSA
Cet article prévoit le financement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de la formation de l’accompagnement des bénévoles qui contribuent au maintien du lien social. Il permet également le financement de mesures d’accompagnement au profit des proches aidants ainsi que de formations des personnels administratifs des services à domicile.
Il modifie le IV de l’article L. 14-10-5 au sein du chapitre X du titre IV du livre 1er du code de l’action sociale et des familles.
1. La section IV du budget de la CNSA
L’article L. 14-10-5 définit les modalités selon lesquelles la CNSA retrace ses ressources et ses charges (cf. commentaire de l’article 4 sur l’organisation du budget de la CNSA, le calcul de ses ressources et l’apport de la CASA).
Sa section IV est consacrée au financement des actions innovantes, à la formation des aidants familiaux, à celles des accueillants familiaux ainsi qu’au renforcement de la professionnalisation des métiers de service exercés auprès des personnes âgées et des personnes handicapées.
En l’état, cette section comprend en ressources (1°) une fraction du produit mentionné au 3° de l’article L. 14-10-4, dont le niveau est déterminé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’action sociale, de la sécurité sociale et du budget, et fixé entre 5 et 12 %. Le 3° de l’article L. 14-10-4 vise un panier de ressources, composé de 0,1 % du produit de diverses contributions sociales mentionnées aux articles suivants :
– L. 136-1 qui vise la contribution sociale sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement ;
– L. 136-6 portant sur la contribution sociale sur les revenus du patrimoine ;
– L. 136-7 relatif à la contribution sociale sur les produits de placement ;
– L. 136-7-1 concernant la contribution sociale sur les sommes engagées ou les produits réalisés à l’occasion des jeux.
S’y ajoute une part de la fraction du produit des contributions mentionnées aux 1° et 2° du même article L. 14-10-4 affectée au a du 1 du I du présent article (c’est-à-dire la CSA et les contributions additionnelles au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement). Cette part est fixée par arrêté conjoint des mêmes ministres dans la limite de 12 % de cette fraction.
Symétriquement, le 2° de la section IV retrace ses charges spécifiques. Elles pourvoient notamment au financement de dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation des métiers d’aide à domicile des personnes âgées dépendantes ou des personnes handicapées ainsi que de dépenses de formation des aidants et accueillants familiaux ainsi que des personnels soignants des établissements…
Le 2° a été modifié à la suite de l’adoption d’un amendement soutenu par la rapporteure au cours de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Un deuxième alinéa le complète, ouvrant la possibilité de déléguer les crédits de la section aux Agences régionales de santé (ARS).
2. Prise en charge d’actions de formation au profit de bénévoles
L’objectif de l’article 8 est de permettre le financement d’actions de formation qui bénéficieraient notamment aux proches aidants et aux bénévoles, de façon pérenne, à partir des crédits de la section IV de la CNSA.
L’introduction de cet objectif est l’occasion de modifications rédactionnelles en 1° et 2°.
Le 1° du présent article propose une nouvelle rédaction du 1° de la section IV de l’article L. 14-10-4. En l’état, l’ensemble de ces dispositions relatives aux ressources était rassemblé en un alinéa. La nouvelle rédaction le décompose en 3.
Le a reprend la rédaction initiale en ce qui concerne l’affectation du produit mentionné au 3° de l’article L. 14-10-4.
Le b fait de même s’agissant des 1° et 2° du même article L. 14-10-4.
En revanche, le c introduit une disposition nouvelle. Il affecte une part maximale de 4 % de la fraction du produit de la CASA, contribution mentionnée au 1° bis de l’article L. 14-10-4, elle-même affectée au a du V de l’article L. 14-10-4. Le niveau de cette fraction est lui aussi fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’action sociale, de la sécurité sociale et du budget.
Le 2° du présent article modifie la rédaction du 2° de la section IV de l’article L. 14-10-4 relatif aux charges.
La nouvelle rédaction consiste en un alinéa unique. Elle est proche du premier alinéa actuel du 2° et introduit la mention des « intervenants directement employés » par les personnes âgées en perte d’autonomie et les personnes handicapées, pour la formation des personnels intervenant auprès des personnels participant aux services d’aide à domicile ainsi que des accueillants familiaux (cf. article 39). Sont également mobilisés des crédits pour l’accompagnement des proches aidants.
L’apport principal de cette rédaction est de prévoir l’allocation de ressources pour « la formation et le soutien » des intervenants bénévoles contribuant à maintenir le lien social des personnes âgées, à l’exemple de l’initiative MONALISA, précédemment décrite par votre rapporteure, et des personnes handicapées, ainsi que des dépenses de formation et de qualification des établissements et services mentionnées aux 1°et 3° de l’article L. 314-3-13 du code de l’action sociale et des familles.
Les dispositions de l’article 8 répondent à une demande forte de l’ensemble des acteurs du secteur et traduisent la volonté de prévenir le risque d’isolement par une approche globale et qualitative.
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La Commission est saisie de l’amendement AS278 de Mme Dominique Orliac.
Mme Jeanine Dubié. Les crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) proviennent de la contribution de solidarité autonomie (CSA) et non de l’ONDAM. Il n’y a donc aucune raison pour qu’ils soient réservés exclusivement aux formations des personnels soignants et aux seules structures financées par l’assurance maladie.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. En adoptant cet amendement, nous alourdirions la dépense. Nous risquerions aussi d’entraîner un saupoudrage des crédits et d’amoindrir la lisibilité des politiques de formation. Je rappelle que les établissements sociaux et médico-sociaux sont habilités à recevoir des personnes éligibles à l’aide sociale qui bénéficient par ailleurs d’un soutien substantiel par le biais du financement de formations au profit du personnel soignant.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 8 sans modification.
TITRE II
ADAPTATION DE LA SOCIÉTÉ AU VIEILLISSEMENT
Article 9
(Art. L. 120-17 du code du service national)
Conditions de délivrance d’une attestation de tutorat
Le service civique est ouvert aux personnes âgées de 16 à 25 ans (article L. 120-1 du code du service national) et leur permet d’effectuer des missions d’intérêt général.
1. Le volontariat de service civique et les autres formes de volontariat proposées aux jeunes
Institué par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010, le service civique peut être effectué auprès d’associations, de collectivités territoriales (mairies, départements ou régions) ou d’établissements publics (musées, collèges, lycées…), sur une période de 6 à 12 mois, en France ou à l’étranger, pour une mission d’au moins 24 heures par semaine. Un engagement de service civique est compatible avec la poursuite d’études ou un emploi à temps partiel.
Il s’agit d’un engagement volontaire au service de l’intérêt général, indemnisé 573 euros net par mois, ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans, sans conditions de diplôme. Il peut être effectué dans neuf grands domaines : culture et loisirs, développement international et action humanitaire, éducation pour tous, environnement, intervention d’urgence en cas de crise, mémoire et citoyenneté, santé, solidarité, sport.
Bien que régies par des dispositifs qui leur sont propres, d’autres formes d’engagements sont reconnues comme service civique (19) :
– le volontariat de service civique, qui a pour objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale ;
– le service volontaire européen, qui permet à des jeunes de participer à des activités dans des domaines tels que la culture, le sport, la protection civile, ou encore l’environnement dans un pays de l’Union européenne ;
– les missions de volontariat international en administration, qui s’inscrivent dans le cadre des politiques de soutien apporté aux Français établis hors de France et de coopération culturelle ou scientifique avec des États tiers ;
– le volontariat international en entreprise, qui s’inscrit dans la continuité des actions de coopération économique ;
– le volontariat de solidarité internationale (20), qui a pour objet l’accomplissement à temps plein d’une mission d’intérêt général dans les pays en voie de développement ;
– et, enfin, d’autres types de services civiques, spécifiques, tels que le volontariat franco-allemand (21), le volontariat pour l’insertion – « Défense 2e chance » (22) – ainsi que le volontariat de sapeur-pompier (23).
Le dispositif visé par le projet de loi correspond au volontariat de service civique, régi par le titre Ier bis du livre Ier du code du service national. Dans le cadre de cet engagement, le jeune est suivi par un tuteur, chargé de l’accompagner et de lui transmettre une compétence et des savoirs. Ce tuteur peut être un senior qui choisit de s’engager en dehors de toute contrainte professionnelle, au service de l’intérêt général.
2. Le projet de loi concerne le tutorat dont bénéficient les jeunes effectuant un volontariat de service civique
Les deux alinéas du présent article modifient le code du service national afin de prévoir les modalités de délivrance d’une attestation de tutorat par l’agence du service civique. Il modifie pour ce faire l’article L. 120-17 du code du service national, qui s’insère dans les dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier bis du livre Ier du code relatif à l’engagement et au volontariat de service civique.
Il s’agit ici non pas d’ouvrir le service civique aux aînés, mais de récompenser leur implication dans la transmission du savoir en faveur de jeunes effectuant un service civique.
Dans ce but, le présent article modifie le deuxième alinéa de l’article L. 120-17 du code du service national. Cet article décrit les conditions de délivrance de l’attestation de service civique. Cette attestation est mentionnée à l’article L. 120-1, article qui définit le service civique. Son III prévoit notamment que l’État délivre à la personne volontaire, à l’issue de sa mission, une attestation de service civique et un document qui décrit les activités exercées et évalue les aptitudes, les connaissances et les compétences acquises pendant la durée du service civique.
En l’état de sa rédaction, le deuxième alinéa de l’article L. 120-17 prévoit la possibilité que l’agence du service civique délivre cette attestation à toute personne « qui contribue à la formation civique et citoyenne ou au tutorat des personnes effectuant un engagement de service civique ».
La rédaction proposée par le projet de loi a pour effet de restreindre le champ des bénéficiaires de l’attestation aux seules personnes à la fois âgées de 60 ans au moins et retraitées. Cette condition est relativement restrictive : elle vise cependant à circonscrire le public visé à des personnes engagées en dehors d’une activité professionnelle.
Le domaine dans lequel ces personnes interviennent est quant à lui précisé. Le tuteur concerné est celui qui intervient dans la transmission de savoirs et de compétences ainsi que celui qui participe à la formation civique et citoyenne des jeunes effectuant un engagement de service civique. La nouvelle rédaction, tout comme celle en vigueur, prévoit que les conditions de délivrance de cette attestation sont définies par l’agence du service civique. D’après les auditions conduites par la rapporteure, les conditions précises de délivrance n’ont pas encore été déterminées.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement présenté par les commissaires du groupe SRC supprimant la mention du statut de « retraité » des conditions ouvrant droit à la remise d’un certificat pour le tutorat des personnes effectuant un service civique.
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La Commission examine l’amendement AS204 de Mme Joëlle Huillier.
Mme Joëlle Huillier. Je propose de supprimer la condition qu’une personne âgée soit nécessairement retraitée pour pouvoir bénéficier de l’attestation de tutorat prévue à l’article 9.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 9 modifié.
Article 10
(Art. L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3 et L. 480-4 [nouveaux]
du code de l’action sociale et des familles)
Instauration d’un volontariat civique sénior
Après le titre VII du livre IV du code de l’action sociale et des familles, l’article 10 du projet de loi introduit un titre nouveau libellé « Volontariat civique senior ». Composé de quatre articles, il ne modifie pas le droit existant mais l’enrichit d’un ensemble cohérent de dispositions nouvelles.
1. L’engagement des personnes âgées
Adapter la société au vieillissement, c’est non seulement prévoir des moyens d’accompagner la perte d’autonomie, mais c’est aussi mettre en valeur la richesse qu’apporte l’engagement des aînés à la société française. En effet, nombre de Français, une fois à la retraite, poursuivent un engagement associatif ou bien décident de consacrer une partie de leur temps libre à une cause particulière.
Le bénévolat en France
Pour le Conseil économique, social et environnemental, « est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial » (24).
Près de 14 millions de bénévoles œuvrent aujourd’hui en France. Leurs actions s’exercent en grande majorité dans le cadre associatif (organisations non gouvernementales de solidarité nationale ou internationale, associations de lien social, etc.) mais peuvent également se dérouler au sein d’un syndicat ou d’une structure publique (telle qu’une école), éventuellement dans une entreprise privée à vocation sociale - le bénévolat n’est autorisé dans le secteur marchand que sous certaines conditions et de manière très restrictive.
L’engagement bénévole se caractérise par l’absence d’un statut spécifique, contrairement au salariat, ainsi que par l’absence de lien de subordination juridique et de rémunération sous quelque forme que ce soit.
Comme les autres citoyens, les aînés ont la faculté de s’engager en tant que bénévoles pour la cause de leur choix. Au cours des auditions menées par la rapporteure, un certain nombre de représentants associatifs ont rappelé la volonté d’engagement des aînés. Dans le même temps, ils ont parfois observé une forme de tassement statistique de celui-ci, au contraire de l’engagement associatif des jeunes qui connaît un dynamisme plus marqué. D’où l’idée de s’inspirer de ce qui fonctionne chez ces derniers afin de transformer en engagement l’enthousiasme des aînés.
Pour mémoire, le bénévole, âgé ou non, s’engage sans être rémunéré, dans une action au service de la société. Il y consacre un temps librement déterminé et sans contrepartie et qui peut s’étendre de quelques heures par an à plusieurs heures par semaine. De son côté, le jeune en volontariat s’engage à temps plein dans une mission de plusieurs mois à quelques années et bénéficie en contrepartie d’une indemnité et souvent de la sécurité sociale.
L’objet du projet de loi est de proposer aux seniors un cadre d’engagement formalisé au service de l’intérêt général, en s’inspirant de la philosophie présidant à l’engagement en tant que volontaire du service civique, qui existe pour les plus jeunes (cf. supra à l’article 9).
Le volontariat de service civique senior qu’instaure le projet de loi propose ainsi une synthèse audacieuse entre le bénévolat classique et le volontariat de service civique. Il maintient le statut du premier tout en lui appliquant la philosophie du second. Retraitée, la personne visée dispose en effet de revenus et d’une protection sociale. Elle ne s’engage pas à titre professionnel et n’est donc ni rémunérée ni affiliée à un régime spécifique de sécurité sociale. Elle choisit en revanche de s’engager de façon précise dans des missions d’intérêt général, a priori pour une durée précise, et est reconnue à ce titre : elle obtient un certificat et peut prétendre au remboursement des frais occasionnés par son engagement.
2. Le volontariat civique senior, un statut original mais essentiellement symbolique
● L’article L. 480-1 nouveau définit le volontariat civique senior. Son premier alinéa contient à cet égard des dispositions générales décrivant l’objet du volontariat civique senior qui vise à renforcer le lien social et intergénérationnel. Sur la base du volontariat, les personnes âgées de 60 ans ou plus, retraitées, peuvent s’engager au service de la communauté nationale en réalisant une mission d’intérêt général. Cette mission s’effectue auprès d’une personne morale exerçant une activité à but non lucratif, en France ou à l’étranger.
Deux notions mentionnées par cet alinéa méritent d’être précisées. En premier lieu, celle de volontariat : elle doit être entendue au sens propre et ne fait en rien référence au volontariat de service civique proposé aux jeunes et régi par le code du service national. Le volontariat civique senior ne donne pas lieu à une couverture sociale particulière ni à indemnisation. En second lieu, la notion de « personne morale à but non lucratif » vise essentiellement le secteur associatif non lucratif, mais non exclusivement. Sont par exemple inclus l’État ou les collectivités territoriales.
Si ces conditions sont tout à fait cohérentes, la rapporteure considère que réserver cette forme d’engagement aux seuls retraités peut néanmoins sembler inutilement restrictif.
L’alinéa suivant précise les missions assurées par le volontaire. Celles-ci doivent porter sur la transmission des compétences et des savoirs tant professionnels que personnels dans des champs « reconnus comme prioritaires par la Nation ». En l’absence de précisions supplémentaires dans le projet de loi, ces domaines devraient certainement correspondre aux neuf domaines prioritaires identifiés par le conseil d’administration du service civique, à savoir : la culture et les loisirs, le développement international, l’éducation pour tous, l’environnement, l’intervention d’urgence, la mémoire et la citoyenneté, la santé, la solidarité, ainsi que les sports.
Le troisième alinéa prévoit la délivrance d’un certificat de volontaire civique senior. Il est délivré par l’organisme d’accueil et se distingue en cela de l’attestation de tutorat remis par l’agence du service civique et prévu à l’article 9.
● L’article L. 480-2, nouveau, rappelle que le volontariat civique senior n’est pas un emploi, ni une forme de service civique. Son premier alinéa précise qu’il s’agit d’un engagement libre et désintéressé. Il ne donne donc pas lieu à rémunération. Cet engagement se déroule sur une période continue ou discontinue.
Le second alinéa rappelle que la collaboration entre le senior et la personne morale qui la mobilise ne constitue en aucun cas un lien de subordination et ne relève pas du code du travail. Il ne s’agit donc pas d’un emploi.
Le volontariat civique senior est donc bien fondamentalement une activité libre de bénévolat.
● L’article L. 480-3, nouveau, décline une originalité de cette forme d’engagement. Le volontaire bénéficie de droit du remboursement des « frais réellement engagés ».
Cette notion ne doit pas être confondue avec celle de « frais réels » mentionnée à l’article 83 du code général des impôts. Elle ne touche ici que les dépenses courantes engagées pour l’exercice de l’activité de volontaire. Son périmètre exact sera défini par décret, sur le fondement de l’article L. 480-4 nouveau. Pour autant, bien que distincte de la notion de « frais réellement engagés », celle de frais réels, qui s’applique aux salariés, peut donner une idée du champ qui devrait être visé, qui inclut les frais de déplacement du domicile au lieu d’activité, les frais habituels de restauration, ou encore ceux de documentation.
La seconde phrase de l’article prévoit que le volontaire puisse bénéficier, sur décision de la personne morale l’accueillant, de chèques-repas lui permettant d’acquitter tout ou partie des prix de repas nécessités par son engagement. Il est prévu que ces repas soient « consommés ou préparés au restaurant », ce qui peut sembler inutilement restrictif mais permet un alignement sur le droit existant. En effet, les modalités de mise en œuvre de cette disposition sont celles prévues par l’article 12 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative à l’engagement éducatif. Cet alinéa systématise donc la délivrance de chèques-repas que le droit encadrant l’activité des associations rend déjà possible mais non-automatique.
Les chèques-repas du bénévole
L’article 12 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative à l’engagement éducatif prévoit notamment que toute association, après en avoir adopté le principe par délibération prise en assemblée générale, peut remettre à son personnel bénévole des « chèques-repas du bénévole ». La situation de bénévole « s’apprécie en particulier au regard de l’absence de rémunération ou d’indemnisation et de l’inexistence d’un quelconque lien de subordination entre le bénévole et l’association ».
L’association tient à jour la liste des bénéficiaires de ces chèques-repas, en précisant les montants versés pour chaque bénéficiaire.
La contribution de l’association au financement des chèques-repas du bénévole est, pour l’association, exonérée de toutes charges fiscales, cotisations et contributions sociales, sans qu’il soit fait application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. L’avantage qui résulte de cette contribution, pour le bénévole, n’est pas assujetti à l’impôt sur le revenu.
● L’article L. 480-4, nouveau, prévoit qu’un décret détermine les conditions d’application de l’ensemble des dispositions du titre VIII relatives au volontariat civique senior. Il permettra par exemple de préciser les conditions formelles de l’engagement en tant que volontaire, ainsi que celles présidant à la délivrance du certificat de service civique.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, votre commission des affaires sociale a adopté un amendement présenté par les commissaires du groupe SRC supprimant la mention du statut de retraité parmi les conditions exigibles pour s’engager en tant que volontaire civique senior.
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La Commission est saisie de l’amendement AS205 de Mme Joëlle Huillier.
Mme Joëlle Huillier. Cet amendement tire les conséquences, à l’alinéa 7 de l’article 10, de l’amendement AS204 que nous venons d’adopter.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 10 modifié.
Chapitre II
Habitat collectif pour personnes âgées
Section 1
Les résidences autonomie et les autres établissements
d’hébergement pour personnes âgées
Article 11
(Art. L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles)
Mission de prévention de la perte d’autonomie des logements-foyers accueillant des personnes âgées
Le présent article définit le nouveau cadre d’activité des logements-foyers accueillant des personnes âgées. Il leur attribue l’appellation de « résidences autonomie » afin de mieux tirer parti des atouts de cette forme d’habitat collectif accessible aux personnes âgées de revenus modestes.
Défini à l’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation, un logement-foyer est un effet « un établissement destiné au logement collectif à titre de résidence principale de personnes dans des immeubles comportant à la fois des locaux privatifs meublés ou non et des locaux communs affectés à la vie collective ». Il se distingue donc du logement social ordinaire par la mise à la disposition d’un service en plus du logement.
Les logements-foyers accueillent notamment des personnes âgées, des personnes handicapées, des jeunes travailleurs, des étudiants, des travailleurs migrants ou des personnes défavorisées. On compte aujourd’hui plus de 2 200 structures de cette catégorie, offrant près de 110 000 logements à des personnes âgées.
Ces logements-foyers accueillant les personnes âgées relèvent simultanément de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles relatif aux établissements accueillant des personnes âgées. Mais ils y sont aujourd’hui définis en creux par rapport aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) : ils sont mentionnés aux I bis et I ter de cet article en tant qu’établissements qui ont pu déroger à l’obligation de conclure avec les départements et les agences régionales de santé les conventions tripartites relatives à la création des EHPAD, en vertu de l’article 48 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Ces dispositions n’apportent donc aucune précision sur la finalité des logements-foyers pour personnes âgées. Le service rendu aux résidents n’est pas défini : l’identification de la place de cette offre au sein de l’ensemble des solutions de logements permettant d’adapter l’habitat au vieillissement est insuffisante. Compte-tenu des évolutions démographiques, il paraît donc essentiel de préserver cette offre et de consolider son fonctionnement en l’orientant vers la prévention de la perte d’autonomie.
Le présent article a pour objet de mettre fin à ce manque de visibilité. Il assigne aux nouvelles « résidences autonomie » une mission de prévention de la perte d’autonomie : des prestations spécifiques doivent être proposées, et un financement dédié est instauré, le « forfait autonomie ».
N’ayant pas été transformés en EHPAD, les logements-foyers doivent accueillir principalement des personnes âgées autonomes : mais des résidents en perte d’autonomie peuvent souhaiter demeurer dans ces logements, qui constituent leur domicile. L’accès aux services d’aide et d’accompagnement à domicile peut permettre ce maintien et accompagner la perte d’autonomie, mais sous réserve d’un encadrement. Aussi, le présent article simplifie les règles actuelles, trop complexes, de limitation de l’effectif des personnes les plus dépendantes dans la résidence. En outre, il autorise l’admission de personnes légèrement dépendantes, sous réserve de conclusion d’un partenariat avec des services fournissant des soins à domicile et avec un EHPAD.
1. La mise à jour de la distinction entre logements-foyers et EHPAD
Le I de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l’article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, a prévu la transformation en EHPAD des établissements accueillant un nombre de personnes âgées dépendantes dans une proportion supérieure à un seuil fixé par décret.
Une période de transition a alors été fixée, avec un terme au 31 décembre 2007, après lequel les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes dans des proportions supérieures à ce seuil, qui n’ont pas conclu de convention visant à leur transformation en EHPAD, ont fait l’objet d’une « tarification d’office » : ils sont qualifiés au deuxième alinéa du I de l’article L. 313-12, dans sa rédaction actuelle, d’établissements « retardataires ». En outre, définis aux I bis et au I ter du même article, les logements foyers s’y voient, dans la rédaction actuelle, accorder la possibilité de déroger à l’obligation de passer une convention visant à créer un EHPAD.
Six ans après la fin de la période de transition, l’ensemble des logements-foyers actuels ont bel et bien usé de cette faculté. Aussi, les 2° à 7° du présent article opèrent les différentes modifications d’actualisation et de coordination rédactionnelle entraînées par la fin de la période de transition.
Au deuxième alinéa du I de l’article L. 313-12, les 2° et 3° substituent à la qualification de « retardataire » des établissements tarifés d’office, celle d’établissements qui n’ont pas conclu de convention depuis le 1er janvier 2008 et auxquels restent donc applicables les mesures définies avant cette date. Les 4°, 5°, 6° et 7° établissent le fait que les logements-foyers ont bel et bien opté pour la dérogation prévue par la loi de financement pour 2006, et qu’il n’est plus nécessaire de maintenir pour eux de droit d’option.
Le tableau ci-après présente les différentes catégories d’établissements accueillant des personnes âgées régis par l’article L. 313-12.
LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES D’ÉTABLISSEMENTS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX HÉBERGEANT DES PERSONNES ÂGÉES DÉFINIES À L’ARTICLE L. 313-12
Catégorie d’établissements |
Définition |
Dispositions applicables |
Nombre et effectifs |
I – L. 313-12 | |||
Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) |
Accueil en chambre, sans terme prévu, signature d’une convention tripartite |
L. 313-12 - I |
7 287 EHPAD (y compris unités de soins de longue durée) soit 600 595 places EHPAD et 30 000 lits d’USLD |
Établissements d’hébergement pour personnes âgées |
Accueil en chambre, sans terme prévu, non médicalisé |
L. 313-12 - I |
14 établissements dit « tarifés d’office » soit 950 places* |
I bis – L. 313-12 | |||
Logement-foyer |
Accueil en logement regroupé, sans terme prévu, non médicalisé |
L. 313-12 - I bis (alinéa 1°) |
2 233 logements-foyers soit 108 933 logements |
dont logement-foyer conventionné |
Accueil en logement regroupé, sans terme prévu |
L. 313-12 - I bis (alinéa 3°) |
Dont 8 structures médicalisées partiellement, décomposées en 315 logements (partie logement foyers) et 355 places (partie conventionnée EHPAD) |
I ter – L. 313-12 |
Nombre total de logements-foyers : 2 233 | ||
Logement-foyer ne percevant pas le forfait soins courants |
Accueil en logement regroupé, sans terme prévu, non médicalisé |
L. 313-12 - I ter (alinéa 1°) |
1 935 logements-foyers soit 90 333 logements |
Logement-foyer percevant le forfait soins courants |
Accueil en logement regroupé, sans terme prévu, non médicalisé |
L. 313-12 - I ter (alinéa 2°) |
298 logements-foyers soit 18 600 logements |
(*) Établissements qui bénéficiaient de crédits d’assurance maladie, qui ont refusé de signer une convention pluriannuelle à la date du 31 décembre 2007 et qui perçoivent une dotation globale de soins.
Source : Enquête DREES - EHPA 2011.
Aux côtés des près de 62 000 places médicalisées d’EHPAD, les logements-foyers offrent donc près de 110 000 logements, nettement distincts, par principe, des places médicalisées.
Mais un petit nombre de logements-foyers a pu faire l’objet d’une médicalisation partielle : visés au troisième alinéa du I bis de l’article L. 313-12, ils n’ont conclu de convention tripartite que pour les places de la structure qualifiées de places d’EHPAD. C’est le cas de huit établissements, pour 660 places au total.
Surtout, près de 300 structures, offrant 18 600 logements des logements-foyers, sont actuellement éligibles à un « forfait pour soins courants », défini au deuxième alinéa du I ter de l’article L. 313-12. C’est près de 17 % de l’ensemble. Ce forfait n’est pas attribué aux établissements créés après 2008. Il est financé par la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), à hauteur de 27 millions d’euros en 2013, pour 90 000 euros en moyenne par établissement.
Le « forfait pour soins courants » prend en charge des dépenses de rémunération de personnels de soins. Selon des données transmises à votre rapporteure par les représentants des centres communaux d’action sociale (CCAS), 90 % des établissements bénéficiant du forfait pour soins courants emploient un ou plusieurs aides-soignants, contre 6 % seulement des logements-foyers n’en disposant pas. Un cadre infirmier est présent dans la structure dans 65 % des cas. Intervenant dans des structures dont les résidents sont très majoritairement autonomes, les personnels financés par ce forfait exercent, dans les faits, une mission proche des actions de prévention de la perte d’autonomie que le présent article assigne désormais à l’ensemble des logements-foyers.
Aussi, les modifications apportées par les 7° et 9° du présent article au deuxième alinéa du I ter de l’article L. 313-12 ne modifient en rien le versement de ce forfait pour soins courants aux logements-foyers qui le perçoivent aujourd’hui. Ce financement est donc maintenu par le projet de loi, mais il est distinct des nouveaux financements prévus par le présent article.
2. La mission de prévention de la perte d’autonomie et son financement
Le 10° du présent article définit la nouvelle mission des logements-foyers accueillant des personnes âgées : au premier alinéa du III de l’article L. 313-12 dont la rédaction actuelle prévoit seulement que ces résidences doivent « répondre à des critères de fonctionnement, notamment de qualité, définis par un cahier des charges fixé par arrêté du ministre chargé des personnes âgées », il substitue quatre nouveaux alinéas qui consacrent le rôle des logements-foyers comme réponse au vieillissement des publics les plus modestes.
• Le socle des prestations fournies par les « résidences autonomie »
Le III de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l’article 11 du présent projet de loi, prévoit qu’un décret définit les prestations minimales, individuelles ou collectives, que les résidences autonomie proposent à leurs résidents. Ces prestations « concourent à la prévention de la perte d’autonomie ».
Aussi, les gestionnaires des logements-foyers qui proposent déjà des activités de cet ordre dans le cadre de leur projet d’établissement sont-ils fortement demandeurs d’un surcroît de visibilité. Dans son premier alinéa, le III établit donc la nouvelle dénomination de « résidences autonomie » : tous les logements-foyers sont visés, qu’ils relèvent ou non de la catégorie des logements-foyers qui perçoivent un forfait pour soins courants.
Cette dénomination s’applique si le foyer-logement propose à ses résidents « des prestations minimales, individuelles ou collectives, qui concourent à la prévention de la perte d’autonomie, définies par décret ».
Définies par voie réglementaire, les prestations socles des résidences autonomie recouvriront en premier lieu un service de sécurité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et l’accès à de la restauration et à l’entretien du linge.
Mais surtout elles comporteront l’organisation d’actions d’animation et de prévention, individuelles ou collectives visant à entretenir les facultés sensorielles, motrices et psychiques et à repérer les difficultés sociales des résidents. Ces activités pourront consister en des ateliers nutrition, des séances d’exercice physique, des ateliers portant sur le sommeil, la mémoire, la prévention des chutes… Elles permettront notamment de développer la pratique d’une activité physique ou sportive adaptée, encadrée par un professionnel du sport spécifiquement formé, conformément à l’objectif fixé dans le premier volet du rapport annexé (point 2.3).
En outre, « ces prestations peuvent également être proposées à des non-résidents » : l’inscription de la résidence autonomie dans son environnement immédiat est encouragée, afin de toucher des personnes âgées isolées vivant dans d’autres domiciles, mais également pour faciliter les partenariats avec des intervenants extérieurs.
Il est enfin précisé, au quatrième alinéa du III, que « les résidences autonomie facilitent l’accès de leurs résidents à des services d’aide et de soins à domicile ». Il s’agit donc d’inscrire les nouvelles résidences autonomie dans l’offre gérontologique territoriale pour faciliter le maintien des personnes dans leur logement, au plus près de leur vie sociale et de leurs habitudes.
Selon les différents intervenants auditionnés par votre rapporteure, la plupart des logements-foyers seront bien en capacité de se porter à ce niveau de prestations, en capitalisant sur leurs pratiques actuelles et grâce au nouveau financement alloué spécifiquement : le « forfait autonomie ».
• Les modalités de financement
Le troisième alinéa du 10° du présent article définit les conditions de financement des résidences autonomie au moyen d’une « aide dite forfait autonomie », allouée par le département.
Dans le cadre de la programmation budgétaire du projet de loi, cette charge pour le département est intégralement financée par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), à partir des recettes de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), à hauteur de 40 millions d’euros en année pleine.
Pour mémoire, l’article 3 du projet de loi prévoit, à l’article L. 233-1 du code de l’action sociale et des familles, que la conférence des financeurs de la perte d’autonomie « programme les aides correspondant au forfait autonomie » : ce financement sera donc pleinement pris en compte par les autres membres de la conférence, notamment les régimes de retraites, susceptibles d’apporter des financements complémentaires au titre de leur action sociale. En outre, l’article 5 prévoit, à l’article L. 14-10-10 du code de l’action sociale et des familles relatif aux concours de la CNSA aux départements, que le concours est versé « en fonction du nombre de places éligibles sur leur territoire ». Le III de l’article L. 313-12, dans sa nouvelle rédaction, prévoit donc logiquement que le forfait autonomie est versé « dans la limite des crédits correspondants attribués en application de l’article L. 14-10-10 ».
Le financement envisagé est donc uniforme sur l’ensemble du territoire : il ne varie qu’en fonction de l’effectif des places des résidences autonomie du département. Or les besoins, à nombre de places identiques, peuvent varier en fonction des difficultés rencontrées par les publics spécifiques. Auditionnés par votre rapporteure, les représentants des CCAS ont ainsi relevé qu’à Paris, 30 % des personnes âgées résidant dans les logements-foyers étaient anciennement sans domicile fixe.
Mais si la définition de critères permettant de moduler les financements peut être envisagée, elle apparaît sans nul doute complexe. Aussi votre rapporteure approuve l’approche consistant à définir une clé de répartition simple des financements : en fonction des besoins locaux, ce socle peut librement être abondé par des financements complémentaires provenant de l’action sociale des régimes de retraites ou de subventions des collectivités locales concernées, organismes au demeurant tous membres de la conférence des financeurs.
L’aide est en outre versée par le département dans le cadre d’un « contrat pluriannuel mentionné à l’article L. 313-11 » : ces contrats pluriannuels d’objectif et de moyens (CPOM) sont établis avec le département pour une durée maximale de cinq ans. Le versement du forfait va donc s’accompagner d’une définition partenariale des actions conduites par la résidence autonomie.
Il en résulte que le versement du forfait n’est pas subordonné à la mise à disposition des prestations-socles prévues par décret et peut au contraire permettre leur mise en œuvre : l’article 60 du projet de loi fixe à ce titre un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi.
Un décret déterminera les dépenses prises en charge, ainsi que les conditions dans lesquelles le département fixe le montant du forfait. L’étude d’impact jointe au projet de loi indique que le besoin de financement a été construit sur la base, par établissement, de 0,6 équivalent temps plein d’un poste d’animateur au sein de chaque résidence autonomie éligible au forfait. Il ne s’agit pas pour autant de prévoir un recrutement dans chaque logement-foyer : les effectifs peuvent être mutualisés entre plusieurs établissements, et des interventions peuvent être également fournies par des intervenants extérieurs. Au total, chaque résidence autonomie devra pouvoir conduire ces actions pendant au moins une journée par semaine.
Enfin, l’exercice des missions de prévention ne donne lieu au versement du forfait autonomie qu’aux résidences pour lesquelles l’article L. 313-12 ne prévoit pas d’ores et déjà de financements de la CNAM au titre d’activités de prévention. Les établissements « mentionnés au quatrième alinéa du I bis et au deuxième alinéa du I ter » qui perçoivent déjà le forfait pour soins courants ne pourront donc pas le cumuler avec le forfait autonomie. Cette restriction semble raisonnable dans la mesure où ces financements préexistants, plus élevés au demeurant pour chacune des structures qui le perçoivent, permettent déjà de conduire des actions de prévention.
Votre rapporteure se félicite des moyens engagés par le Gouvernement, de manière pérenne, pour rendre plus visible une offre d’habitat collectif pour personnes âgées modestes qui répond au double besoin de maintien à domicile et de développement d’une vie sociale des personnes âgées isolées.
3. L’accueil et le maintien dans la résidence en cas de perte d’autonomie
Dotées des moyens de préserver l’autonomie de leurs résidents, les résidences autonomie doivent continuer d’accueillir principalement des personnes âgées autonomes.
Aussi, selon la classification des niveaux de dépendance en fonction de la grille AGGIR, la très grande majorité des personnes logées dans une résidence autonomie doit se situer dans les groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6 regroupant les personnes peu ou pas dépendantes.
Dans sa rédaction actuelle, le I bis de l’article L. 313-12 définit les logements-foyers en référence d’une part à un seuil de dépendance moyenne des résidents de l’établissement et d’autre part à un seuil maximal de résidents dont la perte d’autonomie est la plus élevée : il s’agit des critères définis par l’article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 pour exiger la transformation en EHPAD des établissements accueillant le plus de personnes âgées en forte perte d’autonomie.
Défini à l’article D. 313-15 du code de l’action sociale et des familles, le seuil de dépendance moyenne maximal autorisé est le GIR moyen pondéré (GMP) de 300. L’article D. 313-15-1 prévoit en outre que les résidents classés dans les groupes GIR 1 et 2 ne doivent pas dépasser 10 % de la capacité autorisée de l’établissement.
• Les nouveaux critères relatifs à la part des résidents en perte d’autonomie
Applicable actuellement, le GMP est un indicateur permettant d’évaluer le niveau de dépendance moyen au niveau d’un établissement. Chaque GIR donne lieu à un nombre de points reflétant le niveau des prestations à fournir par l’établissement afin de prévenir ou d’accompagner la perte d’autonomie.
LE GROUPE ISO-RESSOURCE MOYEN PONDÉRÉ (GMP)
NOMBRE DE POINTS ASSOCIÉS AUX GIR
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
1 000 |
840 |
660 |
420 |
250 |
70 |
Les établissements assurant l’hébergement des personnes âgées dont le GMP est supérieur ou égal à 300 relèvent des structures médicalisées ; s’il est supérieur ou égal à 700 l’établissement est assimilé à un hôpital gériatrique.
Dans les logements-foyers, 77 % des résidents relèvent du GIR 5 et 6. Le GMP est donc de l’ordre de 194, soit nettement inférieur au seuil réglementaire de 300, même si ce résultat est à nuancer car les enquêtes font état de lacunes dans l’évaluation du GIR de près de 30 % des résidents.
POURCENTAGE DES RÉSIDENTS EN LOGEMENTS FOYERS RELEVANT DES GIR
GIR 1 |
GIR 2 |
GIR 3 |
GIR 4 |
GIR 5 |
GIR 6 |
0 |
2 |
4 |
17 |
14 |
63 |
Source : Enquête DREES-EHPA 2011.
Ces règles sont excessivement complexes pour des logements-foyers censés accueillir très majoritairement des résidents autonomes. Elles reposent en effet sur l’évaluation annuelle du GIR de l’ensemble des résidents du logement-foyer. Cette obligation n’est au demeurant pas systématiquement remplie, ce qui met en jeu la responsabilité des gestionnaires comme celle des pouvoirs publics.
Le présent article vise donc à remplacer l’obligation pour le gestionnaire de communiquer un niveau moyen de dépendance de son établissement, par des dispositions permettant de suivre précisément le nombre de résidents non autonomes relevant des GIR 1 à 2 et 1 à 3. Ces seuils seront fixées par voie réglementaire et mentionneront que le nombre de personnes relevant des GIR 1 à 3 ne pourra être supérieur à 15 % de l’effectif des résidents, le nombre des résidents relevant des GIR 1 et 2 ne pouvant dépasser 10 %, comme c’est actuellement le cas.
Dans ce but, le 1° du présent article, modifie le premier alinéa du I de l’article L. 313-12 afin de prévoir que les résidences autonomie ne peuvent accueillir de personnes en perte d’autonomie « dans des proportions supérieures à des seuils appréciés dans des conditions fixées par décret ». Les 8° et 9° tirent les conséquences de la création de ces seuils pour les établissements accueillant des personnes âgées autres que les logements foyers, afin de mieux distinguer les critères applicables aux uns et aux autres, tous définis par voie réglementaire.
• L’accueil de nouveaux résidents en perte d’autonomie
Enfin, le dernier alinéa du 10° de l’article 11 établit, au dernier alinéa du III de l’article L. 313-12, une règle simple en matière d’admission de nouveaux résidents déjà éligibles à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile, c’est-à-dire « remplissant les conditions de perte d’autonomie mentionnées à l’article L. 232-2 ».
Il s’agit d’éviter que soient exclues de l’accès aux résidences autonomie des personnes âgées certes en situation de perte d’autonomie et donc éligibles à l’APA à domicile, mais dépourvues de troubles cognitifs et à même de participer à la vie sociale du foyer et de bénéficier des actions de prévention de la perte d’autonomie.
Pour votre rapporteure, le constat de certaines limites de la grille AGGIR plaide pour cette ouverture des résidences autonomie aux personnes relevant notamment du GIR 4. L’autonomie dépend de l’environnement de la personne : ainsi une personne peut être considérée comme légèrement dépendante à domicile sous l’effet de ses conditions d’habitation et de son isolement ; mais, dans la résidence autonomie, sous l’effet d’un logement adapté et d’une vie sociale, elle peut devenir plus autonome.
L’utilisation de la grille AGGIR varie en outre selon les évaluateurs : il en résulte que le GIR 4 est hétérogène alors que les trois premiers sont relativement homogènes. Le présent article établit donc la faculté pour les résidences autonomie d’accueillir des personnes en perte d’autonomie, et en précise les conditions.
Tout d’abord, les résidences autonomie ne pourront les accueillir qu’à condition que le projet d’établissement soit adapté à l’accompagnement d’un début de perte d’autonomie.
En deuxième lieu, des conventions de partenariat, dont le contenu minimal est prévu par décret, devront être conclues avec un service de soins infirmiers à domicile (SIAD) ou un service polyvalent d’aide et de soins à domicile (SPASAD) ou des professionnels de santé : cette convention devra donc obligatoirement associer des intervenants médicaux à domicile, afin de garantir un accès facilité aux soins, et de prévenir une accélération de la perte d’autonomie en cas de mauvaise gestion du parcours de soins.
En outre, cette convention devra obligatoirement associer la résidence à un EHPAD. Ce partenariat permettra d’organiser une gamme structurée de prise en charge et d’accompagnement de la perte d’autonomie. Elle ne devra cependant pas avoir pour effet d’interdire au résident qui serait amené à devoir rejoindre un EHPAD de choisir un établissement différent de celui avec lequel la résidence autonomie aura conclu un partenariat.
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* *
Lors de l’examen du texte du projet de loi, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant une évaluation périodique de la perte d’autonomie des résidents de logements-foyers. Sur avis favorable de la rapporteure, votre commission a adopté un amendement de plusieurs commissaires UMP précisant que le forfait-autonomie pourra être mutualisé entre plusieurs résidences-autonomie et que les actions financées à ce titre pourront être externalisées. Enfin, un amendement de la rapporteure a inclus les services d’hospitalisation à domicile (HAD) dans le champ du conventionnement de partenariat des résidences-autonomies avec des intervenants à domicile en cas d’accueil de nouveaux résidents bénéficiaires de l’APA.
*
* *
La Commission aborde l’amendement AS332 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Nous proposons que le décret prévu à l’article 11 détermine à quelle périodicité devront être effectuées les évaluations de la perte d’autonomie des résidents de logements-foyers.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS242 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Les crédits alloués au forfait autonomie sont d’un faible montant au regard des besoins existants et ne permettront de financer qu’en partie les postes d’animateur. Nous proposons donc d’autoriser la mutualisation de ces postes et leur externalisation dans le cadre de conventions conclues avec des centres sociaux ou des clubs des aînés.
Mme la rapporteure. Avis favorable. Les 40 millions d’euros affectés à la création de résidences autonomie représenteront l’équivalent de 0,6 équivalent temps plein par établissement. Il peut donc être intéressant pour ces résidences de mutualiser ces postes.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AS316 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Cet amendement vise également à permettre une mutualisation et une externalisation des postes d’animateur grâce à la signature de conventions avec des centres sociaux ou des clubs d’aînés. Les financements nationaux étant forfaitaires, leur déclinaison locale doit l’être également, sauf à obliger les départements à financer obligatoirement des coûts réels supérieurs aux forfaits nationaux.
Mme la rapporteure. Le forfait autonomie correspond à un montant unique que le département alloue à une ou plusieurs structures. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
Mme Bérengère Poletti. Je le retire, mais je le redéposerai d’ici à l’examen du texte en séance publique.
L’amendement est retiré.
La Commission aborde les amendements identiques AS240 de Mme Bérengère Poletti et AS282 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Bérengère Poletti. Nous proposons de préciser le contenu du décret d’application relatif au forfait autonomie. Outre les dépenses prises en charge à ce titre, il conviendra de préciser la nature des prestations couvertes. En effet, dans un but d’équité de traitement entre les différentes résidences-autonomie, et entre les personnes qui y sont hébergées, les gestionnaires de ces structures doivent avoir la possibilité de recruter toute catégorie de personnel concourant à la réalisation d’actions de prévention de la perte d’autonomie.
Le forfait soins courants, dont le montant actuel est d’environ quatre euros par jour et par résident, permet de financer un poste d’infirmière à mi-temps ainsi que des aides-soignants à temps partiel, pour couvrir la semaine, et parfois quelques heures de passage d’un médecin généraliste. Si le projet de loi ne permet pas aux résidences-autonomie éligibles au forfait autonomie de bénéficier du forfait soins courants, ce dernier doit néanmoins permettre aux structures d’offrir une prestation équivalente grâce au recrutement de ces professionnels, dont la présence est indispensable à la réalisation d’actions de prévention. Le forfait soins courants et le forfait autonomie seront créateurs d’emplois. Il serait donc regrettable que le périmètre du forfait soins courants soit réduit. Il convient en effet de raisonner par analogie avec le champ du handicap, au sein duquel les crédits de la CNSA financent l’intégralité des dépenses de personnel des structures, quelle que soit leur catégorie, et sans distinction selon l’origine de financement.
Les recettes de la CASA alimentant le forfait autonomie doivent permettre d’offrir à chaque personne âgée – que la résidence-autonomie dans laquelle elle est hébergée soit bénéficiaire du forfait soins courants ou du forfait autonomie – le même niveau de prestations, dans un but d’équité de traitement sur le territoire national.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement AS282 vise à garantir l’équité de traitement des personnes âgées accueillies dans les résidences-autonomie. Il importe de préciser par décret la nature des prestations de prévention qui devront être fournies par celles-ci, quel que soit l’établissement où ces personnes seront accueillies.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Évitons de rendre la loi trop bavarde. En outre, le forfait autonomie vise à permettre de financer les actions de prévention de la perte d’autonomie menées par les associations et les professionnels. Il est inutile d’en définir précisément le contenu.
Par ailleurs, au niveau national, le Haut Conseil de l’âge et la CNSA ont un rôle déterminant, il convient, au niveau local, de laisser la possibilité aux collectivités d’adapter les actions qu’elles mènent aux besoins de leur population et de leur territoire.
M. Denis Jacquat. Lors des auditions que nous avons menées sur ce projet de loi, plusieurs organismes ont souligné le manque de clarté que présentait cet article. Il semblerait que les résidences-autonomie qui pourront bénéficier du forfait soins courants ne puissent pas bénéficier du forfait autonomie. Ce dernier est destiné aux logements-foyers, qui ont effectivement besoin d’animation et de coordination.
C’est pourquoi il nous a été demandé si les résidences-autonomie ne pourraient pas bénéficier du forfait autonomie, en sus du forfait soins courants. Il importe en effet qu’elles puissent disposer d’un poste d’animateur afin de lutter contre l’isolement des personnes. Plus il y a de personnel dans un établissement, mieux c’est pour leurs résidents. En effet, dans la mesure où nous menons une politique efficace de maintien à domicile, les personnes accueillies dans ces établissements sont celles qui ont déjà commencé à perdre leur autonomie et qui, par conséquent, ont besoin d’un excellent encadrement.
Mme Jeanine Dubié. Je comprends le sens de vos propos, madame la rapporteure, mais, si ce sont bien les départements qui détermineront le montant du forfait autonomie, il convient de fixer par décret, outre les dépenses prises en charge au titre du forfait, la nature des prestations fournies. On constate en effet que le montant de l’APA varie selon les capacités financières de chaque département. Il convient donc de fixer un cadre national qui s’applique à tous les départements et de limiter leurs marges d’appréciation.
Mme la rapporteure. Je maintiens ma position. Les collectivités locales doivent disposer de marges d’appréciation. La conférence des financeurs permettra de mener des politiques communes. Si l’on règlemente trop précisément au niveau national l’organisation des politiques locales de prévention, on aura plus de difficultés à les appliquer. Faisons confiance aux territoires pour y parvenir, quitte à conduire des expertises par la suite.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l’amendement AS281 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Dans un souci de respect du principe d’égalité d’offre de soins sur l’ensemble du territoire, l’amendement AS281 vise à déterminer les conditions d’octroi du forfait autonomie sur la base d’un cahier des charges national.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. La CNSA et le Haut Conseil de l’âge piloteront ces politiques en lien avec les départements et les établissements concernés. La CNSA pourra éventuellement définir un cahier des charges en lien avec certaines structures. Il n’est donc pas souhaitable d’encadrer par décret ces conditions d’octroi.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission est saisie de l’amendement AS206 de Mme Joëlle Huillier.
Mme Joëlle Huillier. Comme l’amendement AS242 de Mme Poletti que nous avons adopté précédemment, mon amendement vise à permettre la mutualisation du forfait autonomie. Il me semble néanmoins mieux placé dans le texte que l’amendement AS242.
Mme la rapporteure. Comme vous le soulignez vous-même, votre amendement est satisfait par celui de Mme Poletti. Je vous invite donc à le retirer.
L’amendement est retiré.
La Commission examine en discussion commune les amendements AS333 de la rapporteure et AS241 de Mme Bérengère Poletti.
Mme la rapporteure. L’amendement AS333 vise à inclure les services d’hospitalisation à domicile dans le champ des conventions pouvant être conclues par les résidences-autonomie en vue d’accueillir des résidents en perte d’autonomie légère.
M. Denis Jacquat. Le conventionnement avec les EHPAD, rendu obligatoire par le projet de loi, doit selon nous rester facultatif. Il convient en effet que les personnes âgées puissent choisir leur établissement d’accueil.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Dans la mesure où les résidences autonomie accueilleront des personnes classées en GIR 3 ou 4, il importe de rendre obligatoire le conventionnement de celles-ci avec les structures de leur choix.
M. Denis Jacquat. Je suis défavorable à ce que, dans le cadre du conventionnement, on oblige les personnes concernées à intégrer un EHPAD alors qu’elles ne le souhaitent pas, pour des raisons financières, géographiques ou autres.
Mme Jeanine Dubié. Le conventionnement sécurise le parcours de la personne âgée sans toutefois l’obliger à rejoindre l’établissement avec lequel la convention aura été conclue. D’autre part, madame la rapporteure, que signifie la notion de « résident en perte d’autonomie légère » qui figure dans l’exposé sommaire de votre amendement ?
Mme la rapporteure. Il s’agit de veiller à ce que l’entrée dans un EHPAD avec lequel un logement foyer signe une convention ne devienne pas une condition supplémentaire pour être classé dans un GIR.
Par ailleurs, monsieur Jacquat, Mme Dubié a raison : ce n’est pas parce qu’une convention aura été conclue avec un EHPAD que la personne âgée concernée serait obligée d’y entrer.
M. Denis Jacquat. Mme Dubié est certes fondée à souligner que le conventionnement sécurisera le parcours de la personne âgée, mais il convient de préciser qu’elle ne sera pas contrainte d’intégrer l’établissement avec lequel la convention aura été conclue.
Mme la rapporteure. Ces deux aspects sont totalement indépendants l’un de l’autre. Le conventionnement entre une résidence autonomie et un EHPAD n’implique en rien qu’une personne âgée sera contrainte d’intégrer cet EHPAD. Néanmoins, cela sécurisera son parcours.
La Commission adopte l’amendement AS333.
En conséquence, l’amendement AS241 devient sans objet.
La Commission aborde l’amendement AS218 de Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Cet amendement vise à permettre aux logements-foyers et aux résidences-autonomie d’accueillir, dans une faible proportion dont le maximum sera à fixer par décret, des étudiants ou de jeunes travailleurs.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Si l’amendement est bien rédigé, il me semble difficile de fixer une règle générale à ce stade de notre débat. Il est déjà possible aujourd’hui de juxtaposer des structures, comme nous l’avons vu lors de nos déplacements.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 11 modifié.
Article 12
(Art. L. 633-3 du code de la construction et de l’habitation)
Durée des contrats d’accueil et contenu des règlements intérieurs des logements-foyers accueillant des personnes âgées et des adultes handicapés
L’article 12 harmonise la réglementation relative à la durée des contrats d’accueil et aux règlements intérieurs des logements foyers accueillant des personnes âgées et des adultes handicapés afin de mettre fin à une incompréhension trop fréquente des règles applicables.
• Les règles générales applicables aux foyers-logements
Selon l’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH), un logement-foyer est un établissement destiné au logement collectif à titre de résidence principale de personnes dans des immeubles comportant à la fois des locaux privatifs et des espaces collectifs. L’entrée dans un logement foyer est dès lors subordonnée à la conclusion d’un contrat d’accueil écrit entre la personne logée et le gestionnaire qui fixe les conditions et les modalités d’accueil, notamment les prestations assurées et leur prix. L’alinéa 8 de l’article L. 633-2 du CCH prévoit que ce contrat est conclu pour une durée d’un mois, reconduite tacitement à la seule volonté de la personne logée.
La vie au sein du logement-foyer est régie par le règlement intérieur, qui est défini par le gestionnaire et définit les droits et devoirs des personnes accueillies. L’alinéa 3 de l’article L. 633-2 prévoit que la signature du contrat d’accueil par la personne logée vaut acceptation du règlement intérieur de l’établissement et que le règlement intérieur est annexé au contrat.
• Les logements-foyers accueillant des personnes âgées et des adultes handicapés
Les logements-foyers qui accueillent des personnes âgées sont une des catégories des services sociaux et médico-sociaux en vertu du 6° du I de l’article L.312-1 du code de l’action sociale et des familles. Il en va de même des établissements qui accueillent des adultes handicapés ou de certains services à caractère expérimental, visés respectivement par les 7° et 12° du I de l’article L.312-1 du même code.
Les modalités d’établissement des contrats d’accueil et des règlements intérieurs dans ces logements-foyers relèvent donc d’une double réglementation : les règles définies par le code de la construction et de l’habitation et les règles définies par le code de l’action sociale et des familles.
Concernant la durée du contrat, l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles relatif aux établissements et services sociaux et médico-sociaux habilités à l’aide sociale laisse au contrat lui-même le soin de la définir. Et l’article L.342-1 relatif aux établissements non habilités à l’aide sociale prévoit que le contrat est conclu à durée indéterminée.
Concernant les règles opposables aux usagers, l’article L. 311-7 du code de l’action sociale et des familles prévoit l’édiction d’un règlement de fonctionnement par chaque établissement et service social ou médico-social. Ce dernier est établi après consultation notamment du conseil de la vie sociale (25), ce qui garantit la participation des usagers des services sociaux et médico-sociaux.
L’obligation de combiner ces deux séries de dispositions pose des difficultés aux gestionnaires des logements-foyers. En effet, selon une enquête conduite en 2011 par l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), gestionnaire de la majorité des logements-foyers, 19 % gestionnaires méconnaissent les règles définies au code de l’action sociale et des familles en matière de durée de contrat, et 28 % annexent au contrat un règlement intérieur plutôt qu’un règlement de fonctionnement ou annexent au contrat deux règlements différents (26).
• La définition expresse des règles applicables
Le présent article établit donc une règle uniforme à des fins de clarté et d’accessibilité du droit. Elle est codifiée dans le code de la construction et de l’habitation à la suite de l’article L.633-2, fixant les règles relatives au contenu du contrat d’accueil applicable aux logements-foyers. À titre dérogatoire, les logements-foyers qui relèvent des services sociaux et médico-sociaux doivent appliquer les dispositions du code de l’action sociale et des familles.
Cette dérogation est établie à l’article L. 633-3 du code de la construction et de l’habitation, par remplacement des dispositions, désormais dénuées de portée, qui y figurent actuellement : un délai de six mois (à compter du 13 décembre 2000) accordé aux gestionnaires pour présenter une offre de contrat à tous les résidents hébergés, mesure transitoire, prévue par l’article 194 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains qui a instauré le contrat d’accueil.
L’alinéa 2 du présent article prévoit donc à l’alinéa 1 de l’article L. 633-3 que la durée du contrat d’accueil défini au code de la construction et de l’habitation est celle du contrat de séjour applicable aux établissements médico-sociaux en vertu de l’article L.311-4 du code de l’action sociale et des familles, y compris les établissements non habilités à l’aide sociale relevant de l’article L. 342-1 du même code. L’alignement sur les règles du code de l’action sociale et des familles est obligatoire en matière de durée du contrat. Mais le gestionnaire reste libre d’insérer dans le contrat de séjour des clauses et mentions obligatoires des contrats d’accueil.
L’alinéa 3 prévoit, à l’alinéa 2 de l’article L. 633-3, que le règlement de fonctionnement mentionné à l’article L. 311-7 du code de l’action sociale et des familles tient lieu de règlement intérieur.
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La Commission adopte l’article 12 sans modification.
Article 13
(Art. L. 342-1 du code de l’action sociale et des familles)
Revalorisation des redevances des logements-foyers conventionnés au titre de l’aide personnalisée au logement et non habilités à l’aide sociale
Dans la continuité de l’article 12, cet article procède à la clarification des règles applicables aux établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) soumis à une double réglementation au titre du code de la construction et de l’habitation et du code de l’action sociale et des familles. Il apporte une clarification attendue par les gestionnaires de logements-foyers en matière d’application aux redevances acquittées par les résidents des différentes séries de règles de revalorisation annuelle.
• L’encadrement des tarifs des EHPA non habilités à l’aide sociale
Les résidents d’EHPA non habilités à l’aide sociale acquittent une redevance dont le montant est librement fixé lors de la signature du contrat de séjour en application de l’alinéa premier de l’article L. 342-3 du code de l’action sociale et des familles. Mais son évolution est encadrée dans la limite d’un pourcentage fixé chaque année par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances, compte tenu de l’évolution des coûts de la construction, des produits alimentaires et des services.
L’article L. 342-1 précise le champ d’application de cette règle en dressant la liste des établissements qui y sont soumis. Au 3° de l’article L. 342-1 figurent les établissements « conventionnés au titre de l’aide personnalisée au logement (APL) et non habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ».
• Les cas d’indexation sur l’indice de référence des loyers
Le conventionnement APL emporte application de règles distinctes. Une partie de la redevance, constituée de la contrepartie de l’occupation du logement, évolue alors dans le cadre du conventionnement APL, conclu entre l’État et les bailleurs conformément à l’article L. 353-2 du code de la construction et de l’habitation et à ses mesures réglementaires d’application.
L’article R. 353-156 du même code précise ainsi que cette convention définit la part de la redevance qui, contrepartie de l’occupation du logement, est assimilable au loyer et aux charges locatives récupérables : elle est seule prise en compte pour l’application du barème de l’aide personnalisée au logement. Son montant est plafonné par l’article R. 353-157 dont le troisième alinéa autorise, en outre, la réactualisation du montant au 1er janvier de chaque année dans la limite de ce maximum et de l’indice de référence des loyers (IRL). L’article R. 353-158 définit les charges prises en compte dans l’équivalent du loyer ainsi qu’un forfait équivalent aux charges locatives récupérables, sommes accessoires au loyer principal (27).
Aussi, seule la part de la redevance prise en compte pour l’application du barème de l’aide personnalisée au logement, constituée du loyer et des charges locatives récupérables, évolue en fonction de l’indice de référence des loyers. Pour l’ensemble des autres composantes de la redevance, il convient d’appliquer l’indexation dans la limite de l’arrêté ministériel définie à l’article L. 342-3 du code de l’action sociale et des familles.
• L’imprécision de la règle actuelle et la clarification projetée
Mais, dans sa rédaction actuelle, le 3° de l’article L. 342-1 voit son application restreinte aux « prestations non prises en compte dans le calcul de la redevance définie aux articles R. 353-156 à R. 353-159 du code de la construction et de l’habitation ».
L’interprétation de cet alinéa paraît incertaine. Sa rédaction actuelle peut sembler définir les modalités de « calcul de la redevance » tout entière par renvoi aux règles du code de la construction et de l’habitation pourtant applicables aux seuls loyers et charges locatives récupérables. Dès lors, l’article est parfois compris par les opérateurs et les résidents comme soumettant l’intégralité de la redevance à une augmentation annuelle en fonction de l’indice de référence des loyers.
Aussi, l’alinéa 2 du présent article substitue à la rédaction actuelle du 3° de l’article L. 342-1 une référence expresse aux « prestations qui ne sont pas prises en compte dans le calcul de la part de la redevance assimilable au loyer et aux charges locatives récupérables conformément aux conventions mentionnées à l’article L. 353-2 du code de la construction et de l’habitation ».
La portée des règles définies au code de la construction et de l’habitation est donc circonscrite à une « part de la redevance ». Par ailleurs, dans une logique de lisibilité du droit, la définition des règles applicables procède par renvoi aux dispositions de portée législative de ce code, plutôt qu’à des dispositions réglementaires.
Cette nouvelle rédaction établit donc sans conteste que la part de la redevance qui n’est pas assimilable au loyer et aux charges locatives récupérables, varie, comme pour l’ensemble des établissements accueillant des personnes âgées régis par le code de l’action sociale et des familles, dans la limite d’un pourcentage fixé annuellement par le ministre de l’économie.
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La Commission adopte l’article 13 sans modification.
Article 14
(Art. L. 411-10 du code de construction et de l’habitation)
Amélioration du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux
L’article 14 étend aux logements-foyers ainsi qu’aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), le champ d’application l’article L. 411-10 du code de la construction et de l’habitation qui prévoit la tenue, par le ministère chargé du logement, du répertoire des logements locatifs dont des bailleurs sociaux sont titulaires d’un droit réel immobilier ou dont ils sont usufruitiers.
Ce répertoire, actualisé chaque année, permet de fixer l’état du parc des logements locatifs de ces bailleurs et précise notamment le nombre de logements, les modifications intervenues au cours de l’année écoulée, les taux d’occupation, et les niveaux des loyers. Or, dans sa rédaction actuelle, l’article L. 411-10 ne mentionne que des « logements locatifs », ce qui en écarte les différentes catégories de logements sociaux collectifs. Aussi, le répertoire ne couvre pas les logements-foyers accueillants spécifiquement des personnes âgées.
• La prise en compte des logements-foyers et des centres d’hébergement et de réinsertion sociale
Le présent article ajoute un nouvel alinéa à l’article 411-10 afin de prévoir de façon expresse que les logements visés sont non seulement les « logements autonomes en habitations individuelles ou collectives » mais aussi « les logements des logements-foyers définis à l’article L. 633-1, ainsi que les logements des centres d’hébergement et de réinsertion sociale mentionnés à l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles ».
Concernant les logements-foyers, le renvoi à l’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation conduit à viser les différentes catégories de publics concernées, puisqu’y sont cités les personnes âgées, les personnes handicapées, les jeunes travailleurs, les étudiants, les travailleurs migrants ou les personnes défavorisées. Concernant les CHRS, le renvoi à l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles vise les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d’insertion, qui ont besoin d’une aide pour recouvrer leur autonomie personnelle et sociale. Sont également visés les étrangers s’étant vus reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
L’article L. 411-10 fait reposer l’obligation de transmission à l’État des informations nécessaires à la tenue du répertoire sur les seuls bailleurs sociaux « titulaires d’un droit réel immobilier ou dont ils sont usufruitier ». Or, les logements-foyers ne sont pas toujours gérés par le propriétaire lui-même mais par un tiers gestionnaire, associatif par exemple, ou un centre communal d’action sociale. Seuls les gestionnaires étant en mesure d’établir les données utiles au répertoire, votre rapporteure souligne qu’une bonne communication entre ces différents acteurs permettra de remplir cette obligation nouvelle et d’améliorer, dans les faits, la connaissance du parc locatif social.
Par coordination, l’alinéa 5 du présent article harmonise la rédaction du dixième alinéa de l’article L. 411-10 qui prévoit que la transmission des informations nécessaires à la tenue du répertoire vaut production de l’inventaire par commune des logements sociaux défini à l’article L. 302-6 du code de la construction et de l’habitation.
Cet inventaire doit en effet être obligatoirement remis chaque année au préfet tant par les propriétaires que par les gestionnaires de logements sociaux ; s’ils satisfont à l’obligation de transmission des informations nécessaires à l’établissement du répertoire, les propriétaires sont dispensés de cette transmission, dès lors redondante. Or, dans la rédaction actuelle de l’article L. 411-10, la transmission au titre du répertoire ne vaut pas dispense de transmission au titre de l’inventaire pour « les logements ou lits mentionnés au 4° de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation», soit les logements ou lits des logements-foyers des personnes âgées, de personnes handicapées, de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants et des logements-foyers dénommés résidences sociales. Cette exception est logique tant que ces logements sont exclus du champ du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux ; l’inclusion opérée par les alinéas 3 et 4 du présent article nécessite donc de supprimer cette exception.
• L’actualisation de la liste des bailleurs sociaux concernés
La liste des bailleurs sociaux sur lesquels repose l’obligation de transmission des informations nécessaires à la tenue du répertoire est limitativement énumérée aux 1° à 5° de l’article L. 411-10.
Or une actualisation de cette liste est devenue nécessaire, à laquelle procède l’alinéa 2. Il supprime du 3° de l’article L. 411-10, la mention de « l’établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais » (Epinorpa). En effet, cet établissement public régional à caractère industriel et commercial développe désormais ses activités dans le cadre de la société de gestion immobilière du Nord – Pas-de-Calais (Soginorpa) dont elle détient la totalité des actions, et par le biais de filiales sous l’enseigne « Maisons et Cités ». La société anonyme d’habitations à loyer modéré correspondante, « Maisons & Cités Soginorpa » entre donc dans le cas prévu au 1° de l’article L. 411-10 qui vise les sociétés HLM mentionnées à l’article L. 411-2.
Il n’est donc plus nécessaire de mentionner l’Epinorpa de manière spécifique au 3° de l’article L. 411-10, où seule est dès lors maintenue la référence expresse à la « société anonyme Sainte Barbe ». Ce propriétaire de 15 600 logements des Houillères du Bassin de Lorraine est en effet une composante d’une société immobilière à participation majoritaire de la Caisse des dépôts, qui ne relève d’aucune des autres catégories énumérées à l’article L. 411-10.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, sur avis favorable de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement de Mme Dombre Coste, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, visant à permettre aux gestionnaires des logements-foyers de transmettre directement les informations requises par le répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux.
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La Commission examine l’amendement AS34 de la commission des affaires économiques.
Mme Fanny Dombre Coste, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Pour améliorer la connaissance du parc locatif social, l’article 14 élargit le champ du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux aux logements foyers et aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale que ces bailleurs possèdent. Afin de faciliter la transmission des données, l’amendement vise à permettre aux gestionnaires de logements-foyers de transmettre directement l’information à l’État, les bailleurs sociaux n’étant pas toujours gestionnaires de ces foyers
Mme la rapporteure. Avis favorable à cette mesure de simplification. Il conviendra néanmoins que le décret clarifie cette disposition.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine l’amendement AS35 de la commission des affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à écarter du champ du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux les résidences étudiantes. Le renouvellement des résidents y étant très fréquent, il convient d’éviter d’alourdir la gestion de ces résidences.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les gestionnaires de logements étudiants ont l’habitude de faire remonter leurs informations, dont nous avons au demeurant besoin. Il conviendra néanmoins de distinguer les différentes catégories de logements au moment d’exploiter ces données.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Il convient que nous veillions à ne pas alourdir leurs responsabilités en matière de transmission de données. Cela étant, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission adopte l’article 14 modifié.
Section 2
Les autres formes d’habitat avec services
Article 15
(Art. 41-1 à 41-5, 41-6 [nouveau] et 41-7 [nouveau] de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. L. 7232-1-2 du code du travail)
Sécurisation de la gestion des résidences-services
L’article 15 modifie les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis relatives à la gestion commune d’immeubles offrant un logement non meublé ainsi que des services.
Commercialisées soit par la vente de lots, soit par leur location, ces structures privées s’adressent à des personnes âgées autonomes de plus de 60 ans : elles y bénéficient d’un logement privé et de services communs fournis par des équipes présentes sur place.
Conformément à l’alinéa 3 de l’article L. 633-5 du code de la construction et de l’habitation, les résidences-services ne relèvent pas de la réglementation des logements-foyers, qui offrent, elles, à titre de résidence principale, des logements collectifs. De même, les résidences-services se distinguent des établissements sociaux et médico-sociaux régis par le code de l’action sociale et des familles tant en raison du degré d’autonomie des publics accueillis et de la nature des services fournis que du bâti et de l’aménagement des lieux (28). Elles n’entrent donc pas dans le cadre des « résidences autonomie » créées par l’article 11 du projet de loi.
Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, fin 2012, 41 000 personnes de plus de 60 ans vivraient dans 374 résidences comportant 32 000 logements mais le secteur connaîtrait depuis quelques années un très fort développement à partir de modèles de gestion innovants distincts des modèles plus anciens : les projets en cours de réalisation de nombreux promoteurs pourraient ainsi porter le nombre de logements de ce type à 50 000 dès 2015.
Cet essor contraste avec le déclin des modèles de gestions classiques : l’articulation entre le statut de la copropriété et la fourniture de services communs a en effet mis en difficulté plusieurs résidences dont les règlements prévoient la mutualisation complète, entre copropriétaires, des charges occasionnées par ces services. Nombre d’usagers et leurs héritiers se voient ainsi contraints d’acquitter l’ensemble des charges même lorsqu’ils ne souhaitent pas bénéficier des services ou que le logement est vide.
La ventilation et la répartition des différentes catégories de charges spécifiques, et le mode de gestion de ces dernières, constituent le cœur des difficultés rencontrées par certaines résidences services. Le présent article vise donc à sécuriser les modes de gestion de cette forme de copropriété afin d’en permettre le développement particulièrement adapté aux enjeux du vieillissement de la société.
1. Les insuffisances de la réglementation actuelle
Les résidences-services les plus anciennes, initiées dans les années 1960 et 1970, se sont développées dans le cadre du droit commun de la copropriété. Les difficultés rencontrées par certaines d’entre elles à partir des années 2000 ont suscité une première tentative du législateur d’adapter le droit de la copropriété à leurs spécificités : l’article 95 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL) a ainsi introduit les articles 41-1 à 41-5 dans un chapitre IV bis, intitulé « Résidences-services » de la loi du 10 juillet 1965 (29).
L’article 41-1 de la loi du 10 juillet 1965 autorise ainsi expressément le règlement de copropriété à étendre l’objet du syndicat de copropriétaires à la fourniture aux occupants de l’immeuble de certains services spécifiques. Il a ouvert la faculté de prestation de ces services par des tiers.
L’article 41-2 interdit à ces résidences de déroger à l’obligation d’instituer un conseil syndical.
Mais surtout, l’article 41-3 prévoit que les charges relatives aux services de la résidence sont réparties conformément au premier alinéa de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 c’est-à-dire en fonction de l’utilité virtuelle de chaque lot de copropriété, donc selon les tantièmes de copropriété. Il s’agit de charges courantes au sens de l’article 14-1 : elles entrent dans le budget prévisionnel du syndicat.
Si cette règle de répartition des charges communes relève bien du droit commun de la copropriété, le dernier alinéa de l’article 41-3 dans sa rédaction actuelle prévoit que « les dépenses afférentes aux prestations individualisées ne constituent pas des charges de copropriété ». Cette disposition vise donc à distinguer des charges communes les contributions payées lors de chaque utilisation des services, ce qui a en partie sécurisé les gestionnaires.
Enfin les articles 41-4 et 41-5 ont pour but de faciliter la suppression des services communs. L’article 41-4 prévoit que la décision de suppression par le syndicat des copropriétaires est prise à la majorité de l’article 26, soit une majorité qualifiée de deux tiers des membres du syndicat, ce qui constitue un seuil élevé, mais atténué par la faculté, si au moins la majorité des deux tiers des présents a été atteinte, de convoquer une nouvelle assemblée générale où la même décision peut être adoptée s’il y a recueil de cette majorité. L’article 41-5 ouvre la possibilité à un juge statuant comme en matière de référé et saisi par des copropriétaires qui n’auraient pas eu gain de cause en assemblée générale mais qui représenteraient au moins 15 % des voix du syndicat, de décider la suspension ou la suppression d’un service, si son équilibre financier est gravement compromis.
Si elles ont en partie simplifié la prise de décision, ces dispositions n’ont pas permis d’établir une distinction fine entre les différentes catégories de charges acquittées par les résidents : les charges occasionnées par des services dont la mutualisation est consubstantielle au bon fonctionnement de la résidence doivent bien être acquittées par tous les résidents, mais ces derniers peuvent légitimement ne pas souhaiter contribuer aux charges d’entretien de services qu’ils n’utiliseraient jamais et qui ne répondraient pas à leur besoin, ou lorsque leur logement reste inoccupé.
La distinction actuelle entre services spécifiques de l’article 41-1 et dépenses afférentes aux prestations individualisées de l’article 41-3 ne permet pas d’adapter aisément l’offre à la variété des demandes des résidents. En outre, ce schéma ne correspond pas au développement des nouvelles structures majoritairement occupées par des résidents-locataires : dans ce modèle les charges fixes relevant de la copropriété classique, acquittées par les propriétaires, sont mieux distinguées des autres charges relevant d’un contrat de service. Le résident acquitte ces dernières directement en fonction de ses besoins et peut en réduire la liste jusqu’à un contrat minimal.
Enfin, les dispositions actuelles ne font pas obstacle à ce qu’un syndic fournisse lui-même les services spécifiques pourtant distincts des charges de copropriété ordinaires. Ce cumul de fonctions place le syndic en situation de conflit d’intérêts manifeste. En effet l’intervenant qui exploite des services à partir de parties communes affectées à cette fin par le syndicat des copropriétaires peut difficilement être lui-même le syndic, censé préserver les intérêts du syndicat.
Aussi, le I du présent article présente une réécriture globale des dispositions applicables qui préserve cependant certains acquis de la loi du 13 juillet 2006.
2. La distinction entre services spécifiques non individualisables et services individualisables
• Les services spécifiques non individualisables
Aux alinéas 2 à 6, l’article 41-1 dans sa nouvelle rédaction, restreint le champ d’application des règles actuelles relatives aux services communs : elles recouvrent désormais des catégories de services spécifiques qui « du fait qu’ils bénéficient par nature à l’ensemble des occupants ne peuvent être individualisés ».
La définition de ces catégories est renvoyée à un décret. Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, pourraient y figurer la permanence d’accueil, l’accès à l’ensemble des locaux de services collectifs. Cette catégorie est donc plus étroite que celle de services spécifiques énumérés à l’article 41-1 dans sa rédaction actuelle : restauration, surveillance, aide ou loisir notamment. Après avoir auditionnés les différents intervenants du secteur, votre rapporteure considère cependant que la réflexion n’est pas totalement aboutie sur ce point et doit être poursuivie avec l’ensemble des parties prenantes. Ainsi, s’agissant de la restauration, il paraît de bonne économie de faire relever des charges non individualisables les dépenses attachées au local de restauration, voire à une cuisine sur place : seul le prix du repas devrait être individualisé et facturé en fonction de la réalité de sa consommation.
L’alinéa 3 maintient pour les seuls services qui ne peuvent être individualisés les règles existantes de répartition des charges conformément aux tantièmes des lots et leur vote dans le budget prévisionnel de la copropriété. À nouveau, pour ces seules charges étroitement circonscrites, les alinéas 4 et 5 reprennent respectivement les dispositions des articles 41-4 et 41-5 dans leur rédaction actuelle : suppression de ces services par décision de l’assemblée générale des copropriétaires et cas d’intervention du juge.
Enfin, l’alinéa 6 fait figurer, sans modification, au dernier alinéa de l’article 41-1 dans sa nouvelle rédaction les dispositions figurant à l’alinéa 2 de l’article 41-1 dans sa rédaction actuelle. Il maintient l’interdiction pour la copropriété de fournir des « services de soins ou d’aide et d’accompagnement exclusivement liés à la personne, qui ne peuvent être fournis que par des établissements et des services » sociaux et médico-sociaux relevant du I de l’article L. 312-1 du CASF. De tels services, distincts des prestations courantes de service à la personne, doivent en effet relever exclusivement de la réglementation sanitaire, sociale et médico-sociale.
• Les services individualisables
À la distinction actuelle entre services spécifiques et prestations individualisées, le présent article substitue la distinction entre services spécifiques qui ne peuvent être individualisés et services spécifiques individualisables.
Ces derniers sont simplement mentionnés et non définis en tant que tels à l’alinéa 7, par l’article 41-2. Ils recouvreront logiquement tous les services qui ne figureront pas dans le décret prévu à l’article 41-1 relatif aux services spécifiques qui ne peuvent être individualisés.
Alors que la prestation individualisable est tarifée directement au consommateur, à chaque utilisation, le service spécifique individualisable comporte des coûts fixes de fonctionnement : ils ne sont désormais plus acquittés par la copropriété toute entière mais par les seuls utilisateurs du service.
Mais les services individualisables de la résidence sont bien fournis dans les parties communes de celle-ci. Aussi, l’article 41-2 autorise également l’affectation de parties communes à la fourniture aux occupants de l’immeuble de ces services individualisables et prévoit que le règlement de copropriété définit la répartition des dépenses d’entretien et de fonctionnement liées à ces parties communes. Une partie de cette charge pourra donc être supportée par l’exploitant des services individualisables, et donc par l’utilisateur final.
3. La fourniture des services individualisables par des prestataires extérieurs
• Un domaine interdit au syndic de copropriété
À l’alinéa 14, le dernier alinéa de l’article 41-6 (nouveau) dispose que « le prestataire des prestations individualisables et non individualisables ne peut être le syndic, ses préposés, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, ses parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclus. »
Il est donc mis fin à tout risque de conflit d’intérêts pour le syndic de copropriété, recentré sur ses tâches principales, définies à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 : assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l’assemblée générale, administrer l’immeuble, pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien ou assurer la gestion comptable et financière du syndicat…
• Le choix des prestataires extérieurs
Les services spécifiques de la résidence, qu’ils soient individualisables ou non seront donc rendus par des tiers.
À l’alinéa 3, le deuxième alinéa de l’article 41-1 prévoit que « les services non individualisables sont procurés en exécution d’une convention conclue avec des tiers ». À l’alinéa 8, l’article 41-3 prévoit également que les conditions d’utilisation par les tiers des parties communes destinées à des services spécifiques individualisables sont fixées par voie de convention. Il s’agit d’un prêt à usage, défini à l’article 1875 du code civil : un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servie. Cette convention est réputée à titre gratuit : le prestataire n’a donc pas à payer en contrepartie du simple droit d’occuper les parties communes mais il devra bien acquitter les charges liées à l’utilisation des parties communes. Il est prévu que cette convention est conclue pour une durée de cinq ans renouvelable.
La prise de décisions d’assemblée générale sur les services spécifiques individualisables est simplifiée. À l’alinéa 9, l’article 41-4 prévoit que les prestataires appelés à fournir les services spécifiques individualisables sont désignés à la majorité de l’article 25 et, le cas échéant, de l’article 25-1. Un vote distinct à la même majorité porte sur les termes de la convention prévue par l’article 41-3 ayant pour objet le prêt gratuit des parties communes affectées aux services individualisables.
Cette majorité est plus aisée à atteindre que celle de l’article 26 : l’article 25 exige la majorité absolue des voix de tous les copropriétaires et non deux tiers des voix. En outre l’article 25-1 prévoit une « passerelle de majorités » permettant d’adopter la même décision à la majorité prévue à l’article 24, c’est-à-dire la majorité absolue des copropriétaires présents ou représentés : lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité absolue des copropriétaires mais que le projet a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat, la même assemblée peut décider à la majorité prévue à l’article 24, en procédant immédiatement à un second vote. Et lorsque le projet n’a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, une nouvelle assemblée générale, convoquée dans le délai maximal de trois mois, peut statuer à la majorité de l’article 24.
Ainsi, les copropriétaires d’une résidence-services pourront plus facilement définir le contenu des services fournis par la résidence ce qui permettra de mieux adapter les services à l’évolution des besoins des résidents. En revanche, à l’alinéa 11, l’article 41-5 maintient la majorité de l’article 26 concernant les modifications du règlement de copropriété emportant désaffectation des parties communes affectées aux services spécifiques individualisables. Elles doivent être notifiées par le syndic aux prestataires concernés et entraînent la résiliation de plein droit des conventions de prêt et de fourniture de service conclus avec les prestataires. Le maintien d’un seuil de majorité plus élevé paraît pleinement justifié car une fois désaffectées, les parties communes entrent de nouveau dans les charges courantes de la copropriété.
Par coordination, à l’alinéa 10, l’article 41-4 prévoit que la durée des contrats individuels de prestation ne peut excéder celle du prêt dont ces derniers bénéficient. Il s’agit d’éviter que les utilisateurs ne soient soumis à des contrats relatifs aux services individualisables, des abonnements par exemple, dont le terme dépasserait celui du droit d’exploitation des parties communes par le fournisseur du service.
• La fin de la dérogation à la règle d’activité exclusive des services d’aide à la personne.
Le II, au dernier alinéa du présent article, supprime le 4° de l’article L. 7232-1-2 du code du travail afin de retirer les résidences-services de la liste des structures qui bénéficient d’une dérogation au principe de l’activité exclusive des organismes prestataires de services d’aide à la personne.
L’article premier de la loi n°2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne a en effet posé un principe, actuellement codifié à l’article L. 7232-1-1 du code du travail, d’activité exclusive pour les services à la personne demandant à bénéficier d’un agrément délivré par l’État au regard de critères de qualité. De nombreuses dérogations à ce principe ont été instaurées, par exemple pour les régies de quartiers, les communes et les centres communaux d’action sociale et les services et établissements sociaux et médico-sociaux autorisés.
Aussi l’article 14 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 a étendu cette dérogation aux résidences-services, dans le but de favoriser le développement de cette formule d’habitat pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Il s’agissait de permettre aux résidences-services de bénéficier, au titre des prestations assimilables à des activités de services à la personne proposées à leurs résidents, des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les organismes se consacrant exclusivement à ces activités.
La dissociation des gestionnaires de la résidence et des services d’aide et d’accompagnement à domicile paraît justifier la suppression de cette dérogation. Les prestations d’aide et d’accompagnement à domicile, individualisables, pourront ainsi être fournies par des intervenants extérieurs, bénéficiant, en propre, d’un agrément.
Cependant votre rapporteure souligne que le nouveau régime juridique des résidences services garantit d’ores et déjà la transparence du choix du prestataire des services individualisés. Dans de nombreux cas, il pourrait être utile que cet intervenant fournisse également certaines prestations non individualisées, sans toutefois être le syndic. La suppression de la dérogation à la condition d’exercice exclusif obligerait dans ce cas à créer artificiellement deux entités juridiques. Son maintien pourrait donc être justifié, au bénéficie, le cas échéant, d’un aménagement.
4. Le conseil syndical et le conseil des résidents
Aux alinéas 12 et 13, l’article 41-6, nouveau, reprend les dispositions de l’article 41-2 dans sa rédaction actuelle : le syndicat des copropriétaires ne peut déroger à l’obligation d’instituer un conseil syndical qui donne obligatoirement son avis sur les projets de conventions relatives aux services non individualisables et aux services individualisables. Il en surveille l’exécution et présente un bilan chaque année à l’assemblée générale.
En conséquence, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 41-2 dans sa rédaction actuelle sont supprimées : elles autorisent l’assemblée générale des copropriétaires à déléguer au conseil syndical, à la majorité absolue des voix du syndicat, les décisions relatives à la gestion courante des services spécifiques. Or cette gestion courante ne saurait désormais avoir lieu en dehors du cadre des conventions approuvées par l’assemblée générale et dont le conseil syndical surveille l’exécution.
Les alinéas 15 à 18 établissent un article 41-7, nouveau, qui prévoit l’obligation de mise en place d’un « conseil des résidents » constitué des personnes demeurant à titre principal dans la résidence. Il se distingue donc du conseil syndical, émanation de l’assemblée générale des seuls copropriétaires : ses membres peuvent être des propriétaires occupants mais également des locataires.
Il bénéficie de garanties d’information : réuni par le syndic avant la tenue de l’assemblée générale des copropriétaires, il se voit communiquer l’ordre du jour de cette assemblée. Le syndic met à sa disposition un local de réunion et lui communique les comptes rendus de l’assemblée générale ainsi que toutes les informations relatives aux services fournis dans la résidence. Ainsi le conseil se trouve en mesure d’émettre un avis sur le besoin de création ou de suppression d’un service.
L’institution de ce conseil ne constitue pas seulement un garantie de qualité des relations entre les usagers des services et leurs prestataires d’une part, entre les résidents locataires et les propriétaires bailleurs d’autre part. L’alinéa 18 prévoit la rédaction, par un secrétaire du conseil des résidents, d’un compte rendu de séance qui est cosigné par le syndic et adressé à tous les résidents : ce compte rendu des réunions du conseil des résidents est remis à toute personne intéressée préalablement à la signature d’un contrat de bail d’habitation ou à la cession d’un lot dans la résidence.
Les travaux du conseil des résidents renforceront donc l’information des futurs résidents : le parcours résidentiel d’une personne âgée désireuse de s’établir dans une résidence-services en sera sécurisé.
5. Les modalités de transition
Le présent article ne prévoit pas l’application de mesures spécifiques pour les résidences services qui fonctionnent actuellement sur un modèle intégré ou dont le syndic gère directement les services spécifiques. L’étude d’impact jointe au projet de loi envisage un basculement progressif des résidences services de première génération dans le nouveau modèle sur la base des conclusions d’une mission d’audit confiée à l’Inspection générale des affaires sociales et au Conseil général de l’environnement et du développement durable, qui rendra ces conclusions à l’automne 2014. Ces évolutions pourront donc être définies dans le cadre de l’examen du projet de loi.
Au demeurant, le présent article n’apporte aucune modification à l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 qui définit les dispositions d’ « ordre public » de celle-ci : toutes clauses des règlements de copropriété contraires aux dispositions de la loi recensées par cet article sont ainsi réputées non écrites. Or l’article 95-III de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 a donné cette portée aux articles 41-1 à 41-5 dans leur rédaction actuelle.
Ainsi, à défaut de mesures transitoires, le propriétaire d’un lot d’une résidence-services dont le règlement de copropriété ne serait pas modifié conformément aux dispositions projetées pourrait contester la validité de ses clauses : il pourrait par exemple réclamer le remboursement des charges imputées au titre de services spécifiques mutualisés dans sa résidence-services mais ne figurant pas au nombre des services spécifiques non individualisés définis par le décret prévu à l’article 41-1 dans sa nouvelle rédaction.
Votre rapporteure considère donc qu’une clarification devra nécessairement être apportée afin la fin de l’examen du projet de loi.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, votre commission des affaires sociales, outre trois modifications rédactionnelles présentées par la rapporteure, a adopté un amendement de la rapporteure étendant à l’ensemble des occupants de la résidence-services la disposition permettant aux utilisateurs de services spécifiques individualisés de ne pas être soumis à des contrats de services dont le terme dépasserait celui du droit pour le fournisseur d’exploiter les parties communes affectées au service.
Sur avis favorable de la rapporteure, la commission a également adopté un amendement des commissaires SRC définissant le conseil des résidents comme une instance consultative de mise en œuvre d’un espace de discussion entre les résidents et les copropriétaires et de relais pour les demandes et les propositions des résidents.
Sur proposition de la rapporteure, la commission a en outre adopté un amendement précisant que le compte rendu des réunions du conseil des résidents remis à toute personne intéressée préalablement à la signature d’un contrat de bail ou de cession de lots de la résidence-services doit couvrir les trois années précédentes, si ces réunions ont eu lieu. Il s’agit de mieux préciser cette obligation afin d’éviter par exemple une contestation postérieure à la conclusion d’un bail ou d’une promesse de vente motivée par le fait que ce compte-rendu ne couvrirait pas l’ensemble des réunions passées du conseil des résidents. Cette durée d’antériorité est calquée sur celle des procès-verbaux des assemblées générales de copropriété obligatoirement annexés à une promesse de vente.
Enfin, sur proposition conjointe de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques et de plusieurs commissaires UMP, sur avis favorable de la rapporteure, la commission a maintenu la dérogation relative à la condition d’activité exclusive au bénéfice des résidences services pour leur agrément au titre des services à la personne.
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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS334 et AS335 de la rapporteure.
Puis elle examine l’amendement AS336 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. C’est un amendement de rectification, qui remplace le terme de « copropriétaire » par celui d’ « occupant ».
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS337 de la rapporteure.
Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement AS207 de Mme Hélène Geoffroy.
Mme Joëlle Huillier. L’amendement a pour objet de préciser que le conseil des résidents a notamment pour objectif la mise en œuvre d’un espace de discussion entre les résidents et les copropriétaires et qu’il sert de relais aux demandes et aux propositions des résidents.
Mme la rapporteure. Le conseil des résidents constitue un vrai progrès. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’examen de l’amendement AS338 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement fixe le nombre de comptes rendus de réunion des conseils de résidents devant être communiqués à toute personne intéressée, préalablement à la signature d’un contrat de bail. Nous proposons d’aligner la règle sur celle relative aux procès-verbaux d’assemblée générale de copropriété et d’étendre cette obligation aux trois années précédentes.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS36 de la commission des affaires économiques et AS243 de Mme Bérengère Poletti.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. L’article 15 réforme le fonctionnement des résidences services en distinguant les services non individualisables des services individualisables, pour mieux répartir les charges, mais également pour mieux garantir l’avenir de ce modèle économique et protéger les occupants. Les syndics ne pourront plus être prestataires de services. L’amendement propose de maintenir la dérogation à la condition d’activité exclusive quand l’exploitant, qui n’est pas le syndic, est fournisseur de services, afin d’éviter qu’il ait à créer deux structures différentes.
Mme Bérengère Poletti. Le projet de loi entend supprimer la dispense de condition d’activité exclusive pour les résidences services relevant de la loi du 10 juillet 1965. Or de nombreux gestionnaires de résidences services pour seniors, dites de « nouvelle génération », assurent à ce jour, par le biais notamment d’une convention passée avec le syndicat de copropriétaires, tant l’exploitation des locaux consacrés à la mise en œuvre des services que la fourniture des services eux-mêmes. Ils doivent pouvoir continuer à bénéficier de l’exonération de la condition d’activité exclusive.
Mme la rapporteure. Je suis favorable à ces amendements. Je précise néanmoins que la suppression de la dérogation vise à réduire les risques de conflit d’intérêts et à éviter que les résidents ne constituent parfois une clientèle captive. Je suggère donc de maintenir la dérogation à ce stade de nos discussions, mais de travailler à une nouvelle rédaction de l’article L. 7232-1-2 du code du travail.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l’article 15 modifié.
La Commission examine l’amendement AS208 de Mme Hélène Geoffroy.
M. Christophe Sirugue. Cet amendement vise à préciser que l’habitat participatif, les maisons autogérées, solidaires et citoyennes, comme, par exemple, la Maison des Babayagas, ont vocation à permettre à des personnes âgées ou à des groupes intergénérationnels de s’associer.
Mme la rapporteure. Cet amendement est satisfait par l’article L. 200-1 du code de la construction et de l’habitation qui prend déjà en compte la dimension citoyenne de l’habitat participatif, et il ne me paraît pas utile de mentionner spécifiquement les personnes âgées.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient ensuite à l’examen de l’amendement AS38 de la commission des affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement concerne l’intermédiation locative et les associations, de plus en plus nombreuses, en particulier dans les grands centres urbains universitaires, qui mettent en relation des personnes âgées et des jeunes en vue d’un hébergement. Ce type d’activité ne bénéficie aujourd’hui d’aucun cadre juridique précis, ce qui est source d’insécurité. Il est donc proposé de généraliser le bénéfice de l’agrément délivré aux organismes d’intermédiation locative à ces associations.
Mme la rapporteure. Cet amendement pose la question du cadre juridique dans lequel s’opère la mise en relation des personnes âgées et des jeunes qu’ils hébergent. Cependant le dispositif de gestion locative sociale n’est pas nécessairement le cadre approprié, car il est réservé à la gestion locative directe de logements destinés aux personnes en difficulté. Avis défavorable.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. L’association Le Pari solidaire, qui œuvre dans ce champ, ne s’occupe que d’intermédiation locative et met en relation des personnes âgées et des jeunes – étudiants pour la plupart.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement AS40 de la commission des affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Il existe aujourd’hui de nombreuses initiatives, qu’elles soient citoyennes, portées par les collectivités ou les organismes HLM eux-mêmes, visant à développer des logements intermédiaires pour les personnes âgées. Les Babayagas, les béguinages, le projet OCTAVES à Lille ou les projets portés par la Mutualité française sont autant d’exemple de l’expansion de ce champ qui répond à la nécessité de développer, à côté des résidences services privées, qui coûtent entre 1 500 et 5 000 euros par mois, un autre type d’offres, entre, d’une part, les EHPAD, très médicalisés et, d’autre part, les logements-foyers, ou résidences autonomie, qui ne peuvent répondre à toutes les demandes.
Ces projets ne s’inscrivent aujourd’hui dans aucun cadre juridique précis, permettant de sécuriser à la fois les procédures d’attribution des logements et la gestion des charges de services non individualisables et mutualisables proposés aux locataires. Cet amendement propose donc quelques éléments de solution pour favoriser le développement de ces résidences services à coût social.
Mme la rapporteure. Je suis consciente qu’il faut sécuriser l’habitat intermédiaire destiné aux personnes âgées mais votre amendement soulève quelques problèmes. En premier lieu, vous subordonnez l’attribution d’un logement à la signature par la personne âgée locataire d’une charte de souscription à des services qui impliquent nécessairement pour elle un surcoût. Par ailleurs, les bailleurs sociaux perçoivent des subventions de l’État pour construire et gérer des logements, et non pour fournir des services sociaux ou médico-sociaux. La réflexion sur le sujet – notamment sur le rôle des gardiens-concierges – ne me semble pas suffisamment aboutie, et j’émets donc un avis défavorable.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Aujourd’hui, 30 % des locataires du parc HLM ont plus de 65 ans, et cette proportion va croître fortement dans les années à venir. C’est donc un vrai problème de société et ce d’autant plus que ce type d’habitat intermédiaire, qui se développe sur l’ensemble du territoire, correspond à une véritable attente de la part de nos concitoyens.
M. Denis Jacquat. Dans les communes qui proposent des services d’aide à domicile et des soins infirmiers à domicile, les résidences seniors à but non lucratif gérées par les sociétés HLM et proposant des logements plus grands que les F1 des logements-foyers offrent déjà, à des tarifs abordables, des solutions adaptées aux personnes âgées.
Mme Jeanine Dubié. De nombreuses initiatives ont vu le jour depuis une dizaine d’années autour de l’habitat intermédiaire. Il devient donc nécessaire de lui donner des bases juridiques solides pour protéger les personnes qui y ont recours. Cela étant, je suis défavorable au fait de lier l’attribution d’un logement à l’obligation d’avoir recours aux services qui l’accompagnent. C’est une atteinte à la liberté individuelle des locataires, qui ont le droit de choisir qui ils souhaitent voir intervenir dans leur domicile. Je suis donc, comme la rapporteure, défavorable à l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient aux amendements identiques AS244 de Mme Bérengère Poletti et AS283 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Bérengère Poletti. De nombreuses résidences services pour seniors dites de « nouvelle génération » ont été créées en dehors du statut fixé par le chapitre IV bis de la loi du 10 juillet 1965. Ces résidences, qu’elles appartiennent à un propriétaire unique ou qu’elles relèvent d’autres montages juridiques relatifs à la copropriété, sont gérés par un organisme qui assure l’entretien et l’exploitation des locaux de services de la résidence et délivre les services aux habitants de la résidence. Un socle de services communs – accueil, espace de convivialité, présence permanente de professionnels formés aux premiers secours, etc. – est proposé à tous les résidents, qui s’acquittent d’une facture mensuelle pour en couvrir les frais d’exploitation. En fonction de leurs besoins, les résidents choisissent librement d’autres services à la carte, qui peuvent être délivrés directement par le gestionnaire de la résidence s’il bénéficie de l’agrément services à la personne. Ainsi, le résident peut bénéficier de l’assistance personnalisée, du ménage ou d’autres services.
Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de définir précisément ce que sont les résidences services pour seniors, en les distinguant des autres types de résidences services.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les résidences services sont définies avec précision à l’article 15. Par ailleurs, une mission sur ces résidences services a été confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Je propose que nous reconsidérions la question lorsque l’Inspection aura rendu ses conclusions.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l’amendement AS284 de Mme Gilda Hobert.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à permettre le développement de toutes les formes d’habitat regroupé susceptibles de concilier sécurité et liberté. Les mentionner dans une loi portant sur l’adaptation de la société au vieillissement permettra de les reconnaître comme des solutions alternatives à l’accueil en EHPAD. L’audit en cours mené par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) permettra de définir avec plus de précision, par décret, leurs modalités de fonctionnement.
Mme la rapporteure. L’habitat regroupé ne s’adresse pas seulement aux personnes âgées. Par ailleurs, la mutualisation des aides individuelles est une notion qui mérite d’être précisée, et l’on ne peut se contenter d’en renvoyer la définition à un décret. Avis défavorable.
Mme Jeanine Dubié. Par mutualisation des aides individuelles, je n’entendais pas mutualisation des aides financières individuelles, mais mutualisation des prestations de services, chacun participant, par exemple, à la rémunération de la personne chargée de l’entretien.
M. Denis Jacquat. Les personnes d’un certain âge souhaitent bénéficier d’un éventail de propositions en matière de logement. Toutes en effet ne sont pas dépendantes mais recherchent néanmoins des formes d’habitat qui allient à la sécurité, qualité de services et convivialité. Cet amendement me paraît donc très intéressant, et le groupe UMP le soutiendra.
La Commission rejette l’amendement.
Article additionnel après l’article 15
Rapport au Parlement sur le logement intergénérationnel
Sur proposition de Mme Dombre Coste, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, et sur avis favorable de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel demandant un rapport du Gouvernement au Parlement afin d’étudier les possibilités d’encadrement de l’habitat intergénérationnel, de promouvoir son développement et de le sécuriser juridiquement.
Elle en vient ensuite à l’amendement AS39 de la commission des affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Le développement de l’habitat intergénérationnel se heurte à plusieurs problèmes. Par exemple, lorsqu’une personne âgée accueille chez elle un jeune, la présomption de concubinage lui fait perdre une demi-part fiscale, ce qui augmente de fait sa taxe d’habitation. De plus, les services rendus par le jeune hébergé dans le cadre de la cohabitation peuvent être assimilés par les services fiscaux à du travail dissimulé. Il est donc essentiel d’encadrer juridiquement l’habitat générationnel, de plus en plus prisé par les personnes âgées, qui y voient une solution sécurisante, et par les jeunes, à qui il permet, en contrepartie de services rendus, de se loger à moindre coût. Afin de combler ce vide juridique, je propose que, dans un premier temps, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le logement intergénérationnel.
Mme Bérengère Poletti. Nous soutenons cet amendement, car le logement intergénérationnel est un dispositif extrêmement intéressant, non seulement d’un point de vue économique mais également d’un point de vue humain. Il est en effet essentiel d’encadrer juridiquement cette pratique.
M. Denis Jacquat. La difficulté à se loger ne doit pas être l’unique critère qui permette à un jeune d’obtenir un logement intergénérationnel. Il faut que cette décision corresponde à un choix personnel de ce dernier.
Mme la rapporteure. Bien que je ne sois généralement pas favorable aux amendements tendant à demander des rapports, je suis très favorable à celui-ci. La question de l’habitat intergénérationnel mérite en effet toute notre attention.
La Commission adopte l’amendement.
Chapitre III
Territoires, habitats et transports
Article 16
(Art. L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation)
Prise en compte du vieillissement dans les programmes locaux de l’habitat
Cet article modifie l’article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation. Il complète la définition du programme local de l’habitat pour y prévoir la prise en compte de la perte d’autonomie, qu’elle soit liée à l’âge ou au handicap.
● Défini aux articles L. 302-1 à L. 302-4-1 du code de la construction et de l’habitation, le programme local de l’habitat (PLH) est un document de programmation stratégique. Il recense l’ensemble des problématiques concourant à la politique locale de l’habitat : parcs public et privé, modes gestion des logements existants et des constructions nouvelles, mais également modalités de prise en compte des populations spécifiques.
L’élaboration d’un PLH est obligatoire pour les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération, ainsi que les communautés de communes compétentes en matière d’habitat de plus de 30 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants. Il est établi pour l’ensemble des communes membres.
Le plan doit répondre aux besoins en logements et en hébergements de toutes sortes, favoriser la mixité sociale et le renouvellement urbain. Sa mise en œuvre implique un dispositif d’observation et de suivi de l’habitat sur le territoire. Il prévoit les objectifs à atteindre à court, moyen et long termes dans le domaine de l’habitat, en particulier en programmant les opérations de réhabilitation d’habitations ou de quartiers et en orientant l’offre nouvelle de logements : c’est notamment dans ce cadre que la prise en compte des publics aux besoins spécifiques peut avoir un impact substantiel.
Les dispositions du IV de l’article L. 302-1 énumèrent les objectifs précis assignés au plan, dont notamment : le nombre et les types de logements à réaliser, les moyens, notamment fonciers, à mobiliser pour atteindre les objectifs et principes retenus, l’échéancier prévisionnel de réalisation, les actions et les opérations de renouvellement urbain. Il doit en outre prévoir la typologie des logements à construire et les réponses à apporter aux besoins spécifiques de certaines catégories de personnes : les personnes mal logées, les personnes défavorisées ou présentant des difficultés particulières, ainsi que les étudiants, mentionnés au huitième alinéa.
● Le présent article ajoute un nouvel alinéa après le huitième alinéa du IV de l’article L. 302-1 afin que ces programmes définissent les objectifs et les principes d’une politique de l’habitat visant à répondre aux besoins des personnes en perte d’autonomie du fait du handicap ou du vieillissement.
Il s’agit d’inciter les collectivités territoriales à intégrer plus systématiquement la problématique du vieillissement et du handicap dans leur politique de l’habitat.
Les collectivités devront programmer l’aménagement de l’habitat en tenant compte de ces deux publics spécifiques. L’âge et le handicap sont appréhendés de la même façon comme des facteurs de perte d’autonomie. Dans le domaine de l’habitat en effet, les besoins peuvent converger, par exemple en matière d’accessibilité des étages, d’aménagement des parties communes ou encore de prise en compte des déficiences visuelles ou auditives.
La formulation proposée est suffisamment large pour demeurer incitative. Il s’agit d’abord de développer une « offre nouvelle », ce qui peut s’interpréter comme une incitation particulière à développer toutes les alternatives au séjour en établissement (logements-foyers, accueillants familiaux, etc.).
Les collectivités doivent en outre participer à la politique d’adaptation des logements existants. Elles demeurent libres de fixer ces objectifs ; il s’agit surtout de coordonner une politique plus globale qui, il est vrai, fait intervenir de nombreux acteurs, notamment nationaux, tels que l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), par exemple au titre de la rénovation urbaine.
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La Commission adopte l’article 16 sans modification.
Article additionnel après l’article 16
(article L. 122-1-2 du code de l’urbanisme)
Prise en compte du vieillissement par les schémas de cohérence territoriale
Sur proposition de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel qui modifie l’article L. 122-1-2 du code de l’urbanisme, afin que les schémas de cohérence territoriale (SCoT) intègrent le vieillissement de la population dans leur diagnostic. Il s’agit, par exemple, d’analyser la part des personnes âgées et de son évolution au regard du parc de logements et des équipements et services existants.
La Commission examine l’amendement AS330 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à introduire dans les schémas de cohérence territoriale une référence explicite au vieillissement de la population, afin que les schémas intègrent cette dimension dans leur diagnostic.
La Commission adopte l’amendement.
Article 17
(Art. L. 2143-3 du code général des collectivités territoriales)
Prise en compte des personnes âgées dans les commissions communales
pour l’accessibilité
Cet article modifie l’article L. 2143-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) afin de prévoir la prise en compte des personnes âgées dans le fonctionnement des commissions communales ou intercommunales pour l’accessibilité.
1. Les commissions communales pour l’accessibilité
L’article L. 2143-3 est l’un des trois articles composant le chapitre dévolu à la participation des habitants à la vie locale.
Créées par l’article 46 de la loi du 11 février 2005 aujourd’hui codifié à l’article L. 2143-3 du CGCT, les commissions communales et intercommunales pour l’accessibilité aux personnes handicapées se composent de représentants de la commune, d’associations d’usagers et d’associations représentant les personnes handicapées. Présidées par le maire, ces commissions dressent le constat de l’accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports. Elles recensent l’offre de logements accessibles aux personnes handicapées et formulent toutes propositions utiles de nature à améliorer la mise en accessibilité de l’existant.
Ces commissions établissent un rapport annuel présenté en conseil municipal. Elles organisent également un système de recensement de l’offre de logements accessibles aux personnes handicapées.
Les communes peuvent choisir de créer une commission intercommunale compétente pour l’ensemble des communes associées.
2. Le projet de loi prévoit la participation des personnes âgées à ces commissions et la prise en compte de leurs besoins spécifiques
Le présent article prévoit trois modifications à l’article L. 2143-3.
Au premier alinéa, le 1° prévoit de compléter la dénomination des commissions pour qu’elles deviennent « commission communale pour l’accessibilité aux personnes handicapées et aux personnes âgées » ainsi que la liste de leurs membres afin d’y ajouter des représentants des associations de personnes âgées.
Le 2° ajoute la mention des personnes âgées au cinquième alinéa de l’article afin de donner mandat aux commissions de recenser l’offre de logements disponibles adaptés à leurs besoins, au même titre que pour les personnes handicapées.
Enfin, le 3e attribue, au sixième alinéa, aux commissions qui peuvent être créées au niveau intercommunal la dénomination de « commission intercommunale pour l’accessibilité aux personnes handicapées et aux personnes âgées ».
3. Une disposition qui risque d’entrer en concurrence avec le projet de loi d’habilitation autorisant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public
Les mesures prévues par cet article sont positives mais elles risquent de se heurter aux modifications de la dénomination, de la compétence et de la composition des commissions censées intervenir par voie d’ordonnance au cours des prochains mois.
Le 4° de l’article 3 loi n° 2014-789 du 10 juillet 2014 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées porte spécifiquement sur l’article L. 2143-3 du CGCT.
Rapporteur de ce projet de loi pour l’Assemblée nationale, M. Christophe Sirugue a ainsi souligné dans son rapport que « aux termes du présent article, le Gouvernement sera habilité à prendre par ordonnance des mesures (30) :
– modifiant la dénomination de ces commissions. Elles seront ainsi renommées commissions (communales ou intercommunales) pour l’accessibilité sans qu’il ne soit plus fait mention de « aux personnes handicapées » ;
– élargissant leur composition : des représentants des personnes âgées et des acteurs économiques seront intégrés en tant que membres de ces commissions, pour parachever la vision universaliste de l’accessibilité (…) ».
À l’issue de la procédure parlementaire, la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 3 du projet de loi a ainsi été stabilisée :
« 4° De modifier la dénomination des commissions communales et intercommunales pour l’accessibilité aux personnes handicapées et élargir leur composition afin de tenir compte de tous les acteurs concernés par un cadre de vie adapté, et compléter leurs missions »
Votre rapporteure estime donc qu’au regard du contenu des ordonnances attendues cet été, si leur rédaction satisfait pleinement l’objet de l’article 17 du présent de loi, il conviendra donc de supprimer ce dernier au cours de l’examen du projet de loi.
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La Commission adopte l’article 17 sans modification.
La Commission est saisie de l’amendement AS37 de la commission des affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’insérer dans les prochaines conventions d’utilité sociale (CUS) conclues entre l’État et les organismes HLM un volet spécifique relatif à la qualité du service rendu aux locataires âgés. Une circulaire du 12 avril 2010 relative aux CUS fait déjà de l’adaptation des logements au vieillissement de la population un objectif facultatif. Il me semble qu’il faut désormais inciter plus fermement les bailleurs sociaux à opérer cette adaptation.
Mme la rapporteure. Je suis favorable à cet amendement qui reprend l’une des préconisations du rapport Broussy.
M. Denis Jacquat. J’aimerais obtenir quelques précisions sur les services concernés. Par ailleurs, je préférerais que, plutôt qu’aux personnes âgées, l’amendement fasse référence aux personnes en perte d’autonomie, qui peuvent également avoir besoin de ce type de services.
Mme Bernadette Laclais. Ce n’est pas à l’organisme HLM de supporter le coût des « services spécifiques » évoqués dans l’exposé des motifs de l’amendement.
Mme Jeanine Dubié. Je me demande si la précision que la disposition s’applique aux locataires « les plus âgés » n’a pas un caractère discriminatoire.
Mme la rapporteure. J’entends vos réserves, mais la priorité est d’avancer dans la prise en compte du vieillissement, en l’espèce dans le cadre des CUS. Voilà pourquoi j’émets un avis favorable.
Mme Jeanine Dubié. Ce n’est pas l’âge des locataires qui est en cause, mais la perte d’autonomie : celle-ci n’est pas une conséquence nécessaire du grand âge.
Mme la rapporteure. Seriez-vous d’accord pour substituer « locataires en perte d’autonomie » à « locataires les plus âgés », madame Dombre Coste ?
Mme la rapporteure pour avis. Il vaudrait peut-être mieux revoir la rédaction de cet amendement d’ici la séance.
L’amendement est retiré.
Article 18
(Art. L. 1214-2 et L. 1231-8 du code des transports)
Prise en compte de l’avancée en âge dans les transports urbains
Troisième et dernier volet du chapitre III relatif aux territoires, à l’habitat et aux transports, cet article apporte deux modifications au code des transports.
1. Le plan de déplacements urbains et les services d’information
● Obligatoire dans les périmètres de transport urbain de plus de 100 000 habitants, le plan de déplacements urbains détermine la façon dont s’organisent les transports, les points d’arrêt, les places de stationnement mais également les aménagements nécessaires aux modes de déplacement non-motorisés comme le vélo par exemple. Il est élaboré par l’autorité organisatrice des transports compétente et permet la définition d’une approche globale de la politique des transports sur un territoire donné, comportant à ce titre des volets relatifs à l’environnement, la sécurité, ou encore au handicap.
L’article L. 1241-2 du code des transports décrit le contenu et l’objet du plan de déplacements urbains. Il le décline en 11 points. Le second (2°) prévoit en particulier que le plan vise à assurer « le renforcement de la cohésion sociale et urbaine, notamment l’amélioration de l’accès aux réseaux de transports publics des personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite ».
● Créé par l’article 5 de l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010, l’article L. 1231-8 du code des transports porte sur les obligations des autorités organisatrices du transport public de personnes dans les périmètres de transport urbain. Parmi leurs missions se trouve notamment celle d’instaurer « un service d’information, consacré à l’ensemble des modes de transports et à leur combinaison, à l’intention des usagers, en concertation avec l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les entreprises publiques ou privées de transports ».
2. Prise en compte des besoins spécifiques des personnes âgées dans les périmètres de déplacements urbains
Le 1° vise la prise en compte des besoins spécifiques des personnes âgées dans les plans de déplacements urbains. Il prévoit d’insérer les mots « ainsi que des personnes âgées » à la fin du 2° de l’article L. 1241-2 précité. Cela garantit une prise en compte spécifique des besoins de ces personnes et rappelle clairement qu’il s’agit d’un public distinct de celui des « personnes à mobilité réduite ».
Le 2° de cet article complète le quatrième alinéa de l’article L. 1231-8 du même code afin de prévoir un dispositif d’information dédié « à l’intention de publics spécifiques et notamment les personnes handicapées et les personnes âgées ».
Ces dispositions sont positives et permettent une meilleure prise en compte des problèmes de mobilité des personnes âgées. Contrairement à l’approche retenue pour les articles 16 et 17, le sujet est ici traité d’une façon parallèle mais distincte de celui de la prise en compte du handicap, cette dernière problématique nécessitant une politique d’équipement spécifique (notamment pour les handicaps autres que moteurs).
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La Commission adopte l’article 18 sans modification.
Chapitre IV
Droits, protection et engagements des personnes âgées
Section 1
Droits individuels des personnes âgées hébergées ou accompagnées
Article 19
(Art. L. 113-1, L. 113-1-1 et -2 [nouveaux] du code de l’action sociale et des familles)
Droits des personnes âgées à un accompagnement adapté
Cet article consacre le droit, pour les personnes âgées en perte d’autonomie, à un accompagnement respectant leur projet de vie ainsi qu’à une information adaptée sur cet accompagnement.
Ces principes sont énoncés dans les livre et titre premiers du code de l’action sociale et des familles relatifs aux principes généraux de l’action sociale, dont le chapitre III est consacré aux personnes âgées. Figurent ainsi, au niveau des grands principes, les fondements d’un accompagnement des personnes âgées respectueux de leurs souhaits : la proclamation de ce droit vise à améliorer son exercice par les personnes âgées éligibles à l’allocation personnalisée à l’autonomie (APA).
1. Le droit à des aides adaptées dans le respect du projet de vie
Actuellement, la définition par le code de l’action sociale et des familles du droit des personnes âgées à une aide de la Nation en raison de la perte d’autonomie n’est pas aussi précise et ne laisse pas une aussi grande place à la liberté de la personne aidée que les dispositions applicables en matière de handicap.
Ainsi, l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles issu de l’article 11 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit un droit à la compensation des conséquences du handicap quelles que soient l’origine et la nature de la déficience, l’âge ou le mode de vie ; de même « les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu’elle ne peut exprimer son avis ». L’avis de la personne concernée est pris en compte dans l’analyse globale de ses besoins et dans la prise en charge proposée.
Pour les personnes âgées en perte d’autonomie, les dispositions similaires sont manquantes. La compensation de la perte d’autonomie n’a pas aujourd’hui à prendre en compte le « projet de vie » de la personne âgée bénéficiaire de l’APA : il n’est pas expressément prévu que l’aide apportée doive par exemple permettre le libre choix entre domicile et établissement ou répondre aux aspirations spécifiques à la mobilité de la personne aidée ou à la nature de ses liens familiaux.
Il apparaît donc nécessaire de mieux définir ce droit. Il s’agit de rappeler que l’âge ne change en rien la nature des droits fondamentaux des personnes aidées et d’orienter en conséquence l’action de l’ensemble des intervenants des politiques sociales et médico-sociales.
Aussi, l’alinéa 4 établit un article L. 113-1-1, nouveau, qui prévoit que « la personne âgée en perte d’autonomie a droit à des aides adaptées à ses besoins et à ses ressources, dans le respect de son projet de vie, pour répondre aux conséquences de sa perte d’autonomie, quels que soient la nature de sa déficience et son mode de vie. »
Ce droit s’exerce dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie, à laquelle renvoie directement la mention des « conditions définies aux articles L. 232-1 et suivants ». Le droit des personnes âgées en perte d’autonomie éligibles à l’APA à un accompagnement adapté respectant leur projet de vie est ainsi consacré.
En outre, à l’alinéa 2, le 1° du présent article supprime le terme de « placement » de l’article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles qui définit, parmi les principes généraux de l’action sociale, le droit pour toute personne âgée de 65 ans et privée de ressources suffisantes de bénéficier soit d’une aide à domicile, soit d’un accueil chez des particuliers ou dans un établissement. La notion de « placement » des personnes âgées doit en effet être définitivement supprimée : votre rapporteure renvoie à ses commentaires des articles 20 et 21 qui procèdent à la même modification pour d’autres dispositions du code de l’action sociale et des familles.
2. La mise en œuvre du droit à l’information
En second lieu, l’article 19 établit un droit à l’information, pour les personnes âgées et leurs familles, sur les prises en charge et les formes d’accompagnement disponibles. Une bonne information sur les formes d’aides disponibles pour anticiper ou compenser le vieillissement permettra à la personne aidée de mieux prendre en compte son vieillissement pour redéfinir son projet de vie.
Ainsi, l’alinéa 5 établit un article L. 113-1-2, nouveau, qui prévoit que « les personnes âgées et leurs familles bénéficient d’un droit à une information sur les formes d’accompagnement et de prise en charge adaptées aux besoins et aux souhaits de la personne âgée en perte d’autonomie ». Il précise que ce droit à l’information « est assuré notamment par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et par les départements, dans le cadre de leurs compétences ».
Concernant les compétences de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), l’article opère un renvoi à l’article L. 14-10-1 du code de l’action sociale et des familles : dans sa rédaction actuelle, le 5° de cet article prévoit ainsi que la CNSA a pour mission « de contribuer à l’information et au conseil sur les aides techniques qui visent à améliorer l’autonomie des personnes âgées ». Surtout, l’article 47 du présent projet de loi, à son alinéa 12, confie une nouvelle mission à la CNSA codifiée au 11° du même article L. 14-10-1 : « mettre à la disposition des personnes âgées (…) et de leurs familles, une information relative aux droits et aux services qui leurs sont destinés, en lien avec les institutions locales compétentes ».
Pour les départements, le nouvel article L. 113-1-2 renvoie à l’article L. 113-2, codifié immédiatement à sa suite dans le code de l’action sociale et des familles: or cet article prévoit que le département met en œuvre les compétences définies au premier alinéa en s’appuyant notamment sur les centres locaux d’information et de coordination (CLIC). Ces structures jouent en effet un rôle important dans les départements qui ont pris soin de les établir. En outre l’article L. 113-2 autorise le département à signer des conventions avec tout autre intervenant en faveur des personnes âgées pour assurer la coordination gérontologique.
Dans ce cadre, un rôle de premier plan est joué par les centres communaux et intercommunaux d’action sociale. L’article L. 131-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit en effet que « les demandes d’admission au bénéfice de l’aide sociale (…) sont déposées au centre communal ou intercommunal d’action sociale ou, à défaut, à la mairie de résidence de l’intéressé ». Les CCAS et CIAS sont ainsi les premiers interlocuteurs des personnes âgées en quête d’information sur leurs droits. Ils tiennent en outre les registres des personnes âgées dans le cadre des plans d’urgence tels les plans canicule.
La mention expresse des départements et de la CNSA n’est au demeurant pas exclusive d’autres intervenants : pour votre rapporteure, un accompagnement adapté nécessite de définir, dans chaque territoire, en fonction des besoins, un interlocuteur de proximité privilégié. Ce service de proximité doit pouvoir être interrogé par la personne âgée et sa famille au fur et à mesure de l’évolution de la réflexion sur le projet de vie.
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La Commission examine l’amendement AS245 de Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. L’article 19 consacre le droit, pour les personnes âgées en perte d’autonomie éligibles à l’APA, à un accompagnement adapté respectant leur projet de vie. Il consacre ainsi la liberté de choix d’être particulier employeur en perte d’autonomie. Le présent amendement tire les conséquences de ce nouveau principe en tendant à la reconnaissance du libre choix de ce particulier employeur en perte d’autonomie en tant qu’acteur à part entière des politiques publiques de l’APA à domicile.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cette disposition n’a pas sa place dans un article dont la fonction est de définir les grands principes de l’action sociale à destination des personnes âgées. Au demeurant l’article opère un renvoi aux dispositions relatives à l’APA, qui peut tout à fait bénéficier à un particulier employeur.
Mme Bérengère Poletti. Si j’ai bien compris votre réponse, vous n’êtes pas défavorable au fond de cet amendement.
Mme la rapporteure. Il est satisfait, l’état actuel du droit ne faisant pas obstacle à ce qu’un particulier employeur ait recours à l’APA.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 19 sans modification.
Article 20
(Intitulé du chapitre 1er du titre III du livre II du code de l’action sociale et des familles)
Substitution de la notion d’accueil à la notion de placement
Le livre deuxième du code de l’action sociale et des familles définit les « différentes formes d’aides et d’action sociales » ; son titre troisième est consacré aux « personnes âgées ». Or son chapitre premier est actuellement intitulé « aide à domicile et placement ».
De fait, le respect des droits fondamentaux à tous les âges de la vie impose de retirer de la sémantique légale et réglementaire la notion de « placement en établissement ». La personne âgée, même en perte d’autonomie ou démunie de ressources, est d’abord un citoyen et un usager des services sociaux et médico-sociaux comme les autres.
Aussi, l’alinéa 2 de l’article 19 a procédé à la suppression du terme de « placement » à l’article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles qui définit, parmi les principes généraux de l’action sociale, le droit pour toute personne âgée de 65 ans et privée de ressources suffisantes de bénéficier soit d’une aide à domicile, soit d’un accueil chez des particuliers ou dans un établissement.
En conséquence, cet article modifie la dénomination du chapitre qui précise les conditions d’exercice de ce droit. Il est désormais intitulé « aide à domicile et accueil ».
Ce changement de dénomination contribue indéniablement à la reconnaissance des droits des personnes âgées : elles sont accueillies par l’établissement ou par l’accueillant familial, dans le respect de ses droits. C’est ce qu’illustrent avec force les dispositions des articles suivants du projet de loi qui renforcent les droits et libertés des personnes accueillies.
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La Commission adopte l’article 20 sans modification.
Article 21
(Art. L. 231-4 du code de l’action sociale et des familles)
Substitution de la notion d’accueil à la notion de placement
L’article 21 remplace la notion de « placement » par celle d’ « accueil » ou « d’admission » à l’article L. 231-4 du code de l’action sociale et des familles qui définit les formes de l’action sociale envers une personne âgée qui « ne peut être utilement aidée à domicile ».
L’article L. 231-4 prévoit que dans ce cas, cette personne peut être accueillie chez des particuliers ou bénéficier d’une admission dans un établissement de santé ou une maison de retraite publique, ou, à défaut, dans un établissement privé.
Dans la droite ligne des modifications opérées par les articles 19 et 20 du présent projet de loi, il s’agit de mettre définitivement fin à l’usage du mot « placement » qui est incontestablement péjoratif s’agissant du vieillissement.
Les personnes âgées bénéficiaires de l’action sociale ne sont en effet pas des objets « placés » hors de leur domicile : elles sont accueillies ou admises dans les services et établissements adaptés à leurs besoins.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, sur avis de sagesse de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement de différents commissaires des groupes UMP et RRDP, supprimant, à l’article L. 231-4 du code de l’action sociale et des familles, la qualification de l’admission dans une maison de retraite privée comme une solution par défaut, en l’absence de place dans le secteur public.
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La Commission examine les amendements identiques AS247 de Mme Bérengère Poletti et AS285 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Bérengère Poletti. Notre amendement vise à corriger une aberration de la rédaction de l’article L. 231-4 du code de l’action sociale, qui fait de l’offre d’hébergement privé une offre par défaut au regard de l’offre publique. Or le secteur privé représente près de 50 % de l’offre d’hébergement à destination des personnes âgées dépendantes !
Mme Jeanine Dubié. L’article en cause pose en effet que « toute personne âgée qui ne peut être utilement aidée à domicile peut être placée, si elle y consent, dans des conditions précisées par décret, soit chez des particuliers, soit dans un établissement de santé ou une maison de retraite publics, ou, à défaut, dans un établissement privé ».
Mon amendement vise à mettre le secteur privé, qu’il soit commercial ou non lucratif, sur le même plan que le secteur public en matière d’hébergement des personnes âgées.
Mme la rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements. Je rappelle que l’objectif de l’article 21 est de substituer la notion d’accueil à la notion de placement. Pour le reste, la rédaction de l’article me semble satisfaisante.
Mme Bérengère Poletti. Vous ne pouvez nier que la locution « à défaut » est très péjorative pour l’hébergement privé. Notre proposition de correction est incontestable, tant sur la forme que sur le fond.
Mme Jeanine Dubié. En outre, le secteur privé à but non lucratif, c’est-à-dire le secteur associatif, est également habilité à accueillir des bénéficiaires de l’aide sociale et le prix de journée y est fixé par le président du conseil général, comme c’est le cas dans le secteur public. Je ne vois pas pour quelle raison on ne pourrait pas mettre sur le même plan tous les établissements susceptibles d’accueillir les personnes âgées : la deuxième partie de l’article détermine d’ailleurs les conditions de fixation du prix de journée de l’ensemble des établissements.
Mme Bernadette Laclais. Je suis assez d’accord avec ce qui vient d’être dit : une telle rédaction exprime un jugement de valeur, au mépris de la liberté de la personne âgée de choisir une structure privée. Même s’il est vrai qu’en pratique le privé n’est pas forcément le premier choix, la loi ne doit pas ainsi opposer les diverses offres d’hébergement.
Mme la rapporteure. Cette rédaction se justifie sans doute par le souci de garantir aux personnes âgées l’offre d’accueil la moins onéreuse. Cependant, en considération des réserves qui viennent de s’exprimer, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La Commission adopte les amendements identiques.
Puis elle adopte l’article 21 modifié.
Article 22
(Art. L. 311-3, L. 311-4, L. 311-4-1 [nouveau] et L.311-5-1 [nouveau]
du code de l’action sociale et des familles)
Renforcement des droits et libertés des usagers des établissements
et services sociaux et médico-sociaux
L’article 22 vise à réaffirmer le respect des droits fondamentaux quel que soit le degré de perte d’autonomie de la personne, et en particulier de la liberté d’aller et venir, liberté fondamentale attachée à la personne humaine et qui garantit à tout individu de pouvoir circuler et se déplacer d’un endroit à un autre. Le conseil constitutionnel rattache ainsi ce droit aux libertés garanties et protégées par la constitution au titre de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
Différentes garanties nouvelles en la matière sont apportées par le présent article. Elles sont inscrites au sein du livre troisième du code de l’action sociale et des familles relatif à l’action sociale et médico-sociale mise en œuvre par les établissements et services, dans son titre premier, relatif aux établissements et services soumis à autorisation qui accueillent des personnes âgées et des adultes handicapés : le principe de liberté d’aller et venir est affirmé ; les restrictions qui peuvent y être apportées sont étroitement encadrées ; des garanties sont instaurées contre les résiliations abusives des contrats de séjour en établissement ; enfin le droit est établi pour la personne accueillie de désigner une personne de confiance qui l’accompagne dans ses démarches.
1. Le principe de liberté d’aller et venir en établissement social et médico-social
• Les acquis de la loi du 2 janvier 2002
La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a fortement fait progresser les droits des personnes âgées et des adultes handicapés bénéficiaires d’un accompagnement social et médico-social.
Ainsi, les dispositions de l’article 6 de la loi du 2 janvier 2002, aujourd’hui codifiées à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles, visent à garantir «l’exercice des droits et libertés individuels (…) à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux ». Le 1° de cet article vise, pour la personne accueillie, « le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ». Le 3° affirme le droit à la qualité de la prise en charge qui passe par la recherche de l’autonomie et du consentement de la personne accueillie. Il prévoit la recherche systématique de son consentement éclairé lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Les 5° et 6° prévoient l’accès à toutes informations ou documents relatifs à la prise en charge ainsi qu’aux « informations sur les droits fondamentaux de toute personne prise en charge et les protections particulières, légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition».
L’article 8 de la loi du 2 janvier 2002, aujourd’hui codifié à l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles vise à garantir l’exercice effectif de ces droits, en prévoyant la remise d’un livret d’accueil auquel sont annexés le règlement de fonctionnement de l’établissement ainsi qu’une charte des droits et libertés de la personne accueillie.
Cependant, l’arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie ne mentionne la liberté d’aller et venir que dans son article 8 qui dispose que « dans les limites définies dans le cadre de la réalisation de sa prise en charge ou de son accompagnement et sous réserve des décisions de justice, des obligations contractuelles ou liées à la prestation dont elle bénéficie et des mesures de tutelle ou de curatelle renforcée, il est garanti à la personne de circuler librement ».
Ainsi, parmi les droits des personnes accueillies en établissements et services médico-sociaux, la liberté d’aller et venir n’est aujourd’hui entendue que de manière implicite ou au détour d’un arrêté.
• L’affirmation de la liberté d’aller et venir
Le présent article vise donc à faire figurer de manière expresse la liberté d’aller et venir au nombre des droits des personnes accueillies. Il s’agit ainsi de donner les moyens aux personnes hébergées ou à tout autre personne intervenant dans leur intérêt de faire valoir ce droit qui doit pouvoir s’exercer tant au stade de l’admission que lors du séjour ou lors du départ de l’établissement.
Le 1° modifie l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles afin d’y faire figurer expressément la liberté d’aller et venir au nombre des droits et libertés garantis lors de la prise en charge en établissement : le a) du 1° modifie ainsi le 1° de l’article L. 311-3 pour ajouter « le droit d’aller et venir librement » parmi les droits qui sont assurés à toute personne prise en charge ; le b) du 1° précise au 3° du même article que l’accompagnement individualisé de qualité qui doit favoriser l’autonomie de la personne s’entend notamment en ce qu’il renforce « sa capacité d’aller et venir ».
De même, par coordination, le c) du 2° apporte une précision actuellement manquante concernant les conditions d’intervention du représentant légal lorsque la personne accueillie est un majeur protégé. L’article L. 311-4 habilite le représentant légal à participer à l’élaboration du contrat de séjour : il est désormais précisé que le représentant légal intervient alors dans le respect de l’article 459-2 du code civil qui dispose que la personne protégée choisit le lieu de sa résidence, entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non et a le droit d’être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci.
Le 2° modifie la rédaction de l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles de manière à renforcer l’exigence d’information des usagers sur leurs droits et à mieux établir leur consentement à être accueillis en établissement. L’obligation d’information des usagers sur leurs droits et libertés est en effet une condition pour que les personnes concernées puissent en avoir une bonne compréhension et les faire valoir en cas de difficultés.
L’alinéa 7 complète ainsi le a) de l’article L. 311-4 afin de prévoir que la charte des droits et libertés de la personne accueillie est affichée dans l’établissement. Si la charte est bien aujourd’hui remise lors de l’admission, son possesseur peut néanmoins l’égarer ou l’endommager par la suite. Il s’agit donc de garantir l’accès permanent à l’information sur ces droits, tant pour la personne accueillie que pour celles qui agissent dans son intérêt.
• L’entretien préalable à la conclusion du contrat de séjour
Les alinéas 8 et 9 établissent une garantie nouvelle visant à rendre effectifs les droits ainsi réaffirmés. Ils prévoient qu’à l’occasion de la conclusion du contrat de séjour un entretien a lieu réunissant uniquement la personne intéressée et le directeur de l’établissement.
Celui-ci doit alors s’assurer du consentement de la personne à être accueillie dans la structure d’hébergement. La personne âgée est ainsi invitée à exprimer ses volontés en toute autonomie et indépendance. Cet entretien a lieu « hors de la présence de toute autre personne » : cette restriction a pour but de pallier les pressions subies par des personnes fragilisées que leur entourage souhaite voir accueillies en établissement alors qu’elles-mêmes préfèrent bénéficier d’un accompagnement à domicile.
Pour les majeurs protégés cependant, le consentement peut toujours procéder de l’intervention du juge ou du conseil de famille conformément à l’article 459-2 du code civil auquel il est opéré un renvoi direct.
À l’occasion de l’entretien, le directeur d’établissement doit également s’assurer que la personne concernée a bien pris connaissance de l’ensemble de ses droits et en a saisi la portée. Préalable à la conclusion du contrat de séjour, cet entretien va indéniablement constituer une garantie des droits de la personne accueillie. Des difficultés pourront survenir lorsque la personne sur le point d’être accueillie est dépourvue de capacités à comprendre son interlocuteur ou ne s’exprime pas seule ni de manière intelligible : évaluer un consentement proprement dit peut être alors difficile. Dans ces cas, la présence d’une tierce personne devrait pouvoir être envisagée, sous réserve que son indépendance soit garantie, mais la rédaction projetée l’exclue expressément.
En outre, les représentants des différentes fédérations de directeurs des établissements et services pour personnes âgées, auditionnés par votre rapporteure, ont souligné que si la tenue de l’entretien permet sans conteste de renforcer les droits des personnes âgées, il pourrait se heurter au manque de moyens humains dans les plus petites structures.
2. L’encadrement des restrictions à la liberté d’aller et venir
• L’équilibre entre liberté d’aller et venir et obligations de sécurité
L’affirmation du droit d’aller et venir en établissement doit être conciliée avec les contraintes liées à la sécurité des personnes. Les établissements accueillant des personnes âgées ont en effet l’obligation de garantir la sécurité des usagers. En cas de préjudice causé ou subi par l’un des résidents, le juge peut engager la responsabilité de l’établissement s’il considère que les moyens de surveillance mis en place ont été insuffisants ou inadaptés à l’état du résident, notamment au vu de ses antécédents comportementaux ou de ses fragilités spécifiques.
Selon la HAS, trois motifs peuvent justifier la prise de mesures restrictives de la liberté du résident : la sécurité de la personne elle-même ou celle des autres résidents en raison de troubles du comportement ; des contraintes liées à la réalisation de soins, tels le sevrage ou l’isolement septique ; des motifs tenant à l’organisation interne à l’établissement.
Or, les responsables d’établissement ne disposent pas aujourd’hui d’outils juridiques permettant le recours à des mesures de restriction de la liberté d’aller et venir : de telles mesures relèvent de la loi aujourd’hui silencieuse sur les situations et les conditions dans lesquelles la liberté d’aller et venir peut être limitée en établissement social et médico-social.
Pour cette raison, à l’alinéa 12, le 3° du présent article établit un article L. 311-4-1 (nouveau) du code de l’action sociale et des familles, dont le I prévoit les conditions de restrictions à la liberté d’aller et venir. Il vise l’ensemble des établissements hébergeant des personnes âgées : tant les établissements médico-sociaux mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 que les différentes catégories d’établissements non habilités à l’aide sociale, mentionnés à l’article L. 342-1.
• Les garanties établies
Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ont aujourd’hui la faculté d’annexer au contrat de séjour un document portant diverses adaptations au règlement de fonctionnement de l’établissement pour tenir compte de la spécificité de la prise en charge de chaque résident. Ces mentions peuvent être d’ordres médical, administratif ou encore judiciaire. Le I de l’article
L. 311-4-1 prévoit qu’à l’occasion de la conclusion du contrat de séjour, une annexe puisse préciser les « adaptations apportées aux contraintes prévues par le règlement de fonctionnement et susceptibles de limiter les possibilités d’aller et venir du résident ».
Cette faculté est strictement encadrée, quant à son contenu tout d’abord : ces adaptations doivent avoir pour seules fins d’assurer l’intégrité physique de la personne accueillie et la sécurité des personnes qui l’entourent. Et ces mesures restrictives de liberté doivent être proportionnées à l’état et aux objectifs de prise en charge de la personne.
La procédure est en outre précisée : les adaptations ne sont proposées que « sur avis conforme du médecin coordonnateur de l’établissement et après avis du médecin traitant, ou, à défaut de médecin coordonnateur, sur avis conforme du médecin traitant, après examen de l’intéressé ».
Proportionnées à l’état physique de la personne âgée, les mesures restrictives de liberté doivent donc être justifiées par les observations des médecins ; elles doivent être les moins restrictives de liberté possible au regard des objectifs à atteindre.
Les effets de la mesure doivent être modulables et le plus individualisés possible. Le I de l’article L. 311-4-1 prévoit en effet que « le contenu de cette annexe peut être révisé chaque fois que nécessaire à l’initiative de l’intéressé, du directeur de l’établissement et du médecin coordonnateur ou, à défaut, du médecin traitant ». La personne âgée peut ainsi s’opposer à ce que certaines mesures continuent à figurer au sein de l’annexe : une telle démarche est cependant tributaire de son état physique et psychique et de la bonne compréhension préalable de ses droits. Le gestionnaire d’établissement ou les médecins concernés peuvent demander le réexamen de l’annexe en vue de l’actualiser selon l’évolution de l’état du patient. À l’issue des révisions, les mesures pourront ainsi être allégées, modifiées ou supprimées.
3. Les garanties relatives à la fin du contrat de séjour
La liberté d’aller et venir des résidents en établissement se matérialise également par les conditions dont est exercée la liberté de choix de résidence de la personne âgée. Or les conditions de rupture du contrat de séjour ne sont pas à ce jour encadrées par des dispositions de nature légale et réglementaire : elles sont définies par les contrats de séjour eux-mêmes.
La diversité des pratiques conduit à de fréquents abus, notamment en cas de résiliation à l’initiative du gestionnaire de l’établissement : ce constat a conduit la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à publier des recommandations dont s’inspirent les mesures du présent article.
La commission des clauses abusives de la DGCCRF a émis des recommandations tenant aux motifs des résiliations non abusives des contrats de séjour et aux conditions de leur encadrement (Recommandations DGCCRF n° 08-02 BOCCRF du 23/04/2008)
Les raisons pouvant justifier la rupture à l’initiative de l’établissement doivent constituer des motifs sérieux et légitimes : le non-paiement des frais de séjour, l’état de santé du résident qui ne peut être pris en charge avec les moyens de la structure, les comportements incompatibles avec l’organisation et la vie en établissement, le non-respect du règlement de fonctionnement.
La DGCCRF a recommandé que la résiliation des contrats de séjours soit motivée et adressée au résident par courrier recommandé avec accusé de réception. Le délai de préavis doit être de trois mois de façon à donner au résident le temps nécessaire pour retrouver un logement mais aussi de saisir les instances représentatives de l’établissement, notamment le conseil de la vie sociale.
La DGCCRF a pu relever un certain nombre de clauses abusives inscrites dans les contrats de séjour portant essentiellement sur la résiliation ou la fin de contrat. Ces clauses permettent par exemple la rupture de contrat sans préavis ou sans certificat médical. Elle relève qu’en cas de défaut de paiement, il arrive que des délais sensiblement trop courts soient imposés après que la mise en demeure de s’exécuter a été portée à la connaissance du résident par lettre recommandée avec accusé de réception. De même, la décision de fin du contrat de séjour peut intervenir au terme d’un préavis de moins de trois mois, ou sans information de l’intéressé sur les motifs ou sans possibilité de contester la décision et sans proposition de solutions de relogement.
• Les cas de rupture à l’initiative de la personne accueillie
Les alinéas 13 et 14, établissent le II de l’article L. 311-4-1 (nouveau) du code de l’action sociale et des familles qui prévoit les cas de rupture du contrat de séjour à l’initiative du résident.
Il s’agit tout d’abord d’un droit de rétractation consistant, pour la personne accueillie ou son représentant légal, à demander la résiliation du contrat de séjour dans les quinze jours suivant sa signature, ou suivant l’admission dans l’établissement si celle-ci est postérieure à la signature du contrat. Dès lors, aucun préavis ne peut être opposé et la personne accueillie ne doit acquitter que le prix de la durée de son séjour effectif.
Au terme de ce délai de quinze jours, la résiliation du contrat de séjour par écrit est toujours possible mais elle emporte le respect d’un délai de préavis si le gestionnaire décide de l’opposer au demandeur, qui ne pourra excéder une durée définie par voie réglementaire.
Une mesure de protection supplémentaire est établie : la décision écrite de résiliation à l’initiative du résident ou de son représentant légal ne prend effet qu’après un délai de réflexion de quarante-huit heures. Ce délai permet à la personne de mieux mesurer la portée de sa décision. Si celle-ci fait suite à un incident, le délai donne les moyens aux membres du service de rétablir le dialogue et à un tiers d’opérer une médiation, si nécessaire.
• Les cas de résiliation à l’initiative du gestionnaire
Le III de l’article L. 311-4-1 encadre les modalités de résiliation du contrat de séjour à l’initiative du gestionnaire d’établissement. Les cas de rupture sont limitativement énumérés : inexécution par la personne hébergée d’une obligation lui incombant au titre de son contrat ou manquement grave ou répété au règlement de fonctionnement ; cessation totale d’activité de l’établissement ; ou enfin situation où la personne hébergée cesse de remplir les conditions d’admission dans l’établissement.
Pour la durée du préavis opposable au gestionnaire, l’alinéa 15 renvoie au décret mentionné à l’alinéa 14 qui fixe la durée du délai opposable en cas de résiliation à l’initiative du résident : si un même décret peut sans conteste préciser ces deux situations, votre rapporteure estime qu’il conviendra bien de fixer des délais différents selon les cas. Le délai opposable au gestionnaire devrait être sensiblement plus long que le délai opposable à la personne hébergée.
Le dispositif proposé apporte donc une protection aux personnes âgées résidant en établissements. La possibilité de quitter l’établissement sans obligations autres que celles que la loi a clairement définies constitue en effet une condition de l’exercice de la liberté d’aller et venir. Votre rapporteure se félicite de cette clarification d’une situation juridique jusqu’ici imprécise qui a souvent conduit à édicter des clauses défavorables à des résidents âgés vulnérables.
4. La désignation d’une personne de confiance
L’article 9 de loi du 2 janvier 2002, aujourd’hui codifié à l’article L. 311-5 du code de l’action sociale et des familles, permet à toute personne accueillie en établissement social et médico-social de « faire appel en vue de l’aider à faire valoir ses droits, à une personne qualifiée », choisie sur une liste établie conjointement par le préfet, le directeur général de l’agence régionale de santé et le président du conseil général. Il existe donc aujourd’hui une possibilité de recours à une personne tierce, choisie par la personne accueillie mais préalablement désignée par les autorités compétentes, généralement un professionnel du secteur social et médico-social qui sert de médiateur en cas de conflit avec l’établissement.
À la suite de cet article L. 311-5, aux alinéas 19 à 24, le 4° du présent article établit un article L. 311-5-1 (nouveau) afin de permettre à toute personne majeure de désigner elle-même une « personne de confiance ». Ce dispositif s’inspire du droit de désignation d’une « personne de confiance » que la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a instaurée pour les usagers du système de soins.
L’article L. 1111-6 du code de la santé publique prévoit que « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin ». Cette personne ainsi désignée a un rôle d’accompagnement et d’aide dans l’accomplissement des démarches médicales ou de soins. Dans le domaine sanitaire, la personne de confiance ne se voit pas opposer le secret médical et peut être destinataire d’informations médicales sauf si le patient s’y oppose. Elle peut donner des avis et aider le malade à exprimer sa volonté lorsque cela lui est difficile.
Dans ce but l’alinéa 20 prévoit qu’une personne de confiance est « chargée, si la personne majeure le souhaite, de l’accompagner dans ses démarches et de l’aider dans ses décisions relatives à sa prise en charge. La personne de confiance est consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits. » Les alinéas 23 et 24 écartent du champ d’application de cette mesure les majeurs protégés et les établissements prenant en charge des mineurs.
La personne accueillie peut désigner « un parent, un proche, le médecin traitant ou la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 du code de la santé publique ». Faite par écrit, la désignation est révocable à tout moment.
La personne de confiance dans le domaine social et médico-social n’est donc pas automatiquement la même que celle qui peut avoir été désignée sur le fondement de l’article L. 1111-6. Toutefois, attribuer au proche désigné par la personne âgée pour l’appuyer dans son accompagnement médico-social la même dénomination que dans le domaine sanitaire pourrait présenter un risque de confusion. Une dénomination différente permettrait sans doute de mieux rendre compte des spécificités des missions qui lui incombent.
L’article L. 311-5-1, nouveau, prévoit qu’il est proposé à la personne accueillie de désigner une personne de confiance lors de toute prise en charge. La désignation est valable pour la durée de celle-ci, à moins que la personne n’en dispose autrement. De même lors de l’entretien préalable à la conclusion du contrat de séjour, conformément au b) du 2° du présent article, le directeur de l’établissement informe la personne accueillie de la possibilité de désigner une personne de confiance.
Mais votre rapporteure considère qu’il est toujours préférable que cette désignation soit effectuée en amont de la prise en charge, car, en fonction de son état physique et psychique, il peut être difficile pour la personne accueillie de comprendre pleinement le rôle de la personne de confiance.
Une telle désignation anticipée est pleinement cohérente avec les dispositions régissant le mandat de protection future, défini à l’article 477 du code civil, qui permet à une personne ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle, de charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
Le mandat de protection future permet ainsi à quiconque d’anticiper les conséquences de sa perte d’autonomie, en établissant librement à l’avance les conditions de protection de ses droits en cas d’altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.
Or l’alinéa 2 de l’article 479 du code civil prévoit que « le mandat peut prévoir que le mandataire exercera les missions que le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles confient au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance ».
Aussi, votre rapporteure considère qu’il convient d’encourager le recours au mandat de protection future : cela facilitera la désignation le plus en amont possible de la personne de confiance qui accompagnera la personne âgée dans ses démarches et l’aidera dans ses décisions relatives à sa prise en charge en établissement.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, outre trois modifications rédactionnelles ou de précision proposées par la rapporteure et par le député Denys Robillard, votre commission des affaires sociales a adopté, sur avis favorable de la rapporteure, un amendement présenté par les commissaires des groupes UMP et RRDP modifiant l’organisation de l’entretien préalable à la conclusion du contrat de séjour : il prévoit d’une part que le directeur peut y déléguer « toute personne formellement désignée par lui »,et d’autre part que la personne accueillie peut être accompagnée par la personne de confiance qu’elle a préalablement désignée.
Sur avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté un amendement des commissaires SRC qui supprime la possibilité pour l’annexe au contrat de séjour de définir des restrictions à la liberté d’aller et venir des résidents et lui substitue la définition des mesures permettant d’assurer l’intégrité physique et la sécurité du résident. Cette approche objective paraît en effet préférable à une contractualisation de la liberté d’aller et venir dont la possibilité constitutionnelle est pour le moins incertaine.
Concernant les conditions d’accueil de majeurs protégés, deux amendements de la rapporteure ont renvoyé à l’ensemble des mesures de protection des majeurs prévues par le code civil et non pas aux seules mesures de tutelle mentionnées dans le texte du projet de loi.
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La Commission adopte l’amendement AS339 de la rapporteure tendant à rectifier une référence.
Puis elle examine les amendements identiques AS8 de M. Dominique Tian et AS288 de Mme Dominique Orliac.
Mme Bérengère Poletti. Dans un souci de clarté, l’amendement AS8 tend à remplacer le terme de « délégué » par l’expression : « Toute personne formellement désignée par lui ».
Mme Dominique Orliac. Certaines personnes qui ne disposent pas d’une mesure de protection au sens de l’article L. 459‑2 du code civil peuvent juger ne pas être en mesure de mener seules l’entretien prévu à l’alinéa 9. C’est pourquoi nous proposons qu’on leur permette d’être accompagnées par une personne de confiance, si elles le souhaitent.
Nous souhaitons également éviter l’utilisation du terme de « délégué », qui prête à confusion, alors que la notion de « personne formellement désignée » implique une délégation de pouvoirs.
Mme Martine Pinville, rapporteure. Avis favorable : ces amendements apportent une précision bienvenue, car tous les directeurs ne disposent pas d’un délégué, notamment dans les petites structures ; en outre, ils permettent d’introduire la notion de « personne de confiance » dans le domaine médico-social.
Il serait également bon que la personne prise en charge se voie proposer un deuxième entretien, dans la mesure où elle ne sera informée de la possibilité de désigner une personne de confiance qu’à l’occasion du premier. Nous aurons certainement à y revenir dans le cours de la discussion.
La Commission adopte les amendements.
Elle en vient aux amendements identiques AS7 de M. Dominique Tian, AS248 de Mme Bérengère Poletti et AS286 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Bérengère Poletti. Il s’agit de substituer aux mots : « du consentement de la personne à être accueillie », les mots : « de la décision de la personne concernant son admission ».
Mme la rapporteure. Le consentement de la personne revient ici à donner son accord au contrat de séjour, ce qui est essentiel. Certains directeurs peuvent avoir des difficultés à discerner le consentement de certaines personnes, mais l’adoption des amendements précédents nous a permis de progresser sur le sujet. En tout état de cause, il serait préférable d’en discuter avec le Gouvernement en séance. Avis défavorable.
M. Denis Jacquat. « Décision » est pourtant plus fort que « consentement ».
Mme Bérengère Poletti. Surtout, « consentement » a une valeur juridique, ce que n’a pas forcément « décision ».
Mme la rapporteure. C’est bien pourquoi il faut donner son consentement : il y a un contrat de séjour !
La Commission rejette les amendements.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement AS287 de Mme Jeanine Dubié.
La Commission est saisie des amendements AS105 de M. Denys Robiliard et AS368 de la rapporteure, pouvant être soumis à une discussion commune.
M. Denys Robiliard. L’amendement AS105 tend à supprimer l’alinéa 10, les dispositions du code civil relatives aux majeurs protégés n’ayant pas besoin d’être reprises puisqu’elles s’appliquent directement. Cependant, l’amendement de la rapporteure me semble préférable, dans la mesure où il articule expressément les régimes. Je retire donc le mien.
Mme la rapporteure. Mon amendement vise effectivement à renvoyer à l’ensemble des mesures de protection des majeurs prévues par le code civil, et non pas aux seules mesures de tutelles. Je conserve toutefois la mention explicite de l’article 459-2 du code civil, car ce dernier dispose que « la personne protégée choisit le lieu de sa résidence », « entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non » et « a le droit d’être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci » : cela permet d’établir un lien avec le respect du projet de vie de la personne âgée dans le cadre de son accompagnement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), même lorsqu’elle fait l’objet d’une mesure de protection.
L’amendement AS105 est retiré.
La Commission adopte l’amendement AS368.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS249 de Mme Bérengère Poletti et AS291 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Bérengère Poletti. Les modalités d’accompagnement des personnes âgées dépendantes accueillies en établissement sont définies dans le cadre d’un projet d’accompagnement individualisé annexé au contrat de séjour. L’amendement AS249 vise à préciser que toute mesure tendant à limiter la liberté d’aller et venir d’un résident doit s’inscrire dans ce dispositif.
Mme la rapporteure. Le contrat de séjour est un outil efficace, régi par l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles. Je partage votre souci de personnalisation, mais je crains que prévoir des dérogations au règlement intérieur dans un nouveau support mal identifié ne facilite guère leur mise en œuvre. Je vous suggère, par conséquent, de retirer vos amendements au profit de l’amendement AS106 rectifié de M. Robiliard, que nous examinerons ultérieurement et pour lequel j’émettrai un avis favorable.
Mme Bérengère Poletti. Dans ce cas, pourrais-je le cosigner ?
M. Denys Robiliard. Bien entendu, chère collègue !
Les amendements AS249 et AS291 sont retirés.
La Commission en vient à l’amendement AS290 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Dominique Orliac. Le projet de loi présente la liberté d’aller et venir sous le seul angle des limitations légitimes. Or les travaux menés sur le sujet dans le cadre de la Conférence de consensus de 2004 et, plus récemment, de l’atelier du Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et des personnes handicapées ont montré que cette liberté devait d’abord être considérée comme un objectif concret de prise en charge et d’accompagnement. Tel est l’objet de cet amendement, qui précise en outre le régime de responsabilité des établissements et des professionnels en cas d’accident ou d’incident.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. La notion d’« évaluation pluridisciplinaire » me semble trop imprécise ; en outre, la possibilité de faire échec dans tous les cas à l’engagement de la responsabilité de l’établissement en cas d’incident demanderait une expertise approfondie.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement AS106 rectifié de M. Denys Robiliard
M. Denys Robiliard. L’article 22 prévoit la possibilité de contractualiser la liberté d’aller et venir, or je ne suis pas certain que ce soit possible. Cette liberté fait partie des droits de l’homme ; elle est inhérente à la personne, et l’on ne peut pas y renoncer. En revanche, on peut consentir à ce que des mesures de protection soient prises, à condition qu’elles soient définies avec précision et modifiables.
Il s’agit d’un sujet extrêmement délicat : pour des raisons de protection, les patients accueillis dans les unités Alzheimer sont enfermés, en dehors de tout cadre juridique, sur des données médicales et avec un tel souci d’éviter les risques que cela peut parfois porter atteinte à la qualité de vie. Il conviendrait de rééquilibrer les choses, et de prévoir un regard extérieur. Le plus efficace, pour l’heure, me semble de modifier la rédaction de l’article 22 en prévoyant qu’une annexe portera sur les mesures particulières prises pour assurer l’intégrité physique et la sécurité du résident. Tel est l’objet de mon amendement – qui, comme convenu, pourra être cosigné par les collègues qui le souhaitent.
Mme la rapporteure. Avis favorable : cet amendement règle de manière satisfaisante les problèmes posés par la rédaction initiale de l’article. Il faudra toutefois définir clairement quels types de mesures particulières pourront être prises afin d’éviter une trop grande disparité des pratiques.
La Commission adopte l’amendement rectifié.
Elle passe à l’examen de l’amendement AS117 de M. Hervé Féron.
M. Christophe Sirugue. Il convient de prévoir un droit de recours auprès d’un juge en cas de remise en cause de la liberté d’aller et venir par le médecin coordonnateur de l’établissement.
Mme la rapporteure. Votre amendement est déjà satisfait : les usagers des établissements sanitaires et médico-sociaux peuvent saisir le juge administratif, notamment dans le cadre du référé liberté, car ces établissements ont des missions de service public ; le juge civil dispose également d’une compétence de droit commun pour les atteintes à la liberté et, s’agissant des majeurs protégés, de compétences spécifiques. En outre, tout proche entretenant des liens étroits stables avec la personne concernée a compétence à agir pour saisir le juge. Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’y émettrai un avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement AS107 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. C’est le même cas de figure que tout à l’heure, et je retire mon amendement au profit de celui de la rapporteure.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement AS369 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. De fait, comme tout à l’heure, il s’agit de renvoyer à l’ensemble des mesures de protection des majeurs prévues par le code civil, et non pas aux seules mesures de tutelles.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS340 de la rapporteure.
Elle en vient à l’amendement AS292 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Dominique Orliac. Cet amendement vise à préciser les cas de résiliation prévus par la loi. Il est nécessaire de clarifier les obligations réciproques des gestionnaires de structures et des personnes hébergées si l’on veut éviter la survenue d’événements tragiques, comme ceux qui ont été récemment relayés par les médias.
Mme la rapporteure. L’amendement est satisfait, puisque le défaut de paiement de prestations est inclus dans le cas général des obligations incombant au titre du contrat. Je vous engage à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement est retiré, de même que l’amendement AS293 de la même auteure.
L’amendement AS108 de M. Denys Robiliard est retiré.
La Commission examine l’amendement AS109 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 24, qui n’apporte rien et peut, au contraire, introduire une confusion, dans la mesure où certains établissements peuvent accueillir des mineurs et des majeurs.
Mme la rapporteure. Avis favorable : il s’agit d’une clarification utile.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 22 modifié.
La Commission est saisie des amendements identiques AS226 de M. Arnaud Richard et AS308 de Mme Gilda Hobert.
M. Arnaud Richard. Il existe d’ores et déjà un mécanisme d’agrément pour les associations désirant représenter les intérêts des usagers du système de santé, ce qui permet de donner un cadre légal et réglementaire à leur activité. L’amendement AS226 propose d’étendre ce dispositif aux associations œuvrant dans le champ médico-social.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : la démocratie sanitaire fera l’objet de réformes importantes, notamment dans le cadre du projet de loi de santé publique. Il ne paraît pas opportun d’appliquer aux associations œuvrant dans le champ médico-social des règles qui seront appelées à évoluer de manière importante. Mieux vaut attendre l’examen du projet de loi de santé publique.
M. Arnaud Richard. Pourquoi renvoyer à un texte ultérieur une réforme à laquelle nous sommes tous favorables ? C’est dommage ! En plus, ce n’est pas cohérent avec la volonté du Président de la République de ne pas perdre une minute pour les réformes.
Mme Dominique Orliac. Nous allons, en effet, perdre six mois ; mais puisque l’on nous garantit que ce point sera examiné dans le cadre du projet de loi de santé publique, je retire l’amendement AS308.
L’amendement AS308 est retiré.
La Commission rejette l’amendement AS226.
Elle en vient à l’amendement AS110 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Il est essentiel qu’un regard extérieur puisse s’exercer dans tous les lieux d’enfermement, tant pour empêcher les mauvais traitements que pour permettre d’examiner les pratiques, d’opérer des comparaisons et de rendre compte aux citoyens. Il convient d’organiser ce regard extérieur.
M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, avait souhaité que son institution puisse intervenir dans les EHPAD, mais le fait d’assimiler ces derniers, qui constituent un domicile, à des lieux de privation de liberté a suscité certaines réticences. En revanche, le défenseur des droits y a pleinement accès dès lors que ces lieux sont réputés exercer une mission de service public. L’amendement tend donc à énoncer que c’est le cas.
Mme la rapporteure. La loi n’a pas à empiéter sur le domaine de la loi organique, qui prévoit déjà, au 1° de son article 4, la compétence du défenseur des droits. Celui-ci est chargé de défendre les droits et les libertés dans le cadre des relations avec les administrations d’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public. Les précisions proposées par l’amendement ne sont peut-être pas utiles à ce stade. Avis défavorable.
Mme Michèle Delaunay. Je n’ai pas d’opposition de principe à la mesure proposée par l’amendement, même si elle n’est pas indispensable, car le regard extérieur est déjà assuré par les contrôles de l’agence régionale de santé (ARS), doublés le cas échéant par ceux des départements. La discrimination est aujourd’hui le premier motif de plainte que reçoit le défenseur des droits.
M. Denys Robiliard. Les inspections de l’ARS et des conseils généraux ne se penchent probablement pas sur les processus. Il faut organiser des visites qui relèvent du défenseur des droits ou, plus précisément, du contrôleur général des lieux de privation de liberté, car elles obéissent à une méthodologie et à une grille d’analyse, et il faut signaler au défenseur des droits qu’il peut se saisir de ces missions.
Quant à savoir si cette démarche relève de la loi organique, je n’en suis pas persuadé, car les EHPAD remplissent une mission de service public, même s’ils sont gérés par une personne privée. Le redire ne coûte rien et mieux vaut donc le faire, car c’est une manière d’inviter le défenseur des droits à s’organiser pour répondre aux saisines qui lui sont adressés et pour adopter une démarche proactive en effectuant des visites pour lesquelles la loi organique lui donne des moyens très importants, de la visite inopinée à l’action sur ordonnance judiciaire.
M. Arnaud Richard. Initialement opposé à cet amendement, je me range maintenant aux arguments de M. Robiliard. La mesure proposée est peut-être superfétatoire, mais peut-être aussi permettra-t-elle d’apporter des solutions à certaines situations juridiques. Je voterai donc cet amendement.
Mme la rapporteure. Il est certes toujours préférable de préciser les choses, mais je crains que nous ne donnions trop d’ampleur à la loi. Mieux vaut donc retirer cet amendement, dont nous pourrons débattre lors de l’examen du texte en séance publique.
M. Denys Robiliard. Mieux vaudrait le voter, au contraire. Si elle le souhaite, la ministre en pourra demander la suppression.
M. Jean-Patrick Gille, président. Si on le vote, il figurera dans le texte, avec le risque de ne plus donner lieu à discussion. Ce serait dommage.
Mme la rapporteure. Mieux vaut donc retravailler cette question pour en débattre dans l’hémicycle.
M. Denys Robiliard. Il est parfois bon que le Gouvernement soit obligé de prendre parti. Il lui sera loisible d’amender le texte – de même que nous pouvons encore, s’il y a lieu, améliorer, nous aussi, la rédaction de notre amendement jusqu’à son examen dans l’hémicycle.
La Commission rejette l’amendement.
Section 2
Protection des personnes handicapées et des personnes âgées fragiles
Article 23
(Art. L 116-4 [nouveau], L 331-4 et L 443-6 du code de l’action sociale et des familles)
Extension de l’incapacité spéciale à recevoir des libéralités
Cet article insère dans le code de l’action sociale et des familles un nouvel article L. 116-4 permettant d’intégrer dans le champ d’application des interdictions de recevoir des dons, legs et avantages financiers de toute nature les professions relevant du secteur des services à domicile et d’aide à la personne, les associations et les bénévoles intervenant auprès de personnes âgées et handicapées à leur domicile ou des établissements dans lesquels elles seraient placées.
1. La nécessaire protection patrimoniale des personnes âgées et handicapées en situation de vulnérabilité
Le principe premier légitimant les dons et legs entre personnes est la capacité du donateur tel qu’il est défini à l’article 902 du code civil qui prévoit que « toutes personnes peuvent disposer et recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables ». Indépendamment de la protection juridique des personnes dont l’état physique ou psychologique est altéré relevant des régimes de protection des majeurs, la loi prévoit des dispositifs visant à prévenir la captation des biens des personnes âgées qui sans être frappées d’incapacité, s’avèrent particulièrement vulnérables. Cette protection se fonde sur le régime des incapacités spéciales à recevoir qui a été progressivement élargi.
a. Les dispositions l’article 909 du code civil
En premier lieu l’article 909 du code civil prévoit une incapacité spéciale à recevoir pour les professionnels médicaux et pharmaciens, les professionnels de soins ou personnels curatif, les ministres du culte ainsi que les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions. Ceux-ci ne peuvent bénéficier de dons, en argent ou en nature, ou être désigné comme destinataire testamentaire d’une personne malade pour qui ils auraient prodigué des soins ou une assistance au cours de la pathologie ayant causé le décès. En effet, les relations particulières qui lient les personnes âgées en fin de vie à ces professionnels peuvent faire redouter un abus de position prééminente et d’influence. Les dons ou legs obtenus dans ces circonstances sont entachés d’une présomption irréfragable de captation, qui rend donc impossible de prouver l’absence d’influence négative ou de mauvaises intentions. Il en résulte la nullité relative de l’acte : les parties ayant intérêt à l’annulation ont un délai d’action de cinq ans.
Deux exceptions sont prévues : d’une part les libéralités rémunératoires pouvant faire office d’honoraires pour services rendus, d’autre part des libéralités autorisées dans le cas où le donateur et le bénéficiaire auraient un lien de parenté allant jusqu’au quatrième degré.
Dans sa rédaction issue du code civil de 1803, l’article 909 excluait les seuls médecins, chirurgiens, pharmaciens, les professionnels assurant la gestion des affaires du malade de son vivant (principalement les notaires) et les ministres du culte. Afin de prendre en compte l’évolution de l’environnement social, notamment l’allongement de l’espérance de vie qui a entraîné une augmentation du nombre de personnes âgées prises en charge par des tiers à domicile ou en établissements spécialisés, une première extension de l’incapacité de recevoir a été réalisée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs. Son article 9 a étendu le champ d’application de l’article 909 du code civil aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs ainsi qu’aux personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions (31).
b. La protection des personnes âgées et handicapées hébergées en dehors de leur domicile
Les personnes âgées et handicapées accueillies ou soignées en dehors de leur domicile, chez un tiers disposant d’un agrément organisant l’accueil de personnes âgées et handicapées à titre onéreux ou dans un établissement d’hébergement social ou médico-social autorisé ou déclaré, sont protégées par des dispositions particulières.
L’article L. 443-6 du code de l’action sociale et des familles applique aux accueillants familiaux et à leurs proches l’interdiction de recevoir des libéralités définies à l’article 909 du code civil. S’agissant des établissements d’hébergement, l’article L. 331-4 du code de l’action sociale et des familles prohibe d’une manière plus stricte les dons ou legs : l’interdiction n’est pas subordonnée au fait que les donations aient été effectuées lorsque la personne était atteinte du mal qui a provoqué son hébergement ou son décès. De plus l’ensemble des personnels de l’établissement sont concernés par l’incapacité de recevoir qui frappe « les personnes physiques propriétaires, administrateurs ou employés des établissements [établissements hébergeant, à titre gratuit ou onéreux, des mineurs, des personnes âgées, des personnes handicapées ou inadaptées ou en détresse] ». Enfin l’article 1125-1 du code civil apporte une protection patrimoniale supplémentaire en frappant de nullité toute acquisition de biens appartenant à une personne âgée hébergée dans un établissement social, médico-social ou dispensant des soins psychiatriques, qui, sauf autorisation de justice, auraient été réalisée au bénéfice de leurs personnels.
2. Le régime des incapacités spéciales ne couvre pas l’ensemble des personnes pouvant intervenir auprès des personnes âgées fragiles
Si la réforme réalisée par la loi 5 mars 2007 a permis d’intégrer une partie non négligeable des professionnels en contact direct et prolongé avec les personnes âgées, cette extension demeure lacunaire dans la mesure où les auxiliaires de vie (professionnels ou bénévoles) qui accompagnent, assistent ou réconfortent les personnes accompagnées à domicile ou en établissement, ne sont pas concernés par l’interdiction de recevoir.
Une intervention du législateur est nécessaire car la jurisprudence de la cour de cassation interprète de façon stricte les dispositions de l’article 909 du code civil et n’applique le régime de l’incapacité de recevoir qu’aux personnes qui y sont mentionnées expressément (32).
Par exemple, dans un arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a jugé qu’une aide-ménagère, dont la profession n’est pas habilitée à prodiguer les soins autorisés pour les professionnels de santé visés par l’article 909 du code civil, n’est pas frappée d’incapacité à recevoir des libéralités (33). Or, il s’agit précisément des personnes les plus à même d’exercer une telle influence et d’abuser de leur position. Ainsi selon un rapport de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (34), un risque important de captation de biens provient des auxiliaires bénévoles effectuant des visites au sein des EHPAD, « qui peuvent profiter de l’absence de vigilance de la direction de l’établissement ou de la carence de la famille, pour instaurer une relation de confiance, voire affective, avec la personne et lui soutirer des dons, legs, remises en nature, avantages financiers, etc. ».
Les dispositifs de protection souffrent également d’un manque de cohérence et paraissent mal articulés, nourrissant ainsi un important contentieux successoral. À titre d’exemple, une personne âgée hébergée dans un établissement de santé ne peut gratifier une aide-soignante (35) tandis qu’une dame âgée peut désigner le directeur d’une maison de retraite comme destinataire testamentaire à partir du moment où elle n’y réside plus (36).
Par ailleurs, la condition de traitement ou de soins prodigués au cours de la dernière maladie de la personne décédée constitue un obstacle à l’application de l’interdiction de recevoir. L’allongement de l’espérance de vie et l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes requièrent l’intervention d’auxiliaires de vie : cette intervention n’est pas forcément concomitante de l’apparition de pathologies débouchant sur le décès de la personne mais plutôt de maladies chroniques entraînant une perte d’autonomie et des difficultés à réaliser des gestes quotidiens.
3. L’unification et l’élargissement des dispositifs de protection patrimoniale des personnes âgées et handicapées vulnérables
Le I du présent article regroupe en un seul article L. 116-4 (nouveau) du code de l’action sociale et des familles l’ensemble des dispositions relatives aux incapacités spéciales de recevoir des libéralités à titre gratuit ou des dispositions testamentaires définis aux articles L. 331-4 et L. 443-6 du code de l’action sociale et des familles.
Un article unique prévoyant les différents cas d’incapacité de recevoir favorisera ainsi une application plus uniforme des dispositifs en en corrigeant les défauts d’articulation. En conséquence, le II prévoit l’abrogation des articles L. 331-4 et L. 443-6 du code de l’action sociale et des familles.
Le I prévoit également l’élargissement du régime des incapacités spéciales à l’ensemble des soignants et intervenants auprès des personnes âgées employés pour l’accomplissement de tâches relatives à l’aide et aux services à domicile et/ou aux travaux domestiques. Il couvre donc tous les employés et bénévoles intervenant dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux ainsi, que tous les salariés à domicile même quand ils n’assurent pas des services « sensibles » mentionnés au 3° de l’article L. 7231-1 du code du travail.
Le nouvel article L. 116-4 étend également l’interdiction de recevoir des libéralités à la durée de la prise en charge, de l’accueil ou de l’accompagnement. Cette mesure a été proposée en 2003 par le doyen Carbonnier dans sa proposition de réforme du code civil (37).
Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, les personnes âgées resteraient libres de continuer à faire des cadeaux d’usage en argent ou en nature aux personnes visées par l’incapacité de recevoir. L’article 852 du code civil précise que « le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant ».
La jurisprudence exige du cadeau d’usage qu’il soit fait à l’occasion d’un événement précis dans des proportions raisonnables à hauteur des ressources et sans se traduire par un appauvrissement du donataire. Afin de le distinguer des donations masquées, le plafond de 2 % à 2,5 % du patrimoine du donateur est généralement retenu.
Dans tous les cas de figure, l’incapacité de recevoir est limitée à la période de prise en charge ou d’accompagnement de la personne aidée. Cette dernière pourra donc, à l’issue de cette période, contribuer au financement de l’association par des dons ou legs dont relevait l’établissement ou le service médico-social.
Votre rapporteure est favorable à cette clarification attendue par les professionnels.
Cependant, votre rapporteure relève que le régime de l’incapacité spéciale de recevoir des libéralités de l’article 909 du code civil ne vise pas des intervenants non reconnus comme professions médicales, paramédicales ou psychologiques à part entière, tels que les ostéopathes et chiropracteurs ou les praticiens de médecines douces ou dites traditionnelles alors que leur intervention peut être justifiée par l’état de santé ou psychologique de la personne aidée.
De même, les gestionnaires, personnels, intervenants et bénévoles qui exercent leurs missions au sein d’établissements sanitaires accueillant des personnes âgées régis par le code de santé publique ne sont pas visés. Or les personnes accueillies y sont soumises aux mêmes risques d’influence et de captation patrimoniale.
Enfin, il est toujours possible d’effectuer des dons et legs postérieurement à la prise en charge ou à l’accompagnement de la personne. Le soupçon d’influence sur le donateur peut donc se prolonger dans le temps, ce qui peut être défavorable pour les associations bénéficiaires de legs. La mise en place de fonds juridiquement indépendants des associations les ayant créés pour recueillir les donations et legs permettrait de lever cet obstacle et devrait être encouragée.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, outre un amendement rédactionnel de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement des commissaires du groupe Ecolo, sur avis favorable de la rapporteure, qui précise que le régime des incapacités spéciales s’applique aux bénévoles relevant non des seules associations mais de l’ensemble des organismes intervenant auprès des personnes âgées.
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La Commission est saisie de l’amendement AS171 de Mme Véronique Massonneau.
Mme Véronique Massonneau. Les bénévoles peuvent relever de structures qui ne sont pas des associations, comme des congrégations, fondations ou mutualités. Si donc on veut réellement protéger les personnes âgées en empêchant les bénévoles d’être bénéficiaires des dispositions à titre gratuit entre vifs ou testamentaires prises en leur faveur par les personnes prises en charge, il convient que la mesure s’applique à tous les bénévoles.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS341 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l’article 23 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement AS75 de M. Patrick Hetzel.
M. Gilles Lurton. Sur les diverses personnes intervenant chez les personnes âgées, des abus de confiance peuvent se produire et les héritiers peuvent être écartés de la succession par des professionnels qui se sont occupés des testataires. L’amendement a donc pour objet d’exclure toute personne qui, à titre professionnel, aurait soigné, assisté ou hébergé une personne pendant la maladie dont elle meurt, afin de protéger ses héritiers directs.
Mme la rapporteure. La question est pertinente, et je l’ai d’ailleurs relevée dans le commentaire de l’article 23. L’incapacité spéciale de recevoir des libéralités, prévue par l’article 909 du code civil, ne vise pas des intervenants non reconnus comme professions médicales, paramédicales et psychologiques à part entière, comme les ostéopathes, chiropracteurs et praticiens de médecines douces. Les gestionnaires, personnels et intervenants bénévoles qui exercent leur mission au sein d’établissements sanitaires accueillant des personnes âgées ne sont pas visés non plus. Or les personnes âgées sont soumises au même risque d’influence et de captation patrimoniale que les personnes handicapées. J’ai donc demandé au ministère la communication d’éléments d’expertise, afin de mieux étudier cette question. L’amendement doit cependant être précisé pour être le plus proportionné possible aux enjeux. Je demande donc son retrait et déposerai un amendement sur cette question lors de l’examen du texte en séance publique.
M. Gilles Lurton. Compte tenu du nombre de signataires de cet amendement, je le maintiens, mais nous sommes prêts à discuter de la question.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, donc.
La Commission rejette l’amendement.
Article 24
(Art. 911 du code civil)
Nullité des dons et legs adressés à des personnes morales
par simulation ou interposition
Le présent article modifie l’article 911 du code civil afin d’intégrer les personnes morales dans le dispositif prévenant le contournement des incapacités de recevoir à titre gratuit : il s’appliquera donc aux associations et aux établissements sociaux ou médico-sociaux accueillant des personnes âgées.
1. La nullité du contournement de l’incapacité à recevoir par personne physique ou morale interposée
Ainsi que votre rapporteure l’a rappelé au commentaire de l’article 23, l’article 909 du code civil prévoit une incapacité spéciale à recevoir pour les professionnels médicaux et pharmaciens, les professionnels de soins ou personnels curatifs, les ministres du culte ainsi que les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions. Des donateurs ou les personnes incapables de recevoir peuvent dès lors chercher à contourner l’obstacle au moyen de subterfuges visant à masquer les dons ou legs ou leur destinataire réel.
Il peut s’agir premièrement d’une simulation, c’est-à-dire du déguisement d’un acte prohibé en un acte autorisé, par exemple au moyen du transfert d’un bien, à titre gratuit, sous le couvert d’une vente à une personne incapable de recevoir. En deuxième lieu, le contournement peut revêtir la forme d’une interposition de personnes physique ou morale dans le but de dissimuler l’identité du véritable gratifié. Dans ce cas la libéralité est adressée à un tiers qui n’est pas frappé d’incapacité mais dont le rôle est de transmettre les dons ou legs à la personne incapable. Enfin, les deux stratagèmes peuvent être combinés : la libéralité peut être camouflée en contrat à titre onéreux et faite par personne interposée.
En conséquence, l’article 911 du code civil impose la nullité des moyens mis en œuvre pour échapper à l’interdiction de recevoir.
2. L’absence des personnes morales incapables de recevoir dans le champ de la nullité des libéralités par simulation ou interposition
Dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1803, l’article 911 du code civil disposait que « toute disposition au profit d’un incapable sera nulle, soit qu’on la déguise sous la forme d’un contrat onéreux, soit qu’on la fasse sous le nom de personnes interposées. »
Ces dispositions, inchangées pendant plus de deux siècles, et qui pouvaient s’appliquer aux personnes morales telles que les établissements et services sociaux ou médico-sociaux, ont été modifiées par l’article 10 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités : à la notion d’ « incapable », pourtant suffisamment englobante, le législateur a substitué celle de « personne physique, frappée d’une incapacité de recevoir à titre gratuit ».
L’examen des travaux législatifs (38) révèle qu’il s’agissait ainsi de clarifier les règles de protection des majeurs ne jouissant plus de leur capacité juridique (en particulier les personnes handicapées), contre les manœuvres de leurs proches, dans les cas où seraient mises en place des libéralités dont l’incapable ne serait que le bénéficiaire fictif et eux-mêmes les bénéficiaires réels. Pour de tels actes, les donations devraient donc être autorisées par le juge des tutelles, spécialement habilité à défendre les intérêts de l’incapable.
Mais cette précision a eu pour effet d’exclure les personnes morales du champ de la nullité des libéralités par simulation ou interposition.
Pourtant le même article 10 de la loi portant réforme des successions et des libéralités a bien précisé que la notion de « personnes interposées » vise désormais les personnes « physiques ou morales » : la nullité frappe ainsi les libéralités faites au profit d’un incapable avec interposition d’une société-écran dans laquelle les proches de l’incapable pourraient avoir des intérêts directs, telles des sociétés civiles immobilières. Mais les personnes morales frappées d’incapacité n’ont pas figuré dans la nouvelle définition des destinataires de la libéralité par simulation ou interposition.
3. L’intégration des personnes morales frappées d’incapacité dans le champ d’application de l’article 911 du code civil
En s’inscrivant dans la continuité du dispositif prévu au I de l’article 23 le présent article permet d’établir sans ambiguïté que les règles prévenant le contournement des incapacités de recevoir à titre gratuit s’appliquent aux personnes morales frappées d’incapacité de recevoir.
Il précise à l’article 911 du code civil que la personne frappée d’une incapacité de recevoir à titre gratuit peut être une personne physique « ou une personne morale ». Cette disposition va ainsi compléter et renforcer la protection patrimoniale des personnes âgées et handicapées en situation de vulnérabilité.
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La Commission adopte l’article 24 sans modification.
Article 25
(Art. L 331-8-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles)
Obligation de signalement des situations de maltraitance
L’article 25 instaure une obligation de signalement des situations de maltraitance et l’applique à l’ensemble des établissements et services mettant en œuvre une action sociale et médico-sociale et relevant, à ce titre, du livre troisième du code de l’action sociale et des familles.
Un article L. 331-8-1 (nouveau) du code de l’action sociale et des familles est établi afin de fournir la première définition légale des situations pouvant entraîner la maltraitance des usagers des établissements sociaux et médico-sociaux et justifiant, dès lors, un signalement aux autorités compétentes par les services concernés.
La définition projetée vise à mieux prendre en compte l’origine institutionnelle de la maltraitance et élargit donc aux institutions les obligations de signalement des actes de violence, ou de négligence, déjà applicables au plan individuel, en vertu du droit commun.
• Les obligations de signalement préexistantes
La maltraitance de l’usager d’un établissement ou service social ou médico-social peut avoir une origine directement délictuelle : il s’agit alors d’actes de violence ou de négligence envers des personnes en état de vulnérabilité occasionné par « l’âge, une maladie, une infirmité » selon l’article 223-15-2 du code pénal. L’obligation de signalement est prévue par les articles 434-1 et 434-3 du même code : elle s’applique à quiconque en a connaissance. L’article 40 du code de procédure pénale prévoit en outre l’obligation pour les détenteurs de l’autorité publique ou les fonctionnaires de signaler tous les crimes et délits dont ils ont connaissance.
Des dispositifs de protection des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux visent à lever les obstacles au signalement. L’article 48 de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a établi un article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles qui prévoit que « le fait qu’un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant ». Sont expressément visées toutes les mesures relatives à son emploi et à sa carrière professionnelle.
Au demeurant, les fonctionnaires amenés à signaler des situations de mauvais traitement du fait de leurs missions sont protégés au titre de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Enfin l’article 226-14 du code pénal libère les professionnels de santé de leur obligation de secret quand les victimes sont mineures ou vulnérables, et interdit les sanctions disciplinaires dans ce cas. Et selon l’article 44 du code de déontologie médicale, si le médecin discerne qu’un patient est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour le protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
• Les cas de la maltraitance d’origine institutionnelle
Aux formes de violences individuelles, intentionnelles ou non, qui imposent le signalement ou le témoignage conformément aux voies du droit commun, s’ajoutent cependant des situations de maltraitance d’origine plus diffuse dues à l’organisation d’un service. Elles appellent un signalement par les responsables de ce dernier.
Les défauts d’organisation des services peuvent occasionner en effet la maltraitance « institutionnelle ou passive » (39). Les carences de la structure provoquent la négligence professionnelle et le délaissement face à la douleur ou à l’isolement, ou encore une organisation erratique du service et le non-respect des protocoles. La mauvaise appréhension des risques psycho-sociaux subis par les personnels dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées, en particulier dépendantes, constitue par exemple un facteur organisationnel de maltraitance.
Ces dysfonctionnements constituent dès lors une atteinte grave et renouvelée aux droits fondamentaux définis à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles qui prévoit que « les personnes accueillies en établissement ont droit au respect de leur dignité, leur intégrité physique et morale, leur vie privée, leur intimité et leur sécurité ».
• Les situations visées et les structures concernées
L’article L. 331-8-1 (nouveau) prévoit tout d’abord une obligation de signalement de « tout dysfonctionnement grave dans la gestion ou l’organisation susceptible d’affecter la prise en charge des usagers ou le respect de leurs droits ». Cette première partie de la définition recouvre clairement l’origine institutionnelle de la maltraitance.
S’y ajoute « tout événement ayant pour effet de menacer ou compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge » ce qui regroupe tant certaines conséquences de dérives organisationnelles que les actions individuelles proprement délictuelles.
L’obligation de signalement s’applique tout d’abord à l’ensemble des services et établissements sociaux et médico-sociaux qui se voient délivrer « l’autorisation prévue à l’article L. 313-1 » du code de l’action sociale et des familles. L’autorité compétente varie selon la catégorie de population accompagnée par la structure, l’origine des financements ou la nature des prestations. Selon ces critères, il peut s’agir du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), du président du conseil général ou du préfet de région. La délivrance de l’autorisation peut émaner de plusieurs autorités en cas de compétences conjointes.
L’obligation de signalement s’applique également aux « lieux de vie et d’accueil » : il s’agit de petites structures de prise en charge de publics vulnérables. Ceux qui ne relèvent pas des établissements sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation font l’objet d’une simple déclaration préalable dans deux situations expressément visées par le présent article : les lieux d’accueil d’enfants pour lesquels l’article L. 321-1 prévoit que la déclaration est adressée au président du conseil général ; les lieux d’accueil d’adultes définis à l’article L. 322-1, catégorie pour laquelle l’article R. 322-3, issu d’un décret n° 72-990 du 23 octobre 1972 prévoit que la déclaration « doit être déposée deux mois avant l’ouverture à la préfecture ou au conseil général du lieu de l’établissement ».
Les responsables de ces différentes structures sont tenus d’effectuer le signalement « sans délai » aux autorités compétentes pour leur délivrer l’autorisation de fonctionnement ou recevoir leur déclaration. Un décret en Conseil d’État précisera les conditions dans lesquelles les chefs d’établissements pourront remplir cette obligation.
• Les conséquences en matière de contrôle
L’instauration de cette obligation de signalement vient à l’appui d’un dispositif de contrôle développé sur une base conventionnelle dans le cadre du dispositif régional de veille et d’alerte mis en place dans chaque ARS depuis 2010.
Des protocoles de signalement des événements indésirables survenus ont ainsi été signés avec les établissements relevant des ARS. Un centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) traite les incidents revêtant une particulière gravité au moyen du système d’information sanitaire des alertes et crises (SISAC). Le suivi de ce système est assuré par les référents en matière de lutte contre la maltraitance désignés dans chaque ARS qui définit des mesures correctrices ou préconise la saisine du procureur de la République.
En tout état de cause, les différentes autorités disposent des pouvoirs de sanction précisés dans l’encadré ci-après.
L’article L 313-13 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les autorités ayant délivré les autorisations peuvent diligenter des contrôles, à titre préventif ou inopiné, ainsi que des inspections faisant suite à des signalements ou des réclamations. Elles disposent à cet effet des moyens d’inspection et de contrôle de l’ARS.
Elles peuvent demander l’ouverture d’un contrôle afin « d’apprécier l’état de santé, la sécurité, l’intégrité ou le bien-être physique ou moral des bénéficiaires accueillis ». S’ils « sont menacés ou compromis par les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement de l’établissement », l’article L. 331-5 prévoit que l’autorité compétente doit préalablement formuler des injonctions administratives aux responsables de la structure afin de « remédier aux insuffisances, inconvénients ou abus dans le délai qu’il leur fixe à cet effet ».
Passé le délai, l’absence de suivi des injonctions est sanctionnée par la fermeture totale ou partielle, définitive ou provisoire de la structure. En cas d’urgence ou refus de soumission du gestionnaire au contrôle, la fermeture immédiate et à titre provisoire est prononcée sans injonction par arrêté motivé.
• Les conséquences en matière de prévention
L’obligation instaurée par le présent article, en reconnaissant l’origine « organisationnelle » de la maltraitance, constitue un levier de promotion de la bientraitance. Elle doit permettre aux autorités d’améliorer leur connaissance des risques encourus lors de tout accompagnement d’une personne fragilisée par un établissement ou service social et médico-social.
L’agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux a défini cette notion comme une « culture inspirant les actions individuelles et les relations collectives au sein d’un établissement ou d’un service. Elle vise à promouvoir le bien-être de l’usager en gardant à l’esprit le risque de maltraitance ». Il s’agit donc de rechercher une individualisation et une personnalisation des prestations.
La Haute autorité de santé a ainsi intégré dans son manuel de certification un critère de prévention de la maltraitance et de promotion de la bientraitance. Parmi les bonnes pratiques proposées figurent des évaluations internes, réalisées à l’aide de questionnaires d’auto-évaluation de la bientraitance, et des évaluations externes précisées par une instruction du 31 décembre 2013 de la direction générale de la cohésion sociale du ministère des affaires sociales et de la santé.
Votre rapporteure souligne que la promotion de la bientraitance repose en grande partie sur la formation et la sensibilisation des personnels des services ainsi que des personnels encadrants. L’objectif fixé par le projet de loi de renforcer les services d’aide et d’accompagnement à domicile sous la forme d’un conventionnement autour d’objectifs de qualification professionnelle contribue ainsi à la promotion de la bientraitance.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant que l’obligation de signalement des situations de maltraitance s’applique non seulement dans les cas de « prise en charge » de la personne, terme utilisé pour les seuls accueils en établissement, mais également en cas d’« accompagnement » des personnes, terme utilisé tant pour les personnes accueillies en établissements que pour les usagers des services d’aide et d’accompagnement à domicile.
Sur proposition de la rapporteure, la commission a en outre adopté un amendement étendant l’obligation de signalement des situations de maltraitance aux services d’aide et d’accompagnement à domicile bénéficiant de l’agrément préfectoral au titre des services à la personne.
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La Commission adopte l’amendement de précision AS343 de la rapporteure.
Puis elle examine l’amendement AS342 de la même auteure.
Mme la rapporteure. Les services d’aide et d’accompagnement à domicile soumis à l’agrément suivant des critères de qualité prévu par le code du travail et délivré par le préfet ne sont pas soumis à l’obligation de signalement des situations de maltraitance aux autorités administratives compétentes. Or ces services interviennent dans près de 10 % des accompagnements à domicile, en particulier dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Ils ne sauraient donc se soustraire à l’obligation instaurée pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, qui relève de la procédure d’autorisation.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 25 modifié.
Article additionnel après l’article 25
(Article 2-8 du code de procédure pénale)
Possibilité pour les associations de défense de personnes âgées de se porter partie civile
Sur proposition des commissaires du groupe Ecolo, sur avis favorable de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel qui modifie l’article 2-8 du code de procédure pénale afin d’élargir aux associations de défense des personnes âgées la possibilité de se porter partie civile.
La Commission est saisie de l’amendement AS172 de Mme Véronique Massonneau.
Mme Véronique Massonneau. L’amendement vise à renforcer le code de procédure pénale dans le sens d’une meilleure protection des personnes âgées. En effet, alors qu’une disposition de ce code permet aux associations de défense des personnes handicapées et malades de se porter partie civile, rien de tel n’est prévu pour les associations de défense des personnes âgées, qui peuvent pourtant être vulnérables. L’amendement a donc pour objet de donner ce droit aux associations de défense des personnes âgées.
Mme la rapporteure. Cet élargissement de l’accès au juge pour les associations de défense des personnes âgées est utile. L’article 2-8 du code de procédure pénale prévoit que ces associations doivent être régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans, ce qui est une garantie de sérieux. J’émets donc un avis favorable à l’amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Section 3
Protection juridique des majeurs
Article 26
(Art. L. 471-6 et L. 471-8 du code de l’action sociale et des familles)
Généralisation de l’obligation de délivrance
du document individuel de protection des majeurs
Cet article étend l’obligation de formalisation d’un document individuel de protection des majeurs à l’ensemble des mandataires judiciaires à la protection des majeurs afin de mieux organiser les modalités d’information et de participation du majeur protégé. Il apporte les modifications nécessaires au chapitre 1er, relatif aux dispositions communes aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs, du titre VII du livre IV du code de l’action sociale et des familles.
1. Les majeurs protégés ne disposent pas des mêmes droits selon les mandataires judicaires auxquels ils sont confiés
Héritières des lois n° 66-774 du 18 octobre 1966 relative aux tutelles et aux prestations sociales et n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs, rénovées par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les missions des mandataires judicaires à la protection des majeurs (MJPM) sont définies à l’article L. 471-1 du code de l’action sociale et des familles.
Les MJPM « exercent à titre habituel les mesures de protection des majeurs que le juge des tutelles leur confie au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d’accompagnement judiciaire ».
a. Les garanties applicables à l’ensemble des mandataires judiciaires à la protection des majeurs
Tout majeur protégé dont les intérêts sont confiés à une mandataire judiciaire bénéficie de garanties. Selon l’article 450 du code civil, le mandataire judiciaire est désigné par le juge des tutelles pour assurer une mesure de protection judiciaire lorsque les parents ou proches du majeur concerné ne peuvent s’en charger : dès lors ; il ne peut refuser d’accomplir les actes urgents que commande l’intérêt de la personne protégée, notamment les actes conservatoires indispensables à la préservation de son patrimoine.
En vertu de l’article L. 471-4 du code de l’action sociale et des familles, la fonction de mandataire est soumise à des conditions de moralité – c’est-à-dire d’absence de sanctions pénales –, des conditions d’âge, ainsi que de formation et expérience professionnelle. La direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) délivre un agrément permettant d’exercer les fonctions et d’être inscrit sur la liste de professionnel concourant à la mise en œuvre du Schéma régional des mandataires judiciaires à la protection des majeurs établi par le représentant de l’État dans le département.
L’article 425 du code civil prévoit que « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique ». La mesure est destinée à la protection tant de la personne que de ses intérêts patrimoniaux. Elle peut toutefois être limitée expressément à l’une de ces deux missions.
La mesure de protection peut consister à placer sous la sauvegarde de justice, définie à l’article 433 du code civil, la personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
S’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante, deux mesures de protection judiciaires renforcées sont définies à l’article 440 du code civil : la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin, d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
Enfin, la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle qui n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
Les MJPM sont en premier lieu des services autorisés, spécialisés dans la mise en œuvre des mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire, définis au 14° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles: il s’agit dont principalement d’établissements sociaux et médico-sociaux.
Mais les MJPM peuvent également être des mandataires exerçant à titre individuel, disposant d’un agrément prévu à l’article L. 472-1 code de l’action sociale et des familles : ils constituent l’essentiel des personnes physiques mandataires judiciaires à la protection des majeurs. En outre, cette catégorie des « personnes physiques » est complétée par un cas de figure, prévu par l’article L. 472-6 du même code : un établissement hébergeant des majeurs mais non spécialisé dans la mise en œuvre des mesures de protection, plutôt que de recourir à un service spécialisé, peut choisir de désigner un de ses agents en qualité de personne physique « préposée d’établissement », sous réserve qu’il réponde aux mêmes exigences que les mandataires individuels agréés.
Pour ces deux catégories d’intervenants, la loi a défini des obligations d’information de la personne protégée et de recherche de son consentement. Ainsi l’article L. 471-6, dans sa rédaction issue de l’article 14 de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, dispose qu’« afin de garantir l’exercice effectif des droits et libertés de la personne protégée, notamment de prévenir tout risque de maltraitance », le mandataire judiciaire à la protection des majeurs remet à la personne protégée une notice d’information à laquelle est annexée une charte des droits de la personne protégée, définie à l’annexe 4-3 du décret n° 2008-1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales. Lorsque l’état de la personne protégée ne lui permet pas d’en mesurer la portée, la notice est remise à un membre du conseil de famille s’il a été constitué ou, à défaut, à un parent, un allié ou une personne de son entourage dont le mandataire connaît l’existence.
b. La remise du document individuel de protection des majeurs aux seules personnes protégées par des services spécialisés
Les services mandataires de la protection judiciaires des majeurs sont soumis à des obligations spécifiques envers les personnes qu’ils protègent, conformément aux dispositions de la loi n° 2002-02 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale qui ont renforcé les droits des usagers des établissements. Outre la notice d’information et la charte des droits de la personne protégée, les mandataires rattachés à des établissements et services médico-sociaux doivent remettre à la personne concernée ou à un tiers, dans les conditions définies à l’article L. 471-8 du code de l’action sociale et des familles, le document individuel de protection des majeurs (DIPM).
Le contenu du DIPM et les modalités d’application ont été précisées par le décret n° 2008-1556 du 31 décembre 2008 codifié à article D. 471-8 du CASF. Le document individuel comprend ainsi
– les motifs de la nature de la mesure de protection et ses objectifs ;
– la définition de l’accueil et de la prise en charge du protégé dans le service ainsi que le cadre des échanges et relations avec le service ;
– les conditions de participation financière du protégé, le cas échéant ;
– la participation du bénéficiaire de la mesure de protection à l’élaboration du document quand il est en capacité de le faire.
Lorsque la personne protégée est prise en charge dans un établissement médico-social, ce document a la même valeur que le document individuel de prise en charge qui présente une liste décrivant les prestations et leurs coûts. Formalisé lors de l’admission de la personne prise en charge, il doit lui être remis dans les quinze jours suivant son entrée en établissement. Afin de garantir l’expression de leurs volontés, un récépissé (40) doit être signé par l’intéressé. Enfin, le DIPM est révisé tous les cinq ans afin de prendre en compte de l’évolution des besoins.
Ce document est un outil au service de la garantie des droits et libertés individuelles de la personne prise en charge : il présente l’avantage d’être personnalisé, conformément aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles définies par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) (41). Il permet de prendre en compte les attentes du majeur protégé dans la construction des mesures qui lui sont appliquées. L’obligation de participation du majeur, le respect de son autonomie et la prise en considération de ses besoins répondent aux exigences de qualité de la prise en charge et d’accompagnement du protégé énoncées à l’article L 311-3 du code de l’action sociale et des familles.
Or cette obligation applicable aux services mandataires de la protection judiciaires des majeurs n’a pas été étendue à l’ensemble des mandataires par la loi du 5 mars 2007. L’obligation de formalisation et de transmission du document individuel est ainsi propre à la prise en charge en établissement public social ou médico-social. Les MJPM personnes physiques, c’est-à-dire exerçant leur mandat à titre individuel ou en tant que préposés d’établissement sont exemptés de cette obligation. En effet, dans sa rédaction actuelle, l’article L. 471-6 du code de l’action sociale et des familles ne prévoit, pour l’ensemble des mandataires judiciaires, que la transmission d’une notice d’information comprenant en annexe une charte des droits de la personne protégée.
Sur environ 750 000 majeurs protégés 2011, 48 % des tutelles et curatelles sont confiées à un membre de la famille : dans 52 % des cas, la famille ne pouvant ou ne souhaitant pas exercer la mesure de protection, elle est confiée aux mandataires judiciaires qui exercent environ 360 000 mesures. 90 % d’entre elles, soit 330 000 sont confiées à près de 250 services MJPM. Les 30 000 mesures restantes relèvent de près de 1 400 mandataires individuels auxquels, selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, s’ajoutaient 573 personnes préposées d’établissement au 1er janvier 2012.
Il en résulte donc une rupture d’égalité entre les personnes sous protection judiciaire, les droits d’une minorité d’entre elles, dont le mandataire judiciaire est une personne physique agréée, n’étant pas garantis de la même manière que pour celles qui relèvent des services autorisés.
2. L’extension de l’obligation de réaliser un DIPM aux mandataires individuels et aux préposés d’établissement
Le dispositif institué par le présent article vise à garantir les droits des personnes prises en charge en rendant l’élaboration du DIPM et sa transmission à l’intéressé obligatoire pour l’ensemble des mandataires, personnes physiques comme personnes morales.
À l’alinéa 2, le 1°) modifie l’article L 471-6 afin de prévoir que deux documents sont remis personnellement au majeur protégé lorsque son état physique et psychologique lui permet d’en comprendre l’intérêt. Il s’agit d’une part, à l’alinéa 4, de la notice d’information à laquelle est jointe une charte des droits de la personne protégée et d’autre part, à l’alinéa 5, du DIPM. L’alinéa 7 précise que copie des documents doit être envoyée à la personne concernée de façon à pouvoir attester de leur date de réception.
Il est précisé que le DIPM vaut, « le cas échéant » document individuel de prise en charge en établissement prévu à l’article L. 311-14, et qui ne concerne que les MJPM rattachés à des établissements.
Dans la nouvelle rédaction envisagée, il n’est plus mentionné que les documents sont remis « afin de garantir l’exercice effectif des droits et libertés de la personne protégée, notamment de prévenir tout risque de maltraitance » : cette mention figure en effet à l’article L. 311-4 qui garantit les droits des usagers des établissements sociaux et médico-sociaux. Pour les majeurs protégés par les services mandataires le renvoi est donc direct, mais il est absent pour les majeurs protégés par des mandataires personnes physiques. Dans le but, poursuivi par le présent article, d’homogénéisation des situations selon le type de mandataire judiciaire, le rétablissement de cette mention serait donc utile.
L’alinéa 6 définit le contenu du document individuel de protection des majeurs de manière à fournir des garanties adaptées à la personne protégée : le document doit définir les « objectifs et la nature de la mesure de protection dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles ». En cas de protection par un service autorisé, il est fait référence au « projet de service ». Afin de renforcer la protection patrimoniale du majeur protégé, le DIPM doit détailler la liste et la nature des prestations offertes ainsi que le montant prévisionnel des prélèvements opérés sur les ressources de la personne protégée. Le contenu minimal de ce document est fixé par décret.
Pour le cas où le majeur ne peut saisir la portée de ces documents, l’alinéa 3 du présent article prévoit qu’ils doivent alors être transmis aux membres du conseil de famille chargé d’assister la personne protégée, désignés par le juge des tutelles conformément à l’article 399 du code civil. Si ce conseil n’est pas constitué, un parent, un allié, un proche membre de l’entourage peuvent le recevoir. Dans le cas où il serait impossible de remettre le document à l’une de ces personnes, ce rôle peut revenir à la « personne de confiance » au sens de l’article L 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles, créé par le 4° de l’article 22 du présent projet de loi.
Enfin, le 2°) du présent article apporte deux modifications de coordination à l’article L. 471-8 relatif aux obligations des services mandataires judiciaires à la protection des majeurs, afin de modifier les références à l’article L. 471-6 auxquelles il renvoie.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement présenté à la fois par la rapporteure, par les commissaires du groupe SRC et par les commissaires du groupe UMP qui rétablit à l’article L. 471-6 du code de l’action sociale et des familles, la mention expresse de remise du DIPM « afin de garantir l’exercice effectif des droits et libertés de la personne protégée, notamment de prévenir tout risque de maltraitance » : elle est ainsi rendue applicable sans ambiguïté aux mandataires judiciaires personnes physiques.
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La Commission est saisie des amendements identiques AS344 de la rapporteure, AS10 de M. Dominique Tian et AS210 de M. Christophe Sirugue.
Mme la rapporteure. Dans la nouvelle rédaction projetée de l’article L. 471-6 du code de l’action sociale et des familles, il n’est plus mentionné que les documents sont remis « afin de garantir l’exercice effectif des droits et libertés de la personne protégée, notamment de prévenir tout risque de maltraitance ». Cette mention figure certes à l’article L. 311-4 du même code, qui garantit les droits des usagers des établissements sociaux et médico-sociaux : pour les majeurs protégés par les services mandataires, le renvoi est donc direct. En revanche, elle n’est pas applicable aux personnes relevant de mandataires judiciaires personnes physiques. Le présent amendement a donc pour objet de rétablir cette mention.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle examine l’amendement AS211 de M. Christophe Sirugue.
M. Christophe Sirugue. L’extension de l’obligation d’établir un document individuel de protection à tous les mandataires judiciaires offre l’assurance que chaque majeur protégé pourra bénéficier de ce dispositif.
Mme la rapporteure. Cet amendement est déjà satisfait, car l’article 471-6 régit les dispositions communes à toutes les catégories de mandataires, y compris les mandataires individuels. Je demande donc son retrait, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 26 modifié.
Article additionnel après l’article 26
(Art. L. 471-2-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles)
Incompatibilité des activités de mandataire judiciaire à la protection des majeurs à titre individuel et de délégué mandataire
Sur proposition de plusieurs commissaires des groupes SRC, UMP et RRDP, sur avis favorable de la rapporteure, votre commission des affaires sociales adopté un article additionnel établissant, dans un article L. 471-2, nouveau, du code de l’action sociale et des familles, l’interdiction, pour les mandataires judiciaires à la protection des majeurs d’une double activité en tant que salarié et à titre indépendant.
La Commission est saisie des amendements identiques AS111 rectifié de M. Christophe Sirugue, AS250 de Mme Bérengère Poletti et AS294 de Mme Dominique Orliac.
M. Christophe Sirugue. L’amendement tend à inscrire dans la loi que l’activité de délégué mandataire judiciaire à la protection des majeurs est incompatible avec celle de mandataire judiciaire à la protection des majeurs exerçant à titre individuel. Face au développement observé au cours des dernières années, il importe en effet de clarifier les choses.
Mme la rapporteure. Les cumuls actuellement pratiqués sont très contestables, car les personnes formées par les associations qui deviennent mandataires judiciaires à la protection des majeurs exercent ensuite des activités en propre, au détriment parfois de ces associations et sans encadrement. On touche ici à la question des restrictions à la libre prestation de service et à la liberté d’entreprendre. J’émets donc un avis défavorable en l’état, mais nous devrons réexaminer ce sujet lors de l’examen du texte en séance publique.
M. Christophe Sirugue. Je ne souhaite pas retirer cet amendement. Si le Gouvernement considère qu’il dispose d’éléments susceptibles de nous rassurer, il proposera de supprimer cet article additionnel.
Mme Bérengère Poletti. Je maintiens mon amendement AS250.
Mme Dominique Orliac. Et moi l’amendement AS294, car il serait dommage de retarder l’adoption d’une mesure qui va dans le bon sens.
La Commission adopte les amendements.
Article 27
(Art. L. 472-1 et L. 472-1-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles)
Organisation d’appels à candidatures pour la délivrance de l’agrément des mandataires individuels
Cet article réforme la procédure d’agrément des mandataires judiciaires à la protection des majeurs individuels décrite à l’article L. 472-1 du code de l’action sociale et des familles. Il s’agit de la mettre en cohérence avec le schéma régional d’organisation sociale médico-sociale consacré à la protection juridique des majeurs. La procédure actuelle, qui accorde ou refuse l’agrément en fonction de l’état des besoins à la date du dépôt de la demande, est remplacée par une procédure d’appel à candidatures.
1. Une procédure d’agrément des mandataires déconnectée des besoins
Les personnes physiques souhaitant exercer à titre individuel la fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs doivent préalablement déposer une demande auprès des services déconcentrés de l’État (42) et auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance du chef-lieu de département. L’agrément peut être délivré, d’une part, si le candidat satisfait les conditions définies à l’article L. 471-4 du code de l’action sociale et des familles : absence de condamnation pour des infractions limitativement énumérées à l’article L. 133-6 du même code ; âge ; formation et expérience professionnelle. D’autre part, conformément à l’article L. 472-2, le candidat doit fournir des garanties suffisantes en matière de responsabilité civile des dommages qui seraient causés par le majeur protégé.
La délivrance ou le refus de l’agrément s’effectuent selon l’état, à la date du dépôt de la demande, du schéma régional des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales prévu au b du 2° de l’article L. 312-5 du code de l’action sociale et des familles. S’inspirant des schémas régionaux d’organisation sociale et médico-sociale, ces schémas déterminent la nature et le niveau de l’offre ainsi que l’évolution des besoins de la population en la matière.
Si le nombre de mandataires judiciaires à la protection des majeurs inscrits sur la liste départementale est jugé suffisant pour répondre aux objectifs et aux besoins définis par les schémas, l’agrément n’est pas délivré. Le procureur de la République, saisi pour avis, se prononce sur l’opportunité de procéder à de nouvelles inscriptions en fonction du nombre de missions confiées aux mandataires exerçant dans son ressort : en dessous d’un certain seuil, une activité insuffisante ne permet en effet pas de préserver les compétences et les qualifications des professionnels en exercice. Ainsi, les demandes d’agrément peuvent être déposées à tout moment alors même que les listes départementales sont complètes et les missions entièrement pourvues. Le recrutement des nouveaux mandataires dépend donc essentiellement de la coïncidence du dépôt de la demande avec de nouveaux besoins.
2. La délivrance de l’agrément des mandataires individuels par appel à candidatures
L’article 27 met donc en place une procédure d’appel à candidatures dans le but de mieux répondre aux besoins et aux objectifs fixés par le schéma régional. En conséquence, à l’alinéa 2, le 1°) supprime les alinéas 2 à 4 de l’article L. 472-1 qui fixent la procédure actuelle : cette dernière est entièrement redéfinie au 2°) du présent article, aux alinéas 3 à 9, qui insèrent un nouvel article L. 472-1-1 prévoyant la délivrance de l’agrément après un appel à candidatures.
L’alinéa 4 détaille les étapes de la procédure : l’appel public à candidatures est lancé par le représentant de l’État dans le département qui définit un délai de dépôt ; un décret simple précisera les informations à fournir par les candidats. L’alinéa 5 maintient l’examen des candidatures au regard des conditions actuelles : moralité, âge et formation certifiée par renvoi à l’article L. 471-4 ; garanties de responsabilité civile définies à l’article L. 472-2. Mais désormais le respect de ces conditions permet seulement de passer l’étape de la recevabilité des candidatures.
Conformément à l’alinéa 6, les candidatures recevables font l’objet d’une sélection par le représentant de l’État dans le département, qui les classe tout d’abord en fonction de leur adéquation aux besoins et aux objectifs du schéma régional, sans changement donc avec les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 472-1 dans sa rédaction actuelle. Mais de nouveaux critères sont ajoutés : définis par décret en Conseil d’État, ils viseront à assurer la qualité, la proximité et la continuité des missions de protection des majeurs.
Les alinéas 7 et 8 définissent la procédure de la délivrance de l’agrément : le représentant de l’État dans le département le délivre sur avis conforme du Procureur de la République. Enfin l’alinéa 9 reprend les dispositions relatives à la validité de l’agrément dans le temps figurant aujourd’hui à l’alinéa 4 de l’article L. 472-1, et les adapte à la nouvelle procédure d’agrément.
En premier lieu, tout changement important de situation du mandataire doit être signalé aux services déconcentrés de l’État. Le périmètre des changements devant faire l’objet d’un signalement semble pourvoir s’apprécier de façon pragmatique ; le mandataire n’a pas à informer l’autorité de tout changement dans sa structure mais de changements qui ont une incidence sur la gestion, tels une modification des effectifs ou du lieu d’établissement. Le qualificatif d’ « important » est cependant privé de définition juridique précise : une clarification par voie de circulaire, semble, à tout le moins, nécessaire.
En outre, si ces modifications sont de nature à affecter les conditions requises pour la délivrance d’un agrément, le mandataire devra présenter une nouvelle candidature.
Votre rapporteure est favorable à la modification projetée. Le lien entre la délivrance des agréments et la définition des besoins en amont sera renforcé. L’ensemble de la procédure gagnera ainsi en lisibilité et les candidats pourront mieux anticiper les missions qu’ils seront amenés à remplir.
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Lors de l’examen du texte du projet de loi, sur proposition des commissaires du groupe SRC, avec avis favorable de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a clarifié l’obligation pour le mandataire de signaler les changements de situation aux services déconcentrés de l’État en supprimant la restriction aux seuls changements « importants ». La commission a en outre adopté une modification rédactionnelle proposée par la rapporteure.
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La Commission est saisie de l’amendement AS212 de M. Christophe Sirugue.
M. Christophe Sirugue. Le qualificatif « important » n’ayant pas de définition juridique, mon amendement tend à le supprimer de la première phrase de l’alinéa 9 de l’article 27.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS345 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l’article 27 modifié.
Article additionnel après l’article 27
(Art. 477 du code civil)
Durée maximale de validité et modalités d’enregistrement du mandat de protection future
Sur proposition de plusieurs commissaires du groupe SRC, sur avis favorable de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel qui modifie l’article 477 du code civil relatif au mandat de protection future dans le but, d’une part de prévoir qu’il doit faire l’objet d’un renouvellement au terme d’une durée de cinq ans, et d’autre part, que ce mandat fait l’objet d’un enregistrement au fichier central des dispositions de dernières volontés.
La Commission est saisie des amendements AS251 de Mme Bérengère Poletti, AS190 de Mme Joëlle Huillier et AS315 de Mme Bérengère Poletti, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.
Mme Bérengère Poletti. L’amendement AS251 propose deux évolutions législatives. La première tend à garantir que le mandat signé reste conforme à la volonté de la personne, avant sa mise en œuvre, en limitant la durée du mandat de protection future à cinq ans maximum à compter de sa signature. En effet, durant la période qui sépare la manifestation des motivations qui ont conduit à souscrire un tel mandat et sa mise en œuvre, bien des événements peuvent se produire dans une vie : l’évolution de l’état de santé ou de la situation familiale, un changement du lieu de vie ou des modifications patrimoniales sont autant d’éléments qui peuvent faire évoluer la rédaction initiale d’un mandat de protection future. À l’issue de ce délai de cinq ans, le mandant renouvelle systématiquement sa volonté pour maintenir la validité du mandat de protection future par reconduction expresse. Cette modalité, garantie de l’expression de la volonté du mandant, sera l’occasion de revoir éventuellement l’étendue du mandat et de refaire le point avec son ou ses mandants. À défaut de cette affirmation expresse de la volonté du mandant, le mandat deviendrait caduc.
La deuxième évolution consiste à assurer la publicité du mandat de protection future, quelle que soit sa forme, pour en connaître et attester de son existence. De fait, les magistrats et les notaires ont besoin d’avoir plus de visibilité quant à l’existence ou non d’un mandat. À l’instar des mesures de protection judiciaire, la mention du répertoire civil (RC) en marge de l’état-civil garantirait à la fois la publicité des mandats et le respect de la vie privée des mandants. Cette mesure pourrait également contribuer à tenir des statistiques nationales et à décharger les greffes, qui procèdent aujourd’hui à une vérification purement formelle des pièces avant toute exécution du mandat.
Mme Joëlle Huillier. Mon amendement AS190 tend, lui aussi, à limiter à une durée de cinq ans les mandats de protection future, afin de protéger les parents d’adultes handicapés lorsqu’ils vieillissent et sont eux-mêmes atteints d’incapacité.
Il tend également à préciser qu’un décret fixe les conditions du renouvellement du mandat et que tout mandat de protection future, ainsi que son renouvellement, est enregistré au fichier central des dispositions de dernières volontés.
Mme Bérengère Poletti. L’amendement AS315 est défendu.
Mme la rapporteure. Je ne dispose pas de tous les éléments pour répondre précisément à chacun de ces trois amendements et nous devons travailler cette question pour avancer rapidement. J’émets donc un avis favorable à l’amendement AS190, qui est le plus complet des trois.
Mme Bérengère Poletti. Je me rallie à l’amendement AS190.
L’amendement AS251 est retiré.
La Commission adopte l’amendement AS190 rectifié.
En conséquence, l’amendement AS315 n’a plus d’objet.
Article 28
(Art. L. 3211-6 du code de la santé publique)
Extension aux personnes hébergées dans un établissement médico-social du placement sous sauvegarde de justice par déclaration médicale
Cet article intègre les personnes hébergées dans les établissements médico-sociaux dans le champ de la procédure simplifiée de placement sous sauvegarde de justice par déclaration médicale défini à l’article L. 3211-6 du code de la santé publique.
1. Le placement sous sauvegarde de justice par déclaration médicale
Le placement sous sauvegarde de justice, prévue aux articles 433 à 439 du code civil est un dispositif de protection juridique provisoire permettant au majeur qui connaît, aux termes de l’article 425 du code civil, une altération de son état physique ou psychologique, de bénéficier d’une protection juridique temporaire ou d’être représenté pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
Cette mesure est adaptée aux personnes pour lesquelles la curatelle ou la tutelle ne sont pas nécessaires. Protection et assistance peuvent ainsi être rendues aux personnes frappées d’incapacités temporaires, accidentées et hospitalisées par exemple, ou souffrant d’une altération légère mais durable de leurs facultés mentales et physiques, ainsi de personnes âgées en perte d’autonomie légère. La sauvegarde de justice laisse en effet au majeur une certaine autonomie : les actes et engagements effectués dans le cadre de la sauvegarde sont contrôlés a posteriori et peuvent faire l’objet d’une annulation si la preuve est apportée qu’ils ont été réalisés sous l’emprise d’un trouble mental.
Il s’agit également d’une mesure d’urgence lorsque les personnes ont besoin d’une protection immédiate ou bien lorsqu’une demande de mise sous tutelle ou curatelle est en attente de décision. Fixée par le juge des tutelles pour une durée d’un an renouvelable une fois, la mesure cesse lorsque la personne protégée recouvre ses facultés, ou, en cas de dégradation de son état, par l’instauration de la tutelle ou de la curatelle.
L’article L. 3211-6 du code de santé publique définit la procédure de la mise sous sauvegarde de justice par déclaration médicale. Le premier alinéa de cet article prévoit qu’un médecin dispensant des soins en ville, qui constate une dégradation de l’état de son patient le rendant particulièrement vulnérable, a la faculté d’adresser au procureur de la République du lieu du traitement une déclaration qui a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice si elle est accompagnée de l’avis conforme d’un psychiatre : la personne bénéficie dès lors d’une protection juridique dans certains actes de la vie.
Lorsque la personne majeure concernée est soignée dans un établissement de santé, le deuxième alinéa du même article L. 3211-6 instaure en revanche une obligation de déclaration au procureur de la République. Dans ce cas la procédure de déclaration est simplifiée car l’avis conforme d’un psychiatre n’est pas exigé : la déclaration du seul médecin de l’établissement de santé a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice. Le procureur de la République doit informer le représentant de l’État dans le département de cette mise sous sauvegarde de justice.
2. L’extension de la procédure simplifiée aux personnes accueillies en établissement médico-social
En l’état actuel du droit, seul les médecins exerçant en établissement de santé peuvent procéder à une déclaration simplifiée en vue de placer un patient sous sauvegarde de justice. Les établissements médico-sociaux sont pourtant amenés à accueillir et soigner des publics pouvant être concernés par les mesures de sauvegarde de justice.
L’alinéa unique du présent article insère donc au deuxième alinéa de l’article L. 3211-6 du code de la santé publique la mention expresse des établissements médico-sociaux : les médecins qui y exercent seront ainsi en mesure de faire bénéficier les patients fragilisés de la mise sous sauvegarde de justice.
L’extension de la procédure simplifiée aux établissements médico-sociaux va ainsi harmoniser le régime de sauvegarde judiciaire notamment du point de vue procédural. Il convient de préciser que le juge des tutelles n’intervient pas dans cette procédure par déclaration médicale qui ne conduit pas à la désignation d’un mandataire. Seule une décision ultérieure du juge, soumise à un possible recours, peut conduire à la désignation d’un ou plusieurs mandataires professionnels ou de proches pour accomplir une mission globale de protection de la personne ou de ses biens ou encore seulement un ou plusieurs actes déterminés.
De cette uniformisation, il est attendu une meilleure protection des droits des usagers en offrant la possibilité à une part non négligeable de personnes pouvant nécessiter un accompagnement dans les actes de la vie, de bénéficier d’un régime de protection plus simple à mettre en place, moins contraignant et leur conférant une plus grande autonomie. De surcroît, les personnes hébergées en établissement médico-sociaux et qui seraient dans l’attente d’une mesure de protection de tutelle ou curatelle, pourront ainsi profiter d’une protection provisoire.
Votre rapporteure souligne que cette mesure pourra faire l’objet d’une évaluation par le futur Haut Conseil de l’âge, institué par l’article 46 du présent projet de loi, ainsi que dans le cadre des travaux du Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et des personnes handicapées.
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La Commission adopte l’article 28 sans modification.
Article additionnel après l’article 28
(Art. 26 du code civil)
Déclaration de nationalité française par un étranger ascendant de Français et présent sur le territoire depuis vingt-cinq ans
Sur proposition de M. Denys Robiliard, sur avis défavorable de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel qui modifie l’article 26 du code civil relatif aux déclarations de nationalité. Cet amendement vise à permettre à des étrangers ascendants de Français et présents sur le territoire depuis vingt-cinq ans d’acquérir la nationalité française par déclaration. Votre rapporteure doute cependant du caractère opérant de cette modification du titre 1er bis du code civil relatif à la nationalité française, car elle vise seulement son chapitre V, consacré aux actes relatifs à l’acquisition ou à la perte de la nationalité française, mais ne modifie pas le chapitre III relatif aux modes d’acquisition de la nationalité française, qui énumère limitativement les différents cas d’acquisition de la nationalité française par déclaration, et ne prévoie pas ce nouveau cas d’acquisition.
La Commission est saisie de l’amendement AS102 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Sur proposition du président de l’Assemblée nationale, la conférence des présidents a créé, en novembre 2012, une mission d’information sur les immigrés âgés, présidée par M. Denis Jacquat, dont le rapporteur était M. Alexis Bachelay. Son rapport d’information, déposé le 2 juillet 2013, préconisait plusieurs mesures pour améliorer le sort de ressortissants étrangers non communautaires présents sur le sol français depuis de très nombreuses années. Je soutiens plusieurs amendements qui reprennent certaines d’entre elles.
L’amendement AS102 tend à permettre à un étranger, parent de Français et présent sur le territoire depuis au moins vingt-cinq ans, d’acquérir la nationalité française par déclaration, comme peut le faire le conjoint d’un Français après plusieurs années de vie commune.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Sur le fond la proposition de M. Robiliard est intéressante mais, à mon sens, un tel sujet ne peut pas être évoqué par la voie d’un amendement déposé sur un projet de loi concernant le vieillissement. Cette question aurait mérité une approche plus globale.
M. Denis Jacquat. Les quatre-vingt-deux propositions qui constituaient les conclusions de la mission d’information sur les immigrés âgés, que j’ai eu l’honneur de présider, ont été adoptées à l’unanimité. La mise en œuvre de certaines de ces mesures nécessite l’intervention du législateur, et il me paraît judicieux de présenter des amendements en ce sens dans un texte consacré à l’adaptation de la société au vieillissement.
Nous sommes allés chercher les personnes concernées il y a une cinquantaine d’années, au Maroc, en Tunisie, en Algérie ou au Mali, afin qu’elles participent au développement industriel et rural de la France. Ces chibanis ont pleinement joué leur rôle et ils ont fini par avoir vécu plus longtemps en France que dans leur pays d’origine. Désormais ils ont tous plus de soixante-dix ans. Leur famille et leurs amis sont en France, et ils entendent rester sur le sol français où ils vivent, pour la plupart, dans des institutions collectives comme les foyers Adoma. Notre honneur exige que nous les récompensions en inscrivant dans la loi certaines des propositions du rapport d’information.
L’amendement AS102 vise à accorder la nationalité à des chibanis auxquels elle est systématiquement refusée depuis cinquante ans, alors qu’elle est parfois accordée dans des délais beaucoup plus brefs à d’autres immigrés arrivés illégalement en France. Il nous appartient de régler au plus vite ce problème car, dans les foyers Adoma, cette population âgée décède actuellement au rythme de trois personnes par jour.
M. Gérard Sebaoun. Nous ne pouvons pas nous contenter de déplorer la situation de ces personnes qui vivent et meurent sur notre sol, sans jamais agir. C’est l’honneur de la nation que de leur reconnaître leur place pleine et entière. Il s’agit d’une obligation morale dont aucune argutie juridique ne saurait nous détourner. Pour ces gens qui ont fait souche ici, les amendements de M. Robiliard trouvent parfaitement leur place dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.
M. Arnaud Richard. Dès 2007, Jean-Louis Borloo avait souhaité que la situation des chibanis soit prise en compte. Notre majorité avait alors adopté, à l’unanimité de cette chambre, une disposition législative qui leur était favorable. Malheureusement, les décrets d’application n’ayant pas été publiés, elle n’a jamais été mise en œuvre.
La ficelle consistant à proposer de traiter le sujet dans un texte plus global est un peu grosse. Chibani signifie « cheveux blancs » en arabe dialectal : dans quel texte un tel sujet serait-il mieux traité que dans un projet de loi consacré au vieillissement ?
Mme Joëlle Huillier. Je partage tous les arguments exprimés sur le fond, mais je ne crois pas que cet amendement relatif à l’acquisition de la nationalité ait sa place dans un texte concernant la perte d’autonomie des personnes âgées. Un projet de loi sur l’immigration constituerait un véhicule bien plus adapté pour marquer notre reconnaissance à l’égard des chibanis.
J’ajoute qu’une discussion dans un tel cadre permettrait d’aller plus loin que ne le fait l’amendement qui me paraît bien timide. Pourquoi réserver l’acquisition de la nationalité aux étrangers ayant eu un ou des enfants français ? Tous les chibanis devraient être concernés.
Mme Michèle Delaunay. Je rappelle que les dispositions que nous avons adoptées concernant le versement de leur pension à ces retraités attendent encore leurs décrets d’application.
Mme la rapporteure. J’étais moi-même membre de la mission d’information présidée par M. Jacquat. Nous sommes ici à la commission des affaires sociales et nous traitons d’une question beaucoup plus large que la seule population des chibanis. Cet amendement n’intervient pas dans nos travaux de manière pertinente.
Reportons le débat à la discussion du texte en séance publique.
M. Denis Jacquat. Le sujet est d’une telle importance qu’il ne saurait souffrir de report supplémentaire. Nous parlons de personnes que nous sommes allés chercher, qui ont travaillé pour notre pays et qui y vivent dans la plus grande des tranquillités – en raison de leur âge, ils ne retournent même plus régulièrement dans leur pays d’origine. Nous réparerions nos oublis en légiférant enfin. Par ailleurs, je ne suis pas certain qu’une disposition de cette nature aboutirait si facilement dans un texte consacré à l’immigration qui ferait l’objet d’enjeux politiques très différents.
La publication du rapport d’information a donné un espoir aux associations de défense des intérêts des chibanis. Elles ont apprécié le travail du Parlement, et nous trahirions leur confiance en reportant une nouvelle fois nos débats sur un sujet pourtant consensuel.
Les amendements de M. Robiliard traduisent trois des quatre-vingt-deux propositions de notre rapport d’information. Même si nous les adoptions tous, il resterait encore soixante-dix-huit problèmes à régler.
M. Michel Issindou. Les chibanis sont plus français que beaucoup d’entre nous, personne ne le conteste.
Je trouve néanmoins assez étonnant que l’opposition insiste tant pour voter une disposition qu’elle n’a pas su mettre en œuvre pendant cinq ans.
Alexis Bachelay, rapporteur de la mission d’information que présidait M. Denis Jacquat souhaite rencontrer le Premier ministre pour l’interroger sur les suites à donner aux quatre-vingt-deux propositions émises il y a un an. Elles seraient sans doute traitées plus efficacement de façon globale et consensuelle plutôt que dans des textes épars.
M. Christophe Sirugue. Je crains que, contrairement au rapport de la mission d’information, un projet de loi consacré à l’immigration ne soit pas adopté à l’unanimité. Il me semble préférable de voter les mesures qui nous sont proposées aujourd’hui plutôt que de courir le risque réel de les voir repousser dans un contexte politique dans lequel les enjeux seront tout autre.
M. Jean-Patrick Gille, président. Cet amendement fait l’objet d’un large assentiment sur le fond. Toutefois, il me semblerait préférable de l’adopter en séance afin que le débat puisse avoir lieu dans l’hémicycle. La valeur symbolique de l’amendement serait davantage mise en valeur.
Par ailleurs, sur un tel sujet, mieux vaudrait sans doute prendre le temps de consulter la commission des lois.
M. Denys Robiliard. Si nous devions suivre votre raisonnement, monsieur Gille, les amendements les plus importants ne devraient plus être soumis à la commission au motif qu’ils mériteraient d’être adoptés en séance publique.
M. Jean-Patrick Gille, président. Vous déformez mes propos. Je raisonnais seulement en termes d’affichage. Si nous adoptons l’amendement aujourd’hui, le débat n’aura pas lieu dans l’hémicycle.
M. Denys Robiliard. Dans ce cas de figure, nous pourrions malgré tout en débattre dans l’hémicycle puisque, comme le suggère Joëlle Huillier, le dispositif que je propose pourrait être amélioré par voie d’amendement.
La présence de la disposition dans le texte présenté en séance publique ne serait pas dépourvue de portée, de même que sa présentation dans le rapport de notre commission.
L’amélioration de la situation juridique des chibanis aura un effet sur l’autonomie de ces derniers, dans la mesure où l’acquisition de la nationalité française et les dispositions relatives au regroupement familial leur faciliteront grandement la vie. Elles trouvent donc toute leur place dans ce projet de loi, qui concerne toutes les personnes vivant dans notre société, les Français comme les autres.
Mme la rapporteure. Les mesures proposées, j’insiste, ne concernent pas uniquement les personnes âgées. Par leur diversité et leur complexité, elles demandent un traitement approfondi et ne peuvent être traitées au coup par coup au cours de nos échanges.
Je suis évidemment favorable aux propositions de la mission d’information, puisque j’ai participé à ses travaux et cosigné le courrier demandant au Premier ministre de donner une suite à notre rapport d’information. J’estime, en revanche, que ces amendements ne concernent pas le seul vieillissement et qu’ils nécessiteraient une expertise plus poussée.
Cela dit, plutôt que d’attendre un projet de loi pour porter ces mesures, il serait peut-être judicieux de déposer une proposition de loi reprenant les recommandations de la mission d’information. J’encourage M. Jacquat, M. Richard, et tous nos collègues qui le souhaitent à agir en ce sens.
M. Arnaud Richard. Mme la rapporteure m’a convaincu. Nous devrions tous ensemble déposer une proposition de loi et la faire inscrire par l’un des groupes politiques à l’ordre du jour qui lui est réservé. Ce serait de meilleure méthode que de procéder bout par bout, et moins risqué que de passer par un projet de loi sur l’immigration avec des amendements qui auraient peu de chance de faire l’unanimité. Je ne voterai donc pas les amendements de M. Robiliard.
M. Gérard Bapt. J’ai d’abord pensé voter en faveur de l’amendement, car j’ai cru comprendre qu’il concernait des personnes à la retraite. Or il peut fort bien s’appliquer à des immigrés âgés de quarante-cinq ans. À défaut de la mention d’une limite minimale d’âge de soixante ans, je rallie la position de Mme la rapporteure.
Je suis par ailleurs surpris par l’enthousiasme manifesté par l’opposition sachant que M. Bruno Le Maire lançait hier sa campagne dans la presse pour la présidence de l’UMP en fustigeant la possibilité de donner le droit de vote aux étrangers aux élections locales.
La Commission adopte l’amendement AS102.
Puis elle examine l’amendement AS101 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Aux termes de cet amendement, un étranger qui a renouvelé au moins deux fois sa carte de résident obtiendrait une carte de résident permanent. La carte de résident est généralement délivrée aux personnes qui ont déjà obtenu un premier titre de séjour, et elle a une durée de validité de dix ans. En d’autres termes, l’amendement concerne des étrangers qui résident en France depuis au moins vingt ans et qui ne peuvent pas prétendre à la nationalité française ou qui ne souhaitent pas la demander. La disposition que je propose leur éviterait d’avoir à renouveler leur carte de résident tous les dix ans. Il s’agit aussi d’une mesure de simplification du point de vue des services des étrangers des préfectures : les renouvellements de titre de séjour leur prennent beaucoup de temps, et il serait préférable qu’ils se consacrent à l’examen de situations plus complexes.
Mme la rapporteure. Nous nous éloignons complètement de l’objet du texte : l’adaptation de la société au vieillissement. N’oublions pas que nous écrivons la loi et que celle-ci doit être cohérente ! Je comprends que vous souhaitiez adopter des amendements qui permettent d’améliorer certaines situations, mais on n’écrit pas la loi de cette manière. Avis défavorable.
M. Denis Jacquat. Je suis tout à fait favorable à cet amendement, ainsi qu’au suivant, pour les mêmes raisons que précédemment.
M. Arnaud Richard. Certes, nous ne devons pas attendre dix ans avant de promouvoir les droits des chibanis. Mais il conviendrait plutôt que les groupes politiques qui ont voté le rapport d’information sur les immigrés âgés déposent rapidement une proposition de loi sur ce sujet et l’inscrivent à l’ordre du jour d’une niche parlementaire. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme Bérengère Poletti. J’éprouve une certaine gêne : c’est un peu facile de faire appel aux bons sentiments des députés sur un sujet tel que celui-là. Pour ma part, je ne suis pas en mesure de me déterminer sur cette question que je ne connais pas. Nous manquons d’éléments : nous ne disposons d’aucune étude d’impact et cette discussion ne nous apprend pas grand-chose. La disposition proposée engage l’État et n’a que peu à voir avec l’adaptation de la société au vieillissement. Je n’ai pas voté en faveur de l’amendement précédent, non pas parce que j’y étais opposée sur le fond, mais parce que j’estime, à l’instar de la rapporteure, que ce n’est pas la bonne manière de procéder. J’adopterai la même position sur les amendements suivants.
M. Michel Issindou. Cet amendement est hors sujet, il s’agit même d’une sorte de cavalier législatif. Certes, ses auteurs posent les bonnes questions, avec les meilleures intentions du monde, et je ne souhaite nullement reporter ce débat indéfiniment. Mais, comme l’a indiqué la rapporteure, ce n’est pas le cadre approprié. La mission d’information sur les immigrés âgés a fait du bon travail, et son rapporteur doit rencontrer prochainement le Premier ministre afin d’envisager le dépôt d’un texte de loi.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement AS98 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Toutes mes propositions, je le rappelle, sont issues du rapport d’information sur les immigrés âgés ; elles n’avaient choqué personne à l’époque. Il est parfois nécessaire d’adapter le droit général pour améliorer la situation des personnes âgées. L’amendement précédent concernait des étrangers qui résident en France depuis plus de vingt ans, notamment des personnes âgées. Celui-ci vise plus spécifiquement des étrangers handicapés ou invalides, qui ne sont pas nécessairement âgés, mais chacun sait qu’il existe un lien statistique entre l’invalidité et l’âge.
Actuellement, le regroupement familial est soumis à une double condition : le demandeur doit justifier de ressources suffisantes, variables en fonction de la taille de sa famille – au minimum, un salaire au moins égal au SMIC sur douze mois –, et disposer d’un logement. Or les étrangers qui touchent l’allocation adulte handicapé (AAH) ou une pension d’invalidité ne satisfont pas nécessairement à ces exigences, quelle que soit leur ancienneté sur le sol français. Aux termes de mon amendement, la condition de ressources ne serait pas opposable aux demandeurs qui sont frappés d’un taux d’incapacité supérieur ou égal à 30 %.
Mme la rapporteure. Votre argumentation est précise et construite. Cependant, nous ne sommes pas la commission des lois. Le champ de la disposition que vous proposez est très large : elle s’appliquerait non seulement aux étrangers âgés, mais aussi à tous ceux qui souhaitent faire venir leur famille au titre du regroupement familial. Il est légitime de se saisir de cette question, mais pas dans le cadre de ce texte. En outre, nous aurions besoin d’une expertise plus approfondie. Avis défavorable.
M. Gérard Bapt. Je partage l’analyse de la rapporteure : cet amendement correspond certes à une préconisation du rapport cité par M. Robiliard, mais il ne concerne pas que les personnes âgées. La commission des affaires sociales ne peut pas introduire une telle disposition dans le projet de loi, sans que le sujet, fort vaste, du regroupement familial ait été envisagé en tant que tel. D’autre part, de quelles ressources disposeraient les personnes qui viendraient ainsi en France ?
M. Denis Jacquat. Lorsque le Gouvernement a décidé, il y a quelques mois, de présenter au Parlement un texte sur l’adaptation de la société au vieillissement, il a commandé des rapports préparatoires à trois personnes : M. Luc Broussy, Mme Martine Pinville et le docteur Jean-Pierre Aquino. Dans son rapport, M. Broussy a indiqué, noir sur blanc, que la question des chibanis devait être abordée dans le cadre de ce texte. Elle a donc toute sa place dans notre discussion.
Mme la rapporteure. Il est, bien sûr, nécessaire de traiter cette question, mais pas spécifiquement dans le cadre de ce texte. Ce n’est pas la bonne manière de procéder.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement AS99 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Comme le précédent, cet amendement vise à modifier l’article L. 411-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui traite du regroupement familial : la condition de ressources ne serait pas opposable aux demandeurs qui ont atteint l’âge de la retraite. Cette disposition s’appliquerait donc spécifiquement aux personnes âgées, ce qui répond à l’exigence posée par M. Bapt.
Contrairement à ce qui a été dit, ce sujet relève bien de la compétence de la commission des affaires sociales, et il appartient aux autres commissions de s’y intéresser si elles le souhaitent. Par ailleurs, il est arrivé que d’autres commissions adoptent des dispositions qui intéressaient notre commission sans nous consulter. Ainsi en a-t-il été de la loi qui a autorisé la vente des tests de grossesse en grande surface.
Le rapport d’information sur les immigrés âgés a été approuvé à l’unanimité il y a un an déjà, le 3 juillet 2013. Il est temps de mettre en œuvre ses préconisations.
Mme la rapporteure. Il appartient aux députés qui ont participé aux travaux de la mission d’information de formuler des propositions en ce sens. Je les encourage à le faire.
La Commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette également l’amendement AS100 de M. Denys Robiliard.
Article additionnel après l’article 28
(Art. L. 816-1 du code de la sécurité sociale)
Vérification de la condition d’antériorité de résidence pour bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées
Sur proposition de M. Denys Robiliard, avec avis favorable de la rapporteure, votre commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel qui modifie l’article L. 816-1 du code de la sécurité sociale afin de préciser que la vérification du respect, par un étranger, de la condition d’antériorité de résidence ouvrant droit à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), vérifiable par la détention pendant au moins 10 ans d’un titre de séjour autorisant à travailler, peut également être satisfaite au regard des périodes d’assurance pour la détermination du droit à pension de retraite, mentionnées à l’article L. 351-2 du même code.
Puis elle examine l’amendement AS271 du même auteur.
M. Denys Robiliard. Contrairement aux précédents, cet amendement ne reprend pas une des préconisations du rapport d’information sur les immigrés âgés. Il tend à modifier l’article L. 816-1 du code de la sécurité sociale, et relève donc incontestablement de la compétence de notre commission.
Pour percevoir l’ASPA, les personnes de nationalité étrangère doivent être titulaires depuis au moins dix ans d’un titre de séjour les autorisant à travailler. Or tout le monde ne conserve pas ses papiers, et il est parfois difficile d’obtenir des préfectures la copie de ses différents titres de séjour – qui autorisent désormais tous à travailler, à quelques exceptions près. Aux termes de mon amendement, le respect de la condition énoncée à l’article L. 816-1 pourrait être apprécié au regard des périodes d’assurance pendant lesquelles le salarié étranger a cotisé à une caisse de retraite. Si celle-ci a bien trace de ces cotisations, le salarié sera présumé avoir détenu un titre de séjour au cours de la période considérée, puisqu’il est légalement impossible de travailler et de cotiser sans un tel titre.
Mme la rapporteure. Cette disposition relève tout à fait de notre compétence. De plus, il s’agit d’une mesure de simplification administrative et de bon sens. Avis favorable.
M. Gérard Bapt. En faisant valoir que cette disposition s’inscrit bien dans le cadre du présent texte et qu’elle relève bien de la compétence de notre commission, M. Robiliard vient de reconnaître implicitement que tel n’était pas le cas de ses propositions précédentes. Je voterai en faveur de cet amendement.
M. Denys Robiliard. Je n’ai rien reconnu du tout !
La Commission adopte l’amendement.
TITRE III
ACCOMPAGNEMENT DE LA PERTE D’AUTONOMIE
Chapitre Ier
Revaloriser et améliorer l’allocation personnalisée
d’autonomie (APA) à domicile
Article 29
(Art. L. 232-3, L. 232-3-1 [nouveau], L. 232-4, L. 232-6, L. 232-7, L. 232-12, L. 232-14,
L. 232-15 et L. 232-18 du code de l’action sociale et des familles)
Diversification et amélioration des plans d’aide de
l’allocation personnalisée d’autonomie
L’article 29 modifie les dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) attribuée en cas de maintien à domicile d’une personne en perte d’autonomie.
Il s’agit en premier lieu d’améliorer l’évaluation du besoin de la personne et de simplifier l’utilisation de l’aide. Les dispositions législatives et réglementaires envisagées permettront en outre de modifier le plafond et le barème de l’APA dans le but de diminuer le reste à charge des personnes aux revenus modestes ou moyens et dont le plan d’aide est élevé.
Combinées aux suppléments d’aide au regard du besoin de remplacement d’un proche aidant, prévus par l’article 36 du projet de loi, ces mesures occasionneront une dépense supplémentaire de 375 millions d’euros en année pleine, intégralement financés par les recettes de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA).
1. Améliorer l’allocation en maintenant son caractère universel
Établi par l’article premier de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie, l’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que « toute personne âgée résidant en France qui se trouve dans l’incapacité d’assumer les conséquences du manque ou de la perte d’autonomie liés à son état physique ou mental a droit à une allocation personnalisée d’autonomie permettant une prise en charge adaptée à ses besoins ».
Cette allocation est définie dans des conditions identiques sur l’ensemble du territoire national. Elle est « destinée aux personnes qui, nonobstant les soins qu’elles sont susceptibles de recevoir, ont besoin d’une aide pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie ou dont l’état nécessite une surveillance régulière ». Il s’agit donc d’une allocation universelle, visant à financer la prise en charge des besoins en aide occasionnés par la perte d’autonomie.
L’attribution est prononcée par le président du conseil général après une évaluation des besoins réalisée par une équipe médico-sociale. Un plan d’aide définit la nature des prestations fournies ainsi que leur volume horaire : il s’agit d’aides humaines mais aussi d’aides techniques.
Cette prestation en nature est versée sans contrepartie de cotisation ni conditions de ressources, la prise en compte de ces dernières n’intervient que dans la modulation du montant effectivement versé par application d’un reste à charge.
Le montant attribué dépend d’un barème national tenant compte des revenus qui fixe le reste-à-charge de la personne aidée. Pour être exonéré de toute participation, les ressources mensuelles du demandeur doivent être 0,67 fois inférieure à la majoration pour aide constante d’une tierce personne soit 739,03 euros en 2014. Au-delà d’un seuil fixé à 2,67 fois le montant de cette majoration, soit 2 945,23 euros en 2014, la participation du demandeur au plan est maximale (90 % du plan d’aide utilisé depuis 2003). Entre ces deux seuils, il y a application d’une formule linéaire permettant de calculer le reste à charge.
En outre le plan d’aide est soumis à un plafond : au 1er avril 2014, celui-ci s’élève, pour une personne en GIR 1, à 1 312,67 euros, pour une personne en GIR 2, à 1 125,14 euros, pour une personne en GIR 3, à 843,86 euros et pour une personne en GIR 4 à 562,57 euros.
Une décennie après sa création, l’APA constitue un indéniable succès. Les modifications projetées par le présent article visent à pallier les manques qui font aujourd’hui l’objet de constats concordants, décrits par votre rapporteure dans l’exposé général du présent rapport : saturation des plans d’aides en raison de l’application du plafond ; inversement, sous-consommation d’une partie des plans d’aide en raison de l’application du ticket-modérateur ; enfin mauvaise définition du contenu du pan d’aide, insuffisamment personnalisé.
Mais les caractéristiques principales de la prestation sont maintenues : elle reste accessible, sans condition de ressources et, ouverte aux personnes en perte d’autonomie à partir du GIR 4.
2. L’évaluation multidimensionnelle du besoin
Lever les obstacles à une utilisation effective des plans d’aide de l’APA nécessite en premier lieu d’améliorer leur définition.
• Les nouvelles missions de l’équipe médico-sociale
Le 1° de l’article 29 précise à l’article L. 232-3 du code de l’action sociale et des familles que l’APA accordée à une personne résidant à domicile est affectée à la couverture des dépenses de toutes natures relevant d’un plan d’aide élaboré par une équipe médico-sociale sur la base d’une « évaluation multidimensionnelle».